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SIXIÈME HOMÉLIE. Et Dieu dit : « Que des corps de lumière soient faits dans. le firmament du ciel, et qu'ils éclairent la terre, afin qu'ils séparent le jour et la nuit et qu'ils servent de signes pour marquer les temps et les saisons, les jours et les années. » (Gen. I, 14.)

 

ANALYSE.

 

1. L'orateur se plaint amèrement de l'empressement qui, la veille, avait entraîné tous les auditeurs au cirque pour voir des courses de chevaux. — Il rougit pour eux de celte funeste curiosité qui leur fait perdre tout le fruit du jeûne et des instructions qu’ ils entendent. — Encore, s'ils péchaient par ignorance, mais ils connaissent leurs devoirs, et ils n'en sont que plus coupables. — Le démon seul se réjouit de ce fatal entraînement , puisque par là il les a dépouillés des richesses spirituelles qu'ils avaient amassées. — 2. Mais ces spectacles ne sont-ils pas sans danger pour les moeurs ? L'orateur répond à cette objection par le tableau vif et animé de tous les périls que l'innocence et la pureté de l'âme y rencontrent ; et comme il voit que ses reproches sont vivement sentis, il espère que désormais il n'aura plus sujet de les faire entendre. — 3 et 4. Il aborde alors l'explication du quatorzième verset de la Genèse, et, après une brillante description du soleil, il observe que cet astre fut créé le quatrième jour, afin qu'on ne lui attribuât point la fécondité de la terre, et qu'on ne le considérât point comme la source première de la lumière. — 5. Il signale ensuite, d'après le texte sacré, les divers usages du soleil et de la lune. — 6. Il termine en exhortant ses auditeurs à reconnaître les bienfaits de Dieu par une vie sainte et régulière, et surtout par la fuite des spectacles profanes.

 

1. Je voudrais poursuivre le cours de nos instructions, et je ne sais quel sentiment de répugnance m'en empêche , car un nuage de tristesse offusque ma vue, et trouble mon esprit. Encore si cette tristesse n'allait pas jusqu'à la colère ! Mais, véritablement, je ne sais que faire, tant mes pensées sont incertaines. Et en effet, quand je vois que le moindre souffle de Satan vous a fait oublier les maximes de piété et les sages avis que je vous donne chaque jour, pour courir aux courses diaboliques de l'hippodrome, puis-je avec joie continuer des instructions que vous avez si promptement rendues inutiles? Mais ce qui surtout m'irrite, et m'émeut jusqu'à la colère, c'est que méprisant mes exhortations, et oubliant le respect dû à la sainte quarantaine, vous vous êtes laissé prendre aux piéges du démon. Qui pourrait donc, serait-il plus dur qu'un rocher, supporter sans indignation une telle conduite? Aussi je rougis de honte et de douleur, en voyant que je m'épuise inutilement, et que je ne sème qu'en une terre pierreuse. Au reste, que vous écoutiez ma parole, ou que vous la méprisiez, je n'en suis pas moins assuré de ma récompense, car j'aurai fidèlement rempli mon devoir, je vous aurai fait connaître les richesses de la piété, et je ne vous aurai pas épargné les remontrances. Mais je crains bien , et je tremble que tout mon zèle ne vous accuse plus fortement. Car le serviteur , dit l'Evangile, qui connaît la volonté de son maître et qui ne l'exécute pas, sera frappé de plusieurs coups. (Luc, XII, 47.) Et qui d'entre vous pourrait alléguer son ignorance, puisque chaque jour je vous mets sous les yeux et les pièges du démon et la grande facilité de la vertu, si vous voulez être attentifs et vigilants ?

