MARDI DE PAQUES

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LE MARDI DE PAQUES.

 

 

Hœc dies quam fecit Dominus : exsultemus et laetemur in ea.

 

 

C'est le jour que  le Seigneur a fait : passons-le dans les transports de l'allégresse.

 

 

 

L'Agneau est notre Pâque ; nous l'avons reconnu hier ; mais le mystère de la Pâque est loin d'être épuisé. Voici d'autres merveilles qui réclament notre attention. Le livre sacré nous dit : « La Pâque, c'est le passage du Seigneur » (Exode, XII, 12); et le Seigneur, parlant lui-même, ajoute : « Je passerai cette nuit-là par la terre d'Egypte ; je frapperai tous les premiers-nés dans l'Egypte, depuis l'homme jusqu'à la bête ; et j'exercerai mon jugement sur tous les dieux de l'Egypte, moi le Seigneur. » La Pâque est donc un jour de justice, un jour terrible pour les ennemis du Seigneur ; mais il est en même temps et par là même le jour de la délivrance pour Israël. L'Agneau vient d'être immolé ; mais son immolation est le prélude de l'affranchissement du peuple saint.

Israël est soumis à la plus affreuse captivité sous Pharaon. Un odieux esclavage pèse sur lui; ses enfants mâles sont dévoués à la mort ; c'en est fait de la race d'Abraham, sur laquelle reposent les promesses du salut universel ; il est temps que le Seigneur intervienne ; il est temps qu'il se montre, le Lion de la tribu de Juda, à qui rien ne saurait résister.

 

Mais Israël représente ici un peuple plus nombreux que lui. C'est le genre humain tout entier qui gémit captif sous la tyrannie de Satan, le plus cruel des Pharaons. Sa servitude est montée au comble; courbé sous les plus abominables superstitions, il prodigue à la matière ses ignobles adorations. Dieu est chassé de la terre, où tout est devenu dieu, excepté Dieu ; le gouffre béant de l'enfer engloutit les générations presque entières. Dieu aura-t-il donc travaillé contre lui-même, en créant le genre humain ? Non ; mais il est temps que le Seigneur passe, et qu'il fasse sentir la force de son bras.

Le vrai Israël, l'Homme véritable descendu du ciel, est captif à son tour. Ses ennemis ont prévalu contre lui ; et sa dépouille sanglante et inanimée a été enfermée dans le tombeau. Les meurtriers du Juste ont été jusqu'à sceller la pierre de son sépulcre; ils y ont établi une garde. N'est-il pas temps que le Seigneur passe, et qu'il confonde ses ennemis par la rapidité victorieuse de son passage ?

Et  d'abord, au  sein de  la profane Egypte, chaque famille israélite ayant immolé et mangé l'agneau pascal, lorsque le  milieu de la nuit fut venu, le Seigneur, selon sa promesse, passa comme  un  vengeur redoutable à travers  toute cotte nation au  cœur endurci. L'ange exterminateur le suivait, et  frappa de son  glaive tous les premiers-nés de ce vaste empire,  « depuis le premier-né de Pharaon qui s'asseyait sur le trône, jusqu'au  premier-né de la captive qui était  en prison, et jusqu'au premier-né de tous les animaux. » Un  cri de  douleur  retentit de toutes parts dans Mesraïm;  mais le Seigneur est juste, et son peuple fut délivré.

 

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La même victoire s'est renouvelée en ces jours, lorsque le Seigneur, à l'heure où les ténèbres luttaient encore avec les premiers rayons du soleil , a passé, à travers la pierre scellée du tombeau, à travers les gardes, frappant à mort le peuple premier-né, qui n'avait pas voulu « connaître le temps de sa visite. » (Luc, XIX, 44.) La synagogue avait hérité de la dureté de cœur de Pharaon ; elle voulait retenir captif celui dont le prophète avait dit qu'il serait « libre entre les morts». (Ps. LXXXVII, 6.) A ce coup, les cris d'une rage impuissante se sont fait entendre dans les conseils de Jérusalem ; mais le Seigneur est juste, et Jésus s'est délivré lui-même.

