Chapelle N-D du Vorbourg / CH-2800 Delémont (JU) / tél/fax + 41 032 422 21 41 |
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Semaine du Vorbourg
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"Appelés pour être envoyés"
Avec le Chanoine et Prévôt Claude DUCARROZ Il n'est plus à présenter! |
Dimanche 14 septembre à 16h00 Vêpres solennelles
Messes du Lundi au Samedi : Tous les matins 5h30 - 6h30 - 7h30 - 8h30 - 10h et le soir à 20 h (sauf le samedi).
Le prédicateur est présent aux célébrations d'ouverture et de clôture et aux messes de 8h30 - 10h00 et 20h00, à l'exception du Jeudi (prédicateur de langue allemande).
Confessions individuelles : chaque matin au Vorbourg de 7h00 à 10h00 et le soir dès 19h00
Horaires
Dimanche 14 septembre | 16h00 | Célébration d'ouverture |
Lundi 15 septembre | 20h00 | Unité Pastorale Saint-Germain : paroisse de Courrendlin |
Mardi 16 septembre | 20h00 | Unité Pastorale Saints Pierre et Paul : paroisse de Delémont |
Mercredi 17 septembre | 16h00 20h00 |
Bénédiction des enfants Unité pastorale Sainte Colombe : paroisse de Boécourt |
Jeudi 18 septembre | 08h30
10h00 20h00 |
Messe pour les francophones
Dekanat Laufental Abendmesse |
Vendredi 19 septembre | 20h00 | Ajoie, Clos-du-Doubs : Unité Pastorale Saint- GIlles, paroisses de Cornol et de Courgenay |
Samedi 20 septembre | 10h00 | Franches-Montagnes et Doyenné du Jura Bernois : Paroisse de Malleray-Bévilard |
Dimanche 21 septembre | 15h00 | Célébration de Clôture de la semaine |
Les Fêtes du Vorbourg se termineront le dimanche du Jeûne fédéral 21 septembre. La messe à 9 h 30 sera chantée par la chorale grégorienne et les vêpres de clôture à 15 h.
La Congrégation des dames de Delémont servira le petit déjeuner aux pèlerins matinaux après les messes du matin dès 6 h.
2 minutes de l'homélie en vidéo avi.
Evangile selon saint Marc, 3, 13-21
Attention ! C'est une opération délicate. Vous êtes là, chrétiennes et
chrétiens de ce beau Jura en automne, malgré les nuages, il y avait du beau
soleil tout-à-l’heure. Je vous félicite et je vous remercie.
Je ne suis pas sage-femme, ni un homme très sage, mais je voudrais vous faire
revivre -nous faire revivre- notre naissance. Notre naissance chrétienne, notre
naissance de disciples du Christ.
Presque comme pour notre conception humaine, je suppose, tout commence dans le
silence d'une nuit. Car l'évangéliste Luc précise : « Il sortit dans la
montagne... il passa la nuit à prier Dieu. »
Deux notations très importantes :
Jésus gravit la montagne, le lieu par excellence de la rencontre avec Dieu,
souvenez-vous, comme pour Moïse, sur le Sinaï. C'est un moment décisif, pour lui
et pour nous. Jésus doit consulter son Père. Il le fait dans la prière. Avant
chaque événement grave, Jésus prie le Père dans la solitude, et parfois toute la
nuit. On le voit par exemple avant son baptême ou avant la transfiguration. Et
bien sûr avant la passion, au jardin de Gethsémani.
Qui peuplait la prière du Christ, cette nuit-là ? Ses disciples, tous ses
disciples. Et donc nous aussi. Nous étions dans sa prière, au chaud dans son
intercession, comme dans un sein maternel.
S'il est permis de le dire : la prière de Jésus était enceinte de nous. Comme
chrétiens, nous sommes les enfants de cette prière qui nous a conçus dans
l'amour, d'un choix de prédilection.
Et voici la naissance, au petit matin. Nous sommes nés ce jour-là, de cette
volonté qui s'est transformée en appel. « Il appela ceux qu'il voulait... » et
c'était aussi nous, chacun de nous.
Sauf qu'il s'agit là d'une naissance à la vie de disciple, donc une invitation
certes pressante, mais pas contraignante. La naissance à la foi ne se fait pas
au forceps. Elle est un vibrant et tendre appel à notre liberté. Encore faut-il
entendre l'appel, et y répondre : « Ils vinrent auprès de lui. » Avons-nous déjà
fait ce pas ?
Une telle communion, ça ne s'impose pas. C'est un choix de vie, l'écho risqué et
amoureux, à une « vocation » comme on la nomme très justement. Un appel ! Et
pourquoi faire, me direz-vous ?
Le programme est là, dans nos mains baptismales. Rassurez-vous ! C'est
finalement très simple, mais suffisamment riche pour remplir un cœur d'homme et
de femme durant toute la vie, toute une vie, et même au-delà. Il y a deux
volets, vous l’avez entendu, comme une médaille à deux côtés : « Etre avec lui »
: c'est le côté pile, le premier, le plus important. Car cette compagnie est une
source de joie, la compagnie de Dieu lui-même, dans et à travers son Fils notre
frère, dans la communion de l'Esprit. Nous sommes invités à passer notre vie en
attendant l'éternité, en fréquentation trinitaire. Qui dit mieux ?
Mais attention ! On ne peut pas vivre seulement l'envers de la médaille. Il y a
le revers, inséparable, une autre compagnie, moins agréable parfois, mais tout
aussi importante : accepter d'être envoyés auprès des autres, là, en plein
monde, sans choisir les personnes à rencontrer pour les aimer. « Et pour les
envoyer... » dit l’Evangile.
Jésus n’est pas un égoïste qui chercherait, voyez-vous, à former une cour afin
de bavarder jusqu’à plus d’heure dans un cercle de petits copains et de grandes
copines. Quand il appelle pour que nous soyons avec lui, ce n’est pas pour nous
retenir dans une boîte à religion, c’est pour faire de nous des Apôtres ! Pour
un envoi ! Et il nous avertit, ce ne sera pas facile. Il nous envoie prêcher, il
nous faut aussi une parole si on veut annoncer un Evangile, une bonne nouvelle.
Je crois que les chrétiens ont encore quelque chose à dire aujourd’hui, mais il
faut aussi des actes, qui fassent reculer le mal. Et il risque bien d’y avoir
quelques bâtons dans nos roues apostoliques. Jésus appelle cela, chasser les
esprits mauvais. Pas de panique, bien sûr ! Le pouvoir nécessaire vient de lui.
Je vous ai donné le pouvoir autant dire que ça reste à notre portée puisque son
esprit est actif en nous. Et les voilà partis, les premiers disciples. Et nous,
derrière eux, et nous avec eux.
J’ai dit « les » au pluriel. Combien ? Ils sont douze comme les douze tribus
d’Israël. Qu’est-ce que ça signifie pour nous ? On va voir que Jésus appelle
personnellement, mais jamais individuellement. Chacun est appelé, comme c’est
pour faire une équipe. C’est ça l’appel ! Une équipe de douze ! On pourrait
ajoute après l’euro foot, une équipe de onze plus un entraîneur. Celui qui
voudrait partir en individualiste. Foncer tout seul dans son coin, ne
travaillerait pas au compte du Seigneur ! Il ferait peut-être une secte, ce ne
serai pas une Eglise, l’Eglise du Christ ! Il n’y a pas de boutique privée dans
la rue de l’Evangile. C’est une communauté qui assume la mission apostolique.
Est-ce à dire que ça devient un tas de cailloux apostolique, un conglomérat
ecclésial ? Pas du tout ! Et la suite le prouve. Ils sont douze, tous ensemble,
mais chacun est entièrement respecté, parce que chacun apporte ses charismes
propres qui enrichissent la communauté. Quelle diversité dans le premier groupe
apostolique. Au premier apôtre, Jésus donne un nouveau nom, pour signifier sa
mission unique. C’est asse violent, n’est-ce pas ? Simon doit devenir Pierre,
car Jésus veut bâtir son Eglise d’abord sur cette pierre-là, sur une foi solide,
même si, comme vous le savez, elle ne fut pas à l’abri de certains couacs.
