CATHERINE
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SAINTE CATHERINE

 

Catherine vient de catha, qui signifie universel, et de ruina, ruine, comme si on disait ruine universelle : en effet, dans elle, l’édifice du diable fut entièrement ruiné: savoir: l’orgueil, par l’humilité qu'elle posséda; la concupiscence de la chair, par la virginité qu'elle conserva; et la cupidité mondaine; par le mépris qu'elle eut pour toutes les vanités du monde. Ou bien Catherine, vient de chaînette (catena) : car par ses bonnes œuvres, elle se fit comme une chaîne au moyen de (374) laquelle elle monta au ciel. Et cette chaîne ou échelle est formée de quatre degrés qui sont : l’innocence d'action, la pureté du coeur, le mépris de la vanité, et le langage de la vérité, degrés que le prophète a disposés par ordre quand il dit (Ps. XXIII) : « Qui est-ce qui montera sur la montagne du Seigneur?... Ce sera, répond-il, celui dont les mains sont innocentes, et qui a le coeur pur, qui n'a point pris son âme en vain, et qui n'a pas fait de faux serments contre son prochain. » Ces quatre degrés ont existé dans sainte Catherine, ainsi qu'on le voit dans sa légende.

 

Catherine, fille du roi Costus, fut instruite dans l’étude de tous les arts libéraux. L'empereur Maxence avait convoqué à Alexandrie les riches aussi bien que les pauvres, afin de les faire tous immoler aux idoles, et pour punir les chrétiens qui ne le voudraient pas. Alors, Catherine, âgée de 18 ans, était restée seule dans un palais plein de richesses et d'esclaves ; elle entendit les mugissements des divers animaux et les accords des chanteurs; elle envoya donc aussitôt un messager s'informer de ce qui se passait. Quand elle l’eut appris, elle s'adjoignit quelques personnes, et se munissant du signe de la croix, elle quitta le palais et s'approcha. Alors elle vit beaucoup de chrétiens qui, poussés parla crainte, se laissaient entraîner à offrir des sacrifices. Blessée au coeur d'une profonde douleur, elle s'avança courageusement vers l’empereur, et lui parla ainsi : « La dignité dont tu es revêtu, aussi bien que la raison exigeraient de moi de te faire la cour, si tu connaissais le créateur du ciel, et si tu renonçais au culte des dieux. » Alors debout devant la porte du temple, elle discuta avec l’empereur, à l’aide des conclusions syllogistiques, sur une infinité de (375)  sujets qu'elle considéra au point de vue allégorique, métaphorique, dialectique et mystique. Revenant ensuite à un langage ordinaire, elle ajouta : « Je me suis attachée à t'exposer ces vérités comme à un savant : or, maintenant pour quel motif as-tu inutilement rassemblé cette multitude afin qu'elle adorât de vaines idoles? Tu admires ce temple élevé par la main des ouvriers; tu admires des ornements précieux que le vent envolera comme de la poussière. Admire plutôt le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils renferment, admire les ornements du ciel, comme le soleil, la lune et les étoiles : admire leur obéissance, depuis le commencement du monde jusqu'à la fin des temps ; la nuit et le jour, ils courent à l’occident pour revenir à l’orient, sans se fatiguer jamais : puis quand tu auras remarqué ces merveilles, cherche et apprends quel est leur maître; lorsque, par un don de sa grâce, tu l’auras compris et que tu n'auras trouvé personne semblable à lui, adore-le, glorifie-le : car il est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs. » Quand elle lui eut exposé avec sagesse beaucoup de considérations touchant l’incarnation du Fils, l’empereur stupéfait ne sut que lui répondre. Enfin revenu à lui : « Laisse, ô femme, dit-il, laisse-nous terminer le sacrifice, et ensuite nous te répondrons. » Il commanda alors de la mener au palais et de la garder avec soin; il était plein d'admiration pour sa sagesse et sa beauté. En effet elle était parfaitement bien faite, et son incroyable beauté la rendait aimable et agréable à tous ceux qui la voyaient. Le César vint au palais et dit à Catherine : « Nous avons pu apprécier ton éloquence et (376) admirer ta prudence, mais occupés à sacrifier aux dieux, nous n'avons pu comprendre exactement tout ce que tu as dit : or, avant de commencer, nous te demandons ton origine. » A cela Catherine répondit : « Il est écrit : « Ne te loues pas ni ne te déprécies toi-même », ce que font les sots que tourmente la vaine gloire. Cependant j'avoue mon origine, non par jactance, mais par amour pour l’humilité. Je suis Catherine, fille unique du roi Costus. Bien que née dans la pourpre et instruite assez à fond dans les arts libéraux, j'ai méprisé tout pour me réfugier auprès du Seigneur J.-C. Quant aux dieux que tu. adores, ils ne peuvent être d'aucun secours ni à toi, ni à d'autres. Oh ! qu'ils sont malheureux les adorateurs de pareilles idoles qui, au moment où on les invoque, n'assistent pas dans les nécessités, ne secourent pas dans la tribulation et ne défendent pas dans le péril! » Le roi : « S'il en est ainsi que tu le dis, tout le monde est dans l’erreur, et toi seule dis la vérité : cependant toute affirmation doit être confirmée par deux ou trois témoins. Quand tu serais un ange, quand tu serais une puissance céleste, personne ne devrait encore te croire ; combien moindre encore doit être la confiance en toi, car tu n'es qu'une femme fragile! » Catherine : « Je t'en conjure, César, ne te laisse pas dominer par ta fureur ; l’âme du sage ne doit pas être le jouet d'un funeste trouble, car le poète a dit : « Si l’esprit te gon« verne, tu seras roi, si c'est le corps, tu seras esclave. » L'empereur : «Je  m’aperçois que tu te disposes à nous enlacer dans les filets d'une ruse empoisonnée, en appuyant tes paroles sur l’autorité des philosophes. » (377) Alors l’empereur, voyant qu'il ne pouvait lutter contre la sagesse de Catherine, donna des ordres secrets pour adresser des lettres de convocation à tous les grammairiens et les rhéteurs afin qu'ils se rendissent de suite au prétoire d'Alexandrie, leur promettant d'immenses présents, s'ils réussissaient à l’emporter par leurs raisonnements sur cette vierge discoureuse.

