T 1 Mémoires
T 2 Oeuvres diverses
T 3 Oeuvres diverses
T 4 Lettres I
T 5 Lettres II
T 6 Lettres III
T 7 Lettres IV
T 8 Lettres V

Sainte Jeanne-Françoise Frémyot
de Chantal
sa vie et ses Œuvres

 

 

Index ; Bibliothèque

 

 

Tome Cinquième

 

Lettres II

 

Première édition
entièrement conforme aux originaux, enrichie d'environ six cents lettres inédites et de nombreuses notes historiques.

ÉDITION AUTHENTIQUE
PUBLIÉE PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION SAINTE-MARIE d'ANNECY

L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de traduction et de reproduction à l'étranger.
Ce volume a été déposé au Ministère de l'intérieur (section de la librairie) en septembre 1877.

PARIS
TYPOGRAPHIE DE E. PLON ET Cie, 8, RUE GARANCIÈRE.

e. plon et cie imprimeurs-éditeurs
rue garancière, 10

1877

Tous droits réservés


LETTRES DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE FRÉMYOT DE CHANTAL

rangées par ordre chronologique ii

ANNÉE 1622

LETTRE CCCLXII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX.

SUPÉRIEURE À NEVERS

Mal qu'entraîne la mélancolie, — Les réprimandes doivent être tout à la fois graves, fermes et suaves.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, janvier 1622, ]

Il a fallu laisser passer ces grands et saints jours [de Noël] sans vous écrire. Je supplie notre bon Dieu d'être notre joie éternellement, et vous, ma très-chère fille, de ne jamais vous laisser aller à la mélancolie sous quelque prétexte que ce soit, car cela gâterait fout votre ménage, qui doit être manié avec une parfaite douceur. Je suis grandement marrie de la mauvaise intelligence de notre chère M. N***. Je crains fort que cela ne paraisse aux Sœurs, et qu'elle ne s'en découvre au dehors, ce qui nuirait ; mais, toutefois, il faut se reposer et confier en la divine Providence et demeurer là en paix ; car [2] aussi bien toutes nos crainte » et mélancolies ne servent qu'à tout gâter et nous chagriner. — Vous prenez à cœur un peu trop ces contradictions, ma très-chère fille ; vous devez ne l'aire semblant aucun de la plupart de ces choses-là, et même quand j'aurais repris une fois une Sœur d'un défaut qui n'est pas important pour le bien de l'esprit, et que je verrais que cela la contristerait, je ne lui en dirais plus rien, si ce n'était en particulier, quand je la verrais bien disposée, et cela fort cordialement par forme de prière ; car enfin, ma très-chère fille, il faut traiter avec nos Sœurs comme avec nos compagnes, je veux dire avec les anciennes, et celles qui nous sont données pour aides aux œuvres de Dieu ; car, de vrai, elles sont nos coopératrices ; eh ! pourrions-nous faire toutes seules ?

Voilà donc, ma très-chère fille, comme nous les devons regarder, et, quand elles feront des manquements, il faut plutôt user d'une douce et cordiale remontrance en particulier, que non pas de réprimandes et d'avertissements secs ; et, véritablement, il faut ainsi traiter tant qu'il se pourra avec toutes. Que nos remontrances soient suaves, graves et fermes, mais accompagnées d'humilité, de douceur, et non jamais de sentiment ni d'esprit tranchant. Ma fille, je pense que Dieu a voulu que j'aie écrit ceci, car je ne le pensais pas, et [c'est] hors de notre sujet, qui n'est enfin que sur le malentendu de cette bonne Sœur. Il y a bien du manquement en son esprit, et parlant nous sommes résolue de vous la changer et la Sœur sa compagne, et vous mener ma Sœur M. -Constance,[1] qui est une vraie vertueuse fille ; mais, ma fille, ne leur en faites rien paraître, et la gagnez par douceur, sans vous assujettir toutefois à ses inclinations, qui sont contraires à l'esprit de votre maison. Oh ! patience, ma très-chère fille, je suis bien aise de [3] ce que vous ne vous laissez point abattre le courage. Je sais que vous avez le naturel un peu sec ; combattez cela surtout, ma fille, et, pour Dieu, faites votre gouvernement avec une extrême douceur et suavité. Vous verrez que toutes les filles en iront plus gaiement et fidèlement. Je vous ai bien recommandée à Notre-Seigneur ces grands jours, ma très-chère fille, et votre troupe, que je salue cordialement.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCLXIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Soumission filiale à la-divine Providence. - Recommandations pour l'envoi des Règles.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 11 janvier 1622.

Ma très-chère fille,

Jésus notre doux Sauveur comble votre chère âme et celles de toutes vos filles de son très-saint amour ! Tenez toujours votre cœur haut, ma fille, dans cette éternelle Providence, humble et absolument soumise à son gouvernement.

Sur ce déclin, j'ai fort peu de loisir. Envoyez-nous les futaines que nous vous avons demandées, au plus tôt. Nous vous avons envoyé des Règles ; envoyez-en à Montferrand et à Valence ; mais, ma fille, faites-les toutes regarder, pour voir s'il n'y a point deux feuilles semblables, et, en ce cas, renvoyez les feuilles superflues et nous vous enverrons celles qui manquent. Je salue nos très-chères Sœurs, madame de Boissieux, et, si j'ose, je fais très-humble révérence à Mgr l'archevêque et mille saluts à M. de Saint-Nizier. Adieu, ma fille ; priez pour nous, je vous prie, afin que nous accomplissions le désir de Dieu en nous. Amen.

Conforme a l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [4]

LETTRE CCCLXIV (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Attente des ordres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, janvier 1622.]

Oh ! loué soit notre bon Dieu, qui vous a rappelée de ce mal si soudain et mortel ! Je vous prie, conservez-vous. Nous enverrons vos deux cents livres à mademoiselle d'Asy, et j'espère en la miséricorde de Dieu que nous vous porterons votre affaire, puisque le Roi revient.

J'attends mon obéissance de Monseigneur pour partir. J'espère qu'il nous enverra M. Roland ou M. Michel. Nous ne pouvons partir toutefois avant le milieu de février. Nous dirons tout, étant avec vous, et je crois qu'il sera expédient de renvoyer notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette] à Lyon. Elle en a quelque inclination, je l'écris à Monseigneur. Je ne sais ce qu'il me commandera de faire pour le service de Dieu et de nos maisons, auxquelles certes je suis fort inutile ; mais ma très-chère Sœur ne laissera pas de m'aimer pour cela. Ne faites aucun semblant de ce que je vous dis de notre Sœur Françoise-Jéronyme ; mais, je vous en prie, et m'en mandez votre sentiment. Je ne sais si j'ai quelque autre chose à vous dire, car j'avoue que je n'ai le loisir de revoir vos lettres, ni de vous plus écrire d'ici à mon départ, sinon qu'il fût bien nécessaire.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [5]

LETTRE CCCLXV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Résister aux sollicitations des personnes qui veulent la retenir à Montferrand. — Des processions. — Prochain départ de Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 24 janvier [1622].

Ma très-chère fille,

Il ne faut plus de réplique, puisque vous et notre bonne Sœur N*** jugez que notre Sœur Anne-Louise [de Villars] sera propre, je vais écrire qu'on vous l'envoie.

Je suis en peine de l'humeur où se mettent ces messieurs de Montferrand.[2] Je crois que vous aurez écrit à Monseigneur, et le remède qu'il y faut apporter de faire parler M. votre père. Je dis à M. de Maussac que nous irons ensemble à Dijon ; mais que l'on traite d'une fondation à Chambéry, comme il est vrai, qu'il y a longtemps qu'on en parle, et que l'on vous destine là pour la consolation de M. votre père. Dieu les adoucira ; car il est expédient pour sa gloire que tout se passe doucement et suavement. [6]

Je crois que c'est une équivoque de celle qui a écrit le directoire des processions, car l'on a coutume de les faire devant la sainte messe,[3] et il est vrai aussi qu'il n'y a que ce qu'il faut de temps jusqu'à dîner, pour tout ; mais il suffit aussi, et les Sœurs, en ce cas, ont liberté de faire devant Tierce l'oraison que marque la Règle après None. Je suis fort pressée, ma très-chère fille, car sur ce déclin mille affaires se trouvent. J'attends mon obéissance pour partir environ le 20 février. Je séjournerai en nos maisons autant qu'il faudra ; je ne sais encore si nous vous irons prendre ; j'attends l'ordre que l'on nous donnera. Dieu vous comble de grâces, ma très-chère fille, et toute votre chère troupe. Si je puis, je ferai un billet à la très-chère Sœur M. -C., sinon ce sera pour une autre fois.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé a la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCCLXVI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Éloge du Père Bonvoisin, de la Compagnie de Jésus.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, janvier 1622. ]

[La moitié de l'original a été coupée.] Oh ! que vous voilà bien contente de ravoir le bon Père Bonvoisin qui vous a déjà fait et vous fera encore, je m'assure, de très-belles et utiles prédications ! Il ne nous en a fait qu'une, mais elle en vaut bien deux douzaines ; c'est que nous ne l'avons connu que fort tard. Or sus, nous attendons de vos nouvelles. Notre Sœur de [7] Montferrand dit qu'elle voudrait bien avoir la petite Sœur Anne-Louise [de Villars], mais il faut peut-être attendre, et voir à quoi se résoudra la fondation de Dijon. Cependant caressez bien ce bon Père, auquel nous sommes fort obligées pour la sincère affection qu'il a à notre Institut. Ma fille, que le doux Jésus notre cher Maître, vous donne la parfaite imitation de ses saintes vertus. Dieu vous bénisse et nos très-chères Sœurs, à part les affligées. Je suis vôtre, vous le savez bien.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

La Sainte a reçu son obéissance pour quitter Paris. — Il vaut mieux se fortifier dans l'esprit de l'Institut que multiplier les fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 12 février [1622].

Ma très-chère fille,

Monseigneur m'a envoyé l'obéissance par M. Roland de vous aller prendre à Montferrand, pour vous mener à Dijon ; mais, à ce que je vois, il y a un nouveau dessein, plein de conditions qui ressentent fort l'esprit humain. Or, ma très-chère fille, ce n'est pas à moi de résoudre cela ; vous verrez et vous ferez ce que Monseigneur vous ordonnera. Pour vous dire mon sentiment, je crains même, selon le jugement de M. de Maussac, que l'une des maisons n'empêche de faire l'autre : il m'a dit que les Pères de l'Oratoire ont voulu faire ainsi et qu'ils ont tout gâté. Peut-être serait-il mieux de bien laisser former la maison commencée, tant pour le temporel que pour le spirituel, que d'en commencer une nouvelle, et de se bien former et fortifier en l'esprit de l'Institut que de le tant dilater tout à coup. Je vous [8] annonce, ma très-chère fille, que je crains fort que la perfection de l'Institut ne se diminue et affaiblisse par ce moyen ; et qui pourrait différer, ferait très-bien, si je ne me trompe ; toutefois, je m'en rapporte à ce que Monseigneur trouvera le meilleur, je me contenterai de faire fort prier Dieu de lui inspirer ce qui sera de sa très-sainte volonté.

Je vous dirai encore que je refuse tout plein de fondations aux villes de deçà, pour cette raison ; et, si je suis crue, on laissera encore quelques années engraisser et fortifier les âmes en la solidité de la vertu, avant que de les tirer du sein de leur mère.

Nous espérons toujours de partir d'ici le 21 de ce mois, et pourrons être à Moulins sur la fin de mars. Il sera nécessaire, ma très-chère fille, en tout cas, que je sache si ce sera à propos que j'aille à Montferrand ; je vous supplie de le considérer devant Dieu et de me le mander franchement ; que s'il y faut aller, ce sera pour vous prendre, ou bien pour vous mener les filles que vous demandez ; car j'emmène notre Sœur J. -Françoise à Moulins, de laquelle aussi il faut décharger la maison de Bourges ; comme aussi [dites-moi] si vous enverrez quelque équipage pour cela. Enfin, ma très-chère fille, vous m'avertirez de tout ce que vous désirez que je fasse en cela, et tout franchement ; cependant vous savez ce que je vous suis.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [9]

LETTRE CC CL XVIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Chercher une Supérieure pour Valence. — Les tribulations sont des trésors.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, février 1622.]

Je viens de recevoir votre lettre. J'espère que Dieu garantira notre pauvre Sœur [la Supérieure] de Valence[4] ; si toutefois Dieu en dispose, je crois qu'il y aurait peine de trouver une Supérieure à Nessy, car il faudra des filles pour Dijon ; mais notre Sœur N. y pourrait aller, ou de Grenoble. Je crois qu'il y a quelques bonnes filles là, écrivez à la Supérieure. Il faudra prendre loisir de considérer pour notre Sœur Marie-Jacqueline ; je crois que ce serait encore pis de l'ôter de Lyon. Il faut beaucoup aimer les croix et tribulations que Dieu nous envoie ; [ce] sont des trésors. La Supérieure de Montferrand demande la Sœur À. -L. [de Villars]. Voyez s'il se pourra, et soyez courageuse, toujours au-dessus de tout, et nue de ce qui n'est point Dieu. Il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXIX (Inédite) - À LA MÊME

Déposition de la Mère Anne-Marie Rosset. — Départ pour. Nevers.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 26 mars 1622.

Ma très-chère fille,

Ne vous attendez pas à des lettres de moi maintenant, car je n'ai nul loisir. Nous voici à Bourges : la petite Supérieure a été [10] déposée. Je pense que nous l'emmènerons, et peut-être la Sœur Jeanne-Françoise [Étienne], pour accompagner notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette], si les desseins d'Auvergne ne font changer de résolution ; car je n'en sais point de nouvelles et ne sais encore qui sera Supérieure à Dijon. Ma fille, prions Dieu qu'il accomplisse en tout sa très-sainte volonté et nous serons heureuses. Il n'est pas besoin d'envoyer la Sœur Anne-Louise qu'on ne le mande. Nous partons le lendemain de Pâques pour Nevers ; de là, à Moulins. Je salue chèrement M. de Saint-Nizier et nos Sœurs et tous ceux qu'il vous plaira.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Comment triompher des obstacles qui s'opposent à sa sortie de Montferrand et se rendre promptement où l'appelle la volonté divine.

vive † Jésus !

Nevers, 2 avril [1622].

Ma pauvre très-chère fille,

Votre cœur a bien touché le mien, puisqu'il y a quelque incertitude de vous tirer de là. Dieu aidant, vous nous verrez bientôt ; nous vous mènerons Sœur F. -J. [de Villette] et Jeanne-Françoise, afin que si Dieu dispose d'elles pour le bien de Montferrand, on les y emploie, sinon vous les enverrez avec celles qui [mots illisibles]. Or, ce que je pense que vous devez faire en attendant, c'est de témoigner absolument à ces messieurs-là [de Montferrand] que vous désagréez tout à fait leurs procédés, et que si par force ils veulent retenir votre corps contre la volonté de Dieu et ses desseins sur vous, ils n'auront pas votre [11] cœur, et que vous vous démettrez de votre charge, sans plus vous en mêler, vous tenant retirée dans votre cellule pour vaquer à vous-même. Je remets toutefois le tout à votre prudence ; nous verrons enfin ce que Dieu voudra, et nous nous y joindrons de bon cœur ; cependant, demeurez en parfaite paix, ma très-chère fille. Je n'ai pas trouvé la lettre de Monseigneur au paquet. Vous n'aurez que ce billet ; car, Dieu aidant, nous dirons le reste. Adieu donc pour huit ou dix jours. Nous partirons d'ici samedi et serons dimanche à Moulins.

[D'une autre main.] Notre très-chère Mère me commande de dire à Votre Charité, que puisque vous avez tant de difficulté de trouver moyen de venir à Moulins, qu'elle vous ira prendre, mais que vous teniez tout prêt, et qu'elle n'y veut séjourner que le moins qu'elle pourra.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCCLXXI (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Envoyer Sœur Anne-Louise de Villars à Montferrand. — Visite canonique.

VIVE † JÉSUS !

[Nevers, avril 1622.]

Oh ! certes, sans loisir tout à fait, je vous dis pourtant que vous êtes très-chèrement ma fille. Tenez votre cœur haut, et ne vous regardez point, mais Dieu, dépendant absolument de lui. Il faut envoyer notre Sœur Anne-Louise à Montferrand, on l'y veut du tout. Il ne faut pas mander à Montferrand que notre Sœur [M. -Jacqueline Favre] est destinée pour Dijon ; mais que c'est M. son père qui la veut voir, comme en vérité aussi l'on parle d'une maison à Chambéry où on la destinera, quoique, cependant, elle sera un peu à Dijon. Elle n'est nullement nécessaire [12] à Montferrand ; on verra si l'on pourra la retirer, ou ce que l'on fera.

Mais, savez-vous comme il faut recevoir le prélat, en procession,[5] lui préparer un beau siège dans le chœur, lui mettre les Règles en mains. Dieu vous assistera ; il faut faire cette action avec grande solennité et dévotion.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXXII - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS.[6]

Il faut nommer une Sœur pour s'acquitter des commissions des autres monastères de l'Ordre. — Regret de voir une jeune personne infidèle à l'appel de Dieu. — Projet d'une seconde fondation à Paris. — Ne faire aucune concession contre la Règle. —Estime pour le Révérend Père Binet, Jésuite.

VIVE † JÉSUS !

Nevers, 5 avril 1622.

Ma très-chère Sœur,

Il me semble déjà qu'il y a longtemps que je ne vous ai écrit ; car véritablement mon esprit retourne incessamment vers cette chère troupe qui est parfaitement chérie de mon cœur ; je la regarde en gros et puis en détail, et toutes les [13] pièces m'en sont chères. Mais particulièrement, ma très-chère Sœur, mes yeux s'arrêtent sur vous, qui m'êtes si intime ; puis sur ma petite Angélique [Lhuillier], que j'aime si cordialement, sur nos pauvres anciennes que j'embrasse tendrement, sur notre aimable jeunesse qui est chèrement logée dans mon cœur ; Dieu bénisse toute cette troupe ! Tenez-vous bien saintement joyeuse avec ces chères filles ; ouvrez-leur maternellement votre cœur, afin qu'elles vous ouvrent filialement les leurs.

Oui, ma très-chère fille, vous ferez très-bien de commettre une Sœur qui ait la charge des affaires et commissions de nos autres maisons qui s'adressent à vous ; il faut que ce soit une fille cordiale et vigilante. Je vous sais bon gré d'être ainsi affectionnée à servir nos maisons ; mais d'autant que l'abord est très-grand à Paris, il faut être soigneuse de retirer l'argent des commissions ; cela donnera plus de liberté aux monastères de s'adresser à vous ; ce que je ne dis pas pour forclore certains petits présents de cordialité, pour preuve de quoi je vous supplie de m'envoyer votre petit livre de l’Abnégation intérieure.

Il est certes vrai, ma très-chère Sœur, que notre Sœur [A. -M. Rosset] est une âme vraiment bonne et sainte ; mais, comme m'écrit Monseigneur, elle est toute propre à donner grande édification dans une communauté, et néanmoins n'a aucun talent pour le gouvernement, ce qui ne déroge rien à sa vertu ; car tous ne sont pas apôtres, ni prophètes : le Saint-Esprit a diversité de dons. [14]

Vous ne sauriez croire, ma très-chère fille, la compassion que je porte à cette demoiselle qui perd sa vocation religieuse, pour l'appréhension qu'elle a de dire ses coulpes. Oh vrai Dieu ! qu'elle trouvera bien d'autres mortifications dans le monde, où ce pauvre cœur n'aura jamais un vrai contentement ni repos ! Je voudrais, si c'était la volonté de Dieu, lui acheter avec mon sangle courage qui lui est nécessaire pour l'assurance de son bonheur, car je l'aime tendrement.

Quant à notre très-bonne madame la marquise de Dampierre, je crois que c'est la volonté de Dieu que son dessein de faire une seconde maison dans Paris réussisse ; mais il ne se faut pas presser ; la somme qu'elle offre est petite pour Paris. Monseigneur et unique Père, à qui j'en ai écrit, m'a fait réponse que la vertu de cette dame est grande et riche ; qu'il chérit parfaitement cette âme, et qu'il sera très-aise que pour son bonheur éternel elle fasse une si bonne œuvre.

Je suis très-aise que vous ayez la petite N***, mais ne lui donnez l'habit qu'à quinze ans. Il se faut garder, surtout à Paris, d'accorder aucune gratification qui contrevienne à l'Institut ; rendez votre force invariable en cela. Faites parler à cette bonne dame par le Père qui la conduit, afin que son désir s'ajuste à la raison.

Véritablement, c'est un trésor pour vous que les prédications du Révérend Père Binet. Envoyez-moi quelque recueil de son sermon de la Passion ; je n'ai jamais ouï un esprit plus conforme en solide dévotion à celui de Monseigneur [saint François de Sales], en la conférence particulière des choses de l'âme.

Ne suivez point tant ce désir d'austérités, outre-passant la Règle ; ce n'est pas par là que Dieu vous veut ; souffrez ce qu'il lui plaira et vous tenez en l'union de sa volonté. Découvrez Votre cœur au Révérend Père Binet, lui faisant savoir votre nouveau combat ; il vous confortera. Regardez le moins que vous pourrez vos maux et vos allégements ; mais regardez Dieu, [15] qui veut que vous lui soyez une grande servante. Nos chères Sœurs de céans le servent fort fidèlement ; elles sont pauvres, mais de grande observance. La gloire en soit à Dieu, auquel je suis toute vôtre.

LETTRE CCCLXXIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Les autorités de Montferrand refusent de laisser partir la Mère Favre.

VIVE † JÉSUS !

[Nevers], 8 avril 1622.

La petite Mère d'ici me presse fort de vous écrire, ma très-chère, et je le fais de bon cœur, car enfin vous êtes la fille de mon cœur ; mais je n'ai loisir que pour vous dire que la pauvre Mère de Montferrand est fort tracassée par ces messieurs de là, qui s'opposent si absolument à son départ. Cela nous tient en peine pour Dijon, où il est requis d'avoir une fort brave Supérieure ; mais peut-être que Dieu les changera. Elle m'a écrit qu'il est besoin de renvoyer une fille qui ne joint pas bien à la prétendue Supérieure de Montferrand, et que, si elle s'en va, il faudra nécessairement notre Sœur Anne-Louise en la place. Nous leur mènerons notre Sœur F. -Jéronyme et Jeanne-Françoise ; si quelques-unes leur sont propres, on leur laissera, et vous enverrons toutes les autres. Je vous prie, ma très-chère fille, faites trouver bon au Supérieur le renvoi de notre Sœur J. -Françoise ; il a été expédient de l'ôter de Bourges pour les raisons que je vous dirai.

Je voudrais bien trouver de vos nouvelles à Montferrand ; nous y serons au plus tôt, Dieu aidant, car nous espérons de partir demain d'ici. Dieu nous fera la grâce de vous conter [16] toutes les nouvelles de nos monastères. Cependant, vivez toute à Dieu.

Conforme à l'original gardé aux Archives (le la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXXIV (Inédite) - À LA MÊME

Nouveaux arrangements pour l'arrivée de la Mère Favre à Dijon.

VIVE † JÉSUS !

[Nevers], 11 avril 1622.

Ma très-chère fille, nous n'irons pas à Montferrand, ni n'aurons, pour le coup, la Supérieure ; mais j'espère qu'elle viendra incontinent après qu'elle aura reçu l'obéissance de Monseigneur ; et, partant, soyez diligente de lui envoyer ce paquet, car c'est aussi pour faire partir nos Sœurs, espérant de nous rencontrer toutes, à la fin de ce mois, à Dijon.[7] Il faudra aussi faire tenir notre Sœur Anne-Louise prête. Voilà tout pour ce coup. Je n'ai point parlé encore de notre Sœur F. -Jéronyme. Dieu vous bénisse, ma très-chère fille. Amen. Pardonnez-nous le port de ce paquet. Je vous prie, ma mie, que nos lettres soient portées sûrement et promptement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [17]

LETTRE CCCLXXV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Arrivée de la Sainte à Dijon. Empressement des habitants à la visiter. — Son exactitude à l'Office malgré la presse des affaires.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 11 mai 1622.

MA TRÈS-CHÈRE SŒUR MA MIE,

Nous voici arrivées à Dijon[8] fort heureusement, grâce à Notre-Seigneur. Dimanche, le Très-Saint-Sacrement fut exposé à petit bruit ; tout Dijon nous visite, de quoi nous nous passerions bien. Nous sommes logées en la paroisse Notre-Dame, à la Verrerie, où les dames de ce quartier sont passionnées de nous retenir ; nous ne savons encore s'il y aura moyen de les contenter. Nous sommes cependant dans un logis fort étroit, où il n'y a point de vide qu'une petite cour.

Nous vîmes M. Tachon passant à Autun ; je lui proposai la visite [régulière], le séjour de votre bonne Sœur,[9] et l'entrée de madame de Chazeron ; il me promit de me faire sa réponse : je l'attends, si toutefois il ne vous la fait tenir. Il me montra la reconfirmation de notre établissement, auquel j'ai trouvé quelque chose à dire, qu'il m'a promis de réparer comme nous voudrions. Je lui enverrai à cet effet une copie comme il le faut, avec un peu de loisir. [18]

Mandez-moi comme vous vous portez ; et, si rien ne se fait a Riom, si l'on pourrait vous tirer de là, sans rien gâter, surtout au cœur de notre très-chère Aimée [de Morville] que je salue très-chèrement, et toutes nos Sœurs, n'ayant le loisir de davantage ; car l'on m'attend au parloir, où je souffre certes, car je ne m'y aime point, comme vous savez.

Je n'ai perdu aucun Office, nonobstant leur presse, qui, j'espère, ne durera pas toujours. Ma très-chère Sœur ma mie, je suis toute à vous. Mille saluts aux amis, surtout à M. de Palierne.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Détails sur la maison de Dijon. — Espoir d'être bientôt réunies. —Sollicitude pour le monastère de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], mai 1632.

Ma très-chère fille mon enfant, nous n'avons reçu que la vôtre du 17 mars ; Dieu amènera peut-être l'autre, s'il lui plaît. Vous ne pouvez retarder votre départ plus loin que ce que vous m'écrivez, Il me tarde, certes, que vous soyez ici, où vous faites besoin, et puisque les affaires de notre chère madame de Dalet sont hors d'espoir, avancez le plus que vous pourrez. Ma très-chère fille, la maison de Montferrand vous doit reconduire où elle vous a prise, et celle de Lyon de même ; or il n'y a guère plus loin de venir ici que d'aller à Nessy ; j'en écrirai à notre Sœur de Lyon, afin qu'elle pourvoie à cela.

Nous sommes pauvres ici, grâce à Dieu ; mais toutefois rien ne nous manque, Dieu merci. Il y a une cordiale et sage veuve de bon lieu qui se veut retirer avec nous en qualité de [19] bienfaitrice ; elle donne deux mille écus, ses meubles, et s'entretiendra. Nous avons reçu deux bonnes filles et prou de prétendantes ; mais l'importance est de les bien choisir ; à mon avis, ce que vous trouverez ici vous agréera.

Nous fûmes hier, avec Mgr de Langres, pour choisir des places[10] ; nous avons peine à trouver ce qu'il nous faut, mais Notre-Seigneur y travaillera pour nous. On nous conseille de prendre patience et de nous accommoder en la maison qui joint celle-ci, laquelle est assez commode pour le commencement ; cette bonne damoiselle y emploiera ce qu'elle nous donne et plus encore, de sorte que nous serions logées pour cela, et au bout de trois ou quatre ans, si plus tôt nous n'en sortons, elle nous rendra nos deux mille écus ; chacun juge que ce parti est à notre avantage. Le mal est que le jardin est fort petit ; les cours sont fort agréables : enfin Dijon est fort serré ; on n'y a su trouver une maison de louage capable pour nous mettre. Celle où nous sommes est petite, sans jardin, ni cour, qu'une qui n'est guère plus grande qu'une table, tirée d'un bout. Je ris de bon cœur en vous disant ceci ; à quoi il faut ajouter qu'il nous faut monter au-dessus de la maison pour avoir un peu d'air ; cela ne nous empêche pas d'être gaies et contentes, Dieu merci. Et gardez-vous bien, ma grande fille, de vous dégoûter pour cela ; oh ! non, je vous prie, tout le monde qui sait que vous venez ici s'en réjouit ; mais moi, mon unique grande fille, j'ai un si grand contentement en cette espérance et attente, que je ne vous le puis exprimer. Mon Dieu, quelle douceur ! me revoir un peu avec ma toute chère fille, il me fera grand bien ; mais qui sont ces craintifs esprits qui disent qu'il ne me faut pas dire des paroles d'affection ? je ne suis point de leur parti, n'en soyez point aussi, ma fille ; nos cœurs ne pourraient souffrir cela. [20]

Mgr de Lyon a peine de ce que vous ramènerez [mots illisibles] ; ils ont tracassé je ne sais quoi de la Sœur N***. Je crains que cette maison ne déchoie fort si l'on ôte notre cadette ; ils ne l'ont point élue ; si vous pouviez faire cela en vous déposant de supériorité.[11] Voyez, en votre passage, mais n'y arrêtez guère pourtant, et me mandez encore de vos nouvelles avant que vous partiez. Et que deviendra le dessein de madame de Chazeron ? Je salue, mais très-chèrement, votre succédrice. J'ai toujours regret de n'avoir pas vu votre troupe ; je ne laisse de l'aimer et saluer très-chèrement, et les bonnes amies. Je suis enfin, mais de tout mon cœur, entièrement vôtre.

Dieu soit béni !

Je vous prie d'obtenir de nos Sœurs qu'elles me fassent cette grâce, de prier fermement et persévéramment pour mon fils jusqu'à ce qu'il soit tout gagné à Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCCLXXVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Prière de composer deux cantiques sur des sujets indiqués. — L'Introduction à la vie dévote doit guider dans l'examen de la retraite annuelle.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 1622.

Ma très-chère fille,

J'ai confiance que si votre cœur et celui de nos Sœurs se purifient bien, et se fondent tout en Dieu par un entier [21] abandonnement et confiance en sa sainte Providence, qu'il vous aidera ; mais ce n'est pas cela dont je vous veux entretenir, ayant à vous prier de nous faire deux cantiques ; que l'un soit sur la confession de notre néant, misère et insuffisance, de laquelle néanmoins l'âme se réjouira, étant consolée de ne trouver en elle aucune chose pour s'appuyer, et de se voir nécessitée de se jeter toute entre les bras de la divine miséricorde, toute consolée de n'avoir point d'autre sagesse et suffisance que la sienne, et que tout son bonheur et son salut est entre ses mains ; vous entendez bien ce que je veux dire.

Pour l'autre, je désire que vous le fassiez sur ces paroles : Que rendrai-je au Seigneur pour les biens qu'il me fait ! Que la première partie fût d'actions de grâces des incomparables miséricordes qu'il a faites à ce néant : que l'âme n'a rien, que dorénavant elle ne cherchera plus rien sur la terre que Dieu et son bon plaisir, ni prétendra rien au ciel, sinon lui. Voilà, ma chère fille, de la besogne ; faites-la moi bien, et faites que l'âme parle toujours à son Dieu tendrement et s'adresse à Lui seul.

Je vous prie, ne violentez jamais votre attention, car les fruits en sont pénibles et infructueux. Il ne faut pas non plus revoir par le menu les choses passées, sinon quelquefois confusément, pour nourrir la très-sainte humilité. Pour les examens annuels, il les faut faire fort simplement, suivant la méthode de celui de Philothée qui aidera à donner lumière. Tenez votre esprit le plus tranquille auprès de Notre-Seigneur qu'il vous sera possible ; je dis en tout temps. Vous savez mieux tout ceci que moi, ma très-chère fille.

Nous avons été reçues ici avec un grand applaudissement, grâce à Dieu. Il me semble que nous sommes comme des petits oiseaux dans un nid, sous le seul couvert et appui de la divine Providence qui nous regarde de ses yeux paternels, et qui se plaît de nous voir sans autre appui. Voyez, ma fille, si cette douce chanson spirituelle que je vous ai demandée ne viendra [22] pas à propos et sera chantée suavement. Mon Dieu, quel bonheur de vivre ainsi ! Il fâche pourtant bien à la servante, cette misérable partie inférieure, qui voudrait des choses sensibles et palpables pour s'accoiser et reposer. Ma fille, soyons toutes à ce Sauveur ; attachons-nous à Lui et à l'observance des Règles. Votre, etc.

LETTRE CCCLXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE. À LYON

On ne doit pas permettre aux séculiers de s'immiscer dans les affaires de la maison. C'est au Chapitre d'élire l'assistante. — Projet de deux nouvelles fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Ma très-chère fille,

Que vous dirai-je sur ce que vous me demandez de nos deux Sœurs ? [ce] sont de bonnes filles ; il sera plus à propos que je remette à vous en entretenir de présence que par lettres. Elles n'ont nulle disposition pour les charges d'autorité. Vous ne devez pas laisser disposer de la disposition du dedans de votre monastère à ceux du dehors ; c'est au Chapitre à élire l'assistante.

Il me semble que par ma lettre je faisais assez entendre à Mgr l'archevêque le sujet du retour de notre Sœur F. -J. [de Villette], car étant à Paris il m'en parla, et qu'elle lui avait écrit et témoignait qu'elle désirait retourner à Lyon, n'étant contente à Moulins. Le reste se dira aussi, car je ne voudrais rien celer à Mgr l'archevêque quand j'aurai l'honneur de le voir.

Je loue Dieu de vous savoir en cet état de paix ; demeurez-y très-simplement, et, tant qu'il vous sera possible, agrandissez votre courage, confiance et abandonnement en cette divine [23] Providence : c'est le lieu de repos et d'assurance ; toujours vous avez été attirée à cela.

Vous me parlez de la fondation de Saint-Étienne ; est-ce une bonne ville ? Y a-t-il des Jésuites ? car c'est grande pitié de mettre de pauvres Religieuses à ces petites villes où il n'y a point d'assistance spirituelle. Toutefois, si l'on s'y est engagé, Dieu pourvoira à tout. Mais vous me parlez aussi d'une autre fondation que veut faire madame N***. Vous ne m'en avez jamais parlé clairement. De quel côté sont ses pensées ? En quelle ville veut-elle qu'elle se fasse ? car pour la fondation de [mots illisibles], je la trouve bien suffisante avec l'ameublement. Avez-vous des filles pour fournir tout cela ? car, ma très-chère fille, il faut qu'elles soient bonnes et solides.

Il y en a encore de bonnes à Nessy ; on nous en a envoyé quatre pour cette ville. Nous y laisserons notre Sœur Anne-Marie [Rosset], et je pense que notre Sœur de Montferrand y viendra me dégager. Aussitôt qu'elle sera ici, nous nous retirerons et aurons la consolation de vous voir, Dieu aidant. Je salue toutes nos Sœurs, en particulier notre Sœur F. et notre Sœur Jeanne-Françoise à qui je ne puis écrire. C'est une bonne Sœur. Je salue notre bon et très-cher M. de Saint-Nizier, et votre madame qui veut être fondatrice.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [24]

LETTRE CCCLXXIX- À MONSIEUR DE NEUCHÈZE

SON NEVEU[12]

Il faut, en possédant les richesses périssables, ne pas se laisser posséder par elles.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 8 juin [1622],

Si je ne vous ressouviens de votre vieille tante, mon très-cher neveu, je cours fortune que vous en perdiez la mémoire ; Paris est assez grand pour cela. Je ne le crois pourtant pas ; car j'ai trop de preuves de votre bon naturel.

Mais que faites-vous dans ce grand Paris, et parmi tant d'honneurs et délices mondaines ? Oh ! je vous supplie, mon cher enfant, de vous tenir armé, tant qu'il vous sera possible, afin que la trop grande affection de ces choses-là ne touche point votre cœur. Mon Dieu ! que je hais tout cela, et n'ai-je pas raison, mon très-cher neveu, puisque nous voyons ordinairement qu'il ne reste point de pensées aux hommes, ni d'affection pour les biens éternels, tant ils s'enfoncent dans la jouissance de ces choses périssables ! Oh ! pour Dieu, mon très-cher neveu, ayez soin, mais je dis un soin très-fidèle, de votre chère âme, afin que si bien vous possédez beaucoup de ces choses temporelles, elles ne vous possèdent pas pour cela ; mais visez vilement et saintement au-dessus de tout cela. Mon très-cher neveu, c'est du cœur ce que je vous dis ; je crois que vous le recevrez ainsi ; puis, je suis de toute mon affection et serai à jamais très-désireuse de vous obtenir, si je puis, de la divine bonté, le comble de ses saintes bénédictions, afin de jouir en cette vie de sa grâce et en l'autre de sa gloire. Voilà mon souhait pour vous, mon très-cher neveu, qui suis sans fin, votre très-humble tante et servante.

[P. S.] Permettez-moi de saluer très-chèrement, le très-bon [25 M. Robert Dapanton[13] et tout le reste de votre compagnie, La chère Sœur Parise[14] prit l'habit le jour de saint Claude ; Mgr de Langres le lui donna, et fit toute la cérémonie. Elle vous salue de tout son cœur et la défunte Mère de Bourges,[15] et toute la petite famille, au nombre de neuf filles ; et, si elles osent, elles vous supplient toutes de faire la révérence de leur part à Mgr l'archevêque.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Lyon.

LETTRE CCCLXXX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Conseils pour la fondation de Saint-Étienne.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Je vous ai fait réponse, ma très-chère fille, et mandé qu'il fallait aller à Saint-Étienne, et pour cela choisir de bonnes filles qui soient zélées à l'observance et fort unies entre elles. Je suis marrie que je n'aie su plus tôt l'avancement de ce monastère, parce que je vous eusse envoyé la façon des meubles, des grilles et tournoirs ; mais il n'y a remède. Nous avons toujours [26] l'espérance de nous voir environ le mois de septembre, si notre Sœur Favre vient au temps qu'elle m'a mandé, et que nous ayons une maison ; car nous avons bien de la peine à trouver ce qu'il nous faut. Toutefois, il y a de l'apparence que dans peu de jours nous nous résoudrons d'en prendre une qui nous accommodera bien, si les espérances réussissent. Nous ferons ce que nous pourrons avec la grâce de Dieu, et nous lui lairrons le soin principal comme à Celui qui peut tout, et qui a soin de ses servantes.

Que vous avez été heureuse de voir ce vrai bon serviteur de Dieu ! Quand je serai à Lyon, avisez-moi, je vous supplie, de lui écrire. Je salue très-chèrement nos Sœurs, et surtout votre chère âme que j'aime de toute la mienne, et je n'oublie pas M. votre bon confesseur. Voilà donc un mot à Monseigneur, mais faites le tenir sûrement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXXXI (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Prudence et sollicitude de la Sainte pour une âme faible.

vive † Jésus !

Dijon, 24 juin 1622.

Ma très-chère sœur,

Je vous ai fait réponse à toutes vos lettres précédentes par M. de Murat, de Riom. Ce messager me presse si fort, que je n'ai loisir de respirer.

La bonne Sœur M. -Marguerite me demande de la faire aller à Lyon ; j'en écrirai afin que si les Supérieurs l'agréent, notre Sœur M. -J. l'y mène ; car de la faire venir ici, ce n'est pas une fille de fondation ; de la mener à Nessy, vous savez qu'il y [27] en a une qui suffit pour exercer les autres. Chaque maison a sa croix ; cette bonne fille-là ne sera pas meilleure ailleurs qu'à Moulins. Je ferai mon possible [pour] que notre Sœur la laisse à Lyon, et nous en amène une de Lyon ici, pour faciliter, sinon je ne sais [ce] que l'on pourra faire. De parler de payer sa pension, ce n'est pas cela qui met en peine, ains son seul esprit, qu'elle portera partout avec elle. Au reste, ma très-chère Sœur, j'ai bien peur que cela n'ouvre la porte de semblables tentations à d'autres, mais Notre-Seigneur aura soin de tout ; je le supplie vous bénir, et combler de toutes ses saintes grâces, et toute votre chère famille que je salue de tout mon cœur, surtout notre chère Sœur M. -Aimée [de Morville]. Je lui écrivis l'autre jour.

Ce messager ne me donne aucune patience. Jour de saint Jean.

Conforme à ['original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXXXII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Sentiments d'estime pour madame de Chevrières. — On demande des Religieuses de la Visitation dans plusieurs villes.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, juin 1622.]

Ma très-chère fille,

Il n'y a remède ; il faut envoyer notre Sœur À. -Louise [de Villars], puisque c'est le sentiment des Supérieurs de Montferrand ; celle qui demeure étant si sage et de si grande observance que l'on dit, lui profitera et sera bien auprès d'elle. J'écrirai un mot pour faire arrêter celle qui ne joint pas bien avec elle ; c'est pitié que notre faiblesse ! Mais si on la ramène, patience ; car vous savez qu'il faut [la] traiter délicatement. [28]

Je suis consolée de ce que vous m'écrivez de la fille de Saint-Étienne Puisque Notre-Seigneur a donné de si bons fondements à cet établissement-là, j'espère que le succès en sera bon. J'espère, Dieu aidant, être à vous au mois de septembre, si ma Sœur [Favre] vient comme elle me l'a écrit, et je serais bien aise de connaître les filles que vous enverrez là ; mais toutefois si une bonne occasion vous fait avancer, ne m'attendez pas. — N'avez-vous point oublié de m'envoyer une grande lettre que notre Sœur de Montferrand m'écrivait avant cette dernière ?

L'esprit humain a d'étranges extravagances : faire cette bonne Sœur N*** Supérieure, Seigneur Dieu ! qu'il y aurait à craindre ! Oh ! je ne pourrais penser qu'elle y profitât à elle, ni aux autres ; il faut bien un autre fonds.

Je suis consolée du dessein de la très-vertueuse et généreuse madame de Chevrières[16] ; son choix est bon en toutes les deux villes. Croyez que je n'ai pas moindre désir de la voir ; c'est une âme que j'ai toujours singulièrement honorée, et laquelle a des dispositions pour rendre de grands services à Notre-Seigneur. Je prierai continuellement pour elle, afin que les desseins de la divine Providence en elle s'accomplissent ; ce me serait une très-forte mortification si je n'avais l'honneur de la voir en notre passage à Lyon, et il sera bon qu'elle se tienne close en son dessein jusqu'à ce qu'il soit prêt à éclore.

Un Père Capucin nous est venu aussi parler d'aller à Villefranche ; je lui ai dit que je vous prierais de vous enquérir des [29] dispositions qui y étaient pour cela. Si c'est une bonne ville où il y ait des Pères Jésuites, ou de l'Oratoire, ou espérance d'en avoir, on y pourrait penser, voire y contribuer ; mais à ces petites villes, quel recours ou secours y a-t-il ? Et toujours, ma très-chère fille, il ne faut point recevoir de fondation que l'on n'ait des pierres bien taillées et propres aux fondements ; peu et bon, ma fille.

Non, ma très-chère, vous ne m'entretenez jamais trop, car Dieu m'a donné une si spéciale affection pour votre cœur, que le mien se console fort en vous oyant ou parlant. Oh ! vivons toujours plus purement et fidèlement, ma très-chère fille, nous fondant entièrement dans le sein de la divine volonté.

À nos Sœurs mille saluts, et à Mgr de Lyon et à M. de Saint-Nizier, si vous le jugez à propos.

Je vous prie, ma très-chère fille, obtenez-moi cette charité de nos Sœurs, qu'elles prient fervemment et persévéramment pour mon fils[17] ; que les plus unies à Dieu entreprennent cela, je les en conjure, et vous particulièrement.

Nous avons des Indulgences pour toutes nos maisons, le jour de la Visitation.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [30]

LETTRE CCCLXXXIII - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Avec quelle patience une Supérieure doit supporter les esprits difficile. — Confiance et abandon à la divine Providence. — Admission de plusieurs prétendantes et renvoi d'une autre.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 30 juin 1622.

Je vous assure, ma très-chère tille, que j'ai peine à m'ôter de l'esprit que notre N. N*** ne soit plus artificieuse que martyrisée, et je crois que si on la gourmande et néglige elle reviendra ; mais si Dieu n'y met sa bonne main, jamais elle ne fera que de la peine ; sa divine douceur y mette remède ! Voilà la lettre et ma réponse ; chose étrange que l'esprit du monde ! il faut demeurer ferme et patienter ses bouffées. J'ai reçu toutes vos lettres, vous le verrez par mes réponses.

Certes, mon enfant, il est difficile qu'en de si grandes familles il n'y ait toujours quelqu'une qui donne de l'exercice ; il y en a un si grand nombre de bonnes que c'est grand sujet de consolation. Et pour Dieu, je vous prie, ne faites point ce retour, que c'est par votre faute qu'elles n'avancent pas, cela n'est pas, grâce à Dieu, ma très-chère fille, et elles seraient très-heureuses si elles vous croyaient et vous imitaient. Enfin, je crois qu'en cela [le support des faiblesses spirituelles] gît une grande partie des croix des pauvres Supérieures. La fermeté d'esprit que Dieu vous donne à reprendre, leur servira grandement ; persévérez à ne leur rien souffrir de contraire à la perfection, car le zèle avec la douceur sert extrêmement à animer le cœur, et nous autres femmes voulons être perpétuellement excitées et poussées.

Il faut tout simplement vous dire la vérité ; que tout ce que vous m'écrivez de vous me donne grand sujet de louer Dieu ; [31] tout cela est très-bien. Allez toujours ainsi à Dieu seul. J'ai grande consolation à lire votre lettre, et surtout de voirie courage que Dieu vous donne. Mon Dieu, ma très-chère et vraiment très-chère Sœur, qui n'aimera, qui ne se confiera, qui ne se fondra pas toute entre les bras de la divine Providence, vraiment il faudrait être de bronze et tout insensible. Or sus donc, demeurons là à sa merci, qu'il fasse ce qu'il lui plaira de nous. Je ne vous saurais dire ce que je ressens pour les grâces que je vois et sais que Dieu vous fait, et me semble que j'ai grande part en cette obligation. Prêchez et annoncez continuellement à vos filles combien Dieu est doux, suave et abondant en ses miséricordes, à l'endroit des âmes qui s'abandonnent et confient entièrement à Lui.

Je suis fort aise de la petite de B***, je crois que ce sera une bonne fille si elle peut souffrir la mortification ; mais la douceur que l'on pratique chez nous la lui adoucira. Je trouve que cette veuve vous fait un bon parti ; toutefois c'est beaucoup que deux filles, il faudrait faire attendre l'une pour le grand couvent ; ne s'en parle-t-il point ? cela est nécessaire.

Bonsoir, ma très-chère fille, je suis certes tout accablée ici de visites et d'écritures. Je salue toutes nos amies, et surtout nos pauvres Sœurs de Villeneuve.

Faites voir ces lettres au Révérend Père. Je crois que s'il ne faut qu'un peu de temps pour faire cette sortie, nul doute qu'il ne faut pas refuser, et enfin ne rien dire, sinon que le Chapitre ne l'ayant pas reçue, on ne peut la garder, et souffrir avec patience le reste. Dieu conduira le tout et vous en tirerez votre profit. Ce bon Père qui vous portera ces lettres est grand ami de notre Institut, et nous a fort obligées.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [32]

LETTRE CCCLXXXIV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Elle doit procurer à sa communauté le bienfait de la visite canonique. — Ce serait donner entrée à des abus que de permettre facilement des changements de monastère.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 15 juillet 1622.

Ma très-chère sœur,

Nous envoyons à M. le grand vicaire d'Autun la copie de nos établissements, afin qu'il fasse dresser celui que Mgr d'Autun nous doit faire conformément à cela, ce qu'il me promit de faire, car celui qu'il me montra n'était nullement bien ; je lui ai envoyé aussi la copie du pouvoir que le prélat donne au Père spirituel, le tout conforme à nos Constitutions. Vous le devez prier avec toute instance d'aller ou de vous envoyer quelqu'un capable pour faire la visite [canonique], et assister à l'élection d'une nouvelle Supérieure, puisque votre temps est accompli. Je crois que si vous l'avertissez de bonne heure, il vous assistera de bon cœur.

Voilà un mot de lettre que j'écris à notre chère Sœur de Montferrand, en réponse à ce qu'elle me mande de la fille que vous désirez qu'elle amène ici. Je la supplie d'employer son crédit aussi bien que moi pour la faire tenir quelque temps à Lyon ; car de l'amener en ce nouveau monastère, il ne le faut nullement. Notre Sœur m'écrit cela même que je vous ai mandé, savoir que c'était de grande importance d'ouvrir cette porte, que plusieurs, à son exemple, seront tentées de semblables fantaisies. On peut, et il est requis quelquefois de faire de tels changements ; mais ce doit être par la prudence des Supérieurs, sans que l'on sache le sujet, et non selon le désir des filles ; c'est là mon sentiment au moins. [33]

Nous sommes dans la nouvelle maison[18] ; certes, c'est par une spéciale et visible conduite de Dieu, dont Il soit béni ! Vous pouvez penser que c'est bien et heureusement comme il est vrai. Nous bâtissons un oratoire et des parloirs, et j'espère que Notre-Seigneur donnera de quoi. Tout ce tracas m'occupe ; je ne puis écrire que pour la nécessité, c'est pourquoi je me contenterai de saluer ici notre très-chère Sœur M. -Aimée [de Morville] que j'aime, certes, très-chèrement, pour la bonté de son cœur qui est franc, cordial et plein de bons désirs. J'aime aussi toutes nos pauvres Sœurs qui sont autour de vous, de tout mon cœur, et vous plus que toutes, ma très-chère ancienne fille et vraie amie ; mais cette vérité est écrite en lettres d'or. Bonjour [à] toutes [et] aux amis.

Envoyez mes lettres. Pour Dieu, faites mon paquet pour Bourges. Je n'ai loisir d'enfermer ni trier les lettres.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXXXV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Projet d'une fondation à Marseille. Conseils pour celle de Saint-Étienne — Il est certaines âmes qu'on ne doit pas presser dans le chemin de la perfection.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 27 juillet 1622.

Je vous écrivis l'autre jour, ma très-chère fille : Marseille est une bonne ville qu'il ne faut pas éconduire, et pourvu que ces cinq filles aient l'esprit bien fait, et par ce moyen leurs cinq [34] mille écus assurés, il me semble que cela suffira pour le commencement ; puis, j'estime beaucoup que ce soit par l'entremise des Révérends Pères Jésuites que celle affaire se pratique ; car ce sont personnes sages et pleines de piété. Envoyez hardiment les Règles ; car les confiant entre leurs mains, ils en sauront bien user. Nous pourrons, à notre passage, savoir encore mieux les dispositions, afin que d'après cela on pourvoie à ce qui sera requis. De notre part, je voudrais que la fondation ne pressât point.

Si vous jugez que l'on veuille mettre une autre en votre place à Lyon, et que l'on se serve, pour cela, de vous envoyer à Saint-Étienne, obéissez ; mais ne vous y engagez nullement, et n'y prenez point le nom de Supérieure ; ains, menez-en une avec vous que vous déclarerez être cela, lui donnant toutes les connaissances et autorités, comme je fis à notre Sœur Péronne-M. [de Châtel] à Grenoble, où je ne demeurai que six semaines, et faites en sorte que vous soyez de retour à Lyon à notre passage, qui sera sur le commencement d'octobre, Dieu aidant ; car, en ce cas, nous vous emmènerions à Nessy, pour vous envoyer de là à Marseille, après vous avoir gardée quelque temps.

Certes, si la fille que l'on a tant d'envie de faire Supérieure en était capable, j'en serais fort aise. Je remets le tout entre les mains de Dieu, que je supplie avoir soin de la conservation de cette maison-là.

Ma fille, je n'ai pas le loisir de vous répondre maintenant sur la conduite de ces humeurs bizarres, et aussi bien je vois que l'esprit de Dieu vous conduit en votre gouvernement. Ayez un grand support et douceur ; tenez ces esprits-là contents ; ne les pressez pas, cela profitera plus que toute autre méthode, et elles auront par ce moyen la vraie disposition pour recevoir les lumières de Dieu, qui enfin les affranchira de leurs imperfections plus tôt que tous nos empressements ne sauraient faire. [35]

J'ai peine à lire vos lettres, cela me dérobe du temps ; prenez garde, ma fille, à mieux écrire. Je n'ai su entendre quel mémoire vous demandez. Dieu vous bénisse ! Je suis toute vôtre.

[P. S.] Je vous obéis, ma fille, voilà une grande lettre pour Mgr l'archevêque, mais mal digérée. Si vous jugez qu'elle soit bonne à lui présenter, faites-le, sinon, rompez-la.

Je pense que la très-bonne madame de Chevrières pourrait bien amener ici notre Sœur de Montferrand, au moins depuis Mâcon, et me ramener. Je laisse cela à votre conduite. Je suis, certes, accablée d'écritures. Dieu soit béni !

Écrivez à la Supérieure de Moulins qu'elle écrive à Mgr l'archevêque sur ce changement, sans lui parler toutefois que j'ai parlé au grand vicaire d'Autun pour leur visite.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLXXXVI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Dispositions intimes de la Sainte. Elle désire que ses filles tiennent leur cœur eu paix au milieu des contradictions.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Ma très-chère fille,

Je viens de lire et chanter votre beau cantique, duquel je vous remercie de tout mon cœur. Vous ferez l'autre à votre loisir. Le sujet est d'une âme qui est entièrement dépouillée en la présence de Dieu, et a laissé tous ses vêtements à ses pieds sacrés, et s'est retirée dans le sein de la divine Providence, pour y vivre à jamais en une très-parfaite solitude, simplicité et nudité de toutes choses créées, ne réservant aucun soin ni désir [36] que d'être auprès de son unique Bien-Aimé. Dieu vous fasse jouir du bonheur de cet état, afin d'en pouvoir faire le divin cantique que je désire, par les doux entretiens duquel peut-être ma chétive âme, tout environnée du tracas de diverses peines et appréhensions, se pourra ravigorer. Mais pour ce que je vous dis, ma chère fille, n'en prenez point d'alarmes, oh ! non, je Vous prie ; car, grâce à Dieu, l'esprit supérieur est toujours sur pied et prêt à tout ce qu'il plaira au Seigneur.

Ma fille, tenez votre esprit le plus doux et joyeux qu'il vous sera possible, et celui de vos filles. Croyez-moi, dévorons ces menues et fréquentes contradictions, même les plus grandes, sans en recevoir aucun chagrin. Vraiment, il nous doit peu importer que les choses temporelles renversent, mais il nous est de grande importance de tenir nos cœurs en paix, en repos et en tranquillité ; faisons-le donc au péril de tout.

Mais, au cantique, il ne faut pas oublier de montrer au Sauveur notre faiblesse pour cette sainte persévérance, et le prier de nous la donner, afin que jamais, pour chose quelconque, nous ne perdions le doux repos de nos âmes entre les mains de sa bonté. Amen. Votre, etc.

LETTRE CCCLXXXVII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Dans les ténèbres intérieures, s'abandonner à la Providence sans retour sur soi-même. — Changement d'une directrice. — Accident arrivé à M. de Toulonjon.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, juillet 1622.]

Véritablement, ma très-chère fille, il m'a fait fort grand bien d'avoir reçu de vos nouvelles ; car, quelque négligence que vous ayez de m'en mander, cela ne m'en fait point perdre le [37] goût, non plus que vos imperfections ne nous empêcheront pas de vous voir de bon cœur et d'être bien aise quand j'arriverai vers vous, et n'ayez pas peur que ce que vous me dites m'en dégoûte. Or sus, Dieu soit béni ! vous tirerez plusieurs bons profits de la grâce que vous avez faite à madame de Pressin, et surtout j'espère que son âme en vaudra mieux tant qu'elle vivra.

Nous verrons à notre passage si c'est opinion ou vérité, le jugement que vous faites de notre Sœur N***. Il ne sera qu'à propos, en tout cas, d'en dresser quelque autre à cette charge. Je ne plains nullement les filles qui sont sous votre charge, quand bien elles n'auraient point de directrice ; et, nonobstant tout le mal que vous me dites de vous, Dieu vous tient en courage et confiance, et vous fait marcher sur la fine pointe de votre esprit ; que voulez-vous davantage ? Contentez-vous, cela vaut mieux que toutes les autres vertus ; il ne satisfait pas l'amour-propre, mais il contente Dieu ; c'est assez.

Voilà ce que je réponds à votre lettre du mois de juin ; je prends la dernière. Croyez-moi, ma très-chère, ces filles n'étaient pas bien appelées, ou du moins n'avaient pas l'esprit ferme pour notre Institut. Il nous faut en tout laisser gouverner à la divine Providence. Je vois que vous êtes toujours exercée dans les méfiances et dégoûts de vous-même ; pour Dieu ! ne vous regardez pas tant, ni votre maison ; Notre-Seigneur est content et vos Supérieurs, n'est-ce pas assez ? Vous le voudriez être aussi, mais il ne plaît pas encore à sa Bonté de vous dessiller les yeux. Continuez à marcher à l'aveugle ; il suffit que les fruits de votre travail soient bons. Enfin, vous tourmentez trop votre pauvre esprit, et voulez une perfection pour vous et pour les autres qui ne se trouve pas [en cette] vie. Allez à la bonne foi, grosso modo ; vous ne pouvez pas être recueillie ni faire tous les exercices comme si vous n'aviez à faire qu'à vous tenir dans votre cellule. Tirez de votre pauvreté et de celle des [38] autres le riche trésor de l'amour saint de votre abjection, et ne vous tourmentez de rien qui puisse arriver. Unissez-vous à Dieu eu tout sans exception.

Si vous voyez que les âmes reçoivent déchet de l'incapacité de la petite Sœur N***, et qu'elle ne puisse [pas] utilement les servir jusqu'à la fin de l'année, déchargez-la hardiment, car, quoique l'autre soit plus douce, l'utilité doit être préférée. Que si vous jugez à propos qu'elle aille jusqu'à la fin de l'an, donnez-lui pour assistante celle que vous jugerez plus capable de faire cette charge ; car, en se dressant, elle servirait déjà les novices.

Conseillez-vous à votre chère Sœur de Granieu pour la récompense que vous jugez devoir être donnée à madame de la Murat. Je la salue de tout mon cœur, cette chère Sœur, et le très-bon M. d'Aoste, et toutes nos pauvres Sœurs.

Mon fils de Toulonjon a été blessé d'un coup de mousquet au travers du corps ; l'on tient qu'il est hors de péril, Dieu merci, Ma fille est accouchée d'une fille.

Mon Dieu, ma très-chère fille, que j'ai d'aise en l'espérance de vous voir ; confortez votre cœur, il est bon et agréable à Dieu, et le service que vous rendez est utile, dont la seule gloire soit à ce divin Sauveur ! Je suis toute vôtre sans réserve.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [39]

LETTRE CCCLXXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Estime pour la comtesse de Dalet, — Entrée de la présidente Le Grand au monastère de Dijon. — Il faut être très-réservée à recevoir des petites filles. — Avantages de l'état de pure foi. — La Supérieure doit puiser ses principales lumières pour la direction dans les Entretiens de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], jour de saint Laurent [1622].

J'ai été tout aise de recevoir de vos nouvelles, ma chère fille, car enfin vous êtes la grande fille de mon cœur.

Je prie Dieu qu'il console la chère madame de Dalet : certes, cette âme ne se peut assez estimer, ni assez servir ; je bénis Dieu qui vous l'a donnée.[19] S'il survient des obstacles en son affaire, et qu'il soit nécessaire que vous demeuriez sans pouvoir l'assurer du temps de votre départ, je vous prie de le faire savoir à Monseigneur et à moi ; mais si vous pouvez venir dans le mois de septembre, mandez-le moi seulement, car une [40] infinité d'affaires me pressent sur le chemin, et il faudrait faire nouvelle disposition ; vous verrez après ensemble à quoi vous en serez. Par Lyon, vous pouvez me faire savoir de vos nouvelles.

Notre petit oratoire s'avance : dans le mois de septembre, vers le 15, je crois que tout sera fait. Notre bienfaitrice est entrée, [ce] qui fait crier le monde, mais c'est un bon cœur de femme tout à fait franc. La bonne madame la présidente Le Grand, vieille de soixante-douze ans, s'est jetée céans avec une ardente charité et une détermination d'humilité nonpareille. C'est une femme de qualité, fort robuste pour son âge et très-vertueuse ; tout le monde en pleure ; de sorte que vous en trouverez des vieilles et des jeunes, si vous venez, ce que je désire grandement, et l'on vous attend de bon cœur ; tous ceux qui vous connaissent s'en réjouissent, surtout. Mgr de Bourges et les neveux.

Et ma fille, son mari[20] a eu un coup de mousquet au travers du ventre, et par miracle, ce dit-on, il en est échappé ; priez toujours pour eux, car ils en ont besoin.

Il n'y a rien d'écrit dans les Constitutions pour les jeunes filles, mais pourtant on n'en reçoit pas ; néanmoins, attendez ce qu'on en résoudra. Si ces deux sont de bons naturels, et désirent d'être Religieuses, vous les pourrez prendre avec licence du prélat ; mais véritablement, le moins que l'on s'en pourra charger, je pense que ce sera le meilleur.

Je suis bien aise que nos filles n'aillent pas par la voie des tendretés : l'esprit de vaillance et de force est le meilleur ; mais il faut avoir bon courage et grande fidélité, afin d'opérer avec la pointe de l'esprit tout ce que Dieu veut de nous. Cette [41] voie n'est pas si agréable à la nature, mais elle est plus selon la grâce, et un acte fait ainsi en vaut cent. Pourvu que la Supérieure que vous laissez entende ceci, comme il me semble qu'elle fait, elle est assez savante, puisqu'il y a dans les Entretiens de Monseigneur tout ce qui se peut désirer pour la perfection : cette doctrine est admirable. Adieu, je suis pressée ; donnez-nous au plus tôt les bonnes nouvelles de votre venue. Je crois au moins que madame de Chevrières vous pourra amener ; elle est à Mâcon. Vous savez bien, et il est vrai, que je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la-Visitation de Chambéry.

LETTRE CCCLXXXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Annonce de la fondation de Belley ; celle de Marseille sera peut-être différée. Affaires d'intérêt. — Nouvelles de famille.

VIVE † JÉSUS

Dijon, 10 août 1622.

Vous avez beau vous plaindre de moi, ma très-chère fille, si ai-je répondu à toutes vos lettres, et ne sais que vous dire, sinon que, comme vous savez, nos Religieuses vont à Belley, de sorte que je crains, comme je vous ai déjà mandé, que si l'affaire de Marseille continue, il en faille différer l'exécution quelque temps ; toutefois, vous verrez ce que Monseigneur mandera, et puis, à notre passage, nous verrons les filles que nous avons. Je voudrais que vous écrivissiez à M. votre père et à votre frère qu'ils fissent raison de votre dot ; mais un peu fermement. Ils veulent réduire tout le principal et grande somme des arrérages à deux mille florins ; autrement, disent-ils, ils ne payeront pas. Que le monde est fâcheux, ma fille ! [42]

Voilà des lettres pour Montferrand ; vous les prierez de vous mander à l'avantage quand elle [la Mère Favre] pourra être à Lyon, afin de nous le faire savoir ici. Adieu, ma fille, et à toutes vos chères filles. Vous le savez, et il est vrai, que je suis vôtre.

Faites tenir ma lettre à Monseigneur. M. de Toulonjon est hors de péril de sa blessure, et ma fille, accouchée d'une fille heureusement, grâce à Dieu.[21] Jour de saint Laurent.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXC - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

De quelle prudence user dans la direction des âmes. — La perfection des filles de la Visitation est toute tracée par leur Règle. — Il faut être courte aux conférences spirituelles et au parloir.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, août 1622]

Dieu soit béni, ma très-chère fille, qui tient votre cœur en courage parmi les petites difficultés et exercices que nos bonnes Sœurs vous donnent. Il faut tenir le cœur de notre Sœur N. au-dessus de ces niaiseries, et lui dire ses défauts avec une affection cordiale qui la rehausse et l'encourage à mieux, de même aux autres professes, et ne leur permettre nullement de suivre leur humeur. Faites-leur fort lire les Entretiens de Monseigneur, et les corrigez, comme votre Règle dit, fermement, assurément, quoique doucement, leur témoignant toujours que la raison et le zèle vous conduisent et non pas la passion ; car vous devez faire ainsi. [43]

Si cette fille qui a des hypocrisies n'est de très-bon esprit, et que Dieu ne la change et touche à son intérieur, elle ne doit point faire profession ; mais travaillez pour la gagner à Notre-Seigneur, s'il se peut, dont je doute, sans une grâce extraordinaire ; mais il la faut garder pourtant, sans lui rien faire connaître de la mettre dehors, jusque sur la fin de son noviciat. Je suis grandement marrie de la fille de M. N*** ; car, à ce que vous me mandez, je la crains mélancolique, ce qui serait une mort ; faites fort prier pour elle, et ne lui nourrissez pas ces niaiseries. Pour l'amour de Dieu, choisissez de bonnes filles, et ne regardez point tant au bien. Il faut parler au médecin pour celle qui est punaise, et faire ce que la Règle dit ; car, ma fille, il faut suivre cela ponctuellement. C'est à votre Père spirituel de vous conseiller là-dessus, et non au temporel ; mais il le faut écouter sans lui demander conseil en ce sujet. Je vous prie, mon enfant, aimez bien vos Règles. Il ne vous saurait guère arriver des difficultés que vous n'y soyez conseillée [dans vos Règles] comme vous vous y devez comporter ; et pour le spirituel, n'importunez point de demandes, ni ne le laissez faire aux filles, sinon quand votre Règle, vos Directoires et les Entretiens vous manqueront : vous trouverez votre chemin tout marqué là-dedans. Je vous enverrai bientôt le Directoire. Il les faut suivre tous et celui de la réception à l'habit. Enfin, croyez-moi, nourrissez-vous et vos filles de votre propre pain.

Je trouve les Jésuites bien sages de vouloir être courts, et il le faut ainsi ; ce n'est qu'un amusement d'amour-propre de tant parler. Je suis d'avis que vous soyez aussi courte au parloir, afin d'être en votre communauté tant qu'il se pourra ; surtout suivez les Offices. Cheminez comme vous avez accoutumé, ma très-chère fille ; faites tout pour Dieu, en esprit de repos et de tranquillité. Non, n'ayez point de soin superflu ; faites tout ce que vous pourrez, doucement, et vous confiez pleinement à Dieu, le regardant en toutes vos actions. [44]

Écrivez hardiment et cordialement à la Supérieure de Moulins, car elle ne fait rien contre vous, elle aimerait mieux mourir ; il faut nourrir l'union des cœurs et des maisons. Dieu soit notre cœur, ma très-chère fille ; au reste, je ne vous appellerai plus ma fille que par échappée, car le Directoire dit que les Supérieures s'appelleront Sœurs, mais pour cela vous ne laisserez pas d'être toujours la très-chère fille de mon cœur.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCXCI (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Le dépouillement intérieur est la voie royale. —Ne jamais accorder de privilèges aux bienfaitrices religieuses. — Maternelles recommandations pour deux Sœurs éprouvées. — On ne doit pas sortir des assemblées de communauté sans permission. — Mort du cardinal de Retz.

vive † JÉSUS !

[Dijon], 25 août [1622].

Ma très-chère fille,

Ce doux et béni Sauveur soit éternellement la joie et la force de votre cher cœur, que le mien aime plus entièrement que je ne saurais vous dire ! Je vois que cette infinie bonté vous veut avoir dépouillée et nue de tout ce qui n'est point Lui ; ne lui résistez point, ma fille, ni par aucune crainte, ni par désir, ni par soin, ni d'aucune autre manière, mais délaissez-vous sans réserve à sa merci ; si même il plaît à sa bonté vous ôter toutes sortes de vues, même de la foi, laissez-vous dépouiller comme il lui plaira ; mais vous n'êtes pas encore à cette extrémité de dénûment. Peut-être que Notre-Seigneur vous lairra toujours quelque petite prise, comme je vois qu'il fait, mais s'il les ôte, acquiescez, et vous suffise [de savoir] qu'il vous reste toujours le pouvoir de dire résolument : Credo, et qu'il fasse tout ce qu'il lui [45] plaira, et cela sans goût ni satisfaction ; cette voie est royale. Voyez le petit traité de l’Abnégation intérieure, et vous souvenez de me l'envoyer. Demeurez ferme en votre confiance, quoique insensible, que Dieu sait la mesure de vos forces et des épreuves qu'il vous veut faire... [mots usés] ; mais allez de tout en avant, et à Dieu, sans vous travailler pour chose quelconque, même pour l'oraison.

Tâchez d'ôter à ma Sœur assistante cette niaiserie de tentation, je lui en ai déjà dit un mot ; portez-la tout à la générosité. J'honore singulièrement le Père N., je lis avec grande consolation sa prédication, qui est, certes, tout à fait selon mon goût. Vous faites fort bien de faire exercer toutes les Sœurs à travailler, chacune selon sa portée ; elles s'en porteront mieux. Je serai fort consolée si la petite Sœur Marie-Louise guérit ; Notre-Seigneur le veuille ! Il faut fort encourager notre Sœur M. -M., car cette fille sera capable de quelque chose de bon, si elle s'évertue [si elle prend un grand courage]. Je suis marrie du peu de courage de notre pauvre Sœur de Dampierre ; mais il lui en viendra. Je crois qu'elle sera bonne partout, et qu'elle profitera toute sa vie d'avoir été céans. Certes, je désire bien fort que l'affaire de notre chère madame de Dampierre réussisse. Dieu y fasse sa sainte volonté ! Si M. de M. et M. Berger l'entreprenaient, ils en viendraient à bout.

Je pense que c'est une imagination que le désir de Sœur domestique en notre Sœur N*** ; toutefois, il s'en faut conseiller ; si elle y persévère [mots coupés). Vous faites bien de craindre l'altération de ces esprits un peu violents, comme celui de notre Sœur M. -Hélène, mais parlez-en au confesseur, afin qu'il tranche, car, à mon avis, il y a de... [mots coupés]. Il faut que les parents sachent qu'après la profession on peut envoyer leurs filles ailleurs, aussi bien [le fait-on] aux autres Religions. — Si la fille de Picardie est propre, j'aimerais mieux qu'elle donnât moins, et qu'elle entrât en qualité de [46] simple Religieuse. Il n'y a rien en notre Institut qui ne soit facile pour le corps, eu égard à la charité qui s'exerce. Je ne voudrais donc jamais, si je pouvais, donner des privilèges à celle qui prétendra à la sainte profession ; demandez au Révérend Père. Je salue toutes nos chères Sœurs de tout mon cœur, surtout notre chère petite Angélique, mesdames de Dampierre et de Villeneuve, et les autres amis et amies. — Mon enfant, je suis certes toujours plus, ce me semble, tout entièrement vôtre. Dieu soit béni ! Au Révérend Père mille saluts ; je l'honore de tout mon cœur. — Je vous supplie, ma très-chère Sœur, d'envoyer à Port-Royal, avec nos lettres, les Directoires des novices et de la directrice. Monseigneur veut qu'on leur communique tout.

[P. S. ] Mon enfant, j'avais écrit cette lettre quand votre lettre est arrivée. Je suis en peine de votre mal. Soyez absolument obéissante pour votre soulagement. Vous me dites que notre Sœur Claire-M. [Amaury] est travaillée aussi comme notre Sœur M. -Louise. Mon Dieu ! ayez soin, s'il vous plaît, de ces petites âmes-là qui sont toutes bonnes. J'espère toujours plus de grandes bénédictions pour vous et pour ces âmes innocentes, et pour tout le couvent qui est affligé avec elles.

Hélas ! que je ressens la mort de notre bon seigneur cardinal [de Retz]. Voilà, ma fille, les grands tombent comme les petits. — Vous vous êtes fort sagement conduite pour la petite de Villeneuve. Mon Dieu ! soyez toujours ferme pour ces bénites Règles. Non, il faut que la coadjutrice demande toujours congé pour aller voir la Supérieure malade, car personne ne doit sortir des assemblées sans congé, et, si celle qui doit présider est coadjutrice, elle doit, tant qu'elle pourra, remettre sa visite à un autre temps.

Nos cellules sont fort bien. Je suis bien aise de ce que vous envoyez les affaires à nos Sœurs. Elles m'ont écrit que le port de leur calice et custode avait coûté onze francs jusqu'à Lyon ; [47] il y a de l'excès et... [mots illisibles]. Monseigneur est toujours à Turin ; il a été malade encore une fois,[22] et ne pense pas qu'il retourne sitôt [mots illisibles]. J'ai vu par hasard celle de M. Amaury ; pour Dieu, ma fille, faites-lui mes excuses ; certes, je ne puis écrire. Je l'honore avec souvenance de ses biens. Adieu, je salue tous, et surtout votre chère âme.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Clermont.

LETTRE CCCXCII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

MAÎTRESSE DES NOVICES. IV PREMIER MONASTÈRE DE PARIS[23]

Maladie de la Mère de Beaumont ; comment la soigner et observer la Règle. Avis pour la direction de quelques novices.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Ma très-chère fille,

Je vous vois tout alarmée du mal de notre chère Sœur, votre bonne Mère Supérieure ; mettez votre cœur en paix, et vous confiez fermement à Dieu qui ne lui donnera pas plus grande charge qu'elle ne pourra porter. Elle vous est trop nécessaire pour vous l'ôter ; mais il faut souffrir doucement de la voir [48] traîner encore, et est-ce grande grâce de ce qu'elle ne tient pas le lit. Je crois que du repos lui ferait plus que les médicaments, et qu'on la soulageât pour un temps de parler. Enfin, il faut être prête à recevoir tout ce qui plaira à Dieu ; s'Il nous ôte une Mère, Il nous en donnera une autre ; mais sa Bonté ne le fera pas. Il a bien fallu que nos autres couvents aient vu souvent leur Mère plus malade et longuement. Il y a un peu d'amour-propre et d'empressement en cela ; dites-le à votre Sœur l'assistante, et que l'on s'en tienne en repos, laissant le soin à Dieu et à celles qui le doivent avoir. Les Entretiens de Monseigneur vous fourniront prompts avis ; et puis, ne faut-il pas avoir son secours et confiance à Dieu, en nos besoins ? Demeurez en paix, ma fille, et que l'on retranche ce parler en particulier, sinon pour nécessité, cela n'est qu'enfance et vain amusement.

C'est une âme qui m'a toujours fort plu, que notre Sœur J. -Élisabeth, et si elle est fidèle à Dieu et à retrancher ses discours, Dieu la conduira bien avant. Notre Sœur Claire-Marie recevra de grandes grâces de Dieu, si elle a patience et courage ; Dieu l'épure dans le creuset de la tribulation. J'espère en sa bonté qu'elle en sortira toute nette, et la petite Sœur M. -Louise ; mais il faut qu'elles tiennent leurs cœurs en courage et en joie sainte ; elles me font grande compassion ! Il les faut grandement soulager, sans toutefois les laisser tremper en aucune opiniâtreté. [49]

L'état de notre Sœur F. -Madeleine est très-bon ; j'espère qu'elle réussira bien si elle persévère. Son exercice est bon, et il y a apparence que Dieu dispose celle âme-là pour lui et pour son saint service. Je redoute l'esprit de notre Sœur M. -Agathe ; il y a de l'imagination, et je ne sais quoi de couvert. Faites-la parler à quelque personne capable qui vous aide eu cela ; le Père Suffren sera bientôt à Paris, ou au Père Gibbeux. Il faut bien éprouver celle prétendante avec ses lumières ; la soumission est la pierre de touche ; faites-la voir aussi à ces Pères.

Il ne faut point éplucher les soulagements que la Supérieure prend, ni lui dire les pensées que l'on en a ; ce sont des extravagances. Si elle ne se soulageait pas, on en murmurerait ; chose étrange que notre esprit, quand nous lui permettons de discourir ! Je conseille à ces bonnes Sœurs de demeurer en paix.

Pour ce qui vous regarde, ma très-chère fille, votre chemin est très-bon ; continuez à ne chercher simplement que Dieu en toutes choses, et à lui rapporter tout ; cette voie est celle du ciel. On dira ce qu'il faut que la maîtresse fasse pour les coulpes ; cependant allez le train ordinaire. Laissez liberté aux novices de parler de vous, pourvu qu'elles ne disent rien de répréhensible. Vivez toute généreuse et gaie en votre occupation, ma très-chère fille, et ne craignez jamais de m'importuner, car, en vérité, votre cœur m'est précieux et je suis vôtre sans réserve. Dieu soit béni. Mille saluts à toutes nos Sœurs novices, que j'aime très-chèrement. Nourrissez-les fort dans l'esprit d'humilité.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [50]

LETTRE CCCXCIII - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION d'ANNECY.

Prochain départ de Dijon. — Nouvelles de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Mon cher Père,

J'en serais bien marrie si nous n'avions le bien que vous soyez notre conducteur pour notre retour ; toutefois, il se faut en tout accommoder doucement avec la volonté de Dieu. Nous ne pouvons pas partir d'ici avant le mois d'octobre ; car notre bonne Sœur de Montferrand ne viendra, à mon avis, que vers le 15 ou 20 de septembre, encore n'en est-on pas trop assuré, car la moindre chose qui peut arriver, avec l'opinion de madame de Montfan,[24] la peut faire arrêter ; mais je crois que de tout elle avertira Monseigneur, qui disposera selon les occasions, ainsi qu'il lui plaira ; Dieu, par sa douce bonté, le conserve heureusement ! Je suis bien aise qu'il ne se mette point en chemin que les chaleurs ne soient passées. Certes, il me tarde bien de le revoir, mais il faut attendre le temps que Dieu a ordonné pour cette consolation. Cependant, mon cher Père, priez toujours pour nous, et me tenez pour vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni ! Amen.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [51]

LETTRE CCCXCIV - À LA SŒUR ANNE-CATHERINE DE SAUTEREAU

À GRENOBLE[25]

La fidélité aux exercices de sa vocation est préférable aux extases et aux ravissements.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Je révère et adore de tout mon cœur les voies de Dieu en vous. O ma très-chère fille, qu'un bon et sage Maître vous conduit ; marchez avec une très-humble assurance en sa voie, et quoiqu'elle soit pleine de difficultés, ne craignez point, tout se fait ainsi pour votre profil et pour vous épurer comme l'or dans le creuset. J'admire la douceur de ce divin Maître, et comme II attira et fortifia votre cœur au commencement, afin qu'il ne manquât point, et qu'il supportât le fort de ces différents orages, par lesquels il le voulait éprouver et affranchir de lui-même et de son propre amour.

Estimez, ma très-chère fille, et surestimez la grâce qui vous a été conservée, d'opérer toujours et sans négligence les exercices de religion et le contentement de votre vocation ; cela vaut mieux que d'être ravie bien souvent ; c'est là la voie royale que [52] de cheminer ainsi sur la fine pointe de l'esprit par une déterminée résolution.

J'espère que Dieu vous donnera bientôt la paix parmi la guerre ; abandonnez-vous sans réserve à la merci de sa Providence et demeurez là coite et immobile, souffrant patiemment la diversité des coups, opérant toujours à votre accoutumée, mais faites le moins de réflexions qu'il vous sera possible sur ce qui se passe en vous. Dieu bénira votre cœur, ma fille, et sa simple simplicité à se découvrir. Plût à Dieu que je fusse digne de vous servir, je le ferais d'une affection entière ; rien ne vous saurait manquer auprès de votre bonne Mère et maîtresse. Priez pour moi, ma fille, qui suis si entièrement votre très-humble sœur et servante en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron

LETTRE CCCXCV - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

L'autorité du Père spirituel est limitée par la Règle et les Constitutions. — Faire la correction avec humilité et douceur. — Conduite à tenir envers une prétendante dont la vocation est incertaine. — Que les Sœurs aient une tendre dévotion à Notre-Dame, et prient pour la sainte Église et pour Genève.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Mon Dieu ! ma très-chère fille, ce que vous me dites est si absolument dans la Règle qu'il ne se peut davantage. Vraiment, le Père spirituel n'a aucun pouvoir de faire recevoir ni rejeter une fille, ni de faire aucun changement en la manière de vie ; son autorité est renfermée dans les Règles et Constitutions ; aussi, certes, n'en avons-nous jamais trouvé qui veuillent franchir cela. Regardez bien vos Règles, ma fille, vous trouverez ce que je vous dis. Monseigneur y a fort peu ajouté, [53] quelque chose toutefois, vous le verrez quand elles seront imprimées. Ma fille, mon enfant, je vous prie et vous conjure et toutes nos chères Sœurs de vous attacher inviolablement à l'observance ; qu'on lise bien, qu'on entende bien, et qu'on soit fidèle et exacte à observer.

Pour cette bonne fille, je n'en puis donner jugement assuré ; si elle a de l'humilité et de la disposition pour persévérer en notre Institut, elle se soumettra doucement et de bon cœur à votre retardement. Puisque toutes les Sœurs lui veulent faire la charité de lui donner du temps pour son amendement, et qu'elles jugent qu'il doit se faire ainsi, je crois qu'il le faut faire, et puis l'aider avec tout l'amour et douceur qui se pourra ; car, ma très-chère fille, il faut corriger avec tant de cordialité que les filles soient contraintes de nous aimer comme mère et non comme maîtresse. Ma fille, plus je vais avant, plus je connais qu'il faut que tout se gouverne avec une extrême douceur et patience : point de sécheresse, point d'impétuosité, point de sentiment, même en corrigeant. Si l'on en a, je voudrais différer de parler et de corriger, enfin il faut convaincre les filles à force de douceur et de support.

Croyez, ma très-chère fille, que, si nous rendons bien notre devoir à Dieu et à notre cher Institut, Dieu nous donnera de grandes bénédictions. Faites que nos Sœurs aient une tendre dévotion à Notre-Dame et qu'elles prient avec soin pour l'Eglise, surtout pour la réduction de Genève, que l'on va assiéger. Je les salue, etc.

[P. S.] Je viens de recevoir votre dernière lettre, que cette bonne femme m'a apportée. Je ne sais qu'ajoutera ce que je vous ai dit de cette bonne fille : il semble, par ce que vous m'en dites, ma très-chère fille, que ce soit elle qui se veuille retirer. Si cela est, et qu'elle n'ait pas de la solidité et disposition pour prendre notre esprit, je la laisserais aller, m'essayant seulement de gagner son cœur par cordialité, afin qu'elle ne quittât pas [54] l'amitié qu'elle doit avoir contractée avec la maison ; mais si elle a de bons talents, je la voudrais gagner à Notre-Seigneur et la fortifier contre ces petites faiblesses, lui donnant du temps pour cela. Ma fille, vivons tout à Dieu, selon nos Règles. Je suis votre, etc.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCXCVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Désir de rentrer directement à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 8 septembre [1622].

Ma fille, Dieu soit au milieu de votre cœur. J'attends tous les jours notre Supérieure de Montferrand,[26] mais je crois que vous en saurez des nouvelles premier que moi, et j'en attends de vous aussi, et lui dites qu'elle écrive dès Lyon à Monseigneur, et faites savoir à la Supérieure de Valence et de Grenoble, et à vous aussi, que je ne vous verrai point, sinon que Monseigneur [55] ne me le commande, ce que je crois qu'il fera facilement. Très-humble révérence à Mgr l'archevêque, à M. de Maussac et à notre Sœur F. -. Jéronyme [de Villette], et à tous.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXCVII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

La Supérieure et la directrice doivent avoir un cœur large et dévoué. — C’est faire tort aux monastères de les charger de sujets tout à fait incapables.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 19 septembre 1622.

Je vous assure, ma très-chère fille, que vos grandes lettres me sont très-agréables, et le récit que vous me faites par le menu de votre conduite, surtout en ce qui regarde votre Sœur N***, m'a fort consolée, et certes j'y profite. C'est la vérité, si je ne me trompe, qu'il manque quelque chose à cette bonne Sœur pour être parfaite directrice et Supérieure, qui est une certaine latitude de cœur et [mots illisibles] ; mais elle est si humble, que je crois aussi qu'employant fidèlement son talent, Dieu la bénira. Ce petit changement aidera à lui ouvrir l'esprit ; mais surtout il faut ne point tenir les âmes rétrécies, mais les conduire avec grand amour ; que si elles ne sont pas menées [56] par là, elles ne feront rien qui vaille et marcheront en travail et en peine.

Il est vrai, c'est faire tort aux monastères de les charger de filles tout à fait incapables ; n'étant propre pour ce que vous l'avez reçue, je la renverrais doucement, puisque vous voyez que c'est le sentiment de toutes les Sœurs. Conférez-en avec M. votre bon Supérieur, afin d'en décharger votre cœur. Et je suis de votre sentiment, j'aimerais mieux en prendre une qui n'eût rien que de bons talents et capacité de corps et d'esprit, et de celles-là il s'en trouve quelquefois. Madame de Port-Royal m'a écrit qu'il y en avait une qui avait peu de moyens [temporels], mais grande disposition pour notre esprit ; je lui ai mandé les talents que je lui désirais ; que si elle les a, nous aimerions de la loger. Bref, il faut tendre là ; car toujours il se trouve de l'argent [et] rarement de bons esprits.

Votre chemin me plaît toujours davantage, encore que vous le voyiez affreux quelquefois ; Dieu veut être ainsi servi de vous. J'espère que bientôt, Dieu aidant, nous en parlerons à loisir ; certes, ma très-chère fille, ce me sera grande consolation. Je crois que vous aurez soin de faire que Monseigneur nous commande de vous voir ; car, s'il l'oubliait, cela me tiendrait en peine.

Adieu, ma très-chère fille ; mille saluts aux chères amies.

Priez et faites prier pour notre fille du monde, elle en a besoin ; elle et son mari sont ici[27] ; elle a une petite fille ; toujours elle-même !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [57]

LETTRE CCCXCVIII - À LA MÈRE MARIE-MADELEINE DE MOUXY

SUPÉRIEURE À BELLEY[28]

Quel esprit doit avoir une vraie Mère spirituelle ; son abandon et sa confiance au secours divin doivent être sans bornes ni limites.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 19 septembre 1622.

Or sus, Dieu soit éternellement béni, ma très-chère Sœur, vous voilà maintenant Mère.[29] Je supplie sa divine bonté de vous en donner l'esprit, mais je dis l'esprit propre aux Mères spirituelles, qui ont un amour si tendre, si cordial, si vigilant à l'avancement des âmes, et nullement empressé, surtout pour les choses temporelles ; car la confiance qu'elles ont en la providence et amour de leur Époux, leur ôte toutes sortes de soucis, et les fait assurer qu'il les pourvoira de toutes les choses nécessaires, pourvu qu'elles aient soin de lui plaire par une parfaite observance et confiance en sa bonté. Voilà l'état que je vous désire, ma très-chère Sœur ; lequel vous attirera toute sorte de bénédictions, je vous en puis assurer, et vous jurerais, s'il était besoin, que si vous faites ce que je viens de dire, tout abondera chez vous. Nous avons tant d'expérience de cette [58] amoureuse Providence sur les âmes qui s'y abandonnent et qui lui remettent toutes sortes de soins, ne se réservant que celui de lui plaire par la fidèle observance, que jamais nous n'en pourrions douter, et avons grand'peine de voir le contraire. Oh ! je sais bien, ma très-chère Sœur, que vous avez toujours été attirée à cette voie ; suivez-la, mon enfant, avec une sainte gaieté.

Je vous prie de m'excuser, si je ne mande pas que l'on vous donne à Nessy ce que vous demanderez ; si vous m'eussiez spécifié quoi, je l'eusse pu faire ; mais ne me l'ayant pas dit, je juge ne le devoir pas. Nous espérons vous voir bientôt.

Si je croyais que Mgr de Belley[30] fût encore là, et le bon M. Jantet, je leur eusse écrit ; si d'aventure ils y sont, un très-humble salut. J'apprends que ce bon prélat fait de grandes charités chez vous ; Dieu l'en récompense !

Je salue nos chères Sœurs de tout mon cœur, et vous, ma très-chère Sœur, par-dessus toutes, et suis entièrement vôtre.

Je vous supplie, priez et faites prier nos Sœurs pour ma fille, elle en a besoin.

Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation d'Annecy. [59]

LETTRE CCCXCIX - À LA SŒUR MARIE-AVOYE HUMBERT

À MOULINS

Suivre fidèlement la direction donnée par saint François de Sales. — Avis très-utiles pour la retraite annuelle.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Je viens de relire la lettre que je nomme votre chemin ; ô ma très-chère fille ! qui oserait vous en prescrire un autre, le grand Dieu vous ayant prescrit celui-là par la main sacrée de notre très-digne Père ? Cheminez-y fermement et fidèlement, ma très-chère fille, sans regarder ni à dextre ni à sénestre. Non, ma fille, je vous prie, ne vous amusez jamais à regarder fixement ce qui se passe en vous, ni la grandeur et grosseur de vos difficultés, et encore moins la longueur de celles qui sont si longues ; mais avec un esprit de repos, que vous devez soigneusement conserver en toutes vos actions, faites votre voyage de cette vie, vous rendant attentive à l'exercice des saintes vertus qui vous sont recommandées : l'amour et le doux support de vos contradictions vous doit être en singulière considération, car c'est par où vous profiterez le plus, et rendrez à Notre-Seigneur les vrais témoignages de votre amour. Portez dans le sein de la divine Providence tous vos désirs, toutes vos affections et prétentions, et les y laissez, afin que sa divine Bonté en dispose selon son bon plaisir. N'y pensez que le moins que vous pourrez ; car Dieu y pensera assez pour vous, et demeurez, je vous supplie, ma très-chère fille, entre les bras de la paternelle bonté de ce doux Sauveur de nos âmes : demeurez là comme un petit enfant, pleine de confiance et de résignation, et croyez qu'il vous conduira bien.

Vous voulez que je vous dise ce qu'il faut faire au temps des retraites spirituelles ? Hélas ! ma très-chère fille, Dieu y sera [60] votre guide ; je ne suis pas capable de cela : je vous dirai pourtant que vous y devez lire, par forme d'entretien et de lecture spirituelle, la dernière partie de l'Introduction à la vie dévote. L'examen vous aidera à avoir lumière pour faire le vôtre ; car les premiers jours de la retraite doivent être employés à cela, et aux actes de contrition ; mais le tout se doit faire sans effort d'esprit, et fort doucement. Les autres jours, il faut penser un peu tout simplement et doucement à la bonté éternelle de notre bon Sauveur, à ce qu'il a fait et souffert pour gagner l'amour de votre cœur ; car, ma très-chère fille, s'il n'y avait eu que vous à racheter, ce très-bénin Sauveur se fut autant volontiers offert à ses supplices, comme il a fait pour tout le monde, tant il est amoureux de notre amour. Vous lirez quelque livre qui traite de cet amour infini, et de l'excès de la très-sainte Passion de Notre-Seigneur : cela répandra, je m'assure, de bonnes affections dans votre âme ; alors il faut faire des résolutions de souffrir amoureusement vos croix et contradictions particulières.

Sur la fin de la retraite, il faut essayer de dépouiller votre cœur de tout ce que vous connaîtrez qui le revêt, et mettre aux pieds de Notre-Seigneur tous vos vêtements, l'un après l'autre, le suppliant de les garder et vous revêtir de Lui-même ; et ainsi, toute dénuée et dépouillée devant cette divine bonté, jetez-vous derechef entre les bras de sa Providence, lui laissant le soin et gouvernement de tout votre être, et croyez, ma très-chère fille, que rien ne vous manquera. Ne vous déchargez ni revêtez jamais d'aucun soin, désir, affection ni crainte ; car, puisque vous avez tout remis à Notre-Seigneur, laissez-le gouverner, et pensez seulement à lui plaire, soit en souffrant, soit en agissant.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [61]

LETTRE CD - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE[31]

Conseils pour la retraite annuelle.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon], 22 septembre 1622.

Ma très-chère fille,

Vous voulez que je vous dise ce que vous devez faire en votre retraite ; hélas ! ma fille, vous savez que je ne suis pas capable de vous dire beaucoup là-dessus ; toutefois, pour contenter votre bon cœur et condescendre à votre humilité, je vous dirai que le premier jour que l'on entre en solitude il ne faut pas promptement se mettre à faire sa confession ; il le faut employer à bien tout ramasser, et calmer son âme devant Dieu, afin que, par après, comme une eau bien rassise opposée à ce beau soleil, l'on en voie clairement le fond. — Le lendemain, il faut faire son examen général tout doucement, sans empressement, effort ni curiosité. Je n'aime pas beaucoup que l'on s'accoutume à écrire tout au long sa confession annuelle, bien que cela soit en liberté à celles qui ne pourraient faire autrement.

Puisque les trois ou quatre premiers jours se doivent employer à la vie purgative, vous pourrez prendre les premières ou dernières méditations de Philothée, ou telles autres conformes à celles-là. — Les jours suivants, il faudra s'entretenir doucement de ce que notre doux Sauveur a fait pour notre [62] amour, et de ce qu'il a fait pour nous racheter. — Les derniers jours, vous prendrez quelque livre qui traite de l'amour infini et des richesses éternelles de ce grand Dieu ; car, sur la fin de la solitude, il faut s'essayer de dépouiller son cœur de tout ce que nous connaissons qui le revêt et mettre aux pieds de Notre-Seigneur tous ses vêtements, l'un après l'autre, le suppliant de les garder, et nous revêtir de Lui-même ; et ainsi, toute dénuée et dépouillée devant cette divine Bonté, il faut derechef nous jeter entre les bras de sa Providence, lui laissant le soin et le gouvernement de tout notre être ; et, croyez-moi, ma fille, rien ne nous manquera. Ne nous chargeons ni revêtons jamais d'aucun soin, désir, affection, ni contrainte ; car, puisque nous avons tout remis à Notre-Seigneur, laissons-le gouverner, et pensons seulement à lui complaire, soit en souffrant, soit en agissant.

Quant à ce qui est de gagner l'Indulgence concédée aux âmes religieuses qui font la solitude, vous ne devez avoir aucune crainte de ne la pas gagner pour ne pouvoir pas méditer en détail, ni discourir avec l'entendement au temps de l'oraison, Dieu vous donnant une occupation plus simple et intime avec sa Bonté. Mais, ma fille, voici ce que vous devez faire : vous devez lire très-attentivement les points que vous méditeriez si vous en aviez la liberté, et en les lisant, retirer dévotement votre âme en Dieu ; ainsi cette lecture vous tiendra lieu de méditation, et, lisant de cette façon, votre esprit recevra toujours de bonnes impressions de cette lecture, et jaçoi que le profit vous soit inconnu, il n'en est pas moindre pourtant ; et, après avoir fait votre devoir par cette lecture, vous trouvant par après en l'oraison, en votre manière simple et amoureuse, je vous dis que vous satisfaites plus que très-entièrement à la méditation, et en voici la raison : c'est que Dieu, infini en grandeur, comprend tous les mystères, si, que possédant Dieu, vous êtes excellemment dans l'essence du mystère que vous vous étiez proposé pour votre méditation. [63] Un Père de religion, fort spirituel, docte et vertueux, m'a encore reconfirmée en cet avis.

Certes, ma très-chère fille, c'est un exercice très-important que celui de nos solitudes annuelles ; il faut tâcher de les faire avec le plus de dévotion et fidélité qu'il se pourra ; j'estime qu'il sera très-utile à vos filles que vous fassiez lire à table le livre des Exercices du Père Dom Sens de Sainte-Catherine ; car, comme m'a dit Monseigneur (c'est-A-dire notre Bienheureux Père qui vivait alors),[32] il est ample et d'un style mouvant ; mais c'est le style des saints, fuyant l'immortification et détestant les recherches de l'amour-propre. Pour la méditation, il faut donner aux filles des points moelleux et doux, solides et affectifs.

Je suis, en l'amour divin, ma très-chère fille, etc.

Dieu soit béni !

LETTRE CDI (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Estime pour Mgr de Langres. — Prudence à garder au sujet des personnes dont l'état tient de l'obsession.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 3 octobre 1622.

Ce n'est que pour saluer votre très-chère âme que j'aime de toute la mienne, ma pauvre très-chère fille, car je n'ai loisir de répondre à vos lettres, ni de les revoir pour cela. Nous voici à [64] bout de toutes nos petites affaires, non que nous soyons prêtes à partir, mais nous avons mille petites affaires ces quinze jours suivants, ainsi que notre Sœur Marie-Gasparde [d'Avisé] vous dira une autre fois.

Véritablement, j'honore Mgr de Langres de tout mon cœur ; je n'ai aucun loisir de lui écrire, mais assurez-le de cette vérité en le saluant de notre part. Vous serez consolée de voir les grandes faveurs et lumières que Dieu a données à ce prélat ; et vos filles malades [éprouvées], si vous jugez à propos de les lui faire voir, peut-être en tirerez-vous quelque utilité. Je crains beaucoup qu'il n'y ait imagination et imitation ; c'est pourquoi, non-seulement il faut tenir à couvert telles choses à ceux de dehors, et que les médecins soient fidèles au secret ; aussi faut-il [que] dans le monastère, il se connaisse le moins qu'il se pourra, surtout les jeunes filles, qui n'ont pas la tête encore bien ferme, reçoivent facilement des craintes et des impressions, et puis font, ou leur semble qu'elles fassent comme les autres. Il les faut faire fort dormir, les récréer, leur laisser faire peu d'oraison, leur donner de l'occupation extérieure, et ne leur permettre de parler de cela ni à Dieu, ni entre elles, ni à personne, que le moins qu'il se pourra, et leur donner ces divertissements si à propos, qu'elles ne connaissent point que ce soit à dessein, car ils ne leur profiteraient pas ; enfin c'est grande misère que nous !

J'ai écrit fortement à Bourges sur le sujet de la quittance ; je vous en dirai davantage une autre fois ; la chose se fera comme il faut, je l'espère. Mille saluts au Révérend Père, à nos pauvres Sœurs, à tous les amis, à madame la marquise de Villeneuve et à toutes les autres.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [65]

LETTRE CDII - À LA SŒUR HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS[33]

Exhortation à lui ouvrir son cœur. — C'est une grande grandeur devant Dieu que d'être bien petite à ses propres yeux.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622.]

Hélas ! ma très-chère Angélique, n'appréhendez jamais mon cœur, je vous en supplie, et ne craignez point de lui dire les petites maladies du vôtre que j'aime si parfaitement, et que je [66] sais avoir un vrai désir du souverain Bien. Et, avec cela, ma très-chère fille, il nous faut humblement supporter nos petites infirmités, devenant saintes à force de nous anéantir et aimer notre abjection. O ma fille, que c'est une grande grandeur devant Dieu que d'être bien petite à nos yeux ! nos imperfections journalières nous aident fort à cela. Aimons-les donc bien, ma très-chère fille, et m'aimez toujours, puisque Dieu m'a rendue si entièrement vôtre.

Je salue la très-chère Sœur [madame de Villeneuve], le Révérend Père Suffren et M. ***.

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE CDIII (Inédite) - À LA SUEUR MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

MAÎTRESSE DES NOVICES AU PREMIER MONASTÈRE- DE PARIS

Consolation que donne à la Sainte la ferveur du noviciat de Paris et la sagesse de la directrice. — La Supérieure seule peut accorder des exemptions pour les articles importants de la Règle.

vive † JÉSUS !

[Dijon, octobre 1622.]

Ma très chère fille,

Je reçois un extrême contentement de vos lettres et des bonnes nouvelles que vous me dites de nos chères Sœurs que j'aime, certes, très-chèrement. O Dieu ! quelle consolation à mon âme de savoir qu'elles marchent en esprit d'humilité, de simplicité et cordialité ; vraiment, ma très-chère fille, je me sens obligée d'en grandement louer Dieu, aussi bien que vous, qui en avez aussi grand sujet, de voir que cette infinie Bonté donne bénédiction à votre petit labeur. Oh ! la gloire lui en soit tout entière ; et, à vous, l'humilité et reconnaissance de tant de miséricordes. Hélas ! ma fille, ce sont puissantes tentations qui travaillent ces pauvres chères âmes ; qu'elles seront heureuses si elles sont fidèles ! [67]

Pour la petite Sœur Louise, je crois qu'il y a de la maladie corporelle ; on les conduit et l'une et l'autre comme il faut. Il est nécessaire de les faire fort exercer, et les tenir joyeuses et confiantes, et que l'on ait un extrême support pour elles : Dieu les soulagera un jour, je l'espère de sa bonté. Si vous pouviez donner courage à cette Sœur, qui aurait commis quelque faute que ce fût, de la découvrir à la Supérieure, il serait bon ; mais, si elle ne peut, il ne la faut presser nullement. Or, si c'est chose qui ne lui advienne pas souvent, et que vous y puissiez suffisamment pourvoir, ne le dites pas ; que si c'était une novice blanche, qui tombât souvent en choses importantes, il le faudrait dire, car c'est à la Supérieure surtout à bien connaître celles qu'elle doit admettre à la profession : voilà mon sentiment présent ; mais j'en ferai dire quelque chose au Directoire de la maîtresse ; que si vous avez besoin encore d'autres avis, écrivez-le moi. Surmontez-vous, ma fille, et allez franchement demander à la Supérieure ce qui vous touchera en désirs.

Le Père Binet a fort bien dit, ma fille, c'est la pratique de nos maisons ; il faut toujours demander congé à la Supérieure pour ces choses importantes comme la Communion et l'Office divin, parce que ce sont exercices réglés. Dieu vous conduit bien, ma très-chère fille, soyez-lui fidèle, je vous prie, et persévérez en votre train, gaiement ; ne vous arrêtez point à tout ce qui n'est pas Dieu.

Si la Sœur Sanguin peut être tolérée et supportée sans intérêt, je le voudrais. Notre-Seigneur présidera, s'il lui plaît, à ce conseil. Je salue mes deux chères filles, particulièrement J. -Élisabeth [Édeline] et M. -Geneviève [de Furnes], et toutes, certes, je les aime parfaitement, et vous, ma fille, plus que je ne saurais dire. Votre cœur m'est très-cher, écrivez-moi grandement.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [68]

LETTRE CDIV - À LA SŒUR CLAIRE-MARIE AMAURY

AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS[34]

Encouragement à supporter une grande épreuve intérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, octobre 1622.]

Ma très-chère fille,

Vous me dépeignez si naïvement vos souffrances, qu'outre la compassion qu'elles me donnent, il me semble qu'il n'y a rien que je ne voulusse faire pour vous aider, et mettre votre âme au point que je veux espérer que la divine Bonté vous fera arriver, par cette voie si rude et difficile. Tout ce que vous pouvez faire, c'est adorer sa sainte volonté, souffrir patiemment vos travaux, vous garder fidèlement de faire le mal auquel vous êtes excitée. Tenez votre cœur ouvert au Révérend Père N***, qui est un vrai serviteur de Dieu : tenez-le aussi ouvert à votre bonne maîtresse, et faites soigneusement ce qu'ils vous diront. Soumettez votre jugement, et, par ce moyen, j'espère que Dieu vous préservera de la malice de votre ennemi. Pour ce qui est de parler haut, je laisse cela au jugement de votre bonne [69] maîtresse, comme aussi de parler la nuit, et en toute autre heure de silence, qu'elle jugera que la charité requiert de vous être utile. Je vous assure, ma fille, que toutes les choses que vous me dites, je les reçois d'aussi bon cœur et avec la même confiance que vous me les écrivez, me dédiant toute à Dieu pour vous servir en tout ce qu'il lui plaira.

LETTRE CDV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Elle lui annonce son arrivée à Lyon ; joie d'y trouver le Révérend Père Suffren.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 22 octobre 1622.]

Ma très-chère fille,

Nous espérons de vous voir la veille de la Toussaint, ou au moins, Dieu aidant, cinq ou six jours après. Je vous supplie de faire préparer le gîte de l'ecclésiastique qui nous accompagnera et de notre bienfaitrice [madame de Vigny], qui demeure avec nous, car je pense que Mgr l'archevêque ne voudra pas qu'elle entre dans le monastère. Monseigneur ne m'écrit point de passer à Valence, de sorte que nous n'irons pas, s'il ne nous le commande.

Mon neveu de Neuchèze vous donnera pour nous quarante-cinq pistoles, six quadruples et cinq pistoles d'Italie, quatorze écus et demi ou quart d'écu ; c'est de l'argent de Nessy que vous nous garderez. Je suis fort en peine de ce que Monseigneur n'avait encore reçu nos deux derniers paquets que j'écrivis à trois jours l'un de l'autre, environ les 15 et 18 septembre. Cela me tient incertaine s'il enverra quelqu'un nous prendre ou non, et s'il ne nous fera point aller prendre notre chemin pour aller [70] à Lyon par la maison de ma fille[35] et par Montferrand. Cela nous allongerait de huit ou dix jours, mais de tout Dieu soit béni ! Faites tenir nos lettres.

Je salue tous ceux que je dois, surtout le Révérend Père Suffren, que je me réjouis fort de trouver là : Mgr de Bourges et mon neveu iront chez vous dire la sainte messe le jour de la Toussaint ; caressez-les bien. À M. de Saint-Nizier, mille saluts.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE CDVI (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Départ de Dijon. — Il n'appartient pas à une simple Religieuse d'examiner les actions de la Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

Dijon, 25 octobre 1622.

Ma très-chère fille,

Ce n'est que pour vous dire adieu par la foule de ceux qu'il faut faire ici. Nous partons donc demain,[36] s'il plaît à Dieu ; j'emporte soigneusement vos trois lettres dernières pour y répondre à loisir par les chemins, n'en ayant eu aucun moyen ici. Hélas ! ma très-chère fille, que cette vie serait amère, si l'espérance de l'éternité ne nous l'adoucissait, et si la très-sainte [71] volonté [de Dieu] n'était regardée dans les événements ; mais qu'avec cela tout est aimable !

Mon Dieu, que ces chuchotements à l'oreille me déplaisent ; parlez-leur-en franchement, car elles sont capables de souffrir ce retranchement ; quelle misère ! Si vous l'approuvez, je leur en dirai mon sentiment ; grâce à Dieu, elles ont sujet d'approuver et d'imiter, et non de censurer ; mais au bout de là, ma fille, patience, et que ces occasions vous sont, je m'assure, précieuses ! Mais je plains votre santé, car elle souffre là-dessous ; or, sans considération de cette tricherie, je vous prie, je vous conjure, voire, autant qu'il m'est loisible, je vous ordonne de prendre vos soulagements, mais cela exactement.

Notre bon Père est tout malade d'un flux d'hémorroïdes, cela me tient en peine, mais j'espère en Dieu, au reste.

Si M. de Bérulle a vu notre Sœur N***, mandez-moi, tout au long que vous pourrez, ce qui se sera passé.

Je salue votre cœur de toute l'affection du mien, qui est tout vôtre, et celui de nos Sœurs, et surtout de mon Angélique [Lhuillier].

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DE MONSEIGNEUR SÉBASTIEN ZAMET, ÉVÊQUE DE LANGUES - À SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL

Aussitôt que la Mère Favre fut arrivée à Dijon, sainte de Chantal s'était empressée d'en instruire l'évêque de Langues ; en même temps, elle l'informait de son départ très-prochain et lui demandait sa bénédiction. Le prélat, qui professait une grande vénération pour la Bienheureuse Fondatrice, lui exprima ses regrets par la lettre suivante :

17 octobre 1622.

Vous me donnez bien de la joie, ma chère Mère, de me mander que la Mère Favre est arrivée ; à la bonne heure soit-elle venue dans ce diocèse, et, certes, je le dis de tout mon cœur ; [72] mais ce même cœur se trouble et s'afflige de votre éloignement. Je vois bien, ma chère Mère, que vous fuyez, comme les saints, les parents et la patrie, pour vous rendre en votre solitude. Il n'est pas impossible que je vous aille chercher jusque-là ; pour voir ma Mère, je pense que j'irais bien plus loin. Et puis, le grand prélat, Monseigneur de Sales, auprès de qui vous allez, est un grand aimant aux âmes. Or sus, allez-vous-en, ma chère Mère, puisque vous le voulez, avec les bénédictions de Notre-Seigneur, pour qui vous nous laissez. Mon cœur est saintement à vous, et si absolument que je m'oblige à ne l'en tirer jamais, quoi que vous me fassiez. Je sens vivement les obligations que je vous ai ; je voudrais vous l'écrire de mon sang. Priez pour moi, ma chère Mère, et m'aimez s'il vous plaît, comme votre fils et très-obéissant serviteur.

Sébastien, évêque de Langres.

LETTRE CDVII - À LA SŒUR MARIE-ÉLISABETH JOLY

AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS.

Comment combattre les scrupules.

VIVE † JÉSUS !

[Dijon, 1622]

Ma chère fille,

J'ai toujours affectionné la consolation de vos cousines et [je] voudrais les pouvoir consoler.

L'affaire de Moulins n'est pas encore faite, et si ce monastère est si plein qu'elles ne peuvent plus en recevoir pour maintenant, je leur en écrirai toutefois.

Ma fille, les réflexions vous gâtent tout à fait, et vous faites d'une mouche un éléphant. Vous seriez bienheureuse si vous vous soumettiez à croire ce que l'on vous dit, et que vous [73] missiez toute votre confiance en Dieu, lequel n'est pas si cruel que de vouloir vous damner pour les fautes que vous faites. Ôtez-vous cela de la tête, ma chère fille, et tenez votre esprit en paix ; car, par la grâce de Dieu, vous en avez sujet, d'autant que vos inclinations, sentiments et mouvements ne sont pas des péchés, et que je sais fort bien que vous avez une très-bonne âme qui fait le mieux qu'elle peut. Laissez-la donc paisible, ma fille, et croyez entièrement M. Guichard[37] et votre bonne Mère ; et par ce moyen vos peines et tentations vous seront profitables.

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE CDVIII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Promesse d'aller la visiter.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, novembre 1622.]

Hélas ! ma pauvre très-chère fille, eh ! pourriez-vous bien croire que ce fût faute d'affection que nous ne sommes pas allées passer vers vous ? Certes, mon enfant, j'en ai eu ma part de la douleur, et en ai ressenti beaucoup lorsque la chose était en doute, car Monseigneur m'écrivit, par M. Michel, que nous remissions à vous voir lorsque nous irions fonder à Chambéry mais, Dieu soit béni, ma très-chère fille, car ce bon Seigneur passant ici,[38] je lui dis votre douleur et qu'il était expédient que [74] je vous visse ; alors il nous accorda d'aller passer d'ici à Valence, et de là, à vous, ce que nous ferons de tout notre cœur.

Nous sommes ici retenues par faute de ne pouvoir trouver équipage pour aller à Montferrand ; si la chose continue, nous en serons bien marnes, car nos Sœurs de là le désirent fort, mais il faut bénir Dieu de tout. Nous nous embarquerons d'ici sur le Rhône pour aller à Valence, [encore] ne sais-je si nous pourrons trouver là de l'équipage pour nous mener vers vous. Notre-Seigneur nous aidera.

O ma fille, croyez-moi, que ma joie de vous voir ne sera pas moindre que la vôtre de nous voir. Dieu soit béni ! Sans loisir.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDIX - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS[39]

Remettre ses sollicitudes au soin de la divine Providence et demeurer en paix parmi toutes sortes d'événements. — Difficultés pour la réception d'une prétendante.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon], 19 novembre [1622].

Ç'a été Notre-Seigneur, ma très-chère fille, et non pas moi, qui vous ai mise en la charge où vous êtes. Que si vous répondez [75] fidèlement à cette vocation, et jetez votre entière confiance et votre fardeau entre les bras de sa bonté, assurez-vous qu'il en tirera sa gloire et votre profit. Soyez donc déterminée, ma très-chère fille, à ne vous laisser surprendre d'aucun ennui, appréhension, ni crainte et aversion, pour chose que ce soit ; ne vous étonnez d'aucune contradiction, ni rencontre, ni de la diversité des états de l'esprit de vos filles. Faites, cordialement et suavement ce que vous pourrez. S'il profite, bénissez Dieu ; s'il ne profite pas, bénissez Dieu encore, sans vous laisser nullement abattre, et remettez le tout entre les mains de sa divine bonté, demeurant en paix parmi toutes sortes d'événements. Mais ma très-chère fille, il faut faire ainsi, s'il vous plaît, et devenir douce comme une brebis ; car c'est le seul moyen de gagner tout, et faire ce que l'on veut des cœurs.

Vous avez bien choisi votre assistante à mon gré, et c'est mon avis qu'elle fera très-bien ; elle est sage et bonne. Dieu vous assistera en tout, ma très-chère fille, ayez seulement bon courage et soyez joyeuse ; vous voyez déjà comme Dieu bénit vos affaires temporelles.

L'affaire de Paris est heureusement terminée, la Supérieure de là sera marrie de ce que l'on ne recevra pas la fille que j’avais destinée ; mais je laisse cela entre vous et elle. Pourvu que je sois dégagée envers Dieu, ce m'est assez. Je vous dis seulement que mon intention était sur une fort bonne et sage fille qui n'a rien du tout ; mais l'on m'a pressée de changer mon intention, à ce que l'on m'a écrit ; car je ne m'en souviens pas, et que je promis de faire recevoir la nièce de notre Sœur M. -Jeanne. Or, bien soit, si l'on veut, car je ne désire point de contestes ; mais, je vous dis derechef, que je me décharge devant Dieu de cela, et vous remets le tout et à la Supérieure de Paris ; faites ensemble ce que vous trouverez le mieux selon Dieu et l'intention que je vous ai déclarée, et je vous supplie ma très-chère fille, que l'on ne m'en écrive plus. [76]

Je mandai l'autre jour la résolution de l'affaire de Nevers à ma Sœur Jeanne-Charlotte [de Bréchard] ; ma fille, tenez main que cela s'achève doucement, je vous en conjure, et de croire. que je suis entièrement vôtre et que de tout mon cœur je vous. servirai, et votre chère troupe, en tout ce que vous m'emploierez. Je salue toutes nos Sœurs très-chèrement. Dieu soit béni. Amen.

[P. S.] Ma très-chère fille, Mgr de Nevers, la Mère Supérieure et les plus anciennes professes de ce monastère-là, s'obligeront de garder les deux filles. J'en viens de recevoir des lettres, et que vous recevrez à Noël la moitié de vos mille écus, et la moitié de tous les arrérages dus. Il ne faut pas requérir que notre Sœur Marie-Péronne [de Gerbes] ni Marie-Marthe [Bachelier] signent ce contrat ; vous connaissez ces esprits-là, qui se cabreraient : il ne leur en faut donc rien dire ; car aussi bien n'a-t-on que faire de leur consentement. Je vous prie, ma très-chère fille, que cette affaire se passe tout doucement, et que le monde n'y cause plus de brouilleries, je vous en conjure.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDX - À LA SŒUR MARIE-AVOYE HUMBERT

À MOULINS

Le désir de changer de monastère ruine la paix de l'Âme. — Dieu bénit l'humble simplicité.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, 1622]

Encore ce billet, ma très-chère fille, pour vous conjurer de ne point laisser entrer dans votre cœur le désir de changer de lieu, [77] car il vous ruinerait votre paix. Attendez que la divine Providence l'inspire à vos Supérieurs, et n'y pensez point ; mandez cela simplement à mesdemoiselles vos sœurs.

Ne prenez jamais du scrupule de ce que vous m'écrivez ; non, ma fille, et tenez votre cœur ouvert à votre Supérieure, car elle est bonne et sage. Elle vous a dit vrai, ma chère fille, vous ferez fort bien de tenir votre esprit en paix ; mais si vous saviez comme la promesse que vous me faites, de vous amender de ce défaut, m'a consolée, et vous a, ce me semble, poussée encore plus avant dans mon cœur ; car, ma chère fille, j'aime parfaitement les esprits qui ne font point les suffisants et qui se rangent simplement et humblement au conseil. Faites toujours ainsi, ma fille, Dieu vous bénira ; recommandez-moi à sa miséricorde et vous assurez de mon cœur, car il vous est tout dédié.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CDXI - À UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION

La Jointe se réjouit du bon état des maisons qu'elle a visitées. — On demande des fondations à Besançon et à Chambéry. — La ferveur des Sœurs doit s'ajuster à la Règle.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 3 décembre 1622.

Je suis ravie de voir comme Dieu départ ses grâces en abondance sur nos maisons, et combien de faveurs intérieures Il fait à plusieurs de nos Sœurs.

Nous avons laissé Dijon en bon état, grâce à Dieu, et avons vu nos Sœurs de Montferrand et de Saint-Étienne Nous voici à Lyon, tout va bien en ces chères maisons, mais très-singulièrement ici. Madame la duchesse de Chevrières et madame de [78] Courtambeau veulent faire chacune une fondation de notre Institut. Je vous prie, préparez de bonnes et de braves filles. Cultivez et exercez celles qui seront propres au gouvernement ; mais surtout fondez-les bien en humilité et dévotion. L'on nous demande à Besançon et à Chambéry ; il semble que Dieu veuille beaucoup employer ce petit Institut pour le salut de plusieurs âmes, mais il faut donner des pierres bien solides pour les fondements.

Je vous supplie, réglez vos Sœurs pour leurs pénitences et mortifications ; que leur ferveur s'ajuste à la Règle. Éprouvez bien soigneusement et discrètement cette petite fille qui a des choses extraordinaires ; un petit esprit faible et tendre sur soi-même se trompe souvent dans les ravissements et visions.

Envoyez, je vous prie, quelque aumône au monastère de Saint-Bernard, afin que notre Institut témoigne à ce Saint sa spéciale dévotion ; je désire que nos Sœurs aient une particulière affection à le réclamer.

Priez-le pour moi, qui suis de cœur toute vôtre, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CD XII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Nouvelles des monastères de Montferrand et de Saint-Étienne — L'Office doit être chanté sur un ton doux et modéré. — Séjour de saint François de Sales à Lyon ; son estime pour les Révérends Pères Jésuites. — Éloge de Sœur Marie de Valence. — Comment se comporter à l'égard de diverses personnes.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon], 8 décembre [1622].

Ma très-unique très-chère fille,

Nous voilà de retour de votre petit Montferrand, où, certes, j'ai trouvé de fort bonnes âmes et de bons esprits, pleins du [79] désir de s'avancer en la perfection de l'observance. La pauvre Supérieure[40] était à moitié abattue sous l'effort des appréhensions de sa charge, comme vous avez appris par celle qu'elle m'a dit vous avoir écrite ; je la laisse tout encouragée, et vraiment elle me plaît fort ; elle a bon jugement, bon désir et un fort bon extérieur [plusieurs lignes illisibles].

L'Office, je vous prie, ma fille, faites-le à l'accoutumée ; les fantaisies passeront. Monseigneur désire qu'on le die sur un ton qui ne soit point haut, ains médiocre et fort doucement, voire, bassement ; et pour les autres défauts, je ne les ai pas connus, sinon quelques manquements de bonne prononciation ; je désirerais grandement que l'on conservât une même façon partout. J'ai trouvé qu'il se glissait quelque chose de différent ; or, Monseigneur fera derechef marquer tout ce qui sera possible pour cela, puis il ne faudra que suivre fidèlement. — À Saint-Étienne, l'on traîne insupportablement.[41] À propos, la Supérieure de là est admirée ; elle fait sa charge avec grande retenue : vous savez combien elle est exacte. Elle se porte fort bien ; je lui dis qu'elle était dans son centre. Certes, cette maison va bien ; il y a de bonnes professes et six ou sept novices de bon espoir et de bon cœur, elles me plurent fort ; aussi, je n'ai pas encore parlé de la fontaine ; mais l'on m'a dit qu'on l'avait faite sans profit.

Nous avons ici Monseigneur[42] que nous voyons un peu. Il ne [80] veut pas que nous partions encore d'ici : je crois que c'est pour condescendre à Mgr de Bourges. — Nous avons ici la Sœur Marie de Valence, qui est, certes, une âme vraiment simple et humble, sans que l'on y voie aucune contrainte et singularité, et sa petite fille de même.

Je vous prie, mon enfant, s'il y a moyen, lirez les lettres de madame de Puy-d'Orbe ; je voudrais que vous la pussiez aider, car elle en a grand besoin. Monseigneur veut sérieusement penser au moyen de tenir les maisons unies ; il en parlera avec les grands Pères Jésuites. Il veut fort aussi que l'on s'assiste toujours d'eux, car il dit qu'il n'y a rien de tel. Je suis bien aise que le Père recteur vous aime bien ; il l'a toujours fait ; faites-le saluer de ma part très-chèrement, et le bon Père Gentil ; je les honore parfaitement. Mais surtout, certes, j'honore [81] avec singulier respect et dilection Mgr de Langres, assurez-l'en, mon enfant : quand il sera à Dijon, et que je le saurai, je lui écrirai.

Voilà M. Gariot qui vous importunera pour des recommandations. Je crois qu'il n'est besoin de suivre toutes ses inclinations ; au moins je ne le fais pas, surtout au parloir où je tranche court ; néanmoins, je vous prie, ma mie, de faire recommander son affaire à M. le conseiller Berbisey par l'entremise du père ou de la mère de notre cousine Berbisey ; il me presse, car il veut partir ; mais si, faut-il vous dire que mon bon cousin est en admiration de vous [trois lignes illisibles] : c'est un vrai bon cœur ; traitez vraiment à la bonne foi avec lui et avec la bonne Sœur de Vigny, qui vous aime tant aussi, et certes, tout le reste. Adieu, mon enfant, ma vraie très-aimable et très-chère fille. Dieu soit béni. Jour de Notre-Dame.

Faites prier pour notre affaire et faites saluer nos parents, les amis, et ceux que vous voudrez.

Conforme a une copie de l'original gardé à la Visitation île Chambéry.

LETTRE CD XIII (Inédite) - LA SŒUR. ANNE-MARIE ROSSET

MAÎTRESSE DES NOVICES À DIJON

Il faut agrandir le courage des notices.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, décembre [1622].

Ma très-chère sœur,

Je n'avais jamais senti une si grande dilection pour votre chère âme que je fais maintenant. Vivez toujours toute en Dieu, ma mie, sans recevoir aucune crainte sur le sujet de votre chemin, lequel assurément est de Dieu. Ayez grand soin d'agrandir le courage à nos pauvres Sœurs novices, et les faire [82] cheminer très-simplement en l'observance, et gaiement. Je les chéris toutes d'un amour plus que maternel, et surtout notre pauvre vieille[43] et ma Sœur Claire-Marie [Parise], laquelle Dieu appelle à une grande perfection. Toutes, certes, sont au milieu de mon cœur ; ma Sœur J. -M. et N***, Dieu les fasse saintes ! Je vous recommande, et à toutes nos Sœurs, ma pauvre Sœur de Vigny,[44] et ma chère fille, mademoiselle de Villars. Dieu soit béni ; je suis toute à vous.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXIV - À LA SŒUR MARIE-MARGUERITE MILLETOT

À DIJON[45]

Conseils maternels et témoignages d'affectueux souvenirs.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, décembre 1622.]

Je vois bien que ma chère fille désire un billet de sa Mère qui l'assure qu'elle est et sera toujours très-chèrement aimée. Oui, certes, ma fille, et me croyez, vous m'êtes plus présente que jamais selon l'esprit. Oh ! vivons ainsi que la très-sainte volonté de Dieu le veut, ma très-chère fille, vivons, dis-je, en une parfaite et amoureuse soumission de son bon plaisir, afin [83] que la très-sainte humilité, la douce charité et la parfaite observance reluisent en toutes nos actions : c'est ce que je vous désire, et à nos chères Sœurs, que j'aime tendrement. Nos bonnes Sœurs Françoise-Augustine [Brung], Claire-Marie [Parise] et les deux chères prétendantes, ou nouvelles novices, car je ne sais encore leurs noms, embrassez-les pour moi, et toute la petite troupe que j'aime tant. Dieu vous bénisse, mes chères filles.

Extraite de la fondation manuscrite de Dijon.

LETTRE CDXV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Affaires temporelles. — Décision pour la réception de plusieurs prétendantes.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 11 décembre 1622,

Dieu conduise l'affaire de madame de Dampierre[46] ! Je la salue de tout mon cœur, je vous en prie, ma très-chère fille, et ces autres dames, nos chères amies. Je présenterai le rochet quand nous serons à Nessy, à Monseigneur, lequel dit qu'il n'est point besoin entre nous de ces quittances, il suffit que ce qui s'est fait l'ait été au su des Supérieurs, et l'écrire simplement sur le livre. Il dit aussi que si vous laissez notre Sœur M. -Denise [Langlois] à Nevers, que vous devez y donner sa dotation, nonobstant qu'elle soit en la place d'une autre.

À propos, ma très-chère fille, je crois qu'il faut bien sonder le cœur de notre Sœur M. Agathe,[47] car je le crains un peu ; j'ai ce sentiment et vous le dis tout simplement, comme aussi que si cette fille de madame de Port-Royal est bonne, qu'il la faut [84] arrêter pour une fondation, et que Monseigneur m'a dit que l'on devait suivre l'intention que j'ai eue devant Dieu, de loger la cousine de notre Sœur Marie-Élisabeth, à Moulins ; puisque l'affaire est faite, mandez-le-leur, et puis, que l'on fasse ce que l'on voudra. Ma fille, Dieu vous fortifie de cœur et de corps, et vous rende toujours parfaitement sienne. Je suis en lui plus vôtre que vous ne sauriez penser.

Je salue amoureusement le cœur de votre Angélique [Lhuillier].

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE CDXVI - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

On ne peut acquérir la perfection sans peine. — La partie supérieure de l'âme doit dominer comme une reine sur tous les mouvements naturels.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, décembre 1622.]

J'ai été un peu longue à vous répondre, ma très-chère fille, mais vous me le pardonnerez bien, s'il vous plaît. Je vois toujours votre cœur, qui confesse ses fautes avec désir et courage de son avancement : voilà comme il faut faire ; car, ma chère fille, il faut avouer franchement et fidèlement nos défauts, s'en humilier doucement et tranquillement, et surtout s'en amender fortement et généreusement. Faites ainsi, ma très-chère fille, je vous en supplie, afin que Dieu soit glorifié en nous, car ce bon Sauveur veut des effets et des actions de vraie vertu : nul bien sans peine. Vous avez vos passions puissantes, c'est pourquoi vous ne devez point vous flatter, ni penser acquérir la perfection que vous désirez, sans peine. Il faut donc travailler à la parfaite mortification, et à faire jouer la partie supérieure, la [85] tenant au-dessus de tout ressentiment et aversion, comme une reine qui régente et gouverne absolument son royaume.

Ma fille, je vous dis ce que vous devez faire ; je vous conjure de l'entreprendre joyeusement et courageusement. Dieu sera avec vous, n'en doutez point. Humiliez-vous profondément, mais confiez-vous en sa divine Providence tout entièrement, et je supplie sa divine Bonté de' vous conduire comme sa plus chère brebis, et toute cette chère troupe de nos Sœurs, que je salue cordialement avec vous, les conjurant, par les entrailles sacrées de notre bon Sauveur, de marcher fidèlement en l'observance de nos Règles. Que si elles le font en simplicité, quel saint état d'âme, suivi de très-grandes récompenses ! Je leur conseille toutefois de le faire purement pour Dieu, et de prier pour moi qui les chéris avec une dilection toute cordiale, vous étant à toutes bien humble sœur et servante en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nancy.

LETTRE CDXVII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Elle réclame des nouvelles de saint François de Sales. — Détails sur le monastère de Valence.

VIVE † JÉSUS !

Grenoble, [décembre] 1622.

Ma très-chère fille, je pensais que j'aurais ici quelques nouvelles de vous, et de ce qui s'est passé avec Monseigneur, tant pour ma consolation que pour les affaires de notre Institut, mais vous n'y avez pas pensé.[48] [86]

Nous avons reçu aujourd'hui le paquet de Dijon que M. Lambert a apporté. Nous allons partir pour Belley, après avoir arrêté ici neuf ou dix jours. Grâce à Dieu, il y a sujet de le bénir en cette maison, tant pour le spirituel que pour le temporel. Nous laissâmes nos bonnes Sœurs de Valence toutes pleines de bons désirs ; nous examinâmes toutes les officières. La Mère est bonne, sage et zélée plus que je ne pensais, grâce à Dieu ; mais ses maladies et la grande jeunesse de ses compagnes ont un peu nui. Ce sont pourtant de bonnes âmes ; sur toutes, je trouve à mon gré ma Sœur Hélène-Marie, et je reconnus clairement que ma Sœur M. -M. était un peu déchue de ce que vous m'en aviez dit : elle était trop jeune pour être en cette charge. Si la disposition que vous en faites là ne réussit pas, il faudra que vous la retiriez et envoyiez notre Sœur N***, qui était portière, pour être assistante et directrice. Elles rendent bonne odeur, mais il les faut aider si elles en ont besoin. Je vous prie de mander à la Supérieure de cette ville le devis de notre plan que je vous ai laissé pour le Père Feuillant, mais je vous prie de ne point tarder, car il est important.

Adieu, ma très-chère fille, je salue toutes vos Sœurs, je les aime très-chèrement.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Valence. [87]

ANNÉE 1623

LETTRE CDXVIII - À MONSEIGNEUR JEAN-FRANÇOIS

FRÈRE ET SUCCESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES À L'ÉVÊCHÉ DE GENÈVE

Sentiments héroïques de résignation sur la mort de saint François de Sales. — Déférence et soumission envers le nouvel Évêque.

VIVE † JÉSUS !

[Belley, 7 janvier 1623.]

Oui, Monseigneur, j'adore de tout mon cœur la divine volonté en la mort de cet incomparable Père, et m'y soumets sans réserve ; mais, ô Dieu ! non pas sans une extrême douleur, dans laquelle je veux ainsi aimer et révérer les décrets de son éternelle Providence sur moi qui mérite bien ce châtiment. Dieu nous fera miséricorde et vous conservera, s'il lui plaît, mon très-cher Seigneur, pour le service de sa gloire, en la place de ce grand homme de Dieu, qui nous a laissées si comblées de douleur, mais pleines de résolution de lui obéir toujours fidèlement et humblement en votre personne. Je vous supplie très-humblement de m'adresser un mot chez M. N. pour me faire savoir si vous désirez que je me hâte, et aussi ce me sera consolation en ma douleur d'être en notre pauvre petit monastère d'Annecy lorsque le précieux corps de cette sainte âme y sera apporté. Oh ! mon bon et cher Seigneur, ce sera désormais et plus que jamais que je ne chercherai rien en la terre, sinon mon Dieu dans lequel je me veux abîmer sans réserve, et, comme vous dites, adorer Dieu en silence et faire tout ce que nous pourrons pour parvenir à la participation de la gloire que nous espérons et que possède ce grand vaisseau d'élection. [88]

LETTRE CDXIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Acquiescement à la volonté de Dieu. — Le testament de saint François de Sales indique le lieu de sa sépulture. — Il faut surmonter les difficultés qu'opposent les magistrats de Lyon au départ de sa dépouille mortelle.

VIVE † JÉSUS !

[Belley, 7 janvier 1623.]

Ma vraie et bien-aimée fille,

C'est de tout mon cœur que j'acquiesce à la très-sainte et très-adorable volonté de mon Dieu en cet événement si douloureux, et incomparablement sensible à mon chétif cœur. Je n'ai point de paroles ; il faut désormais se taire et adorer par un profond silence cette sagesse éternelle, qui m'a retirée tant de fois de la mort, pour me faire souffrir ces douleurs si prégnantes de me voir si promptement privée de la seule consolation qui me restait en cette vie. Bénie soit-elle à jamais cette douce volonté de mon Dieu, nonobstant l'amertume répandue en toutes les parties de mon âme, excepté en la fine pointe où elle ne peut vouloir ni aimer que les effets de son bon plaisir !

J'entends que messieurs de Lyon font difficulté de nous donner ce saint corps ; je sais bon gré à leur dévotion ; mais nous mourrons à la poursuite de ce trésor ; car, de sa bouche propre, il me dit qu'il voulait être enterré en notre monastère d'Annecy, proche de notre treille [grille] ; et, outre ce, il a déclaré cette sienne volonté par son testament. Donc, ma fille, qu'il ne vous reste ni force ni courage que vous ne l'employiez pour nous le faire venir ; mais cela sans différer, je vous en conjure ; et, si je l'ose, je vous le commande, selon le pouvoir que Dieu m'a donné sur vous, et qu'il soit conduit le plus honorablement qu'il se pourra.[49] [89]

Mon Dieu, quelle douleur ! O bon Jésus ! ma fille, priez-le pour moi, à ce qu'il me fasse miséricorde, et la grâce de vivre désormais toute à Lui en la parfaite nudité et détachement de toutes choses, puisqu'il Lui a plu d'écorcher ainsi mon chétif cœur. Certes, je désire que ce grand et incomparable Serviteur de Dieu soit plus parfaitement parmi nous et plus ponctuellement obéi qu'il n'a jamais été.

Ce m'est une particulière douleur d'être partie de Lyon ; toutefois l'ayant fait, comme vous savez, pour obéir à son intention, j'acquiesce en tout.

Ma fille, ne vous êtes-vous point avisée de lui demander ses derniers commandements pour moi qui n'en puis plus ? Mais j'espère toutefois que je pourrai tout en Celui qui me conforte, la volonté duquel j'aime et confesse ; je l'adore et m'y soumets pleinement, sans réserve. Qu’à jamais elle vive et règne en nous ! Votre, etc. [90]

LETTRE CDXX - À LA SŒUR FRANÇOISE-MARGUERITE FAVROT

ASSISTANTE À ANNECY

La parfaite adhérence au bon plaisir divin n'empêche pas de ressentir vivement la douleur.

VIVE † JÉSUS !

[Belley, 7 janvier 1623.]

Oh Dieu ! qu'il est raisonnable, ma très-chère Sœur, d'acquiescer au très-saint et adorable décret de la divine Providence ! mais d'empêcher la douleur, il n'y a que Celui qui a fait la plaie qui puisse la guérir ! Il faut toutefois prendre courage. Il ne faut pas craindre nos Sœurs de Lyon ; elles sont filles d'obéissance. J'espère que bientôt nous aurons ce bienheureux corps. Hélas ! ma très-chère fille, quelle rencontre pour ma bienvenue ! Mais, ô mon Dieu, vous le voulez, et je le veux aussi de tout mon cœur, quoique avec des douleurs incomparables. Nous partirons lundi ou mardi, au plus tard ; il me tarde plus d'être en cette bénite maison que vous ne sauriez penser ; mais il faut ici servir Dieu sans réserve, en la façon qu'il lui plaira. Dieu soit notre unique consolation ! il n'y en a plus que là ; mais c'est assez. Qu'il soit béni éternellement ! Votre, etc.

LETTRE CDXXI - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ARCHEVÊQUE DE BOURGES, SON FRÈRE

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Belley, 1623.]

Monseigneur,

Vous voulez savoir ce que fait mon cœur en cette occasion. Hélas ! il a, ce me semble, adoré Dieu au profond silence de sa [91] très-dure angoisse ! Certes, il n'avait jamais ressenti amertume si grande, ni mon pauvre esprit reçu une secousse si pesante ; ma douleur est plus grande que je ne saurais jamais dire, et il me semble que toutes choses servent pour accroître mes ennuis, et me porter au regret. Il me reste pour toute consolation de savoir que c'est mon Dieu qui a fait, ou permis que ce coup ait été fait ; mais, hélas ! que mon cœur est faible pour supporter ce pesant fardeau, et qu'il a besoin de force ! Oui, mon Dieu, vous aviez prêté cette belle âme au monde, maintenant vous l'avez retirée, votre saint Nom soit béni ! Je ne sais point d'autre cantique que celui-là : « Le Nom de mon Seigneur soit béni ! »

Mon très-cher frère et mon très-cher Père, mon âme est pleine d'amertume, mais aussi pleine de paix à la volonté de mon Dieu, à laquelle je ne voudrais pas contredire d'un seul clin d'œil ; non, je vous assure, mon très-cher Père, dont il lui a plu de nous ôter ce grand flambeau de ce misérable monde, pour le faire luire en son royaume, comme nous croyons assurément, son saint Nom soit béni ! Il m'a châtiée comme je méritais ; car vraiment je suis trop misérable pour jouir d'un si grand bien, et d'un contentement tel qu'était celui que j'avais de voir mon âme entre les mains d'un si grand homme, vraiment homme de Dieu.

Je pense que cette bonté suprême ne veut plus que j'aie de plaisir sur la terre, et je n'y en veux plus avoir aussi, que celui d'aspirer après le bonheur de voir mon très-cher Père dans le sein de son éternelle bonté. Je veux bien pourtant demeurer dans cet exil ; oui, mon très-cher frère, oui véritablement, ce m'est un exil bien dur, l'exil de cette misérable vie ; mais j'y veux demeurer, dis-je, autant que la souveraine Providence le voudra, lui remettant le soin de disposer de moi selon son bon plaisir. Je me recommande à vos saints sacrifices, et cette petite famille qui est tout en douleur, laquelle fait son petit [92] gémissement avec tant de douceur et résignation que j'en suis toute consolée. Nous en partirons bientôt, pour retourner en notre pauvre petite demeure d'Annecy, là où ma douleur se renouvellera en voyant nos très-chères Sœurs. Dieu soit béni de tout ! Vive sa volonté ! Vive son bon plaisir !

Je soulage bien mon pauvre cœur de vous parler de la sorte, et béni soit mon Dieu qui me donne encore cette consolation ! Je vous remercie de votre charitable lettre ; croyez que vous avez bien gagné les œuvres de miséricorde, car elle m'a l'ait grand bien, et à nos chères filles, de recevoir de vos nouvelles. Continuez-nous cette sainte affection, s'il vous plaît, et vous assurez, mon très-cher Père, que nous vous porterons toujours en notre souvenir devant Dieu ; car c'est de cœur que nous sommes vos petites filles ; et moi spécialement, qui, comme la plus nécessiteuse de toutes, me confie en votre paternelle affection.

Je suis, en l'amour du Sauveur, Monseigneur, Votre très-humble, etc.

LETTRE CDXXII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Entier abandon aux dispositions de la Providence. — Avoir un filial recours aux Pères de la Compagnie de Jésus dans toutes les difficultés. — Les Sœurs ne doivent pas demander de congés particuliers au Supérieur ni donner le nom de Mère à la Sœur déposée.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 31 janvier 1623.

Qu'à jamais ce très-saint nom soit béni et loué en nos tribulations, afin que l'extrémité de nos douleurs soit un parfum agréable à sa divine Majesté ! Ma fille, que le coup est grand et pesant, mais que la main qui l'a donné est douce et paternelle ! [93] c'est pourquoi je la baise et la chéris de tout mon cœur, baissant la tête et pliant tout mon cœur sous sa très-sainte volonté que j'adore et révère de toutes mes faibles puissances. Il ne me reste en cette vie que le désir ardent de voir nos monastères en la parfaite et très-amoureuse observance des choses que ce très-heureux et très-saint Père nous a laissées. Il faut entreprendre cela, ma très-chère fille, et y porter toutes nos chères Sœurs, mais doucement et suavement ; car surtout il faut que cet esprit de suavité éclate parmi nous ; je vous Je recommande de tout mon cœur.

La conduite de votre visite [régulière] et toute cette action a été très-bien. Il faut toujours faire ainsi. Le Père recteur est un digne homme que je salue révéremment ; nous sommes très-heureuses d'avoir l'affection et l'assistance de celle Compagnie-là. Notre Bienheureux Père me dit à Lyon qu'il la fallait chèrement conserver, et prendre là noire conseil et secours en nos besoins. Il faut tolérer doucement M. le doyen et l'honorer mais les Sœurs ont grand tort de s'adresser à lui pour avoir des congés ; je les conjure de ne plus faire cela, et d'aller simplement à la Supérieure, et en la sainte observance, tant qu'il leur sera possible ; elles savent bien que ce bon seigneur n'a pas été dressé aux choses de religion ; qu'elles aillent courageusement et cherchent Dieu, faisant son bon plaisir.

Il faut que ma chère Sœur Marie-Aimée [de Morville] se contente de jouir des choses qui sont marquées dans ses privilèges ; et je crois qu'elle le fera, car elle a son cœur très-bon, et je l’en supplie, sans passer outre, puisque c'est assez à une servante de Dieu. Tous ces congés ne la découlperaient pas devant Dieu. Oh ! je m'assure de sa bonté, et que, plus que jamais, elle prendra bon courage. Je la supplie de ne point lire la Bible ; je sais très-assurément que notre Bienheureux Père ne le lui eût pas permis ; il y a tant de bons livres et puis nous avons tant besoin de nous appliquer à faire plutôt [94] qu'à étudier. Les Sœurs, en façon quelconque, ne doivent demander aucun congé qu'avec l'avis de la Supérieure. Seigneur Jésus ! qu'elles ne se laissent point emporter à cette fantaisie ! Malheur à celles qui, sans nécessité, voudront être dispensées ! et, pour la nécessité, la Mère ne doit jamais refuser. Mais nos Sœurs sont, grâces à Dieu, bien éloignées de cela ; elles ont le cœur trop bon ; je les connais bien. Il faut que vous donniez vous-même les lettres du Père spirituel ; la Règle est claire, et ces petits commandements faits sans discrétion ne sont rien, sinon qu'il faut bien faire, en cela, ce que la charité requiert.

Pour Dieu ! suivez votre Règle en ce qui regarde les lettres, et qu'il suffise à ma Sœur M. -A. de vous donner fermées celles qui lui sont permises ; il la faut conduire en cela doucement ; et enfin que les paquets ne sortent de la maison sans passer par vos mains, cela discrètement, car il faut manier délicatement son esprit. J'espère qu'elle fera bien, Dieu aidant. Monseigneur haïssait ces miroirs ; petit à petit, tout sortira. La disposition des officières est bien, et je vois qu'elles ont toutes bon courage, amour et estime de vous et de votre gouvernement ; je ne leur puis écrire ; je les supplie de m'en excuser pour ce coup. Je suis surchargée d'affaires ; mais, Dieu aidant, je ne manquerai pas au besoin. Ayez un grand courage ; Dieu vous aidera, je vous en assure, et vous rendez douce et suave surtout.

J'écris pour achever l'affaire de Nevers ; Monseigneur l'avait à cœur. Au nom de Dieu, ma fille, contentez-vous et ne recherchez de glose en ce traité. Quand vous aurez ce que nous avons dit, jamais il n'en sera plus parlé. Je vous conjure derechef que le tout se passe doucement, sans conteste ; accommodez-vous à tous, afin que le débat finisse » Monseigneur de Nevers ne veut pas que l'on paye la moitié des intérêts, ainsi que j'ai dit, mais on ne laissera pas de les payer, je vous en donne parole et m'y oblige. Mais gardez-vous bien qu'on le [95] sache, car cela gâterait tout vers ce bon prélat qui est heurté à cela. Je suis marrie de ce que l'on contrevient pour une vanité à la Règle, puisqu'elle dit que la seule Supérieure sera appelée Mère ; je voudrais qu'on ne l'eût appelée que ma Sœur J. -Charlotte. Certes, cela n'est pas bien ; vous diriez que nous avons peur de pratiquer et faire pratiquer la sainte humilité, qui était la chère vertu de notre Père.

Je n'en puis plus ; je finis avec mille saintes salutations à nos chères Sœurs, et à vous, à qui je suis entièrement.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXXIII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Exhortation à suivre en tout les intentions du saint Fondateur. — Conserver la liberté du Chapitre. — Égards dus à la communauté de Moulins. — Les Sœurs fondatrices doivent demeurer au monastère qu'elles ont fondé.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 31 janvier 1623.

Il est vrai, ma très-chère fille, je le confesse, que mon Dieu est très-aimable et très-adorable au décret de sa divine Providence, laquelle je révère de toutes mes forces en cet événement si incomparablement douloureux ; et je vous conjure de faire le même, et de prendre un nouveau courage pour faire que les choses que ce très-saint Père nous a laissées soient fidèlement observées, afin que nous puissions parvenir à Celui duquel il jouit pleinement. O ma fille, il ne faut plus avoir de pensées que pour cette bienheureuse éternité ; ces moments ne nous sont donnés que pour cela ; acheminons-y nos cœurs et ceux de nos très-chères Sœurs tant qu'il nous sera possible. Retranchez [96] de votre esprit ces peines que vous prenez, ma fille ; mettez tout entre les mains de Dieu, et vous verrez que tout ira bien. Il se faut tenir avec le devoir qu'on doit au prélat, mais il faut conserver son autorité et celle du Chapitre, et suivre ponctuellement la Règle, ne se rendant pas esclave ; je m'assure que les prélats nous laisseront toujours notre liberté.

Il me tarde, ma chère fille, que l'affaire de Moulins soit finie. Dieu y mette sa main, et veuille parfaitement unir ces deux communautés. Travaillez à cela et oubliez toutes ces petites tricheries ; jetez tout cela dans la fournaise de la divine charité. Je suis tellement lasse de cette affaire et désireuse de la voir achevée, que je voudrais avoir donné de mon sang, et que c'en fût fait. Au nom de Dieu, ma fille, sortez-en et avec l'esprit de notre Bienheureux Père, qui avait conçu tant d'aversion de ces petites contestes de N. Je connais bien votre cœur et je lui dis bien comme je vous avais toujours vue fort souple à tout ce que nous voudrions en cela. O mon enfant, il le faut achever ainsi et demeurer en paix. Je suis vôtre, ma fille, d'une sorte toute spéciale.

[P. S.] Courage, je vous prie ; embrassez amoureusement toutes les rencontres de pauvreté, d'humilité, de mortification et tout ce qui se présentera, coopérant aux desseins de Dieu qui veut que votre maison soit fondée sur l'humilité, sur la bassesse et la confiance absolue en sa Providence. Soyez donc toutes très-petites et très-contentes de l'être, et Dieu sera glorifié ; je l'en supplie de tout mon cœur. Amen.

Les deux filles qui sont à Nevers y doivent demeurer ; car, Seigneur Jésus ! où est-ce qu'on a coutume de ne pas vouloir garder les filles qui ont été envoyées pour fondement ? Vous savez ce que je vous ai écrit autrefois sur ce sujet : la raison, la justice et la charité veulent cela. On ne les doit renvoyer, on peut bien les retirer (ceux qui les donnent), ou les employer ailleurs ; mais que la maison où elles ont servi les en chasse, serait chose [97] indigne qui ne s'est jamais vue. Mon enfant, faites jouer tous vos ressorts afin que tout s'apaise, et enfin témoignez toujours que vous ne voulez aucun débat contre vos Sœurs, et suppliez humblement que l'on ne demande nul consentement de vous pour cela ; car c'est chose que vous ne pouvez ni devez. J'écris selon les sentiments que je crois que Dieu me donne. Mon enfant, je suis vôtre sans réserve.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CDXXIV (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À DIJON

L'espérance de revoir au ciel son Bienheureux Père console la Sainte dans sa douleur. — Ne pas juger les actions de la Supérieure et demander avec confiance les soulagements nécessaires à la santé.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Hélas ! ma très-chère Sœur, il est vrai, le seul bon plaisir de Dieu et la gloire que possède ce Bienheureux Père sont ma seule consolation en cette incomparable perte. Or bien, nous irons un jour le voir, moyennant la douce miséricorde de Dieu laquelle je vous conjure de m'impétrer. [Il manque plusieurs lignes.]

Nos Sœurs ont très-grand tort de s'amuser à regarder qu'elle [la Supérieure,] n'est pas assez infirme pour prendre les soulagements qu'elle prend. Certes, en cela je ne les puis excuser et dis encore qu'elles ont très-grand tort : leur appartient-il d’aller éplucher sur cela ? Si elle faisait des choses apparemment contraires à la Règle, il lui faudrait remontrer humblement ; mais aller peser si elle est assez malade pour s'aller coucher [98] ou non, cela me déplaît bien, et je sais, certes, qu'elle est infirme et sujette à beaucoup d'incommodités ; que si nos Sœurs les avaient, elles chercheraient bien leur soulagement. Voilà une mauvaise tentation ; je prie Dieu qu'il y remédie, car sitôt que l'estime que l'on doit à la Supérieure est levée, adieu, tout se dissipe.

Or, je vous prie, ma très-chère Sœur, faites tout ce que vous pourrez afin que la cordialité règne par là. Demeurez ferme en votre état ; Dieu ne veut de vous autre chose. Mais, je vous supplie, obéissez à la Règle qui dit que l'on demande en simplicité les soulagements dont l'on a besoin ; vous ferez chose agréable à Dieu, car en obéissant vous vaincrez votre cœur qui est attaché à ces choses extérieures.

Rendez-vous toujours plus cordiale, ouverte et familière avec la Mère, voire même aux novices, que je salue de toute la force de mon cœur. À part, notre Sœur M. -A. et la petite N***. À cause de sa tendreté, soyez-lui une bonne nourrice, je vous prie. Dieu fasse tirer profit à notre Sœur N*** de son retardement ; je crois qu'elle ferait plus par l'encouragement et cordialité que par les mortifications : essayez-le, je vous prie, c'est mon sentiment.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [99]

LETTRE CDXXV - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Misérable est le cœur à qui Dieu ne suffit pas. — Saint François de Sales visite le monastère d'Annecy par des odeurs célestes. — Ne plus aspirer qu'à l'éternité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère sœur,

Il est vrai, c'est l'extrémité des douleurs que je puis recevoir dans cette vie que la privation de la chère présence de mon Bienheureux Père, laquelle était mon unique trésor et ma seule joie en ce monde. Mais, puisqu'il a plu à mon Dieu de m'en priver, j'acquiesce de tout mon cœur à son bon plaisir, me consolant, en ce que je puis dire avec vérité, qu'il est maintenant mon unique et seule consolation ; mais aussi, ma très-chère fille, n'est-ce pas assez et même tout ? Certes, le cœur est trop avare à qui Dieu ne suffit, et le cœur est misérable qui se contente de moins que de Dieu.

Ma très-chère Sœur, ne faut-il pas que je vous dise et à ma très-chère Sœur Hélène-Angélique [Lhuillier], puisque, par la bonté de Notre-Seigneur, vous êtes parfaitement unies, je vous veux donc dire que cette très-sainte âme, qui nous a donné tant de parfums de vertus, nous en donne encore à présent des extérieurs.[50] La plupart des Sœurs d'ici ont senti une infinité de fois, et en divers lieux, des odeurs si suaves et [100] extraordinaires, que nous croyons probablement que c'est le Bienheureux qui nous visite et nous fait entendre, par ces odeurs célestes, qu'il prie pour nous. Que cela touche le cœur, ma très-chère fille. J'en fus dimanche tout attendrie ; car, par trois diverses fois, je les sentis.

De vous dire comme Dieu manifeste son très-humble Serviteur, ce serait une chose trop longue. Bref, il y a de quoi grandement glorifier et remercier Notre-Seigneur. Faisons-le donc, mes très-chères filles, que mon âme chérit uniquement, mais faisons-le par une fidèle observance des choses que nous savons. Oh ! quel honneur et quel bonheur que de servir, par une très-humble et absolue soumission, la sainte volonté de notre bon Dieu ! Mes très-chères filles, il ne faut plus penser ni aspirer qu'à cette glorieuse éternité ; là est notre Souverain Bien duquel nous jouirons éternellement, dont il soit béni ! Votre, etc.

LETTRE CDXXVI - À LA MÈRE FRANÇOISE-GABRIELLE BALLY

SUPÉRIEURE À BOURGES

Pratiquer fidèlement l'humilité, la douce charité et la confiance en Dieu. — Il ne faut priver aucune Religieuse du bienfait de la correction. — Rien au monde ne doit altérer la paix du cœur.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 20 février 1623.

Ma très-chère fille,

Vous savez, il y a longtemps je m'assure, l'incomparable [101] perte que nous avons faite en cette vie. Hélas ! j'espère en la bonté de Notre-Seigneur qu'elle nous sera récompensée dès le ciel, par celui qui maintenant jouit si à souhait de la félicité à laquelle il a tant aspiré, et qu'il nous obtiendra toutes les grâces nécessaires pour bien et fidèlement accomplir ce qu'il nous a si saintement ordonné. Ma très-chère fille, il n'a recommandé que cette ponctuelle observance. Au nom de Dieu, soyons-lui fidèles, et à conserver l'esprit d'une véritable humilité et douce charité ; surtout, surtout, je vous conjure, et toutes nos Sœurs pour ce point, de demeurer en paix avec une entière confiance en Dieu, car c'est où notre Bienheureux Père nous a toujours renvoyées.

Ce m'est un grand contentement de savoir que Mgr l'archevêque vous soit si affectionné ; c'est un très-vertueux prélat ; faites-lui très-humble révérence de ma part. Je crois que vous ne devez pas refuser des filles de huit cents écus avec leurs meubles, si elles ont de bonnes dispositions. Ayez grand courage ; croyez que Dieu ne vous délaissera point.