Accepter une mission de la part de Jésus, ça peut changer beaucoup de choses
dans nos vies et bien plus que le nom. N’empêche que je m’émerveille, frères et
sœurs des diversités que Jésus parvient à intégrer dans le groupe. Il y a les
relations de famille. Car Jésus prend la motte humaine, avec la plante qu’il
repique. Il y a les frères de, les fils de… C’est toute la famille qui souvent
est embarquée avec l’appelé. Vous le savez bien, vous aussi. Plus étonnant,
Jésus assume aussi les défauts, car ils ne sont pas du tout parfait ces premiers
disciples. En somme, ils sont comme nous. C’est pourquoi nos défauts eux-mêmes
ne doivent rien empêcher dans notre apostolat. Ces boanergès, Jean et son frère
Jacques, c’étaient des fils du tonnerre, autrement dit, de sacrées soupes au
lait. Ca ne fait rien, il les prend quand même ! Et je note en passant, que
votre nouveau délégué épiscopal cumule les deux noms, Jean et Jacques. J’espère
qu’il ne sera pas trop bonaergès. Je le félicite. Tu as eu de la chance ! Vous
lui direz Mgr Boanergès ! Ils sera content (rire).
Et puis il y a un zélote. Ce n’était pas la fête du Peuple aujourd’hui ? Oui !
Les jurassiens, mieux que les autres, savent ce que ça signifie. Les zélotes
étaient des sortes de révolutionnaires on pourrait dire un peu les béliers de
Palestine, et même un peu plus. Ils avaient le projet de libérer leur patrie, en
ne faisant pas toujours dans la dentelle de la non-violence. Il y eut donc au
moins un disciple d'extrême gauche ! Un douzième, c'est pas mal, non ? Il y
aurait des groupements d’extrême gauche qui seraient contents ! Il s'appelait
Simon.
Toutes les sensibilités politiques -moyennant certaines conversion- sont
compatibles avec l'appel de Jésus. Et je sais qu'il ne manque pas de variété
dans le Jura.
Enfin, il y a Judas. Aussitôt, il est déjà précisé : « celui-là même qui le
livra ». Donc sa trahison n'a pas retenu Jésus de l'appeler. Il avait lui aussi
quelque chose à faire dans ce groupe. Ca signifie que personne parmi nous ne
peut se prétendre trop indigne, trop pécheur pour refuser d'entendre l'appel et
d'essayer de le suivre. C'est toujours la miséricorde qui appelle et non pas le
jugement. Nous n'avons aucune excuse. J'entends si souvent des gens qui me
disent : « je ne suis pas digne, je ne sais pas, je suis un pauvre pécheur ». Ce
n'est pas une excuse pour Jésus qui a appelé Juda!
Les voilà aussitôt à l'œuvre, car Jésus est pressé de passer aux actes. Il n'a
rien d'un théoricien.
Il entre dans une maison. Je note : il fait sa maison dans la maison de ses
amis. Il n'est pas à Nazareth, mais chez eux. Donc aussi chez nous...
et il s'y sent chez lui !
Et qu'est-ce qu'il trouve enfin ? Deux sortes de
publics bien différents.
D'abord une foule, le tout-venant de toutes les misères, la collection de tous
les besoins, physiques, moraux, spirituels. En somme, ce que nous sommes souvent
et ce que nous rencontrons tous les jours sur notre route. Des hommes, des
femmes, des jeunes, des enfants, qui manquent de quelque chose, parfois de
beaucoup, de tout. Ils manquent surtout de Dieu.
C'est clair : ils sont envoyés en priorité vers eux, pour eux, à cause d'eux.
Pas besoin de faire un dessin : les mêmes foules sont encore là aujourd'hui.
C’est peut-être cet après-midi, nous !
Et puis, plus étonnant, il y a la famille de Jésus. On n'ose pas imaginer qu'il
y ait Marie. Mais les siens, ceux de sa parenté. Et ils sont là pour se saisir
de lui, pour l'empêcher de continuer. On ne peut pas s'engager à la suite de
Jésus sans rencontrer l'opposition ou la critique, et parfois dans sa propre
famille, ou parmi ses proches. Il ne faut pas s'étonner de cela, quand ça nous
arrive. « Nul n'est prophète en son pays », disait Jésus un jour...
C’était à Nazareth, justement.
Et savoir que finalement, c'est assez juste, le diagnostic de ces opposants, les
siens : « il a perdu la tête. »
Jésus, l'Evangile, l'Eglise : ça reste quelque chose de fou dans notre société.
On nous taxe de folie, de déraison. Oui, il faut être un peu dingue pour être
chrétien aujourd'hui, vous le savez, vous le sentez sûrement. On est un peu des
fols en Christ, les dingues de Jésus.
Des dingues bienheureux, heureux d'être appelés, heureux d'être envoyés, heureux
de pouvoir répondre oui, comme Marie, à ces appels qui font vivre et qui donnent
la vie. Tant de vie !
Claude Ducarroz
«J'ai rendez-vous ! »
Peut-être les jeunes d'aujourd'hui emploient-ils d'autres mots, une autre
expression, pour dire la même chose. Mais je suis sûr qu'ils ont le même éclair
dans les yeux, la même palpitation dans le cœur, quand ils annoncent à leurs
copains ou à leurs copines leur premier rendez-vous.
La merveilleuse histoire de notre salut commence aussi par un rendez-vous, un
premier rendez-vous. Avec une femme, le rendez-vous de Dieu avec Marie de
Nazareth.
Pour lui apporter cette bonne nouvelle, c'est un ange qui a fait le facteur,
l'ange Gabriel.
Marie ne s'attendait pas à ce rendez-vous-là. Certes, elle connaissait les
promesses faites au peuple d'Israël pour le salut de toute l'humanité. Elle
partageait l'attente de son peuple qui espérait la venue d'un Messie à la fois
doux et fort. Mais que ça lui arrive à elle, elle ne l'avait pas imaginé. C'est
pourquoi elle est toute « bouleversée », comme dit l'évangéliste Luc à qui Marie
a probablement raconté l'événement. Cette annonce, cette surprenante
annonciation, rejoint Marie chez elle, dans son petit village perdu et ignoré,
car Dieu a plus d'un tour dans son amour. Il aime les petits, les humbles, et il
sait nous le montrer dès le départ de son histoire sainte avec nous. Le cadre
est très pauvre, mais la parole est très riche. Elle brille encore dans le ciel
de notre histoire comme un arc-en-ciel qui ne s'éteint pas : « Salut, comblée de
grâce, le Seigneur est avec toi. » Probablement, personne ne l'avait remarqué,
probablement Marie elle-même ne le savait pas encore : cette femme, la petite
servante de Nazareth est une « comblée de grâce », une toute sainte -disent nos
frères et sœurs d'Orient-, l'Immaculée Conception, dira plus tard
l'Eglise latine, une appellation confirmée par Marie à Lourdes il y a
exactement 150 ans.
L'appel est toujours une grâce. On ne s'appelle pas soi-même, on est appelé. Et
quand c'est par Dieu lui-même, ça ne peut être qu'un cadeau gratuit, gracieux,
une grâce justement. Toute troublée, Marie en prend conscience dans la finesse
toute féminine de sa foi. Tout le reste va s'enchaîner, mais attention ! pas
dans l'automatisme d'une mécanique surnaturelle, mais dans un dialogue avec une
partenaire infiniment respectée. Admirable délicatesse de Dieu quand il appelle
un humain -ici une femme- pour collaborer à l'accomplissement de ses desseins !
