SERMON CCXVI
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SERMON CCXVI. AUX POSTULANTS .

 

ANALYSE. — On sait que les Catéchumènes, c'est-à-dire ceux qui se disposaient à recevoir le baptême, étaient divisés  en plusieurs classes. L'une de ces classes  comprenait ceux que nous nommons ici Postulants , en latin Competentes . Ces Postulants étaient ceux qui demandaient à recevoir prochainement le baptême et dont l'instruction religieuse était ou paraissait suffisante. C'est à ces postulants que s'adresse ici saint Augustin,  encore au début de  son ministère sacerdotal, comme il le dit au commencement de son discours. Ce discours est consacré à leur donner plusieurs avis sur les dispositions avec lesquelles ils doivent se présenter au baptême, et on peut réduire ces dispositions au nombre de sept. Ils doivent donc : 1°  renoncer au siècle pour ne s'attacher qu'à Dieu et à 1a vie, future 2° mortifier courageusement leurs passions; 3° lutter contre le démon auquel ils renoncent; 4° se confier à l'Église qui détermine l'époque de leur baptême ; 5° estimer considérable ment la vie nouvelle qui leur sera donnée ; 6° se préparer à en parcourir les  degrés parla pratiqué de toutes les vertus et la fuite de tous les vices; 7° enfin s'attacher à Dieu invinciblement et recourir à lui dans tous leurs besoins avec une confiance que rien n'ébranle.           

 

 

1. Il faut aider par la prière les débuts de notre ministère et le moment où vous commencez à être conçus dans le sein de la foi, pour être engendrés par la grâce,  il faut obtenir que notre parole vous soit salutaire et que votre dessein devienne pour nous une source de consolations saintes. Si nous vous instruisons de vive voix, c'est à vous d'avancer en vertu ; si nous semons en vous les enseignements sacrés, c'est à vous de produire les oeuvres de la foi ; et tous; selon la vocation où Dieu nous a conviés, courons dans ses voies et ses sentiers, que nul ne regarde derrière. La Vérité même, qui, ne trompe et ne saurait tromper jamais, ne dit-elle pas expressément : « Nul ne sera propre au royaume des cieux, si mettant la main à la charrue il regarde derrière (1) ? » Or, c'est ce royaume que vous convoitez, c'est à lui que vous aspirez de toutes les forces de votre âme, comme l'indique votre nom même de postulants, competentes. Que signifie effectivement

 

1. Luc, IX, 62.

 

ce terme de competentes, sinon ceux qui postulent ensemble. De même qu'on dit condocentes, concurrentes, concidentes pour désigner ceux qui instruisent ensemble, qui courent et sont assis en même temps; ainsi le terme de compétentes ne s'applique qu'à ceux qui demandent, qui aspirent ensemble à un même but: Et quel est ce but unique auquel vous tendez, auquel vous voulez atteindre, sinon le but que proclame avec intrépidité ce grand coeur qui a foulé aux pieds les désirs charnels et triomphé des vaines terreurs du siècle. « Quand des armées camperaient autour de moi, s'écrie-t-il, mon coeur n'aurait pas de crainte; quand le signal du combat serait donné contre moi, je tressaillerais d'espérance ». Et pourquoi ? qu'a-t-il en vue ? Il l'exprime aussitôt: « J’ai demandé une grâce au Seigneur et je la lui demanderai encore; c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ». Mais quelle est la félicité de cette habitation, de cet heureux séjour ? Il le montre sans différer : « Pour contempler, (225) poursuit-il, les joies du Seigneur, pour être à l'abri dans son sanctuaire (1) ».

