HOMÉLIE XXV

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HOMÉLIE XXV. MAIS, PUISQU'IL Y EN A QUI SONT SI HARDIS A PARLER D'EUX-MÊMES, JE VEUX BIEN FAIRE UNE IMPRUDENCE, EN ÉTANT AUSSI HARDI QU'EUX. (XI, 21, JUSQU'A LA FIN DU CHAPITRE.)

 

Analyse.

 

1. Encore sur la répugnance que Paul montre toujours à parler de ses œuvres, même quand il y est forcé.— Enumération de ses souffrances, de ses épreuves, de ses dangers.

2. Il ne parle pas de ses miracles, mais seulement de ce qui fait paraître sa faiblesse.— Les souffrances de son âme, plus cruelles que celles de son corps, et provenant de sa charité.— De sa prudence, égale à son courage.

3. C'est l'Eglise tout entière qui triomphe par ses œuvres, par ses vertus.— C'est un feu inextinguible ; c'est un feu qui convertit en sa substance tout ce à quoi il se communique.— Paul supérieur à David vainqueur de Goliath.— Exemples qu'il nous faut retirer de la vie et du caractère de Paul.

 

1. Voyez-le, ici encore, montrer sa répugnance, ses hésitations, voyez de quelle précaution il use. Et certes il ne s'est pas fait faute de dire, exprimant toujours la même pensée : « Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence ! » et encore : « Que personne ne me juge imprudent, ou au moins, souffrez-moi comme imprudent » ; et : « Ce que je dis, je ne le dis pas selon Dieu, mais je fais paraître de l'imprudence » ; et : « Puisque plusieurs se glorifient selon la chair, moi aussi, je me glorifierai ». (152) Et, ici encore : « Mais, puisqu'il y en a qui sont si hardis à parler d'eux-mêmes, je veux bien faire une imprudence en étant aussi hardi qu'eux ». C'est de la hardiesse, c'est de l'imprudence, selon lui, que de parler de soi avec fierté, même quand on y est contraint, et il s'attache à nous montrer qu'il faut fuir cette prétention. Si, après avoir tout fait, nous devons nous considérer comme inutiles, quelle pourrait être l'excuse de celui qui, sans raison aucune, s'exalte et se vante? C'est ce qui a attiré au Pharisien le traitement qu'il a subi; voilà comment il a fait naufrage dans le port; voilà l'écueil contre lequel il s'est brisé. C'est ce qui fait que Paul, quelle que soit l'impérieuse nécessité qui 1e presse, répugne tant à se louer, et ne cesse pas de rappeler que c'est de l'imprudence. Enfin il se risque, et après avoir fait valoir la nécessité qui l'excuse, il dit : « Sont-ils Hébreux ? Moi aussi. Sont-ils Israélites? Moi aussi (22) ». En effet, tous les Hébreux n'étaient pas Israélites, puisque et les Ammonites et les Moabites étaient Hébreux. Aussi ajoute-t-il, pour montrer la pureté de son sang : « Sont-ils de la race d'Abraham ? Moi aussi. Sont-ils ministres de Jésus-Christ? Quand je devrais passer pour imprudent, je le suis plus qu'eux (23) ». Il ne se contente pas d'avoir déjà employé cette précaution, il répète ici encore ce correctif : « Quand je devrais passer pour imprudent, je le suis plus qu'eux ». Je vaux mieux, je les surpasse.