Je salue chèrement M. P., je le chéris et honore grandement comme un bon serviteur de Dieu et très-affectionné à notre Institut. O ma fille ! la Sœur assistante est votre fille comme les autres ; il la faut corriger, redresser et perfectionner ; elle est jeune, elle a bon zèle ; mais il la faut plier, quoique doucement, en la prenant par raison, cordialement, lui faisant voir ses défauts, et ne lui souffrir nullement qu'elle exerce sa charge impérieusement ; cela est tout contraire à son devoir et à l'esprit de Monseigneur notre Bienheureux Père ; mais en cela elle agit selon son naturel, lequel elle doit adoucir, modérer et humilier ; qu'elle voie les Entretiens. Enfin, il la faut aider et ne souffrir nullement que l'esprit d'aigreur entre chez nous sous nul prétexte ; il n'y aura point de danger de l'ôter de charge, si elle ne se change. Au moins, l'année prochaine, il faudra mettre une autre assistante : ma Sœur Anne-Marie est une [102] brave fille qui pourrait y être employée. Ma très-chère fille, je vous conjure de ne vous point laisser abattre l'esprit pour toutes les croix que vous avez. Croyez-moi, c'est un grand présage de sainteté que tout cela, et aimez, je vous prie, votre pauvreté. Hélas ! que notre unique Père l'aimait !

Ma fille, ma fille très-chère, la grande douleur que mon chétif cœur ressent pour cette privation ! mais je vous dirai que, grâce à mon Dieu, c'est avec paix. Oh ! qu'il aimait cette paix, et combien de fois nous l'a-t-il recommandée ! Non, jamais, disait ce saint homme, pour chose que ce soit, il ne faut perdre sa tranquillité. Je vous dis le même, ma très-chère fille, ne perdez point votre paix pour chose quelconque ; confiez-vous en Dieu ; remettez entre ses mains bénies toute votre charge, ayez soin qu'il soit glorifié, et vous verrez qu'il accourra à votre secours.

Je n'écrirai point à nos Sœurs, pour ce coup, je n'en puis plus. Certes, je sais bon gré à notre pauvre Sœur Marie-Hélène [Le Blanc] de vous soulager ; c'est un bon cœur ; mais qu'elle se décharge de ses soins, de ses craintes et désirs superflus, et se délaisse tout à l'obéissance. Voilà un billet pour cette petite Anne-Catherine qui me fait si grande pitié. Il y a trois mois que je n'avais reçu de vos nouvelles, le temps m'en était long. Je ne manquerai jamais de vous écrire et de vous répondre, ni de vous servir tant que je pourrai, ma très-chère fille, car je vous aime comme mon propre cœur. Notre Sœur Marie-Gasparde [d'Avisé] vous écrit nos nouvelles, car je ne le puis. À Dieu, ma fille très-chère, je supplie cette infinie Bonté de vous tenir sous sa sainte protection et pourvoir de tout ce qui vous est nécessaire. Je salue le Révérend Père recteur précédent. Je suis entièrement toute vôtre, ma très-chère fille.

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [103]

LETTRE CDXXVII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Exposé de l'état de paix et de résignation dans lequel elle reçut la nouvelle du décès de son Bienheureux Père.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 février 1623.

Ma très-chère fille,

Il est vrai que mon âme ne fut jamais si sensiblement touchée qu'elle l'a été et est encore sur la privation d'une si sainte et utile présence que celle de notre Bienheureux Père ; mais il est vrai aussi que, par la grâce de Dieu, elle ne fut jamais moins troublée. Voici comme je reçus ce coup, lequel en vérité m'eût fait mourir, si une autre main que celle de mon Dieu me l'eût donné : nous étions à Belley ; et, le jour des Rois, les Révérends Pères Capucins et autres vinrent au parloir. Après avoir parlé d'affaires, je demandai : Mais, mon Dieu ! n'a-t-on point de nouvelles de Monseigneur ? On me dit tout froidement que oui, qu'il était malade à Lyon. Je dis incontinent qu'étant voyagère j'y voulais aller. Alors, ils me donnèrent une lettre de Mgr d'aujourd'hui, qui est son très-digne frère. Avant que de la lire, je me retirai intérieurement en Dieu, et ainsi j'ouvris cette lettre où je trouvai que notre Bienheureux était au ciel ; mon cœur fut saisi nonpareillement. Je me mis à genoux, et adorai la divine Providence, embrassant le mieux qu'il me fut possible la très-sainte volonté de Dieu et mon incomparable affliction en icelle. Je pleurai abondamment le reste du jour, toute la nuit et jusqu'après la sainte communion du jour suivant, mais fort doucement et avec une très-grande paix et tranquillité dans cette divine volonté et en la gloire dont jouit ce Bienheureux, car Dieu m'en donna beaucoup de sentiment avec des lumières fort claires des dons et grâces que la [104] divine Majesté lui avait conférés, et de grands désirs de vivre désormais selon ce que j'ai reçu de cette sainte âme. Après la sainte communion, je continuai ce que j'avais à faire ; mais j'avoue à votre cœur que je n'ai encore passé qu'un jour ou demi-jour sans larmes et en abondance ; car mon cœur est fort touché, quoique en paix, et ne laisse à faire aucune chose de ce que je dois. Mes attendrissements se font en écrivant, ou parlant à ceux que ce Bienheureux aimait.

Vous vous êtes excellemment bien comportée, et votre chère troupe, en cette affliction. Hélas ! il faut que je vous dise encore que je ne parlai à ce Bienheureux, étant à Lyon, que de nos maisons et de nos petites remarques pour notre Coutumier et pas un mot de mon intérieur. Dieu soit béni qui m'a encore voulu priver de cette consolation et profit ! Je reçois une grande satisfaction de voir comme Dieu manifeste son très-humble Serviteur par tant de miracles, que c'est chose digne de bénédictions ! O ma fille, prions, humilions-nous et soyons fidèles à Dieu, en reconnaissance de ses miséricordes. Je salue votre cher cœur, et suis de tout le mien, votre, etc.

LETTRE CDXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Prière de lui envoyer des reliques de saint François de Sales et de lui communiquer ses dernières intentions. — Ne pas s'absenter de l'Office pour travailler à quelque ouvrage, fût-ce même pour la sacristie,

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 2 mars 1623.

[De la main de la Sœur Marie-Gasparde d'Avise.] Ma très-chère Mère, notre très-digne Mère m'a commandé de dire à Votre Charité qu'elle ne vous peut écrire ; mais elle dit aussi qu'elle vous a déjà prou écrit sans avoir aucune réponse, ni [105] d'effet, ni de lettre. Elle vous prie de lui envoyer des reliques de notre Bienheureux Père ; toutes nos maisons s'adressent ici pour en avoir, et tant de monde qui s'adresse à Mgr l'évêque, lequel n'en a pas aussi. Ils vous prient tous deux de leur en envoyer de toutes celles que vous avez et en quantité[51] ; et, s'il y a moyen, que vous fassiez tant vers le jardinier qu'il rende la chemise qu'il a eue de feu Monseigneur.

Certes, notre très-chère Mère dit qu'elle voudrait bien avoir quelque réponse de tout ce qu'elle vous a demandé. Elle désire encore que Votre Charité lui envoie si Monseigneur ne vous a point dit ce qu'il faudrait faire, s'il se présentait une occasion comme celle de notre Sœur F. -Jéronyme, si par hasard un évêque voulait faire la même chose, et que vous lui envoyiez ce qu'il vous en a dit, et aussi s'il ne vous parla point de ce qui regarde l'union de nos maisons depuis son départ, si l'assemblée fut faite avec les Pères Jésuites et ce qui fut résolu. Elle vous prie de vous en informer bien particulièrement vers le Père Michaëlis [Jésuite].

Elle dit que pour la nièce de notre Sœur Marie-Catherine de Villars, nous ne la pouvons pas recevoir à cet âge, mais que quand elle aura l'âge, si elle est jugée propre, nous la recevrons.

[De la main de la Sainte.] Ma chère fille, je ne suis pas si sèche que cette Sœur M. -Gasparde. Oh ! non, je ne me fâche point, j'attends en patience la réponse à toutes mes petites demandes. C'est pour les Directoires,[52] car si je peux, je n'y veux [106] rien mettre que de l'esprit de notre Bienheureux Père et selon son intention. Votre paquet où étaient les Règles n'est point venu, et, partant, il faut que vous me récriviez longuement et bien. Voilà votre Entretien puisque vous en êtes si pressée ; si vous l'envoyez à Paris ou à Orléans, ils le pourront accommoder, si mieux vous ne voulez prendre la patience de le faire vous-même. Faites-y ajouter de la même main ce que Monseigneur a dit : qu'il ne fallait nullement quitter les Offices pour avancer les ouvrages, quoiqu'ils fussent pour l'église ; de faire la lecture aux Sœurs quelquefois, il le tolérait, mais il faut excepter les absolues nécessités.

Je répondrai à toutes vos lettres. Je vous prie de faire presser M. de Sacconnex par M. Brun, qui nous fera bien cette charité, et je le salue, et [de presser] aussi madame Daloz, car il n'y a plus moyen de tant différer. Je salue, mais chèrement, M. de Saint-Nizier et toutes nos chères Sœurs, et votre cher cœur, ma fille, Je me suis avisée de faire copier l'Entretien avant que de vous l'envoyer, mais sans le corriger, car je n'en ai pas le loisir tant je suis après nos Directoires. Je voudrais bien que vous sussiez du Père Michaëlis, sans parler de moi, les petits moyens pour conserver l'union en nos maisons. Nous en avons déjà quelqu'un de notre Bienheureux. Mais n'avez-vous pas reçu de Dijon les lettres de madame la première [présidente Brûlart] que Monseigneur lui avait écrites ? Bonsoir, ma fille.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [107]

LETTRE CDXXIX (Inédite) - À LA MÊME

Importance du bon choix des sujets.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 9 mars 1623.

Je ne sais ce qu'il vous faut, ma chère petite, je vous écris si souvent et toujours vous vous plaignez de moi ; aussi n'aurez-vous rien de moi, pour Je coup, que ce billet, car je viens de tant écrire que la tête m'en fait mal ; puis notre messe et le messager me pressent. Je n'ai pas loisir de chercher votre lettre, ni de la lire, mais c'est aussi que je n'ai pas souvenance qu'il y ait rien à quoi je n'aie répondu. Je vous dirai toujours : Choisissez bien les filles et n'épargnez point votre cœur pour recevoir les mortifications qu'il faudra souffrir pour cela. Communiez hardiment et humblement, selon le désir de votre très-bon Père spirituel, que j'honore plus que je ne saurais dire ; et toutes nos chères Sœurs, je les aime tendrement et leur sais très-bon gré de vous bien aimer, et encore plus de ce qu'elles sont si bonnes filles. Certes, la gloire en soit à Dieu ! Celles d'ici font bien.

Saluez le bon confesseur de Monseigneur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [108]

LETTRE CDXXX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À MOULINS

Paix et résignation an milieu des plus sensibles regrets. — Il ne faut pas être ardente à procurer de nouvelles fondations. — Prudence dans le choix des directeurs. — Recueillir avec soin les lettres et les paroles de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Annecy [1623].

ma très-chère sœur,

Vous savez, il y a longtemps, les choses qui sont arrivées ; je ne puis sans larmes en parler ; c'est pourquoi je me tais, pour adorer en profond silence la très-sainte volonté de mon Dieu. Je n'avais rien à perdre ni à gagner en cette vie que cela ; béni soit Celui qui m'a mise toute nue ! Sa bonté me revêtira de Lui-même, ainsi [que] je l'en supplie, et que meshui je vive à Lui seul, en sorte que je parvienne à cette bienheureuse gloire que possède maintenant cette âme bénite et très-sainte, [de laquelle] nous possédons douloureusement, mais très-révéremment et chèrement, le saint corps. Tout le désir de mon âme, c'est de voir observer fidèlement en nos monastères les saintes Règles et instructions qu'il nous a laissées. Hélas ! quelle douleur d'en savoir la moindre négligée sous de chétifs prétextes ! Ce saint homme disait qu'il n'avait plus rien à nous dire, que tout était compris en ce qu'il nous avait donné, qu'il ne fallait sinon l'observer. Oh ! Dieu nous en fasse la grâce, et que nous préférions cela à toutes nos sagesses et inclinations humaines.

Vous n'aurez point de lettre pour Mgr de Clermont, ni n'en eussiez point eue, car notre Bienheureux Père m'avait dit qu'il ne trouvait nullement bon que nous fissions des poursuites pour nous établir nulle part ; qu'il fallait laisser cela à [la] divine Providence (ce fut à propos de la lettre que vous demandiez de la Reine). Puisque la maison est achetée à Riom, il ne faut pas la [109] changer. Dieu conduise cette affaire selon son bon plaisir ! Il faudra, quand la chose sera arrêtée, demander votre obéissance à Mgr qui est maintenant en charge, parce que vous êtes de ce couvent.

Il faut, ma très-chère fille, que vous soulagiez votre pauvre Mère le mieux qu'il vous sera possible. Tout plein de filles m'ont écrit qu'elle donnait satisfaction et que tout allait bien. Nos Sœurs qui écrivent et parlent au bon M. le doyen ont grand tort, car elles savent bien que ce n'est pas un homme à cela. J'espère qu'elles ne le feront plus, je les en conjure. Dites-le-leur, ma très-chère Sœur, et qu'elles s'attachent invariables à leurs observances ; elles ont les Pères Jésuites, gens solides. O Dieu ! faut-il voir ces enfances-là ! ce n'est qu'amour-propre. Je prie Dieu qu'il les en délivre, et qu'il leur donne l'esprit de leur saint Père ; il était bien éloigné de tout cela. Je n'ai point reçu votre cantique, renvoyez-le-moi, ma très-chère fille, et ce que Dieu vous donnera pour l'autre. Faites-[le] sur le chant que vous voudrez, et m'envoyez celui que vous me fîtes allant à Paris.

L'on veut faire la vie de Monseigneur et imprimer ses lettres ; c'est pourquoi on ramasse partout, et je vous supplie, ma très-chère fille, de nous envoyer des copies de toutes celles que vous pourrez reconnaître et avoir. Et des belles paroles qu'il vous a dites autrefois de lui, tâchez de vous en ressouvenir et me les envoyez, comme aussi les réponses à des demandes.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [110]

LETTRE CDXXXI - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES, À DIJON,

Quand Dieu impose le joug, il aide à le porter. — Combattre la jalousie et chercher la perfection dans la pratique de la Règle et non dans les austérités de son choix.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 29 mars 1623.

Ma très-chère sœur,

Ne recevez jamais, sous aucun prétexte que ce soit, aucun doute que Dieu ne vous ait mise lui-même en la charge où vous êtes. Cette croyance doit être un fondement de confiance que Celui qui vous emploie se mettra avec vous sous le joug, pour vous rendre cette charge légère, si vous lui donnez votre consentement. Si vous êtes attaquée de la défiance de vous-même, ne vous en étonnez point, jetez-vous à l'aveugle entre les bras de la divine Providence. Ma fille, dès qu'une fois nos cœurs ne cherchent que Dieu et son bon plaisir, le divin Sauveur les remplit d'une si grande abondance de son esprit, que l'on n'y voit plus que bénédiction et perfection.

Il est vrai, c'est un trésor à votre maison, et, certes, à tout notre Institut, que cette chère Sœur [madame de Vigny]. Que la bonne femme ne s'étonne point ; cela est assez ordinaire que les grandes affections causent toujours un peu de jalousie, surtout dans les âmes encore immortifiées et attachées à elles-mêmes ; car les cœurs généreux attachés à Dieu et détachés de leur propre intérêt méprisent telles faiblesses. C'en était une dans cette chère âme qui lui a causé tout cela, et encore un peu de mélancolie et désir d'emploi. Elle me l'a dit naïvement, car elle est toute bonne. Or, j'espère que désormais nous laisserons là nos répugnances et sentiments, et nous mettrons tout de bon à courir en la voie de la perfection. Ne croyez pas, ma fille, de [111] l'acquérir par des austérités contre la Règle. Dieu veut que nous édifiions nos Sœurs par humilité, douceur, vraie dévotion et oubli de nous-mêmes, et non par les macérations du corps : l'un profite plus que l'autre en toute façon.

Nos Sœurs NN. ne vous écrivent pas ; elles sont allées à Rumilly par l'ordre de Mgr notre prélat pour dresser ès pratiques religieuses des parfaitement bonnes âmes qui se sont retirées du monastère ouvert [sans clôture] pour se réformer sous la règle de Saint-Bernard.[53] Je les recommande à vos prières et les misères de mon cœur qui est tout vôtre, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXXXII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Il ne faut recevoir qu'une ou deux filles au plus, qui pour des maux de tête ne pourraient s'appliquer à l'oraison. — Ne pas permettre inutilement l'entrée du monastère, même aux personnes qui aspirent à la vie religieuse. — Projet d'établir une maison de la Visitation à Marseille.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 31 mars 1623.

Il est vrai, ma très-chère fille, je le confesse, c'est l'extrémité de douleur pour mon chétif cœur ; mais quoi !mon Dieu le veut et mon Bienheureux Père jouit de la félicité éternelle, n'est-ce pas assez pour me confondre en mes tendresses et me [112] faire tenir coite ? Oui, certes, béni soit Dieu ! Ne parlez plus que de vivre en telle sorte que nous puissions un jour parvenir en ses tabernacles éternels. Je connais votre cœur, sa bonté, sa franchise et son amour pour moi, Dieu me fasse la grâce de vous correspondre ; je le veux de toute mon affection, et ne vivre un moment que pour vous servir toutes sans réserve ; mais, hélas ! que j'en ai peu de capacité ! Conseillez-vous à nos Règles et aux Pères Jésuites, pour les petites occasions douteuses qui vous arrivent avec les prélats. Il faut ralentir doucement cette grande affection qu'ils ont aux biens [temporels].

Il n'y a point de mal de prendre une fille qui ne peut s'appliquer à l'oraison, et notre Bienheureux Père disait qu'il n'en fallait qu'une ou deux en chaque monastère, au plus.

Quand les Sœurs vous demandent congé de parler en particulier, elles doivent dire pourquoi, s'entend le sujet en général, pour ce qui les regarde, de même de ceux qui leur parlent, la Règle nous instruit assez pour cela. Pour Dieu, que votre Sœur F. M. suive la communauté, et ne se couvre en son inclination du prétexte et conseil de notre Bienheureux Père ; il aimait souverainement que l'on allât toutes d'un pas. Certes, si cette dame ne peut quitter encore le monde et se rendre Religieuse, elle doit avoir patience, car ces entrées ne se permettent non pas même aux filles prétendantes. Ma toute chère fille, messieurs vos père et mère se portent bien ; je ne les ai point vus pourtant.

Bientôt on envoie à Marseille, je pense que ce sera notre [113] Sœur Françoise-Marguerite [Favrot], ce que je ressens un peu, car c'est une vraie bonne femme qui me soulage fort ; mais Dieu soit béni ! Ma très-chère fille, je suis plus vôtre que vous ne sauriez imaginer. Pour Dieu, soulagez-vous. J'espère que ces sueurs vous guériront, si Dieu plaît ; je l'en prie de tout mon cœur. Je vous écrivis un billet il y a quelque temps, n'ayant reçu aucune nouvelle de vous, il y avait trois mois et demi.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE CDXXXIII [Inédite) - À LA MÈRE. MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Dispositions concernant la fondation de Marseille. — La Mère de Blonay est autorisée à corriger les Directoires.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 31 mars 1623.

[De la main d'une secrétaire.] Ma très-chère Mère, notre très-chère Mère vous supplie d'envoyer ces lettres de Paris à la poste, et de mettre un bon port dessus le paquet, et la date du jour qu'elles auront été données à Lyon, disant que, s'ils les remettent promptement, on leur donne tant. Elle vous prie aussi de voir la lettre qu'elle écrit au Père Le Jeune, et vous mande que Mgr veut que l'on prenne ici toutes les Religieuses qu'il faut pour Marseille, puisque la Supérieure s'y prend, et qu'aussi elle a considéré devant Dieu qu'en vraie vérité vous n'en pourriez fournir, puisqu'il vous faut faire la fondation de Mâcon ; qu'après avoir tiré celles qui conviendraient, elle ne voit aucune des vôtres qu'on vous puisse lever sans intéresser votre maison ; mais qu'il faut que Votre Charité conduise si prudemment que l'on ne sache pas où on les aura prises, n'en étant pas besoin, et que vous fassiez réponse au Révérend Père, sur toutes [114] ses demandes ; que nous portons du linge, et mangeons de viande, et le reste. Vous n'aurez pas encore le Directoire, notre très-chère Mère le veut encore voir.

[De la main de la Sainte.] Ma très-chère fille, croyez que je ressentirai très-bien le dépouillement de notre bonne Sœur Françoise-Marguerite ; c'était ici tout mon soulagement ; mais je me trouve consolée que rien ne me demeure que Dieu, que je souhaite de tout mon cœur être mon seul appui et secours.

Vous pouvez envoyer l'Entretien dans nos maisons après que vous l'aurez raccommodé. J'écris à madame de Chevrières, selon votre commandement. Vous verrez nos pénitences ; ma Sœur vous portera tout, et je vous prie, ma fille, de le bien considérer et d'y ajouter ou diminuer ce que vous jugerez à propos. O ma fille, agrandissons fort notre courage pour servir Dieu avec toujours une plus grande piété, sincérité et vaillance spirituelle. Dieu soit béni !

S'il ne faut pas que nos Sœurs partent qu'on n'ait réponse de Marseille, mandez-le-nous, ma fille, au plus tôt, par les marchands qui sont partis. L'on a donné de l'argent à votre homme pour son retour. Vous manderez au Père qu'il envoie un homme, ainsi qu'il l'a écrit, pour conduire nos Sœurs, qui ait soin du voyage dès Lyon. Dieu soit béni ! Bonjour, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [115]

LETTRE CDXXXIV - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Les Filles de la Visitation doivent aimer la sainte pauvreté. — Ne pas garder dans le monastère des jeunes personnes sans vocation. — Conseils pour la direction de quelques Religieuses. — Il ne faut pas faire du dortoir une infirmerie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Dieu soit béni, ma très-chère fille, de votre accommodement avec nos Sœurs de Nevers ; je le savais, il y a longtemps. Je vous conjure, que dorénavant vous viviez ensemble avec une parfaite union et douceur vraiment cordiale : c'était le désir de notre Bienheureux Père. J'écrirai à notre Sœur la Supérieure de Paris, si elle peut vous laisser la dot de notre Sœur M. -Marguerite ; elle le fera, car elle n'est nullement avare ; mais il y faut suivre l'équité.

Pour Dieu, ma très-bonne et très-chère fille, tenez votre âme fort éloignée des désirs d'être bien accommodée. Aimez la pauvreté, et Dieu vous comblera de ses vraies richesses ; c'est le vrai esprit de notre Bienheureux Père. Il ne pouvait supporter qu'on eût de l'ardeur aux commodités temporelles et que l'on s'en souciât, et il se plaisait quand il voyait des âmes estimer et aimer la pauvreté. Hélas ! nous l'avons vouée, il est bien raisonnable que nous la chérissions plus que les richesses auxquelles nous avons renoncé, et c'est avec le grand Maître que ce contrat a été fait. O ma fille, ne vous fâchez pas de ce que je dis ceci : je ne vous accuse point de ce mal ; mais c'est que j'ai un extrême amour à voir la sainte pauvreté aimée et caressée parmi nous, et je désire que cette affection soit en toutes les âmes de notre Institut. O Jésus ! ma très-chère fille, ne vous chargez point de filles qui n'aient pas la vocation religieuse et les dispositions pour notre manière de vie. Après [116] quelques mois que vous aurez exercé la charité envers cette demoiselle, si Dieu ne la touche vraiment, et que de bon cœur elle ne veuille pas être Religieuse, vous devez prier fort humblement messieurs ses parents de la retirer ; car, quelle apparence, je vous prie, aller tenir dans le monastère des filles pensionnaires simplement, et faire là des tables à part ? Certes, ma fille, il ne faut pas faire cela, et je m'assure tant au bon cœur de notre Sœur Marie-Aimée [de Morville] qu'elle aidera à s'en défaire, et à l'envoyer manger à la communauté tandis qu'elle sera là. Mon Dieu, ma fille, qu'il nous faut garder de ce misérable monde, et grandement être sur nos gardes, afin qu'il n'entre pas dans notre monastère ; Dieu l'en préserve par sa bonté !

J'ai si grande aversion à ce mot de Mère ancienne, parce que cela est contre la Règle et, par conséquent, contre l'esprit de notre Bienheureux Père. Vous verrez dans son dernier Entretien qu'il fit à Lyon, le petit mot qu'il en dit. Je voudrais donc, ma très-chère fille, que nos Sœurs rendissent ce respect à sa mémoire et à la Règle, de les préférer à une frivole inclination et imagination ; et je m'assure que notre très-chère Sœur Jeanne-Charlotte [de Bréchard] en sera bien contente, comme elle doit. Hélas ! est-ce en cela qu'il y a de l'honneur ? n'est-il pas en la parfaite observance ? Je compatis beaucoup à notre pauvre Sœur M. -Catherine [Chariel] ; mais elle doit demeurer ferme à faire toujours les exercices, au moins en ce qui dépend d'elle, qui sont les actes extérieurs, et refuser consentement à ces mauvaises cogitations, ce qu'elle peut toujours avec la fine pointe de son esprit, car cela Dieu l'a mis tellement en notre pouvoir que nous ne le saurions perdre que par notre propre vouloir. Dieu se contentera, si elle fait bien cela, mais il faut qu'elle se soumette absolument ; je lui écrirai. — Il se faut bien garder de se refroidir des Pères Jésuites, ni leur donner sujet de se retirer de nous ; ce n'était pas le sentiment de notre Bienheureux Père. [117] Vous verrez bientôt, Dieu aidant, dans le Directoire ce qu'il m'en dit à Lyon. Ma fille, rappelez-les tout doucement et vous remettez à votre ancienne confiance. Encore que le bon Père eût pris mal chez vous, ils sont trop sages et pieux pour s'en altérer. Il me semble que je connais le Père de Geney ; c'est, de vrai, un très-bon Religieux ; vous lui pouvez parler confidemment, et se faut entretenir avec tous, et leur témoigner à tous de la confiance ; mais surtout aux Pères Jésuites et au recteur. Il vous a dit vrai : les filles se contentent et se disent mieux ; mais, ma toute chère fille, je vous conjure de prendre toujours un plus grand courage et de faire votre gouvernement en esprit de parfaite douceur. Voyez quelquefois les avis que je donne aux Supérieures, et, encore que je ne vaille rien, Notre-Seigneur n'a pas laissé de parler par moi en cela ; qu'il soit béni à jamais !

Si la Sœur M. -Charlotte [de Feu] a dix-huit ou vingt ans, qu'elle suive, au nom de Dieu, la communauté. Elle sera bien heureuse, si pour cela elle souffre quelque douleur ; au moins, qu'elle ne juge pas de sa nécessité, et qu'elle s'en soumette à vous ; faites-la fort travailler ; et, au partir de là, inclinez du côté du support. Il ne fallait pas laisser sortir la lettre que vous n'entendiez pas ; il est vrai que s'adressant aux nôtres il y a moins de danger. Supportez, je vous prie, cette pauvre vieille vous y gagnerez vers Dieu. J'aime mieux que vous écriviez pendant la récréation que le soir ; je fais ainsi, et au milieu de nos Sœurs. Faites-vous soulager en cela par notre Sœur Jeanne-Charlotte ou par quelque autre, et écrivez peu, sinon aux monastères ; mais lisez un bon quart d'heure tous les soirs après Matines, car cela vous sera utile. Il se faut consumer au service du prochain, et bienheureuses serons-nous de le faire.

Certes, ma fille, il ne faut pas rendre le dortoir infirmerie il n'y a remède. S'il y a un peu plus de peine pour les Sœurs, il y aura plus de mérite. Hélas ! mon Dieu ! les pauvres en ont [118] bien davantage. La maxime de notre Bienheureux Père était de ne refuser aucune incommodité et de ne demander aucun soulagement, et il les prenait aussi quand on les lui donnait. Oh ! ma fille, qu'il faut avoir un grand courage et ne chercher purement que Dieu, supportant tout pour son saint amour ! Je suis un peu étonnée de n'avoir aucune nouvelle de nos Sœurs J. -Charlotte et M. -Aimée ; si j'avais le loisir, je leur eusse fait un billet pour les réveiller et les assurer que je suis toute à elles, et que mon cœur les chérit cordialement ; mais dites-le-leur, pour cette fois ; et puis je leur ai écrit la dernière fois que je le fis à Moulins, au moins à notre Sœur ancienne.

Ma fille, que Dieu, par sa bonté, vous tienne de sa sainte main ! Je suis vôtre plus que je ne saurais vous dire. Dieu soit béni !

Je salue toutes nos Sœurs, à part notre Sœur l'assistante que j'aime de tout mon cœur ; mais je veux qu'elle m'écrive encore une fois, et puis je répondrai à tout ; ma fille, c'est que j'ai peu de loisir. Dieu soit béni !

[P. S.] Ma très-chère fille, j'ai pensé que je devais vous envoyer la première feuille du Directoire, qui marque comme l'on doit faire l'Office aux grandes fêtes de Notre-Seigneur, attendant que le reste soit prêt. Enfin, Monseigneur trouva bon que l'on fît ainsi. Il le faut introduire doucement et insensiblement ; nos Sœurs l'aiment fort.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [119]

LETTRE CDXXXV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Désir que la fondation de Marseille soit faite par des Sœurs d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1er avril 1623.

Ma très-chère fille,

Je vous écris parmi une si grande occupation de diverses affaires, que je n'ai su bien considérer ce qui était requis. Voyez-vous, ce que je vous ai mandé est vrai selon ma connaissance, et je l'ai encore devant mes yeux. Vous n'avez pas des filles si fortes que sont les notres pour la fondation de Marseille, ni assez pour en fournir ; car il me semble que, quand vous aurez levé six ou sept filles pour Mâcon, le reste sera fort nécessaire à Lyon, outre que les filles d'ici sont fort liées ensemble, ce qui est très-nécessaire en telle occasion. Or, nonobstant tout cela, si vous aviez désir d'en donner, il me le faudrait mander tout franchement, et de quelle capacité elles seraient, et s'il [ne] serait point nécessaire de prendre à Valence notre Sœur qui y était assistante, je veux dire la sœur de notre Sœur Marie-Claire, si elle se trouvait propre ; car encore que je ne vous assure pas d'obtenir de Mgr l'évêque d'ici ce que j'eusse pu de mon Bienheureux Père, d'autant qu'il est fort ferme et absolu, néanmoins, je vous assure que j'y ferai ce que je pourrai, ne prétendant en tout que la plus grande gloire de Dieu et le bien de nos maisons qui me sont également chères. Voilà ce que dès hier j'eusse voulu vous avoir mandé. Cependant, nous tiendrons des filles prêtes, et attendrons pour les faire partir ce que vous en aurez résolu avec le Révérend Père Le Jeune, que je vous prie que nous sachions, par le retour des marchands, qui partirent hier. Nous donnâmes à notre homme sept paquets de lettres pour Paris, Bourges, Orléans, Nevers, Moulins, Montferrand, et un pour vous. Dieu veuille qu'ils aillent à bon port, car ils sont assez importants.

Bonjour, ma très-chère fille, priez pour celle qui est vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [120]

LETTRE CDXXXVI - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

La tendreté sur soi-même est contraire à l'esprit de l'Institut. — On ne doit jamais recevoir à la profession des novices qui font des réserves à leur sacrifice. — Surveiller la correspondance de la Sœur M. -A. de Morville et faire une relation exacte des miracles opérés par saint François de Sales.

vive † JÉSUS !

Annecy, 2 avril 1623.

Ma très-chère fille,

Ne craignez point de me dire toujours vos petites peines, je vous en prie. Hélas ! quelle misère que d'être ainsi attachée à ces tendretés ! Certes, cela me touche le cœur, et est tout à fait contraire à l'esprit de notre Bienheureux Père. Non, ma fille, il n'en faut pas faire semblant ; dans quelque temps, Dieu y mettra sa bonne main ; un peu de vrai et pur amour dissipera tout cela. Jamais, ma très-chère fille, on ne donnera profession à aucune qui veuille des conditions. Si fera, ma fille, l'Institut se maintiendra, moyennant la grâce de Dieu, en sa rectitude ; notre Bienheureux Père l'a assuré. Il faut que la communauté marche son train et ne se prenne point [garde] à celle-là ; et vous, ma fille, que vous supportiez avec douceur intérieure et extérieure tout cela.

Pour les lettres, il faut être ferme. J'écris à notre Sœur J. -C. [121] qu'elle la porte doucement [Sœur Marie-Aimée] à vous les montrer ; mais, d'en donner et recevoir que vous ne le sachiez, comme [cela] se peut-il faire ? Certes, je crois qu'enfin il faudra parler nettement à ceux qui aident à cela, quoique toujours humblement et doucement. Si elle a de la confiance à ce Père, au nom de Dieu, qu'il la porte à retrancher tous ses commerces, cela ne vaut rien pour elle ni pour votre maison ; mais, patience, ma fille. Ce fut une parole de passion que celle qu'elle jeta contre moi, cela n'est rien : plût à Dieu qu'elle m'eût bien battue, et qu'elle fût guérie de ses passions ! Il ne faut point de séculière qui n'ait l'esprit grandement bien fait, humble et dévot, ni point de jeunes filles, que comme vous verrez au Directoire. Tâchez d'ouvrir le cœur au Père recteur et de lui montrer une grande confiance ; que si ses affaires ne lui permettent de venir souvent à vous, priez-le de vous donner quelque Père ; mais, croyez-moi, ne les appelez que pour des bonnes occasions. Prenez avis, selon que la Règle dit, et vous mettez fort à faire suivre ce chemin.

S'il arrive quelque vraie guérison à vos filles, il le faudrait écrire ; mais il faut se garder des imaginations. Ayez grand courage, ma très-chère, pour accroître par votre perfection la gloire accidentelle de notre Bienheureux Père. Dieu vous bénira et vous consolera enfin d'une parfaite paix dans votre maison. Je suis vôtre, ma fille, et très-entièrement. Dieu soit béni.

[P. S.] Ni notre Sœur J. -C. ni notre Sœur M. -A. ne me disent pas un mot du dessein de la mener à Riom. Oh ! certes, cela ne serait pas bien, et je ne pense pas qu'elles le fassent sans m'en dire quelques mots ; toutefois, je recommande tout à Dieu, et vous prie qu'après que vous aurez doucement et suavement fait vos remontrances et prières, vous laissiez aller la barque sans vous roidir ni opiniâtrer ; car enfin, au péril de tout, il faut conserver la sainte paix du cœur et la douce charité : ce serait [122] un moyen pour pratiquer saintement la pauvreté que vous m'écrivez que vous aimez tant. Enfin, ma très-chère fille, tout avec douceur et rien par force. J'écris nettement qu'il faut faire voir les dessus des lettres, et que l'on ne permettra rien au delà des conditions en ce point ; mais doucement, je vous prie. Dieu soit béni !

[De la main d'une secrétaire.] Notre très-chère Mère désire d'avoir la copie de l'oraison funèbre que l'on vous a faite de notre Bienheureux Père. Je salue très-humblement Votre Charité, me recommandant à ses bonnes prières.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXXXVII - AUX SŒURS DE LA VISITATION DE MOULINS

Que toutes à l'envi soient fidèles à l'observance, en esprit de douceur et de paix.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Mes très-chères Sœurs et filles bien-aimées,

Je suis en esprit au milieu de vous, et, prosternée à vos pieds, je vous conjure, par l'amour de notre Sauveur et par la douce mémoire de notre Bienheureux Père, que vous viviez unanimement, n'ayant qu'un cœur, une seule âme et volonté entre vous ; que la douce charité règne parmi vous, sans aucun conteste ; que chacune fasse en paix ce que l'obéissance lui ordonne, sans se charger du soin de la charge des autres. Au nom de Dieu, point de murmure ni de contrôlement, mais à qui mieux cheminera dans l'observance avec douceur et paix d'esprit. Il y a quelques mois que je vous disais ces choses ou semblables en esprit, pensant en vous, parce que mon cœur d'un amour tout cordial vous aime comme ses plus chères et tendres filles. Je vous le dis par effet, et vous conjure de prier [123] Dieu pour moi. Je le supplie de faire abonder sur vos chères âmes ses plus saintes bénédictions. Amen.

LETTRE CDXXXVIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À MOULINS

Parfait acquiescement do la Sainte a la volonté de Dieu. — Toutes les lettres qui sortent de la maison doivent être vues par la Supérieure. — Aimer la pauvreté, l'observance, et se garder de la familiarité avec les séculiers. — Souhaits pour la fondation de Riom.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 8 avril 1623.

Je pensais, ma très-chère fille, ce qui était, que vous n'aviez pas la force de m'écrire. Il est vrai, il n'en faut point parler avec attendrissement, s'il se peut ; hélas, oui ! s'il se peut ; car, puisque c'est une volonté divine et que ce très-humble Saint jouit de son Dieu, il faut demeurer en paix dans le parfait acquiescement, nonobstant les nonpareilles douleurs qui pressent le cœur. Il est vrai, ma très-chère fille, que souvent elles me poussent les larmes aux yeux, mais cela ne paraît point, et vous seriez émerveillée de me voir avec ma façon ordinaire. Qui fait cela, que ce grand Dieu que j'adore de tout mon cœur ? Obtenez-moi sa douce miséricorde, ma fille, afin que je parvienne à la perfection de cette éternelle union. O Dieu ! que je le souhaite ! et il me semble qu'il ne faut plus rien vouloir que cela, n'est-il pas vrai ?

J'ai tant dans mon cœur que l'on observe les Règles ponctuellement, que je donnerais de grande affection ma vie pour en obtenir la grâce à toutes nos Sœurs. Dieu conduise à bon port l'affaire de Riom ! Si vous n'y allez [pas], peut-être vous enverra-t-on ailleurs. Ne croyez pas que notre Sœur la Supérieure de Nevers ait dit cela, non plus que je ne croirais pas, si l'on me disait que vous eussiez fait ce contrat. Il ne faut [124] pas faire état de tant de tracasseries que l'on dit : il faut négliger tout cela à la façon de notre Bienheureux Père. Je trouve le cantique fort bien ; si Dieu vous donne pour l'autre, j'en serai consolée.

Je réponds à vos articles : vous verrez le reste au Directoire, où l'on met le moins que l'on peut, selon l'avis de notre Bienheureux Père, laissant à la discrétion de la Supérieure beaucoup de choses qui ne sont pas nécessaires à l'uniformité. Je voudrais que vous portassiez doucement notre Sœur M. -Aimée à montrer ses lettres à notre Sœur la Supérieure, afin qu'elle y fût accoutumée en votre absence ; car, de laisser sortir des lettres d'un monastère sans être vues, cela est trop important, ma très-chère fille.

Mon Dieu ! soyons pauvres, et n'ayons jamais rien qui nous empêche cette parfaite paix qui se trouve en l'exacte observance. Vivons tout à Dieu, et ne cherchons jamais que Lui seul, quand le cœur et le corps en devraient succomber. Hélas ! que cette éternité est désirable ! quand y serons-nous ? Dieu soit béni !

[P. S.] J'avais écrit cette lettre, ma très-chère fille, quand j'ai ouvert la vôtre petite. Or sus, Dieu soit béni ! voilà votre obéissance et la copie de l'établissement.[54] Allez en paix, ma [125] très-chère Sœur, sous la sainte protection de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère, et de nos glorieux Pères saint Augustin et vraiment Bienheureux François de Sales. O ma très-chère fille ! la Règle vous donne assez d'avis pour votre conduite ; observez-la et la faites observer fidèlement chez vous, et les Directoires que dans peu de temps vous aurez, Dieu aidant. Seigneur Jésus ! que je souhaite que cela se fasse ! En particulier, inculquez ce document que notre Bienheureux Père nous a laissé pour dernières paroles : « Ne refusez rien, ne recherchez rien en la Religion. » Vous le verrez plus au long avec le temps. Gardez-vous des séculiers, et de leur trop grande hantise et de leur autorité et familiarité. Soyez toutefois très-douce et aimable avec eux, leur donnant bonne édification. Choisissez bien les filles ; emmenez-en de bonnes, et Dieu vous bénira.

Je suis, en son amour incomparable, toute vôtre, et souhaite que sans réserve vous soyez sienne. À cause de vos infirmités surtout, ayez une bonne assistante.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXXXIX - À LA SŒUR MARIE-AVOYE HUMBERT

À MOULINS

Ne pas désirer de changer de monastère, mais demeurer en paix où la Providence nous a placées.

vive † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Non, ma très-chère fille, je n'ai nulle souvenance que mesdemoiselles vos sœurs m'aient écrit pour vous attirer à Dijon, et quand elles l'auraient fait, je ne croirais nullement que cela vint de vous, car je sais bien que votre confiance en moi est grande, que vous me direz toujours plutôt vos désirs qu'à [126] personne. Mais croyez-moi, ma très-chère fille, demeurez en paix au lieu où Dieu vous a mise, jusqu'à ce qu'il plaise à sa Bonté de vous mettre ailleurs. Laissons à ce souverain Père le soin de nous-mêmes et l'emploi de nos jours, et nous employons fidèlement à observer ses volontés, qui nous sont signifiées par notre Institut et par nos Supérieurs. Vivez paisible avec nos Sœurs et joyeusement. Vous faites fort bien de vous peu regarder et de parler peu de vous ; faites le même envers nos Sœurs, et me croyez bien toujours toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit à jamais béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CDXL - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE MORVILLE

À MOULINS

Prière de renoncer à une correspondance trop active. — Défense de faire sortir aucune lettre qui n'ait été vue par la Supérieure.

vive † Jésus !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille,

Il nous faut de toutes nos forces aspirer et nous acheminer à cette béatitude de laquelle jouit maintenant notre saint et Bienheureux Père, qui a tant fait pour nous en enseigner le chemin. Hélas, ma très-chère fille ! quelle consolation serait-ce à mon âme de voir la vôtre qui m'est si chère, un peu déprise de ce grand commerce de lettres. Il en faut recevoir du père et de la mère, sans qu'elles soient vues ; mais d'autres, à quoi sert cela, sinon à amuser votre cœur et à l'occuper toujours dans ces affections périssables. Au nom de Dieu, ma toute bonne et chère fille, défaites-vous de cela ; je n'entends pas que vous n'écriviez pas à la chère amie mademoiselle N., mais [127] il faut montrer ces lettres-là ; que si vous faites vos paquets, comment pourra-t-on croire qu'il n'y en ait que pour les chers parents, si vous ne voulez pas qu'on en voie l'adresse et de même en recevoir sans qu'on en puisse voir seulement le dessus ? N'est-ce pas causer de la peine à une Supérieure qui vous chérit de tout son cœur, et qui ne désire rien tant que votre avancement et contentement ? O ma fille, il faut et on doit vous conserver vos privilèges, puisqu'on vous les a promis ; mais ne veuillez que cela, vous protestant que vous serez l'unique en ce point. Au reste, ma fille, la Règle qui défend l'entrée d'une lettre sans la permission de la Supérieure, défend aussi les paquets qui en contiennent plusieurs. Tandis que ma Sœur de Bréchard a été à Moulins, il suffisait qu'elle vît vos lettres ; mais a présent qu'elle est absente, prenez, je vous en prie, la confiance de les montrer à votre Supérieure. Vous m'avez toujours été si bonne, ma chère fille, et vous m'avez donné tant de confiance, que je ne saurais vous servir à plats couverts, ni mon amour ne me le permettrait pas ; car je trahirais votre âme à laquelle je souhaite le souverain Bien, et le lui voudrais acquérir au prix de ma vie. Je dis vrai, ma fille, et suis toute vôtre.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [128]

LETTRE CDXLI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Envoi des Sermons et des Entretiens de saint François de Sales — Réception charitable d'une prétendante. — Douceur dans la conduite des âmes.

vive † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère -fille,

Je vous ai écrit fort au long par l'homme de ma fille [de Toulonjon], et à Mgr de Langres, et depuis encore, et je l'eusse fait plus tôt ; maïs j'attendais de vos nouvelles, lesquelles j'ai reçues toutes ensemble la veille que je vous fis réponse. Or sus, c'est pour vous dire, ma très-chère fille, que je vous suis bien fidèle et que je me porte bien, grâce à Dieu, avec un seul et entier désir de vivre selon le bon plaisir de Dieu, en une entière observance de ce qu'il lui a plu nous donner par la main sacrée de son très-humble et très-glorieux serviteur [saint François de Sales], et que ce désir soit gravé dans tous les cœurs de nos pauvres Sœurs.

Il est vrai que Monseigneur me dit que les aubes seraient mieux à son gré si les passements étaient de long, mais le bon seigneur n'entendait pas que l'on défît celles qui étaient faites autrement, et moins qu'on laissât de s'en servir. Vous avez tous nos Entretiens, car notre bon M. Boulier a notre livre il y a fort longtemps, et je vous ai déjà priée de nous les envoyer. Pour les Sermons, nous verrons ; s'il y en a qui ne sont pas dans ce livre, on vous les enverra avec un peu de loisir.

Je réponds pour notre Sœur Marie-Adrienne [Fichet], à laquelle il faudrait un bien autre loisir pour vous écrire que celui que ce porteur me donne ; c'est pourquoi je vous fais ce mot en courant. Si Mgr l'évêque de Langres veut que l'on reçoive cette bonne [fille], il le faut faire, car quelle raison de se roidir [129] contre lui pour cela, puisqu'il n'y a rien contre nos Règles, que la fille est dedans, qu'elle est bonne pénitente, et que notre Bienheureux Père me manda que j'avais fait excellemment de la recevoir. Il faut chèrement conserver la bienveillance de ce prélat, et se tenir humblement au devoir qu'on lui doit ; qui fera le contraire se désistera de l'esprit de notre Bienheureux Père. J'ai déjà écrit à notre Sœur N*** qu'elle attirât ses filles à leur devoir ; je n'ose leur écrire sur ce sujet que vous ne m'ayez dit comment, ou qu'elle m'en ait parlé. Je m'étonne de notre Sœur N***. Je crois qu'il ne faudra guère pour la ramener ; mais, ma fille, que votre bon cœur gagne cette fille-là par ouverture et franchise, et l'autre encore, laquelle à la vérité est difficile ; des croix partout, ma très-chère fille !

Je n'ai point reçu les lettres de feu madame la première [présidente]. Je salue très-humblement Mgr de Langres, nos bons Pères Jésuites, le cousin, la cousine, et toutes nos chères Sœurs, et votre bon cœur par-dessus tout d'une affection toute maternelle.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CDXLII - À LA SŒUR MARIE-MARGUERITE MILLETOT

À DIJON

Combattre courageusement la tentation et attendre en patience le secours de Dieu.

vive † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille,

Ne vous étonnez pas de vous voir environnée de vos ennemis : gardez seulement de leur donner congé d'entrer dans votre cœur ; mais je sais que vous mourriez mille fois plutôt. [130] Demeurez donc en paix et en patience, attendant que notre bon Sauveur vous délivre, et il le fera plus tôt que vous ne pensez. Ma très-chère fille, cette affliction est fâcheuse ; mais, croyez-moi, si vous en aviez une autre, vous la trouveriez aussi pesante. Cette vie ne nous est donnée que pour combattre ; chacun a sa croix. Oh Dieu ! que mon extrême misère et infidélité m'en est une pesante ! Le bon Dieu me veuille délivrer de moi-même ! Ma très-chère fille, ayez bon courage : qui ne vaincra ne sera couronné. Je supplie la divine Bonté de vous donner sa force pour cela ; priez-la pour votre humble et indigne Mère.

Extraite de la fondation manuscrite de Dijon.

LETTRE CDXLIII - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À DIJON

L'assistante doit porter les Sœurs au respect et à la confiance envers la Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ce n'est que pour saluer votre cœur. et me recommander à vos prières, afin que Dieu me fasse la grâce de demeurer coite et paisible sous sa sainte volonté. Gouvernez-vous selon que Dieu vous inspirera et selon la Règle, et portez les Sœurs au respect et confiance qu'elles doivent à la Supérieure, laquelle a tant bien réussi en ses autres gouvernements, que j'espère en Dieu qu'elle fera toujours mieux. Il lui faut montrer de la franchise et confiance, et lui parler franchement et bonnement. Je la vois toute pleine d'un extrême désir d'observance, en quoi consiste tout notre bien. Vous pouvez parler aux Sœurs[55] ; mais, [131] une fois pour toutes, dites à la Mère si elle l'aura agréable, ne lui nommant que de petites occasions, et ne souffrez point aux filles de se rendre pointilleuses autour des actions des Supérieures, mais encouragez-les à l'aimer et à bien faire leur devoir. Voilà, ma fille, ce que je vous dis tout en courant, et que de tout mon cœur je suis entièrement vôtre en Notre-Seigneur. Je salue, mais de tout mon cœur, nos chères Sœurs novices, toutes en particulier et en général ; écrivez-moi comme elles font.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXLIV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Recherche des lettres de saint François de Sales. — Sollicitude pour la pauvreté des Sœurs de Bourges. — On doit chanter l'Office sur un ton doux et médiocre.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, avril 1623.

Hélas ! ma très-chère fille, que je serais bien un peu mortifiée, si la lettre que j'écrivais à Mgr l'archevêque est égarée ! Notre paquet n'était pas fermé, comme quoi cela s'est-il pu faire, car je l'envoyais ouverte, afin que vous la vissiez, d'autant que je lui disais beaucoup de choses [qu'il] me coûtait de vous dire par le menu ; elle était de trois grandes pages. Or sus, si Dieu l'a permis, je le veux de tout mon cœur ; voilà que je lui fais un mot pour réparer un peu. Il y en avait pour mon neveu, pour mon fils et beau-fils ; patience, il n'y a pas de péché en cela.

Or je vous prie, ma fille, que nous ayons ces lettres de la bonne madame de Fodreit, elle a sans doute la copie, et comme [132] je crois l'original de celle de notre pauvre Sœur de Gouffier, car j'ai bien souvenance qu'elle me la demanda pour la copier, et je n'ai aucune mémoire qu'elle l'ait rendue ; peut-être la donna-t-elle à la bonne madame Cotet ; quoi que ce soit, nous nous contenterons de la copie, car c'est une lettre excellente.

Pour notre Sœur N***, si elle ne change, prenez solide conseil pour y mettre ordre. Et moi aussi, ma fille, je n'ai su le voir clairement, comme j'eusse désiré, l'esprit de notre Sœur M. -Agathe. Oh ! Dieu soit notre force et nous fasse la grâce d'être dignes de souffrir et de faire tout ce qui Lui plaira. Je ne laisse d'être un peu en souci de votre mal.

Envoyez-moi, je vous supplie, ma fille, un diurnal tout ainsi fait que le vôtre ; c'est pour M. le prévôt, cousin-germain de Mgr, et me mandez ce qu'il aura coûté.

Nous n'avons céans que les deux Directoires de la profession que j'envoie à Mgr, je vous prie de nous en envoyer des exemplaires. Voilà le Directoire de l'Office et celui de toutes les cérémonies du monastère ; bientôt je vous enverrai celui des choses spirituelles avec les Directoires ; mais cependant, ma fille, faites promptement copier celui-là, afin de l'envoyer à nos Sœurs d'Orléans, avec recommandation de promptement aussi le copier pour nos pauvres Sœurs de Bourges, qui sont tant pauvres que j'en ai grande pitié. Si vous faites maison nouvelle, il faudra un peu les décharger, et si vous leur pouvez envoyer quelque fille, ce serait grande charité. J'ai demandé à notre Bienheureux Père pour les dots de nos Sœurs que nous menâmes à Bourges et à Nevers, il me dit qu'il fallait que nous les donnassions assurément ; il faudra donc voir comme l'on fera pour notre Sœur M. -Denise : je ne sais si elle demeurera en ce pays où elle est, je lui ai écrit. Quand vous pourrez, conférez avec la Mère de Nevers, afin de vous accommoder ensemble.

Ma fille très-chère, il faut que vous me fassiez la charité de m'envoyer un diurnal qui soit de gros caractères, comme sont [133] les livres de la semaine sainte, voire, plus gros s'il se peut, et que les rubriques soient en français ; car, ma fille, ma vue s'est si fort affaiblie, que j'ai peine à voir dans le nôtre et à discerner ; cependant, il sert assez bien dans notre chœur, où je fais observer tant qu'il m'est possible toutes les circonstances marquées dans le Directoire. On chante fort doucement, sur un ton médiocre ; notre Bienheureux Père l'ordonna ainsi, et chacun en est édifié, et les Sœurs soulagées et consolées. Quand vous enverrez le Directoire, recommandez fort cela, et que les Supérieures et assistantes y tiennent fidèlement la main. Envoyez-moi aussi, je vous prie, ma fille, un bon et juste poudrier de demi-heure, qui soit dans une boîte de cuivre, et mandez-moi tout ce que le tout coûtera, afin que nous vous le renvoyions ; autrement nous n'oserions pas tout franchement vous demander. Il faut que les diurnaux soient reliés de maroquin noir, tout simples comme était le vôtre, avec de fermes dossiers, et le tourne-feuillets blanc et noir, comme était le vôtre.

Nos Sœurs vont bientôt partir pour Marseille ; une autre fois vous aurez des nouvelles. Je salue tous ceux qu'il vous plaira, mais nos pauvres Sœurs de tout mon cœur, et la chère petite Angélique, et votre chère âme par-dessus toutes. Que Dieu la comble de grâces et de sainteté. Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [134]

LETTRE CDXLV - À UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION

Sentiments d'amour pour Dieu et pour l'Institut. — Charité que doit avoir la Supérieure pour les âmes imparfaites. — Comment recevoir les consolations spirituelles.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille,

Je travaille à nos petites besognes pour notre Institut, et encore à ramasser les saintes paroles et lettres de notre Bienheureux Père. Ma fille, que de douleur, mais que de douceur de le savoir en cette éternité très-désirable, jouissant à son souhait de Celui auquel seul il aspirait ! O ma fille ! que mes forces sont faibles en comparaison de mes désirs ! Aimons et poussons à ce très-saint amour tous nos cœurs et ceux de ces chères âmes qu'il nous a commises. Je voudrais, ma fille, que nous fussions toutes converties en ce saint amour. Priez et faites prier pour moi. Il me tarde que j'aie des nouvelles de toutes nos maisons ; je sens un tel accroissement d'amour pour toutes nos chères Sœurs, que je voudrais me fondre pour elles et pour leur obtenir la grâce d'une parfaite observance. Pour ce que vous me dites de notre Sœur N***, je ne vous dirai autre chose que les paroles du Bienheureux : « Quand l'humilité et la soumission manquent aux filles, il ne faut pas pourtant que nous leur manquions de charité. »

L'état où vous êtes est surnaturel, et partant il vous est donné de Dieu comme un don précieux. Jouissez-en en paix, ma très-chère fille, et y demeurez tant qu'il plaira à la divine Bonté de vous y laisser, lui montrant quelquefois votre cœur prêt à se dépouiller de celle grâce pour entrer dans l'obscurité et pressure de cœur. Priez pour moi, ma fille, que Dieu me fasse miséricorde et la grâce de me consommer en son service. Votre, etc. [135]

LETTRE CDXLVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Départ des fondatrices de Marseille.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1623.]

Ma très-chère fille,

Voilà nos pauvres chères Sœurs qui s'en vont de bon cœur, sous la protection de la divine Providence.[56] Si l'on trouve à propos que vous leur joigniez une de vos Sœurs de Lyon, j'en serai très-aise ; pour cela nous n'en envoyons que cinq. Il me semble, ma fille, qu'il ira bien ainsi, pour la consolation de tous. Notre Sœur la Supérieure est un peu craintive, elle a besoin d'avoir avec elle des Sœurs qu'elle connaisse. Enfin j'ai fort regardé à sa consolation et satisfaction, car Dieu le veut ainsi, mêmement puisqu'elles vont si loin, et en lieu où elles n'ont nulle connaissance. Je serais bien aise que vous lui donniez une Sœur selon son gré, ce que je vous dis avec confiance et simplement. Nous leur avons donné cinq cents florins ; mais si, étant là, on prévoyait que cela ne fût suffisant pour leurs dépenses d'ici à Lyon et le retour de M. Michel [Favre], je vous prie, ma fille, de leur en faire donner, et nous vous le rendrons. Ce sont de très-bonnes âmes, surtout la Supérieure ; certes, je ressentirais fort son départ, n'était que Dieu le veut ; mais en tout, sans exception, sa sainte volonté soit faite : elle vous dira le reste.

Madame de Chevrières envoya la semaine passée ici un [136] homme exprès pour sa fondation, elle nous demande fermement ; mais nous ne pouvons y aller. Elle veut traiter avec nous, et je désire qu'elle traite avec vous. Je mande ce qui est requis pour les places, et que je vous avertirai pour lui tenir des filles prêtes. Il la faut bien contenter, et, s'il se peut, il lui faut envoyer son petit ange, mais vous saurez bien disposer de cela à propos. J'écris à Mgr l'archevêque : faites-lui tenir [cette lettre] promptement et sûrement, je vous prie, car il faut qu'il la reçoive devant d'antres que je lui dois encore écrire bientôt pour nos affaires. Ma Sœur vous dira le reste, et saura si je vous ai envoyé le premier paquet pour Paris ouvert, parce qu'il s'y est trouvé de "manquer une lettre d'importance, qui était pour Mgr de Bourges. Bonsoir, ma très-chère fille ; au nom de Dieu, impétrez-moi sa miséricorde.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXLVII - À LA MÊME

Modérer son ardeur naturelle, même lorsqu'elle se mêle à la piété. — De quelle discrétion user dans la conduite des âmes.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 25 avril 1623.

Ma très-chère fille,

Certes, il me semble que je regarde seulement la plus grande gloire de Dieu en la disposition des Sœurs que nous avons destinées pour Marseille, c'est pourquoi je demeure en repos sur la satisfaction que je désire que nous donnions aux Supérieurs de Lyon, espérant que Notre-Seigneur, à qui j'ai tout remis, les fera contenter, et leur fera connaître qu'encore que nous soyons de Savoie, nous ne regardons que Dieu. Or sus, il faut demeurer en paix et la donner toujours plus douce, [137] plus tranquille et reposée à votre chère âme, laquelle, sans doute, mêle un peu de sa condition naturellement ardente parmi les ardeurs que la grâce lui donne, et, pour cela, je ne désire nullement le vœu que vous me proposez. Faites fidèlement ce que vous connaissez devoir être fait, mais sans empressement ni ardeur intérieure, s'il vous est possible, et les adoucissez, tant qu'il vous sera possible. Au reste, ma très-chère fille, pensez, je vous prie, comme le laboureur cultive patiemment et soigneusement la terre qu'il sait être froide et de petit rapport ; il ne s'étonne nullement, ni ne se fâche contre elle pour cela, parce qu'il sait qu'elle est froide de sa nature. Ma fille, faites ainsi autour de votre pauvre assistante et l'attendez doucement ; sa condition vous aidera à pratiquer mille bonnes petites vertus intérieurement et extérieurement. Si nos Sœurs sont encore là, hélas ! que de consolation pour toutes, car certes elles sont bonnes ! Voilà un mot pour ma très-chère Sœur l'assistante. Adieu, ma fille, allons doucement notre petit train. Dieu soit béni !

Ma fille, ne saurai-je point des nouvelles de la lettre que j'écrivis à Mgr de Bourges ? Nous n'avons reçu les vôtres du mercredi saint qu'après le départ de nos Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXLVIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Lire attentivement les Directoires. -On ne fait pas la procession le jour de la Fête-Dieu.

VIVE : † JÉSUS !

Annecy, 25 avril 1623.

Ce n'est pas pour vous écrire, ma très-chère fille, ains seulement pour vous envoyer ce Directoire, afin d'en faire faire [138] toujours des copies, s'il vous plaît, pour nos trois monastères voisins : Orléans, Nevers et Bourges, lesquels les communiqueront à Moulins ; ce qui le suit, nous l'enverrons bientôt ; ce sont quelques chapitres de tout plein d'observances qui se gardent au monastère, les Directoires des officières, et la façon des livres, clôtures et meubles. Si on lit bien les Directoires, il m'est avis qu'on les entendra bien. Si vous y trouvez des difficultés, écrivez-les hors de vos lettres, et j'y ferai répondre, car j'ai fort peu de loisir, et mandez cela à nos autres monastères, s'il vous plaît, ma très-chère fille.

Jamais je ne sus goûter l'esprit de notre Sœur Marie-Agathe[57] ; il n'est point naïf ni simple, ce me semble, grandement réfléchissant, et plein de prudence humaine ; bref, je crains que la vraie vertu ne soit pas en son fonds et j'en ai un dissentiment ; mais suivez conseil, après avoir bien prié.

C'est par équivoque que M. Michel [Favre] a mis que l'on ferait la procession le jour de la Fête-Dieu. Je n'ai pas bien vu votre lettre tout du long ni pas une autre, n'ayant loisir de répondre. Portez-vous bien, je me porte fort bien, moi ; mais obtenez-moi la grâce de ne viser qu'à Dieu et de parvenir à la sainte éternité. Amen. Plus vôtre que vous ne sauriez penser.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [139]

LETTRE CDXLIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

L'examen des Directoires est confié aux Pères Fourier et Suffren. — Défense d'aller au parloir pendant l'Avent et le Carême. — Communion des mardis de l'Avent. — Nécessité de régler au plus tôt tout ce qui est de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille,

Je serai fort consolée que le Révérend Père Fourier[58] voie les Directoires, cela veut dire les points qui sont douteux ; car ce lui serait trop de peine de voir tout ce qui est de l'Office, et tant de cérémonies lesquelles sont de coutume, ou bien approuvées de Monseigneur. Il ne m'a pas semblé qu'au reste non plus j'y aie rien mis du mien, m'étant essayée seulement de réduire par écrit tout ce qui se fait en ce monastère, en celui de Paris et aux autres, ayant ajouté les choses que Monseigneur a dites ou écrites, et même je me suis tenue dans ses propres paroles tant qu'il m'a été possible.

Je n'ai souvenance d'aucune chose sinon de n'aller [pas] au parloir le Carême et l'Avent et autres temps, ce qui se pratique déjà en tous nos autres monastères, surtout à Paris, et [je] pense bien encore que ce n'a pas été sans en savoir sa volonté ; toutefois, je ne m'en souviens pas, mais c'est chose pratiquée en toutes les Religions réformées. La communion du mardi de [140] l'Avent, c'est à la persuasion de la plupart de nos monastères.

Quand toutes les maisons les auront vus, et connu par la pratique ce qu'il faudra retrancher ou ajouter, on les fera après accommoder et polir par quelque personne capable ; car, de moi, je me suis contentée de mettre toutes les coutumes par écrit, et ce que notre Bienheureux a dit ; mais de demeurer cinquante ans sans les clore, il ne me semble pas que cela fût expédient pour nous autres qui n'avons point de Provincial et à qui la constante coutume et fidèle observance des choses que nous avons reçues doit servir de Général ; autrement, bientôt on verrait de la disparité entre nos monastères et force lois nouvelles que chaque Supérieur y mettrait. Je sais bien qu'il peut survenir des occasions qui contraindront à quelques ordonnances nouvelles ; mais cela n'empêchera pas l'uniformité et l'union, si l'on se tient fermement et inviolables en l'observance des choses reçues. Hélas ! ma très-chère fille, je parle de tout ceci selon qu'il me vient en vue, car véritablement je ne suis nullement capable des choses de telle importance.

Si le Révérend Père Suffren est là, je serai bien aise qu'on lui communique aussi [les Directoires]. Je pensais que Monseigneur leur avait parlé sur le sujet de l'union depuis notre départ, mais j'ai su que non, et il m'en dit plus qu'à nulle autre ; car deux ou trois jours avant que nous partissions, il m'en parla longuement et de tout ce que le Père Antoine Suffren lui avait dit sur ce sujet, mais il m'ajouta qu'il les assemblerait encore, et c'est ce qu'il ne fit pas, à ce que j'ai appris. Or bien, nous attendrons les avis des Pères auxquels vous pourrez dire ce que je vous écris, et cependant il ne sera que bon de différer d'envoyer les Directoires à nos nouvelles maisons ; mais, pour nos anciennes Mères, il faut qu'elles les voient afin d'en dire leurs sentiments, quoique, pour ce qui est de l'Office et cérémonies, je ne pense pas que l'on n'y change [141] rien. Mgr l'évêque d'ici et M. le prévôt les ayant accommodés selon l'esprit de Monseigneur- c'est pourquoi il importera pour ceux-là de les envoyer partout. [La fin de la lettre manque.]

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDL - À LA SŒUR MARIE-MARTHE LEGROS

À BOURGES

Le souverain bien de l'âme consiste à demeurer humblement contente de tout ce que Dieu veut faire d'elle.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille

Véritablement je suis consolée de la candeur avec laquelle vous me rendez votre compte. Or, je vois que, par la grâce de Dieu, le désir de vivre toute à Dieu est toujours votre grand désir, et certes, ma très-chère fille, il faut faire en sorte qu'il soit aussi l'unique, et prendre pour votre exercice cordial ce sacré document que notre Bienheureux Père nous a laissé par testament, et avec lequel il a conclu et fini tous les enseignements qu'il nous a jamais donnés. Quand cela sera, ma fille, cette diversité de sentiments, de penser, tantôt que nous sommes inutiles, un peu après que nous sommes capables des grandes charges, se passera, et [nous] demeurerons humblement contentes de tout ce que Dieu voudra de nous, en quoi gît notre souverain bien. Conservez précieusement ce bon sentiment que vous eûtes en priant notre Bienheureux Père, car il le mérite.

Je réponds à notre Sœur la Supérieure sur vos questions. Vivez toute paisible, ma très-chère fille. Dieu nous rassemblera pour sa gloire un jour, si ce n'est en ce monde, ce sera en [142] l'autre ; mais croyez assurément que je vous chéris d'un cœur tout cordial, et que votre consolation me sera toujours chère. Je salue mille fois toutes nos Sœurs, que je souhaite toutes simples et paisibles dans la fidèle observance de leurs Règles et des volontés de leur Supérieure. Dieu soit béni ! Je suis vôtre, ma fille.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers.

LETTRE CDLI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À MONTFERRAND

Demeurer ferme dans les contradictions, et attendre le secours de la Providence, qui ne manque jamais à ceux qui se confient en elle.

[Annecy, 1623.]

Je suis fort consolée de la bonne hospitalité que vous font nos Sœurs de Montferrand,[59] ce sont de vertueuses filles. Je vous plains des longueurs où vous tiennent ces bons messieurs [de Riom], et surtout des coups de bec de M. V. Mais patience, ma fille ; souvenez-vous de la douceur d'esprit de notre Bienheureux Père qui, en telle occasion, avait toujours dans sa sainte bouche ces paroles de saint Paul : « Ne vous défendez point, mes bien-aimés, mais rendez témoignage de la foi, laissant le passage à la passion. » Il se faut tenir bien ferme parmi ces tentations afin de ne pas lâcher une seule parole de revanche, ni qui ressente autre chose que la vraie humilité et charité de notre Bienheureux Père. J'espère qu'enfin Dieu [143] vous assistera. Sa bonté se plaît qu'on Lui remette entièrement les affaires les plus désespérées, et vous faites bien d'attendre en patience les secours de sa Providence, car Il ne vous manquera point, pourvu que vous ayez en Lui votre confiance parfaite.

LETTRE CDLII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Avis relatifs au gouvernement. — Courir avec allégresse dans la voie de l'observance. — Les Filles de la Visitation doivent avoir une amoureuse confiance en la très-sainte Vierge.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Dieu soit béni, ma très-chère fille, j'espère que vous voilà toute renouvelée pour le servir avec plus de courage et de fidélité que jamais ; vous voilà en bon train avec le bon Père Lallemant. Je suis consolée de vous voir ce support et consolation. Demeurez ferme, ma fille, et vous tenez par humilité vraie au-dessous de tout le monde. J'aime de tout mon cœur votre petite troupe ; je sais bon gré à ces petites que l'on a retardées d'avoir reçu cela comme elles ont fait ; j'espère qu'elles feront bien, Dieu aidant.

Faites tirer les voix pour la Sœur N***. Elle ne les aura pas, selon que vous m'écrivez ; mais c'est afin que tout simplement, à elle et aux autres, on puisse dire qu'on l'a renvoyée, parce qu'elle n'a pas eu les voix, sans rien dire davantage. Quoi que l'on dise, il n'y a remède ; il faut être ferme en cela. Je prie Dieu, mon enfant, qu'il vous conserve et fortifie toujours de plus en plus pour sa gloire, au service de ces petites âmes qu'il vous a confiées ; vivez joyeuse et toute douce et suave.

Si nous n'avions que les cent écus que vous nous demandez, nous les partagerions pour vous en donner la moitié, ma [144] très-chère fille ; or, vous les aurez donc, non de notre abondance, car nous n'en avons point, mais de la sincère charité que nous nous devons les unes aux autres. Faites-moi dire à qui nous les donnerons, afin qu'ils vous soient rendus sûrement, car nous autres d'ici n'avons nul moyen de le faire.

Et, pour Dieu, soyez ferme en la confiance que Dieu aura soin de votre famille. Ne vous empressez point pour des filles, vous en avez déjà tant. Ayez patience ; les autres maisons ne vont pas plus vite que vous : celle de Lyon, celle de Moulins sont allées à bien plus petit train deux ou trois ans durant ; patience donc, ma fille, n'ayez soin que de bien faire, et cultivez soigneusement les esprits que Dieu vous a commis ; mais avec une douceur, une bonté, une charité toute suave et pleine de support. Que vos filles soient tranquilles, joyeuses et sans chagrin, afin qu'elles courent avec allégresse en la voie de la sainte observance ; mais je les en conjure et les en supplie de toute mon âme, au nom de notre bon Dieu et de sa très-sainte Mère. Qu'est-ce qu'il faut à des âmes qui vivent dans un Institut si doux, sous la protection de la glorieuse Mère de Dieu, sinon la fidélité et l'amoureuse confiance en son soin maternel ?

Il est raisonnable de vous obliger des trois mille francs de Moulins. Courage, me très-chère fille, je vous supplie, ne recevez point l'ennui que les contradictions vous apportent : nul bien sans peine. Vous aurez un jour bien du contentement d'avoir souffert en espérant. Enfoncez-vous en la confiance en la divine Providence qu'elle ne vous abandonnera point ; je la supplie de vous fortifier et protéger.

Bonjour, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [145]

LETTRE CDLIII (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À DIJON

La moitié des voix, plus une, suffit pour la réception des sujets. — Respecter la conduite de la Supérieure, et ne point la comparer avec celles qui l'ont précédée.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1623.

Certes, ma très-chère fille, il y a bien de l'immortification en notre Sœur N*** de parler si hautement qu'elle fait ; cette manière de procéder est fort éloignée de l'esprit de la Visitation. Bon Dieu ! ma fille, faut-il que nous parlions si haut ? Nous pouvons bien dire nos sentiments, mais il faut que ce soit si humblement et doucement que cela ne lie pas les mains à nos Supérieurs, auxquels enfin il est toujours mieux de déférer que de contester. Je suis étonnée de quoi ma Sœur n'a pas eu les voix ; je ne sais si vous savez que la pluralité l'emporte, qui consiste à une de plus : notre Bienheureux Père l'a ainsi déclaré. Or, il est vrai ce que vous me dites ; et ces bonnes professes si zélées veulent une perfection aux novices de laquelle elles auraient bien besoin.

Pour Dieu, traitez cordialement notre Sœur N*** et la relevez amiablement, lui donnant de la générosité et confiance en votre amour. L'on m'a dit qu'à tout propos on m'alléguait, et disait-on que je ne faisais pas ceci ou cela, ou que je le faisais autrement. Pour Dieu, ma fille, dites-leur que cela ne s'entende plus, et qu'elles se soumettent ; et celles aussi qui disent qu'elles donneront ou qu'elles ne donneront pas leurs voix, que celle-ci est propre, que l'autre ne l'est pas, qu'elles se corrigent de cette faute, laquelle j'estime si grande, que si elle s'était faite ici, je la priverais de voix, et lui donnerais encore une bonne mortification. Au reste, on parle trop, et dedans et [146] dehors, de ce qui se fait à la maison, la bonne odeur en sera intéressée.

Oh Dieu ! ma tille, après avoir ouï tant de saintes instructions par cette bouche sacrée, avoir des règles et des écrits qui ne prêchent et inculquent que douceur, qu'humilité, que paix, qu'union avec les égaux, que soumission aux Supérieurs, que support, que charité envers le prochain, faut-il que nos langues parlent contre la faiblesse des pauvres Sœurs qui sont de bonne volonté ? Oh ! misère intolérable que la nôtre ! Oh ! que nous avons de sujet de nous anéantir, de nous humilier ! Faisons-le au moins véritablement, et me pardonnez, ma très-bonne et chère fille, si je vous écris de cet air ; mon sentiment m'y porte, et le désir que nos pauvres Sœurs se remettent en cette vraie humilité et douceur.

Priez pour moi, et croyez que je suis vôtre de tout mon cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLIV - À LA SŒUR FRANÇOISE-GASPARDE DE LA GRAVE

ASSISTANTE À BELLEY[60]

Éviter les scrupules et obéir fidèlement à la direction, se confiant sans réserve en la miséricorde divine.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille,

Ne connaissez-vous pas que c'est une pure tentation du diable, que ces appréhensions et tortillements que vous faites [147] sur vos confessions passées ? Ferme, ma chère fille, ne vous troublez nullement, car le diable ne prétend que cela de nous en sa malice ; souffrez doucement et humblement ses attaques et la peine qu'elles vous font, vous soumettant au bon plaisir de Dieu qui les permet pour éprouver votre fidélité et confiance. Ne regardez nullement ce que la tentation vous dit, ne disputez point contre elle, mais souffrez-la sans y consentir ; abandonnez-vous à la merci de la divine miséricorde, laissez-lui le soin de votre salut et de tout ce qui vous regarde, et lui dites que vous avez une pleine confiance en sa bonté. Quoiqu'il vous semble que vous n'en ayez point, dites toujours que vous l'avez, et que vous l'aurez toujours, moyennant sa grâce. Or je vous ordonne de faire ceci et prendre patience sous ce faix, sans désirer d'en être délivrée ; car ce serait une brave vertu si jamais nous ne voulions être attaquées, et une grande fidélité que de nous rendre aux attaques ! Demeurez ferme sans vouloir jamais vous confesser une seconde fois des choses passées, ni vous départir de la patience et confiance en Dieu, et vous verrez comme Dieu tirera sa gloire et votre bien de cette tentation, dont II soit béni en son infinie bonté.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [148]

LETTRE CDLV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Annonce de deux miracles opérés par l'intercession de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

[De la main d'une secrétaire.] Notre chère Mère vous supplie de remettre cette enseigne entre les mains de quelqu'une de vos bien bonnes amies et confidentes pour la faire voir à des orfèvres, et savoir, ce que l'on en pourra bien avoir. Elle est à une grande dame, qui, je m'assure, la veut employer à des œuvres pieuses. Elle vous prie encore de prendre garde que cette pièce ne demeure pas entre les mains des orfèvres.

[De la main de sainte de Chantal.] Le très-saint amour de Jésus soit au milieu de votre cher cœur, ma très-chère fille. Je n'ai rien à vous dire présentement, remettant à une autre fois. Envoyez-nous l'attestation de votre miracle. Il en est arrivé un fort notable dont on a fait les déclarations ces jours passés, et un en Piémont aussi ; Dieu soit béni et glorifié d'ainsi exalter les vrais humbles, comme l'était cet unique et Bienheureux Père.[61] Mandez-nous s'il est vrai que Mgr l'archevêque revienne de Rome. Ma très-chère fille, je suis vôtre intimement, et sans réserve en Celui qui est notre seul trésor. Faites, je vous prie, prier à bon escient pour ces deux pauvres maisons dont vous verrez la peine. Hé ! ma fille, la chétive vie que voici, puisqu'on n'y saurait aimer Dieu parfaitement !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [149]

LETTRE CDLVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Prochain mariage du baron de Chantal.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, mai 1623.]

Hier il partit un marchand par lequel nous vous écrivîmes ; c'est après souper que nous avons pu seulement vous saluer, ayant été accablée tout le jour d'affaires. Vous êtes ma très-chère grande fille, que j'aime parfaitement et vous compatis avec sentiment pour le mal de ces pauvres chères filles. Dieu leur soit propice.

Je pense que mon fils est à demi marié, priez pour lui.[62] Heureux sont ceux qui aiment et espèrent en Dieu.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [150]

LETTRE CDLVII - À MADAME DE COULANGES

À PARIS

La Sainte se réjouit de l'union de son fils avec mademoiselle de Coulanges.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 13 mai [1623].

Madame,

Je ne saurais jamais vous témoigner le ressentiment que j'ai de l'honneur que vous faites à mon fils de le recevoir pour vôtre, par l'entremise d'un si digne et vertueux sujet comme est mademoiselle votre fille. Je sais, madame, l'affection que vous avez contribuée en particulier pour ce mariage, ce qui m'oblige à l'égal de l'estime que j'en fais pour le bonheur de mon fils, et ne souhaite meshui autre chose sinon qu'il plaise à la divine Bonté d'en donner à M. de Coulanges et à vous un parfait contentement. Oh Dieu ! avec quel soin veux-je continuellement répandre mon cœur et mes petites prières devant la douce miséricorde de Notre-Seigneur, afin qu'il Lui plaise de bénir ces chers mariés de ses plus saintes grâces et faveurs, en sorte qu'ils n'aient qu'un cœur et une seule âme, et qu'ils vivent longuement et heureusement en la sainte crainte de Notre-Seigneur ! Voilà mon désir, madame, et de vous honorer, chérir et respecter à jamais de toute l'affection de mon cœur, bénissant Dieu derechef de votre honorable alliance, de laquelle, avec tant de raison, j'ai un parfait contentement. Je demeure de toute mon affection, madame, votre très-humble sœur, s'il plaît à Dieu, et servante en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de h Visitation de Paris. [151]

LETTRE CDLVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Envoi et correction des Directoires. — Bulle à obtenir du Saint-Siége en faveur de l'Institut. — Difficultés au sujet du petit Office.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 22 mai 1623.

Ma chère fille,

[Les premières lignes manquent.] Nos pauvres Sœurs qui les ont écrits [les Directoires] y avaient tant fait de fautes, que j'ai été contrainte de les revoir ; et encore plus à loisir, à cause des difficultés que vous y trouvez, et par ce moyen, je les ai mieux considérés ; mais n'y ayant rien trouvé qui ne soit de l'esprit de Monseigneur, je n'ai pas su remarquer sur quoi l'on fait ces difficultés, et je serais bien aise que vous m'en envoyassiez un mémoire. J'approuve fort que nous différions à les envoyer à nos derniers monastères jusqu'à ce que nos anciennes Mères les aient considérés, et que ces bons Pères [Jésuites] en aient donné leur avis, puisque vous leur en avez parlé. Ce que nous avons jugé être considérable, nous l'avons fait considérer par Mgr l'évêque d'ici, et par M. le prévôt, qui a fort l'esprit de notre Bienheureux Père ; au moins, il se servait de lui pour dresser nos Règles, et c'est un vrai cœur apostolique. Ils ont trouvé tout cela fort bien.

Voyez ce que j'écris à notre chère Sœur de Dijon ; car je vous fais la même demande et prière. Enfin il ne se faut point hâter, mais prendre le loisir convenable de bien considérer.

Mgr l'évêque d'ici est à Turin ; il prétend nous obtenir du Pape une Bulle par laquelle le Saint-Père nous confirmera sous l'autorité des évêques, avec recommandation et ordonnance aux prélats de nous maintenir dans les observances des choses de notre Institut établies par notre Bienheureux Père, sans [152] y rien changer ni innover, que ce ne fût du consentement de tous les monastères ou avec licence du Pape ; il me semble que voilà les mêmes paroles du mémoire. Or, j'avais bien envie d'avoir l'avis des Révérends Pères sur ce sujet-là ; mais il me dit qu'il le prendrait du Père Monnot, confesseur de Madame, et des Pères Barnabites de Turin, et il croit que la chose est plausible et facile à obtenir. C'est sur ce sujet que je voudrais bien avoir l'avis des Pères comme il faudrait faire pour bien arrêter que les prélats ne nous changeassent rien, et que notre Institut fût confirmé, comme il est, sous leur autorité ; car s'ils donnaient quelques bons avis bien digérés, je l'écrirais à Mgr l'évêque. Certes, ma très-chère fille, il faut bien faire prier Dieu pour tout ceci ; j'attendrai votre réponse.

L'on nous a dit que M. le comte de Sacconnex s'était rendu Capucin à Lyon. Si cela est, je vous prie, ma chère fille, de lui faire dire s'il a donné ordre au payement de la dot de notre Sœur. Je crois qu'il faut qu'il mette ordre à ses affaires, afin d'être en repos. — Nous nous résolvons de faire faire la sainte profession à notre Sœur Claude-Agnès, pourvu que madame Daloz donne une bonne et sûre caution à Lyon de ce qu'elle lui a promis ; mais avant que de lui proposer cela, parlez-lui encore s'il y aurait moyen de tirer l'argent ; que si vous voyez que non, aidez-nous, je vous prie, à faire quelque traité avec elle qui nous assure qu'au moins avec le temps nous serons payées, et cependant qu'elle paye sa pension.

Nous ne vous envoyons pas ce que vous nous avez fourni pour nos bonnes Sœurs de Marseille, car nous sommes courtes d'argent et avons quantité d'ouvriers, mais nous le ferons, Dieu aidant.

Je viens de recevoir votre lettre du 15 mai ; j'y vois que votre difficulté est sur l'Office ; j'y en eus beaucoup aussi ; mais comme celui que nous disions es grandes fêtes était combattu à Paris et que notre Bienheureux Père s'était résolu de nous le [153] faire quitter, sans toutefois résoudre du reste, Mgr l'évêque d'ici avec M. le prévôt ont jugé et assuré qu'à ces grandes solennités il nous eût fait prendre l'Office de l'Eglise, puisque toujours il s'était accommodé aux difficultés, et que de cela, il n'en fallait nullement douter. Ils me l'ont assuré plusieurs fois, parce que plusieurs fois je leur en ai témoigné de la répugnance : ce changement arrive si peu souvent qu'il n'y paraîtra point, sinon à mesure que nous nous en empresserons, surtout si l'on ne fait pas les octaves comme il est dans la lettre ci-jointe.[63] Puisque M. de Sacconnex se retire, faites-lui parler et aux Pères Capucins. Dieu soit béni.

Si voilà un cahier du Directoire pour envoyer à Paris ; mais vous accommoderez le vôtre dessus premièrement. À la première commodité, nous vous enverrons les autres pour y accommoder les vôtres aussi. Bonsoir, ma très-chère fille, Dieu soit béni, et bénisse toutes nos chères Sœurs.

[P. S.] Puisque je ne peux vous envoyer les Directoires pour raccommoder les vôtres, je n'écrirai pas encore à notre Sœur la Supérieure de Dijon ; mais voyez ce papier qui s'adresse à [154] celle de Paris. Dieu soit béni ! Je n'ai point encore reçu le paquet envoyé par Belley, oui bien une lettre de notre Sœur la Supérieure de Nevers qui s'adresse à notre Sœur M. -Gasparde [d'Avisé]. Je crois qu'il y en devait avoir pour moi ; mais il ne s'en est point trouvé.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLIX (Inédite) - À LA MÊME

Éclaircissement de quelques points des Directoires. — Crainte qu'on n'oblige la communauté de Paris à réciter l'Office canonial. — La Sainte raconte comment elle s'est déposée à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, mai 1623.

Ma chère mère,

[De la main d'une secrétaire.] Notre très-chère Mère vous prie que vous voyiez la lettre qu'elle écrit à Mgr de Bourges et que si vous ne trouvez pas qu'elle réponde bien comme il faut, que vous lui renvoyiez la lettre, et, si elle est bien, que vous la fermiez et la mettiez avec celle de Paris. Si celles qu'elle a écrites aujourd'hui ne sont pas parties, elle vous prie de les joindre toutes ensemble, que si vous ne les trouvez pas bien, vous lui envoyiez comme il faut répondre. Voilà le plan qu'elle vous envoie, lequel se peut accroître ou diminuer d'une arcade.

[De la main de sainte de Chantal.] Vous prendrez la copie du devis [des bâtiments] que j'envoie à nos Sœurs d'Orléans et leur ferez tenir celui-ci avec leur plan le plus tôt que vous pourrez. Je pense que l'envoyant à Nevers on le pourra faire tenir de là.

C'est une faute au Directoire ; car ce n'a pas été mon intention que la Supérieure ne puisse pas lire ce qu'elle voudra et [155] la Règle le dit. Ç'a toujours été la coutume, et même il a toujours été marqué dans le Directoire, que les anciennes professes assistent la Supérieure quand elle fait l'Office. — On avait pris cette coutume que l'économe parlât seule à la grille couverte ; néanmoins, je trouve qu'il sera mieux de suivre la Règle ; je n'y avais pas fait attention. Notre Bienheureux Père a lui-même montré d'écrire le décès des Sœurs comme il est au Directoire. On éclaircira le Directoire pour l'Office des Morts, afin que vous l'entendiez.

Pour les actes capitulaires, ils ne se doivent pas retrancher, M. le prévôt me le dit encore hier ; c'est une chose qui se fait si simplement qu'il n'y a rien à craindre : nous reverrons l'article pour l'éclaircir. Pour les coulpes, c'est bien mon sentiment que personne ne les voie, sinon les professes, et même les anciennes ; mais où les mettra-t-on, quand on les fera imprimer ? car ce qui ne sera pas imprimé ne se conservera pas : considérez-le. — C'est la coutume de faire des tuniques de frise d'Angleterre ; si elles ne sont couvertes, elles ne sont pas assez chaudes, au moins on le dit ainsi et l'expérience l'enseigne ; pour une ou deux qui ne sont pas frileuses, s'il s'en trouve, il y en a vingt qui le sont. Il faut regarder en cela comme au manger, que nous sommes établies pour recevoir les infirmes, et qu'enfin c'était l'intention de Monseigneur. Pour la qualité de l'étoffe, il importe peu, pourvu qu'elle soit bonne ; mais nos Sœurs disent que, par expérience, elles savent que si elle coûte un peu plus, elle dure aussi plus, et elle est plus chaude. Notre Bienheureux Père ordonna que les Sœurs s'entretinssent tous les mois, et c'est le Concile qui ordonne la lampe,[64] à ce qu'on dit, et par tous les monastères réformés cela s'observe ; la dépense n'est que de quatre pots d'huile. Vous m'avez fait un très-grand plaisir de m'envoyer toutes vos remarques ; [156] faites-le encore, comme je vous ai mandé tout simplement. Je serai bien aise de savoir tous vos sentiments pour, par après, me résoudre, et les dresser selon vos intentions. Mais pensez bien ce coup ; car après je ferai comme mon Bienheureux Père fit des Constitutions, je n'y repenserai plus ; car enfin il faut conclure.

Voyez cette copie du billet que j'ai ajouté à la lettre de notre Sœur Supérieure de Paris. Nous avons toujours été fort tracassées à Paris, surtout sur l'Office. Elles sont sur les appréhensions que Mgr de Paris faisant la visite [canonique] ne les charge du grand Office, ce qu'il ne fera pas, à mon avis. Enfin il faut que les monastères demeurent unis pour le petit [Office]. Ç'a été par mon imprudence que, dès le commencement, je n'envoyai pas ces petits articles pour mieux éclaircir de la volonté de Monseigneur notre Bienheureux Père, et faire les considérations auxquelles on se rangerait. Je n'y pensai pas, et me laissai aller à l'avis des Supérieurs d'ici, qui choisirent comme il est écrit, ce qui est le mieux aussi.

Je voudrais avoir le loisir de vous dire la surprise que je fis à nos Sœurs pour me déposer.[65] Je ne leur en avais rien dit, et elles croyaient qu'on voulût procéder à l'élection seulement. Jamais il ne s'est vu un tel étonnement, ni émotion, à quoi je ne m'arrêtai point, mais suivis ma Règle. Elles tinrent conseil entre elles sans m'en rien dire, où elles conclurent qu'elles avaient fait une grande faute, et qu'à l'élection elles déclareraient qu'elles ne recevaient point ma déposition et m'éliraient pour [157] Supérieure à perpétuité. Moi qui ne savais rien de cela, fus étonnée quand le Supérieur le dit tout haut. J'acceptai la charge, non perpétuelle, mais selon la Règle. Après, je m'essayai de leur remontrer leur faute ; il n'y eut moyen de leur persuader qu'il y en eût, qu'au contraire, elles étaient honteuses de ne s'être opposées sur-le-champ, [et disaient] que je n'étais [pas] comme les autres Supérieures, qu'elles me reconnaissaient pour ceci et pour cela... des belles lanternes ! Et que ce n'était pas l'intention de Monseigneur que je fusse déposée, oui bien élue ; que d'autres monastères me voudraient élire pour Supérieure, ce qu'elles ne permettraient jamais. Enfin si j'étais leur fondatrice ou quelque personne de valeur, elles n'en diraient pas plus.

Je vous prie, considérez voir si j'ai encore quelque chose à faire sur ce sujet, afin qu'on ne tire pas des mauvaises conséquences de ceci pour les autres monastères ; car, pour rien du monde, il ne faut blesser notre Institut. Enfin je vous ai tout dit, et suis consolée de vous dire nos petites affaires. Je le ferais simplement, mais ordinairement je n'ai nul loisir.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [158]

LETTRE CDLX (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Promesse de revoir les Directoires après avoir achevé les Mémoires pour la vie du Bienheureux et la collection de ses Lettres.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 9 juin 1623.

Ma très-chère mère,

[De la main d'une secrétaire.] Notre très-chère Mère vous prie de l'excuser si elle ne vous écrit pas de sa main ; sa fluxion la travaille, qui est la cause qu'elle ne vous peut pas écrire. Elle vous supplie, que, si vous avez reçu les Directoires, vous ne les communiquiez à personne, pas même à nos Sœurs, parce qu'elle y remarque bien tant de fautes qu'il faudra qu'elle les revoie tous ; ce ne peut être de si tôt ; dans un mois, elle espère d'y pouvoir mettre la main. Véritablement, elle a eu tant d'accablements, et encore tant de travail pour faire les Mémoires pour la vie de notre Bienheureux Père, qu'elle n'a point de loisir.

Elle vous prie de bien considérer s'il ne serait pas mieux de dire en l'article qui parle du parloir, que la Supérieure n'y laissera aller les Sœurs que fort rarement, et le moins qu'il se pourra au temps qui est marqué ; et pour le quart d'heure qu'elle a mis pour l'action de grâces, s'il ne faudrait point dire : un peu de temps qui n'excède pourtant pas demi-quart d'heure ou un quart d'heure, parce qu'il y a des Supérieures qui donnent des demi-heures, c'est pourquoi notre très-chère Mère nomme le temps. — Elle vous prie de considérer aussi s'il ne serait pas bien que les Sœurs qui ne peuvent pas assister au chœur ne fussent point obligées à dire le grand Office, sinon le petit comme nous le disons, et que Votre Charité lui envoie un peu bien clairement quelles sont ses difficultés de l'Office, parce qu'elle n'a pas bien entendu votre lettre ; [159] véritablement, elle a bien tant d'occupations, qu'elle n'a pas encore su prendre le temps de voir vos questions.

[De la main de la Sainte.] Cela est vrai, ma très-chère fille, mais je ne laisse d'être votre Mère et de vous aimer de tout mon cœur. Faites-moi avoir l'avis du Révérend Père Binet pour l'Office, bien mûrement, et lui dites tout comme nous le disons ; notre Bienheureux Père me dit à Lyon que nous le pouvions dire ainsi en conscience, néanmoins, que puisque on le trouvait à dire... [plusieurs mots illisibles] je trouve le grand Office bien long pour être dit le long des Octaves [plusieurs mots effacés]. Parlez-en au Révérend Père Binet, auquel j'eusse écrit, mais certes je ne le puis.

Après qu'on aura achevé les Mémoires de la vie de Monseigneur [saint François de Sales] et [la collection de] ses Lettres, j'emploierai tout mon temps à revoir et mieux considérer les Directoires, et ferai écrire par quelqu'un qui n'y fera pas tant de fautes.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE CDLXI - À LA MÈRE FRANÇOISE GABRIELLE BALLY

SUPÉRIEURE À BOURGES

Comment témoigner sa reconnaissance pour deux guérisons miraculeuses obtenues par l'intercession de saint François de Sales. Il continue de visiter le monastère d'Annecy par des odeurs célestes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Dieu soit béni éternellement, ma chère fille. Seigneur Jésus ! Ah ! ne devrions-nous pas nous fondre en actions de grâces envers la divine Majesté, et la douceur de cet aimable Père qui, par la bonté de son tendre cœur, a obtenu à ces deux filles leur [160] guérison[66] ! Notre action de grâces envers sa bonté doit être spécialement par l'œuvre d'une parfaite observance des choses que nous avons reçues de Dieu, par le moyen de cette bienheureuse âme. Oh ! que cela doit donner un grand courage [aux nôtres] pour vivre doucement ensemble, n'ayant qu'un cœur et une âme en Dieu ; c'est la grâce que notre saint Père nous a surtout désirée.

Envoyez-nous au plus tôt une attestation de ces deux miracles. Prenez bon conseil afin de la bien faire dresser, car ils sont vraiment singuliers. Il s'en fait ici continuellement ; les odeurs se font toujours sentir dans notre maison. Dieu en soit glorifié. Demandons-lui la grâce d'en profiter.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Difficultés pour la fondation de Riom. — Comment faire respecter la clôture. — La Supérieure peut avoir un meuble qui ferme à clef. — Que les Sœurs soient courtes au parloir et n'y demeurent pas au temps des Offices. — Le corps du Bienheureux Fondateur vient d'être mis dans le sépulcre ; désir que son esprit vive et règne en l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], jour de l'octave de notre fête très-sainte, 1623.

Je vous assure, ma très-chère fille, que voilà une affaire conduite d'une sorte bien contraire à l'esprit de notre [161] Bienheureux Père. Ce que vous avez fait avec conseil, j'espère que Dieu le bénira ; mais j'avoue que j'eusse mieux aimé faire retourner nos Sœurs ; certes, elles méritaient bien cette mortification, et pour moi, j'en eusse été consolée. Oh Dieu ! est-il possible et qu'avons-nous à faire de maisons ? est-il possible qu'entre nous, il se trouve des Sœurs qui biaisent et quittent le train de la vraie simplicité et droiture pour chose quelconque ? Or bien, je crois qu'il y a plus de faute d'entendement que de volonté ; mais je crains toutefois, et mon cœur en est blessé ; je prie Dieu qu'il les redresse.[67]

Si les jeunes filles ne sont bien à votre gré et avec inclination d'être Religieuses, excusez-vous-en ; car enfin c'est une liberté que notre Bienheureux Père nous a voulu donner pour les bonnes occasions, mais non pas que nous soyons obligées à en recevoir. Il faut tout doucement procurer la sortie de cette-fille, quoiqu'il faille plutôt patienter que de les importuner.

Et sur quel fondement notre chère Sœur M. -Aimée [de Morville] veut-elle que tant de gens entrent dans votre monastère puisqu'on n'a jamais concédé cela qu'à mesdames ses mère, sœurs et nièces ? Certes, si j'étais à la place des autres, je me garderai fort bien de le faire, car elles encourraient l'excommunication. Et de votre part, ma très-chère fille, vous ne devez pas le permettre en conscience ; demandez-le au Révérend Père recteur cela n'appartient qu'aux Reines et Filles de France, encore feu notre Bienheureux Père disait qu'elles faisaient mal. C'est seulement dans le logis de notre Sœur Marie-Aimée que ses enfants doivent entrer. Certes, il serait à désirer que ces dames ne mangeassent point au monastère et encore moins y coucher ; toutefois, si on vous témoigne de le désirer, faites-le pour les parentes nommées ci-dessus, et vous servez sur les occasions de l'avis du Révérend Père. [162]

Je pensais vous avoir mandé qu'il ne fallait point pratiquer les Directoires que je ne les eusse revus, à cause de la multitude de fautes qu'il y a. L'article du parloir ne doit pas être si sévère que je le vois dans votre lettre, quoique notre Bienheureux Père me témoignât bien à Lyon qu'il désirait qu'on y fût courte, et que l'on ne quittât point les Offices, et dît qu'il fallait prier les amis de s'accommoder à cela ; mais ne remuez rien et faites à l'accoutumée et ne les envoyez pas à Riom, car les choses n'y sont pas écrites selon mon désir en tout plein d'endroits. Ma fille, je ne veux rien faire de nouveau, ni y mettre aucune chose que celles que nous avons reçues de notre Bienheureux Père et selon son intention ; et même plusieurs choses qu'on lui a fait dire sur des demandes, je les ai adoucies, selon que je sens qu'il l'eût fait quand je lui en aurais dit mes petites raisons, À mon avis, ma fille, quand nous aurons ramassé tout ce que nous faisons, ce sera chose suave et aimable à pratiquer !

C'est chose dangereuse que de prendre des filles tarées de lèpre ; Dieu vous assiste à vous en défaire. Il est vrai, les Religieux aiment votre maison et en disent beaucoup de bien ; cela m'est à consolation d'entendre que l'odeur qui en sort est toujours meilleure ; gloire en soit à Dieu ! et vos Sœurs vous aiment et estiment. Soyez-leur fort cordiale, et bénissez Dieu avec humilité ; car vous en avez sujet. — Il est nécessaire que la Supérieure ait quelque chose qui ferme [à clef].

Je n'ai point de nouvelles de nos Sœurs de Riom ; ne témoignez point au Père recteur ce que je vous ai dit ci-devant, et ne craignez pas que j'écrive rien à Riom qui gâte. J'espère que Dieu bénira votre bonne foi à les aider, et la condescendance que vous avez eue aux conseils. Demeurez-en donc en paix, et tâchez de tout votre pouvoir de tenir le cœur de vos Sœurs joyeux, paisible et content de vous ; une Supérieure qui a un zèle cordial, suave et vigilant, est un trésor dans le monastère. [163]

Nous venons de voir mettre le saint corps de notre Bienheureux Père dans son sépulcre ; je prie Dieu que son esprit vive et règne à jamais dans nos maisons.[68]

Vous savez bien que je suis entièrement toute vôtre, et il est vrai, je vous en assure, ma très-chère Sœur. Je salue toutes nos chères Sœurs, et particulièrement celle qui a reçu la grâce de mieux ouïr. Je souhaite que ce Bienheureux nous obtienne les grâces intérieures et non point les extérieures, car il me semble qu'il importe peu que nous soyons sourdes ou clairvoyantes du corps, pourvu que l'oreille de notre cœur soit attentive aux volontés de Dieu pour les exécuter fidèlement. Je salue encore les amis.

[P. S.] Notre chère Sœur M. -Jeanne nous presse de sa nièce. Pour la petitesse de sa dot, je vous prie, ne reconduisez pas puisqu'il y a si longtemps qu'elle persévère ; mais prenez garde à la tare ; un médecin vous pourra dire cela. Et la petite que vous avez reçue, n'est-elle pas de même race ?

Ma fille, je vous prie, ne tenez point votre âme contrainte ni restreinte ; faites avec une grande et sainte liberté d'esprit ce que vous jugerez le mieux, car il faut qu'une Supérieure ait cela : Dieu vous le donnera, ma fille ; tenez votre âme au large et contente en toute rencontre.

[De la main d'une secrétaire]. Voilà du sang de notre [164] Bienheureux Père que notre très-chère Mère vous envoie pour vous et ma Sœur Marie-Aimée (et que vous en donniez un petit grain à notre Sœur M. -Avoye), et aussi du linge trempé dans son sang, et de la chemise dans laquelle il fut ensépulturé, et du coton dans lequel il fut embaumé.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXIII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Au milieu des ténèbres intérieures, se reposer en Dieu, dans un esprit de parfaite confiance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille, que vous dirai-je de plus sur la continuation de vos peines, sinon qu'aussi il faut persévérer à faire ce que vous avez accoutumé ; car je sais bien qu'il faut ainsi aller, et s'il est possible, ne recevoir aucune sorte de désir d'aller autrement, ni aucun étonnement ni chagrin d'aller ainsi ; puisqu'en vérité ce chemin est très-bon, et voire même le plus assuré, et agréable à Dieu, quoique les sens ne l'agréent pas. Mais voyez-vous, ma fille, si Dieu avait permis que vous vissiez ce que je vois en cela, vous seriez guérie ou trop glorieuse, et perdriez plus qu'il ne se peut dire. Il faut donc demeurer dans ce saint aveuglement, contente de savoir en la raison, que Dieu est notre lumière, notre unique prétention, et parlant demeurer en un parfait abandonnement de tout votre être entre ses mains, et en esprit de parfaite confiance, sans toutefois vouloir sentir toutes ces choses. Gardez-vous de faire le mal volontairement : faites à la bonne foi tout le bien que vous pourrez, sans vous troubler quand il vous semblera de [165] manquer à l'un ou à l'autre ; mais aimez-en doucement votre abjection. Enfin, c'est Dieu qui par une miséricorde infinie vous tient ainsi. Assurez-vous et marchez donc le plus gaiement et courageusement que vous pourrez.

Vous faites toujours un peu trop de réflexions sur vos incapacités ; retranchez cela, mais absolument. Non, ma fille, ne vous alarmez point de la peine que j'ai de vous voir ainsi misérable ; cela ne m'en donne point, je vous assure, et voudrais que toutes nos Sœurs m'en donnassent aussi peu. Elles sont toutes fort bonnes ; mais c'est pour vous dire, que je n'ai peine que de voir que vous en avez ; et sitôt que je verrai que vous les chérirez, ce me sera une grande consolation ; et je vous assure que ce m'en est une. chère de vous voir aller par ce chemin et d'ouïr un peu les paroles de votre cœur.

LETTRE CDLXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Des actes capitulaires. — Il faut donner brièvement sou avis pour la réception des sujets. — Plusieurs Religieux se proposent d'écrire la vie de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 21 juin 1623.

Il n'est que trop certain, ma très-chère Sœur, que celles qui ont écrit les Directoires y ont fait plusieurs fautes ; mais, Dieu aidant, je les écrirai moi-même quand j'en aurai le loisir. Les actes capitulaires ne sont autre chose, sinon ce qui se résout au Chapitre, ainsi comme on a accoutumé : par exemple, les voix étant tirées pour la réception ou profession d'une fille, si elles lui sont favorables, la Supérieure écrit dans un livre qu'à tel jour et an, une telle a été reçue pour la profession par la pluralité des voix ; elle signe cela elle seule, et puis serre son livre dans une armoire ; car personne ne le manie [166] qu'elle.[69] Si une prétendante n'a pas les voix pour l'habit, on ne l'écrit pas ; mais si une novice ne les a pas pour la profession, on l'écrit simplement.

Au reste, vous faites excellemment de ne point tant laisser parler les Sœurs sur les défauts des filles ; car encore que l'Entretien dit qu'on en conférera, ce n'était pas, je m'assure, l'intention de Monseigneur [le Bienheureux] que l'on s'entretînt une heure et deux heures au Chapitre pour cela, comme on faisait souvent. Oh ! certes, je tranche court à cela, quoique, à la vérité, la Supérieure (à laquelle les Sœurs doivent dire en particulier les choses importantes qu'elles sauront) doit dire simplement au Chapitre et sagement ce qu'elle pense de la prétendante. Dieu est le grand conseiller.

Voyez ce que j'écris au Père Augustin. Si nos Sœurs de Grenoble peuvent faire cette fondation, j'en serai bien aise ; mais, mon Dieu, ma fille, je crains tant de maisons s'il n'y a de bons fondements. On a demandé notre Sœur la Supérieure de Dijon pour Mâcon. J'ai mandé qu'il fallait prendre les filles à Lyon et traiter avec vous, autrement Mgr l'archevêque en pourrait recevoir mécontentement. On tortille trop, mais il le faut laisser faire.

Nous ne savons point que Mgr de Belley écrive la vie de notre Bienheureux Père, oui bien un autre digne personnage.[70] Or [167] si le Père Supérieur de Lyon s'appelle Père Pierre, c'est celui que j'ai toujours désiré qui écrivît cette sainte vie. Le Révérend Père général des Feuillants a demandé des Mémoires pour l'écrire ; quand Mgr l'évêque sera de retour, qui sera bientôt, Dieu aidant, je lui dirai ; s'il ne revient, je lui écrirai. Tenez, voilà quelques miracles que j'ai fait extraire pour envoyer à Mgr de Bourges, mais je n'ai loisir d'écrire. Gardez-les et les voyez cependant. Je suis étonnée de M. Michel qui se fait tant attendre. Il faut laisser faire. Oh ! mon Dieu, ma très-chère fille, que je désirerais que nous vécussions toutes nues de tout ce qui n'est point Dieu !

Il n'y a guère d'argent céans. Faites voir savoir de M. de Sacconnex et de M. Daloz si nos droits payent ce que nous devons là, sinon on l'enverra ; mais mandez ce mémoire, et qu'au moins ils disent leur volonté. Matines vont finir. Bonsoir, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXV - À LA MÈRE JEANNE-CHAR LOTTE DE BRÉCHARD

À MONTFERRAND

Tendre sollicitude pour la Mère de Bréchard. — Éloge de la Supérieure de Marseille. — Dire sa pensée au sujet des Directoires.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère sœur,

Vous voilà donc encore avec nos vraiment bonnes Sœurs de Montferrand ; je m'assure que vous y serez consolée, car ce sont des âmes fort aimables, surtout la Supérieure qui est toute bonne et sage à mon gré. mais vous voilà aussi dans les [168] difficultés de votre établissement. Notre bon Dieu y fasse régner son bon plaisir, car nous n'avons à désirer que cela. Hélas ! je vous plains pourtant, ma très-chère Sœur, craignant que vous ne soyez attaquée d'inquiétudes parmi ces contradictions. Je prie Dieu qu'il vous conserve sa sainte paix.

Vous aurez bientôt les Directoires, s'il plaît à Dieu. Vous considérerez l'écrit que j'ai envoyé aux Supérieures, afin que chacune considèrent que l'on arrête dans quelque temps. Notre Sœur l'assistante vous écrit nos nouvelles, je n'en ai pas le loisir, moi, ma pauvre très-chère Sœur, car je vous assure que nous ne manquons pas de besogne ; tout soit à la seule gloire de Dieu !

Notre Sœur Françoise-Marguerite Favrot est Supérieure à Marseille ; notre Sœur Claude-Catherine de Vallon, son assistante ; les autres, vous ne les connaissez pas. Elles sont allées six ; mais, certes, ce sont des âmes solides en vertu et propres à ce fondement. Elles ont été grandement bien reçues ; mais elles ne manquent pas d'autres difficultés ; les esprits y sont ardents, fins et pointilleux, mais grands catholiques. Vous ne sauriez croire comme la Supérieure est habile femme, prudente, douce, et grande servante de Dieu ; mais il ne la fallait pas moindre.

Ma pauvre très-chère, vous savez et il est vrai que mon cœur est invariable en son affection pour votre cher cœur.

Dieu soit béni !

[P. S.] Considérez bien, à part vous, tous les Directoires, et m'en mandez votre avis, afin que nous y mettions la dernière main, avant qu'on les montre aux Sœurs, au moins celui des choses spirituelles, car il y a bien des fautes.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [169]

LETTRE CDLXVI - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

On ne doit ouvrir la porte de clôture que pour de grandes occasions. — Conseils pour la Sœur de Morville. — Introduire doucement la pratique du Directoire.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère sœur,

Je vous ai déjà répondu pour ces jeunes filles ; il faut demeurer inviolable dans l'observance des choses reçues de Dieu par notre Bienheureux Père ; mais toujours faites vos refus et tous vos traités avec singulière douceur et respect, car c'est l'esprit de notre Bienheureux Père. Voilà ce que j'écris à Mgr d'Autun ; je m'assure que cette lettre sera utile, moyennant la grâce de Dieu. Si vous aviez déjà reçu quelque commandement, il faut différer l'exécution, et, en toutes telles occasions, prendre le temps pour dire vos raisons. Accompagnez ma lettre d'une des vôtres, car il se faut accoutumer d'écrire aux prélats et leur demander ce qu'ils nous peuvent donner.

Il ne faut point ouvrir la porte du couvent que pour quelque grande occasion comme vous verrez à l'Entretien, avec le temps. — Vous faites extrêmement bien de montrer grande confiance à notre Sœur M. À. [de Morville], C'est le grand moyen de lui ôter maintes fantaisies. Oh Dieu ! que je désire que cette âme-là se rende toute à Dieu, et je l'espère, car elle a le cœur bon. N'y a-t-il moyen que ce Père Minime auquel elle se confie lui puisse ôter tous ces commerces qu'elle a au monde ? c'est ce qui l'alentit en la dévotion. Donnez-lui ce billet si vous le trouvez bon, sinon différez, ce n'est que pour l'encourager.

Je réponds à notre Sœur Marie-Avoye [Humbert] sur les demandes qu'elle m'écrit que vous lui avez fait faire. Notre [170] Bienheureux Père me dit ce que je vous ai déjà écrit pour la réception de la fille de Paris en cas que notre affaire réussisse, et qu'il fallait que la dot de notre Sœur M. -Marguerite demeurât à la maison qui a la charge d'elle ; cela est de justice. Ma très-chère Sœur, demeurez en paix, je vous prie, parmi toutes vos affaires ; ne perdez votre tranquillité pour chose que ce soit ; recevez tout de la main de Dieu, et vous verrez comme il vous bénira et votre maison ; n'est-ce pas une grande consolation de la voir cheminer comme elle fait ? Bénissez-en Dieu et leur recommandez la sainte modestie et tranquillité religieuses. Je suis vôtre, ma fille, de tout mon cœur. Dieu soit béni.

[P. S.] Je vous ai déjà mandé que vous auriez bientôt les Directoires ; mettez-vous simplement et insensiblement à la pratique de ceux qui regardent l'ordre ; mais, avant que de montrer celui des choses spirituelles et sa suite, considérez-le bien à part vous, et m'en mandez votre sentiment, car, avant que de le conclure, je désire entendre l'avis de nos Supérieures. Il y a beaucoup de choses qu'il faudra retrancher après que les Sœurs en auront pris l'habitude. Enfin, considérez bien avant de le montrer, voire, ne le communiquez pas que je ne l'aie revu, après avoir ouï nos Supérieures, car il y a plusieurs fautes, mais nous les raccommoderons à loisir, si Dieu plaît.

Je suis surchargée de lettres, je ne puis écrire à M. le doyen, cela est inutile.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [171]

LETTRE CDLXVII - À LA SŒUR MARIE-AVOYE HUMBERT

À MOULINS

Le parloir intérieur ne doit point avoir vue au dehors — Éviter l'empressement pour les ouvrages. — Ne pas parler à la grille du chœur ; il faut que le châssis ferme à clef.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623]

Ma très-chère sœur,

Si vous êtes fidèle à cette pratique de ne rien demander et rien refuser, Dieu vous bénira.

Cela serait bien indécent que ceux de la rue vissent les Sœurs au parloir et qu'elles les saluassent. — Il ne faut pas faire rendre compte des ouvrages, si n'était quelquefois à quelqu'une qui s'y rendrait négligente. C'est assez qu'il soit dit au Directoire de l'économe, et il faudrait retrancher ces empressements-là : rien ne doit être préféré à la tranquillité. — Vous ne savez pas les raisons de la Mère à se consulter à notre Sœur Marie-Aimée ; elle le fait sagement, n'épluchez point cela. — On ne doit point parler à la treille du chœur ; le silence y est. Puis il faudra que le châssis ferme à clef. Certes, nos Sœurs sont heureuses d'avoir rencontré une si bonne Mère, elle est fort avant dans mon cœur.

Nous ferons la communion pour votre pauvre mère, et de tout mon cœur j'offre le vôtre à Dieu. Faites de même pour moi qui suis toujours et serai à jamais vôtre en ce divin Sauveur. Mille saluts à toutes nos Sœurs que j'aime chèrement.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [172]

LETTRE CDLXVIII - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Le Directoire spirituel guide les esprits sans les contraindre. — Parler plus aux Anges qu'aux hommes, et laisser à Dieu le soin de sa réputation. — Il n'y a jamais de vraie perfection intérieure, où manque le parfait amour du prochain. — On retrouve dans les papiers de saint François de Sales deux cahiers du Coutumier écrits de sa main, outre les Directoires.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 29 juin 1623.

Ma bien-aimée fille,

De quelque côté que l'on se tourne en ce monde, il y a de l'affliction, et le monde trouve toujours, je ne sais quoi, à redire aux serviteurs et servantes de Dieu. Que ferait-on là, sinon d'avoir patience ?

Le Directoire spirituel donne toute liberté de suivre l'attrait intérieur.[71] J'admire que ces bons Pères disent que nous soyons contraintes en notre spiritualité. Hélas ! en quoi, si ce n'est qu'on nous montre le vrai bien, lequel ne se peut acquérir qu'en contraignant et mortifiant nos passions, et faisant mourir le vieil homme. Ma fille, il ne faudrait pas être en ce monde, pour n'être pas censurée. Condescendons en ce que nous pourrons légitimement ; pour le reste, disons nos raisons, en peu de paroles fort suaves et respectueuses.

Attachons-nous bien à Dieu ; suivons notre Institut ; [173] choisissons bien les filles ; soyons très-considérées pour les fondations cordiales et franches à les faire, quand nous le pourrons, selon nos règlements. Parlons plus aux Anges qu'aux hommes ; et si nous sommes la fable et la risée du peuple, bénissons Dieu qui nous donne ce moyen d'aimer notre abjection, et lui laissons le soin de notre réputation ; souffrons aimablement les censures ; Dieu est notre Père. Nous espérons en sa grâce d'obtenir du Saint-Siège la confirmation de notre Institut sous l'autorité de Messeigneurs les évêques et la perpétuité de notre cher petit Office. J'avoue de tout mon cœur que cette misérable vie serait insupportable, si la sainte volonté de Dieu n'y était regardée.

Ma pauvre très-chère fille, je vous conjure d'égayer votre chère âme, tant qu'il vous sera possible ; cela est tout à fait nécessaire aux Supérieures et à leurs Religieuses. Je voudrais que vous me vissiez en. nos récréations, et quand je parle à nos Sœurs en particulier, je lâche de me rendre la plus suave et cordiale qu'il m'est possible, et je ne les reprends que de cet air-là ; parce que tous les jours l'expérience m'enseigne qu'il faut faire rarement les corrections fortes et sévères, et qu'elles profilent incomparablement davantage, étant faites avec une douceur vive, cordiale, sérieuse et aimante ; car cette façon dilate le cœur de celle qui parle et de celle qui écoule, et la renvoie toute gaie et encouragée au bien, et toute détrempée en la suave force qu'elle a trouvée en celle que Dieu lui adonnée pour Mère. Il faut que je vous dise en confiance que nos Sœurs de céans font très-bien ; elles vivent avec une sainte joie cordiale, dans une grande douceur et correspondance d'amour les unes pour les autres, ce qui leur est une source de bénédictions spirituelles. Je n'ai jamais remarqué qu'il y ait de la perfection intérieure où le parfait amour du prochain n'est pas.

Au reste, ma très-chère fille, nous avons trouvé deux des premiers cahiers de notre Coutumier que notre Bienheureux [174] Père avait rangés, outre les Directoires et plusieurs Mémoires qu'il a laissés à M. Michel [Favre] notre confesseur. Nous nous prosternons devant Dieu, et réclamons sa sainte assistance et lumière pour ranger le tout selon les intentions de notre Bienheureux Père. Je crois que c'était son cher désir qu'on laissât beaucoup de choses à la discrétion des Supérieures, car il ne voulait point qu'elles fussent gênées, et avait une aversion incroyable qu'on les contrôlât en leur conduite ; il me l'a dit plusieurs fois et si fermement que rien plus, ajoutant que, « s'il était Religieux, ce serait la chose dont il se ferait le plus de scrupule ». Je vous dis ses mêmes paroles.

Mais, mon Dieu ! ma pauvre chère fille, dispensez-moi de vous envoyer mon portrait. Il est vrai, ce que vous dites, notre Bienheureux Père dit à Lyon qu'il voulait me faire peindre ici ; mais, hélas ! faut-il que l'image d'une si misérable créature soit en parade ? Non, je vous prie, ma fille, ne désirez point cela de moi ; ce serait m'obliger à une condescendance trop pénible. Que voulez-vous voir en l'image d'une si mauvaise Religieuse ? Regardez celle de notre saint Fondateur qui était un Saint, et vous verrez en ce visage certaine sainte sérénité qui touche le cœur de dévotion.

J'ai recommandé à ce Bienheureux l'affaire de votre seconde maison. Je suis certaine qu'il aurait fait ce que vous avez fait. Pour ce contrat, n'en entrez point en scrupule ; tenez votre âme en paix, et croyez que je suis de cœur toute vôtre, etc. [175]

LETTRE CDLXIX - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES, À DIJON

Estime due à la Mère Favre. — Conduire les novices chacune selon son âge et sa capacité. — Avec quelle sagesse on doit procéder, lorsqu'il s'agit de donner sa voix au Chapitre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Dieu sait la douleur que je porte dans mon cœur pour le malentendu qui est dans votre maison, je prie Dieu qu'il y mette sa bonne main. Enfin, si l'on ne s'accommode, il faudra trouver moyen d'en ôter cette personne qui en est la cause. Jamais il n'est arrivé que tout mal quand les inférieures veulent contrôler les Supérieures ; s'il y avait de l'humilité et de la soumission, tout irait bien. Enfin, ma très-chère Sœur, celle qui préside là a fait si heureusement ailleurs que cela doit tenir les inférieures en repos ; faites-leur entendre, afin que l'humble et cordiale soumission y puisse régner. Aidez à cela, tant qu'il vous sera possible, et faites que la Sœur N. soit parfaitement unie à la Supérieure, et qu'elle s'ouvre cordialement à elle. Oh Dieu ! est-ce là l'honneur que l'on porte à la mémoire de celui qui leur a tant recommandé la paix et l'union ! Voilà une dangereuse tentation. Dieu, par sa bonté, y mette ordre ! nous nous emploierons pour l'y mettre, à l'aide de Dieu.

Il faut revenir à vous ; pour moi, je ne ferais nulle difficulté de donner la profession à notre Sœur A. M., car elle a bonne volonté, et ne manque que par manque de mémoire. J'admire comme cette Sœur ose entreprendre de la tracasser ; il y a bien de la témérité et immortification. Je pense que dorénavant les filles ne seront appelées à donner leur voix qu'elles ne soient hors du noviciat.

Certes, je tiens assuré, et l'expérience me l'a appris, que [176] rien ne gagne tant les esprits que la douceur et cordialité ; je vous prie, ma très-chère fille, prenez cette méthode, car c'est l'esprit de notre Bienheureux Père. Les sécheresses de paroles ou d'actions ne servent qu'à dessécher les cœurs et à les abattre, et la douceur les anime et dilate au bien. Je pense qu'il ne faut nullement se détraquer de son train pour la réception des jeunes filles ; il faut encore laisser couler une année et plus à la petite nièce de notre Sœur de Vigny,[72] et cependant, on tâchera de l'instruire doucement, mais nous la verrons, et je la tiens si raisonnable qu'elle s'y accommodera.

Je reviens à notre Sœur N***. Je n'entends pas qu'on la caresse, mais seulement qu'on la traite cordialement et doucement, je veux dire qu'on ne lui soit pas sèche de paroles et d'actions. Je vous dis le même pour notre Sœur N***, et encore plus ; car il ne faut traiter cette petite-là qu'en se jouant ; c'est encore une enfant qui n'a pas l'estomac fort pour manger des viandes solides ; qui lui en voudra donner la ruinera. Il la faut donc conduire bien doucement et tendrement, la dresser à l'observance du silence et des autres obéissances, mais non encore à des pénitences et mortifications. Enfin, ma très-chère fille, il faut donner à ces jeunes petites âmes-là beaucoup de vigueur, d'allégresse et de joie, et leur faire, par ce moyen, désirer les choses que par d'autres voies on leur ferait craindre et appréhender.

Si faut, ma très-chère fille, il faut gagner ce point sur vous, de demander des soulagements, et de vous rendre plus franche, familière, ouverte et cordiale avec la Mère, lui parlant à cœur ouvert de tout, au large. Donc, ma très-chère fille, et pour Dieu, donnez à notre Bienheureux Père cette gloire accidentelle de vous voir vivre selon son esprit de suavité et confiance [177] cordiale, et portez toutes les autres à cela. Priez pour moi et soulagez mon cœur par la nouvelle d'une parfaite cordialité entre vous ; car c'est en ces occasions où il faut témoigner notre pur amour, servant Dieu selon son goût par la pratique des vertus qui tendent à sa gloire et non à notre satisfaction. Vous savez que je suis vôtre sans réserve.

Dieu soit béni !

[P. S.] J'ajoute que si une Sœur céans avait dit qu'elle ne donnerait pas sa voix, je la ferais dire vrai, ne lui permettant de la donner. Dites donc à ma Sœur N*** qu'elle ne tienne plus ce langage. Les trois qu'elle dit sont fort bonnes âmes, et je ferais grande conscience de les éconduire. Pour Dieu, que les passions cessent, et ayez soin de votre faible corps, le soulageant tant que vous pourrez.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la -Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXX - À MONSIEUR L'ABBÉ ROUSSIER[73]

À SAINT-ÉTIENNE

Elle le remercie de son dévouement à la nouvelle maison de Saint-Étienne

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Oh Dieu ! mon très-bon et cher Père, que le récit que vous me faites de l'état de notre chère petite maison de Saint-Étienne m'est à grande consolation, et sujet de bénédictions envers Dieu que j'en loue et remercie très-humblement, et de ce qu'il plaît à [178] sa bonté leur continuer le bonheur de votre chère assistance ! Certes, mon très-cher Père, ce m'est une spéciale consolation de savoir que vous aidez toujours à cultiver cette petite vigne, et j'espère que Notre-Seigneur vous en saura bon gré, et vous le fera sentir par quelque spéciale assistance de grâces particulières, ainsi que de tout mon cœur j'en supplie sa bonté, et vous, mon cher Père, de me tenir toujours en la mémoire de vos saintes prières, puisque avec tant d'affection je suis et veux être à jamais votre très-humble fille et servante en Notre-Seigneur.

[P. S.] Toutes nos chères Sœurs, qui sont certes très-bonnes, saluent avec autant d'affection Votre Révérence, et moi je salue toute votre chère famille.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Lisbonne.

LETTRE CDLXXI (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Combien doivent durer les Offices et l'action de grâces après la communion. — Des processions. — Ne point se surcharger de prières extraordinaires. — Conseils relatifs au médecin. — De quelle étoffe faire les rideaux de l'infirmerie. — Procès-verbal sur deux miracles opérés par saint François de Sales. — Sollicitude pour la santé de la Mère de la Roche.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy 22 juillet 1623.]

Ma très-chère fille,

[De la main d'une secrétaire.] Ainsi que vous me mandez, vous tenez votre Office trop long. Or, bien, j'ai eu grand tort ; car, en envoyant les Directoires, je devais dire ce qu'il fallait pour les Offices des grandes fêtes ; mais avant que Noël vienne ou la Toussaint, on verra à quoi l'on en sera, Dieu aidant ; et faites bien prier pour ce sujet, et cependant allez [179] votre train, car aussi bien il n'y a point de grandes fêtes avant la Toussaint.

L'on emploie [pour l'action de grâces de la communion] grand demi-quart d'heure après None. Il faut sans doute que vous traîniez trop votre Office, car ici Tierce, Sexte [la messe] et None ne durent que cinq quarts d'heure, et les fêtes, une heure et demie, de sorte que nos Sœurs ont toujours le loisir d'ouïr une messe et faire l'oraison demi-heure les jours de fête. Vêpres, demi-heure, et trois quarts d'heure quand on les chante ; Complies, un quart d'heure [sans y comprendre les Litanies]. Il me semble que le Directoire ne dit point que l'on fasse des processions le matin, sinon à certains jours de l'année, que l'Eglise l'ordonne, au moins nous les faisons après Vêpres, quand il n'y a point de sermon. Vous voulez être trop bonne ménagère ; il ne faut point doubler l'oraison après dîner, on ne peut pas tout dire, il faut que la discrétion de la Supérieure supplée à ce qui n'est pas écrit ; et quand elle jugera à propos de les faire dire [Complies] après Vêpres, qu'elle le fasse, mais d'en faire un ordinaire, il me semble qu'il ne le faut pas, sinon quand après les Vêpres on a le sermon, que l'on dit Complies et l'on chante les Litanies, quoique l'on sait qu'il ne soit pas cinq heures. C'est un oubli de ce qu'on ne vous a pas envoyé la note de ce que nous chantons.

Notre Bienheureux Père désirait que l'on dit l'Office sur un ton médiocre et pas trop haut, je vous supplie de vous y accoutumer, car je vous assure que céans le chant était tout à fait changé à cause de cela. Vous verrez distinctement ce qu'il faudra faire pour l'Office dans quelque temps, car de nous charger de dire tout ce que le monde voudra, et à leur fantaisie, nous renverserions l'intention de notre Bienheureux Père. Il faut laisser dire, et bien prier Dieu afin qu'il lui plaise de nous continuer notre privilège et la grâce de conserver la manière que notre Bienheureux Père a trouvée bonne : vous [180] verrez tout ce qu'il faudra, Dieu aidant, après un peu de patience, et cependant, ma très-chère fille, allez votre train, car je revois les Directoires qui sont pleins de mille fautes ; on mettra à part ce qu'il faut que les Sœurs voient, et ce qu'il faut que la Supérieure garde.

Nous n'avons point la coutume que les malades soient voilées devant les médecins, il faut que la discrétion de la Supérieure gouverne ces entrées ; dans le Coutumier, nous mettrons comme on le pratique ici. Dans l'infirmerie l'on n'a point d'autre lit que ceux de futaine, que l'on peut doubler en hiver. — Le Directoire et le Coutumier répondront à une partie de vos questions, le reste sera laissé à la discrétion de la Supérieure. — Je ne sais que dire si les professes du noviciat donneront toujours leur voix tandis qu'elles seront au noviciat, parce que je n'en ai rien appris de notre Bienheureux : je vous en demande votre sentiment, comme aussi celui de toutes nos autres Supérieures que je leur demanderai.

[Ce qui suit est de la main de la Sainte.] Si les Pères Jésuites, après M. votre Père spirituel, jugent que les choses que vous nous écrivez de ces deux guérisons puissent être tenues pour miracles, il faudra, ma très-chère Sœur, s'il vous plaît, que vous en envoyiez des certificats bien faits par leur avis. Mon Dieu ! ma très-bonne et chère fille, que le miracle de la vie de ce grand saint homme est incomparable au-dessus de tous autres ! Bénie soit la main toute-puissante de Celui qui s'est fait un tel Serviteur. O ma fille, quelle obligation avons-nous à cette incompréhensible Bonté de nous avoir donné un tel Père ! Je n'ose dire ce que j'en ressens ; mais j'ai un grand désir que nous correspondions à cette grâce par une très-fidèle observance des choses qu'il nous a laissées, et que nous fassions reluire en nous cet esprit de très-humble douceur, simplicité, confiance, et totale dépendance de la divine volonté. O Seigneur Jésus ! que nous mourions, je vous supplie, si nous [181] ne vivons ainsi. Je suis, certes, en peine de la continuation de vos douleurs ; je vous ai déjà priée de savoir des médecins si ce mal vous procède de l'air du pays, et de prendre bon et solide conseil avec les Pères pour cela, afin qu'après quand vous saurez ce qui s'en dira, vous en puissiez parler au Supérieur, lequel, je m'assure, ne dira pas que non pour une telle occasion. Et, s'il faut quitter, il faut voir où l'on pourra trouver une Supérieure, car je ne sais si notre Sœur Marie-Michel [de Nouvelles] serait capable de cela ; toutefois ayant fait un tel progrès à l'Auvergne, peut-être Dieu s'en voudra-t-il servir ; mais vous prendrez avis et vous direz votre sentiment là-dessus. Enfin, ma très-chère fille, il faut être bien douce et bien courageuse sur votre croix ; n'a pas de ces faveurs-là qui veut. Vous vous trouvez pauvre, et moi je vous trouve riche pour le peu de temps qu'il y a que vous êtes établies. Mon Dieu ! quand sera-ce que nous aimerons la sainte pauvreté que notre Bienheureux Père chérissait tant, et que par une entière confiance nous nous reposerons entièrement entre les bras de la divine Providence ? Il faut aller là, ma très-chère fille. Je prie Dieu qu'il vous tienne toujours de sa sainte main, et répande sur vous et votre chère troupe ses très-saintes bénédictions ; je vous salue toutes très-chèrement. Nos Sœurs font le même, toutes les nôtres se portent bien, je suis vôtre, ma très-chère fille, et de tout mon cœur, je vous en assure. Dieu soit béni.

Je revois nos Directoires. Je sépare ce qu'il faut que la Supérieure garde d'entre les Directoires communs, que tout le corps doit observer, puis je mettrai à part les coutumes comme je trouve que notre Bienheureux Père nous les avait commandées ; mais j'y veux donner le temps convenable, et ne les envoyer précipitamment et imparfaits comme la première fois. Faites bien fort prier pour notre Office ; que Dieu nous le conserve, et pour le reste des affaires de l'Institut. Dieu soit béni.

[P. S.] Ma toute très-chère fille, je crois que cette lettre [182] répond suffisamment à la vôtre grande que je viens de recevoir ; je l'ai parcourue, mais non lue. Pour Dieu, ma très-chère fille, tenez votre cœur en courage au-dessus de vos inclinations, et faites qu'il règne avec une douce et suave générosité. Bonsoir, ma très-chère fille, et à nos Sœurs.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE CDLXXII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Recommandation en faveur du président Favre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 26 juillet 1623.

Ma très-chère sœur,

Monsieur le président Favre a su que vous aviez quelque argent à mettre à frais ; il s'est trouvé avoir besoin de cinq mille francs pour payer partie d'une terre qu'il achète. Je vous puis assurer en toute sincérité que vous ne sauriez le loger en lieu du monde plus assuré ; c'est pourquoi tout franchement je vous prie et vous conjure, si vous le pouvez, de l'accommoder de cette partie. C'est un seigneur que vous savez que notre Bienheureux Père aimait et honorait comme ses yeux ; enfin c'était son cher ami. De vous dire ce que nous lui devons, et en quel respect il est à tout le monde et à nous en particulier, cela serait superflu, car vous le savez. Il suffit donc que c'est M. le président Favre qui vous requiert cette courtoisie, en laquelle je vous assure que j'aurai très-grande part. Or sus, je finis avec cette confiance que, si vous le pouvez, vous le ferez, et je demeure, ma très-chère Sœur, votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [183]

LETTRE CDLXXIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Prière de lui donner de ses nouvelles et de dire sa pensée sur les Directoires.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 31 juillet 1623.

Je voulais attendre le bon M. Crichant pour vous écrire ; mais ce bon et vertueux Père a désiré que je vous fisse ce mot pour lui donner entrée vers vous ; car il aura quelquefois besoin de se consoler un peu avec vous : c'est un vrai bon dévot Religieux. Au reste, je suis en peine, certes, de ce que parmi les lettres que M. Crichant nous a envoyées, je n'y en ai trouvé aucune de vous, ni de nos Sœurs, sinon une de vous qui me semble qui s'adressait à Monseigneur, de sorte qu'il y a longtemps que nous n'en avons reçu des vôtres ; cependant, il me tarde fort d'en recevoir, et d'entendre le sentiment de notre bon Père Binet sur l'Office, et le vôtre ; car voilà les Directoires, excepté celui de l'Office ; ce qui y manque, accommodez-le ; pour moi, je ne sais plus rien à y mettre. J'en ai séparé ce qu'il faut que la Supérieure ait à part, et ce qui convient au Coutumier ; sitôt que Dieu me donnera le loisir, j'accommoderai le tout ; mais je voudrais que vous me disiez s'il est nécessaire de laisser dans le chapitre des pénitences, les coulpes ; s'il ne suffirait pas de marquer seulement les mortifications et pénitences ; et aussi, s'il sera bon que les novices professes ne donnent pas leur voix, parce qu'il faut que la réception des filles se fasse par la pluralité, qui est une de plus. Dites-moi aussi si j'ai marqué dans le Coutumier le demi-quart d'heure [d'action de grâces] après None, les jours de communion ; cela est si peu de chose qu'il me semble que je ne voudrais pas l'écrire, mais nos Sœurs d'ici disent qu'il y a eu des Supérieures qui les tenaient [184] quelquefois si longtemps qu'elles en étaient importunées. O ma fille, vos remarques sont bonnes, elles me serviront.

Le livre pour écrire les actes capitulaires me semble superflu, puisque les novices ont un livre où elles écrivent leur réception, et les professes, le leur ; considérez cela et me le mandez.

Bonsoir, ma très-chère fille, Matines sont dites, il faut finir, car je ne sus gagner le temps de vous écrire plus tôt ; ma très-chère fille, vous savez que d'un cœur entier je suis vôtre. Je salue nos Sœurs.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE CDLXXIV - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Les souffrances sont de riches occasions que Dieu nous envoie pour nous aider à acquérir l'humilité, la douceur et la patience. — Ne pas recevoir des filles épileptiques.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 2 août 1623.

Ma très-chère fille,

Vous voilà en un exercice tout propre à vous faire devenir sainte ; certes, vous avez besoin d'un grand courage, mais j'espère que Dieu vous le fortifiera tous les jours davantage. Ne vous abattez point, je vous en conjure, ma très-chère fille, et faites profit de ces riches occasions que Dieu vous présente pour acquérir la vraie humilité, douceur, patience, et surtout cette grande leçon de notre Saint, qui est l'incomparable vertu du support des maussades et fâcheux prochains.

Mon Dieu ! ma fille, regardez souvent notre bon Sauveur parmi les diverses souffrances de sa Passion ; voyez comme on [185] le bafoue, méprise, et vilipende, et enfin : « Père, dit-il, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Ma très-chère fille, cette pauvre créature ne sait, certes, ce qu'elle fait ; car sa passion la transporte ; mais patience, allez avec Notre-Seigneur, remettez-lui entièrement entre ses mains sacrées la charge qu'il vous a commise, et particulièrement celle de cette pauvre âme, et vous y confiez, et vous verrez le calme bientôt, et votre maison pleine de bénédictions, comme certes elle est, puisque la sainte union règne en toute la famille ; cela n'est rien d'avoir une brebis qui s'écarte du troupeau. [D'ailleurs] l'expédient que ces messieurs prennent de faire changer de. place à ce bon homme, y ajoutant qu'on procure une absolue défense de la part des Supérieurs qu'il n'écrive point, sera un remède entier, bien que cuisant. Or je crois que sur tous les préjugés que vous aviez pour douter du vain amusement, il était expédient et de votre devoir d'en procurer l'éclaircissement ; que si Dieu a permis que cela ait causé un éclat, c'est pour un plus grand bien, comme j'espère de sa bonté, et je trouve que vous vous êtes fort bien conduite en tout cela, dont je loue Dieu. Certes, si elle continue, il faudra prendre solide conseil pour savoir comme on s'y comportera ; cependant patientez, et l'adoucissez tant que vous pourrez.

Le Révérend Père recteur ne m'a pas écrit ; si je puis, je lui écrirai, mais je suis accablée. Je vous prie au moins que vos deux chères Sœurs qui m'écrivent m'excusent ; je les chéris très-parfaitement, et suis consolée de leur zèle et sainte affection envers vous.

Nous tenons nos parloirs fermés à clef et les châssis du chœur ; et la porte du chœur aussi, dès le dîner jusqu'à deux heures. Notre Bienheureux Père a ordonné cela, vous le verrez dans le Coutumier, car nous avons séparé des Directoires ce qui doit être rière la Supérieure et dans le Coutumier. J'ai envoyé les Directoires comme il les faut, je pense qu'on vous les enverra. [186]

Ayez un grand courage, ma très-chère fille, et Dieu vous aidera. Non, il ne faut point recevoir des filles qui aient le haut mal [épilepsie]. Nos Sœurs tourières et domestiques peuvent porter des couteaux sous leur robe.

Bonsoir, ma toute chère fille, portez votre croix patiemment, Dieu sera avec vous, n'en doutez point. Je suis sans fin vôtre et sans réserve. Voilà que je ne puis écrire au Révérend Père pour ce coup, mais je le salue très-humblement, et ne puis dire combien je ressens l'assistance qu'il vous donne. Je voudrais savoir son sentiment sur ce sujet et son avis. Mon Dieu ! que. nous lui sommes obligées ! Dieu soit sa récompense.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXXV - À LA SŒUR MARIE- AIMÉE DE MORVILLE

À MOULINS

Rien n'est plus dangereux que l'abus des grâces.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.

Ma très-chère fille,

Ne voulez-vous pas bien que je vous dise tout à la bonne foi que si vous ne quittez absolument les pratiques et vaines affections mondaines, vous décherrez encore de vos bons propos et saintes résolutions ? car pensez-vous que Dieu vous veuille favoriser tous les jours de grâces extraordinaires quand vous persévérerez à le mécontenter et à préférer vos vaines inclinations à ses bénédictions, à votre devoir et à toute bonne raison ? Pesez ceci, ma fille, je vous en supplie, et apprenez ce que dit saint Paul aux âmes qui négligent la grâce. Certes, si vous ne [187] demeurez ferme à conserver celle que vous avez reçue, je crains fort qu'elle ne retourne pas quand vous la voudrez ; car c'est parla miséricorde divine que souvent la grâce est déniée aux âmes que sa Providence connaît qui n'en doivent pas faire leur profit, afin que leur condamnation n'en soit pas si grande : « À celui qui aura davantage reçu, on demandera davantage aussi. »

Ma très-chère fille, vous connaîtrez bien par ce discours que notre Sœur la Supérieure m'a écrit ce qui s'est passé de ces passants et donneurs de lettres plus propres aux vaines dames du monde qu'à une Religieuse nouvellement affermie en des résolutions de vivre selon sa vocation. Si votre affection est solide en Dieu, vous serez consolée que ces choses ne me soient pas celées, et [vous] devez croire que jamais-une sage Supérieure de la Visitation ne consentira à telles choses, ni ne me les cèlera ; car enfin, ma très-chère fille, meshui, nous ne pouvons plus dissimuler tels tracassements et pratiques ; elles sont trop préjudiciables à l'honneur de Dieu et de notre Compagnie.

J'espère que vous avez ce même sentiment que moi, et que partant vous serez bien aise que l'on éloigne de votre maison absolument telles sirènes. Notre très-heureux Père nous conseillait qu'en telles occasions l'on ne s'amusât point à dénouer, mais que l'on coupât et tranchât sans marchander. Suivez cet avis, ma très-chère fille, et Dieu vous bénira ; non, ne pensez jamais vous déprendre sans vous faire violence. Faites-vous-la donc, ma très-chère tille, et vous serez bien heureuse, puisque la Sapience éternelle a dit que les violents raviraient le ciel.

Je supplie son infinie bonté vous tenir de sa sainte main, afin que vous ne choppiez point en votre chemin, et que vous parveniez à cette éternelle félicité que je vous souhaite de cœur comme à ma très-chère fille que j'aime de tout mon cœur, en [188] l'espérance de sa constance et fidélité envers Dieu. Qu'il soit à jamais béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXXVI (Inédite) - À MADAME LA BARONNE DE CHANTAL

SA BELLE-FILLE

Assurance de sa maternelle affection.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-aimée et très-chère fille,

Ne me faites jamais aucune excuse de votre tardiveté à m'écrire ; oh ! non, ma fille, car je ne saurais rien prendre de travers de tout ce que vous ferez avec moi qui vous aime et chéris parfaitement. Ce m'est toutefois un grand contentement d'entendre celui que Dieu répand en votre mariage, ma très-chère fille ; cette union de cœur que vous avez avec votre cher mari est la bénédiction des bénédictions pour votre condition, et je prie Dieu qu'il vous la continue, avec l'accroissement de toutes ses saintes grâces, ma très-chère fille. Je sens que je dois et voudrais écrire à M. et madame de Coulanges, auxquels je porte un infini respect et une sincère affection ; mais mes accablements ordinaires m'en ôtent le moyen. Assurez-les, ma fille, que je ne cesserai jamais de leur souhaiter le comble des plus chères grâces de notre bon Dieu et à toute leur honorable famille, que je salue avec vous en toute humilité et affection ; et pour vous, ma fille, je vous assure qu'il ne se peut rien ajouter à la tendre et très-sincère affection maternelle que Dieu m'a donnée pour vous, que j'embrasse en esprit de tout mon cœur comme ma très-chère fille tout uniquement aimée.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Amiens. [189]

LETTRE CDLXXVII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Éclaircissement de quelques points d'observance. — Embarras suscités à la communauté de Belley. — Confiance en Dieu et support des imperfections du prochain. — Le Directoire spirituel a été fait par saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Belley, 10 août 1623.

Si mon cœur vous était connu tel qu'il est, vous y verriez des affections plus que maternelles pour le vôtre ; de cela, n'en ' doutez jamais, ma plus que vraie et très-chère fille.

Quand Mgr de Genève sera de retour, nous conclurons pour l'Office ; cependant, ma très-chère fille, continuons à le dire tout simplement à notre vieille mode ; car nous espérons, moyennant la divine grâce, qu'elle nous sera continuée, sinon je crois bien qu'il faudra suivre l'avis du bon Père Binet, quoique pour les trois jours de ténèbres cela serait bien difforme, et mérite bien d'être considéré. J'ai envoyé le Directoire des choses spirituelles et le Cérémonial, selon qu'il a toujours été ; ce peu qui est ajouté a été ordonné ou approuvé de notre Bienheureux Père. Il y a trois ou quatre choses qu'il en faut biffer, qu'il faut mettre au Coutumier, au moins deux : que l'on s'assemblera en la chambre des assemblées, quand on confessera hors le temps de l'assemblée ; que la Sœur qui doit laver les écuelles ira au partir du réfectoire. Biffez cela, si ce ne l'est, comme aussi que les Sœurs associées diront cinq Pater pour les morts, il n'en faut qu'un, si elles s'en souviennent ; et, si vous le trouvez bon, ôtez ce qui est dit, d'aller quelques jours après le décès des Sœurs dire un Requiescat sur la fosse ; nous enverrons le reste, si Dieu plaît, d'ici à quelque temps. Le bon Père Binet me mande que vous avez raison en ce que vous me [190] dites du Directoire des choses spirituelles, et qu'il ne faut point surcharger les Sœurs. Hélas ! ma fille, je n'oserais ni ne pourrais jamais rien changer de cela, car c'est notre Bienheureux Père qui l'a dressé ; mais j'envoie un écrit de lui, par lequel il enseigne comme il se faut servir de ce Directoire ; vous verrez, Dieu aidant, que tout sera bien.

Hélas ! nous sommes ici où ce bon Prélat[74] veut faire des constitutions nouvelles : il se passe des choses inouïes et que jamais on n'eût pu penser ni attendre. O Bienheureux Père de mon âme, que dites-vous ? secourez-nous ! Ma fille, Dieu nous aidera, car, moyennant sa grâce, nous ne voulons que son bon plaisir, et la persévérance invariable en nos observances. Dieu vous protégera, ma toute chère fille, et votre chère troupe. Mais, mon Dieu, je confesse que je ne suis pas sans peine de vous savoir parmi tant de dangers ; mais tenez vos filles joyeuses et courageuses, car enfin que nous peut-il arriver de mieux que la mort, pourvu qu'elle soit en la grâce de Dieu, lequel me garde de vous la désirer ? Tenez votre cœur au large, ma chère âme, et le fondez tout en cette divine Providence. Enfin nous ne voulons que Dieu et nous l'avons ; ce franc désir, ce sentiment qu'il a répandu dans nos âmes, nous en assure. Courage, ma fille, Dieu est vôtre. Rendez-vous tous les jours plus douce, plus aimable, plus suave à tout Je monde, surtout à ces filles fâcheuses. Certes, cette grande N*** a tort, et très-grand tort d'affliger votre cœur ; mais au moins ne montrez votre douleur qu'à celle-là. Il me souvient que vous m'écrivîtes, il y a quelques mois, des paroles que vous aviez dites à la mère de notre Sœur M. -Denise : elles étaient un peu sèches et trop fermes et sérieuses à telles gens qui ne veulent que du miel. Voilà, ma très-chère fille, "comme je traite avec votre cher cœur, auquel le mien souhaite toutes bénédictions ; une autre fois, je vous [191] dirai le reste. Dieu soit béni. Écrivez-moi de vos nouvelles souvent.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE CDLXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE. CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM[75]

La considération des souffrances et des humiliations de notre divin Sauveur nous aide puissamment à supporter les misères de la vie.

Véritablement, ma très-chère fille, votre lettre m'a fait frémir, et j'admire la grandeur de vos croix ; mais en même temps j'adore Celui qui permet tout ceci pour vous faire souffrir innocemment, comme innocemment Il a souffert, non-seulement en son très-sacré corps, mais en son âme divine, les abjections, les hurlements du peuple contre Lui, et toutes sortes d'amertumes et de mépris : lâchons de l'imiter, ma fille très-aimée, en la douceur et patience qu'il a exercées parmi tout cela ; aimons ce petit bout de sa très-sainte croix. J'ai confiance que cette tempête bien ménagée par votre cœur, qui dès longtemps chérit la croix, attirera des grandes bénédictions sur votre maison. Celui qui vous envoie ces grands travaux de corps et d'esprit vous donnera les forces pour les supporter, et pour en tirer le fruit qu'il prétend dans des infirmités corporelles extrêmes. [192]

LETTRE CDLXXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Préparatifs d'une fondation à Chambéry. — Nouvelles de madame de Vigny.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1623.]

Ce seul billet, ma très-chère fille, ne pouvant plus. Nous avons eu impossibilité à trouver logis à Chambéry[76] ; enfin la maison blanche se trouve assez commode pour commencer. Nous irons, Dieu aidant, environ la Toussaint si la maison est prête. J'ai été logée chez M. votre père qui est une âme vraiment humble, bonne et désirant la gloire de Dieu. J'ai répondu par deux lettres depuis le départ du bon cousin à toutes les vôtres précédentes. Notre bonne Sœur de Vigny a un très-bon cœur et vous aime plus qu'il ne se peut dire. Elle voulait s'en aller pour conserver la demeure de sa nichon [nièce], au moins dans la ville de Dijon ; car elle craint que sa sœur ne la ramène en l'Autunois. Or je lui ai dit que je croyais qu'elle était toujours de chez nous, et que, puisqu'elle y avait autant demeuré et qu'elle s'y comportait si bien, je vous dirais de la garder. La pauvre femme a reçu une joie nonpareille, et envoyé cet homme pour cela, par lequel nous attendrons bien de vos nouvelles, de celles de votre maison, et du bon cousin que j'aime certes de tout mon cœur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [193]

LETTRE CDLXXX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Décès de la Sœur Anne-Jacqueline Coste ; éloge de ses vertus. — Ordre à suivre pour les retraites annuelles. — De quelle longueur doivent être les bouts des ceintures. — Les prétendantes n'entrent au chapitre que pour demander leur essai. — Quand elle est pressée d'affaires, la Supérieure peut se contenter d'une demi-heure d'oraison.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 25 août 1623.]

Voilà notre chère Sœur Anne-Jacqueline qui vient de passer à Notre-Seigneur.[77] Certes, elle a souffert longuement et grandement, mais avec une extrême douceur, patience et résignation. Vous savez, ma très-chère fille, la fidélité de cette pauvre Sœur et combien elle a toujours été humble, dévote et laborieuse, enfin c'était l'incomparable ; elle a langui quasi deux ans et demi. Avertissez nos maisons voisines, car je n'ai le loisir maintenant. Je vous rends mille grâces, ma fille, de votre papier et de vos biscuits ; mais je vous prie, n'en envoyez plus, car je n'use plus de ces choses-là, me portant trop bien. Et ne vous peinez nullement pour ma charge d'écrire, ce m'est honneur et consolation, pourvu qu'il en réussisse quelque petit service à nos Sœurs. — Il me semble que ce qui est marqué pour la direction des retraites et de l'essai des filles laisse une si entière liberté aux Supérieures et directrices, pour départir les jours et oraisons, que cela doit suffire. Il y a des Sœurs qui ont employé cinq, six et sept heures par jour à l'oraison, c'est pourquoi il est bon de régler : or ici on les fait tout ainsi que je les ai marquées ; mais la Supérieure doit librement faire ce qu'elle juge [194] à propos, tandis qu'elle est en retraite ; mais il n'en faut rien quitter de ce que l'on doit selon la discrétion. Pour vous, ma très-chère fille, vous ne devez jamais vous efforcer pour les considérations, aras demeurer en votre repos et simplicité. Nous avons ici du temps de reste pour toutes les professes, car elles y entrent quatre à la fois le dimanche matin, et le dimanche suivant elles assistent aux Offices, mais non ès autres assemblées, sinon qu'à celle de la récréation du soir où leur retraite finit. Et en leur place on en met d'autres dès le dimanche matin, et par ce moyen il ne faut à chaque rang qu'une semaine.[78]

Je suis bien aise, ma très-chère fille, que vous trouviez tous les Coutumiers et Directoires à votre gré ; c'est simplement l'ordre de cette maison, lequel je prie Dieu vouloir maintenir, et que les Supérieures fassent au reste selon leur discrétion. Le Père Fourier m'a dit que vous vous étiez engagée à lui pour lui tout faire voir. Je lui ai dit que j'en serais très-aise ; mais vous gouvernerez cela avec lui ; car il leur faut témoigner grande confiance. Je ne pense pas qu'il y ait guère à dire. — Je m'aperçois que l'on a oublié d'écrire la longueur des bouts de nos ceintures, qui ne doivent avoir qu'un quartier au plus. Mettez-le, ma fille, car cela étant de l'habit, il faut qu'il soit conforme. — Il y a plus de trois ou quatre ans que notre Bienheureux Père ordonna que les prétendantes n'entreraient au chapitre que pour demander l'essai.

Je suis grandement aise de ce que l'on se tient aux commémorations, cela ôtera tous murmures, et nous rendra uniformes ; car vraiment il se serait bien fallu garder de dire en Avignon l'Office composé. Or, Dieu soit béni, j'espère que notre Sœur Marie-Claire fera très-bien. Qu'elle ne se découvre [195] point devant les hommes que fort rarement, parce qu'elle est jeune, et que ce pays-là tient de l'Italie. Et si on l'attaque sur l'Office ou sur les approbations de l'Ordre, qu'elle ne s'étonne nullement ; mais qu'elle montre en cela une grande résolution et fermeté sans s'étonner [disant] qu'elle est de cet Ordre établi par ce Bienheureux [François de Sales], Ordre bien approuvé ; que par tous les monastères, qui sont déjà en si grand nombre, et aux meilleures villes de la France, on garde et observe tout ce qu'elles ont, et semblables. Voilà la copie de notre établissement ; il faut que le Père Maillan [Jésuite] fasse dresser celui d'Avignon en ce sens-là, mais cela dextrement, car il importe sur toute autre ville pour l'affermissement de l'Office et de l'Ordre, en ce qui est extérieur. Il faudra écrire sur le livre du Chapitre l'élection qui a été faite de nos Sœurs, pour cette fondation, et y faites écrire aussi les autres fondations qui ont été tirées de chez vous. Certes, vos filles me sont chères comme celles de céans, car j'aime toute notre Compagnie également.

Il ne faut pas donner l'enseigne pour deux cents écus ; au commencement, on en offrait cinq cents. Il la faut envoyer à nos Sœurs de Paris ou de Grenoble, pourvu que vous trouviez des commodités très-assurées, ou à celles de Dijon. — Ma fille, faites-nous tenir à Chambéry l'ornement de madame de Pluty, elle l'a laissé au logis de M. le premier président, et faites-le mettre dans une caisse, s'il vous plaît.

Nous devons traiter avec les Pères Jésuites fort cordialement, comme avec nos Pères, et lever le voile devant les recteurs, et ceux à qui nous avons une particulière connaissance, mais aux autres je ne le fais pas. — Oui, vous pouvez quitter demi-heure d'oraison quand vous êtes pressée d'affaires. — Je salue, mais chèrement, M. de Saint-Nizier ; dites-lui que nous suivrons son conseil. — Voilà une sûreté de madame Vigny, de Paris ; vous la rendrez quand on vous donnera deux cents écus qu'elle [196] aumône en notre église. — Voilà une copie de notre établissement ; il serait grandement nécessaire que celui d'Avignon se fît selon cela, à cause que c'est dans les États du Pape ; il faudra que ma Sœur le donne au Révérend Père Maillan qui ménagerait cela. Ne fermez pas les lettres de Moulins, ni celles de M. Aubry ; faites-en un paquet adressé à la Supérieure de là.

Ma très-chère fille, je suis vôtre, et Dieu sait en quel rang.

Je salue toutes nos Sœurs, mais très-chèrement. Dieu soit béni.

