LETTRES DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE FRÉMYOT DE CHANTAL
rangées par ordre
chronologique
ANNÉE 1632
À ARLES
L'Esprit de Dieu exige une grande pureté des âmes qu'il
favorise.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Vous m'avez si
naïvement représenté l'état intérieur de votre âme, qu'il me semble la voir,
comme si je la tenais entre mes mains. Béni soit Dieu qui m'a donné cette
consolation ; mais mille et mille fois soit-il loué des grâces qu'il vous
confère, car [2] je vois bien, ma fille, qu'elles sont grandes et que vous y
devez une fidèle correspondance, non-seulement de l'exacte observance aux actes
extérieurs, mais d'une soigneuse et amoureuse attention à suivre l'attrait
intérieur, qui est celui du propre et particulier esprit des Filles de la
Visitation. Marchez donc fermement et avec une très-humble assurance et
confiance en cette sainte voie d'amoureuse simplicité : car cet unique
regard de l'esprit en Dieu, par un entier délaissement de soi-même à sa
très-sainte volonté, comprend tout ce qui se peut désirer pour s'unir à cette
Bonté, qui doit être notre seule prétention. Retournez donc, ma fille, avec
humilité et douceur dans ce bienheureux état, et y demeurez ferme et constante,
sans jamais plus vous en laisser divertir ; car l'Esprit de Dieu est
délicat et requiert des âmes qu'il favorise de sa sainte présence et
familiarité, une grande pureté et anéantissement de tout ce qui n'est point Lui
ou pour Lui. Je le supplie de vous conduire à l'extrême perfection de son
amour ; ayez mémoire en vos prières de celle qui vous offre ses plus
fortes et tendres affections, et qui est toute vôtre. [3]
SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX
Égards dus à madame de Mépieu. — Le style des Religieuses
doit être éloigné de toute affectation. — Moyens d'entretenir la confiance
réciproque.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Vous avez été bien
fidèle à m'écrire tous les quinze jours ; je vous en remercie de tout mon
cœur et vous réponds encore promptement pour cette fois. Mais désormais il ne
sera plus besoin de nous écrire si souvent, puisque, grâce à Dieu, Il vous a
conservée en santé ; car nous voilà hors de l'appréhension qu'il ne vous
arrive du mal. Bénie en soit à jamais sa douce Bonté.
Il n'y a point de
danger, ma très-chère fille, tandis que vous serez là, de donner l'entrée parmi vous à ces dames
qui le désirent, ni même de les y laisser coucher quelquefois, pourvu que cela
ne soit pas aux frais de votre maison, car elle n'a pas de quoi fournir, et je
m'assure aussi que leur discrétion ne le permettrait pas, et cela vous attirera
encore quelque charité. La bonne madame de Mépieu m'écrit qu'elle a si envie
d'entrer parmi vous et me prie de l'agréer. Vous le lui pouvez librement
permettre avec permission de M. le chevalier [son fils], car elle est tout
affectionnée à votre maison et tout à fait bonne. Entretenez-vous bien d'elle,
ma très-chère fille, et la saluez, s'il vous plaît, fort cordialement de ma
part, car c'est une dame que je chéris grandement.
Ma très-chère fille,
il faut que je vous dise encore ce mot : prenez garde aux lettres que nos
Sœurs écrivent, car celle qu'elles [4] ont mandée à la communauté n'est pas
d'un style assez simple. Il y a certains mots recherchés et qui ressentent un
peu l'affectation. Il ne faut point permettre cela, ni aussi qu'on envoie par
les monastères cette poésie qu'elles ont mise dedans. — Au surplus, je vous
prie que le dimanche après les Rois, vous fassiez faire la communion générale,
et neuf jours durant celle des trois [Sœurs] selon mon intention, pour demander
la volonté de Dieu au bon succès de quelque affaire importante pour sa gloire.
J'ai vu votre
reddition [direction] et votre lettre, et je vois que Dieu vous maintient
toujours en votre état ; il n'y faut que continuer doucement comme vous
faites. Et pour votre conduite, la rendre plus suave et égale envers toutes les
Sœurs tant qu'il vous sera possible, soit que vous ayez [en leur endroit] de la
peine ou non, ou qu'elles en aient [au vôtre] ; et même je vous dis que
c'est à celles-ci que vous devez témoigner le plus d'amour et de franchise,
tant pour vous surmonter que pour les gagner. Prenez garde à tenir toutes les
Sœurs bien liées ensemble et avec vous, et ne permettez point qu'elles
parlementent les unes des autres pour désapprouver, contrôler ou rapporter ce
qu'elles font, car cela détruit la charité. Si vous faites bien ceci, vous
maintiendrez une grande paix chez vous. C'est ce que je désire, et que Dieu
vous comble toutes de son saint amour. Je suis vôtre.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [5]
SUPÉRIEURE À BOURGES
La mortification est le fondement de la perfection. — On
peut prolonger le noviciat des jeunes professes selon leur besoin,
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Vous ne sauriez
croire le plaisir que je prends à voir vos lettres, pour y remarquer les grâces
que Dieu vous fait, en la lumière et connaissance qu'il vous donne du vrai bien
et des moyens qui peuvent avancer les âmes en la vertu. Oh ! qu'il est
bien vrai, ma très-chère fille, que l'on n'a pas assez de soin de bien fonder
les filles en l'entière mortification d'elles-mêmes, car cela est cause
qu'elles demeurent immortifiées et que toute leur vie elles ont prou peine.
Mais ce qui n'a pas été fait, il faut que vous tâchiez de le faire désormais ès
âmes que Dieu a commises sous votre soin, et en toutes celles qu'il vous
commettra à l'avenir.
Et pour ce qui est
délaisser les jeunes filles plus longtemps au noviciat qu'il n'est marqué,
c'est une chose qui a toujours été en pratique céans et que je fais encore à
présent ; car il y en a deux, dont l'une a tantôt deux ans et demi de
profession, mais parce qu'elle a un esprit vert et enfant, je l'y ai laissée et
laisserai encore peut-être un an ; enfin, tant que je verrai qu'elle en
aura besoin, car cela demeure en la discrétion de la Supérieure, qui les en
sort, les y remet, les y laisse, selon qu'elle connaît qu'elles en ont
nécessité. Et même pour celles qui en sortent et qui sont encore un peu jeunes,
je les laisse encore un peu de temps sous la conduite de la directrice, qui
leur parle une fois la semaine seulement ; ou, si le noviciat est trop
chargé, je les remets à une Sœur qui leur parle tous les huit jours. Il me
semble qu'il n'est pas besoin de faire de règle [6] pour cela, ma très-chère
fille, parce que chaque Supérieure en peut user selon le besoin de ses Sœurs.
Nous avons bien su
comme Monsieur frère du Roi est hors du pays, et je crois que M. votre frère
étant embarrassé maintenant parmi ses affaires, ce n'est point le temps de
parler de la fondation qu'il prétendait de faire. Mais ne doutez point, ma
chère fille, que si cependant vous vous occupez bien à cultiver votre âme et
celle de vos Sœurs, Dieu ne prenne soin de vous pourvoir de quelque lieu pour
vous y établir. Que nos Sœurs prennent donc seulement bon courage pour
travailler à se rendre telles qu'elles doivent être, et elles verront que Dieu
ne leur manquera point au besoin ; c'est de quoi je les conjure, et vous,
ma chère fille, de les y bien aider. — Quant à ce que vous me demandez touchant
le choix d'un Père spirituel, nous n'avons pas vu Mgr de Bourges pour en savoir
son sentiment, à cause de la grande maladie qu'il a eue ; c'est pourquoi
je ne saurais vous en dire rien. Mais il faut que vous-même, qui êtes sur le
lieu, en fassiez le choix par l'avis des Révérends Pères Jésuites, selon qu'eux
et vous jugerez être pour le mieux ; car vous le pouvez connaître mieux
que moi, qui vous supplie, ma très-chère fille, de faire appliquer la messe de
communauté et la communion générale du dimanche après les Rois, selon mon
intention, pour demander à Dieu quelque grâce signalée, que je désire d'obtenir
par les intercessions de notre Bienheureux Père, en une affaire de grande
considération ; et faites, s'il vous plaît, faire encore neuf jours durant
la communion des trois [Sœurs] tous les jours à cette même intention. Ma toute
très-chère fille, le saint et pur amour du Sauveur vive et règne dans nos
cœurs. Je suis, sans réserve, toute vôtre.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [7]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Comment une Supérieure doit nourrir sa communauté. — Désir
que les Filles de la Visitation se servent de la Retraite du Père dom Sens
pendant leurs solitudes annuelles. — Poursuites à faire pour la fondation de
Mâcon. — Observations sur le chant de l'Office. — Les Pères Jésuites préparent
une nouvelle Vie de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 15 janvier 1632.
Ma toute chère et bien-aimée fille,
Je suis toujours un
peu en peine de votre pauvre santé, qui revient si lentement ; mais j'ai
bien toujours pensé que vous ne seriez point tout à fait bien remise avant
Pâques. Je persévère donc à vous conjurer, ma très-chère fille, de faire tout
ce qu'il vous sera possible pour faire retourner et conserver cette
santé : j'ai confiance que le grand amour que vous avez pour moi fera que
vous me donnerez cette consolation. J'en reçois beaucoup de savoir que ma Sœur
N. vous donne contentement. [Plusieurs lignes illisibles.]
Vous faites
très-bien de faire bien traiter et nourrir nos Sœurs ; je trouve cela fort
à propos comme vous me le dites, et surtout de leur faire manger de bon pain et
boire du vin franc et naturel ; car, ma très-chère fille, cela sert à
l'esprit que le corps ait bien sa petite nécessité. Nous savons un de nos
monastères où les filles mouraient une partie, et les autres étaient toutes
chétives, qui se refont maintenant par le soin que la Mère a de les faire bien
nourrir, ce qu'elles n'étaient pas auparavant. Je l'ai écrit fort gaiement à ma
Sœur la Supérieure, lui disant que je pensais que son humilité aurait été cause
qu'elle aurait voulu suivre le train de celle qui l'a devancée, et que je
savais bien qu'elle ne faisait pas assez bien traiter les Sœurs, que je serais
bien aise qu'elle me mandat s'il était vrai [8] qu'elle eût suivi son train. Je
pense que cela suffira, et que, si vous ne lui avez encore rien dit, il serait
bon de n'en pas faire semblant, afin qu'elle ne connaisse pas que c'est un avis
de ma Sœur de *** et que cela n'apporte quelque petit je ne sais quoi.
Au surplus, ma
très-chère fille, je suis bien si aise que rien plus de voir que nous nous
rencontrons toujours de même sentiment nous deux : ce que je vois encore
par ce que vous me dites du livre du Père dom Sens ; mais je suis marrie
de ce qu'il me semble que je ne l'ai pas assez recommandé dans mes
Réponses ; c'est pourquoi, s'il y a moyen, je voudrais bien que vous
suppléassiez à ce défaut, en y ajoutant ce que vous jugerez à propos, et disant
la manière dont il en faut user, ainsi que vous me l'écrivez, car je trouve que
c'est un admirable livre. Notre Bienheureux Père en faisait grand état ;
aussi son auteur était un des grands serviteurs de Dieu et des plus
expérimentés en la conduite des âmes qu'on puisse guère rencontrer : c'est
pourquoi on ne peut recevoir que beaucoup d'utilité de se servir de ce
livre-là, des Points d'humilité et [de] sa Retraite. Ce que les filles
appréhendent un peu, c'est sa longueur ; mais il faut qu'elles en usent
comme par manière de lecture. Nous en faisons venir quatre ou cinq exemplaires
sans être reliés, pour les distribuer plus facilement à celles qui seront en
retraite, car nous avons fort envie que nos Sœurs d'ici s'en servent, pour le
temps des solitudes seulement. Je n'ai pas encore eu le loisir de voir l'autre
petit livre des Exercices ; nos Sœurs de Grenoble nous l'ont envoyé ;
mais nous aimons bien nous tenir au Père dom Sens.
Nos Sœurs de Lyon
nous ont mandé que madame de Senecey leur a promis de les établir à Mâcon, et
de donner cinq mille écus pour cela, à la charge qu'elle aura le titre de
fondatrice. Mgr l'évêque a donné la permission et ceux de la ville aussi :
chacun souhaite l'accomplissement de cette bonne œuvre, et même en ont écrit et
envoyé les permissions à madame de Senecey, et cependant elle ne répond rien et
tire cela à la longue ; [9] rien ne se peut accomplir si elle ne tient sa
promesse ; c'est pourquoi, ma chère fille, nous vous prions, si vous le
jugez à propos, de lui en dire quelque chose pour la solliciter de mettre à
effet son bon dessein, quand vous la verrez. Ce qui nous le rend recommandable,
c'est que ma Sœur la Supérieure de Lyon, qui est toute cordiale, a promis de
prendre deux ou trois Sœurs à Bourg pour la fondation si madame de Senecey leur
tient parole. Je crois que cela vous rendra aussi
affectionnée à le poursuivre, car vous savez que nous avons toujours pitié des
maisons faiblettes et commençantes.
Je vous ai déjà
écrit comme l'on est après nous pour le changement de notre chant [de
l'Office] ; mais c'est la vérité que j'ai une extrême aversion de voir
ouvrir la porte à aucun changement à cause des conséquences, et aussi parce
qu'il nie semble que si on disait bien le nôtre comme il faut, et comme on le
dit céans sans traîner et sans le dire langoureusement, ains gaiement, et qu'on
observât bien tout ce qui est marqué en la Règle et au Coutumier, je trouve,
dis-je, que le nôtre est fort beau, et qu'on n'aurait point besoin de parler de
le changer ; mais le mal est qu'on ne le sait point maintenir. Nous vous
disons comme nous faisons ici, (pour répondre à ce que ma Sœur l'assistante
nous propose de votre part, de mettre toujours chantres les deux meilleures
voix,) qui est que, pour ne point contrevenir au Coutumier, nous mettons les
deux Sœurs qui ont meilleure voix, [10] l'une d'un chœur, l'autre de l'autre,
afin de tenir [soutenir] chacune son chœur : cela veut dire pour relever
ce que la chantre a commencé, et toutes les autres Sœurs la suivent. On la
laisse pourtant au rang du sort, et nos Sœurs trouvent que celle qui tient le
chœur a plus de pouvoir pour maintenir un bon ton que celles qui commencent les
psalmes, parce qu'elle reprend toujours un peu avant les autres, et que, quand
la chantre ne prend pas un bon ton, [la Sœur assistante] donne un petit signe
sur ses Heures, afin que les autres se rendent attentives à reprendre sur le
même ton qu'elle reprend. Et pour ce qui est de mettre chantres aux grandes
fêtes les meilleures voix, quoiqu'elles ne soient pas des plus anciennes, le
Coutumier dit clairement que cela se peut faire.
Nous avons parlé au
Père dom Juste, touchant ce que vous nous écrivez : il nous a dit que
l'intention pour laquelle il désire savoir ce que vous avez donné à leurs
Pères, c'est afin d'en faire le récit à leur Chapitre général, et que même il
voudrait bien savoir ce que nos Sœurs de la ville leur ont donné ; et si
le gentilhomme qui loge maintenant leurs Pères, près de Paris, si ce n'est
point à la considération de nos Sœurs ou de Mgr de Bourges. Ce bon Père dom
Juste est bien si passionné pour nous et pour les affaires de notre Bienheureux
Père, qu'il veut bien faire savoir à tous leurs Pères, en cette assemblée du
Chapitre, que si bien il est employé aux affaires de ce Bienheureux, leurs
Pères aussi reçoivent beaucoup de bien et d'assistances à sa considération, de
Mgr de Bourges et de nos Sœurs : et voilà la raison pour laquelle il
désire savoir les charités que vous leur avez faites. Au reste, vous lui avez
donné un bon conseil de n'aller pas à Paris, car il ne croyait pas pouvoir
faire ce voyage en cette saison, sans en être malade, d'autant qu'il est fort
flegmatique et catarrheux. S'il y a à faire aux dépositions de Paris et
d'Orléans, le Père dom Chrysostome, qu'il en a fort instruit, pourrait
accommoder le tout utilement à son retour [11] de Flandre. — Les Pères Jésuites
ont envie d'écrire la Vie de notre Bienheureux Père ; Mgr de Genève en est
fort content et nous aussi. Ils proposent pour cela le Père Binet, ou le Père
qui a fait la Cour Sainte, ou deux autres dont je ne me souviens
pas ; on se servira des dépositions pour cela. J'ai grande envie que cette
besogne soit bien faite comme il faut, parce que je crois qu'elle sera de
grande utilité ; je vous prie, dites-nous-en votre sentiment. Je vous ai
déjà écrit que je trouvais votre petite épître tout à fait à mon gré.
Obligez-nous un peu,
ma très-chère fille, de nous mander des nouvelles de madame de Port-Royal,
autrement Sœur Marie-Angélique ; car c'est une âme qui tient si fort à mon
cœur, qu'il n'y a moyen que je puisse m'empêcher de désirer de savoir de temps
en temps de ses nouvelles ; mais je n'ai loisir de lui écrire maintenant.
Faites-la saluer de ma part, je vous prie, si vous le trouvez à propos. — Je
m'oubliais de vous dire qu'il est vrai que Mgr de Genève, qui vous chérit
jusqu'à un point qui ne se peut dire, a cette opinion que l'air de Paris vous
est contraire : l'autre jour, après qu'il vous eut écrit, il vint nous
raconter toute l'histoire de ce qu'il vous mandait, à ma Sœur la Supérieure de
Chambéry et à moi. Mais pourtant, ma très-chère fille, Dieu fera connaître où
et à quoi Il veut que vous soyez employée quand le temps de votre déposition
sera venu, et cependant demeurons en paix, attendant le bon plaisir de Dieu au
lieu et au service où Il nous a mises. Au reste, je vous plains grandement, ma
très-chère fille mon enfant, d'avoir le mal d'hémorroïdes qui est fâcheux, car
je l'ai expérimenté. Vous êtes au lieu pour avoir des remèdes, et je m'assure
qu'ils ne vous manqueront pas.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [12]
À MONTARGIS
Les vertus de la Mère Clément ne permettent pas de douter
de la réalité des faveurs extraordinaires dont elle est comblée.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Mon Très-Révérend Père,
Je vous remercie
très-humblement de la peine que vous avez prise de m'écrire si au long, de ce qu'il plaît à la bonté de
Notre-Seigneur d'opérer en cette bénite âme, et des bons jugements que Mgr
l'archevêque de Sens et les Révérends Pères de Condren et de Suffren en font. Je ne crois pas qu'à présent il
soit besoin d'en avoir de plus grande certitude, craignant, comme vous dites,
mon très-cher Père, que quelqu'un ne jetât de l'inquiétude dans cet esprit de
paix. Pour moi, connaissant la véritable humilité, sincérité et simplicité de
cette âme, comme je fais dès si longtemps, il me serait quasi impossible de
pouvoir douter que ce qui se passe en elle ne soit pas de Dieu. Et je vous
dirai, mou Révérend Père, que dès son enfance on a vu [13] reluire en elle des
grâces prévenantes et fort extraordinaires à celles de son âge, et qu'étant
reçue en cette maison, l'on vit tout aussitôt éclater les vraies vertus
religieuses en ses actions et Dieu l'attira toute à Lui par des clartés et
sentiments de dévotion fort particuliers, comme elle pourra dire à Votre
Révérence. Je reconnais par la lettre qu'elle m'a écrite, qu'elle veut toujours
un peu agir, et cela lui provient de l'ardent désir qu'elle a de plaire à
Dieu ; mais je pense, mon très-cher Père, que toute son affaire est de
laisser faire à Notre-Seigneur, et qu'elle le regarde simplement, sans divertir
sa vue ailleurs. Dieu ayant mis cette bonne âme à votre soin et direction, Il
vous donne de même les lumières requises pour sa bonne conduite ; enfin,
il y a de quoi grandement louer Dieu, et elle est bien heureuse d'avoir
rencontré Votre Révérence, qui prend un soin si paternel d'elle. La divine
Bonté vous en récompensera bien, outre que je crois, mon très-cher Père, que
cette charge vous est légère et à soulagement. Conservez un souvenir dans vos
saints sacrifices de celle qui vous souhaite le très-pur amour de
Notre-Seigneur, et qui est de cœur, vôtre, etc.
Extraite de la Vie manuscrite de la Mère A. -Marg.
Clément.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Difficulté de correspondre avec Montpellier. —
Reconnaissance pour les bienfaits du prélat. — Souhaits de bénédiction.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 21 janvier 1632.
Ma très-chère fille,
Je crois que vous
aurez maintenant reçu quantité de nos lettres que le muletier de Mgr votre
digne prélat vous a portées. Du depuis nous en avons reçu une des vôtres, par
laquelle vous [14] vous plaignez toujours de n'avoir pas assez souvent de nos
nouvelles. Croyez, ma très-chère fille, que je voudrais bien que nous eussions
quelque commodité assurée pour vous écrire tous les mois- mais je vois bien
qu'il se faudra contenter à moins. Nous vous écrivons pourtant bien aussi
souvent que vous à nous ; et maintenant, nous envoyons ce billet à ma Sœur
la Supérieure de Lyon, m'imaginant qu'il y aura là quelques marchands de
Montpellier qui le vous porteront. Nous n'avons pas grand'chose à vous dire
pour ce coup, sinon que tout va ici à l'ordinaire et tout y est en santé, grâce
à Notre-Seigneur, hormis notre pauvre Sœur M. -Gabrielle [Clément], qui est
toujours toute traînante
Mgr de Bourges et
Mgr de Belley seront ici infailliblement après Pâques, moyennant l'aide de
Dieu, pour parachever les affaires de notre Bienheureux Père. Il ne se peut
dire l'affection que ces bons prélats témoignent pour cela. — Ma Sœur la
Supérieure de Chambéry est enfin revenue pour les Avents ; elle a ramené
la petite nièce de Mgr de Montpellier, qui est bien jolie fille, mais qui n'a
point d'envie d'être Religieuse. Cette chère Sœur nous a dit merveille de la
bonté et charité et des assistances que ce bon et digne prélat vous fait,
lesquelles continuent toujours et son affection paternelle envers vous, ce qui
me console infiniment, et me donne des sentiments de dilection et de
reconnaissance envers lui, que je ne saurais exprimer.
Ma fille toute chère
et bien-aimée, je n'ai loisir de rien ajouter, aussi n'ai-je jamais guère à
dire qu'en répondant. Ce mot n'est seulement que pour saluer votre bon et cher
cœur de tout l'amour du mien chétif et toutes nos Sœurs. Je vous laisse
toujours le soin de rendre mes devoirs à Monseigneur et à qui vous le jugerez à
propos. Notre Sœur de Châtel me dit que vous avez force prétendantes. Je crois
que vous ferez très-bien d'en recevoir quelque nombre promptement, y ayant
assez longtemps que vous êtes là pour les avoir reconnues, et puis il est [15]
temps de le faire, cela satisfait et en attire d'autres. Ma pauvre très-chère
fille, mon cœur est autant vôtre que mien ; qu'il soit sans réserve au
doux Sauveur, qui soit béni.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX
Hâter le retour de sa communauté au monastère. — Une
Supérieure doit tenir en paix le cœur de ses filles. — De la simplicité du
chant. — Avis touchant une novice très-infirme.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma
très-chère fille,
Nous avons été bien
aise de savoir de vos nouvelles par votre grande lettre. Loué soit Dieu
qu'elles sont toutes bonnes. — Pour ce qui regarde votre retour à Crémieux,
puisque vous voulez que je vous en dise encore mon sentiment, il est que je
voudrais que vous y fussiez déjà, puisque la ville est nette. Oui, vous pourrez laisser entrer les dames
qui vous accompagneront, dans votre maison, tout ce jour-là, et y aller en
procession depuis la porte de la ville, si vous voulez. Il faut que nos Sœurs
soient bien soigneuses de se tenir dans la modestie et recueillement en cette
occasion comme en toute autre, afin de donner bonne édification.
Je suis bien aise de
la bonne résolution que vous prenez de traiter cordialement et confidemment
avec ma Sœur N. ; car, l'un des grands biens que puisse faire une
Supérieure, c'est de tenir les esprits et les cœurs de ses Sœurs en paix et
contentement et unis [16] avec elle par la confiance qu'elle leur doit donner.
Je ne doute pas que cela ne lui profite beaucoup ; car ayant son esprit en
paix, elle s'appliquera mieux à se former aux pratiques des vertus dans
l'exacte observance. Je la salue chèrement, cette chère Sœur, n'ayant le loisir
de lui écrire pour ce coup ; mais je la prie qu'elle se tienne attentive à
Dieu et à son devoir par la fidèle observance.
Au surplus, je suis
consolée de savoir le courage qu'ont nos Sœurs pour se bien mettre dans
l'exacte observance dans leur clôture. Je les en conjure de tout mon cœur. Il
est vrai, ma chère fille, que le chanter plus simplement est le plus
beau ; nous faisons ici retrancher les fredons des litanies aussi bien
qu'ailleurs ; car l'on n'en use plus. Je l'écrirai à ma Sœur N. ;
mais en attendant ne laissez pas de le lui dire.
Quant à ma Sœur N.,
étant si bonne et vertueuse et ayant l'habit dès longtemps, ce ne serait pas
mon sentiment de la rejeter pour ses infirmités de corps, si elle apporte de
quoi se faire servir en la Religion, parce qu'elle peut observer les
principales règles de l'humilité, obéissance, douceur et les autres qui
regardent l'esprit. Néanmoins, si elle n'était pas reçue et avec l'habit, je
pense qu'il ne la faudrait pas prendre ; mais puisqu'on en est si avant,
étant bonne, je ne vois pas qu'il la faille renvoyer.
Ma très-chère fille,
Dieu vous remplisse de ses plus saintes grâces et toutes nos Sœurs que je salue
chèrement, vous demeurant à toutes de cœur, vôtre, etc.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [17]
SUPÉRIEURE À SAINT-ETIENNE
La droiture et la simplicité attirent les grâces de Dieu.
— Les écrits de saint François de Sales doivent être la nourriture ordinaire de
ses Filles. — Il ne faut pas dépasser le nombre de quarante Religieuses.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 23 janvier 1632.
Ma très-chère fille,
Votre lettre m'a été
une bonne étrenne pour la singulière consolation qu'elle m'a apportée, y voyant
comme Notre-Seigneur continue à répandre ses bénédictions spirituelles et
temporelles sur votre chère famille. Je crois, ma très-chère fille, que la
bonne foi, droiture et simplicité de votre bonne conduite est si agréable à Dieu
qu'elle sera cause qu'il accroîtra de plus en plus ses grâces et faveurs
célestes sur vous et votre chère troupe, ainsi que de tout mon cœur j'en
supplie sa Bonté.
Oh ! non
certes, ma fille, je ne doute point de votre dilection envers moi, ni de celle
de nos chères Sœurs vos filles, car je sais bien qu'elle est cordiale et
sincère, comme aussi je vous puis assurer que la mienne envers vous est telle
et fidèle. Et je me contente d'être assurée de votre affection de toutes, pour
croire que vous ne m'oubliez pas en vos prières, qui est ce dont j'ai plus de
besoin et que je vous demande de tout mon cœur ; car, ma très-chère fille,
me voici aujourd'hui entrée dans mon année soixante-unième avec certes beaucoup
de confusion de les avoir si mal employées. C'est pourquoi je désirerais bien
que le peu qui m'en reste fût au moins employé à vivre dans une sainte crainte
de Dieu, et entière obéissance à toutes ses volontés ; mais mon indignité
m'empêche quasi d'oser espérer un si grand bien, lequel pourtant je vous supplie
de m'obtenir de sa divine Majesté ; et vous remercie très-cordialement
d'avoir fait faire [18] les prières que nous vous avions demandées. - Je bénis
Dieu de ce qu'il lui a plu donner un peu de convalescence à vos pauvres
infirmes pour se remettre en la communauté. Je prie sa Bonté leur donner la
force d'y persévérer longuement. C'est une grande bénédiction, ma très-chère
fille, sur votre communauté que, parmi le grand nombre que vous êtes, il n'y
ait point d'esprit fâcheux, sinon un peu votre pauvre simple, laquelle encore,
je pense, n'y fait pas grand mal.
Mon Dieu ! que
nos Sœurs ont bien raison, ma chère fille, de ne point désirer les
communications au dehors, et de se nourrir des viandes solides et délicates que
notre Bienheureux Père nous a laissées- car nous y trouverons tout ce dont nous
avons besoin. Dieu nous fasse la grâce d'être fidèles à ne le chercher
ailleurs ! — Je vois que votre nombre s'en va bientôt jusqu'à
quarante : certes, ma fille, quand vous y serez, il ne faudrait pas passer
plus outre, car c'était le sentiment de notre Bienheureux Père qu'on n'allât
pas plus avant que ce nombre-là. — Je salue de tout mon cœur le bon M. Journel
et prie Dieu qu'il le rende tout agréable à ses yeux divins et toutes nos
chères Sœurs aussi, que je salue chèrement, vous conjurant derechef toutes de
me témoigner votre chère amitié en priant notre bon Dieu pour mes besoins, à ce
que je le puisse servir avec humilité et pureté, et que je vous puisse
témoigner combien véritablement et de quelle affection je vous suis et serai
toujours, ma très-chère fille, votre, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [19]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Dieu envoie la souffrance aux âmes généreuses comme un
gage spécial de son amour. — La Visitation se maintiendra par l'humilité. — La
Sainte n'approuve pas une messe en musique.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 25 janvier [1632].
C'est bien tout à la
hâte que je vous fais ce billet, ma tant chère fille ; mais, sollicitée
par l'extrême compassion que j'ai de votre mal, je ne veux retarder de vous
envoyer cette recette, que l'on dit être excellente pour adoucir les douleurs
d'hémorroïdes. Certes, vous les souffrez au corps et moi dans le cœur, bien que
je voie en tout cela des effets d'un spécial amour de Dieu qui veut de plus en
plus vous épurer et affiner dans ces tourments, pour rendre votre union avec sa
bonté plus parfaite et excellente. Hélas ! qu'il est aisé de dire le fiat
voluntas tua emmi les douceurs ou choses indifférentes et qui nous touchent
peu ; mais de le dire sans exception dans les sentiments des douleurs et
ennuis, des mortifications et abjections, certes, cela n'appartient qu'à
l'amour pur et fort. Oh ! que bienheureuses sont les âmes traitées de
cette sorte et qui ont la générosité de le supporter ! Je supplie
l'infinie Bonté de vous fortifier de plus en plus en cette voie. — Je n'écris
point à votre chère Sœur la directrice, qui m'a bien fait plaisir de me mander
la solennité de la fête de notre Bienheureux Père ; c'était un vrai saint, solide et vrai
imitateur de son [Sauveur]. Dieu veuille tirer sa gloire de toutes les bonnes
intentions. [20]
Mon Dieu !
qu'il est vrai, ma toute chère fille, qu'il nous est bon de ne nous mêler que
de nous et de notre petit Institut, que j'espère que Dieu maintiendra pour sa
gloire si nous lui sommes fidèles à le conserver sous les larges feuilles de la
très-sainte humilité. Non certes, je n'approuve pas la messe en musique ;
donnez-en l'avis confidemment. Oh ! Dieu nous préserve de cet appétit
d'excellence et de vouloir paraître !
Je tiendrai main que
M. Flocard envoie les greffes par votre entremise. — Nous avons aujourd'hui
fait la communion générale pour vous ; la messe et neuf jours trois
communions se feront à ce qu'il plaise à Dieu accomplir sa très-sainte volonté
en vos souffrances, vous en soulageant, si c'est sa gloire. — Nos petites
recettes de village sont plus efficaces à tels maux que les remèdes des grands
chirurgiens qui les entretiennent bien souvent. Je fais écrire en Comté à une
dame qui en a un excellent, ce m'a-t-on dit.
C'est notre bon
Dieu, ma chère fille, qui répand cette sainte affection dans le cœur de ce bon
seigneur M. le commandeur de Sillery, afin que dans les occasions elle produise
quelque digne effet en faveur de la béatification de notre Bienheureux Père. Je
n'ose prendre la hardiesse de le saluer ; mais, si vous le jugez à propos,
offrez-lui les prières de cette petite Congrégation que nous présenterons au divin
Sauveur de nos âmes pour son bonheur. — Bonsoir, ma vraie fille tout uniquement
bien-aimée. Le saint et pur amour vive et règne en nous et soit béni ! Amen !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
PRIEURE DES CARMÉLITES, À TROYES
Renouvellement d'une sainte amitié.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma vraiment très-bonne et
chère mère,
Je supplie ce divin
Sauveur de nos âmes de remplir la vôtre bénite de son saint et pur amour !
Je ne vous saurais dire, ma bonne Mère, la grande consolation que j'ai reçue
d'apprendre de vos nouvelles, par celle qu'il vous a plu de m'écrire. Mon
Dieu ! que les amitiés fondées en Dieu ont de fermeté et de suavité au
prix de celles du monde ; car c'est la vérité, ma chère Mère, que je sens
toujours au milieu de mon cœur la sainte dilection que Dieu m'a donnée pour
vous aussi vive qu'elle fut jamais ; et d'où procède donc cette négligence
que j'ai à vous la témoigner, au moins par mes lettres ? Certes, je n'en
vois point d'autre cause que cette multitude d'affaires et continuelles
occupations où la divine Providence me tient pour la correspondance que tous
nos monastères ont à celui-ci. Votre bonté me supporte en cela, ma très-chère
Mère, et ne laisse de me continuer son charitable amour et souvenir devant la
divine Bonté ; que j'en suis obligée à Votre Révérence ! car vous ne
sauriez croire l'extrême besoin que j'ai de l'assistance divine. À mesure que
je m'enfonce dans les distractions, il m'est avis et n'est que trop vrai que
j'y vais perdant la dévotion si [nécessaire] pour les soutenir. Mais enfin je
me console en ce que ce n'est point par mon élection [que] je suis dans ce
train, et que la disposition divine et sa très-sainte volonté me doit suffire
pour tout contentement.
Me voici à mes
soixante années passées, et vous parlez de faire [22] le voyage de l'autre vie
devant moi, ma très-chère Mère. Hélas ! certes, vous méritez cette
miséricorde, et moi le châtiment de demeurer encore en ce misérable
monde ; [Dieu me fasse] la grâce que ce soit pour y faire une dure
pénitence ! Cependant je vois que sa Bonté vous gratifie de plusieurs
souffrances dans les infirmités corporelles. C'est pour [accroître] votre amour
et accroître votre couronne, ma très-chère Mère, ainsi en supplié-je sa
souveraine Douceur en laquelle sans réserve, ains de tout mon cœur, ma
très-bonne et chère Mère, je suis votre très-humble et indigne sœur.
Conforme à une copie de l'original gardé chez les
Révérendes Mères Carmélites de Troyes.
À ARLES
Excellence de la voie de simplicité. — Il est très-utile
de passer par les épreuves intérieures ; avantages qu'on peut en retirer.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 5 février 1632.
Non, je vous
supplie, ma très-chère fille, ne vous détournez jamais de cette très-solide et
très-utile voie de la sainte simplicité en laquelle Dieu vous a mise, et je
remercie sa Bonté d'avoir voulu, avec sa divine lumière, confirmer ce que je
vous en avais écrit. Demeurez donc invariable en cette résolution, quoique vous
entendiez dire des merveilles des autres voies. Laissez-les suivre à ceux à qui
Dieu les donne, et suivez toujours la vôtre ; car cette unique simplicité
et très-simple unité de présence et abandonnement en Dieu les comprend toutes,
et d'une manière très-excellente, ainsi que je m'assure que votre âme
l'expérimente par les lumières et mouvements intérieurs qui la portent toute à
l'union intime avec son Dieu et au détachement de toutes choses créées, qui est
la fin de toute bonne oraison. Or, [23] remarquez que les autres voies
conduisent là, et que celle-ci y est arrivée. Ce serait donc une folie à celui
qui tiendrait en sa main quelque chose de précieux, de le quitter pour l'aller
chercher ailleurs : voilà pour ce premier point.
Quant au deuxième,
Dieu vous a soustrait les vues et sentiments de ses richesses pour un temps, à
ce que je vois, et j'en suis consolée, car c'est chose très-utile, voire,
nécessaire à l'âme, de passer par telle étamine. Vous en avez expérimenté les
fruits qui sont la connaissance de notre impuissance et misère, et une plus
grande pureté et nudité d'esprit. Dieu, par un amour très-grand, nous dépouille
des affections et sentiments plus désirables et spirituels, afin que ses dons
n'occupent pas nos cœurs, mais lui seul et son bon plaisir. Oh !
qu'heureuse est l'âme qui se laisse manier sans résistance au gré de ce divin
Sauveur ! Ce serait, ce me semble, le contrarier, qui voudrait en ce temps
de délaissement se forcer à faire des actes de l'entendement ou de la volonté,
soit pour s'exciter au bien ou pour repousser le mal. Je crois donc que l'âme
qui est réduite dans cette extrême impuissance, ténèbres et insensibilité, se
doit contenter de se laisser très-simplement à la merci de la miséricorde de
Dieu par un très-simple acquiescement à tout ce qu'il lui plaira faire d'elle,
sans le vouloir même sentir, ni en faire l'acte ; ains par un simple
regard en Dieu, de la suprême pointe de l'esprit, qui ne veut résister en rien à
Dieu, ains consent à tout ce qu'il lui plaît. Et faut se contenter du même
très-simple regard à la rencontre du mal, ne lui résistant qu'en lui déniant le
consentement et l'acte. Et surtout, ma très-chère fille, il faut absolument
retrancher toutes sortes de réflexions sur ce qui se passe en nous, ne faisant
pas semblant de le voir, quoique nous le sentions bien, ains demeurer dans la
souffrance, douce, patiente et sans rien vouloir, attendant en paix le bon
plaisir de Dieu, et cependant redoubler, s'il se peut, notre fidélité en la
pratique extérieure de toutes vertus, [24] selon les rencontres, employant
généreusement, et malgré nos répugnances et dégoûts, toutes les occasions que
la Providence céleste nous présentera pour cela chaque moment, sans en faire élection,
ni les prévoir de plus loin, et cela comme en trompant notre mal et ne faisant
semblant de voir nos répugnances.
Vous me demandez
encore si l'âme conduite par la voie de cette sainte présence de Dieu, ayant la
liberté quelquefois d'agir, si elle le doit faire ? Je dis que non, sinon
lorsqu'elle se sent attirée de Dieu, ou obligée par quelque devoir de sa
vocation ; mais il n'y a nul mal de s'abstenir de faire ce que nous
connaissons appertement qui nous peut incommoder, quand légitimement
nous le pouvons faire, au contraire nous le devons. Les âmes qui se sont
totalement abandonnées au soin de la divine Providence se doivent, tant qu'il
leur est possible, s'oublier d'elles-mêmes et de toutes choses par ce continuel
regard de Dieu ; mais, quand elles sentent quelque mal ou peine intérieure
ou extérieure, elles doivent simplement l'exposer à leur Supérieure, pour
[faire] ce qu'elle dira, lui laissant le soin du surplus, surtout en ce qui
regarde nos corps. Toutes les actions d'une âme remise à Dieu et de celles qui
veulent faire une excellente vie se doivent faire purement pour son bon
plaisir, soit qu'elles y soient incitées intérieurement ou non. Jésus !
non, ma fille, il ne faut pas laisser les pratiques des vertus dont nous avons
la vue à dessein d'en tirer notre confusion, ce serait une tromperie ;
mais quand, par faiblesse et surprise, nous les omettons ou faisons quelques
défauts, alors il faut employer la sainte et tranquille confusion de
nous-mêmes, nous anéantissant humblement et doucement devant Dieu, selon notre
manière simple. Jamais vous ne devez disputer avec vous-même pour la pratique
des vertus, ains sitôt que vous en apercevez l'occasion, vous la devez
embrasser, et suivre toujours la lumière du bien que Dieu vous présente. De les
rechercher et inventer, je ne vous le conseille pas ; mais seulement
d'être totalement fidèle à celles [25] qui se présenteront dans l'exacte
observance de notre Institut, et dans les événements, de quelque part qu'ils
viennent, vous offrant et unissant toujours à Dieu en toutes choses, selon
votre manière très-simple.
Vous vous êtes fort
bien exprimée par votre lettre, ma très-chère fille. Oh ! ne sais-je si je
vous aurai bien entendue, il me le semble ; mais je sais encore moins si
j'aurai répondu selon votre besoin et désir ; j'en supplie Notre-Seigneur
et que le tout soit à sa gloire ! Quand j'eus lu votre lettre, je pensai
d'y répondre par une douzaine de paroles substantielles ; mais j'eus
crainte que votre chère âme n'en fût pas satisfaite, et j'ai grand désir de son
contentement et avancement, l'aimant et chérissant avec une dilection
très-spéciale. Je prie sa divine Bonté qu'elle vous maintienne en sa
miséricorde, et je la conjure de vous rendre très-petite et vile à vos propres
yeux, et très-agréable aux siens divins. Je suis en son amour tout à fait vôtre
et de cœur.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Elle lui recommande M. Pioton. — Instances faites pour la
fondation de Mâcon. — La fidèle pratique de la Règle est préférable aux
austérités volontaires.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Sans reproche, je
vous dis que je vous écris bien autant que vous m'écrivez ; et maintenant
c'est par notre bon et vertueux M. Pioton que nous aimons bien, car il est tout
à fait affectionné à la Visitation, et nous en recevons mille assistances [26]
et charités. Je vous prie de l'en remercier encore, car c'est pour vos Sœurs de
votre patrie qu'il s'emploie avec tant d'affection ; je m'assure que vous
le connaissez bien. Nous n'avons point vu le bon Père Jésuite dont vous nous
parlez, qui a ménagé votre affaire de Condrieu ; j'en serais volontiers
marrie ; mais pourtant je laisse gouverner Notre-Seigneur comme de raison.
Pour votre affaire
de Mâcon, ma Sœur la Supérieure du faubourg de Paris nous mande qu'elle a bien
écrit trois ou quatre fois à madame de Senecey ; mais que le grand
éloignement de Paris de la Reine est cause qu'on n'en a pas réponse, avec ce
que cette bonne dame a été malade ; mais qu'elle lui en allait encore
récrire pour savoir si on pourrait tirer d'elle quelque résolution. Je pense
qu'il faudrait avoir un peu de patience que la Reine se rapproche de Paris, car
on en aura plus facilement des nouvelles.
Le paquet de Moulins
aura, je crois, enfin été rendu ; car ma Sœur [de Bigny] Supérieure nous
fait faire des remercîments en général. Mais je ne sais que dire de ces
pénitences qu'elle fait ainsi, tant de jeûnes au pain et à l'eau, se prosterner
contre terre devant le Saint-Sacrement, et telle autre chose ; je crois
que vous feriez bien de lui en écrire, et qu'elle le trouverait bon ; je
lui en vais aussi dire mon sentiment. Mon Dieu ! ma chère fille, si nous
employons bien toutes nos forces à bien observer tout ce qui est de l'Institut,
nous ferons un sacrifice très-agréable à Dieu, qui n'exauce que les prières des
humbles ! Certes, elle se laisse un peu trop aller à l'inclination qu'elle
a à cet esprit particulier, je le lui dirai franchement. Mais, pour vous, ma
chère fille, ne vous vantez point de ce que vous me dites, ne faites point de
pénitence, car votre inclination y est assez portée ; mais vous savez trop
bien les intentions de notre saint Fondateur pour vous y laisser aller.