Les preuves manifestes de sa supériorité ne lui manquaient certes pas ; il n'en qualifie pas moins son langage, d'imprudent. Mais, dira-t-on , si c'étaient de faux apôtres, il n'était pas besoin d'une comparaison pour établir sa supériorité sur eux, il fallait montrer que ces hommes-là n'étaient pas des ministres. Aussi Paul. a-t-il dit que c'était « de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, qui se transfigurent en apôtres de Jésus-Christ ». Mais maintenant , il ne procède plus de même ; il veut examiner à fond la question; on ne doit pas, lorsqu'une enquête est possible, se borner à une simple affirmation de jugement; l'apôtre fait d'abord la comparaison de leur vie et de la sienne , et c'est en 's'appuyant sur la réalité qu'il les ruine avec une bien plus grande autorité. C'est d'ailleurs l'opinion que ces gens-là ont d'eux-mêmes, et non son jugement à lui, que l'apôtre exprime, en disant : « Ils sont ministres de Jésus-Christ ». Quand il ajoute : « Je le suis plus qu'eux », c'est une comparaison; une affirmation pure et simple ne lui suffit pas, il va donner la démonstration par les faits, et par là on verra bien que c'est à lui qu'appartient le caractère propre dé l'apostolat. Laissant de côté tous ses miracles, il. parle de ses épreuves tout d'abord, il dit : « J'ai plus souffert de travaux, plus reçu de coups », ta seconde épreuve , être battu , recevoir des coups de fouet , est plus cruelle que la première. « Plus enduré de prison ». Ici encore, gradation. « Je me suis souvent vu tout près de la mort. Il n'y a pas de jour », dit-il, « que je ne meure ». (I Cor. XV, 31.) Ici, c'est la réalité même qu'il décrit, souvent il a été exposé à des dangers de mort. « J'ai reçu des  Juifs, cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet (24) ». Pourquoi « trente-neuf! » C'est qu'une ancienne loi portait que celui qui recevait plus de quarante coups était infâme. Donc pour empêcher que l'emportement de celui qui donnait les coups, n'excédât le nombre et ne rendît infâme celui qui les recevait, on avait fixé ce nombre à quarante moins un, à trente-neuf; de cette manière, quelle que fût la vivacité de celui qui frappait, il n'était pas exposé à dépasser les quarante , il restait en deçà du nombre déterminé, et ne rendait pas infâme le patient.

« Trois fois j'ai été battu de verges; une fois lapidé ; trois fois j'ai fait naufrage (25) ». Et que fait cela à l'Evangile? Beaucoup, puisque pour le prêcher, il faisait de longs voyages , et traversait les mers. « Un jour et une nuit, j'ai été dans l'abîme ». Au milieu de la mer, selon les uns; selon les autres, il nageait;-ce qui est plus vraisemblable. Ce fait, il rie le donne pas comme un miracle, comme plus considérable que ses naufrages. « Dans les périls sur les fleuves (26) ». En effet, il était forcé de traverser les fleuves: « Dans les périls des voleurs, dans les périls au milieu de la cité, dans les périls de la solitude ». Partout des luttes devant moi , dans les pays, dans les contrées, dans les cités, dans les solitudes. « Dans les périls entre les nations, dans les périls entre les faux frères ». Vous voyez, ici, une autre espèce de guerre. Il ne rencontre pas seulement des ennemis déclarés, il se voit attaqué par ceux qui jouaient l'affection fraternelle, et il avait grand besoin, et de (153) fermeté et de prudence. «J'ai souffert les travaux et les fatigues ». Les dangers succédaient aux labeurs, les labeurs aux dangers, sans relâche, sans trêve, et ne le laissaient pas même respirer un moment. « Souvent dans les voyages, souffrant la faim, la soif, la nudité, outre les maux extérieurs (27, 28) ».