Et le genre humain que Satan foulait aux pieds, combien a été heureux pour lui le passage du Seigneur! Ce généreux triomphateur n'a pas voulu sortir seul de sa prison : il nous avait tous adoptés pour ses frères, et nous a tous ramenés à la lumière avec lui. Tous les premiers-nés de Satan sont abattus du coup, toute la force de l'enfer est brisée. Encore un peu de temps, et les autels des faux dieux seront renversés de toutes parts; encore un peu de temps, et l'homme, régénéré par la prédication évangélique, reconnaîtra son créateur et abjurera les infâmes idoles. Car « c'est aujourd'hui la Pâque, c'est-à-dire le Passage du Seigneur. »

Mais voyez l'alliance qui réunit dans une même Pâque le mystère de l'Agneau au mystère du Passage. Le Seigneur passe, et il commande à l'Ange exterminateur de frapper le premier-né dans toute maison dont le seuil ne porte pas l'empreinte du sang de l'Agneau. C'est ce sang protecteur qui détourne le glaive ; c'est à cause de lui que la divine justice passe à côté de nous et ne nous touche pas.

 

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Pharaon et son peuple ne sont pas protégés par le sang de l'Agneau ; cependant ils ont vu de rares merveilles, ils ont éprouvé des châtiments inouïs; ils ont pu voir que le Dieu d'Israël n'est pas sans force comme leurs dieux; mais leur cœur est plus dur que la pierre, et les œuvres de Moïse pas plus que sa parole n'ont pu l'amollir. Le Seigneur les frappe donc, et délivre son peuple.

L'ingrat Israël s'obstine à son tour ; et, passionné pour ses ombres grossières, il ne veut pas d'autre Agneau que l'agneau matériel. En vain ses Prophètes lui ont annoncé qu'un « Agneau roi du monde viendra du désert à la montagne de Sion. » (ISAIE, XVI, 1.) Israël ne consent pas à voir son Messie dans cet Agneau ; il l'égorge avec haine et fureur ; et il continue de mettre toute sa confiance dans le sang grossier d'une victime impuissante à le protéger désormais. Qu'il sera terrible le Passage du Seigneur dans Jérusalem, lorsque l'épée romaine le suivra, exterminant à droite et à gauche un peuple tout entier !

Et les esprits de malice qui s'étaient joués de l'Agneau, qui l'avaient méprisé à cause de sa douceur et de son humilité, qui avaient rugi de leur joie infernale, en le voyant épuiser tout le sang de ses veines sur l'arbre de la croix, quelle déception pour leur orgueil de l'avoir vu, cet Agneau, descendre dans toute sa majesté de Lion jusqu'aux enfers, en arracher les justes de quatre mille ans, captifs sous les ombres ; ensuite, sur la terre, appeler toute créature vivante à la liberté des enfants de Dieu ! » (Rom  VIII, 2 1.)

Que votre Passage est dur à vos ennemis, ô Christ ! mais qu'il est salutaire à vos fidèles ! Le premier Israël n'eut point à le redouter ; car il était protégé par le signe du sang figuratif qui

 

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marquait la porte de ses demeures. Notre sort est plus beau ; notre Agneau est l'Agneau de Dieu même ; et ce ne sont point nos portes qui sont marquées de son sang ; ce sont nos âmes qui en sont toutes teintes. Votre Prophète, expliquant plus clairement le mystère, annonça dans la suite que ceux-là seraient épargnés, au jour de votre juste vengeance sur Jérusalem, qui auraient au front la marque du Tau. (Ezech. IX, 6.) Israël n'a pas voulu comprendre. Le signe du Tau est le signe de votre Croix ; c'est lui qui nous couvre, qui nous protège, qui nous transporte de joie, dans cette Pâque de votre Passage, où tous vos coups sont pour nos ennemis et toutes vos bénédictions pour nous.