On amena donc, de différentes provinces, cinquante orateurs qui surpassaient tous les mortels dans tous les genres de science mondaine. Ils demandèrent à l’empereur, pourquoi ils avaient été convoqués de si loin ; le césar leur répondit : « Il v a parmi nous une jeune fille. incomparable par son on sens et sa prudence; elle réfute tous les sages, et affirme que tous les dieux sont des démons. Si vous triomphez d'elle, vous retournerez chez vous comblés d'honneurs. » Alors l’un d'eux plein d'indignation répondit avec colère : « Oh! la grande détermination d'un empereur, qui, pour une discussion sans valeur avec une jeune fille, a convoqué les savants des pays les plus éloignés du monde, quand l’un de nos moindres écoliers pouvait la confondre de la façon la plus leste! » L'empereur dit : « Je pouvais la contraindre par la force à sacrifier, ou bien l’étouffer dans les supplices ; mais j'ai pensé qu'il valait mieux qu'elle restât tout à fait confondue par vos arguments. » Ils lui dirent alors : « Qu'on amène devant nous la jeune fille et que, convaincue de sa témérité, elle avoue n'avoir jusqu'ici jamais vu des savants. » Mais la vierge ayant appris la lutte à laquelle elle était réservée, se recommanda toute à Dieu; (378) et voici qu'un ange du Seigneur se présenta devant elle et l’avertit de se tenir ferme, ajoutant que non seulement elle ne pourra être vaincue par ses adversaires, mais qu'elle les convertira et qu'elle leur frayera le chemin du martyre. Ayant donc été amenée devant les orateurs, elle dit à l’empereur : « Est-il juste que tu opposes une jeune fille à cinquante orateurs auxquels tu promets des gratifications pour la victoire, tandis que tu me forces à combattre sans  m’offrir l’espoir d'une récompensé? Cependant, pour moi, cette récompense sera N.-S. J.-C: qui est l’espoir et la couronne de ceux qui combattent pour lui. » Alors les orateurs ayant avancé qu'il était impossible que Dieu se fît homme et souffrît, la vierge montra que cela avait été prédit même par les Gentils. Car Platon établit que Dieu est un cercle, mais qu'il est échancré. La sybille a dit aussi : « Bienheureux est ce Dieu qui est suspendu au haut dit bois. » Or, comme la vierge discutait avec la plus grande sagesse contre les orateurs qu'elle réfutait par des raisons évidentes, ceux-ci, stupéfaits, et ne sachant quoi répondre, furent réduits à un profond silence. Alors l’empereur, rempli contre eux d'une grande fureur, se mit à leur adresser des reproches de ce qu'ils s'étaient laissé vaincre si honteusement par une jeune fille. L'un d'eux prit la parole et dit : « Tu sauras, empereur, que jamais personne n'a pu lutter avec nous, sans qu'il n'eût été vaincu aussitôt : mais cette jeune fille, dans laquelle parle l’esprit de Dieu, a tellement excité notre admiration, que nous ne savons, ni n'osons absolument dire un mot contre le Christ. Alors, (379) prince, nous avouons fermement que si tu n'apportes pas de meilleurs arguments en faveur des dieux que nous avons adorés jusqu'à présent, nous voici disposés à nous convertir tous à la foi chrétienne. » Le tyran, entendant cela, fut. outré de colère et ordonna de les faire brûler tous au milieu de la ville. Mais la vierge les fortifia, et leur inspira la constance du martyre; puis elle les instruisit avec soin dans la foi. Et comme ils regrettaient de mourir sans le baptême, la vierge leur dit : « Ne craignez rien, car l’effusion de votre sang vous tiendra lieu de baptême et de couronne. » Après qu'ils se furent munis du signe de la croix, on les jeta dans les flammes, et ils rendirent leur âme au Seigneur : ni leurs cheveux, ni leurs vêtements ne furent aucunement atteints par le feu. Quand ils eurent été ensevelis par les chrétiens, le tyran parla à la vierge en ces termes : « O vierge généreuse, ménage ta jeunesse ; après la reine, tu tiendras le second rang dans mon palais ; ta statue sera élevée au milieu de la ville; et tu seras adorée de tous comme une déesse. » La vierge lui répondit : « Cesse de parler de choses qu'il est, criminel même de penser, je me suis livrée au Christ comme épouse : il est ma gloire, il est mon amour, il est ma douceur, et l’objet de ma tendresse; ni les caresses, ni les tourments ne pourront me faire renoncer à son amour. » alors l’empereur furieux la fit dépouiller et fouetter avec des cordes garnies de fers tranchants (scorpions) ; puis quand elle eut été broyée, il ordonna de la traîner dans une prison obscure où elle devrait, pendant douze jours, souffrir le supplice de la faim.