2. II en passe plus qu'il n'en énumère ; ou plutôt, même les épreuves qu'il énumère, il n'en peut exprimer la rigueur ; il ne les montre pas , Il se contente d'en donner un chiffre court, facile à retenir; par trois fois , dit-il, par trois fois , une fois; quant à celles dont il ne peut donner le chiffré , parce que ce chiffre serait trop considérable, il n'en parle pas. Et il ne dit pas les heureux fruits qui en sont sortis, tant et tant de conversions; il ne dit que ce qu'il a souffert en prêchant l'Évangile, et il fait en même temps deux choses : il montre sa modestie , et il montre, qu'alors même que ses travaux n'auraient rien produit, ils n'auraient pas été pour lui sans résultat, car c'est ainsi qu'il a mis le comble à la rémunération qu'il attend. « Mes assauts de tous les jours ». Les troubles, les violentes inquiétudes , les peuples qui l'attaquaient, les villes- qui se jetaient sur lui. C'étaient surtout les Juifs qui lui faisaient la guerre, parce que c'étaient eux surtout que l'apôtre couvrait de confusion , et le plus grand reproche que lui adressait leur fureur, c'était son changement si brusque de parti. La guerre était, contré lui, universelle, acharnée, guerre de la part de ses proches, guerre de la part des étrangers, guerre de la part des hypocrites ; partout autour de lui , des flots , des précipices , dans les contrées habitées , dans les pays sans habitants, sur la terre, sur la, mer, au dehors, au dedans. Et il n'avait pas la nourriture nécessaire, il n'avait pas un mince vêtement, l'athlète de la terre livrait nu ses batailles , et c'est en ayant faim , qu'il soutenait ses luttes; tant il était loin de chercher des richesses. Et il ne se plaignait pas, il rendait grâces à Dieu qui présidait à tous ces combats. « Le soin que j'ai de toutes les Églises ». La plus terrible de toutes ces épreuves , c'est qu'il était déchiré dans l'âme, que ses pensées le tourmentaient en sens divers. S'il n'essuyait aucune attaque du dehors, il avait la guerre à l'intérieur, les flots montaient sur les flots, les inquiétudes s'amassaient en tourbillons, toutes ses pensées se heurtaient dans une ardente mêlée. Souvent un homme qui n'a qu'une maison à gouverner, et, sous ses ordres, des serviteurs, des intendants, des économes, n'a pas le temps de respirer dans les soucis qui l'agitent, puisque personne ne lui cause d'embarras; Paul n'avait pas une maison seulement à gouverner, mais des villes, des peuples, des nations, la terre entière. Et que d'affaires, et que d'ennemis qui le harcelaient ! Et il était seul, endurant tant de souffrances, et il éprouvait des angoisses telles que nul père n'en ressentit jamais pour ses enfants : essayez de concevoir ce qu'il eut à subir.

Ne dites pas que ses inquiétudes n'avaient peut-être rien de bien cuisant, mais écoutez ce qu'ajoute l'apôtre. « Qui est faible, sans que je m'affaiblisse avec lui (29) ? » Il ne dit pas: Je prends ma part de la tristesse, mais, je souffre autant que celui qui souffre , aussi malade que le malade , aussi troublé, aussi agité. « Qui est scandalisé sans que je brûle ? » Voyez ici encore l'extrême douleur qu'exprime cette image d'un feu dévorant. Je suis dans la flamme, le feu me consume, dit-il : supplice affreux. Les autres épreuves dont il parle , étaient cruelles , mais passaient vite; il s'y mêlait une joie inaltérable; mais ce qui l'étouffait , ce qui lui broyait le coeur, lui déchirait l'âme , c'était d'avoir tant à souffrir pour la faiblesse de chaque infirme, quel qu'il pût être. Son caractère n'était pas de s'affliger avec les plus considérés , sans prendre souci de ceux qui l'étaient moins; l'être le plus abject, il le regardait comme un de ses proches. De là, ses paroles : « Qui est faible ? » On eût dit qu'il était, à lui seul, l'Église tout entière , tant il était tourmenté dans chacun de ses membres.

« S'il faut se glorifier de quelque chose, je me glorifierai de ma faiblesse (30) ». Vous voyez qu'il ne parle nullement de miracles; voyez-vous qu'il ne se glorifie que de ses persécutions et de ses épreuves? C'est que ce sont là, dit-il, des marques de faiblesse. Et il montre combien les combats étaient de nature différente. Les Juifs lui faisaient la guerre, les païens se soulevaient contre lui, les faux frères le combattaient, et lui s'affligeait à voir la faiblesse de ses frères, et leurs scandales; de toutes parts lui venaient les troubles, les bouleversements, et du côté de ses proches, et du côté des étrangers. Voilà le caractère du (154) véritable apostolat: voilà comment l'Evangile fait sa trame.