 

A Rome, la Station est aujourd'hui dans la Basilique de Saint-Paul. L'Eglise s'empresse de conduire aux pieds du Docteur des Gentils sa blanche armée de néophytes. Compagnon des travaux de Pierre dans Rome et associé à son martyre, Paul n'est pas le fondement de l'Eglise ; mais il est le prédicateur de l'Evangile aux nations. Il a ressenti les douleurs et les joies de l'enfantement, et ses fils ont été innombrables. Au fond de sa tombe sacrée, ses os tressaillent d'allégresse à l'approche de ses nouveaux enfants, avides d'entendre sa parole dans les immortelles Epîtres où il parle encore, et où il parlera jusqu'à la fin des siècles.

 

A LA MESSE.

 

L'Introït, tiré du livre de l'Ecclésiastique, célèbre la divine sagesse de Paul, qui est comme une source toujours pure où les chrétiens vont s'abreuver, et dont l'eau salutaire leur donne la santé de l'âme, et les prépare pour l'immortalité.

 

INTROÏT.

 

Le Seigneur les a abreuvés de l’eau de la sagesse, alleluia ; elle se fortifiera en eux, et ne les abandonnera pas, alleluia ; elle les élèvera en gloire éternellement. Alleluia, alleluia.

Ps. Louez le Seigneur et invoquez son Nom ; publiez ses œuvres parmi les nations. Gloire au Père. Le Seigneur.

 

 

L'Eglise, dans la Collecte, glorifie Dieu qui daigne, chaque année, la rendre féconde et lui donner les joies maternelles au milieu des joies pascales ; elle implore ensuite pour ses nouveaux enfants la grâce de rester toujours conformes à leur maître ressuscité.

 

COLLECTE.

 

O Dieu, qui renouvelez sans cesse votre Eglise dans de nouveaux enfants ; faites, s'il vous plaît, que vos serviteurs expriment constamment dans leur vie le mystère de résurrection qu'ils ont reçu par la foi. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

EPÎTRE.

 

Lecture des Actes des Apôtres. Chap.  XIII.

 

En ces jours-là, Paul se levant fit  signe de  la main pour  réclamer le  silence. et dit : C'est à vous, mes Frères, fils de la race d'Abraham, et à ceux d'entre vous qui craignent Dieu, que cette parole de salut a  été envoyée. Car les habitants de Jérusalem et ses princes, méconnaissant Jésus, et n'entendant pas les paroles des Prophètes  qui se lisent chaque jour de Sabbat, les ont accomplies en le mettant en jugement : et quoiqu'ils ne trouvassent rien en lui qui fût digne de mort, ils demandèrent à Pilate de  le faire mourir. Et quand ils  eurent consommé tout ce qui avait été écrit  de lui, on  le descendit de la croix, et on le mit dans le tombeau. Mais Dieu l'a ressuscité d'entre les morts le troisième jour ; et il a été vu durant plusieurs jours par  ceux qui étaient venus avec lui de Galilée à Jérusalem, et  qui, jusqu'à ce jour, lui rendent  encore témoignage  devant le  peuple.  Nous donc aussi, nous vous annonçons que la promesse faite à nos pères, Dieu l'a accomplie pour nos enfants, en  ressuscitant Jésus-Christ  notre  Seigneur.

