SERMON CCCLIII
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SERMON CCCLIII.

AUX NOUVEAUX BAPTISÉS.

 

ANALYSE. — Trois avis : 1° soyez irréprochables dans vos rapports envers le prochain ; 2° soyez-le surtout dans le service de Dieu ; 3° souvenez-vous enfin que notre vie ressemble au voyage des Juifs dans le désert, et profitez des leçons que vous donne ce qui leur arriva.

 

1. En pasteur zélé nous adressons la parole au corps et à l'âme de tous ceux qu'embrasse notre sollicitude ; c'est vers vous toutefois que nous nous tournons spécialement aujourd'hui, vous qui venez d'être régénérés spirituellement et dont la tendre enfance brille encore de tout l'éclat extérieur que confèrent les sacrements. C'est à vous en effet, à vous surtout, que s'adresse en ces termes caressants la divine parole : « Ainsi dépouillés de toute malice et de toute fraude, des dissimulations, de l'envie, de la médisance, soupirez, comme des enfants qui viennent de naître, après le lait spirituel et pur, afin de croître pour le salut en vous en nourrissant, si toutefois vous avez goûté comme le Seigneur est doux (1) ». Or, c'est nous qui sommes témoins que vous

 

1 I Pierre, II, 1-3.

 

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l’avez goûté ; c’est nous qui vous servant de nourrice, vous avons présenté ce suave aliment. Profitez donc des avis qui vous sont donnés connue à des enfants consacrés à Dieu, dépouillez-vous de tout esprit de malice et de supercherie, de dissimulation et d'envie, de détraction enfin. Telle est l’innocence que vous devez garder et ne perdre jamais tout en grandissant.

Qu’est-ce que la malice, sinon le désir de nuire ? Qu’est-ce que l’adulation, sinon la tromperie qui résulte de fausses louanges? Qu’est-ce que l’envie, sinon la haine de la félicité d’autrui ? Qu’est-ce que la détraction, sinon le blâme inspiré par la méchanceté plutôt que par la vérité ? La malice met sa joie dans le malheur d’autrui; l’envie va jusqu’à souffrir du bonheur du prochain ; la fraude fait un cœur double ; l’adulation met deux langues dans la bouche ; la détraction porte atteinte à la réputation. Cette innocence que doit conserver votre sainteté, étant fille de la charité, « ne prend pas plaisir à l’iniquité, mais elle applaudit à la vérité (1) » ; elle doit être simple comme la colombe et One comme le serpent (2), non pour nuire, mais pour éviter celui qui cherche à nuire.

Ah ! pratiquez-la: « à ceux qui la possèdent appartient le royaume des deux (3)»; il appartient donc aux humbles, à ceux qui sont petits dans leur esprit. Ne les méprisez point, ne les repoussez point : cette petitesse est de la grandeur, au lieu que l’orgueil n’est que la fausse grandeur des âmes faibles, et une fois qu’il s’est emparé d’un homme, il le renverse en l’élevant, il le vide de tout mérite en l’enflant et le met en pièces en cherchant à le grandir. L’humble ne saurait nuire, impossible au superbe de ne nuire pas. Par humble j’entends ici, non pas l’homme qui veut s’élever en s’appuyant sur des avantages périssables, mais celui qui s’appuie sur la vérité pour aspirer à ce qui est éternel et pour y parvenir, non par ses propres forces, mais avec l’aide de Dieu. Comment cet homme voudrait-il du mal à qui que ce soit, puisqu’il n’y gagnerait rien ? Au contraire, le premier fruit de l’orgueil est l’envie. Or, comment être envieux sans désirer le malheur de celui dont le bonheur fait notre tourment ? C’est ainsi que l’envie produit la malice, laquelle produit à son tour la fraude, l’adulation, la

 

1 I Cor. XIII, 6. — 2 Matt. X, 16. — 3 Id. XIX, 14.

 

détraction et tous les attentats coupables qu'on ne veut pas ressentir de la part d’autrui. Voilà pourquoi, en conservant cette humilité religieuse que les saintes Ecritures représentent comme une enfance sacrée, vous vous assurerez l’immortalité bienheureuse : « A de tels appartient le royaume des cieux ».

2.    Celui qui n’est point orgueilleux en face des hommes doit être bien moins encore rebelle envers Dieu. En effet, si nul ne doit faire à autrui ce qu’il ne veut pas qu’on lui fasse à lui-même, et personne ne veut d’insubordination dans quiconque lui est légitimement soumis; ne faut-il pas beaucoup plus que chacun évite d’être envers Dieu ce qu’il ne veut pas que le prochain soit envers lui-même?

