DOMINIQUE

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LE IV  AOUT. SAINT DOMINIQUE, CONFESSEUR.

 

Aux lieux où protégée par le Lion de Castille est assise l'heureuse Callaroga,  naquit l'amant passionné de la foi chrétienne, le  saint athlète, doux aux siens et dur aux ennemis. A peine créée, son  âme  fut remplie d'une  vertu si vive que, dans sa mère encore,  il prophétisa. Quand sur les fonts sacrés furent conclues entre lui et la foi les fiançailles, la répondante qui pour lui donna consentement vit en songe le  fruit merveilleux qui devait sortir de lui et de sa race. Dominique il fut appelé, étant tout  au Seigneur ; ô  bien nommé aussi son  père Félix, ô bien nommée Jeanne sa mère, si ces noms  signifient ce qu'on dit (1) ! Plein de doctrine et aussi d'énergie, sous l'impulsion apostolique, il fut le torrent qui s'échappe d'une veine profonde ; plus impétueux là où plus forte était la résistance, il s'élançait déracinant les hérésies ; puis il se partagea en plusieurs ruisseaux qui arrosent le jardin  catholique et ravivent ses plantes (2). »

Eloge vraiment digne des cieux, placé par Dante, au paradis, sur les lèvres du plus illustre fils du pauvre d'Assise. Dans le voyage du grand

 

1. Dominique, qui appartient au Seigneur; Félix, heureux; Jeanne, grâce. — 2. Dante, la Divine Comédie, Paradis, chant XII.

 

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poète à travers l'empyrée, il convenait que Bonaventure exaltât le patriarche des Prêcheurs,comme, au chant précédent, Thomas d'Aquin, fils de Dominique,  avait célébré  le père de  la famille à l'humble cordon. François et Dominique donnés pour guides au monde «  afin que s'approchât du Bien-Aimé, plus confiante et plus fidèle, l'Epouse de celui qui, jetant un grand cri vers son Père, s'unit à elle dans son sang béni ! parler de l'un, c'est célébrer les deux, tant leurs œuvres allèrent à même fin ; l'un fut tout séraphique en son ardeur, l'autre parut un rayonnement de la lumière des chérubins (1). » Sagesse du Père, vous fûtes à tous deux leur amour ; pauvreté de François, vrai trésor de l'âme, foi de Dominique,  incomparable splendeur  de l'exil : deux aspects d'ici-bas traduisant, pour le temps de l'épreuve et de l'ombre, votre adorable unité.

En effet, dit avec non moins de profondeur et une autorité plus grande l'immortel Pontife Grégoire IX, « la source de la Sagesse, le Verbe du Père, notre Seigneur Jésus-Christ,  dont la nature est bonté, dont  l'œuvre est miséricorde, n'abandonne point dans la traversée des siècles la vigne qu'il a tirée de l'Egypte ; il subvient par des signes nouveaux à l'instabilité des âmes, il adapte ses merveilles aux défaillances de l'incrédulité. Lors donc que le jour penchait déjà vers le soir et que, l'abondance du mal glaçant la charité, le rayon de la justice inclinait au couchant, le Père de famille voulut rassembler les ouvriers propres aux travaux de la onzième heure ; pour dégager sa vigne des ronces qui l'avaient envahie et en chasser  la multitude  funeste des petits renards

 

1. Dante, la Divine Comédie, Paradis, chant XI.

 

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qui travaillaient à la détruire (1), il suscita les bataillons des Frères Prêcheurs et Mineurs avec leurs chefs armés pour le combat (2). »

Or, dans cette expédition du Dieu des armées, Dominique fut « le coursier de sa gloire, poussant intrépide, dans le feu de la foi, le hennissement de la divine prédication (3). » Octobre dira la très large part qu'eut au combat le compagnon que lui donna le ciel, apparaissant comme l'étendard vivant du Christ en croix, au milieu d'une société où la triple concupiscence prêtait la main à toute erreur pour battre en brèche sur tous les points le christianisme même.