2. Voyez-vous, mes compagnons d'apprentissage, à quelle félicité divine vous parviendrez en rejetant les plaisirs du siècle ? Si vous méprisez le monde, vous n'aurez plus le cœur immonde, et vous verrez l'Auteur du monde, et par sa grâce vous triompherez du monde comme il en a triomphé. Oui, vous le vaincrez bientôt et vous le foulerez aux pieds, pourvu que vous comptiez, non pas sur vos forces, mais sur le secours miséricordieux du Seigneur. Ah ! ne vous dédaignez point, car on ne voit pas encore ce que vous serez; sachez seulement que quand Dieu se montrera vous lui serez semblables, et ce que vous devez être se verra alors. Sachez que vous le verrez, non point tel qu'il est venu parmi nous dans la plénitude des temps, mais tel qu'il était en nous créant et qu'il sera toujours (2). Dépouillez-vous du vieil homme et vous revêtez de l'homme nouveau (3). Le Seigneur veut faire un pacte avec vous. Vous avez vécu pour le siècle, en vous livrant à la chair et au sang et en portant l'image de l'homme terrestre. De même donc que vous avez porté l'image de cet homme sorti de terre, portez ainsi désormais l'image de Celui qui est descendu du ciel (4). « C'est parler humainement », car si le Verbe s'est fait chair, «c'est pour vous porter à faire maintenant servir vos membres d'instruments à la justice, comme auparavant vous faisiez de vos corps des instruments d'iniquité pour commettre le péché (5)». Pour vous donner la mort, votre ennemi s'armait contre vous de vos propres traits; pour vous donner la vie, il faut qu'à son tour votre défenseur trouve des armes dans vos membres. Le premier ne pourra vous nuire si vous vous arrachez à lui sans qu'il puisse vous retenir; et le second vous abandonnera justement si vos voeux, si voire volonté ne s'accorde pas avec la sienne.

3. Voici à quelle condition, à quel prix on propose à votre foi de vous vendre le royaume des cieux: regardez avec soin, amassez tous les biens de votre âme, réunissez, sans rien oublier, toutes les richesses de votre coeur. Et toutefois vous achetez gratuitement, si vous reconnaissez la grâce toute gratuite qui s'offre à vous. Vous ne déboursez rien, et vous

 

1. Ps. XXVI, 3, 4. — 2. I Jean, III, 2. — 3. Colos. III, 9, 10. — 4. I Cor. XV, 49. — 5. Rom. VI, 19.

 

acquérez beaucoup. Pourquoi vous avilir à vos propres yeux, quand le Créateur de tout l'univers et le vôtre vous estime à un si haut prix, que, pour vous, il fait couler chaque jour le sang adorable de son Fils unique? Or, vous ne vous avilirez point, si vous savez distinguer ce qui est précieux de ce qui est vil; si vous ne servez pas la créature moins le Créateur; si vous ne vous laissez point maîtriser par ce qui est au-dessous de vous, vous conservant ainsi purs de tout péché grave et mortel; si en recueillant la semence de la divine parole que maintenant même répand dans vos coeurs le laboureur céleste, vous ne la laissez point fouler aux pieds par les indignes qui passent dans le chemin, ni dessécher follement quand elle germe déjà, comme si elle n'avait trouvé que des pierres dans votre conscience endurcie, ni étouffer enfin au milieu des épines et du mouvement funeste de vos passions. En évitant avec horreur d'être stériles comme cette terre ingrate et vouée à la malédiction, vous rencontrerez un terrain riche et fertile où avec une joie immense vous représenterez au divin Semeur, qui vous aura en même temps arrosés, sa semence multipliée au centuple, ou bien, si vous ne pouvez aller jusque là, vous lui rendrez soixante pour un; il se contentera même de trente, si vous ne pouvez atteindre à soixante (2); puisque tous seront reçus dans les greniers célestes, admis à l'éternel repos. Ce pain céleste du bonheur sera formé du travail de tous les élus; et chacun des ouvriers qui travaillent loyalement à la vigne du Seigneur en recevra largement et s'en rassasiera avec joie. N'est-il pas vrai que Celui qui sème, qui fait pleuvoir, qui arrose et qui, tout à la fois, donne encore l'accroissement, fait briller partout sa gloire à l'aide de la prédication évangélique?

