HOMÉLIE XXXVII

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TRENTE-SEPTIÈME HOMÉLIE. Dieu dit à Abram : « Je suis le Dieu qui t'ai tiré du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes. — Et il répondit : Seigneur, mon Maître, à quoi reconnaîtrai-je que je dois la posséder ? » (Gen. XV, 7.)

 

ANALYSE.

 

1. Différence entre la Bible et les livres profanes : la Bible renferme beaucoup de pensées en Peu de mots, c'est le contraire pour les livres profanes. — 2. Gage que Dieu donne à Abraham de l'accomplissement de ses promesses. — 3. Dieu prédit à Abraham la captivité de ses descendants dans la terre d'Egypte. — 4. Confirmation de l'alliance. Dieu indique à Abraham les limites qu'atteindra l'empire qui sera un jour fondé par sa postérité. — Exhortation. Il faut plutôt s'occuper d'orner l'âme que le corps.

 

1. La puissance de l'Ecriture sainte est immense et ses paroles renferment un trésor de pensées. Il faut donc nous appliquer à l'étudier avec soin pour en retirer des avantages étendus. Aussi le Christ nous a donné ce précepte : Sondez les Ecritures (Jean, V, 39) ; c'est-à-dire, ne nous bornons pas à une simple lecture, mais scrutons profondément les Ecritures pour en saisir le vrai sens. Tel est l'usage de l'Écriture; elle présente beaucoup d'idées dans peu de mots. Ce sont des instructions divines et non humaines, aussi diffèrent-elles complétement de la sagesse humaine, et je vais vous dire comment. D'un côté, c'est-à-dire dans la sagesse humaine, on ne songe,qu'à l'arrangement des mots; de l'autre côté, c'est tout le contraire. L'Écriture ne tient aucun compte de la beauté des expressions ni de leur disposition : toutes ses paroles tirent leur beauté de l'épanouissement de la grâce divine. D'un côté, au milieu d'un immense bavardage, on rencontre à peine quelques idées; de l'autre, comme vous le savez, une phrase très-courte est souvent un texte suffisant pour tout un sermon. Aussi hier, après avoir lu notre texte et en avoir commencé l'explication, nous avons trouvé une telle richesse de pensées que nous n'avons pas pu aller plus loin pour ne pas surcharger votre mémoire et de peur que la fin du sermon ne vous en fit oublier le commencement. Aussi je vais revenir sur ce sujet et rattacher le discours d'hier à celui d'aujourd'hui, afin que vous ne sortiez pas d'ici sans avoir entendu développer toute la lecture. Mais, je vous en prie, accordez-nous toute votre attention : car si la peine est pour nous, le profit est pour (252) vous; ou plutôt, il nous est commun à tous. Mais que parlé ,je de notre peine? Non certes ! il n'y a ici qu'un don de là grâce divine. Recueillez donc avec soin ce que Dieu vous donne, afin que vous ne partiez d'ici qu'après en avoir fait votre profit pour le salut de votre âme. Si nous vous offrons chaque jour ce festin spirituel, c'est pour que nos fréquentes exhortations et la méditation des saintes Ecritures vous préservent des piéges du malin esprit. Car s'il voit en nous un grand zèle pour les occupations spirituelles, non-seulement il ne nous attaquera point, mais il n'osera même nous regarder, sachant que ses manoeuvres seront inutiles, et que les coups qu'il osera frapper retomberont sur sa tête.