 

380     

 

Des affaires pressantes ayant appelé l’empereur hors du pays, l’impératrice, qui s'était éprise d'une vive affection pour Catherine, vint en toute hâte la trouver en son cachot, au milieu de la nuit, avec le général des armées, nommé Porphyre. A son entrée, l’impératrice vit la prison resplendissante d'une clarté ineffable, et des anges qui pansaient les plaies de la vierge. Alors Catherine commença à lui vanter les joies éternelles, et quand elle l’eut convertie à la foi, elle lui prédit qu'elle obtiendrait la couronne du martyre. Elles prolongèrent ainsi leur entretien jusqu'à une heure avancée de la nuit. Porphyre, ayant entendu tout ce qu'elles avaient dit, se jeta aux pieds de la vierge et reçut la foi de J.-C. avec deux cents soldats. Or, comme le tyran avait condamné Catherine à rester douze jours sans nourriture, J.-C., pendant ce laps de temps, envoya du ciel une colombe blanche qui la rassasiait d'un aliment céleste ; ensuite le Seigneur lui apparut accompagné d'une multitude d'anges et de vierges, et lui dit : « Ma fille, reconnais ton créateur pour le nom duquel tu as subi une lutte laborieuse : sois constante, car je suis avec toi. » A son retour, l’empereur se la fit amener; mais la voyant brillante de santé, alors qu'il la pensait abattue par un si long jeûne, il crut que quelqu'un lui avait apporté des aliments dans le cachot; plein de fureur, il commanda qu'on mît les gardiens à la torture. Mais Catherine dit : « Je n'ai pas reçu de nourriture de main d'homme, c'est J.-C. qui  m’a nourrie par le ministère d'un ange. »L'empereur lui répondit : « Recueille dans ton coeur, je t'en prie, les conseils que je (381) t'adresse; et ne me réponds plus d'une manière ambiguë : Nous ne désirons pas te traiter en esclave, mais en reine puissante et belle, qui triomphera dans mon empire. » La vierge dit à son tour: « Fais attention, toi-même, je t'en conjure, et décide, après un mûr et sage examen, quel est celui que je dois choisir de préférence, ou bien de quelqu'un puissant, éternel, glorieux, et beau, ou d'un autre infirme, mortel, ignoble et laid. » Alors l’empereur indigné dit : « Choisis de deux choses l’une, ou de sacrifier et de vivre, ou bien de subir les tourments les plus cruels, et de périr. » « Quels que soient les tourments que tu puisses imaginer, reprit Catherine, hâte-toi, car je désire offrir, ma chair et mon sang au Christ, comme il s'est offert lui-même pour moi. Lui, c'est mon Dieu, mon amant, mon pasteur et mon unique époux. Alors un officier conseilla à l’empereur furieux de faire préparer, dans le courant de trois jours; quatre roues garnies de scies de fer et de clous très aigus, afin que cette machine la broyât par morceaux, et que l’exemple d'une mort si cruelle effrayât le reste des chrétiens. On disposa deux roues qui devaient tourner dans un sens, en même temps que deux autres roues seraient mises en mouvement dans un sens contraire, de manière que celles de dessous devaient déchirer les chairs que les roues de dessus en venant se placer contré les premières, auraient rejetées contre celles-ci. Mais la bienheureuse vierge pria le Seigneur de briser cette machine pour la gloire de son nom et pour la conversion du peuple qui se trouvait là. Aussitôt un ange du Seigneur broya cette (382) meule et en dispersa les morceaux avec tant de force que quatre mille Gentils en furent tués.