[De la main d'une secrétaire]. Notre très-chère Mère vous supplie de faire avertir nos Sœurs de Montferrand, Valence et Saint-Étienne, du décès de notre Sœur Anne-Jacqueline, et de faire copier cette copie d'établissement, et d'envoyer l'original à Orléans.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXXXI (Inédite) - À LA MÊME

Conseils pour le choix des Religieuses qui doivent fonder le monastère d'Avignon. — L'humilité et la simplicité sont préférables aux visions. — La Sainte refuse le titre de Mère générale.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Si vous trouvez bon de donner cette lettre, faites-le, ma très-chère fille. Or je crois que si vous faites les deux fondations d'Avignon et de Mâcon, que difficilement aurez-vous une Mère pour Aix. Toutefois, quand les choses seront en état, on verra la disposition des filles et prendra-t-on le mieux. Il me semble que ma Sœur la Supérieure de Grenoble serait excellente là ; on verra. Je repense aux filles pour Avignon : il me semble qu'il [197] y faut envoyer notre Sœur M. -Claire [de la Balme] et Catherine-Charlotte de la Grange, laquelle dans trois ans pourrait lui succéder à la charge de Supérieure, en cas que notre Sœur M. -Claire fût nécessaire à Lyon au bout de vos six ans ; et avec ces deux-là, notre Sœur M. -Madeleine, cette bonne veuve, et quelque autre encore pour faire quatre, car c'est au moins qu'il faut en envoyer quatre. Madame de Chevrières choisira après cela ; mais, croyez-moi, préférez Avignon.

Il est vrai, notre Sœur Jeanne-Françoise est très-bonne fille mais gardez-la auprès de vous. Vous faites bien de ne tenir compte de ses visions. II faut toujours inculquer la véritable humilité, simplicité et douceur, et cette extase d'œuvres et d'actions. Nous ferons dire les messes et prier. Dieu fasse son bon plaisir, qu'il vous inspire. Obtenez-moi [la] grâce de vivre selon sa seule volonté.

Mon Dieu ! que la bonne madame Daloz nous fera grand plaisir de contenter M. Gaudeville, duquel nous avons acheté la maison de Chambéry ; car autrement [il] convient que nous la pressions. La chasuble vient d'arriver. Notre Sœur la Supérieure de Dijon, par ses dernières, nous demande toujours les Directoires. Envoyez-lui les vôtres à la charge qu'elle vous les renvoie, et mandez-lui qu'elle ne fasse pas copier l'article de la visite.

Je vous prie, ma fille, ne dites point que je suis votre Mère générale. Hélas ! il me semble que Dieu me fait l'honneur d'être la chambrière de peine de notre petite Compagnie ; c'est trop, ma toute très-chère fille. Dieu soit béni et glorifié. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [198]

LETTRE CDLXXXII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Instante prière de revenir à Annecy, si les difficultés qui s'opposent 1 la fondation de Riom se prolongent davantage.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 17 septembre 1623.

Ma très-chère sœur,

Puisqu'il plaît à Notre-Seigneur permettre que ces messieurs de Riom fassent de si puissantes et persévérantes contradictions pour votre établissement dans leur ville, je pense que vous feriez extrêmement bien de vous retirer humblement et doucement. C'est l'avis de M. le prévôt auquel j'en ai parlé ; car enfin, ma très-chère Sœur, nous sommes en peine de vous sentir là, parmi ces contestes et hors d'un monastère. Cela pourra être désapprouvé de plusieurs, et puis notre Bienheureux Père me dit à Lyon qu'il ne désirait point que nous nous montrassions ardentes à poursuivre des fondations, ni que nous employassions en façon quelconque la faveur des grands pour cela ; mais seulement que nous secondassions les bonnes intentions de ceux qui nous désireraient. Je vous dis ceci simplement, ma très-chère Sœur, car je sais que les intentions de ce très-saint Père vous sont en très-grand respect. Or donc, si votre affaire n'est [pas] terminée, l'avis de M. le prévôt est que vous vous retiriez ici, et c'est mon désir aussi, et ma consolation.

Voyez donc, ma très-chère Sœur, et travaillez à vous retirer doucement, avec l'avis de quelques personnes capables et qui puissent, selon les occasions, vous donner un solide conseil ; ce que je vous dis, parce que nous ne pouvons savoir l'état de votre affaire, d'autant que, s'il y avait une bonne apparence, de bientôt voir une heureuse issue, il faudrait encore patienter ; mais cela n'étant pas, vous ferez très-bien, ma très-chère Sœur, [199] et je vous en prie, de vous retirer vers nous le plus tôt que vous pourrez. Dieu sait si vous serez bien et chèrement reçue. Certes, il ne faut pas que vous en doutiez, car toute la maison vous aime et vous désire. Pour moi, il me semble que vous ne pourriez douter du contentement que ce me sera de vous revoir ici. Si donc vous prenez cette résolution, il faudra renvoyer ton tes vos filles à Moulins, et que notre chère madame de Dalet vous amène au moins jusqu'à Lyon, si elle ne voulait passer jusqu'ici où nous la recevrions d'un cœur et d'une affection incomparable, sinon et qu'elle ne puisse venir jusque céans, notre bonne Sœur la Supérieure de Lyon vous donnerait conduite, et peut-être elle-même la ferait, mais il faudrait faire tout cela entre ci et un mois, afin que nous eussions un peu de loisir de nous voir avant la fondation de Chambéry où nous espérons aller dans [à] la Toussaint, ou incontinent après. Voyez, ma très-chère Sœur, à vous résoudre ; cependant, nous prierons Dieu d'être votre conseil et votre conduite en tout.

Je salue notre très-chère Sœur de Dalet, ne pouvant lui écrire. Je suis, vous le savez, toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDLXXXIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Les occasions de souffrance nous doivent être précieuses. — Ne rien accorder qui soit contre la Règle.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 18 septembre [1623].

Ma très-chère fille,

Nous ne pourrions maintenant envoyer M. Michel, et puis il faut un peu laisser passer l'orage et vous tenir constante en la parfaite douceur, patience et support ; car, quand sera-ce, ma [200] très-chère fille, que nous témoignerons notre fidélité à Dieu et aux vertus, sinon en ces occasions si âpres ? Certes, elles vous doivent être précieuses, et quand tout le monde s'élèverait contre vous, vous n'en devriez pas perdre un brin de votre paix et tranquillité. Enfin, offrez toujours de la vouloir laisser jouir des privilèges accordés, de vouloir servir et chérir cette pauvre âme cordialement, pourvu qu'aussi elle se contente de cela, et que ni elle ni les siens ne désirent rien qui soit contre notre Institut. Bref, témoignez que vous ne voulez que cela, et que vous vous rapporterez toujours à l'avis du Père recteur et à nous, et ne vous échappez point en nulle parole de ressentiment ni de plainte inutile.

Je vous ai déjà écrit touchant la venue de Mgr d'Autun[79] ; parlez-lui toujours avec respect et fermeté pour l'observance. J'espère en Dieu qu'il ne donnera point de mauvaise permission ; que s'il en avait donné, [il faut tâcher] de les faire révoquer. Je ne puis lui écrire, ne sachant comme tout ira ; mais je me résous bien d'écrire à cette pauvre Sœur et à ses parents, quand je saurai comme tout [se] sera passé à leur venue. Enfin, ma fille, bénissez Dieu qui vous fait part de sa croix, et espérez que sa bonté vous donnera le calme après cette bourrasque ; mais tenez-vous en douceur et toujours prêle de suivre en tout conseil. C'est sans loisir que je vous écris, mais avec une entière affection de votre consolation et profit spirituel. Dieu soit béni !

J'écris et envoie mes lettres ouvertes, afin que le Révérend Père recteur voie avec vous s'il sera à propos de les donner.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [201]

LETTRE CDLXXXIV - AUX SŒURS DE LA VISITATION DE MOULINS

Demeurer unie à sa Supérieure, c'est un moyen de s'unir à Dieu. — Le temps des afflictions est celui d'une abondante moisson. — Bienheureux les pauvres, Dieu est leur trésor.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Mes très-chères et bien-aimées sœurs,

Je vous assure en toute sincérité que ce m'est une douleur sensible de me sentir dans l'impossibilité de vous aller servir et assister en l'affliction où vous êtes ; mais j'espère que notre bon Dieu, pour le service duquel nous sommes arrêtée, vous pourvoira de meilleures et plus utiles assistances. Cependant, mes chères Sœurs, je vous conjure, par les entrailles de la divine Miséricorde, de porter humblement et patiemment l'effort de cette affliction, et de demeurer constantes et inviolablement unies à votre bonne Mère et Supérieure, afin que ce vent de tempête n'éparpille point ce que Dieu a uni et conjoint. Demeurez coites sous cet effort, paisibles, et pleines de confiance que la divine Providence vous secourra ; et pour chose quelconque que l'on vous dise et que l'on fasse, ne vous départez point de la douce et cordiale charité envers celle qui vous cause cette affliction.

Souvenez-vous, mes très-chères filles, que c'est ici le temps de la moisson pour vous, que peut-être n'aurez-vous jamais une occasion qui vous fournisse tant de moyens de pratiquer la patience, la douceur, l'humilité et le support du prochain, que celle-ci, et surtout la fidélité à votre sainte vocation. Faites-en donc bien profit, mes chères filles, et par ce moyen vous glorifierez Dieu on votre tribulation, vous conforterez votre bonne Mère et la soulagerez en cette charge qui lui tombe si rudement sur les épaules. [202]

Nous vous assisterons de nos petites mais continuelles prières, invoquant sans cesse le divin amour à votre aide par les intercessions de notre très-heureux Père. Que s'il faut acheter la paix à prix d'argent, je vous conjure, mes très-chères et bien-aimées Sœurs, que vous vous montriez en cela ses vraies filles, et que, avec une très-humble générosité, vous choisissiez la sainte pauvreté, plutôt que de demeurer dans les inquiétudes où vous êtes. Bienheureux sont les pauvres, car Dieu est leur richesse et trésor. Quelle consolation de vivre en parfaite observance, sous l'abri et protection de la divine Providence ! Mais je vous prie que tout se fasse avec la douceur et charité requises à celles de notre vocation, et gardons-nous de toutes paroles piquantes et fâcheuses qui, tant peu que ce soit, ressentent l'âpreté. Regardez toujours à Dieu, et Il vous conduira, ainsi que je l'en supplie de toute mon âme, et de répandre sur vous ses très-saintes bénédictions. Je me recommande à vos prières.

Votre, etc.

LETTRE CDLXXXV - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE MORVILLE

À MOULINS

Sévère réprimande. — L'âme qui n'est plus retenue par l'amour de Dieu doit au moins redouter sa justice.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille,

Puisque vous avez fait passer vos misères et imperfections jusqu'à la connaissance des Sœurs, je ne puis plus me taire et m'empêcher de me plaindre de votre détraquement tout à fait scandaleux dans la maison.

Mon cher Sauveur, souffrez, s'il vous plaît, que touchée d'une intime douleur, je vous fasse cette plainte comme à mon [203] Dieu : permettez-vous d'admettre au bonheur de cette sainte vocation une fille si indigne de cette grâce ! Si c'est pour mes péchés et imprudences, ô mon Seigneur ! frappez sur moi et conservez ces pauvres chères maisons en paix et en unité sainte, car vous savez que rien ne m'est si sensible que le mal qui leur arrive de la sorte.

Ma très-chère fille, je voudrais par mon sang laver les plaies de votre âme et celles que vous faites à cette maison ; au moins que ma douleur et l'abondance de mes larmes vous touchent, car je ne puis empêcher mon cœur de se fondre sur le récit de votre misère. La dureté et l'immortification de votre cœur vous ont jetée dans le labyrinthe, et je pense encore notre trop grande douceur ; car nous espérions qu'étant chrétienne, vous vous laisseriez gagner par cette voie, mais je vois bien que votre félonie veut être matée. Croyez que si j'étais auprès de vous, à mon avis et aidée de la grâce de mon Dieu, je vous rangerais à la soumission et vous empêcherais bien de tenir le dessus comme vous faites. Je prie notre Sœur la Supérieure de ne vous point épargner les mortifications qui vous sont nécessaires, si tant est que vous ne vous humiliez et rangiez à votre devoir, auquel je vous exhorte de la part de Dieu, et pour l'obligation que vous avez de sauver votre âme, laquelle vous exposez à la perte éternelle.

Pensez, je vous prie, au compte exact qu'il vous faudra rendre à Dieu de toutes vos fautes, et de celles que peut-être vous causez aux autres par vos dérèglements, actions désordonnées et déportements. Que la juste crainte du divin châtiment vous touche, puisque le saint amour n'a nul crédit sur vous, ni la peine que vous nous faites souffrir. Je prie Dieu qu'il ait pitié de vous et vous ramène à votre devoir. Amen. [204]

LETTRE CDLXXXVI - À LA SŒUR CLAUDE-SIMPLICIENNE FARDEL

À BELLEY[80]

Reddition de compte des novices, et manière de leur enseigner à se bien confesser.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Ma très-chère fille,

La Règle n'entend nullement d'obliger les filles à dire leurs péchés, ains seulement leurs inclinations et passions, comme, par exemple, elles doivent dire : « J'ai été fort sujette à la colère, à la passion d'aimer », et semblables, sans dire les fautes qu'elles auront faites ensuite ; que si elles veulent, pour leur consolation et utilité, vous dire tout, vous les devez simplement écouter sans les enquérir, et les conforter et consoler. Et de même vous les pouvez aider pour leurs confessions, sans toutefois voir celles qu'elles écriront elles-mêmes. Vous m'avez consolée, ma très-chère fille, de me demander ce petit avis. Oh ! soyez, je vous en prie, une bonne nourrice et donnez bien le lait pur de notre Institut à vos chères novices. Rendez-les fort généreuses à la mortification et fort amoureuses de la sainte oraison et recueillement. [205]

Nous sommes si chargées de filles que nous ne pouvons ouïr la proposition de la cousine que nous ne soyons à Chambéry. Écrivez-moi souvent, ma très-chère fille, et comme tout va chez vous. Vous savez combien vous m'êtes chère ; aimez-moi et priez pour moi, afin que nous parvenions à la sainte éternité. Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE CDLXXXVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Dieu sanctifie nos cœurs par la croix.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Hélas ! est-il possible que j'empêche mes yeux de rendre les témoignages de la douleur universelle que mon cœur ressent, sachant ma pauvre très-chère, très-aimée et ancienne compagne, en tant de travaux, de mépris, d'abjection et de traverses, et enfin la voyant si accablée de tous côtés ! Ma fille, croyez que Dieu veut sanctifier votre cœur bien-aimé par les croix. Je sais que vous tirez profit de tous vos maux, car il y a longtemps que votre âme est accoutumée à la douleur et à l'abaissement qui nous arrivent de la part des créatures, mais par la volonté du Créateur qui vous veut, et qui a le dessein de vous élever hautement en sa très-sainte éternité. [206]

LETTRE CDLXXXVIII - À MONSEIGNEUR L'ÉVÊQUE D'AUTUN

Prière de continuer sa protection à la communauté de Moulins. — Dieu ne saurait délaisser les Religieuses fidèles a leur devoir, et qui font leurs délices de la pauvreté.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Monseigneur,

J'ai su que vous avez eu la bonté d'entendre nos pauvres Sœurs de Moulins sur les difficultés qu'elles ont avec leur fondatrice, et que, par la grâce de Dieu, vous et votre conseil avez reconnu la véritable vertu et probité de la Supérieure et de ses Religieuses, ensuite de quoi vous les avez protégées et confortées en leur extrême affliction. Mais, Monseigneur, à ce que j'apprends, elles ont plus besoin que jamais de votre paternelle assistance ; c'est pourquoi je vous conjure et supplie très-humblement au nom de notre bon Dieu, Monseigneur, de la leur donner. Que, si pour mettre la tranquillité en leur monastère, il ne faut que rendre l'argent à notre bonne Sœur la fondatrice, afin qu'elle se loge ailleurs, certes, nous en serons contentes ; car nous aimons mieux vivre pauvrement en nos observances que d'abonder en richesses et être traversées.

La Providence de Dieu, qui nous a toujours assistées, ne nous manquera point, tandis que nous persévérerons en la fidélité de son saint service ; et puis ce sont nos délices que de vivre en pauvreté sous sa protection. Voilà, Monseigneur, comment je vous représente naïvement mon sentiment, non toutefois que je ne fusse très-aise que notre Sœur la fondatrice se conservât le bonheur qu'elle possède, pourvu qu'elle se contente des privilèges que vous lui avez donnés ou confirmés, Monseigneur, et qu'au reste elle vive selon la bienséance de sa condition. Or j'espère que la divine Miséricorde pourvoira de secours à ses [207] bonnes servantes, par l'entremise de votre prudence et piété, ainsi que de tout mon cœur et très-humblement je vous en supplie derechef, Monseigneur, et je prierai notre bon Dieu de répandre avec abondance ses sacrées bénédictions sur vous et sur votre Eglise. Vous faisant très-humble révérence, je demeure, Monseigneur, votre très-humble, etc.

LETTRE CDLXXXIX - À LA MÈRE FRANÇOISE-GABRIELLE BALLY

SUPÉRIEURE À BOURGES

Il faut espérer contre toute espérance. — Bonheur d'être martyre de la pauvreté.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Oh ! mon Dieu ! ma fille très-chère ; que vos lettres me donnent de consolation ! leur style ressent du tout l'esprit de notre vénérable Fondateur et Père. Persévérez en cette voie et cette confiance, ne sortez jamais de cet esprit, qui est celui de Jésus souffrant et s'offrant à la volonté de son Père : c'est lui qui conduit votre cœur, laissez-le faire.

En quelque extrémité que vous puissiez tomber pour le temporel, je vous conjure de demeurer ferme en la foi de la parole de Dieu. Imitez Abraham dans son délaissement, qui crut en l'espérance contre l'espérance. Si Dieu semble tarder un peu à vous assister, ce n'est que pour vous rendre plus affermie en votre fidélité et pour vous donner son secours plus à propos. Regardez toujours à Lui et à son éternité. Consolez-vous en la douce pensée qu'il est votre Père et que vous êtes sa fille, sa servante, sa créature et son épouse. Attendez son secours eu patience, et tenez pour certain qu'il ne vous manquera pas.

Oui, quand pour sa plus grande gloire en nous, il Lui plairait retirer de nous tout secours temporel, ne serions-nous pas [208] trop heureuses de mourir de faim, de soif et de nudité, pour révérer la faim qu'il endura pour nous dans le désert, et la soif et la nudité du Calvaire ? Quel bonheur de pouvoir être martyres de la sainte pauvreté, puisque les tyrans ne nous donnent plus d'occasion de pouvoir l'être de la foi ! Courage donc, ma fille ; la pauvreté est la première fille de l'Évangile, et la première béatitude que la foi nous enseigne.

Demeurez dans cette confiance, et sachez que le Sauveur convertira tout à sa gloire et à l'avantage spirituel de votre cher monastère. Nous devons nous réjouir que cette fondation ait commencé avec tant de marques de pauvreté, puisque le Fils de Dieu a voulu commencer sa vie temporelle et souffrante dans une pauvre étable, dans une pauvre crèche et sur de la paille.

LETTRE CDXC (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Envoi et correction des Directoires.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Enfin, ma très-chère fille, il faut glorifier Dieu. Notre Bref de la continuation de notre Office ne nous sera point inutile, mais assuré, et nous espérons encore d'en obtenir la perpétuité, afin que pour jamais nos maisons soient en repos de ce côté-là. Vous verrez ce que j'en écris aux autres ; il suffira pour vous et pour nos Sœurs de Dijon auxquelles je ne puis écrire. Voilà le Coutumier séparé comme il faut. Voyez-le, et le considérez ; il est recueilli fidèlement, mais je ne l'envoie qu'à vous et à la Mère de Grenoble, à laquelle vous l'enverrez le plus tôt que vous pourrez, et lui manderez que l'ayant vu, elle me le renvoie [209] au plus tôt. Voyez si je n'ai rien oublié et qu'elle fasse de même. J'y penserai aussi encore.

Ce que vous nous aviez mandé de la visite, j'en parlai hier à Mgr l'évêque, qui me dit que j'avais raison, de sorte que je n'ai plus rien de nos petites coutumes qui me fâche. Nous ferons le Directoire de l'Office sitôt que Mgr l'évêque aura le loisir. Dieu nous fera la grâce, ma très-chère fille, de demeurer paisibles en notre simplicité.

L'on m'a dit que les coches de Grenoble sont maintenant ordinaires à Lyon, et qu'ils viennent toutes les semaines, c'est pourquoi je vous adresse le Coutumier, lequel vous ne mettrez qu'en mains bien assurées, et manderez à notre Sœur de Grenoble de faire de même. Fermez toutes nos lettres, et les renvoyez promptement, s'il vous plaît, à celui qui vous les donnera. Je n'ose le charger du Coutumier. Dieu vous bénisse, et notre Sœur de Vigny, et toute la chère troupe.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXCI (Inédite) - À LA MÊME

Conseils pour l'établissement du monastère d'Aix. — De quelle condescendance user à l'égard des âmes faibles. — Remarques sur le Coutumier et sur les Directoires. — Liberté pour le choix des confesseurs extraordinaires. — Réception des personnes infirmes et pénitentes. — On fait solliciter à Rome la permission de dire à perpétuité le petit Office.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 2 octobre 1623.

Vous exercez fidèlement la bonté de votre cœur sur moi ; Dieu soit béni qui m'a donné une telle fille ; c'est assez. Nous n'avons jamais vu votre Bulle : Mgr de Lyon l'a ; vous ferez bien de lui en parler, mais ceux d'Aix n'ont pas besoin de la voir ; ne leur doit-il pas suffire [de savoir] que nous sommes établies à Paris [210] et en tant d'autres villes de la France ? Je vois que ces gens-là s'adressent à vous et font le même à nos Sœurs de Grenoble, c'est pourquoi il faut bien savoir comme vous traiterez ; M. votre bon Père spirituel vous conseillera bien. Il faudra là des filles bien ferrées, s'entend surtout une Supérieure. Certes, puisque votre pauvre Sœur l'assistante est si pesante, je la retarderais, et [vous] ferez bien d'envoyer votre autre Sœur qui est certes pour mieux réussir. Puisque madame de Chevrières va là, elle vous aidera à vous déterminer pour les filles, car il lui faut un peu condescendre et lui en donner qui puissent manier son cœur.

Je vois que vous avez quelques filles qui vous exercent ; ma fille, il est impossible autrement ; mais, grâce à Dieu, vous en avez tant de bonnes, qu'il y a grand sujet de louer sa bonté. Certes, notre pauvre Sœur N*** me fait pitié avec cet esprit humain et discourant ; elle a bonne volonté et me témoigne un très-grand amour et estime de vous et de votre gouvernement. Elle est un peu tentée de croire que vous pensez qu'elle agréerait plus une autre Supérieure que vous. Or enfin, si je ne me trompe, je pense que vous feriez bien d'essayer pour un temps de l'employer selon ses inclinations ; car, à mon avis, elle n'avancera pas en humilité et simplicité tandis qu'elle y sera poussée. Si je ne me trompe, son esprit se roidit au lieu de se plier, à cause de l'impression qu'elle a qu'on la veut humilier, et elle n'a pas la force d'employer ces aides-là à son utilité ; c'est dommage, car c'est un bon cœur ; essayez, je vous prie, l'autre biais. — Je lis fort bien votre lettre, et je suis bien aise que vous m'écriviez de votre main.

Voilà les Directoires des officières et le Coutumier qui doit être gardé par la Supérieure : je fais recopier l'autre, qui est fort court ; peut-être ne sera-t-il pas achevé pour ce soir ; vous verrez si j'y ai oublié quelque chose. Les coutumes ès occasions qui ne sont pas ordinaires s'oublient facilement ; mais [211] j'espère que Dieu nous fera ressouvenir de tout. Je voudrais que nos monastères vissent cette copie [et] que vous fissiez qu'ils se l'envoyassent de main en main, s'entend Moulins, Nevers, Bourges, Orléans et Paris, sans toutefois les copier jusqu'à ce que je l'aie fait voir au Père Fourier, ou au Père Antoine Suffren que j'espère voir environ la Toussaint. Pour vous, si vous voulez, vous pouvez faire accommoder vos Directoires des officières dessus cette copie ici, et faire copier les deux Coutumiers afin de les faire voir au Père Fourier, lequel me dit qu'il serait à Lyon environ la Toussaint, mais je ne vois pas qu'il y ait rien à dire sinon pour la visite, car tout y est de notre Bienheureux Père ou approuvé de lui.

Surtout, je pense qu'il ne faudra pas montrer à N. l'article qui parle des Pères N***, car il me dit à Chambéry que, puisque nous nous voulions servir d'eux, nous ne nous devions pas confesser aux Pères de N***, ni conférer particulièrement, ni aux autres Religieux. Cependant notre Bienheureux Père m'a dit ce que j'ai mis dans le Coutumier, et nous l'avons toujours pratiqué ainsi, et c'est notre bien que d'avoir cette liberté ; je voudrais donc qu'il ne vît pas cet article-là. De même ce que j'ai mis dans le Coutumier de la Supérieure pour la réception des filles infirmes et pénitentes ; tout le monde combat cela et des plus grands serviteurs de Dieu. C'est tout à fait contre la prudence humaine ; mais nous devons être invariables à le garder ; car vous voyez comme notre Bienheureux Père l'inculque, et afin qu'il soit mieux gardé j'en ferai mettre quelque chose dans sa vie. Il faut que nous souffrions d'être combattues en cela, et que nous ne résistions pas par paroles, mais que nous demeurions fermes en ce fait. Si vous faites copier ces Coutumiers, vous enverrez notre copie à Dijon, pour la faire voir seulement, et où vous voudrez de nos monastères ; mais faites-vous-la rapporter afin d'en parler au Père Fourier, car je lui [ai] dit que vous le feriez. [212]

Voyez ce que j'ai écrit à la Supérieure de Bourges pour l'Office : cela va bien et ne faut plus qu'en obtenir la perpétuité ; or c'est à quoi l'on travaille maintenant, et encore faudra-t-il une autre Bulle pour le sujet que le Père Fourier vous dira, car je lui ai donné celle de notre établissement, afin qu'il nous dressât les mémoires, car c'est une pièce absolument nécessaire pour le repos de tous les monastères. Notre Bienheureux Père l'avait déjà fait poursuivre ; nous espérons que Dieu nous aidera, et faut beaucoup prier pour cela, et engager la bonne volonté de M. Denay et de M. de Maussac pour nous aider de leur faveur lorsqu'ils en seront requis. Or sus, mon enfant, je vous dis tout afin que vous teniez la main, vers le bon Père Fourier quand il sera arrivé, pour avoir nos mémoires, et des lettres encore de faveur a leur Père. Je crois que notre bon Père dom Juste ira lui-même faire cette poursuite, car c'est une chose tout à fait nécessaire pour empêcher que l'on ne nous brouille rien en notre cher Institut, et que l'on nous laisse vivre en paix en nos petites observances.

Je vous remercie, ma très-chère fille, de vos belles bougies. Voilà la lettre. Dieu vous bénisse, ma toute très-chère et bien-aimée fille, et toutes vos chères filles que j'aime de tout mon cœur, et me recommande à leurs prières, surtout la semaine prochaine que je pense faire ma solitude, afin que Dieu me fasse la grâce de le servir en vérité.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [213]

LETTRE CDXCII - À LA MÈRE JEANNE. CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Elle la prie d'abandonner la fondation de Riom et de se retirer à Annecy ; joie que causerait ce retour. — Nouveau Bref au sujet de l'Office.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 5 octobre [1623].

Ma pauvre très-chère sœur,

Qui n'aurait du mal de cœur de vous savoir parmi les assauts et combats où vous êtes ? Je les ai représentés assez simplement à Mgr l'évêque [J. F. de Sales], lequel eût bien voulu que la chose n'en fût pas venue si avant, puisque vous y deviez être si indignement traitée ; car, certes, il est bon de prévenir telles intrigues et scandales. Il est impossible que ces bons messieurs les consuls n'en nient des remords de conscience tôt ou tard. Dieu leur pardonne par sa bonté, et vous donne la grâce et le courage de vous retirer de cette fâcheuse affaire avec la douceur et l'humilité que notre Bienheureux Père eût pratiquées en telles occasions. Et je vous prie, ma pauvre très-chère Sœur, de l'avoir toujours devant vos yeux en cette action ; car je m'imagine bien la difficulté qu'il y aura en tout cela et la peine qu'il y a de se retirer d'une bonne entreprise ; mais c'est aussi le vrai moyen de couronner tous les travaux que vous avez pris en cette poursuite, et faire voir que, tandis que vous avez cru de faire la volonté divine, vous l'avez poursuivie courageusement ; qu'aussi voyant le bon plaisir de Dieu en votre retraite, vous la faites simplement.

Mais, ma pauvre très-chère Sœur, je vous conjure de faire cette action en l'esprit de notre Bienheureux Père, et de notre vocation. Enfin il ne voulait point ces violences, ni que l'on entrât dans les villes qu'avec la bonne amitié du peuple ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, je pense qu'il sera très à propos de vous retirer doucement, comme je vous l'ai déjà écrit. [214]

Je m'assure que notre chère Sœur madame de Dalet vous ramènera de bon cœur jusqu'à Lyon, et de là peut-être jusqu'ici, sinon notre chère Sœur la Supérieure de là prendrait une charrette et vous amènerait ici. Les filles de Moulins, vous les renverriez à Moulins ; car, mon Dieu, ma pauvre très-chère Sœur, quelle apparence d'aller entreprendre un procès, ni même pour avoir vos dommages et intérêts ? Laissez tout pour l'amour de Dieu et vous retirez en paix, sans lâcher une seule parole de ressentiment contre ceux qui vous ont traversée, et surtout contre ces bons seigneurs d'Eglise. Toutes nos Sœurs se réjouissent de vous revoir, et moi par-dessus toutes, qui serai extrêmement consolée d'avoir le bonheur de vous avoir auprès de moi, et [ce] me sera un grand soulagement.

Par la grâce de Notre-Seigneur, notre dernier Bref nous est assuré ; ç'a été avec une extrême peine qu'on l'a obtenu franc sans charge du grand Office ; car on voulait que nous le dissions toutes les fêtes ; on poursuit la perpétuité, car il n'est que pour dix ans. Quand on l'aura, on en donnera des copies aux monastères. Cependant, nous dirons le petit en paix, à l'accoutumée, excepté que nous ne prendrons rien du grand, ains nous ferons seulement les commémoraisons. Ma très-chère fille, Dieu sait de quel cœur je vous attends. Nous dirons toutes : Dieu soit béni !

Je salue notre Sœur M. -Catherine [Chariel]. Nous ferons la prière qu'elle désire pour son cousin ; mais d'écrire ce n'est temps. À notre chère madame de Dalet mille saluts, car je n'ai le loisir de lui écrire.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [215]

LETTRE CDXCIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Ardent désir de la gloire de Dieu. — Choisir pour Avignon une Supérieure prudente et ferme, — Revoir les Directoires avant de les communiquer aux autres monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 9 octobre 1623.

Votre bon Père spirituel ne m'écrit point ; il n'est pas homme à me communiquer par lettre ces affaires-là ; c'est à Moulins qu'il y a bien de la besogne, car cette pauvre fondatrice nous y [donne] de l'exercice... le bon Dieu y mettra sa bonne main. Je suis bien aise que les Ursulines s'établissent à Roanne ; je suis indifférente pour ces fondations, grâce à Dieu, et n'y veux servir que la seule volonté de Dieu.

Nos Sœurs de Moulins m'avaient écrit qu'on les y demandait ; enfin, ma très-chère fille, pourvu que Dieu soit servi, c'est assez. Le Révérend Père Maillan nous avait aussi demandé des filles, mais je suis fort aise qu'il se soit adressé chez vous, car, ma fille, nous irons là en la personne de nos chères Sœurs, et elles demeureront ici en la nôtre. Mon Dieu, notre très-cher M. de Saint-Nizier ne nous connaît pas bien encore !

Or je suis d'avis qu'avec son conseil, vous choisissiez pour Avignon les meilleures et plus solides filles que vous ayez, tant parce que la ville est de très-grande importance et cet établissement très-favorable pour tout l'Ordre, à cause que c'est dans l'État de l'Église, que parce qu'il y a déjà quantité de filles assemblées et de tout âge, et ne faut pas douter qu'il n'y faille une Mère fort adroite et bien ferme.[81] Ne craignez pas de [216] préférer cette fondation-là à celle de Mâcon, car elle est bien plus importante. Notre Sœur de la Grange sera bonne seconde, mais je la trouve bien jeune pour être Supérieure en cette grande ville ; je la mettrais plutôt à Mâcon, où il y aura moins à faire. Envoyez des filles graves et solides à l'observance. Vous avez extrêmement bien répondu à ces bonnes filles d'Avignon ; vous verrez comme Dieu nous bénira, ne cherchant que Lui seul. Il faudra avoir l'établissement du prélat en bonne forme ; pourvu qu'il soit dit que l'on vous recevra selon l'institution de l'Ordre de la Visitation établi par Monseigneur notre Bienheureux Père, et c'est assez. Mais quand M. le prévôt sera ici, je vous enverrai une copie de l'établissement, car c'est une chose de grande importance qu'il soit bien fait, à cause que nous sommes sous l'autorité des prélats.

Notre M. Michel a trouvé bon que j'envoyasse une copie de cet écrit à nos Supérieures. Il [mots illisibles] de vous dire ce qu'il contient, car je désire que vous n'ignoriez rien de toutes les affaires de notre Compagnie [de la Visitation]. Or quand le Révérend Père provincial sera à Lyon, qui doit être bientôt, vous lui direz comme je vous le fais savoir son sentiment sur l'Office, et qu'il m'a promis de communiquer avec vous sur toutes nos affaires, notamment sur la principale qui regarde [217] l'union des autres monastères avec celui d'ici, en ce qui regarde seulement l'observance des Constitutions, car c'est sans aucune prétention d'autorité. Or, notre Bienheureux Père avait grand désir de cela et en avait dressé les mémoires pour faire la poursuite. Le Révérend Père provincial a notre Bref pour l'établissement de notre Congrégation sous la Règle ; il vous le donnera avec ses avis, car il me l'a promis. Faites-lui voir ce que vous trouverez bon de notre Coutumier et Directoire, surtout qu'il donne son avis sur la forme de la visite, laquelle je fais mettre en une feuille à part, afin que, quand elle sera bien examinée, on l'écrive en son lieu. — Voilà donc le Coutumier et les Directoires des officières. Si vous y trouvez quelque chose à faire, pour Dieu, faites-le librement, car moi je n'y vois rien, l'ayant fait simplement, ainsi que je l'assure. Si vous trouvez à propos de différer de les envoyer jusqu'à ce que vous ayez conféré avec le Père, faites-le, car tout simplement, ma très-chère, je remets le tout à votre prudence et à la correction de tous. Considérez aussi s'il est à propos d'envoyer tout cet écrit en nos maisons, et me soulagez d'y ajouter et retrancher ce qu'il faudra. J'écris l'histoire à [mots illisibles]. Cela fait quelquefois grand bien. Dites-moi auquel nous nous tiendrons, car vous voyez le sentiment commun et celui de notre Bienheureux Père, duquel j'ai la lettre. Considérez aussi s'il sera bon que vous en parliez à notre M. de Saint-Nizier, ou, comme il sera mieux, de s'introduire tout simplement ; au cas que vous lui en parliez, il ne faudra lui rien dire de la faute que l'on a faite d'avoir dit le grand Office. Voilà une lettre de grâce que je lui écris, donnez-lui ou la retenez, comme vous le trouverez meilleur.

J'avais écris ce billet ci-joint avant la réception des deux vôtres dernières. Vous m'avez singulièrement plu en l'assistance que vous avez fait donner à ce bonhomme malade de cette ville ; cela donne une bonne odeur [de charité]. Notre chasuble [218] de Paris n'est point neuve. Ma fille, je n'en puis plus... [mots illisibles] pas ici pour bien commencer ma retraite. Dieu soit béni et nous fasse vivre parfaitement selon son seul bon plaisir. Amen. 9 octobre.

Envoyez les lettres de Bourges à Orléans, à Nevers, mais fermez-les et y mettez l'une de ces copies, si vous le trouvez bon. Je vous envoie la lettre tout entière à vous qui êtes capable de tout, parce qu'il y a je ne sais quoi de bon, mais gardez-la, si vous envoyez l'autre à Nevers. Aussi les lettres de Bourges et Orléans, mandez que l'on leur envoie aussi, s'il vous plaît. Mon Dieu, que je suis lasse de tant dire ! Dieu soit béni. Si vous envoyez ces Coutumiers à Paris, envoyez-y une copie de cet écrit.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Turin.

LETTRE CDXCIV - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES. À DIJON

Éloge de la Mère Favre. — Quelles maximes graver au cœur des novices.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1623.]

Vous savez et ne pouvez douter combien vous êtes, ma très-chère fille. Soyez-le de plus en plus par la charité que vous exercerez à prier pour moi. Il est vrai, ma fille, cette chère Mère [Favre] est une âme de vraie vertu, toute à Dieu, toute à sa Règle et toute à moi. J'espère que vous expérimenterez toujours plus que c'est une fidèle amie ; et que si nos Sœurs pénètrent sans ombre d'amour-propre, et préoccupations des misérables affections humaines qui détruisent l'esprit de la Religion et la Religion même, la conduite de Dieu sur cette âme, et par elle sur les autres, elles s'établiront en une solide vertu. Animez fort vos novices, et gravez en leurs cœurs cette maxime, [219] qu'il ne faut qu'un seul amour, qui est celui du divin Sauveur, auquel seul il faut aimer le prochain, selon l'ordre de notre devoir et de la vraie charité. O Dieu ! que devons-nous chercher en terre, et prétendre au ciel, sinon vous qui êtes notre partage et héritage éternellement ? Ma fille, la Religieuse de la Visitation qui s'attachera à autre chose qu'à son Dieu se rendra indigne de sa vocation ; faites-le donc bien comprendre à nos Sœurs. C'est une vérité solide, chacun doit avoir un saint zèle d'arriver à l'éternité par le chemin que Dieu lui a marqué. Si nos Sœurs aiment bien leur saint Fondateur, elles le témoigneront non-seulement par le soin et plaisir qu'elles auront de lire ses écrits, car presque tout le monde s'y délecte, mais par la très-fidèle et continuelle pratique de ses maximes, surtout de cet amour et douceur incomparables pour tous les prochains, de cette humilité profonde qui le rendait si ennemi de l'éclat et si amoureux de l'humiliation et abjection, et de ce grand don de dévotion et d'application à Dieu.

Procurez, ma fille, que les exercices spirituels soient en grande estime entre vos novices ; car l'oraison, le recueillement et les fréquentes oraisons jaculatoires sont l'huile de bénédiction dans les monastères. Faites lire de bons livres à ces chères novices ; donnez-leur à ruminer de bonnes considérations qui détrompent leur esprit des fausses maximes du monde ; faites qu'elles prisent grandement les actes et exercices de leur Directoire. Leur mémoire étant ainsi bien attachée aux choses spirituelles et leur entendement bien éclairé, j'espère que notre divin Maître échauffera bientôt leurs volontés en son saint amour.

Votre, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [220]

LETTRE CDXCV (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON[82]

À CHAMBÉRY

Comment disposer la maison provisoire que doivent habiter les Sœurs de la fondation de Chambéry.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 23 octobre 1623.

Monsieur,

Excusez-nous si nous avons un peu tardé à vous envoyer de l'argent ; ces maisons ici n'en sont pas toujours bien fournies, outre que nous n'avions pas commodité assurée. Voilà quatre cents florins en pistoles. Il me semble que vous aviez proposé de faire la montée de la chapelle en dedans, et ainsi le chemin n'en eût pas été incommodé, et si l'on ne met les Sœurs tourières dans la boutique dessous (ce qui est quasi nécessaire à cause qu'il faut répondre à tout propos à ceux qui viennent), elle sera inutile, et le plancher de la chapelle excessivement haut, si vous l'avez déjà fait rehausser, et avec tout cela bien de la dépense ; ce que je dis parce que nous avons une incroyable peine de recouvrer de l'argent, et il en faut encore beaucoup pour se meubler et faire des provisions. Mais toutefois pourvu que l'on fasse le mieux que l'on pourra, comme je sais bien que de votre grâce vous faites, j'espère que la divine Providence y pourvoira. Certes, il se faut jeter de ce côté entièrement, elle ne nous a jamais manqué, c'est ma confiance. Le très-honoré et vertueux M. le chevalier [Balbian] le sait bien. [221] Je le salue très-humblement avec M. d'Hôtel et les bons Pères sans oublier nos bonnes amies.

Je vous supplie de savoir de M. de Quesnel ou de Rouen si les petites couvertes et la futaine à grain sont chères là, et nous le mander, s'il vous plaît, au plus tôt.

Dieu soit en tout votre conduite et votre récompense de tant de peines. Je suis en lui votre servante plus humble.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Paray-le-Monial.

LETTRE CDXCVI - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Il faut peu se regarder soi-même, et toutefois conserver précieusement le souvenir des grâces reçues. — L'humiliation est la grande gloire de l'âme religieuse. — Comment diriger une personne dont la spiritualité parait douteuse. — Marcher en esprit de confiance et de sainte liberté.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 29 octobre 1623.

Ma très-aimée fille,

J'estime ce qui se passe en votre intérieur très-bon et de Dieu ; mais regardez-le peu, crainte de la complaisance. N'examinez point curieusement si votre imagination y a part, ce regard lui en donnerait. Conservez les impressions des grâces au fond de votre âme ; oui même, marquez-en quelque chose sur le papier, afin que, quand les sentiments seront passés, vous revoyiez ce que Dieu vous a montré vouloir de vous ; car, comme disait notre Bienheureux Père, Notre-Seigneur ne donne pas toujours les lumières et sentiments, et néanmoins Il veut que la mémoire en soit gardée, et qu'une lumière qu'il n'aura donnée qu'une fois nous profite tout le temps de notre vie.

Oui, je vous assure, ma fille, la Supérieure peut faire dire la coulpe de l'assistante quand elle en donne sujet ; il ne faut [222] nullement qu'elle soit exempte de l'humiliation, qui est la grande gloire des âmes religieuses. — Je m'assure que cette fille N*** n'entend pas ce qu'elle dit que Notre-Seigneur a souffert, mais non pas ressenti les douleurs ; car quelle distinction met-elle entre le souffrir et le sentir ? Que souffrirait-on si on n'avait point de douleur ? et la douleur serait-elle douleur si on ne la sentait pas ? Outre ce raisonnement humain, c'est un article de foi que Notre-Seigneur a souffert et senti les travaux de sa Passion. Que si bien, il est très-vrai que la douleur c'est la suite du péché, et que Notre-Seigneur n'a eu ni pu avoir aucun péché en Lui, il est vrai aussi que la charité éternelle et sa douceur incompréhensible l'a fait charger de nos offenses, pour en payer la dette au prix de ses travaux intérieurs et extérieurs, et de son sang précieux : amour inexplicable ! Ceci me vient en vue, et je vous le dis simplement. Je trouve encore un point fort douteux en la spiritualité de cette fille, mais je n'ai le loisir de l'éclaircir. Faites-la parler à quelque docte et spirituel serviteur de Dieu, qui ne soit pas rabrouant, car cette pauvre chère fille est bonne et vertueuse, et certes, je crois, précieuse à Dieu. J'ai toujours remarqué des signes de prédestination fort grands en cette âme-là.

Bon Dieu ! ma chère fille, je ne sais de quels yeux on regarde la perfection spirituelle de notre Institut, ni où l'on va chercher ces gènes d'esprit. Je ne vois rien de plus doux ni de plus aimable que le chemin que notre Bienheureux Père nous a tracé. Nous sommes quarante Religieuses céans sans les Sœurs tourières, mais pas une ne trouve son chemin difficile : toutes, grâce à Dieu, marchent gaiement avec une sainte latitude de cœur, en la voie de leurs observances, et avec une grande douceur et union, les unes envers les autres. Vous savez, ma fille, comme je suis ennemie des esprits rétrécis et comme j'en hais la contrainte. Je vois tous les jours plus clairement que la douceur cordiale et sainte joie fait et peut tout entre les filles. [223]

Quant à notre Sœur [Claire-Marie Amaury], elle a toujours été si fidèle en l'observance que je ne doute point qu'à cette heure que Dieu a fait cette merveille de la délivrer par l'intercession de notre Bienheureux Père, on ne la voie croître en toutes les vertus ; si elle le fait, Dieu ajoutera en elle grâces sur grâces.

Je vous remercie, ma chère fille, des nouvelles que vous me dites de mon fils, et de sa chère petite femme ; quand ils se donneront l'honneur de vous voir, assurez-les que je ne leur souhaite rien tant que la crainte de Dieu et la fidélité à son divin service ; exhortez-les à l'estime du ciel, et au mépris de la terre.

Je suis bien de votre avis, qu'il est bon que nos maisons s'assistent charitablement, mais non pas que les premiers et seconds monastères d'une ville mêlent leur temporel, craignant qu'avec le temps cela offensât notre union et charité, par la faiblesse de cette misérable infirmité. Qu'il y a peu d'âmes parfaites et exemptes de l'intérêt du tien et du mien ; quand je vois cela, et que je considère l'excellence de cette sainte âme de notre Bienheureux Père, qui a vécu avec une si parfaite nudité de toutes choses créées, je ne saurais m'empêcher d'avoir de la douleur, voyant combien nous sommes éloignées de cette perfection. Dieu nous fasse la grâce, au moins, de tirer et aimer notre abjection de notre propre misère. C'est un effet de la sagesse humaine, que le soin que chacun a de soi. Mon Dieu ! que notre saint Père avait une âme puissante et élevée au-dessus de tout cela ! Pour être sa vraie fille, il faut avoir un grand courage pour se mortifier et abandonner totalement en Dieu.

Demandez-lui cette grâce, pour celle qui est toute vôtre, etc. [224]

LETTRE CDXCVII - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À CHAMBÉRY

Arrangements pour la chapelle du futur monastère.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 30 octobre [1623].

Monsieur,

Je crois que le balustre pour clore l'autel se pourrait différer jusqu'à ce que nous soyons là, afin que nous donnions la façon pour le faire, en sorte qu'il puisse servir pour une plus grande église. Nous les faisons assez hauts ; toutefois, si vous jugez qu'il soit nécessaire en ce commencement, il suffira de le faire faire légèrement de bois de sapin, mais toujours haut assez afin qu'on ne puisse passer par-dessus aisément. Si le sous-pied de notre chœur n'est plus haut que de deux marches que celui de l'église, il ne sera nul besoin de faire une tribune, et faudra seulement prendre la hauteur convenable du côté des séculiers pour poser la grille, car céans la nôtre est posée à un pied et demi de hauteur du côté du chœur des Religieuses, et de celui des séculiers il y a trois pieds ou trois et demi pour le moins. Il faut que les piliers du balustre des grilles soient ronds tout d'une venue, sans façon, mais tournés et fort menus.

Pour le tableau, si vous le jugez nécessaire, nous vous en laisserons faire comme vous jugerez mieux. Puisque le prix de la maison est fait et qu'on est d'accord pour le payement, nous passerons le contrat quand il plaira à M. le chevalier [Balbian] ; mais je pense qu'il sera temps quand nous serons là.

Je prie Dieu qu'il soit votre récompense de tant de charité et de travail par lequel vous nous obligez si étroitement. Mille très-humbles saluts au bon Père et à tous les amis et amies, s'il vous plaît. Je demeure, M., votre très-humble servante en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [225]

LETTRE CDXCVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Allusion aux tribulations de la communauté de Moulins.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1er novembre 1623.

Ma très-chère fille, adressez ces lettres de Moulins au Père recteur de Moulins, et en faites un paquet sans les fermer, mais oui bien Je paquet. 0 mon Dieu ! ma très-chère fille, quelle croix ! mais Dieu qui l'impose soit éternellement béni. Nous n'avons encore reçu le paquet du départ de nos Sœurs. Je n'ai que ce peu de loisir, ma très-chère fille, je suis toute vôtre. Dieu soit béni !

Je salue en tout respect et très-cordialement madame de Chevrières. Jour de Toussaint.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CDXCIX [Inédite] - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Départ pour Moulins. — Comment traiter avec madame de Vigny. — Encouragement à porter avec joie le fardeau de la supériorité. — Examen de la visite annuelle. — Conseils pour la distribution des emplois.

VIVE † JÉSUS !

Tarare, 8 novembre 1623.

Je vous écris à Tarare, ma très-chère fille, car je ne sus le faire à Nessy, dès que je reçus les vôtres dernières. Nous allons à Moulins. Quand Dieu nous aura fait la grâce d'y faire ce qu'il lui plaît, nous vous manderons tout.

Il est vrai que notre chère Sœur [de Vigny] a son cœur tout [226] pressé ; toutefois, il me semblait qu'à son départ et quelque temps auparavant, elle me l'avait fort déchargé et par conséquent élargi ; car la pauvre femme me l'avait tenu fermé longtemps, dont elle séchait, car je n'avais eu nulle commodité de lui parler. Enfin, sa douleur ne procède que de l'extrême amour qu'elle vous porte... Je me suis essayée de la guérir ; mais, ma très-chère fille, pour Dieu ne lui témoignez point que je vous ai dit son secret, et ne faites aucune chose [qui puisse faire comprendre] que vous connaissez cette maladie... Tâchez tout bellement de la regagner et lui donnez la confiance que vous l'aimez, ce qui ne vous sera pas difficile, car c'est un très-bon cœur. Si j'avais loisir, je vous en dirais davantage.

Il me semble, ma très-chère fille, qu'il y a quelque soupçon dans votre esprit que l'on m'écrit ceci et cela. Je vous proteste que non, et prie Dieu de vous lever cette opinion et toutes celles qui affligent votre pauvre bon cœur, que je suis extrêmement marrie de voir en la douleur que vous me le représentez. Ah ! ma fille, votre sincérité m'a toujours été entière, je n'en puis douter. Ne doutez non plus de la mienne et de mon incomparable amour en votre endroit ; rien ne la saurait ébranler. Je vois que tout est si content en votre maison et que vous seule ne l'êtes pas. Pour Dieu, ma fille, prenez-en votre part, et me donnez la consolation de vous savoir contente.

Pour la visite [canonique], elle convient généralement aux prélats ; l'examen se pourra recevoir par un autre, quand ils ne seraient pas gens spirituels ; et de dire les coulpes sans distinction, certes, il se pourrait trouver des visiteurs qui en riraient. Il me semble qu'il est bien maintenant. Je n'ai point pensé à faire des Directoires pour les Supérieures ; il me semble que notre Règle suffit avec quelques avis que j'ai mis au Coutumier, de feu notre Bienheureux Père.

Je vous dis en sincérité que nous avons emprunté deux cents florins pour venir à Moulins ; ce n'est pas qu'il ne soit assez dû à [227] notre maison, mais nous ne pouvons être payées. Ne laissez toutefois de donner à M. Vincent l'argent de mademoiselle d'Asy. Il nous viendra quelque autre somme avec le temps. Je pense que notre Sœur Françoise-Augustine [Brung] réussirait à être directrice, et notre Sœur Paule-Jéronyme [Favrot] aussi ; mais votre prudence y emploiera celle qu'elle jugera plus propre. Pour notre Sœur M. -M., certes, je ne sais qu'en dire : la lingerie ou la roberie sont prou bonnes pour elle, et puis elle est conseillère, n'est-ce pas assez ? — Bonsoir, ma très-chère et bonne fille ; je vous prie de vous bien attacher à Dieu, et laissez passer tout le reste. Dieu soit béni !

[P S.] Nous garderons le parement de velours incarnat ; si les dentelles que votre Sœur l'assistante faisait sont achevées et non employées, je crois qu'on ferait plaisir à Mgr de Genève de les lui envoyer pour un rochet.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE D - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Invitation à conclure promptement la fondation de Riom, ou à y renoncer. — Le bon plaisir de Notre-Seigneur doit toujours être le nôtre.

VIVE † JÉSUS

[Moulins, 1623. ]

Ma très-chère fille,

Nous vous croyions hors de peine, mais madame de Montaret dit que c'est à recommencer ; Dieu soit béni ! la seule et sainte volonté duquel nous doit suffire. Notre sage et bonne Sœur de Dalet a trouvé bon que j'écrivisse à M. l'official ; je le fais simplement et véritablement ; car, à notre départ de Nessy, [228] Mgr de Genève nous commanda que si votre affaire n'était terminée, nous vous ramenassions. Ma très-chère Sœur, il faut finir d'une façon ou d'autre ; car enfin cela est meshui intolérable de voir des Religieuses poursuivre un établissement et être hors de leur monastère. Je sais la peine où vous en êtes, et que les choses s'enfilent l'une après l'autre ; mais enfin il faut conclure. Je ne puis douter que ce ne soit à votre contentement ; mais si Dieu en dispose autrement, il faut que ce soit toujours à notre contentement, puisque [ce] sera celui de Notre-Seigneur.

On vous écrit ce que nous faisons ici : la messe me presse ; nous vous écrirons au long avant notre départ, si vous ne venez. Je suis toute vôtre. Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DI (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Sujet du voyage de Moulins.

VIVE † JÉSUS !

Moulins, 14 novembre 1623.

Ma très-chère fille,

Vous ne me pensez pas si près de vous : nous voici à Moulins pour l'affaire de notre pauvre Sœur Marie-Aimée [de Morville] ; certes, elle est fâcheuse, mais j'espère que Dieu en tirera sa gloire et l'utilité de tout l'Ordre. Nous avons écrit à ses parents, afin qu'ils voient la sincérité avec laquelle nous voulons traiter avec elle. Je crains fort que nous ne soyons réduite à l'emmener, aussi j'y ai une extrême aversion ; toutefois, nous ne refuserons rien de tout ce qui se pourra pour son salut et le bien de cette maison. Je ne puis demeurer ici que [229] quinze jours, c'est pourquoi je vous prie de faire presser ses parents, afin que nous ayons quelque nouvelle d'eux par la poste et au plus tôt.

Faites donner, ma très-chère fille, ce paquet avec ces dix pistoles à M. de Foras. Je vous écrirai au long avant que partir d'ici et à notre bon Père Binet.

Je salue mes très-chères Sœurs avec vous.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Motifs qui obligent la Sainte de passer en Auvergne.

VIVE † JÉSUS !

[Moulins], 21 novembre 1623.

Ma très-chère fille,

Nous sommes venue faire ici une course pour la consolation de nos pauvres Sœurs et leur repos, s'il plaît au bon Dieu d'affermir les résolutions qui ont été prises. M. Michel vous écrira le sujet et ce qui s'est passé, ou notre Supérieure de céans ; car, ma bonne et très-chère fille, je n'ai pas le loisir de ornement respirer, mais je ne pouvais me reculer de vous ans au moins vous saluer avec mon cœur tout cordial envers vous et votre chère troupe. Nous allons passer par l'Auvergne pour mettre fin à cette fondation [de Riom], si Dieu nous aide, ou ramener nos Sœurs qui sont là à combattre, il y a sept mois, chose entièrement contraire à notre esprit et inclination. Je recommande tout à vos prières et de nos pauvres Sœurs, que je salue avec vous très-chèrement. Tout se portait bien à Nessy, quand nous en parûmes, qui fut le 4 de ce mois. [230]

Ma très-bonne et chère fille, je suis sans réserve toute vôtre. Dieu soit béni ! Jour de nos saints renouvellements.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE DIII (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

À RIOM

Conclusion favorable de la fondation de Riom.

VIVE † JÉSUS !

Montferrand, 29 novembre 1623.

Ma très-chère sœur,

Nous avons vu aujourd'hui M. l'official, duquel nous avons reçu beaucoup de satisfaction. J'espère que votre affaire se terminera bientôt, Dieu aidant, et à votre contentement. Voilà M. Villot que nous avons prié d'aller trouver Mgr de Clermont, afin de conclure le plus tôt qu'il se pourra. Nous l'enverrons chercher, je ne sais où, assez loin ; mais l'on nous dit qu'à l'aventure sera-t-il à Riom. Je vous supplie que si cela est, vous nous le mandiez fort promptement, car nous irons le trouver, et prierons M. l'official d'y aller, d'autant que je suis pressée de notre retour. Au reste, ma très-chère Sœur, M. l'official trouve à propos et nécessaire de changer notre Sœur assistante d'ici et l'une de vos Sœurs blanches pour les raisons que je vous dirai. Je vous supplie, ma très-bonne et chère Sœur, de l'avoir agréable, et nous mandez laquelle de vos Sœurs domestiques vous agréez qui demeure ici. Si vous y laissez la novice, vous ne lairrez d'en recevoir la dot, car il est ainsi résolu. Ne dites à personne ce petit marché, parce qu'ici on craint les parlements. Ma très-chère Sœur, Dieu vous comble de grâces et votre chère troupe que je salue avec vous et la bonne madame Chariel. Dieu soit béni ! Veille de saint André.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [231]

LETTRE DIV (Inédite) - À LA MÊME

Annonce de son départ pour Riom.

VIVE † JÉSUS !

[Montferrand, 1623]

Ma pauvre très-chère sœur,

Nous n'avons pas eu le crédit d'avoir un carrosse. Nous vous envoyons cet homme pour vous prier de nous en faire venir un le plus tôt que vous pourrez, car je serais marrie que Mgr de Clermont arrivât devant nous. J'espère que tout ira bien, moyennant la divine grâce. À l'heure que le carrosse arrivera ici, nous partirons, n'attendant que cela. Dieu soit béni ! Ma très-chère fille, je suis toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Nouvelles des communautés de Moulins et de Montferrand. — La fondation de Riom est heureusement terminée.

VIVE † JÉSUS !

[Riom], 6 décembre [1623].

Ma très-chère fille,

Je crois que notre Sœur la Supérieure de Moulins vous aura écrit ce qui s'est passé en leur couvent, car je l'en priai, n'ayant nul loisir de le faire. Je m'assure aussi que notre Sœur la Supérieure de Montferrand vous mandera le sujet qui lui a fait désirer notre présence ; nous l'avons laissée en repos et toutes ses filles, toujours plus ardentes au bien. Je les ai trouvées [232] avec un notable avancement, grâce à Dieu : ce sont de fort bonnes âmes ; je me remets donc à elles pour le reste,

Or, nous voici à Riom, où, après les plus extravagantes difficultés qui ont duré près de huit mois, nous espérons demain notre établissement, Mgr de Clermont étant ici pour cela,[83] et crois que le jour de Notre-Dame l'on dira la messe, et le samedi suivant, nous reprendrons notre chemin du côté d'Annecy. Peut-être passerons-nous à Saint-Étienne : toutefois, je n'y ai point d'inclination.

Ma fille toute chère, c'est assez pour n'avoir aucun loisir ; mais je n'ai su laisser aller ce porteur, qui assure s'en aller droit à Dijon. Bonsoir, ma très-chère fille, et à toutes nos pauvres Sœurs. Je suis en crainte que Mgr de Langres ne soit passé à Nessy, [ce] qui ne nous serait pas une petite mortification ; mais, en tout, Dieu soit béni, et ma très-chère fille comblée de grâces, et le cher cousin et la Sœur de Vigny. Jour de saint Nicolas.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [233]

LETTRE DVI - À MADAME DE VIGNY[84]

Témoignages d'amitié. — Il faut être fidèle à ses exercices de piété et attendre patiemment la visite de Notre-Seigneur.

VIVE † JÉSUS !

[Riom] 8 décembre [1623].

Ma très-chère sœur ma mie,

Le temps m'était bien long de savoir votre arrivée à Dijon. Je loue Dieu qui vous y a conduite heureusement. Croyez, ma très-chère Sœur, que j'ai un grand ressentiment de l'affection que vous me portez et de tous ses bons effets, et que votre amitié m'est plus chère que je ne le puis dire. Conservez-la-moi, ma très-chère Sœur, et votre confiance tout entière, je vous en conjure, car elle m'est à consolation, comme je l'ai aussi que vous chérissiez l'amour que je vous porte, duquel je ne vous dis autre chose, sinon qu'en vérité il est au delà de ce que vous en pouvez penser, et que vous serez conservée au milieu de mon cœur comme ma très-chère et très-bonne Sœur que j'aime très-parfaitement.

Tenez votre esprit content dans la volonté de Dieu, je vous en supplie, et avancez doucement en sa sacrée dilection, faisant vos petits exercices fidèlement et attendant patiemment la visite de Notre-Seigneur.

Il me tarde de savoir ce que vous avez fait avec M. votre frère. Dieu, par sa bonté, le dispose afin de vous laisser en paix. — Faites-moi ce bien de saluer de ma part nos bonnes et chères [234] amies dont les noms sont en mon cœur, vous les savez toutes. Et nos pauvres Sœurs professes, embrassez-les tendrement de ma part, je vous en prie, ma très-chère Sœur, et la petite cousine Bouhier. Je suis pour jamais et d'une affection entière, ma très-chère Sœur, votre, etc.

LETTRE DVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

La Sainte annonce son départ de l'Auvergne.

VIVE † JÉSUS !

Riom, 8 décembre 1623.

Nous avons employé ici nos quinze jours, ma très-chère fille, Dieu soit glorifié de tout ! nous allons nous retirer. Je suis sans aucun loisir ; notre chère Sœur [la comtesse] de Dalet vous dira nos nouvelles. Je ne puis écrire au Révérend Père recteur, mais certes je l'honore et révère comme un digne serviteur de Dieu. Il me tarde de savoir de vos nouvelles, ma très-chère fille. Soyez fort courageuse, patiente, supportante, et pleine de douceur. Je salue nos pauvres Sœurs que j'aime tant, et le bon M. de la Coudre.[85] Voilà [ce] que j'écris à madame de Morville ; si Dieu a donné la persévérance à notre bonne Sœur, envoyez-lui. Bonsoir, ma très-bonne et très-chère Sœur. Dieu soit béni ! Jour de Notre-Dame.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [235]

LETTRE DVIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Succès du voyage de Moulins. — Communiquer volontiers ce qui est de l'Institut aux autres Ordres pour leur utilité. — Il ne faut pas, sans de graves raisons, recevoir des prétendantes à l'insu de leurs parents. — L'esprit gêné et contraint n'est nullement l'esprit de Visitation.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 14 décembre 1623.

Ma très-chère fille,

Nous sommes partie de Moulins avec assez de consolation, grâce à Dieu, espérant que sa divine Bonté sera glorifiée. J'ai prié ma Sœur la Supérieure de Moulins de vous écrire l'affaire tout au long. Je ne désapprouve pas l'action de notre Sœur N*** ; toutefois, nous sommes disposée, s'il le faut faire. La crainte que l'évêque ne donne une autre Supérieure, [proposant] des Sœurs qui n'auraient pas les années de Religion, n'est pas recevable, ce me semble, ma très-chère fille, et toujours il est probable que celle qui aura fait l'établissement sera continuée, ou au moins on élirait quelqu'une des Religieuses qui y auraient été employées. Je pense qu'il n'y a pas de danger de laisser faire [plusieurs mots illisibles].

Ma très-chère fille, la charité se communique volontiers ; prêtez hardiment nos Règles et ce qui est de l'Institut, pour l'utilité des autres Religions [Ordres], pourvu qu'ils soient discrets. Prenez le conseil du Révérend Père Binet pour la réception de ces filles qui veulent entrer à l'insu de leurs parents : cela se peut, mais il y a quelquefois des occasions qui doivent être considérées. De même, prenez avis pour M N. : ce prélat est bon, mais il a certaines maximes qui ne sont pas goûtées de tous.

Oui, les novices portent leur mortification tout le jour [236] excepté aux Offices, et celles qui ont rompu quelque chose aussi ; mais peut-être que je l'ai considéré sévère pour l'été ; cela est de peu d'importance. — Mon Dieu, que je suis consolée de la vertu de notre pauvre Sœur M. -Dorothée [de Monsors] ! Je la salue amoureusement, comme au contraire la petite N*** me fait grande pitié ; vous la donnez à un bon maître que le Révérend Père Binet. Dieu par sa bonté lui donne lumière ! — Il sera bon d'écrire une fois l'année à Mgr de Genève, ou deux au plus, un peu de vos nouvelles.

Notre Sœur N*** a toujours son grand cœur et veut que je l'aime et estime bien fort ; c'est pourquoi elle doit être fort tranquille de l'opinion que vous m'écrivez ses défauts, qu'au reste vous faites parfaitement votre charge : je lui vais mander que ses résolutions ne tendent pas aux petites pratiques, sans lesquelles on ne peut parvenir aux grandes vertus.

Vous aurez su ce qui s'est passé à Moulins et à Riom où enfin la fondation s'est faite, grâce à Dieu, et j'espère que notre Sœur [Marie-Aimée] demeurera en paix à Moulins ; de la recevoir à Paris, il s'en faut bien garder. — Je suis étonnée de ce que l'on dit à Paris, que nos Sœurs ont l'esprit gêné : une seule de toutes nos autres maisons n'a cette réputation, ni le fait aussi. N'a-t-on rien ajouté au Directoire spirituel ? conférez-le au moins, et vous le verrez ; puis les avis qui sont à notre Coutumier montrent comme il en faut user ; faites voir le tout au Révérend Père Binet, le tout, si vous le trouvez à propos, je laisse cela à votre jugement et à son loisir ; je lui écrirai un mot en allant, ici je n'ai le loisir. Je vous prie, ma très-chère fille, priez notre Sœur de Villeneuve, ou autre de vos amies, de nous vendre cette enseigne ; mais si vous n'en tirez au moins trois cents écus, ne la donnez pas que vous ne m'en ayez avertie. Bonjour, ma très-chère fille, c'est sans loisir, afin de la donner à M. de Blamiens qui la vous remettra. Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [237]

LETTRE DIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Heureuse mort de la Sœur Françoise-Blandine. — Retour de la Sainte à Annecy, et consolation que lui donne l'avancement spirituel des communautés qu'elle a visitées.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] décembre 1623.

Nous voici arrivées heureusement, grâce à notre bon Dieu, qui m'avait privée de la consolation d'accompagner ma pauvre Sœur Blandine[86] à son heureux passage. Je l'aimais certes particulièrement, car c'était une petite âme tout angélique ; elle a témoigné sa véritable vertu en sa très-grande douceur, patience et résignation. O ma vraie très-chère fille, qu'elle est heureuse de jouir de la seule désirable présence de son Dieu !

Certes, je m'en suis revenue toute contente d'auprès de vous et de vos chères filles, et je trouve bien du bon avancement en toutes nos petites maisons. Nos Sœurs sont fort aises de nous revoir, car elles sont bonnes.

Voilà nos Coutumiers, je n'ai le loisir d'ajouter ce que je vous dis ; je vous prie, envoyez-en une copie à notre Sœur la Supérieure de Marseille, et des Directoires, car il nous faut écrire quantité d'autres choses. Simon veut partir demain de grand malin, de sorte que je ne puis envoyer les Mémoires que vous désiriez pour M. P. Pierre.

Bonsoir, ma très-chère fille ; priez pour celle qui vous lient chèrement au milieu de son cœur. Je salue toutes nos Sœurs et, s'il vous plaît, tout à part notre bon M. de Saint-Nizier. Envoyez-nous son attestation. Dieu soit béni éternellement !

Conforme à l'original gardé à l'évêché d'Annecy. [238]

LETTRE DX - À LA MÊME

Envoi de mémoires pour la rédaction d'une Vie de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 26 décembre 1623.

Ma fille,

Voilà la lettre pour le Père de la Rivière. J'envoie tout au long notre histoire de Saint-Claude au Révérend Père général des Feuillants ; ce n'est pas sans répugnance, mais on me l'a commandé. On lui envoie tous les Mémoires pour la vie. Je suis grandement consolée qu'il la fasse. Faites-les tenir bien sûrement et bien promptement. Bonsoir, ma très-chère fille ; tout le monde est couché, et je n'ai pas dit Vêpres. Dieu soit béni !

[P. S.] Vous fermerez ces lettres, s'il vous plaît, et envoyez ces papiers au Révérend Père général des Feuillants. Les lettres du Père général vont droit à Paris. Ressouvenez le Révérend Père provincial de notre Mémoire. Jour de saint Etienne.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [239]

ANNÉE 1624

LETTRE DXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Il faut tendre incessamment à la générosité et a la pureté du divin amour. — Documents pour la Vie de saint François de Sales. — Entretenir d'affectueux rapports avec la Supérieure d'Avignon. — Ne pas faire de nouvelles fondations sans avoir pris conseil.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 9 janvier 1624.

Ma très-chère fille,

Nous reçûmes seulement hier vos lettres. J'aime certes le cœur de vos chères filles, et les supplie de n'admettre point de tendretés, car les Anges qui aiment tant ne pleurent jamais. Je ne pense pas que la plupart des noires d'ici me laissent partir sans pleurer, mais elles sont pourtant bonnes, je dis extrêmement bonnes, douces, simples et amiables. Que voulez-vous, il [les] faut aimer et supporter, car encore suis-je, ce leur semble, plus leur Mère. O ma fille, il faudrait avoir la générosité de notre Saint, et, je vous supplie, tendons-y incessamment et à la pureté de ce divin amour.

Nul loisir, ma fille, de faire ce que vous désirez, mais Dieu l'inspirera mieux à ceux qu'il a destinés pour écrire la Vie de cet homme angélique. J'ai bien envoyé au Père général des Feuillants, par le commandement de Mgr l'évêque, comme Dieu me remit entre les mains de notre Bienheureux Père. Tenez, voilà le brouillard que j'en fis, mais renvoyez-le-moi, afin que si on le voulait je n'aie plus la peine de l'écrire. Si je puis, j'écrirai à notre Sœur la Supérieure d'Avignon ; écrivez-lui [240] souvent, et faites qu'elle vous écrive, et la portez à la douceur et patience et à croire ric-à-ric le conseil du Père Maillan. Demandez, je vous prie, une copie de leur Bulle d'établissement et si on ne leur conserve pas le cher petit Office, car il faut être ferme là-dessus. Oh ! Dieu soit béni de tout !

Pour ces deux fondations, certes, ma très-chère fille, je ne vous en puis dire autre chose sinon ce que notre Bienheureux Père me dit, et qui est dans le Coutumier, c'est très-considérable ; néanmoins, ne sachant pas la qualité des villes, ce que je vous puis dire, c'est de consulter avec les Pères et M. de Saint-Nizier, leur remontrant ce que dit le Coutumier. Ils ont connaissance des villes et du secours que les filles pourront avoir. Le conseil qu'ils vous donneront sera solide, suivez-le ; mais il en faut avertir Mgr l'archevêque, et disposer tout pour cela. Fortifiez vos filles, car surtout il faut qu'elles soient solides. Je suis bien aise de ce que notre Sœur M. -M. ait rapporté son bon cœur. Faites saluer le Révérend Père provincial et le faites ressouvenir des Mémoires qu'il nous a promis. Nous allons dimanche à Chambéry.

Ma fille, je fais ce que je peux, et vous vous courroucez toujours. Oh ! tenez, voilà le plan où il y a des fautes ; mais les maîtres les ajusteront bien. Fermez bien mes lettres et m'aimez bien toujours. J'espère que Dieu nous conservera notre chère Sœur d'Avignon. Dieu soit béni, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [241]

LETTRE DXII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

La reconnaissance doit faire concéder aux bienfaitrices séculières tout ce qui est autorisé par la Règle. — Obligation pour une Religieuse de restreindre, autant que possible, ses rapports avec sa famille. — Veiller à ce que la directrice tienne les esprits des novices dans une sainte liberté.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 14 janvier 1624.

Ma très-chère fille,

Il est vrai, il faut faire tout ce qui se pourra pour la consolation de madame de Villeneuve ; j'étais résolue de lui en écrire et lui avais promis, mais ma mémoire me fait faute souvent. C'est un cœur qui est tellement à nous qu'il mérite, et pour sa vraie bonté, que l'on traite très-franchement et confidemment avec elle. Voyez donc, avec l'avis de M. Blanc et du Père Binet ce qui se pourra tandis que les filles seront à marier ; car c'est ce qui tient empêchée la mère, et l'empêche d'aller chez vous, d'autant qu'elle ne doit plus laisser ses filles que le moins qu'elle pourra sans sa présence. Montrez-lui votre cœur très-cordial.

Or, je pense bien que lorsque nous fîmes ce contrat, nous ne savions pas les privilèges des fondatrices, et que peut-être cela empêcha de parler des filles, mais je n'en ai pas claire connaissance. Somme, en telle occasion chacun met dans les contrats ce qu'il veut ; mais voyez, comme je vous le dis, ce qui se pourra faire pour sa consolation avec l'avis, car certes elle le mérite, et me semble juste, tandis qu'elles seront filles [de les laisser entrer avec leur mère] ; mais de la laisser aller au chapitre, cela est contre la coutume et ne se doit pas. Ou se donne des libertés sous bon prétexte qui méritent retranchement ; je voudrais assurément savoir si cela est. Je n'ai su plus tôt vous répondre parce que nous n'avons reçu votre lettre qu'hier. [242]

Je sais bien ce que vous êtes, et quel est votre bon cœur pour moi ; certes, aussi Dieu m'a donnée à vous sans réserve. Je -vois que tout y va bien dans ce cœur, et que Dieu le manie à son gré : laissez-vous toujours entre ses mains et tenez votre âme au large, je vous en supplie. Faites aussi, je vous prie, que les filles ne soient point trop contraintes, car je suis étonnée de ce que l'on dit que nous gênons les esprits ; par toutes les maisons les filles ont une sainte et innocente liberté, sans aucune contrainte. Il faut prendre garde que les maîtresses donnent cet esprit-là. Je vous réponds courtement, parce que nous sommes sur notre départ pour Chambéry. Je ne pense pas que M. Route soit votre fait, après l'avoir fort bien considéré ; dites-le confidemment au Révérend Père Binet.

Voilà enfin le portrait de notre Bienheureux Père : il est fort bien. Vous en avez un de Dijon. Je salue ma petite Angélique [Lhuillier], que j'aime de tout mon cœur, et toutes nos Sœurs et les amis ; c'est sans loisir.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DXIII - À MONSEIGNEUR JEAN-FRANÇOIS DE SALES

ÉVÊQUE DE GENÈVE

Avec quels applaudissements les Religieuses de la Visitation ont été reçues à Chambéry.

VIVE † JÉSUS !.

[Chambéry, 1624.]

Monseigneur,

Il est vrai, nous avons été reçues avec toutes sortes d'applaudissements et un grand témoignage de contentement dans toute [243] la ville,[87] mais surtout du très-bon et vertueux M. le chevalier Balbian qui nous fait et procure tout plein de biens. Bref, l'on fait ce que l'on peut pour nous ôter toutes sortes de craintes d'avoir besoin ici. Dieu soit loué qui a tant de soins de ceux qui lui rendent leurs petits services ! Je renvoie à notre Sœur l'assistante de Nessy ce que vous savez, mon très-cher et très-honoré seigneur ; je vous en remercie de tout mon cœur. Je vois que nous n'en aurons point de faute ; elle le vous donnera sans savoir ce que c'est. Je vous remercie aussi de la lettre que [vous] écrivîtes. Je mande que l'on nous en envoie une copie pour Grenoble et Belley, cela était tout à fait nécessaire.

Nous espérons de recevoir bientôt mademoiselle de Château-fort qui est une fort jolie fille, et mademoiselle de la Pérouse qui est tout à fait selon mon gré. Nous vous manderons souvent de nos nouvelles. Conservez votre santé, je vous en supplie, mon très-cher seigneur, et aimez toujours celle qui sans réserve est, Monseigneur, votre très-humble et très-obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [244]

LETTRE DXIV - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D ANNECY

Quelques détails sur la nouvelle fondation.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Mon cher Père,

Dieu vous bénisse de ses très-douces et saintes consolations. Je vous remercie des papiers que vous m'avez envoyés pour nos Sœurs d'Avignon ; elles les recevront et votre lettre dans peu de jours.

Notre petit ménage croît tout bellement ; nous avons deux fort honnêtes filles qui voudraient déjà être dedans, mais leurs mères s'opposent fermement, dont leur ferveur croît. II y en a aussi deux jeunes de douze ans qui font merveille en leurs petites ardeurs ; c'est la petite de M. d'Aiguebelette et de M. de Rohan ; prou d'autres encore, mais qui sont plus éloignées. Voilà nos nouvelles ; si vous me faites part des vôtres et de celles de nos Sœurs et du noviciat, j'en serai bien aise.

Pour M. Pernet, je lui ai écrit suivant ce que Mgr l'évêque me dit. Le bon M. Maurice est passionné et tout cordial à nous assister. Je serai bien aise que nos Sœurs montrent grande confiance au bon Père Jésuite.

Bonsoir, mon très-cher Père, je suis toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [245]

LETTRE DXV (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE MORVILLE

À MOULINS

Humble aveu de la Sainte ; sa maternelle et prudente condescendance. — Tendres reproches et affectueux appel à une vie plus exemplaire.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624. ]

Ma très-chère fille,

J'avais répondu aux lettres de M. de Palierne et aux vôtres, et ne leur donnai pas mon adresse ordinaire ; ains je priai notre Sœur de Lyon de les envoyer par autre voie, car M. de Palierne me l'avait écrit. Il y a environ quinze jours qu'elles me revinrent aux mains, et je les jetai parmi quantité d'autres, parce qu'elles n'étaient plus de saison. Voilà une vérité, en voici une autre : soit, que mes lettres dernières n'ont point de date, vous le dites et je le crois ; mais croyez aussi, ma très-chère fille, que c'est par pur oubli, car je vous proteste que je n'y ai entendu aucune finesse, et je vous les écrivis tout de bon. Vrai encore que je n'ai écrit ni à Mgr l'évêque d'Autun, ni à M. Tachon ; et plût à Dieu que je me fusse trouvée là tandis qu'ils y étaient !

O ma fille ! et où est votre esprit et où sont tant de saintes inspirations ? où vos vœux ? où les respects de votre vocation ? Ma fille, ma très-chère fille, oh Dieu ! se faut-il ainsi abandonner à ses passions ? Hélas I vous dites que je vous ai abandonnée, vous voyez par la vérité que je vous ai dite s'il est ainsi. Et puis, estimez-vous que je vous abandonne, quand je vous remontre doucement et maternellement ? que voulez-vous que je fasse ? que je vous concède des choses que je ne dois, ni ne puis ; car que diraient les Supérieurs ? et puis, ne dois-je pas tenir la balance juste ? Je vous ai priée de vous contenter de la libre possession de vos privilèges, et de nous mander franchement si [246] l'on vous y troublait ; car cela vous étant promis, on ne veut ni ne doit vous y contrarier en façon quelconque. Mais au reste, ma très-chère fille, de vouloir au delà, certes, ce serait trop. Encore faut-il que vous considériez la condition et le lieu où vous êtes ; carde vouloir écrire et recevoir des lettres sans distinction et sans être vues, demeurer quasi à l'ordinaire dans un parloir, n'avoir pas la simplicité de l'habit, du parler, ni de l'action religieuse, qu'est-ce que tout cela, ma très-chère fille, sinon vous dissiper entièrement ? Certes, il ne fallait pas faire des vœux de Religion en une telle compagnie, pour puis vouloir vivre à la séculière. Pardonnez-moi, ma très-chère fille, je vous parle peut-être trop librement pour la disposition où vous êtes ; mais ma conscience me nécessite, et certes l'amour que je porte à votre chère âme me presse bien d'un fort désir de vous voir retourner à votre résolution, que nous fîmes étant à Moulins ; et quand je vois vos privilèges, je suis étonnée que vous désiriez quelque chose au-dessus de cela. Contentez-vous-en donc, ma très-chère fille, je vous en supplie et conjure au nom de notre bon Dieu. Que si vous le faites, assurez-vous que nos Sœurs vous rendront toutes sortes de devoirs, et la Supérieure ne prétendra jamais de vous vouloir assujettir comme une autre Sœur ; car cela serait déraisonnable, puisqu'on vous a concédé des privilèges contraires.

Sans la fondation de Chambéry, nous serions allée passer l'hiver auprès de vous, et j'ai confiance que vous m'eussiez vue de bon cœur, car Dieu sait que j'ai un véritable désir et affection de votre consolation, et que de tout mon pouvoir je voudrais vous servir. Que s'il vous plaît de venir vers nous, vous en recevrez des témoignages certains, et je vous en conjure. Que si vous ne voulez pas, vous savez que vous avez liberté d'aller à Nevers ; ou bien nous irons là au printemps, s'il plaît à Dieu ; et cependant, tâchez de demeurer en paix, et alors vous connaîtrez combien je désire votre vrai bien et la sincère affection que mon [247] âme a pour la vôtre. Que si tous ces moyens ne vous agréent pas et que vous vouliez vous retirer d'avec nous (ce qui me fâcherait fort), il sera raisonnable de vous rendre ce que vous avez donné. Mais, ma très-chère fille, si vous me croyez, vous aurez bien d'autres pensées, et j'espère que Dieu vous inspirera, ainsi que j'en supplie sa Bonté de toutes les affections de mon âme, avec lesquelles je vous embrasse et chéris en Notre-Seigneur très-sincèrement ; et en cette volonté je demeure toujours toute vôtre en Notre-Seigneur, Qu'il soit béni !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Violation d'Annecy.

LETTRE DXVI - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Souffrir patiemment les sécheresses. — Ne pas s'attacher à son propre jugement, — L'humilité attire les grâces de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 29 janvier [1624].

Ma très-bonne et chère fille,

Vous pouvez toujours fort librement m'écrire ce que le cœur vous dictera, et je m'essayerai de correspondre toujours à votre chère confiance filiale, autant qu'il me sera possible et très-cordialement, car je vous assure que vous êtes bien ma très-chère fille.

Je vois que votre esprit a peine de s'appliquer à l'oraison, ne le forcez point ; souffrez doucement ces sécheresses et distractions ; elles ne font point de mauvais effets, puisque votre esprit n'en est ni inquiet ni chagrin. Contentez-vous de cela, et que vous marchiez avec le soin de pratiquer la vertu fidèlement, selon les occasions que la très-adorable Providence vous en présentera. Surtout, ma très-chère fille, mortifiez cette inclination de vouloir être [248] crue en vos sentiments et conseils, et tâchez de ne point réfléchir sur le passé ; mais, aux vues qui vous arrivent des manquements que vous y avez faits et que vous faites encore, humiliez-vous fort, car c'est la vraie vertu qui attire les divines et très-nécessaires grâces de notre bon Dieu. Tâchez aussi d'adoucir votre âme, vos paroles et vos actions autant qu'il vous sera possible, vous rendant suave, supportant le prochain, et bonne, tant qu'il vous sera possible : voilà ce que Dieu veut de vous. Sa Bonté nous fasse la grâce de le servir en cette vie selon son bon plaisir, et de le louer éternellement en sa gloire. Ma toute très-chère fille, je vous conjure d'invoquer souvent la divine Miséricorde sur moi, et que nos bonnes Sœurs me fassent celle charité, je vous en supplie de tout mon cœur, qui est entièrement vôtre en Notre-Seigneur ; qu'il soit béni.

La Règle qui donne liberté aux Sœurs de quelque pénitence pour la nécessité, avec conseil, la donne aussi à la Supérieure ; mais l'esprit de notre Bienheureux Père aimait singulièrement la suite de la communauté.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DXVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Invitation de se rendre à Annecy pour le service et l'utilité de la Congrégation.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma bonne et très-chère fille,

Je vous ai écrit amplement, et envoyé des lettres de M. le président pour Mgr de Langres, et des miennes pour préparer votre retraite ; nous attendons votre réponse, afin que, selon cela, nous prenions le jour de votre départ ; car il faut que vous [249] ne précipitiez rien, et aussi que nous nous accommodions à la commodité de nos Sœurs les Supérieures de Grenoble et Lyon que je désire voir avec vous à Nessy pour ma consolation, et encore pour l'utilité de notre Congrégation, si au moins il se peut, comme je l'espère de la bonté de Dieu. Oh Dieu ! quelle douce consolation à mon âme de revoir ma très-chère grande fille, avec ses deux premières compagnes de Lyon, et un peu à loisir ! Je pense qu'encore que vous ameniez notre Sœur M. -Marguerite [Milletot], il ne faudra pas laisser d'amener notre Sœur M. -Élisabeth [Sauzion] et la laisser à Lyon ; car je craindrais que la maison de Dijon ne fut trop chargée, d'autant que la Supérieure qui ira, mènera une compagne, et nous en avons ici prou ; je le dis à la Mère de Lyon que vous l'y laisseriez eu passant, ou du moins qu'elle la ramènerait, car j'espère que vous nous la ramènerez, cette petite Mère. M. votre père se porte fort bien, à ce que m'assure M. le prieur. Il y a apparence d'une grande moisson ici et de bons sujets. Je salue, mais de tout mon cœur très-humblement, votre bon Mgr de Langres, le cher cousin et nos pauvres Sœurs, et le cœur de ma chère grande fille, oui, chère fille surtout.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Choix d'un confesseur pour la Visitation de Chambéry. — Conseils pour la Supérieure d'Avignon. — Désir de réunir les premières Mères de l'Ordre, pour mettre la dernière main au Coutumier.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 7 février [1624].

Dieu soit béni ! Ma très-chère fille, je serais bien un peu mortifiée si mes lettres du commencement de janvier étaient [250] perdues ; car il y en avait une fort grande pour le Père de la Rivière. Je crois que vous aurez reçu celle que je vous écrivis partant de Nessy, et encore celle d'ici avec le plan ; de tout il faut se résigner. — Mais vous ne me dites point, ma très-chère fille, si vous avez reçu l'argent de madame de Vigny. J'attends de le savoir pour lui en faire les remercîments. — Croyez que je suis mortifiée avec vous de la mortification du bon M. Pernet, Mgr de Genève me dit tout à fait que nous ne le prissions pas, qu'encore qu'il soit bon, il ne serait propre pour nous ; mais je ne lui ai osé dire si ouvertement. Dieu nous a pourvues ici d'un très-homme de bien,[88] curé de cette paroisse, qui tient à grand honneur et consolation de nous confesser, et dire ou faire dire notre messe à point nommé, et cela par pure charité. C'est un trait de la douce Providence de Dieu. Notre Bienheureux Père l'aimait fort, et Monseigneur d'aujourd'hui nous le conseilla.

Je lui réponds ce que je puis de cette fondation de Mâcon. Croyez-le, certes, ma très-chère fille, je pense que je les lairrai faire, sans m'en plus mêler. Ces difficultés me font tant plus de dégoût des conditions que cette bonne dame nous demande.

Je crois que vous aurez reçu celle que j'ai écrite à notre Sœur la Supérieure d'Avignon. Il m'est venu en pensée que peut-être la difficulté qu'elle fait de recevoir cette principale femme qui est là, pourrait retarder Mgr l'archevêque à les établir ; car, si j'ai bonne mémoire, il me semble que le frère ou parent de cette femme a grand crédit vers Mgr l'archevêque, et vous savez que l'on peut faire jouer tels ressorts. Or enfin, nous ne saurions faillir en cette affaire, tandis que l'on se [251] gouvernera par le conseil du Père Maillan, auquel vous devez demander ce que vous devez [faire], et nos Sœurs doivent patienter, puisqu'elles font leurs exercices.

Si notre lettre au Père de la Rivière est perdue, je vous supplie, ma très-chère fille, de lui envoyer une copie de l'écrit comme Dieu me remit entre les mains de notre Bienheureux Père. Je salue très-chèrement le Révérend Père provincial et le bon M. de Saint-Nizier, et nos pauvres Sœurs que j'aime de tout mon cœur. Dieu soit béni !

[P. S.] Faites tenir nos lettres sûrement et promptement, et les fermez sans en point oublier. J'attends toujours votre grande lettre que vous me promettez. Nous ferons venir ici la Mère de Dijon. Je désire entièrement qu'elle vous prenne en passant, car j'ai jugé nécessaire que nous conférions ensemble. Je mènerai aussi la Mère de Grenoble. Il me semble que cela serait de grande utilité et que cette assemblée se fit à Annecy. J'en prévois mille biens ; assentez-le [obtenez le consentement] de M. de Saint-Nizier, car ce ne sera que pour peu de semaines, et le recommandez à Dieu.

[Veuillez me dire] si mes lettres du premier de l'an sont parvenues.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Il n'est rien qu'on ne doive souffrir pour sauver une âme et conserver la paix. — Aimer le mépris et se reposer en Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 7 février [1624].

Que voulez-vous, ma très-chère fille, il faut prendre d'un méchant payeur ce que l'on en peut avoir. Ne faites point [252] semblant de ces petits manquements de paroles qui ne tirent pas conséquence. J'estime beaucoup qu'elle conserve le désir de nous venir trouver, et qu'elle ait quelquefois de si vifs et pénétrants remords de conscience, comme elle me témoigne par sa dernière lettre. Confortez-la le plus cordialement que vous pourrez et la supportez suavement. J'espère que Dieu nous aidera si elle vient, comme elle me promet et témoigne le désirer passionnément.

Elle se doute que madame de Morville nous écrit et nous à elle ; cela la tient en grande peine ; ne lui témoignez pas de le savoir, ni rien de ce que je vous dis ; mais voyez si vous lui pourrez dire quelque chose de cela pour sa consolation. Il faut un peu tolérer les menées de ce bon homme, et patienter jusques à ce que l'on voie si elle exécutera son dessein de venir ; car ce remède guérirait tout. Enfin, pour sauver une âme et avoir la paix, qu'est-ce qu'il ne faut pas souffrir et patienter ?

Payez, je vous prie, généreusement les salières d'argent. Si Dieu l'amène à nous, on pourra reprendre sur sa pension quelque chose ; car, pourvu que nous tirions ce qui sera requis justement, vous pourrez réparer du reste les frais qui se sont faits. Bref, ma très-chère fille, traitez si noblement avec elle qu'elle n'ait aucune juste prise sur vous. Il faut que mademoiselle de Morville fasse moyen de retirer la nièce ; mais de la retirer à Paris et non à Moulins, s'il se peut. Vous faites très-bien de ne pas faire semblant de toutes ses dépenses ; cela ne durera pas, Dieu aidant, et sa bonté vous bénira, n'en douiez point ; ayez en elle une entière confiance ; ne soyez point en souci de vos indemnités, je vous en prie, tout sera rompu assurément.

Oui, ma très-chère fille, il faut aimer le mépris et l'embrasser chèrement partout où il nous sera [présenté] ; il ne le faut pas mépriser, mais le chérir et caresser, sans s'amuser à le regarder ; tenez toujours vos yeux fichés en Dieu, parmi toutes [253] sortes de peines et difficultés ; ne laissez point charger votre esprit de craintes, de soins ni d'appréhensions, ni même de sollicitudes ; faites ce que vous pourrez doucement, et gardez invariablement votre paix. Dieu accourra à votre secours, si vous vous reposez en Lui de toutes choses et tenez vos yeux fichés sur sa Bonté ; c'est ce que je vous désire et à toutes nos chères Sœurs que je salue de tout mon cœur.

Nous sommes ici à Chambéry dès trois semaines ; nous avons reçu trois fort bonnes filles. Dieu soit béni qui m'a rendue tout entièrement vôtre, ma très-bonne et très-chère fille.

[P. S.] Pour chose quelconque n'ébranlez point votre paix, mais faisant ce que vous pourrez, confiez-vous en Dieu. Il conduira le tout à votre profit.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Difficultés que rencontrent les Sœurs d'Avignon. — Invitation de se rendre à Annecy pour l'assemblée des premières Mères. — Conseils au sujet de la fonda-lion de Mâcon.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 13 février 1624.

Vous avez très-prudemment et charitablement fait d'envoyer secourir ces pauvres filles,[89] desquelles l'affliction m'entre bien avant dans le cœur. Une seule faute avez-vous faite, ma très-chère fille, c'est d'avoir arrêté l'exécution de ce qui sera jugé à propos jusqu'à ce qu'on ait de mes nouvelles ; car, en telle occasion, ma très-chère fille, ni certes en aucune autre, vous [254] ne devez attendre cela, ains vous servir de votre propre conseil qui est très-bon, surtout pouvant vous résoudre avec l'avis des Pères [Jésuites] et de M. de Saint-Nizier. Mandez donc, et promptement, que l'on exécute ce qui sera là jugé expédient, surtout puisqu'on a le Révérend Père provincial. Certes, il faut savoir si l'on veut établir ou non, et encore, si on nous établit, qu'est-ce qu'on fera de ces filles si éloignées de notre esprit. Véritablement, il me semble qu'il y a de l'impossibilité à joindre les nôtres avec elles, ainsi que je le vois être dans les lettres de nos Sœurs. Vous verrez que peut-être on jugera que le mieux sera de les séparer. L'état de cette maison et l'extrême répugnance de Mgr l'archevêque à donner l'établissement sont de puissantes raisons pour nous faire retirer humblement et doucement, et [je] pense que la pauvre Supérieure en serait soulagée et que le mal d'esprit accroît fort celui de son corps. Je prie Dieu qu'il nous la conserve. Celle de Paris a aussi un mal fort dangereux ; priez pour elle. Oh ! ma fille, qu'il faut avoir les dents bonnes pour mâcher tous les morceaux de cette vie ! Si nos Sœurs arrêtent là, et que les Pères jugent que je puisse servir Dieu et la maison, je ne refuserai pas [d'y aller], pourvu que Mgr de Genève le veuille ; mais ce ne pourrait être si promptement.

J'ai un désir extrême de vous voir avec la Supérieure de Dijon et Grenoble, à Nessy, après Pâques, pour quinze ou vingt jours. Je crois que Dieu en serait glorifié à l'utilité de notre Compagnie. J'en écrirai à M. de Saint-Nizier quand vous me le manderez, et nos Sœurs devront désirer cela et vous laisser venir librement sans rien appréhender. La Supérieure de Dijon vous prendrait en passant. Mon Dieu me donne cette consolation, si c'est pour son honneur ! Vous pouvez vous servir de cette occasion pour ôter votre Sœur N*** de sa charge de directrice, soit en l'amenant pour compagne, ou la laissant en charge de Supérieure pendant votre absence ; mais Dieu vous [255] donnera lumière et quelque occasion. Il est bon d'employer les filles pour être assuré de leur capacité.

Je vous ai répondu pour la fondation de Mâcon. Prenez deux ou trois Pères Jésuites et leur proposez le tout, puis concluez, car il faut faire ou défaire. Cette bonne dame veut trop de choses ; mais elle est si bonne que l'on peut espérer d'en obtenir le retranchement. Si l'on va à Mâcon, il faudra au moins obtenir qu'elle laisse encore pour quelque temps notre Sœur M. E. à Saint-Étienne ; et, certes, quand elle aura connu nos Sœurs, elle les trouvera si bonnes qu'elle s'en contentera. Sur un si bon jugement que celui du Révérend Père provincial, l'on ne peut faillir, puisqu'en effet il ne manque à notre Sœur C. C. que l'âge et l'expérience. Dieu [les] lui donnera, car en forgeant on devient orfèvre ; c'est une vraie bonne fille.

Je n'ai point reçu la lettre du Père provincial. Nous parlerons de son sujet à Nessy ; ni si vous avez reçu l'argent de madame de Vigny. — J'aime de tout mon cœur la petite Sœur du Peloux ; si j'avais loisir, je lui écrirais, mais je viens de recevoir vos lettres auxquelles je réponds, et aux autres pour ne perdre l'occasion première du courrier qui va partir. — Dieu sait combien je souhaiterais de contenter M. Pernet pour votre consolation et la sienne. Je ne vois pas qu'il se puisse, au moins si tôt. Si nous nous voyons à Nessy, comme j'espère, nous parlerons de tout.

N'avez-vous pas reçu deux plans pour votre bâtiment ? — Dieu soit loué de la réduction de notre Sœur N*** ; je serai bien aise d'en savoir l'histoire. — Vous avez bien fait de donner le prix fait de votre bâtiment. Il n'y aura moyeu de recevoir si tôt les parentes de M. Gaudeville ici, parce que aussi nous y sommes pauvres. Le temps amènera tout. Je fais brûler et brûle moi-même les lettres de nos Sœurs. Depuis huit jours, voici la troisième fois que je vous écris, Dieu soit béni ! On attend cette lettre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [256]

LETTRE DXXI (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

ASSISTANTE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

L'attrait du parfait dénûment doit être suivi en l'action et en l'oraison. —Devoir de la Sœur assistante envers la Supérieure malade.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Il faut que notre chère Sœur la Supérieure porte sa croix en souffrant, et vous autres, qui la voyez en ses peines, en compatissant et vous soumettant toutes au bon plaisir de Dieu, qui ordonne tout cela. J'écris à notre Sœur Hélène-Marie ; certes, elle est à plaindre et faut grandement dissimuler avec elle, sans toutefois lui souffrir nullement ni tolérer les manquements qu'elle fera devant la communauté, à cause des conséquences que les esprits faibles en pourraient tirer. Au bout, il la faut supporter et prier grandement pour elle, car il me semble que Dieu seul peut guérir son esprit. Je pense qu'il ne faut pas beaucoup se peiner autour d'elle, ni la laisser parler, mais la divertir et encourager imperceptiblement ; or, Dieu donnera les remèdes qui se pourront, je l'en supplie.

Je viens à vous, ma très-chère fille, que j'aime certes très-cordialement. Tout, ce qui s'est passé en votre solitude est très-bon ; ne vous peinez plus pour faire des actes en l'oraison ; demeurez en cette inutilité fort humble et soumise, Dieu ne veut de vous que cela ; continuez avec fidélité. Je vois que vous êtes toujours fort attirée au parfait dénûment et que ce sont les souveraines délices de votre âme que cet abandonnement en Dieu. Suivez bien cet attrait en l'action aussi bien qu'en l'oraison, vous dénuant fort de toutes ces petites craintes de faillir et prétentions de satisfaire. Méprisez tout cela, embrassez [257] très-chèrement l'abjection qui vous arrivera en toutes choses, car cette pratique est solide et assure tout le reste.

La Supérieure ne doit être estimée absente, que quand elle n'exerce pas la charge de sa supériorité, soit par son absence du monastère ou par maladie, en sorte que tout à fait elle ne fasse point les fonctions de sa charge de Supérieure ; [ainsi] que pour ces petits honneurs que vous marquez, on ne les rend pas à l'assistante que lorsque fout à fait elle tient la place de Supérieure. Oui, faites donner à la Supérieure ces petits soulagements, car sa grande infirmité le requiert, et faites faire des prières particulières pour elle tandis qu'elle sera ainsi malade, mais courtes ; comme aussi vous devez faire librement ce que vous connaissez être à faire, et ma Sœur la Supérieure se doit entièrement remettre à vous, et vous laisser la charge tandis qu'elle ne la pourra pas exercer. Allez avec une sainte liberté d'esprit en toutes vos actions, et me croyez, que je vous tiens toujours fort chèrement dans mon cœur, et certes toutes nos Sœurs aussi, quoiqu'en divers rangs, car je ne peux dire combien je les aime et leur souhaite le vrai esprit d'humilité, douceur et simplicité en l'exacte observance ; je me confie en leurs prières. Ma fille, ne m'oubliez pas devant Dieu, je vous en prie, et toutes nos très-chères Sœurs aussi. Dieu les bénisse, et soit à jamais béni ! Un salut cordial et tout affectionné à notre bonne Sœur Marie que j'aime bien.

Conforme à une copie de l'original garde à la Visitation de Voiron. [258]

LETTRE DXXII (Inédite) À LA SŒUR HÉLÈNE-MARIE GRISON

AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

L'acquiescement au bon plaisir de Dieu dans les souffrances spirituelles et corporelles est une très-profitable oraison. — Se contenter pour l'ordinaire de la direction de la Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1621.]

Ma chère fille,

Les médecines sont toujours un peu amères au goût, mais on ne laisse de les prendre de bon cœur pour l'espérance qu'elles nous profiteront. Faites ainsi des mortifications que l'on vous présente, car enfin, ma chère fille, nous y sommes contraintes et obligées en conscience pour le bien des âmes en particulier et en général. Mais je suis bien contente et en loue Dieu, de voir que vous prenez bon courage pour votre amendement et pour l'amour de notre bon Dieu ; ma chère fille, persévérez et croissez, vous en recevrez mille consolations, et c'est le meilleur remède que vous puissiez donner à vos maux spirituels et corporels, outre le grand et principal motif que vous devez avoir de plaire à Notre-Seigneur, que je supplie vous fortifier en cette sainte entreprise. Ne vous travaillez point la tête pour faire des actes et exercices de l'entendement ; c'est une très-profitable oraison et très-agréable à Dieu que d'acquiescer pleinement à son bon plaisir en nos douleurs et incommodités corporelles ou spirituelles.

Je ne suis pas d'avis que vous parliez toujours à une même Sœur. Je manderai à votre chère Mère que les fêtes elle vous en baille une pour demi-heure ou trois quarts d'heure, avec laquelle vous puissiez vous encourager au bien. Quand vous aurez une vraie nécessité, je ne trouve pas mauvais qu'on appelle quelque Père pour vous soulager ; mais hors de là, ma [259] chère fille, si vous me croyez, vous n'en désirerez point, et irez avec toute la confiance qui vous sera possible à votre bonne Mère, vous rendant courte à cause de ses affaires et encore de son infirmité. Pour la licence de m'écrire deux fois l'an, je la vous donne de bon cœur, ma très-chère fille, vous conjurant de demeurer avec fidélité et humilité devant Dieu et les créatures, et vous assurez que je prierai de bon cœur pour vous, qui suis toute vôtre en Notre-Seigneur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

La prière, la douceur et le bon exemple profitent plus que la sévérité. — Ou demande une fondation à Brioude. — Respect envers le confesseur.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 18 février 1624.

Vous avez bien raison, ma pauvre très-chère Sœur, de ressentir plus l'imperfection de nos Sœurs que toutes vos autres peines ; certes, tout est doux aux âmes religieuses, pourvu que le soin de plaire à Dieu par une exacte obéissance vive et règne au monastère, car toujours la divine Bonté a soin de telles âmes. Je leur écrirai ce que Dieu me donnera, et je Le supplie de parler Lui-même à leurs cœurs. Je pense, ma très-chère Sœur, qu'en les reprenant il ne faut pas que vous vous montriez sensible, car la douceur, les prières, le bon exemple, et surtout la sainte oraison, profiteront plus que la sévérité ; on s'accoutume à ce bruit-là comme les enfants au fouet. Or, je sais que toutes ont bonne volonté. Je ne redoute que cette pauvre Sœur N. Dieu la veuille toucher, s'il lui plaît. On connaît les gens à l'œuvre ; vous pourriez donc employer notre Sœur M. -S. au [260] noviciat. Pour Dieu, que l'on dresse bien les novices à la douceur, simplicité et soumission, et qu'on leur inculque qu'elles ne doivent chercher autre perfection que celle-là par une parfaite observance.

Vous faites fort bien de conserver la bienveillance de M. l'official. Certes, je suis fort marrie de ce que cette mauvaise intelligence continue. — Je prie Dieu qu'il donne patience à votre bonne dame et à sa famille ; je serais très-aise qu'elle put avoir la consolation d'entrer parmi vous ; je ne vois rien qui l'en puisse empêcher, se rendant bienfaitrice de la somme que vous me dites, qui est assez suffisante. Vous verrez ce que notre bon Père en a ordonné dans le Coutumier de la Supérieure, que nous joindrons à l'autre en les faisant imprimer ; au moins, on en laissera peu.

Je réponds à notre Sœur de Montferrand pour la fondation de Brioude, car elle m'en écrit au long. Ces dames, qui en ont tant de désir, devraient pourvoir pour l'entretien des Religieuses, car il y a fort peu là de grandes difficultés, puisqu'on dit que les filles assemblées sont si bonnes. Serait-ce que les habitants n'aimassent pas nos Sœurs, parce qu'elles n'instruiront pas les jeunes filles ? — Je salue très-humblement madame de N. que j'honore grandement. — Vous faites bien de faire remettre les autorités ordinaires à votre confesseur, car la Règle le dit ; mais, pour Dieu, ma très-chère Sœur, observez bien le respect qu'elle ordonne qui lui soit rendu, non-seulement en sa présence, mais en son absence, usant toujours de mots respectueux et de prières.

Vous voulez que je vous dise toujours mes pensées, et que je répète que vous ne vous montriez point sensible sur les défauts des Sœurs, n'usant point de paroles [rudes], mais usez d'encouragements et de prières cordiales ; et quand il faudra corriger et donner des pénitences, montrez qu'il vous fâche et faites cela avec un amour de charité, et, comme la Règle dit, [261] blâmant le défaut, supportez la défaillante, et vous verrez que cette méthode est de Dieu et qu'elle profitera à vos filles. Votre cœur m'est si bon, que je sais qu'il recevra de bonne part ceci, puisqu'il part de l'affection sincère de celle que Dieu vous a donnée sans réserve. Nous voici à Chambéry dès un mois ; nous y sommes au grand contentement de tous ; nous avons prou de filles ; Dieu y répande sa sainte bénédiction !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

La Sainte s'excuse d'écrire quelques notes sur ses rapports avec son Bienheureux Père. — Précieuse mort de la Supérieure d'Avignon.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 22 février [1624].

Ma très-chère fille,

Nous avons enfin reçu votre paquet où était la lettre du Révérend Père provincial. Dieu me veuille délivrer de l'orgueil qui me donne tant d'aversion à faire ce qu'il me dit. Il me fâche fort de faire voir ce que je suis en comparaison de ce que l'on en pense, puisqu'on veut que je l'écrive. Seigneur Jésus ! ma très-chère fille, que suis-je et quelles sont mes actions pour donner de telles pensées ? Si Dieu me donne le loisir, je le ferai, si mes raisons représentées ne sont reçues.

Je ne sais d'où procède que vos lettres me sont si tard rendues ; faites-y mettre ordre, si vous le jugez utile. Notre Sœur la Supérieure de Grenoble m'a dit le décès de notre pauvre Sœur d'Avignon,[90] et la grande vertu que cette sainte âme a [262] témoignée à son passage. Je ne puis douter qu'elle ne jouisse de cette souveraine Bonté qui l'avait tant favorisée. Il me tarde de savoir comme tout cela ira et que deviendront ces pauvres chères filles. — Il faut adresser le paquet d'Auvergne à notre Sœur de Riom. Ma très-chère fille, dites-moi si nous ne pouvons pas avoir le bien de vous voir à Nessy et quand il sera le plus facile.

Mon Dieu ! et madame Daloz ne payera-t-elle point ? Le terme de payer cette maison [de Chambéry] s'approche, et je ne sais avec quoi. Ma fille, obligez-nous de la faire presser, et faites observer ce que dit la Règle ; mais, je vous en prie et conjure, ma très-chère fille, notre nécessité nous presse pour payer cette maison. — Bonsoir, ma très-chère fille. C'est un plaisir de voir l'empressement de la bonne Sœur de Grenoble qui est ici venue pour les affaires de leur monastère, car elle est au bout de ses six ans [de supériorité] ; or, nous vous verrons et en parlerons ensemble, je le désire, ma très-chère fille. Dieu soit béni ! Je salue nos Sœurs et votre chère âme.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [263]

LETTRE DXXV - À LA MÊME

Après l'humilité et l'entière dépendance de Dieu, rien ne contribue plus au bonheur des maisons religieuses que le bon choix des sujets.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 23 février [1624].

Vous n'aurez encore que ce billet avec ce plan pour lequel je vous ferai une autre fois un mémoire. Qu'importe, ma très-chère fille, ce que l'on dit et dira de vous pour le renvoi de cette bonne fille ? Je n'ai rien tant à cœur, après la très-sainte humilité et dépendance de Dieu, sinon que l'on choisisse bien les filles ; mais si je pouvais, je graverais tellement cela dans les esprits de nos Religieuses et surtout des Supérieures, que rien ne l'effacerait jamais. O ma fille ! surtout il faut être fidèle en cela d'établir bien vos filles en humilité, mortification et oraison, et vous verrez toujours que Dieu vous aidera.

Je n'ai point eu de nouvelles de M. N***, il y a un mois. Ce coup de pistolet qui a percé son chapeau nous donne grand sujet de remercier Dieu et le prier toujours plus soigneusement pour la conservation de ce digne Père. L'on dit ici qu'il est allé à Rome, Dieu le veuille !

Ce plan est bien, mais il faut toujours que ce soit une personne entendue aux bâtiments qui le pose sur les places où l'on voudra bâtir, afin de tourner les principaux logements des Sœurs du côté du levant et du midi. Ma fille, je vous conjure de prier pour mes besoins particuliers. Je salue toutes nos chères Sœurs, M. de Saint-Nizier, le Père spirituel, et M. votre confesseur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [264]

LETTRE DXXVI - À LA MÈRE MARIE-MADELEINE DE MOUXY

SUPÉRIEURE À BELLEY

Elle l'encourage à souffrir joyeusement la pauvreté et à se confier en la Providence. — Réception d'une prétendante aveugle.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma pauvre très-chère sœur,

Tâchons d'employer fidèlement les occasions que Dieu nous présente, pour nous avancer en son saint amour par une totale résignation et confiance en sa Providence. Je parle ainsi, parce qu'il plaît à Dieu de me faire sentir, au milieu de mon cœur, votre pauvreté, et tant d'afflictions et travaux que souffrent plusieurs de nos monastères. Que bienheureuses serons-nous toutes, si nous les embrassons joyeusement, demeurant soumises et en repos dans le sein de notre Père céleste, sans vaciller un seul moment en la confiance invariable que nous devons avoir à sa bonté ! Ne pensez point, ma très-chère Sœur, ce que vous aurez à faire, si Dieu permet que toutes choses vous manquent, ni si vous demanderez l'aumône, ou si vous attendrez que sa Providence vous pourvoie. Mais si vous tombez en ces points, et que Dieu veuille faire cette épreuve de votre cœur, alors vous lui demanderez ce que vous aurez à faire ; et avec une confiance nouvelle vous lui ouvrirez votre cœur, et le lui abandonnerez, espérant contre toute espérance. Que bienheureuses serions-nous, si nous mourions de faim par la volonté de Dieu, car les rassasiements éternels ne nous manqueraient pas !

Si cette bonne aveugle a l'esprit propre pour observer la Règle, je ne ferais point de difficulté de la recevoir.[91] Oh Dieu ! [265] qu'une âme est heureuse, qui a un vrai brin d'humilité ! J'aime bien toutes nos chères Sœurs qui sont auprès de vous, et les chères novices qui sont si bonnes. N'ayez peur que Dieu abandonne celle petite troupe-là ; ayez patience et confiance. J'ai vu de nos établissements plus abattus, et Dieu les a bien relevés. Tenez-vous joyeuse, ma pauvre très-chère Sœur, et vous reposez en Lui, qui vous a déjà témoigné des effets de sa providence. Votre, etc.

LETTRE DXXVII - À LA SŒUR FRANÇOISE-ANGÉLIQUE DE LA CROIX DE FÉSIGNY

À ANNECY[92]

Il faut s'humilier de ses fautes sans jamais se décourager. — Ne rien demander et ne rien refuser.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624]

Ma très-chère petite,

C'est une pure tentation que vos découragements ; car, dites-moi, quel fruit vous apportent-ils et quel sujet en avez-vous ? Pensez-vous qu'il soit en notre pouvoir d'être toujours attentives à Dieu, et de ne point faire de fautes ? Certes, il faudrait être Ange ; or, je vous prie de vous accommoder à la condition de celle misérable vie, tandis que vous y serez. Soyez, tant que vous pourrez, fidèle à Dieu, mais sans aucune anxiété ni [266] trouble, et quand vous aurez manqué à la fidélité, humiliez-vous sans découragement, et cette humiliation et amour de votre abjection en tranquillité et paix sera plus agréable à Dieu que vos pointilleuses fidélités.

Ma fille, résignez-vous bien entre les mains de Dieu, et n'ayez point tant de souci de votre âme ; laissez-nous-en le soin, je vous en prie, et quittez tout à fait cette pusillanimité. Au reste, ma fille, préférez la maxime de notre Bienheureux Père à vos inclinations : Ne demandez rien, ne refusez rien. Demeurez en paix ; si l'on vous laisse au noviciat, demeurez en paix ; si l'on vous en ôte et toujours, demeurez en paix ; c'est ce que je vous recommande.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Regrets du décès de la Mère de la Balme ; éloge de ses vertus. — Du changement de l'assistante et des autres officières.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 5 mars [1624].

Ma très-chère fille,

Je suis tant accablée d'affaires et d'écritures que je ne puis faire tout ce que je veux ; je fais le nécessaire. Je ne sus encore voir les lettres de nos Sœurs J. -Françoise et [mots illisibles] ; mais Dieu aidant, je leur répondrai par la première voie. Oh Dieu ! ma fille, que le trépas de cette chère Sœur d'Avignon m'a touchée, et quelle perte ! car il y a moins de telles âmes qu'il ne se peut [dire]. Dieu nous la rendra utile au ciel. Son saint nom soit béni ! Mais à quoi aboutira ce commencement de maison d'Avignon ? — Il faut que la petite Sœur du Peloux soit [267] exacte, mais non pas pointilleuse, cela pourrait lui ôter sa paix. Sur toutes les choses écrites, voire, en la très-sacrée sainte Écriture, il y a des choses qui semblent se contrarier ; pour cela il ne faut pas laisser d'écrire et d'enseigner ; mais il faut être fort simple et fidèle à suivre le train commun sans pointiller.

Pourquoi, ma très-chère fille, ôterait-on la liberté à nos monastères de changer les assistantes et autres officières, puisque la Constitution dit si clairement qu'elles ne demeureront ès charges qu'autant que la Supérieure voudra, et que le Coutumier marque que l'on se tiendra à cela ? L'intention de notre Bienheureux Père et la mienne ne peuvent pas être mieux déclarées, et je trouve étrange que vous me parliez comme s'il y avait quelque chose à douter de cela. Ma fille, il se faut affermir. Il ne faut non plus craindre [exiger] que les Supérieures s'assujettissent trop à donner les soulagements aux Sœurs qui ne les demanderont pas ; car chacun sait que ce qui est des Règles doit être préféré aux avis, et jamais notre Bienheureux Père ne l'a entendu autrement ; il y a assez d'autres occasions pour pratiquer son saint et sacré document : Ne rien demander et ne rien refuser.

Tâchez de faire regagner M. de Saint-Nizier et lui faire entendre que vous n'eussiez jamais entrepris de bâtir s'il n'eût dit qu'on le fit [mots illisibles] ; mais ce sont des petites affections et opinions qu'il faut supporter ; le temps emportera cela. Je crains que tout à fait vous ne le perdiez, si vous vous adressez à M. le grand vicaire. Je pense que Mgr l'archevêque n'est pas prêt à retourner. Certes, cela va mal que vous n'êtes point crue, ni que la visite [canonique] ne se fait point chez vous. Dieu veuille tout conduire à sa gloire ! — Nous vous remercions de vos beaux bouquets ; ils sont très-beaux. Je salue nos chères Sœurs ; ma très-chère fille, je suis plus vôtre qu'il ne se peut dire.

Dieu soit béni ! [268]

 [P. S. ] Faites tenir et promptement, s'il vous plaît, les lettres de Moulins, et, si l'on vous renvoie mon petit livre, gardez-le jusqu'à ce que je vous mande autre chose, et faites prier pour moi, je vous en prie, j'en ai besoin. Mais n'oserais-je espérer le contentement de vous voir à Nessy pour quinze jours, quand il sera jugé à propos ; cela me fâcherait un peu. Faites tenir mes lettres à madame de Vigny et nous faites tenir son argent, vous remboursant des quatre-vingts francs que vous avançâtes pour la maison d'ici, de laquelle je voudrais avoir le contrat, et que madame Daloz nous payât. Je crains que le temps ne fasse perdre nos chandeliers d'argent.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXIX - À LA MÊME

Comment faire utilement la correction fraternelle.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 9 mars 1624.

Or, pour répondre un mot à chacune de nos Sœurs, je dis à notre Sœur J. -Françoise que si jamais (ce que Dieu ne veuille permettre) elle voyait une Sœur tomber en quelque notable péché qui fut secret et qui ne tirât point de conséquence, et qu'elle n'eût point de doute que ses remontrances ne puissent profiler à la Sœur et l'aider à [se] relever, elle devrait simplement suivre la Règle en ses avis. Que si telle rencontre arrivait à notre Sœur Guérard, et qu'elle se sentît incapable de pouvoir aider la Sœur tombée, ou bien que, selon son jugement, elle pensât que son avertissement ne serait pas bien reçu d'elle, alors elle peut en toute simplicité et confiance avoir recours au droit commun qui est à l'avis de la Supérieure, pour savoir d'elle comme elle devra se comporter ; et elle ne doit point en telle occasion craindre de nommer la défaillante, [269] car il est requis de la connaître pour bien la conseiller ; et, en cela, ne ferait rien contre la Règle, laquelle n'entend jamais, non plus que toute autre loi, de priver personne du droit commun. Voilà ce que, selon Dieu et ma Règle, je leur puis et dois répondre. Quiconque marchera humblement et sincèrement devant Dieu ne se fourvoiera point par ce chemin...

Ma très-chère fille, je vous envoie des lettres pour M. Mugnier ; faites-les-lui tenir par la voie de ceux qui vous ont donné l'argent ou autrement. Il y en avait aussi pour notre Sœur de Dijon.

Quand vous aurez reçu notre livre du Père de la Rivière, envoyez-le-moi par une voie bien sûre et prompte, je vous en prie, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

[P. S.] Notre petit livre dont j'ai parlé, c'est pour l'envoyer au Père général des Feuillants [dom Jean de Saint-François], qui me le demande. Si le Père de la Rivière ne le fait pas tenir, écrivez-lui encore, et le pressez sans dire que c'est pour le Père général. Certes, il me désoblige de le tant garder, cela me tient en peine, car Mgr de Genève me commande de l'envoyer tout promptement, et je n'ai rien ; il faut en tout patience et bénir Dieu.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXX - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES

Miracles opérés par l'intercession de saint François de Sales. — Exigences de madame de Chevrières.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Monseigneur,

C'est la vérité que je ressens une extrême consolation et soulagement du bonheur de notre fils. La gloire en soit à Dieu, [270] et à vous la récompense, mon très-cher seigneur, qui lui êtes vrai père ; j'espère que plus que jamais vous aurez tout pouvoir sur lui, et que M. son beau-père pourra grandement le retenir et sa chère petite femme. Je ne peux leur écrire pour cette fois, car j'ai la tête toute mal faite. Je crois que le laquais leur sera arrivé maintenant ; j'écrivais à tous et à vous, mon cher seigneur. Je mettrai ici un mémoire de quelques miracles que Dieu fait par les prières de son très-humble serviteur [François de Sales]. Journellement on obtient des grâces, et cela en si grand nombre, qu'elles ne se peuvent écrire. On espère sa béatification ; on écrit sa vie, et plusieurs grands serviteurs de Dieu demandent des mémoires pour cela. Oh ! Certes, il fait bon servir un si puissant et si miséricordieux Seigneur qu'est-ce grand Dieu. Ces merveilles qui nous sont des témoignages de la gloire que possède ce Bienheureux au ciel, nous servent de grande consolation. Béni soit Dieu !

J'ai toujours bien pensé que madame de Chevrières ne ferait pas une fondation entière ; mais aussi n'avons-nous pas accoutumé d'être fort riches en ces commencements. On ne laissera pas d'accepter sa bonne volonté, et lui donner les privilèges de fondatrice, et l'entrée à celle qui lui succédera, et le cierge blanc le jour de la Présentation ; quoique, pour vous dire simplement, Monseigneur, je trouve qu'elle requiert là des marques d'une plus ample fondation que celle qu'elle veut faire ; mais passe pour cela. Quant aux six filles qu'elle propose de faire recevoir pour rien, oh ! certes, elle est admirable ; car, quand ce ne serait pour une seule fois, nous lui donnerions bien autant qu'elle nous donnerait : où irait donc cela, si on le faisait à perpétuité ? Vraiment, je ne pense pas que, quand nous serions les plus affamées du monde, de faire des monastères (ce que nous ne sommes nullement), nous acceptassions cette condition, sinon qu'elle fît une entière fondation de rentes et de bâtiments. Voilà donc mon sentiment [271] conforme au vôtre, Monseigneur, que je vous dis tout franchement. Je prie Dieu qu'il nous tienne toujours de sa sainte main ; qu'il vous protège et conserve dans le sein de sa miséricorde, et vous comble enfin de sa seule très-désirable éternité. Je ne manque point aux communions du mercredi et samedi, ainsi que je vous l'ai promis, afin que le mérite de ce divin Sauveur vous soit à salut éternel. Croyez, mon très-cher seigneur, que du fond de mon âme, je vous souhaite ce comble de tout bonheur, étant de cœur comme de fait votre très-humble et très-obéissante Sœur, fille et servante en Notre-Seigneur.

LETTRE DXXXI (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Projet d'une fondation à Évian.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 mars 1624.

Mon cher frère,

J'emprunte la main de ma Sœur, parce que je n'ai su cette occasion qu'après souper. Le Père recteur a grand désir que le Père Dufour vienne pour Pâques. Je ne sais si vous serez de la troupe ; mais le bon M. le chevalier Balbian en aurait quasi envie ; au moins m'a-t-il déjà demandé deux ou trois fois si vous ne viendrez pas pour Pâques ; car, pour eux, je pense qu'ils s'en iront incontinent après. Or, je vous supplie, mon très-cher frère, que vous me mandiez bien amplement ce que vous pensez de cette prétendue fondation d'Évian, et ce que, de notre part, nous y devrons faire, et encore dans quel temps il faudrait envoyer des Religieuses, afin que je puisse donner parole aux filles qui sont reçues pour cela, pour le temps de leur entrée parmi nous. [272]

L'on fait courir [ici] le bruit que vous ne reviendrez plus en ce pays, je voudrais bien savoir s'il est vrai ; car nous vous voudrions bien ici et là pour quelque temps. Toute notre petite communauté vous salue très-chèrement. Notre [Sœur] Claude-Marie vous souhaite bien pour son paradis [reposoir] ; notre Sœur l'économe et notre Sœur l'assistante veulent dire chacune son petit mot. Bref, vous êtes bien le très-cher frère de toutes, surtout de moi, qui suis, mon très-cher frère,

Votre plus humble et affectionnée Sœur et servante en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXXII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Affaires d'intérêt. — Du recours que les Sœurs peuvent avoir à la coadjutrice pour avertir la Supérieure. — Utilité d'une réunion des premières Mères de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Dites-moi, avez-vous reçu un grand paquet de lettres que je vous envoyai, dès la fin de janvier ou le commencement de février, pour notre Sœur la Supérieure de Dijon, dans lequel il y avait des lettres de feu M. le président son père pour Mgr de Langres et des miennes ? car elle ne l'avait pas encore reçu le quatrième de mars. Je vous supplie derechef que si la Mère de Bourges vous écrit, de lui envoyer ce que nous vous avons prié de lui faire tenir au plus tôt, sans toutefois le prendre de l'argent de madame de Vigny, parce que nous sommes ici sans argent ; mais je vous promets, Dieu aidant, de le vous faire tenir dans un mois après que vous l'aurez délivré. Vous [273] prendrez pourtant vos quatre-vingts francs que vous avez avancés pour cette maison, de l'argent de madame de Vigny.

Pour ce qui est du sujet pour lequel le Révérend Père général m'avait écrit, nous en résoudrons à notre première vue, s'il plaît à Dieu. Je trouve qu'il n'est que bien d'avoir donné ce petit exercice à nos Sœurs ; l'occasion en était utile. Je vous ai répondu sur les lettres de nos Sœurs. Je crois que l'intention de notre Bienheureux Père n'était autre que celle qu'il a exprimée dans les Règles et l'Entretien. Je sais bien aussi qu'il a toujours voulu que les Sœurs me parlassent avec une entière simplicité ; mais il disait que toutes les Supérieures n'étaient pas propres à cela ; c'est pourquoi, parlant généralement à toutes, il a dû parler comme il a fait sans restriction de capacité ou d'incapacité ; car, s'il eût dit cela, les filles n'eussent cessé d'examiner la capacité de la Supérieure, et les unes la jugeraient capable, et les autres non ; de sorte qu'il faut en cela laisser abonder chacune en son sens, et selon qu'elles se sentiront inspirées ; car, en ces choses-là, si elles y ont quelques difficultés, elles doivent toujours demander la lumière à Dieu.

Or, ma très-chère fille, plus je vais avant, plus j'apprends de choses qui arrivent en nos monastères, lesquelles méritent grande considération, et me font toujours plus désirer de nous voir ensemble, nous autres premières filles de Nessy, afin que, devant que je meure, nous résolvions ce que nous aurons à faire pour le repos de nos pauvres maisons et l'affermissement de notre chère Compagnie ; mandez-m'en votre sentiment. La Mère de Grenoble le trouve bon, et le Père recteur d'ici auquel j'en ai parlé. Bref, cela ne peut que profiter, quand ce ne serait que pour faire voir l'état auquel notre Bienheureux Père a laissé le monastère de Nessy, et si nous avons recueilli sincèrement ses intentions ; le tout en demeurera plus ferme, et mille autres biens que je ne puis dire. Faites prier continuellement pour cela, afin que la sainte et seule volonté de Dieu soit faite. [274]

Ma très-chère fille, je vous supplie de faire tenir promptement au Père de la Rivière le papier qui traite de la remise que Dieu fit de moi entre les mains de notre Bienheureux Père, car ce bon Père m'en presse grandement. Je vous en ai déjà écrit deux ou trois fois, et de remettre l'argent de madame de Vigny à M. Bataillon, présent porteur de ces lettres, si déjà vous ne l'avez donné à quelque autre. Mais je vous prie de m'envoyer un bordereau de toutes les espèces que vous m'enverrez ; il me le remettra en mains propres.

Je salue très-chèrement nos bonnes et très-aimables Sœurs, et je les chéris très-cordialement. Mandez-moi si ce ne serait point à propos que j'écrivisse à M. de Saint-Nizier ; il me fâche si nous le perdons.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXXIII (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À DIJON

Estimer l'esprit de tous les Ordres religieux, mais s'attacher de préférence à celui de son Institut. — Une âme qui veut tendre à la perfection doit rester égale au milieu des inégalités de la vie.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Je pense n'avoir reçu qu'une seule lettre de vous depuis que vous êtes chez ces bonnes dames [Bernardines[93]]. Au moins [275] y a-t-il fort longtemps que je n'en avais eu. Or sus, j'espère que vous en partirez bientôt, puisque nous attendons le retour de ma Sœur [Favre] à Pâques, pour Je plus tard, et qu'il faudra que vous soyez là en charge, en attendant que l'on y envoie celle que nous désirons bien fort d'y envoyer.

L'esprit des bons Pères de l'Oratoire est un très-bon esprit, quoique différent en quelque chose de celui de notre Bienheureux Père, lequel il nous faut chérir et conserver précieusement par une parfaite observance, et honorer les autres, laissant chacun suivre sa voie. Demeurez en paix sous la conduite de l'obéissance, et vous employez humblement à ce que l'on vous ordonnera. Je salue toutes ces bonnes dames, à part madame la coadjutrice et sa sœur ; quand son esprit sera un peu débarrassé du monde, elle fera prou. Je ne puis écrire à votre Sœur Catherine de Jésus,[94] que j'aime toujours bien. Oh ! qu'elle sera heureuse, si, par la force de ses résolutions, elle demeure égale dans les mouvements de ses inégalités, et qu'elle prenne sa consolation de vivre dans les désolations pour l'amour de la sainte volonté de Dieu !

Je salue chèrement notre Sœur Françoise-Augustine [Brung] avec vous, que je prie Dieu de bénir et rendre selon son Cœur. Je suis toute vôtre en son saint amour.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [276]

LETTRE DXXXIV (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM.

De quelle importance est le bon choix des sujets ; n'en point admettre qui ne soient bien appelés de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 19 mars 1624.

Ma très-chère fille,

Je ne puis écrire à notre Sœur de Montferrand, que je ne salue votre bon cœur de toute l'affection du mien. Notre Sœur M. -Marguerite des Serpens m'écrit que l'on vous a envoyé sa jeune sœur, laquelle n'a que treize ans, et qu'on vous l'a conduite sans qu'elle ait aucune inclination à la Religion. J'ai cru vous devoir avertir de cela. Cette bonne Sœur est en grande appréhension que sa sœur aînée ne sorte de chez vous ; elle pense que la douceur et la patience la pourront gagner. Dieu, par sa bonté, vous donne son esprit pour bien discerner les esprits qui seront propres à notre manière de vie ! Je reconnais tous les jours mieux l'importance de n'en point admettre de bizarres ; car enfin un seul esprit mal fait est capable de renverser un monastère. Bon Dieu ! que les esprits d'ici sont bons pour la Religion !

J'espère que nous partirons incontinent après Pâques pour retourner à Nessy ; nous lairrons ici en charge notre Sœur M. -Adrienne [Fichet], laquelle a fait un grand profit ; elle est aimée dedans et dehors. C'est en attendant la Supérieure, notre Sœur Péronne-Marie [de Châtel].

Je crois que notre Sœur de Paris vous procure la réception d'une fille, et que madame de Saint-Géran vous en désire une autre. Quand ces âmes sont vraiment touchées de Dieu, elles ne sont pas à rejeter. Je crois que l'on vous en aura avertie. Je suis fort pressée, je finis donc en vous saluant de toute mon [277] affection, et toutes nos Sœurs. Vous savez que je suis tout entièrement vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni I

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXXV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

L'assemblée des premières Mères à Annecy est ajournée aux fêtes de la Pentecôte. Utilité de cette mesure. — Envoi au Père général des Feuillants d'une collection de lettres de saint François de Sales, pour servir à l'histoire de sa Vie.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 24 mars 1624.

Je vois bien, ma très-chère fille, que vous ne viendrez pas pour ce coup. Notre Sœur [M. À. de Morville] nous écrit derechef qu'elle veut venir aussi ; je l'ai remise à la Pentecôte, car nous ne pouvons être de retour qu'en ce temps-là. Si vous n'étiez point si éloignée, certes, j'eusse bien désiré que vous eussiez fait cette conduite ; mais Dieu nous réserve cette consolation pour une autre fois ; cela ferait trop de bruit maintenant. Si Mgr de Nevers veut permettre à notre Sœur la Supérieure de l'amener je serai grandement aise que cette occasion nous donne le moyen de la voir un peu, car, à mon avis, ce lui serait utile.

Je pense que toujours nous poursuivrons notre dessein de mettre ici notre Sœur [M. A. Fichet] Supérieure, et que, par toutes ces raisons, je pourrai voir quatre ou cinq de nos Sœurs les Supérieures plus proches ensemble. Ce sera une grande consolation et utilité qu'elles voient comme notre Bienheureux Père a laissé le monastère d'Annecy, et aussi si j'ai bien recueilli fidèlement ses intentions, et pour résoudre, avec leur avis, si nous ferons poursuivre la perpétuité de notre petit Office et la Bulle pour tous les monastères, ainsi que notre [278] Bienheureux Père avait dessein, afin de donner tout le repos et l'assurance qu'il se pourra à nos pauvres maisons. Plût à Dieu que notre bon Père Binet eût pu dire son sentiment ! Je crois que vous avez une copie de notre Bulle : nous n'avons que celle-là. En tout, Dieu, par sa douce bonté, nous veuille donner ce qui sera nécessaire ! Chacun me dit qu'il nous faut servir de la présence de Mgr le cardinal de Savoie, qui est à Rome, et de l'occasion de la béatification de notre Bienheureux Père ; je n'entends rien à telle grande affaire. J'espère que Dieu donnera son esprit à Mgr de Genève pour nous bien conseiller.

Je vous prie, ma très-chère Sœur, considérez bien le Coutumier ; voyez si je n'ai rien oublié des intentions de notre Bienheureux Père et m'écrivez bien tout. Faites-le voir à notre Sœur la Supérieure d'Orléans ; après cela, nous le ferons mettre par chapitres et écrire par le bon M. Michel [Favre], afin qu'il n'y ait plus de fautes à l'écriture. — Voilà les lettres que nous avions recueillies, que nous envoyons au Révérend Père général des Feuillants, selon son désir et le vôtre ; je crois qu'il y en a beaucoup de superflues ; mais je n'ai su prendre le loisir de les trier, parce que le coffre m'a été envoyé tard, et j'ai été à moitié malade ces derniers quinze ou vingt jours ; cependant, Mgr de Genève me commande qu'il soit porté à Paris, pour exempter ce bon Père de peine. Offrez-vous à lui de trier ces lettres pour lui donner les plus belles, s'il veut ; envoyez-lui tout promptement le coffre comme il est ; la lettre que je lui écris est dedans. — Au reste, ma toute bonne et très-chère fille, priez pour M. votre père, lequel se porte si bien que l'on parle de le remarier ; ce sont des choses de ce monde. Nous avons besoin d'une vigne qu'il a tenant cette maison ; priez-le qu'il en traite avec une cordiale charité avec nous.

Je salue toutes nos pauvres chères Sœurs et nos bons amis et amies. Nous avons force prétendantes fort à mon gré ; je ne sais si toutes persévéreront. Dieu accomplisse en toutes sa [279] très-sainte volonté ! Nos Sœurs vous saluent chèrement. Je suis véritablement toute vôtre, ma très-chère fille bien-aimée.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DXXXVI (Inédite) - À M. MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY.

Confiance due à la Supérieure. — Quand recourir à la coadjutrice. — Humilité et dévouement envers les monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Mon très-bon et cher Père,

Je vous supplie que pour répondre à nos bonnes Sœurs [de Lyon] qui vous demandent l'interprétation de l'article de la correction, vous leur disiez qu'elles vous envoient la copie des deux lettres que j'ai écrites à notre Sœur leur Supérieure sur ce sujet ; car je ne puis, ni ne me semble que je doive donner d'autre interprétation que celle même que notre Bienheureux Père y a donnée dans l'Entretien ; il me semble que c'est celui des Aversions. Ce n'est pas pourtant que je ne sache bien que notre Bienheureux Père approuvait fort quand les Sœurs ne me faisaient aucune réserve ; mais il disait qu'il y avait fort peu de Supérieures capables de ces entières confiances, et n'est nullement besoin de donner avis aux filles de faire ce discernement sur la capacité des Supérieures ; car elles seraient toujours à considérer cela. Il vaut mieux laisser les Règles en leur entier, sans glose que les nécessaires, et les [laisser] pratiquer à la bonne foi de [par] celles qui seront portées d'un esprit de véritable humilité et simplicité.

Il ne faut point parler, s'il vous plaît, mon cher Père, de ce mot de visite ; car je n'ai point d'autorité pour cela, oui bien [280] ai-je beaucoup de devoir et d'affection de servir tous nos monastères quand ils le désireront utilement, et que l'obéissance de mon Supérieur m'emploiera. Certes, mon cher Père, je porte grande compassion à nos pauvres Sœurs de Marseille, car je vois bien qu'elles s'étonnent, et je désire bien fort que nous puissions les aider ; mais, pour ma présence, elle ne leur servirait à rien. J'écris à Mgr l'évêque afin que nous disposions le retour de notre Sœur Claude-Catherine [de Vallon]. J'ai dit à notre pauvre Sœur la Supérieure ce qui en arriverait. Or sus, Dieu conduira tout à leur mieux, s'il lui plaît. Je supplie sa Bonté vous donner ses saintes grâces. Vous savez que je suis toute vôtre en son amour.

Notre Sœur M. -Aimée est résolue de venir à Nessy. O mon Dieu ! que je désirerais pour l'utilité de la petite Mère de Nevers qu'elle pût ou voulût la venir conduire ! Essayez de lui en donner l'envie ; mais vous savez, mon cher Père, qu'il faut faire cela dextrement. Elle ne m'a point écrit dès Moulins. Je crains qu'elle ne soit fâchée, quoique sans sujet, de ce que nous n'y allâmes pas.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXXXVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Désir que témoigne la Sœur de Morville de venir à Annecy ; mesures de prudence à ce sujet. — Du remède aux scrupules. — Les âmes qui se nourrissent du Pain des forts doivent triompher de leurs faiblesses. — Différer la fondation d'Autun.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Cela n'a point de doute, ma très-chère fille, que si cette pauvre Sœur [Marie-Aimée] avait l'intention qu'on lui impute, qu'il [281] nous serait impossible, par les voies douces que nous voulons tenir, de la rendre sûrement à Annecy. Mais, certes, pour vous parler selon mon sentiment, je ne puis croire qu'un tel dessein soit dans ce cœur-là ; elle me témoigne toujours le grand désir qu'elle a de se ranger auprès de nous, pour y prendre les moyens de vivre selon son devoir, et assurer son salut duquel elle est en crainte, ainsi qu'elle me dit. Or, ceci ayant toute bonne apparence, il la faut maintenir en la douceur d'esprit où elle est ; car il faudra différer sa venue jusqu'à la Pentecôte, d'autant que je ne puis être de retour à Annecy auparavant, et il ne serait pas à propos qu'elle y arrivât pendant mon absence, et de venir ici, cela ne se peut et ne se doit nullement. Je lui écrirai le chemin que je désire qu'elle tienne en temps et à propos, puisqu'elle témoigne de me vouloir croire. Il faut, sur cette bonne espérance, continuer de vivre contentes ensemble. Je soumets pourtant le tout à l'avis du Révérend Père que je salue très-humblement, ne lui écrivant pas à cause de ma petite incommodité ; car je suis un petit travaillée de ma défluxion.

Il me semble bien, avec l'avis du Père recteur, qu'il n'est pas besoin de faire la visite [canonique] cette année. — Pour cette petite novice, véritablement j'aurais peine de lui donner ma voix pour la profession ; mais conseillez-vous avec les Révérends Pères, après avoir pris le sentiment de la directrice et des autres coadjutrices. Je crains fort que ma pauvre Sœur Marie-Angélique [de Bigny] ne se laisse accabler sous le faix de ses scrupules, et, par ce moyen, se rende inutile. Il n'y a nul remède, sinon qu'elle se soumette à croire le conseil, et qu'elle s'abandonne fort à la merci de la volonté de Dieu ; car, enfin, cela ne provient que d'une âme rétrécie, timide, et qui n'a point de confiance. Je vous laisse à penser si Dieu n'a pas assez de mérites et de bonté pour sauver les âmes qui ne l'offensent que par infirmité, et qui ne le voudraient point offenser. Oh Dieu ! si elle savait souffrir avec patience les attaques et pressures qui se [282] passent en la partie inférieure, et tenir la pointe de son esprit en paix en la volonté de Dieu qui permet tout cela, qu'elle serait heureuse ! Je prie Dieu qu'il lui donne cette grâce, laquelle est d'un prix très-grand. Certes, il serait fort à désirer que meshui notre bonne Sœur ne vécût plus en enfant, mais selon la grâce qu'elle reçoit par la si fréquente réception du très-saint Corps de Notre-Seigneur, car enfin un jour il faudra rendre compte de tout cela. Nous mangeons le Pain des forts, et nous voulons toujours demeurer dans nos faiblesses.

Pour la fondation d'Autun, je vous reconfirme que, selon mon sentiment, il la faut différer, tant pour le bien de votre maison de Moulins que pour le sien même, et que vous devez avoir des filles si avancées en l'année de leur probation, que leurs dots vous puissent être assurées, tant pour payer la maison et l'accommodement qui vous sera nécessaire, que pour vivre. Croyez-moi, on se prépare à de grandes inquiétudes quand l'on fait autrement, l'expérience nous l'apprend tous les jours : car au lieu de servir Dieu avec quiétude et repos d'esprit, et de travailler autour des âmes, il faut s'employer à chercher de quoi vivre, cela donne à l'ordinaire beaucoup de chagrins et d'inquiétudes à ceux qui gouvernent. Il se trouve peu d'esprits déterminés et capables de vivre sous le seul revenu que la divine Providence envoie, qui est pourtant le plus assuré. Je me soumets toujours, toutefois, à l'avis de ceux qui sont plus sages que moi, et vous prie seulement de fort agrandir le courage de celles que vous destinez à cette fondation, et qu'elles s'y préparent par une fidèle pratique de la mortification et du saint recueillement. Certes, vous êtes bien heureuse d'avoir tant d'aide et de secours du Révérend Père recteur. C'est un vrai bon serviteur de Dieu ; soumettez-vous bien à ce qu'il vous dira, et me faites ce bien, tant qu'il vous sera possible, de retirer mon livre des mains du Père de la Rivière, pour me l'envoyer promptement et sûrement, s'il vous plaît. [283]

Mon Dieu ! ma très-chère fille, que je suis consolée de savoir que votre cœur conserve sa paix ! Pour Dieu, persévérez ainsi, et ayez une extrême douceur envers les Sœurs, lesquelles je vous prie d'assurer que je les aime et chéris du meilleur de mon cœur ; qu'elles prient pour nous, car je ne les oublie point. Pour vous, ma très-chère fille, il me semble que vous ne pouvez douter de cette vérité, que mon cœur a un amour tout spécial et entier pour le vôtre, comme je sais que réciproquement vous m'aimez sans réserve. Dieu en soit béni !

Je ne sais écrire de ma main, au moins on ne le veut pas. Ma défluxion s'en va petit à petit, Dieu merci. Je salue notre cher frère M. de Palierne ; je l'aime cordialement, Dieu soit béni ! — Pour l'équipage de notre Sœur M. -Aimée, il faut qu'elle vienne en une charrette ou dans une litière, ou bien en carrosse. Elle me mande qu'elle désire d'amener notre Sœur M. -Gabrielle, celle qui la sert déjà ; je pense que ce sera soulagement à la maison de Moulins si elle l'amène, et qu'il la faut contenter en cela. Nous avertirons, Dieu aidant, quand il sera temps qu'elle parte.

Depuis ma lettre écrite, je viens de recevoir une lettre du Père de la Rivière qui dit qu'il faut que j'aie patience pour mon livre. Je vous supplie de lui dire que j'ai écrit à la Mère de Lyon, pour lui faire tenir le papier qu'il désire, où tout est compris, et que je le supplie de vous donner mon livre, que s'il a besoin de quelque chose qui soit dedans, qu'il le copie. Et vous, ma très-chère fille, je vous supplie derechef que vous fassiez en sorte que vous le retiriez, et quand vous l'aurez, faites-le tenir sûrement et promptement à la Mère de Lyon ; ou bien, si vous n'avez pas la commodité de le lui faire tenir, gardez-le et m'avertissez tout aussitôt que vous l'aurez.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [284]

LETTRE DXXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Affectueux reproches de son long silence. — Remettre à plus tard son voyage d'Avignon.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 30 mars 1624.

Ma très-chère fille,

Je ne puis en façon quelconque deviner la cause de votre silence, ni du retardement de l'effet de vos promesses et de mes prières. Pour Dieu, je vous supplie, sans plus de retardement que nous ayons notre Coutumier et Cérémonial. Je vous avais aussi priée de plusieurs choses, -qui nous semblaient requérir raisonnablement réponse. Je vous supplie, ma très-chère fille, de la nous faire, et de vous servir de cette occasion pour renvoyer à notre Sœur d'Avignon réponse, ce que je ne puis faire, et lui faites savoir si vous ramènerez notre Sœur Catherine par ceux qui conduiront nos Sœurs. Mais quant à vous, ma très-chère fille, je croyais que vous aviez résolu de n'y point aller ; au moins ne faut-il plus parler de le faire devant notre assemblée, si davantage vous n'étiez déjà partie, ce que je ne crois pas, puisque vous ne nous avez point fait savoir vos résolutions, ni demandé votre obédience à Mgr de Genève. Pour Dieu, que nous sachions de vos nouvelles avec ce que nous vous prions d'envoyer.

Faites prier Notre-Seigneur pour cette pauvre fondatrice de Moulins ; cela ne me donne pas peu d'exercice. Dieu soit béni de tout ! Je suis en Lui toute vôtre.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de Marseille. [285]

LETTRE DXXXIX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Elle lui fixe le jour de l'arrivée des premières Mères à Annecy, et la prie de s'y rendre exactement.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 31 mars 1624.]

Ma très-chère sœur,

Après un accablement de lettres nonpareil, je vous dis simplement que Mgr de Genève trouve bon que nous assemblions à Nessy nos anciennes et plus proches Supérieures qui sont filles de ce couvent, incontinent après la Pentecôte, et moi je le souhaite extrêmement pour ma consolation en l'espérance que tout sera à la gloire de Dieu et à l'utilité de nos maisons. Nos Sœurs les Supérieures de Dijon, Lyon, Grenoble, Belley, et peut-être celle de Nevers, se rendront à Nessy la veille ou surveille de la Fête-Dieu, moyennant la divine grâce ; or, nous désirons que de même vous y veniez, si toutefois M. l'official le vous permet, et que votre maison, vos filles et votre santé puissent supporter votre absence et le voyage qui pourra être environ d'un mois.

Voyez, ma très-chère fille, ce que vous en pourrez faire, et nous [laisser] espérer. Je le désire bien fort, s'il se peut ; et, en cas que vous vous y résolviez, avertissez-m'en promptement, afin que je vous envoie l'obédience de Mgr de Genève. Ma très-chère fille, quelle joie de se revoir en cette bénite maison ! Mais quelle douleur d'ailleurs ! Oh ! Dieu soit béni, car il faut convertir nos larmes en joie et actions de grâces. — Si notre Sœur M. -Aimée continue au désir de nous venir trouver après la Pentecôte, vous pourriez vous joindre à elle à Moulins, ou bien venir tout droit à Lyon, d'où vous viendrez toutes ensemble ; car nous pourvoirons dès là. Dieu répande ses saintes [286] bénédictions sur vous et votre chère troupe que je salue, et toutes nos amies !

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXL (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Lettres égarées. — La Communauté de Lyon n'a pas le droit de s'opposer au voyage de la Mère de Blonay à Annecy. — Prétentions exagérées d'une dame au sujet d'une fondation.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 7 avril 1624.

Ma très-chère fille,

Notre triomphant Seigneur et Maître fasse son règne en nous éternellement ! — Enfin, le paquet de Dijon n'était point reçu à la fin de mars, ni celui que l'homme de M. Favre avait envoyé à M. Rousselet pour cette pauvre grande fille, laquelle, sur la perte de tant de lettres, est privée de nos nouvelles et par conséquent fort affligée. N'y a-t-il moyen de demander à ceux à qui vous les avez adressées qu'ils les quêtent ? Or sus, Dieu soit béni ! Vous voyez dans mes lettres beaucoup de choses que j'omets à vous dire. Fermez-les, et envoyez-[les] par la poste à notre Sœur de Paris, le tout avec bon port, et mettez dessus le jour où vous les donnerez. J'écrirai une autre fois à M. le grand vicaire. — Certes, vous m'étonnez de dire que vous ne savez comme dire à nos Sœurs que nous désirons que vous veniez à Nessy avec les autres. Seigneur Jésus ! pourquoi y trouveront-elles à dire ? Elles ont trop de vertu et de jugement pour cela. Certes, quand le Supérieur de Nessy vous voudra retirer, il ne prendra point de prétexte, car il en a tout pouvoir ; mais que nos Sœurs demeurent en paix, nous ne ferons pas, Dieu aidant, de si mauvais coups. [287]

La bonne madame de Chevrières est très-bonne à ses parentes, elle veut que nous leur fassions une maison. Je n'ai jamais ouï parler d'une telle fondation. Elle veut le titre, les privilèges et des reconnaissances de fondatrice pour seize mille francs qui ne sont que pour doter six filles, et elle veut qu'à perpétuité on en reçoive quatre, je ne sais que vous dire là ; car j'appréhende les embarrassements, et notre Bienheureux Père les appréhendait encore plus. Je vous prie, prenez avis des Pères Jésuites pour cela ; car, de moi, je n'ai nulle lumière pour donner avis là-dessus que celui que j'écrivis le premier. Je n'ai pas reçu les lettres de Paris et d'Avignon. Si notre Sœur Guérard veut une lettre de moi, qu'elle me demande autre chose, car je lui ai répondu, et à notre Sœur J. -F en votre personne, et ne veux pas qu'elle fasse des jalousies.

Je vous prie que les lunettes fassent la lettre bien grosse, et nous faites secourir par la partie de madame Daloz. — Ma fille, je vous dis derechef que je ne puis sentir [croire] que notre Bienheureux Père eût accepté les conditions de madame de Chevrières. On a beau mettre des clauses dans les contrats, elles ne servent, avec le temps, que d'engendrer des procès et des inquiétudes. Je voudrais que l'on s'obligeât de recevoir huit filles pour une fois ; nous prenons bien deux mille francs pour chacune. Ces seize mille francs seraient employés à cela, et outre ces huit filles, qu'on ne laissât de lui donner le titre de fondatrice en considération de l'avance qu'elle fait de cette somme. Certes, je ne puis sentir qu'il faille se ranger à cette succession. Dieu soit votre conseil ! Je ne vous en puis donner de conforme au désir de cette bonne dame ; vous en avez là de plus capables. Hé Dieu ! ma très-chère fille, qu'il fait bon traiter avec Dieu ! Que le monde et sa prudence sont de grands tracasseurs ! Je me recommande à vos prières et de toutes nos Sœurs.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [288]

LETTRE DXLI (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Elle doit réfléchir et prendre conseil sur l'opportunité de son voyage à Annecy. La Supérieure d'Orléans pourrait l'accompagner. — Témoigner beaucoup de confiance à la Mère de Nevers. — Quantité de lettres de saint François de Sales ont été retrouvées.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 7 avril 1624.

Ma très-chère fille,

J'ai reçu le vendredi saint votre billet que vous aviez mis à la poste, et le paquet qu'il annonce n'est pas encore venu. Je vous réponds le jour de la glorieuse résurrection de notre bon Seigneur et Maître, ne l'ayant su faire plus tôt faute d'occasion.

Vous croirez facilement, je m'assure, l'extrême consolation que ce me sera de vous revoir un peu, et, partant, de mon côté il n'y a nulle résistance, ains beaucoup de désir. Mais, ma très-chère fille, ce voyage étant si long, et vous, étant Supérieure d'une ville si éclairée, permettez-moi que je vous supplie de le bien considérer et d'en prendre bon conseil, et que vos Supérieurs l'agréent et vous le permettent bien doucement ; car l'affaire que vous me dites étant de telle importance qu'elle requiert ma présence sur les lieux, ou que vous veniez au moins me la communiquer ; certes, je ne pense pas que vos Supérieurs n'agréent votre venue, puisque [pour moi] il m'est quasi impossible d'aller, au moins si tôt, et ne sais si Mgr notre évêque me le permettrait, pour l'opinion que l'on aurait peine de m'en retirer, ce qui ne serait pas pourtant. Je lui ai écrit votre désir et ce que je vous répondais ; et pour conclusion, ma très-chère fille, je remets ce dessein entre les mains de Dieu et à votre prudence et à la nécessité de le faire, et pour cela faites parler comme vous connaîtrez qu'il sera utile à la gloire de Dieu. Si vous pensez qu'il faille dire et qu'il soit bien reçu, que c'est [289] pour faire une assemblée de nos plus anciennes Supérieures qui sont filles de ce monastère, faites-le ; maison glosera pourquoi la Supérieure d'Orléans n'est pas appelée. Je confesse que si vous venez, et que si ses Supérieurs lui veulent donner licence fort doucement et de bon cœur, que j'en serai bien aise aussi ; mais comme je n'ai pas loisir de lui écrire, je vous laisse le soin de cela, et celle-ci servira pour elle. Or, je voudrais aussi que vous prissiez la Mère de Nevers si déjà elle n'est employée à la conduite de notre Sœur M. -Aimée, ce que je ne pense pas, et désire bien fort que l'on n'avance pas le temps que j'ai écrit l'autre jour, d'environ la Pentecôte ou la Fête-Dieu, parce que Mgr de Genève ne sera ici que pour ces fêtes, et sa présence est requise. Je pense que l'on conservera bien notre Sœur M. -Aimée jusque-là, et certes je suis aussi engagée ici pour jusqu'alors ; il faudra que vous nous avertissiez à l'avantage de votre résolution. Dieu soit votre conseil et conduite ! Je suis en Lui très-irrévocablement toute vôtre.

[P. S.] Ne doutez point, encore une fois, je vous en prie, de l'affection que j'ai de vous voir ; mais c'est que je désire que nous fassions toutes choses sagement et saintement pour la gloire de Dieu et l'édification du prochain. J'ai eu loisir d'écrire à la Supérieure d'Orléans ; je ne pense pas qu'elle doive venir, car l'esprit des Supérieurs de là est trop délicat, n'y ayant point de sujet pressant pour leur demander le congé.

Je crois que vous aurez reçu le coffret que je vous ai envoyé pour le Révérend Père général, voyez-le avant de partir. Nous avons trouvé encore quantité de belles lettres qui font fort connaître l'esprit de notre Bienheureux Père. Je ne sais s'il voudrait qu'on les lui envoyât ; s'il les désire, vous les lui porterez à votre retour d'ici. Si vous venez avec la Mère de Nevers, comme je l'espère, je vous supplie, ma très-chère fille, témoignez-lui beaucoup de confiance et d'estime, cela lui sera utile, [290] et tâchez fort de lui ouvrir le cœur. Je crains qu'elle ait un peu de mécontentement de ce que nous ne l'allantes pas voir étant à Moulins, au moins n'a-t-elle point écrit depuis ; mais ne lui en témoignez rien, car elle a le cœur si bon que j'espère en Dieu, que si elle vient, tout cela se dissipera, puisqu'en vérité je ne pouvais ni ne devais y aller.