Au surplus, nous
désirons que ma Sœur Agnès [Daloz] [27] retourne ici, quand ma Sœur M. E.
reviendra de Moulins ; mais je voudrais que vous l'attirassiez quelque
temps auprès de vous auparavant, afin qu'elle nous apporte bien amplement
toutes vos nouvelles, et que vous me disiez aussi ce qu'il vous semble de son
esprit. La nièce a le naturel bon et une âme pure et candide ; son
entendement fait bien son devoir, mais sa volonté n'est pas encore attirée.
Priez bien Dieu pour elle. Elle n'a pas encore l'habit ; mais c'est la
faute de MM. ses parents, qui ont voulu traiter avec un peu trop de liberté
avec nous. Dieu fasse abonder son saint amour en nos cœurs, et de toutes nos
chères Sœurs que je salue, et suis sans fin ni limite toute vôtre.
Conforme
à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
La Sainte hésite à entrer en correspondance avec le
commandeur de Sillery. — Projet d'un voyage à Chambéry.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 17 février 1632.
Ma très-chère fille,
M. le président
Flocard s'en est revenu fort satisfait et édifié de vous. — Loué soit Dieu de
ce que vous voilà exempte et soulagée de vos douleurs ! J'espère que vous
ferez tout ce que vous pourrez pour vous conserver en santé, comme je vous en
prie de tout mon cœur ; car, ma très-chère fille, je ne saurais m'empêcher
de désirer qu'il plaise à Dieu vous la maintenir, autant que je le ferais pour
moi-même, ains bien plus. Ma fille, ma Sœur la directrice m'écrit que vous ne
voulez pas prendre [de soulagements] ; mais je crois que c'est son
affection qui la fait parler de la sorte, car vous ne pouvez pas être en état
de [28] vous mettre au train commun ; aussi ne le faudrait-il pas faire.
Je pense que l'on vous ordonnera de manger de la viande ce Carême, à quoi vous
devez obéir simplement et sans difficulté.
La lettre du
seigneur dont vous me parlez m'a extrêmement plu, car
on voit là dedans une si grande candeur, bonté et simplicité, et cela est tant
extraordinaire en une personne de sa condition ; mais je n'eus jamais plus
de peine que je n'en ai eu après [la réponse que je viens de lui faire], aussi
est-elle fort mal faite à mon gré, car je ne sais presque ce que je lui dis. Je
n'ai point trouvé de fondement en la sienne pour y faire une solide réponse,
d'autant qu'il me demande des avis sans me dire rien de particulier. Je l'ai
pourtant fait de bon cœur ; mais si vous jugez qu'il ne soit pas à propos
de la lui envoyer, vous me feriez grand plaisir de la retenir, et d'en faire
écrire une autre, ainsi que vous penserez qu'il la lui faut ; car, ne
connaissant ma lettre, il lui sera tout un. J'ai remarqué un esprit dans la
sienne qui ne me semble pas avoir besoin de rien qui puisse venir du mien,
quoique son humilité la lui fasse désirer ; et s'il est encore commençant
en la voie de Dieu, je crois qu'il tirera plus de profit et d'utilité de vous
que non pas de moi, à cause de la confiance et grande estime qu'il a de vous, et
qu'aussi je me trouve fort ignorante en ces choses-là, si ce n'est pas [pour]
les Filles de la Visitation ; car je me lasse tellement de faire toujours
les mêmes choses qu'il y a longtemps que je fais, que je voudrais volontiers
qu'on me laissât là sans me rien dire, si ce n'est pour les choses de
l'Institut.
Au reste, ma
très-chère fille, vous avez fait un grand plaisir à madame la princesse de
Carignan d'obtenir la permission pour la faire entrer dans vôtre monastère.
C'est une princesse tout à fait de bon naturel, mais qui n'a pas beaucoup de
[29] dévotion : je voudrais bien que son bon Ange lui inspirât de s'en
revenir, et elle ferait fort bien de le faire. Je vous prie de lui faire donner
celle que nous lui écrirons, comme aussi à madame de Nemours, laquelle nous a
témoigné, par une des siennes, tant de joie et de consolation de venir ici. [Plusieurs
lignes effacées.]
J'ai confiance que
Dieu fera réussir le tout à sa gloire, et j'en recevrai une particulière
consolation, à cause de la vénération ordinaire qui s'y fera au
Saint-Sacrement. Je vous prie qu'en nous renvoyant les Dépositions de notre
Bienheureux Père, vous nous envoyiez les papiers et mémoires qu'on avait donnés
au Révérend Père Goulu. — Ma très-chère fille, j'aurai à faire, dès trois ou
quatre semaines après Pâques, pour voir nos Sœurs de Rumilly, qu'il y a une
année qui le demandent, et que Mgr désire que je voie, et encore nos Sœurs de
Chambéry qui veulent que je leur aille aider à choisir une place pour
bâtir ; c'est pourquoi je désirerais que vous me fissiez le bien de savoir
si Mgr de Bourges sera ici précisément après Pâques, ou si ce temps de trois ou
quatre semaines se pourra écouler avant son arrivée. Mais il le faudrait savoir
dextrement sans lui dire mon dessein ; car, pour aucune chose, je ne
voudrais pas retarder les affaires de notre Bienheureux Père d'un moment.
Ma pauvre très-chère
grande fille, il m'est avis que mon chétif cœur se joint et serre tous les
jours davantage au vôtre tout bon et tout pur, que je sens tout dans le mien.
Mon Dieu ! que je désire que ce pur et saint amour du Sauveur y
règne : sa divine douceur le veuille selon la mesure de son dessein
éternel. Je vous dis encore que la lettre de ce bon seigneur était pleine d'une
si grande douceur et simplicité, que tout à fait il est entré bien avant dans
mon cœur ; mais je ne crois pas lui pouvoir être utile en rien.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [30]
À PARIS
Humilité de la Sainte. — Souhaits de perfection. —Promesse
d'un souvenir
devant Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 février 1632.
Monsieur,
Vous m'avez écrit
avec cent fois plus d'honneur que je n'en mérite, et le titre de mère m'est
d'autant plus honorable qu'il m'est peu convenable partant de vous, Monsieur,
de qui la qualité et la dignité me rendent, avec grand honneur, très-humble
servante. Mais je vois clairement par la douceur, franchise et candeur de votre
lettre, que vous n'agissez pas selon ce que vous êtes dans le monde, mais en
vrai serviteur de Dieu, et [31] partial de l'esprit pur et très-simple de notre
Bienheureux Fondateur, lequel paraît si naïvement en toute votre lettre, que
j'admire avec consolation, comme vous, Monsieur, vivant dans le monde et occupé
aux affaires du siècle, avez su l'acquérir au degré que je vois que vous le
possédez. J'en loue et bénis notre bon Dieu et le supplie vous en donner
l'entière perfection, car j'estime que l'esprit dont ce Bienheureux Père [vous]
favorise est un des plus précieux dons de la divine Miséricorde, et je vous
confesse ingénument, Monsieur, que selon la grâce que Dieu m'avait faite, et la
véritable bonté que ce vrai Père avait à se communiquer à moi, je devrais
posséder ce trésor et m'en être enrichie comme vous estimez que je le suis.
Mais, hélas !
il faut que je vous dise, et à ma confusion, que ma misère a bien été si grande
qu'elle s'est, ce me semble, contentée d'admirer et désirer le vrai bien que je
connaissais en ce grand Saint, sans que je me sois appliquée sérieusement comme
il est requis pour acquérir les solides vertus qu'il m'enseignait, et par ce
moyen je suis demeurée toute pauvre et toute destituée, ce que je vous dis avec
la douleur dans le cœur, mais avec entière vérité, selon que je me puis connaître,
afin, Monsieur, que vous ne m'estimiez pas meilleure que je ne suis, et que
néanmoins, en suivant les maximes de notre Bienheureux Père, vous ne laissiez
pas de m'aimer et de m'accepte !-en l'honorable association que
vous désirez avoir avec les Filles de la Visitation, puisque tout maintenant,
selon la doctrine encore de ce grand Père, je me résous et fais état de
commencer tout de bon à suivre avec une plus grande fidélité ses suaves
enseignements, à quoi certes m'excitent grandement l'amour et vénération que
Dieu vous a donnés pour son esprit. Il est hors de propos de vous dire ceci,
Monsieur, mais c'est que je me trouve dans une disposition de vous parler avec
toute simplicité et confiance, comme si j'avais l'honneur de vous avoir vu et
connu très-particulièrement, tant vous m'avez [32] ouvert le cœur par la bonté,
franchise et confiance avec laquelle il vous plaît de me parler, de sorte que,
si j'avais de la capacité, je crois que je vous dirais merveille pour
correspondre à votre humilité et piété ; mais je ne sais que vous dire,
Monsieur, étant une ignorante ; et puis quand notre bon Dieu parle
lui-même au cœur de ses serviteurs, il faut que la créature se taise. Je vois
que sa divine lumière vous éclaire et que la chaleur de son saint amour vous anime.
Que reste-t-il,
sinon, comme disait notre très-saint Père, que nous humiliant profondément sous
sa très-sainte main, nous nous laissions conduire dans les voies de son bon
plaisir, selon son même bon plaisir, ne résistant en rien du tout à ce qu'il lui
plaira faire de nous ; correspondant de notre part à sa grâce par la suite
du bien que sa Providence nous montrera dans les occasions' qu'elle nous
fournira. Cette pratique était infiniment estimée et fidèlement observée par
notre Bienheureux Père. Ses écrits que vous lisez avec tant de soin et d'amour
sont pleins de cette doctrine ; ils vous fournissent, je m'assure,
Monsieur, toute la consolation et instruction nécessaire à votre chère et
très-digne âme, pour laquelle je me sens un respect et dilection nonpareille,
qui m'empêchera toujours bien de m'oublier jamais de vous, Monsieur, devant sa
divine Majesté, que je supplierai incessamment de conserver en vous ce que sa
Bonté y a mis, et de le perfectionner selon ses éternels desseins, afin
qu'après avoir longuement et efficacement servi et accru sa souveraine gloire
en cette vie, vous en soyez comblé en l'éternité des éternités bienheureuses.
C'est ce que sans fin mon âme vous souhaitera de toutes ses affections, ayant
ainsi résolu devant Dieu, en la très-sainte communion que j'ai faite à votre
intention, et ne doutez point, Monsieur, que je ne sois toute vôtre en ce divin
Sauveur, et que je ne vous garde la fidélité du secret que votre bonté et
confiance mérite. [33]
Notre grande
très-chère Sœur Favre m'écrit de vous en des termes qui me font assez connaître
que votre vertu et piété se sont puissamment acquis son cœur et toute autorité
vers elle ; néanmoins puisqu'il vous plaît, Monsieur, lui en écrire [plusieurs
mots illisibles] ; je les estime bienheureuses de communiquer avec
vous dans la simplicité et franchise de l'esprit de notre Bienheureux Père, et
de pouvoir vous donner quelques petites satisfactions pour correspondre selon
notre petitesse à la dignité de votre très-chère, très-honorable et très-utile
bienveillance que j'estime incomparablement. Je désire que dès maintenant et
toujours nous vous révérions et chérissions comme notre très-bon père et
très-cher seigneur, et en cette qualité, je demeurerai en tout respect et d'une
affection incomparable, Monsieur et très-honoré Père, votre très-humble et
très-obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.
Excusez, s'il vous
plaît, si je vous envoie cette lettre ainsi brouillée ; c'est votre bonté
qui m'en donne confiance.
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.
À PARIS
Pieux souhaits et félicitations.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Madame,
Je supplie le divin
Sauveur de nos âmes de combler celle de Votre Altesse Sérénissime des trésors
de ses grâces, afin que parmi toutes les grandeurs et contentements périssables
dont elle jouit en cette vie mortelle, les vertus chrétiennes reluisent de plus
en plus en toutes ses actions, comme seules [34] capables de lui donner la
vraie paix et un solide bonheur. Voilà, Madame, le souhait continuel que celle
qui vous honore avec tout respect et sincérité offre de tout son cœur à la
divine Majesté pour Votre Altesse Sérénissime. On nous a dit que Monsieur votre
cher petit prince parle maintenant. Nous avons écrit à madame la marquise de
Saint-Maurice pour en avoir une entière assurance, et de la santé du
très-aimable Monsieur le petit poupon, afin d'en remercier Notre-Seigneur.
L'approche du
printemps nous fait espérer le retour de Votre Altesse en ce pays ; et certes,
Madame, je crois bien que le temps vous doit ennuyer d'être privée de la
présence de Monseigneur le prince, et que votre affection vous sollicite
vivement de retourner bientôt vers Son Altesse. C'est aussi le désir de tous
ceux qui vous honorent, Madame, et particulièrement de celle qui vous fait
très-humble révérence et demeure d'une affection pleine d'honneur, Madame, de
Votre Altesse Sérénissime, la très-humble, etc.
À PARIS
Invitation à assister à l'ouverture du tombeau de saint
François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Madame,
Mes désirs seront
accomplis, quand, par effet, nous posséderons l'honneur et le contentement de
votre présence, ainsi que Votre Grandeur nous le fait espérer, par la lettre
dont il lui a plu de m'honorer. Quel bonheur et quelle jubilation et
consolation pour vos petites filles et obéissantes servantes ! Nous prions
incessamment la divine Majesté de vous amener heureusement, Madame, avec
Messeigneurs vos chers et dignes [35] enfants, desquels M. le président Flocard
nous a raconté des merveilles, et comment, par votre soin vraiment maternel,
ils sont élevés en la crainte de Dieu, et en toutes les vertus convenables à la
grandeur de leur naissance. Notre-Seigneur les veuille bien conserver et
perfectionner pour sa gloire, pour le bien des peuples et pour votre
consolation, Madame. Notre Bienheureux Père leur est un puissant intercesseur,
car il honorait et chérissait singulièrement Votre Grandeur, à laquelle
j'espère qu'il obtiendra quelques nouvelles faveurs du ciel, lorsqu'elle
s'approchera de son sacré tombeau. Je prierai MM. les commissaires de ne le
point ouvrir que vous ne soyez arrivée. Attendant ce bonheur, nous supplions la
divine Majesté de vous conserver, Madame, vous comblant de ses plus grandes
grâces, et de vous faire arriver en ce lieu en pleine et parfaite santé. En
cette affection, je demeure, après vous avoir fait une très-humble révérence,
Madame, de Votre Grandeur, la très-humble, etc.
À RIOM
Congratulations sur le courage qu'elle a montré en
demeurant à Riom pendant la peste.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 19 février 1632.
Ma très-chère fille,
Enfin, après que
j'ai prou tourné de tous côtés, j'ai appris de vos nouvelles par le moyen de
nos bonnes Sœurs de Montferrand qui sont à Saint-Flour, ce qui nous a été de
grande consolation, parce qu'elles nous assurent que Notre-Seigneur vous a
préservées du mal contagieux à Riom où vous êtes demeurées, en quoi j'ai bien loué votre courage et
fermeté à n'en [36] pas vouloir sortir. Et certes, ma très-chère fille, je
crois que Dieu a tant eu agréable votre confiance en sa sainte protection et
votre résignation à son bon plaisir, que cela a été cause que vous n'avez point
eu de mal, dont je bénis et remercie de tout mon cœur sa douce Bonté, la
suppliant de vous continuer son soin et assistance avec laquelle vous n'avez
rien à craindre. L'on nous dit que nos Sœurs qui sont sorties avec ma Sœur la
Supérieure n'ont pas été exemptes de maladies, et qu'il leur est mort une Sœur.
Il nous tarde bien d'avoir des nouvelles assurées.
Voici la troisième
fois que nous vous écrivons depuis que vous êtes parmi les périls, et nous
n'avons point reçu des vôtres. Je vous prie, ma chère fille, de nous en faire
un peu de part, quand vous en aurez la commodité. — Nous nous portons toutes
assez bien ici, grâce à Notre-Seigneur, et tout y va à l'ordinaire avec
bénédiction. Je salue chèrement toutes nos bonnes Sœurs qui sont avec vous, et
prie Dieu de vous donner à toutes l'abondance de son saint et pur amour, auquel
je demeure, d'une affection sincère, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [37]
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Gomment procéder à l'égard d'une novice dont la vocation
paraît douteuse : on ne peut la renvoyer sans la faire passer par les
vois, du Chapitre.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 22 février 1632.
Ma très-chère fille,
Je supplie Notre-Seigneur
de répandre sur votre chère âme et sur celles de nos chères Sœurs l'abondance
des plus particulières grâces de son saint amour éternel. — Je vous remercie de
la charité que vous m'avez faite de communier pour moi le jour de saint Jean
l'Aumônier ; c'est bien à tel jour, ce me semble, que Dieu me fit la grâce
de me recevoir au giron de son Église. Vous avez fort bonne mémoire ; car,
à ce jour-là, je suis entrée dans ma soixante-unième année. De prier Dieu qu'il
me donne encore une suite d'années en cette vie, c'est ce que je vous prie de
ne pas faire ; il faut laisser cela à la disposition divine, mais implorer
sur moi la Miséricorde divine ; c'est de quoi je vous prie et toutes nos
chères Sœurs, afin que, quand je partirai de cette vie, je puisse être digne de
participer aux mérites de Notre-Seigneur.
Quant à votre
novice, je ne vois pas un point bien déterminant ; car je vois en elle
plusieurs choses de grande considération, et, si elle était ici, nous n'y
ferions autre chose que ce que je vais vous dire : j'avertirais le
Chapitre avant que de la proposer, et l'exhorterais confidemment de prier Dieu
pour ce sujet, afin qu'il lui plût donner la lumière de ce qui serait de sa
volonté ; après quoi je ferais voir au Chapitre les conditions de son esprit,
ainsi que ma Sœur Marie-Antoinette me les a dépeintes, qui sont fort à mon gré.
Je vais vous envoyer la lettre à cet effet, croyant que vous serez possible
bien aise de [38] la faire lire au Chapitre, en laquelle j'ai marqué deux ou
trois points qui sont fort dignes d'une cordiale considération. Au reste, c'est
une bonne âme que Dieu veut sauver, mais je ne sais pas si la Providence a
projeté que ça fût dans notre Institut : vous le connaîtrez si les Sœurs y
procèdent en sincérité de cœur et devant Dieu, après lui avoir demandé la
lumière de son bon plaisir. Mais, ma chère fille, il ne faut pas qu'elles
fassent aucun fondement (soit pour la réception, soit pour le rejet) sur
l'espérance du bien ou du mal à venir ; mais qu'elles s'appuient sur l'état
présent, car Dieu ne requiert pas ces prévoyances de nous ; il faut
qu'elles fassent considération sur l'état présent de son esprit, car c'est ce
que Dieu veut de nous. Voilà, ma très-chère fille, ce qu'il me semble que je
ferais, car vous ne la pouvez pas mettre dehors sans la faire passer par les
voix. Dieu nous donne sa sainte lumière à toutes, et nous comble toutes de ses
plus saintes bénédictions. Croyez, ma très-chère fille, que je suis de cœur
entièrement vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Toulouse,
SUPÉRIEURE a BESANÇON
Éloge de quelques Sœurs de Besançon. Bien choisir la place
pour bâtir le monastère. — Projet de fondation à Gray. — Une Supérieure doit
éviter l'exagération en faisant l'éloge de ses Religieuses.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Je loue Dieu de la
satisfaction que vous continuez de recevoir par la bonté et les vertus de nos
chères Sœurs, et je supplie sa Bonté leur départir toujours plus abondamment
ses grâces et miséricordes, afin qu'elles persévèrent au bon chemin, où, par
[39] la grâce de Dieu, je vois qu'elles marchent, par le récit que vous m'en
faites.
Je suis
particulièrement consolée de ce que vous me marquez de ma Sœur M. -Dorothée [de
Velleclef], de ma Sœur Mad. -Angélique [Boulier], et L. -Madeleine [Adelaine],
car c'est un grand contentement que de voir les âmes s'avancer en leur voie,
par l'affranchissement des imperfections qui les y arrêtaient ; mais vous
ne me dites rien en particulier de ma Sœur [Catherine-E.] de la Tour, et si
est-ce pourtant qu'on la jugeait être une fille de grande espérance, c'est
pourquoi je voudrais bien que vous m'eussiez dit si elle [ne] s'est point
secouée de ces petites tracasseries qui lui peinaient l'esprit autrefois. —
Quant à ma Sœur [M. -Françoise] de Remelon et ma Sœur M. -Agnès [Charmigney],
oh ! c'est la vérité que ce sont des dignes Religieuses, et qui ont des
bons talents pour bien rendre du service à Dieu et à l'Institut, à ce que j'en
ai pu connaître pour avoir vu l'une et entendu l'autre dans ses lettres. Dieu
vous les conserve, s'il lui plaît. — Nous participons bien à votre douleur en
la maladie de notre chère Sœur M. -Séraphine [Monnier], mais je vois que Dieu
veut accroître la Visitation qu'il a faite au Ciel, par celles qu'il retire de
cette vie, et c'est grand cas que toujours les bonnes s'en vont ; car sa
Bonté sait bien cueillir le grain qui est mûr ; mais j'espère qu'il
remplira la place de cette chère Sœur de quelque autre digne sujet qu'il vous a
destiné de toute éternité pour le bien de votre maison.
Je trouve votre
temporel assez bon, pour le peu de temps qu'il y a que vous êtes établies, et
votre sacristie bien fournie. Tout ce qui vous est le plus nécessaire, c'est
d'avoir une belle place suffisante pour votre logement. Je crois bien que ce
sera votre avantage de demeurer encore pour quelques années en maison de
louage, pourvu que vous y ayez assez de place pour vous y accommoder
suffisamment. Celle de M. le conseiller Busson vous sera, comme je pense, fort
propre, et [40] [je] m'assure que si M. le comte de la Tour étant ami de votre
maison comme il le témoigne, il ne trouvera pas mauvais que vous sortiez de
chez lui pour vous loger plus commodément ; puisque, même à ce que vous me
dites, ce changement vous est tout à fait nécessaire, et vous verrez, dans le
temps que vous y serez, les occasions qui se pourront présenter afin d'avoir
quelque belle place pour bâtir un monastère. — Quant à votre fondation de Gray,
ma très-chère fille, ce sera fort à propos que vous alliez gouverner cette
nouvelle maison-là, puisque même vous avez des Sœurs si vertueuses et capables
pour laisser à celle de Besançon ; mais un peu avant le temps de
l'accomplissement de cette bonne œuvre, je crois que vous ferez bien d'écrire à
Mgr de Genève pour lui demander votre obéissance, car il faut toujours rendre à
nos Supérieurs le respect et la soumission que nous leur devons. Mais vous nous
dites que vous allez recevoir une douzaine de filles qu'il faudra mener à cette
fondation ; il sera donc nécessaire que la maison où vous irez soit bien
grande pour loger d'abord tant de filles.
Il faut que je vous
dise, ma chère fille, selon la cordiale confiance qui doit être entre nous, que
vous louez votre famille si hautement et par des termes de perfection si
élevés, que cela fait penser qu'il y a de l'exagération, et l'on n'en est pas
édifié. Ce que je dis pour certaines lettres que vous avez écrites à nos
maisons ; car chacun sait que les communautés sont composées de différents
esprits et d'inégales perfections, c'est pourquoi il serait mieux de
dire : Toutes marchent bien fidèlement, chacune selon sa portée ;
nous en avons quantité ou tel nombre qui vont à grands pas, soit au dénûment ou
en la pratique de l'humilité, simplicité, pauvreté et semblables vertus. Cela
édifierait plus et donnerait plus de foi, car nous autres, si bien nous devons
tendre à la plus haute perfection, qui consiste à la très-humble, simple et
totale union de nos âmes avec Dieu, si en devons-nous toujours parler en des
termes simples et [41] rabaissés. Certes, l'on ne pourrait parler de la
sainteté de notre Bienheureux Père plus hautement que vous [ne] faites de nos
Sœurs. Il a fallu, ma très-chère fille, que mon cœur vous ait donné ces petits
avis, que je m'assure vous recevrez comme il faut, avec votre amour filial.
Vous aurez bientôt
nos Réponses que l'on dit être fort propres à pratiquer, pour y voir l'esprit
de cordiale humilité et simplicité que l'Institut requiert ; vous m'en
direz votre sentiment, et, bien que je me mortifie de vous dire ceci, je ne
laisse de le faire par confiance. Croyez que de cœur sincère je suis totalement
vôtre.
[P. S.] Ma chère fille, vous ne nous faites point de
mention si vous avez reçu une lettre, que nous vous avons écrite par les bonnes
Sœurs de Sainte-Claire ; je crois que notre communauté vous a aussi écrit
nos nouvelles. Je ne vois pas les lettres qui sortent de céans parce que je
n'en ai pas le loisir ; mais j'ai commis une Sœur pour les voir, et je
crois que le style en est simple ; c'est pourquoi je pense que nos Sœurs
feraient [bien] de se former selon ce qu'elles verront en ces lettres, pour ce
qui regarde la simplicité aux paroles et aux écrits. — Je ne sais si le bon M.
Chassignet aura reçu une lettre que je lui ai écrite ; je voudrais bien
que vous me disiez cordialement comme quoi il est satisfait de vous, et comme
il se lient bien ami à votre maison, et qu'encore plus cordialement vous
tâchassiez de lui donner tout le contentement et gratitude qu'il vous sera
possible, pour les bons offices qu'il a faits à votre maison.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [42]
À Apt
Affectueux encouragements.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 7 mars [1632].
C'est de ma main et
de tout mon cœur que je fais ce billet à ma pauvre très-chère fille
Françoise-Catherine, pour lui dire que j'ai reçu et lu sa bonne lettre avec
fort grande consolation, y ayant vu clairement que la bonne main de Dieu la
tient toujours à soi et conserve dans son cœur ses saintes affections et
résolutions, que par sa miséricorde il y a mises. Conservez bien ce trésor, ma
très-chère fille, par une grande fidélité à l'observance et à la suite du bien
que vous connaîtrez que cette infinie douceur désirera de vous.
Quant à ce qui vous
est arrivé par le changement de lieu, vous vous devez assurer fermement que c'a
été par disposition divine, pour votre bien et celui de la maison où vous êtes.
Demeurez-en donc à jamais totalement en paix, car je vous y aime beaucoup mieux
qu'ailleurs, et tâchez de tenir votre esprit dans une grande confiance en
l'amour de Dieu, vous abandonnant toute à sa sainte disposition, avec une
douce, suave et tranquille humilité et confusion de vous-même, qui soit
accompagnée de générosité et bonne espérance. Croyez, ma chère fille, que je
[43] vous aime fort chèrement, ainsi que notre Sœur Françoise-Angélique
[Moynet] aussi, et suis toute vôtre. — Saluez toutes nos Sœurs de ma part. Dieu
répande son amour sur cette troupe, et soit béni.
Conforme à une copie gardée à la Visitation de Thonon.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE LE PARIS
Elle applaudit au bon état du deuxième monastère de Paris.
— L'esprit du monde doit être éloigné de la Religion. — Prochain voyage de Mgr
de Bourges à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
C'est la bénédiction
que Dieu répand sur notre union cordiale, ma très-chère unique fille, que cette
sainte consolation que nous ressentons sur la communication que nos cœurs se
font de leurs réciproques affections. Certes, je la sens très-intime et
incomparable, et j'admire la conformité de nos sentiments en toutes choses.
Cela m'est un surcroît de suavité et de contentement dans cette intime union
que Dieu a faite en nous. Sa douce Bonté me la continue, s'il lui plaît, dans
son éternité !
Je suis bien aise
que vous m'ayez dit tout au long ce qui se fait chez vous, car je trouve cela
tout bien. Je n'en croyais rien moins auparavant, et je jugeais acertement [aisément]
que ces bonnes filles avaient vu quelque chose d'extraordinaire pour la liberté
[d'esprit qui règne en] votre maison. Je sais qu'elle est sainte et selon le
vrai esprit ; mais elle ne fut pas goûtée à cause de la contrainte et rudesse
où l'on vit à N... et où elles ont été élevées, et je n'y ai su rien gagner, au
moins fort peu. C'est grand cas comme notre bonne ancienne de là n'a point
réussi en son gouvernement, ni pour le temporel, ni pour le spirituel. Ces [44]
grands esprits ne sont pas les plus propres à la religion. Elle a toutefois le
cœur très-bon et tout cordial. Hélas ! elle désire retourner ici ;
mais je ne puis avoir ce sentiment de l'y tirer. Au contraire, j'appréhende son
humeur et sa manière de traiter, nonobstant que je l'aime chèrement, car, de
vrai, sa bonté le mérite. Ne lui faites point savoir que vous ayez connaissance
de ce que ses filles ont dit de votre maison et des autres. Je trouve tout à
fait selon mon cœur cette parole que vous me dites, que jusqu'aux moindres
circonstances, la modestie religieuse doit paraître. Mon Dieu ! ma
très-chère fille, que cela est conforme à l'esprit de notre Bienheureux
Père !
Il faut que je vous
dise, mais à vous seule, que la Supérieure qui fut ici l'été passé (je crois
que vous la devinerez) était si parfumée, avec la
robe fort traînante et les souliers fort hauts, et semblables vanités, que nous
en étions toutes scandalisées. Seigneur Jésus ! que cet esprit du monde
doit être éloigné de la sainte Religion ! et que je le crains pour la
nôtre ! Je prie Dieu qu'il ne permette jamais qu'il y entre ! Elle
s'en alla de céans avec beaucoup de bons changements ; elle y
admirait la pauvreté et simplicité religieuse qui y reluit. Elle a le cœur bon,
et j'espère qu'elle fera prou, car elle goûte fort le vrai esprit de religion
quand on lui en parle. Enfin elle fit ici de fort bonnes résolutions.
Je suis bien aise
que notre bonne Sœur la Supérieure de Montargis vous ait vue, et que ces
Messieurs et vous jugiez bien de son intérieur. C'est une âme qui a eu des
marques de grande piété dès son enfance. Dieu lui continue ses grâces. Amen.
J'admire
l'entortillement de l'esprit de notre chère Sœur de la ville. Il y a sans doute
de la tentation de jalousie, et un grand désir d'être fort aimée et approuvée
de vous. Je lui sais bon gré de ce dernier, pourvu qu'elle en demeure en paix.
Enfin, notre misère est grande, ma très-chère fille ; mais pourtant c'est
un bon cœur, et je suis extrêmement aise qu'elle soit partie [45] d'avec vous
si contente et satisfaite. Son cœur requiert des témoignages d'un grand et
franc amour de ceux qu'elle aime ; mais je l'admire d'avoir parié de cela
à notre bon archevêque, auquel je ne puis écrire pour cette fois, ni à
d'autres. Je le salue chèrement quand vous le verrez, et ma fille [de Chantal]
qui a bien envie de venir ici avec lui ; mais je ne sais s'il l'agréera.
J'en attends la réponse, et lui encore de meilleur cœur ; je sais qu'il
viendra de toute son affection. Dieu nous les amène ! L'on ne veut plus de
M. Ramus ; c'est pourquoi le Père dom Juste en écrit [propose] un autre
moyen à notre bon archevêque, afin que si quelque accident lui arrivait ou à
Mgr de Belley, notre affaire ne se retarde plus. Ma fille, je suis votre propre
cœur, et vous êtes le mien en Jésus. Qu'il en soit l'amour !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE
Remercîments ; promesse de prières.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 9 mars [1632].
Monsieur,
Nous
vous remercions très-humblement
du soin et de la peine que vous avez pris pour nous faire jouir des charitables
libéralités de Son Altesse Sérénissime. [Que Dieu], par son infinie bonté,
veuille répandre sur ce grand et incomparable prince les plus riches trésors de
ses grâces célestes, et sur vous, Monsieur, toutes sortes de bénédictions et de
consolations, et vous ramener bientôt en pleine santé et contentement. C'est
notre désir et notre espérance, et pour cela nous offrons incessamment nos vœux
et nos communions à la divine Majesté, [46] nous confiant que sa souveraine
Bonté nous donnera, malgré la malice de nos persécuteurs, ce qui nous sera le
plus utile pour sa gloire en nous et notre vrai bonheur et repos, et couronnera
enfin notre patience et innocence d'une sainte victoire, ainsi que de tout mon
cœur j'en supplie sa douce Miséricorde, et de vous être lui-même la récompense
de tant de biens et assistances que nous recevons de votre bonté et sainte
affection. Je demeure sans fin avec une dilection pleine de respect, Monsieur,
votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Salo (Lombardie).
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Inquiétudes sur la santé de cette Supérieure ;
abandon à la volonté de Dieu. — En quoi consiste l'esprit de la Visitation. —
Désir que la fondation de Nîmes se fasse par le monastère d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 mars [16321.
Ma très-chère fille uniquement bien-aimée,
Croyez que ce n'est
pas sans douleur bien sensible que j'ai appris, par le récit de notre Sœur M.
-Renée [Fabert], les extrêmes incommodités où vous vous êtes trouvée, et les
remèdes violents que l'on vous fait, lesquels sans doute, s'ils se continuent,
vous ruineront tout à fait ; car, à mon avis, vous n'avez besoin que d'un
peu de manne de temps en temps pour décharger votre poitrine, et du reste
j'écris à notre Sœur M. -Renée, à quoi je vous supplie, ma très-chère fille, de
donner foi et consentement, me confiant que, par ce moyen, Dieu vous
maintiendra dans une santé suffisante, pour le bonheur de cette nouvelle
plante. Hélas ! ma fille, que je le désire et que j'en supplie la divine
Bonté de bon cœur, avec toutefois entière [47] soumission à sa très-sainte volonté.
Tâchez fort de vous récréer par la confiance que vous devez prendre en Dieu,
que s'il lui plaît de vous tirer à soi, il pourvoira voire maison selon son
besoin et fortifiera nos Sœurs, lesquelles vous devez fort porter à cette
confiance et entière résignation en Dieu ; car elles doivent cela à la
souveraine Bonté, à leur propre conscience, et à l'honneur de leur saint
Institut. En tout et partout il nous faut toujours montrer vraies servantes de
Dieu et imitatrices de notre Bienheureux Père, comme nous le devons être ;
que si la douleur nous étreint le cœur, la raison et la crainte de Dieu nous
doivent néanmoins toujours tenir dans les termes de notre devoir.
Monseigneur votre
digne prélat fait avec tant d'affection ce qu'il juge pour votre mieux qu'il
lui en faut savoir bon gré, et en effet vous expérimenterez, moyennant la grâce
de Dieu, que c'est un avantage de n'être point contraintes de s'accommoder dans
des maisons bâties, et qu'il sera mieux de faire à pleine liberté votre
monastère. Dans deux ans au plus, vous y pourrez loger. — Je vais donc écrire
au bon Père Carrel : je voudrais que vous sussiez de lui imperceptiblement
où je l'ai vu, si c'a été à Besançon ; cela m'aiderait mieux à me souvenir
de lui ; car je connais son nom seulement. — Je prie Dieu qu'il vous
pourvoie d'un bon confesseur : cela est étrange qu'en une si grande ville
il ne se trouve des ecclésiastiques capables de cet office. — Je salue le bon
M. Crespin qui vous fait la charité ; mais avec très-humble respect
Monseigneur, la bonté duquel m'est toujours plus à cœur. On fait son
voile : mandez-nous si c'est votre intention que nous le lui offrions de
la part de cette maison ; le présent serait un peu gros, mais nous lui
devons plus que cela en vos personnes, ou s'il ne sera pas mieux que ce soit
votre maison qui le lui donne. — Saluez M. et mademoiselle de Vallat de notre
part, selon que vous le trouverez à propos. [48]
Je suis bien aise
que nos Sœurs vous donnent contentement ; je prie Dieu leur vouloir de
plus en plus donner l'esprit de leur sainte vocation qui est humble, simple et
doux. Je supplie notre chère Sœur l'assistante d'y faire une spéciale
attention, ainsi que toujours je l'en ai priée, afin que cette bénite vertu
reluise en toutes ses actions. Je les salue toutes. — M. Descôtes est
trépassé ; ce que je vous dis afin que vous priiez pour lui. — L'on m'a
écrit que Mgr de Nîmes voulait faire sa fondation des Filles de la Visitation
et qu'un Père de l'Oratoire a pour cela écrit à nos Sœurs de Valence pour y
prendre des Religieuses. Or je sais qu'elles n'ont pas des Supérieures, ainsi
que je leur ai mandé, et que l'on s'était adressé céans, et puis je désirerais
bien fort que cette fondation-là se fit de nos Sœurs de Thonon, qui sont certes
très-bonnes et vertueuses, et la Mère, comme vous savez, est
très-capable ; mais nous y mêlerions des Sœurs de céans, et la Mère en
étant, il faudrait dire qu'elle serait de ce monastère ; car il m'est avis
que l'on doit être bien aise d'avoir des Religieuses de Nessy pour fonder. Voyez,
ma très-chère fille, si vous pourrez gouverner cela, en sorte qu'il puisse
réussir, mais comme de vous-mêmes, sans témoigner que je vous en aie
écrit ; peut-être que le bon Père Carrel vous y pourra aider. — Ma fille,
Dieu sait en quel rang vous êtes dans mon cœur, et combien vous m'êtes
uniquement chère ; notre bon Dieu vous conserve ! Je me fie que vous
y aurez du soin. Sa douce Bonté règne entièrement et à jamais en nous ! Amen.
— Il soit béni.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [49]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Envoi des Réponses. — Régler la correspondance- suivant la
cordialité et la pauvreté. — Prise d'habit de Sœur J. M. de Mongeny.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 21 mars 1632.
Vraiment, je ne sais
que faire avec cette très-chère fille qui se plaint toujours de quoi elle n'a
pas assez souvent de mes nouvelles, tant elle en désire, et pense que je suis
paresseuse à lui écrire ! Mais, si elle compte bien, elle verra que cela
n'est pas, et qu'elle m'en doit encore de reste. Je n'ai point su que Mgr de
Genève envoyât un messager à Lyon ; car si nous en eussions été avertie,
il y aurait bien eu un petit billet pour vous, ma très-chère fille. Nous vous
avons écrit depuis, par M. Pioton, et [nous] vous avons fait écrire par nos
voituriers d'ici, afin que vous leur remissiez la balle de Paris que vous nous
voulez envoyer.
Ma Sœur la
Supérieure du faubourg [de Paris] vous mandera dix exemplaires des Réponses, à
ce qu'elle nous a écrit. S'il y a quelque chose de bon et utile là dedans, la
gloire en est toute à Dieu ; car c'est Lui seul qui me l'a donné, je vous
en assure, ma chère fille. — Nous vous avons déjà mandé que nous n'avions point
vu le Père Jésuite à qui vous donnâtes de vos lettres, lesquelles pourtant nous
avons bien reçues, et toutes les autres aussi que vous nous marquez. Oui, ma
très-chère fille, vous aviez raison de nous écrire ce qui regarde ces ports de
lettres, et je vous répondis simplement selon la proposition que vous m'en
faisiez ; mais maintenant que vous nous dites la chose plus amplement et
clairement, j'entends mieux ce que vous voulez dire qu'alors ; et c'est
pourquoi je vous dis que nous avons déjà écrit à quelques-unes de nos maisons
et le [50] ferons encore aux autres, autant que ma mémoire et celle de ma
petite coadjutrice pourra porter, afin que l'on n'écrive plus tant, car aussi
certes l'on excède bien quelquefois. Il y a telle fille qui m'écrira des
lettres de seize pages, et je veux retrancher cela désormais ; car je ne
veux plus que les filles m'écrivent, si ce n'est qu'il y ait une vraie
nécessité. Elles se doivent contenter que les Mères m'écrivent, autrement je
leur déclare que je brûlerai leurs lettres sans les décacheter, car je ne puis
plus fournir à tant d'écritures. Et pour les autres maisons, je manderai que
l'on se tienne au Coutumier tant qu'il se pourra, excepté une fois l'année aux
communautés ; et pour les Sœurs entre elles, qu'elles s'écrivent rarement
et courtement. Je crois, ma très-chère fille, que voilà ce qui se peut faire en
cela. Vous ne devez pas avoir eu crainte de faillir en me disant ce que vous
m'en avez écrit, parce que la parfaite confiance qui doit être entre nous nous
doit faire tout dire sans quasi le considérer.
La chère nièce prit
enfin le saint habit il y a aujourd'hui huit jours et bravement : elle se
nomme Sœur Jeanne-Marguerite. [51] M. le baron de Lucinge, M. de Bernex et
M. de Mongeny vinrent ici pour cela, mais sans apporter argent ni chose
quelconque pour l'habiller, ni pour sa pension, de façon qu'il a fallu que la
maison fournit tout cela : seulement ils donneront deux cents florins
d'ici à un an pour la pension ; et, du reste, il a fallu se contenter
d'une rente constituée de deux mille et trois cents florins. Dieu veuille
encore que nous en soyons bien payées ! Certes, je ne leur ai point celé
que votre considération avait beaucoup opéré en cela ; car autrement les
nécessités de cette maison ne nous eussent pas permis de traiter de la
sorte ; mais, pour l'amour de vous, et parce que nous croyons que la fille
sera bonne, nous avons passé par-dessus tout le reste. Vous, ma chère fille, je
ne veux pas que vous nous envoyiez de vos biens, sans que nous ne vous en
demandions ; ce que nous ferons cordialement et tout confidemment quand
nous en aurons besoin, je vous en assure.
Au reste, je vous
prie de ne vous point retrancher de m'écrire tant amplement que vous
voudrez ; car vos lettres [me] délassent de la peine que les autres me
donnent pour la consolation que j'en reçois, et je ne veux pas que vous m'en
priviez. Il est bien vrai que, si ce n'était la charité de ma petite
coadjutrice et de notre Sœur M. -Antoinette [de Vosery], à qui je dicte les
lettres tout de suite, et elles les vont écrire tandis que j'en lis d'autres ou
que j'écris, je n'y pourrais pas fournir ; mais cela me soulage fort.
Gardez-vous bien, ma très-chère fille, de vous retrancher de m'écrire, car
certes vos lettres me soulagent. Quand je reçois des paquets de Lyon, je les
ouvre aussitôt pour y prendre votre lettre, et puis laisse le reste pour le
voir à mon loisir. Bref, Dieu a donné, comme je crois, une fort spéciale
bénédiction à notre sainte alliance que je désire être éternelle, pour le
glorifier en son saint paradis. — Mille saluts à toutes nos Sœurs. Tâchez de
connaître l'esprit de notre Sœur Agnès [Daloz], et m'en dire après votre
pensée.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Les soulagements pris par obéissance sont plus méritoires
que le jeûne fait par sa propre volonté. — Préparer la fondation de Nîmes. —
Manière d'éprouver une prétendante. — Qualités nécessaires à une directrice.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 24 mars [1632].
