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QUATRIÈME DISCOURS. Que le péché a introduit trois espèces de servitude ; contre les auditeurs inattentifs, et ceux qui n'honorent pas leurs parents.

 

ANALYSE.

 

1-2. Dieu honore l'homme même avant qu'il soit. Le péché a introduit la servitude. Devoir de la femme; pourquoi elle a été assujettie à l'homme. — 3. Du devoir des enfants envers leurs parents : des récompenses qui attendent ceux qui honorent leurs pères et mères. Du châtiment des parricides. Pourquoi Dieu a voulu qu'ils fussent lapidés.

 

1. Hier, vous avez appris, comment d'une part, Dieu a institué l'homme roi, commandant aux animaux, de quelle manière, d'autre part, il lui a aussitôt repris cette royauté. Disons mieux, ce n'est pas Dieu, mais la désobéissance de l'homme, qui l'a détrôné. Que l'homme ait obtenu cette royauté, voilà ce qui n'appartient qu'à la Divine Bonté. Et ce n'est pas pour récompenser l'homme de ses vertus, c'est avant la naissance de l'homme, que Dieu l'a glorifié de cet honneur. N'allez pas dire, que l'homme, ayant reçu la naissance, fit un grand nombre de nobles actions, qui lui concilièrent la faveur de Dieu, au point de lui faire obtenir l'empire sur les animaux; c'est au moment où Dieu allait créer l'homme, qu'il proclame son empire par ces paroles : Faisons l'homme à notre image et ressemblance,, et qu'il commande aux. animaux de la terre. L'honneur est donné avant la vie; la couronne, avant que la création soit achevée; l'homme n'est pas encore fait, et Dieu l'élève au trône royal. Que font les princes de la terre ? C'est quand leurs sujets sont arrivés à l'extrême vieillesse, ce n'est qu'après beaucoup de travaux, après leur avoir vu affronter des périls sans nombre, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, qu'ils pensent enfin à leur conférer des honneurs. Dieu, au contraire, n'agit pas ainsi ; mais tout de suite, dès la naissance, il a élevé l'homme à son rang glorieux; ce qui prouve qu'il n'y a pas là une récompense décernée à ses vertus, mais une faveur de la Divine Bonté, qui ne paye pas tine dette. Ainsi, que l'homme ait reçu le commandement, c'est l'effet, uniquement l'effet de la bonté de Dieu; et maintenant, qu'il soit déchu de ce commandement, c'est l'effet de sa propre lâcheté. Les rois enlèvent le pouvoir à ceux qui violent leurs ordres; c'est la conduite que Dieu a tenue envers l'homme, quand il lui a retiré son pouvoir. Or, il est utile aujourd'hui, de vous dire quel honneur insigne le péché lui a encore enlevé ; que d'espèces de servitudes il a introduites' dans le monde ; comme un tyran prodiguant l'esclavage sous des formes diverses, sous quelle diversité de dominations, il a enchaîné notre nature. La première de ces dominations, c'est la servitude qui met les femmes sous la puissance des hommes; cette domination s'établit après le péché, car, avant la désobéissance, la femme était l'égale de l'homme. Dieu, en la créant, prononça les mêmes paroles qu'en créant l'homme ; de même donc qu'il dit, à son sujet : Faisons l'homme à notre image et ressemblance, et qu'il ne dit pas . Que l'homme soit fait; de même, pour la femme, il n'a pas dit Que la femme soit faite, mais ici encore: Faisons-lui une aide, et il ne dit pas simplement; (453) une aide, mais semblable à lui . (Gen. II, 18), pour montrer encore l'égalité dans l'honneur. Les animaux sans raison nous sont, eux aussi, des aides fort utiles pour les nécessités de notre vie; n'allez pas croire, par hagard, que la femme dût être mise au nombre des esclaves : voyez quel soin, dans le texte, pour l'en séparer très-distinctement. Il amena les animaux, dit le texte, devant Adam, et il ne se trouvait point d'aide pour Adam qui lui fût semblable. (Gen. II, 19, 20.) Quoi donc ! N'est-ce pas un aide, que le cheval, qui lui prête son secours dans les combats? N'est-ce pas un aide que le boeuf, qui traîne la charrue, et, à l'époque des semences, travaille avec nous ? Ne sont-ce pas des aides , que l'âne et le mulet, qui nous aident à transporter nos fardeaux ? C'est pour prévenir cette observation, que l'Ecriture prend soin de distinguer ici; elle ne se contente pas de dire : Il ne se trouvait point d'aide pour lui, mais : Il ne se trouvait point d'aide qui lui fût semblable. Et de même, Dieu ne dit pas seulement : Faisons-lui une aide, mais : Faisons- lui une aide semblable à lui. Telles étaient les paroles avant le péché; mais, après le péché, Vous vous tournerez vers votre mari, et il vous dominera. (Gen. III, 16.) Je vous ai faite, dit-il, égale par l'honneur; vous avez abusé de votre commandement; descendez au rang de sujette; vous n'avez pas supporté la liberté, acceptez la servitude; vous n'avez pas su commander, vous l'avez montré par votre conduite, soyez au rang des créatures soumises, et reconnaissez l'homme pour votre maître : Vous vous tournerez vers votre mari, et il vous dominera. Mais voyez, ici, la bonté de Dieu. En entendant ces mots : il vous dominera, elle aurait pu imaginer une domination pesante; Dieu a exprimé d'abord la sollicitude en disant: Vous vous tournerez vers votre mari, c'est-à-dire : il sera votre refuge, votre port, votre sécurité; je vous le donne pour que, dans tous les maux qui vous affligeront, vous vous tourniez vers lui, vous cherchiez en lui votre refuge. Et, ce n'est pas tout ; il les a enchaînés l'un à l'autre par des lois naturelles, par une réciprocité de désirs qui forment, autour d'eux, d'indissolubles liens. Voyez-vous comme la sujétion est venue par le péché ; mais aussi , comme l'ingénieuse sagesse de Dieu a tout converti à notre utilité? Ecoutez ce que dit Paul, de cette sujétion, et vous comprendrez, une fois de plus, la concorde de l'Ancien et du Nouveau Testament : Que les femmes se tiennent en silence et dans une entière soumission lorsqu'on les instruit. (I Tim. II, 11, 12.)