 

Ce discours que le grand Apôtre fit entendre à Antioche de Pisidie, dans la synagogue des Juifs, nous montre que le Docteur des Gentils suivait dans son enseignement la même méthode que le Prince des Apôtres. Le point capital de leur prédication était la  Résurrection de Jésus-Christ :

 

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vérité  fondamentale, fait suprême,  qui garantit toute la mission du Fils de Dieu sur la terre. Il ne suffit pas de croire en Jésus-Christ crucifié,  si l'on ne croit en Jésus-Christ ressuscité ; c'est dans ce dernier dogme qu'est contenue toute l'énergie du christianisme, de même que, sur ce fait, le plus incontestable de tous, repose la certitude tout entière de notre foi. Aussi nul événement accompli ici-bas n'est-il comparable à celui-ci sous le rapport de l'impression qu'il a produite.  Voyez le monde entier ébranlé en ces jours, la Pâque réunissant tant de millions d'hommes de toute race et sous  tous les climats. Voilà dix-huit siècles que Paul repose sur la Voie d'Ostie ; que de choses se sont effacées de la mémoire des hommes, et qui cependant ont fait grand bruit en leur temps, depuis que cette tombe reçut pour la première fois la dépouille de l'Apôtre. Le flot des persécutions submergea Rome chrétienne pendant plus de deux cents ans ; il devint même nécessaire, au nr siècle, de déplacer un moment ces ossements et de les enfouir aux Catacombes. Vint ensuite Constantin, qui éleva cette Basilique, et érigea cet arc triomphal près de l'autel sous lequel repose le corps de l'Apôtre. A partir de cette époque, que de changements, que de bouleversements,  que de dynasties, que de formes de gouvernement se sont succédé dans notre monde civilisé et au-delà ! Rien n'est demeuré immobile, si ce n'est l'Eglise éternelle. Chaque année, depuis au moins quinze cents ans,  elle est allée lire dans la Basilique de Saint-Paul, près de sa tombe, ce même discours dans lequel l'Apôtre annonce aux Juifs la Résurrection du Christ.  A  l'aspect de  cette durée, de cette immobilité jusque dans des détails si secondaires, disons, nous aussi : Le Christ est

 

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véritablement ressuscité ; il est le Fils de Dieu ; car nul homme n'a jamais empreint si profondément sa main dans les choses de ce monde visible. A elle seule la Pâque proclame ce qu'il est ; et quand nous reconnaissons ce frappant caractère de perpétuité jusque dans les moindres rites, nous sommes en droit d'affirmer que si notre divin ressuscité est sublime dans l'éclatant soleil de sa gloire, il se laisse reconnaître encore jusque dans les moindres rayons qu'il réfléchit sur la Liturgie.

 

GRADUEL.

 

C'est le jour que le Seigneur a fait; passons-le dans les transports de l'allégresse.

V/. Ainsi doivent chanter aujourd'hui ceux que le Seigneur a rachetés, qu'il a tires des mains de l'ennemi, et qu'il a rassemblés de toutes les contrées.

Alleluia, alleluia.

V/. Le Seigneur est ressuscité du tombeau : lui-même qui avait été attaché à la croix.

 

On chante ensuite la  Séquence  Victimœ paschali, ci-dessus, page 194.

 

EVANGILE.

 

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. XXIV.

 

En ce temps-là, Jésus parut au milieu de ses disciples, et leur dit : La paix soit avec vous : c'est moi, ne craignez point. Eux, pleins de trouble et de frayeur, croyaient voir  un esprit. Et il leur dit : Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi ces pensées s'élèvent-elles dans vos cœurs? Voyez mes mains et mes pieds; c'est moi-même : touchez et voyez ; un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai. Et ayant dit cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Mais comme ils ne croyaient point encore, dans l’étonnement de leur joie, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? et ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel. Et lorsqu'il eut mangé devant eux, il prit ce qui restait et le leur donna. Et il leur dit : C'est là ce que je vous avais dit, lorsque j'étais encore avec vous, qu'il fallait que tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, dans les Prophètes, dans les Psaumes, s'accomplit. Alors il leur ouvrit intelligence, afin qu'ils entendissent les Ecritures. Et il leur dit : Il est ainsi écrit, et ainsi fallait-il que le Christ souffrit, et qu il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour, et que l'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations.