Ma très-chère fille,
Il n'y avait que
deux jours que je vous avais écrit par la voie de nos bonnes Sœurs d'Avignon,
quand j'ai reçu votre dernier paquet, me semblant que celle de Lyon n'est pas
bien assurée, puisque même vous ne me faites point de mention d'avoir reçu le
paquet que nous vous envoyâmes dernièrement par là. Nous vous écrirons bien
toujours le plus souvent que nous pourrons ; mais dites-nous quelle voie
est la meilleure pour vous faire sûrement tenir nos lettres ; et si vous
n'en recevez pas si souvent comme vous désireriez, il ne faut pas que vous
attribuiez ce manquement à [défaut de] confiance, ma chère fille, parce que les
monastères se multiplient si fort que je suis grandement surchargée d'écritures
et de lettres.
Je loue et remercie
Notre-Seigneur de tout mon cœur de ce que vous êtes maintenant en meilleure
disposition [santé], et le supplie vous y conserver longuement pour le service
de sa gloire. Mgr votre digne prélat nous a écrit pour nous remercier des
reliques de notre Bienheureux Père, et nous dit ensuite l'appréhension que l'on
a eue de votre mal, mais que votre obéissance aux médecins et votre vertu vous
ont fait aussitôt retourner en santé. Néanmoins, ma très-chère fille, comme je
vous ai déjà écrit, je crois que tant de remèdes que les médecins donnent sont
plus nuisibles qu'utiles, et qu'il ne vous faut que quelques petits remèdes
fort doux, une bonne nourriture [53] et du repos, et avec cela vous garder du
froid et du serein, tant qu'il vous sera possible ; car, comme je
l'écrirai à Mgr votre bon prélat, je vous ai vu céans rouler dix ans depuis
votre grande maladie sans tenir un jour entier le lit, au moins que je me
souvienne, et sans prendre que fort peu de remèdes, et il me semble que vous
vous en trouviez mieux. Toutefois, il faut toujours que nous autres Religieuses
demeurions soumises pour ces choses-là, comme pour tout le reste, à ceux qui
ont du pouvoir sur nous, après que nous avons représenté simplement les choses
que nous pensons le devoir être.
Je suis bien aise
que vous soyez si bien cautérisée, car je crois que c'est ce qui vous sera le
plus utile. L'on a bien fait de vous ordonner de manger de la viande ce Carême,
parce que cela vous était nécessaire ; et je vous prie, ma très-chère
fille, de vous rendre toujours fort simple à ces commandements ; car votre
obéissance en cela, avec ce que vous ne le faites point par plaisir, sera
incomparablement plus agréable à Dieu que si vous aviez jeûné quatre Carêmes
tout de suite. Enfin, je désire que vous fassiez ce qui se pourra pour vous maintenir
en santé, pour au moins aller jusqu'à la fin de votre temps en la conduite de
cette maison que Dieu vous a commise, à ce que vous la puissiez laisser bien
établie en l'esprit de l'Institut, et que vous y ayez quelques filles qui vous
puissent succéder. Mais, au bout de tout, ma chère fille, je remets tout entre
les mains de Dieu, pour en disposer selon son bon plaisir ; car Il sait
mieux ce qu'il nous faut que nous-mêmes.
Je suis bien
consolée de savoir votre nombre accru, et de filles qui ont de si bonnes
dispositions pour prendre l'esprit de notre vocation, et qui appartiennent à
des personnes de considération ; car il vous fallait cela pour le
commencement surtout, puisqu'elles vous apportent de quoi aider à faire votre
bâtiment et fournir à votre entretien. Je suis bien aise que vous ne soyez
point gênée en la grandeur de la place qu'il vous faudra pour [54] bâtir,
puisqu'on y en pourra ajouter autant qu'il sera requis pour vous bien mettre au
large. Je m'assure que Monseigneur y fera bien avancer la besogne, et cependant
vous êtes assez bien logées pour un commencement. Si vous vous agrandissez un
peu en prenant ces chambres qui touchent à votre maison, comme vous me dites
que vous voulez faire, cela vous accommodera toujours en attendant que votre bâtiment
soit en état d'y aller.
Ce nous sera de la
consolation que vous receviez la fille de la sœur de Mgr de Nîmes, parce que je
pense que cela réveillera la fondation dont on parle il y a si longtemps en sa
ville. Je vous ai écrit ces jours qu'un Père de l'Oratoire de là en avait écrit
à nos Sœurs de Valence, auxquelles nous avons mandé que l'on s'en était adressé
céans dès longtemps, et que nous pensions que Mgr de Nîmes voulait des filles
de deçà, parce que nous savons assurément qu'elles n'en ont pas pour y
employer. Si vous pouvez contribuer quelque chose pour faire réussir cette
bonne œuvre, [je] m'assure que vous vous y emploierez fidèlement et un peu
dextrement. Nous serons très-aises qu'il y ait plusieurs de nos maisons en ces
quartiers de delà, parce que le pays y étant bon et les personnes riches, les
maisons y seront assez tôt accommodées, et surtout parce que je crois qu'il en
réussira beaucoup de gloire à Dieu, auquel néanmoins nous laissons la
disposition de tout.
Quant à cette bonne
veuve qui se présente pour être Sœur domestique, à la vérité, ces femmes si
dévotes ont souvent de la peine à se soumettre à quitter leurs dévotions, et ce
naturel triste et couvert sont deux mauvaises conditions ; mais néanmoins
vous pourrez essayer si elle aura tant de souplesse comme l'on dit, lui faisant
déjà quitter quelques-unes de ses dévotions pour l'éprouver, avant que de lui
donner parole pour sa réception, car je crois que par là vous pourrez bien
connaître si elle sera propre ou non. — Je loue Dieu de ce que Mgr votre bon
prélat vous continue avec tant de bonté sa chère dilection, [55] et je supplie
Notre-Seigneur lui donner abondamment ses grâces et sa sainte lumière et la
force pour la bien suivre, afin qu'il corresponde dignement à ce que sa divine
Bonté veut de lui. Vous suivez grandement mon inclination de tâcher de ne lui
être point à charge, et je vois que pour cela il ne manque pas de soin de
pourvoir à vos petites nécessités ; mais vous me consolez fort en ce que
vous me dites, que vous traitez avec lui, en tout ce que vous avez à faire,
avec respect, déférence et filiale confiance ; car c'est de la sorte, ma
chère fille, que nous devons traiter avec nos Supérieurs.
Vous avez bien fait
de vous décharger du soin des novices sur ma Sœur G. -Angélique [Brunier] ;
car, pourvu qu'elle se ressouvienne bien de ce que je lui ai dit et qu'elle le
pratique fidèlement, les élevant en vraie directrice de la Visitation et non en
maîtresse du monde, j'espère que Dieu sera glorifié de son petit travail et qu'elle
fera de bonnes filles, car elle est fervente et a un bon cœur. Mais qu'elle
fasse sa charge selon les avis qui lui ont été donnés, et suive ce que j'en dis
en mes Réponses, mais surtout les conseils que vous donnerez pour cela ;
et dites-lui que je la prie que la sainte douceur, suavité et cordialité
reluisent en toutes ses actions et paroles, et avec cela elle sera une bonne
fille, vous le verrez bien. Je la salue fort chèrement, et vous prie de lui
dire ceci. — Nous vous remercions cordialement de vos jolis petits ciseaux. Ne
vous mettez pas en peine de nous rien envoyer, parce qu'il fâche à ceux qui
viennent de se charger de nos affaires, si ce n'est quand il vient quelque
muletier. M. Garin nous a dit qu'il n'avait pu apporter votre petite caisse.
Je ne pense [pas]
que vous puissiez recevoir pour véritable la crainte qui vous vient, que notre
éloignement de présence corporelle en refroidisse mon affection envers vous, ma
fille. Je vous dis la vérité, que tout le monde ensemble n'y saurait apporter
aucune diminution : cette dilection vient de Dieu, et [56] est si bien
fondée que rien ne l'ébranlera jamais ; au contraire, certes il me semble
que je la vois toujours croître. Et si je ne regardais Dieu, j'aurais
grand'peine de vous avoir éloignée de moi et m'avoir privée des chères
consolations et utilités que je pouvais recevoir de votre chère présence ;
mais je loue Dieu, qui n'a pas permis que je me sois jamais préférée à ce que
j'ai connu être du service de Dieu. Croyez donc bien, ma vraie très-chère fille,
que je vous porte tendrement dans mon cœur, et en un lieu où rien ne vous
déplacera jamais. Je suis de même très-assurée de votre invariable affection et
confiance filiale ; c'est ma consolation, et que vos petits services sont
reçus agréablement de Dieu et de ses créatures ; car Monseigneur m'en dit
merveille. Dieu seul en soit glorifié, duquel je vous souhaite le plus pur et
le plus saint amour. Amen.
Le voile [de calice]
de Mgr de Montpellier sera fait pour Pâques. M. Garin nous a promis de le faire
tenir sûrement ; vous le lui présenterez, s'il vous plaît.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX
Ne permettre l'entrée de la clôture aux dames amies que
pour les seuls exercices de la retraite. — Déférence due à la fondatrice.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Je loue Dieu de
savoir que vous êtes toutes retournées heureusement et avec édification du
prochain dans votre bénite clôture, et je supplie sa Bonté vous faire la grâce
que vous n'ayez plus sujet d'en sortir. J'ai été consolée de savoir aussi que
toutes ces bonnes dames de par delà vous continuent leur [57] affection ;
mais pour ce qui est de les laisser entrer dans votre maison, si ce n'est pour
y faire les exercices, je ne pense pas que cela se doive permettre, car ces
entrées d'un jour ou deux ne servent de rien qu'à donner sujet de distractions
aux Sœurs, et si vous les permettiez, vous en seriez continuellement
importunée.
Je ne sais pourquoi
vous attendez madame de Granieu, pour poser la première pierre de votre
église ; car je crois que si elle avait la volonté de se rendre votre
bienfaitrice, elle se déclarerait. Ne vous en faisant point de semblant, vous
ne lui en devez rien témoigner, car il ne faut pas que nous servions de cloche
pour inviter les personnes à nous faire du bien. Cela appartient plutôt à
madame de Saint-Julien ou à madame sa mère de poser la première pierre,
puisqu'elles portent le nom de fondatrices, si ce n'est qu'elles voulussent
laisser cela à quelque personne qui serait invitée par ce moyen à vous aider de
quelque chose pour faire votre bâtiment. Il faut que vous ménagiez cela, comme
vous le jugerez plus à propos. Ma chère fille, Dieu vous donne son saint amour !
Priez Dieu pour moi, je vous en prie, qui suis de cœur sincère toute vôtre.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [58]
À CRÉMIEUX
L'humilité attire l'Esprit de Dieu. — Chasser avec soin
toute pensée de défiance,
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Vous m'aviez déjà
confié ce secret de votre cœur, dont je vous sais très-bon gré ; mais ne
pensez plus aux choses passées. Qu'elles nous servent seulement pour nous faire
tenir très-humbles et basses devant Dieu, qui nous a été si miséricordieux, et
très-petites à nos propres yeux et à l'égard de toutes créatures. Ce doit être
notre principale affection, et de nous rendre très-fidèles à la pratique de
cette sainte vertu, seule digne d'attirer l'Esprit de Dieu en nous.
Pour votre oraison,
suivez avec grande simplicité l'attrait de Dieu, selon le conseil de votre
bonne Mère. N'admettez nullement la pensée que vous serez damnée : c'est
un soufflement de l'esprit malin. Vous avez des bonnes arrhes de la
bienveillance de Dieu, par la grâce de votre vocation. Demeurez en paix et
confiance entre les bras de sa bonté et miséricorde ; elle vous sera
favorable. Mais soyez-lui bien fidèle, ma très-chère [59] fille, en votre
rabaissement et vous tenez fort unie avec vos Sœurs et également. Je vous
assure que de cœur je suis toute vôtre. L'on proposera des Sœurs pour
l'élection capables de porter la charge, et les Sœurs seront en liberté d'élire
selon l'inspiration de Dieu, que je supplie vous bénir et soit béni.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Marseille.
À CRÉMIEUX
Elle lui recommande la charité et la joie an service de
Dieu.
VIVE + JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Encore ce petit
billet, puisque Dieu m'en donne le loisir. Vous m'avez bien consolée de me
parler avec une si entière confiance. Je vous dirai aussi et à cœur ouvert,
comme à ma chère fille, que j'ai bien trouvé du changement en votre esprit,
remarquant qu'ici vous veilliez avec plus de soin de ne pas faire tant de
fautes, surtout envers les Sœurs, auxquelles vous portiez grand respect et
soumission. Reprenez ce train, ma chère fille, et soyez si fort sur votre garde
que vous n'échappiez plus de paroles contre la charité. Rendez-vous fort
obéissante, douce, cordiale et respectueuse envers toutes.
Pour votre oraison,
suivez-y l'attrait et ne vous laissez pas dissiper volontairement. Pensez
souvent à la Vie et Passion de [60] Notre-Seigneur, afin de l'imiter en ses
vertus, et vivez joyeuse dans la maison de Dieu, ne vous laissant porter à
aucun désir, sinon à celui de plaire à Dieu par l'exacte observance.
Nous vous nommerons
pour l'Ascension des Sœurs des plus capables qui nous sera possible, pour
proposer à votre élection ; mais, pour Dieu, que l'on laisse bien agir le
Saint-Esprit, en l'amour duquel je suis toute vôtre.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Témoignages de gratitude. — Il faut donner aux Religieuses
le temps de s'affermir dans la vertu avant de les envoyer en fondation. —
N'admettre aucune interprétation des Règles et coutumes. — La Sainte désire que
ses filles écrivent rarement et courtement.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 mars [1632].
Vraiment, il est
beau et riche en excellence ce béni parement ! aussi est-il parti du grand
et charitable cœur de ma grande et très-unique fille. Nous l'avons offert à
Dieu et à notre Bienheureux Père, avec une communion générale de notre
communauté, qui avec moi vous en offre, et à la vôtre très-chère, mille actions
de grâces. Nous avons fort supplié cette divine Bonté de répandre abondamment
la blancheur de sa sainte innocence et pureté sur toutes vos chères âmes, et le
vermeil de son pur amour, afin qu'avec les saintes vierges et les glorieux
martyrs nous le puissions bénir et louer éternellement. Amen. Je
remercie en particulier vos chères novices du petit tableau de notre
Bienheureux Père qu'elles ont envoyé aux nôtres. Je l'ai trouvé si à mon gré
que je l'ai gardé pour notre cellule, et vais pensant ce que je leur pourrais
envoyer en [61] contre-échange qui leur pourrait être agréable. Ma très-chère
fille, si vous le pouvez savoir d'elles, dites-le-moi, et je le ferai de bon
cœur.
Nous reçûmes
avant-hier votre dernière lettre ; je m'assure que maintenant vous avez
aussi reçu deux ou trois des nôtres avec la réponse pour M. le commandeur [de
Sillery]. Vous me dites qu'il l'attendait de bon cœur ; mais, hélas !
qu'il la trouvera indigne de son attente ! J'en veux aimer de bon cœur mon
abjection, et récompenser, si je puis, mon impuissance, par mes prières ;
car c'est la vérité que ce bon seigneur m'est en grande vénération. —Nos
pauvres Sœurs me font pitié d'être là si seules : si ce n'était cela,
j'aurais plus d'inclination que cette fondation fût retardée ; nous en
faisons tant que nos Sœurs n'ont pas le loisir de se bien fonder elles-mêmes.
Je crois bien que ma Sœur M. -Euphrosine [Turpin] est bien capable ; mais
[il] lui eût fait grand bien d'être encore sous votre main ; néanmoins, si
vous n'en avez point d'autres, il faut espérer, comme disait notre Bienheureux
Père, que la Providence suppléera à tout ce qui manquera. Mais, devant que de
les envoyer, il me semble qu'il serait nécessaire qu'il y eut quelques
dispositions pour le temporel, soit de quelque bonne personne qui donnât ou avançât
quelque chose, ou qu'il y eût des filles prêtes. Je le vais faire écrire à
notre Sœur la Supérieure de N. ; elle gouverne fort bien sa maison. —
C'est dommage si notre Sœur la directrice n'a des forces suffisantes au corps
et à l'esprit pour vous pouvoir succéder ; je pense que toutes ses
faiblesses et attaques se guériront plutôt par une humble et tranquille
souffrance en se divertissant simplement, que par toute autre manière de les
combattre. Or bien, entre ci et deux ans l'on verra ce que Dieu fera. [Plusieurs
lignes inintelligibles.]
Sa Bonté nous
conserve notre bon Mgr de Bourges et nous l'amène heureusement. Ces
incertitudes tiennent en peine ; mais Dieu les veut, il s'y faut soumettre
de bon cœur. Je suis [62] soulagée de ce qu'il n'amènera pas ma fille de
Chantal, pour la crainte que j'avais que cela ne l'incommodât ; mais il ne
lui faut pas dire à elle, car elle pourrait penser que je ne l'aime pas, bien
que je la chérisse de tout mon cœur ; mais les entrevues me sont assez
indifférentes. — Que me voilà bien consolée dé vous savoir toute remise !
Je prie Dieu que votre santé soit rétablie pour longues années, afin que sa
Bonté en tire de plus en plus sa gloire.
Nouez le plus tôt
que vous pourrez l'affaire de madame de Senecey ; tout ce qu'elle demande
est juste et raisonnable. Il est vrai que ce n'est pas un article de la Règle
de ne prendre que trois petites Sœurs ; mais elle est du Coutumier. Ces
bons Pères [mot illisible], et le Père Maillan même, ne sont que trop
libres en l'interprétation de notre Institut, en ayant donné quelquefois
d'assez contraires aux intentions du Bienheureux ; enfin, quand on désire
une chose, on trouve qu'elle se peut. C'était, je m'assure, par tel moyen que
nos Sœurs de Lyon avaient cinq petites filles, et qu'on voulait prouver que
notre Sœur de Blonay pouvait être réélue Supérieure autant de fois que les
Supérieurs et les Sœurs le jugeraient nécessaire, et qu'aussi elle est du
monastère de Lyon, et autres bonnes interprétations qu'on a voulu faire. Or
néanmoins, ma très-chère fille, il faudra gratifier ce bon Père en tout ce qui
se pourra, car il est un digne serviteur de Dieu, fort affectionné à notre
Institut, et qui nous a toujours fort obligées. Voici ma pensée : la
petite de Ragny ne doit tenir aucun rang entre les petites [filles],
puisqu'elle est en qualité de bienfaitrice ; que si l'une des trois autres
était de quinze ans pour être mise au noviciat, vous pourriez en liberté en
prendre encore une. Que si cela ne se peut, je laisse à votre jugement, ma très-chère
fille, de faire ce que vous jugerez pour le mieux en cette occasion ; bien
qu'il soit vrai qu'il sera regardé de vous plus que de toute autre, et qu'il
est toujours fâcheux de rompre ses coutumes. Notre [63] Bienheureux vous dira
ce que vous avez à faire. Ma fille, vous m'êtes de plus en plus uniquement
chère.
[P. S.] Ma très-chère fille, nos Sœurs de Lyon m'ont
mandé que nos Sœurs de par delà écrivent tant et tant en Provence et en
Dauphiné, que le maître de la poste disait que ses sacs étaient tout pleins des
paquets de la Visitation : certes, je crois qu'il y a prou d'inutilités
parmi tout cela, et, ce qu'il y a plus à craindre, des impertinences
[puérilités] qui, si elles étaient vues et lues, seraient bien des risées, et
de plus surchargent les maisons de ports. Si vous pouvez savoir quelles sont
ces grandes écriveuses, il les en faudrait avertir. Je minute de les retrancher
à celles qui s'adressent à moi, y ayant bien des Religieuses qui m'ont écrit
des lettres longues de seize pages. Oh certes ! je [leur réponds] comme il
faut ; car je ne puis fournir à lire et répondre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
do Chambéry.
SUPÉRIEURE À BLOIS
Condoléances sur la mort du Père spirituel.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 mars 1632.
Ma très-chère fille,
Il y a fort peu de
temps que je vous ai écrit ; c'est pourquoi je ne vous fais maintenant que
ce billet, pour seulement me condouloir avec vous de la mort de M. votre bon
Père spirituel. Voilà, ma très-chère fille, comme la vie de l'homme est
incertaine, et comme nous nous devons toujours tenir sur nos gardes. Je prie
Dieu qu'il le veuille recevoir en son saint repos. — Puisque vous avez des
filles capables en votre maison pour vous succéder, il n'est pas besoin d'en
mettre de celles de [64] dehors sur le catalogue pour proposer à l'élection.
Néanmoins, avec toute bonne liberté, faites ce que Dieu vous inspirera, tant
pour ce sujet que pour tout le reste. Je supplie sa Bonté vous donner abondamment
ses célestes grâces, et à toutes nos chères Sœurs que je salue de cœur.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Comment faire le choix des Sœurs destinées à être envoyées
en fondation. — L'obéissance est la solide base de la sainteté. — Il faut
conserver soigneusement les usages établis par le B. Fondateur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 1er avril 1632.
Ma très-chère fille,
Il n'y a que trois
ou quatre jours que je vous ai écrit ; mais je le fais encore maintenant à
l'avantage, afin que cette lettre soit prête quand il se présentera une
commodité pour Lyon. Je vous ai déjà mandé que je me porte bien depuis quinze
jours en ça, Dieu merci, et vous ai aussi écrit touchant l'affaire de madame de
Senecey.
Oui, ma très-chère
fille, que ce sera suffisamment, ains abondamment, faire la charité à notre
maison de Bourg d'y prendre deux Sœurs pour votre fondation de Mâcon. Pour
celle de Villefranche, peut-être que nous emploierons la bonne [65]
volonté de nos Sœurs de l'Antiquaille pour quelque autre de nos pauvres
maisons, en cas que celle de Bourg donne trois ou quatre filles pour une petite
fondation dont on parle, je ne sais où, au Comté, qui se doit faire bientôt.
Quant à ce qui est du choix de la Supérieure que vous devez envoyer à Mâcon,
vous ferez bien de suivre ce que le Coutumier marque pour cela, d'en conférer
avec vos coadjutrices ou avec vos Sœurs anciennes pour en savoir leur
sentiment, si les conseillères sont de celles que vous y voulez envoyer, et
puis en communiquer avec le Supérieur ou Père spirituel. Après cela, s'il veut
et que vous le jugiez à propos, vous pouvez lui faire parler à toutes les Sœurs
pour vous mieux résoudre. Et faisant de cette sorte, ma chère fille, il ne faut
point douter que ce qui se conclura ne soit selon le bon plaisir de Dieu. Je
trouve, en ce que vous me dites de notre Sœur Fr. -Gertrude [Pinedon], des fort
bonnes conditions à mon gré. Pour ma Sœur M. -Denise, il me semble qu'elle est
un peu bien bruyante pour être si tôt renvoyée dehors ; néanmoins, il
faudra que vous fassiez le jugement de cela selon la Supérieure que vous
enverrez.
Mgr de Genève nous avait déjà bien dit que madame de Vendôme
vous a envoyé un cœur d'or. Dieu veuille rendre les nôtres tout d ; or
de sa charité et de son pur amour ! — Vous avez bien fait d'ôter l'habit à
cette bonne grosse fille ; car ayant l'imagination forte, toutes les
impressions qu'elle prendra, il est à craindre qu'elle ne les tienne pour des
vérités. — Quant à ma Sœur la Supérieure de Moulins, Mgr de Genève lui a déjà
bien [66] écrit ; je ne sais pas s'il voudra redoubler. Pour moi, si j'ai
le loisir, peut-être lui ferai-je encore un billet. Certes, les choses qu'elle
fait sont du tout contraires à l'esprit de sa vocation, et fiel ne sais comme
elle se laisse si fort porter à cette inclination qu'elle a à l'austérité, car
c'est une bonne fille qui a des bonnes dispositions pour rendre du service à
Dieu, et elle se gâte par ce moyen. Pour moi, j'estime toujours plus la
sainteté qui a son fondement dans la soumission. — Ma très-chère fille, je vous
dis encore en confiance qu'il y a une de nos maisons qui désirerait avoir notre
Sœur Claude-Agnès [Daloz] pour Supérieure. Je crois que vous l'avez maintenant
auprès de vous, ainsi que je vous en ai écrit deux [fois] pour vous prier de
l'y faire passer ; c'est pourquoi je désirerais que vous en sussiez le
sentiment de notre Sœur la Supérieure de l'Antiquaille,
et que vous me le mandassiez avec le vôtre. C'est une âme en laquelle je ne
sais rien que de bon, et [je] crois bien que pour la conduite intérieure, elle
y réussira toujours bien ; mais ce que je craindrais un peu, c'est qu'elle
ne fût pas tant ménagère pour le maniement du temporel ; néanmoins, je
serais bien aise d'en savoir votre pensée de vous deux seules à qui je la dis.
Je désirais la garder un peu ici avant que [de] la remettre en charge, pour
cette raison ; mais puisqu'elle aura été auprès de vous et [67] de notre Sœur de l'Antiquaille, j'estime que
c'est assez, voire, c'est plus que si elle avait été auprès de nous.
Voilà tout, ma
très-chère fille, sinon ce que vous savez si bien, que je suis de cœur
entièrement à vous. Notre gros paquet est demeuré : nous y joignons ce
billet, et [je] vous supplie de faire tenir sûrement ces deux paquets qui
s'adressent à Paris. Dans celui pour la ville, il y a une étole de notre
Bienheureux Père pour l'église cathédrale d'Ypres, en Flandre. Voyez s'il le
faut bien recommander.
Dieu soit béni !
Ma chère fille, je
vous dis encore sur ce que vous me proposez défaire faire l'élection de la
Supérieure que vous voulez envoyer à Mâcon, par voix de chapitre, que nous ne
devons point mettre de nouvelles coutumes en notre Institut, ains suivre
simplement ce que le Bienheureux nous a laissé. Vous souvenez-vous, ma chère
fille, de la peine que vous pensâtes avoir quand Mgr de Lyon voulait faire
l'élection de ma Sœur la Supérieure de Saint-Étienne ? C'est pourquoi je
vous dis derechef que vous conserviez toujours l'autorité que la Supérieure et
les Sœurs doivent avoir dans l'exacte observance, et [que vous] n'en donniez
point au dehors plus qu'il ne faut, car cela est important. — Je vous prie de
nous faire réponse touchant ma Sœur C. -Agnès, par ce porteur, et de faire
joindre cette lettre pour Troyes au paquet du faubourg. — Ne payez point de
port à ce porteur, parce que nous le payons ici.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [68]
SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX
Conseils pour la prochaine élection.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 11 avril 1632.
Ma très-chère fille,
Par une si bonne
occasion, je vous ai voulu faire ce billet pour vous dire ce que je réponds à
vos Sœurs conseillères qui m'ont écrit pour l'élection, qui est que vous
pourrez proposer sur le catalogue ma Sœur Marie-Françoise de Livron, qui est
une fille fort vertueuse et bien expérimentée au gouvernement spirituel et
temporel, et que je crois qui serait utile à votre maison en cas que vous ne
puissiez pas porter plus longtemps la charge, à cause de vos infirmités
corporelles, et parce que aussi, selon la première parole que nous donnâmes de
ne vous laisser là que trois ans, nous serions bien aises de vous avoir
ici : vous y seriez plus soulagée, ma chère fille, et votre santé en
serait peut-être meilleure. Croyez que vous y serez toujours reçue chèrement et
avec des cœurs pleins d'une sincère dilection pour vous, je vous en assure, ma
très-chère fille.
Il y a encore
d'autres Supérieures déposées que je nomme à nos Sœurs. Vous pourrez choisir
ensemble celles que vous trouverez plus à propos pour mettre sur le catalogue,
s'il est besoin. Je remets tout entre les mains de Notre-Seigneur, m'assurant
qu'il vous inspirera à toutes ce que vous aurez à faire en cette occasion. J'en
supplie sa douce Bonté, et de vous rendre participantes des mérites de sa
glorieuse résurrection. Je suis en son amour plus que je ne puis dire, ma
très-chère fille, votre très-humble, etc.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [69]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Sentiment de la Sainte au sujet des opérations que
nécessitent certaines maladies. — Voyage à Rumilly et à Chambéry.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 13 avril [1632].
Ma très-chère fille,
Voilà les réponses
pour Paris et Riom, que ce bon Père vous portera ou vous les enverra. Il a fait
merveille en cette ville par ses doctes et dévotes prédications ; il nous a
aussi prêchées quelquefois, dont nous sommes restées fort consolées et
édifiées. — Je crois que vous aurez reçu nos réponses touchant votre fondation
de Mâcon. Puisque vous avez la parole de madame de Senecey, je pense que vous
pouvez bien faire partir vos Sœurs quand vous voudrez, car elle n'est pas femme
qui veuille manquer de tenir sa parole.
Quant à votre pauvre
Sœur malade de la pierre, certes, je ne sais quasi que vous en dire, parce que
je sais que notre Bienheureux Père se trouvait fort douteux pour donner conseil
en de semblables occasions. Pour moi, j'aimerais mieux mourir que de subir les
remèdes proposés, tant pour éviter les abjections que cela causerait, que pour
le danger qu'il y a d'offenser Dieu. — Au surplus, ma très-chère fille, nous espérons
de partir demain pour Rumilly, si Dieu permet qu'il fasse beau temps ; car
Mgr de Genève m'a recommandé d'aller voir nos chères Sœurs de là, et puis
celles de Chambéry. Ma bonne Sœur la Supérieure a si bien poursuivi, nonobstant
le refus qui lui avait été fait, qu'elle a obtenu de Mgr que nous leur irions
aider à choisir une place pour les loger ; et encore pour conclure une
affaire bien importante, bien qu'elle ne regarde que le temporel, à quoi j'ai
un peu de répugnance parce qu'il ne me [70] semble pas que cela soit bien
nécessaire ; mais c'est qu'il me fâche toujours de sortir ; car
j'aime bien à demeurer ici. Je ne sais non plus que vous [ce] que nous ferons
de cette pauvre maison de Riom ; tout s'y consomme. Nous sommes dans l'impuissance
de les aider encore, étant quasi toujours à l'emprunt pour rouler, ne pouvant
être payées, outre qu'il se fait et fera toujours plus de dépenses pour les
affaires de notre Bienheureux. Vous savez ce que je vous suis. Dieu soit béni
et vous fasse vivre de son saint amour ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Affaires de la béatification de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 2 mai [1632]
Je vous écrivis
avant-hier, où je vous mandai la joie et la consolation que je ressens de la
santé de Mgr de Bourges, de quoi je bénis Dieu. Croyez, ma très-chère fille,
qu'il faut bien regarder le divin bon plaisir de Notre-Seigneur au retardement
de cette affaire, car c'est Lui qui le fait. Or, à toute fin, si Mgr de Bourges
ne s'acheminait pas pour venir si promptement, comme il nous en donne
l'espérance, nous vous envoyons les Mémoires du Père dom Juste. Je vous avais
déjà écrit que, s'il se pouvait, vous nous fissiez venir notre bon M. Ram us
avec Mgr de Belley ; que si Mgr de Belley l'ancien ne pouvait venir, nous
nous servirions du moderne. Nous craignons fort les longueurs du côté de
Rome : je vous prie de regarder bien avec M. le commandeur [de Sillery]
tous les expédients qui se pourront prendre pour acheminer promptement cette
[71] affaire. Vous êtes sur les lieux, vous voyez comme toutes choses vont,
c'est pourquoi je vous supplie d'y employer tout votre soin, et de voir derechef
avec notre très-cher et honoré frère M. le commandeur et le Père dom Maurice,
pour vous résoudre ensemble à ce que vous jugerez le plus court pour
l'acheminement de cette affaire, et si ce serait bon de faire venir Mgr de
Belley et M. Ramus. Que si toutefois Mgr de Bourges était sur le point de son
départ pour venir ici, il ne lui faudrait pas dire la résolution que nous
prenons d'avoir recours à Rome ; car, si je ne me trompe, le bon seigneur
a un peu de remords de conscience de n'avoir eu son recours en ce lieu-là,
ainsi que Mgr de Genève lui avait mandé, il y a environ quatre mois. Et pour
conclusion, ma chère fille, je remets cette affaire à votre prudence et sage
conduite, pour prendre tous les expédients les plus courts et les plus assurés,
ainsi que vous le jugerez pour le mieux. J'écris à Mgr de Bourges, je laisse la
lettre ouverte : vous la donnerez ou retiendrez, comme vous jugerez pour
le mieux.
Ma toute chère
fille, je suis ici à Chambéry, bien embarrassée en ce parloir ; mais
certes bien consolée parmi nos Sœurs, qui sont fort bonnes et braves. Pour la
Mère, vous la connaissez. Nous nous en irons, Dieu aidant, dans dix jours. Dieu
soit notre seul amour ! Vous savez ce que je vous suis ; certes,
toute vôtre et de cœur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [72]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Elle lui conseille d'entreprendre la construction d'un
monastère régulier.
VIVE † JÉSUS !
[Chambéry], 4 mai [1632.]
Ma très-chère fille,
Nous vous avons
écrit, il n'y a qu'environ dix ou douze jours et à nos Sœurs de Lyon, pour
savoir si elles vous pourraient faire avoir les neuf mille francs que vous
désirez. Nous n'en avons encore point eu de réponse depuis. — Nous avons reçu
M. et madame de Vallat, avec tout le bon accueil qu'il nous a été possible de
leur faire, et sommes marries que nous n'ayons point d'occasion de leur rendre
quelques bons services, car nous le ferions avec grande affection. M. de Vallat
m'a dit qu'il espère que dans neuf mois vous aurez un corps de logis bâti. Je
l'ai voulu mettre dans l'achat d'une maison qui est à votre passage et qui vous
est nécessaire ; mais il n'y a pas voulu entrer. De façon, ma chère fille,
que je vois bien que leur inclination est que vous bâtissiez, et je crois que
vous êtes trop sage pour vouloir acheter une maison et laisser de bâtir contre
l'inclination de Mgr de Montpellier, lequel vous ayant engagée en ce dessein de
faire bâtir, ne manquera de vous aider à l'avenir, comme il a fait par le
passé, et comme je vois qu'il fait toujours, en quoi certes vous lui êtes
grandement obligée. Et croyez, ma fille, que si tous les commencements de nos
établissements étaient aussi bien appuyés que le vôtre, il n'y aurait pas de
quoi se plaindre, ni de quoi me donner tant de rompements de tête que j'en ai
pour ces choses-là. Je vous dis donc, ma très-chère fille, que l'argent que
vous destiniez pour acheter cette maison dont vous me parlez, vous le pourrez
[73] employer à faire bâtir. Et cependant, M. de Vallat m'a dit que vous
pouviez vous mettre au large là où vous êtes, en prenant une petite maison qui
est joignant la vôtre, où il y a deux chambres qui vous pourraient suffisamment
accommoder en attendant mieux.
Quant à ces bonnes
demoiselles de Béziers, je prie Dieu qu'il leur fasse la grâce de mettre en
effet leur dessein, puisqu'il est pour la plus grande gloire de sa divine
Majesté. Nous sommes après vous chercher une bonne Sœur domestique pour lui
faire faire son essai céans, et vous l'envoyer avec madame de Vallat. Nous
avons aussi fait dire la neuvaine de messes que vous avez envoyée et recommandé
à Dieu l'intention pour laquelle on les a dites. — Ma fille, vous savez, et il
est vrai, que je suis [vôtre] de tout mon cœur et vous supplie de n'en douter
jamais. Je supplie l'Esprit Très-Saint de vous remplir de ses dons et grâces
avec abondance, et toutes vos chères Sœurs, que je salue de toutes mes
affections.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX
C'est une faute de censurer la conduite de la Supérieure.
— De la prochaine élection qui doit se faire à Crémieux. — Respect pour la
clôture.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 5 mai [1632].
Ma très-chère fille,
Je suis marrie que
vous vous soyez mise en dépense pour envoyer cette offrande à notre Bienheureux
Père, car je m'assure qu'il aurait bien agréé votre bonne volonté ;
néanmoins, puisque la chose est faite, j'espère qu'il vous en récompensera [74]
bien. M. votre bon confesseur ne nous a pas trouvée en notre monastère
d'Annecy, mais en celui de Chambéry, où nous sommes venue pour quelque affaire
importante, et je crois que nous partirons mardi prochain, Dieu aidant. — Nos
Sœurs ont bien eu tort de désapprouver qu'on nourrît ce bon M. votre
confesseur ; car ayant les bonnes conditions que vous me marquez, il faut
bien s'ajuster avec lui pour le conserver. Mais pourtant si madame de
Saint-Julien veut tenir sa parole, vous ferez bien de vous y accorder, car cela
vous épargnera toujours autant. Les Supérieures sont toujours sujettes à être
censurées, comme vous voyez ; néanmoins, je supplie nos Sœurs de se bien
amender de ce défaut, qui est important dans une communauté.
Pour ce qui est de votre
bâtiment, il faudra, s'il se peut, faire voir le dessin à quelque Père de
Religion qui s'entende à cela, comme si vous avez là quelques Capucins, ou
qu'il y en passât qui fussent intelligents en l'architecture, ou bien encore
que ces dames vos bonnes amies employassent quelqu'un de leurs amis pour le
considérer et vous en dire par après leurs sentiments ; car ils vous
pourraient mieux conseiller que moi en ces choses-là. M. votre confesseur
pourra [vous] dire le surplus de ce que nous avons conféré ensemble pour ce
sujet. — Quant à l'élection qui se doit faire en votre maison, puisque l'on n'a
pas goûté la proposition que nous avons faite de celles que j'ai cru être plus
convenables pour être mises sur le catalogue, je m'en démets et laisse faire ce
que l'on voudra. Puisque l'on se contente de ce qu'on a dans la maison, je leur
laisse faire le catalogue : je m'assure que l'on vous y remettra.
Seulement, vous dis-je, mais à vous seule, que si l'on élit une Sœur de votre
monastère, autre que vous, je crois qu'il sera nécessaire de vous y laisser
encore un peu de temps pour aider, pas vos bons conseils et exemples d'humilité
et d'exacte observance, la nouvelle Supérieure. Vous verrez ce [75] que je dis
à M. N. touchant ce point de l'élection ; mais faites en sorte que vos
Sœurs conseillères ne s'en aperçoivent pas, et faites rendre la lettre bien
fermée. Croyez, ma fille, que ce me sera bien de la consolation de vous ravoir
à Annecy ; mais, pour la raison que je vous ai dite ci-dessus, si l'on
élit une de vos Sœurs, ce ne pourra pas être si tôt, à cause que votre présence
serait encore nécessaire. Je prie Dieu qu'il inspire à nos Sœurs ce qui sera de
son bon plaisir.
Non, ma fille, ce
n'est pas bien que M. N. entre ainsi souvent en votre maison pour parler aux
Sœurs. Je leur écrivis bien l'autre jour ; mais, puisque cela n'y a pas
servi, je crois qu'il faut que les Sœurs conseillères toutes ensemble lui
représentent que cela est contre la clôture, et qu'il ne se pratique point en
nos monastères. Pour ce qui est de sa nièce, si c'est une fille rare et de
grande attente, on la pourra recevoir ici pour le Val d'Aoste en lui faisant
bien apprendre la broderie, car cela aiderait pour la faire recevoir et
grossirait toujours sa dot, qu'il faudra qui soit au moins de cinq cents
ducatons pour toutes choses. Mais si elle n'est pas telle que je dis, que ce ne
soit point une fille rare, il ne la faudra pas envoyer parce qu'on ne la
garderait pas, d'autant que pour Annecy nous ne l'y pouvons recevoir, et ici et
à Rumilly on est déjà assez grand nombre, comme aussi à Thonon, si bien que je
vous en avertis à bonne heure, afin qu'on ne l'envoie pas, si elle n'est fort
brave fille, parce que l'on ferait plus de déplaisir de la renvoyer, qu'on ne
ferait de plaisir de la recevoir. En vérité, je vous dis que de cœur je suis
toute vôtre.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [76]
SUPÉRIEURE À VALENCE
La fondation de Romans est résolue. — Le cœur humain
aimant beaucoup la créature en aime moins le Créateur. — Les redditions de
compte doivent être succinctes. — Réserver quelque place pour les âmes d'élite
qui pourraient se présenter. — Mgr de Valence est mécontent du trop grand
nombre de filles que l'on reçoit.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 8 mai 1632.
Donc, ma très-chère
fille, voilà une fondation à Romans résolue et vos prétendantes bonnes, Dieu
merci, ce qui est un bon fondement. Je vous supplie bien fort de n'y envoyer
que de bien bonnes Sœurs, et que les considérations humaines ne vous empêchent
point d'en faire un bon choix. Vous ne me dites point celle que vous y mettez
Supérieure ; mais je m'assure que vous choisirez la plus capable entre vos
Sœurs pour exercer cette charge. Quant à ce que vous m'écrivez que l'on veut
que vous y alliez, je ne saurais bonnement que vous dire là-dessus. Si la
Supérieure est comme il la faut, sa présence pourrait suffire ; néanmoins
vous ferez ce que vous et vos Sœurs et votre Supérieur jugerez être mieux.
Ma chère fille, pour
ce qui est de l'engagement avec ce bon [77] ecclésiastique, je ne pouvais pas
vous répondre autrement, selon que vous m'en aviez écrit. Or maintenant,
sachant son nom et son état présent, je vous dis que vous pourrez ne pas
retrancher tout d'un coup ses lettres, mais oui bien ces grands témoignages
d'affection et paroles choisies, comme encore petit à petit la fréquence de
telles lettres, et faire que le style soit humble, cordial et simple. Car
enfin, ma chère fille, il faut considérer que notre cœur est si chétif,
qu'aimant beaucoup les créatures, il en aime moins le Créateur.
Je suis bien
consolée que nos Sœurs s'affectionnent à la pratique des vertus que nous leur
recommandâmes l'autre jour ; car je souhaite bien qu'elles s'avancent en
icelles. Je suis bien aise que vous déchargiez un peu votre maison ; car
je désire que dorénavant vous ne passiez pas le nombre de trente-six ou
trente-huit au plus, afin que vous ayez toujours quelque place pour les esprits
rares qui pourraient se présenter. — Vos Sœurs sont trop longues en leurs
redditions de compte ; il leur en faut retrancher : car ces grandes
parleuses ne sont jamais guère bonnes faiseuses. Je les salue toutes avec vous
très-chèrement, et les supplie de faire toujours quelque bon souhait devant
Notre-Seigneur pour moi, non pas pour que je sois sainte de la sainteté qui
éclate, mais de la sainteté qui me fasse être bien humble et pure. — Vous nous
ferez bien plaisir d'envoyer la caisse à Grenoble, et je crois que nos Sœurs ne
manqueront pas de commodités pour nous la faire avoir. Vous savez bien que vous
êtes toujours ma très-chère fille, et que je suis de cœur votre, etc.
[P. S.] Depuis cette lettre écrite, j'ai reçu des
lettres par où l'on me dit que quelques personnes, extrêmement affectionnées à
notre Institut, ont prié quelqu'un de grande qualité de nous avertir que Mgr de
Valence était mal content du trop grand nombre de filles que vous recevez. Vous
savez, ma très-chère fille, que je vous en ai écrit il y a longtemps. Les mêmes
[78] personnes nous disent encore que l'on trouve fort étrange qu'une maison
qui n'est composée que de jeunes filles aille faire une fondation ; que
n'ayant point d'expérience, elles ne pourront qu'y faire beaucoup de fautes.