Voyez-vous que c'est Dieu lui-même qui a mis la femme sous la puissance de l'homme? Mais attendez : vous allez en savoir la cause. Pourquoi : dans une entière soumission ? Je ne permets pas, dit-il, à la femme d'enseigner. Pourquoi ? c'est qu'elle s'est prise une fois à enseigner, et qu'elle a mal enseigné Adam. Ni de prendre autorité sur son mari. Pourquoi ? c'est qu'elle a pris une fois cette autorité, et ce fut un mal. Mais, je lui ordonne d'être dans le silence. J'attends la raison : Adam, dit-il, n'a point été séduit, mais la femme ayant été séduite est tombée dans la désobéissance. Voilà donc pourquoi il la fait descendre de la chaire où l'on enseigne. En effet, que celui qui ne sait pas enseigner, dit-il, s'instruise lui-même; s'il ne veut pas s'instruire, s'il a la prétention d'enseigner , il se perdra lui-même, et ses disciples après lui : n'est ce qui est arrivé à la première femme. Voilà donc la vérité : elle a été assujettie à son mari, et c'est le péché qui l'a assujettie. Cette vérité est devenue évidente, mais c'est ce qui suit que je voudrais comprendre. Vous vous tournerez vers votre mari, et il vous dominera.

2. Je tiens à savoir ce que dit Paul de la sollicitude qui se montre ici, et comment il concilie la domination et la bienveillance. Dans quel passage? Il écrit aux Corinthiens : Maris, aimez vos femmes. (Ephés. V, 25.) C'est le : Vous vous tournerez vers votre mari; Que les femmes craignent leurs maris (Ibid. 33) : c'est le, et il vous dominera. Voyez-vous la douceur de cette domination? C'est l'amant passionné qui commande à la femme devenue son esclave; c'est la tendresse qui respire dans ce maître terrible. Voilà comment disparaît tout l'ennui de la servitude. Donc, la désobéissance a introduit une domination. Oubliez, en effet, que Dieu a tempéré comme il le fallait la servitude; considérez uniquement ceci : que cette servitude a été établie par le péché. Eh bien ! il est encore une seconde espèce de servitude bien plus pesante que la première, et cette seconde servitude provient aussi du péché. Après le déluge de Noé, après ce commun naufrage, cette destruction de l'univers, Cham s'est rendu coupable envers son père ; il l'avait vu dans un état de nudité; en l'accusant auprès (454) de ses frères, il le mit encore plus à nu; et, conséquence de sa faute, il est devenu l'esclave de ses frères. Sa volonté pervertie dégrada la noblesse de sa nature, et sa punition fut juste. L'Ecriture, en effet, présente mille excuses en faveur du juste Noé. Noé, s'appliquant à l'agriculture, commença, dit le texte. (Gen. IX, 20.) Ce commença est pour l'ivresse une excuse considérable; il ne savait pas encore la quantité de vin qu'on pouvait boire, ni de quelle manière on devait le boire; pur ou mélangé d'eau; ni quand on devait le boire, tout de suite, au sortir du pressoir, ou s'il fallait attendre quelque temps. C'est ainsi que l'Ecriture excuse l'action de Noé; mais maintenant, celui qui était un fils de Noé, qui lui devait sa conservation (en effet, c'est à cause du privilège accordé à son père, qu'il n'avait pas été exterminé avec les autres par la tempête universelle), sans aucun respect naturel, sans aucun souvenir du salut qui lui avait été accordé, surmontant la crainte qui aurait dû le ramener à de meilleurs sentiments; et cela, quand il restait encore tant de preuves de la colère divine; quand il voyait encore partout les traces d'une immense calamité; quand l'horreur du sinistre récent était encore vivante, il n'a pas craint d'outrager son père. Un sage prévient ces fautes par l'avertissement qu'il donne ainsi : Ne vous glorifiez pas de l'outrage fait ci votre père, car ce n'est pas une gloire pour vous, que votre père soit outragé. (Ecclés.) Mais Cham ne connaissait pas cette parole, et il commit un péché qui ne mérite ni pardon ni excuse. En punition de son péché, il encourut la servitude; il devint l'esclave de ses frères; la prérogative d'honneur que la nature lui avait conférée, il la perdit par la perversité de son âme. Voilà la seconde espèce de servitude.

