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LE XI AOUT. DEUXIÈME JOUR DANS L'OCTAVE DE SAINT LAURENT. LES SS. TIBURCE ET SUSANNE, MARTYRS.Tiburce, fils de Chromatius préfet de Rome, suit aujourd'hui Laurent sur les charbons où la confession de sa foi l'amène lui-même. A quarante ans de distance, un même Esprit anime les deux témoins du Seigneur Christ et leur suggère une même réponse à leurs bourreaux. Tiburce, marchant sur le brasier, s'écrie : « Apprends que l'unique Dieu est celui des chrétiens; car ces charbons me semblent des fleurs. » Dans ce voisinage immédiat du grand archidiacre, assez brillante elle-même pour n'en être pas éclipsée, une vierge illustre prend place à son tour. Parente à la fois de l'empereur Dioclétien et du saint Pape Caïus, Susanne, dit-on, vit un jour le diadème impérial à ses pieds. La blanche couronne qu'elle lui préféra lui valut la palme du martyre, et toutes deux lui assurent une noblesse à jamais plus grande. Or, comme le remarque saint Léon en la glorieuse solennité dont l'Octave commence, si nul n'est bon pour lui seul, si les faveurs de la Sagesse ne profitent point seulement à celui qu'elle honore, nul n'est plus sage que le Martyr, aucune 412 éloquence ne vaut la sienne pour instruire le peuple de Dieu. C'est dans ce très excellent genre d'enseignement (1) que, nous dit aujourd'hui même l'Eglise, « Laurent a illuminé le monde de la lumière de ses feux, échauffé les cœurs des chrétiens de l'ardeur des flammes dont il brûlait. La foi s'allume, la dévotion éclate en nos âmes au spectacle de ses combats; le persécuteur n'attise pas contre moi ses brasiers, mais il m'embrase du désir du Sauveur (2). » Si d'ailleurs, et ce n'est point théorie pure que de le rappeler en nos temps, si, comme l'observe saint Augustin dans l'Homélie de l'Office de la nuit, « les circonstances en arrivent à placer un homme dans l'alternative de transgresser un précepte divin ou de sortir de cette vie, il doit lui aussi savoir mourir pour l'amour de Dieu plutôt que de vivre par son offense (3). » La morale ne change pas, ni non plus la justice de Dieu, qui récompense en tous temps ses fidèles, comme en tous siècles il châtie les lâches. 1. Léon.
Sermo in Nat. S. Laurentii. — 2. In II° Noct. Pseudo-Aug. Sermo
30 de Sanctis. — S. Aug. Tract, in Joh. 51. Le Missel mozarabe fait ressortir éloquemment les grandeurs du martyre de saint Laurent dans cette formule si belle qui précède la Consécration, au jour de la fête. POST SANCTUS.Hosannah au plus haut des
cieux ! Il il est vraiment digne et juste en tout
temps, mais principalement dans les solennités de vos Saints, que nous vous rendions
grâces, Trinité coéternelle et consubstantielle et coopératrice de tous biens.
En ce très illustre jour de votre bienheureux Martyr Laurent, nous vous
immolons donc, ô Dieu, les hosties de la louange. Toute votre Eglise célèbre
dans la joie, au retour de cet anniversaire, le glorieux triomphe de son
martyre. Se rapprochant de vos Apôtres en l'enseignement, il ne fut point
au-dessous dans la confession du Seigneur. Il releva de la pourpre du martyre
la blanche neige de sa robe de lévite. Le feu que vous êtes venu répandre sur
la terre avait tellement embrasé son cœur, qu'il ne sentait pas ce feu visible
et surmontait par la vigueur de l'esprit les flammes entourant son corps, sans nul crainte en sa vaillante foi des charbons ardents. Sur le gril, ministre chaste
il s'offrit à vous lui-même, sacrifice nouveau. Autel d'holocauste, saveur
suave pour le Seigneur ! Avec une invincible patience, le cœur, les entrailles,
les moelles en ébullition, s'écoulant en ruisseaux, l'incomparable Martyr
laissait ses membres torréfiés se dissoudre. Etendu et fixé sur le gril, gisant
suspendu sur la flamme, c'était l'holocauste de piété dont une froide impiété
se faisait l'instrument, humant la sueur embrasée des chairs fondues. Mais le
vrai ministre de ce sacrifice d'un nouveau genre, celui qui véritablement
plaçait sur l'autel son corps, c'était l'admirable Lévite, à la fois pour
lui-même pontife et hostie. Lui qui avait été ministre du Corps du Seigneur, en
s'offrant lui-même fit office de prêtre. C'est pourquoi, Seigneur,
nous exaltons en lui votre vertu et votre puissance. Qui, en effet, croira
qu'un corps, inconsistant et fragile assemblage, eût pu sans vous suffire à
tant d'assauts? qui estimera que des membres humains n'eussent
point cédé à ces feux dévorants, sans que partant de vous une plus vive flamme
ne fût venue ranimer l'homme intérieur ? Mais, par cette vertu, l'âme
joyeusement pénétrée de la divine rosée tressaillait de sentir son corps aux
charbons, le Martyr voulait se voir retourné et mangé : un seul genre de mort
ne lui semblait pas suffire à la couronne préparée ; il craignait que la
modération des tourments ne retardât cette mort qui donnait la vie, que la
couronne en fût moins glorieuse à recevoir de vos mains, ô Seigneur qui êtes le
Sauveur de tous et le Rédempteur de nos âmes. |