LUNDI DE PAQUES

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LE LUNDI DE PAQUES.

 

 

Hœc dies quam fecit Dominus : exsultemus et laetemur in ea.

 

 

C'est le jour que  le Seigneur a fait : passons-le dans les transports de l'allégresse.

 

 

 

Le mystère de la glorieuse Pâque est si vaste et si profond, que nous n'aurons pas trop des sept jours de cette semaine pour le méditer et l'approfondir. Dans la journée d'hier, nous n'avons fait autre chose que contempler notre Rédempteur sortant du tombeau , et se manifestant aux siens jusqu'à six fois, dans sa bonté et dans sa puissance. Nous continuerons à lui rendre les hommages d'adoration, de reconnaissance et d'amour auxquels il a droit pour ce triomphe qui est le nôtre en môme temps que le sien ; mais il nous faut aussi pénétrer respectueusement l'ensemble merveilleux de doctrine et de faits dont la Résurrection de notre divin libérateur est le centre glorieux, afin que la lumière céleste nous illumine de plus en plus, et que notre joie croisse toujours.

Qu'est-ce donc d'abord que le mystère de la Pâque ? La Bible nous répond que la Pâque est l'immolation de l'Agneau. Pour comprendre la Pâque, il faut avoir compris le mystère de l'Agneau. Dès les premiers siècles du christianisme, sur les mosaïques et sur les peintures murales des Basiliques, on représentait l'agneau comme le symbole qui réunissait l'idée du sacrifice du Christ

 

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et celle de sa victoire. Par sa pose pleine de douceur, l'Agneau exprimait le dévouement qui l'a porté à donner son sang pour l'homme; mais il était peint debout sur une colline verdoyante, et les quatre fleuves du paradis sortaient à son commandement de dessous ses pieds, figurant les quatre Evangiles qui ont porté sa gloire aux quatre points du monde. Plus tard, on le peignit armé d'une croix de laquelle pendait une banderole triomphale . c'est la forme symbolique sous laquelle nous le révérons dans nos temps.

Depuis le péché, l'homme ne pouvait plus se passer de l'Agneau ; sans l'Agneau, il se voyait déshérité pour jamais du ciel, et en butte éternellement au divin courroux. Aux premiers jours du monde, le juste  Abel sollicitait la clémence du Créateur irrité, en immolant sur un autel de gazon le plus bel agneau de son troupeau, jusqu'à ce que, agneau lui-même, il tombât sous les coups d'un fratricide, devenant ainsi le type vivant de notre Agneau, que ses frères aussi ont mis à mort. Dans la suite, Abraham, sur la montagne, consomma le sacrifice commencé par son héroïque obéissance, en immolant le Bélier dont la tête était entourée d'épines, et dont le sang arrosa l'autel dressé pour Isaac. Plus tard, Dieu parla à Moïse ; il lui révéla la Pâque ; et cette Pâque consistait d'abord dans un agneau immolé et dans le festin de la chair de cet agneau. La saints Eglise nous a donné à lire, ces derniers jours, dans le livre de l'Exode,  le commandement du Seigneur à ce sujet. L'agneau pascal devait  être sans aucune tache ; on devait répandre son sang et se nourrir de sa chair : telle est la première Pâque. Elle est pleine de figures, mais vide de réalités : cependant elle dut suffire au peuple de Dieu durant quinze siècles ; mais le Juif

 

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spirituel savait y reconnaître les traits mystérieux d'un autre Agneau.

A l'époque des grands Prophètes, Isaïe implora, dans ses vers inspirés, l'accomplissement de la promesse divine faite au commencement du monde. Nous avons répété ses sublimes élans, nous nous sommes unis à ses vœux, lorsque la sainte Eglise, au temps de l'Avent, nous mettait sous les yeux les magnifiques oracles de cet envoyé de Dieu. Avec quelle ardeur nous disions avec lui: « Envoyez-nous, Seigneur, l'Agneau qui doit dominer sur la terre ! » Ce Messie tant attendu, c'était donc l'Agneau ; quelle Pâque, disions-nous, que celle où un tel Agneau sera immolé ! quel festin que celui où il sera servi aux convives !