4. Approchez donc de lui avec un cœur brisé, car il est près de tous ceux qui se brisent le coeur; soyez humbles d'esprit et il vous sauvera (3). Approchez à l'envie pour être éclairés, car vous êtes encore au milieu des ténèbres, ces ténèbres vous pénètrent même. Vous serez alors lumière dans le Seigneur, lequel « éclaire tout homme venant en ce monde (4) ». Vous avez l'esprit du siècle, reformez-vous sur l'Esprit de Dieu. Prenez enfin à dégoût la captivité de Babylone. Voici Jérusalem, voici

 

1. Ps. XVIII, 14. — 2. Matt. XIII, 1-23. — 3. Ps. XXXIII, 19. — 4. Jean, I, 9.

 

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votre céleste mère qui vient à votre rencontre; elle vous invite avec joie, elle vous presse de rechercher la vie, et d'aimer à voir ces jours heureux que vous n'avez pas eus encore et que jamais vous n'aurez dans ce siècle. Là, en effet, vos jours s'en allaient comme la fumée, car ils ne peuvent augmenter sans diminuer, croître sans décroître, ni monter sans s'évanouir. Vous qui avez vécu dans le péché durant des années si multipliées et si malheureuses, aspirez à vivre en Dieu, non pas durant de longues années, puisqu'après tout elles auront un terme et qu'elles courent toutes pour s'anéantir dans l'ombre de la mort, mais durant les années heureuses qui ne se séparent point parce qu'elles sont éclairées par la Vérité même et qu'on y jouit de la vie qui ne s'épuise point. Là, vous n'éprouverez ni faim, ni soif, ni fatigue, parce que la foi sera votre nourriture et la sagesse votre breuvage. Car, si par la foi, maintenant, vous bénissez le Seigneur au sein de son Eglise, en le contemplant alors face à face, vous vous abreuverez abondamment aux fontaines d'Israël.

5. En attendant, toutefois, que vos larmes vous servent de pain la nuit et le jour dans ce pèlerinage, pendant que chaque jour on vous demande : Où est votre Dieu (1) ? sans que vous puissiez montrer à ces hommes charnels ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce que n'a point pressenti le coeur de l'homme (2); gardez-vous de déchoir jusqu'au moment où vous arriverez, où vous vous montrerez en présence de votre Dieu; car il viendra lui-même accomplir ces promesses, lui qui spontanément s'est fait votre débiteur, lui qui n'a rien emprunté à personne et qui a daigné s'obliger à vous devoir. C'est nous qui lui devions, et nos dettes égalaient nos péchés. Lui est venu sans rien devoir, puisqu'il n'avait pas fait le mal; il nous a trouvé sous le poids d'une créance ruineuse et coupable, et rendant ce qu'il n'avait pas dérobé, il nous a déchargés dans sa miséricorde d'une dette éternelle. Nous avions commis la faute et nous ne pouvions qu'en attendre le châtiment; lui, saris être complice de cette faute, a voulu en porter la peine et nous remettre ainsi la peine avec la faute. C'est lui effectivement qui délivrera de leurs dettes et

 

1 Ps. XLI, 4. — 2. I Cor. II, 9.

 

de leurs iniquités les âmes de ceux qui croies et qui disent du fond du coeur, chacun particulier : « Je compte voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants (1) ». Or; cette terre, il faut y aspirer, non pas d'un manière morte et toute terrestre, mais avec un coeur céleste en quelque sorte et tout vivant. Aussi est-ce d'elle que parle en chantant avec allégresse dans un autre psaume, un coeur tout épris d'amour pour elle: « Vous êtes mon espoir, mon partage dans la terre des vivants (2) ».

On marche à sa conquête, lorsque sur cette terre on mortifie vigoureusement ses membres, non pas les membres dont la réunion forme le corps humain, mais les membres qui malheureusement affaiblissent l’énergie de l'âme. Ce sont ceux que fait connaître clairement et que nomme l'apôtre saint Paul, et vase d'élection, quand il dit: « Mortifiez vos membres qui sont sur la terre, la fornication, l'impureté, le trouble, la convoitise coupable et l'avarice qui est une idolâtrie (3) ». Voilà ce que vous devez mortifier sur cette terre de mourants, si vous désirez vivre sur cette autre terre, la terre des vivants. Devenez ainsi les membres du Christ, mais non pour prendre ces membres et en faire les membres d'une prostituée. Est-il en effet prostituée plus ignominieuse et plus vile que la fornication, nommée en premier lieu, et que l'avarice en dernier? C'est avec raison que cette avarice est traitée d'idolâtrie, car il faut éviter non-seulement la dissolution du corps mais encore la perte du sentiment dans l'âme pour ne pas tomber sous la menace du chaste Epoux, du juge sévère, à qui il est dit: « Vous avez fait périr quiconque se prostitue loin de vous ». Ah ! qu'il est bien mieux, qu'il bien plus avantageux pour chacun de vous lui crier avec un coeur chaste: « Mon bonheur est de m'attacher à Dieu (4) ». Cet attachement intime est produit par l'amour dont il est dit également: « Aimez sans dissimulation, abhorrant le mal et vous unissant au bien (5) ».