Ignorez-vous donc que l'Ecriture compare à des chiens ces chrétiens qui négligent ainsi leur salut, qui viennent aujourd'hui dans nos temples, et demain se laissent prendre aux piéges du démon? L'homme, dit le Sage, qui se relève de son péché, et qui le commet de nouveau, est semblable au chien qui retourne à son vomissement. (Prov. XXVI, 11.) Voyez-vous à quels animaux ressemblent ceux d'entre vous qui ont assisté à ces spectacles illicites? et avez-vous oublié cette sentence du Sauveur : Tout homme qui entend mes paroles, et ne les (30) accomplit pas, sera semblable â l'insensé qui a bâti sa maison sur le sable; les fleuves sont venus, et les vents ont soufflé, et se sont précipités sur cette maison, et elle est tombée, et sa ruine a été grande? (Matth. VII, 26.) Mais ceux que l'on a vus accourir à l'hippodrome sont plus insensés encore. Car, selon l'Evangile, la maison de l'insensé n'est tombée qu'à la suite de fortes secousses. C'est ce que nous donnent à entendre ces expressions fleuves et vents, qui ne désignent point l'inondation et la tempête, mais la violence des tentations. Et de même la ruine de cette maison ne marque point le renversement d'un édifice matériel, mais la chute d'une âme qui succombe sous le poids des graves afflictions auxquelles elle n'a pu résister. Contre vous, au contraire, les vents ne se sont point déchaînés, et les fleuves ne se sont point précipités; un léger souffle du démon a suffi pour vous renverser tous.

Est-il folie plus impardonnable ! A quoi vous sert le jeûne ! Je vous le demande; et à quoi bon venir ici? Qui ne déplorerait donc votre malheur et le mien? Le vôtre, puisque vous avez perdu dans un instant ces trésors de piété si laborieusement amassés et que vous avez vous-mêmes ouvert votre âme au démon, comme pour lui faciliter le vol de vos richesses spirituelles; et nous, qui ne nous plaindra de parler à des oreilles insensibles, et d'être si malheureux que de semer chaque jour, et de ne rien récolter ! Croyez-vous donc que je ne sois zélé à vous annoncer la parole sainte que pour flatter vos oreilles, et rechercher vos louanges? Non, non; et si vous ne retirez aucun fruit de mes discours, il vaut mieux que désormais je me taise : car je ne veux pas être pour vous la cause d'une plus sévère condamnation. Le marchand quia frété un navire l'a chargé d'une riche cargaison, et qui le voit périr corps et biens par la violence des vents et des tempêtes, nous présente le douloureux spectacle d'un homme échappé nu au naufrage, et tombé d'une immense opulence dans la plus affreuse indigence. Voilà aussi ce que le démon a fait à votre égard. Il a vu que votre âme, comme un navire spirituel, était remplie de précieuses richesses, et que vous aviez réuni un véritable trésor par vos jeûnes et votre assiduité à venir entendre la parole sainte. Aussi s'est-il hâté de déchaîner l'orage, c'est-à-dire ces courses inutiles et dangereuses de l'hippodrome, et par cette fatale curiosité, il vous a dépouillés de tous vos biens.

2. Ces reproches sont trop véhéments, je le sens; mais pardonnez-les à mon zèle, et souffrez que je soulage ainsi ma douleur. D'ailleurs ce n'est point la haine qui inspire mes paroles, mais un coeur qui vous aime, et qui ne cherche que votre salut. C'est pourquoi je me relâche de ma sévérité, et, content d'avoir pu arrêter les progrès du anal, je veux, mes chers frères, ranimer en vous une bonne espérance, en sorte que vous ne vous abandonniez pas au désespoir, et que vous ne perdiez pas entièrement courage. Car il y a cette différence entre les malheurs temporels et les pertes spirituelles, qu'on ne peut dans un instant se relever d'une extrême indigence, et retrouver son opulence première, tandis que la miséricorde divine nous offre toutes facilités de recouvrer promptement notre ancien état. Il suffit que nous voulions détester nos fautes, et secouer désormais une coupable inaction. Tel est en effet le Maître que nous servons, et telle est sa bonté et sa libéralité. Aussi nous assure-t-il lui-même par la bouche d'un prophète : Qu'il ne veut point la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. (Ezéch. XVIII, 23.) Je sais en outre que vous êtes bons, et que vous sentez l'indignité de votre conduite. Or, c'est déjà un grand pas fait pour revenir à la vertu que de connaître la grandeur de sa faute.