Lorsque la plénitude des temps fut arrivée, et que Dieu eut envoyé son Fils sur la terre, ce Verbe incarné qui ne s'était pas encore manifesté aux hommes, marchait au bord du Jourdain, lorsque tout à coup Jean-Baptiste le montra à ses disciples, en leur disant : « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde. » Le saint Précurseur, à ce moment, annonçait la Pâque ; car il avertissait les hommes qu'enfin la terre possédait l'Agneau véritable, l'Agneau de Dieu, attendu depuis quatre mille ans. Il était venu, cet Agneau plus pur que celui qui fut choisi de la main d'Abel, plus mystérieux que celui qu'Abraham trouva sur la montagne, plus exempt de taches que celui qu'offrirent en Egypte les Israélites. C'est véritablement l'Agneau imploré avec tant d'instance par Isaïe, un Agneau envoyé par Dieu lui-même, en un mot, l'Agneau de Dieu. Encore un peu de temps, et il sera immolé. Il y a trois jours, nous avons assisté à son sacrifice ; nous avons vu sa patience, sa douceur sous le couteau qui l'égorgeait,  et nous

 

 

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avons été arrosés de son sang divin qui a lavé tous nos péchés.

L'effusion de ce sang rédempteur était nécessaire à notre Pâque; il fallait que nous en fussions marqués, pour échapper au glaive de l'Ange ; en même temps, ce sang nous communiquait la pureté de celui qui nous le donnait si libéralement. Nos néophytes sortaient de la fontaine dans laquelle il a mêlé sa vertu, plus blancs que la neige ; les pécheurs même qui avaient eu le malheur de perdre la grâce qu'ils puisèrent autrefois dans le bain sacré, ont retrouvé, par l'inépuisable énergie du sang divin, leur intégrité première. Toute l'assemblée des fidèles a revêtu la robe nuptiale ; et cette robe est d'un éclat éblouissant ; car c'est « dans le sang même de l'Agneau qu'elle a été blanchie. » (Apoc. VII, 14.)

Or c'est pour un festin que cette robe a été préparée, et à ce festin nous retrouvons encore notre Agneau. C'est lui qui se donne en nourriture à ses heureux conviés ; et le festin, c'est la Pâque. Le grand Apôtre André l'exprima d'une manière sublime devant le gouverneur Egée, quand il confessa Jésus-Christ en présence de ce païen : « La chair de l'Agneau sans tache, lui dit-il, sert de nourriture, son sang sert de breuvage au peuple qui a foi dans le Christ ; et bien qu'immolé, cet Agneau est toujours entier et vivant. » Hier, par toute la terre, ce festin a eu lieu ; il se continue encore en ces jours, et nous y contractons une étroite union avec l'Agneau qui s'incorpore à nous par ce divin mets.

Mais ce n'est pas tout sur l'Agneau. Isaïe demandait à Dieu de nous envoyer l'Agneau qui doit dominer sur la terre ; il ne vient donc pas  seulement pour  être  immolé, pour nous

 

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nourrir de sa  chair sacrée, cet Agneau ; il vient donc pour commander,  pour être Roi ? Oui, il en est ainsi ; et c'est là encore notre Pâque. Pâques est la proclamation du règne de l'Agneau. C'est le cri des élus dans le ciel : « lia vaincu, le Lion de la ..tribu de Juda,  le rejeton de David ! » (Apoc. V, 5.) Mais s'il est Lion, comment est-il Agneau ? Entendons le mystère. Dans son amour pour l'homme qui avait besoin d'être racheté, d'être fortifié  par une nourriture céleste, il a  daigné se montrer Agneau ;  mais il fallait aussi qu'il triomphât de ses ennemis et des nôtres ; il fallait qu'il régnât ; car « toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre. » (MATTH. XXVIII, 18.)  Dans son  triomphe, dans sa force invincible, c'est un  Lion auquel rien ne résiste, et dont les  rugissements  de  victoire  ébranlent aujourd'hui l'univers.  Ecoutez  le  grand diacre d'Edesse, saint Ephrem : « A la douzième heure, on  le détacha  de la croix comme  un lion  endormi (1).  » Il dormait, notre Lion ; « son repos, en effet, a été si court, dit saint Léon, qu'on dirait un sommeil plutôt qu'une mort (2). »  Qu'était-ce donc alors,  sinon l'accomplissement de l'oracle du vieux Jacob sur son  lit de mort,  lorsque, annonçant deux mille  ans  à  l'avance  les grandeurs de son  noble et  divin rejeton,  il disait dans un saint enthousiasme : « Juda, c'est le jeune Lion ; tu t'es couché, mon fils, comme le lion ; tu t'es étendu comme la lionne : qui le réveillera ? » (Genes, XLIX, 9.) De lui-même il s'est réveillé aujourd'hui ; il s'est dressé sur ses pieds; pour nous  Agneau,  Lion pour ses  ennemis ;

 

1.  In Sanctam Parasceven, et in Crucem et latronem.

2.  Sermo I. de Resurrectione.

 

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unissant désormais la force à la douceur. C'est Le mystère complet de la Pâque : un Agneau triomphant, obéi, adoré. Rendons-lui nos hommages : ei en atténuant que nous unissions nos vois dans le de la celles des millions d'Anges et des vingt-quatre vieillards, répétons avec eux dès aujourd'hui sur la terre : « Il est digne, l'Agneau qui a été immolé, de recevoir la puissance et la divinité, et la sagesse et la force, et l'honneur et la gloire, et la bénédiction. » (Apoc. V, 12.)