 

Jésus se montre à ses disciples rassemblés, le soir même de sa résurrection; et il les aborde en

 

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leur souhaitant la paix. C'est le souhait qu'il nous adresse à nous-mêmes dans la Pâque. En ces jours il rétablit partout la paix : la paix de l'homme avec Dieu, la paix dans la conscience du pécheur réconcilié, la paix fraternelle des hommes entre eux par le pardon et l'oubli des injures. Recevons ce souhait de notre divin ressuscité, et gardons chèrement cette paix qu'il daigne nous apporter lui-même. Au moment de sa naissance en Bethléhem, les Anges annoncèrent cette paix aux hommes de bonne volonté ; aujourd'hui Jésus lui-même, ayant accompli son œuvre de pacification, vient en personne nous en apporter la conclusion. La Paix : c'est sa première parole à ces hommes qui nous représentaient tous. Acceptons avec amour cette heureuse parole, et montrons-nous désormais, en toutes choses, les enfants de la paix. L'attitude des Apôtres dans cette grande scène doit aussi exciter notre attention. Ils connaissent la résurrection de leur maître ; ils se sont empressés de la proclamer à l'arrivée des deux disciples d'Emmaüs ; que leur foi est faible cependant ! La présence soudaine de Jésus les trouble; s'il daigne leur donner ses membres à toucher, afin de les convaincre, cette expérience les émeut, les remplit de joie; mais il reste encore en eux je ne sais quel fond d'incrédulité. Il faut que le Sauveur pousse la bonté jusqu'à manger devant eux, afin de les convaincre tout à fait que c'est bien lui et non un fantôme. Cependant ces hommes, avant la visite de Jésus, croyaient déjà et confessaient sa résurrection ! Quelle leçon nous donne ce fait de notre Evangile! Il en est donc qui croient, mais d'une foi si faible que le moindre choc la ferait chanceler ; qui pensent avoir la foi, et qui l'ont à peine effleurée. Sans la foi cependant, sans une foi vive

 

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et énergique, que pouvons-nous faire, au milieu de cette  lutte que nous avons à soutenir constamment contre les démons, contre  le monde et contre nous-mêmes ? Pour lutter, la première condition est d'être sur un sol résistant ; l'athlète dont les pieds posent sur  le sable mouvant ne tardera pas d'être renversé.  Rien de  plus commun aujourd'hui que  cette foi vacillante,  qui croit jusqu'à ce qu'arrive l'épreuve de cette foi constamment minée en dessous par un naturalisme subtil, qu'il est  si difficile de  ne pas aspirer plus ou moins, dans l'atmosphère malheureuse qui nous entoure. Demandons avec instance la foi, une foi invincible, surnaturelle, qui devienne le grand ressort de notre vie tout entière, qui ne cède jamais, qui triomphe toujours au dedans de nous-mêmes comme à l'extérieur;  afin que nous puissions nous approprier en toute vérité cette forte parole de l'Apôtre saint  Jean : « La victoire qui met le monde tout entier sous  nos pieds, c'est notre foi. » (I JOHAN. V, 4.)

 

Dans l'Offertoire, l'Eglise, empruntant les paroles de David, nous montre les sources d'eau jaillissant de la terreaux accents de la voix tonnante du Seigneur. Cette voix majestueuse, c'est la prédication des Apôtres, et particulièrement celle du grand Paul ; ces fontaines sont celles du Baptême dans lesquelles nos néophytes ont été plongés, pour y être rendus participants de la vie éternelle.

 

OFFERTOIRE.

 

Le Seigneur a tonné du  ciel ; le Très-Haut a fait  retentir sa voix, et les sources d'eau ont jailli. Alleluia.

 

L'Eglise demande, dans la Secrète, que le Sacrifice qu'elle va offrir nous aide à nous acheminer vers cette gloire infinie dont le saint Baptême est la voie.

 

SECRETE.

