HOMÉLIE X

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HOMÉLIE X. NOUS SAVONS EN EFFET QUE, SI CETTE TENTE MATÉRIELLE OU NOUS DEMEURONS SE DISSOUT, DIEU NOUS RÉSERVE UNE DEMEURE QUI N'A PAS ÉTÉ FAITE DE MAIN D'HOMME, MAIS QUI EST ÉTERNELLE ET DANS LES CIEUX. (V, 1, JUSQU'A 10.)

 

Analyse.

 

1 et 2. Saint Chrysostome développe les textes de l'apôtre qui se rapportent à la résurrection et au jugement dernier.

3 et 4. Il cherche par le tableau de ce jugement à inspirer à son auditoire une salutaire frayeur.

 

1. L'apôtre ranime encore l'ardeur des Corinthiens et les soutient dans leurs nombreuses épreuves. Sans doute aussi son 'absence , avait diminué leur courage. Que leur dit-il donc? Ne soyez ni surpris ni troublés de tant d'afflictions., Elles nous valent de nombreux avantages. Il leur en a .montré déjà plusieurs: Nous portons avec nous, leur a-t-il dit, la mortification de Jésus-Christ, et nous sommes partout la preuve vivante de sa puissance. « Afin que, dit-il, on reconnaisse l'étendue de la vertu de Dieu. » Nous servons encore de preuve à (66) sa résurrection; ce qu'il disait en ces termes « Afin que la vie de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle ».. Il dit ensuite que l'homme intérieur est perfectionné : « Si l'homme extérieur se corrompt, dit-il, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour ». Voulant ensuite montrer l'avantage des souffrances et des persécutions, il ajoute qu'elles enfantent toutes sortes de biens pour ceux qui les endurent avec patience. Peut-être vous désoleriez-vous de voir l'homme extérieur se corrompre : or c'est précisément lorsque cette corruption se sera produite que vous éprouverez le plias de jouissances et que vous aurez le sort le plus heureux: Non-seulement donc il ne faut point s'affliger, si quelque partie du corps se dissout; mais au contraire il faut aspirer à une complète dissolution. Cette corruption de l'homme extérieur mène à l'immortalité: Et c'est pourquoi l'apôtre ajoute: « Nous savons en effet que si cette tente matérielle où nous habitons, se dissout, Dieu nous réserve une demeure qui n'a pas été faite de main d'homme, une demeure éternelle et qui est dans les cieux ». Le dogme qu'il leur coûtait le plus d'admettre, c'était le dogme de la résurrection. Il cherche à l'établir de plus en plus, il invoque les jugements mêmes de ses auditeurs, et voici comment il procède. Il trouve une autre occasion d'entrer en matière. Il les avait déjà tirés de leur erreur. Maintenant il dit : « Nous savons que si cette tente matérielle où nous habitons vient à se dissoudre, Dieu nous en réserve une autre qui n'a pas été faite de main d'homme , qui est éternelle et dans les  cieux ».

Il en est qui par cette demeure terrestre entendent le monde où nous sommes : Je crois plutôt que l'apôtre fait allusion au corps. Voyez maintenant comment. par les noms eux-mêmes il montre la supériorité des biens à venir sur les présents. Au mot « terrestre » il oppose le mot « céleste » ; au mot « tente », qui peint la fragilité, le peu de durée des choses d'ici-bas, il oppose le mot « éternel.». C'est pourquoi Jésus-Christ dit : «Dans la maison de mon Père il y a plusieurs demeures ». (Jean, XIV, 2.) S'il donnait le nom de tentes aux demeures des saints,. il y ajouterait quelque autre expression. Ainsi le Sauveur ne dit pas : afin qu'ils vous reçoivent dans leurs tentes; mais : « Afin qu'ils vous reçoivent dans les tentes éternelles ». (Luc, XVI, 9.) En disant : « Une demeure qui n'est pas faite de main d'homme », il fait songer à celle qui est faite de main d'homme. — Quoi donc? Le corps est-il fait de main d'homme ? Non pas; mais par là il désigne ou bien les maisons construites par les hommes; ou bien c'est le corps lui-même qu'il appelle .une maison que la main de l'homme n'a pas élevée. Alors ce ne serait plus le second terme d'une comparaison, mais simplement une louange et un éloge. — « Dans cette demeure périssable nous gémissons, et nous souhaitons de revêtir cette autre demeure qui est du ciel (2) ». Quelle est cette demeure? Un corps désormais incorruptible. Et pourquoi gémissons-nous maintenant ? — Parce que le corps dont plus tard nous serons revêtus,.est bien préférable à celui que nous avons aujourd'hui. Il dit qu'il est céleste, parce qu'il n’est plus sujet à se corrompre. Ce corps ne nous vient pas du ciel, sans doute, l'apôtre par cette, expression vent signifier la grâce qui vient du ciel. Bien loin de nous affliger de quelques épreuves, nous devons les rechercher toutes. C'est comme s'il disait : Vous vous plaignez des persécutions, vous gémissez de voir se corrompre l'homme extérieur? Gémissez plutôt de n'être point persécutés davantage encore, devoir l'homme extérieur se dissoudre si lentement. Voyez-vous comme il retourne la pensée ? Il faut s'affliger de ne pas vair s'accomplir entièrement la dissolution, au lieu de se plaindre de la voir commencer. C'est pourquoi il donne au corps non plus le nom de tente, mais celui d'habitation permanente. Et cela avec raison. Car une tente se dissout aisément, mais une habitation reste toujours.