Je suis marrie que cette lettre m'est demeurée jusqu'à aujourd'hui par le retardement de celui qui pensait partir lundi, mais je n'y puis que faire. Notre bon Dieu conduira tout à sa gloire. Si le dessein mauvais dont on soupçonne notre Sœur M. -Aimée était bien avéré, il ne faut point empêcher ses parents de la reprendre au plus tôt qu'ils voudront ; car encore que je ne sois pas à Nessy, on ne laissera pas de la recevoir. Il est vrai que, si je suis avertie, je m'essayerai d'y aller, surtout si vous y êtes, mais il me faudra avertir. La divine Bonté veuille tout conduire à sa gloire et vous comble de grâces, ma très-chère fille, et toutes vos chères filles !

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DXLII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Il faut, autant que possible, traiter par voie amiable, et ne recourir à la justice qu'à toute extrémité. — Bruits de peste à Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Il faut premier que de presser madame Daloz, la faire interpeller par quelque honnête personne de vos amis qui lui dise : « Madame, j'ai charge des dévotes Religieuses de la Visitation d'Annecy de vous prier et interpeller de leur en faire payement [291] ainsi que je fais présentement, et si vous avez quelque chose à dire au contraire, qu'il vous plaise de le faire entendre, et en cas de difficulté de la faire vider souverainement et amiablement par arbitres qui seront respectivement choisis, vous priant, sur ce, de me faire entendre votre volonté afin que les-dites Religieuses puissent délibérer comme quoi elles se comporteront avec vous ; car elles désirent grandement se régler avec vous par la voie amiable ; que s'il ne vous plaît y entendre et leur faire raison, elles seront contraintes de se pourvoir en justice, attendu que le terme est dès longtemps échu, et qu'elles ne peuvent entretenir ladite Religieuse que de ce qui leur a été promis par ses parents, protestant que, etc. »

Je viens de recevoir votre lettre, ma très-chère fille, et suis très-aise que le bon M. de Saint-Nizier et vous, soyez fermes à ne recevoir la succession des filles ; sans doute elle ne le doit pas être, et je crois que l'on fera plus d'en parler à madame de Chevrières. Mais il la faudra traiter fort cordialement et plutôt qu'elle donne moins d'argent. — Hélas ! Dieu veuille protéger son peuple parmi ces afflictions de peste afin qu'elle leur soit utile à salut, et conserve, s'il lui plaît, nos pauvres Sœurs de Paris desquelles je suis en peine, et de leur lettre qu'elles avaient, à mon avis, écrite par M. Crichant, et cependant il ne s'en est point trouvé. Dites-lui bien, ma très-chère fille, en cas qu'il ne passât pas par ici.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [292]

LETTRE DXLIII - À LA MÊME

Difficultés survenues avec M. de Saint-Nizier. — Il faut demander conseil avant de commencer la construction du monastère. — Voyage des Supérieures à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624 ]

Il n'y a remède, ma très-chère fille, il faut prendre, et de bon cœur, les calices que notre bon Dieu nous présente. Certes, je suis touchée de la retraite que notre bon M. de Saint-Nizier fait de nous, mais que faire là ? Je prie Dieu qu'il lui fasse connaître notre sincérité, si c'est son bon plaisir. Or, je pense pourtant que vous devez écrire à Mgr l'archevêque les choses comme elles se passent, avec l'avis du Révérend Père recteur, car il ne serait pas à propos qu'il crût les choses être passées autrement qu'elles ne le sont.

Quant à votre bâtiment, ma très-chère fille, je trouve extrêmement bon que vous suiviez conseil. Je suis marrie seulement que cela n'ait pas été fait avant que commencer ; car ces choses-là doivent toujours être délibérées mûrement ; mais il n'y a pas grande perte.

Je loue Dieu de l'établissement de nos pauvres Sœurs [d'Avignon], car je tiens cela pour fait. Au reste, mandez-moi s'il faudra que j'écrive à M. le grand vicaire pour vous laisser venir à Nessy après la Pentecôte.

Je me sers de l'occasion de la conduite de notre Sœur M. -Aimée pour faire venir notre Sœur la Supérieure de Nevers. Je ne sais si Mgr de Nevers le lui permettra, je l'en prie. Certes, c'est bien pour l'utilité de cette petite créature. Bonsoir, ma très-chère fille ; je suis toute vôtre.

[P. S.] Je reçus votre lettre dès ce billet écrit. Je loue Dieu que notre bon M. de Saint-Nizier soit revenu, et je suis très-aise que votre maison entre dans votre monastère ; vous en [293] devez avoir le plan que le Père dom Jean de Saint-Malachie avait fait. Faites-le chercher ; car il vous faut bâtir en sorte que vous ne soyez point obligée à l'avenir de faire un autre couvent, et je sais que vous pouvez bien le faire.

Je vous prie, ma très-chère fille, faites tenir bien promptement et très-sûrement ce petit coffre à nos Sœurs de Paris. Ce sont des papiers d'importance pour la Vie de notre Bienheureux Père. Une autre fois, j'écrirai à notre bonne Sœur Guérard. Je salue foutes nos Sœurs.

Je suis bien aise de quoi votre fondation de Mâcon est rompue ; car certes, les conditions qu'elle voulait [madame de Chevrières] étaient onéreuses pour nous. — Vous me feriez grand plaisir de m'envoyer des besicles, car mes yeux s'affaiblissent fort ; j'ai cinquante-deux ans.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXLIV - À LA MÊME

Établissement du monastère d'Avignon. — Les novices doivent être sérieusement examinées avant la profession. — Documents envoyés au Père de la Rivière.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 avril [1624].

Ma très chère fille,

Je loue Dieu de l’établissement de nos Sœurs d'Avignon.[95] Les [294] pauvres filles sont pour avoir bien de la peine ; toutefois, j'espère que Dieu les bénira si elles se soumettent très-humblement au conseil du Père recteur, lequel est si sage et si droit qu'il n'a garde de les conseiller mal à propos. Enfin, notre Bienheureux Père a fait un Entretien qui donne grande liberté de recevoir les tilles pour l'habit, à la charge que pour la profession on y regardera de plus près. Or, tout cela nous apprend à ne bouger pour les fondations, que nous ne sachions bien comment Je vous supplie, faites-nous avoir une copie de celle Bulle de l'établissement de nos Sœurs.

Je reçus seulement aujourd'hui vos lettres. Il faut, s'il vous plaît, quand vous les donnerez à la poste ou à des messagers ordinaires, que vous écriviez le port dessus, et tant que vous pourrez ne les mettez pas à la poste. Vous devez écrire souvent à nos Sœurs d'Avignon pour les adoucir. Elles ne me parlent point de leurs difficultés. Certes, il me semble que la dernière lettre que j'écrivis à feu la pauvre défunte leur devrait suffire ; toutefois je leur écrirai encore, puisque vous le désirez.

Mandez-nous si vous payâtes le port du petit coffret. Je ne sais si vous avez envoyé au Père de la Rivière le papier qu'où vous envoya de Nessy à notre départ, qui traite comme Dieu me remit entre les mains de notre Bienheureux Père. Il le demande, mais je vous prie de lui envoyer une copie, et à moi, l'original. Ce bon homme me fâche fort de me tant garder mon livre ; essayez de le retirer, je vous prie.

Je vous dis derechef que je crains que nos Sœurs d'Avignon ne satisfassent pas là si elles ne s'adoucissent extrêmement. C'est pitié de mettre des âmes sans expérience en telle charge et qui ne savent pas encore que c'est que la vraie solide vertu, qui consiste dans le support infatigable du prochain. Si je vous savais des filles plus faites, je vous conseillerais de les y envoyer ; mais elles sont toutes jeunes. Dieu surviendra par sa douce bonté, pourvu qu'elles se soumettent à la conduite du [295] Révérend Père et observent les points de ma lettre ; vous [le] leur devez souvent inculquer.

Je ne sais si vous aurez reçu le paquet pour les parents de notre Sœur M. A. ; il est important.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXLV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Envoi de lettres. — La Mère de Châtel est proposée pour être Supérieure à Dijon.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 22 avril [1624].

Vous ne le sauriez bien croire, ma très-chère fille, que vos lettres me puissent importuner, ni que j'aie le cœur pour demeurer longtemps sans vous écrire. J'espère que vous recevez toutes mes lettres. Enfin j'écrivis au décès de feu M. votre bon père, avec une lettre de Mgr de Genève ; l'on envoya le paquet à M. Rousselet de Lyon ; après je vous écrivis et à Mgr votre bon prélat et à d'autres, et envoyai mes lettres à M. le procureur Gariot, de Belley ; et enfin par un garçon qui a servi Mgr de Langres, qui partit d'ici le mardi saint ; j'espère que vous aurez tout reçu, car de répéter ce que je disais il serait impossible. Seulement, je vous dirai atout hasard que je remettais à votre cher prélat et à vous la considération de la nécessité de votre gouvernement en votre maison de Dijon ; que, s'il trouvait qu'il fût mieux que la Mère de Grenoble prît votre place, cela ne se pouvait de quelques mois ; mais que, cependant, notre Sœur Anne-Marie [Rosset] pourrait fournir et suffire aussi bien qu'elle avait fait, tandis que vous fûtes vers nos bonnes Sœurs Bernardines, et qu'en tout cas [296] il fallait, comme je le suppliais, que vous vinssiez incontinent après la Pentecôte, pour vous rendre avec la Mère de Lyon à Nessy, et que je m'y trouverais, Dieu aidant ; que je laissais au jugement de mondit seigneur et de vous, d'amener ou de laisser notre Sœur M. -Marguerite, que vous amenassiez notre Sœur Marguerite-Élisabeth [Sauzion], pour la laisser à Lyon, parce que nous ne savons où mettre les filles, tant nous en avons, et que celles qui sont ici sont toutes nôtres ; que si vous pouviez nous apporter ce que la maison de Dijon doit à Nessy, vous nous feriez un plaisir très-grand, car certes nous avons besoin ; que vous cherchiez bien l'obligation de M. Sorie et une cédule de lui d'une pistole ou deux, et nous l'apportiez. Je ne sais si je dis tout, car je suis accablée et pressée de toutes parts. Oh ! ma très-chère grande fille, Dieu nous donnera la consolation de nous voir à souhait, car en tout cas je désire vous garder assez. J'écris à votre cher prélat ; je vous prie de m'apporter sa réponse, quand vous devriez envoyer un homme exprès.

Je viens de recevoir votre lettre. Dieu soit béni de ce que vous avez les nôtres ; je ne vois rien à ajouter, sinon que j'ai réponse de notre cher Mgr de Langres, que je voudrais bien que vous vissiez avant votre départ, car vous comprendriez mieux ses avis et diriez plus de choses. Je remets toujours à votre jugement la conduite de notre Sœur [mot effacé]. Je lui écris un billet duquel vous vous servirez, s'il est besoin ; ma pauvre très-chère fille, Dieu soit béni qui nous prépare cette consolation. Hélas ! le pauvre cher cousin est excusable ; essayez de lui montrer de la franchise. Sans loisir. Mille saluts à tous, et faites mes excuses.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [297]

LETTRE DXLVI (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À DIJON

Conseils pour la bonne direction de la communauté de Dijon, pendant l'absence de la Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 22 avril [1624].

Ma très-chère sœur,

Tout cela va bien, ainsi que vous me l'écrivez ; il ne faut que continuer avec une profonde et rabaissée humilité. Je pense que maintenant vous retournerez en notre maison [de Dijon] pour y tenir le pouvoir de la Supérieure,[96] en attendant que ma Sœur [Favre] y retourne ou que ma Sœur la Supérieure de Grenoble y aille. Or, je vous supplie de traiter avec les Sœurs avec tant de douceur, de cordialité et de franchise, que Dieu en soit glorifié, et toute la maison consolée et édifiée. Je vous conjure de ne vous point laisser emporter à votre zèle contre les faibles et défaillantes, mais de les supporter, de les attendre et fortifier avec une patience et débonnaireté vraiment chrétienne ; car en cela consiste la véritable et essentielle vertu.

Croyez-moi bien en ceci, ma très-chère Sœur, et vous en serez consolée la première. Dieu soit votre directeur ! Croyez qu'en son amour je suis vôtre très-entièrement, et le serai à jamais. Priez pour moi, je vous prie.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [298]

LETTRE DXLVII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

En quelle occasion les Religieuses étrangères à l'Institut peuvent entrer dans les monastères. N'y point admettre de jeunes filles qui n'aient le désir de la vie religieuse. — Obligation du petit Office.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 25 avril 1624.

Ma très chère fille,

Pourquoi [ne] dirait-on pas les grâces maintenant, tout ainsi qu'on les a dites autrefois ? — Je vous manderai une autre fois si les tourières vont à la messe, car je ne m'en souviens pas. Vous verrez dans peu de temps les Coutumiers par l'ordre qu'ils doivent être.

Il était expédient que je répondisse à ma Sœur Marie-Aimée, comme je faisais, et je savais bien que j'avais le temps de la conduire à ce qui était expédient ; mais vous ne sauriez manquer avec l'avis du Révérend Père que je salue de tout mon cœur ; vous aurez reçu des lettres qui répondent à cela. [Je] ne pense pas qu'il y ait mal à lui donner la lettre que je lui écrivais ; néanmoins, je remets cela à votre discrétion ; et, entre ci et la Pentecôte, vous aurez de mes nouvelles, si l'on ne fait rien du côté de Paris. — Dieu soit béni de quoi cette fille est dehors ; nous sommes obligées au bon M. de Palierne, que j'aime comme mon frère ; je le salue aussi de tout mon cœur. — Assurez-vous, ma très-chère fille, que les amis qu'avait notre pauvre Sœur Marie-Aimée n'avaient point mauvaise intention contre nous ; et vous voyez qu'ayant connu son humeur ils la quittent. Bienheureuses sont les âmes qui cheminent devant Dieu fidèlement ! car si sa Bonté permet quelquefois qu'elles soient affligées, Il les relève pour sa gloire et fait connaître leur innocence. Je loue Dieu de quoi plusieurs bonnes âmes sont [299] touchées pour vivre selon l'esprit, aidez-les tant que vous pourrez, et demeurez toujours ferme dans l'amour de la volonté de Dieu et au support du prochain jusqu'à l'extrémité. — Non, il ne faut point laisser entrer en façon quelconque des Religieuses dans le monastère, si ce n'est des Religieuses d'étroite clôture ; encore faut-il que ce soit par grand privilège.

Cela n'a point de doute que l'on ne peut point recevoir de filles, ni grandes, ni petites, sinon pour être Religieuses ; lisez votre Règle, elle y est expresse ; c'est pourquoi c'est chose que Mgr l'évêque ne peut [vouloir]. S'il le commande, vous devez faire votre réplique, et je m'assure qu'il ne vous contraindra point ; mais quant à la fille de M. de Palierne, je crois très-facilement qu'il n'a point tenu les langages que l'on dit, il est trop habile ; certes, c'est un personnage que j'honore de tout mon cœur, et sa bienveillance mérite d'être conservée chèrement ; c'est un vrai ami de notre Ordre, et il n'en faut jamais douter.

Il n'en faut point douter, ma très-chère fille, qu'on ne soit autant obligeait petit Office qu'au grand. — Après avoir remontré à ma Sœur Marie-Élisabeth qu'elle ne doit demander ces dispenses que par véritable nécessité, si elle vous assure de l'avoir, condescendez. — Je trouve votre jardin bien assez grand, et voudrais que mon cher frère M. de Palierne s'en contentât.

Cela est vrai que la fondation d'Autun mérite d'être faite, et [je] crois que nos Sœurs y seront avec profit ; mais le plus tard qu'elle se pourra faire sera le meilleur pour celle de Moulins, et même pour celle d'Autun, où il sera bon de voir quelque chose d'assuré pour le temporel ; les filles qui y prétendent devraient venir toujours pour se dresser à Moulins. Il y a du temps pour penser à celles que l'on y enverra ; cependant, vous pourrez y aviser vous même et à celles qui devront demeurer, car il faut préférer la nécessité de la maison de Moulins. Je n'écris point à M. Tachon, car je suis tellement accablée d'écritures que je ne sais que faire ; je lui écrivis dernièrement. [300] Je salue toutes nos Sœurs en général et chacune en particulier ; je les aime très-chèrement.

Ma très-chère fille, il me tarde que je sache à quoi l'on se résoudra du côté de Paris pour notre Sœur [Marie-Aimée], et partant, il la faut conduire à nous doucement, et que notre Sœur la Supérieure de Riom la vienne prendre, s'il se peut. Je lui en ai déjà écrit ; j'attends sa réponse, car il est expédient qu'on l'amène droit à nous. Je désire toujours que l'on ne vienne qu'après la Pentecôte ; car je suis fort engagée ici pour jusqu'à ce temps. Pressez notre Sœur la Supérieure de Riom de répondre, je désire grandement qu'elle amène notre Sœur Marie-Aimée. Ma fille, que vous serez heureuse et que nous serons chargées, nous ! Certes, ce me sera une bonne croix et à toute la maison : la seule connaissance que j'ai que Dieu le veut pour sauver cette âme me fait acquiescer à cela. Dieu soit béni et agrée ce que nous faisons pour sa gloire ! Pour Dieu, ma fille, excédez en support et douceur envers le prochain, je vous en prie. Vous savez que sans réserve, je suis vôtre. Mille saluts à toutes nos très-chères Sœurs. Jour de saint Marc.

[P. S.] Si vous trouvez plus commode de passer la fête de Pentecôte à Lyon, j'en serai bien aise ; car, pour moi, pourvu que je passe ici la fête de la Pentecôte, il me suffit, et je m'essayerai de me trouver à Nessy, trois ou quatre jours après.

Faites tenir nos lettres à nos Sœurs de Bourges.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [301]

LETTRE DXLVIII  À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Nouvelle invitation à se rendre à Annecy pour l'assemblée des premières Mères.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 30 avril [1024].

Ma très-chère sœur,

Il y a environ un mois ou six semaines que je vous écrivis pour savoir si vous pourriez venir en notre assemblée à Nessy. J'étais si pressée, à mon avis, que pour m'excuser d'une lettre je vous demandai si j'en devais écrire à M. l'official. Voilà que je l'envoie maintenant avec celle de Mgr de Genève, pour vous témoigner son cordial désir. Je crois que vous serez déjà toute disposée.

Certes, je désire de tout mon cœur que Dieu nous donne cette consolation. Ce voyage ne pourra faire qu'une absence d'un mois ; cela est peu, et puis c'est pour un si grand bien qu'il n'en saurait arriver mal. J'appréhende seulement un peu votre faiblesse ; mais Dieu vous donnera la force, s'il lui plaît, et je l'en supplie. Outre l'utilité de notre petite assemblée, vous avez encore un autre sujet de venir qui est pour amener notre Sœur Marie-Aimée de Morville à Nessy. Je laisse à votre discrétion de l'aller prendre à Moulins, ou de lui permettre, comme elle le désire, de vous aller prendre à Riom. Je crois que le moins de détours qu'elle pourra faire sera le meilleur. Que si, par hasard, elle était conduite autrement, ainsi que vous apprendriez, vous viendriez tout droit à Lyon avec une de vos filles, et dès là vous aurez bonne compagnie, Dieu aidant, et nous ferons en sorte que ce voyage n'incommodera guère votre maison. Or il faut, s'il vous plaît, partir en sorte que vous puissiez être, s'il se peut, à Nessy, la veille [302] de la Pentecôte, on au moins à Lyon, pour être à Nessy le mercredi d'après la fête, et nous vous y attendrons plutôt le mercredi d'après la Pentecôte que le samedi de devant.

Voilà un petit projet qui nous donne espérance de grande consolation, et certes de beaucoup d'utilité. Dieu l'achemine selon sa sainte volonté et pour sa seule gloire ! Par ma première lettre, je vous dis, ce me semble, le sujet de notre assemblée, c'est pourquoi je ne le répète pas ; mais j'espère en Dieu qu'elle nous sera très-utile. Mille saluts à nos Sœurs et à tous les chers amis.

[P. S.] Si vous connaissiez qu'il fût à propos de prendre pour votre campagne notre chère Sœur la Supérieure de Montferrand,[97] Dieu sait si j'en serais consolée ; mais je ne l'ose proposer à M. le grand vicaire, laissant cela à votre prudence et à la disposition que vous verrez. Venez, au nom de Dieu, ma très-chère fille, vénérer le sacré dépôt de notre saint Père, et voir cette bénite maison de bonheur.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXLIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Bulle d'érection du monastère. — Nouvelles instances de madame de Chevrières pour la fondation de Mâcon. — L’assemblée des premières Mères aura lieu à la Pentecôte.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry), 1er mai 1624.

Ma très-chère fille,

[De la main d'une secrétaire.] Je vous avais déjà écrit afin que vous nous envoyassiez l'établissement de nos Sœurs d'Avignon ; [303] mais je ne sais si vous avez reçu la lettre. Je vous prie, ne manquez pas de nous l'envoyer ou bien de nous l'apporter. J'ai vu M. de Saint-Chamond, qui m'a parlé de la fondation de Mâcon. Je lui dis que nous remettions la résolution de cette affaire après notre assemblée.

[De la main de la Sainte.] Ma très-chère fille, ma Sœur parle ici bien sèchement. Or, il est vrai que nous avons vu M. de Saint-Chamond qui s'en alla content, nonobstant que je lui dis franchement mon sentiment. Il trouva mes raisons fortes ; mais néanmoins ils veulent ce qu'ils veulent, et pourvu qu'on accorde la succession des filles, il dit que, pour tout le reste, il le fera passer comme l'on désirera. Je ne sus mieux me retirer que de lui dire que nous faisions une assemblée à Nessy, à la Pentecôte, où nous traiterions cette affaire avec tout le soin qu'il nous serait possible, pour son contentement et celui de la bonne madame de Chevrières.

Ma très-chère fille, faites bien recommander ces lettres aux messagers de les laisser à Moulins en passant et [de] donner celles de Paris sitôt qu'ils seront arrivés ; vous ferez un petit paquet de la lettre et des deux papiers joints ensemble pour le Révérend Père général [des Feuillants], et puis l'adresserez avec la lettre à nos Sœurs de Paris. Il presse un peu ; car il a achevé la Vie de notre Bienheureux Père, et l'on commence de l'imprimer. Notre Sœur de Grenoble est empressée pour sa fondation d'Aix. — Certes, je voudrais que nos Sœurs qui doivent venir se rendissent, s'il se peut, à Nessy, pour la veille delà Pentecôte. Écrivez-le à la Mère de Dijon. Je sais que pour elle... [mois illisibles]. Je doute pour la compagnie que doit amener notre Sœur Jeanne-Charlotte [de Bréchard] et encore ses infirmités ; ayant fait ce que je peux, je laisse le soin du reste à Dieu. Mais pour vous, ma très-chère fille, il faut que vous soyez si absolument résolue à venir que rien que la puissante main de Dieu ne vous en empêche, et je sais que sa Bonté ne le fera pas. [304] Pour les hommes, je vous prie qu'ils ne le puissent, et conduisez si bien cela, s'il vous plaît, qu'il soit sans difficulté.

Je salue toutes nos très-chères Sœurs ; j'écrirai en Piémont pour avoir la lettre de Mgr le prince que nos Sœurs d'Avignon désirent. Vous savez comme Dieu m'a rendue vôtre ; Il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DL - AU RÉVÉREND PÈRE DE LA RIVIÈRE

RELIGIEUX MINIME

Divers renseignements pour une nouvelle Vie de saint François de Sales. — Détails sur les premières années de la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Mon Révérend Père,

La copie de l'écrit que l'on a envoyé à Votre Révérence touchant notre Institut, m'étant tombée entre les mains, j'y ai trouvé beaucoup de fautes, parce qu'étant faite en mon absence de Nessy, personne n'a su bien dire ce qui en était.

1° Ce ne fut point allant voir ma fille que je me résolus de demeurer là ; car notre Bienheureux avait son dessein et résolution de m'employer à l'établissement de sa Congrégation cinq ou six ans devant ce mariage auquel l'on ne pensait point alors ; mais la divine Providence s'en servit pour me donner prétexte de me retirer en Savoie ; et même cette divine Sagesse fit naître le moyen de faire ce mariage (qui sans cela était absolument impossible) par le décès de feu mademoiselle Jeanne de Sales, sœur de notre Saint, laquelle il m'avait confiée ; car à l'instant de son passage [de sa mort] qui m'affligeait grandement, Dieu m'inspira de lui offrir ma fille, pour la mettre en leur maison en [305] la place de la chère défunte, ce que je fis par forme de vœu, sur la pensée qui me vint en même temps que Dieu m'ouvrait, en cette occasion, la porte de ma retraite et m'en abrégeait les années, et que ce vœu fait ainsi à la chaude, dans ma douleur, me serait plus pardonnable par feu mon père et mes autres proches, et qu'il me donnerait force pour les gagner et avancer toutes les difficultés qui étaient en grand nombre ; ce qui arriva ainsi par la même conduite de Dieu, auquel en soit gloire et louange éternelle. Je n'avais point pensé à vous dire tout ceci, mon très-cher Père, mais il m'est venu ainsi, et je pense qu'il est bon que Votre Révérence sache ces vérités ici, afin de dire que le projet de cette Congrégation et son effet ont eu une toute spéciale conduite de la divine Providence ; quoique je pense, mon cher Père, que vous ne direz point toutes ces particularités, ni les autres où je suis mêlée. Je supplie votre bonté me faire cette grâce ; car en vérité je suis indigne d'être nommée dans la Vie de ce Saint, et il y a longtemps que j'appréhende cela.

2° Non-seulement le Père Bonnivard approuva ce dessein pour moi, mais quantité d'autres grands serviteurs de Dieu, et quand ce Bienheureux me le déclara, qui ne fut que quelques années après l'avoir résolu, je n'y sentis pas un brin de répugnance.

3° Nous ne fûmes que trois semaines assemblées sans recevoir des filles, et dans le bout de l'an nous fûmes neuf, toutes âmes choisies et appelées de Dieu par spéciale vocation, ainsi que me le confirma le même Père Bonnivard qui prêchait à Nessy cette première année-là.

4° Au bout de l'an, nous fûmes coiffées et vêtues tout ainsi que nous sommes [maintenant], excepté que nos robes étaient jointes au corps et les manches étroites ; et environ la troisième année notre Bienheureux Père nous recommanda de faire nos robes à sacs et nos manches larges, comme nous les portons. [306]

5° C'est la vérité que l'on pratiquait des rares et excellentes vertus, mortifications et charités en ce commencement, et cela dura environ cinq ans avec une ferveur d'esprit nonpareille. Il n'y avait que les premières professes employées à telles sorties, et non tes novices ; mais tout à coup nous nous trouvâmes toutes changées, et avec un désir de la clôture conformément à la résolution que notre Bienheureux Père en fit, ainsi qu'il est dit en l'écrit.

6° Il est fort vrai qu'il avait grand désir de nous maintenir sous le titre de simple Congrégation, quoique avec clôture et vœux publics de chasteté, pauvreté et obéissance comme nous les faisons, mais non solennels. Son humilité incomparable le fit acquiescer, et aussi que Notre-Seigneur déclara qu'il voulait que l'on se mît sous cette sainte Règle du grand saint Augustin ; c'est pourquoi ce Bienheureux disait que Dieu avait fait sa divine volonté, nonobstant la répugnance de la sienne, et qu'enfin, toutes choses bien considérées, c'était le mieux que nous fussions en titre de Religion, et en avait un grand contentement.

7° Je vois, mon très-cher Père, que l'on a oublié les raisons pourquoi notre Bienheureux Père nous donna le petit Office, et qu'il désirait si fort qu'on le conservât ; c'est pourquoi je les enverrai à Votre Révérence, écrites de sa main, si je puis. La plus douce est qu'il s'assurait que la sainte Église, qui avait destiné un jour de chaque semaine pour le culte de la très-sainte Vierge, aurait très-agréable de lui dédier entièrement un Ordre à son honneur pour chanter continuellement ses louanges. Mon très-cher Père, la conservation de ce cher petit Office est une pièce nécessaire à notre Institut. Certes, ce fut par une inspiration spéciale que ce Bienheureux dédia notre Congrégation à Notre-Dame, et par révérence et dévotion particulière au mystère de la Visitation, car il avait pensé de nous nommer les Filles de Sainte-Marthe, et tout à coup, peu de jours avant [307] notre entrée, il me fit entendre avec une grande allégresse que nous serions les Filles de Notre Dame.

8° Avant le décès de notre Bienheureux, le monastère de Dijon était établi, qui était le onzième, et dès son décès nos Sœurs ont été reçues à Marseille, Chambéry et Avignon.

9° J'ai vu dans ce Mémoire qu'on fait mention d'un ravissement : je pense que je pouvais avoir donné sujet de dire cela par faute de m'être bien exprimée, ou que l'on a oublié mes paroles ; car je sais que la fidélité de celui qui a fait les Mémoires est toute sincère. Je lui ai écrit pour savoir où il l'avait appris ; que s'il le tient de quelque lieu assuré, j'en avertirai incontinent Votre Révérence ; sinon, voici ce qui en est. La première fois que j'allai trouver ce Bienheureux, après l'entrevue de Saint-Claude, ce fut à Sales : or, il me dit qu'il m'était allé attendre sur le chemin, dans une petite grange proche de la maison, où il demeura seul bien trois heures, si j'ai bonne mémoire, avec des pensées admirables et des vues de je ne sais quoi de grand et extraordinaire sur le sujet de ma venue à lui, sans m'exprimer toutefois ce que c'était ; mais peu après il me dit : « Dans une année, je vous dirai mes pensées ou mes desseins ; laissez-moi le soin de l'emploi du reste de vos jours ; je m'en charge pour en rendre compte à Dieu. » Quand donc je l'allai retrouver, qui ne fut que deux ans après, il me déclara sa résolution ouvertement, et je pense que ce qu'il m'avait dit au premier voyage était cela que Notre-Seigneur lui avait inspiré ; mais comme je m'étais du tout remise à sa volonté, je n'étais point curieuse de savoir plus que ce qu'il me disait. Et pour cela, je n'en puis dire davantage, sinon qu'il est très-probable que Dieu lui a donné des grandes lumières sur ce sujet, avec des goûts et certitudes intérieures que cette petite Compagnie rendrait beaucoup de bons et de grands fruits en l'Eglise de Dieu, et, de ceci, il est en beaucoup de ses lettres ; il l'a dit prou de fois. [308]

10° Me reste à dire à Votre Révérence sur le sujet que notre Bienheureux Père n'a point voulu que nous fussions rangées sous un général : sa principale raison en est écrite ; il m'en dit encore à Lyon quantité d'autres très-solides, mais celle-là suffit, comme je pense, et m'ajouta « que le bonheur des maisons religieuses des filles ne dépendait pas d'être rangées sous la conduite d'un seul chef, mais à la fidélité que chacune aurait en particulier de s'unir à Dieu par l'exacte observance de l'Institut, » et qu'il nous marquerait tout plein de petits moyens pour tenir nos monastères liés et uniformes. Nous en pratiquons déjà quelques-uns ; mais il est clair qu'il en avait encore d'autres en dessein, lesquels nous eussent été très-nécessaires d'être déclarés de sa propre bouche ; mais Dieu ne l'a pas voulu, il faut acquiescer. Hélas ! je ne lui demandai pas ; car j'espérais que nous ferions tout cela à Nessy. Il me dit qu'il conférerait de tout ceci avec le Révérend Père Antoine Suffren ; et moi, sachant cela, je le fis prier de nous dire ce qu'il pouvait avoir appris de notre Bienheureux Père ; il donna un écrit que j'enverrai à Votre Révérence, si je puis.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Dispositions pour le voyage de la Sœur de Morville à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 1er mai [1624].

Ma très-chère fille,

Il faut, s'il vous plaît, envoyer tout promptement ces lettres à notre Sœur de Riom, et que, selon son jugement et le vôtre, tous avisiez à ce qui sera mieux, ou que ma Sœur Marie-Aimée [309] l'aille prendre, en cas que madame sa sœur ne soit pas venue, ou que notre Sœur la Supérieure de Riom la vienne prendre à Moulins ; car il n'y a détour pour chacune que de huit lieues ; et quand bien ses sœurs seraient venues, il faut toujours, s'il se peut, que notre Sœur de Riom l'accompagne. Or bien, je laisse la conduite de cela à votre prudence et diligence ; car il est nécessaire, si elles viennent, que ce soit pour être à Nessy la veille de la Pentecôte, ou, au plus tard, le mercredi d'après. J'ai répondu à toutes vos lettres ; vous savez, ma très-chère fille, que je suis très-entièrement toute vôtre.

Dieu soit béni !

[P. S.] Je salue très-chèrement le Révérend Père recteur, notre cher frère M. de Palierne et tous les amis, surtout le bon M. de la Coudre, notre chère Sœur Marie-Aimée et toutes nos bonnes Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLII (Inédite) - À LA MÊME,

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 6 mai [1624].

Je viens de recevoir des lettres de notre Sœur la Supérieure de Paris, du 26 avril, qui me mande que madame Chauvelin viendra prendre notre Sœur pour nous l'amener et la rendre à Lyon la veille de la Pentecôte. Je crois, ma très-chère fille, que vous aurez envoyé avertir notre Sœur la Supérieure de Riom ; cela ira fort bien, et vous [voilà] bien déchargée. Dieu nous fasse la grâce de lui rendre bon compte de cette charge ! S'il se peut, je désirerais que la Sœur N., la fille qui la [310] sert, ne vînt point. Toutefois, s'il n'y a point de mauvais dessein, je ne voudrais point la contrister sur la bonne volonté qu'elle nous témoigne de vouloir si bien faire. C'est sans loisir.

Je salue avec tout respect le Révérend Père et toutes nos chères Sœurs, sans oublier notre bon frère M. de Palierne.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy-

LETTRE DLIII - À UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION

L'esprit de la Visitation est un esprit de douceur et d'humilité. — Comment se conservera l'union entre les monastères. — Nouveau duel du baron de Chantal. — Chant des Litanies.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 1624.

Hélas ! ma chère fille, que je mérite peu le rang que Dieu m'a donné dans votre cœur ! Mais il ne faut rien refuser d'une si bonne main ; ains je chéris précieusement votre affection et y correspondrai fidèlement, surtout à vous souhaiter incessamment ce que vous désirez le plus, qui est d'être fille de notre Bienheureux Père. L'esprit de sa petite Congrégation est un esprit de douceur, de petitesse, de simplicité et de pauvreté ; il ne s'en faut point départir, mais y assujettir tellement nos inclinations, qu'elles nous portent même au mépris du monde et de nos propres intérêts, et que la douceur et l'humilité surnagent toujours en nos paroles et actions. Nous sommes en un siècle où tout le monde veut le sucre et les suavités ; il nous leur en faut tant donner qu'ils en soient contents, par une affabilité généreuse, sans composition ni affectation, et pour cela il ne faut qu'être humble, dévote et naïve. [311]

Non, ma très-chère fille, avec la divine grâce, nous ne nous perdrons point, comme ces messieurs disent, faute d'un général. Dieu est l'auteur de notre Institut, Il le saura bien conserver. Si, dans un grand nombre d'années, il a besoin de plus d'appui et de refuge extérieur, la providence de Dieu, à laquelle notre saint Père nous a laissées, nous en pourvoira ; c'est elle qui gouverne son Eglise, lui envoyant de temps en temps le secours nécessaire, et inspirant la manière des gouvernements à celui à qui il appartient. Demeurons en paix, ma fille, et laissons chacun abonder en son sens, tandis que l'on nous laisse vivre dans nos Observances. Oh Dieu ! si nous nous savons parfaitement aimer les unes les autres, nous n'avons que faire d'autres liens pour nous maintenir en notre devoir. Et si tous les monastères se maintiennent avec respect, déférence et communication envers celui d'Annecy, c'est le plus grand moyen d'uniformité que nous puissions avoir ; et certes, s'il arrivait du détraquement, ce dont Dieu nous garde, ce ne seront pas ceux de dehors qui nous relèveront, mais notre bonne intelligence et notre fidélité au dedans. N'avons-nous pas nos prélats et nos Pères spirituels ? C'est à eux à qui je me plais extrêmement de recourir.

Croyez, ma pauvre très-chère fille, que je prierai bien Dieu qu'il vous assiste au choix de la place pour bâtir. Votre vendeur ne connaît pas encore l'esprit de la Visitation ; ses extravagances sont fâcheuses, mais il ne s'en faut pas fâcher pourtant.

Notre Bienheureux Père était admirable en telles occasions ; il les négligeait et les laissait passer, sans donner aucun signe qu'il s'en souciât. Bienheureux sont les débonnaires, car ils posséderont la terre.

Ma vraie fille, votre cœur incomparable pour moi tient le mien au large pour vous dire tout ce qui me vient en vue. Je suis, certes, en compassion quand je pense (ce n'est pas [312] souvent, sinon devant Dieu) à l'affliction de mon fils,[98] mais j'espère que Dieu lui rendra cette tribulation profitable, au moins pour l'éternité. Oh ! combien l'amitié du monde est ennemie de Dieu ! N'est-ce pas une déplorable chose de voir l'ami engager son ami dans ces misérables duels ? Il faut bien prier Dieu qu'il donne sa sainte lumière à toute cette jeune noblesse qui, à la pointe de l'épée, va si imprudemment chercher l'enfer.

Je loue Dieu du progrès que font nos Sœurs en la perfection ; sa Bonté les rende toutes des Règles vivantes ! — Nous avons reçu la note de vos Litanies ; je les trouve belles, excepté qu'elles fredonnent trop Ora pro nobis ; cela n'est pas assez simple pour nous. Notre Bienheureux Père avait une grande affection que nous fussions fort exactes à l'observance de toutes les circonstances qu'il a marquées pour ce béni Office. Oh Dieu ! que je trouve nos lois suaves et faciles ! Il ne faut qu'un peu d'amoureuse sujétion et renoncement à nous-même ; je les aime plus que je ne puis dire. Dieu me fasse la grâce de les observer au pied de la lettre et les faire observer où je serai.

Il est bon, ma fille, que les yeux de ceux qui nous regardent voient notre avancement, et que les nôtres n'en voient rien ; cela nous tient humbles devant Dieu. O ma fille ! quand il plaît à cette immense Bonté de nous aider et animer intérieurement, hélas ! quelle grâce à notre faiblesse ! Mais quand il fui plaît de retirer ces sentiments, c'est aussi une grande grâce ; [313] car, par ce moyen, nous voyons ce que nous sommes, et la seule fidélité nous fait marcher ; nous agréons davantage à Dieu, quoique nous soyons désagréable à nous-même. Mon Dieu ! que cet amour de la volonté divine et cette paix intérieure parmi les travaux spirituels est une grâce précieuse ! Votre, etc.

LETTRE DLIV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Joie d'apprendre que saint Vincent de Paul approuve le voyage d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 6 mai 1624.

Je viens de recevoir tout présentement votre lettre du 2 avril. Mon Dieu ! ma très-chère fille, puisque M. Vincent est d'avis que vous veniez, pourquoi voulez-vous d'autre commandement ? Certes, je vous écrivais assez ouvertement que si la chose était approuvée de personnes capables, vous me fissiez parler au reste comme vous voudriez. Je ne puis vous dire encore autre chose, en voyant la disposition du Supérieur, lequel ayant doucement agréable votre voyage vous ne devez point douter de le faire ; et je ne puis croire que lui disant que nous vous avons mandée pour notre assemblée et pour conduire ma Sœur Marie-Aimée, il ne le prenne franchement. Oh Dieu ! que j'ai peur que vous n'ayez laissé partir madame Chauvelin ; certes, j'en serais mortifiée ; d'écrire à Mgr de Genève, cela serait trop long, car je ne sais où il est en sa visite. Seigneur Jésus ! quelle consolation de vous voir et ma pauvre petite Angélique [Lhuillier]. En un mot, si vous pouvez avoir l'agrément du Supérieur, venez au nom de Dieu, Il en tirera sa gloire. — Oh ! quelle mortification si ce coffret est égaré ! il a été rendu fidèlement au messager de [314] Lyon. Faites la quête de votre côté, et nos Sœurs de Lyon qu'elles la fassent du leur.

Sans doute, je ressens l'affliction de mon fils et de sa pauvre petite femme, mais ne faut-il pas acquiescer en tout au bon plaisir de Dieu ? Qu'il soit à jamais béni ! Amen. Oh ! mais, apportez-moi de leurs nouvelles, s'il vous plaît.

Je pense que M. Berger [m'a parlé] de madame la marquise de N***. Non, ne dites rien à ma Sœur la Supérieure d'Orléans ; je crois que celle de Nevers ne viendra pas, mais tentez-la tout doucement et Mgr de Nevers. Dieu soit béni ! Je vous supplie au moins, venez au plus tôt que vous pourrez, ce que je dis sur la crainte que vous n'arriviez après notre assemblée, car les lettres sont tardives à être rendues.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DLV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Elle lui recommande la patience au milieu des oppositions que l'on apporte à son voyage d'Annecy. — Détails divers.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 mai [1624].

Ma très-chère fille,

Ayant fait ce que nous aurons pu, il faudra acquiescera cette souveraine et maîtresse volonté [de Dieu], que nous désirons qui régente sur nous sans réserve ; car de nous servir maintenant de l'autorité qu'a Mgr de Genève de vous retirer, il n'est pas temps. Cette maison-là n'a encore aucun esprit capable de la gouverner ; il faut y achever votre temps en paix, s'il se peut ; cela est requis à la gloire de Dieu. Si donc M le grand vicaire continue et ne se laisse vaincre à la raison, [315] demeurez et vous conduisez selon l'avis des Pères [Jésuites], et encore de notre Sœur la Supérieure de Dijon qui est assez prudente, et ne craignez point, quoique peut-être Mgr de Genève vous écrive, car son intention n'est pas de rien violenter. Il faudra pourtant lui faire parler par quelque autre que M. Brun, lequel je douterais fort qu'il le détournât ; mais il faudra attendre si Mgr de Genève lui écrira. Cela n'est nullement contre la clôture, et il lui faut faire entendre ces raisons par personnes capables. Le Révérend Père recteur ferait bien ce bon office, ou le Père Fichet ; Mgr l'archevêque n'aurait garde, à mon avis, de refuser une chose si juste et raisonnable.

Il n'y a que deux ou trois ans que l'on assembla à Dijon toutes les professes Carmélites de ces monastères-là, qui étaient éparses en diverses contrées, pour seulement faire l'élection d'une Supérieure au monastère de Dijon. L'on ne fait point de difficulté de laisser sortir les Religieuses pour aller visiter des maisons et voir les bâtiments ; cela est clair et en coutume, que pour de légitimes occasions on peut sortir. [Je vous dis cela] afin que vous sachiez que si c'était pour vous retirer du tout, et que vous eussiez un commandement absolu de Mgr de Genève, vous n'auriez que faire de la licence du Supérieur de là.

Or sus, ma très-chère fille, après avoir fait tout ce qui se pourra doucement, il faudra acquiescer pour ce coup. Vous serez présente à Nessy en ma personne, puisque véritablement je vous porte dans le milieu de mon cœur où Dieu vous a placée d'une façon très-extraordinaire. Ce n'est pas que je ne vous souhaitasse par-dessus toutes, Dieu le sait ; mais j'espère que la divine Bonté me réserve cette consolation pour ma vieillesse, afin d'être aidée à la mieux employer que je ne fais les bonnes années de ma vie. J'ai pourtant encore quelque espérance ; car la raison est si puissante de notre côté, qu'il m'est avis qu'elle vaincra ; Dieu en fasse ce qu'il lui plaira ! Si vous ne venez [pas], écrivez-moi comment notre chère Sœur la Supérieure de [316] Dijon fera là. À mon avis, vous y trouverez un bon changement ; c'est un vrai bon cœur. Les lettres dernières d'Auvergne sont du 22 mars. Je n'y répondrai pas, parce qu'elles me demandent notre Bulle que le Supérieur veut voir, et elle n'est pas pour leur maison ; cela nuirait. Mon Dieu ! ma fille, il faut bien prier et faire prier Dieu, afin qu'il lui plaise nous octroyer celle que notre Bienheureux Père avait tant désirée pour tous les monastères, afin qu'ils soient en repos. Nous en résoudrons ce qu'il faudra faire.

M. l'ambassadeur de France nous fit l'honneur de venir ici. Il nous promit toute son assistance avec une cordialité et affection nonpareille. Je crois que la Providence s'en servira. — Hélas ! ma très-chère fille, et ce cher petit coffret serait-il bien perdu ? Certes, je le rachèterais d'un de mes yeux, voire de tous deux, si Dieu le voulait. J'en recommande le soin à sa bonté, et à vous, la poursuite, ma fille. — Il me vient en la pensée que vous feriez bien de considérer avec notre Sœur la Supérieure sur laquelle de nos Sœurs de Lyon vous pourrez jeter les yeux pour vous succéder à la charge que vous avez, afin de la dresser et l'introduire en l'estime et amour des Sœurs petit à petit. Il me semble que notre Sœur Charlotte [de Crémeaux] pourrait être regardée pour cela ; voilà comme je vous dis mes pensées. Ma très-chère fille, priez pour nous, un peu fortement. — Le Père dom Juste [Guérin] arriva hier soir pour travailler à la béatification de notre très-saint Père,[99] lequel j'admire toujours plus en ses excellentes vertus. Loué soit éternellement le grand Maître qui peut seul faire de si excellents ouvrages ! Amen. [317]

[P. S.] Mais ne faudrait-il point que j'écrivisse un jour au bon M. de Saint-Nizier pour entretenir notre ancienne amitié ? dites-le-moi. Mille saluts très-humbles au Révérend Père provincial, au Père recteur et à nos Sœurs.

Je viens de recevoir vos lettres, il faut laisser dire le monde. Notre intention est pure et simple et appuyée de bons conseils, et Dieu en tirera sa gloire. Hélas ! je ne voulais que vous, la Mère de Dijon et celle de Grenoble ; les autres, c'est par condescendance. Or sus, demeurons en paix.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Comment obtenir le consentement des Supérieurs de Lyon, pour le voyage de la Mère de Blonay à Annecy. — Prière de passer à Belley et d'amener la Mère de Mouxy.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 mai [1624].

Ma très-chère fille,

Mon Dieu ! que vous serez chèrement bienvenue. Faites voir et doucement concevoir, si vous pouvez, la raison et l'agrément de la venue de notre Sœur la Supérieure de Lyon à M. le grand vicaire ; mais il ne faut rien ébranler, car la présence de cette Supérieure est encore bien nécessaire à Lyon ; si l'on ne voulait pas qu'elle y retournât, il faudrait céder et nous tenir en modestie. Dieu le veut ainsi ; mais vous savez comme notre Bienheureux Père n'agréait nullement qu'on lui voulût empêcher de disposer de ses filles. Je sais qu'il m'en a écrit quelquefois, mais je sens aussi qu'il acquiescerait pour ce coup. Or sus, faites ce que vous pourrez, mais doucement et [318] sagement, quoique sans oublier les raisons. Je voudrais savoir si vous passerez la Pentecôte, parce qu'à mon avis, ma Sœur Marie-Aimée [de Morville] n'y viendra que la veille : toutefois, je n'en suis pas assurée, et vous viendrez ainsi que vous jugerez mieux. De moi, j'espère, Dieu aidant, que nous irons passer la bonne fêle à Nessy. Allez passer, s'il vous plaît, à [Belley], ma très-chère fille, et amenez la bonne Mère, et parlez à part à nos professes en toute confiance ; car, pour vous dire franchement, il y a je ne sais quoi à dire à la conduite de [mots effacés] ; reconnaissez ce que vous pourrez, étant là. M. [des Échelles], qui est le Père spirituel et très-vertueux et affectionné à notre Compagnie, vous pourra parler franchement, si vous lui en donnez la confiance. Ma très-chère fille, Dieu vous amène heureusement, et vous serez la très-bienvenue ! Notre-Seigneur m'accroît ma consolation en cette maison, par la bonté et candeur des filles qu'il y amène. Il soit béni à jamais ! Amen.

Conforme à une copie de l'original garde* à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DLVII (Inédite) - AUX SŒURS DE LA VISITATION

(Cette lettre, qui se voit en tête du Coutumier rédigé en 1624, fut modifiée par sainte de Chantal, quatre ans plus tard, avant d'être livrée à l'impression.)

Annecy, 21 juin, 1624.

Monseigneur l'illustrissime et révérendissime François de Sales, évêque et prince de Genève, notre très-honoré Seigneur et Fondateur d'heureuse mémoire, outre les Constitutions qu'il a dressées et jointes à la Règle de Saint-Augustin, nous a donné [319] plusieurs adresses spirituelles, et introduit des coutumes grandement profitables pour nous avancer et entretenir en la perfection du service de Dieu, lesquelles nous avons gardées avec autant de soin que la Règle même.[100] Elles n'avaient pu être rangées par ordre, d'autant qu'elles nous avaient été données à divers temps, selon les occasions qui se présentaient ; mais son désir était, ainsi qu'il nous l'a dit et signifié, qu'elles fussent écrites et rangées en un corps ; ce que n'ayant pu entièrement exécuter pendant sa vie, j'ai estimé que l'obéissance que je dois à ses saintes intentions et la fidélité à notre Ordre m'obligeaient de le faire maintenant, et pendant que la plupart des Sœurs qui ont été des premières reçues en notre Ordre sont en vie, lesquelles pourront rendre témoignage que je ne mets aucun règlement ni coutume qui ne soit conforme à ses intentions et volontés, qu'il ne nous ait donné ou approuvé et fait pratiquer, et afin de faciliter ce dessein de mettre par ordre les susdites Coutumes, je les ai toutes rapportées aux articles suivants :

1° Intentions et souhaits de notre Instituteur sur les Religieuses de la Visitation. [320]

2° De la fondation des maisons.

3° De la réception des Sœurs à l'habit.

4° De leur instruction au noviciat.

5° De la réception à la profession.

6° Du Directoire spirituel pour les actions journalières.

7° Du Directoire pour les actions qu'on pratique ès mois et ès années.

8° De ce qui appartient à l'entretien du corps.

9° De ce qui appartient au gouvernement et union entre les monastères, chacun desquels chefs j'ai compris en un ou plusieurs articles, selon que l'ordre des sujets le requiert.

Je vous supplie et vous conjure toutes au nom de Dieu, mes très-chères Sœurs, et par la révérence et sainte dilection que nous devons à la mémoire de notre digne Père et très-honoré Fondateur, que vous graviez au plus intime de vos cœurs et observiez fidèlement les salutaires documents qu'il a reçus du Saint-Esprit, et qu'il nous a laissés pour acheminer [321] nos âmes à la gloire de l'éternelle félicité, laquelle je vous souhaite d'une entière et très-sincère affection, comme étant

Votre très-humble, très-obéissante Sœur et servante en Notre-Seigneur.

Sœur Jeanne-Françoise Frémyot,

Supérieure du monastère de la Visitation Sainte-Marie d'Annecy.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLVIII - AUX SUPÉRIEURES DE LA VISITATION

VENUES À ANNECY POUR LA RÉDACTION DU COUTUMIER

Elle les assure de son affectueux souvenir. — Le Coutumier doit être rêvetu de l'approbation des évêques.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 1624.

Mon esprit vous va suivant, mes très-chères et très-bonnes Sœurs, pour compatir un peu avec vous au mauvais temps que vous avez ; cela me rend plus soigneuse de prier notre bon Sauveur de vous accompagner, comme j'espère qu'il fera. — Je vous envoie ce papier que je pense que vous aviez oublié. Il faudra, outre l'approbation du [Coutumier] que les prélats feront, qu'ils rendent témoignage de la bonne odeur que les maisons donnent, car cela servira bien. Nous essayerons d'avoir celle de Mgr de Langres, faite comme il faut, et nous l'enverrons ; cela pourra aider vers les Supérieurs qui seraient un peu difficiles. Or bien, c'est l'affaire de Dieu ; Il la conduira et vous inspirera à toutes la conduite que vous y devrez apporter, pour bien réussir à sa gloire et au repos et fermeté de cette pauvre petite Compagnie.

Je me suis oubliée de dire à notre très-chère Sœur la Supérieure de Riom que si notre Sœur M. A [de Morville] ne se [322] veut ranger à son devoir, et que Mgr d'Autun nous abandonne en cela, qu'il lui faut dire franchement que nous aurons notre recours au droit commun que notre Bienheureux Père nous a laissé pour telle nécessité, et que l'on s'adressera à Mgr le Nonce, afin que par son autorité elle soit rangée à vivre doucement en la jouissance de ses privilèges, et selon la modestie due à sa condition et au lieu où elle demeure. — Or sus, mes très-chères et bonnes [Sœurs], je vous embrasse derechef en esprit. Conservez-moi au milieu de votre cœur, et je vous assure que je vous porte toutes très-tendrement au milieu du mien, et ne cesserai de vous aimer uniquement et de prier pour vous. Faites le même pour moi, je vous en conjure, afin que Dieu me fasse miséricorde, et que je parvienne à Lui. Faites mes excuses à toutes nos Sœurs auxquelles je ne fais point de réponse, surtout, s'il vous plaît, à notre Sœur l'assistante de Moulins.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE DLIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Départ des Mères assemblées à Annecy. — Affaires diverses. — La Sainte ne veut point être appelée Supérieure des monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1624.]

Certes, ma très-chère fille, je suis un peu marrie de quoi nos bonnes Sœurs se pressèrent tant de partir d'ici, puisqu'elles ont été si longtemps par les champs, mais Dieu l'a permis ainsi, quoiqu'il me semble que le séjour [d'Annecy] leur était utile ; car enfin, ma vraie fille, cette maison est de grande [323] édification et bénédiction. Croyez que notre saint Père y a bien laissé son esprit ; la gloire en soit à Dieu seul et la récompense à son Saint ! — Il est vrai, M. Michel [Favre] veut écrire notre Coutumier ; cela sera un peu long, mais rien ne presse, car vous avez tout [dans] les vieux, excepté le chapitre du Supérieur. Vous ne me dites point s'il est à votre gré ; il me semble qu'il y sera, car je me suis essayée de le coucher selon les vrais sentiments et paroles de notre Bienheureux Père. Or sus, la volonté de Dieu a été faite en cela ; sa volonté, s'il lui plaît, sera qu'elle soit observée, sinon il faudra avoir patience pour [établir] ce qui n'est que direction et conservation des coutumes et éclaircissement des Règles ; aussi bien, il la faut prendre de voir que trop souvent on contrevient ou on néglige des Constitutions bien essentielles.

Savez-vous ce qui s'est passé à Grenoble ? Oh ! c'est bien en d'autres monastères que la règle de la visite [canonique] et de l'élection n'est point gardée ! Dieu nous fera la grâce de voir ci-après plus de fermeté, s'il lui plaît nous aidera obtenir la Bulle pour la perpétuelle observance des Règles et Constitutions.

Il me tarde de savoir ce qui sera résolu de la réception de ces filles en Avignon ; partout il y a quelque contrariété. Je voudrais vous pouvoir tout dire et que vous sussiez tout ce qui se passe, afin de vous donner de l'expérience ; Dieu suppléera à tout. — J'écris à madame de Chevrières ; voyez la lettre et la redonnez à ma cousine. L'on m'écrit que Mgr de Lyon a mandé à M. le grand vicaire je ne sais quoi de la fondation. Certes, ils auront tort d'accepter la succession des filles ; vous devez vous en défendre, sans m'alléguer nullement toutefois, ni le Coutumier. Croyez-moi, notre Bienheureux Père n'eût jamais accepté cette condition, à mon avis ; il craignait trop les embarras et inquiétudes aux monastères ; Dieu veuille détourner cela, et enfin son saint vouloir soit fait ! Au moins faudrait-il trois filles à Roanne, mais bonnes : une fondation serait [324] bien là. Je suis fort pressée. Bonjour, ma toute très-chère fille.

Dieu soit béni !

[P. S.] Ma fille, priez [Dieu] pour moi, afin que sa Bonté me fasse la grâce de convertir mes désirs en effets, et que je ne vive plus qu'en Lui, en toute pureté, simplicité et sincérité de vie, d'œuvres, de pensées et d'affections. Ma fille, j'oubliais encore de vous dire que vous ne m'appeliez point Supérieure des monastères, au-dessus de vos lettres ; il y a longtemps que j'oublie de vous le dire. Hélas ! je ne le suis point, Dieu merci ; je désire d'en être la plus petite et humble Sœur et servante. [J'ai] je ne sais quoi à vous dire sur le gouvernement de vos filles, mais je n'en ai le loisir maintenant. Mandez-moi comme vous avez trouvé nos Sœurs à votre gré.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLX - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À DIJON

Nécessité d'inspirer aux jeunes Religieuses l'amour et l'estime de leur Supérieure ; celle d'une fondation n'est jamais élue capitulairement.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 1624.

Ma très-chère fille,

Puisque vous venez à nous et notre Sœur [Paule-Jéronyme Favrot], je ne vous ferai que ce billet à vous deux, pour vous assurer que vous serez les très-bien venues, et que nous vous recevrons cordialement et chèrement. Je vous prie toutes deux d'accoiser l'esprit de ces deux jeunes professes, et leur donner [325] l'estime qu'elles doivent avoir des vertus et mérites de notre Sœur leur bonne Mère, avec l'amour et confiance filiale requis, et qu'elles lui doivent aussi. Je confesse que j'ai été marrie de ce que l'on a laissé entrer le contraire dans leurs esprits. Certes, cela ne se devait jamais faire, et l'Esprit de Dieu n'a point opéré les mouvements et pensées que vous m'écrivez qui sont dans les esprits. C'est notre Bienheureux Père et moi qui l'avons donnée pour Supérieure là, pour le temps qui sera convenable qu'elle y soit, et avons cru, comme il est vrai, gratifier grandement ce monastère, et puis l'on vient tracasser je ne sais quoi ! Vous avez été Supérieure à Bourges, fûtes-vous élue autrement ? Quand les trois ans seront complets, on fera élection. Celle qui fut présentée et acceptée des Sœurs, ce n'était qu'en cas que nous ne vous eussions pas renvoyé ma Sœur la Supérieure. Je vous dis ceci, ma très-chère fille, afin que vous rendiez ces esprits satisfaits et que la bonne Mère soit reçue comme il faut.

Je suis toute vôtre, mes très-chères filles, et vous dis derechef que vous serez chèrement reçues. Je vous attends allègrement ; venez de même affection.

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [326]

LETTRE DLXI - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À CHAMBÉRY

Il ne faut pas recevoir de nombreuses prétendantes dans les commencements d'une fondation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1624.]

Mon très-cher frère,

Je désirerais grandement que ceux qui veulent mettre des filles en notre monastère de Chambéry ne requissent pas de nous ce qu'en conscience nous ne pouvons pas [accorder] ; car nous sommes obligées de ne pas surcharger cette maison naissante, de crainte de l'accabler. Néanmoins, vous savez la répugnance que j'ai à mécontenter et à marchander ; c'est pourquoi je laisse cela à votre prudence et à celle de ma Sœur [Fichet].

Je vous supplie de saluer le Révérend Père recteur de ma part. Je désirerais bien de savoir s'il n'a point reçu une lettre que je lui avais écrite. Je vous prie de saluer aussi de ma part le bon M. Maurice et tous nos amis, et vous supplie de m'excuser si je ne vous écris [pas] de ma main, mais je me dispense ainsi librement à votre endroit, vous assurant que je suis, mon très-cher frère, votre plus humble Sœur et servante en Notre-Seigneur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [327]

LETTRE DLXII (Inédite) - À MONSIEUR LE BARON DE CHANTAL

SON FILS

Elle partage la douleur que lui cause la mort de son premier-né, et l'exhorte à se maintenir soigneusement dans la grâce de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 25 juillet [1624].

Véritablement, mon très-cher fils, ce fut une très-douce consolation à nos âmes de se communiquer un peu leur douleur, car je confesse que mon amour plus que maternel ne permet pas à mon cœur d'être insensible aux accidents qui vous touchent. Mais je bénis Dieu qui nous allège par l'espérance de votre rétablissement, et supplie sa douce Bonté d'affermir vos pas en telle sorte, que vous puissiez en paix et en sa crainte jouir à longues années du bonheur de votre saint mariage, et de la douce société et cordiale bienveillance de toute celle chère et très-honorable famille en laquelle Dieu vous a mis. Vous me consolez grandement, mon très-cher fils, quand vous me témoignez l'amour que vous leur portez, car je ne désire rien tant sinon que vous leur donniez un réciproque contentement. Pour moi, je les honore et les chéris tous en [un tel] degré que je ne puis exprimer, et ne cesserai jamais d'invoquer la divine. Miséricorde dessus tous, ne pouvant leur rendre aucun autre service. Certes, mon très-cher fils, aujourd'hui après la sainte communion, comme je vous mettais entre les mains de Dieu, et avec vous toute la famille, je ressentis une spéciale confiance qui m'a fait espérer que ce grand Père des miséricordes, après le châtiment, vous donnera sa consolation, ainsi que je l'en supplie de toute mon âme, et vous, mon très cher fils, de vous tenir le plus fidèlement qu'il vous sera possible en sa sainte grâce, vous abstenant des choses qui vous en [328] peuvent éloigner ; car enfin, mon cher enfant, c'est de sa douce Bonté que nous devons attendre tout notre bonheur en cette vie, et, ce qui est le principal, l'éternelle félicité en sa gloire.

Soumettez-vous amoureusement à la disposition qu'il a faite de votre pauvre petit fils : c'est une bénédiction que les prémices de votre mariage soient au ciel ; il vous impétrera des bénédictions, et Dieu vous en donnera bien d'autres.

Ne doutez point, mon fis, que nous recevrions ici la chère nièce de M. de Coulanges, et avec telle condition qu'il voudra ; il n'y aura rien à marchander ; mais s'ils la veulent loger à Paris, comme m'en prie ma Sœur la Supérieure de là, ou en quelque autre de nos monastères de France, il faudra la doter médiocrement, parce que les Supérieurs ne veulent pas que l'on reçoive les filles pour rien. — Je ne vous dis pas la consolation que ce me serait de vous voir ; mais aussi je ne voudrais pas que ce fût avec trop d'incommodité de votre part. Dieu vous suscitera quelque occasion moins difficile, s'il lui plaît.

Je salue très-humblement Mgrs de Bourges et de Châlon. Adieu, mon très-cher fils, à Dieu soyons-nous éternellement ! Je suis sans réserve et d'une affection maternelle, toute vôtre. Dieu répande sur vous ses très-saintes bénédictions ! Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Amiens. [329]

LETTRE DLXIII - À MADAME LA COMTESSE DE TOULONJON

SA FILLE

La Sainte se réjouit de la naissance d'une petite-fille. — Nouvelles du baron de Chantal. — Affectueuses recommandations,

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1624.

Ma pauvre très chère fille,

Je loue Dieu qui vous a donné un si heureux accouchement d'une chère petite fille, qui me fait espérer qu'un jour, Dieu aidant, son nom y aura quelque part. Sa douce Bonté répande sur vous toutes ses saintes bénédictions !

Vous aurez su, ma très-chère fille, le surcroît d'affliction qui est arrivé à votre pauvre frère, par la mort de leur petit ; mais s'il est mort après le baptême, comme je l'espère de la bonté de mon Dieu, il y a plus de sujet de consolation que de tristesse. Je pense que ses affaires traîneront à la longue. Dieu par sa douce bonté y donne une heureuse issue, et à vous, ma très-bonne et chère fille, tout le contentement que je vous souhaite, mais surtout la grâce de vivre et mourir en l'amour et sainte crainte de Notre-Seigneur. Ma fille, vous me promettez toujours beaucoup, et je prie Dieu que vous le fassiez ainsi.

Je salue très-chèrement mon fils votre mari que j'honore et chéris de tout mon cœur, et M. votre beau-frère. Mais devant tous, je salue M. de Toulonjon,[101] et mes deux chères petites ; je les baise et embrasse très tendrement. Ma Sœur [Favre], qui s'en retourne à Dijon, m'a dit que vous lui vouliez donner mon nom : j'en serai bien aise, pourvu que mon fils le trouve bon, et que vous n'ayez personne que vous désirez gratifier de cette alliance. [330]

Bonsoir, ma très-chère fille ; je retourne à Chambéry bientôt, puisque ma Sœur retourne à Dijon. Vous savez quel est mon cœur pour vous, ma très-chère fille chérie.

Dieu soit béni !

LETTRE DLXIV - À LA SŒUR MARIE-ADRIENNE FICHET

ASSISTANTE-COMMISE À CHAMBÉRY

La simplicité et l'amour du la petitesse sont des vertus essentielles à la Visitation. — La bonne oraison est celle qui conduit à la mortification.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1624.]

Ma très-chère fille,

Ce que nous devons ambitionner d'emporter par-dessus toutes les autres, c'est la très-sainte humilité et amour de notre propre abjection. Je vous supplie, et toutes nos très-chères Sœurs, de mettre votre unique gloire et satisfaction en cela, et ayez toujours devant vos yeux ce que notre Bienheureux Père a tant de fois dit « que tandis que nous conserverions l'affection à la petitesse et abjection, les bénédictions de Dieu abonderaient sur nous, et que sitôt que nous nous élèverions par-dessus les autres, ses grâces cesseront ». Tenez-vous armée contre les tentations des vaines et dangereuses louanges du monde. Pour cela j'estime grandement la pratique intérieure des vertus qu'il n'y a que Dieu et nous qui les sachions ; ce sont les meilleures pour nous qui devons être toutes cachées aux yeux du monde. C'est en cet amour intérieur seul, et en la parfaite douceur et simplicité, que nous devons exceller ; c'est-à-dire, nous approfondir de plus en plus en notre petitesse et à l'anéantissement de notre propre jugement et volonté, et enfin de tout ce qui nous est propre. [331]

J'ai toujours remarqué que Dieu vous donne toujours beaucoup de bonnes affections ; c'est ce qui me fait espérer que vous produirez des bons effets, sans lesquels les bonnes affections sont de peu ou de point de valeur. Surtout, adonnez-vous à la sainte douceur et simplicité, et enfin à toutes les vertus chrétiennes. Votre oraison sera toujours bonne, quand elle vous portera à la mortification de vous-même. Ne vous étonnez pas de vos imperfections, mais humiliez-vous partout : comme disait notre Bienheureux Père, « c'est la meilleure médecine pour toutes sortes de maladies, que cette humilité de cœur ». Adonnez-vous-y tout de bon, et faites ferveur pour cela, et pour l'amour de Dieu et du prochain. Ayez toujours devant les yeux cette parole : La charité supporte tout avec esprit d'amour. Gardez-vous de la mélancolie et du chagrin ; interprétez en la meilleure part que vous pourrez les actions de vos Sœurs, les considérant comme épouses sacrées du Fils de Dieu ; regardez-vous fort petite, au-dessous de toutes. Pensez souvent que votre plus grande affaire est celle de votre salut, et de vous perfectionner selon votre Institut. Demandez cette même grâce pour moi qui suis toute vôtre, etc.

LETTRE DLXV (Inédite) À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Il faut servir les âmes avec latitude de cœur, zèle charitable et amour maternel. __.Divergence d'opinions au sujet d'un Visiteur général.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 29 juillet [1624].

Ma très-bonne et très-chère fille,

Le bon Mgr de Belley[102] s'accoise un peu. Je crois que le remède [332] qu'a donné votre charité consolidera [guérira] toutes les plaies, Dieu aidant. J'espère que nos Sœurs rembourseront sûrement.

Ma très-chère fille, je trouve que la pilule des filles présentées sans être nommées est toujours pilule, mais plus dorée. Or, je ne sais pourquoi vous me remémorez cette affaire, ma très-chère fille, car vous savez que je n'y puis rien, puisque ce n'est pas à ce monastère que l'on s'adresse ; mais j'écrirai à ma Sœur la Supérieure de Lyon qu'elle avise à contenter cette bonne dame et lui annonce le billet, afin qu'avec M. le grand vicaire elle résolve s'il se peut ; cependant, assurez-la que de tout mon cœur je la voudrais servir et désire sa consolation ; bientôt elle pourra savoir de leurs nouvelles.

Oh ! ma très-chère fille, je le vous proteste ainsi, que jamais rien au monde ne vous ôtera la place que Dieu vous a donnée dans mon cœur ; ne vous laissez point ébranler de ce côté-là, et ayez grand courage et vous estimez heureuse de servir et perfectionner ces âmes pour Dieu, quelque peine que vous y ayez. Attachez-vous à cela, ma chère grande fille, comme au plus grand service que vous puissiez rendre à Dieu, et qu'il désire de vous ; j'espère qu'il vous en donnera de la consolation. Montrez-leur un grand amour et que vous les voulez toutes douces, toutes simples et pauvres d'esprit, et parfaitement ponctuelles ; elles vous chériront, ma fille, sitôt qu'elles verront ce zèle en vous. Vous me conjurez de vous dire toutes [choses] franchement ; ma fille, croyez-moi que je traiterai avec vous comme avec ma propre âme, car j'ai confiance que vous le recevrez aussi comme de votre propre cœur.

J'espère que notre Sœur N*** profitera de la mortification d'être à Belley : elle la ressent très-bien. — Je n'ai point encore [333] parlé au cousin qu'en commun ; son cœur s'aguerrira bien, je l'espère. Bonsoir, ma fille très-chère. — On gronde notre Visiteur bien fort : vous savez le sentiment que j'eus sur cet article ; il faut écouler et peu parler. On m'a dit qu'une personne digne de foi assure qu'à Lyon notre Bienheureux Père lui dit qu'il ne fallait point de Visiteur ; si cela est, il faudra préférer ce témoignage-là à celui de M. Michel [Favre], parce que ce seraient les derniers sentiments du Bienheureux. Nous verrons ce que dira notre bon Père Mgr de Langres. Adieu, mille saluts à tous. Ma très-chère fille, soyez tout aimable, toute suave et gaie dans la parfaite observance. Ah ! mon Dieu ! qu'il nous faut être jalouses de notre esprit ! Dieu soit béni ! Je vous recommande cette Sœur de Villers que j'aime tant.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DLXVI - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Attachement inaltérable à l'esprit de l'Institut et aux maximes du Bienheureux Fondateur ; faveurs miraculeuses obtenues par son intercession. — Temps que doit durer l'action de grâces de la communion, après None. — Des pénitences. — Désintéressement dans la réception des sujets.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1624.]

Oh ! ma très-chère fille, que je loue Dieu de bon cœur de la décharge que vous me faites de votre chère âme ! Vous aviez besoin de me faire cette confession. Or sus, n'en parlons plus, ma très-chère fille ; passé ceci, je ne vous veux rien dire, sinon que, si j'étais auprès de vous, je vous donnerais un petit soufflet d'amour avec un cœur le plus maternel que vous aurez jamais. Avoir laissé entrer dans votre esprit cette impertinence que nous nous voulions mettre du tiers ordre de [334] Saint-François de Paule, Seigneur Jésus ! ma fille, comme cela a-t-il pu être possible ? Hélas ! je voyais bien de la tentation en votre esprit ; mais certes, ma très-chère fille, je n'eusse eu garde de deviner celle-là. Oh ! Dieu soit loué, qui sait qu'aucune cogitation de changement n'entre dans mon esprit, non pas certes le moindre dissentiment des sentiments et inclinations que j'ai connus en mon très-saint Père. Ce me serait chose impossible, ce me semble ; et la plus grande répréhension que l'on m'ait faite dès son décès est, à mon avis, celle que plusieurs m'ont dit que je m'attachais trop fermement à ce que je croyais ou pensais être des sentiments de ce très-heureux Père. Oh ! vraiment, mon enfant, ce ne serait pas à Nessy ni auprès de ceux qui nous environnent qu'il eût fallu faire telle proposition. Or brisons, ma très-chère âme, et nous appliquons. avec une affection toute filiale à la sincère observance des choses que ce Saint nous a laissées. Je sais votre zèle pour cela ; si j'en ai, ce n'est que pour cela aussi, ne désirant rien que de voir par une exacte observance fleurir l'esprit d'une basse et très-humble humilité, douceur et simplicité, qui est le vrai esprit de notre grand saint Patriarche. O ma fille ! que cette vérité me touche, qu'à mesure que nous profiterons et avancerons en la vraie vertu, en suite des saints documents et exemples de notre Saint, nous accroîtrons en nous la gloire de Dieu et la gloire accidentelle de notre vrai Moïse.

1° Il n'y doit avoir que demi-quart d'heure dès la fin de None, tant pour l'examen et Pater qu'action de grâces, et nos Sœurs d'ici m'ont dit qu'il était bon de le marquer et régler. 2° L'article des pénitences ne sera point dans les Directoires, et ces choses n'ont été ramassées et écrites que pour aider les Supérieures qui l'ont tant désiré et demandé, ainsi qu'il leur était promis, et aussi pour empêcher que l'on en invente des nouvelles et contraires à la modestie [modération], comme ont fait quelques-unes, ce que notre Bienheureux Père ne [335] voulait nullement. Et ce n'a point été son intention de nous lier par ce qui se dit dans le Directoire : car ce sont des choses de direction, non des commandements. Bienheureuses seront celles toutefois qui les observeront fidèlement.

Je trouve céans cette ordonnance de notre Bienheureux Père, qu'à l'ordinaire on ne fait plus de mortifications que celles que la Supérieure fait imposer par la lectrice ou autrement, mais qu'autour des grandes fêtes et aux temps marqués, elle doit donner une générale licence d'en faire au réfectoire. Quand donc elle en verra faire à celles qu'elle jugera ne le devoir faire, elle leur retranchera. Pour les disciplines et macérations, on demande congé en particulier.

Oh ! s'il eût plu à Dieu de nous laisser encore notre Bienheureux Père six ans ! Mais Sa Providence sait ce qu'elle fait, elle nous protégera, s'il lui plaît, et nous fera la grâce de cheminer par la voie de cet esprit humble et doux qui nous conduira à la jouissance de cette éternelle béatitude, après laquelle seule nous devons soupirer. Certes, ma chère fille, les miracles que Dieu opère par les prières de son très-humble et très-saint Serviteur ne me sauraient accroître l'amour et l'estime que j'en ai ; car ce qu'il a plu à Dieu de me faire savoir et connaître de cette très-sainte âme me donne une croyance qu'il ne se peut faire un plus grand miracle que celui de sa vie incomparable et remplie, voire, comblée de toutes excellentes vertus et actions saintes ; mais je loue Dieu pourtant et reçois grande joie de ce qu'il manifeste son humble et fidèle Serviteur. Si je puis, nous vous enverrons un extrait de quelques-unes des grâces qui se sont faites.

Notre très-chère Sœur la Supérieure de Lyon nous envoya incontinent le recueil que je l'avais justement priée de faire sans que je pensasse, hélas ! à ce qui en devait arriver. Je me suis souvenue encore de quatre ou cinq bonnes choses que ce Bienheureux me dit à Lyon. [336]

Mon Dieu ! ma très-chère fille, que de bénédictions vous attirerez sur vous et votre maison, si vous demeurez en cette pratique de ne point regarder aux biens des filles, mais à leurs bonnes conditions selon l'esprit : certes, jamais les biens ne vous manqueront, et vous le verrez. Vous apprendrez ce qu'il a dit touchant les Jésuites et autres Ordres ; c'est à ce choix des esprits propres à notre Institut que la Supérieure doit surtout montrer sa prudence.

Or je loue Dieu, ma très-chère fille, du bon état de votre maison, laquelle certes me donna une grande satisfaction [par le récit que vous m'en fîtes] dans ce peu de jours que nous eûmes le bonheur de demeurer avec vous. Que puissiez-vous de jour en jour, ma très-chère fille, croître en toutes vertus, sainteté et perfection, par une fidèle et amoureuse observance ! Je veux vous dire aussi que, grâce à notre bon Dieu, cette maison chemine sans exception, avec une douceur, simplicité et cordiale joie, dans ses observances très-fidèlement. Enfin, elle se ressent fort du bonheur dont Dieu la gratifie.

Je pense bien, ma fille, que le Coutumier n'a pas besoin d'autre autorité que de celle de son auteur. Les monastères ayant tant de certitude que tout est de lui, il ne faudra que la fidélité en laquelle j'espère qu'ils ne manqueront pas, et Dieu conservera notre cher Institut : c'est Lui qui l'a fait et qui en est l'Auteur ; Il en sera le protecteur, et notre très-saint Père n'en quittera pas le gouvernail. Pour moi, ma très-chère fille, je vous dis simplement que tout mon soin s'applique à les bien faire observer, car enfin, comme dit notre Bienheureux Père, « notre bonheur dépend de la fidélité que nous aurons chacune à nous tenir unies à Dieu, par l'exacte observance ».

Certes, ma fille, j'ai grand sujet de louer Dieu en ces deux familles de Nessy et de Chambéry, et faut que je vous dise confidemment que je n'avais vu encore un noviciat tel que celui de céans. Ce [337] sont des âmes les mieux faites, les meilleurs esprits, doux, maniables, et qui ne respirent que la piété.

Bonjour, ma très-chère fille, Dieu soit béni qui m'a rendue entièrement vôtre et de tout mon cœur.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DLXVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE LYON

Admirable humilité de la Sainte. — Témoignages de maternelle confiance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 9 août [1624].

Ma très-chère vraie fille,

Oh ! certes, votre lettre m'a tout à fait attendrie et touchée ; mais quel moyen de vous celer cela, ma très-chère fille ? Il est vrai qu'après que je l'eus écrite, j'eusse voulu ne l'avoir pas fait, me représentant que cela blesserait votre cœur, duquel toutes les douleurs me sont sensibles. Oh ! ma fille, assurément Dieu a permis ceci pour notre mieux, et nous affermir toujours davantage en l'invariable dilection qu'il a faite entre nous, laquelle, si je ne me trompe, est très-incomparable et inexplicable. Demeurons en paix et en confiance, et croyez-moi, ma vraie fille, qu'il me serait impossible d'entrer en méfiance de vous, non plus que je sens que vous ne le pourriez faire de moi ; mais je confesse qu'au récit de tout ce que je vous ai écrit, mon cœur reçut de la douleur et en fit un soupir de larmes ; mais cela fut aussitôt passé. Je vous dis naïvement ma faiblesse. [Plusieurs lignes indéchiffrables.]

Oh ! ma très bonne et très-aimée fille, si vous aimez ma consolation, effacez de votre cœur tout cela, car le mien ne sera pas à son aise qu'il ne vous en voie entièrement guérie. [338] Enfin, Notre-Seigneur m'a rendue votre Mère avec une affection si spéciale que rien ne la saurait ébranler, et sa Bonté vous a donnée à moi pour être la vraie fille de mon cœur et qui m'est en la considération que Lui seul sait. Demeurons fermes en cela. Hier, je vous écrivis une lettre répondant aux deux vôtres dernières. Ma fille, mon âme est vôtre, et je vous aime comme mon propre cœur. Demeurez en paix.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLXVIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

La parfaite observance est une source de paix dans les monastères. — Il faut chérir les contradictions et travailler à acquérir l'esprit de douceur. — Préparatifs de la fondation d'Autun.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 22 août [1624].

Ma très-chère fille,

Je loue Dieu de savoir la paix chez vous. Il faut bien prier sa divine Bonté de l'y continuer, et que chacune y apporte ce qui se pourra ; c'est le bonheur des bonheurs que celle sainte paix. J'espère que la fidèle pratique du Coutumier vous le rendra tous les jours plus agréable. Je serai bien aise de voir l'approbation [de l'évêque] d'Autun, et encore plus que Dieu soit glorifié en toutes choses.

Vous ne sauriez faillir avec l'avis du Révérend Père recteur, et je suis bien aise que l'affaire des indemnités soit passée à votre gré. Oh ! ma très-chère fille, que les occasions de désapprouvement de nos actions et conduite nous doivent être précieuses ! Il les faut cacher dans notre sein, disait notre Bienheureux Père, et les caresser et chérir tendrement. Cette bonne [339] Sœur a un cœur tout à fait bon ; mais cette liberté de parler est un peu fâcheuse. Oh bien ! ma très-chère fille, c'est cela qu'il faut supporter en elle et cordialement. Je sais que la charité ne vous manque pas, et que vous avez l'esprit fort juste ; mais, ma fille, parce que vous l'avez un peu rigide de votre naturel, il faut que vous le penchiez toujours du côté de la douceur et compassion. Croyez-moi bien en cela, ma très-chère fille, car il me semble que Dieu me fait assez connaître votre cœur, et sa Bonté m'a donné pour vous un amour très-cordial et particulier. Vous me demandez sur quoi il est fondé ? Ah ! ma fille, son fondement est Dieu, et les saintes affections que sa divine Majesté a répandues dans votre âme sont les liens qui me joignent à vous. Persévérez en cette attention d'accompagner votre zèle et exactitude de douceur, de suavité, de bonté et de tranquillité, et Dieu vous fera de grandes grâces, comme je l'en supplie de toute mon âme.

Je ne puis vous dire qui vous mettrez directrice ; il faut une fille solide, et je ne me souviens pas bien des vôtres. Cela est d'autant plus nécessaire, que je vois qu'il faut que vous alliez à Autun pour plusieurs bonnes raisons ; mais, je vous prie, consultez avec le Père [recteur] qui vous laisserez en charge de Supérieure et de directrice, car il est important que ce soient des filles faites, et d'exacte observance et douceur.

Puisque le bon M. de la Coudre trouve bonne la communion du samedi, vous la devez faire avec humilité, et pour obtenir la sainte douceur de cœur. — Oui-da, ma fille, les Sœurs peuvent écrire les documents du Coutumier pour les garder. Elles ne sont point obligées de lire, tous les mois, le Directoire spirituel ; vous savez que cela a toujours été en liberté. Pour l'Entretien, il suffit que vous en fassiez lire ce que vous jugerez à propos. — Les conditions que cette bonne demoiselle demande sont fort justes, vous les lui pouvez accorder et traiter avec elle. Notre Bienheureux Père a fait pratiquer ce qu'elle désire, de mourir [340] dans l'habit [religieux], à une dame qui le désirait sans autre occasion [motif] que de sa dévotion. Vous faites fort bien de préparer des filles pour Autun et de leur faire prendre là l'habit. Je laisse à votre discrétion et au jugement du Révérend Père recteur le temps d'aller à Autun, et de choisir les filles.

Je suis très-aise que notre Sœur la Supérieure de Paris vous ait bien édifiée : c'est une fille de vertu et bonne. Bonjour, ma très-chère fille ; je salue toutes nos chères Sœurs, à part le bon M. de la Coudre et la pauvre malade, et vous, ma fille, que je servirai toujours de bon cœur, Dieu m'ayant donné une affection très-sincère pour vous. Qu'il soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLXIX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Conseils pour l'oraison. — On peut quelquefois tenir le Chapitre le matin, mais n'en pas faire coutume.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1624 ]

[Est-il possible], ma très-chère fille, de voir telles passions en des âmes qui ne doivent aimer [que Dieu] et ne s'occuper qu'en Dieu ! Vu les raisons, je ne vois pas qu'il fût à propos de s'établir à Roanne ; au contraire, je crois qu'il n'y faut plus penser. Hélas ! nous n'avons pas besoin de tant [nous] multiplier ; à mesure que Dieu donnera des pierres fondamentales, Il pourvoira de fonds convenables pour les poser. — Oui, ma très-chère fille, vous avez fort bien dit à notre Sœur Marg. -Jacqueline [de Lestang] ; il lui faut laisser suivre son train d'oraison et ne lui rien dire qui l'en dégoûte, car cela lui apporterait grand trouble. Puisque cela se passe en elle par manière de vues et paroles intérieures et sans peine, il ne la faut point retirer de là, mais lui [341] faire tirer des résolutions pour l'imitation des vertus qu'elle voit que Notre-Seigneur pratique ès mystères, afin que ces fleurs de consolation se convertissent en fruits de bonne opération, surtout de la souplesse, douceur et support du prochain, et de cette petitesse et simplicité que Dieu requiert de nous.

Il n'y a point de mal de tenir le Chapitre quelquefois le matin, selon que les affaires le requièrent ; mais, ma fille, d'en faire coutume pour changer cet ancien [usage] de le tenir après dîner, je pense qu'il ne le faut pas faire ; au moins notre Bienheureux Père ne voulait pas que cela se fit céans. Il disait que quand les coutumes étaient établies, il les fallait conserver ; que sitôt que l'on commencerait à en changer une, on mépriserait les autres ; puisqu'on doit observer cela par tous les monastères, je ne voudrais pas faire coutume de la changer... [Plusieurs lignes illisibles.]

...Messeigneurs les prélats nous sauront bon gré de notre souplesse, mais il faut attendre ce qu'ils diront, et puis je m'essayerai de réduire tout au contentement de tous. Oh Dieu ! si cela se fait, que mes sentiments seront satisfaits, car je ne puis trouver repos qu'en cet abandonnement et parfaite confiance en la Providence. Vous pouvez faire savoir ce que je vous écris sur ce sujet à notre Sœur la Supérieure de Nevers et ès autres qui vous en parleront ; mais que l'on n'en parle que pour répondre, et selon la véritable intention que l'on a eue et que l'on a de suivre en tout l'intention de notre Bienheureux Père. Votre prudence conduira bien tout, et je pense que vous devez dire ceci à M. de la Faye et autres que [vous] jugerez à propos ; enfin, nous ne voulons rien qui fâche nos Supérieurs. [Plusieurs lignes illisibles.] M. Michel veut écrire notre Coutumier, mais il est tardif. Voilà vos lettres répondues, ma vraie et très-chère fille ; Dieu veuille que ce soit à sa gloire et soit éternellement béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [342]

LETTRE DLXX (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Détails relatifs à la maison de Moulins. — On désapprouve le projet d'un Visiteur général. — Dieu maintiendra l'Institut si on y conserve l'esprit d'humilité et la parfaite observance. — Pauvreté de quelques monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 3 septembre 1624.

Ma très-bonne et chère sœur,

Loué soit notre bon Dieu qui vous a fait arriver heureusement parmi vos très-chères filles ! Sa Bonté veuille conserver en l'âme de la pauvre Sœur Marie-Aimée [de Morville] les bonnes affections et résolutions qu'elle vous a témoignées ! Il le faut espérer de Notre-Seigneur.[103]

Je travaillerai, mais doucement et lentement, à adoucir le cœur de notre chère Sœur dont vous m'écrivez, afin qu'elle ne s'aperçoive point d'où me sont venus les avis. Ce qui est du naturel est longtemps à se polir. Elle aime la vertu, sa vocation et sa perfection ; cela me fait espérer que Dieu lui donnera du secours et delà force pour se polir. Je ne suis en peine que de voir qu'il n'y a point là des filles pour gouverner ; car, de s'attendre à notre Sœur Péronne-Marie [de Châtel], je n'y vois point de moyen. Cependant, je sais que cette maison a besoin d'une bonne Mère ; je me tourne de tous les côtés, mais je ne vois pas que le secours lui puisse être donné si promptement. Dieu, qui est notre unique recours, y veuille pourvoir par sa bonté ! je m'en repose en Lui, Dieu nous aidera en nos affaires.

Il y a quelques prélats qui désapprouvent le Visiteur. Vous [343] savez ce qui se passe ici sur cet article ; mais Dieu, qui l'a voulu ainsi, en tirera sa gloire sans doute. Il n'y a pas grande utilité à ce Visiteur : la plus grande, c'est qu'il sert de marque extérieure de l'union entre les monastères, et peut servir à la conformité. Or bien, Dieu réduira tout au point de sa sainte volonté, et enfin si les prélats n'agréent pas, je crois qu'il le faudra dire simplement au Pape afin qu'il en ordonne et conclue, et cela est tout ce qui se peut faire. Pour Mgr de Lyon, on ira à la bonne foi avec lui pour recevoir ses avis et assistances. — Mgr de Langres n'a nullement été repris d'avoir laissé venir notre Sœur [Favre], et m'a écrit qu'il signerait sans voir tout ce que je lui enverrais. Il est contraire aux autres ; car c'est l'un de ceux qui voudraient que nous eussions un recours assuré, et qui eût toute autorité sur nous pour remédier à tous les inconvénients qui arrivent aux monastères ; souvent il m'en a écrit, et l'on s'empresse de savoir à qui l'on aura recours quand je serai morte. Je dis que la divine Providence, à laquelle notre Bienheureux Père nous a laissées, y pourvoira. Il nous faut peu répondre et parler de tout ceci, et nous appliquer fermement et fidèlement à faire, et à bien établir une parfaite observance dans nos monastères ; surtout que cet esprit de douceur, d'humilité petite et basse, de simplicité et pauvreté y reluise de toutes parts. Voilà, ma pauvre et très-chère fille, où je voudrais que butassent tous nos soins et prétentions, et Dieu nous gardera du reste. Oh ! que je suis consolée de vous voir pleine de courage pour cela, et vos pauvres chères filles que je salue très-chèrement avec vous !

Je n'oublie pas M. l'official, lequel j'honore d'un honneur tout cordial, et me réjouis de quoi vous l'avez plus présent. Ses avis ne nous peuvent qu'être utiles, et toujours je les recevrai avec l'honneur que je dois. — Ceux de Roanne se sont adressés à nos Sœurs de Lyon qui m'en ont écrit. Je leur ai dit mon sentiment ; je crois que l'on attend quelque réponse de Mgr [344] l’archevêque. — Je crains que les Supérieurs de Lyon ne permettent pas de vous prêter si grosse somme. Celles de Bourges, qui sont en extrême pauvreté, leur demandent aussi. Il faut avoir un grand courage parmi ces pauvretés. Si nous n'avions ces deux maisons de Belley et Chambéry, nous ferions prou ; mais, certes, ma fille, nous ne leur pouvons suffire. Dieu, qui est notre Père et qui sait de quoi nous avons besoin, nous pourvoira sans doute, au moins du nécessaire, si nous lui sommes fidèles, comme j'espère nous le serons moyennant sa sainte grâce ; et je suis tout aise, ma pauvre et très-chère fille, de vous voir avec un si grand courage pour l'observance et toute gaie et contente d'avoir été ici. Il me semble que nos Sœurs deviennent tous les jours meilleures, et que Dieu leur accroît ses grâces. Je L'en bénis, et Le supplie que nous soyons fidèlement invariables à faire et souffrir tout ce qu'il Lui plaira nous ordonner. Je suis en Lui, si très-entièrement vôtre qu'il ne s'y peut rien ajouter. Priez pour nous. Je salue tous les amis.

Dieu soit béni !

[P. S] Je vous ferai écrire un Coutumier, mais cela emportera plus d'un mois.

Conforme à l'original gardé aux Archive de la Visitation d'Annecy. [345]

LETTRE DLXXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

La récitation du petit Office de Notre-Dame est obligatoire. — C'est une pratique de mortification de supporter les piqûres des insectes. — Tous les monastères s'affectionnent à la lecture du Coutumier. — Affaires d'intérêts. — Le mépris est le meilleur remède à opposer à certaines tentations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1624.]

Ma très-chère fille,

En réponse au billet particulier, je vous dirai que toujours et tous les jours, sans exception d'aucune fête, nous sommes obligées de dire l'Office de Notre-Dame, tout ainsi comme il est, sans aucun retranchement de Kyrie, eleison ni autre chose, excepté les trois jours de Ténèbres, et ce que le Directoire marque pour quelques fêtes particulières. Quant aux commémorations pour les fêles de Notre-Dame, [des] personnes très-capables et entendues à ce qui est de l'Office les ont marquées comme elles sont au Directoire, car ce n'est pas pour faire commémoration de Notre-Dame, puisque nous en faisons l'Office, ains seulement du mystère que l'Église nous représente en ces grands jours : vous suivrez donc simplement le Directoire en ce qu'il marque. Je me suis aperçue que l'on a oublié de dire que l'on fait la commémoration du mystère de la Nativité de Notre-Dame tout le long de l'octave.

Il est vrai, ma très-chère fille, notre Bienheureux Père ne tuait pas les insectes, et disait ce qu'on dit dans le livre [de sa Vie] ; mais cela se doit entendre des insectes qui ne font point de mal et ne portent aucun préjudice. Aux âmes généreuses, je dis que notre Bienheureux Père souffrait doucement les piqûres et ordonnait de les souffrir par forme de pénitence.

Je vous assure, ma très-chère fille, que je suis comme vous, je prends un très-singulier contentement de lire et d'ouïr lire le Coutumier, et je vois que toutes nos Sœurs et toutes nos [346] maisons sont comme cela. Je ne crois pas qu'il se puisse voir un meilleur ordre pour toutes nos actions, que grâce à Dieu nous l'avons : il y a suffisamment de cérémonies pour l'ornement et peu toutefois, en sorte que tout y est simple sans un seul embarrassement. M. Michel a promis de vous écrire les Directoires. Il faudra faire comme vous dites : quand les novices seront sorties du Chapitre, il faudra lire le Coutumier, les Sœurs verront que ce sont leurs coutumes qu'elles pratiquent, c'est pourquoi il en faudra écrire l'acte à la fin du Coutumier, que la Supérieure, l'assistante et les conseillères doivent signer et sceller du sceau ordinaire.

Vous ne nous avez nullement renvoyé la lettre d'Avignon ni celle de Marseille ; vous devriez faire en sorte que. M. le grand vicaire écrivît lui-même son sentiment à madame de Chevrières, afin que cela lui donne patience d'attendre la réponse de Mgr l'archevêque. Il me semble que selon le dernier mémoire que je vous envoyai la chose est accommodable, et que ces deux filles qu'elle se réserve sont plutôt proposées que présentées, si les circonstances y sont bien observées ; si l'on se pouvait emboucher, je pense que l'on accommoderait toutes choses, néanmoins faut-il tâcher d'avoir son amitié, et cela sans querelle. Quant à cette dame Religieuse, je prie Dieu qu'il la loge à son contentement ; pour moi, je crois que tant qu'il nous sera possible, nous devons sur toutes choses lâcher de bien choisir les esprits, et ne nous guère charger de personnes qui aient été en Religion.

Vous avez fait une grande charité d'aider nos bonnes Sœurs de Riom. J'espère que Dieu assistera celles de Bourges ; toutefois l'on ne sait pas si la Providence de Dieu les veut encore exercer.

Ma défluxion m'a forcée de vous écrire par une autre main. Je réponds à notre Sœur Marie-Françoise ; c'est une âme de laquelle Dieu se servira. Donnez-lui le plus de connaissance [347] que vous pourrez des choses de l'Institut et de toutes les affaires qui vous arriveront, afin de la rendre expérimentée tant qu'il se pourra, et qu'elle prenne un humble, grave et gracieux maintien.

Vous devez grandement conforter celle que le diable travaille de ces pensées, qu'elle fait tout pour [mots illisibles]. Il ment ce misérable, et partant, qu'elle méprise ses attaques et lui crache souvent au nez sans autre revanche : qu'elle ne dispute point avec lui ni peu ni prou ; qu'elle ne se revanche point, qu'elle ne réponde point, sinon, Dieu soit béni, et semblables paroles. Deux ou trois fois le jour seulement, qu'elle fasse des actes positifs de renoncement à ces malignes suggestions : qu'elle ne s'inquiète point, car c'est tout ce que prétend le diable que de la troubler ; qu'elle se garde de le faire, et qu'elle porte cette croix humblement et doucement sans la regarder ; que si elle ne peut éviter le trouble, qu'au moins elle ne se trouble pas d'être troublée. Il faut accoutumer nos Sœurs à vivre en paix parmi la guerre, et à demeurer constantes parmi les agitations et toutes sortes de tentations. « Celui qui n'a été tenté, que sait-il ? » dit l'Écriture.

Si le bon Père dom Juste est encore là, je le salue chèrement ; mais je trouve qu'il demeure longtemps. Dites-lui, ma très-chère fille, que le Père général des Feuillants a envoyé douze de ses livres à Madame et aux Infantes ; mais que s'il trouve que nous devions en envoyer de ceux du Père de la Rivière, qu'il en fasse apporter ici pour cela. Je vous supplie, ma très-chère fille, faites dire à M. Lumaque, de Lyon, que nous avons ici les mille ducatons dus à M. le chevalier Balbian ; que s'il pouvait nous donner le moyen de les lui faire toucher ici et y envoyer sa quittance, il nous obligerait fort. Ma fille, ma tête ne veut plus me laisser écrire.

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [348]

LETTRE DLXXII (Inédite) - À LA MÊME

Impression des Épîtres de saint François de Sales. — Les croix d'argent doivent être selon le modèle que donne le Coutumier.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1624.]

Ma très-chère fille,

Nous avançons nos lettres et vous renvoyons les vôtres. J'ai parlé à Mgr de Genève, lequel a laissé à ma liberté de choisir le libraire, de sorte que me voilà inclinée, si vous le trouvez bon, de donner occasion à ce pauvre libraire de ce pays de s'enrichir ; mais il faut que vous vous conseilliez vers les Pères Jésuites et autres amis pour savoir s'il a des bons caractères, et tout ce qui est requis pour bien faire une telle besogne et de telle importance. Enfin, je remets cela à votre prudence et discrétion. Je vous prie de vous bien conseiller, car la chose le mérite. Or, qui que ce soit qui fasse cette impression, il faut traiter avec lui que ce sera à condition qu'il imprimera gratis tout ce qui est de notre Institut : les Constitutions, le Coutumier, Directoire, et tout ce que vous savez qu'il faut imprimer, et qu'il nous donnera gratis quantité de livres des mêmes Épîtres Je vous lairrai un peu faire ce traité, mais il est d'importance, en ce que la besogne l'est ; c'est pourquoi conseillez-vous bien avec les Pères Jésuites.

Je ne vous renvoie pas encore la sûreté de M. Sorie ; mais je lui écris et lui envoie la copie de ses reçus, afin qu'il voie qu'il doit plus qu'il ne pense. — Voyez la façon des croix dans le Directoire de la robière, que nous envoyons pour Riom ; car ç'a été un oubli qu'il n'a pas été dans le vôtre. — Je vous écrivis, l'autre jour, pour vous supplier de remettre l'argent à celui que ma Sœur la Supérieure de Belley vous adressera pour le prendre. Je vous supplie de faire tenir sûrement les lettres de [349] M. de Champagne, du Père de Villars et de M. Sorie. Je vous enverrai au premier jour le change des pistoles de Gênes que vous avez de nous.

Ma fille, je suis fort empressée et crois que j'oublie prou de choses à vous dire. Je vous demande si vous avez choisi votre confesseur pour recevoir les confessions annuelles, et si vous ne le demandez pas à votre Supérieur, car notre Bienheureux Père voulait qu'on fit ainsi à Nessy. Il y a des Supérieurs qui les voudraient donner, en quoi ils entreprennent trop ; il y a aussi des Supérieures qui les veulent prendre sans en rien dire aux Supérieurs. Il me semble qu'il nous faut contenter de la liberté que la Règle nous donne. Dites-moi votre pratique, car ce point est important. Il y a longtemps que nous n'avons de vos nouvelles. Dieu soit béni ! Bonjour, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLXXIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Qualités que doivent avoir les Sœurs envoyées en fondation. — Se réjouir de l'avancement des autres Ordres, comme du sien propre. — En quel cas on peut recevoir dans le monastère des Religieuses étrangères. — Soins à donner aux jeunes postulantes.

VIVE † JÉSUS !

[Belley] 21 septembre [1624].

Ma très-chère sœur,

Il me semble que mes dernières lettres répondent aux vôtres que j'ai reçues depuis deux ou trois jours, au sujet de la fondation d'Autun, pour laquelle je m'en suis rapportée au Révérend Père recteur et à vous pour le choix des filles. Je pense que la petite Sœur portière, qui est la fille [protégée] de la Reine mère, [350] sera fort propre pour cela ; je lui écrirai bien. Celles que vous mènerez doivent être des filles habituées à la douceur et cordialité, et d'exacte observance ; car cette vertu étant la principale de l'Institut, elle doit surnager en celles qui doivent être le fondement d'une maison et l'exemple de toutes celles que Dieu y amènera. Voilà donc, ma chère fille, le principal appareil qu'il faut à la fondation ; car sitôt que la véritable douceur se perdra, qui ne peut être sans une profonde humilité, l'esprit de la Compagnie n'y sera pas. Je vous conjure donc, ma très-chère fille, d'avoir un spécial soin pour cela.

Je suis bien aise que ces trois filles de dix mille francs soient allées aux Ursulines. Voyant que Dieu les y a menées, cela nous doit suffire, devant être aussi aises de l'avancement des autres Religions que de la nôtre, puisque tout notre but doit être la gloire de Dieu. — Pour ce qui est de l'observance, regardez à votre Règle, laquelle nous enseigne que celui que l'évêque nous a donné pour Père spirituel nous tient lieu d'évêque, sinon ès choses que la Règle marque expressément que l'on aura recours à lui. Et pour ce qui est du particulier, d'examiner celles qui peuvent faire profession, il n'y a point de doute que ce doit être le Père spirituel ou le grand vicaire qui les reçoive, ou quelque autre ecclésiastique, pour lequel vous aurez demandé la permission. Suivez votre Règle et votre Coutumier, ma très-chère fille, et ne vous arrêtez point au reste.

Nous vous avons déjà dit, ma chère fille, que nous croyons, sous le bon conseil du Révérend Père recteur, que vous devez aller faire cette fondation [d'Autun] pour y demeurer ; car je ne vois pas que vous ayez personne pour rendre ce service à Dieu si utilement que vous le feriez ; mais je crains que votre maison de Moulins ne demeure un peu destituée. Néanmoins, il faut essayer notre bonne Sœur l'assistante, l'on verra sous ce nom et en cette qualité comme elle gouvernera ; puis, si elle fait bien, on pourra à l'Ascension qui vient la proposer pour Supérieure. Il lui faudra [351] grandement recommander la douce cordialité envers les Sœurs et le support des infirmes, desquelles elle doit avoir un extrême soin et compassion, et excéder plutôt de ce côté-là que de l'autre. Je prie Dieu qu'il la tienne de sa main, afin qu'elle conduise les filles par la voie de l'exacte observance, en l'esprit de profonde humilité et véritable douceur.

Mais pour nous autres Supérieures, ma très-chère fille, il n'y a point de doute que nous pouvons et devons, avec licence, faire entrer des dames de Religion pour le sujet que vous me dites, pourvu que ce soient des dames vraiment touchées du bon esprit, et qui aient la capacité et la disposition pour en tirer l'utilité que l'on en doit attendre ; ainsi nous l'a fait pratiquer notre très-saint Père durant sa vie, et ainsi l'avons-nous fait céans depuis son décès.[104]

L'article de la déposition de la Supérieure était couché selon que notre Bienheureux Père l'a dit et laissé par écrit ; néanmoins, nous avons déjà jugé et considéré qu'il sera bon de retrancher cet « au moins pour un an » pour y mettre l'éclaircissement de l'intention de notre Bienheureux Père, qui n'était nullement qu'on employât cette liberté, que pour quelque occasion fort rare et de grande nécessité, et non pas pour donner sujet en mille sortes à tant d'intentions et malices desquelles j'espère que Notre-Seigneur gardera notre Institut. Ma chère fille, il ne faut pas vous déposer de votre charge, car cela obligerait à faire nouvelle élection, ce qui ne se peut maintenant.

Ma très-chère fille, j'ai fait écrire ceci tandis qu'on me tenait occupée en une besogne qui m'empêchait d'écrire moi-même. Maintenant nous voici à Belley où je n'ai loisir de revoir ni votre [352] lettre, ni cette réponse. Je crois pourtant n'avoir rien oublié, sinon que vous, n'allant à Autun que pour la Toussaint, je prendrai le loisir, d'ici là, d'écrire à Mgr d'Autun et autres que vous désirez.

Ma très-chère fille, je salue votre chère troupe, à part la pauvre chère Sœur M. -Henriette [de Rousseau],[105] avec laquelle j'ai compati pour ses infirmités. Votre amour cordial et compatissant peut beaucoup la soulager en ses longues infirmités. Ma très-chère fille, c'est en telles occasions que le cœur maternel doit se montrer.

Je suis plus à vous que je ne vous saurais jamais dire, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

[P. S.] Ma très-chère fille, je ne vous ai jamais dit que je ne permets pas aux jeunes filles qui n'ont pas dix-huit ans de se lever, sinon quand on cloche l'oraison, et qu'elles n'en font que demi-heure ; comme aussi je les fais déjeuner, goûter et récréer tous les jours jusqu'à cet âge-là. Faites ainsi, ma fille, aux vôtres.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [353]

LETTRE DLXXIV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Comment supporter les peines intérieures. — Divers incidents de voyage.

VIVE † JÉSUS !

[1624.]

Hélas ! ma pauvre très-chère fille, que j'aurais moi-même de douleur et de peine de vous voir en cette angoisse, si Dieu ne me faisait voir que ce vent de tempête vous porte vivement dans le calme de la très-sainte résignation, et au port assuré du parfait abandonnement de vous-même dans le sein de la divine Providence. Bienheureux est votre aveuglement, puisqu'il vous impétrera la divine lumière avec laquelle vous marcherez fermement, et opérerez saintement foutes les actions de votre charge ; aimez chèrement cet état, ma vraie très-chère fille, et bientôt vous trouverez la vraie paix.

Nous voici logées aux Carmélites[106] que je trouve faites comme nous autres. L'homme de M. Maréchal a bien reçu sa lettre ; mais il nous a laissé la peine de chercher un bateau, que nous n'avons su trouver, ni aussi nous servir de notre carrosse, car les roues de devant sont si chétives qu'à peine retourneront-elles à Dijon, de sorte que ne pouvant ici trouver des roues, ni autre accommodement, nous prenons un petit barquot que l'on accommode, et là nous irons joyeusement sous la conduite de la divine Providence, moyennant sa sainte grâce.

Ma toute unique très-chère fille, demeurez joyeuse, je vous prie, avec votre chère petite troupe que j'aime très-chèrement, [354] à part nos pauvres professes, ma Sœur M. -Anne que j'aime très-spécialement, C. M., et tout le reste de la petite famille, et, je vous prie, ma Sœur de Villers que j'emporte dans mon cœur, votre bon confesseur, et toutes nos chères parentes, novices et amies. Mon enfant, adieu. Il faut partir.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLXXV (Inédite) - À LA MÊME

Voyage de Belley à Chambéry. — Dévouement de madame de Vigny pour la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 3 octobre [1624].

Ma très-chère grande fille,

Nous voici arrivée heureusement à Chambéry, mais extrêmement lasse du voyage, car il a fallu venir de Belley à cheval, et encore après avoir couru le plus grand hasard du monde de tomber dans le Rhône. Loué soit Dieu qui garde les siens, et nous fasse la grâce de mieux employer cette chétive vie qu'il nous a laissée, que je n'ai pas fait ci-devant !

Je ne sais rien de nouveau dès le départ de notre très-chère Sœur de Vigny. J'ai, certes, été touchée de quoi elle n'est pas venue jusqu'à Nessy ; mais je l'en vis dégoûtée quand elle sut que nous ne trouvions pas bon qu'elle vînt en Piémont, et je ne voulus pas la presser. Je n'ai jamais vu un meilleur cœur de femme, ni plus entièrement fondu dans les intérêts de la Visitation : elle n'a amour, après Dieu, que pour cela. Je désire infiniment que nous lui correspondions, et je vous conjure, ma vraie fille, d'avoir un grand soin de sa consolation et [355] avancement, et du cher cousin. Bonjour, mon enfant, ma vraie très-chère fille, que je prie Dieu de rendre toute sainte.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DLXXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Motifs du voyage de Belley.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, octobre 1624.]

Ma très-chère fille,

Je vous prie de fermer dans un paquet les lettres de Moulins, sans toutefois les cacheter, et de l'adresser au Révérend Père recteur de Moulins. Notre bonne Sœur de Vigny vous dira toutes nos petites nouvelles et le dessein que nous avons pour nous voir ; Dieu le fasse réussir selon son bon plaisir ! Vous verrez ce que j'écris à Montferrand ; je vous prie que le plus tôt que vous pourrez, vous le leur fassiez tenir.

Le sujet de notre voyage de Belley comprenait beaucoup de choses : en substance, ç'a été pour secourir nos pauvres Sœurs qui étaient en un extrême trouble et embarrassement parmi toutes ces séculières, pour nous opposer à cela et au dessein d'une prétendue fondatrice, et pour ramener une Sœur qui était là en péril. Voilà, ma très-chère Sœur, le plus gros ; nous dirons le reste par le menu si Dieu le veut, lequel je supplie de se vouloir glorifier en tout et partout de notre petitesse et abjection, et cela sera quand je l'aimerai parfaitement. Mon Dieu, ma fille, que vous m'êtes chère !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [356]

LETTRE DLXXVII - À LA MÊME

Combien il est difficile de parler dignement des vertus de saint François de Sales. — Préparer une nouvelle élection. — Éloge des Sœurs M. G. d'Avise et M. --A. Fichet.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 15 octobre [1624].

Ma très-chère fille,

Je suis aussi contente que Dieu soit glorifié par les bonnes dames de l'Annonciade que par vous ; mais je désire bien que sa douce Bonté nous conserve l'amour cordial de madame de Chevrières que j'honorerai chèrement tant que je vivrai. Je la salue, si vous le jugez à propos.

J'ai fort peu de Mémoires à donner pour la Vie de notre Bienheureux Père. Si Dieu ne donne Lui-même sa lumière, jamais l'on ne parviendra à en parler comme il faut. Pour moi, j'en vois, j'en crois et sens ce que je ne puis exprimer, et je m'arrête là de bon cœur ; mais, certes, il y a tout plein de choses que je voudrais qui fussent ôtées, et les autres accommodées. J'ai peu de loisir pour marquer tout cela exactement ; je ferai pourtant ce que je pourrai. Il me fera grand bien de revoir notre Père dom Juste ; c'est un vrai Israélite. Si dans quinze jours le Père Dufour ne passe vers vous, mandez-le-moi afin que je vous écrive ce qu'il m'a dit d'Avignon. — Ne craignez rien de M. Pernet ; âme qui vive de deçà n'en sait rien. Pour Dieu, cultivez soigneusement ces filles de jugement et de vertu : elles sont rares.

Quand penserez-vous, ma très-chère fille, à faire faire votre élection ? car si Mgr l'archevêque ne revient, il faudra bien tout le temps d'ici à l'Ascension pour tout acheminer. Or, je laisse cela à votre prudence et à votre zèle à l'observance. Je loue Dieu de vos filles qui font si bien ; il y a grande consolation en cela. Certes, [357] celles d'ici font bien aussi, et notre Sœur Marie-Gasparde [d'Avise] a donné grande satisfaction en mon absence, et a fort bien fait ; si elle n'était si timide et tendre, l'on en tirerait de bons services.[107] Dieu accommodera cela. Je la recommande à vos prières et notre Sœur Marie-Adrienne qui a si bon cœur et si bon esprit, et tant d'attraits de Dieu et d'amour à la Règle. Néanmoins, il y a je ne sais quoi à dire ; notre Bienheureux Père l'aimait fort et la désirait en charge, mais je n'ai encore osé le faire. Priez pour elles ; car elles sont toutes deux capables de prou de bien. Un certain libraire de Lyon nous a envoyé des livres de M. de Longueterre qu'il a imprimés, et demande des écrits de notre Bienheureux Père pour imprimer. Faites-le remercier de ses livres et que je parlerai à Mgr de Genève de son désir.

Dieu soit béni !

[P. S.] Ma très-chère fille, aimez-moi bien ; mais gardez-vous de me louer, ni admirer rien de ce que je fais. Et quand dans mes lettres vous verrez quelque chose mal à propos, ne manquez pas de me le dire simplement, s'il vous plaît ; et priez pour celle que Dieu vous a donnée sans réserve.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [358]

LETTRE DLXXVIII (Inédite) - À LA MÊME

Le Père dom Juste est de retour à Annecy. — Affaires diverses.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 19 octobre [1624].

Ma très-chère fille,

Voilà la réponse qui presse si fort. Le bon Père dom Juste est retourné tout [édifié] de vous et de nos chères Sœurs que j'aime de tout mon cœur. Vous ferez bien de ne le pas faire payer ses dépenses ; non certes, ma fille, il ne le faut pas, et si vous pouvez contribuer à son voyage [de Rome], vous ferez bien, parce que nous pensions avancer ce qu'il faudrait, mais la bourse de Nessy s'est vidée pour payer cette maison d'ici. Il faudra toutefois que nous lui en trouvions encore. Dieu nous aidera pour si bonne œuvre que sont les deux qu'il va poursuivre.

Nous avons fort caressé M. Pernet, lequel est tout satisfait, et j'ai encore écrit à Mgr de Genève afin qu'il lui témoigne de la gratitude de son bon office qui a été très-utile.

Oh ! Dieu me fasse faire tout ce qu'il lui plaira ; mais si j'ai jamais la consolation de vous voir, comme je l'espère, surtout à Nessy, croyez qu'il m'en fera grand bien, car Dieu a mis une spéciale bénédiction en notre alliance ; Il en soit béni ! Ce mot est sans aucun loisir. Bientôt je vous écrirai.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [359]

LETTRE DLXXIX (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Ménagements charitables pour une âme faible et imparfaite. — Les Sœurs envoyées hors de leur monastère de profession peuvent demander à y retourner ; ce cas excepté, le désir de changer de communauté est dangereux.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 19 octobre 1624.

C'est la vérité que sur la lettre que ma Sœur M. D. m'écrivit dernièrement, je juge que (si elle parlait selon son sentiment, comme je le crois) elle serait très-digne de compassion ; et je lui mande que peut-être vous et ma chère Sœur la Supérieure de Nevers aviez plus de charité et de condescendance pour elle, qu'elle n'avait de vertu et. de soumission ; car elle me représentait les promesses que vous savez qu'il fallut faire pour la tirer de là sans bruit, comme aussi on avait la pensée de la ramener pour le grand couvent. Et certes, j'ai toujours cru que ce serait bien votre désir et intention de le faire ainsi, et que ce qui vous en tenait en peine n'était que la considération de ma Sœur la Supérieure de Nevers ; car, quant aux autres raisons, elles sont couvertes par l'occasion de votre nouvelle fondation, et j'ai toujours pensé qu'on ne la retirerait qu'en ce temps-là : voilà ce que je puis vous dire. Quant à la laisser ou retirer, je m'en remets à vous pleinement : que si vous la laissez, je crois qu'il ne lui faut pas déclarer tout à coup, ains lui laisser l'espérance du grand couvent ; car autrement, selon qu'elle m'a fait voir ses peines, elle serait pour tomber en quelque grand accident. Cependant, on emploierait ce temps à la disposer à la résignation tout doucement ; et faudrait, sans lui faire connaître les desseins, que ma Sœur la Supérieure de Nevers lui élargisse fort le cœur, et tâche de lui donner plus d'amour envers elle, [360] car la charité nous oblige à ne rien oublier pour conserver cette âme-là qui est certes bonne, mais fort imbécile et faible, en quoi elle est plus digne de compassion, et je m'assure que, sur cette espérance du grand couvent, elle s'accoisera, et que son cœur étant un peu dilaté par ce moyen on la rangera, après avoir été un peu fortifiée par attrait à tout ce que l'on voudra.

À vous donc, sans vous plus reporter à moi, à traiter cette affaire avec ma Sœur la Supérieure de Nevers, avec tant de douceur et charité que Dieu en soit glorifié en cette pauvre petite âme-là. Or voilà, ma très-chère fille, quant à ce point.

Mais il faut que je vous dise ce que notre Bienheureux Père disait, que les filles qui ont fait profession dans un couvent peuvent demander d'y retourner, étant leur propre maison, comme aussi leurs Supérieurs de là les peuvent redemander à ceux sous qui on les envoie ; mais je n'ai pas voulu mettre cela dans le Coutumier pour n'ouvrir la porte aux tentations, ni l'apprendre à celles qui ne le savent pas, car c'est la vérité que cela serait fâcheux. Il y a donc quelque différence de celles-ci à celles qui voudraient, sans ce sujet, passer d'un monastère à l'autre, comme j'en ai vu, et sur cette occasion je produirai une belle lettre de notre Bienheureux Père où il n'approuvait nullement cela, et disait qu'il fallait bien se garder d'ouvrir cette porte de changement à celles qui le désireraient. Quand on l'aura imprimée, elle fera profit à toutes ces filles, et encore à celles-ci, s'il plaît à Dieu ; car, sans doute, elles ne peuvent faire telle demande qu'avec imperfection. Notre Bienheureux Père approuvait que l'on fit cette charité à telles Sœurs, à qui les Supérieures jugeraient être nécessaire, et qui ne le demanderaient pas.

Je n'ai point encore reçu le coffret ni votre grande lettre. Je vous écris sans loisir pour ne pas perdre cette occasion. Je [361] salue très-chèrement nos Sœurs, et ma fille si elle est là, et toute l'alliance. Dieu soit béni ! Vous savez, ma toute bonne et chère fille, que je suis vôtre sans aucune réserve.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DLXXX (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Recommandations en faveur du P. Dufour.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Le bon Père Dufour[108] est parent de notre Sœur la Supérieure de Lyon, et a fait beaucoup d'assistances à nos Sœurs d'Avignon ; c'est pourquoi il le faut bien caresser modestement et cordialement. S'il va à heure commode et qu'il désire voir la communauté, ou du moins celles qui lui seraient parentes ou de sa connaissance, faites-les-lui voir, et que le bon M. Michel, lequel je salue chèrement, le caresse bien aussi. Je salue les amis et amies, mais surtout nos très-chères Sœurs que je prie Dieu rendre de plus en plus siennes par une exacte observance pratiquée en l'esprit de douceur, humilité et innocente simplicité.

Bonjour, ma très-chère Sœur ; [donnez-nous] un peu des nouvelles de Mgr l'évêque quand vous nous écrirez.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [362]

LETTRE DLXXXI (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

À ANNECY[109]

Elle lui recommande la fidélité à la grâce et le support des imperfections du prochain.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Il faut que je fasse ce petit billet à ma très-chère Sœur et fille de mon cœur, pour l'assurer que j'ai été consolée du bon état du sien tout aimable. O ma fille ! notre bon Dieu lui a daigné parler, à votre cher cœur, et en cette petite parole Il lui dit tout ce qui lui est nécessaire pour le rendre agréable à sa divine Majesté. Cheminez donc gaiement et humblement en cette droite voie, qui vous conduira sûrement à la bienheureuse éternité. De vrai, ma chère fille, ma pauvre Sœur C. C. a tort ; cela sont des marques de notre infirmité ; que si votre communication avec elle ne se peut pratiquer avec paix, il la faut borner à la juste et raisonnable charité nécessaire à vos âmes et à l'édification du prochain. [363]

Dieu vous tienne toujours de sa sainte main et vous fasse la grâce de Le bénir ensuite éternellement ! Amen.

Mille saluts à toutes nos très-chères Sœurs.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DLXXXII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À MOULINS

Toutes les Religieuses doivent être des Règles vivantes. — Avec quelle charité soigner les Sœurs malades.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Voilà des lettres pour Mgr d'Autun et pour M. l'official ; outre mon peu de loisir, je ne vois pas qu'il soit utile d'écrire à d'autres ; j'ai peu de connaissances là. Or, je prie Dieu qu'il vous prenne en sa sainte protection et répande sur vous le parfait esprit de nos Règles, afin que sa divine Majesté soit glorifiée en cette œuvre et le prochain édifié. Ayez un grand courage toutes, mais particulièrement vous, ma très-chère fille, et que la très-sainte humilité, la suave douceur et l'innocente simplicité reluisent en toutes vos actions dans une parfaite observance. Vous trouverez là des Supérieurs qui honorent notre Institut, et ne désireront que de vous le voir suivre exactement. Je vous supplie, ma très-chère fille, de leur rendre un très-grand honneur et la très-humble obéissance due. Que toutes vos filles soient des Règles vivantes, et qu'elles ne portent dans leur cœur ni dans leur visage que douceur, que modestie et suavité, avec une sainte allégresse qui témoigne combien franchement elles coopèrent à cette sainte œuvre. Je les [364] conjure de cela, et d'être parfaitement unies. Je les salue avec vous, nia très-chère fille, et surtout le bon Père recteur et les amis. Il me lardera de savoir des nouvelles de votre établissement, et de l'ordre que vous aurez laissé à Moulins, comme aussi de la disposition de notre Sœur Marie-Aimée. Vous daterez vos lettres et écrirez par Lyon, car souvent les marchands d'Autun y vont. Dieu vous accompagne, ma très-bonne et très-chère fille ! Je ne prie point sans vous, car je vous porte dans mon cœur.

Dieu soit béni !

[P. S.] J'avais écrit ceci quand je reçus la vôtre dernière, à laquelle ma dernière réponse doit suffire. L'approbation du Coutumier est bien. J'espère, si nous sommes fidèles, que jamais on ne nous troublera en nos observances. Certes, vous serez bien heureuse à Autun d'être sous de si bons Supérieurs qui chérissent et estiment tant notre pauvre petit Institut.

Il faut grandement bien nourrir notre Sœur M. -Henriette ; cela est de charité et de nécessité, et la faire bien reposer ; avec cela, vous verrez qu'elle fera prou, Dieu aidant. C'est un esprit bien sage et intérieur. Laissez notre Sœur M. A. en bons sentiments de vous, et qu'on lève tout soupçon, je veux dire que notre Sœur l'assistante vive en confiance avec elle. Vous me consolez de me promettre de travailler à bon escient à l'adoucissement de votre cœur ; faites-le, ma très-chère fille, je vous en conjure, car à cela l'on reconnaîtra que vous êtes fille de la Visitation. Que cet esprit surnage à tout, je vous en prie, et croyez que de tout mon cœur je vous servirai toujours et très-sincèrement comme ma très-chère et bonne fille, que je prie Dieu combler de grâces.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [365]

LETTRE DLXXXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

L'affaire du Visiteur est remise à la décision du Pape. — Bulle d'établissement du monastère d'Avignon. — En quelle forme doit être donnée l'approbation des prélats.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 1er novembre [1624].

Ma très bonne et chère fille,

Je trouve le temps long dès que je ne vous ai écrit. Croyez que ce n'est pas faute d'affection, car celle que Dieu m'a donnée pour vous est infinie ; mais vous savez mon accablement. Or sus, Dieu soit Joué de tout ce que vous me dites, et de la chère consolation que vous recevez de notre vrai et très-bon Père Mgr de Langres. Croyez-moi, que si Dieu le voulait, j'aurais un contentement indicible d'y participer ; mais il ne faut pas désirer le bien, ni en refuser la privation quand il plaît à Dieu. Son saint nom soit béni, et sa très-sainte volonté servie et suivie en tout. Pour ce Visiteur, je vois toujours que les sentiments des prélats sont différents. Vous savez que je n'y ai nulle inclination ; mais il faut que je vous avoue que puisque l'on nous a assuré que c'était une pensée de notre Bienheureux Père, j'aurais scrupule de n'en pas faire parler au Pape, auquel on ne le demandera pas, ains on lui proposera simplement la pensée de ce Bienheureux Père, afin que par ce moyen nous sachions la volonté de Dieu, et je vous prie de faire grandement prier Dieu pour toutes ces affaires-là, et [pour celles] de la béatification ; il se fait toujours des miracles. Le Père dom Juste vint samedi pour dresser les Mémoires ; nous voulons suivre en cette poursuite les Mémoires de notre Saint, qui embrassent le bien commun des monastères. Nous avons la Bulle d'Avignon [366] qui nous servira extrêmement, car elle établit nos Sœurs pour vivre selon l'Institut de la Visitation Sainte-Marie, selon qu'il se pratique à Nessy, Lyon et Paris, et c'est terre du Pape. Je voudrais que les prélats mêmes nous trouvassent quelques bons moyens pour tenir les monastères unis, suivant ce que notre Saint me dit à Lyon, qu'il en mettrait tout plein, mais il ne nous dit pas quels ils étaient. Dieu ne le permit pas, Il en tirera sa gloire et aura soin de nous, pourvu que nous fassions l'union qui dépend de nous avec sa grâce, et qu'il désire par l'exacte observance de notre Institut. Pour moi, j'ai cette confiance.

Je n'en ai garde, ma fille, de me départir de la vraie sincérité, Dieu aidant, mais j'espère qu'il remédiera au mal. L'on m'avait déjà dit cela de ce bon Père R. ; je n'oserais croire que son intention eût le dessein que ses paroles marquent, et [je] pense que la Sœur se peut tromper, et qu'en cette incertitude elle eût peut-être fait plus charitablement de vous le dire à part, afin de vous donner loisir de bien examiner la vérité, puis vous en laisser faire selon votre discrétion ; enfin, encore que l'on soit d'une Religion bien parfaite, il y en a toujours quelqu'un qui bronche. Il me semble que ce Père-là ne doit plus guère être en charge, et je confesse simplement que j'en serais bien aise, ma très-chère fille, mais à vous seule ; car vous savez quelle obligation nous avons à cette [Congrégation], de laquelle incessamment nos monastères reçoivent des assistances qui ne se peuvent dire, et je désire que nous leur correspondions ainsi que notre Bienheureux Père veut ; car j'espère que la divine Bonté ne permettra pas qu'ils se fourvoient avec nous. — Notre bon cousin Berbisey et ma cousine nous sont venus voir ; mon Dieu, ma fille, les bonnes gens ! ils vous chérissent grandement. — L'approbation est grandement bien.

Il est vrai, ma très-chère fille, il ne faut qu'une attestation des prélats que nous vivons bien en l'observance, et leur [367] rendons obéissance, et cela, selon l'estime qu'ils ont de nous, et qu'il leur plaît. Il faut qu'elle soit signée, scellée et contre-signée. Vous en demanderez donc une à votre bon seigneur et me l'enverrez, car le Père partira bientôt. Ma fille, je ne fus jamais plus accablée. Dieu soit béni et reçoive tous ces petits labeurs ! Certes, je suis vôtre en la sorte que vous pouvez désirer. Travaillez toujours autour de votre petite famille, et Dieu croîtra votre couronne. Je n'en puis plus, ma fille, mais je vous aime de tout mon cœur. — Jour de Toussaint.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLXXXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Il ne faut pas se presser de faire de nouvelles fondations. — La Sainte est prête à se rendre au désir des communautés qui demandent sa visite. — Comment diriger une âme présomptueuse et éprouver les novices.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 20 novembre [1624].

Ma très-chère fille,

Je suis très-aise que les bonnes Religieuses [Annonciades] aient eu l'honneur que l'on désirait [nous] faire. Certes, je crois que nous avons très-bien fait de ne point accepter telles conditions, et que le bien de vos filles et des maisons que vous ferez [est] de se bien établir et fortifier aux vertus de notre Ordre, tandis que vous serez à Lyon, et puis l'on pourrait se multiplier, car c'est chose très-difficile que d'avoir une grande solidité dans une grande jeunesse et peu d'années de Religion.

Si cette petite fille de Dôle a des qualités d'esprit qui [368] méritent des gratifications, on la pourra recevoir, pourvu aussi que ses douze cents livres soient entières, selon la valeur des monnaies de deçà. Or je voudrais qu'elle se fît voir à Lyon, et que l'on ne nous pressât point trop, et je vous prie de vous bien enquérir d'elle, et, s'il se peut, que l'on ait le jugement de quelque Père Jésuite qui soit sans intérêt.

Mon Dieu ! que je suis consolée de savoir que l'on fera la visite [canonique] ! Certes, ma fille, il nous faut rendre très-fidèles et humbles, pressantes, afin que rien ne demeure de nos chères Règles [sans être pratiqué].

Ma fille, ne doutez point que si c'est la gloire de Dieu que je voie nos monastères, Il n'en fasse naître l'occasion ; et si nos monastères continuent en ce désir, et moi, en l'envie que j'en ai, il ne faudra autre chose que de le faire savoir à Mgr de Genève ; mais il y a du temps d'ici là ; car regardant cela devant Dieu pendant ma retraite, j'y ai été confirmée, mais non pas si tôt, car je vois que les affaires de deçà m'arrêtent légitimement. Dieu sait bien ce qu'il en fera ; laissons-Le gouverner, et attendons doucement le temps qu'il a marqué pour toutes choses. Vous verrez que Dieu réduira le Visiteur à ce qui sera sa pure volonté, et le fera connaître ainsi.

L'amour que notre Sœur N*** a pour sa vocation est un bien inestimable pour elle et pour la maison où elle sera ; mais, croyez-moi, faites-lui bien grandement voir ses défauts (car ils sont de conséquence), et la vraie nécessité qu'elle a d'être mortifiée et humiliée jusqu'au fin fond, et lui faites aimer et désirer devoir renverser sa nature, autrement elle aura bien de l'exercice et en donnera aux autres, et si elle n'avait le fond de l'âme extrêmement bon, comme en vérité elle l'a, je la craindrais ; mais avec ces deux bonnes qualités j'espère en Dieu qu'elle fera prou ; et si elle se mortifie, en vérité ce sera une fille très-utile. Or, pour quelques années je la tiendrais basse et ne prendrais nullement son avis, ains je négligerais [369] son jugement, et ferais comme celle qui connaît qu'elle n'en a point ; rien ne la peut tant abaisser que lorsqu'elle connaîtra cette opinion en vous, et par ce moyen elle sera aidée à prendre l'esprit d'humilité.

À l'ordinaire, ces filles qui ont tant de sentiments sensibles de dévotion sont immortifiées. Mon Dieu ! qu'il y a peu de vraie vertu ! Voyez-vous, ma fille, il ne faut prêcher à nos Sœurs qu'abaissement, que véritable soumission, qu'amour à l'obéissance et au mépris ; car, Seigneur mon Dieu ! est-ce avoir une obéissance établie en la parfaite abnégation de la propre volonté, que de s'inquiéter de quoi que ce soit que l'on nous commande ? Il n'y a rien qui me touche comme cela ! Qu'est-ce qui fait la Religieuse parfaite et agréable à Dieu, sinon la soumission, et non pas nos satisfactions et dévotions sensibles ? Certes, Dieu nous a fait la grâce de donner un tel pli aux novices de céans, que si je les voulais au-dessus des nues, elles s'y [élèveraient], et si je les ravalais dans le fond de la terre, elles s'y enfonceraient et les professes aussi ; c'est pourquoi je les qualifie bonnes Religieuses, et [considère] nos Sœurs d'Annecy comme des trésors.

Or toutefois, si ces deux Sœurs se sont soumises, quoique avec inquiétude, il les faut remettre au chœur, après toutefois que vous leur aurez fait connaître que c'a été pour les éprouver et combien elles ont peu de vertu ; et partant, qu'elles travaillent à se rendre indifférentes, qu'elles s'humilient profondément, et prennent sujet de celle trop véritable preuve de leur peu de vertu pour travailler dorénavant plus fidèlement à la mortification de leur propre jugement et volonté, afin qu'elles acquièrent de quoi mériter la profession. Voilà ce que je ferais, ma très-chère fille ; mais si elles ne reconnaissaient pas ce manquement, et qu'elles ne voulussent pas en tirer le profit d'une sainte humilité et redoublement de courage pour mieux se fortifier, je retarderais la profession, tâchant cordialement [370] de les rendre capables de mon procédé, et de les en faire profiter.

Ne suis-je point trop sèche, ma fille ? Or, voyez-vous, c'est que je sais qu'il faut de la souplesse aux Religieuses ; mais je voudrais faire cela tout doucement et charitablement. Certes, je souhaiterais aussi que notre Sœur se portât d'elle-même hors du chœur. Voyez-vous, où l'on ne voit point une absolue mortification et véritable humilité, toutes ces affaires-là peuvent en bonne conscience être crues procéder de la nature ; et sa réponse, que Notre-Seigneur permet nos doutes pour la faire souffrir, me déplaît tout à fait ; car cela ne sent point l'esprit d'humilité, lequel nous fait juger indignes de telles grâces, et craindre toutes choses. Enfin, si elle a assez de force pour souffrir le rasoir, je lui trancherais cela, et la ferais très-bien travailler tout le jour en lui faisant faire tout ce qu'elle ferait pour Dieu avec force oraisons jaculatoires. Je me soumets toujours de tout ce que je vous dis au jugement de ceux qui, par raison, en doivent savoir plus que moi.

Priez Dieu pour cette affaire de Grenoble,[110] elle est importante. Jusqu'ici je n'ai rien fait de fort ; mais je commençai [371] d'écrire avant-hier que je priais et conjurais que l'on agréât qu'après l'établissement d'Aix, ma Sœur [Péronne-Marie de Châtel] vînt me secourir en la charge que Dieu m'impose, autrement que l'on tenterait fort la modestie, le respect et la soumission où nous nous étions toujours tenues. Enfin, outre l'intérêt de la Règle que l'on renverse en un point d'importance et qui ne se peut tolérer, nous avons très-grand besoin de cette chère Sœur pour gouverner cette maison-ci, en laquelle Dieu fait venir tant de bonnes filles et si capables. C'est trop, ma fille, mais je me dilate facilement avec vous. Je prie Dieu que le Révérend Père de la Rivière ne fasse pas réimprimer, au moins si tôt. Dieu soit béni et bénisse toutes nos Sœurs ! Il sait ce que je vous suis.

[P. S.] Je ne sais ce que vous entendez me dire de nos Sœurs d'Avignon, car aucune de vos lettres ne m'en parle : si j'en reçois, je répondrai à la première occasion ; elles sont fort travaillées, et le départ du Père dom Juste m'est long pour cela ; mais il faut tout attendre en patience.

Nos Sœurs qui vous demandent de l'argent me font peine de leurs plaintes. Seigneur Jésus ! nous ne sommes pas encore réduites à manger les murailles de notre maison. Oh ! que nous voulons une pauvreté qui n'est nullement celle de la vertu I Dieu nous fortifie en nos faiblesses ! cela me touche le cœur, c'est assez que vous les aidiez de cinquante écus. Je suis en grand souci de notre pauvre Supérieure d'Orléans, quoiqu'elle me dise qu'elle se porte mieux ; c'est une digne fille. Gardez l'argent jusqu'à ce que j'envoie les papiers. Vous savez que je suis vôtre. Dieu soit béni !

Nous donnerons quatre cents livres au Père dom Juste, tant pour nos affaires que pour commencer l'acte de la Béatification. Si vous lui voulez envoyer cinquante écus à même fin, ce sera prou ; les monastères vous rembourseront. — Je viens de [372] recevoir des lettres de nos pauvres Sœurs d'Avignon ; elles sont bien tracassées. Nous ferons, Dieu aidant, que le Père dom Juste aidera leurs affaires.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLXXXV - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN[111]

La charité et la simplicité sont les vertus fondamentales de la Visitation. — Choix d'un confesseur. — Les lois de la clôture doivent être sévèrement observées.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 24 novembre 1624.

Vous êtes donc maintenant à Autun, ma très-chère fille. Dieu répande ses saintes bénédictions sur cette nouvelle plante. Oh mon Dieu ! ma très-chère, avec quelle affection vous conjurerai-je de planter au milieu de ce petit jardin la très-sainte et douce charité et la très-humble simplicité, afin que ces saintes vertus arrosent de leurs eaux sacrées toutes les plantes d'icelui, en sorte que tous ceux qui vous approcheront s'en retournent parfumés de l'odeur de vos saintes vertus ! [373]

Je m'assure que le très-vertueux M. Guyon vous sera vrai Père, je le salue en tout respect ; et [nous] prierons Dieu pour lui, ne pouvant lui faire autre service ; et nous ne manquerons point de faire une communion générale pour Mgr d'Autun, à ce qu'il plaise à Dieu convertir ses afflictions corporelles en bénédictions éternelles.

Pourvu que ce bon Père qui vous offre la charité de vous confesser et dire la sainte messe soit homme qualifié comme il est requis, et que cela ne soit tiré à conséquence, je n'y vois point de mal ; toutefois, je vous supplie d'en prendre l'avis de M. Guyon et du Révérend Père recteur d'Autun, et [me] l'écrivez.

Il faudra supplier Mgr d'Autun de faire faire une défense absolue à M. le Supérieur de Moulins de ne faire entrer aucun séculier dans le monastère, que les nécessaires, comme il est porté dans la Règle, et que s'il Je voulait, la Supérieure ne le permît pas sans la licence expresse de Mgr d'Autun ; mais il ne faut pas maintenant faire ce coup, ains se tenir en silence jusqu'à l'occasion. J'espère que Dieu vous aidera afin que cette bénite règle s'observe fidèlement. Vous avez bien fait de nommer les officières et régler tout votre petit train. Dieu tienne nos pauvres Sœurs de sa sainte main, et répande sur toutes ses très-saintes bénédictions.

Ma très-chère fille, j'ai peu de loisir pour ce coup. Pour Dieu, ma chère âme, faites votre service doucement, tranquillement, et avec une sainte et humble allégresse. Que nos Sœurs ne se dissipent point parmi le tracas, ains qu'elles lâchent de faire toutes choses pour Dieu, en Dieu, avec la modestie et tranquillité que la Règle ordonne, et qu'elles se tiennent fort unies ensemble et avec vous. Ma très-chère fille, je prie Dieu qu'il vous remplisse de bénédictions. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [374]

LETTRE DLXXXVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

On prépare une fondation à Évian. — Charité de la Sainte envers un libraire pauvre.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Je viens de répondre gaillardement, et certes selon mon goût, à ces contrôleurs de pauvreté et simplicité ; mais [ne] suis-je point trop sèche ?

Or sus, nous aurons les chères cousines : nous ferons une maison à Evian, l'église est déjà toute faite. M. votre frère est ardent à l'exécution de ce dessein, et espère, Dieu aidant, que dans quatre ou cinq ans la prophétie de notre Bienheureux Père sera accomplie, qu'il y aura cinq ou six monastères de la Visitation en Savoie. — Certes, je serai consolée que notre chère madame de Chevrières nous chérisse toujours en Notre-Seigneur ; car nous ne sommes pas moins à elle que si elle nous avait fondé une douzaine de maisons Je la salue très-humblement, comme une âme que j'honore et chéris de tout mon cœur. — Mgr de Genève est ici, et je suis dans un accablement d'affaires. Dieu nous fasse la grâce d'être parfaitement humbles, et par ce moyen toutes siennes ! Bonsoir, ma vraie très-chère fille ; priez pour celle que Dieu vous a donnée.

Je [m'occupe à] procurer que ce bon libraire qui m'a écrit imprime les Épîtres ; mais considérez bien si c'est chose qu'il puisse bien faire, et s'il aura des bons caractères pour cela, et moyen d'imprimer tout ce qui sera de notre Institut, car j'entends que celui qui imprimera les Épîtres imprime tout le reste pour rien. Informez-vous-en secrètement, car ce livre des Épîtres est capable de rendre un homme riche ; et si [375] M. Rigaud sait que je veuille que l'autre le fasse, il nous importunera, et je voudrais faire la charité à ce pauvre homme. Je ferai réponse aux questions de nos Sœurs une autre fois.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DLXXXVII - À MONSIEUR DE PALIERNE

TRÉSORIER DE FRANCE À MOULINS

Elle le prie de continuer sa protection à la communauté de Moulins. — De l'élection de la Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Monsieur mon très-bon et cher frère,

J'ai reçu trois de vos lettres toujours toutes pleines de témoignages de votre soin et sainte affection envers cette pauvre maison de Moulins ; ce que vous jugerez à propos d'y être fait ne pourra être que très-bien. Certes, je désire bien qu'elle soit close, mais il faut tout faire selon le pouvoir que Dieu donne, lequel ne manquera de pourvoir aux choses vraiment nécessaires. Je suis particulièrement consolée, mon très-cher frère, de la douce confiance que nos Sœurs ont en vous, et vous en elles, en ce qui regarde notre chère Sœur Marie-Aimée. Je dis franchement à notre Sœur l'assistante qu'il faut patienter et ne point pointiller autour des actions de cette bonne Sœur, de laquelle il ne faut pas requérir l'exactitude ; et tandis qu'elle ne fera rien qui puisse scandaliser et porter conséquence (comme je l'espère delà bonté de son cœur), il faut passer chemin sans s'arrêter aux choses de peu d'importance. Votre prudence et votre affection pourront toujours grandement aider de part et d'autre, adoucissant le zèle de notre Sœur l'assistante, et [376] encourageant notre Sœur M. -Aimée à la recherche du solide et souverain Bien, dans lequel seul elle peut trouver le vrai contentement.

O mon très-cher frère, que bienheureuses sont les âmes qui quittent généreusement pour Dieu ce qu'enfin et nécessairement il faudra laisser un jour sans profit ni utilité ! Dieu vous comble de ses grâces, mon très-cher frère ! Soyez toujours zélé pour les choses de vertu et me tenez sans fin et inviolablement pour, Monsieur mon frère, votre très-humble sœur et servante en Notre-Seigneur.

[P. S.] Mon très-cher frère, j'ajoute que vous devez, selon votre prudence, détourner dextrement l'ardeur qu'a notre Sœur M. -Aimée à désirer pour Supérieure notre Sœur [Favre] qui est à Dijon ; c'est chose impossible, tant parce que les affaires de la Religion ne se gouvernent que par les lois de la Religion, lesquelles rendent libre l'élection des Sœurs en telle occasion, qu'aussi parce que notre Sœur de Dijon est là pour cinq ans, m'assurant bien que le Supérieur et ses filles la rééliront au bout de trois ans qui vient en un an, en quoi elles seront préférables. Comme aussi les Sœurs de Moulins ne peuvent penser à une nouvelle élection, que les trois ans de leur Supérieure ne soient accomplis. Ménagez cela, s'il vous plaît.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [377]

LETTRE DLXXXVIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-FRANÇOISE DE LIVRON

ASSISTANTE-COMMISE À GRENOBLE[112]

Abandon à la Providence parmi les peines et les traverses. — Sur la réception d'une novice dont la vocation paraît douteuse. — Projet d'un voyage à Grenoble.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Pour Dieu, ne laissez point alarmer votre cœur ; fortifiez-le contre ces croix et contradictions. Regardez en cela la très-sainte volonté de Dieu ; remettez entre les bras de sa Providence et votre personne et toutes ces choses que vous appréhendez, et tout ce qu'il vous a donné en charge, et vous confiez pleinement qu'il conduira tout à sa plus grande gloire et à votre profit. Oui, je vois bien que vous aurez très-grandes attaques ; mais ne vous amusez point à les regarder ; allez toujours votre train, regardant toujours le sacré visage de Dieu qui est tourné de votre côté, et prend plaisir à vous voir faire et souffrir ce qu'il lui plaît.

Je suis fort marrie de voir M. d'Aoste si tenant ; certes, s'il savait l'extrême besoin que nous avons de ma Sœur [de Châtel], je crois qu'il s'adoucirait et perdrait l'opinion qu'on le veuille traverser ; mais j'en parlerai avec Mgr de Grenoble. — [378] Quant à sa nièce, encore qu'elle ait ses défauts, puisque déjà l'on y a vu de l'amendement, je pense que si elle a un bon désir de s'amender, de travailler pour cela et se rendre obéissante, il y aurait de conscience de la rejeter. Vous devez suivre l'avis du Coutumier, s'il le faut faire, s'entend après en avoir conféré avec les coadjutrices et [la] directrice. Il leur en faut faire parler au Père spirituel, et lui faire parler même la fille ; car enfin c'est de lui qu'il faut prendre conseil en ces cas. Vous le pouvez encore prendre de quelque Père Jésuite. Que s'il la faut rejeter, faites-le courageusement, et Dieu vous en bénira et récompensera, ce courage et fidélité. J'ai répondu à vos dernières lettres.

Je ne voudrais pas que vos Supérieurs sussent que je suis tentée d'aller vers vous ; car peut-être l'interpréterait-on à quelque dessein, à quoi je ne pense nullement, n'ayant, par la grâce de Dieu, nulle prétention que de servir Dieu et obéir à sa sainte volonté. Ainsi vous ne devez pas désirer que j'aille là que pour une vraie nécessité ou une grande utilité ; car, de ma part aussi, je ne saurais me résoudre d'aller que pour cela. Il faut laisser venir Mgr de Grenoble.

Je viens de lire la lettre de ma Sœur [de Châtel], dans laquelle elle me renvoie toujours à ce qu'elle écrit à M. d'Aoste, pour voir la nécessité de son séjour là ; car je crains qu'elle ne nous nécessite plus de temps que nous ne voudrions ; je lui écris toujours que non.

Bon courage, ma chère fille, ne vous étonnez de rien et vous tenez fort à Dieu, lequel je supplie vous combler de grâces, et toutes nos Sœurs que je salue avec vous.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Ornans. [379]

LETTRE DLXXXIX (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Charitable prévoyance pour la Sœur infirmière.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624. ]

[De la main d'une secrétaire.] Ma très-chère Sœur, notre très-digne Mère m'a commandé de dire à Votre Charité qu'elle vous prie bien fort de prendre garde que notre Sœur N. ne soit point trop chargée ; qu'elle craint fort que tracassant beaucoup le jour, et se levant la nuit comme elle fait, que cela ne l'accable. C'est pourquoi elle vous prie de la faire coucher dans une cellule, et que vous commettiez des Sœurs pour veiller les malades. Elle dit que nos Sœurs prétendantes peuvent bien être employées à cela, et qu'elles seront bien aises de faire la charité, et que tour à tour on les fasse coucher à l'infirmerie, car elles sont fortes et robustes.

[De la main de la Sainte.] Je salue, mais de tout mon cœur, nos pauvres malades et celles qui sont si heureuses de les servir. Je prie Dieu que la patience de celles qui souffrent, et la charité de celles qui travaillent autour d'elles, soient un sacrifice de suave odeur à la divine Majesté. Je salue toutes nos autres Sœurs.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [380]

LETTRE DXC (Inédite) - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION d'Annecy.

M. de Quoëx pourrait se charger d'obtenir l'expédition des Bulles.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 13, décembre [1624].

Mon cher Père,

Je vous remercie de votre soin et diligence pour les Lettres [de saint François de Sales]. Certes, ce livre sera beau et utile. — Demandez à ma Sœur l'assistante ce que vous jugerez devoir être donné à M. le greffier ancien, pour l'expédition de ces copies de Bulles. Puisque le bon Père dom Juste est à Nessy, incertain de son voyage, et que M. de Quoëx nous veut tant obliger de prendre soin de notre affaire, certes, je serais bien aise de la lui remettre, et pour cela j'en écris à Mgr de Genève, afin que, s'il le trouve bon, il se fasse ainsi. Au moins serait-elle acheminée à l'arrivée du bon Père, qui, par ce moyen, aurait moins de peine. Vous m'avez fait grand plaisir, mon cher Père, de me mander cela.

Certes, je regarde quelquefois le train de mon chétif esprit [au milieu] des affaires que Dieu lui donne, et je vois qu'il se dépêche tant qu'il peut, poussé d'une secrète inclination et affection de se voir désembarrassé, pour enfin se reposer en son unique repos ; mais je dis ceci à vous seul, et, grâce à Dieu, je travaille sans aucune inquiétude ni chagrin, trop honorée que tout, ce me semble, est pour Dieu.

Or, si Mgr l'évêque trouve bon de remettre nos affaires à M. de Quoëx, je lui en écrirai pour le supplier derechef, et faudra bien savoir de lui tout ce qui sera requis que nous envoyions au solliciteur, s'entend quelle lettre de faveur : s'il en faudra encore de Leurs Altesses ; si, du Révérend Père général des [381] Feuillants qui est là ; si, du Révérend Père Arnoux Jésuite, qui y est aussi avec grand crédit et qui se plaira à nous faire plaisir ; comme aussi, s'il faudrait davantage de Mémoires que le contenu de la supplique ; quand il faudra envoyer l'argent et combien, car je voudrais toujours que cela marchât, d'autant qu'il me semble que les affaires s'en vont mieux. Nous en avons ici pour cela, ayant toujours sur le cœur de ce qu'on n'a rien envoyé à M. Bobin pour le dernier Bref de l'Office ; car je voudrais que chacun eût sa raison de nous.

Je vous dis ainsi toutes ces choses, mon cher Père, en confusion selon mon peu de loisir ; éclaircissez-les, et les faites valoir pour me bien faire savoir ce que nous aurons à faire. M. Bobin d'ici va à Nessy la semaine prochaine ; il pourrait tout rapporter pour le premier courrier. Bonsoir, mon très-cher Père, je suis toute vôtre. Mille saluts à tous.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXCI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Remercîments au sujet d'un cantique. — Affectueuses recommandations pour une prétendante âgée.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Encore que je n'aie rien annoncé, je ne puis laisser partir ces marchands sans ce mot de salut et de remercîment de votre très-beau cantique et Noël. Hélas ! quel bonheur d'accoiser son âme en cette mer d'amour et de douceur dont la divine volonté est toute remplie ! Je remercie encore nos très-chères Sœurs de [382] leur beau Noël. Certes, ma très-chère fille, j'aime parfaitement ces cœurs-là, et, pour récompense, je leur souhaite la très-agréable et aimable vertu de douceur et souplesse qui se sent partout en cet Enfant d'amour.

Je salue cordialement votre chère prétendante, et, lui offrant la sincérité d'un humble service en Notre-Seigneur, je la supplie de nous recommander à sa miséricorde. Hélas ! quel bonheur a cette chère âme-là de trouver sur la fin de sa course un lieu de repos où elle peut consacrer le reste de sa vie à la divine gloire, et la servir d'autant plus utilement que l'expérience lui a enseigné que c'est le souverain Bien, et je supplie cette divine Bonté de lui montrer en sa naissance ce qu'elle désire de son cœur et des nôtres, qui n'est autre chose que la sainte imitation de son humilité, douceur, souplesse et simplicité. Certes, ma fille, je trouve cette bonne demoiselle-là de bon jugement ; je désire que Notre-Seigneur l'attire à Lui ; servez à cela tant que vous pourrez. Louons, ma très-chère fille, le grand Dieu, c'est notre tout.

Certes, ma fille, je dois finir ici, et le désir m'a pris de vous envoyer ce Noël. Le voilà [tel] que je viens de le faire, sans loisir, car je n'ai lu le catéchisme, et ceci s'est écrit pendant Prime, sans rime ni raison. Il est pourtant fait de bonne affection.

Vive Jésus ! Dieu soit béni ! [383]

LETTRE DXCII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Conseils pour l'emploi d'une Religieuse.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 22 décembre 1624.

Ma très-chère fille,

Ce n'est que pour vous dire que je ne puis vous répondre, tant j'ai été accablée d'affaires depuis quinze jours ; mais, Dieu aidant, je le ferai exactement, et à toutes, car j'ai une multitude de lettres à répondre de toutes parts, qui la plupart sont encore fermées. — Oui, il faut donner une charge à notre Sœur Guérard, mais il ne la faut faire ni assistante, ni conseillère, ni surveillante, ni maîtresse, ni votre coadjutrice ; vous lui pourrez donner la charge de distribuer les ouvrages, ou celle d'économe, de portière ou de dépensière, et cette dernière l'humilierait un peu, ce dont elle a besoin. Il n'y a nul mal de lui montrer ce que j'écris d'elle, pourvu qu'elle le reçoive avec la créance d'un véritable amour que je lui porte. Oh Dieu ! que je la souhaite humble et simple !

Ma fille, priez Dieu pour moi ; certes, les affaires étouffent mon esprit, et je trouve que cette multitude d'affaires m'ôte beaucoup de mon attention intérieure, et que je fais bien des fautes et des inconsidérations par ma promptitude et immortification. Dieu réduise tout à sa gloire, et me veuille tenir de sa main afin qu'en tout et partout je fasse sa très-sainte volonté !

[P. S.] Peut-être faudra-t-il que je coure jusqu'à Grenoble ; je vous dirai le pourquoi après.[113] Mon Dieu ! que je voudrais [384] bien être assurée du temps que le Père général des Feuillants sera ici ; car l'on dit qu'il y vient, et il me serait fort utile de le voir.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXCIII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

La Règle n'impose aucune obligation d'avouer ses péchés hors delà confession. — Il ne faut pas chercher avec empressement les soulagements nécessaires à la santé. — De la communion dite du rang.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624 ]

Ne m'envoyez point votre confession, ma très-chère fille, ni ne voyez point celles de nos Sœurs. Écoutez tout ce qu'elles voudront vous dire ; mais ne voyez jamais ce qu'elles écriront, et leur faites toujours bien entendre ce qui est dans un Entretien ; qu'elles ne sont point obligées de dire leurs péchés secrets, ni de ne pas dire ce qu'elles voudront au confesseur ; enfin, tenez-vous à ce qui est écrit, car, en ce monde-ci, l'on y examine fort nos conduites, dont je loue Dieu. J'eusse certes désiré, [385] et il eût été fort bon de faire les revues devant le Père Binet, comme aussi c'était mon sentiment que vous lui parlassiez tous les mois ou environ, quoique fort courtement, et cela me semblait mieux qu'au confesseur ordinaire ; mais pourtant tenez-vous fermement à l'avis de Mgr, car il est toujours le meilleur ; et quand vous lui aurez demandé quelque chose, ne me le demandez pas, car cela est superflu et inutile ; disons seulement le nécessaire. Allez simplement en votre chemin ; regardez plus à Dieu qu'à vous, ni à ce que vous voyez et sentez. Faites bien et dépendez de Dieu absolument, vous tenant là ferme en votre néant, et en la parfaite confiance que sa Bonté fera par vous les œuvres de son service. On peut montrer les Sermons, mais non les Entretiens, sinon à personne très-connue et confidente.