Au nom de Dieu l'ange la rassure : « Sois sans crainte, Marie... » Le dessein
est bien expliqué, avec des mots que Marie comprend puisqu'elle fréquentait la
parole biblique. Il reste cependant un grand mystère, car l'Amour qu'est Dieu
déborde toujours ce qu'on peut en imaginer, même le meilleur. Marie pose encore
une question, c'est son droit, elle est une femme intelligente, même si elle n'a
pas fait l'université. Une question de femme, évidente et simple : « Comment
cela va-t-il se faire puisque je suis vierge ? »
Et l'ange redonne des explications. Ou plutôt il conduit Marie par la main
jusqu'à l'orée du mystère, déjà avec une saveur trinitaire : Il y a la puissance
du Très-Haut, il y a l'ombre de l'Esprit, comme sur les eaux au matin de la
création, il y a le fruit annoncé, qui va passer par elle, en elle, pour mûrir
avant d'éclore : il sera à la fois -ô merveille- le Fils de Dieu et le fils de
sa chair et de son cœur. Comment dès lors ne pas dire oui à un tel appel ?
Encore faut-il, au-delà de cette maternité bienvenue, signer l'événement par un
immense acte de foi qui va changer le cours de notre histoire : « Voici la
servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole. »
Elle était une petite servante à Nazareth, elle devient l'appelée à la maternité
divine, la mère de Jésus.
Elle va sentir, dans son ventre de femme, grandir son enfant, l'enfant de
l'amour du Père pour nous, et l'enfant de son sang et de sa foi. Mais comme
d'habitude quand il s'agit de Dieu dans nos vies, une fois appelée, Marie ne va
pas restée tranquille bien longtemps. Déjà à l'annonciation, quand l'ange lui
révéla ce qui était arrivé à sa cousine Elisabeth - la stérile désormais
enceinte-, Marie comprit que l'appel de Dieu pour elle contenait aussi un envoi
vers d'autres. Car toute annonciation est aussi un envoi, c'est la logique de
Dieu quand il s'agit d'aimer, après avoir découvert son amour. Et puis
maintenant, elle est habitée, il y a un divin « plus » en elle, ils sont deux,
même si le petit est encore tout petit, seulement révélé à Joseph pour le
moment.
Même quand il est encore invisible, puisqu'il est déjà là, Jésus ne laisse
personne en paix, et surtout pas sa mère, appelée à vivre avec lui une communion
quasi eucharistie de neuf mois. Il est déjà tout remuant, le petit de Dieu et le
petit de Marie, et d'abord dans le cœur de sa mère. Elle part, « rapidement »,
note l'évangéliste Luc, car elle est pressée à la fois de raconter ce qui lui
arrive à la famille qu'elle aime, et de rendre quelque service bienvenue à
Elisabeth, cette femme enceinte dans son âge avancé. Tout le programme de
l'évangile est déjà là, en acte : annoncer l'évangile et se dépenser dans la
charité.
Le résultat ne trompe pas. Quand Jésus, encore embryonnaire, agit à travers
quelqu'un de disponible, c'est un échange de bonheur, de béatitudes : « Tu es
bénie entre toutes les femmes... le fruit de tes
entrailles est béni.. .l'enfant tressaille d'allégresse.. .heureuse celle qui a
cru. » Oui, que du bonheur !
Alors, il faut le chanter, pour que tant de grâces deviennent une magnifique
action de grâces. C'est le Magnificat, justement, le chant biblique de toutes
les libérations, et d'abord en faveur des humbles, des
petits, des affamés, de tous ceux qui sont les grands privilégiés de l'amour de
Dieu.
L'expérience de Marie, toute proportion gardée, est aussi la nôtre. L'appel nous
a été adressé une première fois par le don de la vie, qui a aussi commencé dans
le sein d'une femme, notre mère. Nos mères n'ont-elles pas toutes quelque chose
du visage de Marie ? Et puis nous avons été appelés personnellement, chacun par
son nom, au jour du baptême. Ce jour-là, notre nom a été inscrit définitivement
avec celui de Jésus dans le cœur de Dieu, ineffaçable. Ce fut un appel en forme
d'envoi, comme nous l'a rappelé notre confirmation, la confirmation de notre
baptême qui nous a transformés en témoins de l'Evangile, en messager de cette
bonne nouvelle dans le monde, en membres plus actifs de la communauté
chrétienne.
Et puis -y avez-vous songé ?- à chaque communion, nous sommes un peu dans la
situation de Marie. Nous sommes visités par Jésus, nous sommes habités par lui.
Il est un peu en nous -même si c'est brièvement- comme il était en elle, tout
petit -un morceau de pain-, tout humble, invisible mais réellement présent. Il y
a quelque chose de mariai dans chaque eucharistie. D'ailleurs celui que nous
recevons alors, qui est d'abord le fils de Dieu fait chair, est aussi le fils de
Marie, qui n'est jamais très loin.
Alors, s'il vous plait, ne manquons pas la Visitation, autrement dit l'envoi. Il
y a tant de visites à faire, par la prière, par les services, par la solidarité,
par l'évangélisation, tout près de nous -dans le quartier, dans la paroisse- ou
au loin, jusqu'au bout du monde, suivant les circonstances et les vocations.
Oui, des visites à transformer en visitations, parce que Jésus est avec nous,
comme il fut en Marie, pour partager des bonheurs, pour soutenir des malheureux,
et finalement pour provoquer des Magnificats, ces rendez-vous de la vraie joie à
portée de cœur, à portée de main
Claude Ducarroz.
Y a-t-il des cascades dans votre beau Jura ? Je n'en connais pas, mais
peut-être allez-vous m'en faire découvrir l'une ou l'autre. La cascade est le
symbole d'une vie pressée de se répandre, l'eau qui court en enjambant tous les
obstacles, pour aller son chemin et accomplir son œuvre.
Il y a quelque chose de cela dans l'évangile que vous venez d'entendre. C'est
une suite d'appels en cascade, un torrent de rencontres décisives, une contagion
de vocations.
Tout commence avec Jean-Baptiste, lui-même un appelé dès le sein de sa mère. Il
avait constitué son petit groupe de disciples, et tout allait bien pour lui.
Jusqu'au jour où un autre a passé par là. « Posant son regard sur Jésus qui
allait et venait », il dit à ses amis : « Voici l'Agneau de Dieu ». Et tout a
basculé pour eux : « Entendant cette parole, ils se mirent à suivre Jésus. »
Ne sommes-nous pas tous, d'une manière ou d'une autre, les enfants d'une parole
semblable -celle de nos parents peut-être, de tel prêtre, de telle religieuse,
de telle catéchiste- qui nous a mis sur la piste du Christ ?
Mais le plus important se passe toujours dans une certaine intimité, entre Jésus
lui-même et celui ou celle qui se met à le suivre. Ah ! ces regards, qui
précèdent toujours les paroles, parce qu'il s'agit d'abord d'amour. Jésus se
retourne - c'est même le mot de la conversion-, il les voit, il les envisage. Et
la Parole majuscule risque alors une première parole. Pas une affirmation, mais
une question : « Que cherchez-vous ? » Pas une grande déclaration, mais un
intérêt tout simple, qui les rejoint là où ils sont. Comme nous en somme, en
recherche de quelque chose qu'on a de la peine à décrire.
Et la rencontre s'accélère, dans ce face à face merveilleux : « Où demeures-tu
?» Ils ont envie de le mieux connaître en le fréquentant. « Venez et voyez » :
l'invitation à faire l'expérience d'une amitié avant de définir une
personnalité. « Ils virent où il demeurait et ils restèrent auprès de lui ».
C'est ça, un disciple, un chrétien : quelqu'un qui a fait l'expérience de Jésus,
et combien il fait bon demeurer auprès de lui, avec lui. On pourrait appeler
cela une communion.
Et la cascade va continuer, inexorablement.
L'un de ces deux, André, va alerter son frère Simon et le conduire à Jésus. Oui,
celui qui allait devenir Pierre a été évangélisé par son frère, même si c'est
toujours, finalement, la rencontre avec Jésus qui va faire la différence.