            « Si cependant nous sommes trouvés revêtus, et non pas nus (3) ». Tous ne peuvent attendre la résurrection avec confiance. Aussi l'apôtre ajoute-t-il : « Si cependant nous  sommes revêtus », c'est-à-dire, si nous arrivons à l'incorruptibilité, si nous reprenons un corps qui ne. soit plus sujet aux souffrances.  « Et si nous ne sommes point trouvés nus », c'est-à-dire privés de gloire et de sécurité. Il exprimait la même pensée dans sa première épître aux Corinthiens. « Tous nous ressusciterons », disait-il; « et chacun à notre rang»; et encore : « Il y a des corps célestes, et il y a des corps terrestres ». (I Cor. XV, 23-40.) (67) Tous ressusciteront, mais tous ne seront point glorifiés; les uns ressusciteront dans la gloire, les autres dans l'opprobre; les tins pour régner dans les cieux, les autres pour être tourmentés dans les enfers. C'est là ce que l'apôtre veut faire entendre par ces paroles : « Si nous sommes trouvés revêtus et non point nus. Car nous aussi qui sommes dans cette tente,  nous gémissons, parce que nous ne voulons  pas être dépouillés, mais couverts de nouveaux vêtements (4) ».

2. Ne ferme-t-il pas aussi la bouche aux hérétiques; en leur montrant qu'il ne s'agit pas d'un corps ou d'un autre, mais de la corruption et de l'incorruptibilité? Ce qui cause nos gémissements, ce n'est pas le désir que nous avons d'être délivrés de notre corps (car nous ne voulons pas en être dépouillés) ; mais c'est le désir d'être délivrés de la corruption qu'il renferme. Aussi dit-il : Nous ne. voulons pas être dépouillés de notre corps, mais nous voulons le revêtir d'immortalité. Il s'explique ensuite : « Afin que ce qui est corruptible, soit absorbé par la vie ». Il semblait pénible à la plupart de quitter leur corps, et c'était combattre leurs sentiments que de dire : « Nous gémissons de ne pas vouloir en être délivrés ». Et en effet, si l'âme éprouve tant de peine à se séparer du corps, comment dites-vous donc que nous nous plaignons de n'en être point séparés? C'est cette objection qu'il veut prévenir : Je ne veux pas dire, reprend-il, que nous gémissons par suite du désir que nous avons de quitter nos corps. La. mort est une cause de tristesse pour tout le monde; et le Christ lui-même a dit de saint Pierre : « Ils te prendront et te mèneront où tu ne veux pas aller» (Jean, XXI, 18); mais nous voulons revêtir notre corps d'une robe d'immortalité. Voilà ce qui nous afflige : ce n'est pas d'avoir un corps; mais d'avoir un corps mortel et sujet à-la souffrance. Telle est encore une fois la cause de notre, affliction. Mais la mort, vient détruire ce qu'il y a de corruptible en nous, elle ne détruit point le corps. — Et comment cela se fait-il, demandez-vous?Ne posez point cette question. C'est Dieu lui-même qui le fait. Pas de vaine curiosité.