« Dieu, qui est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sait que je ne mens point. Le gouverneur de la province de Damas, pour le roi Arétas, faisait faire garde dans la ville pour m'arrêter (31, 32) ». Pourquoi, ici, cette protestation qu'il dit vrai, cette manière d'affirmer dont il ne s'est jamais servi jusque-là? C'est probablement que le fait était vieux et peu connu; tandis que le reste était parfaitement connu, par exemple sa sollicitude pour les Eglises, et tout ce dont il a parlé. Comprenez maintenant la violence de la guerre excitée contre lui, s'il était cause que l'on faisait garder la ville. Quand je parle de la violence de la guerre, je parle du zèle ardent de Paul; si son ardeur eût été moins vive, il n'aurait pas excité à ce point la rage du gouverneur. Voilà ce que fait une âme vraiment apostolique; sous tant de coups qui la frappent, elle n'est pas ébranlée, elle supporte tout avec une noble fierté, elle ne se précipite pas d'ailleurs au-devant des périls, elle ne les cherche pas pour s'y jeter par plaisir. Voyez à quel moyen il eut recours pour échapper au gouverneur : « Mais on me descendit par une fenêtre dans une corbeille (33) ».. Sans doute il désirait quitter cette terre, mais il n'en désirait pas moins le salut des hommes. Voilà pourquoi il a souvent recours à de pareils moyens; il veut se conserver pour la prédication; il ne refusait pas d'employer des moyens humains, quand les circonstances l'exigeaient; telle était sa prudence et son activité. Lorsque les malheurs étaient inévitables, il n'avait recours qu'à la grâce ; quand l'épreuve n'excédait pas certaines limites, il trouvait dans son propre fonds un grand nombre de ressources; et, ici encore, c'est à Dieu qu'il rapportait tout. Supposez une étincelle d'un feu inextinguible, tombant dans la mer, ensevelie sous les flots qui s'amoncellent, et reparaissant brillante au-dessus des ondes; tel était le bienheureux Paul, tantôt englouti sous les dangers, tantôt affranchi, libre, plus brillant, triomphant par son courage de tous les malheurs.

3. Voilà l'éclatante victoire, voilà le trophée de l'Eglise , voilà ce qui met en fuite le démon,-nos souffrances. Pendant que nous subissons les souffrances, le démon est captif, c'est lui qui souffre du mal qu'il veut nous faire. C'est ce qui est arrivé à Paul; plus le démon suscitait de dangers contre lui, plus ce maudit se voyait vaincu. Un seul genre d'épreuves ne lui suffisait pas, il variait, il diversifiait les périls. Tantôt la fatigue,: tantôt le découragement, tantôt la crainte, tantôt la douleur, tantôt les angoisses, tantôt la honte, tantôt tous ces moyens ensemble; il avait beau tenter, en toutes choses l'apôtre remportait la victoire. Supposez un soldat tout seul, tenant tête à la terre soulevée contre lui pour le combattre, soulevée tout entière, et au milieu des bataillons ennemis, ce soldat n'éprouve aucun mal; c'est l'image de Paul, seul au milieu des barbares, au milieu des Grecs, présent sur toute ruer, présent sur toute terre, et toujours invincible. Supposez une étincelle tombant sur la paille ou le foin, convertissant en sa nature tout ce qu'elle embrase : c'est l'image de Paul dans sa course, ramenant tous les hommes à la vérité; c'est un torrent qui inonde tout, qui renverse tous les obstacles. Supposez un seul et même athlète à la lutte, à la course, au pugilat; un soldat assiégeant des murailles, combattant à pied, combattant sur mer. C'est l'image de Paul livrant toute espèce de combats, répandant le feu de son zèle et nul n'ose l'approcher; à lui seul, il embrassait toute la terre, sa seule langue convertissait toutes les âmes.

Toutes ces trompettes qui tombèrent sur les murailles de Jéricho (Jos. VI, 20), et les brisèrent, n'égalent pas cette voix retentissante qui jette par terre les citadelles du démon, et tire à soi ses ennemis transformés. Il faisait des prisonniers en foule ; ces captifs, il les armait ensuite, il en faisait ses soldats à lui, son armée à lui, et, par eux, il remportait d'admirables victoires. David renverse Goliath d'un seul coup de pierre (I Rois, XVII, 49); pesez les exploits de Paul, et l'oeuvre de David n'est qu'une action d'enfant ; vous trouvez entre eux toute la différence du berger et du général. Paul ne renversait pas Goliath d'un coup de pierre; mais de sa voix il mettait en fuite toute la phalange du démon; comme un lion rugissant, dont la langue lancerait du feu, il ne trouvait personne pour lui résister, et c'étaient partout des bonds continuels, fondant sur les uns, tombant sur les autres, s'élançant sur d'autres encore, les premiers le revoyaient accourant plus vite que le vent, et comme on gouverne une seule maison, un (155)  seul navire, aussi facilement régissait-il la terre et tous ses habitants, retirant des abîmes ceux qui tombaient, soutenant ceux qui avaient le vertige, exhortant les matelots assis à la poupe, surveillant la proue, tendant les cordages, maniant la rame, assurant la voile, les yeux au ciel, remplissant à lui seul, toutes les fonctions, de matelot, de pilote, de nocher, de voile, de navire, souffrant tout, pour épargner aux autres tous les maux.