Comme  François,  Dominique,  rencontrant partout cette complicité de la cupidité avec l'hérésie qui sera désormais la principale  force  des faux prédicants, prescrivit aux siens la plus absolue désappropriation des biens de ce monde et se fit lui aussi mendiant pour le Christ. Le temps n'était plus où les peuples, acclamant toutes les conséquences de la divine Incarnation, constituaient à l'Homme-Dieu le plus immense domaine territorial qui fut jamais, en même temps qu'ils plaçaient son vicaire à la tête des rois. Après avoir tenté vainement d'humilier l'Epouse en soumettant le sacerdoce à l'empire, les descendants indignes des fiers chrétiens d'autrefois reprochaient à  l'Eglise la possession de ces biens dont elle n'était que la dépositaire au nom du Seigneur ; pour la Colombe du saint Cantique, l'heure avait sonné de  commencer par  l'abandon du sol son mouvement de retraite vers les cieux.

Mais si les deux princes de la lutte mémorable

 

1. Cant. II, 15. — 2. Bulla Fons Sapientiae, de canonizatione S. Dominici. — 3. Ibid.

 

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qui enraya un temps le progrès de l'ennemi se rencontrèrent dans l'accueil fait par eux à la sainte pauvreté, celle-ci pourtant resta plus spécialement la souveraine aimée du patriarche d'Assise, Dominique, qui comme lui n'avait en vue que l'honneur de Dieu et le salut des âmes, reçut à cette fin en partage plus direct la science ; partage excellent (1), plus fertile que celui de la fille de Caleb (2) : moins de cinquante ans après que Dominique en eut transmis l'héritage à sa descendance, l'irrigation sagement combinée des eaux inférieures et supérieures de la raison et de la foi y amenait à plein développement l'arbre de la science théologique, aux racines puissantes, aux rameaux plus élevés que tout nuage montant de la terre, où les oiseaux de toutes les tribus qui sont sous le ciel aiment à venir se poser sans crainte et fixer le soleil.

Ce fut bien « sur la lumière, » dit Dieu à sainte Catherine de Sienne, « que le père des Prêcheurs établit son principe, en en faisant son objet propre et son arme de combat ; il prit pour lui l'office du Verbe mon Fils, semant ma parole, dissipant les ténèbres, éclairant la terre ; Marie, par qui je le présentai au monde, en fit l'extirpateur des hérésies (3). » Ainsi, nous l'avons vu, disait de son côté un demi-siècle plus tôt le poète florentin ; l'Ordre appelé à devenir le principal appui du Pontife suprême dans la poursuite des doctrines subversives devait, s'il se peut, justifier l'expression mieux encore que son patriarche : le premier des tribunaux de la sainte Eglise, la sainte Inquisition romaine universelle, le Saint-Office, investi en

 

1. Psalm. XV, 5-7. — 2. Josue, XV, 16-19.— 3. Dialogue, CLVIIl.

 

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toute vérité de l'office du Verbe au glaive à deux tranchants (1) pour convertir ou châtier, n'eut pas d'instrument plus fidèle et plus sûr.

Pas plus quela vierge de Sienne, l'illustre auteur de la Divine Comédie n'eût  soupçonné  qu'un temps dût venir, où le premier titre de la famille dominicaine à l'amour reconnaissant des peuples serait discuté en certaine école apologétique, et là écarté comme une insulte ou dissimulé comme une gêne. Le siècle présent met sa gloire dans un libéralisme qui a fait ses preuves en multipliant les ruines et, philosophiquement, ne repose que sur l'étrange confusion de la licence avec la liberté ; il ne fallait rien moins que cet affaissement intellectuel de nos tristes temps, pour  ne plus comprendre que, dans une société où la foi est la base des institutions comme elle est le principe du salut de tous, nul crime n'égale celui d'ébranler le fondement sur lequel repose ainsi avec l'intérêt social le bien le plus précieux des particuliers. Ni l'idéal de la justice, ni davantage  celui de la liberté, ne consiste à laisser à  la merci du mal ou du mauvais le faible qui ne peut  se  garder lui-même : la chevalerie fit  de  cette vérité son axiome, et ce fut sa gloire ; les frères de Pierre Martyr dévouèrent leur  vie  à protéger contre les  surprises du fort armé (2) et la contagion qui se glisse dans la nuit (3) la sécurité des enfants de Dieu : ce fut l'honneur « de la troupe sainte que Dominique conduit par un chemin où l'on profite, si l'on ne s'égare pas (4). »

Et quels plus vrais chevaliers que ces athlètes de la foi (5), prenant leur engagement  sacré sous

 

1. Apoc. XIX, 11-16. — 2. Luc, XI, ai. —3. Psalm. XC, 6 — 4. Dante, Paradis, chant X. — 5. Honorius III, Diploma confirmans Ordinem.