Sur cet avis, je vous conseille, ma très-chère fille, de retarder cette
fondation, et nous verrons, après l'Ascension, s'il y aura moyen de vous faire
avoir quelque bonne Supérieure, tant pour l'utilité du dedans que pour la bonne
édification du dehors.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Montélimart.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
La fondation du Croisic n'a pas été sagement conduite. —
Maladie de Mgr de Bourges.
VIVE † JÉSUS !
[Chambéry, mai 1632].
Ma très-chère fille,
Nous vous supplions
de faire tenir promptement ces lettres de Moulins, qui sont pour cette pauvre
fondation du Croisic, laquelle, si Dieu n'y met la main, inquiétera tout
l'Institut ; car ma Sœur la Supérieure de Moulins et ses Sœurs ne firent
pas très-heureux choix des esprits qu'elles y envoyèrent, en quoi elles ont eu
grand tort. Mais je crois aussi qu'elles auront la mortification d'en voir
retourner une partie en leur maison, d'où elles sortirent les esprits médiocres
pour les envoyer en cette fondation ; et maintenant Mgr de Nantes en est
si très-mal content et insatisfait que résolument il les veut renvoyer, si l'on
n'en retire deux ou trois. Voilà, je crois, une bonne occasion pour nous faire
devenir sages et avisées en ce sujet des fondations. Dieu veuille que nous en
profitions !
Nous vous
recommandons aussi bien fort les lettres pour [79] Paris, qui sont encore pour
les affaires de notre Bienheureux Père ; car derechef Mgr de Bourges a
pensé mourir, si bien que cela le retarde encore de venir, et Dieu veuille
qu'il ne l'en empêche pas tout à fait ! On nous le fait espérer, il en
arrivera tout ce qu'il plaira à Notre Seigneur. — Au reste, je m'en doutais
bien, ma chère fille, que quand vous nous sauriez en nos maisons de deçà, le
péché d'envie entrerait chez vous. Mais pourtant je vous supplie de ne laisser
pas grossir votre désir, parce qu'il n'y a pas grande apparence qu'il puisse
réussir. Ma Sœur la Supérieure d'ici et moi avons bonne espérance de la petite
nièce ; mais avec un peu de patience parce
qu'elle a été mal élevée ; il lui faudra du temps pour la bien affermir. —
Certes, je soupe avec la grosse Mère [de Châtel] ; mais je voudrais que
vous fissiez la troisième. Dieu ne le veut pas, ni nous aussi.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À AOSTE
Combien étroitement nous oblige le précepte de la charité
fraternelle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632. 1
Ma très-chère sœur,
Je reçois toujours
de nouvelles afflictions, en recevant de vos lettres, voyant que votre esprit
est encore enveloppé, entortillé, et presque étouffé dans ses propres
recherches. Mon Dieu ! ma [80] chère fille, que vous avez
d'amour-propre ! que vous estimez votre propre jugement et que vous avez
d'attache à la vanité ! Voyez-vous, je vous parle encore comme à mon cher
enfant ; car je vous chéris d'un cœur tout maternel et tendre. Mais que
vous dirai-je donc, sinon que l'esprit humain, la prudence mondaine, les conseils
et inventions de la chair et de la nature vous gâtent. Et ne voulez-vous pas
sortir de ce mauvais chemin et de cette fange, ou bien voulez-vous, en y
persévérant, faire trois maux : Premièrement, offenser Dieu, qui est le
mal le plus grand qui puisse souiller votre âme, et ajouter à la mienne douleur
sur douleur ?
Vous me dites une
parole, sur la fin de votre lettre, qui m'a donné une nuit bien amère et un
sommeil bien interrompu. Il faut que je vous avoue la vérité, que vous me
faites jeter bien des larmes. Vous dites que vous obéirez en tout, hormis à
vous unir à notre Sœur N. : ma fille, quels discours sont-ce là ? Ne
savez-vous pas que vous désunissant de votre prochain, vous vous désunissez de
Dieu ? Où sont tant de désirs de souffrances que vous aviez ? Où sont
les maximes de la croix, que vous disiez avoir tant à cœur, quand vous étiez
ici ? O Seigneur Jésus ! voilà qui m'est sensible ! Que vous a
fait notre Sœur N. pour dire tout ce que vous dites d'elle ? Certes, je ne
sais. J'ai, selon ma coutume, profondément examiné cette affaire, et presque
partout je la trouve innocente. Quand même elle serait coupable, ne savez-vous
pas qu'il faut aimer ceux qui nous haïssent et bénir ceux qui nous
maudissent ? Je ne vous ai, grâce à Dieu, jamais enseigné autre chose. Ma
fille, je vous en conjure, mettez de la crainte de Dieu en votre cœur, ramenez
votre esprit au pied de la croix du Sauveur, d'où il s'est écarté ; et là,
pardonnez et demandez pardon à notre Sœur N. — Humiliez-vous beaucoup, et
considérez vos obligations, vos vœux et vos règles, et la loi du bien que vous
êtes obligée d'observer, tout cela sous peine de la vie [éternelle], et vous ne
le pouvez [81] faire tandis que vous suivrez votre esprit particulier, vos
passions et le conseil de la prudence humaine.
Je ne puis vous
écrire autre chose à cause de ma douleur de tête ; faites profit de ceci,
ma fille, et croyez que c'est d'un cœur de mère que je vous le dis. Je fais
beaucoup prier pour vous, et prie beaucoup moi-même, car j'ai pitié de l'état où
vous êtes ; mais j'ai confiance que Notre-Seigneur vous mettra de la boue
sur les yeux, pour vous les ouvrir. Vous m'entendez bien.
SUPÉRIEURE À BESANÇON
Importance de l'éducation des novices.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Quand je n'aurais
pas su que ces chères Saluts qui nous ont écrit sont vos filles, je l'aurais
sans doute deviné, car, comme vous, elles ne respirent que feu, que flamme, que
ferveur et qu'ardeur au divin amour. Continuez, ma très-chère fille, à leur
donner vos soins, si vous voulez que je n'aie point de peine sur ce grand
nombre de filles ; car je vous avoue que j'appréhenderais beaucoup pour
elles, si elles étaient en d'autres mains que les vôtres. C'est une chose de
grand poids, disait notre Bienheureux Père, que la soigneuse éducation
des novices. Ma fille, Dieu vous a donné un talent particulier pour cela,
et je vois avec consolation que vous le faites valoir en leur faveur.
Saluez-les de ma part, je vous en prie, et obligez-les souvent de recommander à
Dieu les besoins de ma pauvre âme. [82]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Projets de plusieurs fondations.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 2 juin [1632].
Ma toute très-bonne et chère fille,
Nous avons reçu ce
matin votre grande lettre ; et, parce que nous écrivons à Lyon, je vous y
fais à la hâte ce mot de réponse, pour vous dire que Dieu soit éternellement
béni des saintes inspirations qu'il répand dans ces bonnes âmes, pour l'accroissement
de sa gloire. Je pense que c'est en faveur d'un grand nombre de braves filles,
qui ne respirent que la retraite et ne la peuvent avoir faute de place. Dieu
veuille conduire tout à sa gloire, si la chose se conclut avec les avantages
que vous me marquez, par la bonté de ces demoiselles. Et pour le personnel,
nous résoudrons d'y employer notre chère Sœur Madeleine-Élisabeth [de Lucinge],
qui est toujours meilleure, et à laquelle il fera grand bien de trouver son nid
fait, parce que, comme vous savez, elle n'est pas trop intelligente aux choses
temporelles. Or je vous laisse le soin de tout cela ; car je crois que
vous saurez bien traiter cette affaire sûrement, et obtenir toutes les licences
nécessaires avant le départ des Religieuses, et nous manderez bien tout ce
qu'il faudra faire de notre part.
Quant à
l'établissement pour Nîmes, nous l'avons destiné à nos Sœurs de Thonon. Il
n'est nul besoin de le presser ni à propos de le faire. Il faut laisser agir
l'Esprit de Dieu sur Mgr de Nîmes qui doit faire éclore ce dessein, et je vous
prie de mander à nos Sœurs d'Arles et de Valence de ne le point presser. — Le
bon M. Gautery aime le change par l'ardeur de sa charité, pensant qu'il vous
serait plus utile qu'à nos Sœurs [83] d'Avignon. Laissez-le agir en cela, lui
témoignant simplement que vous l'auriez agréable, si nos Sœurs d'Avignon en
étaient contentes. Certes, ils ont de vrai bien des desseins pour ces
établissements. Je leur ai mandé ma pensée pour celui de Rome ; c'est Mgr le Vice-Légat qui l'entreprend ;
il serait fort utile à l'Institut. Il veut que la Mère d'Avignon y aille ;
il l'aime ; mais, mon Dieu, je ne sais si elle sera assez capable d'une si
grande entreprise. Notre Sœur de Châtel dit qu'oui et qu'elle a force bonnes
qualités. La divine Bonté conduise tout à sa gloire. Vous êtes heureuse d'avoir
un si bon prélat ; s'il vient ici, nous le caresserons bien et nous lui
donnerons le voile [de calice], sinon nous vous l'enverrons quand vous nous en
donnerez le moyen, et vous en ferez ce que vous voudrez, puisque même je vois
que nos Sœurs d'Arles nous en ont fait un pour lui si pressément. Non, notre
Sœur d'Arles ne peut faire plus qu'un triennal. — J'honore chèrement le Père
Carrel ; il m'écrit une toute bonne lettre. Je le salue de tout mon cœur.
J'écris donc selon votre désir au bon M. Crespin. — Quand vous nous écrirez par
Lyon, adressez votre paquet chez nos Sœurs en Bellecour et y mettez le port,
autrement ils les mettent à leur fantaisie, et [les paquets] courent fortune de
se perdre. Oh Dieu ! ma fille, si vous serez toujours dans mon cœur ?
vous n'en sauriez douter, car je vous y tiens chèrement comme ma propre âme.
Tenez-vous joyeuse, je vous prie, et faites tout votre pouvoir pour vous bien
porter. Croyez bien le bon Père Carrel pour cela. Je salue nos chères Sœurs.
L'Esprit Très-Saint les remplisse de son saint amour, surtout votre cher et
bien-aimé cœur. Dieu soit béni. — J'ai écrit pour cette fois à vos Sœurs
novices ; mais je serai bien aise qu'on ne m'écrive plus, car je suis si
accablée d'autres affaires !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [84]
À MONTPELLIER
Elle le rend participant
aux biens spirituels de la Congrégation.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 2 juin 1632.
Monsieur,
L'Esprit Très-Saint
du divin Sauveur veuille combler votre chère âme des plus précieuses grâces de
son très-pur amour ! Nous ne pouvons ni ne devons savoir Votre Révérence
dans l'exercice de son incomparable charité envers nos bonnes Sœurs, ainsi que
nous l'avons appris par ma Sœur la Supérieure de là, sans vous en rendre nos
très-humbles remercîments, et vous témoigner le véritable ressentiment que nous
avons de la cordiale et franche dilection avec laquelle votre débonnaireté
daigne obliger si particulièrement ces petites servantes de Dieu, et en leur
personne toute notre Congrégation, aux biens et prières de laquelle ma Sœur la
Supérieure nous écrit que vous désirez la charité de participer. Nous nous
reconnaissons si redevables aux mérites de celle que Votre Révérence pratique
journellement envers elles, que nous ne saurions ni ne devons vous la dénier.
Nous souhaitons seulement que cette participation que votre piété vous fait
désirer aux biens spirituels de notre petite Congrégation vous puisse être
utile pour cette vie, mais plus encore pour la bienheureuse éternité, où nous
supplions l'infinie Bonté d'être la récompense de toutes vos charités, et de
faire abonder sur vous les plus riches trésors de ses grâces, et en cette
véritable affection nous demeurons invariablement, Monsieur, votre très-humble
fille et indigne servante.
Conforme à une copie gardée à la Visitation de Chambéry. [85]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Fondation de Mâcon. — Mort de Sœur M. -Gabrielle Clément.
— Élection de Sœur Cl. -Agnès Daloz à Crémieux, et de Sœur Cl. -Catherine de
Vallon à Thonon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 6 juin [1632].
Ma très-chère fille,
Loué soit Dieu de ce
que voilà enfin cette bénite fondation de Mâcon accomplie, et de si bonnes filles, à ce que vous me
dites, car je n'ai pas encore eu le loisir de m'en enquérir de nos Sœurs qui
les connaissent. Je prie Dieu [de] répandre abondamment ses bénédictions sur
cette nouvelle plante, afin qu'elle fructifie en toutes saintes vertus. Vous
leur avez donné si bon nombre de Sœurs, qu'elles ne penseront peut-être guère à
en prendre de celles de Bourg, qui pourtant s'y attendaient ; car je les
en avais assurées sur l'assurance même que vous m'en aviez donnée.
Voilà une lettre de
la mort de notre chère Sœur M. -Gabrielle [Clément] ; nous vous supplions
d'en envoyer une copie à Saint-Étienne et au Puy, et que nos Sœurs de
l'Antiquaille en fassent aussi faire une, s'il leur plaît, pour Condrieu et
Paray. Il [86] ne faudra pas oublier non plus nos Sœurs de la nouvelle
fondation de Mâcon, car vous êtes si bonnes toutes que vous nous ferez bien
cette charité ; mais au plus tôt qu'il se pourra, je vous en prie afin que
l'on prie pour cette chère défunte, qui était en vérité une Sœur toute pure et
sainte, par la véritable, solide et sincère humilité et charité dont elle était
remplie : c'était mon principal conseil en cette maison, à cause de sa
droiture, sagesse et bon jugement. Cette maison a perdu un grand trésor, et
certes nos Sœurs sont très-bonnes, grâce à Dieu ; la gloire lui en
soit ! Notre Sœur C. -Agnès [Daloz] les trouve grandement à son gré, et
d'un air fort religieux. Nos Sœurs de Crémieux l'ont élue pour Supérieure,
noire Sœur Anne-Marie [Rosset] étant fort sourde et infirme. Certes, j'ai été
mortifiée de cette élection, ayant désir qu'elle fût demeurée ici quelques
années, me semblant que cela lui eût bien profité pour les charges ; mais
je me soumets à la conduite de Dieu et espère qu'il la bénira ; car, en
effet, elle est toute bonne et droite en ses intentions. Je désirais que notre
[Sœur] l'assistante, votre cousine, y fût élue, car elle est très-vertueuse et
sage ; mais Dieu en a disposé autrement. Notre Sœur C. -Catherine de
Vallon est élue à Thonon ; elle s'est toute changée dès quelques années,
et est maintenant fort brave et vertueuse fille. Je les recommande à vos
prières.
Ne vous mettez pas
en peine de ce que ma Sœur A. -Françoise [de Clermont] écrit sous moi, c'est
une âme en qui l'on peut et doit avoir toute confiance. Elle a le cœur,
l'esprit et le jugement parfaitement bien faits, mais de petite vie et santé.
Dieu la nous conserve, et par sa bonté vous maintienne les forces pour bien
régir votre chère famille selon son bon plaisir ! Je la salue avec vous,
et lui souhaite la pureté du divin amour. Je vous recommande nos lettres.
Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [87]
À PARIS
Prière de se rendre à Annecy pour assister à l'ouverture
du tombeau de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Mon
très-honoré frère,
Considérant votre
désir de venir ici, à l'ouverture du tombeau de notre saint Fondateur, je vous
dis que je crois fermement que ce voyage sera à la gloire de Dieu et à
l'utilité et consolation de votre âme. La glorieuse Vierge et notre grand Saint
vous y feront connaître comme Dieu veut que vous lui fassiez cette entière
offrande et dédicace de vous-même ; car notre bonheur consiste à savoir et
à accomplir les sacrés vouloirs de notre bon Dieu. Venez donc, mon très-cher et
honoré frère. Vous trouverez auprès du Père, ses filles, qui se tiendront
favorisées du ciel si elles peuvent, par quelques effets, vous témoigner leur
sincère dilection et leur reconnaissance de vos bontés et charités, qui les
rendront éternellement vos obligées.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [88]
SUPÉRIEURE À BELLEY
Désir que le nouvel évêque de Belley soit nommé
commissaire apostolique pour les affaires de la béatification de saint François
de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Monseigneur de Bourges
doit être ici dans quinze jours ou trois semaines pour parachever les affaires
de la béatification de notre Bienheureux Père ; Mgr de Belley l'ancien,
désire de venir pour cela ; M. Ramus a aussi la même volonté. Mais pour
nous, ma très-chère fille, nous aimerions mieux Mgr de Belley le moderne,
pourvu qu'il lui plût de se contenter d'amener avec lui un train modéré. Et
parce que nous sommes incertaines de ses intentions, nous avons pensé que nous
eu pourrions être assurées par l'entremise de M. des Échelles et de M. Jantel,
lesquels, nous étant si fidèles et intimes amis comme ils sont, les pourront
tirer discrètement de ce bon prélat, sans qu'il s'aperçoive que cela vient de
nous, et le pourront possible disposer à se contenter de deux ou trois personnes
au plus avec lui. Pour les ecclésiastiques, ils ne lui manqueront pas : M. Michel le suivra et
accompagnera partout. Pour la cuisine, il n'aura besoin de personne, car venant
avec ce train modéré de deux ou trois personnes, lui, faisant la quatrième, Mgr
de Genève le logerait et nous soulagerait de sa dépense là, ou s'il vient à
plus grand train, la dépense en serait sur nous, qui nous serait à très-grands
frais et incommodités. Son séjour ici pourrait être d'environ six semaines ou
deux mois.
Si ces Messieurs ne
sont pas à Belley, envoyez prier ce bon prélat de vous venir parler, et faites
vous-même cet office le [89] plus discrètement qu'il vous sera possible, et
nous envoyez la réponse par ce messager que nous envoyons exprès. Que si à son
retour nous savons que ce bon prélat se dispose à nous faire cette charité, Mgr
de Genève lui en écrirait plus particulièrement. [La fin de la lettre a été
coupée dans l'original.]
Gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.
À BLOIS
La Supérieure déposée doit reluire par son humilité et sa
soumission.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Vous avez bien
raison, ma chère fille, d'avoir de la consolation en cette volonté divine qui
vous fait la grâce d'être maintenant sous la seule obéissance ; que c'est
un train désirable que celui-là ! J'espère que vous ne serez pas moins
utile à votre maison, par les saints exemples de votre humilité et soumission,
que vous l'avez été par votre gouvernement. Je m'en assure bien avec vous, ma
très-chère fille, que la Mère élue fera son gouvernement utilement, pourvu
qu'elle l'accompagne de l'esprit de son saint Institut, qui est humble et doux.
Au reste, ma fille,
ne vous étonnez pas si nos lettres tardent un peu d'aller à vous ; car je
vous assure que ce n'est point faute d'affection, puisque je vous ai toujours
aimée et aimerai tant que je vivrai, fort cordialement et sincèrement, car vous
savez que vous êtes ma très-chère petite Jéronyme. Mais de vrai, c'est que les
monastères si fort multipliés font que nous avons tant d'affaires, dans cette
grande famille, qu'il me faut [90] bien un peu supporter. J'ai été toute mal
environ dix ou douze jours ; je me trouve mieux à présent, Dieu merci. Il
ne nous reste de temps que pour vous assurer, ma chère fille, que je suis
toujours plus votre, etc.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
À MOULINS
Félicitations de son heureux changement ; moyens à
prendre pour en assurer la persévérance.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 16 : 52.]
Je sors de la
très-sainte communion, ma très-chère fille, où j'ai béni et remercié cette
infinie Bonté de la puissante voix dont il lui a plu se servir pour vous
ramener à Lui, et l'ai suppliée de toutes les forces de mon âme de vous tenir
si fortement en ses bénites mains, que jamais plus chose quelconque ne vous en
puisse tirer, ainsi que je l'espère de sa sainte grâce et de votre fidélité et
coopération, ma très-chère fille, me confiant qu'il serait impossible à la
bonté de votre cœur d'oublier jamais une si abondante miséricorde. Pensez
souvent aux conseils sacrés que donnent les Princes des Apôtres ; car,
dans [91] leurs Épîtres, ils nous inculquent souvent d'opérer notre salut
avec crainte et tremblement, et d'assurer notre vocation par bonnes œuvres. Ma
très-chère fille, il me semble que l'expérience de vos misères passées vous
doit tenir dans une sainte crainte de retomber, et vous rendre fort attentive
sur vous-même, afin d'éviter toutes les occasions, spécialement celles que vous
savez qui sont les plus préjudiciables, comme les conversations, confiances,
affections et communications au dehors, même avec des personnes spirituelles,
si ce n'est rarement et pour quelque juste nécessité. Votre grand bonheur serait
de vous contenter des instructions que vous pourrez recevoir de la bonne Mère
[M. -Angélique de Bigny], qui, outre sa capacité et charité, a un amour tout
singulier pour vous. Et je pense que ses larmes, ses jeûnes et austérités et
les oraisons qu'elle a faites pour vous, ont beaucoup touché le Cœur de Dieu et
aidé à votre conversion ; et je m'assure que Dieu lui donnera tout ce qui
sera requis à votre bonheur ; ne doutez point que sa Bonté ne vous
conduise droitement par son entremise. Je crois fermement que quiconque quitte
la conduite de ses Supérieurs, quitte celle de Dieu.
Enfin, ma très-chère
fille, je souhaite que vous vous appliquiez plus à faire qu'à apprendre. Nous
avons avec abondance des instructions dans l'Institut, les plus saintes et solides
que nous saurions souhaiter, et uniquement propres pour nous conduire [92] à la
très-haute perfection que notre vocation requiert de nous. Que vos délices
soient dorénavant de les lire et de les pratiquer fidèlement ! je vous en
conjure, ma très-chère fille, afin que par ce moyen vous rendiez à la divine
Bonté des fruits dignes de sa miséricorde, et à l'Institut l'odeur d'une sainte
et véritable conversion, par une exacte observance de vos vœux et de tout votre
Institut. Par ce moyen, toutes les douleurs et confusions qu'il a souffertes de
vos dérèglements passés seront assoupies, et vous nous comblerez d'une sainte
consolation, moi tout particulièrement, qui en ressens déjà une si grande par
les actes généreux que vous avez faits, qu'il me serait impossible d'avoir
aucun mécontentement contre vous, ma très-chère fille, pour toutes les choses
passées ; mais je vous proteste que je vous sens maintenant au milieu de
mon cœur, où je vous chéris parfaitement comme ma vraie toute chère fille, et
croyez que vous ne recevrez de nous et de tout l'Institut qu'amour et
témoignages de sincère affection.
Je trouve bon que
d'ici à quelques mois, que vous sentirez votre âme persévérer en ses bons
propos, vous en rendiez des témoignages aux maisons de l'Institut, avec quelques
humbles paroles satisfaisantes pour le mal passé. Vous avez bien fait, ma
très-chère fille, d'avoir sans aucune réserve donné votre cœur et tout votre
être à Dieu ; vous verrez que sa Providence ne vous manquera en rien, ni
ne permettra pas que l'on vous manque. Si la bonne Sœur qui vous servait est
digne de la grâce que vous lui désirez, on la lui pourra accorder cordialement
d'ici à quelques années, que l'on verra sa persévérance au bien. Je prie Dieu
faire abonder en vous l'assistance de sa grâce. [93]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Il faut faire servir les infirmités corporelles à
l'avancement de l'âme en la perfection. — Dévouement du commandeur de Sillery
pour la Visitation.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 8 juillet [1632].
Ma très-chère fille,
Je loue Dieu de tout
mon cœur, de ce qu'il lui a plu vous redonner un peu de santé, et vous supplie
que vous fassiez ce que vous pourrez pour vous la conserver, et que vous ne
vous ennuyiez point de prendre tous les remèdes et soulagements qui vous seront
nécessaires pour cela ; car nos pauvres Sœurs les vous donnent de si bon
cœur, que cela vous doit bien encourager à les recevoir. Et puis, ma chère
fille, il faut être bonne ménagère et faire tout valoir, oui même la misère de
nos corps, les remèdes, les soulagements, les ennuis de les prendre, et enfin
tout employer pour avancer notre union arec Dieu. Faites un peu bien cela, ma
très-chère fille, en vous rendant fort souple à vous laisser traiter selon votre
besoin ; car notre Bienheureux Père disait que c'était la propre volonté
qui nous faisait tenir fermes à ne nous vouloir pas soumettre en ces choses-là,
sous de beaux prétextes, parce qu'il ne lui soucie pas en quoi elle s'exerce,
pourvu qu'on la laisse régner.
Au surplus, je
m'étonne de ce que vous me dites, que nos Sœurs ne sont pas encore établies à
Mâcon, et qu'elles ne vous mandent point les raisons pourquoi. Pour ce qui est
d'y aller, vous, je ne sais quasi qu'en dire, parce que vous êtes si valétudinaire
que vous n'avez pas trop besoin de ce tracassement ; néanmoins je m'en
remets à ce qui sera jugé plus expédient. — Nos bons prélats travaillent ici à
force avec beaucoup de consolation de trouver de si belles dépositions. — Si M.
le [94] commandeur de Sillery vous va voir en venant ici, il le faudra bien
caresser ; car c'est l'un des plus intimes, affectionnés et passionnés
amis que notre Bienheureux Père nous ait acquis. Si la peste continue à
Grenoble, en sorte que le commerce n'y soit pas libre, vous le lui direz, s'il
vous plaît, afin qu'il prenne son passage d'un autre côté. — Vous trouverez ici
le mémoire de l'argent que vous garderez et de celui que vous donnerez au
marchand, à qui la lettre ci-jointe s'adresse ; et [vous] en tirerez, s'il
vous plaît, la quittance que vous nous enverrez, afin que nous nous fassions
payer ici la même somme que vous délivrerez là. Si ma Sœur C. -Agnès vous a
écrit de retenir les cent livres que nous vous avons dit en notre lettre
précédente, vous les garderez et ne nous enverrez que le surplus, bien qu'elle
nous aurait bien fait plaisir de s'en passer, maintenant que nous sommes dans
une si grande dépense et difficulté de trouver de quoi y fournir. Dieu
pourvoira à tout, c'est mon espérance, ma très-chère fille.
Je crois bien certes
que votre cœur se réjouit sur les bruits du changement d'archevêque, en la
personne de notre pauvre bon Mgr de Bourges, qui devient toujours meilleur,
mais si las de corps, bien qu'il ait repris un peu de forces, et si dégoûté des
grandeurs qu'il a refusé tout à plat la proposition que Mgr le cardinal lui a
faite pour lui, l'ayant néanmoins acceptée pour Mgr de Châlon. S'ils se peuvent
accommoder, le bon vieillard ira demeurer à Lyon la plupart du temps, et il est
vrai, ma très-chère fille, que cela donne quelque espérance de notre commune
consolation. Mais Dieu et son saint contentement soient toujours notre unique
désir. Il y a longtemps que je souhaite vous écrire un peu au long, je n'en
puis prendre le loisir, tant nous sommes occupées. Portez-vous bien, ma fille,
et faites ce que vous pourrez pour cela.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [95]
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Empressement de la Sainte à satisfaire madame de Granieu.
— Exhortation à l'union mutuelle.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 8 juillet 1632.
Je vous écris un peu
précipitamment pour ne pas perdre l'occasion de le faire. Si la petite de
Granieu n'a point de vocation pour la Religion, elle se résoudra sans doute de
retourner au monde ; je ne sais que dire à cela, sinon que je suis marrie
qu'elle soit entrée dans votre maison, puisqu'elle en doit sortir. J'écris à
madame de Granieu pour lui offrir tout ce qui est de notre pouvoir, tant de la maison
de Chambéry, que pour celle-ci. Si la petite voulait aller à Chambéry, elle y
serait admise de grand cœur, et ici tout de même ; car nous désirons de
faire tout ce qui se pourra pour le bien de cette chère âme, et pour la
consolation de sa bonne et vertueuse mère. Si cependant cette petite n'a ni
vocation ni inspiration pour la Religion, il ne serait pas à propos de la faire
venir ici ni à Chambéry ; néanmoins je laisse cela à la discrétion de
notre très-chère et vertueuse sœur madame de Granieu ; mais je ne voudrais
pas qu'on la portât à cela, ains que madame de Granieu le lui dise simplement,
ou bien vous, ma très-chère fille, si sa bonne mère le trouve bon ; mais
enfin qu'on ne lui en parle que par une simple proposition.
Nos Sœurs
Anne-Catherine [de Sautereau] et Marie-Félicienne [Baudet] nous expriment
beaucoup de témoignages de contentement de votre réélection, comme aussi toute
votre communauté ; mais je ne vois pas qu'il y en ait aucune de
particulière qui mérite réponse, aussi certes n'en ai-je pas le loisir. J'ai
tant de confiance en leur bonté qu'elles se contenteront de [96] l'assurance
que je leur donne par votre entremise que, tant que Dieu me donnera de vie, je
leur conserverai mon cœur plein de dilection pour elles, et d'affection pour le
bien de leur maison, tant au général comme au particulier. Je les supplie
seulement de me tenir la promesse qu'elles me font maintenant, qui est de
demeurer entièrement soumises sous votre conduite, et que non-seulement elles
continuent de vivre en l'union où elles me disent qu'elles sont entre elles,
mais qu'elles l'accroissent de plus en plus : car c'est le plus riche
trésor d'une maison religieuse que l'union entre les Sœurs. Je la leur
recommande donc à chacune en particulier et à toutes en général, en les
saluant, comme je fais de tout mon cœur, les assurant que j'aurai toujours pour
elles une affection bien sincère. Je me recommande à leurs prières, mais aux
vôtres plus particulièrement, ma chère fille, en vous suppliant d'employer si
bien ce dernier triennal que vous le passiez à la gloire de Dieu et à la
consolation de toutes nos Sœurs, tant en général qu'en particulier, et cela en
la douceur et charité.
Je suis comme vous
savez incomparablement toute vôtre de cœur, et en cette qualité je me dirai toujours
votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Toulouse. [97]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Elle la reprend de quelques soupçons. — Notre bonheur en
cette vie consiste à rencontrer et à aimer la souffrance.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 12 juillet [1632].
Je viens de faire
votre obéissance, ma toute très-chère et bien-aimée fille, écrivant un billet à
nos Sœurs ; mais je ne puis plus fournira tant d'écritures, et suis
étonnée, ma fille, comme vous vous plaignez de n'avoir que rarement de nos
lettres, vu que voici la cinquième fois que je vous écris cette année. Mais ce
qui m'étonne le plus, ma bien-aimée fille, ce sont les petites philosophies que
vous faites, pour chercher les causes de ce qui n'est point, pensant que c'est
que je ne me soucie guère de vous, ou bien que c'est que vous ne me communiquez
pas assez vos affaires. O ma fille très-chère ! je vois bien que la source
de ceci est claire ; car elle n'est autre que votre ardente affection qui
vous cause un peu d'empressement, et cela trouble le ruisseau. Ma très-chère
fille, il n'est nul besoin que vous me communiquiez vos affaires par le menu,
cela même me surchargerait de lecture. Il suffit donc que de gros en gros vous
me disiez les choses principales de votre progrès, de temps en temps, et celles
dont vous croirez que nos petites pensées vous seraient utiles et dont vous
auriez loisir de les attendre ; hors de là faites tout franchement ce que
vous jugerez être à propos.
J'ai été consolée de
cette parole que vous me dites, que vous passez facilement parmi les
contradictions, sur cette connaissance qu'il faut en avoir en cette vie ;
car, bon Dieu, ma très-chère fille, tout en est plein, et c'est notre bonheur
que de [98] les rencontrer, pourvu que nous les fassions valoir selon le
dessein de Dieu. Soyez grandement généreuse et tenez votre esprit au-dessus de
tout ce qui n'est point Dieu, et très-petit et soumis à sa divine
conduite ; ne vous regardez point, mais Dieu, vous remettant incessamment
entre les mains de sa bonté et de son divin bon plaisir. Gardez-vous bien des
attendrissements pour ce qui me regarde, ni pour tout ce que vous avez laissé
ici, et ne les permettez pas à vos Sœurs ; car tout cela n'est rien auprès
de l'honneur et faveur que Dieu nous fait de tout quitter pour son amour et
saint contentement, dont une gouttelette vaut mieux que toutes les joies de
cette vie, ni que tout ce que les créatures imbéciles sauraient fournir.
Oh ! cela n'empêche pas que je ne fusse très-consolée de vous revoir
encore une fois en cette vie, mais la très-sainte volonté de Dieu soit faite.
Oh ! je vous
prie, que je n'oie plus ces paroles, qu'on ne se soucie guère de vous, que l'on
y pense seulement quelquefois, car cela est fort éloigné de mon cœur qui ne
saurait jamais diminuer d'un seul brin la sainte, très-entière, très-cordiale
et sincère dilection que Dieu m'a donnée pour vous, laquelle, vous savez, tient
un rang en moi fort au-dessus des ordinaires, car elle est très-singulière ;
n'en doutez donc jamais, je vous prie, et priez fort Notre-Seigneur qu'il me
fasse miséricorde. Je le supplie nous unir parfaitement à Lui ; qu'il soit
béni ! Amen. Vôtre, vôtre, mais de cœur, toute vôtre.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [99]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Témoigner beaucoup de reconnaissance au commandeur de
Sillery. — Affaires de la béatification de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 15 juillet [1632].
Ma très-chère fille,
J'ai ri de bon cœur
en la lecture de votre lettre, où vous me dites au commencement que vous venez
d'en recevoir une des miennes, et cinq ou six lignes plus bas, vous me dites
qu'il vous tarde de recevoir de mes nouvelles. Mon Dieu ! ma fille, croyez
que c'est bien sa divine Bonté qui a fait notre union, puisque toute ma
maussaderie ne la saurait défaire ; mais cependant, il n'y a pas moyen de
s'empêcher d'avoir joie de quoi vous n'avez pas plus tôt reçu une lettre de
moi, que vous en voudriez vite avoir une autre ; cela n'est-il pas
gracieux ? — Je vous ai écrit ces jours passés pour vous envoyer un
billet, afin que nous reçussions ici l'argent que vous êtes en peine de nous
envoyer ; voilà donc qui est fait pour ce point.
Maintenant, nous
vous envoyons le billet ci-joint pour M. le commandeur de Sillery : s'il
est encore là, vous le lui donnerez, s'il vous plaît, sinon vous le renverrez.
Je vous dis derechef, ma très-chère fille, que c'est un seigneur plein de vertu,
de piété, et qui révère avec tout respect notre Bienheureux Père, qui a une
bonté et affection nonpareilles pour tout ce qui appartient à ce
Bienheureux ; c'est pourquoi il ne manquera pas de vous aller voir, et je
m'assure que vous en serez consolée.
Nos bons prélats
sont allés en Chablais, pour recevoir quantité de dépositions que l'on dit être
prêtes ; ils retourneront ici vers la fin de ce mois-ci, après quoi l'on
ouvrira le tombeau de [100] notre Bienheureux Père, et je crois que ce pourra être
au commencement d'août. Je vous prie, ma très-chère fille, d'aviser notre Sœur
la Supérieure du second couvent en quelle considération nous est le bon M. le
commandeur ; car je crois qu'il l'ira aussi voir. Je lui dis, de vous, que
vous êtes de ce couvent, et lui ajoute encore un mot que je ne vous veux pas
dire, nonobstant que vous soyez ma vraie fille.
Au reste, certes,
vous me témoignez tant de désir de me voir que vous m'en feriez aussi
volontiers avoir envie ; mais il faut attendre que Dieu dispose le temps
et les affaires pour cela. Traitez fort bonteusement et cordialement
avec ce bon seigneur et lui faites voir votre communauté, car il est tout à
l'Institut, et c'est un ami d'importance. De dire ce que je vous suis, il n'en
est plus question. Dieu conserve notre unité et la parfasse à sa
glorieuse éternité ! Mon Dieu ! que d'odeurs qui se répandent de la
sainteté de notre Bienheureux Père ! Dieu en soit béni et de toutes
choses ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À LYON
Joie que sa visite donnera aux Sœurs de Lyon. — Travaux
des commissaires apostoliques.
VIVE † JÉSUS, LE SOUVERAIN ET TRÈS-UNIQUE AMOUR DE NOS
CŒURS !
Annecy, 15 juillet 1632.
J'ai reçu [hier] à
soir fort tard le paquet de Paris, où je trouve ce matin la vôtre du 24 juin.
Mon Dieu ! mon très-cher et vrai frère, combien en ai-je reçu de
consolation et non pas moins certes d'admiration ! Oh ! que la source
de l'infinité de la bonté de Dieu est grande et adorable en ses suavités,
puisqu'on [101] en trouve tant ès ruisseaux qu'elle en départ à ses vrais et
fidèles serviteurs ! Que bénite soit-elle éternellement, et que pour
jamais elle bénisse votre très-digne et chère âme de la pureté de son divin
amour ! Amen.
Je vous fais ce
billet fort en hâte pour ne perdre l'occasion de ce porteur, qui me fait
espérer de le faire rendre à Lyon bien promptement ; mais je doute
pourtant qu'il ne vous y trouve plus. Mon très-bon et très-cher frère, je crois
que vous ne devez point communiquer vos pensées que nous ne les ayons digérées
ici, si ce n'est par manière de simple discours et entretien, et non faisant
connaître que c'est avec dessein formé. Vous ne laisserez de découvrir les
sentiments de ces chères âmes, et de leur inspirer doucement ce que vous jugez
de pouvoir faire, la nécessité et l'utilité du fait, et que cette pensée est
purement vôtre et de quelque autre digne serviteur de Dieu ; il est ainsi
et pouvez ajouter que vous me la voulez communiquer. Tout cela est donc la
sincère vérité ; et je vous conseille cette méthode, mon très-cher frère,
votre humilité m'en donnant la confiance, parce que je sais que dans l'Institut
il faut manier cette corde délicatement. Vous trouverez là deux bonnes Mères et
des bonnes filles, qui seront tout honorées et consolées de votre
présence ; celle du premier couvent est de ce monastère, fille d'un esprit
apostolique.
Nos bons seigneurs
les prélats travaillent à force. Ils partirent lundi, pour aller en Chablais et
en Faucigny recueillir les dépositions et miracles de ces quartiers-là :
ils retourneront ici à la fin de ce mois. Oh ! que j'eusse désiré que
votre bon Ange vous avertît de ce voyage, afin qu'avançant le vôtre, nous
eussions eu plus de temps libre ; mais Dieu nous en donnera autant qu'il
faudra, car sa bonté est incompréhensible sur les âmes vraiment siennes. Je
suis en son amour toute vôtre et très-humble et fidèle servante.
Dieu soit béni ! [102]
À MOULINS
Il est bon et salutaire à quelques âmes de tomber dans
l'abîme des tentations. — La vue de nos misères doit nous inspirer une profonde
humilité.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Loué soit
éternellement ce divin Sauveur qui a daigné jeter dans votre âme un rayon de sa
sainte lumière ! À Lui seul appartient d'éclairer les ténèbres de nos âmes
et d'ouvrir les yeux aveuglés. Ma fille, vous auriez peut-être péri dans la
vanité et propre estime de vous-même, si vous ne vous fussiez perdue dans vos
passions. Il fallait, ce me semble, que pour votre bonheur vous tombassiez dans
l'abîme où vous vous êtes précipitée ; car la science de toutes les
créatures ensemble, mise à vous désabuser de vos impressions, n'y eût rien
fait. Mais Dieu a eu soin de vous selon la grandeur de sa miséricorde, devant
laquelle vous devez demeurer tout le reste de vos jours profondément anéantie,
et devant les créatures très-humble et soumise. Laissez-vous gouverner sans
résistance et vous tenez très-basse dans votre abjection, l'aimant chèrement.
Dieu vous en fasse la grâce. Et moi, chétive, je suis la plus fidèle et
cordiale amie que vous ayez. Je prie Dieu qu'il vous sanctifie dans la pureté
de son très-saint amour, et toutes nos chères Sœurs, que je salue cordialement.
Quant aux plaintes
que vous me faites de vous-même, ma chère fille, la cause est en votre naturel,
qui est un peu lent et tardif mais il ne faut, sinon que vous ayez un grand
soin de bien dresser vos intentions, faire tout pour Dieu, prendre courage pour
vous porter et supporter doucement en vos imperfections. Je suis toute vôtre.
[103]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Achèvement des informations pour la béatification de saint
François de Sales. — Arrivée du commandeur de Sillery. — Les Filles de la
Visitation doivent mettre toute leur gloire dans l'humilité et la dépendance.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 juillet [1632].
Ma très-chère fille,
Je vous écris ce peu
de lignes avec un peu d'empressement, car, [hier] à soir, nos bons et
très-dignes prélats sont revenus du Chablais et Faucigny, où ils ont demeuré
environ trois semaines, et y ont trouvé des grands fort beaux miracles et des
belles dépositions. Ils ont fini par là leurs informations fort heureusement. À
ce même soir, demi-heure auparavant, est arrivé M. le commandeur de Sillery,
et, ce malin, nous faisons deux professes. Je vous laisse à penser s'il n'y a pas là
assez de quoi nous occuper sans l'autre suite d'affaires, qui s'entend sans
être dite.
Ce que j'ai à vous
dire, ma très-chère fille, c'est que je commence à me mieux porter : ce
qui m'était arrivé était une toux violente, avec plusieurs défluxions les unes
sur les autres ; mais par la grâce de notre bon Dieu, je me suis secouée
de tout cela. Je n'ai plus de fièvre, aussi n'aurais-je pas le loisir de
[faire] remède ; car, de vrai, nous sommes dans l'embarras bien avant.
Quant à ma Sœur M.
-Sylvie [Ange], je n'ai rien à lui dire, sinon que les Filles de la Visitation
n'ont rien à faire, sinon à s'humilier profondément devant Dieu, en lui
remettant, et à leurs Supérieures entièrement, le soin et la conduite de leurs
âmes [104] et de leurs corps ; car c'est en cette totale démission de tout
leur être, qui en vérité n'est rien, qu'elles doivent chercher tonte leur
gloire. Voilà ce que sans loisir je vous puis dire, sinon que si vous avez
délivré l'argent que vous aviez de nous à ces marchands pour lesquels nous vous
avons envoyé une lettre, que vous nous en fassiez tenir la quittance au plus
tôt. — Tous ces Messieurs qui ont soupe ensemble chez Mgr de Genève auront
résolu du jour que l'on ouvrira le sépulcre de notre Bienheureux Père ;
mais je ne le sais pas encore, mais oui bien que je suis en vérité toute vôtre.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Mêmes sujets.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 juillet [1632].
Ma très-chère fille,
Messeigneurs nos
bons prélats sont retournés [hier] à soir du Chablais et Faucigny, où ils ont
eu beaucoup de sujets de consolation, y ayant trouvé des grands miracles et des
fort belles dépositions : ils ont fait entièrement tout ce qu'il y avait à
faire en ces quartiers-là. Environ demi-heure auparavant, M. le commandeur
arriva, de sorte que vous pouvez penser si nous manquons d'occupations ;
ce matin nous faisons encore deux professes, sans une multitude d'affaires que
vous pouvez imaginer. Je crois que le bon M. le commandeur vous dira le jour où
il a été résolu d'ouvrir le tombeau de notre Bienheureux Père ; car ils
ont soupé tous ensemble chez Mgr de Genève pour en prendre la résolution.