C'est pourquoi l'apôtre ajoute : « Celui qui nous a créés pour cela même, c'est Dieu ». Il s'agit donc d'une disposition toute céleste et éternelle. Ce n'est pas aujourd'hui que Dieu l'a établie; il en a décidé ainsi quand dans l'origine il nous forma de terre, quand il créa le premier homme, Adam. Il ne l'a point créé pour mourir, mais pour le rendre immortel. Afin de confirmer ce qu'il vient de dire, l'apôtre ajoute : « Et il nous a donné le gage de l'Esprit-Saint ». C'est pour cette fin qu'il créa l'homme, c'est pour cette fin qu'il l'a renouvelé par le baptême. Le gage qu'il nous en donne, n'est certes point sans valeur : c'est l'Esprit-Saint lui-même. Souvent il parle de gage, soit pour montrer qu'il s'engage formellement, soit afin d'inspirer par ces paroles plus de confiance à des esprits encore grossiers. « Ayant donc toujours confiance et sachant ». Il parle de confiance à cause des persécutions, des embûches, des menaces de mort continuelles, comme s'il disait : « On vous menace, on vous persécute, on vous fait mourir? » Ne vous découragez point; tout cela se fait pour votre bien, ne tremblez point; mais au contraire ayez confiance. Ce qui vous fait gémir, ce qui vous cause de la douleur, cette corruption dont vous vous plaignez, c'est ce qui doit vous enlever de ce monde et vous arracher à la servitude. Voilà le sens de ces paroles : « Ayant donc toujours confiance », non-seulement quand vous vivez au sein du repos, mais encore quand vous êtes affligés. « Et sachant que tant que nous habitons ce corps, nous sommes loin du Seigneur. Car nous nous avançons au moyen de la foi, et non point en contemplant Dieu lui-même. Mais nous avons confiance et nous espérons sortir du corps et nous présenter devant le Seigneur (6-8) ». Il  place en dernier lieu ce qui à le plus de grandeur. Revêtir l'immortalité; c'est moins que vivre avec le Christ. Et voici ce qu'il veut dire : L'ennemi qui nous donne la mort, n'éteint pas en nous la vie; ne craignez clone rien. Ayez confiance, au contraire, si l'on vous fait mourir. Car non-seulement on vous soustrait à la corruption, et on vous décharge d'un lourd fardeau, mais on vous fait passer de ce monde vers le Seigneur. C'est pourquoi l'apôtre ne se borne pas 'à dire tandis que nous sommes dans le corps; il s'exprime comme si nous étions en pays étranger : « Sachant donc que nous sommes pour ainsi dire exilés dans le corps; et loin du Seigneur; mais nous avons confiance, et nous espérons sortir du corps pour nous présenter devant le Seigneur ».

Voyez-vous comme il sait taire les noms de (68) mort et de trépas, et leur en substituer d'autres pleins de douceur et d'agrément. Il appelle la mort un voyage vers le Seigneur.. Ces noms, si doux en apparence, qui expriment la vie, il les remplace par des noms peu gracieux, et la vie n'est pour lui qu'un exil où nous sommes loin de Dieu. Il en use de la sorte afin qu'on ne s'attache point au présent, qu'on s'en afflige au contraire,.que la vue de la mort réjouisse au lieu d'affliger, puisque la mort donne accès à de plus grands biens. — Mais on pourrait dire, après l'avoir entendu tenir ce langage: «Quoi donc? Parce que nous sommes sur la terre, nous vivons loin du Seigneur?» C'est pour. prévenir cette objection qu'il ajoute : « Car nous nous avançons, la lumière de la foi, et non en contemplant Dieu lui-même ». Nous le connaissons donc ici-bas, mais moins clairement que nous- ne le connaîtrons dans le ciel. Il le dit ailleurs encore : « Nous le voyons comme dans un miroir,»; et « en énigme». ( I Cor. XIII, 12.) «Mais nous avons confiance et nous espérons », dit-il. Qu'espérons-nous donc,? « Nous espérons sortir du corps et nous présenter devant le Seigneur ». Quelle élévation dans ce langage ! C'est ainsi que toujours procède l'apôtre. Il s'empare des paroles de ses adversaires, et les tourne dans un sens tout opposé. C'est une remarque que j'ai déjà exprimée. « Ainsi donc nous nous efforçons de lui plaire, que nous soyons. près de lui, que nous soyons loin de lui». L'objet de nos efforts, dit-il, c'est de vivre selon sa volonté, que nous soyons au ciel, que nous soyons sur la terre. Nous n'avons rien plus à coeur qu'une telle conduite. Dès ici-bas vous jouissez déjà et avant toute épreuve, du royaume des cieux. Après avoir excité chez eux un bel désir, il ne veut pas qu'un délai trop prolongé les décourage, et c'est pourquoi il leur montre même ici-bas, comme l'abrégé, de tous les biens, qui consiste à plaire au Seigneur. Ce qu'il faut,désirer, ce n'est pas simplement de sortir de ce monde, mais d'en sortir après une vie sainte voilà ce qui rend la mort agréable; ce n'est pas la vie elle-même qui est à charge, mais la vie passée à offenser Dieu.