Or, la reine, qui regardait d'un lieu élevé et qui jusque-là s'était cachée, descendit aussitôt et adressa de durs reproches à l’empereur pour cette étrange cruauté. Mais l’empereur, plein de fureur, sur le refus de l’impératrice de sacrifier, la condamna à avoir les seins arrachés, puis à être décapitée. Comme on la menait au martyre, elle demanda à Catherine de prier pour elle le Seigneur. Catherine répondit : « Ne crains rien, ô reine chérie de Dieu, car aujourd'hui à la place d'un royaume qui passe, tu en recevras un autre qui sera éternel, et à la place d'un époux mortel, tu en auras un immortel. » Alors l’impératrice affermie exhorta les bourreaux à ne point différer de faire ce qui leur avait été commandé. lis la conduisirent hors de la ville et après lui avoir arraché les mamelles avec des fers de lance, ils lui coupèrent ensuite la tête. Porphyre put soustraire son corps et l’ensevelir. Le lendemain, comme on cherchait le corps de l’impératrice, et, qu'à ce sujet, le tyran donnait l’ordre de traîner au supplice beaucoup de personnes, Porphyre se présenta tout à coup sur la place en s'écriant: « C'est moi qui ai enseveli la servante du Christ dont j'ai embrassé la foi. » Alors Maxence égaré s'écria en poussant un rugissement terrible : « Oh ! je suis le malheureux le plus à plaindre ! Voici qu'on a séduit Porphyre, l’unique appui de mon âme et ma consolation. dans mes peines! » Et comme il faisait part de cela à ses soldats, ils lui répondirent aussitôt: « Et nous aussi, nous sommes chrétiens et prêts à mourir. » (383) Alors le César, enivré de fureur, commanda qu'on leur coupât la tête en même temps qu'à Porphyre et qu'on jetât leurs corps aux chiens. Ensuite, il fit comparaître Catherine et lui dit : « Bien que tu aies fait mourir l’impératrice par art magique, cependant si tu viens à impératrice tu seras la première dans mon palais : aujourd'hui donc, ou tu offriras des sacrifices aux dieux, ou tu auras la tête coupée. » Catherine lui répondit: « Fais tout ce que tu as résolu : tu me verras prête à tout souffrir. » Alors Maxime prononça son arrêt et la condamna. à être décapitée. Quand elle eut été amenée au lieu du supplice, elle leva les yeux au ciel et fit cette prière: « O vous qui êtes l’espérance et le salut des croyants! l’honneur et la gloire des vierges : ô Jésus, ô bon roi, je vous en conjure, que quiconque; eu mémoire de mon martyre,  m’invoquera à son heure dernière, ou bien en toute autre nécessité, vous trouve propice et obtienne ce qu'il demande ! » Cette voix s'adressa alors à elle : « Viens, ma bien-aimée, mon épouse ; voici la porte du ciel qui t'est ouverte. Tous ceux qui célébreront la mémoire de ton martyre avec dévotion, je leur promets du ciel les secours qu'ils réclameront. » Quand elle fut décapitée, il coula de son corps du lait au lieu de sang. Alors les anges prirent son corps et le portèrent, de cet endroit, jusqu'au mont, Sinaï, éloigné de plus de vingt jours de marche, et l’y ensevelirent avec honneur * . De ses ossements découle sans cesse une huile qui a la vertu

