HOMÉLIE SUR LA RÉCONCILIATION ET LA RÉCEPTION DE SÉVÉRIEN
S'il est nécessaire que le corps ne soit
pas séparé de la tête, il faut de même quo l'église reste attachée à son évêque,
que le peuple reste attaché à son prince : comme les branches tiennent aux racines, les
fleuves à leurs sources, ainsi les fils doivent rester unis à leur père, les disciples
à leur maître. Ce préambule que nous adressons à votre charité n'est pas inutile;
notre but c'est, vu la communication particulière que nous avons à vous faire, de
prévenir toute espèce de trouble, toute interruption de notre entretien; notre but,
c'est de faire croître en vous l'obéissance des disciples et de vous mettre à même de
manifester l'affection que vous portez à votre père. Faites-moi une parure, mes fils;
mettez sur mon front la couronne de votre obéissance ; faites que tous me jugent
bienheureux et glorifiez mon enseignement par votre obéissance, selon les avis de
l'Apôtre qui vous dit : Obéissez â vos conducteurs et soyez-leur soumis; car ce sont
eux qui veillent pour vous, comme devant rendre compte de vos âmes. (Hébr. XIII, 17.) Je
vous donne donc ce conseil et je commence par là pour que personne ne se révolte confire
l'avertissement commun que je viens vous. adresser. En effet je
suis père et il est nécessaire que mes conseils persuadent mes fils; car ce que fait la
nature de la chair dans les pères selon la chair, c'est la grâce de l'Esprit qui
l'opère en nous. Je suis père, et ma crainte paternelle est si vive pour mes fils, que
s'il faut verser mon sang pour vous je suis prêt. Et en cela je ne mérite pas de
reconnaissance. Car c'est la loi des apôtres, c'est le précepte du Seigneur : Le bon
pasteur donne sa vie pour ses brebis. (Jean, X, 11.) A votre tour, faites pour nous de
même, car vous avez pour nous la même affection. Ecoutez ce que dit Paul : Saluez de ma part
Priscille et Aquila, qui ont travaillé avec moi en Jésus-Christ; qui ont exposé leur
tête pour me sauver la vie. (Rom. XVI, 3, 4.) En effet, s'il est beau que le pasteur
s'immole pour ses brebis, en retour il est beau que les brebis ne se séparent pas de leur
pasteur, même par la mort. Car tant qu'elles seront unies à lui sans jamais s'en
séparer, elles ne craindront pas le loup, le démon. C'est que la charité est un mur
plus solide que le diamant : Et
le frère qui est aidé par son frère, est comme une ville forte et qui est bien
assurée. (Prov. XVIII, 19.) Toutes ces paroles tendent à ce que vous écoutiez, avec
une entière affection, ce que nous vous disons, et qu'aucun de vous ne commence à se
troubler.
Nous parlons d'une chose qui mérite qu'on
en parle dans l'église, digne d'être écoutée par vous sans répugnance. C'est pour la
paix que nous vous adressons la parole. Eh! quoi de plus
convenable que le prêtre de Dieu persuadant au peuple la paix? Pas de contradiction possible , du moment que le sujet de l'ambassade est conforme à la
sainteté, et l'ambassadeur accepté. C'est pour la paix que nous vous adressons la
parole, pour cette paix qui a fait descendre. le Fils de Dieu
sur la terre, lui qui est venu pacifier par son sang, non-seulement
ce qui est sur la terre, mais ce qui est dans le ciel, et unir la terre au ciel. C'est
pour la paix que nous vous adressons la parole; pour cette paix le Fils de Dieu a
souffert; pour cette paix il a été mis en croix, enseveli ; cette paix, il nous l'a
laissée pour tout héritage, pour toute (312) richesse; c'est comme le mur qu'il a donné
à l'Eglise; cest le bouclier dont il l'a couverte contre les assauts du démon;
c'est le glaive qu'il lui a mis dans la main contre l'enfer; c'est le port d'une
tranquillité parfaite où il a abrité les fidèles; c'est la propitiation qui
reconquiert la faveur de Dieu; c'est l'absolution concédée à nos fautes; au nom de
cette paix, je suis l'ambassadeur envoyé auprès de vous. Ne me faites pas un affront; ne
faites pas que ma mission soit déshonorée ; avec moi dites oui, je vous en prie. Bien
des choses, depuis longtemps, dans l'Eglise, des choses fâcheuses ont eu lieu; je
confesse mon Dieu, mais je ne loue pas les agitations ni les troubles, je n'embrasse pas
les séditions. Tenez, il en est temps, laissons cela; mettez un terme à tout cela;
concorde, paix, modérez-vous, plus d'emportements, plus de colère : c'est bien assez de ce que l'Eglise a été
dans la douleur ; assez, finissons, plus de trouble : telle est la volonté de Dieu, et
tel est l'agrément de notre très-pieux empereur. Car il faut
bien assurément obéir aux chefs des Etats, surtout quand ils sont les premiers à
obtempérer aux lois de l'Eglise. Car, dit l'Apôtre : Soyez soumis aux princes et aux
puissances. (Tit. III, 1.) A combien plus forte raison, à
un prince religieux et qui souffre pour l'Eglise ? .
Donc si j'ai préparé vos esprits à
recevoir mon ambassade, recevez notre frère l'évêque Sévérien. Je vous rends grâce
de la faveur avec laquelle vous avez accueilli mes paroles. Vous m'avez donné les fruits
de votre obéissance : c'est maintenant que je me réjouis d'avoir semé une bonne
semence. Voici, en effet, que je vais récolter tout de suite les gerbes du froment. Que
le Seigneur vous accorde la récompense de votre bonté, le salaire de votre obéissance:
car c'est bien maintenant que vous avez offert à Dieu la vraie victime de paix, puisque
personne parmi vous ne s'est troublé en entendant ce nom, mais que votre charité
l'accueille; dès que nous vous avons parlé, vous avez chassé de votre âme tout
sentiment de colère. Recevez-le donc de tout coeur, à bras ouverts. S'il a été fait
quelque chose de fâcheux, oubliez; parce que, du moment que le temps de la paix est venu,
il ne faut plus se souvenir. d'aucun motif de discorde, afin
qu'il y ait joie au ciel, joie sur la terre, allégresse et doux transport desprit
dans l'Eglise de Dieu. Et maintenant prions, pour que Dieu daigne garder son Eglise dans
la paix, lui accorder une paix assurée et durable, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à
qui appartient la gloire, ainsi qu'à Dieu le Père, en même temps qu'au Saint-Esprit,
dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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