Reprenons donc le sujet que nous traitions hier, et achevons de le développer. Hier de quoi avons-nous parlé? De la promesse que Dieu fit à Abram en lui disant de lever lesyeux au ciel et de regarder la multitude des étoiles. Compte, lui dit-il, les étoiles si tu peux les compter. Et il lui dit : Ta race sera aussi nombreuse. Ensuite l'Ecriture sainte nous montrant la piété du patriarche, et sa foi aux promesses de Dieu dont il considérait le souverain pouvoir, dit : Abram crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice. C'est là que nous en sommes resté hier et il nous a été impossible d'aller plus loin : maintenant il faut continuer. Que dit l'Ecriture? Le Seigneur dit à Abram : Je suis le Dieu qui t'ai retiré du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes. Voyez comme Dieu se prête à la faiblesse humaine, comme il veut fortifier la foi et persuader de l'effet de ses promesses, comme s'il disait : Souviens-toi que c'est moi qui t'ai fait sortir de ton pays! Ces paroles de Dieu s'accordent avec celles de saint Etienne qui dit que le Seigneur ordonna à Abraham de quitter la Chaldée et sa maison. (Act. VII.) Le père d'Abraham, comme nous l'avons dit, partagea son destin, quoiqu'il fût lui-même infidèle; entraîné par son amour pour son fils, il fut son compagnon de voyage. Aussi Dieu rappelle ici à Abraham la protection dont il l'a toujours entouré, lui disant que s'il l'a fait ainsi voyager, c'était pour son avantage et pour accomplir ses promesses envers lui. Je suis le Dieu qui t'ai retiré du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes. Est-ce sans raison que je t'en ai appelé? est-ce en vain que je t'en ai retiré? Je t'ai fait venir en Palestine, je t'ai fait quitter la maison de ton père et t'établir clans cette terre, afin que tu la possèdes. Songe combien je t'ai protégé depuis ton départ de Chaldée jusqu'à présent; songe que de jour en jour tu es devenu plus illustre par mon appui, par mes soins, et fie-toi à mes paroles. Voyez quel excès de bonté ! voyez comme Dieu s'abaisse jusqu'à l'homme, comme il fortifie son âme et affermit sa foi, pour qu'il ne songe, plus aux obstacles de la nature, mais qu'il se confie à Celui qui fait ces promesses, comme si elles étaient déjà accomplies.

2. Voyez aussi comme le patriarche, enhardi par ces paroles, demande une assurance plus parfaite. Il dit : Seigneur, mon ?Maître, à quoi reconnaîtrai-je que je posséderai cette terre? L'Ecriture sainte a commencé par lui rendre ce témoignage qu'il crut aux paroles de Dieu et que cela lui fut imputé à justice ; cependant, après avoir entendu ces mots : Je t'ai retiré du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre, afin que tu la possèdes, il répond il m'est impossible de ne pas croire à ta parole ; cependant je voudrais apprendre de quelle manière je deviendrai possesseur de cette terre. Je me vois parvenu à l'extrême vieillesse; jusqu'à présent j'ai erré comme un vagabond, et la raison humaine ne peut me faire concevoir comment tout s'accomplira, quoique j'aie ajouté foi sans hésiter à tes paroles, toi qui peux tirer l'être du néant, tout créer et tout transformer. Si je t'interroge, ce n'est donc point par incrédulité : mais puisque tu me promets de nouveau la possession de cette terre, je voudrais un signe plus matériel et plus évident pour soutenir la faiblesse de mon intelligence. Que fait alors ce Maître si bon? Plein de condescendance pour son serviteur, il veut fortifier son âme quand il le voit avouer sa faiblesse, et malgré sa foi dans les promesses divines, en réclamer une confirmation ; il lui dit : Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans et un bélier, et une tourterelle et une colombe. Vous voyez que Dieu fait un traité avec un homme à la manière humaine. Quand nous promettons quelque chose à quelqu'un et que nous cherchons à lui donner confiance en nos promesses, afin qu'il ne doute point de notre bonne volonté, nous lui laissons une preuve et une marque dont la seule vue lui donne la certitude que nous ferons tout pour dégager notre parole. Ainsi, à cette question : Comment le (253) reconnaîtrai-je? ce bon Maître répond : en voici le moyen. Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, et un bélier, et une tourterelle et une colombe.