Notre Sœur de Boissieu veut que vous vous contentiez d'une chasuble de damas blanc et incarnat. Si vous en voulez une blanche, outre cela, mandez-le derechef, nous vous l'enverrons, mais vous ferez bien d'aller doucement. — Laissez les novices entièrement à notre Sœur Anne-Marguerite [Clément] ; mais ne laissez de leur parler souvent et de veiller sur la conduite de la maîtresse. Inculquez fort l'esprit d'une sainte et très-humble générosité dans le cœur de nos Sœurs. Voyez les Entretiens ; que s'il y en avait quelqu'un qui fût si mal recueilli que vous ne puissiez le raccommoder, attendez ceux de Nessy, et cependant réunissez les autres. Vous aurez les Sermons quand ils seront transcrits, mais il ne s'en trouve point du cinquième dimanche. — Voulez-vous que je vous dise [une chose] : il me déplaît quand on fait tant d'empressement pour le corps ; vous diriez que nous soyons des reines. Non, je ne voudrais point que celles qui ont charge de ce soin parlassent de cela dehors ; chacun n'est pas capable de ces petites affections-là. Qu'elles disent avec bonne et raisonnable franchise que l'on se soulage, qu'elles ont un soin charitable et médiocre, et qu'on [386] leur obéit aussi simplement ; ma très-chère, je n'aime point ni les mystères, ni les superfluités, ni aussi les opiniâtretés et vaines vaillances. Que chacun aille à la bonne foi, et vous soulagez [vous-même] comme vous voudriez une autre.

La Bulle de Sa Sainteté, ma fille, elle est à Nessy. Les prélats ne demandent jamais cela. Voilà une copie de l'établissement de Mgr de Paris. Il faut une semblable pièce, et l'établissement de Messieurs de la ville avec celui de M. le comte de Saint-Paul que vous avez ; voilà tout, avec l'acte de Messieurs les grands vicaires de la prise de possession.

Il ne faut communier trois par jour que quand la famille est complète ; la Règle ne l'entend pas autrement. Une par jour suffit maintenant pour vous. Continuez avec grande humilité, résignation et confiance. — Nous avons mademoiselle de la Roche, mais elle n'a point l'habit ; nous ne savons encore ce qui en sera. Ma très-chère fille, je vous assure que je suis toute vôtre et aussi à toutes nos chères Sœurs qui sont là.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE DXCIV - À LA SŒUR ANNE-MARGUERITE CLÉMENT

MAÎTRESSE DES NOVICES À ORLÉANS[114]

Assurance de la conduite de l'Esprit de Dieu sur son âme.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Ma très-chère fille,

Je me ressouviens toujours avec quelle entière sincérité vous vous rendîtes ma vraie fille d'entière confiance : Dieu le [387] voulant ainsi pour notre commune consolation et utilité. Je ne puis jamais douter de votre persévérance en cela, non plus que vous ne devez douter de la mienne ; car mon cœur est invariable en l'amour qu'il a pour le vôtre, duquel je connais très-distinctement la voie où Dieu l'a mis dès le commencement. Elle est si solide, et tellement de Dieu, que jamais il ne faut recevoir aucun avis contraire ; et vous faites bien de n'en guère parler. Fort peu de personnes sont capables de bien conseiller une âme que Dieu conduit par cette voie extraordinaire. Quelquefois même des bons serviteurs de Dieu en détournent, n'ayant pas reçu l'intelligence du ciel pour telle conduite ; et aussi parce qu'on craint que les âmes se trompent dans ce chemin si peu connu aux hommes. Or, dans l'expérience intime que vous avez de la bonté de cette voie, et sur ce que l'on vous en dit, tenez-vous ferme. Enfin, les fruits qu'elle vous rend sont bons : la paix, la confiance en Dieu, l'entière soumission, le détachement de toutes choses, l'exacte observance, la fuite du péché, l'amour à la mortification et à [388] l'humiliation ; tout cela s'est trouvé dans votre chère âme, pour preuve assurée de la bonté de votre chemin. Au surplus, je prise fort une vue claire de cette totale dépendance de Dieu en la prompte délivrance de vos tentations et travaux. Tout cela est excellent, et des signes certains d'une spéciale providence de Dieu en sa conduite. Oh ! ma toute bien-aimée fille, qu'il faut bien aimer le Seigneur, et le servir avec grande pureté d'esprit ! Priez-le qu'il m'octroie celle grâce. — Pour ce qui regarde ces pensées tracasseuses des filles, elles ne vous connaissent pas encore bien ; tout cela se dissipera avec le temps, comme j'espère, sinon vous devez croire que Dieu le permet, pour vous avancer en l'union de votre âme avec sa bonté, ce qui ne se fait jamais mieux que dans la rencontre des abjections. Votre, etc. [389]

LETTRE DXCV - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Manière respectueuse de traiter avec les prélats. — Ne pas surcharger le monastère. — Avec quelle persévérance cultiver les âmes. — Courage parmi les infirmités.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1624.]

Je n'ai rien quasi pensé, ma très-chère fille, sur le commandement de Mgr l'évêque, car on revient facilement de telle opinion ; il est si bon et si sage qu'il ne faut pas s'alarmer sur semblables occasions, mais avoir de la patience avec laquelle on gagne tout. Pour ce qui est de mesdemoiselles ses nièces, à la vérité, nos Sœurs conseillères ne dirent pas bien : il ne fallait pas traiter ainsi, mais lui dire que si les filles étaient désireuses de la Religion que nous professons, on se sentirait consolées et honorées d'avoir de si bons gages de Mgr ; que, pour le temporel, on s'en remettait à sa prudence et charité qui savait la nécessité de la maison ; qu'on s'assurait qu'il ne la voudrait charger, et choses semblables ; qu'absolument on s'en remettait à lui ; qu'il savait bien ce qui était requis pour l'entretien d'une fille dans une maison religieuse qui n'est ni fondée, ni bâtie, et qui a la charge d'un confesseur, de plusieurs filles de service et toutes les autres. Je vous dirai en passant que si vous recevez toujours des filles de cinq cents écus, vous accablerez votre maison en sa naissance, car je vois que votre nombre est déjà fort grand.

Il faut travailler fidèlement en cette nouvelle vigne, n'y admettre que de bons sujets et bien cultiver ceux qui y sont déjà. Certes, c'est là le grand bien auquel il faut s'appliquer, sans regarder ailleurs ni s'ennuyer pour les contradictions. Vous regardez trop ce qui vous arrive, regardez fort à Dieu ; [390] tâchez de croître sa gloire en vous et en vos filles par une fidèle observance, et ne vous amusez qu'à cela, je vous prie.

Il n'est pas besoin que vous exposiez le Très-Saint Sacrement les trois jours de carnaval, car si bien on le fait à Paris, c'est qu'on y fait tout plein de choses qu'il n'est pas besoin de faire ailleurs. Au reste, ma très-chère fille, pour l'amour de Dieu, tenez votre esprit reposé dans le sein de la divine Providence. Ne désirez point si ardemment d'avoir des filles. Cultivez avec douceur et amour celles que vous avez ; ne vous plaignez point de ce qu'il ne vous en vient pas ; attendez en patience celles que Dieu vous a destinées et autant de temps que sa Providence voudra. — Demeurez en paix de ma santé, ma très-chère fille, car depuis quinze jours je me porte fort bien, et mon estomac n'a point été détraqué comme il avait été dès une année. Dieu me veuille donner la vraie humilité ! Mais je vois que vous êtes toujours traînante ; je vous prie, soulagez-vous, car c'est la vérité, il faut avoir un merveilleux courage pour bien exercer la charge de Supérieure parmi de grandes infirmités ; mais, grâce à Dieu, je sais que vous l'avez. Soyez toute bonne, ma très-chère fille ; soyez douce et suave, et vous ferez prou parmi vos filles qui sont de si bonne affection ; mais soyez joyeuse aussi dans vos infirmités. Enfin, elles sont permises de Dieu, c'est assez pour vous les faire aimer et vivre contente dans ce très-saint bon plaisir. Bonjour, ma très-chère fille, je suis toujours avec peu de loisir. Dieu soit béni qui m'a rendue entièrement vôtre et de tout mon cœur !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [391]

ANNÉE 1625

LETTRE DXCVI (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Elle souhaite pour étrennes à la communauté d'Annecy la parfaite observance, l'esprit d'humilité et de simplicité.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble, 1625.]

Je salue très-chèrement tonte notre communauté et lui souhaite pour bonne étrenne la parfaite observance en l'esprit d'une sainte simplicité et d'une profonde humilité ; mais je salue tout à part nos pauvres malades, et prie Dieu de les remplir de sa consolation en sa sainte résignation. Je vous prie de faire saluer en notre nom MM. les présidents et mesdames les présidentes et tous nos amis.

Je n'ai garde de révoquer les congés ; au contraire, ma très-chère fille, je vous ordonne de vous fort soulager, d'aller rarement à Matines, et vous tenir toujours assise durant tous les psalmes de l'Office. Croyez-moi, mortifiez à bon escient cette inclination et j'espère que vous mortifierez encore en cela celle de la vanité qui veut tant faire de choses. Je suis bien mauvaise, [n'est-ce pas ?] ne laissez de bien prier pour moi.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [392]

LETTRE DXCVII - À LA MÊME

Il faut prévenir le Père Dufour avant de donner l'habit religieux à ses sœurs. — On ne peut recevoir une prétendante atteinte d'épilepsie.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Ma très-chère sœur,

[De la main d'une secrétaire.] Nous voici toutes remplies d'un contentement qui ne se peut dire, mais oui bien croire, de l'heureux retour de notre très-honorée Mère qui arriva hier en bonne santé, grâce à Notre-Seigneur. Elle m'a commandé de dire à Votre Charité qu'il faudrait avertir le Révérend Père Dufour avant que donner l'habit à ses sœurs, car peut-être serait-il bien aise de s'y trouver. Elle dit aussi qu'il faut que la Sœur Ducrest se donne un peu de patience ; car, n'étant pas propre pour la cuisine et en ayant tant pour le chœur comme pour la cuisine, on ne la peut recevoir qu'en faisant une fondation.

Quant à la petite Sœur N., il se faut bien garder de la recevoir sur l'apparence du mal caduc ; car vous m'excuserez, très-chère Sœur, il est contagieux, et puis il est trop effroyable pour une communauté. Feu notre saint Père ne voulut pas qu'on reçût une demoiselle de très-bon lieu, sa parente, pour telle occasion, laquelle on trouva un jour étouffée dans le feu. Il faut être ferme et courageuse contre telles occasions.

[De la main de la Sainte.] Pour les affaires que vous m'écrivez, je ne vois pas qu'elles méritent réponse, et [je] serais bien aise, ma très-chère Sœur, que vous écrivissiez toutes ces choses indifférentes et d'affaires à notre Sœur Marie-Adrienne [Fichet] qui me les dirait, et [je] vous y répondrais par elle. Je ferai voir la cession de notre Sœur Marie-Thomassine. [393]

C'est sans loisir que j'écris ; je vous salue chèrement, et toutes nos bonnes Sœurs et le bon M. Michel ; il me fait grand bien d'être rapprochée de vous.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXCVIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

La vertu et la capacité sont préférables aux avantages temporels. — Ne rien promettre qu'on ne veuille tenir. — Visite annuelle.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 22 janvier 1625.

Ma très-chère fille,

Je trouve ici une grande lettre des vôtres ; je ne sais si je l'ai apportée pour y répondre ou si je l'ai déjà fait. À tout hasard, je vous dis qu'à mon avis vous ne devez pas vous engager fort avant avec ce bon Père Cordelier, et qu'un ecclésiastique vous sera plus propre.

Quant à ces bonnes poursuivantes, si elles ont tant de bons talents pour la Religion, encore qu'elles ne soient pas tant riches, je crois qu'il sera utile en toute façon de les recevoir. Dieu pourvoira à ses servantes ; et où sa volonté est faite le pain quotidien ne manquera jamais. Quant à Moulins, certes, je ne sais pas quelle Supérieure y envoyer ; nous n'en avons pas ; nos Sœurs goûtent fort notre Sœur l'assistante, et l'on nous dit qu'elle fait bien ; puis, vous n'êtes pas déchargée. D'empêcher que madame de Chazeron n'entre, cela ne serait pas bien reçu, puisque, par le contrat, on [le] lui a promis. Il ne faut rien promettre que l'on ne veuille tenir. [394]

M. Guyon[115] n'aura garde de manquer de faire sa visite en votre maison de Moulins. Il faudra qu'il recommande à M. le doyen de ne plus bailler telle licence qu'il a fait autrefois, tant à notre Sœur Marie-Aimée [de Morville], que pour l'entrée des séculiers. J'espère en Dieu que sa visite profitera ; mais il ne faut pas effaroucher notre Sœur Marie-Aimée. Enfin, il faut tirer ce qu'on peut des mauvais payeurs. C'est sans loisir que je fais ce billet sur notre retour à Chambéry, de Grenoble.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DXCIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE DE LIVRON

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Elle se réjouit de la ferveur des Sœurs de Grenoble. — L'ennemi du salut a une grande puissance sur les âmes qui s'éloignent des divins Sacrements.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 30 janvier [1625].

Bon Dieu ! ma très-chère fille, que de consolation à mon âme, de savoir celle chère troupe que j'aime si chèrement et parfaitement, de la savoir, dis-je, marcher courageusement, [395] toutes en général et chacune en son particulier, dans la pratique de cette résolution, que Dieu nous a donnée étant ensemble ! Louée en soit éternellement sa divine Bonté ! Croyez que voilà la plus douce nouvelle qui me pouvait arriver, bien que je n'en pouvais attendre une autre, car vraiment ces chères âmes m'ont donné tout sujet de contentement. Aussi, certes, je les sens au milieu de mon cœur, où je les aime parfaitement, et leur souhaite incessamment la sainte perfection de leur aimable et toute sainte vocation.

Il faut porter avec patience la charge de la pauvre Sœur N*** et la traiter comme l'on a raison. Mais dites-moi à votre première commodité comme était faite cette médaille ; y avait-il quelque image de Notre-Seigneur, de Notre-Dame ou des Saints, enfin qu'était-ce, et où en trouverait-on de semblables qui eussent la même vertu, pourvu qu'elle procède de chose sainte et non des artillages [sortilèges] ?

La pauvre petite Sœur J. -Angélique a grand tort de se retirer de la fréquence des divins Sacrements ; elle donne par ce moyen grand pouvoir sur elle à son ennemi. Il faudrait savoir du Révérend Père Arnoux comme il se faut conduire en cela. Je le salue, ce Père, et prie Dieu de répandre de plus en plus ses très-saintes grâces en votre chère âme, et sur toute votre bénite famille que je salue cordialement.

Je suis toute vôtre en Dieu. Qu'il soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Pignerol. [396]

LETTRE DC - AUX NOVICES DE GRENOBLE

Maternels encouragements. — Éloge de leur nouvelle directrice.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Mes filles chèrement aimées,

Depuis que Dieu m'a fait l'honneur et la grâce d'être votre directrice, et que, par ce moyen, j'ai eu la chère consolation d'une plus particulière connaissance de vos âmes, je vous ai toujours portées dans mon cœur par une très-spéciale dilection, qui a pris, il me semble, un nouvel accroissement par le récit que nos Sœurs m'ont fait du saint profit et avancement que vous faites en la voie. de votre perfection. Oh ! que me voilà contente, mes chères filles ! mais je vous conjure d'aller toujours en avant, et d'autant plus que notre bon Dieu vous a bien gratifiées de la nouvelle lumière qu'il a allumée parmi vous, et destinée à votre service et conduite spéciale. Suivez ses exemples, mes chères filles, car c'est une âme humble et douce ; faites fidèlement ce qu'elle vous enseignera en esprit de sincère soumission et simplicité ; par ce moyen, vous attirerez en vous les abondantes bénédictions de notre bon Dieu, lesquelles je vous souhaite du fond de mon âme, qui chérit les vôtres très-chères de toute l'étendue de mes affections.

Recommandez à la divine Bonté celle qui est et sera sans fin votre, etc. [397]

LETTRE DCI (Inédite) - À LA SŒUR ANNE- MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Diverses recommandations.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Ma très-chère sœur,

Je suis marrie de ce que nous n'accommodions Mgr à son gré ; il faudra ajuster les aubes qui lui sont destinées, à son pli. Quant à l'attendre pour la messe, il ne voulait pas qu'on le fit, mais que nous allassions notre train. Toutefois, quand il y a peu à redire, l'on s'y ajuste.

Vous ferez bien de faire tirer les voix pour toutes ces bonnes Sœurs[116] qui ont fait leur temps de noviciat.

Il faut aller avec grande franchise et cordialité avec Mgr et se garder de lui donner sujet de mécontentement. Je sais bien qu'on ne le fera pas ; mais je veux dire que l'on fasse ce qui se pourra pour le satisfaire.

C'est sans loisir que je vous écris. Dieu vous comble de ses grâces, toutes, et nous fasse la grâce de cheminer à grands pas en la voie de notre devoir ! Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [398]

LETTRE DCII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Il faut observer les cérémonies prescrites pour la visite régulière. Des mortifications.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Ma très-chère fille,

J'ai tantôt reçu vos lettres, et maintenant j'y réponds par la main de notre Sœur M. -Gasparde [d'Avise], ne le pouvant faire moi-même, parce que c'est après souper.

Il faut bien se garder de faire des fredons ni tirades à l'Office ; voyez ce que j'en écris à M. Brun. — Certes, je suis touchée du bon M. de Saint-Nizier. Ma lettre arrivera donc trop tard ; mais, en contre échange, je suis consolée de l'améliorement de la santé de nos Sœurs. Je prie Dieu qu'il la leur accroisse pour sa gloire. Il n'était pas besoin d'écrire à Mgr de Lyon, non plus qu'il ne [le] sera pas de dire à M. le grand vicaire que vous lui aviez écrit ; mais il faut procurer qu'il fasse et la visite [régulière] et l'élection. Il aurait tort de ne se pas assujettir aux cérémonies, car il n'y en a point qui ne soit belle et bonne ; et je crois qu'il le fera. Je vous assure que dernièrement Mgr de Grenoble, faisant sa visite céans,[117] n'en voulut pas omettre une seule, et partout les prélats et pères spirituels les suivent ric-à-ric ; mais s'il ne lui plaît pas, patience, et ne le devez presser de rien, sinon pour l'élection. Je pense bien qu'il n'est pas tant entendu qu'il ne fût bien à propos qu'un Père Jésuite fit l'examen. Néanmoins, il faut laisser tout entre les mains de la Providence de Dieu. J'espère que sa Bonté pourvoira que ce qui a été si saintement ordonné soit exactement observé. [399]

Pour ici, l'on n'y demande point de mortifications, parce que notre Bienheureux Père a tant témoigné qu'il ne l'agréait pas ; et la Supérieure et la directrice en doivent tant plus faire donner. Il est vrai qu'au temps qu'il est permis d'en faire, il n'est que bon que les Sœurs aillent trouver la Supérieure et lui disent :

« Ma Mère, je voudrais bien faire une ou deux mortifications par semaine ; quelles plaît-il à Votre Charité que je fasse ? » Et alors la Supérieure fait ce qu'elle veut. — Bonsoir, ma très-chère fille. Dieu vous bénisse et votre chère troupe, et à part la chère Sœur retournée.[118]

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCIII - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES

La Sainte l'engage à s'abandonner sans mesure à la volonté de Dieu ; comment le faire à l'exercice du matin et à l'oraison. — Se relever doucement après ses chutes et tirer profit de la souffrance.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Mon très-cher Seigneur,

Puisque l'éternelle Bonté vous a donné le mouvement et résolution de lui consacrer sans réserve toutes vos affections, toutes vos actions, vos œuvres et tout vous-même, sans vouloir prétendre en tout ce que vous faites aucun intérêt particulier, mais seulement la plus grande gloire de Dieu et sou saint contentement, demeurez ferme là dedans, et avec la plus filiale et constante confiance qu'il vous sera possible, reposez-vous au soin et à l'amour que la divine Providence a pour vous en tous [400] vos besoins.[119] Regardez-la comme fait un enfant sa mère dont il serait tendrement aimé ; car vous devez humblement vous assurer que Dieu vous aime incomparablement davantage, étant une chose inimaginable que l'amour que celle souveraine Bonté a pour les âmes qui se donnent et se délaissent ainsi à sa merci, et qui n'ont point de plus grands souhaits que de faire tout ce qu'elles pensent lui être agréable, lui laissant celui de tout ce qui les concerne, pour en faire au temps et à l'éternité selon son bon plaisir. Ensuite de quoi, tous les jours en votre exercice du malin, ou à la fin d'icelui, vous confirmerez vos résolutions, et unirez votre volonté à celle de Dieu pour toutes les œuvres et actions que vous ferez ce jour-là, et en tout ce qu'il lui plaira de vous envoyer, par telles ou semblables paroles : « O très-sainte volonté de mon Dieu, qui m'avez environné de vos miséricordes, je vous en rends d'infinies actions de grâces, je vous adore du profond de mon âme, et de toutes mes forces et affections, j'unis dès maintenant et pour jamais ma volonté à la vôtre, particulièrement en tout ce que je ferai, et en tout ce qu'il vous plaira de m'envoyer cette journée, consacrant derechef à votre souveraine gloire, mon âme, mon esprit, mon corps, toutes mes actions et pensées, paroles, œuvres et tout mon être, vous suppliant, de toute l'humilité de mon cœur, d'accomplir en moi vos éternels desseins, sans me permettre que j'y donne aucun empêchement. Vos yeux qui pénètrent [401] les plus intimes replis de mon cœur voient que tout mon désir est d'accomplir cette sainte volonté, mais ils voient aussi mon imbécillité et mon impuissance ; c'est pourquoi, prosterné aux pieds de votre infinie miséricorde, je vous conjure, mon Sauveur, par la douceur et équité de celle même volonté vôtre, de m'octroyer la grâce de l'accomplir parfaitement, afin que, consumé au feu de votre céleste amour, je lui sois un holocauste agréable qui, sans fin, vous loue et bénisse avec la glorieuse Vierge et tous les Saints. Amen. »

Parmi ces actions de la journée, tant spirituelles que temporelles, faites, mon cher seigneur, le plus souvent que vous pourrez, des unions de votre volonté à celle de Dieu, par manière de confirmation de celle que vous avez faite le malin, soit par un simple et amoureux regard en Dieu, soit par quelque courte parole prononcée doucement, la jetant dans le cœur de Dieu par manière d'acquiescement, comme serait : « Oui, Seigneur, je veux faire cette action parce que vous le voulez », ou simplement : « Oui, mon Père », ou bien : « O volonté sainte, vivez et régnez en moi », ou telle autre que le Saint-Esprit vous suggérera. Vous pouvez aussi faire simplement le signe de la croix sur votre cœur, ou baiser celle que vous portez ; car tout cela signifiera que vous voulez souverainement la sainte volonté de Dieu, et ne prétendez que sa pure gloire en tout ce que vous faites.

Quant à la volonté du bon plaisir de Dieu que nous ne connaissons que par les événements lorsqu'ils nous arrivent, s'ils sont de quelque prospérité, il faut, bénissant Dieu, nous unir à cette divine volonté qui les envoie ; de même devons-nous faire dans l'événement des choses pénibles qui nous sont fâcheuses au corps et à l'esprit, joignant amoureusement notre volonté à l'obéissance de ce bon plaisir divin, nonobstant les répugnances de la nature ou de l'esprit humain dont il ne faut tenir compte, pourvu qu'avec la pointe de notre volonté nous [402] fassions simplement le très-saint acquiescement à celle de Dieu, disant : « O mon Dieu, je le veux, parce que tel est votre bon plaisir. » Le chapitre vi du IXe livre de l’Amour divin donne une excellente lumière de cette pratique, et un grand courage et facilité. Soit bien, soit mal qui vous arrive, ayez une parfaite confiance que Dieu convertira tout à votre mieux.

Pour ce qui est de l'oraison, ne vous peinez point à faire des considérations ; votre esprit ni le mien n'y sont pas propres, suivez votre train de parler à Notre-Seigneur à la bonne foi, amoureusement, confidemment et simplement, selon que votre cœur vous le dictera ; et quelquefois contentez-vous de demeurer quelque petit espace de temps en sa divine présence avec une contenance dévote et rabaissée, comme un enfant devant son père qui attend ses commandements, et dépend totalement de sa volonté en laquelle il a tout son amour et confiance. Vous pouvez, si vous le voulez, dire quelques paroles, mais fort doucement sur ce sujet : « Vous êtes mon Père et mon Dieu de qui j'attends tout mon bonheur. » De là à quelques moments (car il faut un peu attendre pour écouter ce que Dieu dira à votre cœur) : « Je suis votre enfant, tout vôtre ; les bons enfants ne pensent qu'à plaire à leur père, je ne veux avoir aucun soin et vous laisse celui de tout ce qui me touche ; car vous m'aimez, mon Dieu ; mon Père, vous êtes mon bien. Mon Père, mon âme se repose et se confie en votre amour et providence éternelle », et semblables qu'il faut tâcher de savourer.

Quand vous serez tombé en quelque coulpe, allez à Dieu avec abaissement d'esprit, lui disant : « J'ai péché, mon Dieu, je m'en repens » ; puis, avec une amoureuse confiance, vous ajouterez : « Mon Père, versez l'huile de Votre abondante miséricorde sur mes plaies, car vous êtes mon unique espérance, guérissez-moi. » Un peu après : « À l'aide de votre grâce, je serai mieux sur ma garde et vous bénirai éternellement » ; et ainsi [403] sur les divers mouvements et sentiments de votre âme. Vous vous mettrez quelquefois devant Dieu fort simplement par la certitude de sa toute présence en tous lieux, et sans efforts vous coulerez tout doucement dans son Cœur sacré ce que le vôtre vous dictera.

Quand vous aurez quelque douleur de cœur ou de corps, tâchez de les souffrir devant Dieu, vous ressouvenant le plus que vous pourrez qu'il vous regarde en ce temps d'affliction, surtout des maladies corporelles, où bien souvent le cœur est fort allangouri [languissant] et ne peut prier ; ne vous efforcez pas de le faire, car les simples acquiescements à la volonté de Dieu, faits de temps en temps, suffisent ; outre qu'une souffrance portée dans la volonté arec douceur et patience est une continuelle et très-puissante oraison devant Dieu, nonobstant les plaintes et inquiétudes de la partie inférieure. Enfin, mon très-cher seigneur, lâchez de faire toutes vos actions tranquillement et doucement, et tenez votre esprit toujours joyeux, paisible et content. Ne soyez point en souci de votre perfection, ni de votre âme, car Dieu à qui elle est et à qui vous l'avez toute confiée, en aura soin et la comblera de toutes les grâces, consolations et bénédictions de sou saint amour, selon qu'elles lui seront utiles en celle vie, et la fera jouir en l'autre de son éternelle félicité, selon les souhaits de celle à qui votre âme est précieuse comme la sienne propre ; priez pour elle, car elle ne prie point sans vous, Monseigneur.

Votre très-humble, etc. [404]

LETTRE DCIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Profonde humilité de la Sainte ; son dévouement pour l'Institut. — La vertu solide a son fondement en Dieu. — Le Coutumier n'a pas besoin d'approbation, puisqu'il est l'œuvre de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 16 février [1625].

Ma très-chère fille,

Le temps m'a été long aussi bien qu'à vous ; car assurez-vous que si je suis la vraie Mère de votre cœur, vous êtes bien la plus chère fille du mien, mais je n'ai eu plus tôt [un moment pour écrire].

Je crains que Mgr l'archevêque ne réponde pas selon notre Règle. Peut-être que M. le grand vicaire n'eût pas fait difficulté de faire l'élection, puisque vous pouvez être réélue. Oh bien ! Dieu conduira tout. Oui, ma très-chère fille, l'humilité et la fidèle persévérance à servir les âmes purement pour Dieu gagnent tout, car Dieu assiste celles qui ne prétendent que son bon plaisir. Croyez, ma fille, qu'encore que j'aie une grande répugnance à tant aller, néanmoins, Dieu m'aidant, j'irais de tout mon cœur servir jusqu'à la moindre de nos pauvres Sœurs. Mais si vous saviez, ma fille, comme je suis peu de chose ; je me vois et me sens aucune vertu, ni jugement ; néanmoins, il plaît à Dieu que l'on croie autrement. Je vois bien que sa Bonté daigne se sertir de moi ; mais certes, je n'ai pas de quoi me rien approprier du bien qui arrive. Dieu ne me le permet pas aussi. Oh ! que les croix et les humiliations sont utiles en cette vie, ma très-chère fille !

Je crois que si l'on pense que ma présence peut servir à nos pauvres Sœurs d'Avignon, il faudrait seulement l'agrément de Mgr l'archevêque de là ; mais il faudrait manier cela [405] délicatement, parce que les Italiens répugnent fort aux sorties des femmes religieuses. Je recommanderai l'affaire à Mgr de Bourges. Je crois qu'il passera à Lyon et vous verra. Si Dieu veut que je puisse servir nos maisons en les voyant, hélas ! sa Bonté sait avec quel cœur je le ferai. Il en disposera les moyens et l'occasion.

Je suis fort consolée du bon état de votre maison ; mais, ma fille, prenez garde que la vertu de vos filles soit solide, je veux dire que leur fondement soit en Dieu, qu'elles obéissent pour Lui seul, et que leur paix et observance ne regardent que Dieu ; car quelquefois l'amour que nous portons à nos Supérieurs et leurs vertus sont les motifs de notre paix ; de sorte que, lorsque nous ne les avons plus, nous nous trouvons toutes changées, et voyons que notre vertu était en elles et non en nous ; notre fondement était en elles et notre motif, et non en Dieu. Hélas ! je n'ai que trop d'expérience de ceci. Inculquez-leur fort la vraie vivante vertu qui subsiste partout et en toute occasion, parce qu'elle a toujours son fondement et sa prétention à plaire et contenter Dieu seul. — Cette petite Sœur se mûrira avec le temps, s'il plaît à Dieu ; il faut l'attendre patiemment, et ne se pas trop roidir contre elle, ni [contre] ses prétentions et défauts. Prou d'autres avec Mgr de Langres ont approuvé le Coutumier, quoiqu'il ne soit nullement requis. — Si cela vous incommode, ne donnez- point les vingt pistoles, ne donnez que ce que vous voudrez. Nous ferons deçà le mieux que nous pourrons. — Nous avons déjà mandé que ce serait bien fait de retrancher [une partie] de votre cloître. Celui de Nessy est plus long que large. Mon Dieu ! que j'aime la petitesse dans la suffisance ! — Notre Sœur de Riom se plaint de n'avoir reçu son Coutumier ; je l'ai envoyé il y a longtemps.

Je voudrais bien, ma très-chère fille, avoir un de ces taffetas où le cœur de notre Bienheureux Père a été, et qui fût détrempé de la liqueur que l'on dit qui en sort. [406]

Quant au Coutumier, il me semble vous avoir déjà écrit que vous ne parliez nullement de le faire approuver ; cela n'est point requis ; ce n'est pas un ouvrage de fille, ni à mépriser. L'ouvrier est approuvé de Dieu et des hommes. — Je salue toutes nos très-chères Sœurs du meilleur de mon cœur. — Je pense que nous passerons ici le Carême ; vous avez prou peine pour l'adresse de nos lettres, mais tout est pour Dieu. — Notre Mgr de Genève se rend un digne prélat. — Tout va bien à Nessy et ici, grâce à Dieu. Qu'il soit à jamais béni ! Faites tenir, s'il vous plaît, la lettre de M. Guichard.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Maladie de Mgr l'évêque de Langres. — Joie de la Sainte en voyant les progrès de son frère dans la perfection. — Désir de la Sœur de Morville.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Votre vrai très-bon et très-cordial cœur, que je chéris uniquement, s'est tout répandu dans le mien par la lecture de votre lettre. Dieu soit béni et glorifié es souffrances de ce digne prélat, votre bon Père [Mgr de Langres], et en sa convalescence, et en tout ce que vous m'en dites ! Dieu soit béni encore, et toujours davantage glorifié, en la vertu et ès saintes résolutions de notre bon Mgr l'archevêque,[120] la piété duquel fait fondre mon cœur. Et Dieu soit béni finalement et éternellement en toutes choses et en particulier du retour à vous de mon bon cousin, qui est le meilleur et le plus sincère cœur qu'il est possible. [407] J'espère en Dieu que vous serez si adroite autour de lui et si maternellement charitable, que vous reprendrez sa confiance ; il lui faut cela, ma fille vraiment très-chère. Que votre bon tout cordial cœur fasse cela dextrement, car certes il mérite d'être aidé pour le singulier amour qu'il vous porte ; il me témoigne mille affections envers vous. Dieu soit loué !

Je confesse, ô ma fille, que mon cœur serait fort consolé de vous ressavoir en sa franchise et confiance première.

J'écris sans haleine, car le messager demande sa réponse à même temps qu'il donne ses lettres. Notre Sœur Marie-Aimée et ses parents emploient tout ce qu'ils peuvent pour vous avoir à Moulins ; mais quelle apparence, ma chère fille, de vous aller derechef tirer de là ? que dirait Mgr de Langres ? que deviendrait cette maison mon sentiment ne peut être cela ; mais il la faut exciter au bien, à l'humilité et mépris du monde et d'elle-même. Il faut finir. Si j'avais Je loisir, j'écrirais à votre bon Père Mgr de Langres, mais nul moyen.

Dieu soit béni !

Vous êtes mauvaise, ma chère fille ; oubliez ces brouilleries passées. Votre chère mère[121] dit qu'elle n'a pas le loisir d'écrire davantage de lettres. Salut à tous [ceux] qui m'écrivent, et à la Sœur de N***.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [408]

LETTRE DCVI (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

MAÎTRESSE DES NOVICES, À ANNECY

Il faut former les novices à la mortification et au recueillement.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry] 5 mars [1625].

Dieu vous bénisse, ma bonne et chère Sœur, et toutes nos chères Sœurs novices ! Je suis bien consolée des bonnes nouvelles que vous m'en mandez. Certes, l'unique moyen de faire progrès en la vraie vertu, c'est la mortification elle recueillement. Portez-les toujours fort à cela, ma très-chère fille, et Dieu répandra ses saintes grâces sur vous toutes. Soyez bien saintement joyeuse et généreuse en votre exercice. Je suis de tout mon cœur toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCVII - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

La Sainte lui annonce son prochain retour.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry mars 1625.]

Ma très-chère sœur,

Je n'entendais pas que vous vous abstinssiez de me parler de nos Sœurs et de la maison, ains seulement que les affaires temporelles vous les écrivissiez à notre Sœur l'assistante. — Je suis fort en peine d'Antoine. J'ai écrit à M. Michel qui m'en a fait savoir quelque chose. — Mgr de Genève m'avait mandé, il y a quelques jours, qu'il serait bon que je retournasse. Je le ferai le plus tôt qu'il se pourra, quoiqu'il m'écrive que je fasse tout [409] à loisir ce qui est ici requis. Je pense que nous ne pourrons aller qu'après le jour de Pâques ; mais aussi nous partirons incontinent après.

Il faudra supporter l'infirmité de cette pauvre veuve[122] ; elle a un cœur bon et franc, mais elle ne sait pas encore la leçon de contrevenir à ses inclinations. Je vous renvoie la cession de notre pauvre Sœur Marie-Thomassine, en laquelle il n'y a rien à dire. Je prie nos Sœurs de vous dire le reste.

Bonsoir, ma très-bonne et chère Sœur, et mille saluts à toutes nos pauvres très-chères Sœurs auxquelles je souhaite incessamment un saint accroissement en humilité, douceur et simplicité, par une exacte observance. Je me recommande à leurs prières. Nos Sœurs d'ici font du tout bien à mon gré. Dieu soit béni qui m'a rendue toute vôtre !

[P. S.] Donnez à M. Maurice l'argent du Père dom Juste, et le caressez bien avec M. Pioton, lequel est un digne homme qui nous oblige fort. Logez-le chez M. Michel.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Diverses affaires. — Les Pères Jésuites revoient les Lettres de saint François de Sales ; confiance qu'on doit leur témoigner. — Du silence en Carême.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 30 mars 1625.

Ma très-chère sœur,

Ce peut bien être une faute du Coutumier que les bancs sont si bas auprès des tables ; mais il les faut faire comme vous [410] jugerez plus à propos et conformes aux tables. — Je trouve les vitres où il y a des boulons plus belles que les autres. — Nous appelons contrats permanents les contrats d'achat, de change et de fondation ; car ceux des filles et de constitution de rentes ne le sont pas, d'autant qu'ils se peuvent rompre. — Pour les Épîtres [de saint François de Sales], il y a bien deux mois qu'elles sont entre les mains des Pères Jésuites ; mais la grande multitude de leurs affaires est cause qu'ils ne les ont pas encore vues Ils m'ont promis de me les rendre le second jour de Pâques, et je les porterai à Nessy, et le plus tôt qu'il me sera possible, je les vous enverrai ; car mon affection ne s'endort point en cette affaire.

Je vous prie de faire tenir sûrement l'argent de M. de Champagne, à Nessy. Voilà votre décharge, ma fille. M. de Champagne a tort de se plaindre, je vous en assure, mais les personnes du monde sont faites ainsi. — Mgr de Bourges a différé son voyage pour cause du péril des passages d'Italie qui sont pleins de gens d'armes. — L'on fait ainsi à Nessy ; prou de personnes vont faire des vœux et les rendre par actions de grâces, mais ils ne disent rien, sinon par hasard quand on les enquiert ; Notre-Seigneur fera connaître ce qu'il Lui plaira.

Il est vrai que lorsque le Révérend Père provincial passa ici, nos Sœurs prirent grande confiance en lui ; parce qu'elles savaient ce qu'il avait été à notre Bienheureux Père, et celles qui lui ouvrirent leur cœur, ce fut par spéciale grâce, pour déclarer quelque chose qu'elles avaient oublié en leur confession générale ; mais non faute de confiance en notre Bienheureux Père. Oh ! ma fille, quand vous ne serez plus à Lyon, nos Sœurs trouveront bien que dire aux confesseurs extraordinaires ; mais c'est bien la vérité, qu'en la plupart de nos maisons les filles ne savent que dire, surtout à Nessy et ici, car on va fort à la bonne foi ; mais je les porte à s'ouvrir à ces bons Pères pour correspondre à leur charité, ainsi que nous dit notre Bienheureux [411] Père à Lyon ; mais ne vous mettez point en peine pour cela.

Madame de Granieu, de Grenoble, grande servante de Dieu, et l'intime de feu notre Bienheureux Père entre les femmes mariées, m'écrit le grand bruit et parlement qu'a causé à Grenoble la sortie[123] de madame Cotin ; cela donne atteinte à nos maisons, et c'a été la cause pourquoi on ne l'a pas reçue de deçà. Elle a tort de nous et d'elle encore ; elle m'avait promis de patienter et de servir son mari, déjà à moitié mort, jusqu'à ce qu'il le fût tout à fait. Les Révérends Pères Jésuites avaient approuvé mes raisons et accordé qu'elle patienterait ; cependant l'on a usé des autres moyens. Dieu convertisse tout à sa gloire ! Notre Bienheureux Père ne lui eût pas conseillé cela, car jamais il ne l'a voulu faire, si, y a-t-il plus de dix ou douze ans qu'elle avait cette fantaisie et l'en pressait. Je ne vous dirai rien de son esprit, car elle m'a témoigné une grande ardeur de sa retraite pour son seul salut, à quoi je lui avais répondu solidement. Je crois que je vous dois dire qu'il la faut bien éprouver, car elle a toujours eu la réputation d'être violente et impérieuse ; mais néanmoins elle a toujours pratiqué la dévotion.

Il est silence [en Carême] dès huit heures et demie jusqu'à la récréation, et dès l'obéissance jusqu'à trois heures ; mais jamais nous n'avons manqué de le continuer jusqu'à quatre heures ; car en cette heure l'on fait la lecture, et il est bienséant que ce soit en silence, et le reste du temps se passe de même. Je crois que c'était l'intention de notre Bienheureux Père que l'on fit ainsi ; car que ferait-on de mieux, les Sœurs ne se devant assembler qu'à quatre heures ?

Je m'oubliai, l'autre jour, de vous remercier de votre taffetas,[124] ma très-chère fille. Je le fais de tout mon cœur, mais il n'est pas [412] gras comme l'on m'avait dit qu'il devenait. — Votre tabernacle serait trop petit de quatre pieds, ou votre pied est plus long que le nôtre. Celui de céans en a plus de cinq, et il est trop petit. Bien, nous le ferons faire comme celui [d'Annecy] qui l'est un peu plus, mais d'une architecture admirablement belle. Je crois qu'il est déjà fort avancé. M. le chevalier Balbian m'a dit que vous pouviez donner l'argent à M. Lumaque, mais je vous dirai quand. C'est trop, ma fille, pour être si fort pressée. Vous savez ce que je vous suis.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCIX - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Fondation d'Evian. — Nouvelles de la maison de Chambéry.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Mon cher frère,

Je vois que tout nous porte à entreprendre cette fondation à Évian. Certes, nous le voulons de tout notre cœur, puisqu'il y a tant d'apparences que Dieu en sera glorifié par le profit spirituel que l'on pourra faire es âmes ; mais à la charge que votre charité s'emploiera à accommoder les affaires, et à préparer tout ce qui sera requis pour y recevoir les Religieuses ; car, mon très-cher frère, qui pourrait faire cela sinon vous ? Je vous en supplie donc, et puisque vous nous conseillez l'embarquement, aidez-nous à voguer. Je prie le Révérend Père de vous répondre à toutes les affaires qui se doivent faire par delà. Nous ferons ce que nous pourrons pour la décharge des tailles extraordinaires et pour vous envoyer de l'argent ; mais nous ne savons comment, si vous ne nous donnez les adresses. Nous [413] n'attendons que cela pour envoyer ce que vous nous manderez.

Je crois qu'il sera à propos d'assurer cette bonne fille du Comté, en cas que son esprit nous soit propre ; vous le connaîtrez aussi bien que nous. Nous attendons tout plein de ces messieurs pour voir comme l'on pourra poser le plan et faire la clôture. Nous avons accommodé avec les Pères Jésuites, et sommes encore après le petit jardin et la chapelle Saint-Clair. Dieu nous aidera, s'il lui plaît. Nous partirons d'ici, Dieu aidant, le lendemain de Quasimodo. Je suis pressée ; sans fin et sans cesser je serai toujours toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni ! Amen.

Nos Sœurs vous saluent chèrement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCX - À MADAME LA COMTESSE DE TOULONJON

SA FILLE

Elle l'exhorte à se confier en la divine Providence et à se détacher de la vanité et des sollicitudes mondaines.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Ce ne sera pas si tôt que nous pensions, ma très-chère fille, que j'aurai la consolation de voir Mgr de Bourges, mais véritablement je crois qu'elle sera bien grande ; car, dès sa guérison et les grâces que Notre-Seigneur lui a faites, je me suis sentie tirée à lui avec une dilection extraordinaire, et je ne puis ni ne veux cesser de louer et remercier notre bon Dieu d'une si grande miséricorde. Il ne m'a rien du tout écrit de ce que vous me mandez qu'il a fait pour mon fils ; et cependant je reçois [414] fort souvent de ses lettres.[125] Quand j'aurai l'honneur de le voir, je lui en parlerai, et je verrai si je pourrai être si heureuse que de faire quelque chose pour vous vers lui. Je lui ai toujours vu beaucoup d'affection pour vous, ma très-chère fille ; je crois qu'il n'a pas grand temporel, outre ses meubles ; toutefois je n'en sais rien. Mais, ma bonne et très-chère fille, quand cela serait bien vrai que ce bon seigneur vous eût tout à fait oubliée, faut-il pour cela s'abandonner à la douleur et au ressentiment ? Oh Dieu ! ne faites jamais plus cela, ma très-chère fille, car vous y pourriez offenser Dieu. Vous êtes trop affectionnée pour les choses de cette vie ; vous les prenez trop à cœur. Que craignez-vous ? que la multitude des enfants ne vous ôte le moyen de les loger et élever selon leur naissance et votre courage ? N'appréhendez point cela, je vous supplie ; vous faites tort en cela à la sage Providence de Celui qui vous les donne, lequel est assez bon et assez riche pour les nourrir et les pourvoir selon qu'il sera expédient à sa gloire et à leur salut : voilà tout ce que nous devons désirer pour nos enfants, et non des agrandissements en ce misérable et mortel siècle.

Or sus, ma très-chère fille, recevez donc avec beaucoup d'amour et comme de la main de Dieu toutes ces petites créatures qu'il vous donne ; ayez-en un grand soin ; chérissez-les tendrement et les élevez entièrement en sa crainte, non avec vanité ; et vous verrez que faisant ainsi et remettant à la divine Providence toutes ces sollicitudes que vous en avez, elle pourvoira à tout avec tant de suavité que vous aurez grand sujet de la bénir et de vous y reposer entièrement. Croyez-moi, ma très-chère fille, jetez-vous de ce bon côté : servez Dieu, quittez la [415] vanité, vivez parfaitement avec celui que Dieu vous a donné, appliquez-vous soigneusement au gouvernement de votre maison, travaillez à cela, et prenez, meshui, les habitudes et façons de vivre d'une vraie mère de famille. Si je n'eusse pas eu ce courage, au commencement de mon mariage, nous n'eussions pas eu moyen de vivre ; car nous avions moins de revenus que vous et quinze mille écus de dettes. Courage donc, ma très-chère fille, employez votre esprit et le temps non aux inquiétudes et appréhensions, mais à servir Dieu et votre maison, car c'est le vouloir divin, et vous verrez combien de bénédictions suivent cette entreprise.

Il a fallu que je me sois contentée de vous parler ainsi au long, espérant que vous profiterez de ce que je vous dis avec tant d'amour et de désir de votre bien, et que vous relirez souvent cette lettre pour la pratiquer. Je prie Dieu qu'il vous en fasse la grâce, et que sa Bonté répande abondamment ses plus désirables bénédictions sur vous et sur toute votre chère famille que je salue cordialement. Vous savez, ma très-chère fille, que vous êtes mon unique bien-aimée et très-chère fille, et que je suis votre mère très-humble et toute cordialement affectionnée à votre vrai bonheur.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Reconnaissance envers Dieu pour les grâces qu'il accorde à l'archevêque (te Courges. — Inquiétudes de madame de Toulonjon. —Lettre du Mgr de Langres au Souverain Pontife.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 avril [1623].

Ma pauvre très-chère fille,

Vous ne sauriez croire ce que je sens envers Dieu de voir l'état de mon très-cher archevêque. O mon Dieu ! quelle [416] abondante grâce ! ma fille, combien il faut aimer ce divin Maître qui nous est si bon ! Je vous prie, animez fort vos filles à ce souverain amour. Je voudrais bien qu'il fût répandu en toutes les âmes, surtout dans le cœur de la Visitation. J'ai reçu des lettres [de Françoise] ; elle est dans de fâcheux sentiments sur ce que son bon oncle l'oublia dans son testament ; je pense qu'elle vous le témoignera prou ; mais je vous prie ne lui dire, oui bien quand vous jugerez à propos de lui parler d'elle, de la mettre en sa considération, et le rendre toujours plus affectionné envers elle.

Je ne sais que je vous dise, car je suis fort pressée. M. des Échelles[126] et M. le doyen vont un peu se défendre contre M. Gariot qui s'arme fort, à ce que l'on dit, en votre faveur. Je vous prie, ma très-chère fille, faites recommander également le droit des uns et des autres ; car vous savez quelle obligation nous avons à M. des Échelles, et que la maison de céans a besoin de la bienveillance de messieurs de ce Chapitre, et partant je voudrais que M. Gariot ne se vantât point tant de votre faveur, car je crois qu'il y a plus de fumée que de feu.

Ma pauvre très-bonne et très-chère fille, il y a longtemps que je m'oublie de vous mander si vous ne pensez point à vous élargir et à commencer à bâtir ; je serais bien aise de le savoir, et surtout que vous m'aimez toujours uniquement. — Je salue en tout respect votre cher Mgr de Langres. Si, dans sa lettre qu'il fera pour demander au Pape un commissaire pour procéder à la béatification de notre Bienheureux Père, il suppliait aussi sa Sainteté pour la confirmation de notre Institut, avec quelques paroles favorables, je pense que cela nous serait utile, et que notre Mgr l'archevêque [de Bourges] fit le même ; toutefois je m'en remets à leur discrétion. Bonjour, ma vraie très-chère [417] fille ; mille saluts à notre Sœur bien-aimée, au bon cousin, à la cousine et à toutes nos chères Sœurs, sans oublier notre Sœur de Vigny.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCXII (Inédite) - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE L : l VISITATION d'ANNECY

Prochain départ de Chambéry.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Non, certes, mon très-cher Père, je n'ai pas fait réponse à M. Guichard, car je n'en ai eu nul loisir. Je verrai sa lettre, et Si je puis dès ici me résoudre des réponses qu'il désire, je vous l'enverrai mardi, Dieu aidant ; si, moins, mon cher Père, nous la ferons dimanche à Nessy, espérant que vous nous viendrez prendre samedi avec deux montures, pour ma chère compagne et pour moi ; le reste, nous le dirons, Dieu aidant.

Je fais très-humble révérence à Mgr le révérendissime ; et à nos chères Sœurs, mille saluts ; et vous souhaite, mon très-cher Père, le comble de toutes grâces.

Dieu soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [418]

LETTRE DCXIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Éloge du P. Maillan, Jésuite. — Amour pour la mortification et la pauvreté. — Soins à donner à l'impression des Épîtres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 18 avril [1625].

Me voici à Nessy dès mardi, ma très-chère fille, très-accablée d'affaires en toutes sortes, ce qui m'empêchera, à mon avis, d'écrire au Père Maillan que j'honore avec un cœur incomparable, car c'est une âme que j'estime grande et précieuse devant Dieu. Suppléez pour moi, et de même à notre bon M. de Saint-Nizier, auquel j'avais bien envie de faire la bienvenue ; car je suis aise de son retour, comme j'avais été marrie de son départ pour la perte qu'en eût soufferte l'Eglise de Lyon, où il est très-utile et nécessaire ; je l'honore et estime singulièrement. Dieu sait combien j'aurais de désir de [vous] voir, mais cela est impossible maintenant. Il faut laisser achever mes trois ans, après lesquels, Dieu aidant, je serai déchargée de cette supériorité ; car vraiment je ne peux plus porter si grand faix. Alors je serai plus libre pour servir nos autres maisons si Dieu veut que je le fasse, et Il m'en donnera la capacité et la grâce, s'il Lui plaît. — Quand je ne satisfais pas à vos désirs, dites que je ne peux. Saluez donc madame de Chevrières, mais chèrement, car, de [lui écrire une] lettre, il est impossible.

Que je serai aise si l'élection se fait ! Vous n'en devez nullement écrire à Mgr l'archevêque, il faut dorénavant vous adresser à M. le grand vicaire.

Je vous remercie de votre anis ; mais ne m'envoyez plus de ces choses-là ; car, voyez-vous, ma fille, j'ai grande peine à supporter toutes ces tricheries d'esprit et d'empressement que [419] l'on fait autour de cette très-inutile santé. Je consens bien à prendre après les repas de la poudre d'anis, de coriandre, de fenouil et réglisse pour aider mon estomac, et je m'en trouve bien ; mais l'anis confit est bon pour les dames du monde.

Remettez l'argent à M. Magnin afin qu'il nous l'apporte. Mgr de Genève est en crainte que notre libraire n'imprime pas bien les Épîtres, et qu'il ne les fasse traîner longuement. Je vous prie de le faire parler à notre Révérend Père recteur de Chambéry, qui est un vrai serviteur de Dieu et capable, à qui nous sommes obligées pour sa rare affection à notre Institut. Faites-lui parler, dis-je, et qu'il lui montre ses caractères. Je pense que Mgr de Genève voudrait aussi que ce libraire donnât quelque chose pour aider à l'entretien de ceux qui travaillent pour la béatification de notre Bienheureux Père. Je ne m'entends pas à tous ces ménages-là. Il veut voir les Épîtres devant que les envoyer. — Faites bien mes honneurs aux Pères de ma connaissance. Bonjour, ma très-chère fille ; je salue toutes nos Sœurs, à part celle qui m'a écrit, à laquelle je ne puis écrire.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXIV - À MADAME DE COULANGES

À PARIS

Cordiale et mutuelle affection ; promesse de prier pour la famille de Coulanges. — Condoléances au sujet de la mort de leur petite-fille, seconde enfant de Celse-Bénigne.

vive † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Madame ma très-chère sœur,

Votre lettre, toute pleine de douceur et de suavité de notre amour, me donne beaucoup de sujet de consolation. Béni en soit [420] notre bon Dieu qui a fait notre sainte alliance ! Or sus donc, ma très-chère Sœur (car, je vous supplie, n'usons plus du nom de madame, puisque Dieu nous donne des affections correspondantes à notre très-chère alliance), vivons, je vous supplie, en cette confiance et franchise. Certes, le respect m'avait ainsi retenue à user de ce mot de Sœur ; mais la simplicité sera dorénavant plus convenable et agréable à la confiance de notre amitié.

J'accepte de tout mon cœur le parti que vous m'offrez, ma très-chère Sœur ; oui, je vous supplie, ayez soin de tout ce qui regarde le temporel de ce cher fils, et je me charge de prier continuellement pour le bonheur de votre très-honorable famille, afin qu'il plaise à Dieu de la faire prospérer en toutes sortes de vrais biens. Il me tarde infiniment de savoir des nouvelles de notre tant aimée et tant aimable fille ; croyez que mon esprit est attentif sur elle et que je la porte toujours au milieu de mon cœur. Dieu lui donne un heureux accouchement, et à vous, ma très-bonne et très-honorée Sœur, le comble de toute grâce céleste. En cette affection, je demeure invariablement, madame ma très-chère Sœur, votre, etc.

[P. S.] Or sus, ma très-chère Sœur, il faut bénir Notre-Seigneur de ce qu'il lui a plu mettre cette chère petite en paradis, où éternellement elle louera sa Bonté et priera pour ses chers père et mère. Il en donnera d'autres, s'il lui plaît ; mais ne pensez pas que ma fille m'en soit un brin moins chère, ni tout ce qui vous appartient. Et pourquoi cela ? la pauvre petite n'en a-t-elle pas le plus grand déplaisir ? C'est assez de consolation de la savoir en santé, et d'en espérer bientôt une autre, Dieu aidant. Je prie soigneusement pour M. votre cher fils, et pour toute votre chère famille. [421]

LETTRE DCXV (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Préparatifs à faire pour la fondation d'Évian.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1625.]

Monsieur,

[De la main d'une secrétaire.] Notre très-honorée Mère arriva mardi dernier heureusement, grâce à Notre-Seigneur. Elle nous a commandé de faire réponse à celle qu'il vous a plu prendre la peine de nous écrire. Nous vous envoyons donc Je mémoire comme il faut les meubles. Néanmoins, vous ferez faire selon la commodité du lieu et légèrement, au moins les treilles [grilles] qui suffiront de bois pour le commencement. Si, pourtant, la place n'est pas commode pour faire celle du chœur des Sœurs tant grande, les frais ne seront pas si grands de la faire de fer. Pour les sièges, il ne faut que des bancs pour maintenant dans le chœur, sinon une assez grande chaire [chaise] pour la Supérieure et une semblable pour le chapitre. Quant aux lits, il sera bon d'en faire faire huit ou dix, et autant de petites tables, et des petits sièges faits comme des tabourets, et quatre ou cinq petits bancs pour asseoir les Sœurs en la chambre des assemblées.

[De la main de la Sainte.] Mon cher frère, nous voici de retour, Dieu merci, et je m'attendais bien de recevoir une grande lettre de notre nouvelle maison de la Visitation d'Évian. Je pense que tout s'y doit préparer selon la petitesse du lieu et légèrement, car quand nous serons là, nous verrons s'il faudra s'accommoder dans la maison présente pour longtemps ou pour peu de temps. Je pense donc que quelques petits balustres de bois pour le chœur et parloir pourraient suffire à ce commencement. Toutefois, je remets tout à votre prudence ; il me tarde de [422] savoir de vos nouvelles et de savoir les choses s'avancer ; car je désirerais que l'on y pût aller avant les grandes chaleurs, tant à cause du voyage que pour la nécessité d'éclaircir les Sœurs et les mettre un peu au large, craignant que les chaleurs, étant ainsi pressées, n'en fissent plusieurs malades ; car nous sommes quarante-quatre sans celles que nous attendons, qui feront près de cinquante. C'est trop pour ce monastère qui est petit. Dieu conduise tout à sa gloire !

Vous savez, mon très-cher frère, que nous sommes vos Sœurs de cœur sincère et vos servantes très-obligées.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXVI - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Congratulation sur le bon état de sa communauté. — Il faut prendre un soin raisonnable du temporel. — La franche et généreuse charité est la bonne odeur des maisons religieuses. — Bulle en faveur du petit Office de Notre-Dame. — Envoi d'un recueil des Coutumes d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Dieu soit béni, ma très-chère Sœur mon enfant, des bonnes nouvelles qu'il m'a données de vous et de votre chère maison ! Certes, j'avais pensé de maladie sur vous ; or sus, ma très-chère petite, je vois que le divin Sauveur et souverain Maître vous donne de bons sujets de le servir et pratiquer les vertus ; certes, il n'y a rien d'aimable en cette vie que ce bonheur-là, ma très-chère fille ; et parmi tout cela vous comptez toujours quelques âmes d'élite, je veux dire des âmes [douées] de bonnes dispositions pour notre manière de vie. Oh ! le grand bien, ma fille, tout dépend de ce bon choix, et vaut mieux une âme fidèle à son Dieu qu'une douzaine de lâches ; avec cela, je vois que vos petites affaires s'accommodent. Dieu soit béni de tout ! [423]

Hélas ! mon enfant, il n'y aurait nulle raison de diminuer la pension de notre Sœur Bonsidat, et je vous assure que je n'ai pas une ombre de mémoire d'avoir jamais ouï parler de cela. Nous devons tant à M. Bonsidat, que nous devons traiter avec lui avec la douceur et respect que nous pourrons- mais il doit bien croire, ce me semble, que si ce n'était cela, sa fille ne serait pas gardable ; or, je prie Dieu qu'il vous en donne bon conseil, et je crois bien que vous ferez bien de vous en résoudre avec l'avis des personnes capables. On voit prou que cette fille ne sera jamais que ce qu'elle est, et qu'il ne faut rien espérer de cet esprit-là. O mon Dieu ! que de consolations je ressens de voir votre chère âme si déterminée de vivre au-dessus d'elle-même ! Certes, j'aime qu'on ressente, mais que l'on ne consente pas, parce qu'un acte fait parmi la violence d'une nature vive en vaut cent autres faits sans répugnance.

Le train de vos filles me plaît bien ; vous faites merveilleusement bien de les tenir en exercice. Ce bon Père Barnabite m'en a dit merveille, et de la charité que vous avez exercée envers lui. Mon Dieu ! que j'en ai été contente ! car, voyez-vous, outre la charité que l'on fait au prochain, on profite grandement par la bonne odeur qui se porte partout, — Je laisse à nos Sœurs avons dire nos nouvelles, et au bon M. Michel, que je prie vous écrire comme Dieu nous a fait la grâce que notre dernier Bref est conservé, et que, nonobstant les nonpareilles difficultés, nous l'avons obtenu franc de la charge du grand Office, qu'à toute force on nous voulait donner pour toutes les fêtes. On poursuit la perpétuité, et pour tous les monastères. Après cela nous ferons faire le Directoire, où l'on mettra la copie de la Bulle, afin qu'on la suive et qu'on demeure en repos en toutes les maisons pour cela[127]... Si la chère madame de Villeneuve est encore là, je la salue avec tous les amis, et surtout nos pauvres Sœurs, [424] que j'aime très-chèrement ; et à vous, ma très-chère petite, je demeure sans réserve vôtre en Notre-Seigneur.

[P. S.] Je n'ai jamais pensé à me priver de la consolation de servir nos maisons, mais oui bien à n'avoir la charge d'une famille particulière. Dieu me rende digne de l'obtenir. Un salut à part et très-cordialement à nos Sœurs Françoise-Jacqueline [de Musy] et M. -Marthe [Bachelier], qui m'ont écrit ; mais je ne puis rendre le réciproque. Dieu les bénisse ! Je les aime particulièrement pour le grand amour qu'elles vous portent. Ma très-chère fille, je sens mon cœur tout joint au vôtre.

Dieu soit béni !

Je m'oubliais de vous dire que j'envoie nos Coutumes que j'ai toutes écrites, au moins ce me semble. Vous verrez s'il y a quelque chose d'oublié ; ce seront celles qui ne se pratiquent qu'en des occasions rares. Le bon M. Michel a voulu que je vous envoyasse la copie de ce que j'écris à ma Sœur la Supérieure de Grenoble. Elles ont un Père spirituel, tout spirituel, et que notre Bienheureux Père a dressé ; c'est un excellent homme.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXVII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Aptitude de la Sœur de Bressand pour le gouvernement. — On peut recevoir une enfant comme bienfaitrice. — Obtenir de l'assemblée du clergé de France des lettres d'instances pour solliciter l'introduction de la cause du vénérable Fondateur en cour de Rome.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 25 avril 1625.

Ma très-chère fille,

Je vous prie, ne me faites jamais d'excuses de votre franchise à me dire vos sentiments, car c'est en cela particulièrement qu'il [425] me semble que vous êtes ma très-chère fille. Certes, [j'ai] ce sentiment que notre Sœur M. -Constance [de Bressand] fera bien si nos Sœurs d'Orléans en font élection, et [je] suis très-aise qu'elle n'ait plus tant de vue sur ses défauts et ceux des autres ; ce n'est pas un esprit pour s'échapper, et je crois que l'autorité lui élargira le cœur sans dissolution. Dieu bénisse tout ! Votre discrétion vous fait bien user de la communication des Règles ; je crois que sans une apparente et utile occasion il ne les faut pas donner. — Oui, ma fille, l'on peut prendre comme bienfaitrice celle petite innocente, et plût à Dieu que toutes nos fondatrices et bienfaitrices le fussent. Je pensais que vous dussiez faire ce second couvent plus tôt pour retirer ces bonnes âmes qui ont tant de bons désirs.

Vous m'obligerez bien, ma chère fille, de prendre vos soulagements ; pour Dieu, faites-le toujours le plus fidèlement que vous pourrez, vous ne sauriez davantage me contenter. Je crains que l'air de celle maison ne vous soit pas propre ; si vous faites ce grand couvent, peut-être vous y trouveriez-vous mieux. Enfin, je vois que Dieu dispose celle chère fille H. -Angélique [Lhuillier] pour gouverner celle maison, et dans un an elle sera entrée dans sa cinquième année de profession, et parlant pourra être proposée pour l'élection ; mais Dieu vous inspirera sa volonté. Cependant, si notre pauvre Sœur la Supérieure d'Orléans revient, comme nous croyons, vous pourrez [prêter ] notre Sœur M. -Constance ; car, toutes choses bien considérées, je ne vois pas que vous puissiez mieux faire, et crois qu'elle fera très-bien. — Si notre chère Sœur de Villeneuve veut employer sa charité pour aider à faire la chapelle pour mettre le saint corps de notre Bienheureux Père, nous en serons bien aises, parce que nous n'avons rien à faire de si pressant que sa chapelle, nous semblant que cela lui est requis. — Pourquoi non, ma chère fille, ne pouvez-vous pas laisser les officières en leur charge, si vous jugez qu'elles y fassent bien, proposant l'élection de celles qui [426] le doivent être ? — Si les Sœurs se contentent de vous parler par écrit, laissez-les faire : je pense même que cela ne vous nuit point ; mais je crois qu'il serait bon de leur faire savoir que celles qui voudront pourront parler à l'assistante.[128]

Je sais bon gré au bon Père [saint Vincent de Paul] de vouloir quelque chose de vous, ma fille toute très-chère ; faites-lui donc ces petits ouvrages qu'il désire. — Dernièrement, je vous fis un billet bien à la hâte pour vous prier d'obtenir de Mgr de Paris une lettre au Pape, pour rendre témoignage de l'estime qu'il a de notre Bienheureux Père, ensuite de quoi, et sur ce qu'il a appris que Dieu opérait beaucoup de merveilles par son intercession, qu'il supplie le Pape de donner un commissaire pour examiner les grâces et miracles qui se sont faits ; et, au bout de la lettre, qu'il plaise à Sa Sainteté de confirmer l'Institut de la Visitation dont le Bienheureux est Fondateur, ajoutant quelques paroles en notre faveur. Que si vous avez là d'autres prélats, il serait extrêmement utile d'obtenir d'eux la même lettre, s'entend sur le même sujet ; car chacun doit la faire selon son sentiment. Surtout, obtenez-en une de Mgr de Nantes. Je sais que vous avez tout crédit sur ce seigneur.

Au reste, ma vraie très-chère fille, j'ai eu un grand contentement à lire ce que vous me dites de votre état intérieur, surtout de ce qui s'y passe pendant le fort de votre mal. Oh ! quel bonheur a une âme d'avoir toujours ainsi son Dieu présent, avec des sentiments si purs et si tendres en sa conformité et union ! Je vous dis encore que vous ne laissiez faire guère de choses à votre esprit, et que vous suiviez toujours cette unité et simplicité.

J'ai appris qu'il se fait à Paris une assemblée du clergé de France ; pour Dieu, ma très-chère fille, faites tout votre pouvoir pour obtenir le plus de lettres que vous pourrez pour le sujet [427] susdit ; il n'y a point de façon à faire cela, sinon que chacun dise, selon son estime et son style, ce qu'il pense du Bienheureux, de sa doctrine, de ses prédications, des fruits de ses livres, de ses rares vertus et perfections. Si, d'aventure, vous n'avez pas reçu le billet qui faisait mention de ceci, je vous prie d'écrire à nos Sœurs d'Orléans, Bourges et Nevers, tout ce que dessus, afin qu'elles obtiennent des lettres de leurs prélats, et que tous n'oublient pas le mot favorable pour la confirmation de notre Institut. Au reste, ma très-chère fille, dites-moi si, en cas que notre Sœur Marie-Constance ne serait pas employée à Orléans, comme l'on m'écrit, parce que Mgr d'Orléans désire que notre Sœur [de la Roche] achève son temps, si vous ne nous la donnerez pas bien pour Moulins, où je crois qu'elle profiterait aussi, quand vous l'auriez bien instruite touchant notre Sœur Marie-Aimée, à laquelle je fais semonce devenir ici. Dites-moi, le plus promptement que vous pourrez, réponse de ce point, et faites, ma très-chère Sœur, que nos Sœurs en leurs prières fassent continuelle mémoire du bon Père dom Juste et des affaires qu'il est allé poursuivre.

C'est sans loisir que j'écris ; mais, ma chère fille, vous êtes et serez à jamais ma très-chère et unique fille, de laquelle le cœur est tout mien, comme aussi je suis toute à vous. Mille saluts à notre chère Sœur H. -Angélique et à toutes.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [428]

LETTRE DCXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Envoi de lettres. — De l'élection de la Supérieure ; choix des officières.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 25 avril [1625].

Ma très-chère fille,

Si M. le président Flocard va à Paris, fermez toutes mes lettres et les lui remettez, afin qu'il les distribue par les monastères où il ira, et surtout donnez-lui celle de madame de Nemours, sinon envoyez-la à la Mère de Paris, la priant de la lui faire donner par leur confesseur ou par ma fille ; et les autres lettres, donnez leur adresse, s'il vous plaît. Je n'ai loisir de plus dire. Nous enverrons le livre par le premier voiturier ; on le vend ici.

Je salue derechef nos bons Pères qui sont là, surtout notre Révérend Père Maillan et le Père recteur de Chambéry. — Prenez garde à l'esprit de madame Cotin ; pour sa fille, si elle est fervente pour recevoir l'habit et l'esprit propre, ne la différez [pas] longuement. — Il n'y a point de façon à l'élection que ce qui est marqué. Pour la profession de foi, il faut dire simplement : « Je proteste de croire tout ce que la sainte Église nous enseigne, et veux vivre et mourir en icelle. » Il n'y a nul doute que vous ne soyez réélue. Si vous ne savez à qui donner votre voix de celles qui sont chez vous, donnez-la à une d'un autre monastère. Pour vos officières qu'il faut élire, vous proposerez celles qui sont déjà en charge et confirmerez les autres. Oh Dieu ! il s'en faut bien garder de mettre en charge ces esprits vains et pleins de prudence mondaine. Inculquez toujours la vraie simplicité. Je finis ; Dieu soit béni ! Sans loisir. Donnez au Père nos lettres pour [la] Provence.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [429]

LETTRE DCXIX (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

L'amour de Dieu et du prochain doit fleurir dans la communauté. — Les âmes vertueuses attirent de grandes bénédictions autour d'elles.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 25 avril 16-25.

Ma très-chère fille,

Puisque cette dame est entrée, je n'ai rien à dire, sinon à prier Dieu qu'il lui rende utile la charité qu'on lui fait, comme je l'espère de sa bonté. Je vous plains de la peine que vous avez de cette pauvre N. Vous ferez fort bien de la faire [parler] à quelque Père Jésuite. Ma toute chère fille, qu'il nous faut être fermes pour n'admettre tels esprits, ni aucun en qui l'on ne voie de la crainte de Dieu ! Sa Bonté ne nous manquera pas quand nous ferons notre devoir avec pleine confiance en elle. Aimez Dieu sincèrement ; faites que vos filles l'aiment et qu'elles s'entr'aiment uniquement, et vous verrez que sa Bonté bénira votre patience et confiance. Mais, pour Dieu, ma très-chère fille, que ce cordial amour règne entre nous. Certes, ces bonnes N*** ont grand tort si elles ne sont innocentes en leurs intentions, comme je le veux croire ; mais néanmoins, ma très-chère fille, ayez patience, et vous souvenez de ce que notre saint Père [François de Sales] écrivit sur un pareil sujet à notre Sœur la Supérieure de Nevers : « Qui aura le plus d'amour sera le plus riche. »

Vous faites bien de recevoir ces deux filles de vertu. Certes, jamais il ne faut refuser telles âmes, ce sont celles qui appellent les bénédictions dans les monastères. Soyez douce, tranquille et tout humble, simple, parmi vos travaux et tracas. Consacrez tout à Dieu, et Il tiendra compte jusqu'à la plus petite de vos actions et les vous rendra utiles pour l'éternité, qui est notre [430] souveraine espérance. Je suis ici dès dix jours ; mais, à ce commencement, avec beaucoup d'accablement. Vous êtes et serez à jamais ma très-chère toute bonne Sœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXX (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-ADRIENNE FICHET

ASSISTANTE À CHAMBÉRY

Diverses recommandations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625. ]

Ma très-chère sœur,

À peine ai-je le loisir de respirer ici ; c'est pourquoi je ne puis écrire. Faites saluer le Père recteur de notre part, et soyez soigneuse de lui remettre toutes les lettres de notre Bienheureux Père, et, incontinent qu'il les aura mises en ordre et vous les aura remises, faites-les tenir sûrement à Mgr, auquel j'écrirai l'un de ces jours. — Je salue tous les amis et amies, à part M. le chevalier [Balbian], M. Maurice et notre M. Pioton, auquel je recommande toute l'affaire, mais avec un cœur tout amoureusement maternel — Ressaluez et embrassez toutes nos très-chères Sœurs. Je me recommande à leurs prières. Prenez votre part, et je vous conjure toutes de n'avoir qu'un cœur et une âme en Dieu, et demeurer joyeusement en paix. Dieu soit béni ! Faites tenir ce paquet de Belley promptement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [431]

LETTRE DCXXI - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

La légèreté est un fâcheux défaut. — À quel âge ou peut être élue Supérieure. — Changement des officières. — Remercîments pour un voile de calice.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

MA TRÈS-CHÈRE FILLE,

Je loue Dieu des bonnes nouvelles que vous me dites de nos Sœurs. Dieu leur accroisse journellement ses saintes grâces, afin qu'elles cheminent de bien en mieux en la voie de l'exacte observance. La légèreté est une qualité un peu fâcheuse ; mais je sais bien qu'elle ne l'est pas en ces chères âmes en degré qui puisse beaucoup nuire. L'âge leur donnera de la maturité, et surtout la sainte oraison. Pour vous, ma très-chère petite, j'ai confiance en Dieu que vous allez chaque jour croissant en son saint et pur amour.

Quant à ce que vous désireriez, ma très-chère fille, qu'on mît au Coutumier, touchant les filles que l'on propose pour être Supérieures, ce que j'ai dit là-dessus nous doit suffire pour notre conduite et besoin, outre que, par la coutume générale, quand on est entré dans les années, on estime de les avoir complètes, et on les compte ainsi ; sinon ès cas où il est marqué expressément qu'il les faut avoir accomplies. Or, notre Règle ni le Concile ne le dit pas, de sorte qu'une fille entrée dans sa trentième année et en la cinquième de profession peut être proposée. De plus, on n'observe point l'âge quand on choisit des Supérieures pour de nouvelles maisons, parce qu'elles ne sont point élues canoniquement, ains seulement nommées par le Supérieur et la Supérieure.

Pour le changement des officières, voici comme je fais : je prends les coadjutrices que l'on ne veut point changer ou [432] d'autres Sœurs, ainsi que le Coutumier dit, pour faire ma petite consulte, et quelquefois, certes, je parle tout simplement et confidentiellement à nos Sœurs des changements que je veux faire d'elles ; car ne savent-elles pas bien la coutume ? voilà, ma fille, comme je traite.

[P. S.] Cette lettre était écrite quand j'ai reçu vos deux chères lettres avec le voile [de calice], qui est certes beau, extrêmement à mon goût ; mais aussi est-il fait du cœur, et donné avec la plus sincère affection de ma très-chère fille à sa pauvre Mère qui l'aime certes très-chèrement. Je l'offrirai à notre très-cher Père et le conjurerai d'obtenir le comble de toutes saintes bénédictions pour l'âme bien-aimée de notre très-chère fille Jéronyme. Oh ! si j'avais quelque chose de beau et précieux, que je vous l'enverrais, ma toute chère fille ; mais votre cœur se contentera de mon amour plus que maternel pour vous.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DCXXII - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES

S'abandonner sans réserve à la grâce et au bon plaisir de Dieu. — Comment alimenter le feu du divin amour.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 8 mai 1623.]

Monseigneur très-honoré et chèrement aimé,

Le divin Sauveur, qui s'en va glorieux et triomphant s'asseoir à la dextre de son Père, veuille tirer à Lui nos cœurs et toutes nos affections, pour les colloquer dans le sein de son amour ! Quelle consolation ai-je ressentie en lisant votre lettre, voyant les grâces et miséricordes que ce débonnaire Sauveur [433] exerce en votre endroit ! Je l'en ai béni et remercié, et le fais encore de tout mon cœur, et le ferai sans cesse.

C'est une bonne marque quand une âme aime la solitude ; c'est signe qu'elle goûte Dieu et se plaît en sa conversation, et vous voyez, mon très-cher seigneur, que c'est où la divine douceur communique ses lumières et ses grâces plus abondantes. Oh ! que celle que vous avez reçue est grande en cette revue et renouvellement de votre âme avec une due préparation ! Vous en sentez les fruits, qui sont cette paix et repos en votre conscience, laquelle étant si saintement préparée, Dieu se plaira de la remplir de ses plus saintes et précieuses faveurs. Mon Dieu ! que je ressens cette grâce, et que j'ai une grande espérance qu'elle vous conduira à une entière pureté et perfection ! Il faut avoir une fidèle correspondance à la suite des lumières que Dieu vous donnera, et quoi qu'il vous coûte, car vraiment l'amour que cette souveraine Bonté vous porte, et qu'elle vous témoigne si ouvertement par des grâces si excellentes et solides, requiert un réciproque selon votre faiblesse et pauvreté ; cela veut dire qu'il ne faut rien refuser de tout ce que vous connaîtrez qu'il voudra. Ce parfait abandonnement de vous-même entre les bras de la divine Providence, cet acquiescement amoureux à tout ce qu'il lui plaira faire de vous et de toutes choses, ce repos de conscience, cette sainte affection de lui plaire par les actes de toutes les vertus, selon les occasions qu'il vous en donnera, surtout de la très-sainte charité et humilité, tout cela est le bois qui entretiendra en votre âme le feu du sacré et céleste amour que vous y ressentez et désirez incessamment. Et en ce saint exercice de ferveur ne m'oubliez point, mon très-cher seigneur, afin que nous nous puissions voir un jour, que Dieu sait, en cette bienheureuse éternité, pour l'aimer, louer et bénir de toutes nos forces.

Ne voulez-vous pas bien que je prenne la confiance de vous demander si votre cher cœur s'est trouvé libre des affaires et [434] dettes de feu notre cher père ? Je serais consolée de jouir de votre douce et chère présence ; mais Dieu ne le voulant pas, nous ne le voulons pas aussi.

LETTRE DCXXIII - À LA SŒUR MARIE-ADRIENNE FICHET

ASSISTANTE À CHAMBÉRY

Réception de deux prétendantes. — Il ne faut se réjouir que dans te Seigneur,

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 11 mai 1625.

Ma très-chère fille,

Oui, il faut recevoir à cœur et bras ouverts cette chère fille de Beaufort, et au plus tôt, car c'est une fille de l'élection éternelle ; mais ne faites pas ce jugement qu'elle a plus d'esprit et de jugement que sa sœur ; car, outre que je n'en crois rien, il ne faut pas juger si promptement, ni si absolument. Je ne me souviens point de cette fille de Moûtiers ; mais si elle est brave et digne de gratification, il la faut prendre ; si elle n'est riche pour Chambéry, nous la mettrons ailleurs. Je fais la bienvenue à madame de Vaudan, et salue toutes nos chères Sœurs.

Ma fille, ayez tant que vous pourrez Dieu devant vos yeux, et tenez votre âme très-humble, tranquille et douce, avec une gravité sainte et rabaissée. Portez toujours toutes les bénédictions et toutes sortes de biens à Celui dont tout bien procède, et gardez-vous de vous réjouir vainement, ni de la prospérité spirituelle, ni des satisfactions et bienveillances de qui que ce soit, car ces choses sont précieuses et doivent être honorées, mais rapportées à Dieu seul, duquel tout bien vient.

Je vous prie, faites saluer souvent madame la marquise de notre part, et M. et madame de Challes, M. et madame d'Avise, laquelle j'aime parfaitement, madame de la [435] Val-d'Isère, de la Forêt, notre chère sœur madame d'Aiguebelette, de Rohan, aux Pères Jésuites de notre connaissance, et enfin toutes les amies et amis, surtout notre cher M. Maurice, madame de Monthoux et M. Berger. J'embrasse en esprit celui de toutes nos chères Sœurs et le vôtre. Dieu répande son esprit sur toutes ! Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXXIV (Inédite) - À LA SŒUR FRANÇOISE-AUGUSTINE DÉMOTZ

À CHAMBÉRY

La vie religieuse est un paradis pour l'âme qui n'y cherche que Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Je loue Dieu, ma très-chère fille, de la grâce que sa bonté vous a faite, vous recevant au rang de ses chères et bien-aimées servantes. Pour Dieu, soyez fidèle à un si bon Maître, et généreuse à retrancher sans délai tout ce que vous sentez qui lui déplaît. La Religion vous sera un paradis si vous n'y cherchez que Dieu ; et, au contraire, elle vous servira de plus grande condamnation si vous n'y cherchez que vous-même. Ayez donc un grand courage, ma très-chère fille, pour vivre selon l'esprit de la grâce, et non selon celui de la nature. Je prie Dieu qu'il vous en donne la force ; et, vous, de prier pour celle qui vous chérit en Notre-Seigneur très-cordialement, et qui est votre très-humble et indigne, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [436]

LETTRE DCXXV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Diverses affaires. — Il faut faire porter aux Sœurs des vêtements usés et raccommodés. — Le chœur de l'église doit être voûté. — Difficultés survenues pour l'impression des Lettres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 23 mai [1625].

Ma très-chère fille,

Il me semble que ce n'est pas l'esprit de Mgr de Belley qui a pensé ces moyens d'union ; mais ils sont bons. Dieu aura soin de nous, si nous sommes fidèles à nos observances et que totalement nous ne dépendions que de sa douce et fidèle Providence. — Je serai consolée que notre madame de Chevrières se rende l'entrée de votre maison libre ; elle ne trouvera point d'esprit pour elle comme le vôtre. C'est une âme que j'honore tendrement et révéremment. Gardez-[vous] de recevoir madame Cotin qu'elle ne soit veuve, et encore pensé-je qu'elle ne sera [pas] propre ; bien sa fille, si Dieu l'a touchée. Votre fondatrice ne donne de quoi l'être ; je ne lui donnerais nullement cette qualité ; elle charge la maison de trois personnes pour sept mille francs, c'est trop. Toutefois, je remets cela à vous.

Je pense que si notre Sœur M. -Catherine [de Villars] a du jugement et [est] dévote, comme vous dites, qu'elle fera bien, et qu'elle profiterait si vous l'accompagniez de bonnes filles, et que votre maison serait édifiée qu'elle fût en charge. Pour notre Sœur C. -Charlotte [de Crémaux], en nulle façon vous ne la devez ôter de Lyon ; car qui pouvez-vous dresser pour vous succéder ? Car enfin, trois ans sont tôt écoulés ; cela est mon sentiment. — Vous feriez fort bien de faire porter des habits rapetassés, non-seulement à votre Sœur Anne-Louise, mais aux autres, pourvu qu'ils soient proprement raccommodés. [437]

Le chœur des prêtres devrait être voûté plutôt que tout le reste ; car il n'y a nulle église où il ne le soit, à cause de la révérence due au saint Sacrement, et je ne sais comment vos maîtres ont pu faire ce défaut. S'il est réparable, il le faut réparer ; s'il ne l'est pas, il faut demeurer en paix.

Voilà M. Michel qui vous dira toutes nos nouvelles. Mgr l'envoie pour les Épîtres. Il vous dira l'étonnement qu'on a eu d'avoir vu dans la lettre de M. Brun que ce n'était [pas] le sieur Chervet qui faisait le traité, de sorte que Mgr ne veut nullement gratifier celui de qui on écrit, et il dit qu'il n'est pas obligé à faire une si grande charité à un homme qu'il ne connaît point, et qu'il ne sait s'il la mérite, de sorte que nous voilà mortifiées ; car, parce que ce n'est pas l'imprimeur de ce pays, il ne veut pas non plus qu'il imprime [ce qui est de] notre Institut. À cela, je n'ai rien à répliquer, parce qu'il est fort absolu, et que pour un peu d'argent nous en serons quittes ; pourvu que Dieu soit glorifié et l'œuvre bien faite, je serai contente. Bonjour, ma toute très-chère fille ; je suis vôtre en la manière que Dieu sait. Il soit à jamais béni !

Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXXVI - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE Là VISITATION d'ANNECY

Se réserver un certain nombre d'exemplaires des Épîtres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, mai 1625.]

Mon très-cher Père,

Faites prendre garde, s'il vous plaît, que l'épître de feu mon père n'y soit deux fois, et de faire mettre les titres à seize lettres qui sont à part, et de les placer où elles conviendront. Puisqu'il [438] ne plaît pas à Mgr que l'on imprime ce qui est de notre Institut, puisque ce n'est pas le sieur Chervet qui fait l'impression, au moins, je vous supplie que sur le traité que vous ferez on réserve des exemplaires pour nos maisons, au moins un pour chaque maison, pour cette première impression, et encore autant à une autre impression. Outre cela, il en faudra demi-douzaine aux Révérends Pères Jésuites de Chambéry, demi-douzaine de bien reliés pour mesdames les Infantes, et une douzaine et demie tant pour moi que pour distribuer à ceux qui ont fourni et leur peine et leurs lettres, entre lesquels il en faut quatre bien reliés ; encore ne sais-je si cela suffira ; je crois bien que non ; c'est pourquoi il faut plutôt augmenter que diminuer, afin de ne pas demeurer court. Outre cela, mon très-cher Père, je vous prie de nous envoyer les Oeuvres de saint Bernard en français, ou du moins ses Épîtres.

Voyez, s'il vous plaît, le Révérend Père provincial de notre part, les Révérends Pères Fourier et de Villars, auxquels il faut aussi des livres, et les saluez très-humblement de notre part, les encourageant à la mission d'Évian. Enfournez bien votre besogne, et puis vous en revenez le plus tôt que vous pourrez vers celles qui vous chérissent très-sincèrement et cordialement en Notre-Seigneur, que je supplie vous combler de son Saint-Esprit, et ramener heureusement. Amen.

Vous direz, s'il vous plaît, toutes nos nouvelles à la chère petite Mère [de Blonay], et tout le bien et le mal que vous saurez de nous, car elle est un peu curieuse, et il faut la bien contenter, car je l'aime parfaitement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [439]

LETTRE DCXXVII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Difficulté de trouver une Supérieure pour la communauté de Moulins. — Il ne faut jamais s'écarter de la Règle. — Dans quel cas on peut recevoir à la Visitation une Religieuse d'un autre Ordre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 4 juin 1625.

Mon Dieu, ma très-chère fille, que vos lettres arrêtent longtemps par les champs ! Je reçus la vôtre du 26 avril le jour du Saint-Sacrement. — Nous ne savons encore qui sera Supérieure à Moulins : les Sœurs, au moins la plupart, ne goûtent pas notre Sœur l'assistante, surtout notre Sœur Marie-Aimée, qui s'était attachée à vouloir notre Sœur la Supérieure de Dijon ; mais c'est chose impossible. Certes, cette bénite maison-là nous fait bien de la peine. Les Sœurs vous redemandent, et j'ai prou de difficulté de trouver une Supérieure propre à ce monastère-là. Dieu par sa bonté y mette sa bonne main !

Je bénis Notre-Seigneur du contentement que vous avez des petites de Rabutin. Mais, mon Dieu ! ma très-chère fille, permettez-moi d'être un peu marrie de la demande que vous me faites, s'il faudra attendre qu'elles aient quinze ans complets pour leur donner l'habit de la sainte Religion, car notre Règle ne le dit-elle pas clairement et absolument ? Et pour Dieu, suivons-la, et ne permettons jamais à nos esprits de désirer rien au contraire, ni de nous faire accroire que nous puissions nous en détourner ni à dextre ni à sénestre, puisqu'en vérité et bonne conscience nous ne le saurions faire. Plantez cette vérité dans le cœur de vos filles.

Pour madame de Chisy, si le Révérend Père Jésuite juge qu'elle puisse sortir de sa Religion [Ordre] pour entrer dans la notre, et que vos Supérieurs le trouvent bon, qu'enfin cela se [440] puisse faire, je ne vois rien qui ne nous convie à lui donner ce contentement ; car, outre la charité qu'elle rendra, votre maison en aura l'utilité, puisque c'est une fille de mise et de bon esprit. Certes, quand l'on en trouve de semblables, il ne faut pas regarder si elles ont de l'argent ; les commodités temporelles viennent avec le temps, mais les bonnes et capables filles se trouvent rarement, et elles sont toutefois très-utiles et plus nécessaires et profitables ès monastères que tous les biens du monde ; et Dieu récompense bien telles charités. Il se faut bien garder de mettre madame de Chisy Sœur domestique, puisqu'elle a tant de bons talents.

Je loue Dieu de la convalescence de nos Sœurs et les salue chèrement ; c'est une marque de grande bénédiction que cette affliction. Vous ferez bien de vous loger ; mais choisissez une belle place, et bien assise pour faire le couvent. Il faut environ six vingts pieds de carré sans les places pour les jardins et vergers ; mais on accommode le plan et les bâtiments selon la place que l'on a, suivant, au plus près que l'on peut, le plan. — Pour votre novice incapable, je ne vous puis dire autre chose, sinon que vous regardiez notre Règle, et preniez conseil de nos Sœurs et des bons Pères Jésuites ; puis après avoir bien considéré la chose devant Dieu, et la lui avoir recommandée, faites ce qui sera jugé le plus à sa gloire.

Le peintre qui peignait notre Bienheureux Père est mort ; nous n'en avons point ici, et n'avons de ses portraits céans que courtement. S'il se présente occasion de vous en faire faire une copie, nous le ferons ; mais les bons peintres ne viennent guère ici.

Ma très-chère fille, tenez votre esprit en courage, en douceur et humilité, et le plus proche de Dieu que vous pourrez ; c'est d'où vous tirerez la lumière et la force nécessaires, ainsi que dit notre sainte Règle. Adieu, ma très-chère fille ; je prierai une de nos Sœurs de vous écrire de nos nouvelles ; moi, je n'en ai [441] nul loisir, mais oui bien de vous chérir incessamment de tout mon cœur. Ma fille, avançons chemin toutes en la sainte dilection de notre bon Dieu, par une exacte observance, avec ce tant aimable esprit d'humilité, simplicité et douce charité qui nous fasse supporter notre cher prochain. Adieu encore une fois, ma très-chère fille, et à toutes nos chères Sœurs ; que Dieu les bénisse, et qu'il soit à jamais béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXXVIII - À LA SŒUR MARIE-AVOYE HUMBERT

À MOULINS

Éviter avec soin tout soupçon. — Il faut porter la clochette devant les séculiers qui entrent au monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma très-chère fille,

C'est la vérité qu'il faut vivre avec confiance et se reposer en Dieu et en la conscience de cette pauvre Sœur [Marie-Aimée], car les soupçons blessent souvent la charité et ne profitent rien qu'à nous inquiéter. Pourvu que cette Sœur ne fasse pas des choses tant mauvaises, il faut patienter ; Dieu y mettra remède, avec un peu de temps, s'il lui plaît. Certes, il est bien écrit qu'il faut porter la clochette devant les hommes qui entrent. Jamais on n'a manqué en cela en tous les monastères, et ce que la Constitution en dit doit suffire ; mais outre cela, je sais bien que la coutume en est écrite ; il faut que dans votre Coutumier on ait omis ce qu'ont tous les autres.

Vivez en paix, ma très-chère fille, et observez fidèlement la Règle ; c'est le seul moyen de vous rendre agréable à Dieu et de profiter aux autres, à quoi nous sommes fort obligées. Saluez [442] notre bonne Sœur N. et toutes nos Sœurs, et croyez que je vous chéris toujours très-maternellement, comme ma chère fille à qui je souhaite tout bonheur.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE DCXXIX - À LA SŒUR CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

ASSISTANTE À LYON[129]

Elle lui recommande la patience et le support du prochain.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma très-. Chère fille,

Je prie notre Sœur Anne-Marie de répondre à vos questions, et j'ajoute que vous ne devez rien refuser aux Sœurs promptement, ains considérer s'il est à propos ou non, et incliner du côté de la condescendance plutôt que de celui de la rigueur ; car si quelque Sœur se rend importune à demander des congés, vous en pouvez conférer avec la Supérieure et suivre son conseil. Il faut dissimuler ces petites tricheries que les anciennes font, et faire avec grande humilité et douceur ce qui est de [443] votre charge, conversant avec elles respectueusement, ainsi que dit la Règle, et ces petites contrariétés vous seront utiles si vous les ménagez bien, si vous les portez avec patience et humilité, excusant charitablement celles qui les font. Ayez un grand courage, ma très-chère fille, et l'employez fidèlement au service de l'obéissance et à mortifier en vous tout ce qui est de l'humain et de la nature, afin que le seul esprit de Dieu vive en vous. Je le supplie vous combler de ses saintes grâces. Je suis en son saint amour toute vôtre.

Il soit béni ! Mille saluts à toutes nos chères Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXXX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Recommandation en faveur d'un curé de Gex. — Changements d'emplois à Annecy. Quels honneurs sont dus à la Sœur assistante.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, [1625].

Ma très-chère fille,

Je n'oserais dénier à ce pauvre curé de Gex ma recommandation à vos amis, par votre entremise, car notre Bienheureux Père les aimait et avait pitié d'eux. Et certes, le peuple de ces quartiers-là est digne de compassion, je veux dire les pauvres catholiques, parce qu'on leur veut tout ôter. Dieu les assiste, s'il lui plaît. Je le vous recommande.

Je vous écrivis assez au long l'autre jour par la voie de Belley. Je vais tout remuer céans, à cause qu'il nous faut des filles pour les fondations ; celle qui a été sous vous[130] a bien maintenu le train de céans, sinon qu'elle est toujours un peu [444] serrée ; mais les Sœurs s'accommodaient. Nous la laisserons reposer et mettrons à sa place notre Sœur [une ligne biffée], que nous voulons faire Mère, et mettre en sa place notre Sœur N***, laquelle m'a contentée en la confession qu'elle a faite de ses manquements ; désormais, je pense qu'à l'aide de Dieu elle fera prou. Notre Sœur M. -Adrienne [Fichet] est assistante à Chambéry, où elle maintient bien le train et donne beaucoup d'édification à tous : elle est destinée pour Évian, et notre Sœur M. -Françoise [Humbert] pour Rumilly, si Dieu ne dispose autrement, car les affaires font tout changer bien souvent. Nous avons ici [si] grande multitude de bonnes filles qui désirent la retraite, que nous sommes contraintes de faire des maisons pour les recueillir, et je suis bien aise d'en faire ici autour, car les esprits m'y plaisent. Mgr de Genève se rend tous les jours meilleur. Je salue cordialement nos Sœurs et prie Dieu leur départir abondamment son esprit, et surtout à vous, ma très-chère unique grande fille. Dieu vous bénisse et soit béni !

Ma fille, dites-moi, je vous prie, quel honneur les Sœurs vous rendaient-elles quand vous avez été en charge d'assistante auprès de moi ? Lorsque j'étais au monastère et simplement absente des assemblées, lorsque vous y veniez ou que vous en sortiez, toutes les Sœurs se levaient[-elles] et vous rendaient[-elles] le même honneur qu'à la Supérieure, ou que lorsque la Supérieure était tout à fait absente du monastère, ou tellement malade qu'elle n'exerçait pas sa charge, ains que c'était vous qui l'exerciez ? Moi je ne sais point cela, et cependant ma Sœur la Supérieure de Riom me le demande, parce qu'elle vit, il y a un an, que céans l'on rendait à l'assistante les mêmes honneurs qu'à la Supérieure, et elle me dit qu'il lui semble que cela ne se doit qu'ès cas d'absence de la Supérieure, ou quand elle n'exerce pas sa supériorité pendant des maladies ou autres occasions semblables, qu'elle a remis son pouvoir et sa charge à l'assistante ; que la Supérieure ne doit pas être estimée absente [445] tandis qu'elle fait ses fonctions ; que si bien elle est dans le parloir ou ailleurs, on l'y va chercher pour les choses nécessaires, et rien ne se fait sans son ordre, et l'on ne va pas à l'assistante. Cela a été cause que je me suis enquise [de ce] que l'on faisait autrefois. On m'a dit que tous ces honneurs ne se rendaient ainsi à l'assistante sinon quand elle exerçait la charge absolue de Supérieure, et que ce que l'on fait maintenant s'est introduit lorsque je revins de la fondation de Grenoble, que l'on continua à faire les mêmes cérémonies à l'assistante que quand j'étais absente ; et qu'à cause de mes grandes absences, elles pensent que cela ainsi continue. Dites-moi, je vous prie, ce qui en est, et comme vous jugez que telle chose se doive passer, car il m'est avis que la Règle, qui se peut entendre des deux façons, se doit éclairer par l'ancienne coutume.

Ceci ne vaut pas le parler, et j'ai aversion d'employer mon temps à cela ; mais il faut que je réponde des petites et grandes choses, droitement. Selon mon sens, l'assistante ne tient pas le pouvoir et l'autorité de la Supérieure tandis qu'elle ne lui a pas remis sa charge ; mais, néanmoins, je crois que les Sœurs et la Supérieure même lui doivent rendre un particulier respect plus qu'aux autres Sœurs, mais non pas tel qu'à la Supérieure, sinon quand elle exerce la supériorité. Dis-je bien ? car, comme vous savez, je ne vois pas ce que l'on fait quand je n'y suis pas. Je le demandai au Père recteur de Chambéry, qui me dit que celui qui présidait en son absence était tenu comme un autre Père tandis que le recteur n'est ni malade ni absent. C'est trop.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [446]

LETTRE DCXXXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Détails concernant les Épîtres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 7 juin [1625].

Vraiment non, ma très-chère fille, je ne trouverai nullement bon de faire imprimer les lettres de ce bon M. Feydeau, et même vous ferez bien de retrancher les lettres de compliments, s'il y en a trop ; car il en faut laisser quelque peu à ce que l'on dit, afin que l'on voie le bel esprit de ce Saint en tout. Je voudrais encore que vous prissiez garde, s'il y en a d'autres où il n'y ait rien de remarquable, que l'on les retranchât. Il me semble que parmi les dernières que j'ai reçues il s'en pourrait ôter quelques-unes. On les a laissées à cause de quelques points de l'Institut ; elles sont au livre de l'Institut, voyez-le et [l']accommodez. Ç'a toujours été mon sentiment que l'on mît le livre des lettres des Papes le premier ; c'est un ornement au livre que [ce] beau rencontre-là.

Vous aurez déjà vu, ma plus que très-chère fille, que c'était à mon insu qu'on fermait mes lettres. Quand on le fera par mégarde, ouvrez-les ; car si je n'écris quelque chose fort secrète de la conscience, je suis consolée que vous sachiez tout ce que je dis et écris ; car je voudrais que vous vissiez même jusqu'au fin fond de mon cœur. Or, quand je ferai fermer quelques lettres par la raison susdite, je vous dirai que vous ne l'ouvriez pas.

J'ai répondu à M. Michel [Favre] le mieux que j'ai su [selon] vos demandes. Non, je vous prie, ne vous retranchez point de m'écrire ; c'est ma consolation. Pour pressée que je sois, il faut [447] que je voie toujours vos lettres sitôt que je les ai reçues ; pas une autre n'a ce privilège, sinon quand je peux. Dieu a mis sa bénédiction en la confiance et amour qu'il amis en nos cœurs ; qu'il en soit béni ! N'appréhendez point ma peine. — Voyez ce que j'écris à Avignon. Enfin, ces pauvres filles me font pitié et me conjurent d'aller à elles, et la Mère de Marseille m'écrit que je le dois faire. Il faut tâcher de savoir ce que Dieu voudra en cela, et puis, moyennant sa grâce, nous le ferons, et Il donnera telle bénédiction à notre bonne volonté qu'il lui plaira. Mille grands mercis d'avoir si bien accompli nos commissions ; nous renverrons l'argent par le marchand, s'il s'en veut charger. Je salue chèrement M. Brun ; je me tiens fort obligée à sa bonté du soin qu'il a des Épîtres ; car si bien je me suis dépouillée du profit et de l'honneur[131] de ce peu de travail que j'ai eu à les assembler, si ne le suis-je pas de l'affection que tout aille bien et que Dieu en soit glorifié en son Saint.

Je salue très-chèrement nos Sœurs et votre chère âme, et aussi le Révérend Père Fourier.

Dieu soit béni !

7 juin.

[P. S.] Vous verrez comme nos pauvres Sœurs d'Avignon nous désirent. J'écris pour cela au Révérend Père Maillan. Certes, ma très-chère fille, je ne désire nullement d'y aller, s'il n'y a vraie apparence de profit. Ne fermez pas les deux lettres des prélats, car je désire que notre Sœur la Supérieure de Paris les voie. Faites-nous savoir si vous aurez reçu ce paquet ; et si vous pensez que le messager soit plus assuré que la poste, donnez-le-lui. Ma très-chère fille, mettez à la poste les lettres pour Paris, car elles sont pressées à cause de l'affaire de notre saint Père. Il les faut sérieusement recommander pour leur [448] importance. Faites prier pour notre archevêque [de Bourges], qui va faire son voyage [d'Italie].

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXXXII (Inédite) - À LA MÊME

Au sujet de la réception d'une postulante.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 22 juin 1625.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, que cette personne dont l'on m'a parlé de votre part a des conditions et une conduite mal convenables pour nous ! Certes, je la chéris ; mais jamais je ne l'ai su goûter. Si elle demeure en après [auprès] de vous, je crains que le respect et l'estime dus ne se perdent, qui serait un plus grand mal qu'il ne se peut dire. Dieu y pourvoie par sa douce bonté ! Pensez-y de loin. Il faut que les Supérieurs soient toujours sur leurs gardes pour empêcher que telles personnes ne prennent trop d'autorité, et ne se mettent à censurer et contrôler toutes choses.

Le Père qui a vu les Entretiens estime que ce sera un livre très-utile et digne de l'auteur. Tenez main afin que les Épîtres ne traînent point. Tout le monde [grille] du désir de les voir. M. Michel m'a dit qu'il ne travaille pas diligemment et que la besogne traînera jusqu'à la Toussaint. Cela serait bien [fâcheux]. Dieu conduise tout et nous comble de son pur amour ! Il soit béni ! ma vraie fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [449]

LETTRE DCXXXIII (Inédite) - À LA SŒUR HÉLÈNE-ANGÉLIQUE LHUILLIER

ASSISTANTE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Consolation qu'éprouve la Sainte de la régularité des Sœurs de Paris. — S'adonner à la pratique des solides vertus.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 22 juin 1620.

Mon Dieu ! ma vraie fille très-chèrement aimée, la grande consolation que je reçois de voir nos saintes Règles si ponctuellement observées en votre chère maison. Dieu en soit béni, et de ce qu'il plaît à sa bonté répandre tant de grâces sur nos chères Sœurs, et surtout sur la bonne Mère ! Ce m'est une grande douceur de savoir cette chère âme s'avancer ainsi ès vraies vertus qui nous sont si particulièrement nécessaires ; et pour vous, ma très-chère âme (je dis ce mot avec un vrai sentiment d'amour), pour vous, dis-je, ma très-chère fille, je ne me puis peiner de tout le mal que vous me dites de vous, parce que votre bonne Mère, qui vous connaît très-bien, se contente entièrement. Dieu veut que vous viviez au-dessus de vous-même, et que vous cheminiez en votre voie sur la pointe de votre esprit, que ce centre ou l'extrémité de votre âme se tienne uni à Dieu sans goût ni satisfaction, et que cela vous suffise avec les bonnes opérations des actes de vertus, selon les occasions que la Règle marque. Voilà votre train, ma très-chère tille ; vivez joyeuse avec cela, et priez toujours pour moi qui suis vôtre, en la façon que Dieu sait. Il soit béni éternellement, et de vous avoir rendue toute mienne en son saint amour ! Mille saluts à toutes nos très-chères Sœurs, à part, à nos trois anciennes.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris. [450]

LETTRE DCXXXIV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Omission faite au Recueil des Lettres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 25 juin [1625].

Ma très-chère fille,

Faites tenir promptement ces deux billets à Moulins, et faites prier Dieu pour cette affaire. Je n'ai loisir de vous rien dire pour ce coup, sinon que j'ai grande peine à me résoudre à la mortification que j'ai, de ce que l'imprimeur n'a pas mis, au titre des Épîtres, que notre Bienheureux Père était notre Fondateur et Instituteur. Certes, ma très-chère fille, je ne puis digérer cela. Il était ainsi dans l'exemplaire qu'on lui a envoyé, pourquoi l'a-t-il retranché ? Je ne suis pas marrie que l'on ait ôté le nom de Bienheureux puisque les Pères l'ont trouvé à propos[132] ; mais celui d'Instituteur de notre Ordre, je ne le puis souffrir, et vous prie, ma très-chère fille, qu'il refasse cette feuille. Voyez-vous, j'ai cela à cœur, et il nous importe. Bonsoir, mon enfant, ma très-chère fille.

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [451]

LETTRE DCXXXV (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Préparatifs pour la fondation d'Évian.

VIVE † JÉSUS. '

Annecy, 28 juin 1625.

Mon très-cher frère,

J'oubliai de vous dire en ma dernière lettre que je ne sais pas pourquoi vous faites trois tours, d'autant qu'il n'en faut que deux. Quant à ce qui est des meubles, nos Sœurs Dufour disent qu'il y a là quelques linges et meubles de cuisine, de sorte qu'il n'est besoin à présent que de quelques plats, écuelles et pots de terre. Nous faisons venir de la futaine de Lyon pour des tours de lit et des couvertes. Néanmoins, vous pouvez bien acheter les trois que vous dites, et davantage s'il s'en trouve ; car nous ne pensons pas les avoir ici, ni à Lyon, pour vingt-deux florins la pièce ; c'est bon marché, ce me semble, pourvu qu'elles soient bonnes. Nous faisons aussi venir du camelot pour faire des chasubles, et accommodons quelques petits parements pour l'église. S'il vous plaît, mon très-cher frère, de nous envoyer la mesure de la hauteur depuis le plancher jusqu'en bas, parce que nous avons un tableau de Notre-Dame assez grand que nous pourrions mander pour s'en servir. Pour la hauteur des châlits, il faut qu'elle soit de cinq pieds et demi.

Il ne faut pas beaucoup presser M. le baron de Lucinge ; nous nous contenterons pour maintenant de ses cent ducatons, pourvu qu'il assure bien le reste de ce qu'il lui donnera [à sa fille] et qu'il se rende un peu.

Pour le regard des Sœurs tourières, ce serait une chose bien à désirer et fort commode qu'elles pussent pétrir et faire les lessives sans entrer dans le monastère ; mais nous laissons tout à votre jugement et disposition, pourvu que vous ayez un peu [452] d'égard à notre pauvreté. Quant au temps que nous partirons, nous ne le pouvons pas bonnement dire à présent, comme nous vous avons déjà mandé ; mais nous vous le ferons savoir lorsqu'il sera résolu, et à l'avantage, s'il plaît à Dieu. Mon cher frère, mandez-nous s'il vous plaît, s'il faut nécessairement avoir l'exemption des tailles avant que d'aller ; pour la licence, Mgr juge qu'il n'est pas nécessaire de l'avoir.

Ma Sœur qui écrit sait bien que vous avez force intelligence pour deviner ce qu'elle veut dire du tableau. Enfin, c'est que nous en avons un fort grand qui pourrait servir à l'autel, si votre place en est capable. Mon très-cher frère, Dieu soit votre force, votre joie et récompense éternelle ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXXXVI (Inédite) - AU MÊME

Même sujet. — Fondation de Rumilly.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1625.

Gardez-vous en bien, mon très-cher frère, de nous redemander de l'argent, car nous n'en avons plus pour vous ; et puis je crains grandement que vous n'ayez dépensé en festin tout celui que nous vous avons envoyé,[133] car le Père Bertrand m'a dit que le temps qu'ils furent là, vous les molestiez d'aller faire bonne chère avec vous, ne négligeant pas le moyen de vous tenir auprès de vos ouvriers, mais que toutefois ils obtinrent cette grâce de vous, mon très-cher frère, de vous avoir un jour de fête en leur compagnie, et qu'à un autre vous les menâtes voir votre beau jardin avec une ample preuve de votre [453] libéralité et magnificence à festiner, et ce qu'ils trouvèrent d'excellent, ce fut la bonne eau de la fontaine. Et moi, ce que je tiendrais le meilleur, mon très-cher frère, serait que, quand vous aurez fini là, vous vinssiez ici pour préparer à Rumilly le petit colombier de madame de la Fléchère, afin d'y mener des colombes. Mais cela soit dit sans préjudicier à notre chère petite maison d'Évian, en laquelle nous ne saurons encore dire précisément quand nous pourrons aller. Si nous pouvons, nous porterons ou enverrons quelques tableaux, mais non en si grand nombre qu'il en soit assez du compte, et des ornements pour l'autel, quand ils seront faits. S'il vient quelqu'un par ces quartiers qui puisse vous porter quelque chose, adressez-le-nous, nous ne le chargerons pas tant qu'il s'en puisse plaindre.

Vous voyez bien, mon cher frère, que nous ne prétendons pas de vous faire de grands biens, et que cette lettre écrite au milieu de notre récréation s'en sent un peu. Quand on sera là, on s'accommodera du mieux que l'on pourra. Je vous ressouviens qu'il faut un petit tabernacle. — Nous ne vous enverrons point de couvertes, car il n'y en a que ce qu'il faut céans. Entre ci et là, on en pourvoira, et je ne sais pas quels meubles il sera nécessaire de porter ; car nous ne pensons qu'à ce qu'il faut pour parer l'autel. — Mgr l'évêque dit qu'il n'est nul besoin d'avoir la licence de Son Altesse puisque nous sommes établies dans la première ville de ses États, et que nous l'eûmes dès le commencement pour l'établissement de ce monastère. M. le chevalier [Balbian] m'a mandé qu'il obtiendrait l'exemption des tailles extraordinaires, mais je crois que l'absence de Son Altesse et les guerres sont cause du retardement. Il faudra laisser à M. de Vallon sa maison de procure ; qu'il nous donne de l'argent. — Bonsoir, mon très-cher frère, je m'endors si fort, j'ai peine à ouvrir mes yeux, lesquels je voudrais souvente fois [élever vers] la divine Bonté afin qu'il lui plaise vous donner le [454] comble de ses plus chères grâces. Je suis pour toujours et à jamais, mon très-cher frère,

Votre très-humble.

[P. S.] Mon très-cher frère, je ne sais que dire à cette dame de N., qui m'écrit tant que je suis accablée d'écritures, et m'imagine qu'elle pensera que vous ne me faites pas tenir ses lettres, et partant je vous laisse toute la charge de nous en excuser. Elle m'écrit de tant de filles ; mais je pense qu'il sera assez temps quand les Religieuses seront à Évian.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXXXVII - À LA MÈRE FRANÇOISE-GABRIELLE BALLY

SUPÉRIEURE À BOURGES

Sentiments de compassion et de charité au sujet de la pauvreté des Sœurs de Bourges. — Recevoir les jeunes filles propres à la vie religieuse, quoiqu'elles ne soient pas riches, et se confier en la Providence.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 27 juillet [1625].

Je vous assure, ma très-chère fille, que vous me faites grande compassion. Et plût à Dieu que nous eussions le pouvoir de subvenir à tous vos besoins, croyez que nous le ferions de bon cœur ; mais certes nous ne le pouvons, étant engagées fort avant dans les nécessités de nos Sœurs de Belley et de Chambéry. Je prie le bon M. Crichant de vous faire tenir cinquante écus quand il sera à Paris. À mesure que Dieu nous donnera moyen, nous vous aiderons toujours de tout ce que nous pourrons, et de bon cœur ; mais j'espère que Dieu vous enverra du secours. Ayez toujours votre entière confiance en sa miséricorde et providence ; assurez-vous qu'elle ne vous manquera pas ; ayez une douce patience, et vous verrez bientôt le secours du ciel. [455]

Si les filles qui se présentent sont bien faites pour notre vocation, j'en voudrais recevoir quelques unes des plus propres, encore qu'elles n'aient que deux mille francs, car cela attirerait la miséricorde de Dieu sur votre maison. Je ne doute point, ma très-chère fille, que si nos Sœurs de Lyon et de Paris savent votre besoin et qu'elles puissent vous secourir, elles ne le fassent de bon cœur. Je vous conjure de redoubler votre confiance, car c'est ce que notre bon Dieu demande de vous par cette nécessité où Il vous laisse un peu tremper. Enfoncez-vous donc dans cette Providence, ma très-chère fille, et Dieu vous visitera bientôt ; j'en supplie sa douce Majesté de toutes mes forces.

Vous trouverez le Directoire des jeunes filles avec celui des officières. O ma fille très-chère, il est vrai, si nous étions parfaitement mortifiées, nous n'aurions point de mélancolie, quoique Dieu en ait envoyé à quelques Saints ; mais celle dont vous m'écrivez n'est pas de cette nature. Que voulez-vous, il faut avoir des croix ! Il y a sujet de bénédiction, puisque le gros de la famille va s'avançant en la perfection de l'observance ; tout notre bonheur dépend de là. Ma très-chère fille, pour Dieu, inculquez continuellement cette vérité, et demeurez toujours en votre tranquillité, nonobstant votre pauvreté. Dieu accourra à votre secours, je l'en supplie de toute mon âme qui vous chérit de toutes ses affections et toute votre bénite maison. — Je fais très-humble révérence à Mgr de Bourges et aux bons Pères Jésuites. Je vous écris sans aucun loisir, pendant Matines ; car le départ du messager m'a surpris. Hé ! Dieu soit notre tout en ce inonde et en l'autre, ma très-chère fille, et soit à jamais béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers. [456]

LETTRE DCXXXVIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-ADRIENNE FICHET

ASSISTANTE À CHAMBÉRY

Difficultés pour une bâtisse.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma très-chère sœur,

Je ne puis encore résoudre du temps que nous irons à Chambéry, je crois que ce sera ce mois d'août ; dans peu de jours je l'écrirai au Révérend Père recteur. Certes, qui pourrait suivre le premier dessein de la muraille, ce serait le meilleur. Il me semble que ces Messieurs delà ville devraient bien plus craindre le corps de logis que nous ferons dans la vigne que ces murailles-là, et cependant Mgr le prince Thomas, ayant bien considéré ce qu'on lui représenta de cela, conclut que nous y bâtirions. J'attends M. d'Avise à qui je dirai le reste ; selon que vous m'avez écrit de N. et de Crémieux, je pense qu'elles ne sont pas pour nous. Dieu soit béni ! Sans loisir.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Reims.

LETTRE DCXXXIX - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

La sainte amitié demeure éternellement. — La prudence humaine est entièrement opposée à l'esprit de la Visitation. — Nouvelles de l'archevêque de Bourges.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma très-chère fille,

De l'abondance du cœur la bouche parle : il est vrai, mon âme chérit la vôtre de toutes ses forces, et je reçois une grande consolation de la correspondance de votre chère dilection. [457] Demeurons ainsi, ma très-chère fille, en notre grande et ancienne amitié et totale confiance, de laquelle j'espère que nous jouirons en l'éternité. Oh ! qu'elle est désirable, cette vie bienheureuse, ma très-chère petite ! Je ne puis m'empêcher de la souhaiter de tout mon cœur. Priez Dieu pour moi, afin que je ne sois privée de cette miséricorde.

Je crois que nos Sœurs vous écrivent, car je n'ai le loisir de vous dire nos nouvelles, ni certes de voir leurs lettres, étant contrainte de commettre une Sœur pour cela, tant je suis occupée. — Je ne sais que dire sur l'avis qu'on vous donne touchant la prétendance [prétention] de notre Sœur J. C. ; car elle ne me l'a dit en façon quelconque, et j'ai peine à croire qu'elle y ait pensé. Mais, mon Dieu, ma toute chère fille, que je suis touchée des paroles qui marquent qu'elle devrait marcher plus simplement et plus innocemment ; car encore bien que je ne veuille pas croire qu'elle ait donné juste sujet à cette opinion, néanmoins la seule ombre de telle manière de procéder me fait peur. J'ai en horreur cet esprit de finesse et prudence humaine. Dieu, par sa bonté, ne veuille jamais permettre qu'il paraisse dans les filles de celui qui en a été si éloigné et si grand ennemi.

Ce que je vous ai mandé quelquefois de madame de Limours, c'est parce que j'avais fort ouï dire à Paris que ses affaires étaient en mauvais état ; mais tout va bien, pourvu qu'elle soit autorisée de M. son mari au traité qu'elle a fait. — Ma très-chère fille, avant de partir de Nevers, vous ferez un grand coup de mettre en observance ces principales et si importantes Règles, celle de la visite et celle de l'élection de la Supérieure ; car vous laissez par ce moyen l'exemple vif de ce qu'elles doivent faire après vous. Pour vous dire ce que je pense, il y a beaucoup d'apparence que Mgr de Genève ne vous permettra pas de vous engager davantage à Nevers.

[P. S.] Depuis que j'ai écrit ceci, il y a plusieurs jours, j'ai [458] vu avec beaucoup de sujets de consolation Mgr de Bourges tout à fait réduit au service de Notre-Seigneur. Il va à Rome ; je le recommande à vos prières et nos affaires.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DCXL (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À Évian

Annonce du départ pour Évian.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Mon très-cher frère,

Vous ne me répondez point si nous irons ; car nous prétendons de partir sans remise le 4 d'août.[134] Vous viendrez nous quérir ? Nous donnerez-vous commodité d'envoyer ce peu d'ornements pour l'autel ? Nous enverrez-vous quelques chevaux, ou si nous prendrons tout ici ? Emmènerons-nous notre Sœur [459] Marie-Nicole, car M. de Blonay m'a mandé que non ? mais je ne vois pas le pourquoi ; c'est une fille où il n'y a rien à douter.

J'espère bien des tailles extraordinaires. Je désirerais fort de ne pas aller là, parce que je suis pressée d'aller ailleurs ; mais Mgr et nos Sœurs le veulent pour quinze jours. Dieu nous soit en aide parmi tant d'affaires ! J'attendrai de vos nouvelles. Dieu soit béni ! Ces gens nous pressent. Je vous prie, faites remettre sûrement cette lettre à M. de Charmoisy. Je suis toute vôtre en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE DCXLI - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Bien choisir la place pour bâtir le monastère. — Chercher le royaume de Dieu par l'exacte observance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 29 juillet [1625].

Ma très-bonne et très-chère fille,

Il fallait renvoyer cette novice à notre maison de Moulins, et là on lui eût ôté l'habit et [on l'eût] donnée à ses parents. Je prie Dieu que vous ayez fait ainsi, sinon demeurez en paix.

Je suis fort aise que vous ayez madame de Chisy. Oui, ma fille, adressez-vous toujours à moi selon votre ancienne confiance ; Dieu aidant, je ne manquerai jamais de vous répondre et servir de bon cœur. Il est vrai que, pour ces deux ou trois mois suivants, vous ne devez attendre de moi des réponses, sinon qu'il y ait sujet important ou nécessaire ; car en ce cas je ne manquerai pas, Dieu aidant. Ce sera votre mieux d'acheter une place pour bâtir ; mais, en attendant, il faudrait avoir un logis bien commode et suffisant pour vous loger. Prenez un peu l'avis de notre très-bon ami, M. de la Curne, quand il vous ira voir, et [460] ayez un grand courage et très-humble et invariable confiance au soin paternel de Notre-Seigneur. Cherchez premièrement le royaume de Dieu par l'exacte observance dans l'esprit de douceur, humilité et simplicité, et toutes les choses nécessaires ne vous manqueront [pas] ; mais soyez invariablement appuyée sur cette vérité, et sur ce fondement persévérez à vivre en cette union cordiale et tranquille douceur ; c'est la grande bénédiction des maisons. J'aime bien nos Sœurs qui vous aiment bien ; aimez-les tendrement et surtout cette pauvre infirme[135] que j'aime cordialement. Oh ! qu'elle est heureuse de souffrir !

Nous allons lundi à Évian, Dieu aidant. — Mgr de Bourges est parti ce matin pour son voyage de Lorette et de Rome. Faites, je vous prie, prier Dieu pour lui instamment, et pour nos affaires de la béatification de notre saint Père et celles de notre Institut ; mais chaudement et persévéramment faites prier pour nous. Vous savez de quel cœur je suis vôtre ; cela est sans réserve. Priez pour nous.

Jour de sainte Marthe.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXLII (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Derniers préparatifs pour la fondation d'Évian. — Charitable admission des filles naturelles à la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, juillet 1625.]

Mon cher frère,

Cela va mal que vous ne puissiez nous envoyer quelques chevaux ; mais bien nous ferons ce que nous pourrons avec [461] l'aide de Dieu, et enverrons ce que nous avons. Mais faites provision d'un calice, attendant que le nôtre soit fait. Nous partirons, Dieu aidant, sans remise le 4 août, et j'irai donc conduire nos Sœurs. Il sera bon que vous demeuriez pour tout préparer, mais surtout le festin, à quoi vous êtes si entendu ; mais nous ne mangeons point de dragées[136] !

Oui, nous pouvons recevoir des filles naturelles, mais il les faut bien examiner. — Quand nous serons là, nous verrons ce que l'on dira au Révérend Père de la Marc. — Cherchez de quoi faire votre autel, car notre tableau n'est pas à votre mesure. Je me repens quasi d'avoir envoyé ce dernier à Évian. Oh ! si j'eusse su que vous n'y pensiez plus, vous ne l'auriez pas ! Adieu, mon très-cher frère ; toutes nos Sœurs vous saluent et vous souhaitent, avec moi, toutes saintes bénédictions de Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Qui nous confessera là ? — Nous parlerons de Rumilly en présence.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [462]

LETTRE DCXLIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Désir de voir commencer le procès de béatification de saint François de Sales. — Affaires du monastère d'Avignon.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 2 août 1625.

Je vois votre cœur dans votre lettre, et la grandeur de son affection certes toute incomparable, ma très-chère fille ; mais croyez que votre Mère vous correspond fidèlement. Oh ! faites donc, ma très-chère fille, ce que vous pourrez, afin que tant qu'il se pourra, plusieurs personnes de qualité concourent à l'avancement de la béatification de notre saint Père. C'est la vérité que l'on tient, que quand le Pape verra que plusieurs lui demanderont une même chose et lui rendront témoignage de l'excellente vertu de notre Bienheureux, que cela facilitera et avancera la commission de celui que l'on désire, pour examiner sa vie et ses miracles.

Mgr de Genève ne trouve pas que je puisse, en sorte quelconque, entreprendre maintenant ce voyage à Paris, car il me semble impossible pour les affaires de deçà. Si Dieu veut que je revoie nos maisons, Il m'en donnera quelque autre ouverture. Il est vrai, il serait requis qu'une très-pertinente Supérieure fût en Avignon ; si l'on nous mande qu'il y ait apparence que j'y puisse servir, Mgr de Genève a sentiment de m'y envoyer après la Toussaint ; nous attendons la réponse. Mais, mon Dieu, si madame la marquise de Meignelay voulait, elle ferait bien un bon office à cette pauvre maison-là, et à tout notre Ordre, puisque M. Berger m'écrit qu'elle a tant de crédit vers Mgr le Légat. Il faudrait qu'elle obtînt une lettre de bonne encre de lui, pour Mgr [463] l'archevêque d'Avignon. En recommandation de ces pauvres filles, j'avais écrit la ci-jointe. C'est sans loisir que je salue nos très-chères Sœurs et votre bon cœur, que Dieu remplisse de toutes grâces. Pourquoi, ma chère fille, ne nous dites-vous rien de notre Sœur Marie-Constance ?

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse

LETTRE DCXLIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Réception d'une personne pénitente.

VIVE † JÉSUS !

Évian, 1625.

Ma très-chère fille,

Tout accablée d'affaires à cause du peu de séjour que nous faisons ici, je vous dis courtement que puisque la Sœur Magdelaine est si bien disposée, et que tant de dignes Pères vous pressent, vous ne pouvez faillir en lui donnant l'habit ; mais que ce soit à portes fermées. Je ne dirai pas à Mgr de Genève qu'elle l'a reçu ; mais, Dieu aidant, je lui ferai approuver qu'on le lui donne, et cela suffira pour le respect qu'on a dû lui rendre, prenant son avis à cause de la grande connaissance qu'il a de la vie passée de cette pauvre créature ; car autrement il eût pu s'étonner, oyant qu'elle fût reçue chez vous.

Je vous prie de faire tenir par la première poste cette lettre de Paris. Adieu, ma vraie fille ; faites que l'on prie pour moi, et vous tout particulièrement ; car il me semble que je désire de servir Dieu purement. Il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [464]

LETTRE DCXLV (Inédite) - À LA SŒUR CATHERINE-CHARLOTTE DE CRÉMAUX DE LA GRANGE

ASSISTANTE À LYON

S'abandonner à la divine Providence, sans inquiétude pour l'avenir.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Oui, ma très-chère fille, je vous prie, ayez bien soin de cette pauvre petite Mère, et lui faites bien tenir mesure de marcher, car vraiment elle en a besoin. Quant au surplus, ma chère fille, ne vous chargez point du souci de ce qu'elle deviendra ; c'est chose difficile à savoir. Pour moi qui n'entre pas si avant dans les desseins de Dieu, et qui n'ai pas de si longue prévoyance, je vois bien que c'est votre cœur filial qui ne peut retenir les bouillons de son amour envers cette chère Mère. Certes, je le vous pardonne de bon cœur ; mais ne vous amusez plus à cela, ains laissez-vous et toutes choses sans réserve au soin et à l'amour de notre bon Père céleste.

Cette Sœur T. F. est fâcheuse ; il faut mépriser ce qu'elle dit et ne faire semblant de le voir toujours, et enfin, au lieu d'avertissements, lui faire au bout d'un temps dire ses fautes et lui donner bonne pénitence, après toutefois que la Supérieure l'aura avertie en particulier de se déporter de telle façon. Adieu, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [465]

LETTRE DCXLVI - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES

Nos cœurs sont les temples du Cœur de Jésus. — Prière d'obtenir du Pape une Bulle de confirmation de l'Institut ; moyens d'union entre les monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Monseigneur, mon très-cher et très-honoré frère,

Nous voici au jour où vous faisiez état d'arriver à Venise, et j'espère en la bonté de Notre-Seigneur qu'il vous y aura conduit heureusement, ainsi que sans cesse nous l'en avons supplié ; car enfin, mon esprit vous va suivant partout, et n'a guère de plus douce consolation qu'à repenser aux douces miséricordes que notre bon Dieu a exercées sur votre très-chère âme, dont éternellement je le bénirai avec le continuel désir de voir l'œuvre de sa grâce accomplie et parfaite en vous, par la sainte persévérance de l'union de votre cœur au sien très-adorable et très-amoureux. Oui, mon très-cher seigneur, cela se peut dire franchement que le Cœur de notre doux Sauveur est très-amoureux du vôtre, et qu'il l'a élu pour son temple et pour sa maison de délices, où Il habitera sans fin par grâce en ce monde, et par gloire en son immortelle félicité, où j'espère qu'ensemble nous chanterons, avec tous les Bienheureux, le cantique de ses louanges et miséricordes infinies ; certes, j'en ai un grand désir.

Je suis attendant de bon cœur de vos nouvelles ; nos chers cousins et M. d'Aubenton qui m'en ont tant fait de promesses nous les tiendront, s'il leur plaît ; et vous, mon très-cher seigneur, vous m'écrirez aussi trois petites lignes, mais non plus afin de ne vous point surcharger d'affaires ; car vous aurez assez de peine à nous obtenir cette si nécessaire Bulle que nous [466] réclamons avec toute l'humilité et l'affection qui nous est possible, pour l'extrême besoin que nous en avons. J'ai la confiance que vous nous l'apporterez ; au moins suis-je assurée que votre zèle et votre affection envers nous vous en feront faire toutes sortes d'efforts.

Je pense qu'il sera bon de témoigner à Mgr de Lyon que nous avons beaucoup de confiance en lui, comme, certes, je crois que nous devons l'avoir, et je ne pourrais faire autrement, quand je considère sa vertu ; vous saurez bien manier son esprit. Mon Dieu ! qu'il me semble qu'il a de sujets de s'employer cordialement pour nous ! Votre présence fera tout vers lui et vers M. de Béthune, et avec votre permission je leur fais très-humble révérence à tous deux, vous laissant le soin de tous nos petits honneurs. Je me tiens grandement obligée à M. de Béthune, pour l'affection qu'il nous a déjà témoignée, laquelle me rend soigneuse de prier notre bon Dieu de le combler de ses saintes grâces. — Je vous ressouviens de bien caresser notre bon Père dom Juste,[137] et d'encourager le Révérend Père général des Feuillants à revoir et augmenter la Vie de notre Bienheureux Père, lorsqu'on lui aura donné les Mémoires, car c'est un très-digne ouvrier pour une si digne besogne.

Il me vient en l'esprit de vous dire que, si vous ne pouvez apporter notre Bulle, vous en recommandiez chaudement la poursuite à M. Bobin ; car si bien le bon Père dom Juste est le principal agent, néanmoins il a besoin d'être secondé : voilà, mon très-cher seigneur, comme je vous dis tout. Il faut encore ajouter que, dès que vous fûtes parti d'Annecy, l'on nous envoya un messager exprès, que quantité de personnes de qualité de Paris m'écrivaient que j'allasse promptement à Paris, pour obtenir de Messeigneurs les prélats ce qui est requis [467] pour l'union de nos monastères, et pour la béatification de notre Bienheureux Père. Mgr de Genève et moi, nous trouvâmes qu'il fallait demeurer en la résolution que nous avions prise avec vous, et que, quand nous aurons notre Bulle de confirmation, qui mettra à couvert tous les monastères, nous penserons au reste, selon les ouvertures et lumières qu'il me semble que Dieu vous en donna, lorsque nous en parlâmes. Enfin, il n'y a que trois points nécessaires : le premier, de tenir les monastères unis et uniformes entre eux, comme ils sont maintenant, et qu'ils l'ont été ci-devant ; le second, de pouvoir donner des Supérieures d'un monastère à un autre qui en aurait besoin, et faire changer de maison aux Religieuses, pour quelque grande nécessité ; le troisième, en cas que deux monastères eussent quelque difficulté ensemble, ou un Supérieur avec le couvent, qui jugera et accordera ces différents ? Voilà les trois points que nous connaissons, par expérience, être nécessaire de bien établir pour la conservation de notre Institut et le repos des monastères. Or, c'est de Messeigneurs les prélats qu'ils dépendent. Voyez, mon très-cher seigneur, si vous en pourrez conférer avec quelqu'un qui puisse donner de bons moyens pour cela ; je l'espère et attends de la divine Providence, à laquelle notre Bienheureux Père nous a laissées, puisqu'il ne les a pas déclarés, comme il m'avait dit qu'il ferait, et je crois fermement que l'Esprit de Dieu conservera ce qu'il a si saintement établi, puisque même il fait voir son soin et assistance spéciale sur les familles, et les fait vivre avec tant de pureté, de simplicité, et d'exacte observance dans un esprit de candeur et tranquillité nonpareilles : voilà le sujet de ma confiance et repos. Ne suis-je pas bien fondée, mon très-cher seigneur ?

Je supplie l'infinie Bonté de vous conserver dans le sein de sa douce Providence, comme l'un de ses enfants plus chers, et de vous ramener heureusement et en santé avec votre chère [468] troupe, que je salue très-humblement avec votre permission, et vous par-dessus tous, mon très-honoré et très-cher seigneur, étant de cœur et d'affection incomparable.

Extraite du procès de canonisation de sainte Jeanne-Françoise de Chantal. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXLVII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Conseils au sujet de la fondation de Blois ; qualités nécessaires à une Supérieure. Vertus qui doivent briller à la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma chère fille,

Je désire savoir si vous avez reçu mon dernier billet, à cause des précieuses reliques que j'y avais enfermées. J'écris à madame de Limours selon votre désir, en réponse de la sienne ; assurez bien vos affaires avec elle, et d'autant plus que le lieu est écarté, et, si j'ai mémoire, avec un grand nombre de maisons religieuses. Je crois bien que Mgr de Nevers fera grande difficulté de vous laisser aller [à Blois] avant la fin de vos six ans, et toutefois il serait fort à propos que vous allassiez ; car, pour vous parler comme à mon propre cœur, selon mon sentiment, je craindrais fort que notre Sœur Françoise-Jacqueline [de Musy] n'eût grande difficulté de tirer avant une telle fondation, parmi un peuple bien fort spirituel, et où je pense qu'on aura des difficultés avant que l'on ait bien reconnu la vertu des Religieuses, et vous savez que du côté de cette France il faut des esprits bien adroits et façonnés. Notre Bienheureux Père regardait fort à l'importance de telles occasions, pour conserver précieusement l'estime si grande qu'il plaît à la divine Bonté de [469] donner en toutes façons à nos maisons ; car nous en avons une qui demeure fort en arrière pour cette raison que la Supérieure n'est pas goûtée, non pas faute de vertu, étant une sainte âme, mais qui n'a pas l’entregent nécessaire à cette charge, ni l'intelligence convenable. Toutefois, ma très-chère fille, je m'en remets à votre jugement qui est plus capable de faire ce discernement que moi ; il y a si longtemps que je n'ai vu notre chère Sœur Françoise-Jacqueline. Or, si vous résolvez de l'y envoyer, ou que Mgr de Nevers vous absolve de cette dernière année de votre charge, il faudra, ma très-chère fille, que vous écriviez à Mgr de Genève ; car, comme vous savez, les filles de nos monastères dépendent de ceux où elles ont fait profession et des Supérieurs d'iceux.

Je tiens votre maison heureuse de n'avoir plus cette fille de M. N... Oh ! que le monde est trompeur, ma fille ! Dieu nous en préserve et accroisse ses saintes bénédictions sur vous et votre chère famille. Les bonnes nouvelles que vous m'en dites, et de votre chère âme, me donnent grand sujet de louer l'infinie bonté de Notre-Seigneur, et je le fais de tout mon cœur ; car vraiment, ma très-chère fille, il semble que l'esprit de ferveur et d'observance redouble eu nos maisons. C'est notre très-heureux Père, sans doute, qui nous impètre ces bénédictions.

Oh ! ma très-chère fille, que j'ai lu de bon cœur et avec grande consolation ce que vous me dites, que vous aimez la bassesse, et que c'est l'esprit qui vous pousse ! Mon Dieu ! que c'est là le vrai esprit de Dieu et de notre Institut ! L'humilité, la douce suavité et support, et l'aimable et cordiale simplicité : ce sont les vraies vertus qui doivent régner chez nous.

Oh ! vraiment, vous m'avez bien consolée de me montrer si bien votre cœur, où je vois reluire beaucoup de grâces et d'assistances de notre bon Dieu ; et m'est avis que vous avez fait un grand avancement, puisque, Dieu merci, vous trouvez la paix et la tranquillité dans vos travaux, par la conformité au saint bon [470] plaisir de Dieu : notre perfection et notre unique bonheur consistent en cela. Dieu vous accroisse journellement cette grâce ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DCXLVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Sur le livre des Épîtres de saint François de Sales. — Comment diriger une âme très-gratinée de Dieu. — Élection de la Sœur d'Avise à Chambéry.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, septembre 1625.]

Ma très-chère fille,

Nous voici à Chambéry dès quinze jours ; j'ai toujours été malade ; mais, grâce à Dieu, dès hier il me semble que me voilà quitte pour ce coup. J'ai reçu toutes vos lettres ; mais à cause de mon incommodité, je n'ai point encore vu le Révérend Père Fourier ; j'espère que ce sera pour demain, et non sans parler de vous et de votre maison.

Je suis bien aise que les Épîtres s'avancent ; je trouve l'œuvre bonne, quoiqu'il y ait toujours quelques petits manquements ; je crois que cela vient de ce que les copies sont mal orthographiées ; mais recommandez que l'on y prenne garde. Je vous renvoie les trente et une feuilles que vous m'avez envoyées ; il manque deux feuillets qui empêchent la suite entre le feuillet 392 et celui de 401 ; or, ils n'ont pas été égarés ici, car personne ne les a maniés que moi, et d'abord j'ai reconnu ce manquement. Il ne tiendra pas à moi que ce bon personnage, puisqu'il est si vertueux et chargé d'enfants, n'ait encore les Entretiens pour imprimer.

Il est vrai que l'on me dit merveille de votre bâtiment ; Dieu nous veuille préparer pour la maison de son éternité ! L'on [471] m'a défendu d'écrire de ma main, mais ce petit mot n'est pas écrire. — Une âme comme la vôtre, de Paris s'entend, qui va par cette voie, en vaut cent ; mais il n'en faut pas faire grand semblant à qui que ce soit, surtout à elle ; car ce trésor doit être caché, et il faut dextrement l'en tenir ignorante, et faire qu'elle se persuade que c'est la voie quasi ordinaire des filles de la Visitation, comme il est vrai, plusieurs y sont attirées. Le moyen d'avancer en cette voie, c'est de se tenir fidèlement proche de Notre-Seigneur en cette simplicité, et d'employer avec même fidélité les occasions qui se présentent, sans exception, de pratiquer l'indifférence, et qu'en tout le reste, elle tâche de se rendre une règle vivante.

Nous avons fait ici notre Sœur Marie-Gasparde [d'Avise] Supérieure. Toutes l'ont élue avec témoignage de grand amour et satisfaction ; elle est toute mortifiée, ayant répugnance aux charges ; mais j'espère en Dieu qu'elle fera fort bien. — Enquérez-vous des Pères Jésuites, où il faut remettre cette lettre de Lorraine ; c'est pour la faire porter par l'ordinaire de Nancy qui part tous les quinze jours. Je vous la recommande fort, ma très chère fille, elle est importante. — Faites bien prier pour nos affaires de Rome, elles se traitent maintenant.

Nous irons, Dieu aidant, dans quinze jours à Rumilly. Notre Sœur Marie-Adrienne [Fichet] y sera Supérieure ; elle a fort bien fait ici. Toutes ces filles s'avancent, grâce à Dieu. J'ai eu la singulière consolation de voir votre très-cher Père Maillan ; il ne manquera pas de faire tout ce qu'il pourra pour nos Sœurs d'Avignon, mais il faut un peu de patience. Voilà une lettre de Mgr le prince-cardinal pour Mgr leur archevêque ; faites-vous-la expliquer, et leur faites tenir.

Adieu, ma très-chère fille ; priez bien Dieu qu'il nous fasse la grâce de nous voir en son paradis.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [472]

LETTRE DCXLIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Encouragement à supporter les peines de la supériorité. — Importance de la charge de directrice. — Support de la fondatrice. — Faire cesser les soupçons et méfiances.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, septembre 1625.]

Vous voilà donc arrivée, ma très-chère fille, où la divine Providence vous a destinée pour sa gloire et le bien de ces chères âmes.[138] Je ne doutais nullement qu'elles ne vous reçussent à cœur et à bras ouverts, comme la chère Mère que Dieu leur a envoyée pour les conduire à sa Bonté par la voie de l'exacte observance. Ne vous laissez abattre par aucune sorte de contradiction ; ayez une patience de longue haleine, et vous verrez que Dieu vous consolera par le progrès que feront nos bonnes Sœurs sous votre direction. S'il se pouvait, je voudrais que l'on ne bougeât rien à ce commencement ; que s'il est possible que la maîtresse des novices puisse fournir pour ces trois mois qui restent de l'année, je trouverais fort bon qu'on l'y laissât, sinon que ses infirmités fussent si pressantes, que l'on pût sous ce prétexte introduire au noviciat, comme insensiblement, notre Sœur Anne-Thérèse, car il faut gouverner toutes choses doucement ; et tant qu'il se peut, disait notre Bienheureux Père, il faut satisfaire à tous [les] esprits, tant du dedans que du dehors.

Selon la Règle, vous devez faire faire l'élection de l'assistante et des coadjutrices. Je suis d'avis, ma très-chère fille, que vous proposiez l'assistante moderne fort simplement, sans témoigner que vous désiriez son élection ou que vous ne la désiriez pas. Si les Sœurs ne l'élisent pas, vous leur en proposerez une autre [473] du monastère, ou celle que vous avez amenée, si elles témoignent de la désirer ; que si elles font élection de notre Sœur Marie-Suzanne, vous verrez le reste de cette année sa conduite, et tâcherez de l'aider, car elle est bonne femme, et ne vois pas qu'une assistante ait grand'chose à gouverner en la présence de la Supérieure. Pour moi, quand je suis dans notre monastère d'Annecy, je me tiens en communauté tant qu'il m'est possible, ainsi l'on s'adresse à moi pour tout. Hors des assemblées, on ne va pas chercher l'assistante pour les difficultés et affaires qui arrivent, ains on s'adresse à la Supérieure, de sorte que je ne vois pas que ce changement soit si nécessaire et si important que celui de la directrice, qui est bien d'une autre considération. Mais comme je vous ai déjà dit, il le faut faire doucement, car sans doute notre Sœur Anne-Thérèse y profitera grandement.

Je m'assure que votre charité vous portera à conforter le cœur de notre Sœur l'assistante, elle en aura besoin. Au reste, ma très-chère fille, je crois que vous devez trancher court à tous les petits contes que les Sœurs vous voudront faire du temps passé. Dites-leur nettement qu'il ne faut plus penser qu'à marcher devant soi fidèlement. Faites-vous montrer la lettre que je leur ai écrite sur ce sujet, et les suppliez humblement de ma part de l'observer, comme aussi ce que je leur ai écrit tant et tant de fois, touchant les soulagements de notre Sœur M. -Aimée ; qu'elles vous laissent faire en cela et en tiennent leurs esprits en repos. Et me croyez, ma chère fille, ne donnons point de prise à cette bonne Sœur M. -Aimée de se plaindre de son traitement, et traitez avec elle avec une extrême cordialité et franchise, et avec un cœur noble et généreux ; c'est le seul moyen par lequel vous lui pouvez profiter et gagner son âme à Dieu. Je n'entends pas, toutefois, que dans les occasions où il faudra se montrer ferme, vous ne le fassiez, car il faut tenir le dessus sur elle, et que vous y preniez un grand ascendant, mais par amour et douceur. Si vous la pouviez affranchir de ce [474] parloir vous feriez un grand bien pour elle, et je ne sais si jamais on lui pourra profiter, si elle ne se retranche de ce grand commerce de lettres et de paroles.

Tout à coup vous ne devez pas retrancher de prendre les avis ; mais vous ferez fort bien petit à petit de vous en défaire et de cheminer selon la liberté de votre esprit, sinon ès affaires importantes. Mon incommodité m'empêche de vous écrire de ma main ; mais, ma très-chère fille, si faut-il que je vous dise, que vous devez spécialement travailler pour ôter les soupçons et méfiances qui n'ont que trop régné dans votre maison, et ce soin que la plupart des filles se donnent des affaires du monastère. J'ai une grande espérance en la bonté de Notre-Seigneur, qu'il bénira votre triennal, car toutes les filles sont de bonne affection et comme altérées du bien et de la vraie vertu. Ma très-chère fille, il faut avoir un grand courage, tout appuyé en l'aide et conduite de notre bon Dieu, et tenir votre esprit joyeux et au-dessus de toute chose qui n'est point Dieu.

Votre état intérieur est très-bon ; patience, et vous verrez la gloire de Dieu en vous et en vos filles. Je supplie sa Bonté de vous tenir dans son sein paternel, et devons conduire en toutes vos actions selon son bon plaisir. Ne doutez point que tout ce que nous pourrons pour votre consolation et service, que nous ne le fassions de cœur entier, car sans réserve je vous dédie mon âme. Ne craignez point de m'écrire, je vous répondrai toujours fidèlement, étant vôtre d'une affection incomparable.

La pauvre Sœur dont vous m'écrivez est vraiment digne de compassion. Je craindrais fort de la mettre ainsi parmi nos pauvres simples colombes qui n'ont point de si grands esprits et qui vivent dans l'innocence d'une fort exacte observance. Il se faut bien garder de la mettre en charge ; espérez que Dieu l'assistera ; je l'en supplie et de vous combler de ses saintes grâces.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [475]

LETTRE DCL - AUX SŒURS DE LA VISITATION DE MOULINS

Confiance et respect dus à la Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, septembre 1625]

Mes très-chères filles,

Puisqu'il a plu à la divine Providence vous donner pour guide, pour Mère, et pour votre bonheur, ma Sœur votre Supérieure, je vous supplie et conjure de regarder Dieu en elle, de l'y honorer, obéir et aimer chèrement. N'ayez point d'autre cœur, jugement, ni volonté que la sienne, car je vous assure que Dieu lui a donné une direction droite et un zèle très-grand pour le bien de tout l'Ordre, et une très-sincère affection pour vous toutes, mes chères Sœurs. C'est pourquoi vous aurez bien du sujet d'être contentes de l'élection que vous avez faite, et d'avoir des cœurs entièrement ouverts en son endroit, sans jamais vous départir de la sincérité et droiture que vous lui devez. Que s'il se trouvait quelque esprit si malheureux que de vous vouloir persuader le contraire, je vous supplie, ne l'écoutez point ; mais suivez votre train, et vous tenez toujours parfaitement avec votre bonne Mère, en laquelle Dieu a mis de grandes dispositions pour rendre de bons services à votre maison.

Je prie Dieu, mes très-chères Sœurs, qu'il vous rende fidèles à la pratique de ce que je vous dis ; car je vous assure que si vous Je faites, vous recevrez de grandes grâces de sa Bonté, que je supplie vous les départir abondamment. — Et à vous, ma très-chère Sœur l'assistante, qui êtes en tête de toute la troupe, je vous conjure de montrer exemple aux autres, et de vivre avec une telle humilité, soumission et dépendance de ma Sœur la Supérieure, et avec tant d'amour, droiture et sincérité en son endroit, qu'il y ait sujet de consolation à toute la [476] communauté, et qu'elle vous imite en ces pratiques, lesquelles je vous recommande, et vous salue toutes chèrement.

LETTRE DCLI - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE DU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Affaires de la communauté de Moulins. — Choix d'une Supérieure pour la fondation de Chartres. — Embarras suscités aux Sœurs d'Avignon. — Comment conduire un esprit difficile.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 12 septembre 1625.

Ma très-chère fille,

Nous avons reçu les trois lettres en faveur de la béatification de notre Bienheureux Père ; elles sont assez bonnes. Au reste, je suis très-aise que vous ayez été à Moulins[139] ; votre présence y aura beaucoup profité. J'espère que Dieu restaurera cette pauvre maison, laquelle avait un extrême besoin du secours de cette nouvelle Supérieure. Il me semble que si l'assistante et la directrice modernes sont candides et franches envers la Mère, qu'il ne les faudra pas changer jusqu'au jour de l'an.

Je serai fort aise que votre fondation de Chartres se fasse. Sans doute, notre Sœur Anne-Marie [Bollain] fera très-bien partout où elle sera ; mais n'en avez-vous point qui soit encore plus propre pour charge de Supérieure ? Ce que je ne dis pas pour vous divertir de celle-ci, de laquelle j'ai toujours grandement estimé la vertu, et crois qu'en toutes charges, elle fera fort bien. Vous connaissez leur état présent, et saurez bien faire le choix.

Il est vrai que nos pauvres Sœurs d'Avignon sont [477] grandement à plaindre, mais leurs affaires ne sont pas en état de pouvoir être aidées de ma présence. Vous le pourrez juger par la copie de l'ordonnance de Mgr leur archevêque, lequel s'est lié les mains pour ne pouvoir leur donner la liberté qui leur est requise, et faut qu'elles aient recours à la Congrégation ; et enfin, il faut avoir un peu de patience que nos affaires soient faites à Rome. Mais cependant il sera très-bon que Mgr le légat écrive en leur faveur, et qu'on lui fasse entendre que les Religieuses de France ne peuvent pas subir ces grandes rigueurs. On nous a dit que, retournant de France, il devait passer par Avignon et y séjourner quelques mois ; ce serait alors que les recommandations seraient utiles. Je vous supplie de vous en ressouvenir quand vous saurez qu'il devra partir de Paris.

Vous n'eussiez pu vous mieux conduire en l'affaire de Nevers que vous avez fait. — Je vois, ma très-chère fille, que l'apostème de la pauvre Sœur M. M. s'est crevé. Il s'en faut bien garder de la mettre en charge, puisqu'elle est en cette disposition. Puisqu'elle agrée ma Sœur Hélène-Angélique, faites qu'elle la conforte et lui parle quelquefois, car il faut soulager cet esprit pour prévenir un plus grand mal. Certes, pour vous dire franchement, je craindrais un peu de mettre cet esprit-là parmi nos pauvres simples colombes d'Annecy ; toutefois, il faudra voir ce qui se pourra bonnement. Je trouverais aussi une grande difficulté à la faire venir de si loin ; il faut toutefois la tenir en espérance. — Nous sommes ici dès dix-huit jours ; j'y ai toujours été malade ; maintenant, je ne porte qu'une bonne douleur de tête qui m'empêche d'écrire. Oh ! ma fille, combien vraiment êtes-vous chère à mon cœur ! Nous sommes ici à Chambéry ; nous avons fait élection d'une Supérieure. Toutes nos Sœurs ont choisi notre Sœur Marie-Gasparde, avec grand témoignage d'amour et de satisfaction. Nous irons, Dieu aidant, dans ces jours à Rumilly, et y mènerons de fort bonnes filles : notre Sœur Marie-Adrienne y sera Supérieure ; [478] elle a un très-bon cœur et un très-grand zèle pour l'observance. Dieu soit béni ! Je suis en peine de notre Sœur M. -Marguerite, mais je dis fort grande à cause des qualités de son esprit ; si elle ne peut s'accommoder, à l'extrémité il faudrait lui faire espérer de venir ici ; et si cela n'est suffisant, plutôt que de là laisser en péril, il la faudra faire venir, mais avec quelque bonne occasion qui se pourra présenter, et auparavant il faut avertir, car il faudra disposer Mgr de Genève à sa réception.

[P. S.] Ma très-chère fille, toute précieuse à mon cœur, une autre fois j'écrirai à ma très-chère Sœur de Port-Royal, qui m'écrit qu'elle vous avait vue avec une très-grande satisfaction pour le grand avancement qu'elle voit que vous faites, et notre chère Sœur Angélique [Lhuillier] que je salue très-chèrement avec notre très-vertueuse Sœur N.

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE DCLII (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Diverses recommandations.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1625.]

Ma très-chère Sœur,

Le bon Père recteur d'ici passera bientôt par Nessy, sur la fin de la semaine prochaine. Sachez s'il y a quelques Sœurs qui lui désirent parler, afin qu'elles se tiennent prêtes ; sinon vous le prierez de les confesser toutes et de dîner chez M. Michel, où vous ferez porter le dîner que nos Sœurs savent ; mais que l'on achète du bon vin pour lui et le Père qui l'accompagne. Je lui ai parlé de notre Sœur N. ; c'est un très-bon Père, très-capable de tout, qui nous affectionne entièrement. Je n'ai [479] jamais, je pense, fait manger que deux ou trois fois dans notre parloir, et crois que je n'eusse pas pensé à y faire manger M. de N. ; car il faut faire cela rarement et pour des amies ou occasions signalées.

Vous avez bien fait de laisser aller notre Sœur N. par son chemin ordinaire de l'oraison. Je lui avais dit qu'elle ne vous devait appréhender, que vous ne lui changeriez pas. Il faut supporter suavement l'esprit de notre Sœur N., et lui condescendre en ses petites inclinations dévotes, pourvu qu'elle suive toujours la communauté extérieurement, comme elle le fera, car elle est bonne. — Je vous donne mille bonjours, ma très-chère fille, et à toutes mes Sœurs, que je conjure d'être fidèlement exactes à l'observance et à leurs résolutions.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Détails sur la fondation d'Évian. — Éloge de la famille de Blonay. — La liberté de conscience est nécessaire aux Religieuses. — Offrandes au tombeau de saint François de Sales. — Prière d'intervenir en faveur des Sœurs d'Avignon.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 14 septembre 1625.

Ma très-chère fille,

J'ai très-bonne espérance de la fondation d'Évian, et crois que Dieu en sera glorifié. Messieurs vos frères sont de très-bons et vertueux personnages[140] : M. le prieur est notre Père spirituel et notre confesseur ; et M. votre frère qui est marié, notre père temporel, lequel a pris cette charge avec une affection [480] nonpareille. Madame votre belle-sœur est une très-sage et très-vertueuse femme, et tout cela ne respire que la piété et dévotion.

La bonne Sœur Gabrielle[141] est une très-bonne enfant ; nous nous sommes entretenues à cœur ouvert et en particulier. Une manque à cette maison de Sainte-Claire qu'un peu de liberté de conscience. On m'a dit que le Père qui les visite tous les ans demeure à Lyon, et qu'il vous va voir souvent. Pour l'amour de Dieu, persuadez-le qu'il permette que les Pères Jésuites qui vont demeurer à [la] mission d'Evian, et autres personnes ecclésiastiques qui y passeront, puissent leur parler au moins deux ou trois fois l'année, et non-seulement qu'il le leur permette, mais qu'il le commande à la Supérieure. Je vous assure qu'il fera en cela chose agréable à Dieu, et de grande utilité pour ces pauvres âmes.

C'est une bonne dame de Paris qui offre ce cœur au tombeau de notre Bienheureux et très-saint Père ; de sorte, ma fille, que votre appétit ne sera pas contenté pour ce coup, car nous n'oserons divertir cette offrande. Vous pouvez donner les trois cents écus à M. Berger, bien empaquetés et cachetés, comme aussi le cœur d'argent. Ne cessez de poursuivre vos bâtiments jusqu'à ce qu'ils soient achevés, quand bien vous devriez vous engager ; car Dieu remplacera bientôt ce que vous emprunterez.