3. Gardez-vous de croire qu'il suffise de sortir du corps : partout il est besoin de vertu. Quand l'apôtre parlait de la résurrection, il n'a pas voulu que ce mot nous inspirât trop de confiance, il disait: « Si cependant nous nous trouvons revêtus, et non pas nus ». De même quand il parle de la séparation de notre âme d'avec le corps, il ne veut pas que nous la regardions comme suffisante pour le salut, et il ajoute qu'il faut plaire à Dieu. Après les avoir ranimés parla vue de tarit d'objets magnifiques, il leur inspire de la crainte en leur mettant sous les, yeux des tableaux effrayants. Les avantages d'une vie vertueuse, c'est de mériter le bonheur et d'échapper aux. supplices, d'obtenir le royaume des cieux, et d'éviter les feux de l'enfer. Mais de ces deux avantages, le plus sensible, c'est d'échapper aux supplices. Quand toute la peine consiste dans une privation, la plupart s'y résignent volontiers; mais il en est autrement, quand il s'agit d'une souffrance positive; la privation elle-même devrait paraître insupportable; mais la faiblesse de notre nature, sa bassesse nous fait regarder les supplices comme bien plus1erribles. La vue des récompenses produisait moins d'effet sur le grand nombre que la menacé des supplices éternels: et c'est pourquoi l'apôtre conclut en  disant : « Tous nous devons comparaître devant le tribunal du Christ ». Après avoir ainsi produit l'effroi dans les âmes, après les avoir ébranlées par la pensée de ce redoutable ; tribunal, il. ne Sépare point les menaces qui effraient des récompenses qui réjouissent, et il dit : «Afin que chacun rende compte de ses oeuvres bonnes ou mauvaises ». Il fait briller aux regards des justes et de ceux qui sont persécutés des récompenses bien capables de soutenir leur ardeur, et il fait retentir aux oreilles des pécheurs des menaces bien propres à les tirer de leur négligence, et enfin il donne une preuve de la résurrection des corps. Le corps, en effet, a prêté son ministère pour le bien et pour le mal , il doit donc partager le sort de l'âme : avec elle il doit être puni, avec elle il doit être couronné.

Certains hérétiques prétendent que nous ressusciterons avec un Corps différent de celui que nous avons eu sur la terre. —  Pourquoi donc, je vous le demande? Notre corps a péché ; c'est. un autre qui subira, la peine ! Notre corps a fait le bien, c'est un autre qui recevra la couronne ! Qu'avez-vous à répliquer à ces mots de l'apôtre : « Nous ne voulons pas être dépouillés, mais recevoir un vêtement plus précieux? ». — Comment donc ce qui est corruptible peut-il être absorbé par la vie? Saint Paul n'a pas dit : « Afin que le corps mortel (69) ou corruptible soit absorbé par un corps in« corruptible » ; mais afin que « la corruption a soit absorbée par la vie » . C'est ce qui arrive, lorsque le même corps que nous avions reprend une vie nouvelle. Mais si nous ressuscitons avec un autre corps; ce n'est plus la corruption qui est absorbée; au contraire, elle demeure, elle triomphe. Or , ce n'est pas ce qui doit avoir lieu : il faut que ce qui est corruptible, c'est-à-dire le corps, revête l'immortalité. Le corps est au milieu: maintenant sujet à la corruption, plus tard il, doit ressusciter incorruptible. Il est d'abord corruptible : s'il était incorruptible, il ne pourrait être détruit : « La corruption », dit l'apôtre, « ne peut avoir a en partage l'incorruptibilité ». (I Cor.XV, 50). Comment en effet cela serait-il possible? Mais au contraire la corruption sera absorbée par la vie. La vie. triomphe de la corruption, mais la corruption fie saurait triompher de la vie. De même que la cire fond devant le feu et non point le feu devant la cire; de même la corruption est consumée par l'immortalité et disparaît; mais elle ne saurait elle-même triompher de l'immortalité.