6. Voilà, voilà l'arène où vous devez combattre à la lutte, poursuivre à la course, frapper au pugilat. Voulez-vous étouffer dans vos bras cet ennemi funeste qui lutte contre votre foi ? Foulez aux pieds le mal, embrassez le bien. Voulez-vous atteindre à la course? Fuyez l'iniquité,

 

1. Ps. LXXI, 14; XXVI, 13. — 2. Ps. CXLI, 6. — 3. Col. III, 5. — 4. Ps. LXXII, 27, 28. — 5.  Rom. XII, 9.

 

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poursuivez la justice. Voulez-vous, non pas frapper l'air avec le poing, mais abattre vigoureusement votre adversaire? Châtiez votre corps et le réduisez en servitude, en vous abstenant de tout et en combattant loyalement; pour recevoir en triomphe la récompense céleste et la couronne qui ne se flétrit point.

Ce que nous faisons en vous en adjurant au nom de votre Rédempteur, achevez-le en examinant et en secouant votre coeur. C'est en priant Dieu et en maudissant le vieil ennemi que flous résistons à ses desseins perfides; pour vous, employez avec persévérance la contrition et les désirs du coeur pour vous arracher à la puissance des ténèbres, et pour parvenir au royaume où brille la gloire de Dieu. Telle est, pour le moment, votre oeuvre, telle votre application. Nous jetons sur cet esprit coupable les anathèmes que méritent ses oeuvres perverses; livrez-lui plutôt un glorieux combat en vous éloignant de lui et en le reniant comme le veut la religion. Il faut abattre, enchaîner et bannir cet ennemi de Dieu, de vous et surtout de lui-même; car si sa haine s'élève avec insolence contre Dieu et contre vous avec rage, â lui elle est fatale. Qu'il soit partout altéré de sang, qu'il tende des piéges, qu'il aiguise toutes les langues perfides qui lui obéissent, rejetez de vos coeurs son venin en invoquant le nom du Sauveur.

7. Bientôt va ressortir, bientôt va être mis à nu tout ce qu'il se proposait par ses inspirations criminelles, par ses honteux appas. A bas les chaînes tyranniques par lesquelles il vous retenait captifs; à bas le joug qu'il faisait peser cruellement sur vous, et qui va être replacé sur sa tête ; seulement, pour obtenir votre délivrance, donnez votre assentiment à votre Rédempteur , et confiez-vous en lui. Assemblée du peuple nouveau, peuple naissant qu'a formé le Seigneur, aide à ton enfantement et ne deviens pas un avorton misérable. Vois le sein de ta mère, la sainte Eglise, vois comme elle travaille et gémit pour te mettre au jour, pour te produire à la lumière de la foi. Ah! prenez garde d'imprimer par votre impatience de trop fortes secousses aux entrailles maternelles et de rendre plus étroite la porte par où vous devez passer à la vie. Loue ton Dieu, peuple naissant, loue ton Seigneur, loue-le, toi que Dieu crée. Loue-le parce qu'il te donne du lait ; loue-le parce qu'il te nourrit, et puisqu'il te donne des aliments célestes, avance en sagesse et en âge. N'a-t-il pas connu ces progrès dans sa croissance temporelle Celui qui ne meurt pas quand le temps lui manque, et qui ne grandit pas quand il s'allonge, attendu qu'il a banni de son éternité toute fin et toute espèce de temps ? « Gardez-vous, comme le disait à son élève un bienveillant précepteur, de devenir enfants par l'intelligence ; mais soyez petits enfants en malice et hommes faits en intelligence (1) ». Postulants, grandissez avec ardeur en Jésus-Christ, afin d'atteindre dans la jeunesse les proportions de l'homme parfait. Par vos progrès dans la sagesse, faites, comme il est écrit, la joie de votre père, et abstenez-vous d'être, par votre relâchement, la tristesse de votre mère (2).