Néanmoins, parce que Mgr le prince Thomas et madame la princesse s'y veulent
trouver, je crains [105] que le jour ne leur soit encore incertain ; mais
vous ne laisserez de bien prier Dieu pour cela. Je ne sais encore que vous dire
de ce bon et très-digne seigneur, sinon que nous avons fait notre entrevue avec
beaucoup de franchise et de simplicité, et que, au peu que je l'ai vu, il me
semble que c'est un ami qui n'a pas son pareil, et que Dieu l'a entièrement
donné à notre Bienheureux Père et à toutes ses filles. Nous lui avons fait
dresser le logis de Mgr le commandeur de Genevois, à Saint-Jean, où ma Sœur de
Vigny s'est employée pour le faire accommoder [plusieurs mots illisibles], de
quoi nous y avons fourni lits et autres meubles tant que nous avons pu, soit
par emprunt ou autrement, avec tous les linges que nous pouvons : voilà
tout ce que je vous puis dire pour le coup.
Bien que je ne pus
m'empêcher de lire à soir votre lettre, pour tard qu'il fût, j'en reçus une
pleine consolation. O mon Dieu ! que vous m'êtes uniquement précieuse, ma
très-chère fille ! J'ai été toute mal ces quinze jours passés d'une
véhémente toux et défluxion sur la poitrine, avec un peu de fièvre ; j'y
suis sujette maintenant, cela se va passer de cinq à sept quintes.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À TURIN
Remercîments pour une offrande au tombeau de saint
François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Madame,
Nous voyons que la
grandeur des afflictions qui environnent Votre Altesse Royale n'arrête pas le
cours de ses libérales charités et bienfaits ; nous l'éprouvons, Madame,
aux très-beaux [106] et riches ornements qu'il vous a plu d'envoyer au tombeau
de notre Bienheureux Père, dont nous offrons à Votre Altesse Royale de
très-humbles et infinies actions de grâces, avec nos vœux et continuelles
prières à sa divine Bonté, afin qu'il lui plaise de protéger Votre Altesse
Royale et l'environner de la toute-puissante garde de ses saints Anges, à ce
que nul mal ne lui arrive, et que, après que sa souveraine] Providence aura
éprouvé sa constance et fidélité, elle comble son grand cœur de l'abondance de
toutes saintes bénédictions et consolations. C'est ce que nous espérons et
désirons incessamment de la douce miséricorde de Notre-Seigneur, ne voulant
point cesser de l'en supplier de toutes les forces et affections de nos âmes,
comme très-obligées à la douceur et débonnaireté de Votre Altesse Royale, et
incomparables au zèle de lui rendre notre très-humble obéissance. Avec une
entière révérence et dilection, et baisant amoureusement et en tout respect ses
chères et bénites mains, je me dis, etc.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE DES FILLES REPENTIES DE LA MAGDELAINE, À PARIS
La Visitation ne doit pas se charger à perpétuité de la
direction des Filles repenties. — Comment combattre les tentations contre la
foi.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 4 août 1632.
Ma très-chère fille,
Le grand accablement
d'affaires et de visites où nous sommes m'oblige à vous répondre courtement,
vous renvoyant à apprendre plus au long mes pensées, de notre très-honoré frère
M. le commandeur, qui est véritablement le vrai frère ou plutôt le père de la
Visitation. Sa grande bonté, candeur et humilité sont [107] tout à fait
admirables, et nous avons bien sujet de bénir Dieu du don qu'il nous a fait de
sa digne et précieuse affection. Il nous a parlé de votre affaire de la
Magdelaine, de laquelle vous désirez que je vous dise ma pensée, ma très-chère
fille. Elle est simplement que, pour obliger la Visitation à continuer pour
toujours ce qu'elle a fait pour la maison de Sainte-Magdelaine, je ne puis
digérer cela pour des raisons et considérations que ce digne porteur vous dira
plus amplement, et la modification dont nous avons pensé qu'on pourrait user,
pour empêcher que le bien reçu de la Visitation ne se dissipe, ce qui me semble
doit suffire.
Au surplus, pour vos
trois scrupules, ma très-chère fille, si vous me croyez, vous ne vous en
mettrez point en peine, ains vous suivrez simplement les coutumes et ce qui
s'est toujours pratiqué en l'Institut, car autrement si l'on voulait croire
tout ce qui se dit, ce ne serait jamais fait, parce que, autant qu'il y a de
têtes, c'est autant d'esprits différents, et toutes les personnes à qui on
parlerait on recevrait autant de diversités d'esprit. Il faut donc se tenir
simplement à ce qui est de l'Institut, par ce moyen nous ne pouvons errer. — Ne
vous travaillez point l'esprit pour discerner si cette présence de Dieu
sensible, que vous avez dès quelque temps, est effet de la grâce ou de la
nature, car je sais que notre Bienheureux Père lui-même, qui était si éclairé
de Dieu, quand il recevait ainsi des grâces extraordinaires, disait :
« Je ne sais si c'est effet de la grâce ou de la nature ; grâces en
soient toutefois à Dieu », puis il tâchait d'en tirer profit, sans se
mettre davantage en peine pour connaître d'où cela provenait ; et ainsi
faites-en de même, ma chère fille, tirez le profit que vous devez de cette
grâce et n'épluchez point d'où elle vient, car cela n'est pas nécessaire. Au
reste, je vois que notre bon Dieu vous veut éprouver, par le moyen des
tentations qu'il permet vous arriver ; c'est pourquoi il faut que vous
ayez un grand courage, ma très-chère fille, [108] pour les souffrir
généreusement autant qu'il plaira à Dieu ; mais je vous avoue pourtant que
celles qui sont contre la foi sont bien des plus fâcheuses qu'une âme saurait
supporter. Néanmoins je crois que vous ne les devez point appréhender, ni vous
amuser à les regarder ni contester avec elles, ains que vous devez vous en
divertir fort simplement, en jetant tout votre cœur et votre confiance en Dieu,
espérant qu'il vous assistera de sa grâce pour ne le point offenser en ces
choses-là. Je supplie sa divine Bonté de vous combler de son très-pur amour, et
vous assure, ma très-chère fille, que, d'une incomparable affection, je suis de
plus en plus votre très-humble, etc.
J'ajoute encore que
je trouve bon que l'on continue pour quelques années d'assister les bonnes
filles de la Magdelaine, mais sans qu'il en soit fait mention en leurs
Constitutions ; et pour ce qui est de la difficulté d'élire des
Supérieures, cela se pourrait faire par l'avis des Supérieurs de cette
maison-là et des deux Supérieures de nos monastères, qui pourront faire choix
de celles qui seront plus capables pour mettre sur le catalogue, et auront soin
d'assister cette maison-là et de les visiter quelquefois selon leur besoin,
sans pourtant leur donner de leurs filles. Notre très-honoré frère dira le
reste.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[109]
SA COUSINE, À DIJON
Dieu veut nous faire arriver à l'éternité par la voie des
tribulations.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 7 août 1632.
Ma très-chère cousine,
Vous devez croire,
qu'étant si proche de vous selon le sang, je n'ai garde de vous oublier selon
l'esprit, ni tout ce qui vous appartient non plus ; car je vous chéris
fort cordialement et particulièrement, ainsi que ma pauvre nièce Gontier,
laquelle je crains bien, vu ce que vous m'en dites, qu'elle n'ait pas sujet de
grand contentement, non plus qu'elle n'a eu ci-devant. De vrai, cela me donne
de la douleur au cœur ; mais je crois que par les tribulations et les
afflictions de celle vie, Dieu nous veut faire arriver en sa bienheureuse
éternité, pour l'y louer et bénir éternellement, pourvu que nous soyons fidèles
à bien employer ces occasions qu'il nous présente pour notre bonheur. Jetez
bien toute votre confiance en Lui, ma très-chère cousine, et espérez fermement que
sa divine Bonté aura soin de vos chers et dignes enfants, et les pourvoira bien
selon leurs besoins. Reposez-vous-en donc au soin de la divine Providence et
vous assurez, ma chère cousine, que je ne manquerai pas de les recommander de
tout mon cœur à Notre-Seigneur, car véritablement je leur souhaite autant de
bonheur qu'à moi-même, et à vous tout spécialement, ma bonne chère cousine.
Ainsi je suis et serai, tant que Dieu me donnera de vie, d'une dilection
infinie, ma très-chère cousine, votre, etc.
[P. S.] Mille cordials saluts à M. mon cher cousin.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Dijon. [110]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Éloge du commandeur de Sillery et du Père dom Maurice. —
Maintenir la fondation de Troyes. — Union entre les monastères.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 10 août [1632].
Mon Dieu ! ma
vraie très-chère fille, la grande et véritable bonté que celle de votre
très-cher frère [le commandeur de Sillery] ; le Dieu de toute bonté vous
le conserve ! Vous me le recommandiez avant que je l'eusse vu ; mais
maintenant je le vous recommande, comme une âme qui m'est précieuse et toute
mienne. Je crois que nous ne saurions excéder en dilection et parfaite confiance
envers une si grande sincérité et affection, que celle qu'a cette bénite âme
pour nous, et cela sans attache aux créatures particulières, bien qu'il les
aime sans réserve. Il a un grand amour et estime pour vous et pour la petite
Mère de la ville aussi : vous, pour le solide ; l'autre, pour la
délicatesse, et qu'elle a plus été dans le monde que vous, ce qui lui sert, à
cause qu'il y a été fort avant ; mais enfin, il a entière confiance en
vous.
Nous avons parlé de
toutes choses à cœur ouvert et sans ombre, et de l'union pour le général et les
maisons particulières ; et parce qu'il s'est chargé de vous tout dire nos
pensées et sentiments (car je n'en voudrais pas avoir une seule qui vous fut
cachée), je n'en dirai rien ici, lui laissant le soin de vous les rapporter et
à notre Père dom Maurice, que je trouve toujours plus à mon gré, car je lui dis
aussi tout. Ce bon et très-cher Père veut que vous l'exerciez, et contrariiez
quelquefois ses inclinations. Il a une grande ferveur qui requiert continuel
adoucissement : vous connaissez parfaitement son esprit, aidez-le bien, je
vous en prie, il le désire ; sa confiance requiert [111] cela. Je vous le
recommande comme ma propre âme, et il a voulu que je le fisse, parce qu'il
sait, dit-il, que votre puissant motif, après la volonté divine, est de faire
la mienne.
Je vous plains dans
ce merveilleux tracas de Paris ; mais toutefois moins, pour l'aide que la
grâce divine vous y donne, laquelle vous tient parmi cette diversité et
multiplicité d'occupations toujours unie à Dieu ; car, pourvu que cela
marche, il n'y a rien à craindre, et peut-être seriez-vous moins sensible [à la
grâce] dans le repos. Enfin nous sommes heureuses de nous laisser tout à la
merci de cette douce Providence ; qu'elle fasse de nous ce qui lui plaira !
Votre étal est très-solide et désirable : sa divine douceur vous y
maintienne. Il nous est impossible [à nous autres Supérieures] de garder le
silence : il nous doit suffire de nous empêcher de parler au grand
silence, au chœur et réfectoire, sinon pour utilité. — La Mère de la ville ne
parle point, ni n'en a parlé à aucun pour celles qu'elle doit proposer à
l'élection prochaine : il est impossible d'y donner notre Sœur de
Chambéry. J'ai dit fermement et supplie votre cher frère que la maison de Troyes
ne se défasse point, que par l'absolue nécessité, encore faudra-t-il bien le
considérer ; et vous ne devez nullement tirer sur vous les difficultés qui
se rencontrent là, car vous n'y avez pas mis ombre de contre.
Mille remercîments
des chandeliers ; certes, vous donnez trop ; nos Sœurs sont comblées
d'obligations de toutes sortes de biens que vous faites à cette maison, mais il
faut s'arrêter.
— Nous prierons pour
M. de Vaugelas et nous ne vous avons oubliée auprès de Dieu. — Notre Père dom
Maurice sait la pensée de l'union ; je ne la lui ai su celer.
Véritablement, cette union entre les monastères de même ville, et celle d'entre
ces cinq maisons sera d'une merveilleuse odeur aux autres et à tout le monde,
et d'une grande utilité, pourvu qu'elle soit dans la vraie sincérité et
franchise, et trouve fort bon cette communication réelle ; je veux dire
que les monastères de même lieu se [112] [communiquent], et rendent leur
esprit, au gouvernement, le plus conforme qu'il se pourra ; et pour cela, que
l'on se communique fort et prenne avis les unes des autres. J'ai dit tout
franchement à notre cher frère que je croyais utile à la petite Mère de passer
un an avec vous, quand elle sera déposée, et il l'approuve, car il a une
merveilleuse estime de vous. Il faut finir, n'ayant plus de loisir. Dieu soit
le protecteur de sa sainte Église, et nous fasse vivre, mourir et revivre en
son saint et pur amour. Amen. — Jour saint Laurent.
Je m'oubliais de
vous dire que M. [de Sillery] votre cher frère me dit qu'il donnerait mille
livres de rente, pour l'assistance des pauvres monastères ; je ne lui en
ai point reparlé. S'il établit cela, ce sera un grand secours et utile. Il m'a
dit que nos maisons voulaient y contribuer ; pour peu qu'elles le fassent,
ce sera le plus grand ressort pour conserver l'union, que cette sainte
assistance. Je laisse à vous autres de voir comme cela s'établira et départira.
— Nous n'avons pu voir la lettre que notre noviciat écrit au vôtre ; c'est
pourquoi, s'il y a quelques simplicités, il les faut excuser.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Moyens proposés par le commandeur de Sillery pour l'union
entre les monastères.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Je n'ai loisir que
pour vous dire l'extrême édification que nous avons reçue de notre
très-vertueux frère, M. le commandeur [de Sillery] ; c'est une âme la plus
humble et ardente au service de Dieu que j'aie guère vue. Dieu nous a fort
étroitement unis [113] ensemble et je ne puis avoir de réserve avec lui, tant
je vois clair sa véritable bonté, et l'entier don que Dieu nous en a fait, pour
sa gloire, l'honneur de notre saint Père et l'utilité de nos maisons. Il a fort
à cœur de nous voir affectionnées à ces petits moyens d'union qu'il
propose ; et, pour moi, je n'y vois rien du tout qui nous y lie que la
charité, et qu'il n'y a rien de contraire à l'Institut, et même [qui ne soit]
conforme à cette sainte union que notre Bienheureux nous a recommandée, et à
tout ce que j'en dis dans la lettre d'union et aux éclaircissements. Car, de
recommander entre cinq monastères l'étroite union qui doit être entre tous, à
cette fin qu'eux, qui sont placés dans des lieux où ils peuvent servir et
secourir en diverses manières les autres, et par cette voie et l'exemple de
leur union à ce monastère d'Annecy, les maintenir et encourager à y continuer
la leur, que peut-il y avoir en cela de contraire aux intentions de notre
Bienheureux ? rien du tout. Et quant à ce qui est que les Mères se
communiquent, pour procurer en ces maisons des plus vertueuses filles de
l'Institut, soit qu'elles soient chez elles ou ailleurs, pour les proposer aux
élections, cela n'est-il pas conforme à la Règle, et à ce que j'en dis dans les
éclaircissements, particulièrement pour cette maison ? Je ne puis étendre
mes raisons, mais notre cher frère vous les dira.
Je vous conjure de
joindre votre cœur au mien en ce sujet comme en tout autre, sans en parler à
âme qui vive ; car on penserait que ce serait quelque grand'chose, et ce
n'est rien de nouveau, rien du tout, sinon que l'on fera un fonds, par la
charité de ce bon seigneur et de ces quatre monastères, pour les autres en
leurs besoins, ce qui servira fort à les entretenir en cette bonne
intelligence. Je vous en dirai plus par la voix du Père
dom Maurice.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [114]
À BESANÇON
Les contradictions sont un gage des bénédictions divines.
— Il faut travailler à acquérir l'esprit de douceur et d'humilité.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 23 août 1632.
Ma
très-chère fille,
C'est la conduite
ordinaire de Dieu de faire réussir les affaires dont Il veut tirer plus de
gloire, parmi les plus grandes peines et difficultés. Vous devez prendre les
contradictions que vous avez eues en votre poursuite, pour un témoignage assuré
des desseins que Dieu a de vous rendre une vraie et parfaite servante de sa
divine Majesté. Et pour cela, ma très-chère fille, [115] il faut que vous ayez
une grande détermination pour vous établir fermement en l'esprit d'humilité,
douceur, soumission et charité, vous rendant extrêmement reconnaissante envers
Dieu de la grâce qu'il vous a faite, et douce et respectueuse envers les Sœurs.
Ainsi, ma très-chère fille, vous expérimenterez la douceur du vrai bien que
vous possédez, et vous vous rendrez une véritable fille de notre Bienheureux
Père, à qui nous vous avons offerte et offrirons de tout notre cœur, vous
acceptant de sa part et de la nôtre comme une des filles les plus chéries qui
soient dans l'Institut. Et, en cette qualité, je me recommande à vos saintes
prières, vous assurant que je serai sans fin, d'un cœur et d'une affection
invariable, votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
d'Ornans (Doubs). [116]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Ouverture du tombeau de saint François de Sales ;
conservation miraculeuse de son corps. — La Supérieure peut faire sa retraite
avant la fête de saint Michel. — Le Père spirituel doit appartenir au clergé
séculier et ne peut exercer les fonctions de confesseur ordinaire. — De la
visite canonique. — À qui il appartient de faire passer une Sœur d'un rang à un
autre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 27 août 1632.
Ma très-chère fille,
Voilà donc les
reliques de notre Bienheureux Père pour mademoiselle de Bourbon et pour madame
sa mère, si elles en désirent. On a ouvert ces jours passés le tombeau de ce
Bienheureux, et a-t-on trouvé son saint corps tout entier ; c'est pourquoi on n'y a pas osé
toucher pour y rien prendre pour distribuer, ains seulement on a pris ce qui
était autour, dont nous vous envoyons. Le procès-verbal de sa béatification
s'en va bientôt heureusement achever, grâce à Dieu ! Il faut néanmoins
continuer à bien prier pour cela, afin qu'il plaise à sa Bonté nous [abréger
les] longueurs de Rome, et donner un heureux succès à cette sainte besogne, et
que tout réussisse à sa plus grande gloire. Nous ne vous saurions dire, ma
très-chère fille combien la dévotion à ce Bienheureux a paru grande en cette
occasion de l'ouverture de son tombeau ; car il y a eu une foule de monde
dans notre église pour le vénérer, si grande qu'il fallut tenir des gardes de
M. le prince [Thomas de Savoie] à la porte, pour empêcher qu'il n'entrât trop
de gens, et il s'y faisait un tel tintamarre pour les faire sortir, que nous
craignions à tout coup qu'il ne s'y tuât quelqu'un. Quantité de personnes [117]
de qualité sont venues exprès de bien loin pour se trouver à cette action, et
l'on a recueilli avec grande dévotion tout ce que l'on a pu avoir de reliques
de ce Bienheureux Père, jusqu'au gravier de son sépulcre et au bois de sa
châsse de noyer qui se trouva toute pourrie, à cause de la grande humidité du
lieu où il était, ce qui fait davantage connaître la merveille de Dieu en la
conservation de ce saint corps, dont il le faut bien remercier.
Je viens maintenant
au second point de votre lettre, sur quoi je vous dis que vous demeuriez donc
bien ferme, ma très-chère fille, à maintenir votre intérieur dans cet état de
simplicité, sans jamais vous en départir, sous quel prétexte que ce soit,
puisque Dieu vous a fait connaître qu'il vous voulait ainsi ; mais
accompagnez-le de l'esprit d'humilité, de douceur et suave charité et support
du prochain, le plus qu'il vous sera possible. Pour notre pauvre Sœur M.
-Madeleine, si elle veut bien souffrir les médecines, il la faudra souffrir,
nonobstant ses vifs ressentiments. — Je ne pense pas pouvoir faire ce que vous
me dites pour les exercices des retraites ; néanmoins je verrai, si Dieu
m'en donnera le loisir, et de quoi y satisfaire, bien que je croie que si nous
regardions bien ce qu'en dit le Coutumier, et que nous nous y tinssions, cela
suffirait. Oui, ma chère fille, la Supérieure peut avancer sa retraite, et la
faire avant la Saint-Michel, si elle juge n'avoir pas assez de temps pour elle
et pour les autres Sœurs.
Nous sommes ici
après combattre un Père spirituel religieux ; car c'est la vérité qu'il ne
faut pas que les Religieux exercent cette charge en nos maisons, bien que pour
les Pères Barnabites, ce sont Religieux tellement dépendants de l'évêque, et
qui portent le nom de clercs réguliers, qu'il n'y a pas grand danger
qu'ils soient Pères spirituels, quand on n'en peut pas avoir de plus propres
pour cette charge. Mon Dieu ! ma chère fille, que j'ai de désir que nous
demeurions dans notre sainte liberté d'esprit ; il ne faut pas que vous
doutiez que je ne fasse bien [118] tout ce qui me sera possible pour cela, et
pour empêcher qu'il ne se fasse plus tant de fondations, car je voudrais que de
quatre ans nous n'en fissions ; mais on ne peut pas empêcher que chacun ne
die ses raisons humaines. Vous ne pouvez mieux faire que de procurer que M.
Perrot soit continué votre Père spirituel ; car il est vrai qu'il faut que
ce soit un autre que le confesseur ordinaire qui ait cette charge. Il y a
pourtant à dire entre un peu de délai que l'on fait, jusqu'à ce qu'il se rencontre
un Père spirituel propre, et entre faire coutume de n'avoir qu'un même
[ecclésiastique] pour Père spirituel et confesseur ; car, de cela, il ne
le faudrait pas faire.
Non, ma chère fille,
il ne faut pas que ce soit le confesseur qui reçoive l'examen de la visite, car
il sait déjà assez les manquements qui se commettent ; mais vous n'avez
pas besoin de demander cela tandis que vous avez Mgr votre bon prélat,
puisqu'il fait lui-même votre visite ; et quand vous ne l'aurez plus, vous
penserez alors à ce que vous aurez à faire ; car il ne faut pas tant
prévoir l'avenir. Arrêtons-nous au présent, regardons bien ce que disent la
Règle, le Coutumier et les éclaircissements, et nous y tenons, sans tant faire
de questions sur questions. Que dirait-on à la visite, si l'on ne disait les
choses qui sont marquées ès Réponses ? Je ne dis pas qu'il faille dire
tout ce qui est marqué des manquements qui se peuvent commettre, mais que l'on
choisisse en chaque monastère ceux que l'on y fait, et qu'on les die simplement,
car tout ce que je marque là n'est que pour donner lumière de ce qu'il faut
dire en cette occasion, d'autant qu'on pourra commettre tel défaut en un
monastère et tel autre en un autre : il faut que chacun die ce qu'il a
fait. — Oui, vraiment, ma très-chère fille, l'on avertit céans des fautes qui
se font contre ce qui est dans les Réponses et contre de bien plus minces
coutumes que celles-là, je vous en assure ; car l'on y va tout simplement
dans l'observance, grâce à Dieu.
Si cette bonne
prétendante que vous avez ne veut de bon [119] cœur et franchement être du rang
des Sœurs associées, vous ferez fort bien de la mettre du chœur, puisqu'elle a
de si bonnes conditions. Vous avez bien répondu sur la proposition qu'on vous a
faite touchant les filles illégitimes, et suis consolée des bonnes dispositions
que vous me dites être en ma Sœur M... — Pour votre novice qui a des
évanouissements, il faut voir jusqu'à la fin de son noviciat ce que ce sera de
son mal, et après cela, s'il ne lui passe pas, je crois que vous la devez
renvoyer ; car si elle en guérissait après être retournée au monde, vous
la pourriez reprendre. Nos Sœurs me feront plaisir de ne me point écrire, car
je n'ai ni le loisir de voir leurs lettres, ni d'y répondre ; je le fais
pourtant encore cette fois, mais je désire que désormais chacune se contente de
sa Mère.
Il n'y a point de
doute, ma chère fille, que c'est à la Supérieure et aux conseillères de
discerner à quel rang sont propres les filles que l'on reçoit, et non au
Chapitre ; mais pour ce qui est de les changer de rang après la
profession, si c'est pour les faire passer de celui des associées à celui des
choristes, la Supérieure le peut aussi faire. Mais il y a bien de la différence
à faire passer une Sœur du chœur au rang des associées, car il faut que ce soit
le Supérieur qui fasse cela, à cause qu'il la faut dispenser de dire son
Office, et ceci je vous le dis ensuite de ce que j'en ai vu résoudre à notre
Bienheureux Père. Ma très-chère fille, il me faut beaucoup supporter à cause de
mes continuels accablements et infirmités ; car je deviens fort lasse.
J'ai prou dit dans les éclaircissements et dans une infinité de lettres ;
la science ne nous manque pas. Dieu veuille que nous soyons fidèles à ce que
nous avons reçu, nous serons bien heureuses, et n'aurons pas de quoi être en
peine, ni chercher hors de nous. Marchons humblement et simplement, et Dieu
nous bénira : donnez bien cet esprit à vos filles. Je suis, mais je vous
le dis de tout mon cœur, ma très-chère fille, entièrement vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [120]
À Rumilly (Savoie)
Condoléances sur la mort de sa mère.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Monsieur mon très-cher
fils,
J'appris [hier] au
soir comme Notre-Seigneur a tiré à soi ma très-chère sœur, votre vraiment toute
bonne mère. Je sais que votre bon naturel vous doit bien
faire ressentir cette perte ; mais je crois aussi que vous aurez cherché
votre consolation au lieu où cette âme s'est retirée, ou plutôt, comme j'ai
dit, auquel Dieu l'a retirée, pour l'accroissement de sa gloire ; car, en
telles occasions, il ne s'en trouve point de solide hors celle de sa sainte
volonté. Pour moi, mon très-cher fils, j'ai ressenti cette perte comme de l'une
de mes plus chères et fidèles sœurs, mais dans la soumission que je dois à la
divine Providence. Consolez-vous, mon très-cher fils, et prenez la Sainte
Vierge pour votre mère, et vous expérimenterez le pouvoir de ses intercessions
envers ceux qui ont recours à elle. Maintenant il faut que vous soyez père,
mère et frère à votre pauvre sœur. Je ne vous la recommande pas, sachant la
véritable affection que vous lui portez et votre bon naturel. Dieu soit le
protecteur de tous deux. Je suis d'une affection très-grande votre, etc. [121]
ANCIEN ÉVÊQUE DE BELLEY
Elle le supplie d'éviter dans ses écrits toute parole
défavorable aux Religieux. Exemples de modération donnés par saint François de
Sales à ce sujet.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Mon très-honoré et très-cher seigneur,
Vous avez laissé
cette petite ville toute parfumée de la suavité de votre douce, dévote et
débonnaire conversation, particulièrement Messeigneurs nos bons prélats, qui en
parlent avec grand sentiment. Mais surtout nos pauvres Sœurs sont demeurées
tellement consolées de l'entretien de la pure dilection, qu'elles
regrettent avec moi de n'avoir su jouir plus souvent du bonheur de votre
désirable présence.
Il est vrai, mon
très-cher seigneur, à vous parler dans la pure vérité, que j'étais
intérieurement sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes
âmes ne savent pas ; et bien que ma bassesse et la révérence que je porte
à votre mérite et que je dois à votre dignité combattissent cette pensée,
néanmoins c'était elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir voir,
et à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez pas. Or je croyais
que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et
néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans
scrupule ; c'est pourquoi, mon très-cher seigneur, me confiant en votre
débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie
et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection
que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que
vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne
heurter personne, ni en général ni en [122] particulier, pour chétive qu'elle
soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou
réfutations ; car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses
contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de
mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à
votre digne personne et à votre qualité.
Ce mépris que l'on
donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui
est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus,
mon très-cher seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans
leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses
propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont
Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec
confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils
doivent ; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter
qu'un très-grand détriment à la très-sainte Épouse de Notre-Seigneur. Il vous a
donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir
l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des
âmes : c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent
maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure
dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement
amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les
Religieux. Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements,
et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et
charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte
charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Église de
Dieu, ainsi que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera
infailliblement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de
Dieu ne vous fait supporter sans revanche [123] l'insolence d'une réponse que
l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et
éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre
l'estime que l'on a de votre véritable vertu.
Oubliez donc, mon
très-cher seigneur, cette offense, à l'imitation du divin Sauveur, qui en avait
reçu de bien plus grandes de ceux pour qui Il demanda pardon en les excusant,
et vous souvenez aussi, mon bon seigneur, de la modestie et douceur avec
laquelle notre Bienheureux Père parle en la préface de l'Amour divin, de
celui qui l'avait si insolemment bafoué en pleine chaire : il attribue
cette faute à son zèle. Vous chérissez si tendrement l'esprit de ce
Bienheureux, imitez-le, mon très-cher seigneur, en sa patience à tout supporter,
et en celle prudence charitable, qui le tenait attentif à ne dire ni écrire
jamais aucune chose qui pût tant soit peu blesser le général, ni les
particuliers d'aucun Ordre, ni décrier personne du monde, pour vile et chétive
qu'elle fut. L'on voit cette vérité dans ses écrits, où il oblige par
témoignages d'honneur et d'estime tout le monde, et particulièrement les Ordres
religieux qu'il révérait et aimait, et disait que c'était l'une des plus saines
parties de l'Église. Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant
qu'il pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à réparer : je
l'ai vu dans cette pratique seize années ; avec combien de charité, de
travail et d'écrits il se conduisait ! les sensibles douleurs qu'il
ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en
évidence, parce que la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit
grandement la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée par leurs
bons exemples.
Monseigneur mon
très-cher frère, votre bonté me pardonnera-t-elle la confiance que je prends de
lui dire ainsi simplement tout mon sentiment ? Certes, après la gloire de
Dieu, j'ai été excitée par le véritable amour que je vous dois et veux [124]
vous rendre toute ma vie, et prie Dieu de vous donner la sainte inspiration
d'employer dorénavant ce talent qu'il vous a donné pour écrire de sa pure
dilection, et par ce moyen enrichir la sainte Église de plusieurs traités
utiles à ses enfants. Permettez-moi, Monseigneur, de vous supplier de me donner
quelques petits témoignages que vous n'aurez point désagréé ma simplicité et
confiance en votre bonté, car mon cœur aurait une bonne touche s'il pensait
avoir fait quelque chose qui vous déplût, ayant tant de désirs de se voir
continuer l'honneur de votre précieuse amitié.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À MOULINS
On doit faire valoir les dons de Dieu avec crainte et
confiance.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Puisque Dieu vous a
fait la grâce de vous recevoir entre les bras de sa bonté, vous convertissant à
elle, il ne faut plus parler des choses passées, mais vous appliquer fidèlement
à cultiver en crainte et confiance le don de Dieu, convertissant les lumières
de sa grâce en des effets. Pour moi, ma fille très-chère, je puis vous assurer
que je n'aurai du passé aucune mémoire ; et, si je l'ai bonne, je ne fus
nullement fâchée de votre lettre, mais oui bien du trouble où je savais votre
maison ; mais n'en parlons plus, et me croyez toute pleine d'une sainte
dilection et amour maternel pour vous, et que toujours vous me trouverez
disposée à vous rendre toutes les assistances qui me seront possibles pour
votre consolation et profit spirituel. Il faut demeurer ferme, ma fille, car
désormais vous ne seriez plus [125] excusable : la considération de ce que
vous devez à Dieu, à votre salut, à votre réputation, et à celle de l'Ordre où
Dieu par sa grâce vous a mise, doit être souvent devant vos yeux. Vous me demandez
ce que je désire que vous fassiez. Oh Dieu ! ma très-chère fille, que
puis-je vous dire sinon que vous renonciez et méprisiez absolument toutes les
choses périssables pour n'aspirer qu'aux éternelles, par la voie d'une
parfaite observance des Règles que vous professez ? Devenez bien
petite à vos yeux, aimez la retraite, et que vos délices soient d'être avec
Dieu et non avec les hommes. Amen.
Conforme à une copie gardée à la Visitation de Nevers.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
L'absence de Mgr de Genève et les occupations que donnent
les retraites annuelles ne permettent pas à la Sainte de se rendre à Lyon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 30 septembre [1632].
Ma très-chère fille,
Je viens de
recevoir, ce premier matin de ma solitude, la lettre de Mgr de Bourges et la
vôtre, par laquelle j'ai vu l'honneur qu'il plaît à Mgr le cardinal de me
faire, désirant que j'aie le bonheur de le voir et vous autres toutes, mes
chères filles, ce qui m'a remplie de confusion, voyant le peu que je suis et
mon inutilité partout, pour être désirée avec tant d'affection. Si Mgr de
Genève était ici, je crois qu'il me commanderait d'obéir aux désirs de Mgr le
cardinal ; mais il partit hier pour le Piémont, de sorte que, sur son absence,
je ne puis ni ne dois penser à sortir d'ici avant son retour ; outre que
vous pouvez bien juger, ma très-chère fille, que nous sommes maintenant en une
saison où mon petit service est plus requis [126] à nos chères Sœurs d'ici qu'à
nulle autre. C'est pourquoi je vous prie de faire savoir ma légitime excuse à
Mgr le cardinal, avec tout le respect et soumission qui lui sont dus ; et,
puisqu'il ne plaît pas à Dieu de disposer maintenant les affaires en sorte que
nous puissions recevoir la chère consolation de notre entrevue, nous attendrons
avec patience et soumission à son bon plaisir une occasion plus favorable.
J'espère qu'il la donnera, si c'est pour sa gloire.
Je salue ma Sœur M.
-Denise [Goubert] ; je ne puis lui écrire. Je n'ai jamais su croire ce que
ce Père dit si peu charitablement. Cela m'apprend toujours mieux combien il
nous faut être retenues, si ce n'est avec ceux dont nous savons la discrétion
et affection. O ma fille ! vous m'êtes certes précieuse plus que ma vie,
et vos deux maisons ; et croyez que je désire fort de vous voir ;
mais Dieu ne veut pas que ce soit maintenant.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
La voie de l'humble confiance conduit au comble de la
perfection.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma bien chère fille,
N'exposez jamais vos
confessions pour les envoyer écrites, cela est trop hasardeux ; et bien
qu'il n'y ait rien, grâce à Dieu, d'important, l'on en pourrait recevoir de
grands déplaisirs par la perte. Or je connais si clairement votre chère âme que
je n'ai pas besoin pour cela de voir vos confessions. J'admire cette
particulière conduite de Dieu sur vous, de vous laisser la crainte de ses
jugements, et comment sa bonté vous [127] donne le contre-poids, pour votre
très-grand profit, et je vois, ce me semble, que cela vous est laissé par un
amour tout spécial. O ma fille ! mais je dis ma fille très-chèrement
aimée, ayez de plus en plus une entière et très-absolue confiance en ce divin
Sauveur, lui remettant incessamment toute votre âme et tout le soin de
vous-même et de toutes choses, c'est la vraie voie en laquelle sa divine
Providence vous veut conduire jusqu'au comble de toute perfection, et faut
suivre ce train en l'oraison, comme je vois que vous faites. Il m'est avis que
je vois clairement votre cœur, tant votre bonté et confiance filiale m'en ont
toujours donné une entière et fidèle connaissance.
Vous devez, avec une
profonde humilité et reconnaissance envers Dieu, conserver le précieux trésor
que sa Bonté vous a donné en ce discernement, par simple vue, de voir ce qui
vient de sa grâce et ce qui part de votre misère ; car, par ce moyen,
référant à Dieu ce qui lui appartient, vous irez toujours croissant en grâces,
qui est le bonheur des bonheurs, et que je vous souhaite avec ce cœur que Dieu
m'a donné pour vous, qui est en vérité très-incomparable en ses affections,
n'en doutez jamais. J'ai plus écrit que je ne pensais ; car je ne puis
plus guère le faire ; j'ai un très-grand rhume et oppression dès quinze
jours. Cela m'excusera vers Monseigneur, auquel je désirerais témoigner quelque
partie du ressentiment que j'ai des bontés et charités qu'il exerce si
paternellement envers vous. Prenez sa bénédiction pour moi, et lui faites
très-humble révérence de ma part, avec les reconfirmations de ma sincère
reconnaissance. Je salue aussi M. et mademoiselle de Vallat ; je les
chéris et honore bien fort. Et la chère petite Constance, je la salue aussi
avec toutes nos Sœurs, à part notre Sœur M. -Jacqueline [Grassis] qui m'a
écrit ; je l'assure que je la chéris tendrement et me réjouis de son
avancement.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [128]
SUPÉRIEURE DES FILLES REPENTIES DE LA MAGDELAINE, À PARIS
Attribuer à Dieu seul le bien qu'elle opère dans la maison
de la Magdelaine. — Conseils de direction.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 10 octobre [1632].
Croyez, ma vraiment
très-chère fille, que si vous recevez quelque contentement de mes lettres, j'en
reçois toujours un bien grand et beaucoup de consolation de voir, par les
vôtres, comme Dieu se sert de votre petitesse, et de celle de nos bonnes Sœurs
vos compagnes, pour l'avancement de sa gloire en ces chères âmes qu'il vous a
commises. J'en bénis de tout mon cœur sa douce Bonté, que je supplie vous
donner à toutes une nouvelle augmentation de ses très-saintes grâces et
bénédictions, rendant toujours plus utile et fructueux le soin et le travail
que vous prenez pour son service, comme j'espère qu'il fera.
Et quant à votre
particulier, ma très-chère fille, je vois que Notre-Seigneur continue à vous
tenir de sa sainte main. Je le remarque particulièrement dans ces deux choses
que vous me dites, qui sont très-précieuses, et viennent de sa seule
bonté : ce zèle que vous avez du bien et avancement des âmes et cette
bonté à les supporter. J'espère que Celui qui vous a donné ces affections les
rendra utiles et profitables pour l'augmentation de sa gloire et pour votre
salut. Tenez-vous bien près de Dieu, ma chère fille, parmi les affaires et le
tracas, le plus que vous pourrez, et ne l'abandonnez point de vue, et vous
verrez que sa divine Bonté vous fera des grandes grâces, je l'en supplie de
tout mon cœur, et de bénir ces chères âmes qui vous donnent tant de consolation
et de soulagement par leur zèle et affection au bien de votre maison. Il est
vrai, nos deux chères [129] Sœurs les Supérieures de la ville et du faubourg
nous ont écrit avec des témoignages d'avoir été grandement consolées et
édifiées du bon état auquel elles ont vu votre maison, et de l'avancement
qu'elles y ont trouvé ; elles sont fort satisfaites de votre bonne
conduite. Ma fille, demeurez bien humble devant Dieu, qui daigne se servir de
vous si utilement à sa gloire.
Je vous assure que
je remarque avec une singulière consolation ce que vous me dites, que quand ces
âmes ont fait quelque échappée, dès qu'elles vous voient et que vous parlez,
elles sont toutes douces et souples comme un gant ; cela vient purement de
Dieu, ma chère fille, en ces âmes-là qui ont été si éloignées de Lui. — Je
supplie sa Bonté remplir votre chère âme de son pur et saint amour, et celles
de toutes nos chères Sœurs que je salue avec vous de tout mon cœur, qui est
entièrement vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Impossibilité de quitter Annecy sans l'agrément de Mgr de
Genève. — Combien est ferme l'amitié fondée en Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1632.]
Croyez, ma
très-chère fille, que, si c'était le bon plaisir de Dieu, je voudrais bien être
en disposition pour vous écrire un peu à souhait ; car il me semble que
j'y prendrais bien plaisir, et vous dirais bien que vos affaires ne vont pas
tant mal qu'il y ait de quoi se beaucoup plaindre. Si je ne me trompe fort,
vous n'avez guère plus d'envie de me voir que je n'en ai de recevoir encore une
fois, avant que mourir, cette [130] chère consolation ; et certes, s'il
plaisait à Dieu de me délivrer de ces défluxions qui me travaillent, et que
j'eusse le congé de mon Supérieur pour sortir d'ici, je ne regarderais guère à
ce que nous sommes proches de l'hiver ; mais j'irais de tout mon cœur vous
voir, en cette saison comme en une autre.
Je serais
très-marrie si Mgr le cardinal ne recevait pas mon excuse, qui est, ce me
semble, bien légitime ; car, ma très-chère fille, dites-moi, je vous prie,
me conseilleriez-vous de sortir d'ici sans l'agrément et la licence de Mgr de
Genève ? Je pense que non ; et outre cela, l'incommodité qui m'est
survenue m'aurait sans doute empêchée de sortir d'ici, c'est ce qui est cause
que je n'ai su faire de retraite ; car j'ai la tête si mal faite que je ne
puis remuer mon esprit, ni rien faire, pas même lire, ni beaucoup parler sans
douleur, tant la défluxion me tient la tête occupée. Je bénis Dieu pourtant de
ce qu'il lui plaît m'envoyer de quoi un peu souffrir. Ne soyez néanmoins pas en
peine de ce mal ; car, ma très-chère fille, si vous me voyiez quand je me
porte un peu bien, vous y auriez du plaisir, d'autant qu'on dirait que je n'ai
que quarante ans, tellement je suis regaillardie ! Le printemps
sembla mètre un peu favorable à cela ; mais enfin, au bout de tout, il faut
toujours dire : Que la sainte volonté de Dieu soit faite !
Quant à ce que vous
m'écrivez des dits du monde, [cela me peine,] je vous l'avoue ; mais
pourtant, ma fille, il me semble que chose quelconque, excepté Dieu, ne nous
saurait séparer, ni tant soit peu ternir l'union de vraie mère et de vraie
fille qui est entre vous et moi, et que, quand tout le monde ensemble s'y
mettrait, il n'aurait pas le pouvoir de m'ôter un brin de la ferme croyance que
j'ai que vous êtes toute mienne ; mais il nous fait quelquefois grand bien
de savoir les choses que le monde dit, parce qu'il me semble qu'avec la grâce
de Dieu on en tire toujours quelque profit. Il est vrai, il y a fort peu que
l'on m'a encore mandé que vous n'aviez plus tant d'empressement pour [131] moi qu'autrefois ;
mais j'ai vu que c'était par affranchissement de sentiments naturels. Le monde
n'entend pas ces puretés, et que le vrai amour en demeure plus solide, plus
ferme et agréable à Dieu, et à l'esprit qui le possède ; laissons dire et
continuons. Dieu soit béni ! Je n'en puis plus de la tête.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Obstacles au voyage de Lyon. — La vraie cordialité rend
communicative. — Projet de fondation à Vienne. — On propose des moyens d'union
qui ne sont pas conformes à l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 22 octobre [1632.]