Voulez-vous en connaître maintenant une troisième, plus douloureuse, celle-ci, que les deux premières, et beaucoup plus redoutable; car, ces deux servitudes n'ayant pas suffi à nous corriger, Dieu a rendu nos chaînes plus pesantes. Quelle est donc cette troisième servitude? Celle qui nous assujettit à des princes, à des puissances; elle ne ressemble pas à celle de la femme, à celle des esclaves; elle est de beaucoup plus redoutable. Les yeux voient de toutes parts les glaives aiguisés, les bourreaux, les supplices, les tortures, les châtiments, un pouvoir de vie et de mort. Maintenant, pour vous faire comprendre que cette espèce de domination est aussi un résultat du péché, voici Paul qui vient lui-même; écoutez ses réflexions sur ce sujet : Voulez-vous ne point craindre les puissances, faites le bien et elles vous en loueront? Si vous faites le mal, craignez, car ce n'est pas en vain que le prince porte l'épée. (Rom. XIII, 3-4.) Comprenez-vous que c'est contre les méchants qu'il y a des princes et des épées? Ecoutez cette parole, plus claire encore, car le prince punit, dit-il, celui qui fait le mal. L'Apôtre ne dit pas: Car ce n'est pas en vain qu’il est prince, mais, que dit-il? Car ce n'est pas vain que le prince porte l'épée. C'est un juge armé que Dieu a mis au-dessus de toi. Un père qui aime ses enfants, quand. il les voit négliger leurs devoirs, quand il voit que sa bonté paternelle lui attire leur mépris, les confie alors, n'écoutant encore que sa bonté, à des précepteurs qui inspirent plus de crainte; c'est ainsi que Dieu, se voyant méprisé par nous, à cause de sa bonté, nous a livrés à ces pédagogues qu'on appelle les princes, pour corriger notre négligence. Si vous voulez, ouvrons l'Ancien Testament, nous y verrons que c'est notre perversité quia rendu nécessaire cette domination. Un prophète, enflammé de colère contre des hommes injustes, fait entendre ces paroles : Pourquoi demeurez-vous dans le silence pendant que l'impie dévore le juste? Pourquoi traitez-vous les hommes comme des poissons de la mer, et comme des reptiles qui n'ont point de roi. (Habac. I, 13-14.) Donc, si le roi existe, c'est pour que nous ne soyons pas comme des reptiles; s'il y a un prince, c'est pour que nous ne nous dévorions pas mutuellement comme des poissons. Car, de même qu'on a inventé les médicaments à cause des maladies, de même, les supplices ont été institués en vue des fautes. L'homme vertueux n'a pas besoin d'un tel pouvoir au-dessus de lui; voilà pourquoi vous avez entendu Paul vous dire: Voulez-vous ne point craindre les puissances, faites le bien, et elles vous en loueront. Votre juge, dit-il, vous regarde; si vous faites le bien,. non-seulement il vous regarde, mais il vous décerne des éloges. Mais à quoi bon vous parler de la nécessité des princes, quand les sages sont au-dessus d'autres puissances de beaucoup plus hautes? les princes eux-mêmes ont, pour princes, les lois. Eh bien ! il n'a pas besoin des lois, celui qui pratique la (455) modération, la justice. Entendez Paul proclamant encore cette vérité. La loi n'est pas pour le juste. ( I Tim. I, 9.) S'il n'y a pas de loi pour lui, à bien plus forte raison, n'y a-t-il pas de prince; voilà donc la troisième espèce de domination qui est encore une conséquence du péché et de la perversité.