Remarquez, je vous prie, à quelle condescendance matérielle arrive ce doux Maître pour rassurer le patriarche. Comme c'était l'usage des hommes de faire et de confirmer ainsi leurs traités , Dieu même agit comme eux. Il prit ces animaux, dit l'Ecriture , et les partagea par la moitié. Ce n'est pas sans raison que leur âge est indiqué : il fallait les prendre à trois ans, c'est-à-dire adultes et à leur taille. Il les partagea par la moitié et mit les deux parties en face l'une de l'autre; mais il ne partagea point les oiseaux. Il s'assit et veilla pour que les oiseaux qui volaient autour de ces animaux partagés ne pussent y toucher, et il resta ainsi tout le jour. Les oiseaux descendirent auprès de ces animaux ainsi partagés près desquels s'était assis Abram. Vers la chute du jour, Abram tomba en extase, et il fut saisi d’un grand effroi et enveloppé de ténèbres. Pourquoi vers le coucher du soleil, quand vient le soir? C'est que Dieu veut rendre le patriarche plus attentif : cette extase et cet effroi ténébreux l'envahissent pour que tout lui fasse comprendre la présence de Dieu. Du reste c'est ce que le Seigneur fait toujours. Plus tard quand il donna à Moïse, sur le mont Sinaï, la loi et les préceptes, l'obscurité et les ténèbres régnaient et la montagne était couverte de fumée. (Ex. XIX, 18.) Aussi l'Ecriture dit: Il touche les montagnes et elles fument. (Ps. CIII, 32.) Comme les yeux charnels ne peuvent voir le Dieu immatériel, c'est ainsi qu'il se manifeste à nous. Aussi après avoir frappé l'esprit du juste et l'avoir rempli de crainte par cette extase, il lui dit : Tu m'as demandé une confirmation de mes paroles, tu as voulu avoir une preuve que tu dois posséder cette terre. Je te la donne, car il te faut beaucoup de foi pour comprendre que je puis faire réussir ce qui semble désespéré. Et il dit à Abram : Sache certainement que la race habitera dans une terre étrangère, qu'elle sera soumise aux gens du pays qui la maltraiteront et l'humilieront pendant quatre cents ans. Ce peuple auquel elle sera asservie, je le jugerai, et elle sortira de ce pays avec un grand appareil. Voilà des paroles bien graves; elles réclament un esprit énergique, capable de s'élever au-dessus de toutes les considérations humaines. Car si l'âme dû patriarche n'avait pas été forte, courageuse et bien trempée, il y avait de quoi la troubler. Sache certainement que ta race habitera dans une terre étrangère, qu'elle sera soumise aux gens du pays qui la maltraiteront et l'humilieront pendant quatre cents ans. Ce peuple auquel elle sera asservie, je le jugerai, et elle sortira de ce pays avec un grand appareil.

3. Ne t'étonne point, dit le Seigneur, de ta vieillesse, de la stérilité de Sara, de ses entrailles desséchées, et ne regarde point comme extraordinaire ce que je t'ai dit : Je donnerai cette terre à ta race. Non-seulement je te le prédis, mais j'ajoute qu'avant cela ta race ira dans une terre étrangère. Il ne lui dit pas que c'était l'Egypte et ne nomme point le pays;, mais il dit : Dans une terre étrangère; elle subira la servitude et l'humiliation, et ses souffrances ne seront point courtes et bornées à peu d'années, mais dureront quatre cents ans. Sans doute j'en tirerai vengeance, je jugerai ce peuple oppresseur et je ferai revenir ici ta race et j'environnerai son retour de beaucoup d'éclat. Ainsi l'exactitude de cette prédiction sur la servitude des Juifs dévoile leur descente en Egypte, la haine des Egyptiens contre eux et leur glorieux retour. Elle montre au patriarche que ce n'est pas seulement à lui que doivent arriver des choses surnaturelles, c'est-à-dire l'accomplissement des promesses de Dieu malgré tant d'obstacles, mais que toute sa race sera également favorisée. Je te l'ai déjà dit, ajoute-t-il, afin que tu puisses, avant la fin de ta vie, connaître le sort de ta postérité. Tu iras rejoindre tes pères, après avoir prospéré dans une heureuse vieillesse. Il ne dit pas : tu mourras, mais, tu iras, comme on dit à un voyageur qui va quitter son pays pour une autre patrie: Tu iras rejoindre tes pères : il ne parle point des pères selon la chair. Comment serait-ce possible? puisque son père était infidèle et que le patriarche fidèle ne pouvait habiter le même séjour. Il y a, dit l'Ecriture, un grand abîme entre vous et nous. (Luc, XVI, 26.) De qui donc est-il dit rejoindre tes pères? Il s'agit des justes, tels qu'Abel, Noé et Enoch. Prospérant dans une heureuse vieillesse. Mais, dira-t-on, comment cette vieillesse peut-elle être heureuse après toute une existence de tribulations? Ne les considérez point; songez seulement à la gloire qui l'a suivi en toute occasion , pensez à l'éclat (254) dont a toujours brillé ce voyageur sans feu ni lieu et à la protection que Dieu lui a constamment accordée.