Il est vrai que nos bonnes Sœurs d'Avignon sont grandement tourmentées, et il me semble que M. votre grand vicaire devrait écrire à Mgr leur archevêque, afin qu'il les laisse vivre selon leur Institut, ainsi que la Bulle de leur établissement le porte. Véritablement, ma chère fille, je trouve cela bien dur d'envoyer ainsi des filles, et puis, que les Supérieurs les laissent là sans secours. Je vous prie de faire tenir les lettres [481] d'Orléans et de Bourges à Nevers. — Il faut que nos Sœurs d'Avignon patientent un peu ; cela ne durera pas, et puis l'on travaillera pour les aider. — Adieu, ma très-chère fille ; que Jésus vous possède et toutes nos chères filles, surtout les malades !

Dieu soit béni !

LETTRE DCLIV - À LA MÊME

Quelques passages à ajouter au Recueil des Lettres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry], 15 septembre 1625.

Ma très-chère fille,

Les Révérends Pères Jésuites, et surtout le Père Fourier, désirent que l'on mette dans une de mes lettres ce que notre Bienheureux Père a dit en ce qui les regarde. Le voilà donc, et j'ai assemblé ce que le Bienheureux me dit à Paris et à Lyon. Il le faut mettre dans la lettre où il se pourra le mieux joindre et faire la liaison sans beaucoup de paroles. Vous trouverez au livre des Épîtres (il me semble que c'est le cinquième qui est titré : Des points concernant l'Institut de la Visitation) des lettres où le Bienheureux me parle de l'Institut ; vous connaîtrez les miennes des dernières années en ce qu'il m'appelle sa Mère. Enfin, choisissez entre toutes l'endroit où vous pourrez Je plus à propos insérer cet article.

Je me porte bien, et le bon Père Fourier nous fit hier une belle exhortation. Il a confessé nos Sœurs ; il m'en a dit merveilles, et qu'elles n'avaient occasion d'envier point de nos maisons ; que je devais de grandes louanges à Dieu pour cette famille, et me dit tout bien de la vôtre de Lyon et [de] la Parisienne. — Je serais bien aise que vous fissiez voir votre [482] bâtiment à M. Berger ; il est de nos bons amis, et moi, [je suis] toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLV (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY.

Affectueux souhaits.

VIVE † JÉSUS !

[Rumilly], 27 septembre 1625.

Ma très-chère fille,

Notre bon M. Michel sera une lettre vivante qui vous répondra pour moi et dira tout plein de petites affaires, et comme nous sommes arrivées ici heureusement.[142] Je prie Dieu qu'il habile au milieu de vous toutes, afin que les bénédictions de sa sainte présence vous remplissent toutes de sa suavité et de sa [483] force pour persévérer au chemin d'une exacte observance. Je vous salue avec nos chères Sœurs très-chèrement, me recommandant à vos prières.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLVI (Inédite) - 1 I À SŒUR CLAUDE-CATHERINE DE VALLON

À GRENOBLE[143]

Désir d'avoir des nouvelles de la Sœur Claude-Agnès Daloz ; elle doit supporter et aimer la croix de la maladie. — Retour de la Sainte à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Rumilly, 1625.]

Ma très-chère fille,

Croyez que je n'ai pas moins de désir de vous voir et notre très-chère fille Claude-Agnès, que vous en sauriez avoir ; mais, a ce que j'apprends, elle est malade de sa défluxion ; cela me tient en peine. Toutefois, j'espère que notre bon Dieu la guérira bientôt, car Il sait que nous avons grand besoin de nos bonnes filles. Je vous prie que j'en sache des nouvelles au plus tôt ; quand elle se portera bien, je serai bien aise que notre très-chère Sœur la Supérieure vous renvoie. Je n'ai loisir de lui écrire maintenant, n'ayant aussi sujet de le faire ; mais je vous prie de la saluer très-chèrement de ma part et comme l'une des plus aimées et très-chères filles de mon cœur. [484]

Je salue aussi toutes nos très-chères Sœurs, à part ma chère Sœur Claude-Agnès, que je supplie d'être toute brave à supporter sa petite croix, et de la bien aimer pour l'amour de Celui qui en a porté une si pesante pour son amour. Je m'assure qu'elle sera toute douce et soumise aux remèdes. Que j'en sache au plus tôt des nouvelles, je vous en prie. Saluez aussi de ma part M. d'Aoste, que j'honore avec tout le respect et la dilection qui m'est possible, et le bon M. Antoine, sans jamais oublier madame notre très-chère et vraie amie de Granieu.

Je retournerai samedi à Nessy, où quasi toutes nos Sœurs sont malades, de sorte que je me hâte tant que je puis. Grâce à Dieu, ces afflictions me donnent bon courage et espérance de profit spirituel et de nouvelles bénédictions. Croissez tous les jours, ma chère fille, en la vraie piété par la sainte observance en esprit de douceur, humilité et simplicité. Je suis toute vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni et nous bénisse ! Si cette demoiselle persévère, on la recevra.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Montpellier.

LETTRE DCLVII - À LA MÈRE MARIE-GASPARDE D'AVISE

SUPÉRIEURE À CHAMBÉRY

Elle l'exhorte à exercer courageusement sa charge, et à se confier en Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Rumilly, 1625.]

Vrai Dieu ! serons-nous toujours parmi les enfances ? et après avoir demeuré cinq ou six ans à la Visitation à recevoir tant de solides documents, demeurerons-nous toujours dans l'exercice de l'amour de nous-mêmes ? car tous vos sentiments et réflexions inutiles ne sont qu'amour-propre et non point, comme vous pensez, celles de la perfection des autres ; car si [485] une moins capable mille fois que vous était en votre charge, vous n'auriez point tous ces soins et tristesses ; vous n'éplucheriez point son ignorance et insuffisance, vous croiriez que puisque les Supérieurs lui auraient commis cette charge, Notre-Seigneur lui fournirait ce qui lui serait nécessaire pour y profiter. Faites-en de même pour vous, et prenez garde que tacitement vous ne détourniez la divine Providence de dessus vous, et ne censuriez ceux qui vous gouvernent de sa part. Je sais bien pourtant que votre volonté supérieure ne voudrait nullement cela ; mais la tentation que vous avez vous porte à le faire. C'est pourquoi je vous supplie de retirer votre esprit de telles fantaisies, vous humiliant profondément sous la conduite du Seigneur et des supérieurs qu'il vous a donnés.

Rendez votre obéissance avec une parfaite simplicité, fidélité et allégresse ; car tandis que vous regarderez ce que vous faites et ce que l'on pense de vous, vous perdrez le temps que Dieu veut que vous employiez autour de sa bonté et de ses chères épouses. Bon Dieu ! ma fille, qu'il faut bien agrandir votre courage et se déterminer pour rendre de grands services à Notre-Seigneur ! Il faut donc, dorénavant et sans remise, laisser à sa bonté le soin de votre perfection et de tout ce qui vous regarde, et embrasser celui de son saint service, et puis, qu'il vous emploie à ce qu'il lui plaira. Vraiment, que nous doit-il importer que l'on nous mette en la charge de directrice ou de Supérieure ? Laissons charger nos épaules de ce qu'il plaira à Dieu mettre dessus. Travaillons fidèlement et joyeusement, selon notre petit pouvoir, et nous confions qu'il fera en nous sa sainte volonté pour notre bonheur et celui des autres. C'est affaire au Maître de mettre en main de son serviteur de quoi exécuter sa volonté.

Vous direz, ma fille, que je suis bien sèche ; mais aussi n'avez-vous pas tort de vous amuser après ces sentiments ? Ah ! certes, il ne le faut plus faire. Soyez donc joyeuse dans votre [486] charge, et je suis consolée. Sortez de vous-même et demeurez toute en la divine volonté. Je souhaite que vous soyez courageuse pour porter toutes les charges que l'obéissance vous imposera ; tenez-vous humble et attentive à Dieu, et Il vous inspirera ce que vous aurez à dire à ceux du dehors. La simplicité, la franchise, la rondeur, la bonne foi, valent mieux que toute la sapience du monde. — Votre, etc.

LETTRE DCLVIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Il faut sacrifier ses inclinations à l'obéissance. — Support du prochain.

VIVE † JÉSUS !

[Rumilly, 1625.]

Je suis marrie, ma très-chère Sœur, de ce que vous manquâtes de condescendance à nos deux bonnes Sœurs, et de ce que vous avez toujours ces fortes inclinations à ces choses extérieures. Je vous prie de les mortifier, et me croyez, que l'abjection vous est plus nécessaire qu'aucune chose. Pour le reste, allez votre train, et vous contentez du bon plaisir de Dieu. Je suis fort marrie de la faute de notre Sœur N. Je vous prie, ne la heurtez point ; car j'aime mieux que vous la supportiez, que de la vouloir faire plier, et qu'elle manque de soumission ; car cela la rend toujours plus abattue.

J'écris à Mgr pour notre bonne J. B. Si l'on ne peut la retirer là, nous la retirerons ici en attendant. Je salue toutes nos Sœurs et notre bon M. Michel, de tout mon cœur, et les amies.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [487]

LETTRE DCLIX - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Ne pas s'empresser pour l'entrée des reines et des princesses. — Fondations proposées à Pont-à-Mousson et à Chartres. — Comment pratiquer l'article de l'instruction des séculières. — L'humilité attire de grandes grâces.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Certes, ma fille, il ne faut pas garder de séculières dans le monastère, sinon pour des grandes et légitimes considérations, selon l'ordre des Supérieurs, excepté les fondatrices et bienfaitrices, car celles-là sont en partie du corps de la Congrégation. Je sais bon gré à nos chères Sœurs de ne s'étonner ni empresser pour l'entrée des reines et princesses dans leur monastère : la présence du grand Roi et de la souveraine Reine du ciel nous doit tenir en une continuelle posture et contenance dévote, plus, sans comparaison, que la présence de tous les potentats de la terre. Je loue Dieu de ce que par tous nos monastères je trouve nos Sœurs fort modestes ; ce m'est une marque qu'elles se tiennent bien en la présence de Dieu.

Savez-vous bien, ma fille, que madame de Haraucourt, l'une des plus grandes dames de Lorraine, nous a envoyé un homme exprès, nous offrant une notable somme pour établir une de nos maisons (c'est au Pont-à-Mousson), sans vouloir autre condition que son entrée seule ? Nous n'avons encore rien résolu, ni point donné de parole entière, car en telles affaires il est bon de ne se pas presser, toutes choses s'en disposent mieux. — Quant à vous, ma très-chère fille, je ne crois pas que vous deviez remettre votre fondation de Chartres, ains, s'il se peut, vous la devriez commencer avant le départ de Mgr dudit lieu. J'affectionne cette ville-là, à cause de la divine relique qu'elle possède, de la chemise de Notre-Dame et Maîtresse. [488]

Quant à cette dame qui désire nos Sœurs avec surcharge de l'Office, cela ne se peut, étant contre l'Institut ; mais on lui doit accorder ce qu'elle désire pour l'instruction des jeunes filles, si en la ville où elle nous veut établir il n'y a point d'Ursulines. Notre Bienheureux Père ne retrancha cet article de l'instruction des séculières, que pour ôter tout ombrage et toute jalousie, car ce saint homme aimait la paix sur toutes choses. Or, vous savez, ma fille, comme cet article se doit pratiquer ; ce n'est pas en tenant des pensionnaires séculières dans la maison.

Je réponds à ma Sœur selon ma petite connaissance, qu'il faut qu'elle coupe les ailes de son esprit humain, afin qu'il n'aille pas si vite ni si haut. Hélas ! quelquefois nous pensons avoir de grandes lumières de Dieu, et au bout de tout, ce n'est qu'ouvrage de notre entendement propre, et recherche de notre nature, ce que je ne dis pas pour cette chère fille, mais parce qu'il me vient ainsi en vue. Il faut que celle chère âme se tienne grandement simple et humble devant Dieu ; c'est le moyen d'assurer les grâces que nous recevons de sa Bonté, et d'en attirer de plus grandes. Je vous en souhaite autant qu'à moi-même, étant de tout mon cœur votre, etc.

LETTRE DCLX - À UNE RELIGIEUSE

AU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION DE PARIS

Par quels moyens on peut acquérir l'humilité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma fille très-chère,

Il faut abaisser, même couper et trancher les ailes de ce petit papillon qui veut se fourrer trop en avant dans la lumière, autrement il s'y perdrait. Donc, ma fille, sitôt que vous [489] apercevrez votre esprit qui s'élèvera, renversez-le au pied de la croix, par un profond, mais doux abaissement de vous-même, vous tenant toute confuse et honteuse ; si vous faites cela, vous en viendrez à bout.

Allez simplement, ma fille, et vous irez heureusement. Tâchez de ruiner l'amour-propre et l'amour de l'estime, établissant la véritable humilité qui, en tout et partout, tâche de s'anéantir et de se tenir au-dessous des créatures. Cette leçon est un peu difficile, mais Dieu vous appelle à la pratique de cette vertu. Suivez sa volonté et ses exemples, et Il vous conduira où sa Providence vous a destinée. Tant que vous pourrez, ne regardez et n'observez point curieusement ce qui s'est passé dans votre intérieur. Demeurez dans cette vérité, et ayez présent que le peu de bien qui est en vous est de Dieu ; et partant vous ne devez pas vous en élever, ni estimer. Pensez que de vous-même vous n'avez que le pur néant et l'abjection de vos péchés et de vos innumérables imperfections. Ensuite, désirez le mépris et tout ce qui peut détruire l'orgueil, comme l'opinion que vous avez que vos Sœurs peuvent justement penser que vous êtes toute pleine d'affection et d'estime de vous-même, et autres semblables choses qui vous déprimeront. Aimez aussi d'être employée aux actions basses et viles, non qu'il vous faille rechercher toutes ces choses-là, mais tenez-vous seulement disposée à les recevoir de bon cœur. Priez votre bonne Mère de vous aider à acquérir cette chère vertu d'humilité, sans pourtant rien demander de particulier ; car notre choix gâte tout. Si vous faites ceci, vous trouverez la source de la vraie vie. Vous n'aurez jamais aucune paix hors de cet exercice, et vous ne pouvez correspondre par autre voie à la vocation de Dieu sur vous. Je supplie sa Bonté de vous octroyer cette précieuse grâce. — Votre, etc. [490]

LETTRE DCLXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Promesse de lui envoyer une novice. — Choix du confesseur.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, octobre 1625.

Ma très-chère fille,

Mon esprit retourne à vous pour vous saluer très-chèrement, et toute la chère petite communauté, que je prie Dieu remplir de toutes bénédictions jusqu'au comble de la gloire. Voilà mon désir sur vous, ma très-chère fille, que je chéris en toute sincérité. — Je pense que l'on pourrait écrire à notre Sœur C. -Françoise, ce que je dis à la récréation, que je la remerciais de son souvenir ; je ne le voudrais pas, car peut-être cela la mortifierait, la pauvre fille, et ce n'est pas mon désir. — Je salue notre très-chère Sœur [madame] de la Fléchère, J. Bonaventure et nos deux filles. Nous enverrons bientôt celles qui sont ici ; et si nous pouvons, la petite Machet, selon que nous dîmes à cause de madame Juge ; elle est toute jolie fille. Celle de M. Arpaud, son père en fait le renchéri.

J'ai commencé à parler à Mgr de M. Billet.[144] Je ne sais encore comme cela ira ; il faut bien considérer avant que rien rompre, afin que pour sauver un peu d'argent, nous ne perdions un bon confesseur ; car si bien à ce commencement il sera pesant, aussi à l'avenir il ne le sera pas tant ; car l'on n'en aurait pas un à cette condition. — Adieu, ma très-chère fille ; je suis vôtre sans réserve.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [491]

LETTRE DCLXII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

À son retour de Rome, l'archevêque de Bourges passera a Lyon. — Différents détails.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1625.

Ma très-chère fille,

Hélas ! vous verrez notre très-cher Mgr de Bourges. Je crois que, s'il peut, nous le verrons. Je l'en prie de grand cœur ; car je le désire bien fort, si c'est le bon plaisir de Dieu. Il a beaucoup fait pour notre très-saint Père [ François de Sales], et pour nous en ce voyage, dont il faut bien louer la divine Bonté.

M. le chevalier Balbian m'a envoyé les parties de votre tabernacle, ce qu'il coûte et le port ; mais j'ai perdu les parties. Je vous prie de faire savoir de M. Lumaque s'il ne les lui a point envoyées ; car il nous mande de lui donner l'argent. Nous avons encore ici du vôtre que nous enverrons à la première commodité. Si M. Lumaque ne peut dire à quoi elles montent, je récrirai à M. Balbian pour le savoir. Je pense qu'il faudra que nous envoyions homme exprès pour porter nos lettres, si nous le pouvons trouver.

Je vous prie, ne perdez pas les Épîtres qu'on retranchera ; car de celles que vous m'avez envoyées, je les trouvais douteuses. Je les fis voir à M. de Thorens qui voulut que toutes [fussent] mises, parce qu'il y a quelques documents qui ne se trouveraient pas ailleurs ; mais il n'est que bon de les retrancher à ce coup.

J'écris sans loisir de Nessy, où je suis dès samedi.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [492]

LETTRE DCLXIII - À LA MÊME

Désir qu'éprouve la Sainte de voir l'archevêque Je Bourges. — Affaires.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 14 octobre 1625.

Grâce à Dieu, nous avons trouvé un homme que nous envoyons exprès, afin que notre très-cher Mgr l'archevêque sache où je suis, ainsi qu'il m'a mandé qu'il le désirait. Vous l'aurez dans le 15 au 18 de ce mois. Mon Dieu ! que je souhaite de le voir ! Le désir m'en vient toujours plus grand, à mesure que je me souviens du besoin que nous en avons, et de l'utilité que sa présence et communication nous apporteraient. Toutefois, je ne veux que ce qu'il pourra, car je sais que son affection à me voir est très-grande ; en tout, la sainte volonté de Dieu soit faite ; car de tout mon cœur je lui soumets mes désirs et consolations. — Envoyez-nous, je vous prie, à la première bonne commodité, six couvertes blanches semblables aux douze dernières que vous nous avez fait acheter, lesquelles étaient très-bonnes ; elles sont de trois écus la pièce ; et encore trois pièces de futaine bien choisie ; c'est pour achever de garnir les cinquante lits qui sont céans, car notre nombre va quasi jusque-là. Nous vous renverrons l'argent par la première commodité assurée, si Mgr de Bourges ne vient pas ici.

Je vous prie de savoir de M. Lenfermier ce qu'il aura encore donné au Père dom Juste pour nos affaires ; et, si vous avez de l'argent, rendez-le-lui, et retirez la quittance du Père dom Juste, et vous assurez qu'incontinent vous serez remboursée en mêmes espèces qui sont vingt-cinq pistoles d'Espagne. — Je vous prie, ma très-chère fille, faites loger ce pauvre homme. [493]

Adieu, ma fille ; à Dieu soyons éternellement sans aucune réserve. Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Il faut retrancher insensiblement les abus. — La Sainte lui permet deux communions extraordinaires chaque semaine. — Gagner par indulgence la Sœur de Morville. — Quelles permissions avoir pour l'entrée du médecin, des ouvriers et des provisions.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma très-aimée et très-chère fille,

Il me semble que la lettre que je vous écrivis de Chambéry répond à une partie de la vôtre dernière ; je ne répéterai donc pas ce que je vous ai déjà dit ; outre que j'ai peu de loisir, ce serait superflu.

Je loue Dieu, mais de tout mon cœur, de la bonne espérance qu'il lui plaît vous donner, de voir cette pauvre maison et ces chères âmes prendre nouveau courage pour cheminer à Dieu, par l'exacte observance de notre saint Institut.

Ayez un grand courage et de longue haleine, et vous verrez la gloire de Dieu s'avancer comme une belle aube dans votre maison ; c'est mon grand désir. Tenez les esprits fort au large en joie et générosité, et fort assurés de votre bienveillance, et encore que tout n'aille pas avec telle perfection que vous pourriez désirer à ce commencement, pour Dieu, ma très-chère fille, gardez-vous d'en témoigner du dégoût, ni de l'ennui ; car tout à fait cela leur abattrait le courage, où au contraire il leur croîtra, voyant que vous êtes contente d'elles. [494]

Ne retranchez pas encore les caresses, mais dans peu de mois tâchez de le faire petit à petit, quoique non pas toutes, car j'entends qu'il ne faut retrancher que les superflues. — Prenez les soulagements selon que vous sentirez en avoir besoin, et ne rebutez pas celles qui vous pressent pour cela.

Puisque vous sentez tant de besoin de la sainte communion, et qu'elle vous fortifie à supporter la pesanteur de votre charge, jusqu'à ce que Notre-Seigneur vous donne d'autres secours intérieurs, et que vos travaux soient amoindris, prenez-la deux fois la semaine de plus, avec cette affection de vous remettre au train de la communauté, quand il plaira à Dieu, et de la préférer toujours à tout ce qui ne sera pas d'obéissance particulière.

Vous avez bien fait de mettre la table de la communauté selon nos coutumes ; certes, tout en va mieux quand l'on suit ce train-là. Il n'est pas croyable combien est utile le soin que les Supérieures témoignent avoir de la santé et soulagement des Sœurs. Ayez un grand support, et persévérez à gagner les cœurs, car c'est l'unique moyen de leur profiter. Vous gouvernez notre Sœur Marie-Aimée [de Morville] tout à fait selon mon gré, et comme il faut. Vous verrez cette âme-là bientôt s'avancer moyennant la divine grâce, et que d'elle-même elle se portera aux retranchements nécessaires ; mais [il faut] que vous continuiez à lui donner du contentement dedans la maison et de l'occupation ; surtout aidez-la à l'oraison, car c'est le grand ressort, et la laissez conseillère. Oui, vous la pouvez prendre pour coadjutrice, et lui témoigner en toutes occasions grande confiance. Certes, vous devez doucement lui faire affectionner la retraite des conversations séculières, et petit à petit les lui retrancher, quoiqu'il serait mieux que cela vînt d'elle ; le Saint-Esprit vous suggérera ce qui sera mieux. — Il ne sera que fort bon de mettre directrice notre Sœur A. -Thérèse, sous le prétexte des continuelles maladies de l'autre. Je vous ai déjà écrit pour l'assistante. J'ai répondu aussi, il me semble, que vous devez [495] faire trouver bon le retardement de cette bonne fille au Révérend Père recteur, quand ce ne serait que pour conserver le respect qui est dû aux résolutions qui se prennent judicieusement dans le monastère. Je vous ai déjà écrit qu'il faut gouverner vos filles, car nul ne les peut si bien connaître que vous, et conservez toutefois, comme vous savez que nous faisons et devons, Je respect et la confiance envers ces bons Pères. — Pourvu que l'incommodité de cette fille d'Auvergne ne soit point dangereuse, ou trop affreuse, je n'en ferais point de difficulté, et le Révérend Père recteur vous conseille bien en cela.

Non, je vous assure, ma très-chère fille, je ne trouve pas bon que les Sœurs aient tant d'écrits à la fois en leur particulier. Nous permettons le Directoire à celles qui le désirent ; pour les Entretiens, on les prend dans la chambre des assemblées, mais il les y faut rapporter le jour même. Il faut retrancher cette démangeaison de savoir aux filles, car il faut peu parler, peu penser, peu désirer, et beaucoup faire pour acquérir la vraie perfection. — Il n'est point requis que les licences soient signées ; il faut suivre le Coutumier, s'entend il faut avoir une licence générale pour les entrées des provisions, des Sœurs tourières et occasions pressantes et imprévues ; et pour les autres entrées, la demander : par exemple, si une Sœur tombe malade, il la faut pour la première entrée du médecin, et c'est pour toute la maladie. De même pour les ouvriers, lesquels travaillent dans la maison, par l'ordonnance de la Supérieure, il n'est pas requis d'aller toujours demander si on leur ouvrira. Non, de par Dieu, ma très-chère fille, il ne faut point s'assujettir à demander l'avis du Révérend Père en ces petites occasions ; gouvernez selon votre Règle et Institut, et comme vous avez vu faire en esprit de sainte liberté, et prenez aussi conseil en choses importantes.

Je connais bien la pauvre Sœur travaillée ; certes, elle est digne de grande compassion ; elle a le courage petit, si j'ai [496] mémoire, et cela lui nuit fort. Donnez-lui un Directoire où soient aussi écrits le Pater, Ave et Credo, et lui ordonnez de le lire tous les jours, et de tâcher de faire ses exercices. Il la faut grandement conforter, occuper et tenir en assurance d'être aimée de Dieu. Faites-lui faire force oraisons jaculatoires, quoique sans goût et avec violence, et que l'on prie fort pour elle. Dieu la soulagera au jour que sa Providence a marqué pour sa consolation ; donnez-lui tout le courage que vous pourrez. La Sœur N*** me déplaît bien plus dans son opiniâtreté ; je n'y ai rien su gagner.

Certes, ma très-chère fille, j'appréhende fort la conversation de madame de Chazeron avec notre Sœur M. -Aimée ; je prie notre Sœur la Supérieure de Riom de détourner ce coup, s'il se peut ; et vous devez tâcher de faire connaître à notre Sœur M. A. le préjudice qui lui arrivera de cela. Surtout, au moins, qu'elle [madame de Chazeron] ne couche point dans le monastère. Oh ! ma très-chère fille, Dieu vous donnera lumière pour tout. Demeurez bien dans le sein de sa Providence, et toute nue et dénuée de fout ce qui n'est point Dieu. Conservez précieusement la tendresse de cœur envers vos filles, c'est un nouveau don de Dieu. Conservez aussi l'assurance de cette vérité, que mon âme chérit la vôtre très-parfaitement, et que Dieu vous a placée bien intimement dans mon cœur qui est tout vôtre. Je n'ai loisir d'écrire davantage, mais assurez-vous que je ne me lasserai point de vous servir. Ne faites pas encore savoir à nos Sœurs de Grenoble et de Rumilly ce que vous vîtes à Moulins.

Adieu, ma vraie très-chère fille. Jésus soit notre tout, et soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [497]

LETTRE DCLXV - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE MORVILLE

À MOULINS

Il est impossible de goûter à la fois les joies du monde et les consolations célestes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Je ne puis m'empêcher, ma chère fille, de vous témoigner la grande consolation que je ressens des nouvelles que notre chère Sœur de Bressand, votre bonne Mère, m'écrit de votre cœur, qui, en vérité, est fait pour Dieu et non pour le monde. Persévérez fidèlement en votre sainte entreprise ; ne perdez point l'occasion que sa Providence vous met en main. Si vous me croyez, vous vous retirerez de celles qui vous en peuvent détourner, comme sont les conversations fréquentes avec les séculiers : c'est chose impossible de jouir des contentements du monde et des solides consolations du ciel. Oh ! ma fille, je vous conjure, au nom de Dieu, d'avancer votre âme à la recherche des souveraines délices, et de quitter tout pour cela, ou, pour mieux dire, quitter le vrai néant pour posséder Celui qui seul est l'Être souverain. Gardez-vous bien de retourner en arrière, je vous en conjure, et prie Dieu de vous tenir en sa sainte main, et vous maintenir dans la ferveur où vous paraissez être.

Conforme à une copie gardée à la Visitation de Nevers. [498]

LETTRE DCLXVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

La tiédeur est la peste des communautés ; comment la combattre.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Mon Dieu ! oh ! que de consolation je reçois de vous voir si zélée au bien et avancement spirituel de votre chère maison ! Ne vous fâchez point de voir vos filles un peu lâches, quoique ce soit un des plus dangereux maux qui puissent arriver à une âme qui vit en Religion ; je dis toujours que c'est la peste des monastères. Si vous me croyez pourtant, vous ne leur témoignerez guère que ce mal vous déplaît en elles ; mais je pense qu'il profitera plus de leur témoigner du contentement en les encourageant, et les pousser avec amour et témoignage de la bonne espérance que vous avez de leur avancement ; car, si elles vous voient ennuyée de leur petit et lâche train, et que vous leur en parliez souvent, sans doute elles tomberont en découragement et en des ennuis qui les rendraient encore plus lâches. Enfin, comme vous dites, ma très-chère fille, si Dieu n'excite lui-même, votre travail ne servira de guère, et il faut que, faisant doucement ce que nous pouvons, nous ayons patience, et tenions les esprits le plus gais et contents que nous pourrons. J'espère que les filles du Comté apporteront de la ferveur aux autres.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [499]

LETTRE DCLXVII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE. DU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Ne point chercher d'autres moyens d'union que ceux établis par saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 25 octobre 1625.

Ma très-chère fille,

Voilà donc votre fondation de Chartres arrêtée.[145] Je crois, certes, que vous ferez très-bien d'y envoyer notre Sœur F. -Marguerite [Patin] ; les autres se feront. Cependant, si vous jugez que ces bonnes Sœurs qui désirent d'y aller y puissent profiter à elles-mêmes, et ne pas nuire aux autres, il sera bon d'y envoyer l'une seulement, et en cela je ne puis dire autre chose. Je crois que si vous parlez à cœur ouvert de la petite Sœur H. M. au Révérend Père Binet, qu'il n'en sera que mieux, et croyez que ce serait le profit de cette fille-là ; je l'estime très-humblement.

Ma Sœur la Supérieure de Dijon m'écrit que ce bon Père est résolu de recommencer de me poursuivre pour ces moyens d'union ; certes, je voudrais bien qu'il ne m'en parlât plus ; car enfin c'est peine perdue. Dieu nous fasse la grâce de bien conserver celui que notre Bienheureux Père nous a recommandé ; pour moi, je le trouve unique et seul suffisant pour conserver l'union entre nous et avec Dieu. Je supplie sa douce Bonté que nous ne pensions plus qu'à faire ce qu'il nous a laissé et conservé, surtout notre esprit de simplicité, de douceur et d'amour à la bassesse, à l'abjection et petitesse. Quand l'on voudra imprimer le Coutumier, j'éclaircirai ce qui est obscur, selon notre mémoire. [500] Notre pauvre Sœur M. M. a raison ; et il est vrai, ma très-chère fille, si elle ne profite avec vous, elle ne fera pas avec une autre ; qu'elle demeure en paix.

Si je croyais encore Mgr de Langres à Paris, je lui écrirais. Mon Dieu ! que j'honore ce digne prélat ! La dernière lettre dont il m'a honorée m'entra bien avant dans le cœur ; à l'aventure, s'il est là, je lui fais humble révérence, avec sincère dilection et respect d'une vraie fille envers un très-bon et très-honoré père. J'ai ardent désir de le voir, et aussi Mgr de Châlon ; s'il est là, je le salue aussi très-humblement. Nous sommes ici en attente de notre bon Mgr de Bourges, que Dieu, par sa bonté, veuille ramener heureusement. Après nos renouvellements, vous aurez plus amplement de nos nouvelles ; maintenant je suis fort pressée. Bonjour, ma fille, ma très-chèrement et très-aimée fille ; [soyons] unies toujours dans le saint abaissement et anéantissement de nous-mêmes. Je salue nos chers amis et amies que je voudrais tous nommer, mais il ne se peut, au moins M. Vincent, madame de Villeneuve, nos chères Sœurs et notre petite Sœur H. avec toutes les autres.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DCLXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Elle doit retrancher toute curiosité et désir de voir sa communauté exceller par-dessus les autres. — Conseils pour l'âme attirée à la simplicité. — Corriger les esprits indociles. — Il est bon de recevoir des postulantes dans la prévision de nouvelles fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 23 octobre 1625.

Vous aurez, je m'en assure, ma très-chère fille, reçu maintenant plusieurs de nos lettres, même par un homme que nous [501] croyions qui allait exprès ; mais je pense qu'il nous a un peu déçues ; au fort, il n'avait pas six florins de notre argent.

Le désir d'être tout à Dieu comprend toutes sortes de biens, s'il est entier et véritable, comme je sais qu'est le vôtre, ma très-chère fille, et par ainsi vous n'êtes pas si destituée que vous le dites. Vous n'êtes nullement aussi privée des lumières nécessaires ; car vous avez fort bien vu vos imperfections, et les marquez excellemment. Mais ne voulez-vous pas bien que je vous dise ce qui m'est venu en vue sur ce sujet ? c'est qu'il me semble que, sons l'ardeur que vous avez au bien, vous vous rendez trop curieuse de savoir beaucoup de choses de ce qui se passe aux maisons, aux Sœurs ; vous vous enquérez trop jusqu'à être pressante ; ce sont les propres termes d'une personne que vous avez examinée sur ce sujet. Oh ! ma très-chère fille, il y a longtemps que j'avais remarqué cela, et crois vous l'avoir dit souvent, mais non pas sérieusement pour vous en faire corriger : voilà ce que j'ajoute à votre examen que je trouve quasi semblable au mien, hors que j'ai plus grand nombre de manquements.

Or sus, ma très-chère fille, il nous faut avoir un grand courage pour nous amender, et contenter Notre-Seigneur ; car c'est la vérité que la grâce en tout opère suavement, quoique efficacement. C'est elle qui vous anime et donne les premiers mouvements, mais sans doute votre nature s'y mêle, laquelle est ardente, pressante et assez âpre ; c'est un bon exercice que de diviniser tout cela. — Ne remarquez-vous point encore en vous un certain petit appétit que votre famille excelle par-dessus les autres ? examinez, et s'il est vrai, mortifiez-le, car il est de la nature : voilà, ma très-chère fille, ce qui m'est venu en vue, et que vous devez faire votre gouvernement avec un surcroît de douceur et suavité nonpareille. Je ne sais, ma très-chère fille, comment accorder ce que vous me dites, que vous êtes sans goût, sans lumière ni [502] sentiment, avec cette douceur et facile abord que vous avez avec Notre-Seigneur, accompagné d'une confiance tout enfantine, et avec cela tant de purs désirs pour Dieu, et ressentiments de ses bénéfices et de votre vocation, accompagnés d'un amour et estime si grands ; car il est impossible, ma fille, d'avoir cela sans lumière très-grande et sans un goût qui n'a point de goût, mais qui surpasse en sa suavité, efficacité, et en ses effets, toutes sortes de goûts sensibles ; et c'est un don précieux, et une grâce que la divine Bonté a répandue en la partie intellectuelle ou suprême de votre âme ; jouissez-en avec humilité, sans l'examiner. Dites-moi, ma fille, n'avez-vous point ces mêmes grâces au temps de l'oraison, je veux dire cet accès facile et doux auprès de Notre-Seigneur, et cette confiance enfantine ? et les paroles que vous me marquez dans votre lettre, les dites-vous attirée de Dieu, ou si vous les excitez et prononcez sans goût et comme par force ? ce que je ne voudrais pas ; car cela ne se ferait que pour se donner quelque satisfaction à soi-même. Que si vous les dites, au moins que ce soit fort suavement et doucement, comme les distillant dans le Cœur de Notre-Seigneur, ainsi que le disait notre Bienheureux Père.

Ce m'est une consolation de parler avec vous, je le fais longuement comme si rien ne me pressait ; encore que je sois en ma solitude, je n'y manque pas d'affaires. Dieu convertisse tout à sa gloire ! Vos filles qui m'écrivent sont bonnes, et la Sœur À, F. [Bourgeat] est une âme rare ; il lui faut donner une grande générosité. Si elle a bon jugement et discrétion, elle fera un jour une excellente Supérieure. Je leur réponds courtement, car enfin, ma fille, je n'ai pas le loisir de bien rendre mon devoir à nos pauvres Sœurs de céans, ni à ma propre âme. Croyez que j'attends de bon cœur le secours de notre Sœur Péronne-Marie [de Châtel].

J'admire la suffisante réponse de cette bonne Sœur et son audace en la désobéissance. Bon Dieu ! ma fille, que je suis [503] aise de ce que vous fûtes si retenue et si avisée en cette action-là ! J'en bénis Dieu et approuve infiniment votre conduite en tout cela. Oui, bon Dieu ! cette pauvre chère Sœur veut-elle ainsi persévérer et nourrir son orgueil ? véritablement, elle est digne de grande compassion. Je veux espérer de la bonté de Notre-Seigneur qu'elle aura reconnu sa faute et demandé pardon ; si elle ne l'a pas fait, parce que c'est une désobéissance formelle, vous êtes obligée à lui donner pénitence. De l'envoyer à Saint-Étienne, vraiment, ma fille, ce n'est pas nullement mon sentiment, pour la raison qu'elle avance, que notre Bienheureux Père a dit qu'elle ressemblait à la Supérieure de là ; il ne faut pas assembler de tels esprits. Quand vous enverrez prendre la petite Sœur M. -Françoise, envoyez quelque fille solide, s'il est requis. — Je suis fort aise que notre chère Sœur [Marie-Élisabeth] Guérard prenne à cœur l'exercice des vraies vertus. Si elle parvient à la sainte humilité, elle sera une brave fille.

Vu le grand nombre de fondations que je prévois qu'il nous faudra faire, je trouve fort bon que votre famille grossisse, surtout pendant votre régence, et cela fait grand bien qu'elles aient du loisir pour se bien former avant que de les mettre dehors du monastère. À qui tient que la fondation de Belleville ne se fait pas ? — Nous envoyâmes tout plein de bonnes filles à Rumilly, et avons toujours prou de prétendantes ; nos Sœurs sont grandement bonnes, suaves et gracieuses, et certes toutes désireuses du vrai bien. — Je ne sais si vous avez reçu celle que je vous écrivis partant de Chambéry, où je vous priais de ne pas mettre dans les Épîtres ce point qui regarde les Révérends Pères Jésuites, car enfin il a trouvé bon qu'il fut aux Entretiens. J'ai bien répondu à toutes vos lettres. Notre Sœur retournée de Dijon sera une sage et utile fille, si elle entreprend tout de bon sa perfection. J'écris trop ; voyez quelle solitude ! Priez pour celle que Dieu a rendue votre très-unique. Qu'il soit béni ! [504]

 [P. S.] Je suis en peine de notre très-cher Mgr de Bourges. Faites plier et cacheter dans du papier en forme de paquet la lettre que j'écris à madame de Nemours. N'avez-vous pas reçu un billet avec notre dernier paquet, qui vous parlait de couvertes et de futaine ? Envoyez les lettres de Paris par la poste. Ma très-chère fille, sans la commodité de notre solitude, je n'eusse tant su écrire, car il faut rendre mon devoir à nos Sœurs d'ici.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXIX - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Conduite à tenir envers la Sœur de Morville et quelques autres Religieuses, — Prescriptions du Coutumier au sujet des jeunes filles. — De la clôture. — Divers avis pour la Supérieure ; respect qui lui est dû.

VIVE. † JÉSUS !

[Annecy], 25 octobre [1625.]

Ma très-chère fille,

Je suis fort aise que tout se soit passé comme vous me mandez pour le regard des officières. Quant à ma Sœur N., il la faut doucement supporter, car les grandes et continuelles humiliations éprouvent les âmes les plus élevées. Enfin, ma chère fille, il faut que vous ayez une patience de longue haleine pour servir Dieu et les âmes qu'il vous a commises ; puisqu'il y a tant de bons désirs, j'espère qu'ils seront suivis des [œuvres]. Quant à ma Sœur M. -Aimée, ne touchez rien en son corps[146] ; mais cultivez seulement son esprit, ne la pressez point trop. Traitez-la avec suavité, support et cordialité, ayant soin de la faire soulager, [505] de lui faire donner ce qui lui sera nécessaire, et vous verrez qu'elle reviendra à elle et profitera plus par cette voie que par nulle autre. Voici un extrait de ce que je lui mande dans celle que je lui écris, mais prenez garde qu'il ne soit pas vu ni lu par elle :

« O ma fille, que vous serez heureuse si vous faites ainsi : car en vérité je ne désire rien de vous qui ne soit doux, et tout à fait nécessaire pour vous rendre agréable à la divine Bonté, à laquelle vous êtes tant obligée, et qui vous fait l'honneur de vous désirer toute unie à sa sainte volonté. Voici ma pensée et mon souhait sur vous : — 1° que pour l'extérieur vous conformiez tout à fait votre habit aux nôtres, tant de jour que de nuit, et que vous affectionniez la pratique du chapitre de la Modestie ; ce point est important pour la bonne édification et la gloire de Dieu en nous ; — 2° qu'il ne l'est pas moins, à cause de la grande facilité de votre esprit, que vous retranchiez les conversations avec les séculiers, tant qu'il se pourra ; et celles qui sont raisonnables, qu'elles soient courtes, comme de demi-heure ou une heure au plus. De même, retranchez les grandes écritures aux gens du monde, et même aux parents et plus chers amis ; que de bien vous apportera la pratique de ce point ! — 3° Suivre fidèlement les exercices de la communauté autant que la santé le pourra permettre, et se rendre vigoureuse pour cela ; je n'entends pas que l'on se lève si matin ; — 4° être grandement sincère en tout, grand et cordial respect avec une amoureuse soumission à la bonne Mère, une douceur bonteuse[147] et suave avec les Sœurs, et une attention aux documents des Règles et Constitutions pour les observer. »

Or sus, quant à la fille de M. M., il faut faire tout ce qu'on pourra pour la rendre digne de son bonheur ; car certes, nous sommes extrêmement obligées à ce bon monsieur, et je désirerais [506] bien son contentement. Néanmoins, si elle n'est pas propre pour nous, et que ce ne soit pas son désir d'être Religieuse, il faut employer le Révérend Père recteur et le Père Lambert, afin qu'ils fassent entendre tout doucement à ce dit monsieur comme cette bonne Sœur, sa fille, n'a point d'inclination à la Religion, et qu'ils le disposent à la retirer ; mais il faut faire cela bien prudemment, d'autant que nous lui sommes véritablement obligées. — Pour les jeunes filles, vous avez votre Coutumier qui vous règle en cela. Il se faut tenir là, et ne se pas dispenser de les recevoir qu'elles n'aient l'âge de douze ou onze ans, sinon que ce fût en quelques occasions bien signalées et de grande considération. — Pour madame de Chazeron, il ne la faut pas accoutumer de faire entrer personne avec elle dans le monastère. Je ne désire nullement qu'on ouvre cette porte. Le pouvoir ne s'étend que pour elle seule, comme vous verrez en son contrat, de sorte que vous avez fait prudemment de divertir cela. — Il sera bon de faire porter une robe plissée à la sœur de notre Sœur la Supérieure de Riom, et de la rendre conforme aux autres en ce qu'on pourra bonnement, comme aussi de l'assister et consoler avec amour et charité.

Non, ma chère fille, il ne faut pas suivre l'inclination de M. N., en ce qui regarde la sépulture des Sœurs, mais se tenir fermement à la Règle et aux coutumes établies, et le lui faut doucement faire entendre, et ne se point mettre en peine de son mécontentement et de ses censures. — Il n'est pas besoin, ma chère fille, que vous parliez à votre coadjutrice, lorsque vous aurez nécessité de prendre quelques soulagements ; mais vous vous pouvez dispenser selon les affaires et le besoin que vous aurez de vous soulager, car ce que la Constitution veut dire, c'est comme par exemple, si la Supérieure ne pouvait pas aller à Matines, ou se lever le matin trois ou quatre mois durant ; alors il faudrait qu'elle en parlât à sa coadjutrice, mais non pas pour une fois ou deux par-ci par-là. [507]

Quant à ma Sœur N., c'est une âme si bonne et si pure que je ne doute point que Dieu ne la favorise beaucoup. Il lui faut bien dire de ne point seconder ces choses-là, ni de ne point réfléchir pour regarder ce que c'est, mais qu'elle se laisse aller doucement et simplement entre les mains de Notre-Seigneur, se laissant conduire à son bon plaisir, et qu'elle s'attache fortement à l'obéissance. Donnez-lui quelques occupations et quelque chose à faire pour la divertir, et prenez garde qu'elle mange et dorme bien, surtout qu'elle s'empêche de voir ce qui se passe en elle, et ce qui lui arrive, car cela est dangereux et sert de grand obstacle en ce chemin. Qu'elle se simplifie et dénue grandement de son propre intérêt et de ses suavités pour ne s'arrêter qu'en Dieu seul. Ma Sœur Marie est très-bonne fille, il la faut supporter, et gagner son cœur par cordialité et amour ; donnez-lui quelque petite charge.

Ceci était écrit quand je reçus vos dernières lettres, et pour achever de répondre à la précédente, il me semble, surtout encore à ce commencement, que vous devez prendre l'avis du Révérend Père recteur pour les affaires où vous avez besoin de conseil ; mais pour ce qui regarde votre intérieur et particulier, vous en pourriez parler au Père Lambert. — Personne ne voit les lettres que nos Sœurs m'écrivent que moi-même ; c'est pourquoi, à cause que j'ai fort peu de temps pour la quantité d'affaires et de charges que j'ai, je vous prie, ma très-chère fille, ne répétez point ce que vous m'aurez dit une fois, car assurément je répondrai tôt ou tard. — Le Révérend Père Cotton a raison de n'approuver pas le rire éclatant de notre Sœur N. L'esprit de Dieu n'opère pas des légèretés. C'est un grand homme et capable en la spiritualité que ce Père-là.

Assurément, ma très-chère fille, Dieu vous donnera la lumière nécessaire pour la conduite des âmes qu'il vous a coin-mises, mais ne laissez pourtant de l'appuyer de conseil, quand vous le pouvez avoir aux choses importantes, car cela est le [508] plus sûr, et Dieu agrée cette humilité. Ne faites point d'état de cette représentation qui est autour de votre esprit ; à mon avis, cela ne procède que de la grande attention et affection que vous avez sur cette âme. Alentissez doucement les sentiments que vous connaissez être trop actifs et pressants, afin que votre exercice de charité autour d'elle soit aussi pur en effet qu'est votre intention. Il nous faut toujours tenir sur nos gardes, afin que la nature ne nous dérobe rien. Je suis contrainte de vous répondre courtement, mais je n'oublierai rien de nécessaire ni d'utile. Toutes ces vues simples, ces dénûments et simplicité de confiance, tout cela est de Dieu et très-précieux ; il ne faut qu'être fidèle, et vous verrez combien de bénédictions Notre-Seigneur donnera à votre travail.

Non, ma fille, ne recevez point de soulagement sans nécessité, mais quand il sera requis, faites-le franchement, comme vous le feriez faire à une autre. Faites aussi votre cellule tandis que vous aurez la force ; demi bon quart d'heure suffit à cela. Ces actions extérieures édifient, et il est bon de les faire tant que l'on peut ; j'excepte certaines occasions pressantes qui vous en doivent excuser. — Encore que ce soit à votre personne que le respect soit dû, il ne faut pas pourtant en laisser négliger la pratique. Faites que quelque Sœur des plus sages et confidentes en fasse les avertissements. Notre Sœur A. T. peut en parler utilement en votre absence des assemblées, et par ce moyen corriger ce défaut. Il est temps de corriger les fautes contre l'observance, et faut petit à petit les rendre exactes à tout. Vous pouvez laisser notre Sœur Marie-Aimée coadjutrice. — Faites fort soulager la petite Dubuysson ; faites-la plus dormir et manger que la communauté. Ayez un soin spécial de conforter l'esprit de notre Sœur N., en ces commencements. Si la Sœur M. C. prend cœur, ce sera une brave fille. — Pour ces tressaillements, souffrez-les et tâchez toutefois d'accoutumer votre esprit à ne s'étonner et laisser surprendre de rien. En toute [509] occasion, demeurez tranquille intérieurement et extérieurement.

Je viens au principal point : mon Dieu, ma très-chère fille, que voilà un bon commencement pour guérir cette pauvre âme ! je n'ai pas la capacité de discerner la valeur ou [la] nullité de ses vœux ; je pense toutefois que devant Dieu ils sont nuls ; mais devant les hommes, à mon avis, ils auront force ; autrement, rien ne serait assuré en ce monde. Mais je n'en détermine pas, n'en étant capable. Que faire là-dessus ? Certes, ma très-chère fille, il faut qu'elle confère avec quelque Père capable ; le Père Lambert la peut servir en cela. Je crois qu'il faut commencer par une retraite, en laquelle, tant qu'il lui sera possible, elle tâchera de ressentir ce que Dieu désire d'elle. Qui est-ce qui osera, et qui a le pouvoir de les lui faire faire ? Il sera bon toutefois qu'elle reconfirme au moins celui de chasteté en particulier, mais les deux autres, la pratique en est trop grande pour lui commander de les embrasser. Il faut que Notre-Seigneur lui-même le lui commande, et qu'elle, d'elle-même, se détermine, en quoi véritablement elle serait heureuse, et [je] pense que cette pauvre âme n'aura jamais vrai repos qu'en cela. Toutefois, il ne la faut nullement presser ; toute l'importance gît à ce qu'elle porte les marques de professe, et partant elle est obligée de vivre extérieurement selon cela pour la gloire de Dieu et l'édification du prochain. Pour l'éclaircissement qu'elle désire en l'obligation de ses deux vœux, elle le doit apprendre du Père qui la confessera ; que si elle se résout de les faire, je voudrais (en cas qu'elle ne se trouve pas absolument déterminée), qu'elle les fit pour six mois ou du moins conditionnels, selon que vous et elle, avec l'avis du Père, trouverez nécessaires, ainsi que pour les exceptions dont elle pensera avoir besoin. Je trouverais bon que toutes les conférences qui se feront avec ce Père se fassent sous le sceau de la sainte confession, et que tout ceci soit tenu plus que [510] secret. Partant, il faudra qu'elle fasse ses vœux, si elle les fait, en la seule présence du Père et de vous, elle les reconfirmera à l'accoutumée selon l'extérieur, mais avec intention conforme.

Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous puis dire sur ce sujet, et je crois, au moins j'espère fermement, que cette chère âme se liera étroitement avec son Dieu, mais non pas sans quelque exception à ce commencement. Enfin, il faut que ce soit Notre-Seigneur qui fasse ce coup, j'en supplie sa divine Bonté, et de conduire le tout à sa gloire et au profit spirituel de cette chère âme. Conduisez-la fort doucement, sans la presser nullement pour les exercices, sinon tout bellement. Je ne lui répéterai pas ce que je vous ai dit, car je n'ai le loisir. Je lui écrirai courtement, la lettre ci-jointe servira, car je ne puis désirer d'elle une grande exactitude ; pourvu que le cœur soit franc vers Notre-Seigneur et vers vous, et l'extérieur réglé, je me contenterai. Bonjour, ma très-chère fille ; mon âme chérit la vôtre intimement. Priez pour nous ; nous ferons la neuvaine de bon cœur, car j'ai grand désir du salut de cette chère âme.

[P. S.] Si la petite Dubuysson est en sa douzième année, ne doutez de la recevoir ; ces enfants-là sont des gens de bien.

Je vous prie, ne pressez pas notre Sœur M. A. par des témoignages trop ardents de l'amour et désir que vous avez de son bien, car cela presse fort.

Ma très-chère fille, si vous avez de la laine cardée et prête à filer, envoyez-nous-en quatre livres, car je ne puis plus rien faire que filer ; mais faites-la bien envelopper, afin qu'elle ne soit mouillée, s'il pleuvait en l'apportant. Mandez-nous ce qu'elle vaut la livre, et nous enverrons l'argent.

Conforme à une copie de l'Original gardé à la Visitation de Voiron. [511]

LETTRE DCLXX (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Entrée de mademoiselle de la Roche au monastère de Chambéry. — La Sainte est disposée à faire un voyage en France.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 25 octobre [1625].

Quelqu'un m'aura-t-il devancée à vous dire l'agréable nouvelle de la réception de notre chère petite Sœur Philiberte en notre maison de Chambéry[148] ? Certes, ma très-chère fille, si je ne suis fort trompée, cette âme réussira grandement bien au service de Notre-Seigneur. De vous dire comme nous la mîmes dedans, de vrai, je n'ai pas le loisir, non plus que de vous mander de nos nouvelles : ce sera par la main d'une autre, d'ici à quelque temps, car les solitudes me donnent un juste devoir d'employer mon temps autour de nos chères Sœurs qui sont certes fort bonnes. Dieu veuille bénir les prières que l'on fait pour votre guérison, le miracle m'en serait grandement à cœur. [Trois lignes coupées.]

Je ne doute nullement que notre Bienheureux Père n'assiste votre chère famille et ne lui impètre beaucoup de grâces spirituelles. Je le supplie de tout mon cœur pour la guérison de cette bonne Sœur si vertueuse. Que si le mal est tel qu'on le soupçonne, j'espère qu'il ne nuira point aux autres, et n'en faut laisser prendre nulle appréhension, ni permettre même que les Sœurs le sachent. — Vous auriez eu grand tort, ma très-chère fille, si vous ne m'eussiez dit ce que vous avez remarqué en cette chère Supérieure ; votre cœur, à mon avis, ne l'eût su souffrir. Or, il est [vrai] que le naturel agit un peu ; mais, si, [512] m'a-t-on assuré de bonne part qu'il y avait grand amendement, et je vous assure qu'il ne se fait rien d'important dans son monastère qu'avec mon avis, auquel sans réserve l'on se rapporte ; c'est pour vous dire que les effets sont meilleurs que les paroles. Je ne sais que vous dire sur cette grande affection et nécessité que vous jugez de notre présence dans ce monastère-là et aux autres ; je vous assure qu'elle m'en a aussi fort persuadée, mais il faut voir un peu plus clairement si cela est le dessein de Notre-Seigneur ; car si sa Bonté le veut, Il l'inspirera à mon Supérieur, et moi, j'obéirai, moyennant la divine miséricorde. Nous avons fait faire les neuvaines ; une autre fois vous aurez plus amples nouvelles. Ma très-chère fille, je vous prie, faites pour votre santé tout ce qu'il se pourra. — Priez pour celle qui vous aime comme sa vraie très-chère fille, et qui vous souhaite le comble de toutes grâces et à toutes nos chères Sœurs. Je les salue et madame de Châtillon.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE DCLXXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Encouragement à la pratique de la douceur et de l'humilité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma pauvre très-chère fille, il faut que je vous dise la vérité : j'ai un peu de soin de votre cœur, parce que je l'aime comme le temple où notre bon Dieu veut éternellement régner, et il me semble qu'il y avait je ne sais quoi qui vous faisait de la peine. C'est pourquoi je ne peux m'empêcher de le saluer [513] très-cordialement et vous conjurer, ma très-chère Sœur, de le traiter doucement.

Croyez-moi, ma fille, embrassez amoureusement la pratique de la très-sainte humilité, simplicité et douceur, et vous verrez combien la divine Bonté vous fera de grâces ; et surtout la sainte force vous sera donnée, n'en doutez point, ma fille ; et m'aimez toujours bien, puisque je vous chéris si parfaitement et suis toute vôtre en notre doux Sauveur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Pignerol.

LETTRE DCLXXII - À LA MÈRE FRANÇOISE-JÉRONYME DE VILLETTE

SUPÉRIEURE À SAINT-ÉTIENNE

Prière de modérer son zèle trop austère et de gouverner selon l'esprit de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1625.

Ma très-chère fille,

Au nom de ce divin Sauveur, nous vous supplions et conjurons de faire votre gouvernement selon l'esprit du Sauveur et de notre vocation, qui est humble, doux, supportant, bienfaisant à tous ; et pour faire cela, ma très-chère fille, il ne faut pas agir selon la force de votre esprit naturel, ni selon vos inclinations qui sont portées à l'austérité. Nous désirons donc de vous, ma très-chère fille, et sans plus de remise s'il vous plaît, que vous abondiez en douceur d'esprit, de paroles et d'actions, et que vous traitiez votre corps et ceux de vos Sœurs mieux que vous n'avez accoutumé. Quand vous aurez mis du pain à la maison, et qu'elles n'auront point de dents pour le mâcher ni d'estomac pour le digérer, de quoi leur servira-t-il ? Enfin, ma fille, sans plus de remise, je vous conjure derechef que nous n'entendions plus ces discours que l'on fait de votre rudesse et [514] sévérité envers vos Sœurs et envers vous-même, qui certes vous gâteraient et l'esprit et le corps, si tout absolument vous ne faites avec une humble soumission ce que nous vous disons et prions au nom de Dieu, et de notre Bienheureux Père qui a tant craint telle rigueur en son Institut qu'il a fait pour les infirmes, et où il a désiré et recommandé partout que l'esprit d'humilité et douceur y règne.

Ma fille, l'amour fout cordial que je vous porte me fait parler à vous de cette sorte, me confiant que vous ne mépriserez point nos prières et humbles remontrances, qui vous sont faites devant Dieu et de sa part. Je le supplie qu'il vous fasse à toutes accomplir ce que je vous dis, étant de cœur toute vôtre, et saluant toutes nos Sœurs je me recommande à leurs prières, mais je les en prie !

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron.

LETTRE DCLXXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Rappel de la Mère P. M. de Châtel à Annecy. — Avantages des souffrances. — Le support des faiblesses d'autrui est la vertu dés Saints. — Éloge de la Sœur F. A. Brung. — Nouvelles de l'archevêque de Bourges.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 27 octobre [1625].

Il est vrai, ma pauvre très-chère fille, au moins il me le semble, que je suis surchargée ; aussi avons-nous résolu de tirer ma Sœur Péronne-Marie[149] pour nous aider à porter le faix, puisqu'elle se trouve justement dégagée ; car, pour vous dire, ma [515] vraie fille, je n'ai pas le loisir de rendre mon devoir à nos pauvres Sœurs de céans, qui sont si bonnes filles, tant je suis tirée d'ailleurs ; mais je m'y veux employer sérieusement, Dieu aidant, afin qu'elles fassent bien leurs revues. Elles s'y prennent de bon biais, et j'espère de les voir fort s'avancer, moyennant la grâce divine. Oh Dieu ! que je le désire, ma très-chère fille ! C'est en ma solitude où je vous écris, et n'y ai quasi cessé d'écrire, afin qu'après je sois libre pour nos Sœurs.

Oh ! ma fille, de quel malheur n'est point capable une âme qui se tient à couvert ! mais, Dieu soit loué ! que l'apostème soit crevé et purgé. Ce bon Père dit vrai, ma fille, il ne faut regarder qu'à ce qu'elle fera dorénavant. Dieu, par sa douce bonté, la fortifie au bien ; et vous, ma vraie très-chère fille, à persévérer à tenir votre âme très-chère et très-aimable en cette nudité de tout ce qui n'est point Dieu. Oh ! que cet état est désirable et précieux devant Dieu, et que les occasions de souffrances, quelles qu'elles soient, nous doivent être chères ! Ç'a toujours été votre voie, ma très-chère fille, et en cela on voit la marque assurée de la spéciale [protection] de la Providence sur vous. Tenons-nous toujours sans aucune réserve abandonnées à son soin, et à cet amour éternel qu'il a pour nous. Ma très-chère fille, que mon âme chérit très-uniquement et incomparablement, croissez, croissez chaque jour en vraie humilité, douceur, patience et support de la faiblesse de ces pauvres petites âmes toutes tendres ; ce support infini, ma très-chère fille, est la vraie vertu des Saints. Et plut à Dieu que notre Sœur N. fût au nombre de ces petites ; mais elle l'est seulement en esprit. Certes, ma très-chère fille, je ne sais que vous dire d'elle ; car, si l'on condescend à lui laisser la sacristie, elle s'enflera, pensant qu'on le fait par crainte d'elle. Autrefois, elle aimait la lingerie ; car, d'être assistante, il ne le faut nullement. Que faire donc ? certes, ma fille, ce que Dieu vous inspirera, avec le sentiment de vos coadjutrices. [516]

Oh ! que vous avez de sujet de louer Dieu d'avoir de si bonnes filles ! Récréez bien votre esprit et le délassez avec elles de ces travaux que ces esprits mal faits vous donnent. Notre Sœur N. est un exemplaire de vertu, mais sans talent de gouvernement. Mais pourquoi donc, me direz-vous, la mettez-vous en charge ? Parce qu'il faut que je fasse ainsi. Non-seulement je trouve bon que vous mettiez ma Sœur F. -Augustine [Brung] directrice,[150] mais je le juge utile et nécessaire, et ne doute nullement que Dieu ne bénisse son travail, et qu'elle ne fasse très-bien, surtout y étant conduite de vous. C'est une âme, laquelle, en la première connaissance que Dieu m'en donna, sa Bonté la mit au milieu de mon cœur, et je ne saurais me la représenter sans tendresse, car j'aimais fort sa présence. C'est un intérieur des plus aimables et désirables que j'aie connus ; je prie Dieu de lui. accroître ses grâces, je crois qu'elle y a beaucoup de dispositions.

Je salue très-chèrement ma très-chère Sœur de Vigny, M. et madame de Villars, le cher cousin, et toutes nos très-aimées et chères Sœurs. Nous avons eu lettre de Mgr de Bourges dès Rome, où il a fait merveille de parler au Pape pour nous. Il y était arrivé en pleine santé, et m'écrivait qu'il avait obtenu du Saint-Père de retourner dans ses galères qui venaient prendre Mgr le légat, et qu'il [me] trouverait à Lyon où je serais, afin que s'il se pouvait, il me vît. Il croyait y être dès le 15 ou le 16 ; mais je n'en ai rien appris encore, cela me tient en peine ; je prie Dieu qu'il le tienne de sa sainte main. Il ne désire [517] nullement de retourner à la cour ; mais je le crains, quoique je le voie toujours plein des sentiments de Dieu. Prions fort pour lui.

Je vous dis en la présence de cette divine Bonté, qu'il me semble que vous ne fûtes jamais plus ni avec tant de sentiment la vraie très-unique fille de mon cœur, qui a, autant qu'il lui est permis, le désir de passer le reste de ses jours avec vous, afin de se fondre et anéantir tout avec le vôtre en son Dieu. Qu'il soit béni ! — Dédire ce que je sens pour votre très-bon Père Mgr de Langres, et ce que je lui suis en Dieu, c'est chose impossible. Jésus, notre Sauveur très-doux, comble son âme de son très-pur amour ! Je lui fais très-humble révérence.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCLXXIV (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Préparatifs pour le logement de deux Pères Jésuites. — Affaires.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, octobre 1625.]

Mon très-cher frère,

Je vous supplie de louer une chambre pour les deux Révérends Pères qui doivent aller à Évian.[151] Ils y seront pour le plus tard le 12 de novembre ; s'il vous plaît de leur préparer deux châlits à leur façon, deux matelas, deux couvertes et quatre linceuls. Mgr enverra par la première commodité ce qu'il faudra pour payer tout cela. — Je voudrais bien savoir, mon cher frère, si vous avez reçu une lettre que je vous ai écrite, par laquelle je vous mandais le désir que ma Sœur la [518] Supérieure de Chambéry a d'être aidée de vous en leurs affaires. M. Maurice a bien envie que vous veniez demeurer avec lui en la petite maison de Saint-Clair.

M. le chevalier Balbian nous a envoyé les parties du tabernacle de nos Sœurs de Lyon ; il compte quatre ducatons pour l'emballage de votre tabernacle, et huit pour le port du nôtre. Il me semble que vous les payâtes l'année passée. Je vous prie de vous en ressouvenir et nous faire savoir si vous les lui envoyâtes ; et, si cela est, si nous lui devons mander que cela est payé. Tenez main aussi, je vous en prie, à notre affaire de M. de Vallon et aux autres, s'il vous plaît. M. d'Hôtel m'a promis de faire jeter sur tout le pays les extraordinaires tailles du bien de M. Dufour, pourvu qu'on lui envoie bien au long le mémoire de ce que ce bien doit de tailles ordinaires, les paroisses, les biens et pièces sur quoi elles sont.

Vous savez que nous voici de retour de Chambéry, où nous avons été fort désirées, et de Rumilly, où nos Sœurs sont fort bien. Toutes vous saluent ; mais moi par-dessus toutes, qui suis de tout mon cœur toute vôtre et servante plus humble en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Monseigneur m'a dit qu'il vous écrirait pour vous prier de faire tenir prêt de quoi loger et coucher nos deux bons Pères de la mission d'Évian. Vous les aurez ce mois prochain, environ le 12. — Je désire bien que M. de Vallon nous paye. L'on nous veut bailler encore son autre sœur, qui est brave fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de- la Visitation d'Annecy. [519]

LETTRE DCLXXV - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Consolations et encouragements dans ses peines intérieures.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Plût à Dieu, ma très-chère fille, que j'eusse autant de moyen de vous consoler, comme j'y ai de l'affection ! mais notre bon Dieu le saura bien faire, et fortifiera votre cœur parmi toutes ses tribulations. Pour Dieu, n'ouvrez point la porte à toutes ces suggestions ; enfin, c'est le diable qui du moins veut tirer le trouble de votre cœur par toutes les tricheries qu'il vous suggère, et veut y amuser votre esprit. Ne répondez rien à tout cela, et demeurez ferme en la confiance de Celui qui très-assurément vous veut toute sienne, et [qui] ne manquerait de vous donner lumière si vous étiez en mauvais état ; mais, grâce à sa Bonté, vous êtes à couvert de ce côté-là, et une âme qui sent qu'elle aimerait mieux mourir que d'offenser Dieu mortellement, à son escient, doit vivre en paix et consolation, car les fondements de son salut sont très-solides. Vous vous regardez trop, ma fille, vous faites trop de réflexions et trop de considérations sur vous ; retranchez-moi tout cela, je vous prie, et vous occupez simplement à Dieu et à cultiver l'esprit de vos filles. Or sus, voilà mon avis, et que vous fassiez spéciale attention pour l'exercice de la douceur et support, sans vous aigrir, ni chagriner pour de petites choses qui ne servent de rien pour l'éternité.

Mon Dieu ! que j'aime votre petite troupe ; mais conduisez-la dans la voie de l'observance avec une totale douceur, bonté et suavité. Remarquez bien ces mots, ma très-chère fille, car je vous en souhaite la pratique de tout mon cœur, et il vous [520] faut cela pour l'accomplissement et perfection de la volonté de Dieu en vous. Or il est vrai, vous avez bien tout dit, et la fin de votre lettre me contente du tout. Oui, ma fille, tenez ferme et soyez invariable en votre confiance, et en l'assurance de cette vérité que je suis votre Mère, incomparable en affection et fidélité. Il n'y a point de mal de dire avec humilité à Dieu qu'on veut que l'observance soit entière chez nous. Adieu, ma très-chère fille ; je suis toute vôtre, et je chéris aussi cordialement toutes nos Sœurs.

Dieu soit béni !

[P. S.] De la main d'une secrétaire. — Ma très-chère Mère, voilà le livre du Père Dupont, de madame de la Fléchère, qu'on lui renvoie. Elle a celui de la Vie des Pères du désert. Notre digne Mère dit qu'on ne vous en peut point mander, car nous n'en avons qu'un céans ; mais elle vous en enverra d'autres à la première commodité. S'il vous plaît de lui faire savoir si vous en voudriez un de la Vie de sainte Catherine de Gênes, et un de sainte Catherine de Sienne. Elle dit aussi que madame de la Fléchère a la Vie du Père Borgia, que vous lui demandiez pour la lire, et que vous nous la renvoyiez, car nous n'avons que celle-là céans.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Heureux retour de l'archevêque de Bourges ; ses progrès dans la vertu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 12 novembre [1625].

Notre-Seigneur vous donne toujours quelque exercice, ma très-chère fille ; mais bénie soit sa douce Bonté de ce que vous [521] vous remettez. — Nous voici dans la consolation que l'heureux retour de notre très-cher Mgr l'archevêque et son aimable présence nous donnent ; je remets à lui et à sa chère compagnie de vous dire toutes nos nouvelles. Certes, j'ai grand sujet de bénir Dieu en la bonté de ce cher prélat ; son cœur s'affermit toujours davantage en sa sainte entreprise, et je crois, moyennant la divine miséricorde, que rien ne le saurait ébranler en ses résolutions véritables. La grâce est très-grande et très-abondante en cette chère âme. Je prie Dieu qu'il lui accroisse jusqu'au comble de la félicité très-heureuse.

Mgr de Genève est toujours plein de son ancienne affection pour vous ; et quant à moi, ma vraie très-chère fille, vous êtes toujours et serez à jamais au milieu de mon cœur, croyez-le bien. — Je ne puis écrire à la chère Sœur de Vigny, laquelle j'aime de toute mon affection, et loue Dieu de la sainte consolation en laquelle je la vois vivre maintenant, et le cher cousin. J'aime bien ces deux âmes-là, ma très-chère fille, et les ressalue de toute mon affection, avec M. et madame de Villars, qui est aussi bien avant dans mon cœur, et n'y a moyen d'en dire plus sur cet empressement.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE DCLXXVII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Éloge de la Mère C. A. de la Roche. — L'esprit de saint François de Sales est un esprit de douce cordialité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 4 décembre [1625].

Ma très-chère fille,

Vous ne sauriez croire le contentement que j'ai reçu de votre [522] communication avec notre chère Sœur la Supérieure d'Orléans.[152] Je me doutais bien que vos chères âmes recevraient satisfaction et consolation indicibles de cette entrevue. Certes, il faut avouer, n'est-ce pas, ma très-chère, que cette pauvre grande fille-là est tout aimable, humble et bonne. Vous m'avez fait grand plaisir d'ordonner un peu sur son soulagement ; je lui ai écrit qu'elle fasse ce que vous lui avez dit. Mon Dieu nous la veuille conserver ; c'est un des meilleurs piliers de notre Congrégation.

Je vois que vous n'avez pas encore reçu ma dernière lettre ; il me tardera, certes, ma toute chère fille, de savoir votre établissement [à Blois][153] que j'espère que Dieu bénira, et suis très-particulièrement consolée de voir votre très-chère âme avec ce désir d'une parfaite cordialité. Oh ! ma fille, sans cela, nous ne pouvons avoir l'esprit de notre saint Père, lequel était tout d'amour cordial. Avec cela, soyons très-humbles, très-simples et très-fidèles à l'exacte observance, ma très-chère et cordiale fille ; je vous puis nommer ainsi, car je sais que vous [523] êtes toute de cœur, et je sens pareillement une affection toute cordiale en moi pour votre chère personne que j'aime parfaitement. Je vous ferai écrire parmi les fêtes de Noël toutes nos nouvelles ; car moi, ma très-chère fille, je ne le puis faire, étant si fort chargée d'affaires, que j'ai peine d'en chevir. Dieu réduise tout à sa gloire ! Je vous dirai seulement que j'ai une grande satisfaction de nos Sœurs de céans, car elles marchent un bon train, et ne se peut voir une famille plus unie, plus cordiale, sincère et affectionnée à l'observance et à leur avancement, car toutes travaillent allègrement et courageusement. Ne me voilà[-t-il] pas un grand sujet de bénir Dieu, ma toute très-chère fille ? Faites-le donc avec moi, qui suis très-unie avec vous en l'amour de Celui qui est notre unique et indissoluble lien. Il soit béni éternellement ! Amen.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DCLXXVIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Du saint abandon entre les mains de Dieu. — Charité pour le monastère de Riom. — Remercîments des aumônes faites à cette communauté.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 4 décembre 1625.

Si vous relisez ma lettre [du 25 octobre], je crois que vous verrez que je n'ai pas voulu vous accuser ni de mensonge ni d'exagération ; car je me souviens clairement qu'en répétant vos paroles, je voulais dire qu'il était impossible qu'avec telle grâce vos ténèbres, impuissances et défaut de sentiment fussent en votre partie supérieure, ains seulement en l'inférieure. Oh ! Vraiment, ma très-chère fille, je ne pense jamais telle chose de vous, ni rien d'approchant. Oh ! laissons cela, car Dieu nous a [524] donné une trop claire connaissance de votre cœur. Si vous l'aviez telle du mien, vous n'en eussiez pas pensé cela. Certes, vous avez très-grand sujet de bénir Dieu, ma très-chère fille, et de vous tenir très-humblement abandonnée à sa bonté, puisqu'il vous a donné un état intérieur si assuré, si désirable, et tout à fait à mon gré. Persévérez ainsi, ne vivant que de l'amoureuse confiance en Dieu, et de l'accomplissement de sa sainte volonté, sans autre chose que la simple observance. Oh ! que cet état est précieux ; le grand Dieu vous le continue ! Il le fera d'autant plus que vous n'y faites pas fondement, ains en Lui seul et en la pratique des solides vertus.

Non, vous n'avez pas mal fait de brûler les lettres que l'on m'écrit, ni de les voir. Enfin je ne puis finir avec vous, tant Notre-Seigneur m'a donné de suavité à vous entretenir. Qu'il soit béni ! — Je salue toutes nos chères Sœurs ; certes, je n'ai encore eu le loisir d'ouvrir leurs lettres ; mais je leur répondrai avec un peu de temps.

Cette lettre écrite jusqu'ici fut envoyée au Père recteur de Chambéry, lequel s'apercevant à l'entrée de l'équivoque me l'a renvoyée fort sûrement. Sans mentir, j'en fus mortifiée quand je m'en aperçus. Or, je suis si extrêmement accablée d'affaires, que j'ai peine d'en chevir ; mais pourtant, Dieu merci, je parle tous les mois à tout ce qui est dans le monastère.

Oh ! que la charité que vous avez faite à nos Sœurs de Riom me touche ! Plût à Dieu que nous eussions le moyen de la leur faire ! mais nos maisons d'ici autour nous en ôtent tellement le moyen maintenant, que nous voilà à penser d'emprunter à M. Michel, pour aidera faire nos provisions ; mais j'espère que Dieu nous aidera. C'est pourquoi, encore que nous n'ayons aucun argent ici, ne laissez de prier le sieur Guichard de vous faire donner cent écus pour leur envoyer, espérant, sans apparence toutefois, que d'ici au retour de ce voiturier, Dieu nous enverra de quoi le rembourser. Je vous dis encore qu'il est [525] vrai qu'une famille ordinaire serait une suffisante charge pour une Supérieure de Lyon ; mais, à ce commencement, il est difficile de tenir règle à cause des fondations. Je suis vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXXIX - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Comment triompher d'une tentation de jalousie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 11 décembre 1625.

Ma très-chère fille,

Vous aurez eu la consolation de voir notre bon Père Bertrand,[154] que je trouve tous les jours meilleur. Je lui ai dit tout plein de choses pour vous dire, étant accablée d'affaires, ce qui m'empêche d'écrire à ma très-chère Sœur de la Fléchère que je salue de cœur. Vous la trouverez capable de vos petits avis, les lui faisant avec franchise cordiale.

Oh Dieu ! ma très-chère fille, quand sera-ce que l'esprit de mensonge ne vous soufflera plus les extravagances qu'il nous siffle autour de l'esprit, pour vous divertir de l'attention à Dieu, et de la confiance parfaite qu'avec tant de sujet vous devez avoir en moi, si je ne me trompe fort ? Mais, ô Dieu ! quand sera-ce que vous n'ouvrirez plus la porte de votre cœur à tout cela ? Voyez-vous, ma très-chère fille, je vous en conjure de tout mon cœur, car certes vous avez tort en cela, et de vous-même qui en êtes intéressée en votre repos, et de moi qui ne désire rien tant que de servir sincèrement, droitement et [526] également toutes nos Sœurs et nos maisons, et qui ai une spéciale inclination à vous chérir. Or sus, Dieu vous en délivrera, s'il lui plaît ; je l'en supplie de toute mon âme, et de vous combler de ses saintes grâces et toutes nos chères Sœurs que je chéris très-cordialement. Travaillez amoureusement et fidèlement autour d'elles.

Dieu soit béni !

[Note de la Mère Fichet, écrite de sa main sur l'original même de cette lettre.]

C'est que j'avais la tentation que notre Bienheureuse Mère n'aimait pas tant le monastère de Rumilly que deux autres : nos Sœurs de Chambéry et Belley ; et je lui en disais les pensées que j'avais là-dessus, et voilà ce qu'elle me répond ci-dessus ; et aussi de moi qui croyais qu'elle aimait mieux les deux Supérieures.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXXX - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Entrée de madame de Chevrières. — Projet de fondation à Arles. — Dans les affections même les plus légitimes, retrancher tout ce qui serait trop naturel. — Décision donnée pour l'élection d'une nouvelle Supérieure à Annecy. — Quand on dit l'Office des morts. — Veiller les Sœurs défuntes. — Office des fêtes solennelles.

VIVE † JÉSUS. '

[Annecy], 19 décembre 1625.

Ma très-chère fille,

Je vous assure que je vous écris tant que je puis, car j'y prends bien plaisir. Oh Dieu ! que ces âmes véritablement humbles sont de grands trésors dans nos maisons ! Je prie son infinie Bonté d'en accroître le nombre. Certes, ma très-chère fille, ce m'est une grande consolation de savoir dans notre [527] Institut tant d'âmes véritablement bonnes et vertueuses. J'écrivis hier à une qui est des plus rares que je connaisse.

Madame de Chevrières est si vertueusement bonne qu'il ne faut attendre que du profit spirituel de toutes parts de son entrée chez vous. Je voudrais qu'elle donnât en fonds plutôt qu'une pension, et je crois que deux mille écus suffiraient ; toutefois, il se faut accommoder doucement avec elle, pourvu que les Supérieurs approuvent et soient contents. — Me voilà soulagée de vous savoir affranchie de mademoiselle Cotin, qui est vraiment une bonne femme, mais non propre pour nous. — Votre réponse pour Arles est très-bonne ; le mieux est que les filles de là viennent faire leur probation à Lyon, pour des raisons infaillibles et utiles au spirituel et temporel ; un couvent sera bien là.

Il me tarde que les Épîtres soient venues ; retenez-en trois ou quatre livres, dont il y en ait deux bien reliés ; à loisir, je vous dirai où il faut les envoyer. — Oh ! ma fille, aux occasions j'ai toujours vu que l'amour que vous me portez est ardent et pressant ; je veux que le solide demeure ; mais alentissez, voire, tranchez ce qui est de la nature.

Je n'ai eu du loisir d'envoyer mes réponses des paquets derniers, mais oui de vous dire, croyant que vous serez bien aise de savoir les réponses plus au long de nos deux évêques[155] sur votre billet. Premièrement, il fut dit par Mgr de Genève que la confiance et croyance que nos monastères ont en moi, ne procédaient pas de la charge que j'avais d'être Supérieure céans. Par ainsi, qu'il fallait suivre la Règle et en faire une autre.[156]

Je répondis au second point en l'anéantissant ; car, ma fille, [528] qu'écrirais-je, que des misères ? — Ils dirent au troisième que, si la divine Providence donnait quelque ouverture par laquelle on pût juger que ce serait son vouloir que je revisse nos monastères, on la suivrait ; mais, qu'à dessein de visiter, il ne fallait sortir pour cela, et il est vrai aussi que cela se devait faire par rencontre et occasion.

Le quatrième, ils réglèrent qu'au plus l'on ne dirait que deux fois l'Office des morts par mois, quelque nombre de [billets] mortuaires qu'il puisse arriver ; et que notre Bienheureux Père, en donnant ce service, n'avait pas prévu le grand nombre des monastères qui seraient à l'avenir.

Mais ils nous condamnèrent à tenir ce qu'il avait toujours fait observer pour veiller les mortes, ce qui est juste. Et que les anciennes assistassent la Supérieure aux Offices solennels ; que cela n'était nullement contre la Règle, et que le Bienheureux Père avait formé cette cérémonie sur celles de son église de Saint-Pierre, ce qui est vrai. — Pour fin, que ce qui ne serait pas écrit dans le Coutumier ne se conserverait pas.

Voilà tout, ma fille, mais je dis de tout mon cœur, ma très-chère fille, vraiment la fille de mon cœur ; je salue, mais chèrement, toutes nos Sœurs, et les nôtres font de même.

[P. S.] Ma fille, il se faut bien garder de réimprimer les Épîtres sans qu'elles soient corrigées ; il y a mille fautes, et je pense que personne ne les saurait corriger que moi. Il me faudrait les feuilles de M. Michel, et qu'on les complétât et qu'on lui donnât un autre livre. Je m'oubliais de vous dire que c'est bien fait de mortifier cette bonne Sœur M. C. ; mais toutefois il la faut occuper, à cause de sa mélancolie, à des choses de tracas qui se rencontrent à faire au monastère.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [529]

LETTRE DCLXXXI (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARGUERITE GUÉRIN

MAÎTRESSE DES NOVICES AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS[157]

Éviter avec un grand soin toute faute volontaire, et s'humilier de celles de fragilité. Oraison de simple présence de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 20 décembre 1625.

Dieu m'a donné tant de connaissance de votre chère âme, ma très-chère fille, que je n'en crois pas tout le mal que vous m'en dites ; et si bien vous tombez quelquefois en des péchés et imperfections, cela ne m'étonne pas, car tandis que nous vivons ici-bas, nous en commettrons toujours. Mais je sais que cela vous arrive comme à toutes les meilleures âmes, par pure fragilité et imbécillité [faiblesse], et non par élection volontaire du mal, et c'est en cette manière que je vous recommande de ne point faire d'imperfections ; car, de l'autre sorte, il nous est impossible de les éviter. Au reste, il vous est expédient pour votre propre bien et celui des âmes que Dieu vous commet et commettra en votre charge, que vous sachiez par votre propre [530] expérience quelle est la misère humaine, afin que la mémoire de ce que vous avez ressenti vous étant présente, elle vous fasse supporter celles des autres avec compassion. Enfin, je vois clairement que ce qui se passe en vous n'est qu'affliction et mouvement, et non action ; et cela vous doit être précieux, car il nourrit la sainte humilité, et nous donne sujet et moyen de nous fonder solidement ès vraies vertus.

Demeurez contente en ces exercices, et ne croyez pas que vos actions intérieures et extérieures soient moins agréables à Dieu pour être faites avec alangourissement d'esprit. Oh ! ma très-chère fille, j'ai toujours vu que Dieu voulait que vous le servissiez avec un entier dénûment ; il le faut donc suivre toute nue, revêtue et soutenue de sa seule divine volonté. Les connaissances claires qu'il vous a données sur ce. sujet vous doivent suffire ; il ne faut plus rien voir que cela, il ne faut nullement que vous doutiez qu'elles ne viennent de sa Bonté ! Malgré la nature il faut cheminer en cette voie et allègrement, sans désir, sans prétention, sans soin que d'être fidèle à faire tout le bien qui se rencontrera dans l'exacte observance, et vous découvrez toujours naïvement à votre Supérieure, gravant dans l'esprit de toutes les âmes [tant] que vous pourrez, cette sincérité ; c'est la vraie marque de l'esprit de la Visitation : aussi notre saint Père a dit que « quand elle défaudra, l'esprit de la Visitation défaudra aussi. »

Il me semble que, puisque les élèvements d'esprit sont plus rares, et qu'ils ne vous donnent pas des pensées de choses subtiles, qu'au contraire ils vous rabaissent et portent à une extrême révérence de la présence de Dieu, et ne vous attirent qu'à Lui-même par une grande simplicité et quelque goût de son infinie Bonté, il me semble, dis-je, qu'il n'y faudrait pas résister, ni aussi coopérer en aucune manière de votre part, qu'avec un très-simple délaissement de vous-même à sa merci. Toutefois, ma très-chère fille, je soumets cet avis à notre [531] très-chère Sœur la Supérieure, laquelle, par les effets que cela vous peut baisser, pourra juger qu'il faut résister, car il faut éviter l'affaiblissement trop grand de la nature. Demeurez fidèlement en la manière d'oraison ordinaire, c'est-à-dire en cette simple présence de Dieu avec l'esprit abaissé, sans faire [autre chose] que cela.

Je crois que la charge des novices vous sera continuée ; persévérez en leur conduite selon votre méthode ordinaire, surtout qu'elles soient affectionnées à la mortification intérieure et au recueillement. Ma très-chère fille, ne craignez jamais de m'ennuyer, ne me le dites plus, et soyez assurée que ce m'est une très-douce consolation de recevoir de vos lettres ; ne me la déniez pas une fois ou deux dans l'année, je vous en prie, mais faites-le sans crainte ni ombre d'importunité. Hélas ! oui, ma très-chère fille, je le vous permets de tout mon cœur, ce souhait de me revoir encore une fois ; assurez-vous que je n'en ai pas moins le désir que vous, mais nous devons remettre cela à la divine Providence, que je supplie de vous porter à l'extrême perfection de son très-pur amour, auquel je suis très-entièrement vôtre.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Rouen.

LETTRE DCLXXXII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Fondation de Blois. — Ne pas recevoir de sujets tout a fait incapables. — Éviter les entrées des personnes séculières.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 21 décembre 1625.

Ma très-chère fille,

J'ai reçu à soir tout tard vos deux lettres, et voici que ce [532] matin l'on m'a dit qu'un homme allait partir pour Lyon, et craignant que vous ne soyez en peine des réponses, je prends cette occasion (toute autre chose laissée) pour vous répondre, ma très-chère fille, ce que je fais de tout mon cœur, quoique sans loisir, car vous êtes plus que je ne puis dire ma très-chère fille bien-aimée. Oh ! Dieu soit loué de votre heureux établissement ; je supplie sa Bonté d'y répandre ses plus saintes bénédictions, afin qu'il soit glorifié à l'éternité par l'exacte observance qui s'y gardera en cette vie.

Si cette fille n'avait ses infirmités qu'au corps, et l'esprit capable de jouir utilement du bonheur de sa retraite parmi vous, je vous dirais : recevez-la, ma chère fille ; mais étant imbécile d'esprit, ce sera une entrave chez vous sans profit spirituel, et qui tiendrait la place de quelque autre qui se pourra présenter et qui jouirait de cet avantage profitablement. Je ne puis vous dire pour ces raisons que vous la receviez, l'utilité temporelle ne nous doit être en aucune considération en tel sujet. Vous voyez comme je suis aise de voir que vous êtes de mon sentiment en ceci.

Certes, il ne faut pas concéder cette liberté d'entrer à diverses personnes ; pour une ou deux cela se doit au contentement de madame la comtesse [de Limours], qui a le cœur si bon qu'elle agréera, je m'assure, nos petites raisons. Je lui écris selon votre désir ; c'est un esprit doux qu'il faut conserver et maintenir en satisfaction, confiance et assurance de réciproque confiance : vous savez bien faire cela, ma très-chère petite. Je laisse sa lettre ouverte, afin que vous la voyiez, mais il ne faut pas qu'elle s'en aperçoive. — Vous m'obligez, ma très-chère fille, de l'avis que vous me donnez de notre bonne Supérieure de N. Dieu aidant, cela n'arrivera plus. Vous avez prudemment fait de l'excuser, et attribuer cette délicatesse à la dame séculière qui l'accompagnait. Oh Dieu ! ma fille, il nous faut bien demeurer en cette union qui nous fait ressentir tout ce qui [533] touche notre cher Institut, comme si l'on touchait la prunelle de nos yeux.

Je suis fort marrie du mécontentement de ces messieurs de Chartres ; car, bon Dieu ! il faut que nous rendions honneur à tout le monde. — Ma très-chère fille, je vous conjure d'être gaie en ce service que vous rendrez à notre bon Dieu ; mais, je vous en prie, autrement tout n'ira pas bien ; et faites que vos fille excèdent en humilité, douceur, simplicité et recueillement. Je prierai une de nos Sœurs de vous écrire amplement de nos nouvelles parmi ces fêtes. Adieu, ma très-chère petite ; certes, je suis toute vôtre, je le dis de tout mon cœur, et que ce bon Dieu nous bénisse et soit béni ! Amen.

Vous pouvez retirer avec vos Sœurs tourières cette femme veuve, pourvu qu'elle soit bonne et paisible.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DCLXXXIII - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX :

SUPÉRIEURE À AUTUN

Des communications de conscience. — User de support avec les âmes faibles. — Ne pas recevoir facilement des Religieuses d'un autre Ordre. — Comment une Supérieure peut pratiquer l'obéissance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Ma très-chère fille,

C'est la vérité que votre maison étant un peu à l'écart, nous n'avons pas commodité de vous écrire si souvent ; mais il n'y a point de nécessité aussi, grâce à Dieu, et à la sainte union et paix de laquelle jouit votre petite famille, à laquelle je sais bon gré de n'être point empressée à vouloir parler souvent dehors ; [534] car certes ce qui est dedans nous est meilleur. Toutefois, ma très-chère fille, il leur faut toujours laisser une grande liberté pour le demander, quand bon leur semblera ; ceci est d'importance, et partant, doit être donnée toute confiance à leur esprit pour cela. Ma très-chère fille, faites que l'esprit de parfaite douceur et support règne chez vous entre les Sœurs, et en vous vers les Sœurs. Ne vous montrez point trop exacte en traitant des choses temporelles. Je n'avais point pensé à vous dire ceci, mais il me vient et je le fais.

J'écris, selon votre désir, à madame de Chisy ; il la faut tout à fait porter à l'humilité, sans ce fondement elle ne fera rien. Traitez ces esprits pesants du pays par encouragements, et les portez à la générosité, et que vos conversations les portent à cela, craignant que de les tenir bas par trop d'humiliations et répréhensions on ne les abatte et rende pusillanimes. — S'il n'y a de la disposition à madame de Saint-Jean[158] et à ses filles, elle ne profiterait ni à elle ni à vos filles d'aller chez vous ; que si Dieu l'y conduit, sa Bonté vous donnera ce qui sera requis à son bonheur. — Ne vous chargez guère de la réception des filles qui ont été Religieuses dans d'autres Ordres, cela gâterait votre maison. Je ne recevrais pas celle qui est tant apparentée, tant parce qu'elle n'est pas disposée, qu'à cause de sa réputation, car vous voyez déjà ce que le monde dit ; mais sait-il ce qu'il dit ? il faut le laisser clabauder et bien faire. Certes, en perdant, vous avez gagné de mettre cette fille dehors ; laissez ses parents en paix ; Dieu vous récompensera de quelque autre côté, la paix vaut mieux que tout.

Votre charge ne vous prive point du mérite de l'obéissance ; car n'est-ce pas obéir que de s'assujettir à l'observance de la Règle ? faites-le très-exactement. De plus, condescendez aux désirs de vos Sœurs en choses justes ; recevez très-bien les [535] avertissements de votre coadjutrice et lui ordonnez d'aller sincèrement en cela ; de plus, vous avez le Supérieur et encore votre correspondance avec moi, c'est assez. Celles qui sont en Religion n'ont-elles pas leur Règle pour directeur ? Tenez votre esprit nu de tout désir et prétention que celle d'accomplir le bon plaisir de Dieu en l'exacte observance. Vous pouvez toutefois avoir besoin quelquefois de conseil ; choisissez entre les Pères Jésuites le plus propre, et vous en servez, ou de M. Guyon, poulies affaires et occurrences où il sera requis. — Ma très-chère fille, je suis vôtre, mais de toute l'étendue de mes affections, n'en doutez jamais. Dieu soit au milieu de votre cœur et soit béni !

[P. S.] Si rien n'arrive qui empêche le dessein de la fondation de Lorraine, j'espère qu'au retour nous vous verrons, Dieu aidant, vers l'été prochain.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXXXIV (Inédite) - À MADAME DE CHISY

Faire valoir la grâce de la vocation religieuse par une grande humilité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 22 décembre [1625].

Ma très-chère sœur,

Je bénis Dieu de la sainte consolation que vous recevez en cette bénite vocation. Faites valoir cette grâce pour l'accroissement de la divine gloire en vous, par l'anéantissement de vous-même en toutes vos inclinations ; et comme dans le monde vous n'aviez appris qu'à faire état des choses qu'il estime et de vous-même, maintenant, ma très-chère Sœur, n'aimez et ne prisez que ce qui lui est en mépris, mais qui est seul regardé et estimé de Dieu, qui est la très-sainte humilité ; et, pour cela, [536] aimez, recherchez, et désirez à faire les choses les plus abjectes, les plus basses et viles du monastère, vous tenant pour la plus petite et la moindre de la maison. En cela seul, ma très-chère Sœur, vous trouverez la vraie grandeur devant Dieu, et le trésor de toutes grâces. C'est ce que je vous désire de tout mon cœur, et que je me désire à moi-même, qui suis sans fin, ma très-chère Sœur, votre, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Romans.

LETTRE DCLXXXV - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Elle lui recommande la douceur et le support du prochain.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 23 décembre 1625.

Ma très-chère fille,

La douleur que votre cœur me fait voir qu'il a reçue est toute entrée dans le mien, tant l'amour véritable que je vous porte a de force ! Oui, ma fille, Dieu m'a donné un cœur pour vous, duquel la sincère dilection ne sera point connue en cette vie ; or, demeurons en cette assurance l'une de l'autre, et ne parlons plus des choses passées, mais allons selon notre vraie confiance, et me croyez, ma très-chère fille, que ce qui me toucha le plus, ce fut la crainte que votre esprit étant rempli de cette fâcheuse tentation, cela ne le tînt en chagrin, et que ce chagrin, mêlé avec votre naturel qui n'est pas doux, ne vous rendît fâcheuse à vos filles, et peu attentive à les servir avec cette suavité et débonnaireté si incomparablement nécessaires au bon gouvernement ; car, tous les jours, je connais davantage que l'on ne fait rien autour des âmes qu'à force de douceur, de bonté, de suavité et de support. [537]

Vous savez ce que je vous en ai dit autrefois, vous parlant de la manière que vous deviez tenir envers les Sœurs qui vous ont été données pour l'établissement ; mais vous savez de plus ce que notre grand Saint nous en a toujours inculqué. Oh ! ma très-chère fille, travaillez soigneusement, mais amiablement autour de nos Sœurs ; conduisez tout doucement ces petites jeunes âmes qui sont si bonnes ; ne les pressez point, et tenez toute votre troupe en une sainte gaieté, paix et suavité ; car vous avez de bonnes âmes que je chéris grandement ; assurez-les-en, et croyez, ma très-chère fille, que Dieu m'a donné un soin et un amour tout particulier pour cette petite maison, laquelle il me semble être comme l'un des dortoirs de céans, et que notre Bienheureux Père [du haut du ciel] l'aime spécialement. Oh ! ma fille, que je souhaite que son esprit y règne, cet esprit tout doux, tout suave, tout amoureux et délectable ! Ayez le zèle pour cela, ma très-chère fille, je vous en conjure ; et toutes mes très-chères filles et les vôtres, qu'elles y contribuent toute leur affection et leur fidélité. Je vous fais répondre pour les affaires de notre Sœur M. -Marg. [Machet], ne le pouvant. Bonsoir, ma très-chère fille ; vivez toute à Dieu, toute douce, toute paisible et amoureuse de sa Bonté et de vos chères filles.

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [538]

LETTRE DCLXXXVI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Impression des Épîtres de saint François de Sales. — Affaires d'intérêts. — De l'Office.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1625.]

Oh ! mon Dieu, ma très-chère fille, jamais je ne me fierai à personne pour ce qui regarde les Écrits de notre Bienheureux Père. Certes, je les verrai moi-même et exactement ; car, voyez-vous, je ressens fort de ce que l'on a trop laissé dans les Épîtres des paroles d'affection. Le monde n'est pas capable de l'incomparable pureté de la dilection de ce Saint. Oh bien ! il faut avaler cela doucement ; mandez-moi si, en les corrigeant, j'en retrancherai, mais sachez cela de quelqu'un capable, et le jugez vous-même et me le marquez, car ce qui touche l'honneur de notre Saint nous doit être bien précieux.

Il nous faut davantage Épîtres, et en retenez là quatre, ainsi que je vous l'écrivis l'autre jour. — Vous aurez bientôt l'argent dû, et celui de Riom ; mais la Providence nous favorise en ce retardement, car nous n'avons [pas] encore de quoi le rendre, je veux dire pour celui de Riom, car pour ce que vous avez fourni, nous l'avons déjà donné au sire Pierre. C'est le neveu de M. Magny (il s'appelle Claude Janny), qui vous doit donner l'argent : mandez-le quérir. — Au reste, j'oubliai de répondre à l'un de vos articles, je m'en suis souvenue aujourd'hui ; c'est du mélange de l'Office aux grandes fêtes. Ils dirent[159] absolument que non, que cela ne serait jamais approuvé à Rome, et serait sujet d'être censuré, puisque mêmement notre Bienheureux Père l'avait dit pour le changer aux [539] commémorations. Si j'en oublie d'autres à répondre, dites-le-moi, et je le ferai.

Il m'est bien d'avis que nos Sœurs d'Avignon se plaignent trop, puisque enfin elles parlent en confession tant qu'elles veulent ; je trouve dur que l'on n'y laisse [pas] entrer nos Sœurs. Elles me demandent toujours avec passion ; s'il y avait de la nécessité et qu'il se pût, je le voudrais, mais autrement, non. C'est sans aucun loisir que j'écris. Adieu, ma vraie fille ; à Dieu soyons-nous à jamais ! Je vous suis et vous m'êtes ce qu'à mon avis Dieu seul sait. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXXXVII - À LA MÈRE FRANÇOISE-JACQUELINE DE MUSY

SUPÉRIEURE À NEVERS[160]

Conseils pour le gouvernement de sa communauté.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, décembre 1625.]

Ma très-chère fille,

Vous désirez que je vous donne quelques instructions pour la charge où Dieu vous a mise. Que vous dirai-je ? sinon [540] d'observer vous-même et faire observer aux autres tout ce qui nous est prescrit. L'avis que la Règle et les Constitutions donnent à la Supérieure, de se faire plus aimer que redouter, doit toujours être devant vos yeux. Quand vous aurez le cœur de vos filles, vous les gouvernerez comme vous voudrez, et les tiendrez facilement unies avec vous et entre elles, qui est la bénédiction des bénédictions pour les monastères. Il faut toujours quelque soulagement et contentement à cette pauvre nature ! Quand vos filles le trouveront au dedans, elles ne le chercheront pas au dehors, ce qui sera leur très-grand bien. Ne multipliez pas les obéissances ; procurez seulement que vos filles soient fidèles à Dieu ; encouragez-les à porter gaiement la loi de Dieu avant toutes choses, puis la sainte Règle et les observances dont elles se sont amoureusement chargées pour Jésus-Christ. Souvenez-vous de ce que tant de fois je vous ai dit, d'enseigner aux âmes à regarder ce divin Sauveur dans ses travaux, afin que par ce moyen elles soient éclairées, fortifiées et encouragées à une sainte imitation : l'âme aura peu ou point d'amour qui ne trouvera sa charge légère en comparaison de celle que son Sauveur a portée. Je trouve ce moyen puissant, incomparable, doux et suave. Persévérez plutôt d'user de prières que de commandement, sinon quand la nécessité le requerra. Gardez de témoigner de l'ennui et du mécontentement de vos filles, ni n'en parlez que par la nécessité et avec quelques bonnes âmes, en toute confiance et secret. Ma fille, je vais finir par où j'ai commencé, en vous disant que vous n'avez à faire, pour faire une bonne conduite, qu'à vous tenir unie à Dieu et à vos observances.

C'est le souhait que vous fait celle qui est vôtre.

Extraite de l'histoire de la fondation de Nevers. [541]

ANNÉE 1626

LETTRE DCLXXXVIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Condoléances. — Perpétuité du petit Office. — Annonce d'un voyage en Lorraine. Réflexions sur le Recueil des Épîtres de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 2 janvier [1626].

Béni soit Dieu éternellement en tout ce qu'il lui plaît nous envoyer, et à jamais sa très-sainte volonté soit adorée, suivie et accomplie en nous ! Certes, ma très-chère fille, à la nouvelle du décès de cette très-chère amie, j'ai bien senti que je l'aimais parfaitement, mais je me réjouis de sa félicité et du bonheur qu'a votre maison d'avoir son pur et chaste corps. Vous faites avec grande prudence et humilité de bien peser tout ce que vous faites et de prendre bon conseil ; mais, ma vraie très-chère fille, il n'y avait rien à craindre à ensépulturer chez vous ce cher corps qui, avec sa bénite âme, avait fait tant de bien à votre maison, et qui en était de cœur sans réserve ; je suis consolée [de ce] que nous avons ce dépôt, et aussi que vous ayez reçu la chère consolation de l'heureux retour de notre très-bon archevêque de Bourges et de sa douce conversation ; je le crois à Paris.

Grâce à Dieu, ma fille uniquement aimée, nous avons obtenu la perpétuité de notre sacré petit Office[161] ; remerciez-en bien [542] Notre-Seigneur, sa sainte Mère et notre glorieux Père, et priez pour le reste des affaires où l'on espère avoir très-bon succès ; béni soit Dieu ! — Je suis marrie qu'il faille mettre dehors cette fille ; toutefois, il ne faut pas refuser ce calice d'amertume que sa Bonté vous présente ; c'est un effort nécessaire, et il vaut mieux jeter le mal dehors que le garder dedans, comme aussi j'aimerais mieux laisser fumer notre Sœur N*** que de la laisser gâter une charge.

Voilà le fils de madame de la Fléchère, lequel j'aime tendrement pour sa vertu et pour l'amour de sa bonne mère ; je vous le recommande, mais de tout mon cœur, c'est-A-dire au vôtre qui est si uniquement mien, comme réciproquement je suis vôtre avec une affection plus que maternelle.

[P. S.] Quand Mgr de Bourges était ici, je ne pensais nullement d'aller en Lorraine ; mais les dernières lettres que vous m'en avez envoyées parlent d'une sorte qu'elles témoignent du mécontentement de ce que je m'en étais excusée, de sorte que, avec quelques autres considérations que Mgr de Genève a [faites], il m'a dit qu'il fallait encore faire ce voyage, quoiqu'il lui fâche, et pour moi je suis prête d'obéir, étant consolée de n'avoir qu'à obéir. Nous n'irons qu'au printemps : je crois que trois mois de séjour suffiront ; nous repasserons vers vous, car en allant cela ferait trop de tracas ; toutefois cela n'est [pas] encore bien résolu. Je vous supplie d'y faire tenir sûrement et promptement mes réponses. Adieu, ma fille plus qu'uniquement chère ; Dieu vous comble des grâces et mérites de sa sainte naissance, et soit béni !

J'ai reçu une consolation entière de la lettre de notre très-cher Père Mgr de Langres. Mon Dieu ! que je chéris sincèrement ce digne prélat et avec grande estime ! Dieu le rende tout sien et tout saint ! Je le salue avec tout l'honneur et affection qu'il m'est possible. [543]

Je prie Dieu qu'il fortifie votre cher corps si nécessaire à son saint service. Il me tardera que je sache de vos nouvelles. Oh ! Dieu soit béni de la sortie de cette fille, et de ce que l'on vous a si bien dit votre fait ! Il soit béni encore de ce qu'il y a à redire aux Épîtres[162] ! J'en suis en douleur, car il y a de ma faute ; mais rien de cela ne me touche pour ce qui me regarde. Je ne répéterai pas ce que j'en dis au cher cousin ; vous le verrez. Pourquoi ne m'en eussiez-vous pas dit votre pensée ? J'en ai fort peu vu d'impression, et devant je m'en reposais [sur les] examinateurs, auxquels je me confiais. J'espère toutefois que quiconque prendra loisir de lire ce livre, il y trouvera l'esprit de Dieu et l'assurance de la sainteté de l'auteur.

Ce paquet m'est demeuré par faute de messager. Vos lettres me sont arrivées cependant. Celles de Lorraine sont un peu pressées ; je vous les recommande. — Je pense que M. de la Fléchère n'ira pas à Dijon. Bonjour et bonsoir à ma très-chère fille, et surtout la très-sainte éternité en laquelle toutes nos petites mortifications seront évanouies.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCLXXXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Souhaits de bonne année. — Il faut suivre la Règle sans gène ni étroitesse d'esprit. — Envoi de livres.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 3 janvier [1626].

Ma très-chère Fille,

Prenez garde à ne pas laisser perdre les reliques que j'ai mises dans l'une de mes lettres. Déjà j'en avais mis en deux [544] lettres que j'envoyais à Paris ; elles se sont trouvées perdues. Or sus, ma très-chère fille, que cette année nous soit un temps acceptable pour l'avancement de nos âmes au saint et pur amour de notre doux Sauveur. Mon Dieu ! ma très-chère fille, que je le désire ! mais le poids de mes misères est si pesant qu'il m'entraîne dans mille imperfections. Dites-moi si j'ai répondu à votre gré à la Supérieure de Paris ; au moins est-ce selon l'esprit de notre saint Père, excepté que je le devais faire plus courtement et doucement ; mais je suis toujours âpre quand je vois qu'on ne suit pas simplement la Règle, et suis ennemie de ces rétrécissures et gênes d'esprit. Or, je sais que cela ne se fait qu'avec pure intention, et croyant qu'il le faut. Je lui condescends en ces trois mots que je lui ai dits de moi, plus pour elle qu'autrement. Voyez si je ne voudrais pas que ce billet fût brûlé.

Le libraire nous doit donner soixante livres de cette première impression. Il en a fourni trente-trois, savoir : vingt-trois aux monastères, et les dix qu'on a adressés à Mgr. [Il en] reste vingt-sept qui nous sont tout à fait nécessaires, et je vous prie, ma très-chère fille, de les retirer pour les distribuer selon que je vous vais dire : premièrement, envoyez-en un à Paris, pour Mgr de Bourges ; un pour madame de Port-Royal, un pour M. de Vicmaison, et écrivez leurs noms au commencement des livres. Je leur écrirai que je [les] leur envoie. Envoyez-en un ou deux de notre part au Père Bertrand, Jésuite, qui prêche à Salins ; leurs Pères le lui feront tenir. Envoyez-en trois à nos Sœurs de Grenoble, et qu'elles les donnent de notre part à M. d'Aoste, au Révérend Père de la Rivière, et l'autre à madame de Granieu. Envoyez-en, s'il vous plaît aussi, quatre à nos Sœurs de Chambéry, savoir : deux pour le Révérend Père recteur de là, un pour M. le président de Challes, l'autre pour M. et madame d'Avise, et qu'elles les leur envoient de notre part. Reste quinze dont je vous prie, ma chère fille, d'en [545] envoyer un à ma fille de Toulonjon ; le reste, envoyez-les ici et nous les adressez, car nous sommes obligées d'en donner beaucoup. Voilà, ma très-chère fille, de quoi je charge Votre Charité et vous supplie de le faire.

Je donne ce paquet à M. Arpaud de cette ville, qui va à Paris ; donnez-lui les lettres qui s'y adressent. Voilà les quatre-vingt-quatre florins qui nous étaient toujours demeurés dans le coffre pour notre tabernacle. J'attends la réponse de M. Balbian pour savoir ce qu'il faut de plus pour notre tabernacle. Adieu, ma très-chère fille.

Faites tenir sûrement ces lettres de Lorraine.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXC (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE DE LIVRON

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Conseils pour l'Oraison.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

Je vous dis qu'oui, vous vous exprimez fort bien, et me semble que Dieu me donne clarté pour vous entendre. Tout ce qui se passe en vous est très-bon et solide, comme j'espère ; je pense que vous n'avez besoin d'autre conduite que de celle que Dieu vous donne. Suivez-la très-fidèlement et le plus simplement qu'il vous sera possible, retranchant toute réflexion ; ces clartés et sentiments intimes requièrent cela, et une très-fidèle correspondance par la pratique de toutes vertus, selon que la divine Providence vous en présentera les occasions. Anéantissez courageusement toutes les menues inclinations de propre intérêt, et recherches de satisfactions que l'amour-propre fait, même [546] aux grâces et lumières plus intérieures, lesquelles veulent être reçues fort purement et bien humblement ; c'est pourquoi il ne faut pas permettre à l'esprit de les regarder curieusement, ni de les examiner pour savoir ce que c'est, ains je vous dis derechef qu'il les faut recevoir très-simplement sans quasi mouvement, sinon que l'on y fût excité, car il se faut purement arrêter au donneur et non au don.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXCI - À LA SŒUR ANNE-CATHERINE DE SAUTEREAU

MAÎTRESSE DES NOVICES, À GRENOBLE

Vertus qu'on doit inculquer aux novices pour les conduire à l'union avec Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

Pour obéir à votre désir, je vous dirai devant Dieu ce qu'il plaira à sa Bonté me donner pour vous, car je l'en prie. Premièrement, il me semble, ma très-chère fille, que vous devez rendre votre dévotion généreuse, noble, franche et sincère, et aussi celle de vos novices, tâchant de donner cet esprit à toutes les âmes que Dieu commettra à jamais à votre soin, avec les fondements d'une profonde humilité qui engendre la sincère obéissance, et la douce charité qui supporte et excuse tout, et de l'innocente et naïve simplicité qui nous rend égale et amiable envers tous.

De là, ma très-chère fille, il faut passer à la totale résignation et remise de nous-même entre les mains de notre bon Dieu, rendant votre chère âme et celles que vous conduisez, en tant qu'il vous sera possible, indépendantes de tout ce qui n'est point Dieu, afin que les esprits aient une prétention si [547] pure et si droite qu'ils ne s'amusent point à tracasser autour des créatures, de leurs amitiés, de leurs contenances, de leurs paroles ; mais sans s'arrêter à rien de tout cela, ni à chose quelconque que l'on puisse rencontrer en chemin, on passe outre en la voie de cette perfection dans l'exacte observance de l'Institut, ne regardant en toutes choses que le sacré visage de Dieu, c'est-A-dire son divin bon plaisir. Ce chemin est fort droit, ma très-chère fille, mais il est solide, court, simple et assuré, et fait bientôt arriver l'âme à sa fin, qui est l'union très-unique avec son Dieu. Suivons cette voie fidèlement ; certes, elle forclôt la multiplicité et nous conduit à l'unité qui est la seule chose nécessaire. Je sais que vous êtes attirée à ce bonheur, suivez-le, et vous tenez coite et en repos dans le sein de la divine Providence ; car les âmes qui ont rejeté toute prétention, hors celle de plaire à Dieu seul, doivent demeurer en paix dans ce saint tabernacle.

Ma très-chère fille, Abraham (j'aime fort ce patriarche) sortit de sa terre et de sa parenté pour obéir à Dieu ; mais le Fils unique de Dieu, accomplissant la volonté de son Père céleste, travailla dans le pays de sa naissance. Contentez-vous, ma fille, d'imiter le Seigneur, car rien n'égale sa perfection, et ne tournez votre regard ailleurs ; mais appliquez-vous soigneusement à faire amoureusement et de bon cœur les besognes que la Providence et l'obéissance vous mettront entre les mains. — Les exercices principaux d'un noviciat sont la mortification et l'oraison. — C'est assez, et peut-être trop dire à une âme que Dieu éclaire et conduit. Je supplie sa Bonté de porter votre esprit à la perfection de son très-pur amour. Mon âme chérit la vôtre plus que je ne puis dire ; ayez cette assurance inviolablement, et priez pour celle qui est vôtre sans réserve en Notre-Seigneur.

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [548]

LETTRE DCXCII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Utilité des souffrances. — Une âme humble aime à prendre conseil. — Éloge de l'archevêque de Bourges.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 6 janvier 1626.

Loué soit notre bon Dieu ! Je vous assure, ma très-chère fille, que j'ai pris beaucoup de consolation à lire votre lettre, et voir l'état de votre bon cœur, dans lequel je vois que la divine Bonté répand beaucoup de saintes lumières, avec profit de votre chère âme qui s'en prévaut fort à propos, et ces pensées sont belles et dignes d'être notées, et tout cela [ce] sont de grandes grâces de la divine Miséricorde, comme aussi cette diversité d'états où vous vous trouvez continuellement ; car cela tient l'âme plus dépouillée et plus simplement unie à son Dieu, en quoi consiste tout son bonheur. Je vois aussi que les souffrances ne vous manquent pas ; c'est le creuset dans lequel Notre-Seigneur vous épurera entièrement. Toute votre correspondance intérieure ne doit être que simplicité et délaissement ; et l'extérieure, humilité, soumission, douceur et suavité. Et je vous supplie, ma très-chère fille, encore que la lumière intérieure abonde en vous, ne laissez pas de vous servir fort de conseils, les préférant même à votre jugement, tant qu'il se pourra ; ceci est un des grands fruits de la très-sainte humilité avec laquelle nous devons faire toutes choses. Certes, votre lettre eût été une fois aussi longue qu'elle ne m'en eût été que plus agréable ; Dieu me fasse la grâce d'en tirer profit ! Quoique mon indignité ne marche pas par des voies si élevées et excellentes, j'espère toutefois qu'elle me sera utile.

Je suis fort aise que vous ayez reçu ces deux bonnes filles ; [549] je vous en remercie de tout mon cœur, ma très-chère fille, pour notre petit Adrien. — Il est vrai, notre très-cher Mgr de Bourges croît journellement en piété et en certaine dévotion, laquelle, ce me semble, est de la grâce, parce que j'y vois beaucoup d'humilité et de douceur de cœur, et un grand dépouillement des choses de la terre. — Nous prierons fort particulièrement pour le bon M. de N. ; c'est un personnage que j'honore toujours, et le Révérend Père Supérieur aussi ; je les salue en tout respect. Ma très-chère fille, tenons-nous très-humbles et très-indignes des grâces de Dieu, car ce petit reculement les attirera plus puissamment. Je supplie sa Bonté de les accroître journellement en votre très-chère âme, que la mienne chérit plus que je ne puis dire.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DCXCIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Révision définitive du Coutumier. —Difficultés que rencontrent les Sœurs d'Avignon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 18 janvier [1626].

Ma TRÈS-CHÈRE FILLE,

Dame ! je suis aussi bien longtemps sans savoir de vos nouvelles, chacun à son tour ici ; mais je sais qu'il n'est venu personne de Lyon. Or j'ai peu à vous dire, sinon que je suis après notre Coutumier. Quand je l'aurai revu, je vous l'enverrai afin que vous voyiez comme j'ai accommodé ce chapitre du Supérieur, et ai transporté ailleurs quelque chose qui est nécessaire d'être fidèlement conservé et continué. J'ai refait aussi la [550] Préface, parce que j'ai eu souvent en vue et en désir de recommander à nos Sœurs quelques points principaux qui nous sont commandés, et lesquels je vois que la prudence humaine combat [contre] l'intérêt de notre Institut. Voyez-le, et me marquez franchement les défauts, et ce qu'il vous semblera que je devrai y ajouter ou diminuer, cela simplement selon notre confiance. Au surplus, je vois que nos pauvres Sœurs d'Avignon me désirent avec passion pour ce mois de mars, à cause qu'elles craignent d'être violentées pour la profession de ces deux filles.[163] Dieu sait avec quel cœur je désire les servir, mais je n'en vois pas le moyen, car Mgr leur prélat ne veut nullement qu'elles reçoivent nos Sœurs. Or elles m'ont écrit, et elles voudraient que nous obtinssions de Rome licence pour y entrer et aller. Premièrement, ce n'est pas chose facile à avoir, car en Italie c'est un grand crime que d'ouïr parler que les Religieuses vont par les champs. Secondement, je crains fort de rien remuer maintenant qui puisse tant soit peu fâcher Mgr leur archevêque ; car il écrit tant à Rome, et la moindre chose nuit en ce pays-là. Nous n'avons besoin de telle occasion, à cause que nos Constitutions sont en train d'être approuvées ; quand cela sera, on ne pourra y contrevenir. Or, je ne pense pas qu'on les veuille contraindre de recevoir à [la] [551] profession ces deux filles, car cela est contre le saint Concile. D'ailleurs, me voilà engagée par le commandement de Mgr d'ici d'aller mener nos Sœurs en Lorraine, incontinent après Pâques. Je vous prie, ma très-chère fille, considérez voir avec l'avis de quelques personnes capables, et même du Supérieur, ce que l'on peut faire pour ces chères filles ; car je suis en peine d'elles, en ce qui regarde la profession de ces deux novices. Pour le reste, il faut qu'elles aient patience que les Constitutions soient approuvées. Voilà ce que je vous voulais dire, ma très-chère fille. Que Dieu vous bénisse ! Amen /

[P. S. ] Nous attendons des Épîtres de bon cœur : ceux de cette ville en voulaient faire venir ; mais ils trouvent le prix excessif, qui est de cinq livres, cela empêche le débit. Renvoyez-moi ces papiers quand vous les aurez lus un peu attentivement, car je les veux montrer à Mgr de Genève, et puis, s'ils sont approuvés ici et de vous, je verrai ; car véritablement je les ai écrits avec mon esprit fort sec ; si, qu'ils ne sont pas couchés à mon gré, comme je fais, ce me semble, quand Notre-Seigneur me donne de la facilité ; mais n'importe, la substance de ce qu'il me semble que je devais dire y est. Que si l'on juge que cela ne servira de rien, comme il peut être à cause de ma misère, je n'aurai pas un seul brin de répugnance à jeter le tout dans le feu, ne l'ayant fait que parce que j'ai pensé que Dieu le voulait, à quoi je me puis tromper, et n'en serais étonnée ; car je vous proteste, ma fille, que j'ai confusion et répugnance, selon la nature, de me mêler de parler de cette sorte, qui ressent un peu je ne sais quoi de maîtrise ; [tout à fait, il m'est avis qu'il ne m'appartient pas. Il est vrai que quasi toujours mon très-heureux Père parle [que je cite ses paroles]. Il fallait que je dise ceci à ma très-chère fille, vraiment fille de mon cœur. Dieu seul soit notre tout et unique amour ! Amen. Il soit béni ! [552]

Je vous prie, considérez s'il ne sera pas à propos de faire imprimer le Coutumier dans quelque temps. Prenez-en avis, et si l'on pourra s'en fier au libraire, afin que s'il ne se doit imprimer, j'en fasse faire des copies bien correctes pour les monastères qui en demandent.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXCIV - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

S'abandonner sans mesure à la douce bonté de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Que mille et cent millions de bénédictions célestes soient répandues sur le cher cœur de ma très-bonne fille et de tous ceux que Dieu lui a conjoints. — Je ne sais que dire à votre tant cordiale lettre, sinon qu'à mon avis je vois que tout ce que vous me témoignez de votre amour est écrit en grosses lettres dans votre cœur. Soyez aussi assurée de ma fidèle correspondance ; je ne puis varier, ni m'empêcher jamais de vous aimer d'un amour parfait et plein de confiance. — Je vous écrivis un billet le jour de l'an.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, ayez un grand courage pour vous tenir au-dessus de toute cette multitude de pensées : ce sont des tentations que l'ennemi vous présente pour vous troubler, et que Dieu permet pour vous exercer et faire que tout à fait vous abandonniez à sa douce Bonté le soin de vous-même, sans plus rien craindre ni désirer, sinon de faire tout ce qui se présentera pour son amour. Méprisez les mépris que l'on fait [553] de vous, et aimez les méprisants. — Communiez hardiment en votre besoin, avec humilité et confiance. — Encouragez doucement notre Sœur A. -Bénigne [Grossy] ; elle fera prou avec le temps. Soyez paisible, bonne et joyeuse. — La bonne madame de la Fléchère m'écrit la grande confiance et amour qu'elle a en vous ; je vous la recommande. — Adieu, ma toute chère fille. Dieu soit béni ! Écrit sans loisir.

[P. S. ] Dites à notre Sœur votre nouvelle assistante qu'il ne faut que l'esprit d'une très-humble générosité pour bien faire sa charge. Je la salue et toutes nos Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXCV - À MADAME DE COULANGES

Témoignages d'affection et de respect.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 20 janvier [1626].

Madame, J'espère que Dieu me facilitera quelque occasion pour me procurer le contentement de notre entrevue ; je la désire grandement et avec raison, Madame, puisque M. votre mari et vous êtes les personnes du monde à qui je dois le plus d'honneur et d'affection, et auxquelles j'en veux le plus rendre ; car les continuels témoignages de votre bienveillance envers mon fils m'obligent étroitement à cela ; votre soin sur lui m'est infiniment précieux et m'en affranchit entièrement. Dieu lui fasse la grâce de vous donner entier contentement, Madame, et vous rendre tous ses devoirs selon que je souhaite qu'il fasse, et qu'il y est certes étroitement obligé. Je le vois en ce désir et plein de ressentiment des continuelles faveurs qu'il reçoit de M. votre mari et de vous. J'espère de la bonté de [554] Notre-Seigneur qu'à mesure que l'âge lui croîtra, il augmentera notre consolation en lui seul, ce que je souhaite et désire, et en prie continuellement notre bon Dieu, et qu'il plaise aussi à sa divine Majesté conserver votre très-chère fille, et lui donner un heureux accouchement.[164] Mon Dieu ! Madame, que cette petite femme-là m'est chère ! Certes, encore que je ne l'aie point vue, je l'aime toutefois et la chéris insignement. Dieu répande ses bénédictions sur toute votre honorable famille !

Aimez-moi, ma très-chère dame, en la personne de mon fils, et croyez que je suis de cœur et d'affection invariablement vôtre, etc.

LETTRE DCXCVI (Inédite) - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Restreindre les entrées des bienfaitrices séculières. — La Sainte est disposée à visiter les monastères qui le désirent. — Affaires de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Oh ! quelle pitié, ma très-chère fille, que les lettres traînent si longtemps par chemin ! Nous venons de recevoir celle que vous nous avez écrite du 17 novembre ; j'y ai répondu [555] amplement en répondant aux vôtres précédentes, et ai écrit à madame la comtesse [de Limours] selon votre désir. Assurez-la de ma part, ma très-chère fille, que madame de Villeneuve ne peut faire entrer, en tout cas, que ses deux filles et sa nièce, les unes après les autres, et cela seulement tandis qu'elles seront filles.

Pour madame de Dampierre,[165] c'est la vérité qu'elle entre avec sa fille, et une femme pour les servir, en la place de l'une desquelles elle peut faire entrer tour à tour madame de H., qui est une perle de dévotion, et l'une des plus chères filles de notre Bienheureux Père, ou une autre certaine amie du nom de laquelle je ne me souviens pas. Or j'espère en la bonté de Dieu, et en la dextérité et adresse de votre tant aimable cœur, que vous saurez bien gagner doucement l'esprit de cette bonne dame, pour la faire amiablement condescendre au règlement raisonnable de ces entrées qu'elle désire ; car tout à fait vous ne devez souffrir cette grande diversité de personnes, ains elle se doit contenter de réduire cela à quelque petit nombre de personnes distinguées en leur esprit et en la piété, autrement votre monastère en recevrait des importunités grandes et du préjudice, et cela sans profit de celles qui entreraient. Il faut qu'à l'aide du Révérend Père Moreau, que j'honore si parfaitement, Mgr de Chartres refuse dextrement cette permission. Au reste, ma très-chère fille, je connais cette bonne dame ; elle est un peu tendre, il lui faut témoigner beaucoup d'amour et de respect, vous saurez bien faire cela ; et certes il importe à la gloire de Dieu et même à votre tranquillité de lui donner de la suavité et du contentement en votre conversation ; vous êtes prou adroite pour manier son esprit comme il faut. — Au reste, ma très-chère fille, votre cœur est si plein d'amour qu'il ne peut voir le moindre témoignage de la véritable sincérité de [556] celui que Dieu m'a donné pour vous, sans avoir de tendres ressentiments. Certes, ma fille, le mien en est ainsi. Oh ! que de bonheur de s'aimer ainsi en Dieu ! les absences n'apportent nul déchet à telles affections. Persévérons ainsi, ma vraie très-chère fille.

Je ne sais que vous dire sur votre désir que je revoie nos monastères ; je vois qu'il est quasi en toutes nos Sœurs les Supérieures. Si Dieu le veut, il se fera ; mais, ma fille, il ne me semble pas que cela fût d'utilité à nos monastères, qui, grâce à Dieu, sont pourvus de bon zèle à l'observance et [de] bien bonnes Supérieures. Ce n'est pas que je fuie le travail ; car la consolation le surpasserait de beaucoup. Je laisse cela à la Providence céleste et à mon Supérieur, lequel m'a commandé d'aller mener nos Sœurs à la fondation que nous devons faire en Lorraine, et espérons de partir incontinent après Pâques. — Je pense vous avoir déjà écrit que, grâce à Dieu, la perpétuité du saint petit Office nous est accordée. L'on traite de la confirmation des Constitutions. Le Visiteur n'a pas été approuvé, dont je suis bien aise. Nous ferons, Dieu aidant, imprimer notre Coutumier, et espérons que celui qui aura commission de l'examen pour la béatification de notre Bienheureux Père, l'aura aussi pour le Coutumier : voilà toutes nos principales nouvelles. Adieu, ma fille ; à Dieu soyons-nous sans réserve ! Je suis vôtre, d'une affection très-incomparable.

Toutes nos chères Sœurs, qui sont fort bonnes, vous saluent très-humblement, avec toute la sincérité de leur cœur, et toutes nos Sœurs, vos filles. Je fais le même, et prie Dieu qu'il comble de son très-pur amour votre chère âme que la mienne chérit parfaitement. Dieu soit béni ! Je salue d'une singulière affection le bon Père recteur ; je l'honore infiniment.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [557]

LETTRE DCXCVII - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Bannir de son esprit toute défiance. — Affaires diverses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

Vous [tracassez trop votre esprit ; ne lui laissez plus faire tant de choses inutiles ; accoissez-le en Dieu pour toutes choses. Certes, si je ne connaissais votre bon cœur, je me fâcherais de ses petites méfiances, car il a tort. Je n'ai sentiment d'amour ni de confiance pour aucune de celles que vous nommez, qui soit comparable à celui que Dieu m'a donné pour vous ; mais [que] ceci demeure en vous, je vous en conjure, et arrête le cours de votre tentation ; car je vous dis la vérité, n'en doutez jamais plus, parce que Dieu vous a donné un tel rang dans mon cœur ; croyez-le, ma fille, je vous en conjure.

Faites avec vos filles selon que Dieu vous inspirera pour leur utilité ; mais ayez soin aussi de la nourriture de votre âme ; que si vous ne la pouvez prendre en un temps, faites-le en un autre. Quand vous écrirez au Révérend Père Fichet, saluez-le chèrement, et me recommandez à ses prières. Ne vous travaillez point l'esprit de toutes ces conditions qu'il vous marque ; arrêtez-vous à celles de votre Règle, et surtout que le saint zèle, accompagné d'extrême douceur et support, règne en votre gouvernement. Croyez que tout ce que Dieu m'a donné est vôtre, et que mon âme est fort unie à la vôtre qui m'est très-chère. Soyez attentive à la tranquillité, je vous en prie.

Redressez la petite Sœur Jacqueline, doucement, l'encourageant. Si N. Buttet s'humilie, elle fera bien, et si l'autre ne s'amende, il la faut renvoyer. J'ai écrit à mademoiselle de la Val [558] d'Isère. Nous arrêterons le compte avec M. Flocard, afin que nous vous donnions ce qui sera de surplus sur la dot de votre Sœur J. V. ; sa mère écrit qu'elle fera tenir l'argent où l'on voudra. Je salue chèrement votre âme et toutes nos Sœurs, à part notre très-chère Sœur de la Fléchère.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCXCVIII - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Ferveur des Sœurs de Paris. — Craintes au sujet de la béatification du vénérable Fondateur.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 28 janvier 1626.

Je vois clairement, ma bonne et chère fille, que votre cœur ne se peut assouvir de me témoigner la sainte affection qu'il a pour le mien chétif, lequel réciproquement vous chérit d'une sorte inexplicable. Oh Dieu ! que sera-ce de s'aimer là-haut de ces amours toujours actuels que le grand Amoureux de nos âmes nous donnera ! Tâchons, ma fille, de croître en ce divin amour de moment en moment. Hélas ! j'en ai le désir, et vous en possédez l'effet, dont je loue Dieu, et du bon ordre de votre chère maison, de laquelle notre cher Père M. Vincent m'écrit chose digne de grande consolation et bénédiction. Croyez, ma fille, que ce sont bien mes délices de savoir nos Règles si fidèlement observées. Voilà comme il faut que les Supérieures fassent, que généreusement elles procurent auprès des Supérieurs l'effet de ce qui les touche, et que de leur côté elles observent fidèlement ce qui les regarde ; car ne faut-il pas que nous donnions la forme et fermeté par notre exemple à celles que Dieu nous a commises ? [559]

Faites prier incessamment, je vous supplie, pour notre cher Père dom Juste, et pour les affaires de la béatification de notre Bienheureux Père. Notre Saint-Père le Pape a fait un Décret pour les béatifications qui nous fait appréhender.[166] Mais en toutes choses, il faut que nos volontés soient conformes à celle de Dieu. Votre, etc.

LETTRE DCXCIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Corrections à faire au Coutumier avant que de le livrer a l'impression.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 5 février [1626].

Dieu bénisse votre esprit, ma très-chère fille ; je suis consolée que le mien chétif [en relisant l'épître dédicatoire] ait [comme le vôtre] trouvé à retoucher [le passage] de la congratulation, et de l'union qui doit être sans autorité ; j'ajouterai et retrancherai le reste le mieux que je pourrai. Mais, je vous prie, considérez encore le point des Jésuites, tant parce que c'est une simple marque de recommandation qui n'oblige à rien pour empêcher notre liberté, ni à les aller chercher où ils ne seront pas, que parce que notre Bienheureux Père me dit cela, qu'il le [560] fallait écrire quelque part. Je l'ôterai de là [du Coutumier], toutefois, et nous considérerons encore où il se pourra mettre pour obéir à ce saint Père, quand nous nous verrons, qui sera, Dieu aidant, l'été prochain. Nous le considérerons tout et m'aviserai alors de vous parler de ces préférences aux anciennes. Cependant je vous envoie notre Coutumier, lequel j'ai pris soin de faire copier le mieux que j'ai pu et non sans beaucoup de fautes encore, car les filles ne sauraient tant écrire sans cela, au moins les nôtres ; mais aussi notre original est bien tellement brouillé à cause de la précipitation avec laquelle il fut écrit, que l'on a peine de le bien copier. Je l'ai lu et éclairci le mieux que j'ai pu, mais non avec tel loisir que je désirais.

Il y a tout plein de petites choses qui regardent le bon ordre ; je désire que cela soit couché en sorte qu'il ne serve que de simple direction et non de sujétion. Il m'est avis qu'en plusieurs endroits il est déjà ainsi, et que nous accommoderons bien cela nous deux. Vous remarquerez aussi les défauts et superfluités de paroles ; et, bref, vous en ferez écrire un par notre bon M. Rosset, avec l'ordre qui semblera meilleur, quoiqu'il me semble qu'il ne faudra guère changer celui qu'il a. Ne faites rien écrire sur le nôtre, ains vous en servez comme de celui qui est le plus entier, et puis nous le renvoyez. Voilà encore un petit écrit que j'avais fait, car je désire de ne rien changer que nos Sœurs premières, s'entend celles de Dijon, Riom, Péronne-Marie, et vous ne l'approuviez. — Le chapitre du Supérieur n'est pas écrit dans notre Coutumier, parce que dès le commencement je me doutais bien qu'il y faudrait retrancher ce Visiteur ; la place est en blanc, mais je n'ai loisir de l'y faire écrire. — Maintenant je pense qu'il faudra bien considérer ce retranchement des prières pour les prélats défunts ; pour la communion du sacre, l'on peut ajouter : ou autre jour de l'année. — Vous ne sauriez croire, ma très-chère fille, le bien qu'a apporté céans que les coutumes aient été écrites ; ce monastère [561] va bien suavement à mon gré : il ne se peut voir des filles plus simples et égales ; il n'y a nulle aversion, mais grande union. Dieu en soit glorifié !

J'écrirai à nos Sœurs d'Avignon. Je serais bien aise que vous fissiez imprimer les Règles, mais il les faut bien corriger. Pour le Coutumier il faut encore un peu attendre, et je vous en dirai la raison en nous voyant. Il faudra que le libraire soit bien fidèle pour donner tous les exemplaires. Nous avons reçu la caisse, mais sans mémoire de ce que coûte le tout, et il me semble que vous me faites mémoire d'une lettre que nous n'avons pas reçue. Bonsoir, ma très-chère fille, et mille bonsoirs à nos très-chères Sœurs. Je vous écris sans jour et sans loisir. Dieu soit-il au milieu de notre cœur, et soit béni !

Si nous retranchons le « tant qu'il se pourra » de ne pas nourrir le confesseur, outre que nous ne le mettrons pas comme notre Bienheureux Père l'a dit, nous nous condamnerons nous autres, qui, à notre grande mortification, ne nous pouvons exempter de le faire tant que M. Michel vivra, tant il est attaché à cette commodité-là ; il y faudra derechef penser.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCC (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Impossibilité de passer à Dijon en allant en Lorraine. — Choix d'une Supérieure pour Pont-à-Mousson. — Avantages des humiliations et des souffrances. — On prépare la seconde édition des Épîtres de saint François de Sales. — Nouvelles de l'archevêque de Bourges.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 14 février [1626].

Ma très-chère fille,

Non, nous ne passerons pas vers vous en allant [en Lorraine], mais oui infailliblement, Dieu aidant, en retournant, [562] parce que nos amies du Comté nous font des conjurations si pressantes de passer [à Besançon], que nous sommes contraintes de le leur accorder ; et je pense qu'il sera encore à propos pour confirmer ou divertir cette multitude de filles et de personnes qui s'amusent toujours à la poursuite de notre établissement là. Si ce n'était cela, vous auriez tort de penser que je ne misse autant de désir que vous de nous voir, quoique non pas pour réparer vos défauts, non plus que ce n'est pas la considération de notre Sœur Paule-Jéronyme [Favrot] qui nous en détourne ; oh ! non, de vrai, ma très-chère fille ; car aussi ne sommes-nous pas encore résolue qui sera Supérieure. Nous avons tout plein de bonnes filles, mais encore peu expérimentées ; nous attendons la Mère d'Aix pour nous aider à les choisir. Et faut que je vous dise franchement, que, selon mon sentiment, je n'en vois pas qui aient des conditions plus universelles et propres à ce pays-là [de la Lorraine] que notre Sœur [Paule-Jéronyme] ; mais nos Sœurs ne la goûtèrent pas toutes (lorsque je les priai de considérer qui nous pourrions employer à cette fondation), et ne s'arrêtèrent toutefois que sur notre Sœur Claude-Agnès [Daloz]. Elle se comporte au reste parmi les Sœurs fort bien [plusieurs lignes effacées]... Mais sa douce Providence a voulu vous épurer dans le creuset, duquel, par sa grâce, vous êtes sortie plus claire et plus nette. Il est vrai, mon unique très-chère fille, si nous pouvions désirer quelque chose, il faudrait souhaiter les tribulations et persécutions les plus humiliantes et abjectes, car c'est où l'âme s'épure en vérité, et s'unit cœur à cœur à son Dieu : chacun ne mérite pas telle grâce. Certes, la disposition où Dieu vous tient est tout à fait à mon gré. Oh ! qu'heureuses sont les âmes qui vivent dans un saint abaissement et anéantissement ! C'est la voie royale par laquelle il n'y a rien à craindre. Dieu, par sa douce bonté, nous y maintienne !

L'on fera quelque petit retranchement aux Épîtres pour la seconde édition. Il me fait grand bien d'avoir quelquefois de [563] ces petites mortifications ; car je suis toujours trop sensible en tout ce qui touche notre Bienheureux Père. Ce livre est admirable et respire partout l'esprit de Dieu et la sainteté de son auteur. On poursuit sa béatification. — On n'a pas goûté à Rome le Visiteur ; nous le retrancherons de notre Coutumier et accommoderons l'article du Supérieur. Je pense d'ajouter en la préface quelques points de recommandations pour les choses plus nécessaires à être conservées avec attention, comme aussi d'éclaircir au Coutumier ce qui était obscur, ainsi que de nos Sœurs m'ont écrit ; et d'y retrancher que la Supérieure pourra être réélue, après avoir été déposée un an ; car l'on en peut tirer de mauvaises conséquences : il nous suffit de le savoir. — Je voudrais que tout à fait on ne nourrît point les confesseurs, mais nous ne saurions faire joindre le nôtre à cela, car il aime fort de trouver sa portion faite, et il est si bon qu'il me fâche de le fâcher. Or bien, vous verrez le tout, et nous examinerons ensemble, avant que de faire imprimer le Coutumier, ce que l'on dit qu'il faudra faire pour le conserver.

Il me semble que Notre-Seigneur tient de sa bonne main notre vénérable et bon archevêque [de Bourges] ; mais je suis bien aise qu'il revienne : il m'écrit des lettres qui me ravissent et me donnent grand sujet de bénir Dieu. Ce me sera une consolation indicible de le revoir à notre retour. Je crois ne faire que deux ou trois mois au plus de séjour en Lorraine. Dieu accomplisse en tout son saint vouloir et comble votre très-chère âme des bénédictions de son très-pur amour. Ma fille, je suis uniquement toute vôtre et sans réserve.

[P. S.] Je vous recommande de tout mon cœur l'affaire de notre chère Sœur de la Fléchère ; son procureur s'appelle M. Prinstel. Je vous recommande bien fort ces lettres de Lorraine ; donnez-leur sûre adresse.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [564]

LETTRE DCCI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Elle l'encourage dans une perte temporelle. — Ne point admettre à la profession les novices qui ne travaillent pas à acquérir l'humilité et la simplicité. — Entretien de communauté.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 14 février 1626.

Vraiment, ma très-chère fille, il est vrai que les pertes des lettres sont fâcheuses. Croyez que jamais je ne manque à répondre, et le plus tôt que je peux. Mais, mon Dieu ! je ne plains que votre perte et celles de nos pauvres Sœurs de Bourges. Voilà une grande surprise à cette chère Sœur d'Orléans. Mais, ma pauvre très-chère fille, où prendrait-elle de quoi faire les remboursements ? car son monastère ne doit pas réparer telle surprise et inadvertance. Or sus, Dieu réparera cette perte par quelque bénédiction ; car ce que vous avez fait, ç'a été pour la charité.

Je loue Dieu de quoi vous êtes allégée par la sortie de cette dame. Pour Dieu, ma très-chère fille, ne soyez point tendre en ce qui regarde la réception des filles ; n'en admettez aucune qui n'ait les conditions convenables, ainsi que la Règle marque. Voyez-vous, les manquements d'humilité et simplicité dans les âmes novices sont de grande importance ; mais si ces défauts ne se font que par des surprises, et que les âmes soient généreuses et haïssent ce mal, vous pouvez espérer que le temps les affranchira ; mais si la chose n'en va pas ainsi, croyez qu'il y a très-grande apparence qu'elles ne se changeront point ; et parlant, il faut bien considérer telles filles qui ruinent enfin les maisons religieuses. Peu et bon, ma très-chère fille ; choisissez bien les esprits, et croyez que pourvu que les filles soient bonnes et bien observantes, jamais ce qui sera [565] nécessaire à leur entretien ne manquera. Notre-Seigneur s'y est obligé : Cherchons premièrement le royaume de Dieu, et tout le reste suivra.

Je n'entends pas quels entretiens fréquents vous ne goûtez pas. Partout où Dieu m'a mise, nos Sœurs parlent très-rarement dehors, et quasi point en particulier dedans, sinon les aides ; car, pour l'ordinaire, je les entretiens toutes ensemble une fois le mois, quoique je ne voie rien en cette famille qui me fasse craindre, grâce à Dieu ; mais nous sommes toutes bien aises de nous entretenir en commun. Il ne se voit aucune particularité ; il les faut ôter tant que vous pourrez, c'est la ruine de la charité commune.

J'écrirai pour madame de Chazeron ; mais la chose sera fort considérée à cause qu'elle est extraordinaire, et que l'on craint fort là les conséquences. Pour moi, je n'y résisterais nullement ; car si l'on donne telle grâce pour de l'argent, moi, je la voudrais plutôt concéder pour l'or de la sainte charité. — Ma très-chère fille, je suis toujours toute vôtre et toujours plus, si je puis, vous souhaitant le comble des plus riches grâces de notre bon Dieu. Qu'il soit béni ! Amen.

[P. S.] Envoyez une cédule, ou écrivez sur votre livre, comme vous voudrez ; et n'ayez peur que nous vous pressions du payement. — Et quand écrirez-vous [l'histoire de] notre fondation d'Annecy ?

Conforme à l'original gardé aux Archivée de la Visitation d'Annecy. [566]

LETTRE DCCII - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Comment une Supérieure doit se comporter à l'égard de ses Sœurs. — La douceur est la base de l'esprit de la Visitation. — Annonce de plusieurs prétendantes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

J'ai été consolée des lettres que m'ont écrites vos chères Sœurs conseillères, lesquelles me témoignent qu'elles vivent en grande union et contentement avec vous. Ma très-chère fille, il leur faut bien donner sujet de persévérer ainsi et d'y accroître, ce qui arrivera si vous faites vous-même ce que vous enseignez. Surtout, ma très-chère fille, traitez avec les anciennes avec un amour cordial, respectueux, content et confident, et tâchez qu'elles n'aient avec vous qu'un seul cœur par une union toute suave, et comme elle doit être entre de vraies sœurs ; car, quoiqu'elles vous doivent honorer et obéir comme leur mère, si, devez-vous traiter avec elles comme sœur et compagne ; et, avec les jeunes, comme mère débonnaire envers ses filles, sans les trop presser, sinon fort amiablement, par manière d'encouragement. Ce que je vous dis ici, c'est sur votre dernière lettre que vous m'écrivîtes, que vous disiez souvent qu'il fallait marcher droit avec vous. Ma chère fille, [il faut] conduire droit par [bonté] et encouragement... Enfin, l'esprit de la Visitation est l'esprit de douceur ; il le faut conserver au péril de tout ; car, qui n'agira par cet esprit, quoique tout le reste fût observé, ce ne serait pas une Visitation ; le principal y manquerait. Surtout donc, ma très-chère fille, je vous recommande cette sainte douceur avec tous, la modestie et tranquillité en toutes vos actions, lesquelles je vous supplie de conduire sagement, afin [567] que Dieu soit glorifié par votre conversation avec les séculiers, et par la douceur de votre gouvernement au dedans.

Vous connaissez votre naturel qui a besoin de bride, et que vous le veilliez. Faites-le pour Dieu, ma très-chère fille, et vous en recevrez toute sorte de grâces. Tenez-vous proche de sa Bonté ; lisez soigneusement votre règle, car Dieu veut que vous deveniez une règle vivante, pour sa souveraine gloire, en la charge qu'il vous a commise. Je ne pensais nullement vous dire tout ceci, mais Dieu me l'a donné en vous écrivant. Faites-en profit, ma très-chère fille, et que cette lettre vous serve pour longtemps et pour toujours ; car, à mon avis, mon bon Ange et le vôtre me l'ont dictée pour vous. Si vous voyiez les sentiments de mon cœur et l'ardente affection que j'ai de votre bien, vous m'aimeriez bien.

Au reste, Mgr m'a commandé de mener nos Sœurs en Lorraine ; si je puis et qu'il le trouve bon, nous vous irons voir un petit tour. — Voilà de saintes reliques de notre saint Père. — Madame Garbillon se dispose de vous mener sa fille après Pâques. Il y a encore tout plein d'autres filles ; nous tâcherons de vous conduire celles qui auront d'honnêtes commodités. Mais il sera nécessaire que vous fassiez planchéier votre dortoir pour loger tant de filles. Prévoyez à cela de bonne heure, afin d'avoir les ais et bois nécessaires, et aussi de faire un peu hausser votre muraille du jardin. Voilà, à mon avis, tout ce qui vous est nécessaire, avec le puits.

Ma très-chère fille, il ne se peut dire combien j'aime votre petite maison. Dieu vous y rende digne de l'y servir parfaitement, et toutes vos chères filles, et la bonne et chère Sœur de la Fléchère qui nous a si bien logées ; aimez-la bien, et la confortez bien, ma très-chère fille, avec toute franchise et confiance ; la pauvre femme en a besoin pour les grands embarrassements d'affaires où elle est. Bonjour, ma très-chère fille ; je suis vôtre [568] de cœur et d'affection. Priez pour moi, afin que j'accomplisse la sainte volonté de mon Dieu. Amen.

[P. S. ] Il faut que j'ajoute ce mol ; mettez-vous un peu sous la douce et humble gravité, je vous en prie ; le chapitre de la Modestie bien pratiqué donnera cela.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE DCCIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Prière de lui renvoyer la copie du Coutumier. — La commémoraison des fêtes ordinaires est prescrite par le saint Fondateur.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 15 février [1626].

Ma très-chère fille,

Me voici bien en peine de notre Coutumier que je vous ai envoyé, il y a déjà deux ou trois semaines, et vos lettres ne me l'accusent point, Dieu soit béni ! car nous n'avons que cette copie-là, et il y a bien de la peine d'en tirer de dessus l'original ; j'attendrai le plus patiemment que je pourrai de vos nouvelles.

J'écrirai par le premier courrier à Mgr le cardinal de Marquemont ; il me fait grand bien de l'appeler ainsi ; nous savions déjà la bonne nouvelle avec grande joie.[167] — J'envoie la lettre de Blois à Nevers, et la recommande à cause de l'argent. Au reste, je pense que nous perdons nos peines à demander à ce bon seigneur ; je le ferai pourtant de bon cœur, car je voudrais acheter cela par quelques bons travaux. [569]

Mais ne vous pensez pas excuser pour cela des commémorai-sons des fêtes ordinaires ; car notre Bienheureux Père, plus d'un an devant son décès, m'ordonna de les faire faire et d'en mettre l'usage dans nos maisons, retournant de Paris. — Adieu, ma très-chère fille, à Dieu soyons-nous uniquement et sans nulle réserve ! Je vous prie que j'aie des nouvelles du Coutumier par le retour de ce porteur, car il revient promptement. Dieu soit notre tout ! Amen, et soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCIV - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Promesse d'un voyage à Rumilly. — Recommandation d'aimer les Sœurs Bernardines. — Tenir son cœur ferme contre toute affection humaine.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

Je vous écrivis la semaine dernière fort amplement, et m'est avis fort utilement, de sorte que je ne dois rien ajouter pour vous, sinon, ma très-chère fille, faites bien ainsi que je vous ai écrit. Cela suffit pour d'ici à ce que nous vous voyions, qui sera quand le beau temps sera un peu affermi, car je désire de faire passer le contrat de votre maison avant notre voyage de Lorraine, et vous voir un peu ; n'en serez-vous pas toute bien aise ? J'écris aussi à vos Sœurs conseillères.

Hélas ! notre chère Sœur de la Fléchère fait avec tant de simplicité toutes choses, qu'il le faut recevoir comme cela. Mon Dieu ! ma fille, soyez bien aise qu'on vous allègue les autres, cela est humilité, et aimez bien ces pauvres Sœurs Bernardines que notre Bienheureux Père aimait tant. Tenez votre cœur bien [570] ferme contre toutes ces pensées tracassantes, et surtout contre toute affection humaine, car rien ne nous divertit tant de Dieu. Certes, les nouvelles que l'on m'a écrites de votre maison me consolent bien, et priez Dieu qu'il y accroisse ses bénédictions. J'espère que si vous faites votre gouvernement avec grande douceur, vous en recevrez toujours plus de consolation, et Notre-Seigneur plus de gloire, ainsi je l'en prie. Notre Sœur Marie-Madeleine [de Mouxy] vous écrit le reste, n'ayant pas le loisir de plus.

Je salue très-chèrement madame la comtesse, je l'honore fort ; je salue nos très-chères Sœurs, je les aime tendrement et prie Dieu qu'il les bénisse, et leur chère Mère que j'aime de tout mon cœur. Adieu à toutes. J'écrivis l'autre jour à ma très-chère Sœur de la Fléchère ; je ne le puis maintenant, mais je vous prie de la saluer chèrement de notre part, et M. de la Fléchère que j'attends toujours. Adieu, ma fille.

Je salue aussi mademoiselle de la Fléchère.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCV - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Voyage à Chambéry. — Correction de la Préface du Coutumier. — Choix de la future Supérieure de Pont-à-Mousson.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 21 février [1626].

Ma très-chère fille,

Nous attendons toujours de savoir ce qu'il y avait dans le dernier paquet qui se trouve égaré, pour en faire la recherche à bon escient, car il y a quelque apparence, à ce que l'on nous dit, que celui auquel il fut remis n'a point été volé, mais qu'il [571] le fait accroire ; et par ce qui se trouve en diverses paroles, et que d'autres fois il a fait des friponneries, l'on se doute fort que c'est lui-même qui les veut perdre. Nous attendons ce que vous nous en manderez.

J'attends toujours de vos nouvelles elle retour du Coutumier, pour le faire copier à nos Sœurs qui iront en Lorraine. Cependant nous parlons pour Rumilly, et de là, comme je pense, à Chambéry ; car il est survenu une tracasserie entre les bons Pères Jésuites et nos chères Sœurs, pour une pierrière qui est à nous et de laquelle nous avons besoin pour le monastère ; et il se trouve aussi que les bons Pères en ont une extrême nécessité pour leur église, et que mille ou douze cents voitures qu'on leur a données ne suffisent pas, de sorte que cela donne de la tentation de part et d'autre. Recommandez le tout à Notre-Seigneur, afin que les choses se passent à leur satisfaction, sans trop de perte pour nous. Il me semble que nous avons accommodé la préface assez à mon gré ; je l'ai retouchée et faite plus courte sans rien ôter de l'essentiel ; car la première fois, je l'avais écrite en grande sécheresse, et n'avait moyen. Cette fois Mgr de Genève la trouve bien et le Chapitre aussi.

Vous verrez dans ces lettres nos nouvelles. Nous mènerons de bonnes filles en Lorraine ; nous ne sommes pas encore résolue qui sera Supérieure ; toutefois, je crois que ce sera notre Sœur Paule-Jéronyme [Favrot], parce qu'elle est de plus grand courage que les autres que nous avons ici, et, selon mon sentiment, plus universelle et propre à ce lieu-là, où l'on aura une grande quantité de personnes de qualité à manier. Elle est ici directrice avec grand fruit : je n'avais point vu notre noviciat si à mon gré qu'il est, dès la Mère qui est à Air. Quelques Sœurs d'ici choisiraient plutôt notre Sœur Claude-Agnès [Daloz] qui est une âme bien faite ; mais je ne la trouve pas assez robuste pour cette charge qui sera grande. Dites-m'en votre sentiment, et priez fort pour les affaires de Rome, [572] et pour moi qui en ai certes besoin, et qui suis uniquement toute vôtre d'une manière incomparable.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCVI - AUX SŒURS DE LA VISITATION[168]

Authenticité du Coutumier. — Toute perfection est comprise dans l'observance des Règles. — De l'obéissance due au prélat. — Se garder de la prudence humaine dans le choix des Supérieures et la réception des sujets. — Recours confiant aux Pères Jésuites. — C'est l'intention de saint François de Sales que tous les monastères soient étroitement unis à celui d'Annecy ; devoir de ce monastère à l'égard de tout l'Ordre.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1626.

Mes très-chères Sœurs,

Je vous présente en toute sincérité les directions et coutumes qui ont été établies en ce monastère par feu notre saint Père et Fondateur. Je les ai rangées et assemblées en un corps le plus convenablement qu'il m'a été possible, afin que le tout se conserve mieux. J'ai ajouté, suivant son commandement, quelques choses qu'il avait écrites de sa propre main, et d'autres qu'il avait fait marquer et qui n'avaient pas encore été écrites.

Or, parce que je sais (et la plupart de nous autres qui avons vu ce très-saint Père le savent comme moi) que c'était sa volonté que ces Directoires, Cérémonies et Coutumes fussent à l'avenir toujours suivies et observées en tous nos monastères [573] de la Visitation, afin de conserver et continuer l'union et conformité avec ce monastère premier, comme elles ont été par ci-devant ; pour cette raison, j'ai désiré (parce qu'elles n'étaient pas signées de notre Bienheureux Père d'autant qu'il les a données à diverses fois), j'ai désiré, dis-je, de les faire reconnaître par les premières Sœurs qui ont été reçues en notre saint Ordre, et par tout le Chapitre de ce monastère, afin qu'avec moi elles rendent témoignage de cette vérité à celles qui nous suivront, que ce sont les mêmes Directoires, Cérémonial, Coutumes et Ordonnances établies en ce monastère d'Annecy par notredit saint Fondateur, et que toutes ont observées et fait observer aux monastères de leur charge, à mesure qu'elles leur ont été communiquées. Or, parce qu'il a plu à la divine Providence me faire l'honneur et la grâce, quoique très-indigne, d'avoir été l'une des premières Sœurs qui furent si heureuses que d'être employées pour commencer celle tant aimable et sainte manière de vie, et d'avoir été pour celle fin dressée avec elles très-soigneusement de la main de notre saint Père et Fondateur, j'ai pensé, mes très-chères Sœurs, que vous n'auriez point à dégoût que je vous recommandasse la fidèle et très-sainte observance des choses qui nous ont été si saintement recommandées avec un amour si tendre et si ardent au bien et profit de nos âmes, et que je vous rappelasse ici quelques points notables que j'ai connus qu'il a surtout désiré qui fussent conservés. Je le fais donc avec toute l'ardeur et l'affection qu'il m'est possible, me semblant que nous n'avons besoin que de cela, et que nous ne devons rien désirer de plus.

Notre Bienheureux Père disait que ce qu'il craignait, c'était que l'on ne s'attachât pas assez à la Règle, et moi, c'est tout ce que je crains aussi, et je prie Dieu que nous ayons toutes si fort cette sainte appréhension, qu'elle produise en nous une très-fidèle observance. Oh ! mes très-chères Sœurs, combien est-il vrai ce qu'il nous a dit, que « les préceptes de toute vertu [574] et perfection sont enclos en nos Règles et Constitutions ». Car. n'est-il pas vrai, mes très-chères Sœurs, que si nous n'avons qu'un seul cœur en Dieu, si nous honorons Dieu en la personne les unes des autres, si nous sommes humbles, simples, chastes, pauvres, modestes, et le reste qui nous est prescrit, nous aurons une perfection très-accomplie ? Aussi notre Bienheureux Père disait, qu'il y a dans notre Institut bien assez de besogne pour nous, qu'il fallait seulement nous appliquer à faire. Sus donc, mes très-chères Sœurs, travaillons, je vous supplie, de toute l'affection de nos cœurs, à nous Rendre des règles vivantes par une exacte et ponctuelle observance : marchons fidèlement et très-humblement par celle voie, soit en obéissant, soit en commandant, et non selon notre prudence et sagesse humaine. Observons au pied de la lettre sans glose ni interprétation ce que nous avons reçu ; mourons plutôt, mes Sœurs, que de nous départir jamais de ce sacré chemin sous quelque prétexte que ce soit.

