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martyrs du Mexique (1927-1928), laïcs
Joseph Anaclet GONZALES FLORES et 8 compagnons
Béatification: 20.11.2005 par Benoît XVI. Cérémonie présidée à
Guadalajara par le Card José
Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les Saints.
Fête: 20 novembre
Réf. dans lOsservatore
Romano: 2005 n.47 p.1 - n.48 p.2
Réf. dans la Documentation
Catholique:
Notice:
2 Joseph Anaclet GONZALES FLORES
2 Joseph Denis Louis PADILLAS GOMEZ
2 Georges VARGAS GONZALES
2 Raymond Vincent VARGAS GONZALES
2 Joseph Lucien Ezéchiel HUERTA GUTIERREZ
2 Salvador HUERTA GUTIERREZ
2 Michel GOMEZ LOZA
2 Louis MAGANA SERVIN
2 Joseph Louis SANCHEZ DEL RIO
Béatification du 2 novembre 2005
Alors que le pape Jean-Paul II avait procédé à la béatification puis à la canonisation dun premier groupe de Mexicains, comprenant surtout des prêtres (22 prêtres et 3 laïcs), Benoît XVI béatifie un groupe de 9 laïcs, ainsi que 3 prêtres et un autre laïc. Le mouvement des cristeros est en effet issu spontanément du peuple, des laïcs. Le martyre nest pas survenu pour eux sans quils soient préparés à cette grâce. Ils étaient issus de familles chrétiennes et ils se sont toujours distingués par un très grand amour de lÉglise et du pape, (même sils nont pas compris le silence de la hiérarchie après les événements). Jean-Paul II aimait à dire : Mexique, toujours fidèle!
La date de cette béatification de Benoît XVI fait
ressortir deux caractéristiques:
Le 2 novembre 2005 est la fête du Christ-Roi, fête
instituée en 1925 par Pie XI quelques mois avant quéclate la persécution
religieuse au Mexique, et par contrecoup, le movimento cristero. Beaucoup de
ces martyrs mouraient en criant: Vive le Christ-Roi!
Dautre part le cardinal Saraiva Martins, qui a
présidé la cérémonie de béatification à Guadalajara, déclare : La
profonde dévotion eucharistique est lun des traits qui réunissent ces
martyrs. Elle les a aidés à supporter lépreuve et à pardonner. Trois
dentre eux avaient fait partie de lAssociation nocturne du Très Saint
Sacrement, association possédant une longue tradition au sein du peuple mexicain.
Or en ce mois de novembre 2005 se termine lAnnée eucharistique voulue par Jean Paul
II et inaugurée une année auparavant à Guadalajara, justement (10 octobre 2004).
Contexte historique
Après le régime autoritaire du général Porfirio Diaz (1876-1911) le Mexique entre dans une période dinstabilité politique, et même de guerre civile (1914-1917), marquée par un caractère anticlérical prononcé jusquà la veille de la 2e guerre mondiale. Ainsi dès 1913, un décret ordonne la fermeture des églises et l'arrestation des prêtres. On interdit de dire "adios" ou "Si Dieu le veut" ("si Dios quiere"), de sonner les cloches, d'apprendre à prier aux enfants; on détruit les églises, expulse les congrégations religieuses, on met hors-la-loi les organisations professionnelles non gouvernementales, l'enregistrement des prêtres est rendu obligatoire. En visite au Vatican en 1915, larchevêque de Guadalajara dit à Benoît XV : « Nous payons les fautes de nos pères Les cruautés des conquistadores ? demande le pape. Et lévêque de répondre : Moins ces cruautés que lerreur davoir écarté les indigènes du sacerdoce ». On sait que les Indios étaient déconsidérés. Quant au clergé alors en place, il nest pas toujours à la hauteur. On lui reproche souvent dêtre intéressé et dissolu. (Graham Green, dans son roman La Puissance et la gloire, dresse le portrait saisissant dun prêtre à la fois trop humain et plein de foi.) En 1917, une Constitution anticléricale est votée. Elle est dabord appliquée avec un certain pragmatisme par le général indios Obregon, un anticlérical qui agit cependant avec prudence dans les régions où la foi est plus vive.