 

* La légende et l’oraison du Bréviaire romain consacrent le fait du transport du corps de la sainte par les anges au mont Sinaï.

 

384     

 

de guérir les membres de ceux qui sont débiles. Elle souffrit sous le tyran Maxence ou Maximin qui commença à régner vers l’an du Seigneur 310. On peut voir dans l’Histoire de l’Invention de la sainte Croix  comment ce tyran fut puni pour ce crime et pour d'autres encore qu'il commit. — On dit qu'un moine de Rouen alla au mont Sinaï où il resta pendant sept ans au service de sainte Catherine. Comme il la suppliait avec grande instance de lui donner quelque parcelle de son corps, tout à coup un de ses doigts se détacha. Le moine reçut avec joie ce don de Dieu et l’apporta en son monastère *. — On rapporte encore qu'un homme fort dévot à sainte Catherine qu'il invoquait fréquemment à son aide, se relâcha par la suite et perdit toute dévotion du coeur, en sorte qu'il cessa d'invoquer la martyre. Un jour qu'il était en prières, il vit passer devant lui une multitude de vierges dont l’une paraissait plus resplendissante que les autres. Quand elle approcha de lui, elle se couvrit le visage et passa ainsi. Or, comme il admirait extrêmement son éclat et demandait qui elle était, l’une d'elles lui répondit : « C'est Catherine que tu aimais à connaître autrefois ; aujourd'hui que tu parais ne plus t'en souvenir, elle a passé devant toi, la figure voilée, comme si elle était pour toi une inconnue. »

Il est bon de remarquer que sainte Catherine est admirable : I° dans sa sagesse ; II°  dans son éloquence ; III° dans sa constance ; IV° dans l’excellence de sa chasteté ; V° dans le privilège de sa dignité. I° Elle

 

* Des reliques de sainte Catherine furent en effet apportées à Rome en 1027. Cf. Hugues de Flavigny, en sa Chronique.

 

385

 