Combien se trompent par conséquent les hommes qui croient suffisant de ne faire à aucun homme ce qu’ils ne veulent pas que l’on fasse envers eux, et qui se plongent dans la corruption et la débauché jusqu’à faire envers Di.eu ce dont ils ne veulent pas pour eux ! Ils ne veulent pas qu’on souille leur demeure, et dans leur aveuglement déplorable, ils souillent en eux-mêmes la maison de Dieu, fermant l’oreille à ce cri de l’Apôtre : « Ignorez-vous que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous? Or, si «quelqu’un souille le temple de Dieu, Dieu le perdra ; car le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple (1) ». Que nul ne se fasse illusion. Comment donc ces malheureux croient-ils conserver leur innocence envers les autres hommes, quand ils se nuisent jusqu’à éloigner la présence de Dieu et appeler ses vengeances sur leurs têtes? Car en s’abandonnant, eu se prostituant aux plaisirs mauvais, non-seulement ils cessent d’être les temples de Dieu, mais encore ils deviennent des ruines où établissent leur séjour les esprits mauvais qu’ils se mettent à prier et à adorer; c’est ainsi, selon la parole sainte, que « leur dernier état devient pire que le premier (2) ».

Vous venez de recevoir une naissance immortelle ; aussi, de même qu’on vous a invités précédemment à réprimer les passions mauvaises et nuisibles qui font à autrui ce dont on ne veut pas pour soi ; ainsi, pour vous détourner des plaisirs honteux et coupables de la chair, des sacrilèges abominables qui ne paraissent pas offenser les hommes, puisqu’on ne leur fait pas alors ce qu’on déteste pour

 

1 I Cor. III, 16, 17. — 2 Luc, XI, 26.

 

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soi, mais qui en n’obéissant pas à Dieu, à qui tout est subordonné, font endurer au Seigneur des seigneurs ce qu’on ne veut pas endurer soi-même de la part du dernier des esclaves, un apôtre encore, saint Pierre, s’adresse à vous et vous dit : « Le Christ ayant a donc souffert pour nous en sa chair, armez-vous aussi de la même pensée ; car celui qui est mort en sa chair a cessé de pécher, en sorte qu’il n’y vit plus selon les convoitises des hommes, mais selon la volonté de Dieu. On a, en effet, accompli assez longtemps ce que veulent les Gentils, en s’abandonnant à l’impudicité, aux convoitises, aux excès du manger et du boire, au culte sacrilège des idoles (1) ». Oui, on s’est assez longtemps livré à des œuvres de boue, aux péchés, on a porté assez longtemps le joug des Egyptiens.

Dans la mer Rouge, c’est-à-dire dans le baptême Consacré par le sang du Christ, a déjà trouvé sa défaite le véritable Pharaon, ont déjà été submerges les Egyptiens : ne craignez rien de vos péchés passés, de ces ennemis qui semblaient vous poursuivre par derrière. Figurez-vous maintenant que cette vie est pour vous le désert que vous parcourez pour parvenir a la terre promise, à la Jérusalem d’en haut, à la terre des vivants. Ne dédaignez point la parole de Dieu, ce serait vous dégoûter de la manne, n’avoir aucune saveur dans le cœur, lequel est comme le palais intérieur. Ne convoitez point la nourriture des Egyptiens, pour murmurer contre les aliments célestes ; ne vous abandonnez pas non plus à la fornication, comme l’ont fait quelques-uns d’entre eux, et ne tentez pas le Christ comme plusieurs parmi eux l’ont tenté.

 

1 I Pierre, IV, 1-3.

 

Vous êtes altérés de la foi des Gentils ; mais vous trouvez dans la résistance comme l’amertume de ces eaux dont Israël ne put boire ; eh bien ! en imitant la patience du Seigneur, ces eaux s’adouciront comme si vous y aviez jeté le bois de la croix. Le serpent tentateur est-il parvenu à vous blesser ? Voyez le serpent mystérieux élevé sur la croix, c’est en quelque sorte la mort vaincue et traînée en triomphe dans la personne du Seigneur; ainsi le remède de la croix servira encore à vous guérir. Nouvel Amalec, l’ennemi s’élève-t-il devant vous pour vous fermer le passage? Etendez les bras avec une constance invincible, le signe de la croix parviendra encore à le dompter.

Soyez de francs et sincères chrétiens ; gardez-vous d’imiter ceux qui sont chrétiens de nom sans faire des œuvres chrétiennes. Je le répète et il faut le répéter souvent : « Vous avez assez longtemps accompli les volontés des Gentils ». Détestez, éloignez de vous ces chiens qui retournent à leur vomissement; détestez, ayez en horreur ces maisons purifiées et nettoyées où entrent ensuite sept esprits plus méchants, pour rendre le dernier état pire que le premier. Pour vous, ah ! conservez en vous celui qui vous a sanctifiés. « Nous vous ordonnons, nous vous prions », en effet, « de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu (1). — Assez de temps donné aux volontés de gentils ». Ecoutez aussi l’apôtre saint Paul : « Je parle humainement, à cause de la faiblesse de votre chair : comme vous avez employé vos membres au service de a l'impureté et de l'iniquité pour l’iniquité, ainsi employez-les maintenant au service de la justice pour votre sanctification (2) ».

 

1 II Cor. VI, 1. — 2 Rom. VI, 19.