 

Recevez, s'il vous plait, Seigneur, les prières des fidèles, avec ces hosties que nous vous offrons, afin que par ces devoirs de notre pieuse dévotion, nous obtenions d'arriver à la gloire céleste. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

Dans l'Antienne de la Communion, on entend saint Paul lui-même qui,s'adressant aux néophytes, leur indique quelle vie ils doivent mener désormais, pour être l'image fidèle de leur Sauveur ressuscité.

 

COMMUNION

 

Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu, alleluia : goûtez ce qui est en haut. Alleluia.

 

S'unissant aux vœux de l'Apôtre , la sainte Eglise implore, pour ses nouveaux enfants qui viennent de participer au Mystère pascal, la persévérance dans la vie nouvelle dont ce divin Sacrement est à la fois le principe et le moyen.

 

POSTCOMMUNION.

 

Faites, s'il vous plaît. Dieu tout-puissant, que la vertu du Mystère pascal auquel nous venons de participer, demeure constamment dans nos âmes. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

A VÊPRES.

 

L'Office des Vêpres est le même que celui du jour de Pâques, excepté l'Antienne de Magnificat et la Collecte, qui sont propres au Mardi.

 

ANTIENNE DE Magnificat.

 

Ant. Voyez mes mains et mes pieds ; c'est bien moi. Alleluia, alleluia.

 

La Collecte ci-dessus, à la Messe, p. 267.

 

Le troisième jour de la création vit les eaux qui couvraient la terre descendre, à la parole du Fils de Dieu, dans le bassin des mers, et la surface du globe se dessécher, et devenir habitable aux êtres qui bientôt allaient être appelés du néant. C'est aujourd'hui que notre demeure passagère commence à apparaître aux regards des Anges.  Un jour, ce  même  Fils de Dieu qui aujourd'hui la dégage des  eaux, daignera  venir l'habiter  lui-même dans une nature humaine ; offrons-la-lui comme son domaine, sur lequel toute puissance lui sera donnée comme au ciel. (MATTH. XXVIII.) Le Bréviaire Mozarabe nous  offre, dans cette belle prière , un heureux emploi des figures cachées sous la lettre du livre sacré.

 

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CAPITULA.

 

O Dieu tout-puissant, ô Père, qui avez daigné, le troisième jour, séparer de la masse des cœurs infidèles un peuple qui a soif de s'abreuver aux sources de la loi, comme la terre que vous séparâtes des eaux salées appelle l'irrigation ; séparez-nous de ceux qui n'ont pas la loi, et faites que, affranchis de tous les doutes, nous proclamions la résurrection de votre Fils. C'est le troisième jour depuis qu'il est ressuscité du tombeau ; qu'il daigne nous ressusciter nous-mêmes par l'infusion des trois vertus ; que la foi, l'espérance et la charité nous rendent forts et dignes d'être consolés par le don éternel de la résurrection.

 

Continuons de célébrer la Pâque, en empruntant les formules sacrées des antiques Liturgies. Le Missel de l'Eglise gothique d'Espagne nous fournit d'abord cette magnifique Préface, où le mystère de la Résurrection est célébré avec une éloquence et un enthousiasme inspirés de ce que les Pères ont dit de plus beau sur la Pâque.

 

ILLATIO.

 

Il est digne et juste que nous vous rendions grâces à jamais, Seigneur Jésus-Christ, qui régnez dans une même divinité avec le Père et le Saint-Esprit, de ce que vous nous avez créés avec un pouvoir si admirable, et rachetés avec une si grande miséricorde. Ni le labeur ne vous a fatigue, créateur : ni la souffrance ne vous a anéanti, rédempteur. Votre puissance sans bornes nous a donné l'être: votre ineffable bonté nous a octroyé la rédemption. Tout vous est possible ; car. à part votre humanité, tout est en vous consubstantiel au Père et au Saint-Esprit. Tout ce qu'il vous convient de vouloir, vous le pouvez ; dans votre toute-puissance, vous faites ce qu'il vous plait ; dans votre justice, vous jugez avec une souveraine équité ; dans votre clémence, vous nous rendez parfaits pour nous couronner.