Et puis tout à coup, c'est Jésus lui-même qui devient l'évangélisateur. A
Philippe, il dit, en direct, « Suis-moi. » Mais une fois appelé, ce Philippe va
aussitôt prolonger la cascade. Il répercute l'appel -avec les mêmes mots « Viens
et vois »- chez son ami Nathanaël, un sceptique celui-là, on pourrait dire « un
dur à cuire », qui estime que rien de bon ne peut sortir de Nazareth. Et là
encore, la rencontre immédiate avec Jésus va tout dénouer, au point que ce
Nathanaël va proclamer, avant tous les autres, la foi de l'Eglise : « Maître,
c'est toi le Fils de Dieu, c'est toi, le roi d'Israël. »
Bien sûr, à cette belle galerie de portraits d'évangélisateurs, il faudrait
ajouter Paul de Tarse, bouleversé sur le chemin de Damas, qui va devenir un
apôtre de feu, un propagateur de l'Evangile, plus que tous les autres, alors
qu'il n'a jamais rencontré le Christ de son vivant, lui qui peut aller jusqu'à
dire: « Annoncer l'Evangile est une nécessité pour moi. Oui, malheur à moi si je
n'annonçais pas l'Evangile. »
Tout cela veut nous rappeler plusieurs choses importantes. L'Evangile, c'est
comme l'eau de la cascade. D'ailleurs Jésus, en rencontrant la Samaritaine
auprès d'un puits, a comparé cette bonne nouvelle à une eau devenue dans le cœur
du croyant « une source d'eau jaillissant en vie éternelle ». Et à ce même
croyant, qui boit l'eau de l'Esprit -celui de notre baptême-, Jésus promet : «
De son sein couleront des fleuves d'eau vive. »
Un chrétien, c'est celui qui est entraîné par le Christ dans la logique de cette
cascade. Abreuvé par l'eau de l'Evangile, baigné dans l'Esprit de Jésus, le
chrétien reçoit de ce même Jésus l'eau qui coula de son coeur ouvert, une
abondance de grâces. Il ne peut pas ensuite ne pas devenir un « porteur d'eau »,
quelqu'un qui donne soif de cette eau-là, un médiateur de la rencontre avec le
Christ qui peut et veut dire à tout homme : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne
à moi et qu'il boive ! Quiconque boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus
jamais soif. »
L'histoire des premiers apôtres nous rappelle ceci : quand on a bu à la source
du Christ, on ne peut pas ne pas souhaiter que d'autres aussi, que tous
finalement, viennent y boire à leur tour. On ne peut que se mettre au service de
cette rencontre infiniment désaltérante, la soif humaine qui rencontre enfin
l'océan de l'amour. Bien sûr, Jésus peut aussi appeler en direct ceux qu'il
choisit. Mais le plus souvent, le contact se fait par d'autres que lui. qui
conduisent un ami vers lui. Après quoi, Jésus s'en occupe, car nous ne sommes
pas là pour nous mettre à notre compte et fonder un club autour de nous. Ce
n'est pas cela, l'Eglise. Nous sommes là pour mettre la prise, si je puis dire,
et le plus important, c'est ensuite le courant qui va passer directement entre
Jésus et l'appelé, pour le bonheur de tous les deux, et aussi le nôtre
évidemment.
Ainsi donc l'évangélisation est une œuvre magnifique -conduire quelqu'un vers
Jésus-, mais en même temps une démarche très humble, désintéressée, gratuite. On
abandonne toujours aux pieds de Jésus, et surtout dans son cœur à lui, celui ou
celle qui nous tient à cœur à nous.
Je trouve que l'eau vive de l'Evangile est devenue un peu trop une eau stagnante
dans nos institutions, de nos jours, alors qu'elle doit couler pour irriguer la
vie, renouveler l'Eglise, transformer la société. Nous sommes un peu dans les
marais de nos habitudes, de nos conforts ou de nos résignations, au lieu de
prendre le risque des rivières et même des cascades.
Evangéliser, c'est aller à la rencontre de n'importe qui, oser lui parler de l'Evangile,
de Jésus, de la foi, mais après lui avoir montré de l'amour et après avoir prié
l'Esprit de Jésus. En fonction de ces deux attitudes préalables -
l'amour et la prière-, rien ne doit nous empêcher- tout, au contraire,
doit nous encourager- à devenir au moins un peu ce qu'était l'apôtre Paul en des
temps aussi difficiles que le nôtre : « Libre à l'égard de tous, je me suis fait
le serviteur de tous afin d'en gagner le plus grand nombre pour le Christ. »
Dans nos familles, dans nos milieux de travail, dans nos loisirs, dans nos
quartiers, dans les médias et les nouveaux moyens de communication, Jésus va et
vient comme à Béthanie au-delà du Jourdain.
Et si c'était toi, aujourd'hui : Jean, André, Simon, Philippe, Nathanaël.
« C'était quatre heure du soir. Ils virent où il demeurait et ils restèrent avec
lui. »
Claude Ducarroz
Il est temps, il est grand temps de passer de l’âge du bronze à l’âge du
faire.
Mais attention ! tout est dans l’orthographe. L’âge du bronze, celui qui
consiste à se bronzer sur des chaises longues – à moins que ce soit couché dans
le sable- au soleil des vacances …, pour passer à l’âge du faire, je veux dire
FAIRE. Autrement dit : finie la sieste, au boulot ! Mais pas n’importe comment.
C’est un peu ce que dit l’apôtre Paul à ses paroissiens de Corinthe. Dans
cette jeune chrétienté, très minoritaire au cœur d’une grande ville païenne, les
nouveaux convertis ont rapidement succombé à plusieurs tentations.
Les uns, qui croyaient la fin du monde toute proche, se laissaient aller au
farniente spirituel, délaissant leurs occupations et quittant leurs engagements,
pour attendre béatement –on pourrait même dire bêtement- le prochain retour du
Seigneur.
D’autres, hyperactifs, suivaient leurs inspirations personnelles et s’adonnaient
à leurs fantaisies plus ou moins apostoliques, dans un beau désordre qui frisait
l’anarchie. Ça allait vraiment dans tous les sens, au point de constituer une
Eglise cacophonique plutôt que symphonique.
Heureusement, l’apôtre est là pour remettre l’Eglise au milieu du village ou,
si vous préférez, recadrer les effervescences de l’Esprit.
Il s’adresse à des baptisés, -qu’il appelle « désaltérés par l’unique Esprit
»- donc aussi à nous, qui sommes, au départ, dans le même contexte que ces
Corinthiens, les uns trop indolents, les autres trop turbulents.
Un rappel d’abord, qui doit nous rendre humbles, mais aussi pleins de confiance
et de dynamisme.
Tous ces dons spirituels, ils ne viennent pas de nous. Ils sont les fruits de
l’Esprit.
Toutes ces fonctions dans l’Eglise, elles ne sont pas des inventions de la
démangeaison humaine. Elles manifestent la richesse du même Seigneur.
Toutes ces activités ne sont pas des performances à nous. Elles proviennent du
même Dieu qui agit en tous.
Vous aurez remarqué : les racines de la vie ecclésiale, dans la variété de
leurs efflorescences concrètes, sont une signature de la Trinité, à l’œuvre dans
le cœur et l’existence des croyants.
Et la conclusion s’impose, qui doit encourager les paresseux tout en remettant
en questions les orgueilleux : « Celui qui agit en tout cela, c’est le même et
unique Esprit qui distribue ses dons à chacun selon sa volonté. »
Encore faut-il préciser à quoi servent tous ces charismes, dont l’apôtre
dresse la liste- non exhaustive- au coeur de sa lettre.
Ils sont accordés gratuitement, mais aussi généreusement, pour édifier le Corps
du Christ, à savoir « faire Eglise », autrement dit une communauté organisée, et
non pas du « n’importe quoi » religieux, un corps articulé en la diversité de
ses membres, « car chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de
tous ».
Ces rappels sont éminemment d’actualité.