 

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forme d'hommage lige (1), et choisissant pour Dame celle qui, puissante comme une armée (2), extermine seule les hérésies dans le monde entier (3) ? Au bouclier de la vérité (4) au glaive de la parole (5), celle qui garde en Sion les armures des forts (6) joignait pour ses dévoués féaux le Rosaire, signe plus spécial de sa propre milice ; elle leur assignait l'habit de son choix comme étant leur vrai chef de guerre, et les oignait de ses mains pour la lutte dans la personne du Bienheureux Réginald. Elle-même encore veillait au recrutement de la sainte phalange, prélevant pour elle dans la jeunesse d'élite des universités les âmes les plus pures, les plus généreux dévouements, les plus nobles intelligences ; Paris, la capitale de la théologie, Bologne, celle de la jurisprudence et du droit, voyaient maîtres, écoliers, disciples de toute science, poursuivis et atteints par la douce souveraine au milieu d'incidents plus du ciel que de la terre.

Que de grâce dans ces origines où la sérénité virginale de Dominique semblait entourer tous ses fils ! C'était bien dans cet Ordre de la lumière qu'apparaissait la vérité de la parole évangélique : Heureux les purs de cœur, car ils verront Dieu (7). Des yeux éclairés d'en haut apercevaient sous la figure de champs de lis les fondations des Prêcheurs ; aussi Marie, par qui nous est venue la splendeur de la lumière éternelle (8), se faisait leur céleste maîtresse et, de toute science, les conduisait à la Sagesse, amie des cœurs non souillés (9).

 

1. Promitto obedientiam Deo et B. Mariœ. Constitutiones Fratr. Ord. Prœdicat Ia distinctio, cap. XV de Professione. — 2. Cant. VI, 3,9.—3. Ant. festorum B. M.V. in III° Nocturne — 4. Psalm. XC, 5. — 5. Eph. VI, 17. — 6. Cant. IV, 4.   7. Matth. V, 8. — 8. Sap. VII, 26. — 9. Ibid. VIII.

 

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En la compagnie  de Cécile et  de Catherine, elle descendait pour bénir leur repos de la nuit, mais ne partageait avec aucune de ses nobles suivantes le soin de les couvrir de son royal manteau près du trône  du Seigneur.  Comment  dès lors s'étonner  de  la  limpidité  suave qui après  Dominique, et durant les généralats des Jourdain de Saxe, Raymond  de Pegnafort, Jean  le  Teutonique, Humbert de Romans, continue  de régner dans ces Vies des Frères et ces Vies des Sœurs dont des plumes heureuses ont transmis jusqu'à nous les récits d'une exquise fraîcheur ? Discrète leçon, en môme temps que secours puissant pour les Frères : dans  la famille dominicaine vouée à l'apostolat par essence, les Sœurs furent de dix ans les aînées, comme pour marquer  que, dans l'Eglise de Dieu, l'action ne peut être féconde, si elle n'est précédée et ne demeure accompagnée de la contemplation qui lui vaut bénédiction et toute grâce.