L'obéissance particulière que nous devons rendre à Messeigneurs nos prélats est une vertu de notre Institut ; ils doivent être les conservateurs de cet Institut, et ils ne peuvent en conséquence rien nous commander qui soit contraire à cela. Ne prétendons faire ni plus ni moins que ce qui nous est prescrit, ainsi que tant de fois notre Bienheureux Père nous l'a recommandé, disant que nous nous gardassions bien d'ouvrir la porte à aucun changement ; que si nous le faisions tout se dissiperait et s'éparpillerait, non pas même en chose de peu d'importance, parce que les petits changements donnent ouverture aux plus grands, et qu'il fallait être invariable à conserver ce que l'on avait reçu et qui avait été sagement institué ; que les coutumes anciennes médiocrement bonnes valent mieux que les nouvelles, quelque meilleures [qu'elles nous paraissent]. Il chargeait surtout les Supérieures de ceci et disait encore : « que le bien et le mal de leur monastère étaient entre leurs mains, et que partant [575] elles devaient être très-soigneuses et attentives à leur devoir, sans laisser rien négliger, pour petit qu'il fût, et que leur amour et support cordial, et leur zèle pour la perfection des Sœurs en l'exacte observance, seraient le bonheur des monastères et la conservation de l'Institut. »

Toutes ces paroles de notre très-saint Père, mes très-chères Sœurs, ne doivent-elles pas être gravées au fond de nos cœurs et pratiquées au pied de la lettre ? Oui, certes. Or, toutefois, il pourrait arriver que le temps et les lieux montreraient la nécessité d'accommoder quelque chose. En ce cas, pourvu qu'il ne touchât en rien de ce qui est des Règles, Constitutions et Coutumes essentielles et nécessaires à la conformité des couvents, on pourrait le faire avec l'avis des Supérieurs et de quelques personnes très-pieuses et capables, après toutefois en avoir communiqué avec les monastères anciens, surtout avec celui d'Annecy, lequel, après avoir mûrement considéré la proposition, en pourra conférer avec le monastère de Lyon, afin que les introductions nouvelles ne se fassent pas légèrement et sans une visible nécessité, ou grande utilité pour le bien des monastères.

Vous savez aussi que ce Bienheureux Père craignait infiniment que l'esprit de prudence et de sagesse humaine ne se glissât parmi nous. Gardons-nous de lui, je vous supplie ; il nous détruirait, et particulièrement en ce qui regarde l'élection des Supérieures, et celle des Sœurs pour les charges principales des monastères. Que les Sœurs et les Supérieures soient soigneuses et consciencieuses en ceci ; ne recevons jamais aucune Supérieure que de la seule élection des Sœurs, ainsi que la Règle le commande ; ne faisons point état en ces occasions de certains talents naturels ou acquis, du bien parler, du beau maintien, de certaines qualités attrayantes, de joliveté d'esprit, de la noblesse, de l'ancienneté d'âge ou de Religion, et semblables qualités, lesquelles, si elles ne sont [576] accompagnées du solide, ne doivent être d'aucune considération parmi nous ; mais choisissons celles qui auront de la discrétion, le jugement bon, qui seront simples, sincères et humbles ; qui auront le zèle pour l'observance et qui n'abondent point en leur propre sens, d'autant que celles qui sont atteintes de celle maladie détruisent ordinairement l'esprit de la Religion pour introduire le leur ; et enfin employons celles qui ne prétendent point aux premières charges, ains s'en jugent indignes ; car telles Sœurs feront très-bien tout ce que l'obéissance leur ordonnera, l'Esprit de Dieu gouvernera en elles ; et, croyez-moi, ce point est de grande importance, mes très-chères Sœurs ; soyez-y bien attachées, je vous en prie.

De même, gardons-nous bien de cette prudence et ces respects humains pour la réception des filles (le bon choix desquelles est si absolument nécessaire à la conservation de l'Institut), et spécialement en ce qui regarde la réception des infirmes et défectueuses de corps. Vous me direz que cela nous est recommandé en tant d'endroits qu'il n'est pas besoin que j'en parle ici ; certes, il est vrai, mais je ne m'en puis tenir, parce que je vois que cet article de la retraite de celles qui ont quelque tare en leur personne est fort combattu de plusieurs sages, et fort contraire à la prudence naturelle qui fournit quelquefois tant de raisons que la pauvre charité a prou peine à tenir le dessus ; c'est pourquoi nous avons besoin d'un grand courage pour observer ce point inviolablement. À quoi nous servira de considérer souvent que c'est la fin de notre Institution et les désirs infinis de notre saint Instituteur, comme il l'a témoigné par la menace qu'il a faite à celles qui y contreviendraient ; et remarquons qu'en cette loi, il nous a donné un moyen de pratiquer les deux précieuses vertus de notre Congrégation : la douce charité envers le prochain et l'amour de notre abjection, vertus que tant de fois et si continuellement il nous a inculquées.

Mes très-chères Sœurs, ce qui nous peut aider à cela nous [577] doit être précieux ; car c'est la base et le soutien de tout l'édifice spirituel de la Visitation. Tenons-nous donc fermes en cela, et, de plus en plus, abaissons-nous par une très-humble, très-basse et très-profonde humilité, qui nous fasse aimer et accepter cordialement ce qui peut nous rendre abjectes aux yeux du monde et aux nôtres ; que cette sainte humilité nous fasse tenir très-petites et basses dans l'estime de nous-mêmes en comparaison des autres. Ne désirons aucune excellence que d'être sans excellence et de dépendre totalement du bon plaisir de Dieu, ne recherchant en toutes choses que sa seule gloire ; car c'est, comme vous le savez, le caractère des filles de la Visitation. Oh ! mes très-chères filles, le grand trésor que celui-ci ! il nous doit être uniquement précieux et sans prétention d'aucun autre. Pour Dieu ! conservons-le en son entier, et prenons bien garde que les désirs d'excellence et de propre estime ne nous le dérobent ; ayons continuelle mémoire de ce que notre Bienheureux Père nous a dit et laissé par écrit sur ce sujet, afin que toutes les actions de notre vie soient ornées de cette sainte vertu.

Certes, en écrivant ceci, le cœur me frémit, et je ne puis contenir mes larmes pour l'appréhension que j'ai qu'un jour cet esprit ne vienne à périr ou à diminuer en nos monastères ; ô mon Dieu ! ne le permettez pas ; mais que plutôt nous périssions nous-mêmes ! Mes Sœurs, je vous conjure que nous soyons attentives à ceci. Oh ! quand je me souviens des travaux, des soins, et des peines de notre saint Fondateur pour nous tirer où nous sommes, et des ardeurs et infinis désirs qu'il avait que cet esprit fût conservé en nos monastères, je voudrais consumer ma vie pour cela. Oh ! donc, mes très-chères Sœurs, ayons-en une sainte jalousie, je vous en conjure de toutes les forces de mon âme ; c'est le grand moyen pour attirer le secours de Dieu auquel notre Bienheureux Père nous a remises et laissées, nous assurant que sa souveraine [578] Providence aurait un soin très-paternel et spécial de nous. Je vous dis derechef que nous y soyons fidèles, assurées que nous devons être que nous ne manquerons pas de la grâce suffisante pour cela, ni pour la conservation de tout l'Institut, notre saint Fondateur nous ayant laissées entre les bras très-précieux et paternels de la souveraine Providence, nous assurant qu'elle aurait soin de nous maintenir si nous lui correspondions avec fidélité. Et lorsqu'il me dit à Lyon les saintes et solides raisons sur lesquelles il établit sa finale résolution de nous laisser sous l'autorité de Mgrs les prélats, il ajouta avec une très-humble et profonde confiance : « Jésus-Christ sera votre chef et protecteur. Le bonheur de notre Congrégation ne dépend pas d'être rangée sous le gouvernement d'un seul Supérieur, mais de la fidélité que chaque Sœur aura en son particulier, et que toutes auront en général de s'unir à Dieu par l'exacte et ponctuelle observance. »

Toutes ces paroles sont de grande consolation, pleines d'esprit de foi, et tout à fait admirables. Je sais bien qu'elles sont au Coutumier, mais je n'ai su m'empêcher de les rapporter ici, et je voudrais les écrire en cent lieux, mais surtout au fond de nos cœurs ; nous les devons tenir comme le testament et les dernières volontés de notre saint Fondateur, et les conserver inviolablement par une fidèle pratique ; nous y trouverons notre bonheur et l'unique moyeu de conserver notre Institut en l'intégrité de son esprit, qui est fort délicat ; nous y trouverons aussi un juste sujet de demeurer en paix dans le sein paternel de notre bon Dieu, nous tenant à recoi au lieu le plus secret de ses tabernacles, espérant avec une très-humble assurance et confiance que ses paroles seront œuvres. Et partant, ne nous mettons en peine, quelque chose que nous ayons ; au contraire, demeurons en paix, nous appliquant à faire et non à philosopher sur ce qui [ne] nous arrivera jamais, moyennant la divine grâce. Car, comme disait ce saint Père : « L'on aura [579] beau chercher des moyens humains, rien ne maintiendra la Congrégation que cela. » Ce Bienheureux Père me dit aussi qu'il mettrait encore tout plein de choses pour tenir les monastères unis et joints ensemble, et pour conserver la conformité entre eux ; car il avait une incomparable affection à ce que nous continuassions en la sainte et charitable union que nous avons toujours eue entre nous. « Ce que nous avons à désirer, me disait-il, c'est que les monastères persévèrent en l'esprit d'humilité et d'unité que Dieu a répandu entre eux. » Il m'ordonna que je fisse ajouter, dans [les permissions] d'établissement [données par] les prélats, ce qui est dans le Coutumier, à l'article des fondations. Le principal moyen extérieur qu'il a jugé propre pour conserver notre union, c'est celui de la continuation de la conformité et correspondance que tous les monastères ont toujours eues à celui d'Annecy, en ce qui regarde l'entière observance de ce qu'il a reçu de son saint Fondateur. Je vous assure, mes très-chères Sœurs, mais avec une vérité toute sincère, que c'était sa volonté ; car, disait-il encore d'une manière toute suave et judicieuse : « Bien qu'il soit établi dans une petite ville, néanmoins la divine Providence a voulu que le germe de la Congrégation de la Visitation y fût, et qu'en ce lieu elle ait reçu sa loi et ses fondements ; et, partant, les autres monastères (sans toutefois aucune dépendance d'autorité) le doivent toujours reconnaître comme leur mère et matrice, et avoir une très-particulière communication avec lui, y ayant volontiers recours dans les doutes et difficultés qui pourraient arriver en la pratique des Règles et Coutumes, pour savoir comme elles doivent être entendues et observées. » Je m'assure que la conformité à cette volonté, déclarée par notre saint Fondateur, et le bonheur qu'a ce monastère d'avoir le dépôt de son saint corps, rendront toujours les autres maisons très-affectionnées à se tenir unies à celle-ci.

Or, comme ce Bienheureux Père désirait que tous les [580] monastères eussent un amour et une correspondance très-particulière et cordiale à ce premier monastère, aussi a-t-il toujours voulu qu'il eût un zèle spécial et un cœur fort étendu et cordial pour les servir tous et assister, sans réserve de biens ni de personnes, en tout ce qui lui serait possible, et que l'observance y fût consciencieusement et exactement conservée jusqu'aux moindres petits règlements, en sorte que toujours l'on y trouvât tout ce qui est de l'Institut pratiqué en sa parfaite vigueur et intégrité. Je ne veux point omettre ce qu'il me dit aussi à Lyon parlant des Pères Jésuites : « C'est par une spéciale providence de Dieu sur notre Ordre, que les Pères Jésuites ont une affection de si grande charité pour nous ; il faut la conserver chèrement, et leur correspondre avec un singulier respect et beaucoup de confiance, car ce nous sera un grand appui. Il ne faut pas toutefois s'y attacher en telle sorte, que l'on en perde sa liberté, laquelle il faut conserver précieusement, ainsi que l'union avec les autres Ordres, dans laquelle il se faut entretenir ; car il faut avoir en notre Congrégation l'esprit universel. » Une autre fois, il me dit : « Je n'entends pas que ceux qui conseilleront nos Sœurs leur fassent changer les exercices extérieurs, ni la manière de les pratiquer ; mais que l’on demeure ferme en la manière de procéder, afin que tout soit invariablement gardé. » Voilà, mes très-chères filles, véritablement et sincèrement les intentions de notre saint Fondateur sur ce sujet, lesquelles je vous rapporte ici quasi mot à mot, comme je les ai apprises et entendues de sa sainte bouche ; je sais qu'il suffit à la bonté de vos cœurs de savoir quelle a été sa volonté pour vous y rendre dociles. Reste seulement qu'avec les plus tendres affections de mon âme je vous conjure de vous y rendre attentives et d'être fidèles à les pratiquer, non-seulement en ce qui regarde l'extérieur, ce qui serait peu ; mais beaucoup plus en l'esprit intérieur d'une très-douce et cordiale charité, d'une très-humble humilité, d'une [581] sincère et naïve simplicité, et d'une pauvreté qui nous tienne dans une sainte médiocrité en toutes choses, évitant les superfluités et grandeurs en quoi que ce soit ; c'est pour cela, mes très-chères Sœurs, que je vous fais les plus tendres conjurations que je puis.

Certes, je ne puis finir sans congratuler ce cher couvent d'Annecy, pour les prérogatives et grâces dont il a plu à l'éternelle Providence de le favoriser, pour le rendre aimable et respectable à tous les autres ; car, où seront les vraies filles de cet Ordre qui ne l'honorent d'un honneur spécial et ne lui porteront une sainte envie, considérant tous ses avantages, et celui en particulier de la chère garde qu'il a du sacré corps de son saint Fondateur, grâce certes toute précieuse, et dont il doit rendre le sacrifice d'une éternelle louange à la divine Majesté ? Mais, ô nies très-chères Sœurs, que pensez-vous que doivent être les sacrifices de ses louanges, pour la reconnaissance d'un si grand bienfait ? Rien autre, certes, que la constante et persévérante offrande d'une très-exacte et sainte observance de tout ce que contient l'Institut ; en sorte que toujours on l'y trouve en pratique et en sa parfaite vigueur et intégrité. Voilà, mes très-chères Sœurs, à quoi nous oblige notre droit d'aînesse. Demeurons donc très-humbles, basses et craintives devant Dieu, honorant nous-mêmes la dignité qu'il a mise en nous, non pour nous en faire estimer plus que les autres, ce qui serait faire tourner à notre perte Je plus riche trésor que nous ayons ; mais pour nous rendre les plus humbles, les plus petites et les plus fidèles de toutes. Dieu nous en fasse la grâce ! Amen.

Oserais-je ajouter une très-humble prière à nos très-chères Sœurs les Supérieures ? Qu'elles pensent à cette parole que la Règle nous dit « que nous soyons, devant Dieu, sous les pieds de toutes nos Sœurs ». Oh Dieu ! si nous les traitions avec ce sentiment, si nous aimions nos Sœurs d'un amour parfaitement [582] maternel, lequel est soigneux, vigilant et ardent au bien de ses enfants ; si nous gouvernions selon l'esprit de la Règle, et non selon la prudence et sagesse particulières, nous attirerions sur nos familles toute sorte de bénédictions. Ayons un grand soin de tenir l'esprit de nos Sœurs tranquille, content, assuré de notre bienveillance et soin maternel, et nous en ferons ce que nous voudrons. Faisons-le donc, mes très-chères Sœurs, et recevez avec amour, je vous supplie, ce que je vous ai dit par le seul mouvement de l'amour ardent que j'ai pour vous, et du pressant désir que j'ai, que l'entière et très-exacte observance règne à jamais dans nos maisons, et que nous les gouvernions selon les instructions et l'esprit de la Règle, et non selon le nôtre particulier : c'est tout ce que mon âme souhaite, et que derechef je vous recommande en toute humilité, avec les plus tendres affections de mon cœur et les plus étroites conjurations que je puis. Mes Sœurs très-uniquement chères, tout notre bonheur consiste en cela ; nous y sommes obligées par vœu ; c'est notre chemin de perfection dans lequel Dieu veut que nous cheminions ; c'est de quoi il nous faudra rendre compte à l'heure de la mort ; pensons-y, je vous en conjure. Je supplie la divine Bonté, par l'intercession de sa sainte Mère et de notre Bienheureux Père, de répandre en toute abondance sur nous les trésors de sa divine grâce, afin que généreusement et gaiement nous persévérions en cette voie, en laquelle je vous souhaite le comble de toute perfection en cette vie, et la désirable réussite de la bienheureuse éternité.

Pardonnez à ma longueur et à ma confiance, et obtenez de la divine miséricorde le salut éternel pour celle qui vous souhaite le comble des plus riches grâces de notre bon Dieu, et qui est d'une affection infinie toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d’Annecy. [583]

LETTRE DCCVII (Inédite) - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Il ne faut pas appréhender la pauvreté, mais s'abandonner entre les mains de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1626.]

Mon très-cher frère,

Je vous assure que je n'ai affaire temporelle que j'aie plus à cœur que celle de nous faire décharger de ces tailles. Je suis encore ici où je m'essayerai de faire tenir parole à ces beaux prometteurs. J'ai dit à M. de Blonay comme notre Sœur la Supérieure devait écrire à madame et à ses amis de delà, et au Père Monod, afin que si nous ne pouvons rien faire de deçà, l'on prenne cette voie-là, car il n'y a rien de plus facile que cela ; et l'on obtiendra tout facilement, pourvu que vous fassiez bien le narré, dans votre requête, de ce que vous payez de tailles, et des extraordinaires, et que cela ne chargera point le peuple, s'il est bien fait comme il faut.

Je suis bien aise que vous ayez traité avec le père de notre Sœur M. -Nicole, comme vous avez fait. Véritablement il le mérite, et ne craignez rien que je gâte de ce côté-là. Mais je vous prie d'encourager un peu notre Sœur la Supérieure, de n'appréhender pas tant la nécessité, car il me semble que cela est pour les personnes séculières, et non pas pour les servantes de Dieu qui se doivent pleinement confier en sa Providence, laquelle ne nous manquera jamais. Mon très-cher frère, pourvu que le spirituel aille bien, je ne crains rien pour le temporel. — Je suis un peu étonnée de ce que les Pères n'ont porté aucun linge, à ce que l'on dit. Dieu soit béni de tout ! Me voici dans un accablement nonpareil, mais toujours toute vôtre, et d'une affection invariable. [584]

Mon très-cher frère, le Père recteur m'a assuré que si le Père Dufour était nécessaire pour ces affaires, il le ferait venir.

Votre très-humble servante, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCVIII (Inédite) -A LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Retour de la Sainte à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 12 mars [1626].

Ma très-chère fille,

J'ai reçu le Coutumier ; nous en parlerons, Dieu aidant, à notre entrevue ; car je ne le puis faire nullement entre ci et là, étant si fort accablée d'affaires que, dès dix jours que j'ai reçu une fort grande quantité de lettres, à peine en ai-je vu le quart et n'ai su ouvrir de celles que vous m'avez envoyées que les vôtres et celles de notre Sœur [la Supérieure] de Moulins. — Nous retournerons à Nessy, ayant, grâce à Dieu, assisté au traité fait avec les bons Pères Jésuites, où tout s'est passé comme il faut. Je ne puis rien ajouter, ma très-chère fille, sinon que vous êtes en vérité ma très-chère et très-cordiale fille, et toutes nos bonnes Sœurs, mes filles bien-aimées.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [585]

LETTRE DCCIX - À MONSIEUR L'AVOCAT PIOTON

À ÉVIAN

Affaires temporelles, — Projet de voyage à Evian au retour de Lorraine.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 23 mars [1626].

Mon bon et très-cher frère,

Je viens de recevoir vos lettres, tout tard après la collation, [ce] qui m'empêche de vous écrire de ma main. Enfin, mon cher frère, je suis tellement lassée et recrue de la poursuite de ces tailles, que je suis tout à fait résolue de ne m'en plus mêler. Tout le monde me rebute pour cela, et personne ne nous y veut assister. L'on me fuit pour cela, disant que c'est une demande hors de propos et qui sera trop mal reçue des princes. C'est pourquoi je n'y vois plus de remède que celui que je vous ai mandé, que ma Sœur la Supérieure écrive à madame la princesse pour lui demander cette grâce, sinon [tout entière], au moins en partie, et j'espère que si vous dressez bien la requête, on l'obtiendra ; qu'on écrive aussi au Révérend Père Monod et autres amis et personnes de connaissance. Vous saurez bien faire toutes ces lettres-là, mon cher frère, car vous êtes si brave homme en tout. — Il ne faudrait pas oublier de demander trois ou quatre minots de sel.

Si l'on envoie les lettres avant mon départ, je recommanderai encore l'affaire à l'Infante Catherine, laquelle la poussera de bonne sorte, car elle nous aime de tout son cœur. Mais surtout que ma Sœur la Supérieure écrive de bonne encre au Révérend Père Monod, et qu'elle demande aussi à Mgr de lui en écrire. Si ce moyen manque, il faut faire ce qu'on pourra pour s'accommoder avec les paroisses, et je pense que ce sera le plus court et le plus vite fait. [Plusieurs lignes illisibles.] Croyez, mon cher frère, [586] que si nous cherchons avant toutes choses le royaume de Dieu, tout le reste suivra. Si nos Sœurs ont cette parfaite confiance, elles verront les merveilles de Dieu. Si bien quelquefois Il dénie son secours, c'est pour le donner plus abondamment par après aux âmes qui espèrent en Lui. Cependant, selon le pouvoir qu'il plaira à Dieu nous donner, nous les aiderons. Pour le présent, il nous serait impossible, car nous sommes à l'emprunt ; mais il nous est dû tant d'argent, nous espérons en avoir dans quelques mois.

Au reste, il est vrai, mon cher frère, nous allons incontinent après Pâques en Lorraine. Je m'étonne comme je me suis oubliée de vous le mander, et à ma Sœur la Supérieure, laquelle j'aime de tout mon cœur, et toutes ses filles, encore que nous ne pourrons en façon quelconque les voir en allant, mais oui bien incontinent après notre retour qui sera dans quelques mois, Dieu aidant ; et certes, pour vous dire franchement, mon très-cher frère, je leur eusse changé leur Mère pour la mener en Lorraine, mais il ne leur faut pas faire tant de mal à la fois.

S'il vous plaît, mon cher frère, nous adresser quelque commodité assurée pour faire tenir la demi-année de la mission au Révérend Père Buinant, que je salue de tout mon cœur, et me recommande à ses saintes prières. Si je pouvais, je lui écrirais ; mais certes je n'en ai pas le loisir. — Je vous supplie, mon très-cher frère, que cette lettre soit commune à vous et à ma chère Sœur la Supérieure, car je ne puis aussi lui écrire. Je la salue chèrement derechef avec vous et toutes nos Sœurs. Je prie Dieu qu'il vous comble de ses saintes bénédictions, et demeure de toute mon affection, votre servante.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [587]

LETTRE DCCX - À LA SŒUR ANNE-MARIE DE LAGE DE PUYLAURENS

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE CES NOVICES À BOURGES

Elle lui recommande de ne considérer que Dieu en la personne de ses Supérieurs et de lire les Écrits de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 30 mars [1626].

Je serais du tout fâcheuse, ma très-chère fille, si je n'agréais avec suavité les témoignages de votre tant, sincère affection envers moi ; certes, je les reçois de bon cœur, et vous supplie, ma fille, de me continuer cette sainte dilection ; surtout employez-la, je vous conjure, à impétrer de la divine miséricorde mon parfait amendement. Si Dieu veut que nous nous revoyions, Il le fera ; laissons-lui le soin de cette consolation.

Ma fille, je ne vois pas que ce manquement de confiance dont vous m'écrivez, produise aucun mauvais effet ; cela me fait penser qu'il ne procède que de quelque insatisfaction que votre inclination naturelle a de l'extérieur de la Mère, laquelle, en vérité, est une âme toute vertueuse, en laquelle l'Esprit de Dieu habite et ne laisse de l'aimer et favoriser de beaucoup de grâces. Ma fille, assurons-nous fermement que Dieu nous conduira toujours selon son bon plaisir par nos Supérieurs, et partant, ne regardons en eux que sa divine Majesté, et en toute simplicité sans nous amuser à nos sentiments, inclinations et pensées, obéissons fidèlement et de bon cœur : l'obéissance rendue de cette sorte est celle qui est la véritable vertu ; et bien souvent celle que nous rendons à nos Supérieurs, [lesquels] ont de certaines qualités qui nous plaisent, est totalement vide et sans mérite.

La bonne Mère vous a très-bien conseillée, vous faisant jeter tous vos soins dans le sein de la divine Providence : demeurez [588] là en repos, et faites bien l'exercice d'union à la volonté divine, recevant et faisant tout pour son saint bon plaisir. Conduisez-vous en votre oraison par l'avis de votre Supérieure ; car elle entend fort bien ces voies-là. Je lui réponds [au sujet] de la novice. Soyez toute courageuse, ma fille, et que votre respect et obéissance à la Règle écrite, et à la vivante qui est la Supérieure, vous rendent une lumière à toutes les autres Sœurs que je prie Dieu de bénir avec vous. Lisez bien les écrits de notre Bienheureux Père. Certes la vie de l'âme y est ; Dieu nous fasse la grâce d'en bien profiter ! Je suis toute vôtre en son amour. Il soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers.

LETTRE DCCXI - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

La considération des mystères de la vie de Notre-Seigneur est un puissant moyen de déraciner l'amour-propre.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, dernier mars [1626].

Ma chère et bonne fille,

Je ne voulais plus vous écrire devant notre départ, mais votre toute cordiale lettre requiert encore ce billet. Croyez-moi, je vous corresponds sincèrement, je chéris votre âme, laquelle j'ai toujours aimée de tout mon cœur, et l'aime toujours mieux à mesure que je la vois s'avancer au saint amour de Notre-Seigneur, et en la pratique de la parfaite douceur et support du prochain. Continuez et accroissez, je vous en conjure ; vous en avez d'autant plus de sujet que nos Sœurs sont si bonnes. — Tâchez de faire cheminer cette bonne Sœur novice par la considération des mystères de la vie et passion de Notre-Seigneur, [589] afin de lui faire déraciner ce puissant amour-propre qui lui fait chercher partout sa propre satisfaction et complaisance.

Quand vous verrez M. et mademoiselle de la Curne, je les salue chèrement, avec espérance de les voir, Dieu aidant. Priez fort toutes pour nous, afin que Dieu soit glorifié en ce voyage. Qu'il soit béni, et qu'il vous bénisse avec toutes nos chères Sœurs, à part notre Sœur qui m'a écrit ! Je n'ai loisir de répondre. Dieu soit notre tout !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXII - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

SUPÉRIEURE À ÉVIAN

Il faut servir le Seigneur avec gaieté et générosité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1626.]

Ma très-chère fille,

Notre bon Sauveur remplisse votre chère âme des fruits et saintes consolations de son amère et très-amoureuse passion !

Je trouve fort à propos le changement que vous me proposez pour les novices, et j'ai répondu à tout le reste à notre bon M. Pioton, qui vous dira de bouche tout ce qui s'est passé entre nous. Ma très-chère fille, soyez bien généreuse et gaie en ces services auxquels [Notre-Seigneur] vous emploie. Si les commencements sont épineux, la fin en sera meilleure, et rien ne manquera de ce qui sera en notre pouvoir, Dieu aidant, auquel je vous conjure et toutes nos Sœurs de me recommander souvent, puisque sans réserve je suis et serai toujours toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [590]

LETTRE DCCXIII - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Opinions diverses sur les retranchements à faire aux Épîtres de saint François de Sales. — Règles pour le discernement des esprits. — Discrétion de la Sainte dans sa correspondance ; elle demande conseil à ce sujet, et se plaint de ce que les Sœurs d'Annecy écrivent des choses élogieuses sur sa personne.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

Parce que j'ai un peu mal à la tête aussi bien que vous quelquefois, j'emprunte la main de ma Sœur Anne-Marie pour vous écrire. Je vous remercie très-humblement du soin que vous avez eu d'envoyer le livre des Épîtres ; je le lis avec grand goût. Je n'y ai pas encore rencontré chose qui mérite beaucoup d'être retranchée. Hier, j'en parlai à M. le président de cette ville, qui est homme de très-bon jugement ; il me dit que si on retranchait les paroles affectives, l'on en ôterait l'esprit de notre Bienheureux Père, et qu'il n'avait vu chose digne d'être retranchée, si est-ce qu'il en soit sur les derniers livres. Mgr de Genève dit le même, et disait que s'il n'y avait point de paroles de compliments et recommandation, elles ne ressembleraient pas à des Épîtres ; enfin, ma très-chère fille, chacun a son goût.

Je bénis Dieu de voir croître le nombre des bonnes âmes en votre maison. Cette pauvre fille tisserande sera un grand trésor en votre maison, si elle est telle qu'on la conjecture, et certes elle en a de bonnes marques ; car ces vertus que vous me marquez sont les preuves certaines de très-grandes grâces. Si elle a eu toutes ces lumières et révélations dès qu'elle est en votre maison (car il me semble que le visage est le miroir de l'âme en ces occasions-là), il m'est avis que pour quelque peu [591] de semaines, il la faut laisser aller son train, afin que vous-même le voyant vous en fassiez plus solide jugement. Après quoi, si vous le trouvez bon, je la mettrais au train des autres pour éprouver sa souplesse et mieux reconnaître son esprit, et je l'occuperais extérieurement en quelques petits emplois et services : cela ne divertira point les opérations de l'Esprit de Dieu en elle ; et, si la grâce est vraie, elle l'accompagnera partout et lui fera tirer du profit, et, à vous, la connaissance plus certaine comme vous la devrez conduire, ou pour mieux dire ; comme vous devrez coopérer à la conduite de l'Esprit de Dieu en elle. Rendez-la très-affectionnée, et toutes vos filles, à prier Dieu pour l'Église et l'union en Ire les princes chrétiens. — Je pense que la bonne veuve trouvera ma réponse un peu bien sèche ; mais vous m'avez dit que je la fasse ainsi pour elle ; certes, les esprits légers et peu solides sont comme le sable mouvant, sur lequel on ne peut faire un ferme fondement ; et avec cela [elle a] les passions fortes : c'est beaucoup de besogne tout ensemble. Elle a pourtant de bonnes qualités ; si elle pouvait obtenir de se modérer, parle moyen de la mortification, elle serait digne de considération et de la grâce de la profession. Je ne vous en peux rien dire davantage ; et vous et vos filles voyez bien ce qu'elle fait. Ayant bien recommandé l'affaire à Dieu, ce qui se résoudra en Chapitre sera [inspiré de] l'Esprit de Dieu, et il faudra s'y soumettre de bon cœur, et laisser le soin de l'exécution à sa Providence.

Certes, ma très-chère fille, je suis bien aise que par la ceinture de saint Augustin nous soyons associées à madame de Saint-Pierre ; mais quant à lui faire les prières à son décès, comme pour nos Sœurs, je n'en ai ni le cœur ni la volonté ; nous prierons pour elle, et la mettrons à notre intention. — Certes, je serais bien aise que madame de Chevrières fondât une de nos maisons ; elle a l'esprit tout propre pour être fondatrice.L'argent que nous vous avons envoyé, c'est le pardessus de vingt-cinq pistoles, [592] que nous vous remboursâmes, de l'argent que vous nous aviez fait tenir pour votre tabernacle ; car nous les avions avancées pour vous à M. le chevalier Balbian, lequel nous avait envoyé le mémoire de ce qu'il avait fourni pour vous ; mais je l'ai perdu, et je lui ai écrit afin qu'il le renvoyât ; incontinent que je l'aurai, je vous le manderai, afin que vous donniez ce que vous devez de reste à M. Lumaque. — La pauvre petite Sœur M. -M. Machet était trop ardente, elle ne pouvait pas durer ; il y a bien de l'apparence qu'elle deviendra étique.

Oui, ma très-chère fille, je lis toutes les lettres qui me sont écrites ; [Ce qui suit est de la main de la Sainte.] car je n'ose les communiquer que je ne les aie vues. Quelquefois, mais c'est très-rarement, je dis [ce] que je veux répondre et les donne afin d'aider la mémoire de celle qui le doit faire. Or, je voudrais bien que vous sussiez de quelque personne capable, si, ayant une Sœur de grande vertu capable de m'aider et conseiller, je ne pourrais pas lui communiquer toutes choses avec une entière confiance et sans scrupule. Je vous prie, sachez cela ; car-ce me serait un grand soulagement lorsque notre Sœur Péronne-Marie sera ici, laquelle me tient en peine pour son retour, à cause de ces gens d'armées. Je ne pense pas, ma fille, qu'elle puisse retourner à Lyon, de Grenoble ; le détour serait trop grand. — Pour notre passage allant en Lorraine, Dieu sait si nous le ferions volontiers vers vous ; mais il nous faudra accommoder à la sûreté des chemins.

Il n'y a eu nul mal d'envoyer la lettre qui vous loue ; mais il ne leur faut pas souffrir de le faire ailleurs. Certes, je pense que nos Sœurs de céans font ces impertinences-là ; je n'ai pas loisir de voir leurs lettres ; je le leur ai fort défendu, mais il leur semble qu'en ce qui me regarde, il ne faut pas m'obéir. De vrai, j'en souffre quelquefois, et vous prie, ma très-chère fille, que vous brûliez toutes celles qui vous tomberont ès mains, quand elles feront ces vantances et vaines louanges ; nous n'avons rien à faire [593] de cela. Vous me dites bien vrai pour la Mère de Paris ; sur un billet qu'elle m'a écrit, je ne manquerai pas de lui dire un mot d'avis.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXIV (Inédite) - À LA MÊME

Légères corrections à faire au Coutumier. — Promesse de passer à Lyon au retour de Lorraine.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 7 avril [1626].

Ma très-chère fille,

Encore donc ce mot, après n'avoir cessé d'écrire tout le jour de çà et de là. Dieu veuille au moins que tout soit selon son bon plaisir ! Je vous assure, ma fille, que comme je me fis lire, l'autre jour que j'étais au lit, le Coutumier, je trouvai [bien] cela que M. Rosset a accommodé, (s'entend quelques articles) ; car, pour les Directoires, il les faut laisser comme notre Bienheureux Père les avait faits. Donc, que M. Rosset accommode ce qui reste,[169] afin que nous trouvions cela fait quand nous arriverons à vous, qui sera, Dieu aidant, vers la septembre.

Je vous supplie, ma très-chère fille, que nous sachions de vos nouvelles en Lorraine. Nous vous envoyâmes, l'autre jour, un gros paquet. Je ne sais si vous aurez reçu notre plan, que nous vous envoyâmes par Chambéry, pour nos Sœurs de Valence. Bonsoir, ma toute chère fille, et à nos chères Sœurs. Priez bien Dieu pour nous. Il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [594]

LETTRE DCCXV. - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

À EMBRUN

L'arrivée de la Mère de Châtel est différée. — Regrets et résignation de la Sainte à ce sujet.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, jour de la sainte mort de Notre-Seigneur [10 avril 1626].

Ma très-chère fille,

Vous m'avez grandement obligée de nous faire savoir ce que c'était de votre retardement, avant notre départ qui sera, Dieu aidant, le mercredi de Pâques, ne pouvant à mon regret différer, à cause des assignation s données pour l'équipage de Lorraine. J'acquiesce de bon cœur à la privation de cette consolation, laquelle je ne méritais pas, et je vous supplie de faire le même, et de ne point donner tant d'affliction à votre chère âme, mais la tenir en paix dans la volonté divine ; et ceci, je vous conjure de le faire par l'amitié que vous me portez, tranchant court toutes ces réflexions sur votre insuffisance à gouverner. Tout le monde, et surtout cette famille, se réjouit de votre retour.

Je n'ai eu garde d'envoyer la lettre que vous écriviez à Mgr ; il n'a pas un brin d'ombrage, ains je l'en ai tenu fort éloigné, il y a fort longtemps, sur les périls du voyage, de sorte qu'il sera tout content de vous savoir heureusement arrivée à Embrun.[170] Je lui viens d'écrire ; mais, certes, je n'oserais en [595] façon quelconque lui parler de votre séjour là, ni de vous faire retarder nulle part, parce que cela s'est déjà trop fait, et je sens sensiblement qu'il s'en fâcherait et ne l'agréerait pas. Je lui ferai bien trouver bon votre séjour pour établir la Supérieure là, et certes, je suis fort aise que nos Sœurs choisissent notre petite Sœur M. -Augustine [Quinson].[171] Je crois que Dieu gouvernera Lui-même cette maison en elle, car c'est une âme qui est toute en la main de Dieu. Certes, me voilà contente de les savoir en cette résolution.

Il serait besoin que vous fussiez ici avant le départ de Mgr pour sa visite, qui sera, je pense, quinze ou dix-huit jours après Pâques. Je ne l'ai pu savoir assurément, parce qu'il s'est trouvé déjà parti de son logis pour aller ouïr la Passion, dont je suis bien marrie ; car, n'ayant réponse, je ne puis vous rien dire d'assuré, sinon qu'à mon avis, il est expédient que vous veniez, sans plus de remise, le plus tôt qu'il se pourra. Je vous laisserai un mémoire le mieux que je pourrai. Dieu ! si j'eusse pu seulement vous voir un jour ! Oh bien ! Dieu ne le veut pas ; son saint nom soit béni ! Amen.

Venez gaiement et de bon cœur, vous serez bien reçue, car vous êtes bien désirée, et vous trouverez Mgr fort bon, quoique un peu absolu. Traitez avec lui tout franchement et [596] cordialement. Je salue, mais chèrement, nos Sœurs, surtout la petite Supérieure, qui est bien avant dans mon cœur, et votre bien-aimée économe.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXVI (Inédite) - À MONSEIGNEUR JEAN-FRANÇOIS DE SALES

ÉVÊQUE DE GENÈVE

Désir des Sœurs d'Embrun au sujet de la Mère de Châtel.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, avril 1626].

Monseigneur,

Voilà, grâce à Dieu, la pauvre Sœur de Châtel hors des périls de son voyage, à force d'avoir fait de grands détours avec des peines extrêmes ; mais ces peines ne sont [pas] inutiles, puisqu'elle vous a, par la grâce de Dieu, obéi et évité les insolences insupportables de ces misérables huguenots. Elle a passé vers nos Sœurs d'Avignon, ainsi qu'il vous a plu le trouver bon ; elle est arrivée à Embrun, d'où elle nous a envoyé un messager exprès, pour savoir si nous trouverons à propos qu'elle mette pour Supérieure là une Sœur qu'elle nous nomme. Les filles de là désirent infiniment que vous ayez agréable, Monseigneur, de permettre qu'elle s'arrête là quelques semaines ; mais, comme je sais votre volonté et le besoin de celle maison, je leur dirai qu'elles nous excusent. Toutefois, s'il vous plaisait, Monseigneur, pour environ trois semaines, je ne pense pas qu'il apporterait point d'intérêt, [que cela ferait tort] à cette maison. Mais il faut donc que je sache quand vous partirez pour votre visite, afin qu'elle soit ici auparavant.

Bonjour, mon très-cher seigneur ; Dieu remplisse votre âme des fruits de sa sainte Passion !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [597]

LETTRE DCCXVII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

À EMBRUN

Conseils et encouragements pour l'exercice de sa charge. — Détails sur la communauté d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1620.]

Ma très-chère fille,

Je désirerais vous écrire un peu longuement, mais il n'y a moyen : Dieu suppléera à ce défaut. Ne témoignez point à nos Sœurs que vous ayez eu une ombre de crainte de nous ennuyer par votre retardement, car aucune n'en a rien connu, sinon au commencement notre Sœur C. -Catherine qui en faisait l'étonnée ; mais oui bien, dites le grand désir que vous aviez de venir, et combien vous étaient sensibles les traverses et empêchements que les guerres des huguenots vous faisaient pour cela.

Entreprenez la conduite de cette chère maison avec un grand courage et liberté d'esprit : vous trouverez, à mon avis, des filles grandement sincères et sans résistance, au moins je les trouve fort à mon gré. Vous connaissez notre Sœur Marie-Madeleine [de Mouxy], elle est toute bonne. Notre Sœur Anne-Marie [Rosset] est toujours elle-même. Notre Sœur Marie-Gabrielle [Clément] est sans tare que ses scrupules, par lesquels notre bon Dieu l'épure ; mais elle est toute tranquille en son trouble. Notre Sœur Claude-Agnès [Daloz] est une vraie Israélite, de laquelle notre Bienheureux Père avait très-bonne opinion ; nous l'avons laissée au noviciat, avec l'espérance que vous l'aideriez fort à bien faire sa charge, car les novices sont bonnes, et je n'y vois rien à redire qu'à la veuve. Notre Sœur B. -Marguerite [Valeray] a le cœur bon et de bonne observance, mais une petite [598] mine qui semble affectée. Notre Sœur J. -Madeleine a été huguenote ; elle est bonne, mais non encore bien claire en son intérieur ; traitez-la aimablement, et l'écoutez, afin qu'elle aille loisir de se bien découvrir, car il lui faut du temps. Notre Sœur Françoise-Angélique est une âme fort humble, toute bonne et un peu craintive ; il la faut attirer doucement : sa compagne de la sacristie, Sœur Louise-Dorothée [de Marigny], est un vrai bon cœur, bon esprit, plein du désir de [bien] faire, mais encore un peu jeune. La Sœur Claude-Simplicienne [Fardel] est toute bonne et toute à ses Supérieures, mais un peu sèche, quoique malgré elle. Notre Sœur C. -Jacqueline [Joris] est infirme de corps, un peu tendre, bonne de cœur, mais qu'il faut soutenir cordialement. Sœur Louise-Bonaventure [Rebitel] est aussi fort bonne fille, qui a exercé une vertu incroyable en ses infirmités ; il en faut avoir un soin particulier, afin qu'elle ne se dissipe à la porte. Nos Sœurs C. -Charlotte [de Nouvelle] et C. -Christine [de Paumes] sont toutes de Dieu, surtout la dernière qui est une âme fort pure, et certes, je trouve que toutes le sont. Notre Sœur Marie-Innocente [de Saint-André], il la faut aider et soutenir en ses bons désirs ; je trouve qu'elle fait assez, grâce à Dieu, et a le cœur fort bon et touché de Dieu. Notre Sœur Jeanne-Louise [de Champagne] a le cœur bon, sincère ; il la faut encourager à travailler, car elle a grand désir du bien.

Les deux petites jeunes professes sont des agneaux tout purs ; la grande Marie-Aimée [de Rabutin], il. la faut encourager ; l'autre fait assez. Sœur Marie-Catherine [de Lonnay] est toute bonne, quoique quelquefois elle manque à la promptitude de l'obéissance. Notre Sœur Jeanne-M. [de Fontany] est toute malade, un peu difficile d'esprit, qu'elle ne peut manier comme elle voudrait, un peu chagrine, mais, las ! tant bonne, tant sincère, tant fidèle à ses exercices ; il la faut traiter fort cordialement. Et notre Sœur Jeanne-Françoise promet de bien faire toujours ; mais, [599] hélas ! elle n'a pas la force d'esprit pour tenir ferme.[172] Je ne vous dis rien de notre Sœur Claude-Catherine [de Vallon], car vous la connaissez ; aidez-la bien, je vous en prie. Notre bon Dieu répande sur vous, et sur toute cette bénite troupe, l'abondance de ses bénédictions ; je vous la recommande comme la chose du monde qui m'est la plus chère, et que j'aime tendrement.

Nous emmenons de très-bonnes filles à mon gré ; priez pour cette fondation. — Je ne vous dis rien des affaires ; notre Sœur Marie-Madeleine vous en parlera assez ; je vous recommande notre Sœur de Chambéry et les autres. Mgr est tout bon, un peu court à cause de ses affaires ; traitez avec lui fort franchement, selon votre prudence. Bonjour, ma très-chère fille ; j'espère, Dieu aidant, vous revoir sur la fin de l'été. Croyez que mon cœur vous chérit comme lui-même, et est tout vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Dispositions pour le voyage de Lorraine, — Affaires,

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 26 avril 1626.

Ma très-chère fille,

Certes, l'affaire des Révérends Pères Jésuites mérite bien qu'on la recommande à Notre-Seigneur ; nous le ferons [600] soigneusement. Je le recommanderai à nos Sœurs, qui prieront pour cela de bon cœur.

Quant à la litière, nous avons mandé un homme au devant, afin qu'elle nous aille prendre à la couchée demain au soir ; car nous partons dès le matin [pour la Lorraine].[173] Or, nous payerons ce qu'il faudra ; car il n'est pas raisonnable que ce soit aux frais de votre monastère ; c'est assez que vous ayez pris la peine de la faire avoir. Nous vous en remercions bien fort. À la vérité, ma très-chère fille, j'ai autant d'envie de vous voir que vous en sauriez avoir ; ce sera donc à notre retour infailliblement, s'il plaît à Notre-Seigneur. Si vous pouviez remettre jusqu'à ce temps-là de faire les treilles [grilles] de votre chœur, nous les verrions et [nous] ferions entendre comme il les faut. — Pour votre procuration, nous ne l'avons point vue ; si vous l'envoyez, ma Sœur Péronne-Marie sera ici, Dieu aidant, dans douze ou dix-huit jours, elle en aura bien du soin. On y fera enfin tout ce qu'on pourra.

Ma très-chère fille, je suis par delà l'accablement ! je ne puis [601] voir ce que notre Sœur vous dit. Mon Dieu ! ma fille, que je suis marrie du mal qui continue à cette petite Sœur, mais j'espère que Dieu en tirera sa gloire. Il soit béni ! Adieu ; priez pour celle qui est toute vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXIX - À LA MÊME

Nouvelles du voyage. — Éloge du Père dom Juste Guérin. — On traduit en latin l'Introduction à la vie dévote.

VIVE † JÉSUS !

Salins, 1626,

Ma très-chère fille,

Nous voici arrivées heureusement, grâce à Notre-Seigneur, jusqu'à Salins. Il est vrai que nous courûmes une fois très-grand hasard de nous précipiter ; mais la bonne main de Dieu nous soutint, dont je le bénis de tout mon cœur. Nous menons de si bonnes filles en cette fondation, que cela me console fort, et m'en fait espérer beaucoup de gloire à notre bon Dieu.

Le Père dom Juste pâtit grandement à Rome ; priez fort pour lui ; c'est une digne âme toute de Dieu, à notre Bienheureux Père et à nous. Il veut que je fasse ses excuses de ce qu'il ne vous a pas écrit en réponse de la vôtre. Il me dit qu'il ne le veut pas faire qu'il n'ait réponse de Mgr le cardinal sur la dernière demande que nous lui avons faite de notre Office. Ce bon Père m'écrit que M. Ramus a traduit l’Introduction en latin, et désire la faire imprimer à Lyon. Je vous prie d'en parler au libraire, et de faire savoir au Père dom Juste la réponse.

Nous avons donné au muletier deux pistoles, M. Michel, à son retour, vous fera tenir le reste. Ma très-chère fille, priez [602] bien Dieu pour nous, car, en vérité, vous êtes ma très-chère fille, que je désire être avec moi tout anéantie et fondée en notre divin Sauveur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXX - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

SUPÉRIEURE À ÉVIAN

Annonce de plusieurs postulantes ; avec quel soin il faut les choisir.

VIVE † JÉSUS !

[Pont-à-Mousson], 11 mai [1626].

Ma très-bonne et chère fille,

M. Michel vous dira toutes nos nouvelles,[174] et ce que nous avons tâché de faire pour des filles qui aient quelque [603] commodité à vous porter. Ma très-chère fille, ayez bon courage, et vous confiez fort en Notre-Seigneur. Vous verrez qu'il vous bénira et fera croître en toute façon, j'en supplie sa bonté.

Si l'on ne s'établit à Besançon, bientôt vous aurez force filles de là, et de bonnes. Véritablement, il faut être un peu ferme à n'en recevoir point qui ne soient capables de notre esprit, autrement l'on détruirait les maisons. Or, je sais que vous avez l'œil à cela ; mais croyez qu'il est bien nécessaire de l'y avoir.

Il me tardera d'avoir de vos nouvelles. Certes, il y aura de la difficulté d'en recevoir, car nous sommes ici bien écartées ; mais assurément, Dieu aidant, nous retournerons au temps que nous avons dit. Cependant, ma très-bonne et très-chère fille, ayez souvenance de prier pour nous, et nos très-chères Sœurs aussi, lesquelles je salue de toute mon affection avec vous, sans oublier le Révérend Père Jésuite et notre bon M. Pioton.

Je pense que nos Sœurs de Nessy vous auront écrit que M, d'Hôtel me donna, avant notre départ, nouvelle assurance pour l'exemption des tailles. — Je prie Dieu qu'il règne à jamais dans votre cœur que j'aime de tout le mien, je vous en assure, et suis vôtre tout à fait.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [604]

LETTRE DCCXXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Incidents de voyage. — Projet de fondation à Paray-le-Monial. — Estime dont jouit le monastère de Pont-à-Mousson. — La Vie et les écrits de saint François de Sales sont très-répandus en Lorraine.

VIVE † JÉSUS !

Pont-à-Mousson, 14 mai [1626].

Ma très-chère fille,

J'avais déjà ressenti de la douleur de la lettre que M. N. vous écrivit, car il m'en dit quelques mots, et si le muletier n'avait été parti, alors, certes, je l'eusse retirée et l'eusse brûlée. Je lui témoignai bien que j'en étais mortifiée ; mais il a l'esprit tellement contrôleur, que j'ai prou peine à le tenir dans le respect qui est convenable. Au reste, il est tout bon ; mais en cela, il se rend fâcheux. Déjà, il fut cause que nous ne prîmes pas la litière de M. d'Uriage, qui nous la donnait d'un cœur entier, parce qu'il avait l'inclination que j'allasse à cheval pour nous entretenir à l'aise. Cela lui part d'une si bonne affection, que je lui condescendis de bon cœur, sans lui faire semblant de rien, car il ne le faut pas faire aussi ; mais je vous assure, ma très-chère fille, que si Dieu ne vous eût inspiré nous envoyer la litière, je crois que je fusse demeurée par les chemins, et n'eusse point eu la force de faire ces quatre journées-là à cheval. Certes, j'ai toujours cru, et nos Sœurs aussi, que ce fut un secours de la Providence divine. Il faut avouer que je m'affaiblis fort, et que l'équipage des litières ou carrosses m'est tout à fait nécessaire.

Véritablement, je ressens encore les petites mortifications que vous recevez en l'exercice de l'assistance que vous rendez à nos maisons. Il y a longtemps que j'ai envie de faire cesser le tracas que vous en recevez ; du moins, il le faut régler, [605] quand Dieu me fera la grâce de vous voir. Mon Dieu ! ma très-chère fille, que j'espère de consolation et de profit de cette entrevue !

Je ne sais que vous dire de la proposition qu'on vous fait de la fondation de Paray ; car je ne sais s'il y à du secours spirituel, et si la ville est propre [à en avoir plus tard]. Si elle l'est, vous feriez bien de l'accepter, si les filles sont bonnes, afin de glorifier Dieu en ce lieu-là, et d'ouvrir par ce moyen la porte à vos poursuivantes. — Je loue Dieu de l'amendement de votre petite malade spirituelle et du bon état de nos chères Sœurs d'Avignon.

Tous les mois, il va un messager de cette ville à Dijon ; je vous écrirai toujours et le plus que je pourrai. M. Michel se charge de vous écrire toutes nos nouvelles. — Nos Sœurs seront fort bien ici ; elles sont aimées et en estime en ce pays à cause de notre Bienheureux Père. Nous avons une fondatrice toute selon mon cœur ; rien ne m'y fâche, sinon qu'elle nous donne trop, car elle ne veut pas que rien nous manque. — Bonsoir, ma très-bonne et ma très-chère fille, et le bonsoir à toutes nos Sœurs. Notre doux Sauveur fasse son règne en nous et soit béni ! Amen.

[P. S.] Je suis bien aise, ma très-chère fille, de quoi on ne fera pas si tôt la seconde édition des Épîtres, et de ce que ce bon libraire en a amoindri le prix. On les désire ici grandement, et partout où nous sommes passées ; mais l'on a peine de savoir chez qui elles sont imprimées, parce qu'on avait accoutumé [de faire imprimer chez] M. Rigaud. La Vie de notre Bienheureux Père court fort par ce pays, et est bien goûtée ; [celle] du Révérend Père de la Rivière [surtout]. Dites-moi, à qui est-ce que notre Bienheureux Père écrivait cette dernière lettre, dont vous m'envoyâtes la copie sur notre départ de Nessy ? il y a de bons points.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [606]

LETTRE DCCXXII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

C'est une grande grâce de pouvoir suivre la communauté. — Fermeté à refuser les entrées inutiles au monastère. — Les Religieuses doivent s'abandonner à leur Supérieure pour les besoins du corps comme pour ceux de l'âme. — Éloge de madame de Haraucourt. — Pauvreté des Sœurs de Riom ; appel à la charité de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

Pont-à-Mousson, 22 mai [1626].

Ma très-chère fille,

Il me semble que de savoir votre mal et les remèdes que vous y faites, cela me soulage ; car je crois que la manne est un médicament fort profitable, et qui peut être souvent employé sans crainte de mal. Or sus, Dieu veuille faire de notre vie tout ce qui lui plaira, soit pour la maladie, soit pour la santé ; c'est beaucoup de grâce, quand nous pouvons rouler parmi la communauté, et lui rendre quelques devoirs. Parlez toutefois, je vous en supplie, le moins que vous pourrez. Vous parlez trop en général, selon que je le collige des lettres de quelques Sœurs de votre maison. Enfin, soulagez-vous en cela tant que vous pourrez.

Il ne dépend pas de moi de vous aller voir, ma très-chère fille ; car si cela était en ma seule main, je pense que j'en prendrais la consolation, laquelle serait bien grande, en revoyant en ce cher lieu-là tant d'âmes qui me sont si précieuses selon Dieu, et particulièrement la vôtre, et celles de toutes nos chères Sœurs. Mais n'ayant point de nécessité, ni d'occasion apparente du service de Dieu, je ne pense pas que Mgr de Genève me le commande. Je laisse cela à Dieu, et à la disposition de ce bon prélat, si vous lui en écrivez ; car, de moi, je ne le ferai pas, puisque je ne crois pas que cela puisse être utile, sinon à notre consolation laquelle il ne faut chercher en cette vie. [607]

Je suis fort aise que Mgr de Paris soit si ferme pour les entrées ; puisque cela est ainsi, vous pouvez bien penser, ma très-chère fille, que je ne voudrais pas m'employer pour y contrevenir. Si je fais quelques prières pour condescendre aux amies, ce n'est pas mon intention qu'on les accorde au préjudice de nos maisons ; c'est pourquoi, ma chère fille, vous ne devez point me demander pardon, car je ne suis nullement offensée en cela, et j'espère que Dieu me fera la grâce de ne jamais rien demander absolument à nos maisons qui leur puisse nuire, ni donner sujet de me le refuser. Soyez en repos pour cela, ma très-chère fille.

Il est vrai, nous ferons imprimer le Coutumier, mais non encore cette année. Certes, celles qui veulent être Religieuses, si elles ne se fient pas [pour] leur corps à la Supérieure, comme lui confieront-elles leur âme et leur volonté ? Elles ont fort à craindre, et y prenez bien garde, ma chère fille ; vous savez ce que l'expérience en a appris. Toutefois, en revoyant le Coutumier avant que l'imprimer, nous pourrons ajouter quelques paroles qui ne lient pas si absolument, et cela avec l'avis de Mgr de Genève, et de nos Sœurs les Supérieures que nous verrons à notre retour.

Nous voici heureusement établies, et avons une fondatrice toute incomparable en bonté ; elle fait peu de choses en promesses et beaucoup en effets ; c'est un esprit bien fait. Elle se rendra Religieuse quand ses affaires seront un peu mieux accommodées. Si je suis sans espérance de vous voir, je vous écrirai au long quelque chose que l'on a dite en ce pays. Bonjour, ma très-chère fille, et à toutes nos chères Sœurs et amies. Dieu nous remplisse tous de son Saint-Esprit ! Amen.

Ma très-chère fille, la misère de nos Sœurs de Riom est parvenue à telle extrémité[175] que je crois que tous les monastères de [608] la Visitation sont obligés de leur donner un secours. Nos Sœurs de Lyon et de Nessy ont déjà mis la main à l'œuvre ; mais cela ne suffit que pour les nourrir, et sera donc besoin de les tirer d'affaire, et que pour cela chacun contribue selon son pouvoir, en vraie charité. Ne faites rien encore, car il ne leur faut pas donner par le menu, mais tous ensemble ; je vous avertirai.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DCCXXIII - À UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION

Les Religieuses de la Visitation sont les filles du clergé. — Miracles opérés au tombeau de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Pont-à-Mousson, 22 mai 1626.

Ma vraie fille,

Je suis de votre avis qu'il ne faut point s'attacher à la direction de personne en particulier, car nous devons avoir notre esprit universel, qui est nos observances écrites, et Messeigneurs nos évêques : c'est merveille comme nous nous trouvons bien de cette pratique. Nous sommes les vraies filles du clergé, et Messeigneurs les évêques sont nos vrais pères, et par conséquent leurs bons officiers ecclésiastiques, nos chers frères. Ils profitent avec nous, par la connaissance qu'ils prennent de l'esprit de notre Bienheureux Père, lequel a voulu que nos confesseurs ordinaires fussent du clergé, et nos Pères spirituels de même. Mais, ma fille, d'employer quelquefois les Religieux plus conformes à notre esprit, et plus affectionnés à notre Institut, [609] cela ne contrevient point à cette liberté. Usez de cet avis, ma très-chère fille, selon votre discrétion ; les bons et vrais Religieux craindront autant de perdre le temps avec nous, que nous, avec eux ; leur temps et leur liberté leur son aussi chers qu'à nous les nôtres, et ils ont tant d'affaires importantes, qu'ils seront bien aises de ne se pas mêler trop avant des nôtres, qui sont minces et petites.

Gardez-vous, je vous supplie, d'accepter ce confesseur que le Supérieur vous veut donner à son gré, et qui ne l'est pas à celui de la communauté ; la Constitution est trop claire en ce point pour souffrir une entorse d'interprétation. Croyez-moi, tenons-nous humblement et respectueusement fermes, pour conserver à nos Sœurs la liberté de conscience.

Je vous promets, ma chère fille, que je ne mettrai aucun empêchement au désir que vous avez, que je passe vers vous en m'en retournant ; ma consolation serait entière si notre bon Dieu l'ordonnait ainsi. Puisque vous avez écrit à Mgr de Genève pour cela, pour peu d'inclination qu'il m'y témoigne, j'irai de bon cœur à vous. Tout ce que je crains, c'est qu'il remette la chose à mon jugement, craignant de faire toujours quelque chose qui n'agrée pas à Dieu et à mes Supérieurs : mais, ma fille, croyez-moi, je parle sans humilité, ains selon ma vraie connaissance ; véritablement, il n'y a rien en moi qui me puisse faire espérer le fruit que vous attendez de cette visite, car je suis tout à fait pleine de misères ; mais je laisse faire à Notre-Seigneur, la volonté duquel est, ce me semble, tout mon désir.

Nous voici heureusement établies, et avons une fondatrice tout à fait incomparable en bonté. Elle fait peu de choses en promesses, et beaucoup en effets ; c'est un esprit bien fait et une âme toute pleine de piété.

Béni soit Notre-Seigneur, qui continue ses bénédictions dans votre chère âme, que je supplie de goûter davantage Dieu en [610] Lui-même qu'en ses dons. Regardez plus cette divine Bonté, que son opération en vous, et faites dire un Laudate en actions de grâces, de ce que, depuis peu, un possédé et un muet ont été guéris par l'intercession de notre Bienheureux Père ; et l'on m'écrit que le concours à son sépulcre est plus grand que jamais. Dieu nous rende ses vraies filles ! Votre, etc.

LETTRE DCCXXIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Détails sur la fondation de Pont-à-Mousson. — Conseils au sujet d'une novice.

VIVE † JÉSUS !

[Pont-à-Mousson, mai 1626.

Ma très-chère fille,

Vous trouverez ces deux billets de bonne date ; ils furent écrits à Besançon, et cette bonne fille qui vous dit de nos nouvelles manqua à les venir prendre comme elle nous avait promis. Nous voici heureusement arrivées dès le 5 de ce mois. Nous fûmes établies le beau jour de Saint-Jean [Porte Latine]. Nous avons reçu quatre filles qui me plaisent, dont il y en a deux qui sont des premières du pays[176] et de bonne espérance ; assez d'autres poursuivent. Nous sommes sur le point d'acheter une place qui sera fort grande et belle, et où il y a du logis pour nous mettre maintenant assez suffisamment ; je crois que cette maison se fera bonne en peu de temps. Notre fondatrice est incomparable en sa douceur et affection ; je pense qu'elle prendra l'habit, c'est une âme bien faite. Il y a beaucoup d'apparence que nous serons, avec le temps, par toutes les villes de ce pays-ci. [611]

Si la petite Sœur N. fait bien ses exercices et que Dieu touche son cœur, tous ses défauts tomberont comme des feuilles en automne. Vous avez pris bon conseil de lui donner l'habit, car je crois qu'il y a bien de l'enfance ; toutefois, je crois qu'il est nécessaire de la bien veiller, et lui déraciner ses petites inclinations qui seraient fort dangereuses si elle les conservait. Dieu l'a mise en bonnes mains. Oh bien ! nous en parlerons si Dieu plaît, et de plusieurs autres choses. — Seigneur Jésus ! je serais bien mortifiée si je n'avais l'honneur de voir Mgr de Langres à notre retour. Dites-moi si vous n'espérez pas que je reçoive cette consolation. La sainte volonté de Dieu soit faite ! Toutefois, s'il est encore là, et que vous le voyiez, saluez-le de notre part, mais de la bonne sorte ; car je le révère et honore de tout mon cœur. — J'écris au cher cousin et réponds à M. Arviset ; sa lettre m'a touchée. Mon Dieu ! que je voudrais bien que cette ancienne amitié reverdit plus que jamais ; apportez-y ce que vous pourrez. Oh ! ma fille, que nous avons de sujet de bénir Dieu ! car il me semble que la sainte dilection qu'il a versée en nos âmes sera éternelle. Non, elle ne peut périr, moyennant la grâce de Celui duquel je vous souhaite l'abondance de son Esprit. Amen.

Adieu, ma très-chère fille, que je souhaite tant de voir, et m'en promets tant de consolation. Ressaluez tendrement notre bien-aimée Sœur de Vigny ; je crois qu'elle m'excusera bien si je ne lui écris pas, et toutes nos chères Sœurs. Je manque de loisir, mais je les aime bien.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [612]

LETTRE DCCXXV - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES

Conformité au bon plaisir de Dieu. — Chacun doit se sanctifier dans l'état où la Providence l'a placé. — Humbles sentiments de la Sainte. — Acheminement du procès de béatification de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Pont-à-Mousson, Ier juin 1626.

Mon très-cher Seigneur et très-honoré,

Je remercie et loue notre bon Dieu de la sainte bénédiction qu'il lui plaît de répandre dans nos âmes par le commerce de notre tics-pure amitié ; car je vous proteste que si mes lettres vous enflamment en l'amour du souverain Bien, les vôtres très-chères m'y excitent grandement, et me font toujours plus souhaiter que nos cœurs soient absolument et invariablement unis à ce très-saint bon plaisir, qui nous est si doux et favorable. Aimons-le uniquement, mon très-cher seigneur, et ne voyons que lui en tout ce qui nous arrive, nous y conformant amoureusement ; que ce soit notre pain quotidien que cet exercice. Il se peut pratiquer partout, et il vous est particulièrement nécessaire à cause de la variété des affaires et conversations que vous ne pouvez éviter ; car en toutes vous ne recherchez, par sa grâce, que Lui et l'accomplissement de sa très-sainte volonté.

Oh Dieu ! avec quel contentement ai-je lu et relu ce que vous me dites, mon très-cher seigneur, que vous continuez dans la pratique de vos exercices spirituels avec la même ferveur et affection que vous les avez commencés, et que vos résolutions subsistent en leur entière fermeté nonobstant le tracas de la cour ; car, si bien Notre-Seigneur me donne cette confiance en sa Bonté, que vous ne reculerez jamais, ains que [613] vous avancerez continuellement, si est-ce que ce témoignage et assurance que vous me donnez fait un surcroît de grande consolation et repos en mon âme ; c'est pourquoi je vous supplie, mon cher seigneur, que vous disiez toujours quelque mot de cela quand vous m'écrirez. Et ne pensez nullement que ce désir procède de méfiance, oh ! non, certes. Je ne crains pas, maintenant que l'année du noviciat passe ; et n'ai jamais douté que Dieu ne vous donnât une sainte persévérance, car la grâce de votre vocation au service de son pur amour est trop extraordinaire et abondante. Aimons-la bien, cette grâce-là, mon très-cher seigneur, puisqu'elle est la source de vie éternelle pour nous. Elle m'est si précieuse, que je la tiens au rang de seconde entre celles que mon Dieu m'a données, et desquelles j'ai le plus de sentiment et de ressentiment pour m'exciter au bien, et au désir de voir notre vie cachée et resserrée avec Jésus-Christ en Dieu.

Mais ne pensez pas que j'entende par ce mot qu'il nous faille retirer dans la solitude, ni du commerce des justes affaires et conversations honnêtes, à quoi nos vocations nous appellent ; oh ! non, car j'aime fort que chacun demeure en son état, et que l'on ne se jette pas dans les extrémités d'une dévotion érémitique, surtout vous, mon très-cher seigneur, à qui elle ne serait nullement convenable. Mais je vous dirai qu'il faut que nous affectionnions souverainement d'orner nos âmes des vertus de Jésus-Christ notre bon Sauveur, de cette secrète et intime union de nos esprits avec Dieu, qui nous fait partout aspirer à Lui, ainsi que vous faites ; de cette humilité de cœur qui vous fait tenir pour un brin d'hysope à comparaison de celle que vous estimez être un cèdre du Liban, quoiqu'en vérité elle ne soit qu'une ombre et une image morte de vertu ; car, mon très-cher seigneur, c'est cette sainte humilité qui attire l'Esprit de Dieu dans nos âmes, et les remplit du trésor de toutes les vertus. C'est par elle que nous menons une [614] vie cachée, parce qu'elle ménage ses bonnes œuvres en secret, et lient en assurance, sous l'ombre de sa protection, le peu de bien que nous faisons.

Je ne pensais pas vous tant écrire, mon très-cher seigneur : mais voilà comme toujours mon cœur s'ouvre avec vous. Aussi, certes, est-il tout détrempé en la sainte et incomparable dilection que Dieu lui a donnée pour vous. Aimez-le bien toujours, et continuez à le recommander à la divine Miséricorde, vous assurant que je ne cesserai jamais de vous souhaiter devant elle le comble de ses plus riches grâces en ce monde, et un siège très-élevé au trône de sa gloire et seule désirable éternité. Mais cela, sans doute, je le fais avec un amour et affection infinie. — Dieu veuille affermir mon fils en la nécessaire résolution qu'il a prise pour son salut et repos.

Je verrai ce que Mgr de Genève me dira sur ce que nos Sœurs les Supérieures de par delà lui ont écrit, touchant leur désir pour me faire retourner de leur côté. Pour peu que je l'y voie incliné, je croirai que ce sera sans doute de Dieu, et je l'embrasserai de tout mon cœur, avec cette particulière consolation de vous revoir, mon très-cher seigneur, qui serait un puissant motif à mon âme si je voulais suivre mes inclinations ; car, puisqu'il n'y a plus d'espérance, au moins si tôt, que vous retourniez en Bourgogne, cela me serait un bon moyen de jouir de la douceur de votre présence qui m'est si chère. Si Dieu le veut, Il le fera ; mais certes, pour ce sujet qu'on me désire, et ce que l'on attend de moi, on sera déçu ; et n'ai pas de quoi faire ces grands profits que l'on pense. Croyez-moi, mon très-cher seigneur, je le dis par vérité et sans humilité, je suis très-éloignée de l'estime que l'on fait de moi, et vous particulièrement, qui pensez que je sois telle que je parais en mes paroles. Certes, je ne veux pas nier que Dieu me donne de bons désirs, mais je suis sans effets ; et je vous conjure, mon très-cher seigneur, de ne point m'estimer ni louer ; [615] car, en vérité, je ne le mérite pas. Si vous retranchez cela de vos lettres, elles m'en seront incomparablement plus douces et plus utiles.

Je ne puis finir cette longue et ennuyeuse lettre. J'ai été malade d'une fièvre et diarrhée : j'ai encore une fluxion sur les yeux, de sorte que je fais cette lettre à diverses reprises, et n'écrirai point à mes enfants ; mais, avec votre permission, Monseigneur, je les salue cordialement, avec M. et madame de Coulanges. J'avoue que ce me serait une grande douceur et consolation de les voir : j'en laisse la disposition à notre très-bon Dieu que je supplie vous conserver ; et en tout, je suis et serai sans fin de tout mon cœur votre très-humble et très-obéissante sœur, fille et servante en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

[P. S.]. Depuis cette lettre écrite, j'ai reçu [des] nouvelles du bon Père dom Juste. Il a obtenu, grâce à Dieu, la confirmation de nos saintes Constitutions,[177] et tout ce qu'il désirait pour l'acheminement de la béatification de notre Bienheureux Père ; et de la sorte qu'il m'a parlé, je crois, mon très-cher seigneur, que la commission de la poursuite de cette œuvre vous est remise. Certes, j'en ressens une consolation extrême ; car je sais que ce vous sera un grand contentement et à nous ; pour mille raisons, j'en bénis Dieu.

Ce bon Père a été élu provincial de leur Ordre en Piémont. Cela n'empêchera pas qu'il ne vous accompagne quand il faudra : mais l'on prendra encore un homme pour faire mille [616] courses et diverses choses qu'il me mande être nécessaires. Cela accroîtra la dépense qui va tomber sur nous ; mais c'est tout un, car j'ai mon espérance en Dieu et en son Saint qu'il nous aidera. — J'ai reçu aussi avant-hier soir des lettres de Mgr de Genève, qui m'assigne mon départ d'ici pour le 1er septembre, sans remise, et je n'y manquerai pas, Dieu aidant, et irai à Dijon. Il m'écrit que le concours du peuple croît journellement au tombeau de notre Bienheureux, et qu'un possédé bien reconnu y a été délivré ; et un garçon muet s'en est retourné fort bien parlant. Quantité d'autres guérisons se font. Dieu en soit béni et glorifié !

LETTRE DCCXXVI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Elle l'encourage à souffrir avec patience et à se confier en Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Pont-à-Mousson, juin 1626.]

Ma très-chère fille,

Certes, votre lettre m'a percé le cœur, de vous sentir parmi tant d'afflictions et misères, et d'autant plus que je vois fort peu de moyens en nos maisons de vous aider. Mon Dieu ! ma très-chère fille, abaissons-nous profondément devant Dieu, reconnaissant que nous méritons bien son châtiment ; mais, après avoir amoureusement baisé ses saintes verges, confions-nous pleinement en son soin paternel, espérant fermement qu'enfin Il nous vivifiera. Il faut que vous renvoyiez deux ou trois filles à Moulins ; le changement d'air leur profitera et vous soulagera ; j'en fais écrire à la Mère, j'en écrirai aussi à N. pour notre Sœur M. M. [617]

Ne vous alarmez point de notre déposition[178] ; elle était requise pour l'exemple des autres maisons, outre qu'il m'est impossible de me charger plus d'aucune maison particulière. N'appréhendez non plus pour le voyage de Turin, qui est remis après l'hiver ; peut-être n'irai-je pas, et, si j'y vais, ce ne sera que pour fort peu, et j'espère vous voir l'année prochaine. — Ce qui me fait peine à Nessy, c'est qu'il faut que nous trouvions si grande somme d'argent pour la béatification, que j'en suis en peine.

Humiliez-vous, soumettez-vous humblement, et vous confiez fermement ; implorez l'aide de la Sainte Vierge, et de notre Bienheureux Père. Je suis vôtre d'une sorte inexplicable.

LETTRE DCCXXVII - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES

Souhaits pour sou avancement dans la pratique du divin amour.

VIVE † JÉSUS !

Pont-à-Mousson, 17 juin 1626.

Il n'y a que quinze jours que je vous écrivis amplement, mon très-honoré seigneur ; mais je ne saurais laisser passer cette sainte octave sans vous témoigner les nouveaux désirs que je ressens pour votre avancement au pur amour de [618] Notre-Seigneur. Je ne cesse de vous souhaiter l'abondance des dons sacrés du Saint-Esprit, afin que, comblés de ses célestes faveurs, nous nous consumions au service de sa gloire, et au feu de son très-pur amour, pour être des holocaustes agréables à la souveraine Majesté de notre bon Sauveur. Quel plus grand bonheur puis-je souhaiter à votre très-chère âme que celui-là, que je désire uniquement pour la mienne qui vous chérit, ce me semble, toujours plus parfaitement, mon très-cher seigneur, n'ayant point de plus douce consolation qu'en l'espérance de nous voir un jour conjoints en cette bienheureuse éternité, pour y louer et aimer incessamment Celui qui est seul digne d'un éternel honneur et amour 1 Je le supplie de régner à jamais en votre très-aimable cœur, que je salue chèrement et tendrement de toute l'affection du mien, qui est et sera toujours en toute sincérité, mon très-cher seigneur, votre très-humble et très-obéissante sœur, fille et servante en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

LETTRE DCCXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Encouragement à faire une fondation à Paray-le-Monial ; comment la préparer. Indisposition de la Sainte.

VIVE † JÉSUS !

[Pont-à-Mousson], 30 juin [1626].

Ma pauvre très-chère fille,

Certes, vous pouvez bien croire que c'est malgré moi que vous avez si rarement de nos nouvelles. C'est parce qu'il n'y a point d'ordinaire [de messager] en ce pays pour Lyon, et qu'il faut que nous nous servions de celui de Dijon qui part seulement tous les premiers jours de chaque mois, auquel temps je [619] ne manquerai pas toujours de vous écrire. Nous avons reçu le paquet que vous envoyâtes trois semaines après Pâques, et encore les derniers du 27 mai, et voici la troisième fois que nous vous écrivons,

Par celle que vous aura envoyée M. Michel, je répondais ce que je pouvais pour la fondation de Paray, et derechef, ma très-chère fille, je dis que si cette ville est propre pour y mettre une de nos maisons, vous ferez fort bien de l'accepter, quoiqu'il n'y ait que la dot des filles pour servir de fondation ; car pour l'ordinaire ce n'est pas chose désirable, que d'avoir des fondatrices séculières.[179] Il n'y a point de doute, que vous ne puissiez donner la pension des Sœurs que vous y enverrez pour autant de temps que la nécessité de la nouvelle maison le requerra ; et que, de même, vous ne puissiez procurer votre établissement dans de bonnes villes et y employer quatre ou cinq mille écus, voire plus, si votre maison en a le moyen ; et cela serait faire deux biens, faisant part du bonheur de notre vocation aux autres villes, et, par la décharge de votre maison, y donner l'entrée à [620] d'autres filles ; et ainsi, le bien spirituel se rendrait infini tant d'une part que d'autre. Vous pouvez aussi recevoir des prétendantes dans votre maison de Lyon, leur donner l'habit et les faire dresser dans votre noviciat, et les envoyer avec les professes à la nouvelle fondation, et celle-ci est la façon que j'aime et que notre Bienheureux Père désirait. Et certes, il serait à souhaiter que jamais on ne fit fondation sans cela ; car, par ce moyen, les maisons ne se videraient pas tant de professes, et les fondations seraient plus tôt accommodées. À mon avis, ma Sœur votre assistante ferait fort bien en charge ; si nous nous voyons d'ici là, selon l'espérance que nous en avons pour tout le mois de septembre, Dieu aidant, nous en parlerons.

Vous avez bien partagé Avignon ; car je crois que si notre Sœur Anne-Marie se tient fort humble et basse devant Dieu, elle recevra de grandes grâces de Dieu et lui rendra de bons services. — Un peu d'incommodité me retient dans le lit dès huit jours ; c'est une diarrhée qui se diminue fort et la fièvre aussi. J'espère que, Dieu aidant, dans peu de jours je serai debout ; n'en soyez nullement en peine. Je salue nos chères Sœurs très-cordialement. Nous avons acheté une maison et avons reçu une fille qui est de bonne espérance ; c'est toutes nos nouvelles dès le départ de M. Michel. Nous attendons de bon cœur le plan de votre maison, que nous avions demandé à M. Michel ; si vous avez le nôtre, je vous prie de nous l'envoyer. Je ne puis, ni n'ai loisir de revoir cette lettre ; car voici Madame qui arrive avec grande troupe pour voir donner l'habit à notre première fille. Oh ! ma très-chère fille, que mon âme chérit la vôtre parfaitement, et que je désire que Dieu y vive et règne souverainement à l'éternité ! Adieu.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [621]

LETTRE DCCXXIX - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À DIJON

Les Religieuses de la Visitation doivent chercher leurs règles de direction dans les enseignements de saint François de Sales. — Retour de Lorraine.

VIVE † JÉSUS !

[Pont-à-Mousson], 20 juillet [1626].

Oh ! ma très-chère grande fille, c'est le train que nous devons tenir que celui-là, de ne guère chercher d'avis hors de nos instructions, sinon en certains cas extraordinaires qui arrivent rarement : voilà tout mon désir que nous nourrissions nos âmes de la viande solide que notre très-saint Père nous a mâchée. Oh ! que nous serons heureuses si nous demeurons fermes en cette pratique ! Inculquez fort celle affection à vos filles ; car, véritablement, c'est l'unique moyen de conserver la paix de leur cœur, et de les faire devenir des vraies servantes de Dieu et filles de leur incomparable Père. Nous en parlerons à souhait, Dieu aidant, et de tout le reste ; car le bon Père provincial a toujours ses pensées.[180] Certes, il nous oblige fort de cette si grande affection qu'il a pour notre chère Congrégation ; il faut grandement recommander cela à Notre-Seigneur ; car c'est de Lui qu'il nous faut attendre tout notre bien. Nous en parlerons, et je serai extrêmement aise de pouvoir voir et parler à votre bon Mgr de Langres.

Je n'ai point trouvé dans notre paquet la lettre de notre cher archevêque [de Bourges], qui se rend tous les jours meilleur. Le grand Dieu le tienne toujours de sa main toute-puissante.

Je n'ose absolument contredire notre très-bonne Sœur de [622] Vigny qui m'écrit si résolument qu'elle nous veut venir prendre à Bourbonne [-les-Bains], qui est à dix-huit lieues par deçà Dijon, et où, Dieu aidant, en tout sans faillir nous irons coucher le 4 septembre. Il n'en est nulle nécessité ; car, soit en carrosse ou en litière, l'on nous fera fort bien conduire jusqu'à Dijon. Je laisserai donc conduire cela à votre volonté, ma très-chère fille ; et en attendant cette douce consolation de vous voir, je prie Dieu vous combler de son saint amour, auquel je suis toute vôtre sans réserve.

[P. S.] Faites prier pour une affaire importante à notre Institut.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXXX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Admirable obéissance de la Sainte ; elle passera prochainement à Lyon. — Comment tenir les âmes dans l'humilité.

VIVE † JÉSUS !

[Pont-à-Mousson], 30 juillet [1626]

Dieu soit éternellement béni, ma très-bonne et vraiment très-chère fille ! Il me semble que sa douce Providence sur nous nous oblige à cela tout à fait, et à nous rendre tous les jours plus affectionnées et attentives à Lui plaire amoureusement, par une très-humble et fidèle soumission à tout ce qui Lui plaît et qu'il désire de nous. Croyez-moi, ma fille, qu'il ne me sera pas moins agréable qu'à vous de demeurer le plus que je pourrai avec vous et nos chères Sœurs que j'aime tant ; mais il faut que ce soit sous le bon plaisir de votre bon Supérieur, qui ne vous refusera pas ; mais, je vous prie, ne lui pas demander, sinon qu'il [623] vous l'ait suggéré ; car, ma fille, je ne désire nullement par aucun moyen tirer la volonté de mon Supérieur à mes inclina-lions : j'aime infiniment la pure obéissance, et rien ne me peut contenter que cela. Dieu me fasse la grâce de réduire ces désirs en effets.

Vous avez maintenant reçu mes dernières [lettres], qui répondaient à [la] vôtre précédente. Nous n'avons commodité de vous écrire que tous les mois ; je le fais soigneusement, et, bien que j'espère que nous partirons pour notre retour le 1er septembre, je ne laisserai de vous écrire par le messager qui part ce même jour aussi pour aller à Dijon ; mais je crois qu'il y sera plus tôt que nous, afin de vous mieux assurer le tout, moyennant la divine grâce. Je me porte bien, Dieu merci, sinon mes yeux qui ne veulent pas que j'écrive ni lise longtemps. Cela, avec l'espérance de vous, voir, me fait exempter d'écrire à notre bonne Sœur F. M. de Ruffy ; car, Dieu aidant, nous nous verrons à loisir. Vous faites bien de négliger un peu ces petites opinions que ces bonnes âmes ont de leur grande oraison ; quand bien la chose serait vraie, cela leur fait grand bien pour les humilier. Que ce me sera de consolation de voir cette âme si simple et vraiment humble ! c'est un trésor chez vous. Dieu fasse la grâce à notre chère fille A. F. de persévérer constamment en sa sainte entreprise ; elle sera bénie si elle le fait. Je me réjouis aussi bien fort de voir votre bon Père Maillan. Faites-moi ce bien de nous recommander à ses prières. Je salue toutes nos très-chères Sœurs ; qu'elles prient pour mes nécessités, je les en conjure, et surtout leur bonne Mère qui est ma très-chère fille. Dieu vous remplisse toutes de son Esprit et soit béni ! Amen.

Faites prier de bon cœur pour quelque affaire qui touche notre Institut.

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Marseille. [624]

LETTRE DCCXXXI - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Projet de publier les Œuvres de saint François de Sales en un volume.

VIVE † JÉSUS !

[Pont-à-Mousson], 15 août [1626].

Si ce paquet pour le Piémont tombe entre vos mains, ma très-chère fille, envoyez-le promptement et sûrement à nos Sœurs de Chambéry. J'espère vous voir le mois prochain,[181] Dieu aidant, que je supplie vous combler de ses plus riches grâces. Amen. Nul loisir d'en dire davantage ; mille saluts à nos Sœurs.

[P. S.] Je vous prie, faites corriger les Épîtres par quelque esprit propre à cela. M. Rigaud a écrit à Mgr de Genève qu'il voulait imprimer toutes les Œuvres de notre Bienheureux Père, en un volume. Cela serait fort bien, et je le désirais il y a longtemps.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [625]

LETTRE DCCXXXII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À RIOM

Annonce d'un secours pécuniaire.

VIVE † JÉSUS !

17 octobre [1626].

Ma très-chère fille,

Ce mot seulement. Nous avons trouvé ici cinq cents écus que nos Sœurs de Belley nous y ont fait tenir, qu'elles nous devaient. Je désirerais vous les laisser tous ; mais l'extrême nécessité de nos Sœurs d'Évian nous en fait retrancher cent écus pour elles. Puis, nos Sœurs de Nessy m'ont écrit que tout ce qu'elles ont pu amasser, c'est deux mille francs, et il nous en faut trouver d'abord pour le moins six mille pour les affaires de notre Bienheureux Père, de façon, ma très-chère fille, que nous ne sommes pas en petite peine de ce côté-là ; mais ma confiance est en Dieu, qui nous pourvoira pour une œuvre si sainte. Faites donc pourvoir d'une voie assurée pour vous faire porter les six cents écus qui sont ici de Nessy et Marseille.

J'en ai écrit à la bonne Mère qui ne fait pas de son abondance, car elle les a empruntés.

J'espère de vous voir l'année prochaine ; cette fois, il a été impossible. Je suis vôtre en Notre-Seigneur, d'une affection incomparable. — M. de la Curne est toujours meilleur et invariable en sa dilection pour nous.

Conforme- à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [626]

LETTRE DCCXXXIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Départ du Père général des Feuillants pour Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Chambéry, 1626.]

Ma très-chère fille,

Voilà notre très-bon et très-cher Père général [des Feuillants] qui s'en va à Lyon, où il demeurera fort peu. Je vous prie de le bien faire assister. Notre chère Sœur la Supérieure d'ici l'a fait nourrir tout le temps qu'il y a séjourné, de quoi ce digne serviteur de Dieu témoigne une reconnaissance nonpareille. Il s'est fort remis par ce moyen, dont je loue Dieu. Il nous a promis de remettre la main à la Vie de notre Bienheureux Père.[182] Il fera, comme j'espère, une œuvre fort accomplie.

Au reste, tout va très-bien ici, grâce à Dieu, et à Belley. Souvenez-vous de nous bien dresser notre Sœur M. -Élisabeth, car si Mgr n'a bien fort résolu que notre Sœur de Dijon ira en Piémont, je crois que nous l'y emploierons ; mais, je vous prie n'en point parler, non plus que de mes secrets que je vous ai tous dits si simplement. Adieu, bonsoir. Nous partirons mercredi, Dieu aidant, pour être à Nessy au moins vendredi. Je salue toutes nos Sœurs que j'aime de cœur, et vous, ma fille, du fin meilleur de mon cœur, qui est infiniment vôtre, dont Il soit béni I

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [627]

LETTRE DCCXXXIV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Prétention mal fondée de la Sœur de Morville. — La Sainte ne peut se charger du gouvernement particulier d'aucun monastère.

VIVE † JÉSUS !

Chambéry, 3 novembre [1626].

Ma très-chère fille que j'aime de tout mon cœur,

Je viens de recevoir votre lettre du mois passé. Courtement je vous dis qu'au nom de Dieu l'on traîne notre Sœur Marie-Aimée [de Morville] en longueur, et avec peu d'espérance de sa prétention. N'est-elle pas aveuglée, cette pauvre créature, et tout à fait digne de compassion ? De retirer sa fondation de Moulins, c'est chose impossible ; mais je verrai si le retardement de la fondation de Carmagnole se pourra continuer, et si, par ce moyen, nous pourrons aller jusque-là. Seigneur Dieu ! ma fille, qu'il est heureux qui craint sa divine Majesté, et quitte soi-même pour le suivre et son divin vouloir !

Vous et vos Sœurs me faites trop d'honneur en votre proposition[183] ; mais je vous dirai simplement que mon désir est de [628] ne plus me charger de maisons particulières. J'en parlerai toutefois à Mgr de Genève, et toujours je me rangerai à la volonté de Dieu qui me sera connue, moyennant sa sainte grâce. À peine jamais notre bon prélat ne consentira que j'établisse une demeure hors de Nessy. Pour revoir les maisons, si elles le désiraient, je crois qu'il le pourra permettre si on l'en presse ; il faut que je me résolve de le lui dire. Dieu fasse en tout son saint plaisir ! Je suis tout entièrement vôtre.

Dieu soit béni et vous rende selon son cœur ! Amen. Nous partirons demain, Dieu aidant, après avoir fait une profession.[184]

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse.

LETTRE DCCXXXV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

SUPÉRIEURE À ÉVIAN

Ne pas se plaindre de sa pauvreté aux personnes du dehors. — Prévision pour la fondation de Besançon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 6 novembre [1626].

Ma très bonne et chère fille,

Nous voici arrivée [de Lorraine], grâce à Dieu, et en bonne santé, très-désireuse de savoir comme vous faites au spirituel et au temporel, afin qu'en tout ce qui nous sera possible nous [629] vous aidions ; car, ma très-chère fille, tout le monde crie que vous êtes si mal et si pauvre que rien plus. Je le pense bien ; mais pourtant je voudrais que ceux de dehors n'en sussent rien, ni ceux du dedans, excepté celles qui ont charge des affaires ; cela nuit grandement et dégoûte les filles, et les parents de les vous donner. Dites-nous donc, à nous seule, votre besoin, et nous y donnerons tout le secours qui nous sera possible et de bon cœur.

On vous pourrait envoyer notre Sœur J. -Françoise [Copier] pour mettre un peu en train votre ménage, et d'ici à quelque temps on la pourra retirer avec encore une autre de vos Sœurs pour l'envoyer à Besançon. Cependant, celle que vous enverrez ici se dressera, s'il se peut, et me dites laquelle de vos professes vous pourriez juger propre pour Besançon ; et de plus, si vous avez là quelque Sœur qui put faire votre charge de Supérieure, en cas qu'on vous voulût employer ailleurs. Mais de ce dernier point, je vous supplie de n'en rien dire ; seulement, ma très-chère fille, répondez-moi avec toute franchise et confiance. — Je salue toutes nos très-chères Sœurs, que je chéris cordialement, et notre bon M. Pioton aussi, auquel je ne puis écrire pour ce coup.

Nous croyons de passer en Piémont à la fin de ce mois, et de vous envoyer d'ici là deux filles, dont l'une est une bonne âme, et il faudra que M. Pioton se tienne prêt pour l'aller quérir. On vous fera aussi tenir ses linges [trousseau]. Voilà tout ce que mon peu de loisir me permet d'écrire, ma très-chère fille. Dieu vous comble de Lui-même ! Je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [630]

LETTRE DCCXXXVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE COMPAIN

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Remercîment des secours accordés au monastère de Riom. — Avis favorable pour la fondation de Saint-Flour. — En quoi doit consister la finesse d'une Religieuse de la Visitation. — Concession du petit Office et approbation des Constitutions. — Rapide et merveilleuse diffusion de l'Institut. — Concours toujours plus fréquent au tombeau du saint Fondateur ; nombreux miracles dus à son intercession.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma bonne et chère fille,

La grande franchise avec laquelle vous assistez spirituellement et temporellement nos chères Sœurs de Riom m'oblige tout particulièrement à chérir votre bon cœur, quoique j'en aie plusieurs autres sujets. — Je ne vois rien que de bon en la fondation que l'on vous propose à Saint-Flour ; j'y remarque beaucoup de choses désirables, et une spéciale Providence de Dieu sur votre maison.

Ma chère fille, apprenez à cette bonne Sœur que toute notre finesse doit être à bien faire notre devoir, et à nous tenir humbles, nous confiant entièrement en Dieu ; car sans doute Il ne nous manquera jamais. Fortifiez bien nos Sœurs en ces deux points, surtout celles que vous destinez au nouvel établissement. Ce me sera une très-grande consolation si nous nous pouvons voir ; mais je ne puis encore assurer la chose. Il me suffit d'espérer ce bien, en obéissant à la volonté de Dieu que je crois le vouloir, et à celle de Mgr de Genève qui m'a aussi signifié le désirer.

Nous avons reçu notre Bulle pour le petit Office à perpétuité. Nous avons aussi l'approbation de nos Constitutions avec ordonnance de service, de même à perpétuité. Il ne faut rien que cela pour s'établir par tout le monde ; et, quand nous ne l'aurions pas obtenu, il n'y avait plus de difficulté en nos affaires [631] étant reçues du Roi et du parlement de Paris, et établies dans les principales villes de France. Nul de Messeigneurs nos prélats ne fait la moindre ombre de difficulté de nous recevoir. Bénissons Dieu, ma fille, qui a fait sortir un si grand arbre d'un petit grain de moutarde ; je veux dire, d'un si petit commencement, une Congrégation qui se va étendant partout.

Bénissons encore sa Bonté qui manifeste notre saint Fondateur partant de merveilles. Il faut tirer de bonnes attestations des miracles que vous m'écrivez : la conversion du huguenot est surtout signalée. C'est chose ravissante d'ouïr réciter les grâces que Dieu fait partout par l'intercession de ce sien fidèle serviteur. Il ne se peut dire le grand concours qu'il y a à son sépulcre de toutes parts et des pays étrangers. Encore à l'heure que je vous écris, il y a un abbé et quelques ecclésiastiques et religieux de Suisse, qui sont venus rendre grâces de quelques miracles signalés faits par l'intercession de ce Bienheureux. Cela doit redoubler notre soin et affection à la pratique des enseignements qu'il nous a laissés.

Je vous sais bon gré, ma chère fille, de vous résoudre à bâtir ; car, outre la commodité temporelle, il y a une grande utilité pour le spirituel, dont une once de profit, s'il faut ainsi dire, vaut mieux que cent millions de livres de profit temporel. — Je suis en peine aussi bien que vous de l'extrême pauvreté de notre monastère de N. Ce ne fut jamais par mon avis que cette fondation fut faite, et je ne sais comme quoi on la pourra maintenir ; car de faire des quêtes par nos maisons pour cela, c'est de quoi je n'ai pas le courage, sachant que presque tous nos monastères sont pauvres ; et ceux qui sont le mieux rentes ont bien de la peine à rouler à cause de la misère du temps, et de la peine que l'on a d'être payé. [632]

LETTRE DCCXXXVII - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Affaires matérielles. — Choix d'un confesseur.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

[Les premières lignes manquent dans l'original. ] Vous ne devez vous étonner des larmes de la pauvre Sœur Bernarde ; elle a raison de pleurer ses parents, qui sont très-bons. Nous en avons eu céans qui ont bien fait comme cela ; mais les larmes sont sitôt taries. — Il n'est pas encore nécessaire de rehausser vos murailles, puisque le maître n'y est pas, et il vous faut faire votre puits dans votre jardin, parce que ce sera un jour une cour ; mais rien ne presse, puisque vous n'avez pas le maître maçon.

Vous verrez le Révérend Père Bertrand qui recevra vos confessions annuelles, ou, s'il manque, notre chère Mère [de Châtel] vous enverra M. Michel. — Ne vous étonnez pas si vous ne pouvez trouver l'emprunt que vous désirez. Dieu vous aidera ; il faut avoir patience ; en tout commencement il faut souffrir. Nous avons passé obligation en votre nom de onze cents florins avec le père de ma Sœur Marie-Marguerite. M. Ducrest a reçu l'obligation, laquelle il vous faut retirer. On a prié M. de Sauvigny de faire la charité de prendre soin de cette affaire.

[De la main de la Sainte.] Ma très-chère fille, ni Mgr, ni moi, ne serons point marris que vous changiez de confesseur ; mais il désire d'aller faire un tour à Rumilly pour accommoder cela ; car, si vous considérez la chose, vous verrez qu'elle mérite la conduite d'une grande discrétion, tant pour vous que pour M. B. et encore pour M. le curé. Il faut craindre de faire chose qui donne sujet de mauvaise intelligence entre M. le curé et M. B. Il faut donc manier ceci avec grande discrétion ; parlez-en avec [633] ma Sœur de la Fléchère. Le prétexte de la trop grande pension et de votre pauvreté est le meilleur ; mais il faut conduire le tout fort discrètement, afin de n'offenser ni fâcher personne. Au reste, ma très-chère fille, toutes ces aversions de N. N. à M. B., qui est homme de si grande piété, n'ont point un bon motif ; tout cela sent fort l'esprit humain, imparfait et éloigné de la vraie charité. Je les supplie de s'en redresser, et tenir cela pour une dangereuse tentation ; affranchissez leur esprit de ce mal, ma très-chère fille, et ne cherchons que Dieu très-simplement. Sa Bonté soit éternellement bénie, et vous comble de ses grâces, toutes, toutes, ma très-chère fille, et mes deux très-chères Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXXXVIII - À LA SŒUR ANNE-MARIE DE LAGE DE PUYLAURENS

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES, À BOURGES

Une Religieuse doit toujours agir selon la Règle écrite, et être unie à la Règle vivante, qui est la Supérieure. — La timidité procède souvent de l'amour-propre. — L'exacte observance est la voie sûre de la plus haute perfection.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

Dieu vous a bien favorisée de vous donner sa sainte lumière, et la force de vous tirer de la dangereuse tentation que vous avez eue contre votre tant bonne et vertueuse Mère. L'esprit malin a fait cela ; il voudrait par cette désunion vous renverser toutes deux ; Dieu soit béni qui vous a délivrée de ce mal ! Gardez-vous bien, ma très-chère fille, d'y retomber jamais ; et vous tenez toujours et invariablement unie à votre Règle écrite, et à la vivante, qui est votre Supérieure. Car, encore peut-être que [634] Dieu permettrait que vous en eussiez quelqu'une fort imparfaite, tenez-vous ferme là ; l'Esprit de Dieu y est pour vous, et n'y devez regarder autre chose ; assurément, jamais II ne vous manquera par cette voie, si vous êtes fidèle à votre devoir.

Cela est vrai, ma très-chère fille, que votre timidité procède d'amour-propre ; et pour Dieu, surmontez vos inclinations et vivez, comme dit votre Règle, selon la raison et la volonté de Dieu. Si vous-même ne vous déterminez sur cela, personne ne vous y peut aider ; l'on vous peut dire ce qu'il faut que vous fassiez, mais personne ne le fera pour vous. Bon courage donc, ma très-chère fille ; Dieu requiert cela de vous, et vous appelle à une haute perfection. Correspondez fidèlement par l'exacte observance de votre Institut, car c'est votre vraie voie, et l'unique chemin par où vous y pourrez parvenir, et cela avec une sainte ferveur d'esprit tout humble, douce et simple.

Je suis consolée que vous ayez retranché vos réflexions, et que vous êtes plus tranquille au désir de votre avancement ; ces empressements ne viennent que d'amour-propre ; gardez-vous-en toujours, je vous prie, et vous habituez fort à regarder la volonté de Dieu en toutes choses pour vous y unir. — On n'a rien du tout changé au Cérémonial. Vous pouvez faire tirer du Coutumier le Directoire spirituel, s'entend ce qui est propre à vos Sœurs novices que je salue très-chèrement avec vous, que mon âme chérit d'un amour spécial et cordial, et vous conjure d'être cordiale et généreuse.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers. [635]

LETTRE DCCXXXIX - À LA MÈRE JEANNE-MARIE COMPAIN

SUPÉRIEURE À AVIGNON

Défaut à corriger dans sa communauté. — De l'éducation des novices. — Utilité des contradictions.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

J'adore la bonté de Dieu, et la devrais et désirerais admirer avec un profond anéantissement de moi-même, de voir qu'il ne dédaigne pas de faire tirer quelque utilité de ma chétiveté. Bénite soit donc éternellement cette bonté qui nous a fait tirer un si bon fruit de notre entrevue ![185]

Entre les défauts de votre communauté que vous devez retrancher, l'un est cette crainte d'être reconnue défaillante, parce qu'elle est contraire à la sainte humilité qui nous est enseignée comme nous étant uniquement nécessaire, et nous dérobe l'un de ses plus précieux fruits qui est l'amour de notre propre abjection, laquelle ne peut être pratiquée plus utilement que lorsque nos défauts sont connus. Je crois que vous faites bien de continuer la conduite que vous avez commencée sur ma Sœur votre assistante. J'espère qu'avec cela on la conduira enfin où Dieu la veut, et que nous la désirons ; mais, au nom de Dieu, tenez la main qu'elle fasse son devoir autour des novices, et qu'elles soient conduites à une grande douceur et générosité d'esprit, mais suavement : c'est le bonheur d'une maison religieuse que les novices soient bien élevées, et aux vérités de la foi et aux solides pratiques de leur vocation. Pour ce qui est de [636] ma pauvre Sœur N., je suis consolée qu'elle se tienne en son devoir envers vous. Dieu permet que ces petites tricheries lui passent par l'esprit pour l'exercer, et pour vous exercer avec elle. Mais que vous faites bien, ma très-chère fille, de regarder tout ce qui vous arrive, et ces petites peines, dans la volonté de Dieu ; toutes choses grandes et petites nous viennent de cette part, car c'est un baume précieux que ce divin vouloir qui nous doit rendre toutes sortes d'événements doux et suaves.

Il y a bien de quoi se contenter, ma très-chère fille, de voir le bon succès de ces chères Sœurs N. N. qui se sont rangées à notre Institut. Je suis particulièrement comblée d'allégresse de celui de ma Sœur N. Que Dieu est bon, ma très-chère fille ! Cette fille l'éprouve déjà : pour un peu de détermination et de violence qu'elle s'est faite, voilà que la douceur de Dieu lui fait goûter la suavité de sa présence et l'utilité de sa lumière. Qu'il lui fasse la grâce de la bien suivre et de s'abandonner sans réserve à sa bonté. — Ma pauvre très-chère fille, vous devez toute votre vie bénir Dieu de vous avoir retirée de l'embarras où vous avez été. Or bien, celui qui n'a pas été tenté, que sait-il, dit Écriture sainte, qu'il n’ait été au combat ? après quoi il est avisé pour éviter les périls. Je prie Dieu qu'il vous tienne toujours de sa sainte main. Cheminez humblement, mais fidèlement sous cette douce conduite.

Faites votre gouvernement avec grande charité, patience, douceur et humilité, mais dans une sainte fermeté, tâchant de toucher les âmes, et les animer au bien, et non de les abattre. Ne désirez point d'être déchargée, que quand Dieu l'ordonnera. Il soit béni ! Je suis de cœur, sans réserve, votre, etc. [637]

LETTRE DCCXL (Inédite) À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Conseils relatifs à l'agrandissement du clos du monastère. — On peut recevoir dans la clôture une abbesse qui désire se former à la vie régulière.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère fille,

Suivant ce que M. Grimont m'écrivit hier que ces messieurs faisaient difficulté de donner cette bergerie à moindre prix que de mille écus, il me semble que vous vous en pourriez passer facilement, et que ces trois jardins suffiront. — Je vous prie de dire à la [Sœur] Boursin de faire mes recommandations à M. de la Coudre, au Révérend Père recteur et à M. Guyon. Je me recommande fort à leurs prières. J'écris à madame de Saint-Jean. J'approuve fort sa retraite et qu'elle mette ordre à ses affaires, afin que, quand elle sera dedans, on ne lui laisse parler à personne sans faire bien prendre [garde] à tout ce qu'elle dira ; et quand quelqu'un la demandera, il faut que vous leur disiez qu'ils ne lui peuvent parler d'un mois ou quinze jours. J'approuverais fort, devant que de sortir, de dire qu'elle va faire un voyage hors de la ville.

Si ces messieurs de Saint-Ladre font trop les renchéris de leur bergerie, envoyez-moi la mesure des trois autres jardins, et je crois qu'ils suffiront. Toutefois, écoutez tout ce qu'ils voudront dire avant que parler. — Au reste, ma très-chère fille, la bonne madame de Toulonjon[186] m'a promis fidélité très-grande, et même si madame de Saint-Jean ne fait rien, elle m'a demandé de se retirer vers vous. Prenez confiance à elle, selon votre prudence ; car croyez qu'elle ne trompera point et servira [638] grandement à la réforme de Saint-Jean. J'écris à N. afin que, retournant chez vous, elle n'aille point au parloir. Bonjour, ma très-bonne et chère fille, et à toutes nos Sœurs. Dieu répande son Cœur dans le vôtre !

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE DCCXLI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-FRANÇOISE HUMBERT

SUPÉRIEURE À ÉVIAN

La Sainte demande des nouvelles de la Sœur de Ligny. — Comment traiter avec les Pères Jésuites.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, [1626.]

Ma très-chère fille,

Il me tarde de savoir comme vous vous portez et si votre nouvelle fille, notre Sœur Marie de Ligny, vous contentera. Nous avons ici les quatre mille florins de sa dot. Il faudra, quand vous jugerez la fille propre, aviser à ce que vous voudrez faire de cet argent, afin qu'il ne vous soit pas inutile. Il y a aussi un peu de linge, mais nous ne savons comment vous l'envoyer.

Ma très-chère fille, les Pères de la mission ont écrit à Mgr pour avoir leur pension ; certes, nous nous trouvons tout à fait en nécessité d'argent ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous prie de leur donner un quartier sur les cinq cents florins que le Père Dupont leur a légués. Il vaut mieux les employer à la mission que de les lui donner. — Je salue chèrement votre cœur de toute l'affection du mien, ma très-bonne et chère Sœur, et toutes nos Sœurs, avec M. Pioton auquel j'écrivis avant-hier à soir. Bonsoir, ma très-chère fille. Dieu soit au milieu de votre cœur ! Je suis toute vôtre en son amour... [639]

À LA SŒUR ANNE-LOUISE DESPORTES

ASSISTANTE À ÉVIAN

Je l'eusse bien désiré de vous voir, ma chère fille, mais il n'a pas été possible. Je ne doute nullement que vous ne me continuiez votre chère dilection, et je vous en prie surtout devant Dieu, que je bénis de la résolution qu'il vous donne de le servir selon son bon plaisir et la raison, et non selon les inclinations de la nature ; tenez ferme en cette pratique...

Conforme à une copie gardée à la Visitation de Thonon.

LETTRE DCCXLII - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION d'ANNECY, À RUMILLY[187]

Le cordial support doit reluire en une Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

[Les premières lignes manquent dans l'original.] Or, je loue Dieu du bon courage de nos filles : votre témoignage m'en vaut quatre, tant j'ai de confiance en vous. Mais, mon cher Père, vous m'eussiez fait un grand plaisir de me dire clairement et brièvement ce que vous me dites, qu'il est besoin que Mgr et moi sachions avant que rien changer ; car si bien l'on m'écrit tout plein de choses, je n'y fais pas si grand fondement que sur ce que vous me diriez ; je vous prie donc que ce qui se pourra vous me le mandiez. Croyez que ce n'est pas peu que d'être en charge parmi tant d'esprits, lesquels prennent licence d'examiner ; il faut être bien ferrée pour n'avoir rien à redire. Il faut, [640] et je vous en prie, inculquer le retranchement des légèretés, et que l'on prenne une douce gravité avec une modestie rabaissée, car cela est plus nécessaire pour une Supérieure qu'il ne se peut dire, avec le cordial support. Seigneur Jésus ! mon très-cher fils, que c'est une chose importante que ce support : l'on fait plus par là qu'il ne se peut dire.

Je vous prie, assurez notre bon M. N. comme si j'étais sa sœur. Dieu le remplisse de ses bénédictions et enfin tous nos amis et la N... avec les autres que je ne puis nommer.

Souvenez-vous de notre défi de la simplicité ; ici je l'ai tiré avec notre glorieux saint Joseph. Mais souvenez-vous aussi de faire le recueil que je vous ai tant prié, des beaux traits de la divine Providence ; car, voyez-vous, il n'y a rien de tel que se jeter là et y demeurer en la façon qu'il lui plaît de nous y tenir. C'est mon amour et mon désir incomparable. Vous savez ce que je vous suis, certes, toute vôtre en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DCCXLIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-AIMÉE DE BLONAY

SUPÉRIEURE À LYON

Les Religieuses non réformées ne peuvent entrer dans le monastère. — Conseils pour la maison de Paray. — Projet d'un voyage en Piémont ; désir de visiter au retour les monastères de France.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 22 novembre [1626].

Je ne vous dirai maintenant, ma très-chère fille, comme je fais ; il n'y a pas moyen, ni ce qu'on me fait, qui est plus que je ne mérite. Un jour, nous dirons tout, Dieu aidant. Voilà donc le bon Père Arnoux content. Mgr de Genève lui écrit. Il a fait grande difficulté d'approuver cette réception, mais il a vu [641] qu'il n'y avait moyen de s'en excuser, les choses ayant été conduites comme elles l'ont été. Certes, ma très-chère fille, je trouve que M. de N*** est trop libre à [accorder] ces licences pour [l'entrée de] ces dames qui ne sont réformées ; notre Bienheureux Père ne les eût pas données ; cela est contre le Concile, puisque tout à fait elles ne sont ni utiles ni nécessaires.

Au reste, je suis bien assez inconsidérée pour avoir dit à ce bon monsieur-là ce que vous m'écrivez de Paray ; toutefois, je n'en ai nulle mémoire. S'il est vrai, j'ai tort, et vous supplie me le pardonner. J'écrirai à Mgr d'Autun. Mais, mon Dieu, ma très-chère fille, ne donnez pas encore les fonds des dots des Sœurs que vous enverrez, mais seulement leurs pensions ; car, voyez-vous, avant que de faire là un plus grand établissement, il faut être assurée de celui de la mission des Jésuites, et bien considérer le lieu où sont ces pauvres Sœurs ; car il m'est avis que difficilement on aura de la place là pour bâtir un monastère ; mais vous pourrez avec le temps envoyer là quelque homme d'esprit et fidèle pour visiter le lieu, et je prie Dieu de faire connaître sa sainte volonté afin que nous la suivions. Enfin demeurons en repos, nous confiant que sa Providence en tirera sa gloire.

Hélas ! ma vraie fille, je voudrais bien, selon la nature, ne point aller en Piémont ; mais de bon cœur j'obéirai, n'y contribuant que mes soumissions, non plus qu'à y mettre notre chère Sœur de Dijon. Ne laissez pas de bien dresser notre chère Sœur [M. -Élisabeth]. Je résous de parler nettement à Mgr de voir nos maisons au retour du Piémont, qui sera en mars, Dieu aidant, au cas que nous y allions, comme je le crois. — M. Michel [Favre] répondra pour l'Office. Nous faisons transcrire le Coutumier ; il sera bon d'imprimer tout ensemble. Je vous l'enverrai au plus tôt, Dieu aidant. — Je vois dans votre lettre la joie que vous avez de ce que nos bonnes Sœurs ont été satisfaites de moi ; c'est l'amour filial qui fait cela en votre cœur. [642] Pourvu que Dieu soit satisfait, mon Dieu, que ce sera bien prou !

Certes, le cœur me fait mal de ce que vous m'écrivez de M. le prieur,[188] qui est tant bon. C'est la vérité que ce bon prélat est grandement fort et absolu ; je lui en dirai mon sentiment. Je le lui ai dit ce matin touchant de revoir nos maisons, et comme c'est l'avis de toutes nos Mères. Il l'a approuvé sans nulle difficulté. Ce sera donc, Dieu aidant, pour le retour du Piémont ; que si cette fondation est différée, nous commencerions au premier beau temps. Dieu accomplisse en tout son bon plaisir ; c'est tout mon désir, nonobstant ma misère.

Je parlai hier à Mgr de revoir nos maisons. Je lui dis les sentiments des Mères et le mien ; il l'approuva et le juge bien nécessaire, si Dieu me donne santé ; mais n'en faites guère de bruit.

Ma chère fille, ne faites pas fermer la lettre de cette présidente ; mais faites faire un petit paquet d'elle, et de celle de notre Sœur la Supérieure de Blois. — Voilà les cahiers de l'Office ; j'en dis mon opinion ; voyez-les. Je serais bien aise qu'ils s'impriment bientôt. Dieu soit béni ! Bonjour, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [643]

LETTRE DCCXLIV (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Regarder Dieu plutôt que ses divines opérations. — La Sainte est élue Supérieure à Orléans. — Prochain voyage en France. — La Règle ne permet pas de gouverner deux monastères à la fois. — Impression du Coutumier.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 22 novembre 1626,

Tout ce que vous me dites de votre chère âme, qui est si précieuse à la mienne, n'est que bon ; faites le moins de vues sur vous-même qu'il vous sera possible ; mais arrêtez simplement votre esprit en Dieu, regardant plus sa bonté que son opération : voilà, ma très-chère fille, ce que je vous puis dire en attendant que nous nous revoyions, si c'est le bon plaisir de Dieu. J'y ai trouvé Mgr de Genève tout disposé, tant sur les continuelles prières que nos maisons lui en font, qui disent en avoir tant de besoin, qu'à cause de l'élection que l'on a faite à Orléans de nous pour Supérieure.[189] Non qu'il veuille que j'accepte, car je ne le pourrais aussi ; mais puisque cela est, il juge à propos que j'y aille, si Dieu me donne la vie, pour une couple de mois, et y faire élire une Supérieure ; cela sera aussi [644] un grand et spécieux prétexte pour voir les autres maisons qui le désireraient. Mais, ma très-chère fille, il faut parler de tout cela fort sagement, afin qu'il soit approuvé et que Dieu en soit loué de tout.

Pour ce qui est de l'élection d'une Supérieure au premier monastère de Paris, la chose est nécessaire et très-importante ; que si vos Supérieurs ne le voulaient agréer, il faudrait que vous y retournassiez et en mettre une au dernier couvent ; car déjà l'on censure de ce que cela n'ait pas été fait dès le commencement ; mais je m'assure qu'ils seront bien aises que vous soyez Supérieure du dernier, afin de vous garder plus longtemps.[190] Néanmoins, ma très-chère fille, c'est une chose très-juste et d'édification qu'en [attendant] que l'Ascension vienne, vous demeuriez au couvent premier, dont vous êtes légitime Supérieure par élection, le plus qu'il sera possible, car la famille est grande et lui est besoin de la présence de sa Supérieure. Je vous prie donc, ma très-chère fille, de le faire ainsi, tant qu'il se pourra. Je vous dis toujours mes petits sentiments, car je sais qu'ils sont bien reçus de vous ; mais je n'ai pas mémoire que vous m'ayez rien écrit de celle que vous avez dressée, et [645] que vous jugez la plus propre à cette charge. Il me semble que si notre Sœur Hélène-Angélique [Lhuillier] est goûtée, elle serait fort au goût de ceux de dehors : à ce défaut, je ne sais si vous en avez aucune qui puisse bien satisfaire. Je vous prie de me mander vos pensées là-dessus ; car cette maison étant de si grande importance, il y faut une maîtresse supérieure. J'avais pensé, au défaut de notre Sœur Hélène-Angélique, que si ma Sœur la Supérieure d'Orléans reprenait de la santé, elle y serait excellente. Je confesse que cette maison-là me tient un peu en souci ; j'en remets toutefois le soin à Dieu, et ferons ce que nous pourrons.

Pour ce qui est de la béatification de notre Bienheureux Père, quand les deux mille écus que nous fournirons se diminueront, nous verrons par après de quoi l'on aura besoin, et toujours nos maisons, celles de Lyon et Orléans, trouveront assez promptement de l'argent ; bref, nous ferons ce que nous pourrons toutes. — Nous allons faire imprimer notre Coutumier et les Règles ; renvoyez-moi les corrections. Mgr de Genève trouve bon que nous fassions aussi imprimer à part tout ce que nous avons à dire pour l'Office. — Nous attendons qu'on envoie des Sœurs en Piémont ; si elles viennent, il est résolu que c'est pour deux ou trois mois. Dieu fasse en tout son bon plaisir. — Bonjour, ma très-chère fille, et à toutes nos Sœurs et au bon M. Vincent. Je prie Dieu de nous rendre toutes siennes. Amen.

Si Mgr de Châlon est à Paris, je vous supplie de le saluer très-humblement de notre part, et notre très-digne archevêque ; dites-lui qu'on m'avertit de bonne part pour lui dire qu'il ne doit pas faire aller à Châlon la mère de la Sœur qui est restée à Orléans ; qu'il s'enquière de notre Sœur la Supérieure de là, qui lui en dira les raisons véritablement.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse. [646]

LETTRE DCCXLV - À MONSIEUR LE BARON DE CHANTAL

SON FILS

Elle lui recommande la patience dans une maladie, et le presse d'aspirer souvent à la bienheureuse éternité.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1620.

Il me tarde infiniment de savoir de vos nouvelles ; je ne puis m'empêcher d'en être en peine, à cause de l'incommodité qui vous travaille, que je ressens dans mon cœur, et j'aurais moins de peine de la souffrir en mon corps, le désirant pour votre soulagement, si c'était le bon plaisir de Dieu. Croyez, mon très-cher fils, que Dieu ne vous envoie ces douleurs que pour le profit de votre âme. Portez-les le plus doucement et patiemment qu'il vous sera possible, afin que par ce moyen elles vous aident à gagner le ciel. Les travaux de cette vie passent bientôt, et la félicité de celle que nous attendons est éternelle. Aspirez bien souvent à cette bienheureuse patrie, je vous en conjure, mon très-cher fils uniquement aimé de mon âme, et, tant qu'il vous sera possible, n'avalez point les eaux de la mer tempétueuse de ce monde, sur laquelle votre condition vous oblige de voguer ; mais buvez souvent les eaux salutaires de la divine grâce, vous adressant en tous vos besoins à la source de miséricorde avec un amour et confiance toute filiale. Aimez souverainement, et craignez de déplaire à cette immense Bonté qui seule peut vous rendre bien heureux en cette vie et en l'autre. Je la supplie de vous combler de ses plus riches grâces ; c'est le souhait continuel de celle qui vous aime et vous chérit uniquement. Votre bonne mère incomparable en affection. [647]

LETTRE DCCXLVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE À RUMILLY

Le voyage de Piémont est retardé. — Il faut garder son cœur libre de tout ce qui n'est pas Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er décembre [1626].

Ma très-chère fille,

Nous ne partirons pas si soudainement que nous pensions : notre Sœur Favre ne sera ici de sept à huit jours. On fait ce que l'on peut pour m'excuser de ce voyage. Encore ce matin, nous avons fort écrit, Mgr et moi, pour cela, en Piémont. Nous attendrons les réponses, et peut-être le départ sera remis au printemps, parce qu'en ces allées et venues le bon temps s'en va et le froid s'approche.

Voyez mon livre le plus tôt que vous pourrez, puis me le renvoyez ; car je le redemande exprès pour le porter en Piémont, si nous y allons. C'est une chère compagnie qui ne me quittera plus. —Nous aurons le soin de faire apportera Lyon l'argent de mademoiselle d'Yvoire, puis nous vous donnerons le surplus pour aider à payer madame la comtesse de la Val-d'Isère. — Notre plan ne sera pas changé, car il est très-bien, et vous pouvez d'assurance faire faire votre puits. Quant aux pierres du château, il n'en faut faire nul bruit. Ces bons messieurs veulent obliger des choses qui ne leur coûtent guère.

Soyez joyeuse et généreuse et toute douce et tranquille ; mais je vous en prie. Je veux bien que vous aimiez l'amour que je vous porte, certes, car il est bon, fidèle et entier, mais ne vous y amusez pas. Pour récompense, donnez-moi une communion générale, afin que je dépose bien de notre Bienheureux [648] Père.[191] Adieu, ma très-chère fille, et à toutes nos Sœurs. Dieu vous remplisse de lui-même,

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE DCCXLVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-CONSTANCE DE BRESSAND

SUPÉRIEURE À MOULINS

Conseils au sujet de la Sœur de Morville.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 10 décembre [1626].

Ma très-chère fille,

Quel sujet de bénir Dieu que celui de la guérison spirituelle de cette pauvre petite Sœur N... ! Souvenez-vous de ce que je vous en écrivis à Lyon, car il me vint un grand doute qu'il n'y eût de l'artifice. Oh ! Dieu soit loué, qui avait réservé cette cure à son digne et véritablement très-humble serviteur,

J'ai peine à vous conseiller de donner à notre Sœur Marie-Aimée [de Morville] la charge de l'économie, surtout parce que ce n'est pas l'avis de ce très-vertueux et bon Père. Je crois pourtant qu'un peu d'emploi lui serait tout à fait utile et quasi nécessaire. Je ne craindrais pas tant son irrégularité de mœurs et d'observance (car il m'est avis que les Sœurs ne doivent plus y prendre garde) que la liberté et les occasions que cette charge donne de communiquer dehors ; toutefois, si les Sœurs tourières sont loyales, la portière a tort de la faire assister au parloir, comme l'on a jugé qu'il fallait le faire, et ne les exempter de la règle ; je crois qu'elle ne ferait pas grand mal. Si elle a [649] envie de bien faire, cette charge lui aidera fort ; mais si son esprit est toujours plein de desseins, elle ne la désire que pour penser mieux faire ses pratiques. Au bout, lui donnant une bonne assistante, l'on connaîtra bientôt de quel pied elle marchera ; si elle fait bien, tant mieux ; si elle fait mal, on lui ôtera. Je soumets cette opinion à celle du Révérend Père, que je crois avoir l'esprit de Dieu, et à vous, ma très-chère fille, qui connaissez son état présent.

L'on fait tout ce que l'on peut pour m'exempter du voyage de Piémont ; nous en attendons les finales résolutions dans quelques jours, et du temps qu'il faudra partir. L'hiver s'avance, et la montagne se charge de tant de neige, que peut-être passera-t-on ici jusqu'après janvier. Nous attendons lundi notre Sœur [Favre], Supérieure de Dijon, laquelle est destinée là. Notre Sœur [Michel],[192] Supérieure de Belley, a été élue en sa place, et une des Sœurs d'ici sera Supérieure à Belley. Voilà nos petites nouvelles. Une autre fois, nous parlerons du temps de vous aller voir. Certes, ma très-chère fille, je le désire autant que vous, surtout que j'y puisse rencontrer notre digne et très-bon Père Binet. Je le salue cordialement et me réjouis de la sainte consolation et assistance que vous en recevez. Je salue toutes nos Sœurs.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Voiron. [650]

LETTRE DCCXLVIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-CATHERINE DE BEAUMONT

SUPÉRIEURE SU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS

Désir que la Sœur H. A. Lhuillicr soit élue Supérieure au premier monastère de Paris.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 12 décembre 1626.

Ma très-chère fille,

Si les parents de notre Sœur Marie-Aimée [de Morville] continuent à la gouverner, comme vous m'écrivez qu'ils l'ont fait sur ses propositions, infailliblement elle se déterminera à mieux faire, et je vous prie d'obtenir d'eux cela, et qu'ils s'assurent qu'elle n'aura jamais sujet de notre part de se mécontenter de nous, moyennant la grâce de Dieu.

Je suis très-marrie de l'accident arrivé à votre pauvre petite novice, je prie Dieu la guérir et la conserver. — Au reste, ma très-chère fille, il faut que je vous dise, selon ma confiance ordinaire, que je crois que notre Sœur Hélène-Angélique [Lhuillier] serait plus propre à vous succéder qu'aucune que vous ayez, en cas qu'elle ne soit pas déchue, comme je le crois, de ce que l'on m'a dit d'elle et de ce que vous m'avez dit et écrit, et me semble que nous l'avions, vous et moi, toujours regardée pour cela. Je ne sais pas si vous aurez pensé à la mettre en crédit parmi les Sœurs pour cette fin ; mais je crois bien que si vous l'avez fait, elle donnerait une plus universelle satisfaction dedans, et surtout dehors, à quoi il faut avoir un grand égard pour mille raisons dont faisait état notre Bienheureux Père. Or, je pense que si vous ne l'avez désignée à cela, il serait encore assez temps pour la mettre en estime parmi les Sœurs, par celle que vous leur témoignerez d'en avoir, et en ce cas il faudrait la mettre assistante cette année, pour l'introduire insensiblement dans les cœurs des Sœurs et de ceux de dehors. Voilà mon [651] sentiment, que j'ai été sollicitée intérieurement de vous dire ; je le soumets au vôtre et surtout à la Providence divine, que je supplie de conduire cette affaire comme très-importante à sa gloire et à notre Institut. Je le sais bien, à cause que je sais ce que c'est que Paris.

Vous ne m'avez rien répondu sur la proposition de notre Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche] ; si elle était forte de santé, certes, ma très-chère fille, il la faudrait là, je le sens bien ; mais je ne pense pas qu'elle puisse longuement vivre. Voilà, ma très-chère fille, comme en toute confiance je vous dis mes sentiments, que je soumets derechef à Dieu et à vous. Je supplie cette infinie Bonté de vous combler de ses grâces. Je suis de tout mon cœur toujours plus vôtre, et à nos chères Sœurs que je salue avec les amis,

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Toulouse,

LETTRE DCCXLIX - À LA MÈRE MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX

SUPÉRIEURE À AUTUN

Emplacement du monastère d'Autun. — Conduite à tenir à l'égard de diverses personnes. — Prochain voyage en Piémont.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 13 décembre 1626.

[De la main d'une secrétaire.] Mon Dieu, ma très-chère fille, que j'ai été touchée de la mort de M. Grimont ! Vous ne sauriez croire combien mon cœur l'a ressentie ; mais enfin il est bien heureux puisqu'il avait tant bien servi Dieu, et qu'il a été assisté des divins sacrements. J'ai communié et prié de bon cœur pour lui.

Pour le choix de vos places, vous ne sauriez manquer en le [652] faisant avec l'avis de ces messieurs qui vous font l'honneur de vous aimer, et surtout de notre bon M. de la Curne ; mais c'est la vérité qu'il me semble que vous seriez bien en ce premier verger que nous vîmes, pour tout plein de raisons que l'on trouvera bien sans que je les dise. Vous aurez un plan à la première commodité ; mais nous ne pouvons pour ce coup. Il faut pour la contenance du monastère cent ou six-vingts pieds carrés sans les jardinages.

Si madame la marquise de Laigneux vous veut donner sa fille pour l'élever, vous ferez bien de la prendre. — Véritablement cette bonne abbesse a tort et très-grand tort si elle ne veut pas correspondre à Dieu et à son salut ; enfin il y a danger que Dieu ne l'abandonne. Je vous conseille de lui parler fortement ; mais au bout, si elle n'en profite pas, Dieu ne laissera pas de vous en savoir gré, et j'espère de sa Bonté que tout ne sera pas perdu, et qu'au moins quelques-unes de ses Religieuses en feront profit. Je voudrais bien que la pauvre madame de Toulonjon fût une de celles qui tireront profit de votre conversation.

Je suis très-aise de ce que nos Sœurs ont fait heureusement leurs solitudes. J'espère que la bonne Sœur Comtoise fera bien ; il la faut conforter doucement. Je l'aime de vous avoir si bien découvert son cœur. — Je ne vois rien qui vous puisse empêcher de recevoir madame de Saint-Julien pour l'aider en son bon dessein, puisqu'elle a l'esprit bon et résolu. Je crois qu'elle en fera profit. — M. Tissier changera bien d'avis d'ici en un an, et [il] ne [serait] nullement juste qu'il vous fît sortir de sa maison pour la louer à d'autres. — Je suis fort aise que la petite fille de mademoiselle Barbotte se veuille rendre parmi vous. Si elle désire ardemment cette entrée de quinze jours, je ne vois pas que vous lui dussiez refuser ; car si elle est bien appelée, ne doutez point que cette entrée ne la confirme en son dessein, quoique j'en doute. Il serait mieux, comme vous dites, qu'elle [653] entrât pour ne plus ressortir ; néanmoins, je ne crois pas que l'entrée lui soit autre que profitable.

Je pense que voilà vos deux lettres répondues. Je vous supplie de même que vous saluiez souvent le Révérend Père recteur, de notre part, et de lui dire que je me recommande à ses prières, que sa sœur est une bonne Religieuse qui vit contente et se porte bien. — Je me recommande aux saintes prières de M. Guyon, et le salue très-humblement, comme aussi notre très-bon M. de la Curne et mademoiselle sa femme. — Oh ! ma chère fille, nous voici encore en doute si nous irons en Piémont cet hiver. On fait ce que l'on peut pour m'éviter ce voyage. Notre Sœur Favre sera ici lundi qui vient, pour être Supérieure à Carmagnole.[193]

[De la main de la Sainte.] Pardonnez-moi, ma très-chère fille, de ce que je ne vous écris pas de ma main, mes yeux m'incommodent un peu ; mais croyez que c'est de cœur que je vous parle et que je vous chéris parfaitement et entièrement, et je sens bien que votre cher cœur avec toute son affection est dans le mien, où je le conserverai soigneusement. Adieu et bon an, ma très-chère fille, et à toute la chère petite troupe de nos Sœurs, que j'aime de tout mon cœur. Je prie Dieu vous revêtir toutes de Lui-même afin que son pur amour règne en vous. Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [654]

LETTRE DCCL - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À BLOIS

Joie que cause à la Sainte l'avancement spirituel des Sœurs de Blois. — Utilité des souffrances ; il faut les recevoir avec soumission et amour.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Ma très-chère et bien-aimée fille,

J'ai reçu avec consolation votre grande lettre, et loue le divin Sauveur du saint avancement qu'il donne à ces chères âmes qui vivent sous votre conduite. Je supplie sa douce Bonté de leur continuer cette bénédiction avec accroissement de toutes ses plus riches grâces, mais surtout à votre bon cœur, que je vois dans une disposition donnée de la bonne main de Dieu.

Oh ! ma vraie très-chère fille, quel bonheur de pâtir et souffrir pour Celui qui nous a acquis le ciel en souffrant ! Pour moi, je crois que ce Dieu de bonté veut que vous ayez toujours quelque exercice de souffrance. Il les faut aimer, et se soumettre avec douceur aux effets de sa justice, comme à ceux de sa miséricorde. Mais je vous prie, ma fille, ne permettez pas à votre esprit d'accroître ni appesantir la charge que Dieu vous impose. Souffrez ce qui vous sera donné, sans le regarder ; mais n'y contribuez rien du tout que votre acquiescement, ainsi que je vous dis, et demeurez ferme dans les résolutions que nous prîmes sur ce sujet, et ne me dites jamais que vous m'importunez ; non, ma chère fille, cela n'est pas ; au contraire, je reçois une fort grande consolation de vos lettres et de votre confiance. Croyez assurément que je suis tout à fait vôtre, et de bon cœur. Je crois que vous aurez maintenant reçu celle que j'écrivis en réponse à M. Riollé au commencement de [655] septembre. Je le salue très-humblement ; je vous écrivis aussi. Notre Sœur Mad. -Élisabeth écrira nos nouvelles, n'en ayant pas le loisir. Je supplie notre bon Sauveur de faire abonder en vous ses plus saintes bénédictions et sur toutes nos chères Sœurs.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE DCCLI - À MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT

ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES

Réflexions sur le néant des choses de ce monde. — Fraternelle union de prières. — Arrivée de la Mère Favre à Annecy. — Nouvelles du Père dom Juste et du procès de béatification. — Éloge de la Supérieure de Dijon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 17 décembre [1626].

Monseigneur très-chèrement honoré,

L'approche de cette grande et digne fête de Noël réveille en mon cœur mille souhaits de saintes bénédictions pour le vôtre très-cher, afin que le divin Enfant, qui a fait avec tant d'amour une si grande naissance dans votre bénite âme, y fasse journellement ses accroissements en toutes saintes vertus. Et pour cela, mon très-cher seigneur, je me réjouis de la sainte résolution que vous avez faite de vous retirer de la cour. Certes, ce tracas-là est meshui incompatible avec les sentiments que notre bon Dieu vous continue, et dont un brin vaut mieux que cent mille livres de l'honneur du monde, la vanité duquel, en ses espérances, nous a été si sensible en la mort de notre feu Mgr de Lyon.[194] Oh Dieu ! mon très-cher seigneur, avec quelle certitude cela, et mille autres tels exemples, nous fait toucher le néant des choses de cette vie ! Il n'y a rien que Dieu [qui soit] digne d'occuper nos affections et de rassasier nos espérances ; il faut [656] véritablement et tout de bon rester dans les biens véritables de la permanente et très-heureuse éternité ! Voilà mon continuel désir, pour vous comme pour moi, Dieu me faisant désirer votre salut comme le mien propre, par la sacrée union qu'il a faite de nos cœurs en son divin amour. Conservez-la bien de votre côté, mon très-cher seigneur, et que nos prières nous soient toujours communes, je vous en conjure. Je ne communie point sans vous ; enfin, je vous porte en toutes mes chétives prières, toujours au milieu de mon cœur, respirant pour vous comme pour moi le salut éternel. Dieu me donne une si grande tendresse et sentiment d'amour pour vous, que je ne saurais l'exprimer ; il n'en est pas aussi besoin.

Au reste, nous avons ici notre grande et si chère fille [la Mère Favre]. L'on nous avait si fort pressées pour passer en Piémont devant les neiges que cela nous la fit précipiter en son départ ; et maintenant je ne pense pas, puisque nous sommes si avant en l'hiver, qu'il ne faille attendre le printemps. L'on fait ce que l'on peut pour m'exempter de ce voyage, comme aussi, en vérité, je serai inutile puisque ma Sœur y va.

Au reste, nous avons aussi une bonne mortification du retardement de la venue du bon Père dom Juste. Ils l'ont fait provincial de leur Ordre, de sorte que je crains qu'il ne puisse venir qu'au printemps, et, par ce moyen, que les affaires de notre Bienheureux Père soient d'autant retardées, car il faut que, comme procureur, il soit présent à l'ouverture des commissions et du procès. C'est pour cela que l'on ne peut rien faire ni avancer cette bénite œuvre, ce dont je suis bien marrie ; mais en tout il faut prendre patience et bénir Dieu. Il nous ôte ce grand et universel commissaire deçà les monts ; mais cela pourtant ne vous nécessitera pas d'aller partout, ains seulement ici et ès autres lieux qui vous seront commodes, parce qu'on a obtenu qu'à Paris, Bourges, Orléans, et encore en trois ou quatre autres villes, les prélats ou grands vicaires soient commis dans leurs [657] évêchés ; de sorte, mon très-cher seigneur, qu'il y aura beaucoup moins de tracas pour vous que nous ne pensions.

Je suis un peu mortifiée de l'impertinence que je vous écrivis dernièrement. Je ne voudrais pas qu'on la sût, sinon vous, qui la prendrez de ma simplicité et confiance. Je vous prie, mon très-cher seigneur, aimez encore toujours quelquefois nos bonnes Sœurs de Dijon. La Mère [Michel] que nous y envoyons est bien différente pour l'extérieur de notre grande fille ; mais, certes, elle est très-sage et capable du gouvernement qu'on lui commet. Et je prie Dieu qu'il nous tienne dans le sein de sa divine protection pour nous y combler de toutes grâces. Je suis sans fin, de tout mon cœur, mon très-honoré seigneur, votre très-humble et très-obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

[P. S.] Le bon M. le curé de Rumilly a pensé mourir ces jours passés ; et, à ce sujet, Mgr de Genève me commanda de vous supplier de vous ressouvenir de la prière qu'il vous avait faite pour telle occasion, et de ce que vous lui en avez promis. Je ne sais s'il vous écrira ; mais je sais bien qu'il vous honore excellemment, et messieurs ses frères, et se réjouissent bien de vous voir et de vous faire bonne chère. L'on avait déjà marqué votre logis, mais il faut patienter.

LETTRE DCCLII - À LA MÈRE MARIE-ADRIENNE FICHET

SUPÉRIEURE S RUMILLY

Elle lui recommande la douceur qui gagne les cœurs et édifie le prochain.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Pour Dieu, ma très-chère fille, n'ouvrez point la porte de votre cœur à toutes les tentations que le diable vous présente [658] pour vous troubler, et divertir par ce moyen votre esprit de l'attention que vous devez avoir à l'éducation de ces chères petites âmes que Dieu commet à votre soin, ou du moins pour vous empêcher de le faire avec la douceur et suavité d'esprit qui vous est uniquement nécessaire pour le bien de votre famille, et pour la bonne édification de ceux de dehors. Au nom de Dieu, tenez la pointe de votre esprit en Dieu et travaillez comme cela, sans regarder vos attaques.

Je suis fort marrie de toutes ces petites reparties que l'on fait, quand on dit que l'on ne vous aime pas. Il ne faut pas dire cela aux filles ; car outre que cela n'est pas (ou bien le cœur du peuple serait bien changé dès mon départ), s'il l'était, il faudrait en profiter par humilité, et tâcher par douceur, par suavité, bonté et modestie, de regagner les cœurs, et, pour l'amour de notre doux Sauveur, je vous conjure de le faire et toutes nos Sœurs. Cela est important, à ce commencement, de se mettre en bonne odeur par la douceur et affabilité franche, cordiale et dévote, et non affectée. Ma pauvre très-chère fille, mon âme vous conjure de vous appliquer à ceci soigneusement pour la gloire de Dieu, pour votre bonheur, pour l'honneur de notre saint Père, et de tout l'Institut qui ne doit respirer qu'humilité, douceur, suavité, modestie et piété, en telle sorte que la bonne odeur de votre conversation édifie le prochain. Je conjure nos Sœurs de ceci, et de vivre selon l'esprit de notre saint Père, et non selon celui de la nature et de l'amour-propre.

Supportez M. Billet. Dieu découvrira quelque moyen de remédier à cela. Ma fille, mon âme vous chérit fortement et vous souhaite l'esprit du petit Jésus. Qu'il soit béni ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [659]

LETTRE DCCLIII - À L'INFANTE CATHERINE DE SAVOIE[195]

Remercîments pour la protection accordée aux monastères de la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1626.]

Madame,

Bénite soit la bonté de Notre-Seigneur qui a donné à Votre Altesse Sérénissime la sainte affection de nous protéger, en l'affaire de l'affranchissement des biens nécessaires à l'entretien de nos familles [religieuses], laquelle, bien que très-juste, avait grand besoin d'être appuyée de votre zèle et autorité. Ce bienfait acquiert un si grand repos à nos maisons qui sont dans ses États, que nous désirerions de tous nos cœurs d'en pouvoir rendre à Votre Altesse Sérénissime les très-humbles remercîments que nous lui en devons ; mais, Madame, nous trouvant dans l'impuissance, nous nous prosternons aux pieds de Votre bonté, lui offrant en toute humilité notre petitesse avec toute l'affection et soumission de nos cœurs, pour lui rendre à jamais une entière obéissance, avec nos vœux et prières continuelles à la souveraine Majesté de notre bon Dieu, afin qu'il Lui plaise de conserver Votre royale personne, et la combler de ses plus riches faveurs ; demeurant, Madame, de Votre Altesse Sérénissime, la très-humble, etc.

FIN DU DEUXIÈME VOLUME DE LA CORRESPONDANCE. [661]

TABLE DES MATIÈRES

Année 1622.

Lettre CCCLXII. - À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Mal qu'entraîne la mélancolie. — Les réprimande ! doivent être tout à la fois graves, fermes et suaves.................................................................................. 2

Lettre CCCLXIII (Inédite). — À la Sœur M. -A. de Blonay, à Lyon. — Soumission filiale a la divine Providence. — Recommandations pour l'envoi des Règles......................................................................... 3

Lettre CCCLXIV (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Attente des ordres de saint François de Sales..................................................................................................................................................... 4

Lettre CCCLXV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Montferrand.— Résister aux sollicitations des personnes qui veulent la retenir à Montferrand. — Des processions. — Prochain départ de Paris....................... 5

Lettre CCCLXVI. — À la Sœur M. -A. de Blonay, à Lyon. — Éloge du Père Bonvoisin, de la Compagnie de Jésus.      6

Lettre CCCLXVII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Montferrand. — La Sainte a reçu son obéissance pour quitter Paris. — Il vaut mieux se fortifier dans l'esprit de l'Institut que multiplier les fondations....... 7

Lettre CCCLXVIII (Inédite). —À la Sœur M. -A. de Blonay, à Lyon — Chercher une Supérieure pour Valence. — Les tribulations sont des trésors.................................................................................................. 8

Lettre CCCLXIX (Inédite). — À la même. — Déposition delà Mère Anne-Marie Rosset. — Départ pour Nevers.        9

Lettre CCCLXX (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Montferrand. — Comment triompher des obstacles qui s'opposent à sa sortie de Montferrand et se rendre promptement où l'appelle la volonté divine............ 9

Lettre CCCLXXI [Inédite). — À la Sœur M. -A. de Blonay, à Lyon. — Envoyer Sœur À. -L. de Villars à Montferrand. — Visite canonique................................................................................................................................ 10

Lettre CCCLXXII. — À la Mère À. -C. de Beaumont, à Paris. — Il faut nommer une Sœur pour s'acquitter des commissions des autres monastères de l'Ordre. — Regret de voir une jeune personne infidèle à l'appel de Dieu. — Projet d'une seconde fondation à Paris. — Ne faire aucune concession contre la Règle. — Estime pour le Révérend Père Binet, Jésuite.           11

[662]

Lettre CCCLXXIII (Inédite). — À la Sœur M. -A. de Blonay, à Lyon. — Les autorités de Montferrand refusent de laisser partir la Mire Favre........................................................................................................................... 13

Lettre CCCLXXIV (Inédite). — À la même. — Nouveaux arrangements pour l'arrivée do la Mère Favre à Dijon.           14

Lettre CCCLXXV. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Arrivée de la Sainte à Dijon. — Empressement des habitants à la visiter. — Son exactitude à l'Office malgré la presse des affaires............................ 15

Lettre CCCLXXVI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Montferrand. — Détails sur la maison do Dijon. — Espoir d'être bientôt réunies. — Sollicitude pour le monastère de Lyon............................................. 16

Lettre CCCLXXVII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Prière de composer deux cantiques sur des sujets indiqués. — L'Introduction à la vie dévote doit guider dans l'examen de la retraite annuelle... 18

Lettre CCCLXXVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon- — On ne doit pas permettre aux séculiers de s'immiscer dans les affaires de la maison. — C'est au Chapitre d'élire l'assistante. — Projet de deux nouvelles fondations.           20

Lettre CCCLXXIX. — À M. de Neuchèze. — Il faut, en possédant des richesses périssables, ne pas se laisser posséder par elles.......................................................................................................................................... 21

Lettre CCCLXXX (Inédite) : — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Conseils pour la fondation de Saint-Étienne................................................................................................................................................... 23

Lettre CCCLXXXI (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Prudence et sollicitude de la Sainte pour une âme faible......................................................................................................................................... 24

Lettre CCCLXXXII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Sentiments d'estime pour madame de Chevrières. — On demande des Religieuses de la Visitation dans plusieurs villes..................................... 24

Lettre CCCLXXXIII. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Avec quelle patience une Supérieure doit supporter les esprits difficiles. — Confiance et abandon à la divine Providence. —Admission de plusieurs prétendantes et renvoi d'une autre................................................................................................................................................... 27

Lettre CCCLXXXIV. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Elle doit procurer & sa communauté le bienfait de la visite canonique. — Ce serait donner entrée a des abus que de permettre facilement des changements de monastère.         28

Lettre CCCLXXXV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Projet d'une fondation à Marseille. Conseils pour celle de Saint-Étienne — Il est certaines âmes qu'on ne doit pas presser dans le chemin de la perfection.    30

Lettre CCCLXXXVI. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Dispositions intimes de la Sainte. Elle désire que ses filles tiennent leur cœur en paix au milieu des contradictions.................................................. 32

Lettre CCCLXXXVII. — À la Mère P. -M. de Châtel, à Grenoble. — Dans les ténèbres intérieures, s'abandonner à la Providence sans retour sur sot-même. — Changement d'une directrice. — Accident arrivé à M. de Toulonjon.           33

Lettre CCCLXXXVIII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à [663] Montferrand. — Estime pour la comtesse de Dalet. — Entrée de la présidente Le Grand au monastère de Dijon. — II faut être très-réservée a recevoir dos petites filles. — Avantages de l'état de pure foi. — La Supérieure doit puiser ses principales lumières pour la direction dans les Entretiens de saint François de Sales................................................................................................................................................... 35

Lettre CCCLXXXIX (Inédite). —À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Annonce de la fondation de Belley ; celle de Marseille sera peut-être différée. Affaire d'intérêts. — Nouvelles de famille................ 37

Lettre CCCXC. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — De quelle prudence user dans la direction des âmes. — La perfection des Filles de la Visitation est toute tracée par leur Règle. — Il faut être courte aux conférences spirituelles et au parloir................................................................................................................................................... 38

Lettre CCCXCI (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Le dépouillement intérieur est la voie royale. — Ne jamais accorder de privilèges aux bienfaitrices religieuses. — Maternelles recommandations pour deux Sœurs éprouvées. — On ne doit pas sortir des assemblées de communauté sans permission. — Mort du cardinal de Retz.        39

Lettre CCCXCII (Inédite). — À la Sœur M. -C. de Bressand, à Paris. — Maladie de la Mère de Beaumont ; comment la soigner et observer la Règle. — Avis pour la direction de quelques novices............................ 42

Lettre CCCXCIII. — À. M. Michel Favre, à Annecy. — Prochain départ de Dijon. — Nouvelles de saint François de Sales................................................................................................................................................... 45

Lettre CCCXCIV. — À la Sœur A. -C. de Sautereau, à Grenoble. — La fidélité aux exercices de sa vocation est préférable aux extases et aux ravissements.................................................................................................. 45

Lettre CCCXCV. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — L'autorité du Père spirituel est limitée par la Règle et les Constitutions. — Faire la correction avec humilité et douceur. — Conduite à tenir envers une prétendante dont la vocation est incertaine. — Que les Sœurs aient une tendre dévotion à Notre-Dame, et prient pour la sainte Eglise et pour Genève.               47

Lettre CCCXCVI (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Désir de rentrer directement à Annecy.            48

Lettre CCCXCVII. — À la Mère P. -M. de Châtel, à Grenoble. — La Supérieure et la directrice doivent avoir un cœur large et dévoué. — C'est faire tort aux monastères de les charger de sujets tout à fait incapables. 49

Lettre CCCXCVIII. — À la Mère M. -M. de Mouxy, à Belley. — Quel esprit doit avoir une vraie Mère spirituelle ; son abandon et sa confiance au secours divin doivent être sans bornes ni limites............................ 50

Lettre CCCXCIX. — À la Sœur M. -A. Humbert, à Moulina. — Suivre fidèlement la direction donnée par saint François de Sales. — Avis très-utiles pour la retraite annuelle............................................................ 52

Lettre CD. — À la Mère P. -M. de Châtel, à Grenoble. — Conseils pour la retraite annuelle.               54

Lettre CDI (Inédite). — À la Mère À. -C. de Beaumont, à Paris. — Estime [664] pour Mgr de Langres. — Prudence à garder au sujet des personnes dont l'état tient de l'obsession................................................... 56

Lettre CDII. — À la Sœur H. -A. Lhuillier, à Paris. — Exhortation à lui ouvrir son cœur. — C'est une grande grandeur devant Dieu que d'être bien petite à ses propres yeux.................................................................. 57

Lettre CDIII (Inédite). — À la Sœur M. -C. de Bressand, à Paris. — Consolation que donnent à la Sainte la ferveur du noviciat de Paris et la sagesse de la directrice. — La Supérieure seule peut accorder des exemptions pour les articles importants de la Règle................................................................................................................................................... 58

Lettre CDIV. — À la SŒUR C. -M Amaury, à Paris. — Encouragement à supporter une grande épreuve intérieure.     60

Lettre CDV (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Elle lui annonce son arrivée à Lyon ; joie d'y trouver le Révérend Père Suffren........................................................................................................... 61

Lettre CDVI (Inédite). — À la Mère À. -C. de Beaumont, à Paris. — Départ de Dijon. — Il n'appartient pas à une simple Religieuse d'examiner les actions de la Supérieure........................................................... 62

Lettre de Mgr S. Zamet, évêque de Langres, à Sainte J. -F. de Chantal. — Aussitôt que la Mère Favre fut arrivée à Dijon, sainte de Chantal s'était empressée d'en instruire l'évêque de Langres ; en même temps, elle l'informait de son départ très-prochain et lui demandait sa bénédiction. Le prélat, qui professait une grande vénération pour la Bienheureuse fondatrice, lui exprima ses regrets par cette lettre......................................................................................................................... 63

Lettre CDVII. — À la Sœur M. -E. Joly, à Paris. — Comment combattre les scrupules.         64

Lettre CDVIII. — À la Mère P. -M. de Châtel, à Grenoble. — Promesse d'aller la visiter.      65

Lettre CDIX. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Remettre ses sollicitudes aux soins de la Providence et demeurer en paix parmi toutes sortes d'événements. — Difficultés pour la réception d'une prétendante.       66

Lettre CDX. — À la Sœur M. -A. Humbert, à Moulins. — Le désir de changer de monastère ruine la paix de l'âme. — Dieu bénit l'humble simplicité........................................................................................................ 67

Lettre CDXI. — À une Supérieure de la Visitation. — La Sainte se réjouit du bon état des maisons qu'elle a visitées. — On demande des fondations à Besançon et à Chambéry. — La ferveur des Sœurs doit s'ajuster à la Règle.         68

Lettre CDXII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Nouvelles des monastères de Montferrand et de Saint-Étienne — L'Office doit être chanté sur un ton doux et modéré. — Séjour de saint François de Sales à Lyon ; son estime pour les Révérends Pères Jésuites. — Éloge de Sœur Marie de Valence. — Comment se comporter à l'égard de diverses personnes.         69

Lettre CDXIII (Inédite). — À la Sœur À. M. Rosset, à Dijon. — Il faut agrandir le courage des novices.        72

Lettre CDXIV. — À la Sœur M. -M. Milletot, à Dijon. — Conseils maternels et témoignages d'affectueux souvenirs.   73

[665]

Lettre CDXV (Inédite). — À la Mère À. -O. Je Beaumont, à Paris. — Affaires temporelles. — Décision pour lu réception de plusieurs prétendantes.......................................................................................................... 73

Lettre CDXVI. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — On ne peut acquérir la perfection sans peine. — La partie supérieure de l'âme doit dominer comme une reine sur tous les mouvements naturels. 74

Lettre CDXVII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Elle réclame des nouvelles de saint François de Sales. — Détails sur le monastère de Valence................................................................................................. 75

Année 1623.