Notre Eglise, y compris dans le Jura, si je suis bien renseigné, est en pleine
restructuration. Elle redistribue les cartes des fonctions et des activités. Les
circonstances font qu’elle doit « re-faire corps », mais autrement.
La première tentation, par nostalgie ou par facilité, c’est de dire : Moi, je ne m’y retrouve plus, je n’ai rien à donner, je n’ai plus rien à y faire. Je me réfugie dans une religion individualiste, je deviens un pur consommateur de piété ou d’habitudes religieuses.
Or, pour l’apôtre Paul, c’est clair : chaque chrétien, parce qu’il a été baptisé dans l’unique Esprit pour former un seul Corps, a quelque chose à offrir, à donner et finalement à faire, dans cette Eglise en plein chantier de construction ou de restauration. Evidemment, si je dis d’avance que je ne sais rien faire, que je ne peux rien apporter, que je suis nul -fausse humilité !-, alors rien ne se passera non plus, et des pans entiers de la vie communautaire tomberont en jachère, le début de la désertification ecclésiale, en attendant le coma religieux.
Tu attends beaucoup de l’Eglise, c’est bien. Mais l’Eglise, c’est aussi toi,
avec beaucoup d’autres, ou alors ce sera bientôt…personne. T’es-tu demandé
sérieusement ce que tu peux apporter à ton Eglise, à ta paroisse, à un mouvement
chrétien travaillant dans la société, pour que l’Evangile continue sa course en
ce monde, pour que l’Eglise survive –et si possible vive- aujourd’hui encore, et
bientôt demain ?
Pas besoin de faire un dessin. Dans le contexte actuel, avec le manque de prêtres et la raréfaction des religieuses et religieux,–certes très regrettables et même inquiétants-, il faut cesser de rêver. L’avenir du christianisme chez nous, à vues humaines, est d’abord dans les mains des laïcs, hommes et femmes, et même, semble-t-il, davantage femmes que hommes.
C’est l’occasion de dire un immense merci à celles et ceux qui, avec les
talents qu’ils ont reçus, les font fructifier de multiples manières dans
l’animation de nos communautés, dans les services d’Eglise, dans le témoignage
chrétien courageux, « à cause de Jésus et de l’Evangile ».
Mais il en faudrait encore davantage. Car ils sont encore trop nombreux, celles
et ceux qui, sous prétexte qu’ils n’ont peut-être reçu qu’un seul talent, sont
allés l’enfouir dans la terre de la passivité ou de la résignation triste, au
lieu de l’investir dans la banque des béatitudes en actes, que ce soit au cœur
du monde, que ce soit dans les initiatives dynamiques d’une l’Eglise en quête
d’un nouveau souffle.
Comme je voudrais que ces chrétiens, un peu découragés ou déprimés, entendent
l’invitation du Seigneur : « Très bien, serviteur bon et fidèle. Tu as été
fidèle pour peu de choses. Je t’en confierai beaucoup, entre dans la joie de ton
maître. »
Après un tel appel, assorti d’une telle promesse de bonheur –la joie du
maître en nous-, n’avez-vous pas envie –une envie qui vient du dedans de
vous-mêmes, d’une inspiration de l’Esprit- de passer du bronze au faire ?
Oui, de goûter le bonheur des semailles en Eglise, en attendant la joie de la
moisson dans le Royaume des cieux !
Claude Ducarroz
10 minutes avant la bénédiction des enfants, une joyeuse animation:
Après la Messe de 7h30, en remontant dans sa voiture, un pèlerin est retourné vers le Seigneur. Prions pour son épouse et sa famille. Quelle émotion pour moi de donner les sacrements en urgence 5 minutes avant de célébrer l'Eucharistie pour une chapelle pleine... Grâce d'état.
Homélie pour les francophones pour la Messe de 8h30
« La Vierge Marie Source de Lumière et de Vie »
Frères et Sœurs,
Vous connaissez saint Bernard, comment peut-on oublier l’ancienne Abbaye de
Lucelle près de chez nous ? On a transféré la relique de Saint Bernard de la
petite église se trouvant côté Suisse récemment, de l’autre côté de la
frontière, sur France. Saint Bernard aimant beaucoup Notre-Dame, on lui aurait
bien volontiers accordé l’asile ici. Peut-être avez-vous remarqué, près de
l’autel du Saint- Sacrement cet ex-voto. Il représente un groupe de cisterciens
de l'ancienne Abbaye de Lucelle et parmi eux, le Père Marcel Moreau qui raconte
dans ses mémoires la fin de son monastère. Pour la petite histoire, son frère
passa du service du Prince-Évêque à celui de la Révolution : Président du
tribunal Révolutionnaire, député du Haut-Rhin, etc... Mais ce n’est pas notre
sujet. Saint Bernard a écrit une très belle homélie sur Marie, intitulée
l’Aqueduc. Le chanoine Ducarroz, nous a demandé légèrement taquin, s’il y avait
des chutes dans le Jura. Bon du côté du Jura Neuchâtelois et Vaudois, avec
notamment le saut du Doubs, il aurait été plus prudent. Les chutes sont plus
modestes sur notre morceau de Doubs et ses chutes justement… Il y en a également
une petite sur le barrage de la Birse. A Develier, la Golatte fait quelques
petits sauts comme ça... Nous savons qu’un aqueduc, s’il n’est pas l’eau qu’il
conduit, la conduit avec douceur, pour conduire l’eau le plus loin possible avec
une pente minimale.
« Notre aqueduc, Notre-Dame, dit Saint Bernard, ne monte pas jusqu'à la source,
ne pénètre pas les cieux seulement par la prière, il y entre aussi par l'absence
de toute corruption : or la parfaite pureté approche l'homme de Dieu (Sap. VI,
20). » Oui, elle était sainte de corps et d'esprit, ne doutez point qu'en cela
il ait rien manqué à cet aqueduc. » C’est par sa sainteté que Marie est proche
de Dieu.
La Vierge Marie est source de lumière et de vie. Le pape nous a rappelé aussi à
Lourdes qu’elle est l’Immaculée Conception. La lumière doit donc passer à
travers elle sans difficulté.
Elle est si proche de Dieu serions-nous tentés de dire, que pour elle, ce n’est
pas aussi difficile que pour nous. Est-ce juste ? Son oui à Dieu de tous les
jours, est-ce que cela est moins pénible que de dire oui, en étant pécheurs ?
Peut-on parler de Marie en nous plaignant, non pas directement, mais un peu par
la bande qu’elle ne soit pas apparemment comme nous.
Une petite phrase de Saint Bernard nous donne un début de réponse : « C'est du
plus intime de nos coeurs, du fond même de nos entrailles et de tous nos voeux
que nous devons honorer la vierge Marie, c'est la volonté de celui qui a voulu
que tout nous vint par Marie. »
La réponse la plus classique des anciens lorsque les choses deviennent moins
facile, devant Marie et notre thème : « Appelés pour être envoyés » est celle de
Nicodème au Seigneur : « Comment est-il possible de naître quand on est déjà
vieux ? »
Lorsque Jésus annonce qu’il faut renaître, naître de l’eau et de l’Esprit,
quelles pensées jaillissent en nous ? Peut-être celle-ci : « Ca y est encore des
changements, qu’est-ce qu’il va encoure nous faire et nous faire faire. » Est-ce
qu’il aurait prévu un nouveau plan pastoral ?
Et puis, Jésus ne dit-il pas d’ailleurs que l’on ne met pas de vin nouveau dans
de vieilles outres, sinon ce dernier les fait éclater et tout est perdu. La
comparaison n’est pas extraordinaire, mais il faut s’habituer à tout. Il nous
parle comme un rédemptoriste de la belle époque ! Plus loin il dit encore que
coudre une pièce ancienne sur une neuve, provoque des dégâts irréparables.