Ma très-bonne et chère fille,
Oui, nous avons bien
reçu tous vos paquets et tout ce que vous nous avez envoyé ; car hier on
me mena à la roberie pour me faire une tunique de l'étoffe que vous avez mandée
pour cela. Or je veux bien, mais pour cette fois seulement, être revêtue de la
charité de ma très-chère et bien-aimée fille, de laquelle je la remercie de
tout mon cœur ; mais je ne prends pourtant pas plaisir que nos Sœurs vous
demandent ainsi des choses pour moi, sans me le dire. Je vous avais déjà priée
une fois de ne rien envoyer que je [ne] vous le demandasse moi-même et que je
le ferai bien quand j'aurai nécessité de quelque chose.
Je suis certes bien
marrie que Mgr le cardinal n'ait pas agréé mon excuse. Il est vrai qu'elle fut
un peu sèche ; mais sa réponse le fut bien aussi. Je pense qu'il faudrait,
si vous le jugez à propos, que tout doucement vous fissiez entendre à Son
Éminence que je suis attendant le retour de ma santé et la [132] réponse de la
volonté de Mgr de Genève, auquel j'écrivis le plus tôt que je pus, pour me
donner l'honneur d'écrire à Son Éminence, en cas que je ne puisse pas obéir à
son désir, ce que je n'ai su faire jusqu'à présent ni même lui écrire, à cause
de mon indisposition, de laquelle je ne suis pas encore bien libre. Mais il
faut que je vous dise maintenant, ma chère fille, selon l'entière confiance qui
doit être entre nous, que je ne peux croire qu'il y ait rien en moi qui puisse
donner aucune satisfaction à Son Éminence ; c'est pourquoi peut-être que
cette pensée qu'il a eue est maintenant passée et qu'il ne s'en soucie plus.
Que s'il est ainsi, il me serait bien plus commode d'attendre une meilleure
saison pour vous aller voir à cause de mon âge, qui me cause autant
d'inconstance et de variété de dispositions comme il y en a au temps et saison
où nous sommes ; et je m'assure que vous obtiendriez bien permission de
Mgr de Genève que je vous visse en un autre temps ; mais néanmoins si Son
Éminence continue au désir que j'aille à Lyon, et que vous puissiez prévoir que
quelque changement occasionnerait sa retraite en quelque autre lieu, en sorte
que je ne pusse pas recouvrer l'honneur de le voir, certes, si Mgr de Genève me
le permet (ce que je m'assure qu'il fera), et que je me trouve en disposition
de pouvoir entreprendre à cette heure le voyage, je vous assure que j'irai de
tout mon cœur recevoir cette faveur de voir ce digne seigneur ; et, en ce
cas, nous prendrons notre équipage ici si nous l'y pouvons trouver ; sinon
nous vous en avertirons. Mandez-nous donc bien la vérité de cette affaire, afin
que, selon la réponse que nous aurons, nous résolvions au plus tôt ce qu'il
faudra faire.
Vous verrez ce que
je réponds à notre Sœur de l'Antiquaille, mais refermez bien ma lettre avant
que de l'envoyer. Vous aurez bien pu connaître, par celle qu'elle m'écrit, que
je lui avais donné quelques petits avis. Je m'étonne fort du peu de
communication qu'elle a avec vous ; c'est une des choses que je [133]
voudrais réformer en elle. Je vous assure que nous ne ferions pas la moindre
chose entre nous autres d'ici proche, ma Sœur la Supérieure de Chambéry et
nous, sans le communiquer l'une à l'autre ; et si vous connaissiez toutes
nos Sœurs de céans, nous ne ferions pas une fondation que nous ne vous
nommassions celles qui y iraient, pour en avoir votre avis, parce que cela
nourrit l'union et cordialité entre nous ; mais cette chère Sœur de
l'Antiquaille a le cœur parfaitement bon et affectionné à sa vocation ;
elle est tout à fait aimable, nonobstant qu'elle n'ait pas toute la douceur
extérieure qui serait à désirer en elle. Vous avez là une pensée digne de votre
cœur tout de charité pour sa fondation, de donner ma Sœur [M. -Marg.] de
Sainte-Colombe pour Supérieure, et notre Sœur de l'Antiquaille [cédera] ma Sœur
[L. -Gasparde] de Saint-Paul pour seconde ; puis prendre deux Sœurs de
Condrieu, et deux à Crémieux pour le reste de ce qu'il en faudrait à Vienne,
puisque ces deux monastères sont du diocèse de Mgr de Vienne. Je vais mander à
cette chère Sœur qu'il faut qu'elle fasse ainsi ; vous pourriez encore
donner, ou elle, une Sœur domestique, s'il en faut sept.
Certes, je ne sais
que dire de cette pensée d'union, car il m'est avis que tout ce qu'ils disent
est compris au Coutumier, aux Réponses et à la lettre d'union, sinon qu'ils
voudraient que les monastères de France s'adressassent à ceux de Paris ;
ceux de Provence et de Bourgogne, à Lyon ; ceux du Dauphiné et Savoie,
ici ; ce que je ne peux goûter, car c'est division d'union. Or je trouve
bon le fonds proposé pour aider les monastères, pourvu qu'en besoin notable et
non pressé les monastères s'adressent ici, et que celui-ci prie ceux de Paris
ou de Lyon de donner l'aide qui serait jugée nécessaire ; cela tiendrait
toujours les monastères dans le respect et recours à celui-ci ; vous
pouvez dire cela si vous voulez, ou simplement que vous vous rapportez à moi et
disculper le bon Père dom Maurice. C'est sans loisir que j'écris pour ne perdre
cette commodité de Chambéry. Certes, [134] ma vraie très-chère fille, il ne
nous faut que cela, de nous bien tenir en notre tout qui est Dieu, allant à Lui
par voie d'amour et d'humilité en tous nos besoins, et le plus souvent que nous
pourrons. Je salue nos très-chères Sœurs ; je me vante librement d'avoir
plus de désir de les voir qu'elles, au moins plus solidement, de vrai toujours
quand Dieu voudra ! Qu'il soit béni.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [134]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Affectueuse compassion pour cette Mère. — La Sainte
s'estimerait heureuse de n'être pas une seule heure sans souffrir. — Conserver
l'amitié du commandeur de Sillery.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 1er novembre [1632].
Mon Dieu ! ma
tout unique et très-chère fille, que veulent dire toutes ces fâcheuses et
douloureuses coliques qui vous ont tant affligée ? n'avez-vous point
quelque mélancolie et sujet d'afflictions ? car je pense avoir ouï dire
qu'elles procèdent de là. J'ai tant pensé si la dureté dont ces Messieurs de
Troyes usent envers nos Sœurs n'aurait point contribué à cela : enfin
dites-moi bien simplement, selon notre entière confiance, d'où. vous pensez que
ce mal vous puisse venir ; si aussi l'air de Paris ne contribue rien à
tant de grandes et fréquentes infirmités. Hélas ! je sais bien que Dieu
est par-dessus toutes ces causes secondes ; mais je sais bien aussi qu'il
ne veut pas toujours empêcher leurs effets, et que bien souvent II les laisse
agir, et veut aussi que nous les prévenions et nous en détournions quelquefois.
Vous voyez où mon esprit va autour de vos maux ; mais je ne laisse de les
regarder comme voulus ou permis de Dieu pour votre avancement en son amour, et
vous rendre conforme à Lui en [135] ses souffrances ; et en cette sorte je
vous estime heureuse, ma tout unique fille, de les souffrir ; je les
honore et révère, et voudrais être jugée digne de si. grande grâce, s'il
m'était permis de désirer quelque chose. Or je vous dirai que Notre-Seigneur
connaissant ma faiblesse me traite bien plus doucement ; car si bien je ne
puis dire être un jour sans quelque incommodité, et que je me voie dès quelque
temps fort vacillante en la santé, ce sont toutefois des incommodités plus traînantes
et provenant de l'âge que douloureuses, excepté des douleurs de tète et
certaines fluxions qui m'affligent, lesquelles sont un peu douloureuses tandis
qu'elles durent. Oh ! Dieu me fait trop de miséricorde ! J'estimerais
à grande grâce qu'un seul jour de ma vie ne fût sans douleur, ni même une
heure, afin que par ce moyen je fisse un peu pénitence de tant de fautes que je
commets journellement ; mais en tout la très-sainte volonté de Dieu soit
faite, car en elle seule consiste tout notre bonheur ! Je trouve le temps
si long, ma très-chère fille, dès que je n'ai de vos lettres, et la petite
assistante ne m'a point écrit si vous étiez hors de vos douleurs, bien que
notre Sœur la Supérieure de la ville m'en ait écrit, et le bon chanoine d'Ypres
m'assura que vous étiez tout à fait mieux.
M. le commandeur [de
Sillery], votre cher frère, ne m'a point écrit de Lyon ; j'ai vu dans une
lettre à notre Sœur de Bellecour qu'il accuse notre bon Père dom Maurice de
l'avoir persuadée de ne pas embrasser ses moyens d'union, disant que l'on
prétendait d'attirer de l'autorité ou préférence aux monastères de Paris
par-dessus les autres, et certes je crains que cela ne lui donne quelque
dégoût ; c'est une âme qu'il faut manier très-délicatement et conserver
précieusement, car elle le mérite. Raccommodez un peu cela avec votre douce
prudence, le plus promptement possible. Je ne crois rien de tout cela, car je
m'assure que ce Père n'a pas dit telle parole, ou peut-être que les monastères [plusieurs
mots inintelligibles] seraient attirés [136] par les assistances de ceux de
Paris. Je le salue, ce très-bon et cher Père ; je ne puis lui
écrire ; nous attendons de bon cœur de ses nouvelles touchant les procès
d'Orléans, et s'il viendra les apporter. — Ma très-chère fille, Dieu vous rende
une constante et longue santé pour sa gloire, et comble votre très-cher cœur de
son pur amour ! Je suis vôtre, mais certes d'une manière
incomparable ; et je vous prie, invoquez bien la divine miséricorde sur
mes besoins, afin que ce qui me reste de vie et ma mort soient à son honneur et
gloire. Amen.
Dieu soit béni !
Sa douce Bonté nous
fasse la grâce de chanter un jour le grand cantique des louanges éternelles à
sa souveraine Majesté, avec tous ces Saints et bienheureux Esprits dont la
sainte Église célèbre aujourd'hui la fête.
Je laisse à cachet
volant celle que j'écris à notre très-cher frère ; de vrai, c'est une âme
qui m'est bien précieuse. J'attends ce que vous me direz sur le mémoire que je
vous ai envoyé, et sur ce que vous aurez pu juger avec lui qui sera pour le
mieux ; car je me déporte facilement de mes sentiments pour suivre ceux
que j'estime meilleurs. Mais il ne m'est pas avis qu'il se puisse rien faire de
plus que ce qui est déjà écrit, si ce n'est pour le temporel ; car, de ces
intimes unions et conformités entre les maisons de Paris et celles de Lyon,
c'est une chose tout aimable et désirable. Mais qui subsistera autant que les
esprits des Supérieures auront l'alliance l'un avec l'autre. Je me confie en
Dieu plus qu'en tout cela ; Il fera ce qu'il lui plaira. — J'ai reçu
aujourd'hui une lettre de votre cher frère de Vaugelas, qui m'écrit la paix et
leur retour en France. Mon Dieu ! que j'en suis consolée pour l'amour de
lui et de notre bon M. de Foras tout particulièrement ; je ne puis maintenant
lui écrire, mais je le salue très-chèrement.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [137]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Prochain retour de Mgr de Genève. — Dans la réception des
sujets, saint François de Sales ne voulait pas qu'on dépassât le nombre de
quarante ou quarante-cinq.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 2 novembre [1632].
Ma très-chère fille,
Je crois que
maintenant vous avez reçu nos grandes réponses de celles que vous nous
envoyâtes par la voie de Chambéry, lesquelles vous auront été remises par le
messager de Riom, que nous envoyâmes passer à Chambéry pour les prendre, et où
nous les avions fait tenir dès le lendemain et par le même porteur qui nous
remit les vôtres ; si bien, ma très-chère fille, que c'est à vous à nous
répondre. — Je suis toujours attendant des nouvelles de Mgr de Genève ; je
lui écrivis après que j'eus reçu celle de notre bon Mgr de Bourges. Je lui ai
fait encore une recharge, sur l'avis du Père N. ; j'en attends la réponse
avec lui-même, car il doit être ici la semaine prochaine. — Si ma santé se peut
un peu affermir et que le temps soit beau, de vrai, ma très-chère fille, ce me
sera une consolation nonpareille de vous aller voir, et je crois que Mgr de
Genève me le permettra facilement ; mais si Dieu ne permet pas que tout
cela soit, j'écrirai à Mgr le cardinal pour faire mes excuses, si vous me dites
que je le doive faire, comme déjà je vous ai écrit.
Ne soyez point en
peine de ma santé ; car, en l'âge où je suis, il ne faut pas espérer de me
voir sans toujours quelques nouvelles incommodités ; mais je n'y vois
pourtant encore rien qui doive si fort alarmer nos Sœurs comme elles font. — Je
pense que c'est vous qui m'avez envoyé une boîte d'écorces d'orange, bien que
vous ne m'en dites rien par la vôtre ; ma très-chère fille, si vous ne
faites en cela ce que je vous ai dit, de ne me rien envoyer que je ne le vous
demande, je vous en donnerai quelque bonne pénitence. [138]
Vous me dites que
votre nombre est de quarante-cinq, et que je prie Dieu que vous ne
l'accroissiez pas davantage. Je le ferai de tout mon cœur ; mais, pour
vous parler simplement, je vous dis que vous ne le devez pas faire, et je vous
conjure de ne passer pas plus avant ; car, quand la Règle dit qu'elles
pourront en prendre quelques-unes de plus, elle ne dit pas qu'on en prendra une
douzaine, et je suis bien assurée que notre Bienheureux Père a dit qu'il ne
fallait pas passer quarante ou quarante-cinq ; il nous faut honorer nos Règles
en cela comme en toute autre chose. Nous ne sommes que trente-neuf Religieuses
et deux [Sœurs] du petit habit ; mais je me tiens ferme là de ne point
ouvrir la porte à pas une, quoique nous ayons un grand nombre de prétendantes
et de braves filles. — L'on nous a dit que Mgr de Belley avait fait imprimer un
petit livre de tout ce qui s'était passé à l'ouverture du tombeau de notre
Bienheureux Père, de la grande vénération qu'on lui rendit, laquelle on ne put
empêcher. Si cela est, ma très-chère fille, je vous prie de nous en envoyer un
exemplaire, parce que nous craignons qu'il y ait mis quelque chose de quoi
notre bon Père dom Juste se fût bien passé à Rome.
Au surplus, dites
très-humblement votre coulpe de ce que vous ne nous avez point envoyé les lettres
de vos deux dernières Sœurs mortes ; et, pour pénitence, nous vous prions
de les nous envoyer, si vous en avez de faites. Voilà un voile de calice que
nous avons fait céans pour Mgr de Montpellier, qui est le plus mignard et bien
travaillé, à mon gré, que j'aie vu. Ce bon prélat témoigna à nos Sœurs qu'il
désirait qu'elles lui en fissent un ; elles lui ont bien voulu donner ce
petit contentement. Je le vous recommande, ma très-chère fille, pour le leur
faire tenir par les marchands bien sûrement. Les lettres que nous leur écrivons
sont dedans. — Je ne pensais pas ce matin vous pouvoir écrire un seul mot de ma
main, tant j'étais tourmentée en la tête d'un violent catarrhe ; j'en suis
un peu soulagée ce soir. Voilà comme [139] va ma santé dans une incertitude
continuelle durant l'hiver ; hier seulement, je me trouvais assez bien, et
dès ce soir et cette nuit il y a eu changement. Dieu soit béni ! Sa bonté
accomplisse sans réserve sa sainte volonté en moi et en vous, que je chéris en
son amour comme moi-même ! Mon Dieu ! ma fille, les bonnes Sœurs que
nous avons ! La nièce fait bien ; nous avons beaucoup de bons sujets,
grâce à Dieu, qui en soit loué à jamais !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
On prépare une nouvelle Vie de saint François de Sales. —
Fondation de Draguignan. Celle de Béziers semble réussir ; quelques Sœurs
d'Annecy sont proposées pour y être Supérieures.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 2 novembre [1632].
Ma très-chère fille,
Il faut bénir et
remercier Notre-Seigneur avec beaucoup d'humilité, de ce qu'il lui plaît
remettre en paix la province où sa bonté vous a établie. Ce nous a été beaucoup
de consolation de savoir que notre très-digne Mgr de Montpellier ait été reçu
avec tant de débonnaireté auprès du Roi, mais surtout de ce que notre
Bienheureux Père a tant de soin de l'assister, car il est très-vrai qu'il
l'aimait chèrement- et il est vrai encore ce qu'il vous a dit de l'ouverture du
tombeau de notre Bienheureux Père. Mais je laisse à nos Sœurs à vous en écrire
amplement les particularités, me contentant de vous dire seulement que cette
année on lui a fait quantité de très-belles et riches offrandes, lesquelles nos
Sœurs écrivirent aussi à votre communauté.
Nous ne pouvons vous
envoyer encore notre Déposition de ce Bienheureux, n'en ayant aucune copie,
parce qu'un très-bon et [140] vertueux Père Jésuite l'a emportée avec la fleur
des autres dépositions, pour en composer l'idée de la sainteté intérieure du
Bienheureux, ce que nous espérons qui réussira avec bénédiction, d'autant que
celui qui l'entreprend est une âme des plus pures, dévotes, et qui a un des
meilleurs esprits et jugements qu'on saurait guère désirer. Je pense que dans
une année vous jouirez de la consolation de voir ce livre-là imprimé. —
J'aurais fort désiré que ma Sœur Anne-Marguerite n'eût point été mise si tôt en charge de
supériorité, à cause de son peu d'années de Religion ; mais la nécessité
l'aura sans doute fait faire ; je crois pourtant qu'elle demeurera ferme
en ce qui est de son devoir, car je la tiens pour une Religieuse solide et fort
sage, et qui a bien travaillé depuis qu'elle est en Religion. — Je ne sais
quelle nécessité peut avoir aucune des Filles de la Visitation de recourir au
dehors ; car il me semble qu'elles ont si bien tout ce qu'il leur
faut : Règles, Constitutions, Coutumes, et tant d'avis de notre
Bienheureux Père, avec les Réponses sur leurs demandes, que rien ne leur
saurait manquer, tandis qu'elles se tiendront bien à cela. Vous faites
grandement bien, ma chère fille, de vous conserver toute la liberté que
l'Institut donne ; car c'est une prudence très-nécessaire aux Supérieures.
— Je suis fort consolée de voir que la fondation de Béziers se remette sur
pied, parce que je crois qu'elle réussira grandement à la gloire de Dieu.
J'écris à la bonne veuve le mieux que [141] je peux, comme vous verrez.
Cependant, vous nous avertirez, s'il vous plaît, de tout ce que nous devons
faire sur ce sujet.
Nous envoyons donc
le voile pour Mgr de Montpellier, à Lyon. Je le trouve fort mignard ; mais
il ne faut point parler de reconnaissance pour cela, ma chère fille, car nous
n'en voulons point d'autre que celle de vos affections devant Dieu. Je n'écris
pas à Monseigneur, afin de ne lui en point parler. — Je m'oubliai, la dernière
fois que je vous écrivis, de vous remercier de votre suc de réglisse, mais je
le fais maintenant de tout mon cœur ; je le trouve fort bon et profitable.
— Vous connaissez toutes nos Sœurs, qui certes sont fort bonnes et
avancent : dites-moi celle que vous pensez plus propre pour être envoyée à
Béziers, car il me semble que pour le gouvernement
vous pouvez faire état de notre Sœur Mad. -Élisabeth [de Lucinge] ; J.
-Françoise de Vallon, qui a parfaitement bien dressé ses novices et sans bruit
ni empressement. Notre Sœur J. -Thérèse [Picoteau] est une fille très-solide.
Notre Sœur M. -Antoinette [de Vosery] s'avance bien, mais elle nous est fort
utile. Nous avons aussi notre Sœur A. -Marie Rosset et notre Sœur M. -Françoise
Humbert : voilà ce qui me semble être plus prêt pour le gouvernement. Les
jeunes, comme notre Sœur infirme M. -Françoise de Corbeau et quelques autres,
se font tout à fait braves. Notre Sœur M. -Françoise de Livron est allée à
Sisteron ; c'est une âme de grande vertu ; notre Sœur C. -Agnès
Daloz, à Crémieux ; notre Sœur C. -Catherine de Vallon, à Thonon où elle
fait bien... Ce qu'il faut donner aux maisons nous ôte de nos bonnes pièces.
Dieu veuille conduire cette affaire à sa gloire et vous comble de son saint et
pur amour, ma très-chère fille, qui m'êtes si précieuse et chère ! Je
salue en tout respect Mgr votre prélat, et les amis selon que vous le jugerez à
propos, mais surtout nos chères Sœurs, que je prie Dieu rendre très-humbles et
simples. Dieu soit béni ! [142] Je ne désire pas d'avoir le sentiment de
nos Sœurs, mais seulement le vôtre, ni que vous leur disiez que je vous le
demande.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À MOULINS
Exhortation à s'adonner entièrement à l'œuvre de sa
sanctification.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma chère fille,
Comme votre
détraquement avait rempli mon âme d'une très-sensible douleur, ainsi votre
conversion me soulage et console, bien que c'eût été avec une tout incomparable
suavité, si de vous-même vous vous fussiez accusée, selon que notre bon Dieu
vous l'inspirait. Béni soit-il toutefois de la miséricorde qu'il vous a
faite ! Je supplie sa Bonté de la confirmer en vous si fortement que
jamais plus vous ne retourniez en tels malheurs et oubli de votre devoir.
Souvenez-vous, ma fille, que je vous ai dit que vous ne sauriez demeurer en la
médiocrité. Il faut que vous soyez parfaitement bonne Religieuse, ou vous la
serez très-méchante. Ayez donc un grand soin de vous tenir sur vos gardes, et
très-humble et craintive devant Dieu. Redoutez incessamment la légèreté et
vanité de votre esprit. Tenez votre cœur ouvert à votre Supérieure. [Le
reste de la lettre a été coupé.]
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [143]
À LYON
Regret d'avoir été privée de sa visite. — Promesse de
prières.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1632.]
Madame,
Ce m'eût été un honneur
très-grand de recevoir le bien de vous voir ; mais puisque Dieu ne l'a pas
permis, je tâcherai de réparer cette perte par des prières et communions que je
ferai à la divine Majesté pour votre consolation, à laquelle je voudrais
pouvoir contribuer. Mais je crois que Dieu aura mis sa main pour vous soutenir
dans l'effort d'une si sensible touche, et que vous réciproquement, Madame,
aurez aussi soumis toutes vos volontés à la sienne très-sainte, adorant du
profond de votre âme les décrets de sa souveraine Providence, qui sont toujours
très-justes et tendant au bien éternel, où, je m'assure, vous jetez toutes vos
affections et prétentions.
Vous nous en donnez
une preuve assurée, Madame, par le [144] dessein que vous faites de
l'établissement d'une de nos maisons pour votre retraite, ainsi que nous dit
hier de votre part M. N. Nous rendons grâce à Dieu du choix que votre bonté
fait de notre petite Congrégation ; et vous assurons, Madame, de
contribuer tout ce qui sera en notre pouvoir pour votre contentement sur une si
digne entreprise, qui regarde la seule gloire de Dieu et votre richesse
spirituelle. Je supplie sa divine Bonté de répandre les richesses de son saint
amour sur votre âme, et la faire abonder en saintes consolations, demeurant en
tout respect et de toutes mes affections, Madame, votre, etc.
DU PREMIER MONASTÈRE D'ANNECY
Témoignages d'affection et souhaits de bénédictions.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon], 22 novembre [1632].
Ma chère sœur assistante et toutes nos très-chères
[sœurs],
Je retourne de bon
cœur mon esprit à vous pour vous saluer toutes très-chèrement avec les plus
tendres affections de mon [145] cœur, qui vous souhaite la pureté du très-saint
amour de notre divin Sauveur. Mes très-chères filles, travaillez à ce bonheur
fidèlement, et demeurez en paix pour ce qui me regarde, car je me porte aussi
bien que quand nous partîmes. Dieu nous fera la grâce, comme j'espère, de vous
revoir au temps que je vous ai dit, si l'équipage vient pour le 12 du mois
prochain. De vous dire la joie de nos Sœurs et notre commune consolation de
nous revoir, ce serait chose superflue. Ce sera pour le retour que nous
raconterons tout cela, Dieu aidant, que je supplie vous bénir toutes en général
et chacune en particulier des bénédictions de son saint amour, auquel je
demeure d'une affection incomparable toute vôtre. Dieu soit béni. — 22
novembre.
Ma très-chère fille,
je vous assure que vous avez raison d'aimer mes intentions. Elles sont toutes
pour votre bonheur, car je vous chéris sincèrement et vous souhaite un grand
amour de Dieu dans la sainte observance.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BESANÇON
Visite du Père de Lizolaz. — Il est bon de céder au
prochain, cependant on peut maintenir ses droits. — Bon état de la communauté
de Besançon.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 29 novembre [1632].
Je m'en doutais
bien, ma très-chère fille, que vous recevriez beaucoup de consolations de voir
le bon Père de Lizolaz [Jésuite] et d'apprendre si particulièrement des
nouvelles de nos monastères de Nessy et Chambéry. Vous avez très-bien fait de
faire vos confessions annuelles vers lui et lui témoigner toute sorte de
confiance. Je crois qu'elle vous sera utile ; car c'est un [146] grand
serviteur de Dieu, et tout rempli d'affection pour servir notre Institut. Je ne
doute pas que cette sainte affection ne réussisse à la gloire de Dieu et de
notre Bienheureux, qui vous comblera aussi de grâces, ma chère fille. Eh !
ne vous dirai-je pas que votre chère âme m'a fait un singulier plaisir, et
votre chère famille, de s'épanouir de joie des faveurs dont cette suprême
Majesté le gratifie [le Bienheureux]. Oh ! ma chère fille, que nous sommes
heureuses d'être filles d'un si saint Père ! Dieu nous fasse la grâce de
bien imiter ses vertus ! Il y a certes de quoi louer Dieu de trouver tant
d'âmes en vos quartiers qui soient disposées à recevoir cet esprit.
Ma chère fille, si
Mgr votre prélat ne veut point donner de permission pour vos fondations, [il]
se faut donner patience. La divine Providence, qui ordonne de tout si sagement,
saura bien en son temps faire réussir les choses qu'elle a destinées pour sa
gloire, qui est cela seul que nous devons souhaiter. — Ma chère fille, vous
m'avez fait un grand plaisir de céder votre droit à ces bonnes
Religieuses ; mais néanmoins puisque vous avez été les premières à faire
marché de la maison, quand vous eussiez enchéri dessus elles, vous n'eussiez
point fait de mal, car, en cas d'achat pour maisons religieuses, la charité
bien ordonnée commence par soi-même. Or sus, Dieu soit béni, qui en a disposé
de la sorte et a mis ordre à vous loger ailleurs, où je crois que vous serez
plus commodément, quoique plus cher ; mais il n'y a remède. Toutefois, je
trouve votre maison bien serrée, au moins si la toise n'est beaucoup plus
grande que la nôtre, qui n'a que six pieds de roi. Ma très-chère fille, une des
choses plus nécessaires pour un monastère, c'est qu'il y ait de l'air, lequel
sert à la récréation et des corps et des esprits. Mandez-moi si de cette maison
on voit la campagne, et si les maisons prochaines n'ont point de vue dans
icelle ; car [ce] serait une incommodité notable, à quoi [il] faut prendre
garde devant que s'engager du tout. Et quanta ces maisons religieuses [147] qui
méprisent la vôtre et l'Institut, ma chère fille, voyez, je vous prie, en une
des épîtres de notre Bienheureux Père, la réponse qu'il fit en telle occasion.
Je suis bien aise que vous ayez agi de la sorte.
Et pour ce qui
regarde M. Chassignet qui s'est retiré de votre maison, je me souviens qu'il y
a environ un an qu'il me témoigna d'en être mécontent ; mais, ainsi que
vous dites, ma chère fille, tout va à la gloire de Dieu et au bien de votre
maison. Il faut pourtant lui témoigner en toutes occasions le respect et la
dilection que vous avez pour lui, afin que nous ne demeurions point courtes en
la reconnaissance de ses bienfaits et à l'obligation que nous lui avons. — Nous
avons vu à Annecy M. le procureur général de Dôle, lequel vint rendre un vœu au
tombeau de notre Bienheureux Père ; il s'offrit de rendre toutes les
assistances qui étaient en son pouvoir, et me pria de vous l'écrire. — Au
surplus, ma toute chère fille, ce m'est une riche consolation de savoir que les
intérieurs de nos Sœurs sont si bons et que votre cher et bien-aimé cœur se
maintient dans son bon train. Dieu, par son infinie douceur, fasse" de
plus en plus abonder les richesses de son saint amour sur vous et la bénite
troupe de nos Sœurs, et vous fasse sans fin cheminer dans l'exacte observance
de notre saint Institut ! — Voilà les mémoires pour la vie de notre
Bienheureux : remettez-les en mains propres au bon Père de Lizolaz. Je
vous écris de Lyon, où nous sommes venues pour trois semaines. Adieu, ma fille,
je suis tout à fait entièrement vôtre. Mon Dieu ! ma fille, si vous avez
crédit, procurez que l'on ne donne guère de divertissements à notre Père de
Lizolaz.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [148]
SUPÉRIEURE À VALENCE
Mgr de Genève ne permet pas à la Sainte d'aller à Valence.
— Conseils pour l'oraison et le gouvernement de la communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1632.]
Ma très-bonne et chère fille,
Je dérobe ce temps
sur mon dormir pour vous écrire, et si je puis [j'adresserai] quatre lignes à
celles de nos Sœurs qui m'ont écrit : car d'aller à vous, Mgr de Genève ne
le peut goûter. L'on a eu sa réponse, il craint les maladies ; il faut
donc que nous demeurions en paix dans cette divine disposition, qui nous
donnera la consolation désirée, quand il lui plaira. Certes, ma très-chère
fille, j'eusse fait cette visite de grand cœur, car je chéris votre âme d'un
amour très-spécial et toute votre chère famille, en laquelle je vois que Dieu
répand beaucoup de bénédictions. — Je reçus hier votre lettre du 26 octobre,
qui me fut envoyée d'Annecy. J'y vois votre manière d'oraison, que je trouve
fort bonne et utile ; et, bien qu'elle soit privée du discours de l'entendement,
si ne laisse-t-elle pas de l'éclairer, mais en une manière plus simple, et
partant plus excellente. Gardez-vous bien, ma très-chère fille, de vous
divertir de cette douce, tranquille et presque imperceptible occupation, pour
chose que ce soit, et ne veuillez pas même voir ni savoir ce [dont] votre âme
s'occupe, ains, demeurez très-simplement en l'unique vue de Dieu. La dévote
Sœur Marie vous aidera bien en cela ; je la salue
chèrement et sa vertueuse compagne. Je m'estimerai heureuse qu'elles prient
quelquefois pour moi, et je les en prie par leur souverain Amour et le nôtre.
Gardez-vous de
changer votre manière de gouvernement, et croyez que ce que la douceur ne fera
pas dans les âmes, la rigueur y gâterait tout. Tenez l'esprit de vos filles
fort content et dans une sainte joie ; portez-les surtout à bien faire
leurs exercices spirituels, surtout la sainte oraison, et les animez à vivre
au-dessus d'elles-mêmes, de toutes leurs inclinations, passions et habitudes,
afin que l'Esprit-Saint règne en toutes leurs actions. — Je vous prie,
tenez-vous ferme dans l'observance de tout l'Institut, et croyez que Dieu
fournira tout ce qui sera besoin au spirituel et temporel ; ne vous
chargez donc nullement de petites filles, que conformément au Coutumier. — Je
salue toutes nos chères Sœurs, à part notre Sœur M. -Constance. Dieu la veut
très-humble ; qu'elle emploie à cet usage ses chutes et imperfections. Il
la laisse là dedans pour cela ; quand donc elle manquera à la fidélité duc
à la pratique des vertus, qu'elle ne manque pas à s'humilier doucement. Ma
très-chère fille, Dieu vous rende toute selon son Cœur. Je suis en Lui
totalement et entièrement vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Voiron.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Les talents sans humilité sont plutôt préjudiciables
qu'utiles.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 9 décembre [1632].
Ma très-chère fille,
Je suis ici depuis
vingt jours par le commandement de Mgr de Genève, selon le désir de Mgr le
cardinal ; vous pouvez penser si c'est aussi à la sollicitation des bonnes
Mères d'ici. Vous aurez reçu, je m'assure, votre lettre et le voile [de
calice]. [150]
Je ne vois pas qu'il
y ait rien à dire ; aussi n'en ai-je pas le loisir. J'écrirai à ma Sœur
Marie et enverrai la lettre ouverte ; vous avez besoin de lui faire
entendre et goûter l'humilité, pour par après lui faire savourer et connaître
son utilité et nécessité en nos actions ; autrement tous ses talents lui
seraient grandement préjudiciables. Ma chère fille, j'ai été bien aise
d'apprendre l'état du temporel et spirituel de votre maison ; je loue Dieu
de quoi tout y va si bien ; notre obligation s'en accroît à Mgr votre bon
prélat. — Vous ne m'avez rien dit de la fondation de Béziers ; je serais
bien aise de savoir si elle réussira.
Ma chère fille, [ce]
sera lundi que nous partirons pour notre retour à Nessy, pleine de
l'édification de ces deux chers monastères, qui vont si parfaitement en
l'observance ; je ne dis rien des deux Mères, sinon qu'elles se rendent
toujours plus dignes de la charge que Dieu leur a commise. — Ma fille, votre
bien-aimé cœur va bien au gré du mien, qui vous chérit incomparablement ;
c'est tout ce que je vous puis dire sans loisir. Dieu soit notre tout ! Amen.
[P. S.] Je vous prie de faire faire une communion
générale pour le Père qui écrit la vie de notre Bienheureux.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Sollicitude au sujet de la santé de cette Mère. — Conseils
pour la distribution des charges ; celles d'assistante et de directrice ne
sont pas incompatibles.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1632.]
Mon Dieu ! ma
très-chère fille, que ces médecins et excessives saignées qu'ils vous font
m'affligent ! J'en ai le cœur outré d'appréhension qu'ils ne vous jettent
en quelque mal, d'où ils ne vous retireront pas comme ils voudront ; votre
fièvre lente et votre difficulté de respirer ne viennent que de là. N'y a-t-il
moyen de les empêcher, et de se contenter du gouvernement du bon Père
Capucin ? Enfin cela m'est intolérable, et j'ai peine encore de m'empêcher
de croire que l'air de Paris ne vous soit pas bon ; car jamais vous n'avez
fait de telles maladies que depuis que vous êtes là. En somme, je veux bien
regarder le bon plaisir de Dieu en tout cela et m'y conformer de bon cœur, car
je sais que vous êtes si intimement sienne qu'il permet tout pour votre
bien ; mais aussi je sais bien qu'il veut que l'on fasse tout ce qui se peut
bonnement pour éviter le mal, et je vous conjure, mon unique très-chère fille,
de vous soumettre à tout ce qui sera requis pour votre soulagement ; vous
devez cela à ma consolation et au bien de votre maison et de notre cher
Institut.
Il faudra voir ce
qu'il plaira à Dieu déterminer de l'affaire de Troyes, et le recevoir en
patience ; enfin tout réussira à notre bien. — Vous ne sauriez mieux faire
que de remettre assistante ma Sœur la directrice ; ces deux charges ne
sont point incompatibles ; enfin il est à craindre que l'esprit de votre
Sœur assistante se trouve fort faible, pour être trop [152] subtil et plein de
propres recherches. Dieu suppléera par quelque autre sujet plus solide. Je me
suis méprise, n'ayant loisir de relire votre lettre ; mais je me souviens
que c'est ma Sœur [M. -Élisabeth] de Lamoignon que vous proposez pour être
assistante, et certes il sera très-bien de le faire, car c'est une sage et
modeste fille. — J'écris un mot à M. votre cher frère. Bon Dieu ! quelle
mortification de s'en être déjà retourné ! Voilà une triste paix en toute
façon. Dieu soit partout sa conduite. — Il ne faut pas parler de vous
déposer ; j'espère que Dieu aura pitié de votre famille et vous redonnera
de la santé ; je l'en supplie de toutes mes affections, qui vous
souhaitent incessamment le pur amour du Sauveur, auquel vous savez que de cœur
incomparable et au-dessus de toute comparaison, je suis entièrement vôtre.
Dieu soit béni !
[P. S.] Vous savez que nous voici à Lyon par le désir
de Mgr le cardinal. Certes, j'ai été bien consolée de voir ces deux familles
qui vont très-bien, grâce à Dieu, et je vous dis en toute vérité que je trouve
le cœur de notre Sœur de Blonay dans un amour et estime du vôtre tout à fait
grands. Ma très-chère fille, faites faire, s'il vous plaît, une communion
générale pour celui qui écrit la vie de notre Bienheureux Père. — Je salue
très-affectionnément et chèrement toutes nos chères Sœurs, et particulièrement
les deux qui m'ont écrit ; je n'ai nul loisir de leur faire réponse.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Regret de n'avoir pu s'entretenir plus à l'aise des choses
de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
Crémieux, 16 décembre 1632.
Ma très-chère fille,
Il vous faut dire
tout simplement la vérité : je partis d'avec vous extrêmement touchée de
n'avoir eu la consolation de vous entretenir plus à loisir des choses de
Dieu ; mais je mérite cette privation, pour me trop amuser aux choses
extérieures. Je voudrais que souvent vous m'écrivissiez de ce qui se passe en
vous, et comment votre esprit s'occupe aux mystères, si c'est vous qui vous y
occupez, ou si Dieu vous prévient et comment, et si c'est par simple pensée,
vue ou lumière non recherchée : je serais bien aise de savoir bien cela.
Au surplus, je vous sens si intimement dans le fond de mon cœur, qu'il n'y
arien de comparable. Dieu me continue par sa miséricorde cette sainte union
dans son éternité ! Je vous recommande derechef votre santé, mais je vous
en prie. Je salue toutes nos Sœurs que j'aime tendrement, et les amis.
J'ai trouvé ici de
bons sujets et une fort aimable famille ; je crois que Dieu ne la
délaissera pas en ses besoins. La Mère en est toute bonne, mais ferme pour l'observance
et soigneuse de ménager. Les filles l'adorent, s'il faut ainsi dire, et lui ont
une entière confiance. — Bonjour, ma toute très-chère fille ; Dieu soit
tout votre trésor ! Amen. Qu'il soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [154]
SUPÉRIEURE À THONON
La Supérieure doit toujours recevoir cordialement les
Sœurs qui ont à lui parler. — Il ne faut point faire de voyages sans vraie
nécessité. — S'abandonner à Dieu et retrancher fous les retours inutiles sur
soi-même.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Ma très-chère fille,
Ce peu de lignes est
pour répondre à vos deux grandes lettres. Nous avons vu ces jours passés le bon
Père de Lizolaz. Je bénis Dieu de quoi nos bonnes dames de V. et de C. se
portent bien. Je vous supplie de les saluer très-humblement et chèrement de ma
part. Vous n'avez point fait de mal de leur faire voir quelques personnages et
raconter quelques vers de votre histoire, bien qu'il est très-bon de ne pas le
faire ; mais ces dames étant d'extraordinaire piété et vertu, elles ont
bien mérité cette petite gratification puisqu'elles l'ont désirée si
instamment. Vous avez pourtant bien fait de ne pas tout faire devant elles. —
Pour madame de Ruffe, je vois par le récit que vous m'en faites que c'est une
âme de rare vertu ; si Dieu la veut dans notre Institut, je crois que nos
Sœurs lui ouvriront de bon cœur la porte. Vous êtes grandement obligée de
l'offrir souvent à la divine Bonté, puisqu'elle vous a fait voir le fond de son
cœur et ses besoins qui sont grands, s'en retournant parmi les misères du
monde.
Quant aux
manquements de douceur que vous faites à l'endroit de vos Sœurs, lorsqu'on va
vous importuner pour choses de rien ou de peu, vous savez, ma très-chère fille,
qu'il ne le faut pas faire, puisque la Supérieure est pour entendre et répondre
à toutes celles qui lui veulent parler, bien qu'après les avoir écoutées vous
pouvez faire connaître qu'il y a en cela [155] de la superfluité ou inutilité.
Il ne faut pas que vous soyez si jalouse de votre retraite, que l'on ne vous y
ose aborder que pour des grandes choses.
Je ne vois point
d'apparence que je vous puisse aller voir ; car, outre que votre maison
n'a point de nécessité de ma présence, il ne serait pas à propos que je
quittasse si promptement cette maison, après en avoir été si longtemps
dehors ; et, de plus, nous devons grandement prendre garde à ne pas faire
des sorties sans vraie nécessité, car nous sommes fort surveillées de ce
côté-là. Après avoir dit ma pensée, je suis et serai toujours prête à faire
l'obéissance. Mgr de Genève doit venir bientôt ; il vous ira voir. Vous
pourrez lui dire vos besoins, soit pour faire que j'aille en votre maison, ou
pour permettre que vous veniez ici. Vous pouvez penser, ma chère fille, si je
serais consolée de vous voir ; mais si l'on ne le juge pas à propos,
patience, deux années seront bientôt passées.
Vous faites
très-bien d'entretenir vos Sœurs en général, leur parlant selon que vous
connaissez leurs besoins, comme vous avez fait touchant la modestie que les
Religieuses doivent avoir en toutes choses, soit au boire, manger et
autres ; mais il ne faut pas spécifier les choses qui peuvent donner
confusion à celles qui les auraient faites, comme pouvait faire l'exemple que
vous me marquez. On profite davantage de le dire en particulier à celles que
l'on connaît y manquer. — Pour ce qui est de ces esprits un peu difficiles, je
ne vous en puis dire autre chose que ce que je vous en ai déjà dit. Il vous
faut comporter envers eux selon que Dieu vous donnera lumière, et ne point tant
tracasser votre esprit à penser que votre conduite est la cause de leurs
défauts. Je vous prie ne me plus dire cela et de ne plus tant faire de
réflexions. Oh ! mon Dieu, serez-vous toujours votre croix ? car je
vois que, de quelque côté que Dieu vous tourne, vous convertissez tout en
amertume et affliction pour vous, à force de vous regarder et de réfléchir
incessamment sur [156] vous-même. Eh ! pour Dieu, cessez cette conduite sur
vous ; vous vous êtes donnée à Dieu et remise à Lui et à son soin,
laissez-le-lui, et anéantissez toutes ces vues au simple et pur regard de sa
Bonté. Faites mourir là toutes vos craintes et réflexions. Je ne puis
m'empêcher de vous le répéter, et de vous dire qu'en vérité si vous ne les
retranchez et que vous ne quittiez vos aigreurs contre vous-même et tous vos
désespoirs sur vos misères, je ne vous y répondrai plus rien ; car je vous
vois toujours là dedans, et que vous lirez de toutes choses des angoisses et conséquences
de vous martyriser.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À TURIN.
Avantage des adversités. — Pauvreté des monastères de
Savoie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 25 décembre [1632].