parait admirable dans la science. Car en elle se trouva réunie toute la philosophie . — La philosophie ou la science se divise en théorique, en pratique et en logique. D'après quelques auteurs, la science théorique se divise en trois parties: l’intellectuelle, la naturelle et la mathématique. Or, sainte Catherine posséda : 1° la science intellectuelle dans la connaissance des choses divines, et s'en servit avec avantage dans. sa disputé avec les rhéteurs, auxquels elle prouva qu'il n'y a qu'un seul Dieu et que les autres sont tous de faux dieux. 2° Elle posséda la science naturelle dans la connaissance de tous les êtres inférieurs; elle en usa à l’égard de l’empereur, ainsi qu'on l’a vu plus haut. 3° Elle posséda la science mathématique, par le mépris qu'elle fit des choses de la terre. Cette science, d'après Boëce, traite abstractivement des formes dégagées de la matière. Sainte Catherine la posséda, quand elle dépouilla son coeur de. tout amour matériel ; et elle prouva qu'elle l’avait en répondant ainsi aux interrogations de l’empereur: « Je suis Catherine, fille du roi Costus, bien que je sois née dans la pourpre..., etc. » Elle en fit principalement usage quand elle excita l’impératrice à se mépriser ainsi que le monde pour désirer le roi éternel: La science pratique se divise en trois parties, qui sont : l’ethnique, l’économique et la publique ou politique. La première enseigne à former les moeurs, à s'orner des vertus et convient à tous. La seconde apprend à bien gouverner sa famille, elle est du ressort des pères de famille. La troisième enseigne à bien- régir les villes, les peuples et la république. C'est la partie des gouverneurs des (386) villes. Sainte Catherine posséda encore cette triple science : la première en composant ses moeurs en toute honnêteté; la seconde en gouvernant avec mérite sa famille qui était nombreuse; la troisième en donnant de sages avis à l’empereur. La logique se divise en trois parties : la démonstrative, la probative et la sophistique. La première appartient aux philosophes, la seconde aux rhéteurs et aux dialecticiens, la troisième aux sophistes. On voit que sainte Catherine posséda aussi cette triple science, puisqu'on dit d'elle : « Elle discuta avec l’empereur, à l’aide de conclusions syllogistiques, une infinité de sujets qu'elle considéra au point de vue allégorique, métaphorique, dialectique et mystique. » II. Elle fut admirable d'éloquence ; car elle eut de belles paroles dans ses prédications, comme on l’a vu ; elle s'exprima avec une grande clarté dans ses raisonnements, alors qu'elle disait à l’empereur: « Tu admires ce temple fabriqué par la main des ouvriers. » Elle fut très habile à gagner ceux auxquels elle s'adressait, témoins Porphyre et l’impératrice qu'elle attira à la foi par la suavité de son élocution. Elle fut très puissante pour convaincre, par exemple, les rhéteurs qu'elle força à croire. III. Elle fut admirable de constance d'abord, malgré les menaces qu'on lui fit et qu'elle méprisa, puisqu'elle répondit à l’empereur: « Quels que soient les tourments que tu puisses t'imaginer, hâte-toi, car je désire offrir au Christ et' ma chair et mon sang. » Et plus loin encore : « Fais tout ce que tu peux concevoir en ton esprit, tu me verras disposée à tout supporter. » Ensuite elle repoussa les biens qu'on lui offrit. C'est pour (387) cela que l’empereur lui promettant le second rang dans le palais, elle répondit : « Cesse de dire de pareilles choses ; c'est un crime même de les penser, etc... » En troisième lieu, elle surmonta les tourments qu'on lui infligea, cela est évident, parce qu'elle fut mise en prison et sur la roue. IV. Elle fut très constante 'dans la conservation de sa chasteté quoiqu'elle eût été exposée à des épreuves où la chasteté succombe d'ordinaire. Ces épreuves sont au nombre de cinq: l’abondance qui amollit, l’occasion qui entraîne, la jeunesse qui aime à folâtrer, la liberté qui n'a pas de frein et la beauté qui provoque. Malgré tout cela la bienheureuse Catherine conserva la chasteté. Car elle eut des richesses en abondance, puisqu'elle succéda à de très riches parents. Elle avait des occasions puisque, maîtresse: d'elle-même, elle passait tous ses instants au milieu de ses serviteurs. Elle était jeune, elle jouissait de sa liberté puisqu'elle restait seule et libre dans un palais. C'est pour cela qu'il est dit d'elle ci-dessus : « Catherine, à l’âge de 18 ans, resta seule dans un palais rempli d'esclaves et de richesses. » Elle était belle puisqu'on dit : « Elle était parfaitement bien faite, et son incroyable beauté la rendait aimable et agréable à tous ceux qui la voyaient.» V. Elle fut admirable dans le privilège de sa dignité. Quelques saints ont été honorés de privilèges particuliers au moment de leur trépas, comme la visite de J.-C. dans saint Jean l’évangéliste ; l’huile qui émane de leurs ossements dans saint Nicolas; le lait qui coule de leurs plaies dans saint Paul ; le tombeau disposé dans saint Clément; les demandes exaucées dans (388) sainte Marguerite, quand elle pria en faveur de ceux qui feraient mémoire d'elle. Or, tous ces privilèges se trouvent réunis dans sainte Catherine, tels qu'on a pu le voir dans sa légende. Un doute s'est fait jour chez quelques écrivains, celui de savoir si elle a été martyrisée par Maxence ou par Maximin. A cette époque, trois gouvernaient l’empire, savoir. Constantin qui succéda à son père, Maxence, fils de Maximien, nommé Auguste par les soldats prétoriens de Rome et Maximin qui fut créé césar en Orient. D'après les chroniques, Maxence exerçait sa tyrannie contre les chrétiens à Rome et Maximin en Orient. D'autres auteurs pensent que c'est une faute de copiste, si on a mis Maxence au lieu de Maximin.

 

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