C’est vrai, il est difficile de changer, passé un certain âge, regardez par
exemple ces téléphones portables. Il faut les emporter, les déplacer sans arrêt,
on est dérangé, il y a des petites touches qui sont si petites qu’on ne peut pas
appuyer sur une d’entre elles sans passer en revue tout l’annuaire. On n’arrive
pas lire et puis il y a tout ces machins électroniques, ces ordinateurs et ces
sons que certains appellent musiques, bref nous voilà sur « fréquence râleur ».
Côtés plus jeunes, c’est un peu différent, les rengaines sont connues : il faut
répéter aux anciens cinquante mille fois la même chose, ils n’y comprennent
rien. Nous, on sait ! Pour certaines choses c’est vrai, ils sont très forts,
mais par pour tout ! Et le Saint-Esprit ? Pour ce qui concerne les choses de
Dieu, les affaires de mon Père disait le Seigneur, c’est pas toujours fabuleux…
Y aurait-il une panne de Saint-Esprit ?
Sentirait-on poindre quelques velléités de murmures : C’est vrai, à la fin,
qu’est-ce qu’il veut le Seigneur ? Qu’est-ce qu’il se veut. Qu’est-ce qu’il nous
veut ? Il nous en veut ? Non ! Il nous veut !
Il nous veut parce que le Père nous veut, il veut arracher de nous ce qui nous
sépare de Dieu et transmettre sa lumière. Il nous dit aujourd’hui regardez
Marie, regardez ma Mère, prenez-là chez vous et écoutez-là.
Marie est l’Immaculée Conception, elle a été jeune, elle a été maman puis veuve,
elle a perdu son Fils, mais il est ressuscité ! Et elle est devenue âgée ! Ne
l’oubliez pas, ce n’est pas une jeunette qui a fait son Assomption. Si
maintenant elle a retrouvé son éternelle jeunesse, elle a été âgée. Après la
résurrection, sa mission elle l’a accomplie et poursuivie dans sa prière et par
sa prière. Là personne ne peut dire que c’est chose impossible. Si vous ne
pouvez rendre d’autre service, rendez celui de la prière ! Il est très
important. Dans les Actes des Apôtres, nous avons entendu dire que ceux qui se
convertissaient se faisaient baptiser pour obtenir le pardon de leurs péchés.
Ils étaient assidus à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à
participer aux prières. Voilà le programme de l’unité pour soi et entre toutes
les générations. Elle est dans le Christ.
Marie nous apporte le Christ, elle nous apporte donc la Lumière, elle nous
apporte l’Unité, elle est entièrement habitée par l’Esprit-Saint. Avec Marie
partons à la recherche de Dieu.
« Cherchons la grâce, dit Saint Bernard, mais cherchons-la par Marie, attendu
qu'elle trouve ce qu'elle cherche, et qu'elle ne peut être frustrée dans ses
désirs. Oui, cherchons la grâce, mais la grâce auprès de Dieu, car la grâce qui
n'existe qu'aux yeux des hommes est trompeuse. Que d'autres recherchent le
mérite, pour nous, mettons tous nos soins à trouver la grâce. Eh quoi, en effet,
n'est-ce pas à la grâce que nous devons d'être ici? » Cette grâce demandez-là
pour l’Eglise chez nous. Marie est source de vie, elle nous apporte la vie et
nous dit ; Voici mon Fils, écoutez-le ! Amen !
ITh 2,1-20 et Lc 9,51-62
Comment allez-vous ? Comment ça va ?
D’habitude, on répond machinalement : « ça va, ça va ». Ou « ça pourrait aller
mieux, mais ça va ». Ils sont plutôt rares, celles et ceux qui osent l’avouer :
« Non, ça ne va pas », parce qu’il faut alors s’expliquer, dire pourquoi. Et
finalement, ça ne regarde pas nécessairement ceux qui nous ont posé la question…
ou peut-être, on n’a tout simplement pas envie de le leur dire.
Et si je posais maintenant la question à l’Eglise, à notre Eglise ? Concrètement, à vous, les chrétiens qui êtes ici « Comment ça va ? » Que répondriez-vous ? Je devine qu’une proportion non négligeable répondrait : « Ca ne va pas très bien, quand on voit ce qu’on voit, quand on entend ce qu’on entends, on n’a pas le moral. »
Eh ! bien, eux non plus, ils n’avaient pas le moral, les disciples qui
revenaient d’une tournée d’évangélisation dans un village de Samaritains où
Jésus avait commis l’imprudence de les envoyer « comme des messagers au devant
de lui ». Leur réaction ? Ordonner au feu du ciel de descendre sur ces
récalcitrants et de les détruire. Il y a toujours quelqu’un pour penser que
c’est de leur faute et que, par conséquent, il faut les punir et, pourquoi pas ?
les exterminer.
Heureusement, ce n’est pas la solution de Jésus, qui a un tout autre état
d’esprit : il n’est pas pour les solutions de violence ou de représailles. Après
tout, s’il n’est plus possible de faire du bien ici, on peut toujours aller
ailleurs, « et ils partirent pour un autre village ».
L’important, c’est de continuer le voyage, de toujours redonner à l’Evangile une
nouvelle chance, de persévérer dans le témoignage pour le Christ, sans jamais se
décourager, sans jamais se lasser.
Il en est un autre qui aurait eu toutes les raisons de renoncer à sa vocation, d’abandonner la lutte. C’est l’apôtre Paul qui, à Philippes, a enduré des souffrances et des insultes. A Thessalonique même, ce furent de grandes luttes. Il ne la menait pas large, mais il a tenu bon. Pourquoi tant d’entêtement à poursuivre son ministère malgré tant d’épreuves accumulées sur sa route ? Un seul mot explique tout : l’évangile. En quelques lignes, il en parle cinq fois. Voilà ce qui le motivait, au point de le rendre si vaillant dans sa passion pour le Christ. Dieu lui ayant confié l’évangile, il ne pouvait pas reculer.
Frères et sœurs, y avez-vous songé ? Si nous sommes là aujourd’hui, et
j’espère heureux d’être des chrétiens, même si nous demeurons imparfaits, c’est
à cause d’un apôtre comme Paul. Nous sommes les enfants de sa persévérance dans
l’œuvre d’évangélisation. Mais surtout, nous sommes les héritiers de sa mission,
telle qu’il l’a inaugurée auprès des païens de son temps. C’est donc à nous de
prendre le relais, dans notre monde tel qu’il est, et il n’est pas pire que
celui que rencontra Paul dans son aventure apostolique.
Mais peut-être devrions-nous mieux recueillir les leçons de son expérience, que
je crois toujours valables aujourd’hui. Nous nous demandons, nous aussi, comment
faire pour évangéliser, déjà dans nos familles, et puis au-delà, dans nos
milieux de vie, de travail, de loisir, de responsabilités.
Il n’y a pas des trucs infaillibles, même s’il est utile de chercher et de
trouver des méthodes qui correspondent aux besoins et aux possibilités
d’aujourd’hui.
Evangéliser, c’est d’abord un état d’esprit, qu’on pourrait aussi bien écrire
avec majuscule, l’Esprit du Christ.
Voyons saint Paul.
Il avait d’abord conscience que l’évangile lui avait été remis par Dieu, dans
son cœur et dans ses mains, pas comme un fardeau, mais comme un cadeau. Après
quoi, il faut savoir que cet évangile peut être un message qui va à
contre-courant des modes, des habitudes de facilité ou des vérités statistiques
qui cherchent à faire la loi. Ca n’empêche pas que cet évangile demeure une
bonne nouvelle destinée à tous, parce qu’elle vient de l’amour même de Dieu pour
toute l’humanité.
Mais il y a manière de présenter cet évangile, de l’annoncer, de le faire
désirer et comprendre. Et c’est peut-être là que nous avons à nous remettre en
question.
Paul le dit : « Nous avons été pleins de douceur avec vous ». Et il utilise
deux comparaisons magnifiques. D’abord celle de la maman, ce qui, entre
parenthèse, peut nous faire penser à Marie, la mère de l’Eglise.