L'ancienne Eglise chômait tous les jours de cette semaine comme une seule fête ; et les travaux serviles demeuraient interrompus durant tout son cours. L'édit de Théodose, en 389, qui suspendait l'action des tribunaux durant le même intervalle, venait en aide à cette prescription liturgique que nous trouvons attestée dans les Sermons de saint Augustin (1) et dans les Homélies de saint Jean Chrysostome. Ce dernier, parlant aux néophytes, s'exprimait ainsi: « Durant ces sept jours, vous jouissez de l'enseignement de la divine doctrine, l'assemblée des fidèles se réunit à cause de vous, nous vous admettons à la table spirituelle ; ainsi nous vous armons et nous vous exerçons aux combats contre le démon. Car c'est maintenant qu'il se prépare à vous attaquer avec plus de fureur; plus grande est votre dignité, plus vive sera son attaque. Mettez donc à profit nos enseignements durant cet intervalle, et sachez y apprendre à lutter vaillamment. Reconnaissez aussi dans ces sept jours le cérémonial des noces spirituelles que vous avez eu la gloire de contracter. La solennité des noces dure sept jours ; nous

 

1. De Sermone Domini in Monte.

 

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avons voulu, durant le même temps, vous retenir dans la chambre nuptiale (1). »

Tels étaient alors le zèle des fidèles, leur goût pour les saintes pompes de la Liturgie, l'intérêt qu'ils portaient aux nouvelles recrues qui réjouissaient l'Eglise en ces jours,qu'ils se prêtaient avec empressement à toutes les assiduités qui étaient exigées d'eux durant cette semaine. La joie de la Résurrection remplissait tous les cœurs et occupait tous les instants. Les conciles publièrent des canons qui érigeaient en loi cette pieuse coutume. Celui de Mâcon, en 585, formulait ainsi son décret : « Nous devons tous célébrer et fêter avec zèle notre Pâque, dans laquelle le souverain Prêtre et Pontife a été immolé pour nos péchés,et l'honorer par notre exactitude à garder les prescriptions qu'elle impose. Nul ne se permettra donc aucune œuvre servile durant ces six jours (qui suivaient le Dimanche) ; mais tous se réuniront pour chanter les hymnes de la Pâque, assistant avec assiduité aux sacrifices quotidiens, et se rassemblant pour louer notre créateur et régénérateur, le soir, le matin et à midi (2). » » Les conciles de Mayence (81 3) et de Meaux (845) établissent les mêmes prescriptions. Nous les retrouvons en Espagne, au VII° siècle, dans les édits des rois Recesvinthe et Wamba. L'Eglise grecque les renouvela dans son concile in Trullo ; Charlemagne, Louis le Pieux, Charles le Chauve, les sanctionnèrent dans leurs capitulaires ; les canonistes des XI° et XII° siècles, Burkard, saint Yves de Chartres, Gratien, nous les montrent en usage de leur temps ; enfin Grégoire IX essayait encore de leur

 

1. Homil. V. de Resurrectione.

2. Canon II. LABBE, t. V.

 

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donner force de loi dans une de ses Décrétales, au XIII° siècle. Mais déjà, en beaucoup de lieux, cette observance avait faibli. Le concile tenu à Constance, en 1094, réduisait la solennité de la Pâque au lundi et au mardi qui suivent le grand Dimanche. Les liturgistes Jean Beleth, pour le XII° siècle, et Durand, pour le XIII°, atestent que, de leur temps, cette réduction était déjà en usage chez les Français. Elle ne tarda pas à s'étendre dans tout l'Occident, et forma le droit commun pour la célébration de la Pâque, jusqu'à ce que. le relâchement croissant toujours, on ait obtenu successivement du Siège Apostolique la dispense de l'obligation de férier le Mardi, et même le Lundi, en France, après le Concordat de 1801.