Monsieur,
Nous
sommes ici en peine de votre
plus long séjour en Piémont que l'on espérait ; cela nous tient d'autant
plus attentives à prier, afin qu'il plaise à la divine Bonté réduire bientôt
vos affaires à sa plus grande gloire et à votre utilité, ce que nous espérons
de sa douceur et providence paternelle, en laquelle j'ai confiance, Monsieur,
que vous regardez et aimez toutes les traverses que sa souveraine sagesse
permet vous arriver, puisqu'elle nous départ avec égal amour les choses
adverses comme les prospères. Et pour l'ordinaire, elle nous les rend plus
profitables et plus utiles pour l'acquisition même d'un solide honneur et
contentement en cette vie, et surtout pour notre avancement en sa grâce en la
bienheureuse éternité, qui sont les vrais biens impérissables et désirables, et
ceux que de [157] tout notre cœur nous vous souhaitons, avec un prompt et
heureux retour en santé et en votre contentement.
L'on nous refuse ici
notre sel, nonobstant que Mgr le prince Thomas ait commandé qu'il nous fût
payé ; l'on dit qu'il nous faut avoir la confirmation de nos patentes,
autrement nous perdons non-seulement les deux derniers quartiers échus, mais
encore toute l'année suivante, si l'on ne nous fait mettre sur le bilan à ce
renouvellement d'année. Hélas ! nous n'avons pas besoin de perdre cette
charité, car jamais, je pense, toutes nos maisons de Savoie ne se sont trouvées
en si grandes nécessités qu'elles sont maintenant, à cause des mauvaises prises
[récoltes] et des troubles passés. Nous écrivons à M. le commandeur Balbian,
afin qu'il se joigne avec vous, Monsieur, pour nous obtenir la confirmation du
don qu'il a plu à Son Altesse Sérénissime de nous faire pour toutes nos quatre
maisons, et à quatre minots pour chaque monastère. Faites-nous ce bon office,
Monsieur, nous vous en supplions très-humblement, tandis que nous supplierons
Notre-Seigneur vous tenir en sa divine protection, et vous départir ses plus
chères grâces et à tout ce qui vous est de plus cher, demeurant d'une entière
affection, Monsieur, votre très-humble et obligée servante.
Conforme à une copie gardée à la Visitation de Chambéry. [158]
ÉVÊQUE DE GENÈVE, À ANNECY
Intervention charitable de la Sainte en faveur d'un
ecclésiastique.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1632.]
Monseigneur,
Le bon M. l'official
m'a apporté ces papiers, me disant qu'il ne les pouvait remettre en mains plus
assurées pour vous être remis sans être vus. J'ai donc dit qu'ils vous soient
donnés en mains propres à votre arrivée, ce soir, Monseigneur. Il s'en est allé
faire un tour chez lui, tant parce qu'il se trouvait tout mal, que pour se
divertir un peu de l'ennui qu'il a de ne s'être su résoudre de faire ce que
vous désiriez, touchant cette affaire dont vous le chargiez pour Thonon ou
Évian, et m'a dit qu'il n'avait pas eu la force de vous le dire, ni vous
refuser en face, tant il craint de vous déplaire, Monseigneur, car j'ai vu
qu'il avait grande peine et douleur de ne vous pouvoir servir en cette
occasion. Il m'en a dit plusieurs raisons et quantité de choses que je pourrais
vous dire, mais qui seraient trop longues à écrire.
Je vous donne
très-humblement le bonsoir, Monseigneur, et prie Dieu vous donner abondamment
son esprit de force et sainte consolation en toutes vos affaires. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [159]
PROVINCIAL DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
Sur les moyens d'union entre les monastères. — Les
Religieuses de la Visitation ne peuvent reconnaître d'autres Supérieurs que
leurs évêques respectifs.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, décembre 1632.]
Mon très-honoré et cher père,
Je supplie le divin
Enfant de Bethléem de faire abonder votre âme en grâces et [la combler] des
bénédictions de sa sainte Nativité. Il y a longtemps que je ne me suis donné
l'honneur de vous écrire. Je ne crains pas toutefois que vous m'oubliiez devant
Dieu, et vous conjure de me donner une de vos messes, car je suis pauvre à
l'extrémité. Cette vie me serait pesante, si je n'y voyais le bon plaisir de
Dieu, qui me suffit pour toute consolation ; c'est tout ce que je puis
dire de moi, mon cher Père, n'en sachant que dire autre.
Notre chère Sœur la
Supérieure du faubourg Saint-Jacques de Paris m'a communiqué l'avis qu'il vous
a plu nous donner au sujet de notre union. Il est bon et solide ; mais je
n'ai su néanmoins y joindre mon cœur, ce que je vous dis avec franchise, parce
que votre bonté m'en a donné la confiance. Notre esprit ne saurait supporter
nulle autorité sur nous, que celle de Messeigneurs nos prélats, ni nul secret
contre eux. Il faut, si nous voulons avoir nos esprits en repos, que nous y
traitions avec une entière confiance et simplicité, autrement nous ne serons plus
Filles de notre Bienheureux Père, qui nous a laissé cette affection gravée dans
nos cœurs, outre que nous avons un certain goût et révérence qui nous porte à
nos Supérieurs, ce qui ne peut procéder que de la grâce, et qui me fait espérer
de grandes bénédictions par cette voie-là.
C'est pourquoi, mon
très-cher Père, voyant tous les moyens [160] d'union que l'on nous propose,
heurter en certaine manière cette autorité, nous ne saurions en accepter pas
un ; et j'ai cette confiance que Dieu fera ce qui ne se peut faire par
formalités, ni prudence humaine. Jusques ici sa Providence nous a conduites et
maintenues dans une parfaite union et conformité : j'espère qu'elle nous y
fera persévérer par les mêmes moyens ; et notre lien de la sainte charité aura
plus d'efficace et de force en sa douceur et sainte liberté, que toutes les
lois et obligations que l'on pourrait établir : voilà mon sentiment, mon
cher Père, qui est tout conforme à celui dans lequel notre Bienheureux Père est
parti de cette vie. Dites-moi si je ne dois pas demeurer en paix là-dessus.
J'écris à nos Sœurs sur cela et les exhorte, en la meilleure façon que je puis,
à persévérer en la voie où Dieu les a mises, et de conserver par ci-après leur
esprit, union et conformité, par les mêmes moyens qu'elles ont pratiqués
jusques ici, et lesquels les ont tenues unies et liées ensemble. Je pense
seulement, mon cher Père, qu'il faut entretenir la mémoire de notre
communication, et donner un peu d'attention aux Supérieures de ne rien changer
ni innover en nos institutions et coutumes, et de conserver la sainte union en
tout ce qui leur sera possible avec les autres maisons, et spécialement avec
celle-ci d'Annecy, comme avec la mère et maîtresse de toutes les autres, pour
s'y conformer en tout ce qu'elle a reçu de son saint Fondateur, ainsi qu'il
s'est pratiqué jusques ici ; si vous trouvez cela bon, vous pourrez dire à
nos Sœurs de le faire.
Mon très-cher Père,
mais dites-moi, s'il vous plaît, comment vous trouvez à votre gré nos Sœurs de
ce lieu-là. Je les trouvai fort au mien, quand nous y passâmes. Dieu leur fasse
la grâce de cheminer dans leur voie avec sincérité et simplicité et de vous
rendre leur très-humble obéissance, selon cet esprit. Soyez-nous toujours vrai
père et protecteur, je vous en supplie, et faites par votre soin paternel que
les volontés de celui que [161] vous honorez au ciel soient fidèlement gardées
en la terre par ses filles. C'est tout le bien que je leur souhaite, et à vous
mon très-cher Père, la plus haute sainteté qui se puisse acquérir en ce monde.
Faites-moi l'honneur de me tenir toujours, car je le suis pour jamais, votre,
etc. [162]
ANNÉE 1633
SUPÉRIEURE À BELLEY
Elle bénit Dieu des heureux fruits de son passage à
Belley.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 4 janvier 1633.
Ma très-chère fille,
Je bénis Dieu des
bons effets que vous dites que notre voyage a opérés en votre maison, et le
supplie de réduire le tout à sa gloire. Ce m'a été aussi une grande consolation
de savoir que le bon M. des Échelles se soit remis dans le train de sa
cordialité envers vous. Je vous conjure, ma très-chère fille, de faire tout ce
qui sera en votre pouvoir pour conserver son affection ; car, après tout,
c'est un bon et vertueux personnage. Nous avons été consolées de voir le
Révérend Père qui vous porte ce billet, lequel nous a fait une fort belle
prédication sur les louanges de notre Bienheureux Père. C'est tout ce que je
vous puis dire maintenant, sinon que je salue chèrement toutes nos Sœurs,
auxquelles je souhaite le comble de toutes saintes bénédictions, mais à vous
particulièrement, ma très-chère fille, de laquelle je suis, d'un cœur et d'une
affection invariables, votre très-humble et indigne sœur et servante.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [163]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Prière d'envoyer certaines fournitures pour un ornement
d'église destiné à servir aux fêtes de béatification de saint François de
Sales. — Dispositions intérieures de la Sainte.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 12 janvier [1633].
Ma très-chère fille,
Je vous écris ce
billet seulement pour saluer votre cher cœur, et lui souhaiter le comble des
grâces du très-saint et pur amour en ce commencement d'année, et pour lui dire
que Mgr de Genève est en peine du beau tableau qu'on lui envoie de Paris, afin
qu'on prenne soin de le lui faire apporter sûrement. Il payera ce que vous
donnerez à la douane, en le lui faisant savoir. Je vous prie aussi de nous envoyer
le patron de la croix de la belle chasuble de madame de Chevrières, avec
quelques-uns des plus beaux bouquets qui y sont parsemés ; mais surtout
nous désirons d'avoir la croix. Mandez-nous aussi en quel endroit il faut
mettre la cannetille brune, la façon de la laine et toutes ces autres
particularités, et combien nous coûterait l'once de tous ces ors à Lyon, pour
voir si nous aurons meilleur marché de les faire venir de Milan, car il est
temps que nous commencions à faire nos provisions de ce côté-là. Espérons que
notre bon Dieu pourvoira à fournir de quoi, quand il sera requis ; certes,
il faut bien regarder sa Providence pour tout.
Je me porte mieux,
Dieu merci, depuis cinq ou six jours que j'ai mis l'emplâtre du bon cher frère
Antoine que je salue ; mais auparavant, je fus plusieurs fois que,
m'allant coucher, je me préparais à mourir la nuit, car j'y étais assaillie si
violemment de cette défluxion que rien plus. Je prends aussi de son opiat, et
enfin, ma très-chère fille, je me porte beaucoup [164] mieux. Il durera tant
qu'il plaira au bon Dieu, car certes, par sa grâce, je ne veux en cela que sa
très-sainte volonté, ni en toute autre chose, ce m'est avis. Mais ses yeux
divins qui pénètrent mon chétif cœur y voient peut-être ce que je n'y aperçois
pas, pour mon peu de clarté, et l'extrême embarrassement de mon esprit dans les
affaires, dont je suis bien lasse, selon l'inclination naturelle, mais
contente, puisque c'est mon Dieu qui me tient en ce train. Je ne puis
m'empêcher de vous parler toujours avec cette simplicité et parfaite confiance.
Dites à notre bon M.
Marcher, que j'honore fort chèrement, qu'il ne soit pas en peine de sa petite
sœur. Je m'étais méprise ; car elle n'est pas dans l'embarras, c'est une
autre, ce dont je suis bien aise pour l'amour de lui que je salue cordialement,
voire, Mgr le cardinal, s'il est à propos, et tous ceux que vous jugerez,
surtout nos pauvres Sœurs que j'aime tant, et à part la petite de Lécluse et la
bonne économe. Je ne sais encore si notre Sœur de Châtel ira à Grenoble ;
car la Mère tient que ce lui sera une bonne abjection. Bonsoir, ma vraie fille.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Regrets du départ de l'archevêque de Lyon. — Se maintenir
dans l'indifférence, en sollicitant une guérison corporelle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 28 janvier 1633.
Ma très-chère fille,
J'ai bien maintenant
reçu tous vos paquets, et pense qu'il ne s'en sera point égaré. Un marchand de
cette ville part demain pour Lyon ; c'est pourquoi je ne veux perdre cette
occasion de vous saluer chèrement et cordialement, et vous dire que je suis
bien dans les mêmes ressentiments que vous du départ de [165] Mgr votre bon et
digne cardinal ; car le monde a beau dire ce qu'il voudra, c'est une âme
qui a de bons sentiments, et en l'absence duquel vos maisons de Lyon perdront
bien. Mais la sainte volonté de Dieu soit faite ! — Vous me faites bien
aise de me dire que nous aurons un beau dessin pour l'ornement de notre
Bienheureux Père ; vous nous ferez bien plaisir de nous l'envoyer le plus
tôt que vous pourrez. — Je vous remercie de votre pâte de Gênes ; mais
vous me deviez donc envoyer des dents pour la manger, car les miennes ne valent
guère pour cela. [Plusieurs lignes ont été coupées dans l'original.]
[Dites à ma Sœur]
Élisabeth que je ferai faire la neuvaine qu'elle désire, bien que, pour ne lui
point celer, j'aurais beaucoup plus agréable de demander pour elle la vue
intérieure des choses célestes et éternelles que celle du corps ; mais
néanmoins pour lui condescendre je ferai ce qu'elle désire, et lui conseille
cependant de demeurer en paix et se résigner entièrement à la volonté de Dieu,
en faisant sa neuvaine d'un quart d'heure d'oraison, proche du cœur de notre
Bienheureux Père. — Certes, ma toute chère fille, vous me ferez grand plaisir
de m'écrire celle lettre toute de votre cœur et de votre main. Il m'est avis
que ce que je vous écrivis à Crémieux requérait cela. Faites-le donc, ma fille,
car c'est une vérité que Dieu a mis entre nous un amour et confiance tout
particuliers et incomparables. lien soit béni. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [166]
Désir que la Mère de Blonay ou quelques-unes de ses
Religieuses se rendent à Moulins pour une affaire importante.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma très-chère fille,
Vous connaissez
l'esprit de Moulins. J'eusse été bien aise, puisque ma Sœur s'est découverte à
vous, de vous envoyer les lettres tout ouvertes ; mais j'ai pensé que si
je ne donnais à ce messagerie paquet de Moulins à part, que possible ne
passerait-il pas vers vous.
Je crois que le plus
tôt que vous pourrez envoyer vos Sœurs sera le mieux ; car d'attendre que
la communauté les vous demande, cela n'est pas nécessaire et tirerait trop à la
longue, sinon que vous puissiez obtenir de Mgr le cardinal la permission d'y
aller vous-même, ou que vous vissiez quelque apparence que si la Mère de
Moulins la demandait, elle l'obtiendrait ; car, quelque défiance que vous
ayez de vous-même, vous y feriez un grand fruit, et rendriez votre voyage
très-utile à cette pauvre maison-là ; car vous diriez sincèrement et
véritablement les choses comme elles se passent, dans la douceur de votre
esprit et de votre vocation ; car parmi tant de choses [167] redites, l'on
a bien peine d'en tirer la vérité. Mais n'y ayant point apparence que l'on
puisse obtenir ce congé, il faut que M. Brun y mène vos Sœurs, et qu'il parle à
la Mère et à toutes les Sœurs pour savoir au vrai les choses comme elles se
passent ; mais particulièrement si ce voyage-là s'est fait avec toutes les
circonstances que vous avez vues dans la lettre que je vous ai envoyée, car c'est là le fond de l'affaire. Pour ce qui est des Sœurs
que vous y envoyez, ma Sœur [M. -Marg.] de Sainte-Colombe, quoique fort bonne
et vertueuse, n'a pas assez de vue pour ce lieu-là. C'est pourquoi il lui faut
donner une compagne qui supplée à ce défaut ; et puisque vous voulez que
je vous en dise mon sentiment, j'ai pensé que ma Sœur [M. -Isabeau] de
Ravachot, ou plutôt ma Sœur M. -Aimée [Coultin], qui était votre assistante
quand nous fumes à Lyon, y seraient les plus utiles, les accompagnant d'une
forte recommandation déporter en cette maison-là, parleurs bons exemples,
l'édification et bonne odeur de la vertu ; et par le retour de M. Brun
nous serons assurées de la vérité de l'affaire.
Quant à ce que vous
pensez qu'elle demande vos Sœurs pour pouvoir plus facilement venir à votre
monastère, c'est à quoi elle ne pense pas ; car elle parle d'aller faire
une fondation à Angers. Mais si ce que l'on m'écrit de ce voyage est vrai, il
faudra que Mgr d'Autun lui en fasse une si bonne correction qu'elle répare en
quelque façon le mauvais exemple que les maisons en ont reçu, ou que du moins
elle puisse servir d'exemple à l'avenir, afin qu'il ne s'en tire point de
conséquence. Voilà, [168] ma très-chère fille, ce que je vous puis dire pour ce
coup. Vous savez bien de quel cœur je suis vôtre.
[P. S.] Mille saluts à toutes nos Sœurs. Que Dieu les
rende toutes saintes !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
En quoi consiste le comble de la parfaite indifférence. —
Éloge du commandeur de Sillery. — Voyage du Père dom Maurice à Annecy. — Projet
d'une fondation.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 13 février 1633.
Ma très-chère fille,
Il faut que je vous
confesse que j'ai bien de la peine de vous savoir entre les mains de ce M.
Seming ; mais puisque vous commencez à vous mieux porter, et que c'a été
par le sage et charitable conseil de notre très-cher frère le commandeur, je
n'ai rien à dire, sinon que de tout mon cœur j'en recommande la bonne issue à
la divine Providence ; car, ma très-chère fille, votre santé nous est
incomparablement plus chère et précieuse que nous ne vous saurions dire. Il me
semble vous avoir déjà dit plusieurs fois que je croyais que les affaires de la
maison de Troyes avaient beaucoup coopéré à votre maladie ; c'est pourquoi
je vous prie, ma très-chère fille, de prendre ces affaires-là en esprit de paix
et de douceur ; car notre Bienheureux dit que c'est le haut point de la
parfaite indifférence de cesser de faire le bien quand Dieu veut que nous
cessions. Il lui a plu que vous vous soyez employée pour faire avec beaucoup de
peine et de charité tout ce que vous avez pu pour le bien de ces chères âmes,
et peut-être se contente-t-il de votre commencement, et veut que vous vous en
retourniez de moitié [169] chemin.
Il me semble qu'en tout, le grand secret est d'attendre avec patience le succès
qu'il plaît à Dieu nous donner de nos entreprises, et adorer en tout ses
volontés éternelles. Ma Sœur la directrice me dit que le Père dom Maurice y est
allé ; je ne sais ce que ce bon Père pense d'entreprendre tant de choses,
sachant la nécessité qu'il y a qu'il vienne ici, et de quelle façon il y est
attendu, et que même nous serons toujours en peine jusqu'à ce qu'il y soit avec
les procédures d'Orléans et de Paris ; mais il n'y a remède, il faut
remettre tout entre les mains de Dieu. Je le crois si bon et si affectionné aux
affaires de notre Bienheureux que je veux espérer qu'il n'y perdra point de
temps, car je ne saurais qu'y faire après lui en avoir tant et tant de fois
écrit et fait prier par votre entremise.
Au surplus, ma très-chère fille,
notre très-cher et très-honoré frère M. le commandeur nous fait bien voir la
véritable bonté et vertu qu'il a au fond du cœur ; car, par ses lettres,
il se déprend entièrement de toutes ses pensées sur le sujet d'union, avec une
douceur et bonté admirables. Pour moi, j'en suis toujours où vous m'avez vue,
qui est que je n'y vois rien d'efficace pour remédier au mal qui pourrait nous
frapper en notre particulier, par le désordre des monastères ; j'en attends
toujours vos sentiments, et j'ai une ferme confiance en Dieu que, tandis que la
charité régnera parmi nos maisons, elles s'assisteront toujours cordialement
les unes les autres en leurs besoins. — Nous attendons toujours aussi les
patrons de votre parement [d'autel] et de votre chasuble, et que vous nous
fassiez savoir [170] (mais quand vous
vous porterez mieux) si vous pensez qu'il fût bien de mettre au milieu de la
chape et de la croisade de la chasuble, une image de notre Bienheureux
Père ; car s'il en faut, comme Mgr de Genève le croit, il faudrait que
vous nous les fissiez faire à Paris, le mieux qu'il se pourra. Nous vous
enverrons la grandeur qu'il y faudra selon la grandeur des pièces esquelles
elles devront être posées. Nous attendons encore réponse de vous, et si vous
jugez que nous fissions mieux de les acheter à Paris qu'à Milan ; vous
êtes sur les lieux pour nous bien conseiller en cela. Nos Sœurs de la ville
nous ont envoyé le sujet de leur ornement ; mais les brodeuses le trouvent
un peu confus ; et pour vous dire le vrai, il ne m'a pas agréé non
plus ; car nous qui ne sommes pas en une ville si pleine de profusion et
d'éclat comme Paris, il nous faut quelque chose qui soit vraiment riche, mais
avec cela mignard et délicat, et non pas de ces belles choses toutes d'or.
Au surplus, ma chère
fille, je vais laisser, entre ma Sœur la Supérieure de la ville et vous, le
soin de donner de l'argent au Père dom Maurice pour son voyage : je crois
qu'entre vous deux il lui faudra bien vingt écus, plus ou moins selon que vous
jugerez, car je ne peux pas savoir cela. Vos deux maisons ont toute part à
cette dépense ; mais votre grande charité supporte tout. Dieu nous fasse
la grâce de pouvoir fournir à celles qu'il nous faudra soutenir désormais. —
Nos Sœurs brodeuses désireraient que les vôtres leur pussent faire une pièce de
broderie de faux or, ou une bourse de corporal, en laquelle on puisse voir
quelque sujet où elles puissent comprendre comme il faut poser les cannetilles
et l'or ; mais je vous prie, que ce soit promptement. — L'on nous a dit
qu'à cause des gelées, il n'était pas bon de couper maintenant les
greffes ; mais ce sera le plus tôt qu'il se pourra. J'ai donné la charge à
ma Sœur Marie-Antoinette de les faire couper et vous les envoyer.
Ma pauvre chère
fille, nous vous donnons prou peine ; mais [171] votre bon cœur accepte
tout avec amour. J'ai été bien étaminée ces jours derniers par une diarrhée qui
m'a rendue si faible que rien plus : je commence à m'en remettre.
Eh ! mon Dieu vous veuille donner une entière santé, ma vraie fille, et le
comble de son saint et pur amour. Je suis vôtre, autant que je le puis être, de
toute l'étendue de mes affections.
[P. S.] Ma très-chère fille, l'on m'a dit que Mgr le
cardinal n'est point satisfait de M. N., et qu'il le voulait renvoyer ; je
vous prie que si cela est, vous ne lui fassiez pas donner ma lettre, car je ne
voudrais pas qu'il en fît gloire. — Voyant les solides raisons que madame la
maréchale de Saint-Géran [désire] aux esprits qu'elle demande, pour l'établissement
qu'elle veut faire en sa terre de Sainte-Marie, nous nous sommes résolues de lui donner des
Religieuses de céans, et d'y envoyer ma Sœur Mad. -Élisabeth pour Supérieure,
qui est une fille qui a de fort bonnes conditions, comme vous savez. Le Père
recteur de Moulins m'écrit qu'elle [madame de Saint-Géran] doit être pour le
commencement de ce Carême à Paris : nous lui disons de s'adressera vous
pour savoir tous les petits accommodements qu'il faut pour un établissement.
Vous ferez cela comme pour vous-même, c'est vous tout dire, et non-seulement
pour les accommodements, mais encore pour tout ce qui est requis pour la
fondation et entretien des Religieuses.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [172]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Instante prière de secourir les Sœurs de Crémieux dans
leur pauvreté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma vraiment très-chère fille,
Parce que cette
lettre est de la charité, je l'écris de ma main et de tout le cœur qui vous
aime parfaitement ; c'est donc pour vous conjurer, parla charité de notre
bon Dieu, de secourir cette pauvre maison de [Crémieux], qui a en soi tant de
bonnes âmes. Elles ont commencé avec le conseil de notre Sœur [A. -M. Rosset]
qui, avec son peu de prudence aux choses temporelles, a entrepris un bâtiment
qu'elles n'ont le moyen d'achever sans le secours charitable de votre cœur,
celui de nos Sœurs de [l'Antiquaille] et de cette maison qui est maintenant si
fort dans la nécessité, et néanmoins dans une extrême dépense pour les affaires
de notre Bienheureux Père, ayant dès huit mois plus de six hommes, qu'il nous
est impossible de rien fournir à ces pauvres filles devant la Saint Jean, après
que les Pères seront partis pour Rome, ce qu'ils ne feront qu'après Pâques, si
le Père dom Juste, que nous attendons journellement, vient. Or donc, ma toute
chère fille, il faut que votre charité abonde ici, et qu'au plus tôt vous
secouriez ces pauvres filles de douze ou quinze cents livres ; elles s'en
obligeront, si vous voulez. Mais, ma fille, il faudra qu'elles vous en payent
l'intérêt, et qu'à la fin vous leur en fassiez la charité tout entière. La
bonne Mère de [l'Antiquaille] me dit qu'elle leur voulait faire quelque charité ;
je la réserve pour la Saint-Jean, auquel jour elles sont obligées de donner
grande somme à leurs entrepreneurs. Maintenant elles sont nécessiteuses de la
somme que je vous [173] demande an nom de Dieu. Ma très-chère fille, je
sais que vous le ferez de grand cœur : pour moi, je suis résolue de les
bien secourir. Nos Sœurs s'y sont affectionnées, dont je leur sais bon gré.
Oh ! quand je lis dans ce
saint Apôtre de la charité ce qu'il disait à ses enfants, qui avaient fait part
de leur pauvreté à leurs pauvres frères, je suis fort encouragée : « Leur
pauvreté, dit-il, avait abondé ès richesses de leur simplicité et
confiance en Dieu, n'ayant point crainte de s'appauvrir, eux déjà pauvres, pour
subvenir à la nécessité de leurs frères », en la deuxième Épître,
chapitre neuvième, que je vous supplie de lire ; non que je ne sois
assurée de la généreuse et tout entière charité de votre bon cœur, que je sais
avoir délice et suavité à donner pour la charité, mais pour recevoir
accroissement de joie et consolation en Notre-Seigneur, qui vous donne moyen de
la pratiquer envers nos pauvres Sœurs. Or, parce que je ne sais pas quand je
pourrai écrire à noire Sœur la Supérieure de [l'Antiquaille], et qu'il sera bon
qu'elle soit avertie à l'avantage, je vous prie que cette lettre vous soit
commune, afin que son bon cœur, qui a dès longtemps projeté de faire quelque
charité à cette maison-là, ainsi qu'elle m'a dit, ait le temps de faire son
amas pour la Saint-Jean. Or, je vous dis, avec le grand Apôtre, que Dieu est
puissant, pour faire abonder sur vous toutes grâces, afin qu'ayant toujours
suffisance en toutes choses, vous soyez abondantes en toutes bonnes œuvres. Ainsi
que dit le Psalmiste sacré : « Il départ et donne aux
pauvres ; sa justice demeure éternellement. » Mais, mes
très-chères filles, le divin Sauveur, mourant pour la charité des hommes,
comble vos âmes des sacrés mérites et trésors de sa sainte Passion.
Or pardonnez, je vous prie, mon
importunité ; l'impuissance de tout faire et fournir à ces pauvres filles
me contraint. La charité me presse, certes, nonobstant nos très-grandes charges
et pauvretés, de les aider de plus grande somme que je ne vous [174] demande, et de les décharger, si nous
pouvons, de quelques filles. Je vous assure, mes très-chères Sœurs, ceci soit
dit simplement, que nous n'avons pas du revenu pour l'entretien de cette
maison, et néanmoins nous avons donné à nos maisons sept ou huit mille francs,
desquels nous n'espérons d'être remboursées que de deux cents écus. Nous
n'avons reçu que deux filles céans qui aient apporté mille écus chacune, et
cependant la divine Sagesse nous a toujours si bien pourvues que l'on ne refuse
aucune chose de ce que l'on nous demande. C'est la bénédiction de Dieu qui fait
tout. Votre, etc.
Même sujet. — Zèle de la Sainte à maintenir l'esprit de
simplicité et de pauvreté religieuse.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 16 mars [1633].
Ma très-bonne et chère fille,
La lettre que vous
avez écrite à notre Sœur A. -F. [de Cler-mont-Mont-Saint-Jean], de laquelle
elle m'a dit quelque chose, a bien rabattu ma joie en l'espérance que j'avais
que vous feriez la charité à cette pauvre maison de Crémieux, selon la prière
que je vous ai faite il y a quatre ou cinq jours, de l'aider, en lui faisant
trouver mille ou douze cents livres à emprunter, desquelles elle
s'obligerait ; mais j'espère encore tant en la bonté de Dieu et en celle
de votre cher cœur, que vous ne nous éconduirez pas tout à fait de notre
demande, et je vous en supplie et conjure derechef au nom de Notre-Seigneur, ma
vraie et très-chère fille, et qu'au moins vous fassiez en sorte, s'il y a
moyen, que ces pauvres chères Sœurs puissent avoir au plus tôt mille livres, si
vous ne pouvez mieux, car elles sont en telle nécessité que quand je vois cela
et que j'y pense, je me [175] voudrais volontiers vendre si je pouvais, pour
les aider ; non qu'elles n'aient bien quelque chose pour vivre, mais c'est
pour ce bâtiment que notre Sœur Anne-Marie [Rosset] a commencé, lequel, si
elles quittent, les voilà couvertes d'ignominies, de mépris, de rebuts, de
rejet et d'abandonnement de tout le monde. Nous sommes du tout dans
l'impuissance de fournir maintenant ce qu'il leur faut donner pour poursuivre
ce bâtiment, car il nous faut bien trois mois pour leur amasser, tant par
emprunt que par le moyen de ceux qui nous doivent, la somme de cinq ou six
cents écus que nous leur ferons avoir pour la Saint-Jean prochaine, Dieu
aidant. Faites donc, ma chère fille, je vous en prie, qu'entre vous et notre
Sœur de l'Antiquaille, qui me témoigna avoir volonté de les aider de quelque
somme, vous leur puissiez avoir an plus tôt mille francs et autant pour la
Saint-Jean, ou au moins cinq ou six-cents francs si vous ne pouvez davantage.
Et si vous ne pouvez en payer les fruits pour elles, nous vous en déchargerons,
et ferons tout ce que nous pourrons de notre part, afin que vous n'en demeuriez
point en peine.
Au reste, ma
très-chère fille, pour ce que vous marquez de cette multitude de lettres, c'est
que, à cette heure, presque tous les monastères s'écrivent en ce commencement
d'année, cela est, à mon avis, ce qui fait ce grand déluge ; mais je
voudrais que vous remarquassiez s'il y a quelques maisons qui écrivent trop
souvent et que vous me les nommassiez. Croyez cependant que j'écrirai, et de
bonne encre, afin que l'on en retranche tout ce qui se pourra, et que l'on
fasse, comme vous dites, d'attendre le coche ou quelques commodités d'amis pour
celles qui ne sont pressées. — J'ai bien reçu la lettre de la fondation de
Vienne ; certes, si la chose en allait de la sorte, il serait bien
fâcheux. Serait-il bien possible que cette bonne Mère eût cet esprit-là ?
mais il faudra voir et un peu attendre ce qu'elle dira, et cependant vivre en
paix les unes avec les autres. [176]
On ne pourrait guère
faire plus grande charité que de décharger un peu cette maison de Crémieux, au
moins d'une fille, et nous les en faisons décharger d'une autre pour la
fondation que nos Sœurs de Bourg font, et leur donnons mille francs pour cela,
et les déchargerons encore, si nous faisons quelque fondation. — Je crois que
ma Sœur la Supérieure de Moulins se contentera bien de ma Sœur [M. -Isabeau] de
Ravachot, pourvu que vous la jugiez assez ferme. Je crois qu'elle leur
profitera. L'on m'a écrit bien des affaires de cette maison : des vanités
de robes traînantes, des parfums. S'il se peut donner moyen à notre Sœur de
Ravachot de nous en écrire la vérité, cela serait bon.
O ma fille !
j'ai bien ma défluxion qui me tient la moitié de la tête, et l'oreille et les
dents, mais ce mal n'est point dangereux ; il ne fait point de peur comme
les dents aux trépassés. — Hélas ! ma très-chère fille, que c'est de grand
cœur que je vous recommande ces pauvres Sœurs de Crémieux, puisque nous sommes
hors de pouvoir de le faire maintenant : nous n'y avons tantôt plus que
trois filles ; mais quand nous n'y en aurions point du tout, il me serait
impossible de ne les pas aider. Ma fille, Dieu soit où II a placé votre bon
cœur dans le mien chétif.
Dieu soit béni à jamais.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [177]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Délais du Père dom Maurice. — Obligation d'éviter toute
correspondance inutile.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 19 mars 1633.
Ma très-chère fille,
Je vous écris
seulement ce billet par la main d'une de nos Sœurs, parce que me voilà reprise
d'un grand catarrhe qui m'est tombé sur le visage. Je crois que Dieu veut que
je passe ainsi la suite de mes jours, pour me faite faire un peu de
pénitence-car, dès que je suis quitte d'un mal, il m'en revient un autre ;
son saint Nom en soit béni, et me lasse la grâce de le porter selon son bon
plaisir ! — Je vous prie de faire tenir le plus promptement et sûrement
qu'il se pourra ces lettres que nous vous envoyons pour nos Sœurs de
Lorraine : elles sont importantes pour le repos de ces maisons ;
c'est pourquoi je vous prie de leur donner bonne et prompte adresse.
Nous avons reçu vos
patrons : j'ai trouvé la croisade de la chasuble fort belle, et les
parements aussi, excepté les bouquets de la croix que j'ai trouvés un peu
confus ; mais je pense que c'est la mode. Je ne peux rien dire de plus
là-dessus que ce que ma Sœur Marie-Aimée vous écrit, sinon que nous tâcherons
de faire nos affaires ici tant que nous pourrons, à cause de la difficulté
qu'il y a à faire venir les choses de si loin. — Il faut que je vous dise
simplement que le Père dom Maurice nous donne bien de la peine par ses
longueurs. Mgr de Genève fut touché quand il sut ce qu'il dit, que le Père dom
Juste lui avait écrit qu'il n'était pas nécessaire qu'il fût ici si
promptement ; et le Père dom Juste n'est point souvenant de lui avoir
écrit cela. Au nom de Dieu ma chère fille, s'il désire s'employer à la
poursuite des affaires [178] de notre Bienheureux Père, qu'il vienne et qu'il
apporte lui-même les procédures, car elles seront bien plus sûres entre ses
mains que non pas de les remettre, comme il dit, en main tierce pour les
apporter. Je ne lui écris pas maintenant, car je ne saurais ; mais s'il
fait encore quelque séjour par delà, je lui écrirai à la première commodité.
Au surplus, ma
très-chère fille, je suis bien aise que les affaires de Troyes soient dans le
bon état auquel elles sont. Dieu les bénisse de plus en plus ! Ma Sœur la
Supérieure de la ville m'écrit qu'elle ne reçoit point de mes lettres : je
ne sais pas d'où cela vient, car je lui en ai prou écrit. J'admire les grandes
quantités de lettres que nos Sœurs de la France font tenir deçà, par votre
entremise ; cela est d'une grande dépense à cause des ports, et d'une
grande surcharge pour vous. Je crois que pour toutes les lettres des filles,
excepté celles qui s'adressent à moi, il les faudra envoyer par le coche ou aux
occasions des messagers qui se présentent, et non point mettre à la poste, car
il coûte trop cher.
[De la main de la
Sainte.] Je ne serais pas
contente si je ne vous disais de ma main que vous êtes de plus en plus, ce me
semble, la vraie très-chère fille de mon cœur. Le doux Sauveur fasse abonder en
vous l'amour sacré, dont Il nous a témoigné l'effet par ses souffrances, en ces
grands jours où nous allons entrer. Salut à tous, surtout à M. votre
très-honoré frère [le commandeur de Sillery].
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [179]
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À CHAMBÉRY
La considération des souffrances de Notre-Seigneur est le
meilleur moyen d'adoucir toutes nos peines.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 19 mars [1633],
Ah ! mon cher
Monsieur, qu'est-ce que je viens d'apprendre tout maintenant ? que vous
voilà serré et chargé de nouvelles accusations ! Qu'est-ce que notre bon
Dieu désire tant de vous, en la permission de tant d'afflictions, sinon de vous
rendre conforme à son très-cher Fils, notre très-débonnaire Rédempteur !
Monsieur, si vous fermez les yeux aux choses de la terre et les ouvrez aux
vérités éternelles, vous verrez et sentirez que si vous embrassez avec une
généreuse patience et humble soumission à Dieu ces tribulations qu'il permet
vous arriver, qu'elles opéreront enfin le poids d'un honneur solide, d'une paix
stable et d'une joie perdurable ; et un seul brin de ce vrai bonheur vaut
mieux un million de fois que toutes les prospérités que le monde vous saurait
présenter, lesquelles, comme vous voyez, Monsieur, ne sont que trompeuses et
imaginaires.
Nous voici dans un
temps où les travaux du divin Sauveur nous sont représentés ; Monsieur,
vous n'êtes pas plus innocent que ce très-saint Fils du Père éternel. Voyez et
considérez profondément les accusations dont on le charge, les travaux qu'on
lui fait souffrir ensuite, et sa mort douloureuse et ignominieuse. C'est pour
vous, c'est pour moi et pour tous les hommes pleins d'ingratitude qu'il souffre
tout cela, mais avec un amour incompréhensible, une patience et humilité
inconcevables, parce que tel était le bon plaisir de son Père éternel. Tâchez
Monsieur, de l'imiter en cette partie de sa sainte Passion qu'il [180] vous
fait souffrir ; et, d'un cœur amoureusement filial, embrassez
généreusement sa divine volonté, que vous devez regarder en tout ce qui vous
arrive, et vous y résignez absolument et entièrement, remettant entre ses
bénites mains toutes vos affaires et vous-même, afin qu'il en dispose selon son
bon plaisir. Et si vous avez confiance, vous expérimenterez les richesses de la
miséricorde divine et son soin paternel sur vous ; mais il se faut tout
remettre et reposer en sa sainte Providence.
Je ne vous dis point
comme nous aurons soin de prier pour vous ; l'affection et le devoir nous
y obligent. — Excusez ma mauvaise écriture, je suis fort incommodée d'un grand
catarrhe qui m'a tout enflé le visage ; mais je n'ai su m'empêcher de vous
tracer ces lignes, vous souhaitant du fond de mon cœur une continuelle assistance
et conduite de notre bon Dieu, que je supplie d'être votre joie et consolation
et de madame ma très-chère sœur, étant sans réserve votre très-humble servante
Jour du glorieux
saint Joseph, auquel je vous recommande de tout mon cœur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À AOSTE
Les fondatrices séculières peuvent porter l'habit
religieux dans l'intérieur du monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma très-chère fille,
Je vous disais, par
ma dernière lettre, que Dieu n'aurait pas moins agréable votre service et amour
avec l'habit que vous portez, que si vous aviez celui de la Religion,. puisque
ce n'est que pour son même amour que vous différez de le prendre ; et
[181] au contraire, je crois que le renoncement que vous faites de
l'inclination que vous avez de l'avoir vous rend plus agréable à la divine
Bonté.
Or, je crois
toutefois que vous devez porter simplement l'habit dans le monastère en qualité
de bienfaitrice, sans que pourtant M. votre beau-fils vous puisse fâcher en
rien de votre profession ; car de cette sorte que l'on ne le prend point
en cérémonie, on le peut quitter quand on sort dehors du monastère, et le
reprendre quand on y rentre, cela n'étant que par simple privilège : voilà
ma pensée.
Au reste, ma
très-chère sœur, vous êtes bien heureuse d'avoir été choisie de Dieu pour cet
établissement, duquel la divine Bonté veut tirer sa gloire. Certes, vous avez
bien raison de vous abandonner à la volonté de Celui qui vous a témoigné un si
grand amour : c'est la grâce des grâces que d'être en tout soumise à son
bon plaisir. Je suis tout à fait vôtre, avec un cœur sans réserve.
SUPÉRIEURE DU PREMIER MONASTÈRE DE LYON.
Elle excuse la conduite d'une Supérieure, — Quelles
Religieuses doivent être proposées à la communauté de Paray pour la prochaine
élection.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 avril [1633].
Ma très-chère fille,
Voilà un paquet
auquel je vous supplie de donner bonne, prompte et sûre adresse. Je n'ai pas su
me ressouvenir du logis de M. le commandeur pour le mettre au-dessus ;
mais je vous prie de fort recommander qu'il lui soit rendu fidèlement, parce
que c'est pour l'affaire dont on vous a tant avertie, en laquelle j'espère qu'il
n'y aura pas tant de mal que l'on crie, [182] car on me dit tant de bien de la
vertu de cette âme-là que je crois que ce que son défaut de vigilance et ses
infirmités ont causé, Dieu le réparera bientôt et ne permettra pas que le mal
passe plus avant.
Cependant, comme
vous voyez, ma très-chère fille, je vous écris sans cesse par toutes les
occasions que je puis trouver pour cela, et toujours vous vous plaignez et
dites que vous ne recevez point de mes nouvelles. Mais je vois bien que c'est
que vous êtes insatiable en ce désir-là, c'est pourquoi je ne vous saurais
contenter avec toutes mes diligences. La bonne Mère de Chambéry, que voilà qui
s'en retourne, se plaint bien plus de vous, et a toujours grand désir de vous
revoir, ainsi qu'elle se propose de vous en écrire plus amplement quand elle
sera à Chambéry. Je ne vous en dis rien autre, sinon qu'elle est toujours
elle-même, et dit qu'elle n'est point jalouse de ce qu'elle voit que je vous
aime plus qu'elle ; car vraiment c'est Dieu qui met dans les cœurs la
mesure de l'amour : celui qu'il m'a donné pour vous est, ce me semble,
sans mesure.
Ma très-chère fille,
je crois que ma Sœur la Supérieure de Paray vous écrit pour sa déposition, aussi bien
qu'à moi, qui n'ai encore su avoir le temps de lire toute sa lettre ; mais
je m'assure qu'elle sera réélue, et néanmoins il la faut contenter, lui
proposant les Sœurs qu'elle désire, dont ma Sœur M. -Marguerite du Piney est
l'une, et ma Sœur Anne-M. Pillet, l'autre, et encore une de [l'Antiquaille] qui
se nomme, je pense, M. -Catherine, mais je ne m'en souviens pas bien. Je vous
supplie de lui mander cela, en attendant que je lui puisse répondre.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [183]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Nombreuses fondations projetées. — Décès de M. Michel
Favre. — Le monastère ne peut pas cautionner sans la permission des Supérieurs.
— On doit tellement établir son cœur dans la soumission à la volonté de Dieu
que rien ne puisse l'ébranler et le troubler.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 22 avril [1633].