Mais ne m'alléguez point cette excuse mensongère et diabolique, et ne me dites pas quel mal y a-t-il d'aller voir des courses de chevaux? Car si vous voulez observer attentivement tout ce qui s'y passe, vous demeurez convaincus que tout s'y fait à l'instigation du démon. On n'y voit pas seulement courir des chevaux, mais on y entend des cris, des blasphèmes et des discours inconvenants. Des courtisanes éhontées s'y montrent publiquement, et de jeunes efféminés y étaient leur mollesse. Est-ce donc là un mal léger, et ne suffit-il pas pour séduire et captiver les âmes? trop souvent une rencontre fortuite surprend et précipite dans l'abîme l'imprudent qui n'est pas sur ses gardes; et qu'éprouveront donc ceux qui accourent volontairement à l'hippodrome, qui rassasient leurs regards de ces spectacles lascifs, et qui en reviennent les yeux pleins d'adultères ? Le Seigneur savait bien que l'homme n'est que trop exposé à la tentation, et il n'ignorait pas la malice et les ruses du démon; aussi a-t-il voulu nous prémunir contre (31) notre faiblesse, et nous rendre invincibles contre les attaques de notre ennemi, en promulguant cette loi : Quiconque aura regardé une femme pour la convoiter, a déjà commis l'adultère dans son coeur. (Matt. V, 28.) Ainsi, selon l'Evangile, un regard trop curieux est un adultère consommé.

Ne dites donc plus quel mal y a-t-il à fréquenter le cirque ! puisque la vue seule des courses des chevaux suffit pour causer à notre âme de nombreux dommages. Et en effet, n'est-ce pas véritablement perdre son temps que de le consacrer à 'des spectacles inutiles, et qui, loin de servir à notre salut, ne peuvent que lui devenir dangereux? On s'y dispute, on s'y échauffe, et l'on s'y répand en paroles peu décentes. Comment donc mériter notre pardon, et quelle excuse alléguer ! Dois-je ajouter que si je prolonge un peu mes instructions, plusieurs s'irritent et se fâchent? Ils prétextent la délicatesse d'un tempérament qui ne peut supporter la fatigue d'un long discours, quoique la structure admirable de ce temple nous préserve de tout inconvénient, et nous abrite contre le froid, la pluie et le vent. Mais dans le cirque, malgré des torrents de pluie, malgré la violence de l'ouragan et les rayons d'un soleil brûlant, ces mêmes personnes demeurent une heure, deux heures, et même presque tout le jour. Le vieillard oublie le respect qu'il doit à ses cheveux blancs, et le jeune homme n'y rougit point d'imiter ce scandaleux exemple. L'aveuglement est même si grand, que tous boivent avec délices à cette coupe empoisonnée; et nul ne réfléchit sur la courte durée de ce funeste plaisir que doit suivre un éternel remords, et la voix accusatrice de la conscience. Mais je lis sur vos visages le trouble de vos âmes, et la sincérité de votre repentir. Je vous conjure donc de ne plus retomber dans les mêmes fautes, et, après cette sévère admonition, de ne plus fréquenter ces spectacles et ces assemblées diaboliques. Il n'est pas toujours expédient de n'employer que des remèdes doux et légers; et quand la plaie résiste à ce premier traitement, il faut prévenir la gangrène par des curatifs violents et énergiques.

3. Que les coupables sachent donc que si, après ce solennel avertissement, ils négligent de se corriger, nous cesserons de les tolérer. Oui, nous emploierons la sévérité des lois de l'Eglise, et toute la véhémence de notre zèle pour réprimer ces désordres, et empêcher ce mépris de la parole sainte. Sans doute cet avertissement ne concerne pas tous ceux qui sont ici, et il ne regarde que les coupables. Mais je parle en général, et je laisse à chacun le soin de se faire l'application de mes paroles. Le coupable doit sortir de son péché, et ne plus y retomber. Il doit également s'armer de zèle contre lui-même pour revenir à la piété, et réparer ses fautes. Celui au contraire qui n'a rien à se reprocher, ne négligera point de se tenir mieux encore sur ses gardes, et il craindra de tomber dans le péché. Au reste, les faits eux-mêmes vous prouvent, mes chers frères, que mon coeur n'exhale ainsi sa douleur que parce qu'il vous aime, et qu'il se préoccupe de vous. C'est notre ardente sollicitude pour votre salut qui seule a inspiré nos paroles, et parce que notre âme est pleine en ce moment des meilleures espérances, nous allons reprendre le cours de nos instructions. Mais en vous donnant cette marque de mon affection toute paternelle, je vous prie de m'écouter attentivement, afin que vous reportiez dans vos maisons des fruits plus abondants.