Pour avoir l'intelligence de la Liturgie des jours qui vont se succéder jusqu'au dimanche in Albis, il est donc nécessaire de se souvenir constamment de nos néophytes toujours présents avec leurs robes blanches à la Messe et aux offices divins. Les allusions à leur récente régénération sont continuelles, et se montrent sans cesse dans les chants et dans les lectures que la sainte Église emploie durant tout le cours de cette solennelle Octave.

A Rome, la Station d'aujourd'hui est dans la Basilique de Saint-Pierre. Initiés samedi dernier aux divins mystères dans la Basilique du Sauveur, au Latran, les néophytes hier célébrèrent la résurrection du Fils dans le splendide sanctuaire de la Mère; il est juste qu'en ce troisième jour ils viennent rendre leurs hommages à Pierre, sur lequel repose l'édifice entier de la sainte Eglise. Jésus Sauveur, Marie, Mère de Dieu et des hommes, Pierre, chef visible du corps mystique du Christ : ce sont  là les trois manifestations

 

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divines par lesquelles nous sommes entrés et nous sommes maintenus dans l'Eglise chrétienne.

 

A LA MESSE.

 

L'Introït, tiré de l'Exode, s'adresse aux nouveau-nés de l'Eglise. Il leur rappelle le lait et le miel mystérieux qui leur furent donnes dans la nuit sacrée du Samedi, après qu'ils eurent participé au divin banquet. Ils sont le véritable Israël, introduit dans la véritable Terre promise. Qu'ils louent donc le Seigneur, qui les a choisis du sein de la gentilité pour faire d'eux son peuple de prédilection.

 

INTROÏT.

 

Le Seigneur vous a introduits dans une terre où coulent le lait et le miel, alleluia; que la loi du Seigneur soit toujours dans votre bouche. Allelluia , alleluia.

Ps. Louez le Seigneur, et invoquez son Nom; publiez ses œuvres parmi les nations. Gloire au Père. Le Seigneur.

 

A la vue du Christ, son Epoux, délivré des liens de la mort, la sainte Eglise demande à Dieu que nous, les membres de ce divin Chef, nous arrivions à l'heureux affranchissement dont Jésus nous offre le modèle. Trop longtemps asservis par le péché, nous devons comprendre maintenant le prix de cette liberté des enfants de Dieu qui nous a été rendue par la Pâque.

 

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COLLECTE.

 

 

O Dieu qui, dans la solennité pascale, avez donne au monde le remède dont il avait besoin, daignez répandre le don céleste sur votre peuple; afin qu'il mérite d'arriver à la liberté parfaite, et qu'il s'avance toujours plus vers la vie éternelle. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

ÉPÎTRE.

 

Lecture des Actes des Apôtres. Chap. X.

 

En ces jours-là, Pierre s'étant levé au milieu de l'assemblée, parla ainsi : Mes Frères, vous savez ce qui est arrivé dans toute la Judée, en commençant par la Galilée, après le baptême que Jean prêchait ; comment Jésus de Nazareth a reçu de Dieu l'onction du Saint-Esprit et de la puissance; comment il a passé en taisant le bien, et guérissant tous ceux qui étaient opprimes par le diable, parce que Dieu était avec lui. Et nous sommes les témoins de toutes les choses qu'il a opérées dans la Judée et à Jérusalem. C'est lui que l'on a t'ait mourir, en l'attachant à la croix, mais Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et il a voulu qu'il se montrât, non à tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis d'avance; a nous qui avons mangé et bu avec lui, depuis qu'il est ressuscité d'entre les morts. Et il nous a commandé de prêcher et de rendre témoignage au peuple, que c'est lui qui a été établi de Dieu pour être le juge des vivants et des morts. C'est à lui que tous les Prophètes rendent ce témoignage : Que quiconque croira en lui, recevra par son Nom la rémission de ses péchés.

 

 