Il ne faut point juger d'après l'opinion actuelle, et dire qu'une belle vieillesse est celle qui se passe dans le luxe et la débauche an milieu d'immenses richesses, d'une foule de courtisans et d'un troupeau d'esclaves. Ce n'est pas là une belle vieillesse; au contraire, tout cela sert à condamner l'homme qui n'est pas continent, même dans sa vieillesse, qui, même à son dernier soupir, ne songe pas à ses vraies besoins , qui sacrifie tout à son ventre et passe sa vie dans les festins et dans l'ivresse au moment où il va rendre compte de ses actions. Celui qui a marché dans le sentier de la vertu, celui-là seul termine sa vie par une belle vieillesse et reçoit plus haut la récompense de ses travaux d'ici-bas. Aussi Dieu dit au patriarche: Voilà ce qui arrivera à tes descendants, mais tu quitteras la terre après avoir joui d'une heureuse vieillesse. Ici remarquez encore que si le juste n'avait pas eu un grand courage et une extrême sagesse , ces prédictions auraient pu troubler son esprit. A sa place, le premier venu aurait dit: Pourquoi me promettre une postérité si nombreuse puisque mes descendants supporteront tant de souffrances et tant d'années de captivité? quel avantage poissé-je y trouver? Le juste n'eut point cette pensée; il accepta en fidèle serviteur tout ce qui venait de Dieu, dont il préféra la volonté à la sienne. Du reste le Seigneur lui indique l'époque à laquelle ils reviendront de leur captivité : Ils reviendront ici à la quatrième génération.

Là-dessus on pourra demander pourquoi quatre cents ans de captivité sont prédits aux Hébreux, tandis qu'ils n'en ont point passé la moitié en Egypte. Aussi Dieu ne dit pas qu'ils doivent passer quatre cents ans en Egypte, mais dans une terre étrangère, si bien que l'on peut joindre aux années passées en Egypte, le temps même de la vie du patriarche, à partir du moment où il reçut l'ordre de quitter Charran. L'Ecriture nous montre évidemment qu'elle compte les années depuis cette époque, lorsqu'elle dit qu'il avait soixante-quinze ans quand il partit de Charran. (Gen. XII, 4.) Depuis cet instant jusqu'au retour d'Egypte, si l'on fait le calcul, on trouve le nombre juste. D'un autre côté, l'on peut dire que le Seigneur plein de bienveillance , et qui proportionne toujours nos épreuves à notre faiblesse, voyant les Hébreux accablés de peines et cruellement traités par les Egyptiens, les vengea et les délivra avant l'époque qu'il avait fixée. En effet, c'est l'usage de Dieu qui cherche toujours no. tre salut; s'il menace de ses punitions, nous pouvons, en faisant preuve de conversion, le faire revenir sur ses arrêts; en revanche, s'il nous promet quelque avantage et que nous ne fassions point-ce, qui dépend de nous, il n'accomplit point ce qu'il avait annoncé, de peur de nous rendre pires que nous n'étions. Ceux qui étudient attentivement les saintes Ecritures pourront aisément s'en convaincre. Ils reviendront ici à la quatrième génération; car les iniquités des Amorrhéens ne sont pas encore au comble. Alors, en effet, il sera temps que les uns reviennent en liberté et que les autres, en punition de leurs nombreux péchés, soient chassés de cette terre. Tout arrivera en temps convenable, l'établissement des uns et l'expulsion des autres, Leurs iniquités ne sont pas encore au comble, c'est-à-dire ils n'ont pas encore assez péché pour mériter une pareille punition. En effet, Dieu dans sa bonté ne punit jamais plus , mais toujours moins qu'on ne mérite. Aussi montre-t-il une grande patience à l'égard des Amorrhéens, pour ne leur laisser aucune excuse , puisqu'ils seront eux-mêmes les auteurs de leur châtiment.