Et d'abord il convient de vous rappeler ce qui vient d'être lu. Et Dieu dit: Que des corps de lumière soient faits dans le ciel et qu'ils éclairent la terre, afin qu'ils séparent le jour et la nuit et qu'ils servent de signes pour marquer les temps et les saisons, les jours et les années , qu'ils luisent dans le firmament dit ciel et qu'ils éclairent la terre. Et cela fut fait ainsi. (Gen. I, 14, 15.) Hier le saint prophète Moïse nous apprit de quelle manière le Créateur de l'univers avait embelli la terre qui d'abord était brute et informe. Il la para d'une infinité de plantes, de fleurs et d'arbres; et aujourd'hui l'écrivain sacré va nous parler de la décoration du ciel. Car, de même que la terre s'embellit par ses propres productions, le Seigneur a donné au firmament un éclat plus vif et plus brillant par la variété des astres dont il l'a parsemé, et surtout par la création de deux grands corps lumineux, le soleil et la lune. Et Dieu fit, dit l'Ecriture, deux grands corps lumineux, l'un plus grand pour présider au jour, et l'autre moindre pour présider à la nuit; et il fit aussi les étoiles. (Gen. I, 16.) Admirez ici la sagesse du divin Ouvrier. Il dit une parole, et soudain le soleil est créé; le soleil, cet astre admirable que Moïse appelle un grand luminaire, et qu'il dit avoir été fait pour présider (32) au jour. C'est en effet de cet astre que le jour emprunte ses clartés, et c'est de ses rayons et de sa splendeur qu'il ruisselle lui-même d'éclat et de lumière. Chaque jour il déploie à nos regards sa ravissante beauté, et dès qu'il paraît à l'horizon, il invite tous les hommes à reprendre leurs travaux.

Le saint roi David, parlant de cette beauté du soleil, compare cet astre à un époux qui sort de son lit nuptial. Il s'élance, dit-il encore, comme un géant dans sa carrière; il part des extrémités de l'aurore et il s'abaisse aux bornes du couchant. (Ps. XVIII, 6, 7.) Quelle sublime image de la splendeur du soleil et de la rapidité de sa course ! Car en nous disant qu'il part des extrémités de l'aurore et qu'il s'abaisse aux bornes du couchant, le Psalmiste nous marque qu'il parcourt l'univers comme en un instant et qu'il répand sa lumière et ses bienfaits d'une frontière du monde à l'autre. Tantôt il échauffe la terre et en dissipe l'humidité, et tantôt il la dessèche et la brûle; en un mot, les services qu'il nous rend sont aussi nombreux que variés, et telle est l'excellence de ce corps céleste que nous ne saurions le louer dignement. Mais ni mes paroles, ni ce pompeux éloge n'ont pour but de concentrer votre admiration sur cet astre. Je veux, au contraire, mes chers frères, que vous vous éleviez plus haut, et que de la créature vous remontiez jusqu'au Créateur. Car plus le soleil est brillant, et plus est excellent Celui qui a créé le soleil.

4. Mais les Gentils, qui admiraient comme nous cet astre, n'ont point porté leurs vues plus haut et n'ont point loué le Créateur; ils se sont arrêtés à la créature et lui ont rendu les honneurs divins. C'est pourquoi l'Apôtre a dit: Qu'ils ont adoré et servi la créature plutôt que le Créateur. (Rom. I, 25.) C'étaient de véritables insensés qui n'ont pu reconnaître le Créateur en ses créatures, et qui sont tombés dans un si étrange égarement qu'ils ont mis la créature à la place du Créateur.