Saint Pierre adressa ce discours au centurion Corneille, et aux parents et amis de ce gentil, qui les avait rassemblés au tour de lui pour recevoir l'Apôtre que Dieu lui envoyait. 11 s'agissait de disposer tout cet auditoire à recevoir le Baptême et à devenir les prémices de la gentilité ; car jusque-là l'Evangile n'avait été annoncé qu'aux.luifs. Remarquons que c'est saint Pierre, et non un autre Apôtre, qui nous ouvre aujourd'hui, à nous gentils, les portes de l'Eglise que le Fils de Dieu a établie sur lui comme sur le roc inébranlable. Voilà pourquoi ce passage du livre des Actes des Apôtres se lit aujourd'hui, dans la Basilique de Saint-Pierre, près de sa glorieuse Confession, et en présence des néophytes qui sont autant de conquêtes de la foi sur les derniers sectateurs de l'idolâtrie païenne Observons ensuite la méthode qu'emploie l'Apôtre pour inculquer à Corneille et aux autres gentils la vérité du christianisme. Il commence par leur parler de Jésus-Christ ; il rappelle les prodiges qui ont accompagné sa mission ; puis ayant raconté sa mort ignominieuse sur la croix, il montre le fait de la Résurrection de l'Homme-Dieu comme la plus haute garantie de la vérité de son divin caractère. Vient ensuite la mission des Apôtres qu'il faut accepter, ainsi que leur témoignage si solennel et si désintéressé, puisqu'il ne leur a valu que des persécutions. Celui-là donc qui confesse le Fils de Dieu revêtu de la chair, passant en ce monde en faisant le bien, opérant toutes sortes de prodiges, mourant sur la croix, ressuscité du tombeau, et confiant aux hommes qu'il a choisis la mission de continuer sur la terre le ministère qu'il y a commencé; celui qui confesse toute cette doctrine est prêt à recevoir, dans le saint Baptême, la rémission de ses péchés; tel fut l'heureux sort de Corneille et de ses compagnons ; tel a été celui de nos néophytes.

 

On chante ensuite le Graduel, qui présente l'expression ordinaire de la joie pascale ; le Verset seulement est différent de celui d'hier, et variera chaque jour, jusqu'à Vendredi. Le Verset de l'Alleluia nous retrace l'Ange descendu du ciel pour ouvrir le sépulcre vide, et manifester la sortie victorieuse et spontanée du Rédempteur.

 

GRADUEL.

 

C'est le jour que le Seigneur a fait : passons-le dans les transports de L'allégresse.

 

V/. Que maintenant Israël chante que le Seigneur est bon, que sa miséricorde est à jamais.

Alleluia, alleluia.

V/. L'Ange du Seigneur descendit du ciel; il renversa la pierre et s'assit dessus.

 

La Séquence Victimœ paschali, page 194.

 

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ÉVANGILE.

 

La suite du saint Evangile selon  saint  Luc. Chap. XXIV.

 

En ce temps-là, le jour même où Jésus était ressuscité, deux de ses disciples s'en allaient à un village nommé Emmaüs, qui était à soixante stades de Jérusalem, et ils parlaient ensemble de tout ce qui s'était passé. Et il arriva que pendant qu'ils s'entretenaient et conféraient ensemble, Jésus lui-même les joignit, et se mit à marcher avec eux ; mais leurs yeux étaient comme retenus, en sorte qu'ils ne le reconnurent pas. Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous ainsi tout tristes en marchant? Et l'un d'eux nommé Cléophas lui répondit : Etes-vous seul si étranger dans Jérusalem que vous ne sachiez pas ce qui s'y est passé ces jours-ci ? Quoi donc? leur dit-il. Et ils répondirent: Au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple : et comment les princes des prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort, et l'ont crucifié. Cependant nous espérions qu il était celui qui doit racheter Israël; et après tout cela. voici déjà le troisième jour que ces choses se sont passées.  Il  est vrai que quelques femmes qui étaient avec nous nous ont effrayés; car étant allées avant le jour au sépulcre, et n'ayant point trouvé son  corps, elles sont revenues dire qu'elles  ont vu des Anges qui leur ont dit qu'il est vivant. Et quelques-uns des nôtres sont ailes au sépulcre, et ont  trouvé toutes choses comme l'avaient dit les femmes ; mais lui, ils ne l'ont point trouvé.  Et Jésus leur dit : O insensés et cœurs tardifs à croire tout ce  que les Prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrit toutes  ces choses, et qu'il entrât ainsi dans sa gloire ? Et commençant par  Moïse et tous les Prophètes, i! leur interprétait ce qui  avait été dit de lui dans toutes les  Ecritures. Et lorsqu'ils furent proche  du village où ils allaient, il fit semblant d'aller plus loin. Mais ils le pressèrent, et lui dirent : Demeurez avec nous, car il se fait tard, et le jour est sur son déclin. Et il entra avec eux. Et étant avec eux à table, il prit le pain  et le bénit;  et l'avant rompu, il leur en présenta. Et leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent ; mais il disparut tout à coup à leurs  veux. Et ils se disaient l'un à l'autre : Notre cœur  n'était-il pas tout bridant au-dedans de nous, lorsqu'il nous parlait dans le chemin, et qu'il nous ouvrait les Ecritures? et se levant à l'heure même ils retournèrent à Jérusalem, et ils trouvèrent réunis les onze et ceux qui étaient avec eux disant : Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon. Et eux racontèrent ce qui leur était arrive en chemin, et comment ils l'avaient reconnu au moment où il avait rompu le pain.