8. Aimez ce que vous devez être; car vous devez être les fils de Dieu, ses fils adoptifs incomparable privilège qui vous sera accordé gratuitement et dont vous jouirez d'autant plus amplement que vous montrerez plus de gratitude à Celui qui en est la source. Courez donc à lui, car il sait ceux qui lui appartiennent, et il ne dédaignera pas de vous voir au nombre de ces derniers, si en invoquant son nom vous renoncez à toute injustice (3). Les parents que vous avez ou que vous aviez dans le monde, vous ont engendrés pour le travail, pour la souffrance et pour la mort; mais comme, heureusement orphelins, chacun de vous peut dire : « Mon père et ma mère m'ont abandonné (4) » ; ô chrétien, reconnais pour Père Celui qui en leur absence te recueille quand tu quittes le sein de ta mère et à qui disait fidèlement un de ses enfants fidèles : « Du sein de ma mère, vous êtes mon appui (5) ». Ce Père est Dieu même, et l'Eglise est cette mère.

Que la vie qu'ils vous donnent est différente de la vie que vous avez reçue de vos premiers parents ! Ce n'est pas en effet pour le travail, pour la misère, pour les pleurs, pour la mort qu'ils vous enfantent ; mais pour l'aisance, pour la félicité, pour la joie, pour la vie. La naissance que donnent les uns est digne de lamies, celle qui vient des autres est digne d'ambition. Par suite de l'ancien péché les premiers nous engendrent pour la peine éternelle; les seconds nous régénèrent pour abolir et la peine et la faute. Ainsi sont régénérés

 

1. I Cor. XIV, 20. — 2. Prov. X, 1 ; XV, 20. — 3. II Tim. II, 19. — 4. Ps. XXVI, 31. — 5. Ps. XXI, 11.

 

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ceux qui cherchent Dieu, ceux qui aspirent à voir la face du Dieu de Jacob (1) ». Cherchez ce bonheur avec humilité, car en le trouvant vous parviendrez à une grandeur qui n'expose à aucun danger.

L'enfance consistera pour vous dans l'innocence, le premier âge dans le respect, l'adolescence dans la patience, la jeunesse dans la force, l'âge mûr dans le mérite, et votre vieillesse ne sera autre chose qu'une sereine et sage intelligence. En traversant ces parties ou plutôt ces degrés de la vie tu n'as point à changer de place , tu te renouvelles en occupant toujours la même. On ne voit point le second âge pousser le premier pour lui succéder, le troisième se lever pour abattre le second, ni naître le quatrième pour donner la mort au troisième ; le cinquième ne porte point envie au quatrième pour pouvoir subsister, et te sixième n'ensevelira point le cinquième. Quoique tous ces âges n'arrivent pas en même temps, rien n'empêche qu'ils demeurent tous en paix dans une âme pieuse et justifiée, et c'est ainsi qu'ils te conduiront au septième, c'est-à-dire au repos et à la paix éternelle. Délivré jusqu'à six fois des misères de l'âge funeste, au septième âge, est-il écrit, le mal ne pourra plus t'atteindre (2). Comment attaquerait-il , puisqu'il n'existera plus ? et comment triompherait-il , puisqu'il n'osera même pas se montrer? Alors donc on jouira d'une immortalité paisible et d'une paix immortelle.

9. Et d'où viendra cette félicité, sinon du changement imprimé par la droite du TrèsHaut, du Très-Haut qui bénira tes fils dans ton enceinte et qui te donnera la paix pour frontières (3) ? Soyez donc remplis d'ardeur pour l'obtenir, vous qui êtes à la fois unis et séparés, unis aux bons et séparés des méchants, élus, bien-aimés, prédestinés, appelés, mais qui avez besoin d'acquérir encore la sainteté et la gloire ; croissez, grandissez, vieillissez dans la foi et dans la maturité des forces ; il n'est pas question ici de l'affaiblissement du corps, mais d'une vieillesse pleine de vigueur, et annoncez en paix les oeuvres du Seigneur qui a fait pour vous de grandes choses, qui est tout-puissant, dont le nom est grand et dont la sagesse est incommensurable. Vous cherchez la vie ? Courez à Celui qui en est la

 

1. Ps. XXIII, 6. — 2. Job. V, 19. — 3. Ps. CXLVII, 14.

 

source, et après avoir dissipé les ténèbres pro. duites par la fumée de vos passions, vous contemplerez la lumière à la lumière du Fils unique du Père, de votre Rédempteur plein de clémence, du brillant soleil de justice. Vous cherchez le salut ? Espérez en Celui qui sauve ceux qui se confient en lui (1). Il vous faut de l'ivresse et des délices ? Il ne vous les refusera même pas ; seulement venez et adorez, prosternez-vous et gémissez devant Celui qui vous a créés (2) ; c'est ainsi qu'il vous enivrera de l'abondance de sa maison, et qu'il vous abreuvera au torrent de ses délices (3).