Prêtons donc l'oreille à la voix de l'apôtre qui nous dit : « Il nous faudra paraître devant le tribunal du Christ » ; représentons-nous ce tribunal, supposons qu'il est déjà dresse et qu'on nous demande compté de nos actions: Mais je veux moi-même entrer dans quelques détails. Saint Paul venait de parler de tribulations, et il ne voulait pas contrister encore les Corinthiens. C'est pourquoi il n'insiste pas sur le jugement dernier, et se contente de ces quelques mots : « Chacun rendra compte de ses actions ». Puis il passe à une autre pensée. Supposons donc que ce dernier jour est arrivé. Examinons notre conscience, songeons que nous sommés aux pieds de notre juge, que toutes nos actions sont dévoilées et produites au grand jour. Car non-seulement nous comparaîtrons, mais encore notre âme sera mise à découvert. Vous rougissez, vous êtes hors de vous-mêmes ! Cependant ce n'est là qu'une supposition, qu'une fiction de notre esprit; et la vue de notre conscience nous effraie. Que ferons-nous donc, quand ce jour arrivera, quand tout l'univers sera rassemblé, quand nous apercevrons les anges. et les archanges, quand nous serons témoins de cet immense concours, quand nous verrons les saints emportés sur les nuages, quand nous aurons devant nous cette multitude saisie de terreur, quand nous entendrons le son bruyant des trompettes, et ces cris sans cesse répétés? N'y eût-il point d'enfer, quel affreux supplice déjà quo de se voir repoussé avec tant d'éclat, et de se retirer couvert de confusion ! Quand l'empereur entre dans une ville, nous sentons même notre misère, et le spectacle que nous avons sous les yeux nous cause moins de joie que nous n'éprouvons de chagrin, de ne pas avoir part à tant de magnificence et de ne pas approcher du souverain. Que sera-ce donc au jour du jugement? Quel supplice de n'être pas admis dans le choeur des bienheureux, de ne point partager cette gloire ineffable, d'être repoussé bien loin de cette brillanté assemblée, de ces biens que nul langage ne saurait exprimer ! Mais songea ensuite à ces ténèbres, à ce grincement de dents, à ces chaînes indissolubles, à ce ver qui ne meurt point, à ce feu qui ne s’éteindra point; à ces horribles souffrances, à ces angoissés , à ce feu qui dévore la langue, comme il. dévorait celle du mauvais riche; à ces hurlements, que personne n'entend, à ces cris de désespoir, à ces rugissements, arrachés par la douleur, sans que personne y prenne garde, sans que personne ne vienne nous soulager  que dire de pareilles tortures? Quoi de plus malheureux que les âmes des damnés? Y a-t-il spectacle plus lamentable?

4. Si nous entrons dans une prison, la vue de ces  prisonniers presque nus, chargés de chaînes, épuisés de faim, plongés dans de ténébreux cachots, nous trouble jusqu'au fond de l'âme et nous glace d'horreur: il n'est rien que nous n'endurions plutôt que de tomber  dans ces affreuses demeures. Ah ! quand nous nous sentirons traînés vers ces supplices de l'enfer; quelle situation plus affreuse encore ! Là nous serons enchaînés non point avec des chaînes de fer; mais avec les chaînes d'un feu qui né s'éteindra jamais. Nous aurons pour bourreaux non point des hommes comme nous qui se laissent parfois apaiser, mais les anges, que nous n'oserons même regarder, tant ils sont irrités contre nous par nos fautes d'autrefois. Là, personne ne viendra, comme il se pratique ici-bas, nous apporter ou de l'argent, ou de la nourriture, ou des consolations. En enfer plus de pardon à espérer. Noé, Job, Daniel. verraient leurs proches plongés dans ces supplices, qu'ils n'oseraient leur porter secours. Cette pitié que donne la (70) nature, elle est éteinte après cette vie. Un père vertueux peut avoir un fils dans l'enfer, et réciproquement. Leur joie doit être sans aucun mélange de tristesse, et au sein du bonheur éternel, elle ne doit pas être troublée par un sentiment de pitié. C'est pourquoi j'affirme que cette pitié naturelle s'éteint en eux et qu'ils s'indignent avec le Seigneur contre leurs propres enfants. Ne voit-on pas les hommes renier. ceux de leurs fils qui se conduisent mal et les retrancher de leur famille? A plus forte raison les justes agiront-ils de la sorte. Ne vous promettez donc aucun bonheur, si vous n'avez fait le bien, eussiez-vous mille ancêtres au nombre des saints.. « Chacun recevra selon ses oeuvres personnelles, selon les actes de sa vie corporelle ». N'est-ce pas le fornicateur que l'apôtre a en vue, et qu'il veut effrayer par. les menaces des éternels supplices? ou plutôt n'a-t-il pas en vue tons les pécheurs quels qu'ils soient ?