 

Contemplons ces trois pèlerins qui conversent sur la route d'Emmaüs, et joignons-les par le cœur et par la pensée. Deux d'entre eux sont des hommes fragiles comme nous, qui tremblent devant la tribulation, que la croix a déconcertés, à qui il faut de la gloire et des prospérités, pour qu'ils puissent continuer à croire, « O insensés et cœurs tardifs, » leur dit le troisième voyageur ; « vous ne saviez donc pas qu'il fallait que le Christ souffrît, et qu'il n'entrât dans sa gloire que par cette voie ? » Jusqu'ici, nous avons trop ressemblé à ces deux hommes ; le Juif s'est montré en nous plus que le chrétien ; et c'est pour cela que l'amour des choses terrestres qui nous entraînait nous a rendus insensibles à l'attrait céleste, et par là même exposés au péché. Nous ne pouvons plus désormais penser ainsi. Les splendeurs de la Résurrection de notre Maître nous montrent assez vivement quel est le but de la tribulation, lorsque Dieu nous l'envoie. Quelles que soient nos épreuves, il n'y

 

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a pas d'apparence que nous soyons cloués à un gibet, ni crucifiés entre deux scélérats. Le Fils de Dieu a éprouvé ce sort ; et voyez aujourd'hui si les supplices du Vendredi ont arrêté l'essor qu'il devait prendre le Dimanche vers sa royauté immortelle. Sa gloire n'est-elle pas d'autant plus éclatante que son humiliation avait été plus profonde ?

Ne tremblons donc plus tant à la vue du sacrifice ; pensons à la félicité éternelle qui le paiera. Jésus, que les deux disciples ne reconnaissaient pas, n'a eu qu'à leur faire entendre sa voix, qu'à déduire devant eux les plans de la sagesse et de la bonté divines, et le jour se faisait à mesure dans leurs esprits. Que dis-je ? leur cœur s'échauffait et brûlait dans leur poitrine, en l'entendant discourir à propos de la croix qui conduit à la gloire ; et si déjà ils ne l'avaient pas découvert, c'est qu'il retenait leurs yeux, afin qu'ils ne le reconnussent pas. De même en sera-t-il pour nous, si nous laissons, comme eux, parler Jésus. Nous comprendrons alors que « le disciple n'est pas au-dessus du maître » (MATTH. X, 24) ; et en voyant l'éclat immortel dont ce Maître resplendit aujourd'hui , nous nous sentirons inclinés à dire aussi à notre tour : « Non, les souffrances de ce monde passager n'ont rien de comparable avec la gloire qui doit plus tard se manifester en nous.  » (Rom. VIII,  18.)

En ces jours où les efforts du chrétien pour sa régénération sont payés par l'honneur de s'asseoir, avec la robe nuptiale, à la table du festin du Christ, nous ne manquerons pas de remarquer que ce fut au moment de la fraction du pain que les yeux des deux disciples s'ouvrirent, et qu'ils reconnurent leur maître. La nourriture céleste, dont toute la

 

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vertu procède de la parole du Christ, donne la lumière aux âmes ; et elles voient alors ce qu'elles ne voyaient pas avant de s'en être nourries. Il en sera ainsi de nous, par l'effet merveilleux du divin sacrement de la Pâque ; mais considérons ce que nous dit à ce sujet le pieux auteur de l’Imitation : « Ceux-là connaissent véritablement le Seigneur au moment de la fraction du pain, dont le cœur était ardent lorsque Jésus cheminait avec eux sur la route. » (Lib. IV, C. XIV.) Livrons-nous donc à notre divin ressuscité ; désormais nous sommes à lui plus que jamais, non plus seulement en vertu de sa mort pour nous, mais à cause de sa résurrection, qui est aussi pour nous. Devenons semblables aux disciples d'Emmaüs, fidèles comme eux, joyeux comme eux, empressés, à leur exemple, de montrer dans nos œuvres cette nouveauté de vie que nous recommande l'Apôtre, et qui seule convient à ceux que le Christ a aimés jusqu'à ne vouloir ressusciter qu'avec eux.