3. Comment donc Paul a-t-il pu dire que toute puissance vient de Dieu? (Rom. XIII, 2.) C'est que Dieu a établi les puissances de manière à nous être utiles; d'une part, le péché a rendu les puissances nécessaires, d'autre part Dieu les a converties à notre utilité. Et, de même que, si les blessures rendent les remèdes nécessaires, c'est la sagesse des médecins qui les applique; de même, c'est le péché qui a fait de la servitude une nécessité, mais cette nécessité a subi la direction imprimée par la sagesse du Dieu qui la dompté. Voyons, soyez donc attentifs, et corrigez-vous donc de votre laisser aller. Je sais bien ce que je dis. Nous vous expliquons les Ecritures, et vous voilà détournant, loirs de nous, vos regards sur les lampes et sur l'allumeur ! Vraiment, quelle légèreté, nous laisser là pour vous occuper de cet homme ! Et moi aussi, j'allume, je tire ma flamme dés Ecritures, notre langue que ce feu brûle, est le flambeau dé la doctrine. Cette clarté-là brille plus, et vaut mieux que la sienne. Nous ne l'allumons pas, comme lui, avec de l'huile sur une mèche, nous trempons les âmes dans la piété, et nous les allumons ensuite, parce qu'elles s'embrasent du désir d'apprendre. Un jour, Paul conversait, dans une pièce, au haut d'une maison. (Act. XX, 7,9.) Je ne voudrais pas pourtant qu'on s'imaginât que j'aie la prétention de me comparer à Paul; je ne suis pas assez insensé; ce que je veux, c'est vous faire comprendre l'ardeur avec laquelle vous devez entendre la parole. Eh bien donc, Paul discourait dans une pièce au haut d'une maison et la nuit vint, comme en ce moment, et il y avait des lampes dans la chambre; alors, Eutychus tomba d'une fenêtre, sans que cette chute dispersât la réunion; il mourut, et l'assemblée ne se sépara pas. C'est que les auditeurs étaient si fortement attachés à la divine parole, qu'ils ne s'aperçurent en aucune façon de cette chute. Quant à vous, la chose la plus ordinaire, la moins étonnante, se passe sous vos yeux, c'est un homme qui vient faire son office de tous les jours, et tous vos regards se sont tournés sur lui. Cette légèreté est-elle pardonnable? Il ne faut pas, mes bien-aimés, trouver la réprimande importune et sévère; nous n'avons pas de haine, c'est notre sollicitude pour vous qui nous l'inspire. Les blessures que fait, celui qui aime valent mieux que les baisers qu'offrent d'eux-mêmes les ennemis. (Prov. XXVII, 6.)