D'un seul signe de votre redoutable majesté, vous pouviez briser notre ennemi : vous avez préfère l'abattre par votre propre humiliation. Ainsi vous nous avez fait voir que la tyrannie des princes de l'air, qui sont nos ennemis, n'a rien d'irrésistible en présence de votre majesté, lorsque vous n'avez eu besoin que de nos faibles membres pour réduire à néant tout l'orgueil de votre ennemi. Ce superbe adversaire a senti en gémissant toute la profondeur de sa chute, quand il a vu que c'était par l'humilité même qu'il était écrasé. La Sagesse divine a voulu vaincre de cette manière la ruse de l'ancien serpent : ne voulant pas user de violence contre lui, mais plutôt le renverser légalement. Il se vantait de posséder avec justice l'homme transgresseur de la loi divine, parce qu'il l'avait rendu captif, pour prix de sa docilité ; mais il lui a fallu se reconnaître dépossédé par une sentence juste, le jour où il a osé faire périr celui duquel il n'avait rien à réclamer. C'est avec raison qu'il a été privé du pécheur dont il s'était rendu le maître, lorsqu'il n'a pas craint de mettre à mort, par le supplice de la croix, l'Agneau divin qui ôte les péchés du monde. La croix a brisé les chaînes de l'enfer ; elle a renversé les droits de Satan. Désormais ceux qui croient au Christ émigrent vers le ciel avec le Christ ; et ceux-là demeurent en proie aux tourments de l'enfer auxquels il a plu de se laisser dévorer par le diable.

Il est revenu vainqueur et vivant du sein des morts, après trois jours de sépulture, celui qui fut crucifié pour nous, afin de ressusciter. Il est environné de l'innombrable et joyeuse troupe des captifs qu'il délivre, celui qui, au jour de sa Passion, avait été privé de la compagnie de ses disciples. Au moment de sa résurrection il remue la terre jusque dans ses fondements, celui qui  ébranla jusqu'aux enfers, lorsqu'il y descendit. La cohorte des  soldats de la terre s'enfuit épouvantée à l'arrivée terrible du Roi céleste ; et celui que naguère elle avait insulté comme un ignoble prisonnier, maintenant vaincue, elle  confesse en lui le juge formidable et le vrai  Dieu. Les corps des saints se  lèvent  vivants de leurs tombeaux ;  leur dépouille, un moment confiée a  la terre, ressuscite  glorieuse avec le Christ qui n'a pas laissé l'âme dans les enfers. Les Anges font le service auprès de leur créateur : le grand jour se lève avec splendeur sur le monde.

En ce jour inspirateur de la résurrection, ils tressaillent d'allégresse, ceux que la Passion avait accablés d'une si subite blessure. La Mère reconnaît les membres qui sont sortis de son sein ; Marie-Madeleine apprend, par la remontrance de  l'Ange, à ne plus chercher parmi les morts celui qui est vivant. Pierre court avec Jean au sépulcre ; il y reconnaît dans les linceuls les traces  récentes de son Maître ressuscité. Le larron qui confessa le Christ est mis d'avance en possession du Paradis. Ce qui, depuis tant de siècles, avait  été prophétisé  du  Fils  de l'homme est accompli: qu'il serait livré pour  nous aux mains des pécheurs ; qu'il serait crucifié et mis à mort ; qu'il pénétrerait les enfers comme un vengeur terrible; qu'il renverserait les superbes et exalterait les humbles dans sa miséricorde ; qu'il ressusciterait d'entre les morts par un triomphe inénarrable; qu'il régnerait enfin avec le Père et le Saint-Esprit, étendant sur tous les être s sa domination toute-puissante.