Donc nous aussi prêtons l'oreille à ses paroles. Si le feu de la passion vous dévore, opposez-lui ces feux éternels; et, le feu de la passion finira par s'éteindre. Si vous songez à. prononcer quelque parole inconvenante, songez au grincement de dents; et la crainte mettra un frein à votre bouche. Voulez-vous prendre le bien d'autrui, écoutez la terrible sentence du Juge suprême : « Liez-lui les mains et pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures » ; et vous bannirez le désir des richesses. Vous vous enivrez, vous ne pouvez vaincre cet odieux penchant, écoutez le riche disant à Abraham : « Envoie Lazare, afin qu'avec l'extrémité de son doigt il rafraîchisse ma langue dévorée par l'ardeur des flammes », (Matth. XXII, 13) , sans qu'il puisse rien obtenir; et votre penchant cédera. C'est l'amour du plaisir qui vous captive, songez aux souffrances, aux angoisses de l'enfer et vous ne songerez plus aux délices d'ici-bas. Si vous êtes implacable et cruel, rappelez-vous ces vierges folles, qui pour avoir laissé éteindre leurs lampes, furent privées de recevoir l'époux; et vous deviendrez bientôt miséricordieux-. Vous êtes paresseux et lâche ? Rappelez-vous cet homme qui cache son talent; et vous serez plus actif que le feu lui-même.

Mais c'est la soif du bien d'autrui qui vous dévore? Songez à ce ver qui ne meurt point; vous guérirez vite de cette maladie et vous accomplirez aisément toute la loi de Dieu. Car elle ne nous impose rien de pénible. ni d'insupportable. Comment se fait-il donc que les préceptes du Seigneur nous paraissent si lourds ? Notre indolence en est la cause. Ayons un peu d'ardeur, et, ils nous deviendront légers et faciles. Mais si nous sommes lâches, ces préceptes si légers nous paraîtront difficiles à accomplir.

Pleins de ces pensées, songeons non pas aux délices que l'on peut goûter ici-bas, mais à leurs affreuses conséquences. Dans ce monde tout est corruption, tout est charnel; après la mort ceux qui s'abandonnent au plaisir seront dévorés par le ver qui ne meurt point et par le feu qui ne s'éteint point; ne songeons pas aux richesses que procure le vol; songeons aux maux qu'elles engendrent ici-bas les craintes; et les angoisses dans l'enfer des chaînes indissolubles; ne songeons pas à la gloire; mais à ses suites funestes : ici-bas c'est l'esclavage; c'est la dissimulation; dans l'autre vie ce sont d'insupportables supplices, les tourments que cause une flamme dévorante. Répétons-nous sans cesse à nous-mêmes ces salutaires paroles, opposons-les à la voix de nos passions, nous apaiserons bien vite la soif des biens de ce monde, nous allumerons promptement dans nos coeurs l'amour des biens à venir. Ah ! cet amour, qu'il s'allume, qu'il s'enflamme ! La pensée toute seule de ce bonheur, si faible qu'elle soit, ne nous remplit-elle pas de joie ? Quel charme n'éprouverons-nous donc pas, lorsque nous le goûterons réellement? Heureux, mille fois heureux ceux qui, l'obtiendront ; malheureux. au contraire, mille fois malheureux, ceux qui endureront les tourments de, l'enfer. Soyons, du nombre des premiers, et non peint parmi les derniers, et pour cela pratiquons la vertu. C'est ainsi que nous parviendrons au bonheur éternel. Puissions-nous tous en jouir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ à qui gloire, puissance, honneur, avec le Père et l'Esprit-Saint, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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