Lettre CDXVIII. — À Mgr Jean-François de Sales, évêque de Genève. — Sentiments héroïques de résignation sur la mort de saint François de Sales. — Déférence et soumission envers le nouvel évêque.......... 77

Lettre CDXIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Acquiescement à la volonté de Dieu. — Le testament de saint François de Sales indique le lieu de sa sépulture. — Il faut surmonter les difficultés qu'opposent les magistrats de Lyon au départ de sa dépouille mortelle.............................................................................................................. 77

Lettre CDXX. — À la Sœur T. -M. Favrot, à Annecy. — La parfaite adhérence au bon plaisir divin n'empêche pas de ressentir vivement la douleur............................................................................................................... 79

Lettre CDXXI. — À Mgr André Frémyot, à Bourges. — Même sujet............ 79

Lettre CDXXII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Entier abandon aux dispositions de la Providence. — Avoir un filial recours aux Pères de la Compagnie de Jésus dans toutes les difficultés. — Les Sœurs ne doivent pas demander de congés particuliers au Supérieur ni donner le nom de Mère à la Sœur déposée........................ 81

Lettre CDXXIII. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Exhortation à suivre en tout les intentions du saint Fondateur. — Conserver la liberté du Chapitre. — Égards dus à la communauté de Moulins. — Les Sœurs fondatrices doivent demeurer au monastère qu'elles ont fondé............................................................................................... 84

Lettre CDXXIV (Inédite). — À la Sœur À. -M. Rosset, à Dijon. — L'espérance de revoir au ciel son Bienheureux Père console la Sainte dans sa douleur. — Ne pas juger les actions de la Supérieure et demander avec confiance les soulagements nécessaires à la santé......................................................................................................................................... 85

Lettre CDXXV. — À la Mère À. -C. de Beau mont, à Paris. —Misérable est le cœur à qui Dieu ne suffit pas. — Saint François de Sales visite le monastère d'Annecy par des odeurs célestes. — Ne plus aspirer qu'à l'éternité.   87

Lettre CDXXVI. — À la Mère F. -G. Bally, à Bourges. — Pratiquer fidèlement l'humilité, la douce charité et la confiance en Dieu. — Il ne faut priver aucune Religieuse du bienfait de la correction. — Bien au monde [666] ne doit altérer la paix du cœur................................................................................................................................................... 88

Lettre CDXXVII. — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Exposé de l'état de paix et de résignation dans lequel elle reçut la nouvelle du décès de son Bienheureux Père..................................................................... 90

Lettre CDXXVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Prière de lui envoyer des reliques de saint François de Sales et de lui communiquer ses dernières intentions. — Ne pas s'absenter de l'Office pour travailler à quelque ouvrage, fût-ce même pour la sacristie...................................................................................................................... 92

Lettre CDXXIX (Inédite). — À la même. — Importance du bon choix des sujets. 94

Lettre CDXXX. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Paix et résignation au milieu des plus sensibles regrets. — Il ne faut pas être ardente à procurer de nouvelles fondations. — Prudence dans le choix des directeurs. — Recueillir avec soin les Lettres et les paroles de saint François de Sales.......................................................... 94

Lettre CDXXXI. — À la Sœur A. -M. Rosset, à Dijon. — Quand Dieu impose le joug, Il aide à le porter. — Combattre la jalousie et chercher la perfection dans la pratique de la Règle et non dans les austérités de son choix.          96

Lettre CDXXXII (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Boche, à Orléans. — Il ne faut recevoir qu'une ou deux filles au plus qui pour des maux de tête ne pourraient s'appliquer à l'oraison. — Ne pas permettre inutilement l'entrée du monastère, même aux personnes qui aspirent à la vie religieuse. — Projet d'établir une maison de la Visitation à Marseille.             98

Lettre CDXXXIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Dispositions concernant la fondation de Marseille. — La Mère de Blonay est autorisée à corriger les Directoires............................................. 99

Lettre CDXXXIV. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Les Filles de la Visitation doivent aimer la sainte pauvreté. — Ne pas garder dans le monastère des jeunes personnes sans vocation. — Conseils pour la direction de quelques Religieuses. — Une faut pas faire du dortoir une infirmerie..................................................................... 100

Lettre CDXXXV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Désir que la fondation de Marseille soit faite par des Sœurs d'Annecy............................................................................................................................... 104

Lettre CDXXXVI. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — La tendreté sur soi-même est contraire à l'esprit de l'Institut. — On ne doit jamais recevoir à la profession des novices qui font des réserves à leur sacrifice. — Surveiller la correspondance de la Sœur M. -A. de Morville, et faire une relation exacte des miracles opérés par saint François de Sales.    105

Lettre CDXXXVII. — Aux Sœurs de la Visitation de Moulins. — Que toutes à l'envi soient fidèles à l'observance, en esprit de douceur et de paix................................................................................................................ 107

Lettre CDXXXVIII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — Parfait acquiescement de la Sainte à la volonté de Dieu. — Toutes les lettres qui sortent de la maison doivent être vues par la Supérieure. — Aimer la pauvreté, l'observance, et se garder de la familiarité avec les séculiers. — Souhaits pour la fondation de Riom......................... 107

[667]

Lettre CDXXXIX. — À la Sœur M. -A. Humbert, à Moulins. — Ne pas désirer do changer de monastère, mais demeurer en paix où la Providence nous a placées............................................................................... 110

Lettre CDXL. — À la Sœur M.-A. de Morville, à Moulins. — Prière de renoncer à une correspondance trop active. — Défense de faire sortir aucune lettre qui n'ait été vue par la Supérieure..................................... 110

Lettre DCXLI. — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Envoi des Sermons et des Entretiens de saint François de Sales. — Réception charitable d'une prétendante. — Douceur dans la conduite des âmes..... 111

Lettre CDXLII. — À la Sœur M. -M. Milletot, à Dijon. — Combattre courageusement la tentation et attendre en patience le secours de Dieu.................................................................................................................... 113

Lettre CDXLIII. — À la Sœur A. -M. Rosset, à Dijon. — L'assistante doit porteries Sœurs au respect et à la confiance envers la Supérieure......................................................................................................................... 114

Lettre CDXLIV (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Recherche des lettres de saint François de Sales. — Sollicitude pour la pauvreté des Sœurs de Bourges. — On doit chanter l'Office sur un ton doux et médiocre.               114

Lettre CDXLV. — À une Supérieure de la Visitation. — Sentiments d'amour pour Dieu et pour l'Institut. — Charité que doit avoir la Supérieure pour lésâmes imparfaites. — Comment recevoir les consolations spirituelles.    117

Lettre CDXLVI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Départ des fondatrices de Marseille.     118

Lettre CDXLVII. — À la même. — Modérer son ardeur naturelle, même lorsqu'elle se mêle à la piété. — De quelle discrétion user dans la conduite des âmes......................................................................................... 119

Lettre CDXLVIII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Lire attentivement les Directoires. — On ne fait pas la procession le jour de la Fête-Dieu..................................................................................... 120

Lettre CDXLIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — L'examen des Directoires est confié aux Pères Fourier et Suffren. — Défense d'aller au parloir pendant l'Avent et le Carême. — Communion des mardis de l'Avent. — Nécessité de régler au plus tôt tout ce qui est de l'Institut.................................................................................................. 121

Lettre CDL. — À la Sœur M. -M. Legros, à Bourges. — Le souverain bien de l'âme consiste à demeurer humblement contente de tout ce que Dieu veut faire d'elle.................................................................................. 123

Lettre CDLI. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Montferrand. — Demeurer ferme dans les contradictions, et attendre le secours de la Providence, qui ne manque jamais à ceux qui se confient en elle........ 124

Lettre CDLII. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Avis relatifs au gouvernement. — Courir avec allégresse dans la voie de l'observance. — Les Filles de la Visitation doivent avoir une amoureuse confiance en la Très-Sainte Vierge. 124

Lettre CDLIII (Inédite). — À la Sœur A. -M. Rosset, à Dijon. — La moitié des voix, plus une, suffit pour la réception des sujets. — Respecter la [668] conduite de la Supérieure, et ne point la comparer avec celles qui l'ont précédée.         126

Lettre CDLIV. — À la Sœur F. -G. de la Grave, à Belley. — Éviter les scrupules et obéir fidèlement à la direction, se confiant sans réserve en la miséricorde divine............................................................................... 128

Lettre CDLV (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Annonce de deux miracles opérés par l'intercession de saint François de Sales........................................................................................................ 129

Lettre CDLVI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Prochain mariage du baron de Chantal.            130

Lettre CDLVII. — À madame de Coulanges, à Paris. — La Sainte se réjouit du mariage de son fils avec mademoiselle de Coulanges............................................................................................................................. 130

Lettre CDLVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Envoi et correction des Directoires. — Bulle à obtenir du Saint-Siège en faveur de l'Institut. — Difficultés au sujet du petit Office................... 131

Lettre CDLIX (Inédite). — À la même. — Éclaircissement de quelques points des Directoires. — Crainte qu'un oblige la communauté de Paris à réciter l'Office canonial. — La Sainte raconte comment elle s'est déposée à Annecy.               134

Lettre CDLX (Inédite). — À la Mère À. -C. de Beaumont, à Paris. — Promesse de revoir les Directoires après avoir achevé les Mémoires pour la Vie du Bienheureux et la collection de ses lettres........................... 137

Lettre CDLXI. — À la Mère P. -G. Bally, à Bourges. — Comment témoigner sa reconnaissance pour deux guérisons miraculeuses obtenues par l'intercession de saint François de Sales. Il continue de visiter le monastère d'Annecy par des odeurs célestes.................................................................................................................................. 139

Lettre CDLXII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Difficultés pour la fondation de Riom. — Comment faire respecter la clôture. La Supérieure peut avoir un meuble qui ferme à clef. — Que les Sœurs soient courtes au parloir et n'y demeurent pas au temps des Offices. — Le corps du Bienheureux Fondateur vient d'être mis dans le sépulcre. — Désir que son esprit vive et règne en l'Institut................................................................................................................. 140

Lettre CDLXIII. — À la Mère P. - M. de Châtel, à Grenoble. — Au milieu des ténèbres intérieures, se reposer en Dieu, dans un esprit de parfaite confiance................................................................................................ 143

Lettre CDLXIV (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Des actes capitulaires. — Il faut donner brièvement son avis pour la réception des sujets. — Plusieurs Religieux se proposent d'écrire la Vie de saint François de Sales.         144

Lettre CDLXV. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Montferrand. — Tendre sollicitude pour la Mère de Bréchard. — Éloge de la Supérieure de Marseille. — Dire sa pensée au sujet des Directoires........................... 146

Lettre CDLXVI. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — On ne doit ouvrir la porte de clôture que pour de grandes occasions. — Conseils pour la Sœur de Morville. — Introduire doucement la pratique du Directoire.            147

[669]

Lettre CDLXVII. — À la Sœur M. -A. Humbert, à Moulins. — Le parloir intérieur ne doit point avoir vue au dehors. — Éviter l'empressement pour les ouvrages. — Ne pas parler à la grille du chœur ; il faut que le châssis ferme à clef.  149

Lettre CDLXVIII. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris — Le Directoire spirituel guide les esprits sans les contraindre. — Parler plus aux Anges qu'aux hommes, et laisser à Dieu le soin de sa réputation. — Il n'y a jamais de vraie perfection intérieure où manque le parfait amour du prochain. — On retrouve dans les papiers de saint François de Sales deux cahiers du Coutumier écrits de sa main, outre les Directoires............................................................................................. 150

Lettre CDLXIX. — À la Sœur À. -M. Rosset, à Dijon. — Estime due à la Mère Favre. — Conduire les novices chacune selon son âge et sa capacité. — Avec quelle sagesse on doit procéder, lorsqu'il s'agit de donner sa voix au Chapitre.         152

Lettre CDLXX. — À M. l'abbé Roussier, à Saint-Étienne — Elle le remercie de son dévouement à la nouvelle maison de Saint-Étienne................................................................................................................................... 155

Lettre CDLXXI (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — Combien doivent durer les Offices et l'action de grâces après la communion. — Des processions. — Ne point se surcharger de prières extraordinaires. — Conseils relatifs au médecin. — De quelle étoffe faire les rideaux de l'infirmerie. — Procès-verbal sur deux miracles opérés par saint François de Sales. — Sollicitude pour la santé de la Mère de la Roche................................................................................ 155

Lettre CDLXXII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Recommandation en faveur du président Favre.               159

Lettre CDLXXIII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Prière de lui donner de ses nouvelles et de dire sa pensée sur les Directoires................................................................................................... 159

Lettre CDLXXIV. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Les souffrances sont de riches occasions que Dieu nous envoie pour nous aider à pratiquer l'humilité, la douceur et la patience. — Ne pas recevoir des filles épileptiques.      161

Lettre CDLXXV. — À la Sœur M. -A. de Morville, à Moulins. — Rien n'est plus dangereux que l'abus des grâces.      162

Lettre CDLXXVI (Inédite). — À madame la baronne de Chantal, sa belle-fille. — Assurance de sa maternelle affection................................................................................................................................................. 164

Lettre CDLXXVII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Éclaircissements de quelques points d'observance. — Embarras suscités à la communauté de Belley. — Confiance en Dieu et support des imperfections du prochain. — Le Directoire spirituel a été fait par saint François de Sales................................................................. 165

Lettre CDLXXVIII (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — La considération des souffrances et des humiliations de notre divin Sauveur nous aide puissamment à supporter les misères de la vie.... 167

Lettre CDLXXIX (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Préparatifs d'une fondation à Chambéry. — Nouvelles de madame de Vigny................................................................................................................. 167

[670]

Lettre CDLXXX. — À la Mère M -A. de Blonay, à Lyon. — Décès de la Sœur Anne-Jacqueline Coste ; éloge de ses vertus. — Ordre à suivre pour les retraites annuelles. — De quelle longueur doivent être les bouts "des ceintures. — Les prétendantes n'entrent au Chapitre que pour demander leur essai. — Quand elle est pressée d'affaires, la Supérieure peut se contenter d'une demi-heure d'oraison................................................................................................................................ 168

Lettre CDLXXXI (Inédite). — À la même. — Conseils pour le choix des Religieuses qui doivent fonder le monastère d'Avignon. — L'humilité et la simplicité sont préférables aux visions. — La Sainte refuse le titre de Mère générale.  171

Lettre CDLXXXII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Instante prière de revenir à Annecy, si les difficultés qui s'opposent à la fondation de Riom se prolongent davantage....................................... 172

Lettre CDLXXXIII. — À la Mère M. -H, de Chastellux, à Moulins. — Les occasions de souffrance nous doivent être précieuses. — Ne rien accorder qui soit contre la Règle............................................... 174

Lettre CDLXXXIV. — Aux Sœurs de la Visitation de Moulins. — Demeurer unie à sa Supérieure, c'est un moyen de s'unir à Dieu. — Le temps des afflictions est celui d'une abondante moisson. — Bienheureux les pauvres, Dieu est leur trésor.            175

Lettre CDLXXXV. — À la Sœur M. -A. de Morville, à Moulins. — Sévère réprimande. — L'âme qui n'est plus retenue par l'amour de Dieu doit au moins redouter sa justice.......................................................... 177

Lettre CDLXXXVI. — À la Sœur C. -S. Fardel, à Belley. — Reddition de compte des novices, et manière de leur enseigner à se bien confesser...................................................................................................................... 178

Lettre CDLXXXVII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Dieu sanctifie nos cœurs par la croix.             179

Lettre CDLXXXVIII. — À Mgr l'évêque d'Autun, — Prière de continuer sa protection à la communauté de Moulins. — Dieu ne saurait délaisser les Religieuses fidèles à leur devoir, et qui font leurs délices de la pauvreté.     179

Lettre CDLXXXIX. — À la Mère F. -G. Bailly, à Bourges. — Il faut espérer contre toute espérance. — Bonheur d'être martyre de la pauvreté....................................................................................................................... 180

Lettre CDXC (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Envoi et correction des Directoires.         182

Lettre CDXCI (Inédite). — À la même. — Conseils pour l'établissement du monastère d'Aix. — De quelle condescendance user à l'égard des âmes faibles. — Remarques sur le Coutumier et sur les Directoires. — Liberté pour le choix des confesseurs extraordinaires. — Réception des personnes infirmes et pénitentes. — On fait solliciter à Rome la permission de dire à perpétuité le petit Office............................................................................................................................. 183

Lettre CDXCII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Elle la prie d'abandonner la fondation de Riom et de se retirer à Annecy ; joie que causerait ce retour. — Nouveau Bref au sujet de l'Office............. 185

Lettre CDXCIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — [671] Ardent désir de la gloire de Dieu. — Choisir pour Avignon une Supérieure prudente et ferme. — Revoir les Directoires avant de les communiquer aux autres monastères.          187

Lettre CDXCIV. — À la Sœur A. -M. Rosset, à Dijon — Éloge de la Mère Favre. — Quelles maximes graver au cœur des novices.................................................................................................................................. 190

Lettre CDXCV (Inédite). — À M, l'avocat Pioton, à Chambéry. — Comment disposer la maison provisoire que doivent habiter les Sœurs de la fondation de Chambéry........................................................................... 192

Lettre CDXCVI. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Il faut peu se regarder soi-même, et toutefois conserver précieusement le souvenir des grâces reçues. — L'humiliation est la grande gloire de l'âme religieuse. — Comment diriger une personne dont la spiritualité parait douteuse. — Marcher en esprit de confiance et de sainte liberté.             193

Lettre CDXCVII. — À M. l'avocat Pioton, à Chambéry. — Arrangements pour la chapelle du futur monastère.             195

Lettre CDXCVIII [Inédite). — À la Mère M. -A de Blonay, à Lyon. — Allusion aux tribulations de la communauté de Moulins................................................................................................................................................. 196

Lettre CDXCIX (Inédite). —À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Départ pour Moulins. — Comment traiter avec madame de Vigny. — Encouragement à porter avec joie le fardeau de la supériorité. — Examen de la visite annuelle. — Conseil pour la distribution des emplois...................................................................................................... 196

Lettre D. —À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Invitation à conclure promptement la fondation de Riom, ou à y renoncer. — Le bon plaisir de Notre-Seigneur doit toujours être le nôtre.................................... 198

Lettre DI (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Sujet du voyage de Moulins.        199

Lettre DII (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — Motifs qui obligent la Sainte de passer en Auvergne................................................................................................................................................. 200

Lettre DIII (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Conclusion favorable de la fondation de Riom.         201

Lettre DIV (Inédite). — À la même — Annonce de son départ pour Riom. 201

Lettre DV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Nouvelles des communautés de Moulins et de Montferrand. — La fondation de Riom est heureusement terminée............................................................... 202

Lettre DVI. — À madame de Vigny. — Témoignages d'amitié. — Il faut être fidèle à ses exercices de piété et attendre patiemment la visite de Notre-Seigneur............................................................................ 203

Lettre DVII (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — La Sainte annonce son départ de l'Auvergne................................................................................................................................................. 204

Lettre DVIII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Succès du voyage de Moulins. — Communiquer volontiers ce qui est de l'Institut aux autres Ordres pour leur utilité. — Il ne faut pas, sans de graves raisons, recevoir des prétendantes à l'insu de leurs parents. — L'esprit gêné et contraint n'est nullement l'esprit de la Visitation.  205

[672]

Lettre DIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Heureuse mort de la Sœur Françoise-Blandine. — Retour de la Sainte à Annecy, et consolation que lui donne l'avancement spirituel des communautés qu'elle a visitées.  207

Lettre DX. — À la même. — Envoi de mémoires pour la rédaction d'une Vie de saint François de Sales.         208

Année 1624.

Lettre DXI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Il faut tendre incessamment à la générosité et à la pureté du divin amour. — Documents pour la Vie de saint François de Sales. — Entretenir d'affectueux rapports avec la Supérieure d'Avignon. — Ne pas faire de nouvelles fondations sans avoir pris conseil............................................. 208

Lettre DXII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — La reconnaissance doit' faire concéder aux bienfaitrices séculières tout ce qui est autorisé par la Règle. — Obligation pour une Religieuse de restreindre, autant que possible, ses rapports avec sa famille. — Veiller à ce que la directrice tienne les esprits des novices dans une sainte liberté.            210

Lettre DXIII. — À Mgr J. -F. de Sales, évêque de Genève. — Avec quels applaudissements les Religieuses de la Visitation ont été reçues à Chambéry................................................................................................. 211

Lettre DXIV. — À M. Michel Favre, à Annecy. — Quelques détails sur la nouvelle fondation.         212

Lettre DXV (Inédite). — À la Sœur M. -A. de Morville, à Moulins. — Humble aveu de la Sainte ; sa maternelle et prudente condescendance. — Tendres reproches et affectueux appel à une vie plus exemplaire...... 213

Lettre DXVI. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Souffrir patiemment les sécheresses. — Ne pas s'attacher à son propre jugement. — L'humilité attire les grâces de Dieu................................................ 215

Lettre DXVII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Invitation à se rendre à Annecy pour le service et l'utilité de la Congrégation........................................................................................................................ 216

Lettre DXVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Choix d'un confesseur pour la Visitation de Chambéry. — Conseils pour la Supérieure d'Avignon. — Désir de réunir les premières Mères de l'Ordre, pour mettre la dernière main au Coutumier................................................................................................................................................. 217

Lettre DXIX (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Il n'est rien qu'on ne doive souffrir pour sauver une âme et conserver la paix. — Aimer le mépris et se reposer en Dieu............................. 219

Lettre DXX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Difficultés que rencontrent les Sœurs d'Avignon. — Invitation de se rendre à Annecy [673] pour l'assemblée des premières Mères. — Conseils au sujet de la fondation de Mâcon.        221

Lettre DXXI (Inédite). — À la Sœur M -C de Bressand, à Paris. — L'attrait du parfait dénûment doit être suivi en l'action et en l'oraison. — Devoir de la Sœur assistante envers la Supérieure malade..................... 223

Lettre DXXII (Inédite). — À la Sœur M. -H. Grison, à Paris. — L'acquiescement au bon plaisir de Dieu dans les souffrances spirituelles et corporelles est une très-profitable oraison. — Se contenter pour l'ordinaire de la direction de la Supérieure.       225

Lettre DXXIII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — La prière, la douceur et le bon exemple profitent plus que la sévérité. — Ou demande une fondation à Brioude. — Respect envers le confesseur. 226

Lettre DXXIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La Sainte s'excuse d'écrire quelques notes sur ses rapports avec son Bienheureux Père. — Précieuse mort de la Supérieure d'Avignon....................... 228

Lettre DXXV. — À la même. — Après l'humilité et l'entière dépendance de Dieu, rien ne contribue plus au bonheur des maisons religieuses que le bon choix des sujets............................................................. 229

Lettre DXXVI. — À la Mère M. -M. de Mouxy, à Belley. — Elle l'encourage à souffrir joyeusement la pauvreté et à se confier en la Providence. — Réception d'une prétendante aveugle.......................................... 230

Lettre DXXII. — À la Sœur F. -A. de la Croix de Fésigny, à Annecy. — Il faut s'humilier de ses fautes sans jamais se décourager. — Ne rien demander et ne rien refuser....................................................... 231

Lettre DXXVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Regrets du décès de la Mère de la Balme ; éloge de ses vertus. — Du changement de l'assistante et des autres officières................................................. 232

Lettre DXXIX. — À la même. — Comment faire utilement la correction fraternelle.               234

Lettre DXXX. — À Mgr A. Frémyot, à Bourges. — Miracles opérés par l'intercession de saint François de Sales. — Exigences de madame de Chevrières................................................................................................... 235

Lettre DXXXI (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Évian. — Projet d'une fondation à Evian.           237

Lettre DXXXII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Affaires d'intérêt. — Du recours que les Sœurs peuvent avoir à la coadjutrice pour avertir la Supérieure- — Utilité d'une réunion des premières Mères de l'Institut.    238

Lettre DXXXIII (Inédite). — À la Sœur À. -M. Rosset, à Dijon. — Estimer l'esprit de tous les Ordres religieux, mais s'attacher de préférence à celui de son Institut. — Une âme qui veut tendre à la perfection doit rester égale au milieu des inégalités de la vie................................................................................................................................................. 239

Lettre DXXXIV (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — De quelle importance est le bon choix des sujets ; n'en point admettre qui ne soient bien appelés de Dieu......................................................... 241

[674]

Lettre DXXXV (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — L'assemblée des premières Mères à Annecy est ajournée aux fêtes de la Pentecôte. Utilité de cette mesure. — Envoi au Père général des Feuillants d'une collection de lettres de saint François de Sales, pour servir à l'histoire de sa Vie........................................................ 242

Lettre DXXXVI (Inédite). — À M. Michel Favre, à Annecy. — Confiance due à la Supérieure. — Quand recourir à la coadjutrice. — Humilité et dévouement envers les monastères................................... 244

Lettre DXXXVII (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Désir que témoigne la Sœur de Morville de venir à Annecy ; mesures de prudence à ce sujet. — Du remède aux scrupules. — Les âmes qui se nourrissent du Pain des forts doivent triompher de leurs faiblesses. — Différer la fondation d'Autun................................... 245

Lettre DXXXVIII (Inédite). — À la Mère P. -M. de Châtel, à Grenoble. — Affectueux reproches de son long silence. — Remettre à plus tard son voyage d'Avignon................................................................... 248

Lettre DXXXIX. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Elle lui fixe le jour de l'arrivée des premières Mères à Annecy, et la prie de s'y rendre exactement............................................................................................. 249

Lettre DXL (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Lettres égarées. — La Communauté de Lyon n'a pas le droit de s'opposer au voyage de la Mère de Blonay à Annecy. — Prétentions exagérées d'une dame au sujet d'une fondation................................................................................................................................................. 250

Lettre DXLI (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Elle doit réfléchir et prendre conseil sur l'opportunité de son voyage à Annecy. La Supérieure d'Orléans pourrait l'accompagner. — Témoigner beaucoup de confiance à la Mère de Nevers. — Quantité de lettres de saint François de Sales ont été retrouvées............................... 252

Lettre DXLII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Il faut, autant que possible, traiter par voie amiable, et ne recourir à la justice qu'à toute extrémité. — Bruits de peste à Paris............................. 254

Lettre DXLIII. — À la même. — Difficultés survenues avec M. de Saint-Nizier. — Il faut demander conseil avant de commencer la construction du monastère. — Voyage des Supérieures à Annecy... 255

Lettre DXLIV. — À la même. — Établissement du monastère d'Avignon. — Les novices doivent être sérieusement examinées avant la profession. — Documents envoyés au Père de la Rivière.............................. 257

Lettre DXLV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Envoi de lettres. — La Mère de Châtel est proposée pour être Supérieure à Dijon................................................................................................................ 258

Lettre DXLVI (Inédite). — À la Sœur A. -M. Rosset, à Dijon. — Conseils pour la bonne direction de la communauté de Dijon, pendant l'absence de la Supérieure................................................................................... 260

Lettre DXLVII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — En quelle occasion les Religieuses étrangères à l'Institut peuvent entrer dans les monastères. N'y point admettre de jeunes filles qui n'aient le désir de la vie religieuse. — Obligation du petit Office...................................................................................................................................... 261

[675]

Lettre DXLVIII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Nouvelle imitation à se rendre à Annecy pour l'assemblée des premières Mères................................................................................................................... 263

Lettre DXLIX (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Bulle d'érection du monastère. — Nouvelles instances de madame de Chevrières pour la fondation de Mâcon. — L'assemblée des premières Mères aura lieu à la Pentecôte.    265

Lettre DL. — Au Révérend Père de la Rivière. — Divers renseignements pour une nouvelle Vie de saint François de Sales. — Détails sur les premières années de la Visitation............................................................ 266

Lettre DLI (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — Dispositions pour le voyage de la SŒUR de Morville à Annecy.................................................................................................................................. 270

Lettre DLII (Inédite). — À la même. — Même sujet........................................ 271

Lettre DLIII. — À une Supérieure de la Visitation. — L'esprit de la Visitation est un esprit de douceur et d'humilité. — Comment se conservera l'union entre les monastères. — Nouveau duel du baron de Chantal. — Chant des Litanies.                272

Lettre DLIV (Inédite). — À la Mère À. -C. de Beaumont, à Paris. — Joie d'apprendre que saint Vincent de Paul approuve le voyage d'Annecy................................................................................................................. 274

Lettre DLV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Elle lui recommande la patience au milieu des oppositions que l'on apporte a son voyage d'Annecy. — Détails divers........................................................ 275

Lettre DLVI (Inédite). — À la Mère M. - J. Favre, à Dijon. — Comment obtenir le consentement des Supérieurs de Lyon pour le voyage de la Mère de Blonay à Annecy. — Prière de passer à Belley et d'amener la Mère de Mouxy.        278

Lettre DLVII (Inédite). — Aux Sœurs de la Visitation. — (Cette lettre, qui se voit en tête du Coutumier rédigé en 1624, fut modifiée par sainte de Chantal, quatre ans plus tard, avant d'être livrée à l'impression).     279

Lettre DLVIII. — Aux Supérieures de la Visitation venues à Annecy pour la rédaction du Coutumier. — Elle les assure de son affectueux souvenir. — Le Coutumier doit être revêtu de l'approbation des évêques. 281

Lettre DLIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Départ des Mères assemblées à Annecy. — Affaires diverses. — La Sainte ne veut point être appelée Supérieure des monastères..................................... 282

Lettre DLX. — À la Sœur A. -M. Rosset, à Dijon. — Nécessité d'inspirer aux jeunes Religieuses l'amour et l'estime de leur Supérieure ; celle d'une fondation n'est jamais élue capitulairement........................... 284

Lettre DLXI. — À M. l'avocat Pioton. — Il ne faut pas recevoir de nombreuses prétendantes dans les commencements d'une fondation............................................................................................................................... 285

Lettre DLXII (Inédite). — À M. le baron de Chantal. — Elle partage la douleur que lui cause la mort de son premier-né, et l'exhorte à se maintenir soigneusement dans la grâce de Dieu..................................... 286

Lettre DLXIII. — À madame la comtesse de Toulonjon. — La Sainte se réjouit de la naissance d'une petite-fille. — Nouvelles du baron de Chantal. — Affectueuses recommandations............................................. 287

[676]

Lettre DLXIV. —À la Sœur M. -A. Fichet, à Chambéry. — La simplicité et l'amour de la petitesse sont des vertus essentielles à la Visitation — La bonne oraison est celle qui conduit à la mortification................... 289

Lettre DLXV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — II faut servir les âmes avec latitude de cœur, zèle charitable et amour maternel. — Divergence d'opinions au sujet d'un Visiteur général.................. 290

Lettre DLXVI. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Attachement inaltérable a l'esprit de l'Institut et aux maximes du Bienheureux Fondateur ; faveurs miraculeuses obtenues par son intercession. — Temps que doit durer l'action de grâces de la communion, après None. — Des pénitences. — Désintéressement dans la réception des sujets.    291

Lettre DLXVII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Admirable humilité de la Sainte. — Témoignages de maternelle confiance............................................................................................................ 295

Lettre DLXVIII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Moulins. — La parfaite observance est une source de paix dans les monastères. — Il faut chérir les contradictions et travailler à acquérir l'esprit de douceur. — Préparatifs de la fondation d'Autun................................................................................................................................................. 296

Lettre DLXIX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Conseils pour l'oraison. — On peut quelquefois tenir le Chapitre le matin, mais n'en pas faire coutume.................................................................................... 298

Lettre DLXX (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Détails relatifs à la maison de Moulins. — On désapprouve le projet d'un Visiteur général. — Dieu maintiendra l'Institut si on y conserve l'esprit d'humilité et la parfaite observance. — Pauvreté de quelques monastères..................................................................................................... 299

Lettre DLXXI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La récitation du petit Office de Notre-Dame est obligatoire. — C'est une pratique de mortification de supporter les piqûres des insectes. — Tous les monastères s'affectionnent à la lecture du Coutumier. — Affaires d'intérêts. — Le mépris est le meilleur remède à opposer à certaines tentations.              302

Lettre DLXXII (Inédite). — À la même. — Impression des Épîtres de saint François de Sales. — Les croix d'argent doivent être selon le modèle que donne le Coutumier................................................................. 304

Lettre DLXXIII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, a Moulins. — Qualités que doivent avoir les Sœurs envoyées en fondation. — Se réjouir de l'avancement des autres Ordres, comme du sien propre. — En quel cas on peut recevoir dans le monastère des Religieuses étrangères. — Soins à donner aux jeunes postulantes..................... 306

Lettre DLXXIV. — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Comment supporter les peines intérieures. — Divers incidents de voyage................................................................................................................................... 309

Lettre DLXXV (Inédite). — À la même. — Voyage de Belley à Chambéry. — Dévouement de madame de Vigny pour la Visitation............................................................................................................................... 310

Lettre DLXXVI (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Motifs du voyage de Belley. 311

Lettre DLXXVII. — À la même. — Combien il est difficile de parler [677] dignement des vertus de saint François de Sales. — Préparer une nouvelle élection. — Éloge des Sœurs M. -G. d'Avise et M. -A Fichet. 312

Lettre DLXXVIII. (Inédite). — À la même. — Le Père dom Juste est de retour à Annecy. — Affaires diverses.            313

Lettre DLXXIX (Inédite). — À la Mère A. -C de Beaumont, à Paris. — Ménagements charitables pour une âme faible et imparfaite. — Les Sœurs envoyées hors de leur monastère de profession peuvent demander à y retourner ; ce cas excepté, le désir de changer de communauté est dangereux........................................................................... 314

Lettre DLXXX (Inédite). — À la Sœur A. -M. Rosset, à Annecy. — Recommandations en faveur du P. Dufour.          316

Lettre DLXXXI (Inédite). — À la Sœur M. -F. Humbert, à Annecy. — Elle lui recommande la fidélité à la grâce et le support des imperfections du prochain........................................................................................... 317

Lettre DLXXXII. — À la Mère M. -Hélène de Chastellux, à Moulins. — Toutes les Religieuses doivent être des Règles vivantes. — Avec quelle charité soigner les Sœurs malades........................................ 318

Lettre DLXXXIII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — L'affaire du Visiteur est remise a la décision du Pape. — Bulle d'établissement du monastère d'Avignon. — En quelle forme doit être donnée l'approbation des prélats.           319

Lettre DLXXXIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Il ne faut pas se presser de faire de nouvelles fondations. — La Sainte est prête à se rendre au désir des communautés qui demandent sa visite. — Comment diriger une âme présomptueuse et éprouver les novices........................................................................................................... 321

Lettre DLXXXV. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — La charité et la simplicité sont les vertus fondamentales de la Visitation. — Choix d'un confesseur. — Les lois de la clôture doivent être sévèrement observées. 326

Lettre DLXXXVI. — À la Mère M -A. de Blonay, à Lyon. — On prépare une fondation à Evian. — Charité de la Sainte envers un libraire pauvre................................................................................................................. 327

Lettre DLXXXVII. — À M. de Palierne, à Moulins. — Elle le prie de continuer sa protection à la communauté de. Moulins. — De l'élection de la Supérieure............................................................................................. 328

Lettre DLXXXVIII (Inédite). — À la Sœur M. -F. de Livron, à Grenoble. — Abandon à la Providence parmi les peines et les traverses. — Sur la réception d'une novice dont la vocation parait douteuse. — Projet d'un voyage à Grenoble.        331

Lettre DLXXXIX (Inédite). — À la Sœur À. -M. Rosset, à Annecy. — Charitable prévoyance pour la Sœur infirmière................................................................................................................................................. 332

Lettre DXC (Inédite). — À M. Michel Favre, à Annecy. — M. de Quoëx pourrait se charger d'obtenir l'expédition des Bulles................................................................................................................................................. 333

Lettre DXCI. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Remercîments au sujet d'un cantique. — Affectueuses recommandations pour une prétendante âgée................................................................ 334

[678]

Lettre DXCII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Conseils pour l'emploi d'une Religieuse.   336

Lettre DXCIII (Inédite). — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — La Règle n'impose aucune obligation d'avouer ses péchés hors de la confession. — Il ne faut pas chercher avec empressement les soulagements nécessaires à la santé. — De la communion dite du rang...........................................................................................................

Lettre DXCIV. — À la Sœur A. -M. Clément, à Orléans. — Assurance de la conduite de l'Esprit de Dieu sur son âme. 338

Lettre DXCV. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Manière respectueuse de traiter avec les prélats. — Ne pas surcharger le monastère. — Avec quelle persévérance cultiver les âmes. — Courage parmi les infirmités.     339

Année 1625.

Lettre DXCVI (Inédite). — À la Sœur A. -M. Rosset, à Annecy. — Elle souhaite pour étrennes à la communauté d'Annecy la parfaite observance, l'esprit d'humilité et de simplicité.................................................. 341

Lettre DXCVII. — À la même. — Il faut prévenir le Père Dufour avant de donner l'habit religieux à ses sœurs. — On ne peut recevoir une prétendante atteinte d'épilepsie.................................................................. 342

Lettre DXCVIII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — La vertu et la capacité sont préférables aux avantages temporels. — Ne rien promettre qu'on ne veuille tenir. — Visite annuelle.................. 343

Lettre DXCIX (Inédite). — À la Mère M. -P. de Livron, à Grenoble. — Elle se réjouit de la ferveur des Sœurs de Grenoble. — L'ennemi du salut a une grande puissance sur les âmes qui s'éloignent des divins sacrements.       344

Lettre DC — Aux novices de Grenoble. — Maternels encouragements. — Éloge de leur nouvelle directrice. 345

Lettre DCI (Inédite). — À la Sœur A. -M. Rosset, à Annecy. —Diverses recommandations.             346

Lettre DCII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Il faut observer les cérémonies prescrites pour la visite régulière. — Des mortifications................................................................................................................ 347

Lettre DCIII. —À Mgr A. Frémyot, à Bourges. — La Sainte l'engage à s'abandonner sans mesure à la volonté de Dieu ; comment le faire à l'exercice du matin et à l'oraison. — Se relever doucement après ses chutes et tirer profit de la souffrance.  348

Lettre DCIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Profonde humilité de la Sainte ; son dévouement pour l'Institut. — La vertu solide a son fondement en Dieu. — Le Coutumier n'a pas besoin d'approbation, puisqu'il est l'œuvre de saint François de Sales................................................................................................................................................. 352

[679]

Lettre DCV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon- — Maladie de Mgr l'évêque de Langres. — Joie de la Sainte en voyant les progrès de son frère dans la perfection. — Désir de la Sœur de Morville. 354

Lettre DCVI (Inédite). — À la Sœur M. -F. Humbert, à Annecy. — Il faut former les novices à la mortification et au recueillement......................................................................................................................... 356

Lettre DCVII. — À la Sœur A. -M. Rosset, à Annecy. — La Sainte lui annonce son prochain retour.               356

Lettre DCVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Diverses affaires. — Les Pères Jésuites revoient les lettres de saint François de Sales ; confiance qu'on doit leur témoigner. — Du silence en Carême.              357

Lettre DCIX. — À M. l'avocat Pioton, à Évian. — Fondation d'Evian. — Nouvelles de la maison de Chambéry.           360

Lettre DCX. — À madame la comtesse de Toulonjon. — Elle l'exhorte à se confier en la divine Providence et à se détacher de la vanité et des sollicitudes mondaines............................................................................ 361

Lettre DCXI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Reconnaissance envers Dieu pour les grâces qu'il accorde à l'archevêque de Bourges. — Inquiétudes de madame de Toulonjon. — Lettre de Mgr de Langres au Souverain Pontife.          362

Lettre DCXII (Inédite). — À M. Michel Favre, à Annecy. — Prochain départ de Chambéry.             364

Lettre DCXIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. —Éloge du Père Maillan, Jésuite. — Amour pour la mortification et la pauvreté. — Soins à donner à l'impression des Épîtres de saint François de Sales.. 364

Lettre DCXIV. — À madame de Coulanges, à Paris. — Cordiale et mutuelle affection ; promesse de prier pour la famille de Coulanges. — Condoléances au sujet de la mort de leur petite-fille, seconde enfant de Celse-Bénigne.         366

Lettre DCXV (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Évian. —Préparatifs a faire pour la fondation d'Evian.       367

Lettre DCXVI. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Congratulation sur le bon état de sa communauté. — Il faut prendre un soin raisonnable du temporel. — La franche et généreuse charité est la bonne odeur des maisons religieuses. — Bulle en faveur du petit Office de Notre-Dame. — Envoi d'un recueil des Coutumes d'Annecy. 368

Lettre DCXVII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Aptitude de la Sœur de Bressand pour le gouvernement. — On peut recevoir une enfant comme bienfaitrice. — Obtenir de l'assemblée du clergé de France des lettres d'instances pour solliciter l'introduction de la cause du vénérable Fondateur en cour de Rome.       370

Lettre DCXVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Envoi de Lettres. — De l'élection de la Supérieure ; choix des officières.............................................................................................................. 373

Lettre DCXIX (Inédite). — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — L'amour de Dieu et du prochain doit fleurir dans la communauté. — Les âmes vertueuses attirent de grandes bénédictions autour d'elles...... 374

[680]

Lettre DCXX (Inédite). — À la Sœur M. -A. Fichet, à Chambéry. — Diverses recommandations.     375

Lettre DCXXI. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — La légèreté est un fâcheux défaut. — À quel âge on peut être élue Supérieure. — Changement des officières. — Remercîments pour un voile de calice. 376

Lettre DCXXII. — À Mgr À. Frémyot, à Bourges. —S'abandonner sans réserve a la grâce et au bon plaisir de Dieu. —Comment alimenter le feu du divin amour........................................................................ 377

Lettre DCXXIII. À la Sœur M. -A. Fichet, à Chambéry. — Réception de deux prétendantes. — Il ne faut se réjouir que dans le Seigneur................................................................................................................................. 379

Lettre DCXXIV (Inédite). — À la Sœur F. -A. Démotz, à Chambéry. — La vie religieuse est un paradis pour l'âme qui n'y cherche que Dieu................................................................................................................. 380

Lettre DCXXV (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Diverses affaires. — Il faut faire porter aux Sœurs des vêtements usés et raccommodés. — Le chœur de l'église doit être voûté. — Difficultés survenues pour l'impression des lettres de saint François de Sales........................................................................................................ 380

Lettre DCXXVI. — À M. Michel Favre, à Annecy. — Se réserver un certain nombre d'exemplaires des Épîtres de saint François de Sales................................................................................................................. 382

Lettre DCXXVII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Difficulté de trouver une Supérieure pour la communauté de Moulins. — Il ne faut jamais s'écarter de la Règle. — Dans quel cas on peut recevoir a la Visitation une Religieuse d'un autre Ordre................................................................................................................................................. 383

Lettre DCXXVIII. — À la Sœur M. -A. Humbert, à Moulins. — Éviter avec soin tout soupçon. — Il faut porter la clochette devant les séculiers qui entrent au monastère................................................................ 385

Lettre DCXXIX. — À la Sœur C. -C. de Crémaux de la Grange, à Lyon. — Elle lui recommande la patience et le support du prochain................................................................................................................................. 386

Lettre DCXXX (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Recommandation en faveur d'un curé de Gex. — Changements d'emplois à Annecy. — Quels honneurs sont dus à la Sœur assistante..................... 387

Lettre DCXXXI. À la Mère M—À. de Blonay, à Lyon. — Détails concernant les Épîtres de saint François de Sales.   389

Lettre DCXXXII (Inédite). — À la même. — Au sujet de la réception d'une postulante.     391

Lettre DCXXXIII (Inédite). — À la Sœur H. -A. Lhuillier, à Paris. — Consolation qu'éprouve la Sainte de la régularité des Sœurs de Paris. — S'adonner à la pratique des solides vertus..................................... 392

Lettre DCXXXIV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Omission faite au Recueil des lettres de saint François de Sales................................................................................................................................................. 393

Lettre DCXXXV (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Évian. — Préparatifs pour la fondation d'Evian.            394

Lettre DCXXXVI (Inédite). — Au même. — Même sujet. — Fondation de Rumilly.             395

Lettre DCXXXVII, — À la Mère F. -G. Bally, à Bourges. — Sentiments [681] de compassion et de charité au sujet de la pauvreté des Sœurs do Courges. — Recevoir les jeunes filles propres à la vie religieuse, quoiqu'elles ne soient pas riches, et se confier en la Providence...................................................................................................... 397

Lettre DCXXXVIII (Inédite). — À la Sœur M. -A. Fichet, à Chambéry. — Difficultés pour une bâtisse.          398

Lettre DCXXXIX. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — La sainte amitié demeure éternellement. — La prudence humaine est entièrement opposée a l'esprit de la Visitation. — Nouvelles do l'archevêque de Bourges.         399

Lettre DCXL (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Evian. — Annonce du départ pour Evian.            400

Lettre DCXLI. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Bien choisir la place pour bâtir le monastère. — Chercher le royaume de Dieu par l'exacte observance........................................................................ 401

Lettre DCXLII (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Évian. — Derniers préparatifs pour la fondation d'Evian. — Charitable admission des filles naturelles à la Visitation.................................................................. 402

Lettre DCXLIII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Désir de voir commencer le procès de béatification de saint François de Sales. — Affaires du monastère d'Avignon..................................... 403

Lettre DCXLIV (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Réception d'une personne pénitente.   404

Lettre DCXLV (Inédite). — À la Sœur C. -C. Crémaux de la Grange, à Lyon. — S'abandonner à la divine Providence, sans inquiétude pour l'avenir...................................................................................................... 405

Lettre DCXLVI. — À Mgr À. Frémyot, à Bourges. — Nos cœurs sont les temples du Cœur de Jésus. — Prière d'obtenir du Pape une Bulle de confirmation de l'Institut ; moyens d'union entre les monastères. 406

Lettre DCXLVII. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Nevers. — Conseils au sujet de la fondation de Blois ; qualités nécessaires à une Supérieure. — Vertus qui doivent briller à la Visitation................. 409

Lettre DCXLVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Sur le livre des Épîtres de saint François de Sales. — Comment diriger une âme très-gratifiée de Dieu. — Élection de la Sieur d'Alise à Chambéry... 411

Lettre DCXLIX (Inédite). — À la Mère M -C. de Bressand, à Moulins. — Encouragement a supporter les peines de la supériorité. — Importance de la charge de directrice. — Support de la fondatrice. — Faire cesser les soupçons et méfiances. 412

Lettre DCL. — Aux Sœurs de la Visitation de Moulins. — Confiance et respect dus à la Supérieure.               415

Lettre DCLI. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Affaires de la communauté de Moulins. — Choix d'une Supérieure pour la fondation de Chartres. — Embarras suscités aux Sœurs d'Avignon. — Comment conduire un esprit difficile. 416

Lettre DCLII (Inédite). — À la Sœur A. -M. Rosset, à Annecy. — Diverses recommandations.        418

[682]

Lettre DCLIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Détails sur la fondation d'Evian. — Éloge de la famille de Blonay. — La liberté de conscience est nécessaire aux Religieuses. — Offrandes au tombeau de saint François de Sales. — Prière d'intervenir en faveur des Sœurs d'Avignon.............................................................................................. 419

Lettre CCLIV. — À la même. — Quelques passages à ajouter au Recueil des lettres de saint François de Sales.           421

Lettre DCLV (Inédite). — À la Sœur À.. M. Rosset, à Annecy. — Affectueux souhaits.     422

Lettre DCLVI (Inédite). — À la Sœur C. -C. de Vallon, à Grenoble. — Désir d'avoir des nouvelles de la Sœur Claude-Agnès Daloz ; elle doit supporter et aimer la croix de la maladie. — Retour de la Sainte à Annecy.               422

Lettre DCLVII. — À la Mère M. -G. d'Avise, à Chambéry. — Elle l'exhorte à exercer courageusement sa charge, et a se confier en Dieu................................................................................................................................... 424

Lettre DCLVIII (Inédite). — À la Mère À. -M. Rosset, à Annecy. — Il faut sacrifier ses inclinations à l'obéissance. — Support du prochain........................................................................................................................... 425

Lettre DCLIX. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Ne pas s'empresser pour l'entrée des reines et des princesses. — Fondation proposée à Pont-à-Mousson et à Chartres. — Comment pratiquer l'article de l'instruction des séculières. — L'humilité attire de grandes grâces................................................................................................................ 426

Lettre DCLX. — À une Religieuse, à Paris. — Par quels moyens on peut acquérir l'humilité.              427

Lettre DCLXI (Inédite). — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Promesse de lui envoyer une novice. — Choix du confesseur............................................................................................................................. 428

Lettre DCLXII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — À son retour de Rome, l'archevêque de Bourges passera à Lyon. — Différents détails.............................................................................................. 429

Lettre DCLXIII. — À la même. — Désir qu'éprouve la Sainte de voir l'archevêque de Bourges. — Affaires.   430

Lettre DCLXIV (Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Il faut retrancher insensiblement les abus. — La Sainte lui permet deux communions extraordinaires chaque semaine. — Gagner par indulgence la Sœur de Morville. — Quelles permissions avoir pour l'entrée du médecin, des ouvriers et des provisions............. 431

Lettre DCLXV. — À la Sœur M. -Aimée de Morville, à Moulins. — Il est impossible de goûter à la fois les joies du monde et les consolations célestes.................................................................................................... 435

Lettre DCLXVI. — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — La tiédeur est la peste des communautés ; comment la combattre................................................................................................................................................. 435

Lettre DCLXVII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Ne point chercher d'autres moyens d'union que ceux établis par saint François de Sales.................................................................................... 436

Lettre DCLXVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon — Elle doit retrancher toute curiosité et désir de voir sa communauté exceller par-dessus les autres. — Conseils pour l'Âme attirée à la simplicité. — Corriger [683] les esprits indociles. — Il est bon de recevoir des postulantes dans la prévision de nouvelles fondations......................... 438

Lettre DCLXIX - À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Conduite à tenir envers la Sœur de Morville et quelques autres Religieuses. — Prescriptions du Coutumier au sujet des jeunes filles. — De la clôture. — Divers avis pour la Supérieure ; respect qui lui est dû................................................................................................................................ 441

Lettre DCLXX. — À la Mère C. -A. Joly de la Roche, à Orléans. — Entrée de mademoiselle de la Roche au monastère de Chambéry. — La Sainte est disposée à faire un voyage en France............................. 447

Lettre DCLXXI (Inédite). — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Encouragement à la pratique de la douceur et de l'humilité................................................................................................................................................. 448

Lettre DCLXXII. — À la Mère F. -J. de Villette, à Saint-Étienne — Prière de modérer son zèle trop austère et de gouverner selon l'esprit de l'Institut..................................................................................................... 449

Lettre DCLXXIII (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Rappel de la Mère P. -M. de Châtel a Annecy. — Avantages des souffrances. — Le support des faiblesses d'autrui est la vertu des Saints. — Éloge de la Sœur F. -A. Brung. — Nouvelles de l'archevêque de Bourges..................................................................................................... 450

Lettre DCLXXIV (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Evian. — Préparatifs pour le logement de deux Pères Jésuites. — Affaires.................................................................................................................................. 453

Lettre DCLXXV. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Consolations et encouragements dans ses peines intérieures................................................................................................................................................. 454

Lettre DCLXXVI (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Heureux retour de l'archevêque de Bourges ; ses progrès dans la vertu......................................................................................................................... 455

Lettre DCLXX. VII. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Éloge de la Mère C. -A. de la Roche. — L'esprit de saint François de Sales est un esprit de douce cordialité........................................................ 456

Lettre DCLXXVIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Du saint abandon entre les mains de Dieu. — Charité pour le monastère de Riom. Remercîments des aumônes faites a cette communauté............. 458

Lettre DCLXXIX. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Comment triompher d'une tentation de jalousie. 459

Lettre DCLXXX. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Entrée de madame de Chevrières. — Projet de fondation à Arles. — Dans les affections même les plus légitimes, retrancher tout ce qui serait trop naturel. — Décision donnée pour l'élection d'une nouvelle Supérieure a Annecy. — Quand on dit l'Office des morts. — Veiller les Sœurs défuntes. — Office des fêtes solennelles................................................................................................................................................. 461

Lettre DCLXXXI (Inédite). — À la Sœur A. -M. Guérin, à Paris. — Éviter avec un grand soin toute faute volontaire, et s'humilier de celles de fragilité. — Oraison de simple présence de Dieu..................... 463

Lettre DCLXXXII. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Fondation de Blois. — Ne pas recevoir de sujets tout a fait incapables. — Éviter les entrées des personnes séculières.......................................... 465

Lettre DCLXXXIII. — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — [684] Des communications de conscience. — User de support avec les âmes faibles. — Ne pas recevoir facilement des Religieuses d'un autre Ordre. — Comment une Supérieure peut pratiquer l'obéissance.......................................................................................................... 467

Lettre DCLXXXIV (Inédite). — À madame de Chisy. — Faire valoir la grâce de la vocation religieuse par une grande humilité................................................................................................................................................. 469

Lettre DCLXXXV. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Elle lui recommande la douceur et le support du prochain................................................................................................................................................. 469

Lettre DCLXXXVI. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Impression des Épîtres de saint François de Sales. — Affaires d'intérêts. — De l'Office...................................................................................................... 471

Lettre DCLXXXVII. — À la Mère P. -J. de Musy, à Nevers. — Conseils pour le gouvernement de sa communauté.     472

Année 1626.

Lettre DCLXXXVIII. — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Condoléances. — Perpétuité du petit Office. — Annonce d'un voyage en Lorraine. — Réflexions sur le Recueil des Épîtres de saint François de Sales.   473

Lettre DCLXXXIX (Inédite) — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Souhaits de bonne année. — Il faut suivre la Règle sans gêne ni étroitesse d'esprit. — Envoi de livres........................................................ 476

Lettre DCXC (Inédite). — À la Mère M. -F. de Livron, à Grenoble. — Conseils pour l'Oraison.         477

Lettre DCXCI. — À la Sœur A. -C. de Sautereau, à Grenoble- — Vertus qu'on doit inculquer aux novices pour les conduire à l'union avec Dieu.................................................................................................................. 478

Lettre DCXCII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Utilité des souffrances. — Une âme humble aime a prendre conseil. — Éloge de l'archevêque de Bourges.................................................. 480

Lettre DCXCIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Révision définitive du Coutumier. — Difficultés que rencontrent les Sœurs d'Avignon........................................................................................................... 481

Lettre DCXCIV. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — S'abandonner sans mesure à la douce bonté de Dieu.          483

Lettre DCXCV. — À madame de Coulanges. — Témoignages d'affection et de respect.      484

Lettre DCXCVI (Inédite). — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Restreindre les entrées des bienfaitrices séculières. — La Sainte est disposée à visiter les monastères qui le désirent. — Affaires de l'Institut.     485

Lettre DCXCVII. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Bannir de son esprit toute défiance. — Affaires diverses. 487

Lettre DCXCVIII. — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Ferveur des Sœurs de Paris. — Craintes au sujet de la béatification du vénérable Fondateur............................................................................... 488

Lettre DCXCIX (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Corrections à faire au Coutumier avant que de le livrer à l'impression........................................................................................................................... 489

[685]

Lettre DCC (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Impossibilité de passer à Dijon en allant en Lorraine. — Choix d'une Supérieure pour Pont-à-Mousson. — Avantages des humiliations et des souffrances. — On prépare la seconde édition des Épîtres de saint François de Sales. — Nouvelles de l'archevêque de Bourges......... 491

Lettre DCCI. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Elle l'encourage dans une perte temporelle. — Ne point admettre à la profession les novices qui ne travaillent pas a acquérir l'humilité et la simplicité. — Entretien de communauté.           493

Lettre DCCII. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Comment une Supérieure doit se comporter à l'égard de ses Sœurs. — La douceur est la base de l'esprit de la Visitation. — Annonce de plusieurs prétendantes.               495

Lettre DCCIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Prière de lui renvoyer la copie du Coutumier. — La commémoraison des fêles ordinaires est prescrite par le saint Fondateur................................................ 497

Lettre DCCIV. — À la Mère M. -A. Fichet. — Promesse d'un voyage à Rumilly. — Recommandation d'aimer les Sœurs Bernardines. — Tenir son cœur ferme contre toute affection humaine....................... 498

Lettre DCCV. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Voyage à Chambéry. — Correction de la Préface du Coutumier. — Choix de la future Supérieure de Pont-à-Mousson......................................................... 499

Lettre DCCVI. — Aux Sœurs de la Visitation. — Authenticité du Coutumier. — Toute perfection est comprise dans l'observance des Règles. — De l'obéissance due au prélat. — Se garder de la prudence humaine dans le choix des Supérieures et la réception des sujets. — Recours confiant aux Pères Jésuites. — C'est l'intention de saint François de Sales que tous les monastères soient étroitement unis à celui d'Annecy ; devoir de ce monastère à l'égard de tout l'Ordre.              501

Lettre DCCVII (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Évian. — Il ne faut pas appréhender la pauvreté, mais s'abandonner entre les mains de Dieu................................................................................................................. 510

Lettre DCCVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Retour de la Sainte à Annecy.               511

Lettre DCCIX. — À M l'avocat Pioton, à Évian. — Affaires temporelles. — Projet de voyage à Evian au retour de Lorraine................................................................................................................................................. 512

Lettre DCCX. — À la Sœur A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Elle lui recommande de ne considérer que Dieu en la personne de ses Supérieurs, et de lire les Écrits de saint François de Sales.............. 514

Lettre DCCXI. — À la Mère M -H. de Chastellux, à Autun. — La considération des mystères de la vie de Notre-Seigneur est un puissant moyen de déraciner l'amour-propre............................................................. 515

Lettre DCCXII. — À la Mère M. -F. Humbert, à Évian. — Il faut servir le Seigneur avec gaieté et générosité. 516

Lettre DCCXIII. — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Opinions diverses sur les retranchements à faire aux Épîtres de saint François de Sales. — Règles pour le discernement des esprits. — Discrétion de la [686] Sainte dans sa correspondance ; elle demande conseil à ce sujet, et se plaint de ce que les Sœurs d'Annecy écrivent des choses élogieuses sur sa personne.          516

Lettre DCCXIV (Inédite). — À la même. — Légères corrections à faire au Coutumier. — Promesse de passer à Lyon au retour de Lorraine............................................................................................................................ 519

Lettre DCCXV. — À la Mère P. -M. de Châtel, à Embrun. — L'arrivée de la Mère de Châtel est différée. — Regrets et résignation de la Sainte à ce sujet..................................................................................... 520

Lettre DCCXVI (Inédite). — À Mgr J. -F. de Sales, évêque de Genève. — Désir des Sœurs d'Embrun au sujet de la Mère de Châtel..................................................................................................................................... 522

Lettre DCCXVII. — À la Mère P. -M. de Châtel, à Embrun. —Conseils et encouragements pour l'exercice de sa charge, — Détails sur la communauté d'Annecy............................................................................... 523

Lettre DCCXVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Dispositions pour le voyage de Lorraine. — Affaires................................................................................................................................................. 525

Lettre DCCXIX. — À la même- — Nouvelles du voyage. — Éloge du Père dom Juste Guérin. — On traduit en latin l'Introduction à la vie dévote............................................................................................ 526

Lettre DCCXX. — À la Mère M. -P. Humbert, à Evian. — Annonce de plusieurs postulantes ; avec quel soin il faut les choisir................................................................................................................................................. 527

Lettre DCXXI. — À la Mère M -A. de Blonay, à Lyon. — Incidents de voyage. — Projet de fondation à Paray-le-Monial. — Estime dont jouit le monastère de Pont-à-Mousson. — La Vie et les écrits de saint François de Sales sont très-répandus en Lorraine................................................................................................................................................. 529

Lettre DCCXXII (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — C'est une grande grâce de pouvoir suivre la communauté. — Fermeté à refuser les entrées inutiles au monastère. — Les Religieuses doivent s'abandonner à leur Supérieure pour les besoins du corps comme pour ceux de l'âme. — Éloge de madame de Haraucourt. — Pauvreté des Sœurs de Riom ; appel à la charité de l'Institut............................................................................................................... 530

Lettre DCCXXIII. — À une Supérieure de la Visitation. — Les Religieuses de la Visitation sont les filles du clergé. — Miracles opérés au tombeau de saint François de Sales................................................................ 533

Lettre DCCXXIV (Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Détails sur la fondation de Pont-à-Mousson. — Conseils au sujet d'une novice................................................................................................................ 534

Lettre DCCXXV. — À Mgr À. Frémyot, à Bourges. — Conformité au bon plaisir de Dieu. — Chacun doit se sanctifier dans l'état où la Providence l'a placé. — Humbles sentiments de la Sainte. — Acheminement du procès de béatification de saint François de Sales....................................................................................................................................... 536

Lettre DCCXXVI. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Elle l'encourage à souffrir avec patience et à se confier en Dieu................................................................................................................................................. 540

Lettre DCCXXVII. — À Mgr A. Frémyot, à Bourges. — Souhaits pour son avancement dans la pratique du divin amour................................................................................................................................................. 541

Lettre DCCXXVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Encouragement à faire une fondation à Paray-le-Monial ; comment la [687] préparer. — Indisposition de la Sainte............................ 541

Lettre DCCXXIX. — À la Mère M. -J. Favre, à Dijon. — Les Religieuses de la Visitation doivent chercher leurs règles de direction dans les enseignements de saint François de Sales. — Retour de Lorraine. 543

Lettre DCCXXX (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Admirable obéissance de la Sainte ; elle passera prochainement à Lyon. — Comment tenir les âmes dans l'humilité............................. 545

Lettre DCCXXXI. — À la Mère M. A. de Blonay, à Lyon. — Projet de publier les œuvres de saint François de Sales en un volume................................................................................................................................... 546

Lettre DCCXXXII. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Annonce d'un secours pécuniaire.   547

Lettre DCCXXVIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Départ du Père général des Feuillants pour Lyon................................................................................................................................................. 548

Lettre DCCXXXIV (Inédite). — À la Mère A. -C de Beaumont, à Paris. — Prétention mal fondée de la Sœur de Morville. — La Sainte ne peut se charger du gouvernement particulier d'aucun monastère.............. 548

Lettre DCCXXXV (Inédite). — À la Mère M. -F. Humbert, à Évian. — Ne pas se plaindre de sa pauvreté aux personnes du dehors. — Prévision pour la fondation de Besançon.................................................... 550

Lettre DCCXXXVI. — À la Mère M. -J. Compain, à Montferrand. — Remercîment des secours accordés au monastère de Riom. — Avis favorable pour la fondation de Saint-Flour. — En quoi doit consister la finesse d'une Religieuse de la Visitation. — Concession du petit Office et approbation des Constitutions. — Rapide et merveilleuse diffusion de l'Institut. — Concours toujours plus fréquent au tombeau du saint Fondateur ; nombreux miracles dus a son intercession.              551

Lettre DCCXXXVII. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Affaires matérielles. — Choix d'un confesseur.              553

Lettre DCCXXXVIII. — À la Sœur A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Une Religieuse doit toujours agir selon la Règle écrite, et être unie à la Règle vivante, qui est la Supérieure. — La timidité procède souvent de l'amour-propre. — L'exacte observance est la voie sûre de la plus haute perfection................................................ 554

Lettre DCCXXXIX. — À la Mère J. -M. Compain, à Avignon. — Défaut à corriger dans sa communauté, — De l'éducation des novices. — Utilité des contradictions.............................................................................. 555

Lettre DCCXL (Inédite). — À la Mère M. -H. de Chastellux, à Autun. — Conseils relatifs à l'agrandissement du clos du monastère. — On peut recevoir dans la clôture une abbesse qui désire se former à la vie régulière.                557

Lettre DCCXLI (Inédite). À la Mère M. -F. Humbert, à Évian. — La Sainte demande des nouvelles de la Sœur de Ligny. — Comment traiter avec les Pères Jésuites........................................................................... 558

À la Sœur A. -L. Desportes, à Évian........................................................................ 559

Lettre DCCXLII. — À M. Michel Favre, à Rumilly. — Le cordial support doit reluire en une Supérieure.         559

[688]

Lettre DCCXLIII (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Les Religieuses non reformées ne peuvent entrer dans le monastère. — Conseils pour la maison de Paray. — Projet d'un voyage en Piémont ; désir de visiter au retour les monastères de France.................................................................................................................................... 560

Lettre DCCXLIV (Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Paris. — Regarder Dieu plutôt que ses divines opérations. — La Sainte est élue Supérieure a Orléans. — Prochain voyage en France. — La Règle ne permet pas de gouverner deux monastères à la fois. — Impression du Coutumier..................................................................................... 562

Lettre DCCXLV. — À M. le baron de Chantal. — Elle lui recommande la patience dans une maladie, et le presse d'aspirer souvent à la bienheureuse éternité................................................................................... 565

Lettre DCCXLVI (Inédite). — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Le voyage de Piémont est retardé. — Il faut garder son cœur libre de tout ce qui n'est pas Dieu............................................................................ 566

Lettre DCCXLVII (Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Moulins. — Conseils au sujet de la Sœur de Morville................................................................................................................................................. 567

Lettre DCCXLVIII (Inédite). — À la Mère À. -C. de Beaumont, à Paris. — Désir que la Sœur H. -A. Lhuillier soit élue Supérieure au premier monastère de Paris........................................................................ 568

Lettre DCCXLIX. — À la Mère M. -B. de Chastellux, à Autun. — Emplacement du monastère d'Autun. — Conduite à tenir à l'égard de diverses personnes. — Prochain voyage en Piémont.................................. 570

Lettre DCCL. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Joie que cause à la Sainte l'avancement spirituel des Sœurs de Blois. — Utilité des souffrances ; il faut les recevoir avec soumission et amour...... 572

Lettre DCCLI. — À Mgr À. Frémyot, à Bourges. — Réflexions sur le néant des choses de ce monde. — Fraternelle union de prières. — Arrivée de la Mère Favre, à Annecy. — Nouvelles du Père dom Juste et du procès de béatification. — Éloge de la Supérieure de Dijon............................................................................................................. 573

Lettre DCCLII. — À la Mère M. -A. Fichet, à Rumilly. — Elle lui recommande la douceur qui gagne les cœurs et édifie le prochain................................................................................................................................. 575

Lettre DCCLIII. — À l'Infante Catherine de Savoie. — Remercîments pour la protection accordée aux monastères de la Visitation............................................................................................................................... 576

FIN LE LA TABLE DES MATIÈRES DU DEUXIÈME VOLUME.

paris. — Typographie de E. Plon et Cie, 8, rue garancière.



[1] Sœur Marie-Constance de Bressand, alors à Paris ; ce projet ne s'effectua pas.

[2] Malgré le soin que prenait la Mère Favre de s'effacer aux regards des créatures, sa réputation de sainteté se répandit bientôt, et de toutes parts on recourait à ses lumières, on réclamait ses conseils. « Dieu bénit tellement cette espèce d'apostolat (disent les anciens Mémoires), qu'en peu de temps le pays changea de face. » — « Toute la province, écrivait madame de Dalet, est embaumée de la vertu de cette Mère, qui est l'admiration de tout le monde. » Aussi, déjà en 1621, les magistrats ayant appris qu'il était question du prochain départ de cette éminente Supérieure, supplièrent saint François de Sales de la laisser à Montferrand. Le Bienheureux Fondateur accorda un sursis ; mais, l'année suivante, l'établissement du monastère de Dijon étant résolu, il intima a sa grande fille l'ordre de s'y rendre. Nous verrons dans la suite des Lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, les efforts faits pour retenir la Mère Favre en Auvergne, et la générosité qu'elle déploya pour se rendre où l'appelait la volonté divine.

[3] Le Coutumier fixa dans la suite le temps et la manière de faire les processions.

[4] La Mère Claude-Marie de la Martinière, alors très-gravement malade

[5] Pour la visite canonique.

[6] La Mère Anne-Catherine de Beaumont-Carra, d'une illustre famille de Chambéry, fut reçue au monastère d'Annecy par saint François de Sales, et jugée digne, peu après sa profession, d'accompagner la Bienheureuse Mère de Chantal à la fondation de Bourges, puis à celle de Paris, où elle lui succéda comme Supérieure en 1622. « Les richesses spirituelles qu'elle cachait dans son cœur (dit saint Vincent de Paul), se répandirent alors avec tant d'abondance, qu'il lui fallut établir un deuxième monastère dans cette grande ville pour recevoir toutes les âmes qui se présentaient. » Les doctes et les grands réclamaient également ses conseils, et Anne d'Autriche attribuait à ses prières le succès des armes du Roi contre les hérétiques. Mais, en vraie fille de la Visitation, la Mère Anne-Catherine fut heureuse d'être soustraire aux dangers des honneurs. Promptement rappelée à la solitude de sa pauvre cellule d'Annecy, elle obtint de rentrer dans les exercices du noviciat ; puis, cette vive lumière, après avoir été placée sur la croix que Notre-Seigneur lui avait montrée comme un chandelier d'honneur, alla éclairer les monastères de Grenoble, Pignerol et Toulouse, y fit germer les fruits précieux que produit toujours cet arbre de vie, et s'éteignit ici-bas, le 30 janvier 1650, pour resplendir éternellement au ciel. (Vies des XII Mères de la Visitation.)

[7] En quittant Nevers, accompagnée des Sœurs Anne-Marie Rosset et Marie-Gasparde d'Avisé, la Vénérable Mère de Chantal, par ordre de saint François de Sales, se rendit à Alonne, où elle devait attendre près de madame de Toulonjon, sa fille, les coopératrices qui lui seraient envoyées d'Annecy pour la fondation de Dijon : ce furent les Sœurs Marie-Marguerite Milletot, Françoise-Augustine Brung, Paule-Jéronyme Favrot et Péronne-Marie de Benno, cette dernière du rang des Sœurs domestiques.

[8] C'est le 8 mai 1622 que sainte Jeanne-Françoise arriva à Dijon. « Elle y fut reçue avec vénération (disent les anciens Mémoires). Une foule de peuple l'accueillit à l'entrée de la ville et l'accompagna jusqu'à la petite maison où elle descendit avec ses filles. La presse était si grande qu'il fallut une heure pour faire un trajet d'un quart d'heure, et les acclamations si fortes et si unanimes, qu'on n'entendait point rouler le carrosse. »

[9] La Sœur aînée de la Mère de Bréchard, Religieuse bénédictine, dont la maison était tombée en décadence ; elle fut reçue au monastère de Moulins, et soignée dans sa vieillesse avec une parfaite charité. (Histoire inédite de la fondation de Moulins.)

[10] Mgr Sébastien Zamet, évêque de Langres, dont Dijon dépendait alors, se rendit remarquable par sa piété et son zèle pour les bonnes œuvres. Sainte de Chantal l'honora toujours d'une particulière estime.

[11] La Sainte ignorait encore que Sœur Marie-Aimée de Blonay avait été élue Supérieure vers le milieu d'avril, à la grande joie de tout le monastère et des Supérieurs ecclésiastiques, qui comprirent enfin l'impossibilité d'obtenir le retour de la Mère Marie-Jacqueline Favre.

[12] Voir la note de la lettre CXXVI.

[13] Ancien précepteur du jeune baron de Chantal.

[14] Sœur Claire-Marie Parise, dont la Providence s'était servie pour procurer la fondation de Dijon, était une âme profondément humble et si fervente, qu'étant encore dans le monde, elle avait demandé à Dieu d'avoir toujours quelque chose à souffrir pour son amour. Le Seigneur l'exauça, et sa vie fut un continuel martyre intérieur, ce qui pourtant n'altéra jamais la joie et la tranquillité de son âme. Après avoir donné tous ses soins à l'érection du monastère de Dijon, elle fut envoyée à la fondation de Beaune, en 1632, et y mourut en odeur de sainteté.

[15] Sœur Anne-Marie Rosset, que la Sainte nommait joyeusement : la défunte Mère, parce qu'elle avait été déposée de la supériorité à Bourges.

[16] Gabrielle de Guadagne, comtesse de Chevrières, ayant perdu à l'armée le comte de Miolans, son fils unique, obtint de saint François de Sales l'entrée du monastère de Lyon, pour y chercher dans la solitude quelque soulagement à sa douleur. Charmée de la ferveur des Religieuses, elle résolut de se rendre fondatrice d'une maison de la Visitation ; mais les conditions posées par elle n'ayant pu être acceptées, elle tourna ses vues du côté des Mères Annonciades, et les établit à Lyon. (Histoire inédite du monastère de Lyon.)

[17] Le baron de Chantal avait rejoint l'année en 1622, et se trouva à tous les combats de cette campagne contre les huguenots. Sa bouillante valeur lui faisait affronter tous les périls ; aussi la tendre sollicitude et les prières de sa sainte Mère le suivaient-elles partout, et cette fois encore, le préservèrent de tous dangers.

[18] « Notre unique Mère (dit la Mère de Chaugy) acheta une maison, celle de louage étant trop incommode, et ne trouva presque personne qui ne se tint honoré de la servir et favoriser, tellement que les six mois qu'elle demeura à Dijon furent de grande utilité au monastère, qui, par ce commencement, est toujours allé de bien en mieux. » (Histoire inédite de la fondation de Dijon.)

[19] Cette pieuse comtesse avait, en effet, bien des droits à l'estime de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, avec laquelle son caractère, ses vertus et ses épreuves lui donnaient plus d'un trait de ressemblance. Demeurée veuve à vingt-huit ans, madame de Dalet, désirant se retirer au monastère de Montferrand qu'elle avait fondé, vit s'élever contre son dessein des oppositions sans nombre ; mais ni les caresses ni les mauvais traitements de sa mère, qui en vint jusqu'à la chasser honteusement de son château avec ses quatre petits enfants, ne purent ébranler sa constance. Il ne fallut rien moins que la douce intervention de saint François de Sales pour mettre fin à une lutte si douloureuse, et calmer les impatients désirs de cette âme d'élite, en lui persuadant que l'heure marquée dans les desseins de Dieu pour son entier divorce avec le monde n'était pas encore venue. De nouvelles difficultés surgirent après la mort du Bienheureux Évêque de Genève ; la Vénérable Mère de Chantal réussit à les pacifier, et continua de soutenir par ses affectueux conseils héroïque veuve, destinée à devenir plus tard une ferme colonne de la Visitation naissante.

[20] « M. de Toulonjon ayant obtenu la première pointe au siège de Nègrepelisse, contre les hérétiques, reçut un coup de mousquet au travers du corps. Le coup était mortel, au dire de tous les médecins, mais il guérit très-promptement par l'application d'une lettre que lui avait écrite saint François de Sales. » (Mémoires de la Mère de Chaugy.)

[21] Cette enfant, nommée Gabrielle, la seule fille que madame de Toulonjon put élever, fut le constant objet des sollicitudes de sa sainte grand'mère, ainsi que nous le venons dans la suite des lettres.

[22] Saint François de Sales tomba malade à Turin, en revenant de tenir le Chapitre général des Feuillants, à Pignerol.

[23] La Mère Marie-Constance de Bressand, native de Grenoble, et l'une des premières professes de la Visitation de cette ville, fut caractérisée par ce mot gracieux de saint François de Sales : « C'est une rare fille ». Dieu, qui la destinait à de grandes choses, se montra prodigue de ses dons envers elle, et lui départit foi vive, esprit juste et élevé, courage à toute épreuve. Une généreuse fidélité à se refuser toute espèce de satisfaction naturelle, lui attira des faveurs très-spéciales, entre autres un don d'oraison des plus élevés. Choisie pour coopérer à l'établissement du premier monastère de Paris, la Sœur de Bressand y dirigea si bien le noviciat (disent les anciens Mémoires), qu'elle en fit « un séminaire de Supérieures ». Élue elle-même à Moulins en 1625 sa prudente conduite triompha de difficultés sans nombre. À Nantes, où elle supporta les sollicitudes et les travaux d'une fondation, chacun put admirer sa merveilleuse aptitude pour le gouvernement et son total abandon à la Providence, en faveur duquel Dieu fit de continuels miracles. Après avoir demeuré dix-sept ans en Bretagne, pour y être, selon le désir de sa Bienheureuse Fondatrice, le conseil et l'appui des monastères de cette province, dont plusieurs lui devaient en partie leur existence, cette grande Religieuse fut rappelée dans sa maison de profession, qu'elle gouverna encore plusieurs années. Elle y parut si consommée en toutes sortes de vertus, que M. Olier, dépositaire des secrets les plus intimes de sa conscience, ne craignit pas de dire : « C'est l'âme la plus anéantie que j'aie connue. » Le séjour des joies éternelles s'ouvrit à cette vierge prudente, le 18 octobre 1668. (Année Sainte, Xe volume).

[24] Mère de la comtesse de Dalet.

[25] Sœur Anne-Catherine de Sautereau appartenait à une famille distinguée de Grenoble, honorée de l'estime et de l'affection de saint François de Sales. Dès qu'elle fut au monastère, sous la direction de la vénérée Mère de Châtel, sa conduite parut un commentaire vivant de cette maxime qui est le secret de la sainteté : « Tout à la grâce et rien à la nature ! » Les faveurs du ciel les plus précieuses devinrent la récompense de son étonnante mortification. Entre autres dons, Sœur Anne-Catherine possédait celui de toucher les cœurs et de les porter à Dieu, ce qui fit apprécier sa conduite comme directrice à Grenoble, et comme Supérieure chez les Filles de la Magdelaine de cette ville, où elle décéda en 1652, laissant sa mémoire en bénédiction. (Année Sainte, VIe volume.)

[26] Messieurs de Montferrand ne voulaient point laisser partir la Mère Favre. « Enfin (dit la Mère de Chaugy), elle écrivit aux Supérieurs ecclésiastiques de la ville, qu'ayant reçu derechef son obéissance, et leur ayant plusieurs fois demandé permission, sans avoir l'honneur d'un témoignage que ses lettres eussent été reçues, elle demandait encore par la présente leur bénédiction ; cependant, elle mit ordre que ses lettres ne seraient envoyées qu'après son départ, et lorsque ceux de la ville y pensaient le moins, elle se jeta, de grand matin, avec notre Sœur Marguerite-Élisabeth Sauzion, sa compagne, sur une méchante charrette, accompagnée d'un ecclésiastique qui prit soin du voyage, et elle pressait si fort le charretier de se hâter, crainte qu'on ne la suivît, que toute diligence lui semblait tardive, et sans ressentir les incommodités que lui apportait le secouement de cette charrette, elle disait à sa compagne : Si j'avais été fidèle à Dieu en d'autres occasions, je prendrais quelque consolation et satisfaction en ce voyage, mais je n'en peux avoir, parce que je fais tout imparfaitement Son arrivée à Dijon fut aussi heureuse qu'attendue et désirée. Elle y trouva notre très-digne Mère de Chantal, qui en parût quelques jours après laissant la conduite de cette nouvelle plante que Sa Charité avait dignement cultivée et mise en très-bon état par son travail de six mois, au soin de sa fille aînée qui ne manqua pas de répondre à ses espérances et de répandre l’odeur d'une piété singulière pour l'honneur de l'Institut. »

[27] Au mois de septembre 1622, M. de Toulonjon profita avec empressement de la paix qui venait d'être conclue par Louis XIII, pour rentrer à Alonne, et visiter à Dijon sa sainte belle-mère qu'il vénérait avec un tendre et profond respect.

[28] Sœur Marie-Madeleine de Mouxy, d'une ancienne famille de Savoie, demeurée veuve à dix-huit ans, se plaça sous la direction de saint François de Sales, et aussitôt que son fils unique eut embrassé la vie religieuse dans l'ordre séraphique, elle entra au premier monastère d'Annecy, et y décéda à l'âge de quatre-vingts ans, après avoir gouverné les monastères de Belley, Rumilly et Bourg-en-Bresse (Année Sainte, Ve volume.)

[29] La fondation du monastère de Belley avait eu lieu le 20 août 1622. La Mère Marie-Madeleine de Mouxy en fut la première Supérieure. Saint François de Sales lui adjoignit les Sœurs Françoise-Gasparde de la Grave, Marie-Angélique Brunier, Marie-Innocente de Saint-André, la très-vertueuse Sœur Claude-Simplicienne Fardel, et Sœur Jeanne-Ignace du Poisal, novice.

[30] Jean-Pierre Camus, sacré évêque de Belley par saint François de Sales, le 31 août 1609. Vingt ans plus tard, il se démit de son siège, et mourut à Paris en 1652. Entre une multitude d'ouvrages qu'il a composés, l'Esprit de saint François de Sales est un de ceux qu'on lit toujours avec intérêt.

[31] On verra dans cette lettre une grande partie des conseils donnés dans la précédente ; mais il n'a pas été possible d'éviter cette répétition : l'original de la lettre écrite à Sœur M. -Avoye Humbert est encore conservé aux Archives de la Visitation d'Annecy, tandis que celui de la lettre adressée à la Mère P. -M. de Châtel n'ayant pu être retrouvé, on a dû reproduire la lettre telle qu'elle se voit à la fin des Méditations pour la solitude.

[32] Ces mots mis entre parenthèse ont été sûrement ajoutés par les personnes qui firent imprimer les Méditations de la solitude ; s'il en était autrement, on ne pourrait admettre la date du mois de septembre 1622, indiquée dans toutes les anciennes éditions, puisque saint François de Sales mourut le 28 décembre de cette même année.

[33] « La Mère Hélène-Angélique Lhuillier, tirée à la vie religieuse par des cordages d'amour (disent les anciens Mémoires), fut un vrai enfant de joie au cœur de notre unique Fondatrice, et de bénédiction au monastère de Paris. » Saint François de Sales, dont Dieu s'était servi pour soustraire celle grande âme aux séductions du monde, seconda les attraits de la grâce en elle, et la poussa vers les sommets les plus élevés de la perfection. Pendant ses longues années de supériorité, la. Mère Hélène-Angélique reproduisit, en effet, les vertus de sainte de Chantal et procura la fondation des maisons de Dol en Bretagne, du Mans, de Saint-Denis, de Bayonne, et établit celle de Chaillot, où elle mourut eu 1655, entre les bras de la. Mère L. -A. de la Fayette, formée par ses soins à la vie religieuse. Enfin on lui doit : 1° les Vies de saint François de Sales et de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, publiées par Mgr de Maupas, auquel, par humilité, elle les avait soumises, et qui leur donna la couleur de son style ; 2° les Exercices spirituels, connus sous le nom de Petites Méditations de sainte de Chantal, parce qu'ils ont été souvent confondus avec ceux que composa la Bienheureuse Fondatrice. La Mère Lhuillier, par une sorte d'inspiration prophétique, y trace cette belle page : De la reconnaissance que nous devons à Notre-Seigneur pour le don et faveur qu'il a fait à notre saint Ordre de son Cœur divin. — Les reines Anne d'Autriche et Henriette de France avaient une profonde estime pour cette grande Religieuse. Au dire de saint Vincent de Paul, « c'était une des plus saintes âmes qu'il eût connues ».

Les Petites Méditations ont été rééditées en 1861, à Paris, chez Douniol, rue de Tournon, sous ce litre : Exercices spirituels pour les dix jours de la solitude, selon l'esprit du Bienheureux François de Sales, tirés pour la plupart de ses Écrits, et dressés à l'usage des Religieuses de la Visitation Sainte-Marie.

[34] Sœur Claire-Marie Amaury, reçue en 1620 au premier monastère de Paris, fut, peu après sa profession, soumise à une épreuve intérieure jugée par saint Vincent de Paul « la plus rude qu'une âme puisse souffrir en ce monde ». Délivrée par l'imposition des reliques du Bienheureux Évêque de Genève, et purifiée comme l'or dans le creuset, elle rendit plusieurs services à son Institut, d'abord au deuxième monastère de Paris, où elle remplit diverses charges, puis à la fondation de Troyes, dont elle fut nommée Supérieure en 1631. Elle y partagea avec la Mère M. -Jacqueline Favre, puis porta seule des tribulations sans nombre : opposition de la part des magistrats, abandon, mépris, pauvreté, etc., tout contribua à faire éclater la force d'esprit de cette fervente Religieuse, qui vit ses efforts couronnés des plus heureux succès. Elle mourut en 1651, laissant une maison florissante et une grande réputation de vertu. (Année Sainte, Xe volume.)

[35] Madame de Toulonjon.

[36] La Vénérable Mère de Chantal quitta Dijon le 28 octobre 1622, au milieu des regrets et des larmes de ses filles. Son départ causa une vive émotion non-seulement dans la ville, mais dans tout le diocèse, où elle était estimée et vénérée comme une Sainte. Par un ordre exprès de son Bienheureux Père, elle passa de nouveau à Alonne, y bénit sa petite-fille Gabrielle, et confirma madame de Toulonjon dans les bonnes résolutions qu'elle lui avait inspirées six mois auparavant.

[37] Confesseur du premier monastère de Paris.

[38] Sainte Jeanne-Françoise de Chantal, en revenant de Dijon passa a Lyon au commencement de novembre ; elle y trouva son Bienheureux Père qui, traversait cette ville à la suite du prince-cardinal de Savoie : « Ce fut une chose digne d'admiration (lisons-nous dans l'histoire de la fondation de Lyon) que le premier abord de ces deux saintes personnes qui ne s'étaient pas vues depuis quelques années ; néanmoins, l'entrevue fut courte. » Saint François de Sales dut s'éloigner aussitôt pour suivre la cour à Avignon, et la Vénérable Mère de Chantal alla, par son ordre, visiter les monastères de Montferrand et de Saint-Étienne, après quoi elle revint à Lyon vers les premiers jours de décembre. C'est alors qu'elle vit son incomparable Guide pour la dernière fois.

[39] D'après le livre du Chapitre du monastère de Moulins, la Mère Marie-Hélène avait été élue Supérieure le 4 novembre.

[40] La Mère Marie-Jacqueline Compain.

[41] La fondation de Saint-Étienne avait été faite le premier dimanche d'octobre de cette année 1622 : la Mère Françoise-Jéronyme de Villette en fut nommée Supérieure : elle eut pour coopératrices les Sœurs Marie-Élisabeth Chevalier, Marie-Philiberte Aysement, Marie-Françoise Raton, toutes professes de Lyon, et Sœur Jeanne-Françoise Coste, novice pour le rang des Sœurs domestiques.

[42] Le 8 décembre 1622, le roi Louis XIII fit son entrée solennelle à Lyon, pour laquelle les deux cours de France et de Savoie déployèrent toutes leurs splendeurs. « Saint François de Sales (est-il dit dans l'histoire de la fondation de Lyon)., voulant demeurer seul au parloir avec ses filles, comme un père avec ses enfants, laissa aller tous ses gens voir cette pompe magnifique, sans se soucier de ce grand faste et appareil du monde, et il nous entretint sur la différence de la fête que l'Eglise célébrait en ce jour, et sur la fête politique de la ville pour l'entrée du Roi. Notre digne Mère de Chantal eut une joie nonpareille à retrouver ce Bienheureux Père de son âme ; mais elle n'en put jouir comme elle l'eût désiré. La ville était remplie de personnages de distinction, et tous affluaient à la Visitation pour y voir le soleil des prélats, ainsi qu'on appelait saint François de Sales : l'archevêque de Bourges et son neveu, M. l'abbé de Neuchèze, la dévote Sœur Marie de Valence et le Père Cotton, Jésuite, se trouvèrent réunis un jour au parloir du monastère. On eût dit que notre maison était le rendez-vous des plus saintes personnes et fût devenue comme une cour céleste, tandis que les cours des princes souverains remplissaient la ville. Cependant un jour le Bienheureux, pouvant disposer de quelques heures, vint au parloir pour conférer avec la Vénérable Fondatrice ; mais, quel que fût le désir de celle-ci de lui parler de son intérieur, il ne le voulut point permettre, la remettant pour cela à leur retour à Annecy, et lui ordonna d'aller visiter les monastères de Valence, Grenoble et Belley, avant de rentrer en Savoie. Sainte de Chantal partit promptement, sans se douter qu'elle ne devait plus revoir ici-bas son Bienheureux Père. »

[43] Sœur Anne-Marie Tisserand (la présidente Le Grand).

[44] « Madame de Vigny, veuve sans enfants, qui avait fort contrarié l'établissement, changea tellement cette répugnance en une véritable affection, qu'elle prêtait et donnait plusieurs choses, et enfin, trois mois après, elle donna sa chère personne à l'Institut, se rendant bienfaitrice du monastère de Dijon, où elle a demeuré depuis avec tant de vertu et d'affection pour nos maisons, que partout où sa peine et ses biens ont été requis, elle s'y est employée comme vrai membre de l'Institut. » (Fondation inédite de Dijon, par la Mère de Chaugy.)

[45] Voir la note de la lettre XXIII.

[46] L'établissement d'un second monastère de la Visitation à Paris.

[47] Cette novice ne persévéra point.

[48] Les nouvelles demandées par la Vénérable Fondatrice ne tardèrent pas à lui être transmises, mais bien différentes de ce qu'elle attendait. Le saint Évêque de Genève qui se trouvait à Lyon, fut frappé d'apoplexie dans l'après-midi du 27 décembre. À cette nouvelle, la désolation devint générale : des princes, des prélats, des religieux accoururent pour contempler un Saint dans la lutte suprême et recevoir sa dernière bénédiction. Ils le virent aussi calme, aussi serein, aussi doux qu'il l'avait été durant sa vie ; c'était l'ami, le disciple, l'imitateur du Cœur de Jésus qui s'élançait dans le lieu de son éternel repos. Cet heureux passage arriva le 28 décembre, jour de la fête des Saints Innocents. « Or, le même jour, la Vénérable Mère de Chantal étant le soir en oraison, elle entendit une voix lui dire distinctement : Il n'est plus, et fut en même temps avertie que ces paroles concernaient son Bienheureux Père ; mais comme nous ne voulons pas nous persuader les choses que nous redoutons beaucoup (dit la Mère de Chaugy), elle ne voulut aucunement admettre cette pensée. »

[49] La dévotion des Lyonnais envers le B. Évêque de Genève éclata avec enthousiasme au moment même de son trépas. Ils accoururent en foule vénérer ses précieuses dépouilles et réclamer sa protection. Quand il fut question de transporter le saint corps en Savoie, on vit un soulèvement général ; les magistrats et le peuple s'opposèrent d'un commun accord à ce départ. Il fallut que les principaux de la ville d'Annecy, forts du testament de l'illustre défunt, recourussent au prince de Piémont et celui-ci au roi de France, qui donna ordre de restituer le précieux dépôt. Aussi, lorsque la Mère de Chantal, à son tour, réclama l'intervention de Victor-Amédée, ses désirs avaient été prévenus, et le 22 janvier, la petite cité illustrée par l'épiscopat de saint François de Sales recevait avec des transports de vénération les reliques bénies de son incomparable Pasteur.

[50] On lit dans l'Histoire de la fondation du premier monastère d'Annecy : « Aussitôt que le béni corps [de saint François de Sales] eut été apporté dans l'église de ce premier monastère, on sentit par toute la maison des odeurs célestes, ce qui fut cause que notre digne Mère commanda absolument à la sacristine qui, seule, pouvait avoir des pastilles et eaux de senteur pour sa charge, de n'en user en façon quelconque, donnant la même obédience à toutes les Sœurs de ne manier, ni mettre chose odorante par le monastère ; mais toutes ces précautions ne servirent qu'à mieux faire connaître la grâce de Notre-Seigneur, car les cloîtres, allées, chœur, oratoires et autres lieux du couvent étaient souvent parfumés d'une très-douce odeur, laquelle, comme une onction céleste, répandait plusieurs bénédictions intérieures sur cette communauté. »

[51] La Mère de Blonay avait recueilli avec un soin filial tout ce qui servit au Bienheureux Évêque, pendant sa maladie et après sa mort. Mais le plus riche trésor conservé au monastère de Lyon fut le cœur de saint François de Sales, qui y demeura l'objet d'un culte spécial jusqu'à la Révolution de 1793 ; les Religieuses, forcées de quitter la France, emportèrent cette relique comme la plus douce consolation de leur exil. Le cœur de saint François de Sales est actuellement vénéré à la Visitation de Venise.

[52] La Sainte rédigeait alors les Directoires des officières, lesquels font partie du Coutumier.

[53] L'abbaye de Sainte-Catherine (de l'Ordre de Saint-Bernard, située à une demi-lieue d'Annecy) étant tombée dans un déplorable relâchement, saint François de Sales mit tout en œuvre pour lui rendre son ancienne splendeur. Voyant l'inutilité de ses efforts, quelques-unes des Religieuses les plus ferventes, ayant à leur tête la Mère Louise-Blanche-Thérèse de Ballon, résolurent de se retirer pour fonder ensemble un nouveau monastère, où elles feraient refleurir la primitive observance. Soutenues par la protection du Bienheureux Prélat et aidées de ses conseils, elles purent venir à bout de leur difficile entreprise, et le 8 septembre 1622, la première maison de la réforme était solennellement établie à Rumilly. D'après la promesse du saint Évêque, promesse que la mort ne lui laissa pas le temps d'effectuer, la Mère de Chantal envoya deux de ses filles chez les Dames Bernardines pour initier celles-ci aux usages monastiques. Dieu bénit la nouvelle famille religieuse, qui se propagea rapidement ; la Mère de Ballon avait établi six maisons de son Institut en Savoie et Un plus grand nombre en France, quand elle fut conviée au repos éternel, le 14 décembre 1668.

[54] « Madame de Chazeron, fille du maréchal de Saint-Géran, gouverneur du Bourbonnais, et dame d'honneur de la reine Marie de Médicis, ayant eu de notables déplaisirs en son mariage (dit la Mère de Chaugy), on fut d'avis qu'elle se retirât en notre monastère de Moulins, où, ayant séjourné l'espace de trois mois, toutes choses se pacifièrent, et elle prit une si grande estime et affection de notre manière de vie, qu'elle se résolut de moyenner l'établissement d'un de nos monastères où elle pût entrer quelquefois en qualité de bienfaitrice. M. son mari fut très-content de lui donner cette satisfaction, et comme c'était auprès de notre très-honorée Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard que cette bonne dame avait trouvé sa consolation, elle s'adressa à elle pour cette fondation. »

La Mère de Bréchard partit pour Riom, accompagnée des Sœurs Louise-Antoinette Ogier, Marie-Catherine Chariel, Françoise-Catherine de Gerbes, Marie-Séraphine de Lalande, Marie-Madeleine Carré, et d'une novice pour le rang des Sœurs domestiques.

[55] La grande vertu de la Sœur Anne-Marie Rosset parut sans doute une raison suffisante à la Sainte pour accorder cette permission, qu'elle refusa en tout autre cas.

[56] Les Religieuses destinées à la fondation du monastère de Marseille quittèrent Annecy le 12 avril 1023. Ce furent les Sœurs Françoise-Marguerite Favrot, Claude-Catherine Joly de Vallon, Marguerite-Scholastique Favrot, Marguerite-Agnès de Rajat, Marie-Éliennette Devillers, du voile blanc, auxquelles on adjoignit une professe de Lyon, Sœur Marie-Éléonore Gontal. (Premier livre du Chapitre du monastère d'Annecy.)

[57] Novice qui ne persévéra pas.

[58] Le Père Jean Fourier, Jésuite, cousin germain du vénérable curé de Mattaincourt, fut nommé en 1576 recteur de l'Université de Pont-A-Mousson, plus tard recteur du collège d'Avignon, puis de Chambéry, et enfin Provincial. C'est à cette époque de sa vie qu'il eut l'honneur de diriger saint François de Sales durant la retraite préparatoire à son sacre ; vers 1608, il l'engagea à publier l'Introduction à la vie dévote, et en 1622 eut la consolation de l'assister à la mort.

[59] Arrivée à Riom avec ses coopératrices, la Mère de Bréchard fut en butte à tant de contradictions de la part des magistrats, qu'elle dut un instant céder à l'orage et accepter l'hospitalité que lui offrait la communauté de Montferrand, où elle demeura jusqu'à la fin de juillet de cette année 1623.

[60] Sœur Françoise-Gasparde de la Grave, reçue au premier monastère d'Annecy en 1617, fut spécialement aimée et cultivée par saint François de Sales, et se montra toujours digne d'un si grand maître. On admira surtout en cette fervente Religieuse un calme, une douceur inaltérable au milieu des contradictions de tout genre qu'elle eut à surmonter. « Mon Bienheureux Père m'a appris, disait-elle en ces occasions, que l'amour de l'abjection ne doit jamais s'éloigner de notre cœur d'un seul pas. » Elle fut Supérieure à Belley, Bourges, Périgueux, d'où elle contribua à la fondation de Tulle, gouverna trois ans le monastère de Seyssel et revint terminer dans sa maison de profession une carrière si bien remplie. Après sa mort (1658), on trouva dans ses papiers toutes les choses humiliantes qui lui avaient été dites, soigneusement conservées sous cette inscription : « Ceci est pour parfumer mon cœur de l'odeur précieuse de l'abjection. » (Année Sainte, 1er volume.)

[61] À peine le doux Évêque de Genève eut-il quitté cette terre d'exil, que le Seigneur, magnifique dans ses récompenses, se plut à faire éclater la gloire de son fidèle serviteur par d'admirables prodiges. À la seule invocation du nom de François de Sales, la vue était rendue aux aveugles, la parole aux muets, l'ouïe aux sourds, les morts revenaient à la vie ! L'affluence des pèlerins devint telle que l'église de la Visitation était impuissante à les contenir, et les miracles si nombreux qu'on ne pouvait suffire à les relater.

[62] Jusqu'ici, tous les éditeurs des Lettres de sainte de Chantal ont placé le mariage de son fils au printemps de l'année 1624 ; mais il est évident qu'il eut lieu en mai 1623, ainsi que le prouve la pièce suivante, copiée sur les registres de l'ancienne paroisse Saint-Paul, de Paris (lesquels registres furent conservés à l'Hôtel de ville jusqu'à l'incendie de 1871). Voici la reproduction intégrale de ce document :

« Ledit jour (7e mai 1623), fut publié le premier ban d'entre messire Celse-Bénigne de Rabutin, seigneur et baron de Chantal, Barbilly (sic), Monthalon (sic), etc., et de damlle Marie de Coullanges (sic) ; le second, le 14e ; fiancés ledict jour et mariés à Sousy par M. l'archeuesque de Bourges. »

[63] Le B. Fondateur n'avait jamais permis à ses filles de réciter l'Office canonial, mais il avait introduit pour les grandes solennités quelques additions de cet Office à celui de la Sainte Vierge ; voici le texte de la réponse dont parle la Vénérable Mère de Chantal : « Quant à l'Office, on m'a dit qu'on trouvait à redire de quoi ès fêles principales on mettait les Psaumes de Notre-Dame avec le Chapitre, les Versets et l'Oraison du jour ; mon Dieu ! que cette plainte est délicate ! Les Pères de l'Oratoire font bien plus, et en Italie plusieurs évêques ont composé tout entièrement les Offices des Saints de leurs Églises. Mais il n'y a remède, il faut souffrir que chacun parle à son gré, et pour adoucir tout, tant que nous pourrons, il faudra donc dire tout à fait l'Office de Notre-Dame, et à la fin ajouter une commémoration du jour ; car à cela on n'aurait rien à dire. » Cette dernière pensée du B. Évêque a été adoptée au Coutumier, et les Religieuses de la Visitation ne récitent l'Office canonial qu'aux trois derniers jours de la semaine sainte ; dans toutes les antres solennités elles conservent l'Office de la Sainte Vierge.

[64] Pour éclairer le dortoir pendant la nuit.

[65] Selon les Constitutions de la Visitation, la Supérieure ne doit demeurer en charge que trois ans, après lesquels elle dépose en présence du Chapitre le gouvernement de la maison. Jusque-là, d'après l'ordre formel de saint François de Sales, la Vénérable Mère de Chantal avait toujours été Supérieure à Annecy ; mais l'année qui suivit la mort du Saint, elle voulut donner l'exemple de la fidélité à l'observance en un point si essentiel, et qu'elle pressentait devoir être vivement combattu.

[66] Ces deux guérisons miraculeuses ne furent que le prélude des prodiges nombreux opérés à Bourges par l'intercession du Bienheureux Évêque de Genève. « Ne semble-t-il pas (est-il écrit à ce sujet dans l’Histoire de la fondation de Bourges) que l'église de Saint-François de Sales est cette piscine probatique où les infirmes et les malades attendent l'Ange du Seigneur pour remuer l'eau ? car notre Saint est l'Ange qui donne au nom de Dieu la santé ou le soulagement à tous. »

[67] Il s'agit de la fondation de Riom.

[68] À son arrivée à Annecy, le corps du Bienheureux Évêque de Genève fut provisoirement déposé dans l'église de la Visitation, proche la grille du chœur des Religieuses. « Il demeura ainsi jusqu'au 10 juin 1623, que ce précieux dépôt fut placé dans une châsse de plomb, et celle-ci dans une de bois, laquelle fut posée dans un tombeau érigé contre la muraille de l'église, du côté de l'épître, élevé sur un soubassement d'un pied et demi environ sur lequel est une table d'attente, où, au lieu d'épitaphe, on a posé un grand tableau de ce fidèle Pasteur, entouré de ses chères brebis de la Visitation, lesquelles sont agenouillées, et comme recevant de sa main les Constitutions qu'il a prescrites, pour dresser leurs pas en la voie du ciel. » (Fondation du premier monastère d'Annecy.)

[69] Le Coutumier modifia plus tard cette décision de la Sainte.

[70] Jalouse de conserver le double héritage d'admirables exemples et de précieux enseignements que son Bienheureux Père avait légués à la postérité, la Mère de Chantal s'occupa dès 1623 a recueillir ses écrits et à préparer des matériaux pour l'histoire de sa vie.

Plusieurs auteurs se mirent à l'œuvre, entre autres l'abbé de Longueterre, le Père Dom Jean de Saint-François, général des Feuillants, le Père Philibert de Bonneville, provincial des Capucins de Savoie, et le Père de la Rivière, Minime. C'est auprès de la grande Fondatrice, dont la belle Âme semblait refléter celle de l'illustre défunt, que tous vinrent s'inspirer ; c'est à l'école d'une Sainte qu'ils apprirent a retracer les vertus d'un Saint.

[71] Le Directoire spirituel, rédigé presque en entier par saint François de Sales à l'usage de ses filles, n'est qu'un exposé des vues surnaturelles dont il vivifiait toutes ses œuvres. Attention continuelle à la divine présence, fidélité à la grâce, totale indifférence au bon plaisir de Dieu, soin constant de mortifier toutes les inclinations humaines, afin de conformer son cœur au Cœur de Jésus : tels sont les moyens par lesquels les Religieuses de la Visitation peuvent, à l'exemple de leur Bienheureux Père, dans une vie commune en apparence, s'élever à la plus haute sainteté.

[72] Religieuse plus lard, sous le nom de Sœur Anne-Françoise de Montrambault.

[73] Très-vertueux ecclésiastique, dont le zèle avait contribué à l’établissement du monastère de cette ville.

[74] Mgr Pierre Camus, évêque de Belley.

[75] Après avoir séjourné quelque temps au monastère de Montferrand, la Mère de Bréchard et ses compagnes s'étaient rendues à Riom pour hâter l'affaire de la fondation projetée en cette ville. Malgré les ordres formels de la reine Marie de Médicis, les magistrats continuant à s'opposer à l'établissement, la petite communauté dut se retirer dans une maison de louage où, pendant plusieurs mois encore, elle fut soumise à de pénibles contradictions.

[76] En quittant Belley, la Sainte s'était rendue à Chambéry, où l'on désirait l’établissement d'un monastère de la Visitation.

[77] Sœur Anne-Jacqueline Coste, première tourière de la Visitation, décéda le 25 août 1623.

[78] La Sainte indiqua différemment au Coutumier la longueur des retraites et la manière de les faire.

[79] Claude de la Magdelaine de Ragny, évêque d'Autun. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal avait demandé au prélat de faire la visite canonique au monastère de Moulins, cette ville faisant alors partie de son diocèse.

[80] Sœur Claude-Simplicienne Fardel, si connue par la belle réponse que lui fit saint François de Sales, quand, avec une incomparable naïveté, elle lui offrit d'être Religieuse à sa place, entra au premier monastère d'Annecy en 1614 et y mourut en 1629. Cette humble paysanne fut, au milieu des âmes héroïques dont se composait la Visitation naissante, la personnification de la plus aimable ingénuité. Reçue d'abord au rang des Sœurs domestiques, elle passa plus tard à celui des associées. « Sa grande vertu et son bon jugement (écrivit la Bienheureuse Fondatrice au Livre des Vœux) permirent de lui confier toutes les charges, excepté celle d'assistante. « Bien que sa Vie, composée par la Mère de Chaugy, n'en fasse aucune mention, il paraît que Sœur Claude-Simplicienne fut directrice à Belley, comme le prouve cette lettre, écrite tout entière, ainsi que l'adresse, de la main de sainte de Chantal.

[81] « Ces filles assemblées et de tout âge », attirées par l'éminente sainteté de madame de Capelis, s'étaient groupées autour d'elle, sans autre loi que ses conseils et ses exemples ; mais à la mort de cette admirable veuve, dont les austérités rappelaient celles des anciens solitaires de la Thébaïde, et que le vénérable César de Bus, son confesseur, disait être la plus sainte âme qu'il eût connue, le petit troupeau fut dispersé. Il ne resta que neuf de ses pieuses filles, qui résolurent de vivre en communauté sous la règle de Sainte-Ursule. Le but de cet Institut ne secondant pas leur attrait pour la vie contemplative, par le conseil des révérends Pères Jésuites, elles tournèrent leurs regards vers la Visitation, et s'adressèrent à la Mère de Blonay pour obtenir l'établissement d'un monastère de cet Ordre à Avignon. Le 24 octobre 1623, la Mère Marie-Claire de la Balme, avec les Sœurs Jeanne-Marie Compain, Anne-Claude Colin, Marie-Lucrèce Coursant, Marie-Pierrette Perrault et Claude-Eléonore Leurat, partirent pour commencer la nouvelle fondation.

[82] M. Pioton, avocat au souverain Sénat de Savoie, était ami et allié de la maison de Blonay. Fils spirituel de saint François de Sales, et plein de vénération pour la Vénérable Mère de Chantal, il la seconda de tout son pouvoir lors des fondations de Chambéry, Evian et Turin. Plus tard, M. Pioton embrassa la carrière ecclésiastique, fut confesseur du premier monastère d'Annecy, et mourut en odeur d'une très-grande piété.

[83] Pendant les quelques heures que la Bienheureuse Fondatrice passa à Riom en se rendant à Montferrand, sa seule présence et l'éclat de sa sainteté furent plus favorables à l'entreprise que toutes les poursuites continuées pendant plusieurs mois. Les difficultés s'aplanirent, les permissions furent accordées, et, à son retour de Montferrand, sainte Jeanne-Françoise de Chantal eut la consolation d'assister à l'établissement définitif de ses filles, « Le 8 décembre (disent les anciens Mémoires), la messe fut célébrée fort solennellement par M. l'official dans la chapelle du nouveau monastère ; à la fin, notre Vénérable Mère entonna elle-même le Te Deum en action de grâces. Tout le peuple bénissait Dieu et donnait autant d'acclamations à cette fondation qu'il avait auparavant prodigué de blâmes et d'injures. »

[84] Madame de Vigny, bienfaitrice du monastère de Dijon, était venue passer quelques mois à Lyon, auprès de la Mère de Blonay ; c'est à son retour en Bourgogne que sainte Jeanne-Françoise de Chantal lui adressa cette lettre.

[85] Vénérable prêtre d'Orléans qui, s'étant souvent offert à la sainte Vierge pour la servir à jamais, entendit une voix intérieure lui dire : « Va, et te donne au service de mes filles. » Se laissant conduire à l'esprit qui le poussait, il alla se présenter à la Visitation de Moulins, où il remplit pendant dix-sept ans la charge de confesseur ordinaire avec un admirable dévouement, et mourut en réputation de sainteté.

[86] Sœur Françoise-Blandine de la Croix, ange d'innocence, qui décéda au premier monastère d'Annecy à l'âge de dix-sept ans, le 18 décembre 1623, après cinq mois de profession. (Année Sainte, XIIe volume. )

[87] « Nous partîmes de Nessy (écrit sainte de Chantal) le 14e de janvier 1624, avec nos Sœurs Marie-Adrienne Fichet, Claude-Marie Tiolier, Marie-Gasparde d'Avisé, Gasparde-Angélique Brunier, Claude-Agnès Daloz, Claude-Cécile de Châtel et Jeanne-Étiennette Guyot, accompagnées de M. Michel Favre notre confesseur, et arrivâmes dans cette ville (de Chambéry) le 15e du susdit mois, par l'assistance de Mgr le prince Thomas, qui nous a envoyé prendre dans l'un de ses carrosses. Ce grand prince [chef de la branche de Savoie-Carignan], incomparable en vertus et en piété, favorisa entièrement notre établissement et nous assista de grosses aumônes. » (Livre des Vœux, du monastère de Chambéry.)

[88] « Le bon M. Maurice Maupéau, ecclésiastique que notre Bienheureux Père aimait fort pour sa grande vertu et piété et pour l'affection qu'il portait à la Visitation, quitta sa cure, qui était d'un très-bon revenu, afin d'avoir plus de loisir pour être confesseur de nos chères Sœurs et les servir plus facilement. » (Histoire inédite de la fondation de Chambéry.)

[89] Les Sœurs de Lyon envoyées à la fondation d'Avignon ; elles y éprouvaient de grandes difficultés.

[90] La Mère Marie-Claire de la Balme, professe de Lyon, courut avec tant de générosité à l'odeur des parfums du céleste Époux, que, selon la parole de nos Livres sacrés, en peu d'années elle fournit une longue carrière. « Cette âme angélique et de délices aux Anges (est-il dit dans les anciens Mémoires) arriva à la plus haute perfection par la pratique de la maxime de notre Vénérable Fondateur, qu'elle avait précieusement recueillie de sa bouche : Ne rien désirer, ne rien refuser. » Elle y trouva l'instrument d'un mystérieux martyre, le secret de cette immolation constante qui seule peut transformer la créature et lui permettre de s'écrier : Ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi. Les croix de tous genres qui accueillirent la Mère Marie-Claire à la fondation d'Avignon, où elle fut envoyée en 1623, achevèrent en elle l'œuvre divine ; aussi le Seigneur se hâta de moissonner cette belle âme, mûrie au soleil de la tribulation. Vers la fin de janvier 1624, elle allait continuer au milieu des joies de la patrie le cantique virginal entonné dans les ombres de l'exil. Un reflet des splendeurs célestes se répandit sur sa dépouille mortelle, qui non-seulement demeura longtemps sans corruption, mais encore « était odorante à merveille ; les membres restèrent flexibles, les lèvres vermeilles, le visage béatifique ». Plus de dix mille personnes vinrent lui baiser les pieds en glorifiant Dieu, toujours admirable dans ses Saints. (Vies de IX Religieuses de la Visitation, par la Mère de Chaugy.)

[91] On lit dans l'Histoire inédite de la fondation de Belley : « Nos chères Sœurs reçurent une aveugle, pour imiter l'évangélique parabole du banquet céleste. C'était une âme si vertueuse qu'elle était d'une consolation indicible à la communauté. »

[92] Sœur Françoise-Angélique de lu Croix de Fésigny, Religieuse du premier monastère d'Annecy, parente de saint François de Sales, mérita d'être appelée une petite sainte par la Vénérable Mère de Chantal, qui pourtant ne savait pas flatter. Après avoir exercé à Riom, pendant quatre ans, la charge de maîtresse des novices, elle fut rappelée à Annecy et envoyée à la fondation du second monastère de cette ville, en qualité d'assistante, puis y succéda, en 1638, à la Mère Madeleine-Élisabeth de Lucinge. À la fin de son triennat, cette vertueuse Déposée rentra dans sa maison de profession, qu'elle continua à édifier jusqu'en 1671.

[93] Ces dames, désirant revenir à la primitive observance, avaient quitté l'abbaye de Tart, où la discipline monastique tombait en décadence, et s'étaient retirées à Dijon. Elles furent aidées dans leur réforme, d'abord par sainte J. F. de Chantal, puis par la Mère Favre ; cette dernière passa même deux mois dans leur monastère, et à son départ envoya la Sœur A. M. Rosset. continuer son œuvre.

[94] Jeune Religieuse de l'abbaye de Tart, qui, après avoir vécu plusieurs années dans la tiédeur, fut si vivement touchée par la grâce, qu'elle devint l'édification de sa communauté. Pour s'affermir dans la pratique de la vertu, elle obtint de passer une année à la Visitation de Dijon, où elle aurait voulu demeurer toute sa vie.

[95] L'archevêque d'Avignon, qui, pendant plus de quatre mois, avait refusé les permissions nécessaires pour l'établissement d'un monastère de la Visitation dans sa ville archiépiscopale, « se trouva tout à coup plein de bonne volonté pour nos Sœurs (dit la Mère de Chaugy), et, le 18 mars, vint en personne à leur église, fit assembler le peuple, allumer les cierges, bénit la chapelle et fit lire tout haut par son greffier la bulle d'établissement qu'il remit à la Sœur assistante ». (Histoire inédite de la fondation d'Avignon.)

[96] La Mère Rosset était encore chez les Bernardines.

[97] La Mère Marie-Jacqueline Compain, qui accompagna effectivement la Mère de Bréchard.

[98] « Le jour même de Pâques, tandis que Chantal faisait ses dévotions à sa paroisse avec toute la famille de sa femme, un laquais de Boutteville lui vint dire dans l'église où il était encore, que son maître l'attendait à la porte Saint-Antoine. Il y alla en petits souliers à mule de velours, comme on en portait alors, et servit de second à Boutteville contre Pontgibaud. Ce duel fit grand bruit ; les prédicateurs déclamèrent fort contre un si grand scandale, et Chantal se retira en Bourgogne, où il fut caché à Alonne, chez Toulonjon, son beau-frère. » (Histoire généalogique de la maison de Rabutin.)

[99] « En 1624, les miracles étaient si nombreux qu'à peine suffisait-on à les enregistrer ; aussi le tombeau (de saint François de Sales) et ses abords étaient-ils encombrés d'ex-voto. On jugea le moment venu de procéder aux enquêtes ; la ville d'Annecy se prêta avec empressement à cette initiative et fit, dans ce but, une procuration au Père dom Juste Guérin. Ce zélé Religieux y déploya tant de diligence, qu'en 1626 il put porter à Rome un volumineux recueil des enquêtes faites par lui en Savoie et en France.

[100] Ainsi que le prouve cette lettre, le Coutumier, couronnement de l'admirable législation donnée par saint François de Sales à son Institut, n'est pas, comme on l'a parfois supposé, l'œuvre de sainte de Chantal. Outre les conseils donnés de vive voix à ses filles, le B. Fondateur avait laissé parmi ses écrits quantité de notes touchant la Visitation ; elles contenaient des éclaircissements sur une foule de points d'observance, sur les cérémonies de l'Office divin, sur plusieurs usages que le temps avait introduits, et même des avis pour certaines difficultés que l'avenir pouvait présenter. La Vénérable Mère de Chantal, témoin de la merveilleuse propagation de son Ordre, se décida à revoir tous ces précieux Mémoires, à les coordonner afin d'en former un livre qui, prévoyant tout dans les moindres détails, conserverait dans les monastères l'uniformité et la ferveur. À cet effet, elle convoqua à Annecy les premières Mères de la Visitation, lesquelles ayant été formées à la vie religieuse par le saint Instituteur lui-même, devaient connaître mieux que personne ses intentions et son esprit. L'assemblée eut lieu dans le courant du mois de mai 1624, et réunit autour de la Vénérable Fondatrice :

La Mère Marie-Jacqueline Favre, supérieure à Dijon,

La Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard, supérieure à Riom,

La Mère Péronne-Marie de Châtel, supérieure à Grenoble,

La Mère Anne-Catherine de Beaumont, supérieure à Paris,

La Mère Marie-Madeleine de Mouxy, supérieure à Belley,

La Mère Marie-Jacqueline Compain, professe de Lyon, supérieure à Montferrand,

La Sœur Marie-Adrienne Fichet, assistante à Chambéry.

On leur adjoignit là Sœur Marie-Marguerite Michel, assistante à Annecy, et les quatre Sœurs conseillères de ce monastère. — Le Coutumier étant achevé, lecture en fut faite à tout le Chapitre, et chacune certifia qu'il ne contenait rien que les avis donnés et laissés par saint François de Sales ; en foi de quoi signèrent les premières Mères nommées ci-dessus. — La Mère de la Roche et la Mère de Blonay manquaient à l'appel : l'une étant retenue par ses infirmités, l'autre n'ayant pu obtenir des Supérieurs ecclésiastiques du monastère de Lyon la permission de s'absenter, ne fût-ce que pour quelques jours.

[101] La Sainte parle ici agréablement de son petit-fils encore au berceau.

[102] Mgr Pierre Camus s'était laissé prévenir contre la Supérieure de la Visitation de Belley, la Mère Marie-Madeleine de Mouxy. Celle-ci s'étant rendue à l'assemblée convoquée à Annecy, pour la rédaction du Coutumier, sainte de Chantal la retint auprès d'elle, et envoya à sa place la Mère Marie-Marguerite Michel, qui parvint à apaiser le prélat et à reconquérir sa bienveillance.

[103] La Mère de Bréchard, en quittant Annecy, s'était arrêtée à Moulins pour affermir la Sœur de Morville dans ses bonnes résolutions.

[104] À cette époque, le besoin de la réforme se faisait sentir dans la plupart des monastères et des anciennes abbayes où la règle était tombée en désuétude. Saint François de Sales, et après lui sainte de Chantal, ouvrirent quelquefois les portes de la Visitation aux âmes désireuses de se former à l'esprit religieux et aux observances monastiques, pour ensuite les faire refleurir dans leurs cloîtres respectifs.

[105] La Mère de Chaugy a consacré quelques lignes d'un charme remarquable à la courageuse vocation de cette jeune fille, qui, profitant d'un bal donné en son honneur la veille de l'Épiphanie, s'enfuit de la maison paternelle, et, « guidée par l'étoile de la céleste inspiration, vint se jeter au monastère pour s'offrir elle-même au roi Jésus ». Toute la suite de sa vie religieuse répondit à un début si généreux, et, après quelques années de continuelles souffrances, elle fut, selon que le chante la sainte Eglise, « jugée digne d'être présentée au Seigneur dans le temple de son éternelle gloire ». (Année Sainte, VIIIe volume.)

[106] Sainte Jeanne-Françoise de Chantal écrivit cette lettre en quittant Dijon où elle s'était rendue depuis Belley. C'est en cette année 1624, dit l’Histoire de la fondation de Dijon, que la Sainte donna le voile à la Sœur Anne-Thérèse de Berbisey, sa parente.

[107] Sœur M. -Gasparde d'Avise avait remplacé à Chambéry, dans la charge d'assistante, Sœur M. -Adrienne Fichet, venue à Annecy pour l'assemblée du Coutumier.

[108] Religieux de la Compagnie de Jésus qui contribua beaucoup à la fondation du monastère d'Évian.

[109] Sœur Marie-Françoise Humbert, professe d'Annecy dès l'année 1621, comprit avec le Psalmiste qu'il vaut mieux être abject dans la maison de Dieu que d'habiter les tabernacles des pécheurs. Après avoir joui de la confiance des princes de la terre dans la place de sous-gouvernante des Enfants de France, après avoir, en cette qualité, enseigné à Louis XIII les premiers éléments de la piété, elle vint à son tour apprendre à la cour du Roi céleste la grande leçon de l'humilité et de la mort à soi-même. Bientôt cette vraie Religieuse se rendit si habile dans la science de la croix, qu'elle devint capable de la communiquer aux autres, ce qu'elle fit au monastère d'Évian (depuis transféré à Thonon), dans ceux d'Embrun, de Pignerol, de Crest, de Valence, et au second d'Annecy, qu'elle gouverna successivement. Rentrée dans sa chère maison de Thonon, elle s'y endormit du sommeil des justes, riche des victoires remportées sur les ennemis de son Dieu. (Année Sainte, VIIe volume.)

[110] « Or il était arrivé en notre monastère de Grenoble (disent les anciens Mémoires) que, ne sachant pas que notre B. Père avait déclaré qu'il ne fallait pas que les Supérieures fussent en charge en un même monastère plus de deux triennaux, le Père spirituel et nos chères Sœurs, qui aimaient parfaitement notre très-bonne Mère Péronne-Marie de Châtel, la réélurent après ses six ans, à son très-grand regret ; mais, comme l'on n'avait point encore le Coutumier, on ne voulut point condescendre aux raisons qu'elle alléguait pour n'être point réélue, les attribuant à son humilité. Notre très-digne Mère de Chantal résolut que cette élection serait tenue pour nulle, et ne voulut jamais recevoir de raisons pour fléchir en ce point, ordonnant à notre Mère de Châtel d'obtenir permission d'aller fonder notre maison d'Aix en Provence.

« La Mère Péronne-Marie partit au mois de juillet, emmenant avec elle les Sœurs Anne-Thérèse de Rajat, Marie-Marthe Marceille, Claude-Marie Savoye, Jeanne-Élisabeth Gay et Jeanne-Marie Barcelet. » (Histoire de la fondation du monastère de Grenoble.)

[111] Pendant son séjour à Alonne (disent les anciens Mémoires), la Mère de Chantal avait promis à sa fille que si le ciel était propice à ses vœux, elle donnerait à Autun un couvent de la Visitation, « avec la meilleure des Supérieures, et, à elle, la plus tendre des amies ». Cette excellente Supérieure, cette amie dévouée, c'était la Mère Marie-Hélène de Chastellux. Dieu ayant tout disposé pour la nouvelle fondation, elle partit de Moulins le 5 novembre 1624, accompagnée des Sœurs A. -Baptiste Chauvel, M. -Philippe de Pédigon, J. -Française Ferault, Claude-M. Duguest, M. -Gabrielle de Monet et Marg. -Éléonore de Montmartin ; ces deux dernières n'étaient encore que novices. Le 8 novembre eut lieu la cérémonie de l'établissement, présidée par M. Guyon, grand vicaire d'Autun.

[112] Sœur Marie-Françoise de Livron, initiée aux vertus religieuses par saint François de Sales et sainte de Chantal, puisa si bien auprès d'eux le pur esprit de la Visitation, que, selon leur témoignage, elle devint « l'amie de la vie cachée, l'humble de l'Institut ». Aussi dut-elle se faire une extrême violence pour accepter la charge de Supérieure d'abord au monastère de Grenoble, en 1625, puis à celui de Sisteron en 1631. Après les avoir gouvernés « avec beaucoup d'humilité, de vertus et de croix », cette fervente Religieuse revint à Annecy, d'où, le 24 mars 1645, elle s'en alla recevoir la récompense promise aux humbles de cœur.

[113] Quoique la Mère de Châtel fût à Aix depuis quatre mois, le Père spirituel de la Visitation de Grenoble persistait à la regarder comme Supérieure de ce monastère, et ne voulait pas permettre de procéder à une nouvelle élection. « La bonne Sœur assistante, se trouvant bien en peine (dit l’Histoire de la fondation de Grenoble), pria notre digne Mère de Chantal, le recours ordinaire et assuré de toutes nos maisons, de s'acheminer à Grenoble, ce qu'elle fit, maniant le tout avec tant de prudence qu'elle obtint par une seule parole ce que tant d'autres Supérieures de l'Institut n'avaient pu obtenir par de longues et instantes prières. Cette unique Mère demeura quelques semaines avec ses chères filles, leur fit faire une nouvelle élection, et la Sœur assistante eut les voix. »

Quoique les anciens Mémoires placent le voyage de sainte de Chantal au mois de septembre, il est certain que ce voyage et l'élection n'ont eu lieu qu'en janvier 1625, puisque le 21 décembre la Sœur de Livron signait encore les comptes de l'année en qualité d'assistante-commise.

[114] La Vénérable Mère Anne-Marguerite Clément, née à Cléron (Franche-Comté), fut, suivant le sens étymologique de son nom, l'une des plus riches perles du diadème de saint François de Sales. En la recevant (1617) au premier monastère d'Annecy, ce Bienheureux Père l'appela tout d'abord une véritable vierge, une vraie épouse de Jésus-Christ. Avide de souffrances, zélée pour la gloire du Seigneur, à l'égal des Gertrude, des Thérèse, des Claire de Monte-Falcone, elle ne fut pas moins gratifiée que ces illustres Saintes. Le Verbe incarné lui communiqua de très-hautes lumières sur les mystères de sa vie et de sa douloureuse passion, et l'introduisit dans la plaie de son sacré côté, où elle put s'enivrer d'ineffables délices.

Si la mission de cette Vénérable Mère ne fut point, comme celle de la Bienheureuse Marguerite-Marie, de faire entendre à l'univers les plaintes du Cœur de Jésus, elle fut favorisée cinquante ans plus tôt des manifestations de ce Cœur adorable, et apprit de Lui que saint François de Sales avait été choisi, entre tous les fondateurs d'Ordres, pour établir un Institut qui rendit un continuel hommage à son Sacré Cœur par une vie cachée et anéantie. Elle vit aussi la très-sainte Vierge puiser dans ce Cœur brûlant d'amour l'esprit de la Visitation, pour le communiquer à toutes les âmes qui en font partie.

Les grâces extraordinaires dont la Mère Anne-Marguerite était comblée se manifestèrent avec éclat, d'abord au monastère d'Orléans, puis à ceux de Montargis et de Melun, qu'elle établit et gouverna. Sa profonde humilité, son admirable patience, au milieu des contradictions et des épreuves qu'elle reçut comme des faveurs plus précieuses encore que les ineffables caresses du Seigneur, prouvèrent à sainte de Chantal que le seul Esprit de Dieu agissait en cette amante privilégiée. Consumée par des ardeurs séraphiques, elle fut admise à l'éternel baiser de Époux, le 3 janvier 1661. — « Tant de personnes ont été secourues par les prières de cette vertueuse Mère, pendant sa vie et après sa mort (disent les anciens Mémoires), qu'on y voit l'accomplissement de la promesse que Notre-Seigneur lui fit un jour sur le troisième verset du Magnificat, qu'il lui ferait tant de bien qu'elle serait heureuse pour elle et pour plusieurs. »

La vie de la Mère Clément, écrite en latin par son directeur, le Père dont Galice, Barnabite, et traduite plus tard en français, forme un volume in-8° qui n'a pas été réimprimé.

[115] M. Guyon, grand vicaire d'Autun, mérita par l'austérité et l'innocence de sa vie, par sa profonde humilité et les lumières surnaturelles dont il fut gratifié, d'être comparé aux Pierre Fourier, aux de Condren, et autres tels saints prêtres qui ont illustré par leurs vertus ce dix-septième siècle, si riche de toutes sortes de gloires. Attirées par l'éclat de sa réputation, les foules s'attachaient à ses pas pour recueillir quelques paroles de sa bouche, recevoir sa bénédiction, ou même lui demander des prodiges. « On le voyait alors (dit la Mère de Chaugy) se courroucer et tancer le peuple, disant avec larmes que c'était un grand jugement de Dieu de voir toute une populace errer après un pécheur. » Ce vénérable ecclésiastique, pour lequel la Bienheureuse Mère de Chantal avait une si profonde estime, prodigua ses soins au monastère d'Autun en qualité de Père spirituel jusqu'à sa sainte mort, arrivée en 1631.

[116] Les Sœurs Marie-Pétronille Fichet et Françoise-Marguerite Richard.

[117] Chambéry faisait alors partie du diocèse de Grenoble.

[118] Sœur Marguerite-Élisabeth Sauzion, rentrée dans son monastère de Lyon après avoir aidé à l'établissement des maisons de Montferrand et de Dijon.

[119] Vers le milieu de l'année 1624, l'archevêque de Bourges fut atteint d'une grave maladie qui le conduisit aux portes du tombeau. Saisi de teneur à la pensée du compte redoutable qu'il devrait rendre au souverain Juge d'une vocation qui l'obligeait de tendre à la plus haute sainteté, il avait supplié le Seigneur, avec larmes, de lui rendre la santé, protestant de l'employer uniquement à son divin service ; en même temps, il fit vœu d'aller à Rome et à Lorette, et de ne passer aucun jour sans célébrer les saints Mystères. Rendu presque immédiatement à la vie, l'archevêque n'aspira plus que pour Dieu, et, par ses progrès constants dans la perfection, réjouit la Vénérable Mère de Chantal, qu'il précéda de quelques mois dans la bienheureuse éternité.

[120] La Sainte continuait à désigner ainsi Mgr André Frémyot, son frère, bien qu'il eût quitté son archevêché.

[121] La présidente Favre.

[122] Sœur Marie-Élisabeth Fenouillet, veuve du peintre qui, par une innocente supercherie, triompha de l'humilité de saint François de Sales et obtint de tirer son portrait.

[123] Sa sortie du monde pour se retirer à la Visitation de Lyon.

[124] Qui enveloppait le cœur de saint François de Sales.

[125] Madame de Toulonjon ayant appris que son oncle, l'archevêque de Bourges, avait favorisé le baron de Chantal dans ses dispositions testamentaires, fut profondément blessée de ce procédé, et en écrivit à sa sainte Mère, alléguant, pour justifier ses inquiétudes, l'obligation de pourvoir à l'avenir de ses enfants.

[126] Pète spirituel des Sœurs de Belley.

[127] Les Bulles définitives ne furent expédiées que dans l'été de l'année suivante.

[128] La Supérieure étant malade.

[129] Sœur Catherine-Charlotte de Crémaux de la Grange, novice et amie de la Mère de Blonay, fut une des grandes Supérieures de la Visitation. Elle succéda à la Vénérable Mère Marie-Aimée dans le gouvernement du monastère de Lyon, et fit éclater une charité, un dévouement admirables lors de la terrible peste qui désola cette ville en 1628. Les mêmes vertus brillèrent pendant ses six ans de supériorité à Condrieu et dans la fondation des maisons de Bordeaux et d'Agen, dont elle fut la première Supérieure. Peu lui importait la disposition que l'on faisait de sa personne, elle ne cherchait partout que le bon plaisir et la croix du Seigneur. Cette dernière lui tint fidèle compagnie jusqu'au 19 juillet 1651, qu'elle l'échangea contre les palmes de la victoire. (Année Sainte, VIIe volume.)

[130] La Vénérable Sœur Anne-Marie Rosset.

[131] Sainte de Chantal avait cédé l'un et l'autre à M. le prévôt Louis de Sales, sous le nom duquel les Épîtres parurent.

[132] Par respect pour la Bulle d'Urbain VIII, qui défend de donner aux défunts le titre de Bienheureux avant que la sainte Église ait prononcé.

[133] Plaisanterie de la Sainte au sujet de l'économie de M. Pioton et du soin avec lequel il ménageait les intérêts du nouveau monastère.

[134] Les deux demoiselles Dufour et leur belle-sœur, jeune veuve très-pieuse, touchées de l'attrait divin, résolurent, d'un commun accord, de consacrer leurs personnes et leurs biens à la fondation d'un monastère de la Visitation dans la ville d'Évian. La Vénérable Mère de Chantal ayant accédé à leur désir, les trois postulantes allèrent commencer leur noviciat à Annecy, d'où elles partirent le 5 août 1625, avec les autres Religieuses destinées à être les pierres fondamentales du nouvel établissement ; ce furent les Sœurs Marie-Françoise Humbert, Françoise-Agathe de Sales, Anne-Louise Desportes, Marie-Madeleine de Musy, Françoise-Marguerite Richard et Jeanne-Françoise Barandier. « Conduites par la Bienheureuse Fondatrice, elles arrivèrent à Évian le jour de la Transfiguration de Notre-Seigneur. Ce fut un jour de joie ; presque tout le peuple de la ville leur accourut au-devant ; on sonna le carillon avec grande réjouissance, et le lendemain M. le prieur de Blonay fit la prédication et l'installation. » (Histoire inédite de la fondation de Thonon.)

[135] Sœur Claude-Marie Duguest avait été mariée contre son gré à l'âge de treize ans. Devenue veuve l'année suivante, elle se donna toute à Dieu et partagea son temps entre la prière et les bonnes œuvres, jusqu'à sa trente-troisième année, qu'elle entra à la Visitation de Moulins, d'où elle fut plus tard envoyée à la fondation d'Autun. La main du Seigneur s'appesantit alors sur elle : deux cancers à la poitrine et un affreux ulcère dans les entrailles la dévorèrent toute vivante. Comme un autre Job, cette innocente victime n'ouvrit jamais la bouche, au milieu de ses tortures, que pour bénir le Seigneur, « qui lui avait été, disait-elle, et lui était encore trop doux ». Le 10 juillet 1629, Il mit fin à son long martyre et la fit passer dans le lieu de rafraîchissement, de lumière et de paix, (Année Sainte, VIIe volume.)

[136] Nouvelle allusion à l'économie de M. Pioton.

[137] Il se trouvait aussi à Rome, pour solliciter la confirmation de l'Ordre de la Visitation et la dispense perpétuelle du grand Office.

[138] La Mère de Bressand venait d'arriver à Moulins, où elle avait été élue le 15 juillet de cette même année. (Livre du Chapitre de Moulins.)

[139] La Mère Anne-Catherine de Beaumont avait elle-même conduit à Moulins Sœur Marie-Constance de Bressand.

[140] La famille de Blonay habitait les environs d'Evian.

[141] Sœur de la Mère de Blonay, Religieuse Clarisse à Évian.

[142] « La sainte affection que madame de la Fléchère portait à notre Bienheureux Père et à notre digne Mère (disent les anciens Mémoires) lui donna le désir de se rendre fondatrice d'un de nos couvents, et de donner pour cet effet la maison qu'elle possédait à Rumilly. Il n'y eut point de difficultés pour faire cet établissement, lequel notre digne Mère fut commencer, emmenant avec elle les Sœurs Marie-Adrienne Fichet, Marie-Louise Barfelly, Louise-Françoise de Regard, Claude-Marie Tiolier, Marie-Jacqueline de Musy et Marie-Marguerite Machet. La cérémonie de l'établissement eut lieu le 29 septembre 1625. Sainte de Chantal écrivit de sa main le souhait suivant dans le Livre des Vœux du nouveau monastère : « Dieu, par sa douce bonté, veuille arroser de l'eau de sa divine grâce cette nouvelle plante, afin qu'elle croisse en toutes vertus à sa gloire et à l'édification du prochain. Par le commandement de Mgr Jean-François de Sales, je suis venue amener nos chères Sœurs et commencer avec elles cette maison, en laquelle je désire toutes les bénédictions surabondantes et surtout celle de l'exacte observance en esprit de douceur, d'humilité, de simplicité.

Sœur Jeanne-Françoise Frémyot. »

[143] Sœur Claude-Catherine Joly de Vallon, dont la famille fut arrachée à l'hérésie par saint François de Sales, se distingua au premier monastère d'Annecy par sa régularité et sa ferveur. Envoyée à la fondation de Marseille, puis au monastère de Grenoble, Supérieure à Thonon et à Fribourg, partout elle expérimenta, pendant ses soixante-dix ans de vie religieuse, que « le joug de Jésus-Christ, pour celui qui le porte avec amour, est un ornement et non pas un fardeau ».

[144] Oratorien d'Aix en Provence, venu à Rumilly pour y fonder une maison de sa congrégation. Il servit pendant quelque temps de confesseur aux Religieuses de la Visitation de cette ville.

[145] Cette fondation n'eut lieu qu'après la mort de sainte de Chantal.

[146] C'est-A-dire, ne lui imposez aucune austérité, ni fatigue corporelle.

[147] Vieille expression qui veut dire une douceur pleine de bonté.

[148] Propre sœur de la Vénérable Mère Claude-Agnès. Elle prit l'habit au monastère de Chambéry en 1625, et reçut le nom de Marie-Innocente.

[149] La Mère Péronne-Marie de Châtel, qui depuis son départ de Grenoble avait été occupée aux fondations d'Aix en Provence et d'Embrun.

[150] Sœur Françoise-Augustine Brung, professe d'Annecy en 1621, fut employée d'abord à la fondation de Dijon, puis elle établit elle-même le monastère de Saint-Amour, que les guerres du Comté obligèrent de transférer à Bourg et ensuite à Montluel. « Cette fille (disait saint François de Sales) est tout à fait à mon gré, et, si je ne me trompe, entièrement irrépréhensible en l'intérieur comme en l'extérieur. » (Année Saint*, Ier volume.)

[151] Pour y fonder une maison de leur Compagnie.

[152] En allant faire la fondation de Blois, la Mère Paule-Jéronyme s'était arrêtée à Orléans, près de la Mère C. A. Joly de la Roche, déjà atteinte de la maladie de poitrine qui devait la ravir à la vénération de son Ordre.

[153] On lit dans l’Histoire inédite de la fondation de Blois : « Le Révérend Père Louis Le Comte, très-digne Jésuite, étant à Nevers et voyant quelquefois notre très-chère Sœur Paule-Jéronyme de Monthoux, prit en très-grande affection notre Congrégation, « où il voyait, disait-il, un esprit de vraie droiture et de très-solides vertus ». Ayant été appelé à Blois, il résolut de procurer l'établissement d'une maison de la Visitation. Après quelque petit séjour, madame la comtesse de Limours, sœur de M. le cardinal de Sourdis, le prit pour confesseur et directeur, et lui proposa le dessein qu'elle avait d'établir un de nos monastères à Blois, dont il fut parfaitement consolé. Ils en écrivirent à notre très-digne Mère de Chantal, qui accepta leur charité et bonne volonté, et trouva bon que notre très-chère Sœur la Supérieure de Nevers allât faire cet établissement. Elle partit donc, emmenant avec elle les Sœurs Marie-Marthe Bachelier, Anne-Marie Pougnan, Jeanne-Agnès Provenchère, Marie-Françoise de Bestaille et Marie-Louise de Champ. » L'établissement eut lieu le 4 novembre 1625.

[154] Vice-recteur du collège de Chambéry.

[155] L’évêque de Genève et l'archevêque de Bourges. Ce dernier, en revenant d'Italie, avait passe à Annecy.

[156] C'est-A-dire qu'à la fin de son second triennal sainte de Chantal devrait déposer sa charge et faire élire une autre Supérieure.

[157] Sœur Anne-Marguerite Guérin, reçue au premier monastère de Paris par la Vénérable Mère de Chantal, fut une de ces âmes qui ne transigent jamais avec la grâce. Dès son noviciat, elle se montra toute dépouillée d'elle-même, toute dévouée à Dieu et à sa Règle, prête à tout sacrifier pour le service du prochain, d'une indifférence égale aux succès et aux adversités. Elle servit avantageusement son Institut, d'abord au deuxième monastère de Paris, puis en qualité de Supérieure à la fondation du premier de Rouen. Le Seigneur se plut à la combler tour à tour et de ses grâces crucifiantes et de ses grâces consolantes ; mais en vraie fille de saint François de Sales, la Mère Anne-Marguerite chanta d'aussi bon cœur Vive Jésus ! sur le Calvaire que sur le Thabor. — En 1660, elle dota la capitale d'une troisième maison de la Visitation. C'est là que douze ans plus tard, riche de travaux et de mérites, elle s'endormit dans le Seigneur. (Année Sainte, VIe volume.)

[158] Abbesse qui travaillait à établir la réforme parmi ses religieuses.

[159] Les évêques de Bourges et de Genève.

[160] La Mère Françoise-Jacqueline de Musy, fille d'un gentilhomme savoisien, reçut le voile à Annecy des mains de saint François de Sales, et fut, trois ans après, envoyée à la fondation de Nevers. Dans ce monastère, où elle succéda comme Supérieure à la Mère Paule-Jéronyme de Monthoux, à Montargis, à Moulins (où en 1641, elle eut la douloureuse consolation de recevoir le dernier soupir de sainte de Chantal), à Dijon, à Bourges, partout on vit se réaliser la parole que le B. Fondateur avait dite de cette fervente Religieuse pendant son noviciat : « L'observance sera bien maintenue dans les maisons où notre Sœur Françoise-Jacqueline gouvernera. » Rappelée à Nevers par l'élection de 1659, elle y combla la mesure de ses mérites, et, peu de mois après, alla en recevoir au ciel l'éternelle récompense. (Année Sainte, Ier volume.)

[161] L'original de cette lettre portant la date du 2 janvier prouve que le privilège de la perpétuité du petit Office a été concédé sur la fin de 1625, bien que la Bulle qui le confirme n'ait été délivrée que le 9 juillet 1626.

[162] À l'édition des Épîtres spirituelles de saint François de Sales.

[163] « La Supérieure d'Avignon, qui était une âme fort vertueuse, extrêmement capable de bien conduire le dedans d'une maison dans l'esprit de dévotion, n'ayant pas toutefois les talents requis pour manier beaucoup d'affaires difficiles, s'attira de grandes traverses. L'archevêque, déjà irrité de la sortie de deux jeunes personnes qu'il honorait de sa protection, le fut bien davantage lorsqu'il sut que, sans lui en avoir demandé l'autorisation, la Mère Compain venait d'envoyer deux de ses novices dans un autre monastère, jugeant ce changement nécessaire pour les affermir dans leur vocation. Le prélat, n'écoutant que l'ardeur de son zèle, déposa immédiatement la Supérieure ; mais touché de l'humilité qu'elle montra en cette circonstance, huit jours après il la réintégra dans ses fonctions. » C'est à ces épreuves que fait ici allusion sainte de Chantal.

[164] Les vœux de la Sainte furent exaucés : peu de temps après, la jeune baronne de Chantal devint mère d'une petite fille qui devait être un jour la célèbre marquise de Sévigné. Quoique plusieurs historiens placent la naissance de celle-ci en 1627, l'acte suivant, copié dans les anciens registres de la paroisse Saint-Paul, a Paris, et reproduit ici dans son intégrité, fait foi du contraire : « Vendredi 6e jour (de février 1626) fut baptisée Marie, fille de messire Celse-Bénigne de Rabutin baron de Chantal, et de dame Marie de Coulanges, place Royalle ; parrain, messire Charles Le Normand, seigneur de Beaumont, maistre de camp d'un vieil régiment, gouverneur de La Fère et premier maistre d'hostel du Roy ; marraine, dame Marie de Baïse (sic), femme de messire Philippe de Coulanges, conseiller du Roy en son conseil d'Estat et privé... »

[165] Fondatrice du second monastère de Paris.

[166] La Sainte veut sans doute parler de deux Décrets rendus l'année précédente par le Pape Urbain VIII, au sujet des procédures pour la béatification des serviteurs de Dieu. Ces Décrets dits de non-culte exigeaient, comme condition préparatoire, que la sentence solennelle de l'Eglise n'eût point été prévenue par un culte public rendu au défunt dont on voulait introduire la cause. Les craintes de sainte de Chantal, au sujet de cette prudente décision, n'étaient que trop bien fondées : l'enthousiasme populaire, excité par les prodiges qui se multipliaient à la seule invocation du nom de François de Sales, couvrait d'ex-voto et d'inscriptions le tombeau de l'illustre défunt, sans se douter des difficultés que ces hommages intempestifs devaient susciter pour l'avenir.

[167] Le 19 janvier de cette année, Mgr de Marquemont avait été promu au cardinalat.

[168] Cette admirable lettre était destinée à servir de Préface au Coutumier que l'on se disposait à faire imprimer ; mais sainte Jeanne-Françoise, qui n'acceptait parmi ses Sœurs d'autre titre que celui d'aînée de la famille, craignit d'avoir parlé avec trop d'autorité. Par modestie d'abord, et aussi pour ne pas donner prise à la calomnie de ceux qui l'accusaient de vouloir se faire passer pour la générale de son Ordre, la Bienheureuse Fondatrice retint cet écrit qui ne fut jamais de son vivant adressé à l'Institut.

[169] Il ne s'agit que de corrections d'orthographe et de style.

[170] La Mère de Châtel, après avoir achevé la fondation du monastère d'Aix en Provence, était rappelée à Annecy, pour. seconder sainte de Chantal, accablée de sollicitudes, et, en son absence, la remplacer comme assistante commise. En rentrant en Savoie, elle visita les monastères de Marseille et d'Avignon, puis séjourna quelque temps à celui d'Embrun pour affermir cette petite communauté qui comptait à peine une année d'existence, et y faire élire une Supérieure. La Mère de Chaugy raconte en ces termes l'établissement de lu nouvelle maison, qui date du 25 avril 1625 : « La ville d'Embrun, dit-elle, ayant pourchassé et poursuivi l'honneur et bénéfice d'avoir des filles de Sainte-Marie, Mgr l'archevêque donna les permissions avec joie, et M. Aymé, docteur en droit et sacristain de l'église d'Embrun, fit toutes les poursuites, acheta une maison au nom des Religieuses, la fit accommoder, et ayant ainsi mis toutes choses en bon ordre, s'adressa à notre monastère de Grenoble pour avoir des Sœurs. L'on envoya nos chères Sœurs Jeanne-Hélène de Gérard, Scholastique-Madeleine de Bonnet, Marie-Scholastique de Fromenton, Angélique-Françoise de Garcin, Marie-Augustine Quinson, Marie-Aimée Bon, Marie-Hippolyte de Callisieux et Marie-Dorothée Balliard. » (Histoire inédite de la fondation d'Embrun.)

[171] Elle ne fut cependant point élue à cette époque, vu sa grande jeunesse.

[172] Cette Religieuse, propre nièce de saint François de Sales, ayant fait une chute dangereuse peu après sa profession, ses facultés intellectuelles demeurèrent légèrement affaiblies, et, selon la prophétie de son saint Oncle, elle se sanctifia dans l'abjection et par l'abjection.

[173] On doit à la Mère de Chaugy les détails suivants sur l'origine du monastère de Pont-A-Mousson ; « Comme c'est vraiment l'office des grandes vertueuses et généreuses veuves, à l'exemple de l'incomparable Judith, de se rendre les bienfaitrices de leur patrie, madame Anne de Génicourt, veuve de haut et puissant seigneur Nicolas de Haraucourt, conseiller d'État de Son Altesse, et sénéchal de Lorraine, ayant appris la bonne odeur de piété que nos monastères de France répandaient par tout le royaume, fut inspirée de parfumer la Lorraine de l'odeur de ces basses violettes, se rendant fondatrice d'un de nos monastères. À cet effet, elle obtint la permission du sérénissime duc Charles IVe et de très-honoré seigneur Nicolas de Mauléon la Bastide, vicaire général de Toul, sous l'Altesse de Mgr Nicolas de Lorraine, pour lors évêque et comte de Toul. Après cela, cette grande et pieuse dame écrivit à notre digne Mère de Chantal, la conjurant d'accepter sa fondation. En effet, le 27 avril 1626, cette unique Mère partit pour commencer le monastère de Pont-A-Mousson, emmenant avec elle les Sœurs Paule-Jéronyme Favrot, Claude-Thérèse d' Albamey, Louise-Françoise de Regard, Marie-Jacqueline Guiraud et Marie-Philiberte Burquier. » (Histoire inédite de la fondation de Pont-A-Mousson.)

[174] Mais, parmi ces nouvelles, il en est que l'humilité de la Sainte aurait voulu dérober à la connaissance de ses filles, et dont l'Histoire des Fondations nous a transmis les touchants détails. Nous y lisons, en effet, que la Vénérable Mère de Chantal avait été précédée en Lorraine par une haute réputation de sainteté ; aussi son passage à travers cette province fut un véritable triomphe, ou plutôt un cruel supplice infligé à son humilité. Tantôt on voyait des personnes de qualité, telles que madame de Château-Rouleau, vénérable septuagénaire qui menait une vie toute sainte, se jeter à ses pieds pour recevoir sa bénédiction ; tantôt, comme à Besançon, « les dames, les seigneurs et les magistrats la visitaient sans interruption, et quand elle sortait, le monde faisait une foule nonpareille pour s'empresser à lui couper ses habits. » Les chanoines de cette ville lui accordèrent même une faveur ordinairement réservée aux rois, celle de vénérer le suaire sur lequel Notre-Seigneur imprima l'image de sa face adorable. À Nancy, la princesse de Salzbourg, sœur du duc Charles IV, Madame de Lorraine, et la princesse Claude, sa sœur, s'empressèrent de la visiter. Il n'y eut pas jusqu'au cardinal de Lorraine qui ne voulût témoigner de sa vénération pour la Bienheureuse Fondatrice, en présidant la cérémonie d'établissement du monastère de Pont-A-Mousson, qui se fit le 6 mai de cette année 1626.

[175] On lit dans la Fondation inédite de Riom : « Il arriva en Auvergne une grande cherté qui se termina en une extrême pauvreté. Le blé se vendit 24 francs le setier ; et nos Sœurs furent longtemps qu'elles prenaient le pain à la livre, n'ayant pas de quoi faire provision de blé. Néanmoins, ces chères Sœurs éprouvèrent que jamais Celui qui pourvoit de nourriture aux oisillons des champs n'oublie ses servantes, ni ne les laisse sans les secourir du vrai nécessaire. »

[176] L'une d'elles était mademoiselle de Haraucourt.

[177] Le Père dom Juste Guérin obtint, en cette année 1626, les deux Bulles que désirait si vivement sainte J. F. de Chantal ; la première, datée du 27 juin, ordonne « que toutes et chacune des Constitutions soient à perpétuité et inviolablement observées, et que tout ce qui pourrait être fait ou attenté au contraire, par quelque autorité que ce soit, sera cassé et de nul effet... » La seconde, du 9 juillet, confirme à perpétuité le privilège (accordé jusque-là de sept ans en sept ans) de pouvoir réciter licitement le petit Office de la Sainte Vierge, à la place de l'Office canonical.

[178] « À l'Ascension de celle année, notre digne Mère, étant en Lorraine (disent les anciens Mémoires), écrivit à Mgr notre prélat pour se déposer de sa supériorité, lequel vint signifier à la communauté la nécessité de faire une nouvelle élection ; et quelques instances qu'on lui pût faire afin que notre bonne et chère Sœur Péronne-Marie de Châtel, qui avait été rappelée en cette maison, gouvernât le monastère en qualité d'assistante jusqu'au retour de cette unique Mère, il se fallut soumettre, et notre chère Sœur Péronne-Marie fut élue canoniquement. »

[179] C'est sur la pauvreté et la souffrance, fondements nécessaires des œuvres divines, que s'éleva cette porte de Sion, plus chère au Seigneur que tous les tabernacles de Jacob, cette porte orientale, par où le Soleil de justice devait darder ses rayons de miséricorde et d'amour sur l'univers entier. La Providence ayant résolu de toute éternité d'associer les dignes fils de saint Ignace aux humbles filles de saint François de Sales, pour manifester aux âmes les richesses de la dévotion au Sacré Cœur de Jésus, inspira au Père Paul de Barry, Jésuite, de donner commencement à l'heureux monastère de Paray-le-Monial, établi le 4 septembre 1626. La Mère de Blonay, à qui l'on avait demandé des Religieuses, choisit pour premières pierres de cet édifice béni les Sœurs Marguerite-Élisabeth Sauzion, Marie-Marguerite Fontanet, Jeanne-Françoise Pétrin,. Marie-Constance Bourcelet et Marie-Angèle Martin, toutes professes de Lyon ; elle leur adjoignit encore une novice, Sœur Marie-Aimée Rosselin, native de Paray, et une tourière, Sœur Marie-Cécile de Fonsauvage. (Plusieurs historiens ayant écrit différemment les noms des fondatrices de Paray, on a cru devoir reproduire ici l'orthographe dont elles-mêmes ont signé leurs vœux dans le grand livre du premier monastère de Lyon.)

[180] Le Révérend Père Binet aurait désiré que la Visitation adoptât un Visiteur général.

[181] La Bienheureuse Fondatrice quitta en effet Pont-A-Mousson le 1er septembre 1626, et, après s'être arrêtée à Dijon, se rendit à Autun, puis à Alonne, où son fils le baron de Chantal était accouru de Paris pour lui présenter sa jeune femme, Marie de Coulanges. En quittant Alonne, la Sainte visita la petite communauté de Paray, qui était en butte à toutes les difficultés d'un commencement, et se rendit ensuite à Lyon, où elle était désirée depuis si longtemps.

[182] Dès l'année 1624, dom Jean de Saint-François avait fait paraître la Vie du Bienheureux Évêque de Genève ; d'après ce que dit sainte de Chantal, il travaillait à une seconde édition.

[183] Sachant que sainte de Chantal était déposée, la Mère de Beaumont aurait désiré lui faite accepter le gouvernement du second monastère de la Visitation qui venait de s'établir dans la capitale. Voici comment les anciens Mémoires racontent celle fondation : « Quand par le séjour que notre digne Mère de Chantal fit à Paris, l'espace d'environ trois ans, notre manière de vie étant connue, elle fut si goûtée en sa simplicité, humilité et pauvreté, que plusieurs personnes souhaitèrent qu'il y eût encore un de nos monastères dans cette fameuse ville. Madame la marquise de Dampierre, désirant que ce bon œuvre s'accomplit par son moyen, présenta six mille écus, et le contrat de la fondation fut passé. Mgr de Paris tout nouvellement sacré évêque, pour favoriser madame de Dampierre, lui donna toutes les permissions nécessaires de sa propre autorité, sans vouloir que la. chose passât en son conseil privé. Le 13 août 1626, notre chère Mère Anne-Catherine de Beaumont alla faire la fondation avec nos Sœurs Anne-Marguerite Guérin, Claire-Marie Amaury, Claire-Madeleine de Pierre, Marie-Agnès Le Roy, Marie-Euphrosine Turpin, Marie-Monique de Saint-Yon, toutes professes du premier monastère de Paris, et Jeanne-Marie de la Croix de Fésigny, professe d'Annecy. » (Histoire inédite de la fondation du deuxième monastère de Paris.)

[184] Celle de Sœur Marie-Angélique de Grolée de Châteaufort.

[185] La Mère Jeanne-Marie Compain, sœur de la Supérieure de Montferrand, s'était rendue à Lyon pour voir sainte de Chantal à son retour de Lorraine, et conférer avec elle des intérêts du monastère d'Avignon.

[186] Religieuse d'une abbaye déchue, ainsi que madame de Saint-Jean.

[187] M. Michel Favre était allé à Rumilly, comme l'indique une lettre précédente, pour recevoir les confessions annuelles des Religieuses.

[188] Frère de la Mère de Blonay, curé d'Evian.

[189] Les six ans de supériorité de la Mère Joly de la Roche étant expirés en automne 1626, les Sœurs d'Orléans, d'une commune voix, choisirent pour lui succéder la Vénérable Mère de Chantal. — Les anciens historiens qui placent cette élection soit à l'Ascension de 1626, soit à l'Ascension de 1627, se sont donc également trompés, comme il est facile de le prouver par les raisons suivantes : 1° Elle n'a pas eu lieu à l'Ascension de 1626, puisque, le 3 novembre, sainte de Chantal, l'ignorant encore, parait prête à condescendre au désir de la Mère de Beaumont qui la priait d'accepter le gouvernement du second monastère de Paris (voir la lettre DCCXXIV). Elle ne se fit non plus en mai 1627, puisque, le 22 novembre 1626, la Bienheureuse Fondatrice en parle, mais comme d'un fait tout récemment accompli, ce qui s'accorde parfaitement avec une lettre de la Mère Joly de la Roche, en date du 16 novembre 1626. Dans cette lettre, dont l'autographe se conserve au premier monastère d'Annecy, elle témoigne sa joie de l'élection de la Sainte, son espoir de la voir bientôt à Orléans, et lui offre de subvenir aux frais du voyage. Toutefois, Mgr de Genève s'opposa formellement à ce que sainte Jeanne-Françoise se rendit aux vœux de cette communauté, jugeant, d'après l'intention de son illustre prédécesseur et frère, que pour être plus à même de secourir toutes les maisons de l'Ordre, elle ne devait s'attacher à la conduite particulière d'aucune, si ce n'est à celle d'Annecy. Il fut décidé cependant qu'elle irait séjourner quelque temps à Orléans et faire procéder à une nouvelle élection. Le départ, remis d'abord à cause d'un projet de fondation en Piémont, retardé encore par les affaires de la béatification de saint François de Sales, ne s'effectua qu'en septembre 1627.

[190] Après avoir achevé la fondation du second monastère de Paris, la Mère de Beaumont y était demeurée en qualité de Supérieure, et continuait en même temps à gouverner le premier monastère.

[191] Les procédures pour la béatification de saint François de Sales allaient bientôt commencer, et la Sainte devait être appelée à déposer devant les commissaires apostoliques sur les vertus et les miracles de son Bienheureux Père.

[192] Voir- la note de la lettre DCCCXXVIII, volume 6.

[193] Cette fondation ne s'effectua jamais.

[194] Le cardinal-archevêque Denys-Simon de Marquemont, décédé à Rome le 16 septembre.

[195] Françoise-Catherine de Savoie, fille du duc Charles-Emmanuel et de Catherine d'Autriche, naquit en 1595. Agrégée au Tiers Ordre de saint François d'Assise, elle donna à la cour le spectacle d'une vie toute sainte, et mourut en 1641. Cette pieuse princesse honorait d'une protection toute spéciale l'Institut de la Visitation, et professait la plus grande vénération pour la Bienheureuse Mère de Chantal.