Saisis d'admiration à la vue de tant de grandeurs, les sept escadrons du royaume des cieux envoient sur la terre leurs innombrables et lumineux soldats pour lui rendre hommage; à l'envi l'un de l'autre, chacun de ces bienheureux Esprits lui rend humblement ses hommages, adorant avec soumission la chair de ce Roi à jamais triomphant, et abaissant devant l'Agneau son visage resplendissant et sa couronne étincelante de mille diamants. Les Séraphins eux-mêmes, qui sont le trône terrible de la divine majesté, se voilent de leurs six ailes; ils vous confessent, ô Christ, dans la triple acclamation, comme étant Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, comme vivant et régnant sur le trône du ciel dans les siècles des siècles, et crient éternellement sans jamais cesser : Saint, Saint, Saint.

 

Nous ajoutons à la Préface mozarabe une Séquence  fameuse dans nos Missels romains-français du moyen âge. C'était le chant solennel de la Pâque, tant aimé de nos aïeux, d'un lyrisme un peu sauvage, mais plein de verve. Le chant qui l'accompagnait serait une épreuve pour les poitrines d'aujourd'hui ; mais on ne peut disconvenir qu'à travers ses mouvements un peu désordonnés, il offre les plus grands effets de mélodie et de sentiment.

 

SÉQUENCE.

 

Aujourd'hui, dans le monde, resplendit le jour où l'on raconte d'une voix triomphante le glorieux combat du Christ;

 

Quand il vainquit l'ennemi superbe, renversant, par sa vaillante prouesse, ses noirs bataillons.

 

Triste fut la faute d'Eve, qui nous priva tous de la vie ;

 

Joyeuse la naissance du fils de Marie, qui aujourd'hui nous convie au festin commun.

 

Bénie soit Marie, la grande reine !

 

Elle a enfanté le roi qui enlève les dépouilles de l'enfer,

 

Qui règne avec gloire dans les cieux.

 

O roi éternel, , daignez agréer les chants que nos voix exécutent avec accord à votre honneur.

 

Vous êtes assis à la droite du Père.

 

Partout vainqueur, ayant surmonté la mort, vous possédez les joies célestes.

 

O immense, ô sublime clémence du Christ ! ô bonté si belle, si douce, si auguste !

 

Louange à vous, honneur, puissance, à vous qui avez daigné soulever le poids de notre antique fardeau.

 

Rachetée par les roses du sang de l'Agneau plein de douceur, l'Eglise aujourd'hui montre avec éclat sa couronne de fleurs.

 

Celui qui, par son pouvoir vainqueur, a pu laver nos crimes, nous a octroyé les dons les plus éclatants.

 

Eperdu à la vue de telles merveilles, saisi d'admiration, je me sens indigne de raconter les mystères qui se pressent en ce jour.

 

Fils de David, rejeton de la tribu de Juda, Lion puissant, vous vous êtes levé

avec gloire.

 

La terre vous vit sous les traits d'un Agneau.

 

Dans le principe, c'est par vous que ce monde fut crée.

 

Vous êtes remonté au royaume céleste.

 

C'est là que vous rendez aux justes leur récompense, durant les siècles un bonheur sans fin.

 

Dis maintenant, impie Satan, à quoi t'a mené ta perfidie?

 

La victoire du Christ t'enchaîne pour jamais dans les lieux embrases.

 

Peuples, nations, admirez: qui jamais entendit de telles merveilles?

 

Que la mort triomphât ainsi de la mort ; que des coupables fussent l'objet d'une telle faveur ?

 

Juif incrédule, pourquoi rester sous ta honte?

 

Regarde les chrétiens, écoute quels chants joyeux et magnifiques ils adressent au Rédempteur.

 

O  Christ,  roi  de bonté, qui nous remettez nos crimes, brisez les liens qui pourraient nous retenir encore.

 

Faites ressusciter avec vous la foule de vos élus; enlevez-les jusqu'à cette gloire, jusqu'à cette félicité. vous devez reconnaître dignement leurs mérites. Amen.

 

 

 

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