10. Mais prenez garde que le pied du superbe ne vous heurte; ayez soin que la main des pécheurs ne vous ébranle pas (4). Pour échapper au premier malheur, priez Dieu de vous purifier de vos péchés secrets; et pour n'être ni renversés ni abattus par le second, demandez d'être préservés de la malice des étrangers (5); âmes tombées, levez-vous; levez-vous pour vous tenir debout; tenez-vous debout pour résister ; et résistez avec persévérance. Au lieu de porter le fardeau plus longtemps, rompez leurs chaînes et secouez leur joug (6), et ne vous laissez plus imposer de servitude. « Le Seigneur est proche, ne vous inquiétez de rien (7)». Mangez maintenant le pain de la douleur ; viendra le moment où après avoir mangé ce pain de douleur vous recevrez en partage le pain de la joie. Mais pour mériter l'un il faut d'abord manger l'autre avec patience. C'est en te détournant et en t'éloignant de Dieu que tu as mérité ce pain de larmes; reviens avec componction sur tes pas et te rapproche de ton Seigneur. A qui revient à lui avec componction, il est prêt à donner de nouveau le pain de la joie ; mais n'use pas de dissimulation et ne diffère pas dans ta misère de demander avec larmes pardon de ta fuite, Au milieu d'afflictions si multipliées, revêtez vous du cilice et par le jeûne humiliez vos âmes. L'humilité recouvre ce qu'a perdu l'orgueil. Il est vrai pourtant, au moment de votre examen, quand au nom tout-puissant et redoutable de l'auguste Trinité, des imprécations méritées étaient lancées sur ce transfuge qui entraîne à la fuite et à la désertion, vous n'étiez pas couverts du cilice : mais vos pieds marchaient en quelque sorte sur lui.

11. Il faut en effet fouler aux pieds les vices,

 

1. Ps. XVI, 7. — 2. Ps. XCIV, 6. — 3. Ps. XXXV, 9. — 4. Ib. 12. — 5. Ps. XVIII, 13, 14. — 6. Ps. II, 3. — 7. Philip. IV, 5, 6.

 

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dont les peaux de chèvres sont le symbole mettre en lambeaux ces vêtements des boucs de la gauche. Comme de lui-même le Père des miséricordes viendra à votre rencontre, vous rendant votre robe première, se hâtant même de faire immoler le veau gras afin de repousser la faim funeste qui vous mène à la mort (1) ! Vous mangerez sa chair et vous boirez son sang, ce sang dont l'effusion efface nos péchés, acquitte nos dettes et fait disparaître nos souillures. Mangez en esprit de pauvreté, et vous serez rassasiés, et vous aussi vous pourrez compter au nombre de ceux dont il est dit: « Les pauvres mangeront et ils seront rassasiés (2) ». Ainsi rassasiés heureusement par lui, vantez son pain et publiez sa gloire ; courez à lui et renoncez au passé. N'est-ce pas lui en effet qui rappelle ceux qui s'éloignent, qui poursuit les fuyards, qui retrouve ceux qui sont perdus, qui humilie les superbes, qui nourrit les affamés, qui délivre les captifs , qui éclaire les aveugles, qui purifie les impurs, qui délasse les fatigués, qui ressuscite les morts et qui arraché aux esprits du mal ceux qu'ils ont saisis et qu'ils retiennent dans les fers? Mais nous avons constaté que vous n'êtes point sous l'empire de ces esprits: donc, en vous félicitant, nous vous engageons à conserver dans vos coeurs l'exemption du mal que nous avons vue dans vos corps.

 

1. Luc, XV, 11-32. — 2. Ps. XXI, 27.

 

 

 

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