Faites donc attention, je vous en prie, et laissant là ce feu, appliquez vos âmes à la lumière des saintes Ecritures. J'ai, en effet, résolu dé vous parler d'une autre autorité, qui ne tire pas son origine du péché, mais de la nature même. Quelle est cette autorité? Celle des parents sur leurs enfants. Le respect de cette autorité, c'est un juste retour en échange des douleurs de l'enfantement; aussi un sage a dit : Sois soumis comme à des maîtres, à ceux qui t'ont engendré. ( Ecclés. III, 8; VII, 30.) Il ajoute ensuite la cause en disant : Car, que rendrez-vous qui égale ce qu'ils ont fait pour vous? Cependant, qu'est-ce que le fils ne peut pas rendre à son père? Le texte n'a donc rien voulu dire que ceci : Ils t'ont engendré, impossible à toi de les engendrer de même; donc, puisqu'à cet égard nous restons au-dessous d'eux , cherchons d'autres moyens, surpassons-les par les honneurs que nous leur rendons ; ne suivons pas, en cela, seulement la loi de la nature, écoutons, avant la nature, la crainte de Dieu. C'est la volonté de Dieu, sa volonté expresse, que les parents soient honorés par les enfants. Qui remplit ce devoir, se prépare de grandes récompenses; ceux, au contraire, qui enfreindraient la loi, seraient frappés par lui, de châtiments terribles. Que celui qui aura prononcé, dit la loi, une parole d'imprécation contre son père où contre sa mère, soit puni de mort. (Exode, XXI, 17.) Quant à ceux qui honorent leurs parents, voici comme la loi les encourage : Honorez votre père et votre mère, afin que vous soyez heureux et pleins de jours sur la terre. (Exode, XX, 12.) Ce qui paraît le plus grand des biens, une belle et noble vieillesse, la longueur des jours, voilà le prix qu'on propose à ceux qui honorent leurs parents. Mais, ce qui semble le plus affreux malheur, la mort prématurée, voilà la menace, suspendue sur ceux qui les outragent. On arrache l'affection des uns par la gloire qu'on leur annonce; les autres, on les détourne violemment des outrages qu'ils voudraient commettre, en leur faisant redouter le châtiment. Car, il n'est pas (456) dit simplement, ni qu'on frappera de mort le parricide, ni que les bourreaux le traîneront hors du tribunal, à travers la place publique; ni qu'on lui tranchera la tête en dehors de la cité; c'est au milieu même de la cité, que le père outragé conduit son fils coupable, et sans rien qui ressemble à un plaidoyer, le père est sûr d'être cru; et c'est avec raison, car celui qui prodiguerait volontiers tout ce qu'il possède, tout ce qu'il a de santé et de force, tout ce qui est à lui, pour son enfant, ne s'en ferait jamais l'accusateur, s'il n'avait reçu de lui un sanglant outrage. Donc le père le conduit au milieu de la cité; il appelle tout le peuple; il prononce l'accusation, et parmi tous ceux qui l'écoutent, chacun prend une pierre, et tous écrasent le parricide. Ce ne sont pas de simples spectateurs du châtiment, mais des ministres que la loi réclame, afin que, pour chacun d'eux, la simple inspection de cette main qui a jeté la pierre contre la tête du parricide, soit un avertissement suffisant, pour les tenir dans le devoir. Ce n'est pas tout: le législateur nous insinue encore une autre pensée : qui outrage ses parents, n'est pas coupable envers eux seuls, mais se rend coupable envers tous les hommes, et voilà pourquoi tous les hommes sont appelés à exécuter en commun le châtiment; c'est qu'ils sont tous outragés; le législateur convoque, à la fois, tout le peuple, la cité tout entière, enseignant par là que ceux qui n'ont, avec les parents outragés, rien de commun, ressentent cependant, tous ensemble, la même indignation contre ceux qui leur ont fait outrage, comme si l'outrage frappait la nature entière, et parce qu'un homme, ainsi dégradé, c'est une peste, un fléau public, qu'il ne suffit pas de bannir de la cité, qu'il faut encore faire disparaître de la lumière. Un tel homme, en effet, est un ennemi public, un ennemi particulier, un ennemi commun de tous les hommes, de Dieu, de la nature, des lois, de la société des vivants. Voilà pourquoi nous devons tous participer à l'extermination, afin de purifier la cité. Ah ! maintenant, que l'abondance des biens soit sur vous, parce que vous avez écouté avec tant de plaisir ce que nous venons de dire sur le parricide, et, qu'au lieu de prendre des pierres, c'est par vos cris que vous l'avez exterminé. Marque certaine de la grande affection que chacun de vous a pour son père; car les lois que nous admirons le plus, ce sont les lois qui châtient les péchés que notre conscience ne nous reproche pas. Pour tous ces biens, rendons grâces au Dieu plein de bonté, qui veille sur nous, qui prend soin de nos parents, qui s'inquiète pour nos enfants, qui dispose tout pour notre salut. A lui la gloire, l'honneur et l'adoration, ainsi qu'au Père, qui n'a pas eu de commencement, ainsi qu'à l'Esprit-Saint, et maintenant, et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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