C'est pourquoi l'Esprit-Saint, qui savait combien l'homme est enclin à l'erreur, vous enseigne que le soleil n'a été créé que le troisième jour; mais déjà la terre avait fait germer ses diverses productions et s'était revêtue de ses riches ornements : et Dieu l'avait ordonné, afin qu'on ne pût dire plus tard que les moissons et les fruits ne sauraient mûrir sans le soleil. Ainsi l'Ecriture vous apprend qu'avant la création du soleil, les plantes et les fruits existaient, de peur que vous ne lui attribuiez cette heureuse fécondité; elle appartient tout entière au divin Ouvrier qui, dès le commencement, prononça cette parole : Que la terre produise les plantes verdoyantes. Direz-vous que la coopération du soleil favorise la maturité des fruits et des moissons? je ne le nie point. Car, quoique le laboureur aide à la fécondité de la terre, il ne s'ensuit pas qu'il soit l'auteur de cette fécondité; out au contraire, quand il multiplierait même ses soins et ses travaux, il se fatiguerait inutilement, si le Seigneur, dont la parole rendit dès le commencement la terre propre à produire les fruits, ne lui continuait cette merveilleuse disposition; oui, ni les travaux du laboureur, ni l'influence du soleil et de la lune, ni le concours des saisons ne nous seraient d'aucune utilité si la main du Seigneur ne leur prêtait son puissant secours. Mais lorsque Dieu leur donne sa bénédiction, les éléments eux-mêmes contribuent beaucoup à la fertilité de la terre. Imprimez donc profondément ces vérités dans votre mémoire, et en retenant ceux qui voudraient encore s'égarer, ne leur permettez pas de rendre aux créatures l'honneur qui n'appartient qu'au Créateur.

Observez, en effet, que la sainte Ecriture, qui nous dépeint la beauté du soleil, sa grandeur et son utilité sous cette belle image : Semblable à un époux, il s'élance comme un géant dans sa carrière, nous parle aussi de sa faiblesse et de ses défaillances : Quoi de plus brillant que le soleil, dit-elle, et cependant le soleil s'éteindra. (Eccli. XVII, 30.) C'est comme si elle nous disait : Ne vous laissez point séduire par cet admirable spectacle; car si le Créateur l'ordonnait, cet astre si beau disparaîtrait à l'instant et rentrerait dans le néant. La connaissance de ces vérités eût préservé les païens de leurs monstrueuses erreurs, et ils eussent compris que la vue des créatures devait les élever jusqu'au Créateur. Le soleil ne fut aussi créé que le quatrième jour, afin que l'homme ne le considérât point comme l'auteur et le principe de la lumière. Car, ce que j'ai dit de la production des plantes, je puis bien le redire de la lumière, savoir que trois jours ont précédé la création du soleil. Le Seigneur a voulu seulement que cet astre augmentât la clarté du jour; il faut en dire autant de la lune, qui est un corps lumineux moins (33) grand, car trois nuits s'écoulèrent avant sa création. Ce n'est pas qu'elle ne nous soit merveilleusement utile; puisqu'elle dissipe les ténèbres de la nuit et remplit,presque les mêmes fonctions que le soleil : celui-ci a été créé pour présider au jour et la lune, pour présider à la nuit. Or que signifie, celte expression : présider au jour et présider à la nuit? elle marque, selon l'Écriture , que le soleil illumine le jour du feu de ses clartés, et que la lune, en dissipant les ténèbres de la nuit, aide les hommes par sa douce lumière dans l'accomplissement de leurs travaux. Et en effet le voyageur poursuit sa route avec plus de confiance, le pilote dirige mieux son navire sur l'immensité des mers, et chacun vaque sans crainte à ses travaux et ses occupations. Après vous avoir fait ainsi connaître l'utilité de ces deux grands luminaires, l'écrivain sacré ajoute que Dieu fit aussi les étoiles et qu'il les plaça dans le ciel pour luire sur la terre, pour présider au jour et â la nuit, et pour séparer la lumière d'avec les ténèbres. (Gen. I, 17, 18.)