4. Voyez comme le patriarche est exactement renseigné, comme sa foi doit se fortifier et quelle confiance les prédictions qui le regardent doivent lui inspirer pour celles qui sont relatives à sa postérité ; l'accomplissement des unes lui montrera la certitude des autres. Ensuite, quand la prédiction fut terminée, il vit un signe analogue à ceux qu'il avait déjà aperçus. Quand le soleil se coucha, il parut une flamme, une fournaise fumante et des lampes de feu qui passèrent à travers les animaux coupés en deux. La flamme, la fournaise et les lampes paraissaient pour faire connaître au juste l'indissolubilité de l'alliance, et la présence de l'énergie divine. Ensuite, quand tout fut terminé et accompli , quand le feu eut dévoré toute l'offrande, le Seigneur fit en ce jour une alliance avec Abram, en disant: Je donnerai à ta race cette terre depuis le fleuve d’Egypte jusqu'au grand fleuve de l'Euphrate, les Cinéens, les Cenézéens et les Cedmoniens; les Chettéens, les Phérézéens, ceux de Raphaïm et les Amorrhéens, les Chananéens, les Eviens, les Gergésiens et les Jébuséens. Voyez comme il confirme encore ce qu'il avait annoncé. Il fit une alliance, disant : Je donnerai à ta race celle terre.

Ensuite pour faire comprendre toute l'étendue des limites du pays donné à cette race, il ajoute: Du fleuve d'Egypte au fleuve Euphrate, là s'étendra ta race. Voyez comme il veut ainsi en indiquer la multitude innombrable. Il a déjà dit qu'on ne pourrait pas plus la compter que les étoiles; maintenant il indique les limites de son territoire pour faire voir jusqu'où doit s'étendre cette multitude. De plus, il donne la liste des peuples sur lesquels s'étendra la domination de cette race, afin que le juste soit bien informé de tout. Après tant de promesses Sara restait toujours stérile, la vieillesse s'étendait sur eux, afin qu'en donnant de leur foi la plus grande preuve possible, ils reconnussent la faiblesse de la nature humaine et l'immensité de la puissance divine.