« Comme une mère entoure de soins ses nourrissons, telle était notre tendresse
pour vous que nous aurions voulu vous livrer, en même temps que l’évangile de
Dieu, notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers. »
On ne peut évangéliser de manière crédible que si l’on est d’accord de donner de
sa vie, et même de donner sa vie, en cadeau, avec le super-cadeau de l’évangile
lui-même. On ne peut annoncer l’Amour qu’en aimant, on ne peut faire connaître
et désirer le Christ qu’en se donnant avec lui et comme lui.
Paul fut d’abord une mère pour ses paroissiens. Mais il fut aussi un père. De
quelle façon ? Il le dit lui-même : En exhortant, en encourageant, en suppliant
d’avoir une conduite digne de Dieu qui nous appelle à son royaume et à sa
gloire.
Ainsi donc, il faut allier la tendresse de la mère et l’autorité du père, pour
être un bon évangélisateur, qui ne cherche pas sa gloire, qui s’investit
gratuitement, qui crée une vraie communauté.
Chaque fois, je l’avoue, je suis ému de voir comment Paul parle de sa
communauté, justement. Qu’est-elle, pour lui, cette petite paroisse de
Thessalonique, perdue au milieu d’une immense ville encore païenne ?
Elle est son espérance, sa joie - deux fois-, sa couronne et sa gloire. Qui dit
mieux ?
Je vous sens venir. Vous vous dites peut-être que tout cela vaut pour les
évêques et les prêtres, qui s’inscrivent directement dans la succession des
apôtres. Attention ! On le dit à chaque Credo : nous croyons à l’Eglise
apostolique. C’est donc toute l’Eglise –vous et nous- qui continue la mission
des apôtres dans le monde, en étant, communautairement et solidairement, porteur
et acteur de l’évangélisation.
Si nous avons des charismes variés et des responsabilités différentes – et
surtout complémentaires-, nous sommes toutes et tous engagés, d’une manière ou
d’une autre, dans l’oeuvre du témoignage contagieux pour l’actualité du Christ.
Cherchez bien, dans la prière et en observant les immenses besoins de l’Eglise
aujourd’hui : vous trouverez sûrement un terrain d’atterrissage pour votre
générosité et vos compétences. Afin qu’avec vous aussi, activement et non pas
passivement, notre Eglise continue de proclamer, en paroles et en actes, que
Dieu aime le monde, et qu’il fait bon reconnaître et accueillir son amour.
Claude Ducarroz
Il n’y a pas que des échecs dans la vie. Hier, nous avons surpris les apôtres de Jésus en pleine déprime parce qu’ils n’avaient pas été reçus dans un village de Samarie où Jésus les avait envoyés au devant de lui. Et ce fut la colère et même la vengeance : « Ordonne au feu du ciel de tomber sur eux et de les consumer ! » Heureusement, Jésus les a réprimandés en leur enjoignant de partir pour un autre village.
Il n’y a pas que des devoirs dans la vie, qui peuvent être ressentis comme pesants, voire impossibles à accomplir. La première lecture vous en a rappelés quelques-uns, d’ailleurs plutôt positifs, et de bon conseil, puisqu’ils conduisent à « la paix de Dieu qui garde nos cœurs et nos intelligences dans le Christ Jésus. »
Le rendez-vous de l’évangile de ce jour est encore bien meilleur que tout cela : un succès plein de bonnes surprises passe par une prière de louange de Jésus et débouche sur des béatitudes pour nous. Car nous sommes tout à fait dans le coup.
Un succès d’abord, celui des disciples qui ont réussi un beau coup missionnaire : les esprits mauvais ont été soumis au nom de Jésus. Traduisez : dans notre apostolat, on a vu le mal reculer et le bien progresser. Ca nous arrive aussi, n’est-ce pas ? Heureusement !
Quelle va être la réaction de Jésus ? En trois temps.
D’abord il se réjouit avec eux. Il faut aussi savoir fêter en Eglise quand on
voit que l’Evangile est bien accueilli, porte du fruit.
Mais Jésus ne veut pas que ses disciples tombent dans l’euphorie orgueilleuse :
N’oubliez pas ! C’est moi qui vous ai donné ce pouvoir. Et puis il y a encore
mieux que les succès du « faire » en Eglise, il y a les mystères de l’être : «
Réjouissez-vous surtout parce que vos noms –autrement dit vos personnes- sont
inscrits avec le mien dans les cieux. » Ce n’est pas la quantité de l’agir qui
compte le plus, c’est la qualité de l’être en Dieu. Oui, nous sommes au chaud
dans le cœur de Dieu, voilà notre vrai bonheur.
Et puis tout à coup il se passe quelque chose d’extraordinaire. Jésus est comme soulevé par une joie qu’il ne peut plus retenir, et c’est justement à la vue de ses disciples heureux. Leur joie allume la sienne. La Trinité est convoquée, le Fils s’adresse au Père sous l’action de l’Esprit, en invitant à sa joie le ciel et la terre. Pourquoi donc ? Jésus va le dire lui-même. Comment ne pas nous reconnaître au cœur de cette merveilleuse louange ?
Il loue le Père d’avoir révélé ses plus profonds mystères, non aux sages et aux savants, mais aux tout-petits. Voilà la cause de sa joie, voilà le motif de sa louange, voilà la source de son exultation.
Comme nous devrions avoir un regard plus contemplatif sur l’Eglise et sur le monde ! Nous sommes envahis par une culture du sensationnel qui doit faire les gros titres des médias, surtout lorsqu’il y a des parfums de scandales. Mais qui voit encore, pour en louer Dieu, les merveilles accomplies dans le cœur des petits, dans la vie des humbles, dans le rayonnement discret des saintes en tablier de cuisine, des saints en tenue de service ?
Des parents qui prient avec leurs enfants, des personnes âgées qui en
visitent d’autres avec la délicatesse de l’amour, des mamans seules qui tiennent
bon pour garder un véritable esprit de famille, des catéchistes qui se donnent à
fond pour continuer d’annoncer l’évangile aux petits, des engagés -pas toujours
reconnus et récompensés- qui s’investissent auprès des marginaux, des exclus,
des moins aimables qu’ils continuent d’aimer pour humaniser l’humanité : tant de
servantes et de serviteurs de nos communautés chrétiennes sans lesquels ni vous
ni moi ne serions là.
On pourrait multiplier les exemples. Voilà celles et ceux qui habitaient le cœur
de Jésus en fête quand il tressaillit sous l’action de l’Esprit Saint pour louer
le Père qui se révèle aux plus petits de notre humanité. Et ces petits sont
parmi nous.
Et puis Jésus semble revenir sur terre. Il se tourne vers ses disciples qui sont restés bouche bée en le voyant et en l’entendant prier…à cause d’eux.
Il a un secret à leur communiquer, sous forme d’une béatitude, qui est à la fois une constatation et une promesse de bonheur. Ils doivent le savoir : ils sont heureux, ils doivent l’être toujours plus, ils le seront encore davantage dans le Royaume. Et pourquoi donc ?
Parce que leurs yeux voient des choses merveilleuses, parce que leurs
oreilles entendent des mystères inouïs, parce qu’ils sont les confidents du
Seigneur, les témoins privilégiés de ce que Dieu fait, donne, réalise par amour
pour les hommes, pour le salut du monde. Ils voient et entendent ce que les
prophètes et les rois n’ont jamais pu voir et entendre. C’est là, sous leurs
yeux.
Bien sûr, tout ne va pas très bien dans l’Eglise. La barque tangue, on a tous le
mal de mer, certains ont peur de couler.
Bien sûr, le monde zigzague dans sa course effrénée, vers quoi ? Il ne le sait
pas lui-même, mais les crises à répétition dans l’économie et dans l’écologie,
de même que les violences, les guerres, les misères qui touchent en priorité les
plus pauvres et les plus innocents : tout cela peut peser sur notre moral et
nous entraîner dans la déprime, voire le désespoir.