Notre-Dame de Prouille, au pied des Pyrénées, ne fut pas seulement par ce droit de primogéniture le principe de tout l'Ordre ; c'est à son ombre protectrice que les premiers compagnons  de Dominique arrêtèrent avec lui le choix de leur Règle  et se partagèrent le monde, allant de là fonder Saint-Romain de  Toulouse, puis Saint-Jacques  de Paris,  Saint-Nicolas de Bologne, Saint-Sixte  et Sainte-Sabine dans la Ville éternelle. Vers la  même époque,  l'établissement de la Milice de Jésus-Christ plaçait sous la direction des  Prêcheurs les séculiers  qui, en face de l'hérésie militante, s'engageaient à défendre par tous les moyens en leur pouvoir les biens de l'Eglise et sa liberté; quand les sectaires eurent posé les armes, laissant la paix au monde pour un  temps,

 

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l'association ne disparut pas : elle porta le combat sur le terrain de la lutte spirituelle, et changea son nom en celui de Tiers-Ordre des Frères et Sœurs de la Pénitence de saint Dominique.

Lisons dans le livre de l'Eglise  la  vie très abrégée du saint patriarche.

 

Dominique naquit à Caléruéga en Espagne, de la noble famille des Gusman. Palencia le vit s'adonner aux études libérales et à la théologie ; grand fut le fruit qu'il en retira. D'abord chanoine régulier de l'église d'Osma, il fonda ensuite l'Ordre des Frères Prêcheurs. Au temps où sa mère le portait, il lui avait semblé en songe renfermer en elle un chien tenant dans sa gueule une torche avec laquelle, une fois au jour, il embrasait le monde : vision qui signifiait que par l'éclat de sa sainteté et de ses enseignements il enflammerait les peuples dans la piété chrétienne. L'événement vérifia le présage ; car ce fut là son œuvre propre et après lui celle de son Ordre.

 

Son génie et sa vertu brillèrent surtout dans la destruction des hérétiques qui tentaient d'infecter de leurs pernicieuses erreurs Je pays de Toulouse. Il consacra sept années à cette œuvre. Avec L’évêque de Toulouse il vint ensuite à Rome au concile de Latran, dans le but de faire confirmer par Innocent III l'Ordre qu'il avait établi. Pendant qu'on en délibère, Dominique, sur l'avis du Pontife, revient vers les siens pour faire choix d'une Règle. De retour à Rome, il obtient d'Honorius III, successeur immédiat d'Innocent, la confirmation de l'Ordre des Prêcheurs. A Rome même, il fonde deux monastères, l'un d'hommes, l'autre de femmes : trois morts sont rappelés par lui à la vie, beaucoup d autres miracles accomplis, qui amènent pour l'Ordre une merveilleuse diffusion.

 

Déjà partout par ses soins s'élevaient les monastères, et des personnes sans nombre prenaient la religion et la piété pour règle de leur vie, lorsque, à Bologne, l'an du Christ douze cent vingt et un, il fut saisi d'une fièvre dont il comprit qu'il allait mourir. Convoquant donc les Frères et les novices du couvent, il les exhorta à l'innocence et à la pureté, puis, en manière de testament, leur laissa comme patrimoine assuré la charité, l'humilité, la pauvreté. Au moment où les Frères en prières en étaient à ces mots : Secourez-le, Saints de Dieu, venez au-devant, saints Anges ; il s'endormit dans le Seigneur. C'était le huit des ides d'août. Le Pape Grégoire IX le mit au nombre des Saints.

 

 

Quel cortège est celui que vous forment vos fils et vos filles sur le Cycle sacré ! Accompagné en ce mois même de Rose de Lima et d'Hyacinthe, voilà que dès longtemps vous annonçaient au ciel de la Liturgie les Raymond de Pegnafort, les Thomas d'Aquin, les Vincent Ferrier, les Pierre Martyr, les Catherine de Sienne, les Pie V, les Antonin. Enfin brille au firmament l'astre nouveau dont la splendeur écarte l'ignorance, confond l'hérésie, accroît la foi des croyants. O Dominique, votre bienheureuse mère d'ici-bas, qui vous a devancé dans les cieux, pénètre maintenant dans sa plénitude le sens fortuné de la vision mystérieuse qui jadis excitait ses craintes ; et cet autre Dominique, gloire de l'antique Silos, au tombeau duquel elle reçut la promesse de votre bénie naissance, applaudit à l'éclat décuplé dont ce beau nom qu'il vous transmit resplendira par vous dans les siècles éternels. Mais quel accueil surtout vous est fait par la Mère de toute grâce, elle qui naguère, embrassant les pieds du Seigneur irrité, se portait garante que vous ramèneriez le monde à son Sauveur ! à peine quelques années ont passé : et partout l'erreur en déroute pressent qu'une lutte à mort est engagée entre elle et les

 

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vôtres ; et l'Eglise du Latran, maîtresse et mère, a vu ses murs menaçant ruine raffermis pour un temps ; et les deux princes des Apôtres, qui vous avaient dit Va et prêche, applaudissent à la Parole qui de nouveau parcourt la terre et retentit sur toute plage (1).