La sainte Eglise a placé en ce jour ce passage de l'Evangile préférablement à tout autre, à raison de la Station qui se tient dans la Basilique de Saint-Pierre. Saint Luc y raconte, en effet, que les deux disciples trouvèrent les Apôtres déjà instruits de la résurrection de leur Maître ; « car, disaient-ils, il a apparu à Simon. » Nous avons parle hier de cette faveur faite au prince des Apôtres, et que l'Eglise romaine proclame avec tant de raison aujourd'hui.

L'Offertoire est formé d'un passage du saint Evangile relatif aux circonstances de la Résurrection du Christ.

 

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OFFERTOIRE.

 

L'Ange du Seigneur descendit du ciel, et il dit aux femmes : Celui que vous cherchez est ressuscité, comme il l'avait dit. Alleluia.

 

Dans la Secrète, l'Eglise demande en faveur de ses enfants que la nourriture pascale soit pour eux un aliment d'immortalité, qui unisse les membres à leur divin Chef, non seulement pour le temps, mais jusque dans la vie éternelle.

 

SECRETE.

 

Recevez, s'il vous plaît, Seigneur, les prières de votre peuple, avec ces hosties que nous vous offrons; afin que notre oblation, étant consacrée par le mystère de la Pâque, nous serve par votre action divine comme un remède qui nous dispose à l'éternité. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

Pendant la Communion, l'Eglise rappelle aux fidèles le souvenir de Pierre, qui fut favorisé de la visite du Sauveur ressuscité. La foi de la Résurrection est la foi de Pierre, et la foi de Pierre est le fondement de l'Eglise et le lien de l'unité catholique.

 

COMMUNION.

 

Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Pierre. Alleluia.

 

Dans la Postcommunion, l'Eglise continue à demander pour tous ses enfants, convives du même festin de l'Agneau, l'esprit de concorde qui doit les unir comme les membres d'une même  famille

 

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dont la nouvelle Pâque est venue sceller l'inviolable fraternité.

 

POSTCOMMUNION.

 

Répandez en nous, Seigneur, l'esprit de votre charité ; et dans votre bonté unissez dans une douce concorde ceux que vous venez de nourrir du Mystère pascal. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

A VEPRES.

 

L'ordre des Vêpres est le même qu'hier, à l'exception de l'Antienne de Magnificat et de la Collecte.

 

ANTIENNE DE Magnificat.

 

Ant. Quels sont ces discours dont vous vous entretenez en marchant ensemble,  et

pourquoi êtes-vous tristes ? Alleluia.

 

COLLECTE.

 

O Dieu qui, dans la solennité pascale, avez donné au monde le remède dont il avait besoin, daignez répandre le don céleste sur votre peuple ; afin qu'il mérite d'arriver à la liberté parfaite, et qu'il s'avance toujours plus vers la vie éternelle. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

 

 

Rendons gloire au Fils de Dieu pour l'œuvre qu'il a accomplie dans ce second jour de la création,

 

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en séparant les eaux inférieures des eaux supérieures, et en établissant le firmament qui s'étend entre les unes et les autres; paroles mystérieuses que les Pères ont commentées avec respect, s'attachant au sens spirituel qu'elles présentent de préférence au sens matériel. On y reconnaît la puissance d'un bras divin qui affermit son œuvre, et maintient en équilibre des forces qui demeuraient confondues dans le chaos. La Liturgie Mozarabe nous fournit cette belle prière pour glorifier notre créateur, en ce jour où son œuvre acquiert un nouveau développement.

 

CAPITULA.

 

O Christ, notre Dieu, qui, au second jour, créant le firmament, indiquez par avance la fermeté et solidité des saintes Ecritures, sur lesquelles repose l'Eglise ; et qui, séparant les eaux des eaux, indiquez la distance qui sépare le peuple céleste des Anges de la faible et intérieure race des hommes; vous qui, auteur des deux Testaments, avez accompli la figure de l'antique sacrifice, en scellant la nouvelle alliance par l'immolation de votre corps ; donnez- nous d'être associes par l'intelligence et la sagesse aux Puissances angéliques, comme aux eaux supérieures, et de tendre toujours vers ce qui est élevé ; afin que la solidité des deux lois étant établie dans notre cœur, la vertu de votre résurrection nous attire jusqu'aux joies infinies.

 

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Empruntons, pour terminer cette journée, la voix des Eglises antiques qui célèbrent à l'envi le haut mystère de la Résurrection. L'Eglise Ambrosienne nous fournira d'abord la belle Préface qu'elle emploie au jour de Pâques.

 

PRÉFACE.