Par contre, avec larrivée au pouvoir du général Plutarco Elias Calles en 1924, cette Constitution est appliquée strictement, et des décrets dapplication sont promulgués; on a appelé le tout les lois Calles. La persécution devient plus violente. Pour Calles, le catholicisme est incompatible avec lÉtat. Un catholique ne peut être un bon citoyen puisque sa loyauté première est à Rome. Il faut remarquer quà partir de 1917, la Révolution mexicaine sinspire de plus en plus de la révolution bolchevique. Le général Calles jure de détruire la foi chrétienne. Alors, un mouvement spontané de résistance naît dans le peuple. LÉglise ne sen mêle pas, même si quelques prêtres sy engagent, pas toujours de façon heureuse dailleurs. Le peuple autochtone des Indios montre par là que sa religion nest pas toujours aussi superstitieuse et syncrétique quon le dit. Le soulèvement, formé essentiellement de paysans, concerne surtout la région du Centre-Ouest (Jalisco). Ils savancent comme en pèlerinage, mais sont accueillis par larmée à coups de fusils et de mitrailleuses, et dispersés sans peine. A plusieurs reprises, ils sont battus en terrain découvert et le gouvernement ne sinquiète pas, au contraire. Mais, à chaque fois ils se replient dans les montagnes et font de la "guerrilla". Ceux qui sont faits prisonniers sont exécutés par la troupe et ils meurent en criant : "Vive le Christ-Roi!" On les appelle "Cristeros" par dérision, mais ensuite, ils revendiquent ce nom. Parmi eux, il y a des prêtres, non engagés dans le mouvement armé, mais continuant à se prodiguer pacifiquement au soin des âmes. Certains seront béatifiés. Ce mouvement de résistance, le movimento cristero, dure de 1926 à 1929. LÉtat comprend quil nen viendra pas à bout. Quant à Pie XI, dès le début, il a condamné cette persécution, notamment avec lencyclique Iniquitates afflictusque (1926). Mais pour sauver un minimum de liberté à lÉglise, il est prêt, selon sa boutade, à traiter avec le diable en personne. Finalement, on aboutit aux accords (arreglia) du 21 juin 1929. Les cloches sonnent à nouveau. Mais les cristeros se sentent oubliés. Les accords ont été traités sans eux. Dailleurs, les lois anticléricales ne sont pas abrogées, mais leur application est seulement suspendue ; cest un modus vivendi. Et de plus, la persécution reprend. Beaucoup de cristeros, qui ont rendu loyalement leurs armes par obéissance au Pape, sont alors assassinés. Pie XI proteste contre cette violation des accords par lencyclique Acerbo nimis en 1932, mais il cherche à éviter la rupture avec le gouvernement. Quant à la "guerrilla", elle reprend (1932-1938) mais affaiblie, car lépiscopat mène une politique dapaisement et excommunie les catholiques qui reprennent le maquis. Rome et lépiscopat voient sans doute sur le long terme, mais sur le coup, les cristeros, ne comprennent pas. Pourtant, ils se soumettent. A la veille de la guerre de 1939, une évolution se dessine ; des équipes beaucoup moins teintées de marxisme arrivent au pouvoir et les lois religieuses reçoivent une application plus souple. LÉglise mexicaine se réorganise.
Les pauvres cristeros resteront longtemps oubliés, officiellement, même par la hiérarchie catholique. La béatification de 1992 est venue les remettre en lumière. Beaucoup mouraient en criant aussi « Vive le Pape ! » et « Vive Notre-Dame de Guadalupe ! » Aussi, lors de leur canonisation qui a suivi en lan 2000, Jean-Paul II a-t-il pu déclarer: "Le peuple mexicain s'est toujours distingué par son grand amour pour Dieu, la Vierge, l'Église et le Pape." Le pape Benoît XVI procède à la béatification dun nouveau groupe en 2005. Ainsi les cristeros entrent-ils glorieusement dans lhistoire de lÉglise, et lhistoire tout court !