Pour ne pas trop prolonger cette instruction, nous allons terminer en vous suppliant d'imiter le patriarche. Songez, mes bien-aimés, à ce qu'il disait au roi de Sodome, et, en général, à toutes ces autres vertus qu'il a montrées pendant toute sa vie , aux récompenses dont il a été honoré et à la condescendance de Dieu pour lui : Songez que le Seigneur nous a ainsi montré à tous, par ses bienfaits envers le patriarche, combien sa libéralité était immense. Pour peu que nous lui fassions offrande de quelques bonnes oeuvres, il enchérit au delà de toute expression et nous prodigue des récompenses infinies, pourvu que nous lui fassions voir, comme le juste, une foi sincère, et que loin de chanceler dans notre esprit,,nous conservions une fermeté inébranlable. C'est ainsi que le patriarche a mérité tant d'éloges; écoutez saint Paul célébrant la foi qu'il a montrée dès l'origine : Abraham appelé à la foi, obéit et s'en alla dans un pays qu'il devait posséder, et. partit sans savoir où il allait. (Héb. II, 8.) Il fait allusion à ces paroles de Dieu : Sors de ton pays et va dans la terre que je te montrerai. (Gen. XII, 1.) Voyez quelle fermeté dans la foi, quelle sincérité dans l'esprit ! Imitons ces vertus, quittons par nos pensées et nos désirs les affaires de la vie présente et faisons route vers le ciel. Nous pouvons, si nous le voulons, nous y acheminer même ici-bas , si nos actions le méritent, si nous dédaignons les choses du monde, et si nous négligeons la vaine gloire pour élever nos regards vers la gloire véritable et éternelle; si nous mettons de côté le luxe des habits et l'ornement du corps, si nous laissons toute cette parure extérieure pour embellir notre âme dont la vertu doit être le vêtement; si nous méprisons la mollesse, si nous fuyons la gourmandise et si, loin de rechercher les festins et les banquets nous gardons la frugalité, d'après le précepte de l'Apôtre : Contentons-nous d'avoir la nourriture et le vêtement. (I Tim, VI, 8.) Quel besoin, dites-moi, a-t-on de ces superfluités? pourquoi se gonfler l'estomac d'un excès de nourriture et perdre la raison dans l'ivresse? n'en résulte-t-il pas une foule de maux pour le corps et l'âme ? D'où viennent tant de maladies, tant de lésions dans nos organes ? n'est-ce pas de ce que l'estomac est plus chargé qu'il ne faudrait? D'où viennent l'adultère , le libertinage, le vol, l'avarice, le meurtre, le brigandage et toutes les corruptions de l'âme? n'est-ce pas d'une convoitise exagérée? Aussi Paul a dit que l'avidité était la racine de tous les maux. (I Tim. VI,10.) De même l'on peut dire avec raison que cette absence de modération, ce désir de dépasser la limite du besoin est la source de tous nos maux. Si nous voulions, en fait de nourriture, d'habits, de logement et de tout ce qui regarde le corps, n'aller jamais trop loin et nous contenter du nécessaire, l'espèce humaine serait délivrée de bien des maux.