5. Ces paroles nous font connaître quel a été le dessein de Dieu en créant les étoiles. Il les a placées, dit Moïse, dans le firmament du ciel. Qu'est-ce à dire ? Est-ce qu'il les y a clouées ? Non certes ; puisque nous les voyons franchir en un instant des espaces immenses, et accomplir par un mouvement incessant les diverses révolutions que le Seigneur leur a tracées. Quel est donc le sens de cette expression : il les plaça ? Elle signifie qu'il leur assigna le ciel pour demeure. — C'est ainsi que l'Écriture nous dira également que Dieu plaça Adam dans le paradis terrestre. ( Gen. II, 8. ) Il ne l'y fixa pas immuablement, mais il l'y plaça pour qu'il l'habitât ; et de même nous disons que le Seigneur a voulu que les étoiles fussent comme attachées à la voûte du firmament, afin que du haut du ciel elles pussent éclairer la terre. Or, je vous le demande, mon cher frère, l'émail de nos prairies, et les fleurs de nos jardins sont-ils aussi beaux que le ciel , lorsque au milieu de la nuit il scintille du feu des étoiles. La brillante variété de ces astres l'embellit et le parsème de fleurs étincelantes qui nous envoient une abondante lumière. Car les étoiles ont été créées pour éclairer la terre , et pour présider au jour et à la nuit. Déjà cette observation a été faite spécialement au sujet du soleil et de la lune; mais ici Moïse, après nous avoir révélé la création de ces deux grands corps de lumière, et celle des étoiles, ajoute, en. parlant de tous, que Dieu les fit pour présider au jour et ci la nuit, et pour séparer la lumière d'avec les ténèbres. Si les étoiles ne paraissent point pendant le jour., c'est que l'éclat du soleil les voile à nos regards; et de même le soleil ne brille point pendant la nuit, parce que la lumière de la lune suffit pour dissiper les ténèbres. Au reste tous les astres demeurent dans les limites qui leur sont tracées; ils ne s'en écartent point, et chacun d'eux obéit docilement aux ordres du Seigneur, et remplit son ministère.

Mais qui expliquerait tous les autres avantages que procurent à l'homme le soleil, la lune et les étoiles ? Ils servent de signes, dit l'Ecriture, pour marquer et les temps, et les jours, et les années. Que signifient donc ces paroles : et les temps , et les jours, et les années ? L'écrivain sacré a voulu nous apprendre que le cours des astres règle pour nous celui des temps, ou saisons, que leur révolution journalière amène pour nous le jour et la nuit, et que leur périodicité désigne celle des années. Ces observations suffisent à pus nos besoins. Et en effet, le pilote, qui connaît le cours des astres et qui observe le ciel , s'embarque sur la foi de ses calculs, traverse les mers, et dans une nuit profonde se guide sur la vue des étoiles , en sorte que par elles il conduit à bon port son navire et tous les passagers. Ainsi encore le cours des astres indique au laboureur la saison propice de ses travaux. Il sait quand il doit ensemencer la terre, lui donner les divers labours, et préparer sa faucille pour moissonner ses grains. Ajoutons aussi que la connaissance des temps , le, calcul des jours et le cycle des années nous sont d'un usage journalier et infini, et les secours que nous en retirons pour notre bien-être sont si nombreux qu'il serait impossible de les énumérer exactement. Le peu que j'en ai dit suffit à nous en donner une haute idée; et après avoir admiré les créatures, ne négligeons point d'adorer et de célébrer le Créateur. Oui, louons son ineffable bonté envers nous, puisqu'il n'a créé le monde que pour l'homme , et que bientôt il va l'y introduire comme le roi et le maître de toutes les créatures.

Et Dieu vit, dit l'Écriture, que cela était bon. A chaque jour de la création l'écrivain sacré observe que Dieu approuva son couvre , afin d'ôter tout prétexte à ceux qui osent la (34) critiquer. Tel est, en effet, comme le prouve le contexte, le but de Moïse ; autrement il eût suffi de dire en général que Dieu vit que tout ce qu'il avait fait était bon. Mais parce que le Seigneur connaît l'infirmité de l'esprit humain, il a voulu louer séparément chacun de ses ouvrages , afin de nous faire connaître la souveraine sagesse et l'ineffable bonté qui ont présidé à leur création. Et du soir et du matin se fit le quatrième jour. Dieu, qui avait d'abord placé dans le ciel deux grands corps de lumière, en acheva l'ornementation en le décorant du feu des étoiles. Telle fut l'œuvre du quatrième jour , comme Moïse nous l'indique en disant que du soir et du matin se fit le quatrième jour. Mais s'il se répète ainsi à chaque jour de la création, c'est pour mieux graver dans nos esprits ses divines instructions.