 

Il est véritablement  juste et raisonnable, équitable et salutaire,  ô Dieu saint et tout-puissant, que nous vous  rendions grâces,  que nous célébrions avec amour vos louanges, auguste Père, auteur et créateur de toutes choses ; car votre Fils Jésus-Christ, qui était le Seigneur de majesté, a daigné souffrir le supplice de la croix pour la  délivrance du genre humain. C'est lui qu autrefois Abraham figurait dans son fils, et que le peuple instruit par Moïse  présageait dans l'immolation  de l'Agneau  sans tache.  C'est lui que célébrait  la trompette sacrée des Prophètes, comme celui qui devait prendre sur lui le péché et abolir le crime.  Voici donc la Pâque illustrée par le  sang du Christ,  dans laquelle  le peuple fidèle  se livre  aux transports  d'une  piété  solennelle. O mystère plein de la grâce !  O  arcane ineffable de la divine munificence ! O solennité plus digne d'honneur que toutes les  solennités,  et dans laquelle le Christ, pour racheter des esclaves, s'est laissé mettre à mort par la main des hommes! Heureuse mort qui a rompu les nœuds de la mort ! Il se sent maintenant brisé,  le prince  infernal ; pour nous, arrachés à l'abîme, félicitons-nous d'être montés au céleste royaume.

 

Nous ajouterons celte autre Préface, dans laquelle l'ancienne Eglise des Gaules célébrait le mystère de notre Agneau pascal.

 

IMMOLATION.

 

Il est digne et juste que nous vous rendions grâces, ô Dieu tout-puissant et éternel, par Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur, de ce que, voulant rendre la vie au genre humain, vous ordonnâtes à vos serviteurs, par Moïse et Aaron, de célébrer la Pâque en immolant l'agneau. Vous étendîtes ce précepte à la suite des temps, jusqu'à l'avènement de noire Seigneur Jésus-Christ, qui a été conduit comme un agneau à l'autel. C'est lui qui est, en effet, l'Agneau sans tache qui fut immolé en Egypte comme la première Paque du premier peuple. Il est ce bélier tiré du buisson, au sommet de la montagne, et destiné au sacrifice. Il est ce veau gras mis à mort sous la tente de notre père Abraham, pour être servi à ses hôtes ; c'est lui dont nous célébrons la Passion et la Résurrection, et dont nous attendons le dernier Avènement.

 

 

Enfin, nous terminerons par cette admirable Séquence d'Adam de Saint-Victor, si connue et si aimée des fidèles de la France au moyen âge ; elle respire toutes les grandeurs et toute la joie de la Pâque.

 

SÉQUENCE.

 

Salut, ô jour, la gloire des jours; jour fortuné où triomphe le Christ ; jour destiné à l'allégresse éternelle ; salut, premier des jours !

 

La lumière divine vient luire aux yeux des aveugles; le Christ enlève les dépouilles de l'enfer, il abat la mort et réconcilie le ciel et la terre.

 

 

La sentence du roi éternel a soumis tous les êtres d'ici-bas à la loi du péché; la grâce céleste peut seule subvenir à nos maux.

 

Mais lorsque le monde tout entier allait rouler dans l'abîme ,  celui  qui est en Dieu Vertu et  Sagesse est venu par sa clémence adoucir les décrets de la colère.

 

L'ancien  ennemi,  auteur du mal, insultait à notre misère; car nos péchés étaient sans espoir de pardon.

 

Le monde éploré désespérait du remède, lorsque Dieu le Père, à l'heure où le silence planait sur toute la nature, daigna envoyer son Fils au secours des désespérés.

 

Le monstre ravissant, le serpent infernal aperçoit la chair, et, ne soupçonnant pas le piège, se jette avidement sur l'hameçon caché sous l'appât; sa gueule en est déchirée.

 

Notre condition première est rétablie dans le Fils de Dieu, dont la Résurrection renouvelle en ces jours notre consolation.

 

Il est sorti libre du tombeau, le restaurateur du genre humain, portant sur ses épaules sa brebis, et l'enlevant jusqu'au ciel.

 

La concorde est rétablie entre les Anges et les hommes; les rangs décimés de la milice céleste vont être remplis : louange au Seigneur qui triomphe, louange éternelle !

 

Eglise mère, unis ta voix au concert de la patrie céleste ; peuple fidèle, répète aujourd'hui Alleluia.

 

L'empire de la mort a succombé : partageons les joies du triomphe ; paix sur la terre, au ciel jubilation ! Amen.

 

 

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