5. Mais je ne sais comment il se fait que chacun de nous est avide à sa manière et franchit toujours les bornes du besoin, malgré le précepte de l'Apôtre: Contentons-nous d'avoir la nourriture et le vêtement : nous faisons tout le contraire, sans songer que nous aurons à rendre compte d'avoir dépassé le nécessaire et abusé des biens du Seigneur. Car ces biens ne nous sont pas accordés seulement pour notre avantage, mais pour le soulagement de nos semblables. Quel pardon peuvent donc mériter ceux qui se parent des vêtements d'une noblesse extrême, qui recherchent les étoffes filées, par des vers et qui, ce qu'il y a de plus déplorable, s'en glorifient, tandis qu'ils devraient se cacher, craindre et trembler, puisqu'ils ne les portent point par nécessité, mais par mollesse et fausse gloire, afin de se faire admirer du monde. Cependant leur semblable passe à moitié nu, sans avoir même un vêtement grossier: et eux, qui sont de la même nature, n'éprouvent aucune pitié , la conscience ne les porte point à secourir leur semblable ; la (256) pensée du jour terrible, la crainte de l'enfer, la grandeur des promesses, l'idée que le Seigneur commun de tous considérera comme fait à lui-même tout ce qu'ils auront fait pour leurs semblables, tout cela ne peut rien. Comme si leur coeur était de pierre et qu'ils fussent étrangers à notre nature, ils se regardent, à cause du luxe de leurs habits, comme supérieurs aux autres hommes, sans songer à toutes les peines qu'ils encourent en faisant un mauvais usage des biens que le Seigneur leur a confiés et qu'ils ne songent pas à partager avec leurs frères : ils aiment voir les vers ronger ce qu'ils possèdent et allumer pour eux-mêmes le feu de l'enfer. Si les riches distribuaient aux indigents tout ce qu'ils tiennent inutilement renfermé, cela ne suffirait pas encore pour leur faire éviter les peines qu'ils méritent pour le luxe de leur table et de leurs habits. Quelle punition méritent donc ceux qui mettent tous leurs soins à se montrer en public avec des vêtements de soie brodés d'or ou de diverses couleurs, et qui méprisent la nudité et l'indigence du Christ privé même du nécessaire? C'est surtout aux femmes que je m'adresse. C'est surtout chez elles que se trouve le désir et l'excès de la parure; l'or brille sur leurs habits, leur tête, leur cou et tout leur corps; et elles en tirent vanité ! Combien d'affamés pouvaient être rassasiés , combien de nudités pouvaient être couvertes, rien qu'avec le prix de leurs pendants d'oreilles qui ne servent à rien qu'à perdre leur âme ! Aussi le docteur de la terre, après avoir dit . Contentons-nous de la nourriture et du vêtement, s'adresse-t-il encore aux femmes : Qu'elles n'aient point de coiffures recherchées, d'or, de perles, ni d'habits somptueux. (I Tim. II , 9. ) Vous voyez qu'il leur interdit ces ornements d'or, les perles et les habits somptueux : il veut qu'elles ne considèrent comme véritable parure que celle de l'âme; c'est aux bonnes oeuvres qu'il commande de l'emprunter. Il sait bien que celle qui a en tête ces vanités ne peut avoir qu'une âme souillée, flétrie , déguenillée, affamée, transie de froid ! Car cette ardeur pour parer le corps montre la laideur de l'âme, cette avidité sensuelle prouve qu'elle est affamée, et ce luxe de vêtements laisse voir sa nudité. Si l'on veille sur son âme et si l'on en cultive la beauté, on rie peut désirer cette parure extérieure ; de même , si l'on s'occupe de sa toilette, de ses brillants habits et de ses ornements dorés, il est complètement impossible de veiller sur son âme. Comment pourrait-on avoir une bonne pensée et s'occuper des choses spirituelles, si l'on s'est une fois livré aux choses d'ici-bas, si l'on ne fait que ramper à terre, pour ainsi dire, sans jamais relever la tête et accumulant toujours le fardeau de ses péchés? Il serait trop long maintenant de dire tous les maux qui en résultent : il me suffit de rappeler à tontes les personnes qui se sont livrées à ces goûts tous les désagréments qu'elles en éprouvent chaque jour. Il est tombé quelque chose d'une parure en or : aussitôt tempête et tumulte dans la maison : un domestique a dérobé un objet, tous sont fouettés, battus, emprisonnés: des larrons ont tout pillé en un clin d'oeil : chagrin immense et insupportable. Un revers survient qui réduit à une misère extrême, et alors la vie est plus pénible que la mort : qui pourrait dire tous les accidents auxquels on est exposé? En résumé une âme de cette nature ne sera jamais en repos ; de même que les vagues de la mer sont incessantes et innombrables, de même les agitations de cette âme ne peuvent se compter. Aussi, je vous en conjure, fuyons en toute chose l'avidité et l'abus. La véritable richesse, le trésor inépuisable, consistent à ne désirer que le nécessaire et à faire un bon usage du superflu. Celui qui agit ainsi ne peut craindre la pauvreté, n'éprouve ni accident ni trouble: il est au-dessus de la calomnie et des piéges; en un mot, il est toujours tranquille et vit dans le calme et le repos. Enfin, ce qui est le grand le souverain bien , il est protégé de Dieu, et soutenu de la grâce d'en haut, comme un intendant fidèle des richesses du Seigneur. Heureux le serviteur que son maître trouvera agissant ainsi quand il le visitera ! (Luc, XVIII, 43.) C'est-à-dire qu'il distribue ce qu'il faut à ses frères, au lieu de le renfermer dans des armoires et derrière les portes pour le laisser ronger aux . vers : il soulage la misère des indigents et se montre bon et fidèle dispensateur des biens que le Seigneur lui a confiés, afin que, par cette largesse il reçoive une grande et juste récompense, et mérite les biens qui lui ont été promis , par la, grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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