6. Il nous importe donc de les graver, au plus profond de nos cœurs, et de secouer noire négligence habituelle, afin que, mieux instruits des dogmes de notre religion, nous puissions en tout esprit de douceur, éclairer les gentils, et dissiper leurs erreurs. Empêchons-les de confondre l'ordre des choses, et d'adorer au lieu du Créateur , les créatures qui n'ont été faites que pour notre salut et notre utilité. Oui, dût ma parole soulever tous les gentils, je publierai à haute voix que le monde n'a été créé que pour l'homme. Car Dieu se suffit à lui-même, et il n'a besoin d'aucun de ces biens extérieurs. Mais la création de l'univers nous manifeste sa bonté; et il a entouré l'homme de tant d'honneur et d'estime qu'il lui a donné les créatures pour le conduire à la connaissance et à l'adoration du Créateur. Et en effet, n'est-il pas absurde de s'extasier , et de se prosterner devant ces créatures si belles , et de ne point élever sa pensée jusqu'à Celui qui les a faites ! Pourquoi ne croirions-nous pas à cette parole de l'Apôtre : Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde, par tout ce qui a été fait? (Rom. I, 20.) Répondez-moi, ô homme ! Lorsque vous contemplez le ciel, n'admirez-vous pas cette beauté qui résulte de la variété, de l'élévation et de la splendeur des astres ? Mais ne vous arrêtez pas à ces objets sensibles, et atteignez par la pensée l'Auteur de tant de merveilles. L'éclat du soleil vous ravit d'étonnement, les divers phénomènes de sa lumière vous surprennent , et la splendeur de ses rayons., qui éblouit vos yeux, vous transporte d'admiration. Mais n'en demeurez pas là ; en voyant qu'une simple créature est si excellente qu'elle échappe à toute appréciation humaine, comprenez combien est grand et puissant Celui qui l'a produite par une seule parole. Appliquez le même raisonnement à la terre. Lorsque vous la voyez émaillée de mille fleurs, comme d'un vêtement parsemé de broderies, et couverte de fruits et de moissons, ne lui attribuez point cette admirable fécondité, et gardez-vous bien aussi d'en faire hommage à la coopération du soleil et de la lune; mais souvenez-vous qu'avant la création de ces deux astres le Seigneur avait dit Que la terre produise les plantes verdoyantes, et que soudain la terre revêtit ses riches ornements.

Si nous faisions chaque jour ces réflexions , nous serions pénétrés de reconnaissance envers le Seigneur , et nous le louerions autant qu'il le mérite , ou du moins autant que nos forces nous le permettraient. Mais le meilleur moyen de le glorifier, est de mener une vie sainte, et de ne point retomber dans nos anciens péchés. C'est pourquoi ne nous laissons plus séduire par les illusions du démon, et méritons la grâce et la miséricorde divine par une vigilante attention sur nous-mêmes , un grand zèle , et l'assiduité aux devoirs de la prière publique. Car le Seigneur est à notre égard si miséricordieux, qu'il se contente de nos efforts pour éviter le péché, et nous facilite lui-même la pratique des bonnes oeuvres. Que nul d'entre vous, je vous en conjure, ne paraisse dore dans les jeux du cirque , et ne consume une partie du jour en des réunions et des entretiens inutiles; que nul d'entre vous ne se livre à la passion des jeux de hasard, et ne se mêle aux cris indécents et aux mille désordres qui les accompagnent. Eh ! de quoi vous sert-il, je vous le demandé; de jeûner et de ne prendre jusqu'au soir aucune nourriture, si vous passez toute la journée à jouer aux dés, si vous vous permettez de folâtres amusements, et si enfin vous ,prononcez des jurements et des blasphèmes ? Ah ! ne soyons plus si indolents pour tout ce qui concerne notre salut, et que tous nos entretiens roulent sur des matières spirituelles. Il serait même bon que chacun eût entre les mains quelqu'un de nos livres saints, et que, réunissant ses amis , il pût s'édifier avec eux par une pieuse lecture. Ces pratiques nous aideront puissamment à éviter les piéges du démon, et à recueillir de notre jeûne des fruits abondants. Elles nous mériteront également la grâce du Seigneur, par l'ineffable bonté; de Dieu le Fils, à qui soient, avec, le Père et l'Esprit Saint, la gloire, l'empire et l'honneur , maintenant , et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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