Frappées déjà de stérilité, les nations, que l'Apocalypse assimile aux grandes eaux (2), semblaient se corrompre pour toujours; la prostituée de Babylone, devançant l'heure, y dressait son trône : lorsqu'à l'imitation d'Elisée (3), mettant le sel de la Sagesse dans le vase neuf de l'Ordre par vous fondé, vous avez répandu dans les eaux malades ce sel divin, neutralisé les poisons de la bête de blasphème si tôt reparue, et, en dépit d'embûches qui ne cesseront plus, rendu de nouveau la terre habitable. Mais comme, une fois de plus, votre exemple nous montre que ceux-là seuls sont puissants pour Dieu sur les peuples, qui se livrent à lui sans chercher rien autre et ne donnent à autrui que de leur plénitude ! Dédaignant toute rencontre et toute science où ne se montrait pas l'éternelle Sagesse, nous disent vos historiens, ce fut d'elle uniquement que s'éprit votre adolescence (4) ; elle qui prévient ceux qui la désirent (5) vous inonda dès ces premiers ans de la lumière et des suavités anticipées de la patrie. C'était d'elle que s'écoulait sur vous la sérénité radieuse qui frappait vos contemporains et qu'aucun événement n'altéra jamais. Dans une paix des cieux, vous buviez à longs traits l'eau de ce puits sans fond qui rejaillit à la vie éternelle (6) ; mais en même temps  qu'au  plus intime secret  de l'âme

 

1. Psalm. XVIII. — 2. Apoc. XVII. — 3. IV Reg. II, 19-22. — 4. Sap. VIII, 2 — 5. Ibid. VI, 74.— 6. Johan. IV, 14.

 

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vous abreuvait ainsi son amour, une fécondité merveilleuse se déclarait dans la source divine, et ses ruisseaux devenus vôtres s'échappaient au dehors et les places publiques bénéficiaient des flots de votre surabondance  (1).

Vous aviez accueilli la Sagesse, et elle vous exaltait (2) ; non contente d'orner votre front des rayons de l'étoile mystérieuse (3), elle vous donnait la gloire des patriarches et multipliait de toutes celles de vos fils vos années et vos œuvres (4). Vous n'avez point cessé d'être en eux l'un des puissants contre-forts de l'Eglise. La science a rendu leur nom illustre parmi les peuples, et à cause d'elle leur jeunesse fut honorée des vieillards (5) : qu'elle soit toujours pour eux, comme elle le fut pour leurs aînés, et le fruit de la Sagesse, et le chemin qui y conduit; qu'elle s'alimente à la prière, dont la part est demeurée si belle en votre saint Ordre, que plus qu'aucun autre il se rapproche par ce côté des anciens Ordres monastiques Louer, bénir et prêcher sera jusqu'à la fin sa devise aimée, l'apostolat devant être chez lui, selon le mot du Psaume, l'effusion débordante du souvenir des suavités goûtées dans le commerce divin (6). Ainsi affermie en Sion, ainsi bénie dans son glorieux rôle de propagatrice et de gardienne de la vérité (7), votre noble descendance méritera d'entendre toujours de la bouche de Notre-Dame même cet encouragement au-dessus de toute louange : « Fortiter, fortiter, viri fortes ! Courage, courage, hommes courageux !  »

 

1. Prov. V, 15-19. — 2. Ibid. IV, 8. — 3. Ibid. 9. — 4. Ibid. 10. — 5. Sap. VIII, 10. — 6. Memoriam abundantiae suavititis tuae eructabunt. Psalm, CXLIV. — 7. Isai. XXVI, 1-2.

 

 

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