Qui peut et doit garder le cap de l’espérance ? Qui peut et doit témoigner
pour la victoire pascale de l’amour ? Qui peut et doit signifier qu’il y a un
sauveur, et donc que nous sommes sauvés ?
Qui, sinon les chrétiens ? qui sinon l’Eglise que nous sommes ?
De tels mystères, qui nous ont été révélés, ne doivent pas demeurer notre
propriété privée, un privilège que nous dégusterions en égoïstes, en Suisses,
comme disent les Français. Il nous faut assumer notre responsabilité de
porte-parole de cette bonne nouvelle destinée à tous. Comme une flamme qui se
maintient parce qu’elle se diffuse.
Il y a trop de pompiers dans ce monde. Soyons les incendiaires de l’Evangile.
Et il nous faut le faire non pas dans l’arrogance, mais dans un esprit de service, non pas comme un devoir lourd, mais comme une joie à répandre, comme une bonne nouvelle à communiquer, celle qui a poussé Jésus à s’éclater dans la louange en voyant ses disciples, en nous voyant.
Heureux, vous les appelés ! Heureux, vous les envoyés !
Claude Ducarroz
21 septembre 2008 – Mt 20,1-16a
J’en apprends de belles ! Oui, de bien belles. Il y a des vignes dans le canton du Jura. Je ne le savais pas. Une à Soyhières et une à Buix, pour ne pas faire de jaloux entre la Vallée et l’Ajoie. Quant aux Franches-Montagnes, il leur reste beaucoup d’eau pour mêler à leur vin. A votre santé !
Une chose est certaine : personne, dans ce beau canton, ne peut échapper à cette invitation pressante de Jésus-Christ : « Allez, vous aussi, à ma vigne ». Peut-être en avez-vous pris mieux conscience durant cette semaine. Si ce n’est pas le cas, l’évangile que vous venez d’entendre vous aura fait une bonne piqûre de rappel. Tant mieux !
Notre maître est un excellent paysan. Son vaste domaine, c’est l’entière
humanité. Et au milieu de notre monde, il a planté une vigne, l’Eglise dont il
est le propriétaire-vigneron.
Il a tant à faire pour soigner sa vigne et cultiver ses champs, qu’il a besoin
d’embaucher de nombreux ouvriers. C’est dire qu’il ne devrait pas y avoir de
chômage dans l’entreprise Evangile.
Et pourtant, l’embauche ne va pas sans peine. Pas parce que le travail manque
–il y en aurait même trop-, ni parce que le maître hésiterait à embaucher à
cause de la mauvaise conjoncture. Pas du tout ! Ce sont les ouvriers qui
renâclent. Ils préfèrent visiblement traînasser sur les places publiques et
jouer aux boules sous les ormeaux plutôt que d’entrer dans l’église pour y
prêter main forte.
Heureusement, le maître est patient et surtout tenace. A tout moment –à 9 heures, à midi, à 3 heures et même à 5 heures encore-, il revient sur la place pour inviter les oisifs –à moins que ce soit des paresseux- à venir travailler à sa vigne. On se demande bien où étaient et que faisaient ceux de 5 heures, qui osent dire au maître : « Personne ne nous a embauchés ».
Vous avez compris. C’est ça, l’Eglise, aujourd’hui plus que jamais. « La
moisson est grande, disait Jésus ailleurs, mais les ouvriers sont peu nombreux.
» Il en est de même pour sa vigne.
Quelle heure était-il pour vous cette semaine au Vorbourg ? A quelle heure de
votre vie êtes-vous venus ici pour entendre les appels de Jésus et vous laisser
envoyer par lui ? Ce n’est pas une question d’âge, car nous ne savons ni le jour
ni l’heure pour la durée de notre existence.
Je suis sûr d’une chose : il vous a appelés hier plusieurs fois, et peut-être
n’avez-vous pas entendu parce qu’il y avait trop de chahut autour de vous ou en
vous. Il faut beaucoup de silence pour écouter et entendre la voix du Seigneur.
Ou alors, si vous l’avez entendu, vous n’avez pas voulu répondre, ou pas tout de
suite, en espérant qu’il vous oublierait. Vous aviez tellement d’autres appels,
sûrement pas plus importants, mais peut-être plus urgents.
Je vous rassure : Dieu ne vous a pas oubliés, il n’oublie aucun de ses
enfants, parce qu’il les aime d’abord, et ensuite parce qu’il en a besoin pour
sa vigne justement. A tout âge, on peut être embauché, à tout moment on peut se
sentir appelé et parfois rappelé, pour être envoyé.
Il y a tant à faire, à donner, à offrir dans le vaste champ de Dieu qu’est le
monde, dans la belle vigne du Seigneur qu’est son Eglise. Je suis certain que
vous avez la vocation, une vocation. Car il n’y a pas que les prêtres, les
diacres, les religieux et les religieuses qui ont « la vocation », comme on le
disait malheureusement jadis. Tout homme, toute femme et donc tout enfant, du
moment qu’il existe, a une vocation, est un appelé par Dieu. Par la vie reçue,
et encore plus précisément par le baptême dans lequel l’appel de Dieu a investi
notre nom, notre personne, pour nous planter solidement dans l’amour du Père,
nous fixer définitivement dans le cœur du Christ, nous livrer joyeusement au
grand vent de l’Esprit.
Bien sûr, nous prions ardemment pour les vocations de prêtres, de diacres, de religieux et de religieuses, sans oublier les laïcs engagés professionnellement en Eglise. Il y en a heureusement beaucoup dans le Jura. Mais j’ai souvent l’impression qu’on supplie le Seigneur d’appeler plutôt un autre que soi, le voisin, ailleurs…et surtout pas moi. Avez-vous déjà prié, sincèrement, pour que le Seigneur vous fasse connaître un appel précis pour vous aujourd’hui, parce que vous êtes disposés à lui répondre oui, au lieu de toujours lui dire de repasser plus tard ou de vous oublier à l’embauche ?
Oui, qu’il t’appelle toi, tel que tu es, avec tes qualités et tes défauts,
avec tes capacités et tes faiblesses, comme il a appelé les apôtres qui
n’étaient ni des génies ni des saints, du moins au départ. Et puis après, tu
verras bien.
Ecoute ! « Va, toi aussi, à ma vigne ! »
Enfin il ne faut surtout pas oublier la deuxième partie de cet évangile. Je comprends qu’elle nous gène un peu, dans la logique capitaliste qui est si souvent la nôtre. Ne serait-ce pas injuste que le maître donne le même salaire à ceux qui n’ont travaillé qu’une heure et à ceux qui, comme ils le rappellent fort à propos, « ont enduré le poids du jour et de la chaleur », même s’il a promis à tous la même somme, à savoir une pièce d’argent ?
Qu’est-ce à dire ? La récompense que Dieu donnera, aux uns comme aux autres,
sera forcément la même, puisque la récompense, c’est lui. Oui, c’est lui en
personne –ou plutôt en trois personnes- dans la gloire du Royaume qui seul sera
notre béatitude, le bonheur dont nous jouirons éternellement. Avoir la joie de
Dieu en nous, ou mieux encore : avoir Dieu pour joie, c’est proprement inouï,
inimaginable.
Et pourtant bien réel, comme nous le prouvent les saintes et les saints, nos
frères et sœurs aînés, qui nous attendent pour que la fête soit complète.
A leur tête, la première en chemin et la première arrivée, voici notre sœur Marie de Nazareth, la mère du Ressuscité et notre mère, la petite servante devenue la reine, parce que le Tout-Puissant a fait pour elle des merveilles, et en fera aussi pour nous.
La vigne du Seigneur, dans laquelle nous sommes tous envoyés, n’est pas une
entreprise en faillite qui nous propose des corvées mal payées. Non ! Elle est
l’antichambre active, parfois laborieuse, d’un Royaume où nous serons rassasiés
par le maître lui-même, qui nous servira sa présence et sa joie dans une
communion qui ne finira jamais, comme une eucharistie éternelle.
Réjouissez-vous !
Claude Ducarroz