Voyez: il a souffert le naufrage, pour sauver l'univers du naufrage; un jour et une nuit, il est resté dans l'abîme pour retirer les hommes de l'abîme de l'erreur; il s'est fatigué pour apporter du repos à ceux qui sont fatigués; il a souffert des coups pour guérir ceux que le démon frappe; il a séjourné dans des prisons, pour ramener à la lumière les hommes assis dans les prisons des ténèbres; il a souvent bravé mille morts, pour nous affranchir des morts les plus affreuses; il a reçu, à cinq reprises différentes, trente-neuf coups de fouet, afin de délivrer ceux-mêmes qui les lui donnaient, du fouet du démon ; il a été frappé de verges, afin de soumettre les hommes à la verge et à la houlette du Christ; il a été lapidé, afin de les mettre à l'abri de ces pierres qui n'atteignent pas les sens; il a été dans la solitude, afin de les tirer hors de la solitude; il a été dans les voyages, afin de mettre un terme aux courses vagabondes, et d'ouvrir la voie qui conduit au ciel; il a couru des dangers dans les cités, afin de nous montrer la cité d'en-haut; il a souffert de la faim et de la soif, pour nous affranchir de la faim la plus cruelle; il a enduré la nudité, afin de revêtir ceux qui étaient dans la honte de la robe de Jésus-Christ ;.il a été assailli par les multitudes, afin de nous soustraire à l'attaque des démons; il a été brûlé, afin d'éteindre les traits enflammés de l'enfer; il a été descendu du haut d'une muraille par une fenêtre, pour faire remonter ceux qui étaient renversés sur la terre.

Continuerons-nous encore à discourir, quand nous n'avons pas même une idée des souffrances que Paul a endurées ? Montrerons-nous encore de l'attachement pour l'argent, de l'attachement pour une épouse, pour une ville, pour la liberté, quand nous le voyons prouver mille et mille fois son mépris de la vie? Le martyr ne meurt qu'une fois; ce bienheureux, dans son corps, dans son âme, a souffert tant et tant de dangers que c'était plus qu'il n'en fallait pour bouleverser une âme de diamant; et ce que tous les saints ensemble ont enduré, dans tant de corps différents, l'apôtre l'a supporté dans un seul et même corps; on eût dit que son stade, c'était la terre entière, qu'il défiait au combat tous les hommes, telle était la fierté de son inébranlable valeur. C'est. qu'il savait bien quels étaient ces démons qui luttaient contre lui. Aussi sa gloire a-t-elle brillé dès le début; dès le premier pas hors de la barrière, jusqu'au dernier terme du stade, il est resté toujours semblable; ou plutôt il s'élançait avec d'autant plus d'ardeur qu'il approchait plus de l'heure des récompenses. Et ce qui est vraiment admirable, c'est que l'homme qui souffrait et faisait de si grandes choses était la modestie même. Contraint à parler de ses vertus , il parcourait tout cela rapidement et sans s'arrêter; il aurait pourtant rempli des milliers et des milliers de volumes, à expliquer une à une toutes ses paroles; à dire de quelles Eglises il prenait un si grand soin ; à énumérer ses prisons et les oeuvres qu'il y accomplit; à raconter une à une ses autres tribulations, les assauts qu'il essuya. Mais il ne l'a pas voulu.

Instruits de cette conduite, sachons donc, nous aussi , pratiquer la modestie; ne nous glorifions plus ni de notre fortune, ni des autres biens de ce monde, ne' nous glorifions que des outrages endurés pour Jésus-Christ, et n'en parlons encore que quand nous y sommes forcés; s'il n'y a aucune nécessité pressante, n'en faisons pas mention, ne disons rien pour nous exalter, ne rappelons que les péchés que nous avons commis. C'est ainsi qu'il nous sera facile d'en être délivrés, c'est ainsi que nous nous rendrons Dieu propice, et que nous obtiendrons la vie à venir. Fuissions-nous tous entrer dans ce partage, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit , la gloire, la puissance, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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