Ma très-chère fille,
Croyez que, pour ce
qui regarde votre particulier, vos lettres ne me sont que trop rares, car je
n'en reçois jamais qu'avec beaucoup de consolation ; mais je crois que
nous ne nous en devons guère l'une à l'autre, car je vous écris bien, ce me
semble, autant que vous m'écrivez. Il est vrai qu'il plaît à Dieu que je me
charge avec la vieillesse de plusieurs infirmités, auxquelles on dit que tant
lire et écrire n'est guère bon ; mais cela ne doit pas pourtant vous
empêcher de m'écrire quand vous le jugerez nécessaire, pourvu que vous le
fassiez brièvement et reteniez ce qui sera de superflu, attendant aussi
toujours de moi les réponses nécessaires, telles que Dieu me les donnera ;
car je vous les écrirai de tout mon cœur, comme à ma très-chère et bien-aimée
fille que je chéris sincèrement et cordialement.
Les fondations sont
œuvres de Dieu ; c'est pourquoi il faut les lui laisser conduire. Nous
attendrons ce que vous nous direz pour celle de Pézenas, car vous ne nous
marquez point les conditions qu'il faut ès trois Sœurs que vous désirez, ni si
vous prendrez la Supérieure chez vous ; et cependant on nous propose tant
de fondations de deçà que je pense que nous aurons prou besoin de nos Sœurs
pour les y employer, en cas qu'elles réussissent ; mais nous en laisserons
plutôt quelques-unes que de vous manquer. Quant à votre logement, ma [184]
très-chère fille, à la vérité, puisque cette maison que vous nous marquez vous
est nécessaire pour bâtir, on voit bien que ce serait votre avantage de
l'acheter dès maintenant, et de vous y accommoder plutôt que d'en prendre une
de louage ; mais, si vous ne pouvez pas gagner cela doucement sur Mgr
votre bon Supérieur, je crois que vous ne le devez pas violenter pour le faire
condescendre à vos sentiments, et qu'il est mieux que tout doucement vous vous
soumettiez à ce qu'il désirera, que de le désobliger.
Pour ce qui est
d'emprunter de l'argent à Lyon, je ne vous le conseille pas, ma très-chère
fille, parce que cela étonnerait un peu nos Sœurs, et que je m'assure que vous
ne manquerez pas d'en trouver à emprunter au lieu où vous êtes, ce qui sera
beaucoup mieux ; car Monseigneur vous fera prou trouver quelqu'un qui vous
cautionnera, outre qu'il est plus à propos d'emprunter peu à peu, parce que
l'on rend plus facilement à mesure que l'argent vient, que de prendre de si
grosses sommes à la fois. Et pour conclusion de tout ce que vous me dites de
votre temporel, ma très-chère fille, il faut prendre un cœur large et dilaté
dans la confiance en la divine Providence, qui ne vous laissera jamais sans le
secours nécessaire en vos besoins. Je sais plusieurs de nos maisons établies
qui ne sont pas encore si bien accommodées que vous êtes en votre commencement,
et elles ont déjà plusieurs années sur la tête ; mais petit à petit Dieu
donne de quoi faire les maisons et les entretenir, et non pas toujours tout à
coup.
Quant au spirituel,
ma très-chère fille, c'est la vérité qu'en ces pays chauds il faut donner une
liberté modérée aux filles que l’on reçoit, surtout au commencement, crainte
que si on les voulait tout à coup réduire dans la sujétion et souplesse qu'on
voit d'ordinaire en celles de deçà, on ne fit renverser leur esprit,, nais il
faut peu à peu les y conduire, doucement et suavement, tant qu'il se pourra.
Pour ma Sœur N., elle fait voir [185] maintenant ce qu'elle est, mais je crois
que vous lui devez parler fortement, dans la douceur et cordialité néanmoins,
et tâcher de l'affranchir de tous ces petits desseins et prétentions que vous
voyez en elle, afin de la rendre une bonne fille de la Visitation. — Puisque
Mgr votre bon prélat veut être votre Père spirituel, ce vous est beaucoup
d'honneur ; et partant vous vous en devez contenter, tandis qu'il lui
plaira d'en prendre la peine. — Je suis fort aise que vous ayez trouvé un si
bon confesseur ; vous ferez bien, quand vous en aurez le moyen, de vous
l'assurer par une honnête pension, puisque vous le trouvez propre pour cette
charge.
Je pense que vous
saurez comme il a plu à Dieu nous affliger par le trépas de notre bon et
très-vertueux M. Michel. Croyez, ma fille, que c'a été une perte bien sensible
pour nous : je la ressens toujours quand j'y pense ; mais enfin il
faut vouloir tout ce qui plaît à Dieu. Il mourut d'une pleurésie qui l'emporta
dans sept ou huit jours, de façon que le vendredi saint on l'enterra dans notre
église. Sa mort a été comme sa vie, toute sainte et heureuse, si que nous
croyons qu'il jouit de Dieu. Nous ne laissons pourtant de le recommander encore
à vos prières, car je sais bien que vous le ferez de bon cœur. — Au reste, nous
vous remercions de votre voile de calice, l'invention en est bien jolie ;
nous ne manquerons de l'offrir à notre Bienheureux Père selon votre désir, et
je crois qu'il l'aura bien agréable. — Nous ferons ce que nous pourrons pour
vous chercher une bonne Sœur domestique ; mais je ne sais s'il s'en
trouvera qui veuille aller si loin. — Il faut vous adresser à nos Sœurs de Lyon
pour avoir des Règles, et si nous en avons ici, nous vous en enverrons ce que
nous pourrons, en attendant que vous en puissiez avoir davantage de Lyon. Il
faudra que vous récriviez pour avoir les Heures que vous avez demandées à nos
Sœurs, car encore que l'on ne vous réponde pas la première fois, il ne faut pas
cesser de récrire pour cela. [186]
Ma très-chère fille,
je vous dis par avance, mais à vous seule, que voilà M. Crespin que je voudrais
bien que vous eussiez assez de crédit pour arrêter en Languedoc et l'empêcher
de retourner en Savoie ; car, pour moi, si j'étais en sa place, je ne
voudrais pas quitter le certain qu'il a en votre pays pour prendre l'incertain
qu'on lui fait espérer de deçà ; je vous prie, ménagez un peu cela
doucement, car je ne le dis qu'à vous. Il m'a fait entendre la difficulté qu'il
y a que vous puissiez trouver des cautions là ; c'est pourquoi j'écris à
ma Sœur la Supérieure de Lyon pour savoir si elle vous pourra faire la charité
de vous cautionner, et lui mande, afin qu'elle ne craigne rien en cela, que ma
Sœur la Supérieure de Chambéry et nous serons vos contre-cautions ; mais
parce que, comme vous savez, ma chère fille, ces choses-là ne se peuvent faire
sans l'autorité des Supérieurs, il serait bon que vous priassiez Mgr de
Montpellier d'en écrire à M. de la Faye pour lui faire entendre comme, grâce à
Dieu, vous avez de quoi rendre la somme que nos Sœurs vous feront prêter, et
leur écrire à elles pour leur mander qu'elles vous fassent savoir toutes les
assurances qu'elles désireront de vous, et que vous les leur enverriez en la
forme qu'elles désireront.
Je vois clairement,
ce me semble, votre chère âme en ce que vous m'en dites. Oh ! ma
très-chère fille, il faut gagner pays et s'affermir si fortement dans cette
providence et confiance en Dieu, que rien ne nous inquiète ni attendrisse,
quelque fâcheux et contrariant qu'il puisse être, j'excepte ces premiers
mouvements des atteintes ; mais, hors de là, rehaussez promptement votre
cœur en Dieu et en sa sage conduite ; car puisque rien, rien du tout ne
nous arrive que par sa Providence et pour notre mieux, ne faut-il pas, quelque
amertume que notre nature y trouve, y acquiescer doucement ? Oh ! je
vous supplie, ma très-chère fille, vivez joyeuse là dedans et toute paisible et
contente. Vous avez là tant de bons Pères [187] Jésuites ; est-il possible que vous ne puissiez vous
soulager avec quelqu'un ? Ne vous tenez pas si réservée ; ouvrez un
peu votre cœur à la bonne foi. Du reste, je vous admire, ma très-chère fille,
de me demander si je ne vous ai pas oubliée : non, non, je vous en assure,
je m'oublierais plutôt moi-même ; vous m'êtes chère et précieuse comme la
prunelle de mes yeux, et je crois que mon dépouillement de votre présence ne
cède rien au vôtre, quoique moins nourri, parce que je le veux fortement, puisque
la gloire de Dieu et son bon plaisir l'ont ainsi requis. Je ne laisse ni ne
cesserai jamais, Dieu aidant, de vous porter chèrement et tendrement au milieu
de mon cœur, comme l'une de mes plus intimes, plus aimées et plus fidèles
filles, que Dieu rende sainte, c'est mon souhait.
Ma très-chère fille,
pour tout ce que je vous dis des affaires, ce n'est point mon intention de vous
contraindre en rien, ains que vous fassiez en tout ce que vous jugerez pour le
mieux.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
DAME D'HONNEUR DE LA DUCHESSE DE LORRAINE, À NANCY
Témoignages de reconnaissance pour les bienfaits dont elle
comble le monastère de Nancy.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 27 avril 1633.
Madame,
J'ai été grandement
consolée de voir par votre lettre la soumission avec laquelle votre chère âme a
reçu les afflictions dont il a plu à Dieu vous visiter, et comme vous avez fait
plus d'état de son bon plaisir que de toutes les consolations. Je m'assure que
sa divine Bonté aura eu cela très-agréable et vous [188] en récompensera
abondamment, ainsi que de tout mon cœur je l'en supplie ; et vous remercie
très-humblement, Madame, de tant de témoignages d'amitié que vous et mesdames
vos filles les Abbesses rendez à nos Sœurs de cet Institut, partout où il y en
a en vos quartiers, et particulièrement vous, ma très-chère Dame, à nos bonnes
et chères Sœurs de Nancy auxquelles vous avez fait la charité de les
cautionner, de quoi certes elles vous demeurent et nous aussi très-obligées, et
j'espère que vous n'en recevrez point de déplaisir, et que, comme vous dites,
Dieu leur fera la grâce de recevoir plusieurs filles par le moyen desquelles
elles auront de quoi se dégager et bien accommoder leur maison avec le temps.
Je suis particulièrement consolée qu'elles aient reçu, en leur commencement,
une de vos chères petites-filles, ma très-chère Dame, pour le désir que j'ai
que Dieu nous rende digne de pouvoir correspondre en quelque façon à tant
d'obligations que nous vous avons, du moins le serons-nous toujours en
l'affection que nous avons de vous honorer et chérir à jamais, et moi
particulièrement qui suis très-véritablement, Madame, votre très-humble et
très-obligée servante.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy. [189]
AU COUVENT DE NOTRE-DAME, À BELLEY
Assurance d'une cordiale union en Notre-Seigneur.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 28 avril 1633.
Ma très-chère et bien-aimée Mère en Notre-Seigneur,
que je supplie vous
combler de son saint amour.
Votre lettre du 4
janvier m'est seulement arrivée environ le 15 avril, et je confesse que sa
suavité et humilité m'ont donné beaucoup de douceur et de sujets de bénir Dieu.
Vous avez un grand désir de rendre à cette divine Bonté ce qu'elle désire de
vous, ma très-chère Mère, et ce désir est un grand trésor qui vous est donné de
sa libérale dilection envers vous. Vous désirez aussi que notre Bienheureux
Père vous impètre la grâce d'une fidèle correspondance ; je l'en supplie
avec mes plus tendres affections, bien que je croie que votre sincérité et
dévotion à l'invoquer avec confiance aura incomparablement plus de crédit vers
sa débonnaireté paternelle que je n'en puis avoir, à cause de mon indignité.
Vous désirez en
troisième lieu, ma très-chère Mère, que nous vous recevions pour toute nôtre en
Notre-Seigneur, et nous le faisons de tout notre cœur, vous suppliant que
réciproquement vous nous admettiez dans votre chère âme pour vos vraies Sœurs,
et qu'en cette qualité vous nous offriez journellement à notre bon Dieu, à ce
qu'il lui plaise nous faire la grâce de suivre avec entière fidélité les lois
qu'il a plu à sa souveraine Providence nous destiner, et donner par la main de
son très-humble Serviteur que je supplie vous être vrai protecteur, et vous
impétrer de Dieu les plus riches bénédictions de son saint amour, et pour
madame votre bonne et révérende Prieure, que je salue en [190] tout respect
avec sa chère et dévote communauté, nous recommandant à ses saintes prières. Je
demeure d'une entière sincérité, ma très-chère et Révérende Mère, votre
très-humble et obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy.
À BLOIS
Conseils de douce charité et de support cordial. — Regrets
que laissent le trépas de M. Michel Favre et celui de la Mère M. -Marthe
Marceille.
[Annecy, 1633.]
VIVE † JÉSUS !
Ma très-chère fille,
Je supplie le
Saint-Esprit d'être de plus en plus l'amour de votre cœur ! Je vois que
Dieu a permis qu'il y ait eu à souffrir quelque petite douleur, par le procédé
de la bonne Mère envers vous. Hélas ! ma très-chère fille, ces pauvres
jeunes Supérieures, avant qu'elles soient bien dressées au métier, sont
toujours un peu sujettes à chopper ; mais votre prudence et support saura
bien redresser tout cela, je m'en assure, car, selon l'apparence, il procède
plus de quelque mauvais conseil et d'un peu de crainte que d'ombrage et
défiance contre vous, parce qu'elle aurait bien tort si elle en avait, puisque
vous l'avez élevée avec tant d'amour et de soin. Je pense, ma très-chère fille,
que votre douce charité lui faisant bien entendre tout cela, elle la guérira des
soupçons qu'elle pourrait avoir pris, ainsi que je vois par la vôtre qu'elle a
déjà fait. Enfin, il faut toujours être valet avant que d'être maître, en
toutes sortes d'arts ; c'est pourquoi en celui de la supériorité qui est
si difficile, il ne se faut pas étonner si l'on y fait toujours quelque petit
manquement, surtout au commencement. Au surplus, ma chère fille, je vois que
notre bon Dieu continue à vous tenir dans des infirmités, qui se vont toujours
augmentant ; mais je crois que c'est qu'il veut vous rendre sainte par
cette voie de la souffrance. Je le supplie de tout mon cœur de vous donner la
grâce de correspondre au dessein éternel qu'il a sur vous en cela et en tout le
reste, puisque de là dépend tout notre bonheur.
Je ne veux pas
oublier de vous dire, ma très-chère fille, la très-sensible douleur que nous
avons ressentie par le départ de notre bon et très-vertueux confesseur M.
Michel, qui trépassa entre le jeudi et vendredi saint, n'ayant maladie
qu'environ six ou sept jours d'une pleurésie qu'il prit en allant chez un sien
frère, qui était mort il y avait fort peu. On croit qu'il s'échauffa là ;
car, quelques jours après qu'il fut revenu, il commença de se trouver mal. Ce
qui nous fit plus craindre que nous le perdrions, fut qu'il avait une gaieté
tout extraordinaire pendant sa maladie, et qu'il était si content de mourir
qu'il disait que s'il échappait de ce mal, ce serait une punition de ses
péchés. Enfin il fit une mort toute sainte, et a laissé remplis d'édification
et de bonne odeur de ses vertus tous ceux qui le connaissaient, ayant été
regretté universellement en la ville, surtout de Mgr de Genève qui le pleurait
chaudement ; et moi certes, ma fille, je l'ai pleuré de bon cœur et j'ai
bien ressenti cette perte ; je m'assure que vous en serez aussi fort
touchée, mais il faut en tout se soumettre à la volonté de Dieu.
J'ai reçu, encore
hier, une bonne touche du trépas de la bonne et vertueuse Mère d'Aix en
Provence, qui était véritablement une sainte fille et
une mère toute de charité pour les pauvres maisons ; mais Dieu soit béni
de tout et nous fasse la grâce de tirer profit de telles occasions !
Recommandez-moi fort à la miséricorde de Notre-Seigneur, et croyez, ma
très-chère fille, que je serai, tant que j'aurai de vie, votre très-humble.
Conforme à une copie
gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [192]
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À CHAMBÉRY
Encouragement à souffrir avec patience. Espérance de voir
bientôt l'issue de ses épreuves.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1633.]
Monsieur,
Il semble que Dieu
vous poursuit et traite comme un de ses plus chers amis, auquel Il a donné
afflictions sur afflictions, car j'apprends que vous êtes malade, ce qui certes
m'a touché le cœur. Mais, Monsieur, il faut redoubler votre courage et humble
soumission, à l'imitation de ces grands fidèles serviteurs de Dieu, qui se
fortifiaient par la patience à mesure que leurs travaux se multipliaient ;
et plus vous sentez votre âme innocente des calomnies qu'on lui impose, plus
vous devez vous réjouir et vous rendre aimable, même à l'endroit de vos
ennemis, afin de vous rendre conforme à notre divin Sauveur. Je sais bien que
ces pratiques sont dures à la nature ; mais ce n'est pas aussi selon ses
inclinations que les vrais chrétiens doivent-vivre, mais selon la lumière de la
grâce, qui nous assure que le Sauveur de nos âmes est entré dans sa gloire par
plusieurs tribulations. Aussi ne pouvons-nous parvenir à la jouissance de la
souveraine félicité que par cette voie. Que ces vérités vous consolent,
Monsieur, outre l'espérance que vous devez prendre de vous voir bientôt, s'il
plaît à Dieu, hors de cette peine, ainsi que nous l'a dit ma Sœur la Supérieure
de Chambéry, laquelle, à son départ pour venir ici, pria le Père N. de parler à Mgr le prince
pour vous, sachant combien il en fait d'état ; et ce bon Père lui [193]
rapporta qu'il lui avait témoigné grande affection pour vous, mais qu'il
fallait que vous eussiez patience ; que cette affaire ne dépendait pas de
lui, mais de Son Altesse, qu'il ferait ce qu'il pourrait. Patience donc,
Monsieur, un peu de non semblance envers ceux que vous pensez qui vous
traversent. Cependant nous ne cesserons de prier pour votre consolation et
conservation de votre innocence. Votre...
À MOULINS
Pieux souhaits.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Madame,
Je supplie notre
divin Sauveur d'accomplir en vous ses divines promesses, afin que votre âme
soit comblée de toutes les grâces et saintes consolations que son Saint-Esprit
répand sur les plus chers enfants de son Eglise : ce sont mes souhaits
immortels sur vous, Madame, que j'honore et révère, non certes selon vos
mérites, mais de toute l'étendue de mes affections. Et je m'assure que votre débonnaireté
aura toujours agréable que, de temps en temps, je me donne l'honneur de lui
confirmer cette vérité, puisque je suis de cœur et par mille devoirs, Madame,
votre très-humble, très-obéissante et très-obligée servante en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers [194]
À NICE
Témoignages de sainte affection. — Éloge de M. Michel
Favre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 21 mai 1633.
Monsieur mon tout bon et très-honoré frère,
J'admire votre
cordiale bienveillance, je la chéris, je l'estime avec très-grand respect, et
prie Dieu de me la conserver jusque dans son éternité de gloire ; car il
me semble que les vraies amitiés ne peuvent venir que du ciel, et que là elles
se perfectionnent. Assurez-vous donc, mon très-cher et bien-aimé frère, que si
Dieu me fait miséricorde, je continuerai à vous aimer en la vie bienheureuse,
et que là je ne vous oublierai pas, non plus qu'en celle-ci, où tous les jours
de ma vie je veux vous recommander à notre bon Dieu, auquel il a plu tirer à
soi notre très-vertueux et tout bon confesseur, M. Michel [Favre], ce qui nous
a été une sensible douleur et une perte importante à ce monastère ; mais
le saint Nom de Dieu soit béni, et toutes ses volontés accomplies, car sa
douceur fait toutes choses pour notre mieux. Il est passé, ce bon et vertueux
homme, de cette vie à la bienheureuse, si saintement, si généreusement, et avec
une si parfaite résignation et indifférence dans la suprême volonté, qu'il a
laissé chacun très-édifié et consolé en l'espérance, comme toute certaine,
qu'il jouit de Dieu. Monseigneur a été assez grandement touché de cette mort,
et je sais que vous le serez aussi, mon [195] très-cher frère ; car vous
aimiez chèrement ce pauvre homme, qui vous honorait et chérissait avec les plus
tendres affections de son cœur. Nous aurons peine à trouver un confesseur qui
occupe dignement sa place : Dieu nous en veuille pourvoir s'il lui
plaît !
Quant à la fille au
sujet de laquelle vous m'écrivez, mon très-cher frère, certes, en votre
considération, nous voudrions bien la consoler, mais pour maintenant il nous
est impossible ; notre maison est toute pleine, et si grand nombre de
prétendantes qui attendent, que nous ne savons que faire que leur donner
patience. — La chère Sœur M. - Hélène [d'Arènes] se sent votre obligée du
souvenir que vous avez d'elle, et toutes nos Sœurs, qui vous saluent en tout
respect et de tout leur cœur, et vous souhaitent avec moi les dons précieux du
Saint-Esprit, et en cette affection je demeure pour jamais votre, etc.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Prière de hâter le retour du Père dom Maurice. — On doit
faire la charité avec discrétion. — Ne pas accepter facilement des œuvres de
zèle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 26 mai [1633].
Ma très-chère et grande
fille,
Nous reçûmes [hier]
à soir vos lettres du jour de la Pentecôte, auquel je vous souhaitai
l'abondance des précieux dons du Saint-Esprit. Quant au Père dom Maurice, il
est vrai que notre Père dom Juste, qui a fini tout ce qu'il avait à faire ici,
et qui est pressé de partir pour Turin, où il faut qu'il emploie le peu de
[196] temps qui lui reste jusqu'à la fin d'août pour plusieurs bonnes affaires,
tant pour leur Ordre que pour des personnes particulières, nous faisait désirer
que le bon Père dom Maurice fût bientôt ici, où le Père dom Juste désirerait
d'être quatre ou cinq jours avec lui, avant son départ ; c'est pourquoi il
faudra, le plus promptement qu'il se pourra, nous faire savoir le temps auquel
le Père dom Maurice pense d'être ici ; car s'il n'y peut pas être sitôt,
le bon Père dom Juste s'en ira toujours faire ses affaires, et le Père dom
Maurice prendra tout le temps requis pour bien faire celles qu'il a en mains.
Vous ne me dites
rien si vous n'avez point de fondation en mains et si votre maison n'a point
besoin de décharge ; car il me semble que vos bâtiments doivent vous avoir
mises bien en arrière ; néanmoins, je sais que votre confiance en Dieu est
si puissante que rien ne vous manquera, moyennant sa grâce. Quant à nos bonnes
Sœurs N. N., je crois que vous avez bien trouvé le secret ; car il est
vrai qu'elles n'ont point de conduite, non plus que la Mère qui les a élevées,
laquelle, comme vous voyez, vous fournit souvent de bons moyens pour exercer
votre charité ; mais certes, si vous m'en croyez, vous n'y correspondrez
pas. Il semble que, parce que vous êtes dans une bonne ville, vous regorgez
toutes d'argent, sans considérer la grande dépense de votre bâtiment et les
autres charges de votre maison ; et enfin, ma chère fille, il me semble
que la charité bien ordonnée commence à soi-même ; c'est pourquoi je vous
dis : gardez d'en trop faire, car tout cela ne sert qu'à ouvrir l'appétit
de ces esprits-là, quand ils voient qu'on leur donne un peu librement, pour
demander toujours davantage. Et pour toutes ces petites plaintes, je pense
qu'il vous faudrait accoutumer à ne rien répondre, ains seulement leur dire
quelques paroles de cordialité, avec des témoignages de bonne volonté à les
servir si l'on en avait le moyen, car autrement il ne serait jamais fait. —
Pour la fondation de madame la maréchale de Saint-Géran, je ne sais que c'en
sera, [197] encore moins de nous aller établir en si petit lieu, où il n'y a
point de secours : de vrai, je n'y correspondrai jamais.
Nous n'avons pas
encore reçu les soies ; nous ne manquerons pas de satisfaire à tout,
pourvu que nous ayons regardé ce que nous désirons que vous nous achetiez
encore. Certes, ma très-chère fille, vous nous obligez plus qu'il ne se peut
dire, et nos chères Sœurs avec vous, de faire avec tant de soin et de charité
toutes les petites commissions de nos ouvrages, dont je vous remercie de tout
mon cœur. — Je vous prie de donnera M. Ramus, au nom du Père dom Juste, douze
ducatons, qui sont trente-trois livres douze sols, et les mettre sur notre
partie, et nous vous ferons tenir le tout bien assurément.
Quant à la
proposition qui vous a été faite de la part du Père Binet, il est vrai que,
selon l'apparence, ce serait une grande œuvre de charité ; mais je ne
crois pas que Dieu requière cela de nous, au moins n'en ai-je point de
vue ; et je pense, ma très-chère fille, que vous fîtes bien de détourner
doucement cela, sans laisser passer la proposition plus avant. Et je crois que
si M. le commandeur [de Sillery] doit m'en écrire, il pensera bien à ce qu'il
devra m'en dire, s'il se ressouvient de ce que je dis sur la proposition que
l'on me fit faire, qu'il fallait que la maison de Paris fût obligée de fournir
toujours des Supérieures à la Magdelaine. Enfin, je crois que le plus doucement
que l'on pourra détourner ce dessein-là sera le meilleur. La Magdelaine a bien réussi,
il est vrai ; mais c'est une merveille, de laquelle il faut louer Dieu, et
se contenter d'avoir celle-là. — J'avais déjà appris, il y a quelque temps,
qu'une partie de votre perte vous avait été rendue, et j'ai confiance en Dieu
que vous obtiendrez encore le reste. Ma vraie toute chère fille, je vous [198]
souhaite toute sainte : je vous écris sans loisir, mais avec un cœur
incomparable pour ma très-chère grande fille. Je salue toutes nos Sœurs et le
bon et très-honoré M. le commandeur.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Faire dresser procès- verbal d'un miracle opéré à Bourges
par l'intercession de saint François de Sales. — Diverses commissions.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 27 mai [1633.]
MA
TRÈS-CHÈRE FILLE,
Le Père dom Juste
s'est avisé encore d'une autre chose, qui est que le Père dom Maurice pourrait
amener avec lui jusqu'à [Bourges] M. Ramus ; il ferait recueillir le
miracle de cette bonne Sœur [Tillier], qui est vraiment bien digne d'être
ramassé : vous en parlerez au bon Père dom Maurice, ma très-chère fille,
et le disposerez à l'affaire, s'il le peut ; c'est en cas qu'il le trouve
bon et qu'il le puisse faire comme nous le désirons bien fort. Vous écrirez,
s'il vous plaît, à ma Sœur la Supérieure de Bourges, et lui direz que, si ma
Sœur F. -Gabrielle n'a pas déposé par-devant l'ordinaire cette particularité
qu'elle m'en écrivit : qu'un jour étant dans la chambre de cette Sœur,
elle la trouva toute pleine de parfums et d'odoriférantes et suaves odeurs, au
lieu des puanteurs qu'elle avait accoutumé de sentir, il faudra qu'elle la
joigne encore à sa déposition ; car c'est une particularité qui ne doit
pas être omise, non plus que tous les miracles, s'il se peut. M. Ramus n'aurait
pas besoin de passer plus outre qu'à Bourges. Je ne puis écrire au Père dom
Maurice, faute de loisir ; mais c'est assez de vous le dire, [199] ma
très-chère fille, et de vous prier de le saluer très-chèrement de notre part,
et l'assurer que nous l'attendons toujours de bon cœur.
J'écrivis hier à ma
Sœur la Supérieure de Chambéry bien pressément, pour la prier de vous écrire et
vous supplier de nous envoyer pour cinquante écus de toutes sortes d'or et de
cannetille, cartisanne, et autres que nos Sœurs vos brodeuses savent qu'il nous
faut pour faire nos ouvrages, excepté du fil d'or et d'argent, et que ce soit
par le Père dom Maurice, s'il vous plaît ; car nous désirons d'avoir cette
petite quantité d'or de Paris pour voir si nous nous pourrions mieux ajuster à
en faire venir de Milan, et quelle quantité il nous en faudra. Nous n'avons pas
encore reçu vos soies ; mais nous les attendons de bon cœur, car nos Sœurs
ne peuvent presque rien faire sans cela. Voilà, ma très-chère fille, comme de
tout notre cœur nous vous donnons nos petites commissions, parce que nous
savons bien que les vôtres nous font la charité avec une extrême bonté et
franchise. Je vous prie toujours de bien faire notre partie, à laquelle nous satisferons soigneusement,
quand nous aurons tout ce que nous croyons qui nous sera nécessaire. Ma vraie
très-chère fille, vous savez de quel cœur je suis à vous ; certes, cela
n'a nulle comparaison. Je salue tous les amis, et prie Dieu nous rendre toutes
selon son Cœur.
Il soit béni.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [200]
À TURIN
La Sainte lui annonce l'arrivée à Turin du Père dom Juste.
— Heureux acheminement des affaires de la béatification.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 mai [1633].
Monsieur,
Je ne puis laisser
passer une si digne occasion sans vous saluer en tout respect, et vous
ressouvenir de vos très-petites, mais très-obligées et cordiales Filles de la
Visitation, qui vous honorent avec une dilection toute sincère. Notre bon et
vertueux Père dom Juste s'en va à vous pour se préparer à son grand voyage de
Rome. Je m'assure, Monsieur, que vous serez consolé de savoir l'état où sont
les affaires de la béatification de notre Bienheureux Père, et comme la dévotion
est de plus en plus grande envers cette sainte âme. Nous avons prié le bon Père
de nous faire faire quelques emplettes à Milan pour commencer les ornements
nécessaires à la solennité de cette désirée béatification, que nous espérons
obtenir de la bonté de Dieu. Je m'assure, Monsieur, qu'il emploiera votre
charité et courtoisie pour cela, et pour nous les faire apporter sûrement. Si
nous trouvons cette première emplette convenable à notre dessin, nous vous
importunerons pour la continuer. Et cependant nous supplions sa divine Majesté
de faire abonder en vous les richesses de son saint amour ; et je demeure,
d'une affection pleine d'honneur, Monsieur, votre très-humble et très-obligée,
etc.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy. [201]
SA FILLE, À PIGNEROL
Vanité et néant des prospérités de ce monde. — Les seuls
Liens solides consistent dans la vertu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 mai 1633.
Ma très-chère fille,
C'est par notre bon
Père dom Juste que je salue votre bon cœur filial. Il s'en va à Turin pour se
préparer au grand voyage de Rome qu'il va faire pour y poursuivre les affaires
de notre Bienheureux Père, le procès de l'information étant conclu. Ce Père est
si cordial que, s'il peut, il vous ira voir, car il vous chérit tendrement.
Vous savez de quelle bonté et vertu il est rempli ; et, avec tout cela, il
est tout passionné d'une sainte dilection pour notre Bienheureux Père et pour
les Filles de la Visitation. Certes, je serais consolée qu'il vous vit ;
car vous en recevriez grand contentement et utilité. Je ne sais si les
considérations du monde ne vous empêcheront point ce bonheur : il faut
vivre selon le temps, et prendre toutes choses en patience comme de la main de
Dieu, que je supplie vouloir toujours être votre débonnaire Père et Protecteur,
afin que voire chère âme ne s'embrouille point parmi les affections des choses
terrestres, lesquelles sont de si basse étoffe, pour grandes qu'elles paraissent,
qu'elles ne méritent nulle considération que pour les mépriser.
Pensez souvent, ma
très-chère fille, combien sont aimables et estimables les vrais biens que l'on
peut posséder en cette vie, qui ne sont autres que les vraies vertus : la
sainte crainte de Dieu, l'amour et charité envers le prochain comprennent tout.
Je supplie l'infinie Bonté d'en remplir votre bon cœur : ce sont les [202]
solides grandeurs et richesses que je vous souhaite en cette vie, afin que vous
puissiez parvenir à la jouissance des trésors infinis que Dieu réserve là-haut
au Ciel à ses chers enfants. Vivez contente, ma très-chère fille, en cette
espérance : rendez à votre cher mari, ce que, selon Dieu, vous lui
devez ; élevez votre fille en l'amour et crainte de Notre-Seigneur, et
procurez que vos domestiques vivent aussi en la crainte de Dieu.
Votre fille [de
service] (je ne me souviens pas de son nom), nous a rendu l'argent qu'on lui
avait donné. Dieu fasse-la grâce à son mari de faire bonne pénitence, et à elle
qui est grosse. Ma fille, je suis sans fin de tout mon cœur, votre
très-cordiale mère, qui vous chérit uniquement.
Je salue tendrement
votre chère fille Gabrielle.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy.
GRAND VICAIRE DE MONSEIGNEUR L’ARCHEVÊQUE D'AIX
Elle le remercie de la bienveillance dont il entoure les
monastères de Provence et se réjouit de l'élection faite par celui d'Aix.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 31 mai 1633.
Monsieur,
Je suis une trop petite
créature pour pouvoir obliger en rien un si digne seigneur d'Eglise, comme
vous. J'oserai pourtant bien vous assurer, Monsieur, que je sens au fond démon
âme un désir plein d'une respectueuse affection de vous honorer et vous
souhaiter le comble des grâces célestes. Vous nous consolez et obligez
extrêmement, Monsieur, parles témoignages que votre piété nous rend de sa bonne
volonté, non-seulement à l'endroit de nos chères Sœurs d'Aix, mais de celles de
toute la Provence. C'est un effet de votre grande bonté, qui nous rendra de
plus [203] en plus affectionnées à vous rendre nos petites reconnaissances
devant Dieu.
Nos bonnes Sœurs ont
fort bien fait d'élire notre Sœur M. -F. de Monceau ; laquelle des trois
qu'elles eussent su choisir, elles ne pouvaient du moins que d'en être bien
servies, car ce sont toutes de bonnes et vertueuses Religieuses : je crois
qu'elles l'auront bientôt selon leur désir. Et cependant, Monsieur, nous nous
recommandons en tout respect à vos saints sacrifices, et supplierons Notre-Seigneur
vous combler des précieux dons de son Saint-Esprit, et en cette affection,
demeurerons invariablement, Monsieur, votre très-humble et indigne fille et
servante en Notre-Seigneur.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d’Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Détails touchant un ornement destiné à servir aux fêtes de
la béatification de saint François de Sales. — Départ du Père dom Juste. — Sentiments
de la Sainte au sujet des nombreuses fondations proposées.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 10 juin [1633].
Ma très-chère et
très-uniquement aimée et bonne fille,
Nous avons enfin
reçu les soies et les ors que vous nous avez envoyés : tout s'y est trouvé
et parfaitement beau et bien choisi. Nos Sœurs ne peuvent assez louer la bonté,
candeur, franchise et charité avec laquelle nos bonnes Sœurs vos brodeuses
prennent la peine et le soin de leur écrire toutes les particularités qu'elles
doivent observer en leur ouvrage, dont je leur sais bon gré et les en remercie
de tout mon cœur. Je laisse à nos Sœurs le soin de leur écrire amplement de
leurs patrons : il me suffit de vous supplier, ma très-chère fille, de
prendre [204] celui de les faire faire ; car je pense qu'il faudrait que
vous fissiez peindre tout notre ouvrage. Je vous prie seulement de faire bien
mettre toutes choses en liste, et nous y satisferons soigneusement. — Je crois
que vous savez déjà que notre bon Père dom Juste est parti pour Turin, où, comme
nous croyons il arriva en bonne santé vendredi dernier : il a laissé ici
toute la procédure en fort bon état. Le Père dom Maurice ayant à faire encore
pour tout le temps qu'il nous marque, à Paris, ne pourra pas faire ici grand
séjour ; car le Père dom Juste est tout à fait résolu de partir pour Rome,
et le plus tard au fin commencement de septembre ; aussi, certes, ne
faudrait-il pas tarder davantage cette bénite affaire.
Je n'aurai pas le
cœur bien content, ma chère fille, que je ne voie toutes les Filles de la
Visitation éviter plutôt les fondations que de les rechercher ; car il est
vrai, nous nous multiplions trop ; je ne cesse de le dire, mais l'on ne me
croit pas. Je suis bien résolue que quiconque me demandera désormais mon
sentiment pour les nouvelles fondations, si ce n'est en quelque bon lieu,
auquel on trouve le secours spirituel qui nous est nécessaire, et qu'il y ait
un honnête fondement, que je ne le donnerai pas. Néanmoins, si vous avez de
bonnes filles, comme vous dites, et qu'il se présente quelque bonne occasion où
toutes les conditions requises se trouvent, je pense que vous ne la devez pas
perdre, et que vous ferez bien de rendre ce service à la gloire de Dieu, et par
ce moyen feriez place à plusieurs bonnes âmes ; car Dieu requiert cela de
nous dans les occasions où, comme je dis, les conditions requises se trouvent. La raison pourquoi je vous demandais si vous
n'en aviez point en main, fut parce que ma Sœur la Supérieure de la ville nous
avait écrit [205] que nous ferions celle de Bordeaux, avec celle de madame la
maréchale de Saint-Géran : je pensais de vous donner l'une des deux ;
mais nos Sœurs de Lyon ont pris celle de Bordeaux, et celle de madame la
maréchale est fort mal assurée encore.
Nous n'avons point
ouï parler de M. de N., nous avions fait donner sa lettre à M***, croyant qu'il
la lui ferait tenir ; mais il n'en a point eu de nouvelles non plus ;
nous tâcherons de la lui faire tenir. Prions Dieu qu'il veuille apaiser toute
cette tempête et conserver la renommée de notre Saint et Bienheureux Père,
laquelle, je ne pense pas, puisse être intéressée pour aucune faute que l'on
puisse imputer à ce bon homme, lequel n'a jamais, que l'on sache, demeuré en
cette ville ni auprès de ce Bienheureux, sinon quelques heures ou journées, et
toujours j'ai ouï dire je ne sais quoi de lui qui n'était pas bon. Dieu
l'assiste par sa bonté !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Affaires de M. Dufour. — Désir de la prompte arrivée du
Père dom Maurice. — On projette l'établissement d'un second monastère à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 juin [1633].
Ma chère fille,
Il y a fort peu de
jours que je vous ai écrit ; mais je me sers à présent de la commodité de
M. Dufour, qui est venu en ce pays depuis cinq ou six jours, et est en volonté,
comme je crois, de retourner à Paris ou au moins fort près de là, pour
apprendre un peu ce que c'est que cette tempête qui s'est élevée [206] contre
lui. Il a été fort étonné et marri de cette nouvelle. Je n'ai pas été de
sentiment qu'il laissât retourner seul ce seigneur qu'il a accompagné en ce
pays, ains il m'a semblé qu'il le devrait reconduire jusque de delà, et après
s'en retourner s'il est jugé expédient. Néanmoins, je verrai encore demain, en
l'entretenant, à quoi il se résoudra, et m'essayerai de lui parler cordialement
et franchement pour son bien, s'il m'en donne la confiance. Au surplus, j'ai
reçu vos lettres et celles du Père dom Maurice : un de nos Pères d'ici
ouvrit celle qu'il écrivait au Père dom Juste, où il vit qu'il partirait
seulement à la fin de juillet ; mais, ma chère fille, s'il attend de venir
jusqu'à ce temps-là, il n'aura pas de loisir pour tout ce qu'il a à faire ici,
et il n'est point expédient de retarder leur départ pour Rome plus que le
commencement de septembre. C'est pourquoi je vous supplie de faire tout ce
qu'il vous sera possible pour le faire résoudre de partir, pour venir ici au 15
de juillet, comme il m'a écrit, afin qu'il ait du temps suffisamment pour faire
ce que le Père dom Juste lui a laissé à faire à son départ pour Turin, où il
est allé ; car nous voulons aussi un peu avoir la consolation de le voir à
loisir. Je le salue en attendant bien cordialement ; mais je vous prie,
dites-lui bien que je l'attends de près au temps qu'il m'a marqué, et que je le
supplie qu'il ne me manque pas de parole ; car, s'il ne part qu'à la fin
de juillet, il n'aura pas un mois pour demeurer ici.
Je n'écris pas pour
cette fois à mon bon archevêque ni à ma fille [de Chantal] ; mais je vous
prie de les faire saluer de ma part. Madame de Nemours m'a écrit par M.
Dufour ; mais elle ne me témoigne rien du tout du mécontentement que vous
dites qu'elle a de vous. Il y a bien quelque temps que Mgr de Bourges m'écrivit
que, sur ce que le Roi avait fait entrer une demoiselle en une de nos maisons,
laquelle il ne me nommait point ni la demoiselle non plus, M. le commandeur et
lui étaient allés trouver Mgr de Paris pour le prier de ne plus [207] permettre
telles entrées ; mais depuis je n'en ai point ouï parler, car M. le
commandeur ne m'en a rien écrit, de façon que je ne sais bonnement ce que
c'est. Vous faites bien de ne pas vous mettre en peine de toutes ces
affaires-là ; car la bonne princesse enfin s'apaisera.
Au surplus, ma
très-chère fille, il y a ici une affaire sur le tapis que plusieurs personnes
de piété et d'honneur sont après remuer : c'est de nous persuader de faire
encore une de nos maisons en cette ville, cela veut dire au lieu où nous
commençâmes, parce que nous avons maintenant la fille de M. de la Pesse, qui
est une très-bonne novice, et nous avons aussi tout proche de là le jardin du
sire René, notre apothicaire, qu'il nous a donné. Mais tout cela pourtant n'est
pas le plus grand attrait, ains c'est la multitude des filles qui se présentent
et qui ont, ce me semble, de bonnes dispositions pour notre manière de
vie ; car nous recevrions ici les pauvres, et celles qui auraient quelque
chose on les recevrait là. Il y a fort longtemps qu'on nous a proposé ce
dessein ; mais je n'y voulais pas quasi penser. Or maintenant que je vois
que c'est le sentiment de Monseigneur, du Père dom Juste, de M. le président
votre frère, de madame la présidente, et de tout plein d'autres personnes
d'honneur, cela nous y a fait penser tout de bon ; mais néanmoins nous ne
voulons rien conclure sans en avoir votre sentiment. Je vois que l'on demande
tant de Supérieures ici, et que les filles y ont l'esprit si propre pour la
régularité, que je crois que cela serait à la gloire de Dieu qu'il y eût encore
une maison de la Visitation en ce lieu : nos Sœurs aussi sont de ce
sentiment ; je vous prie, dites-nous ce qu'il vous en semble.
J'espère que dans un
mois nous saurons la rupture ou la conclusion de la fondation de Verceil ;
car j'ai fort prié le Père dom Juste, s'il n'y a pas apparence qu'elle se fasse
cette année, de rompre tout à fait, afin que cela ne nous tienne plus en
suspens. Nous y avons destiné de bonnes filles et solides, si elle [208]
réussit ; sinon certes, je crois qu'elles seraient bien propres pour la
fondation de Bordeaux, et plus que celles que nos Sœurs de Lyon y veulent
envoyer, qui sont presque toutes fort jeunes, mais pourtant très-bonnes et
vertueuses. Je remets le tout à la conduite de la divine Providence ; car
vous ne sauriez croire, ma chère fille, combien je suis indifférente en toute
cette affaire de fondations, et comme j'aimerais que nous demeurassions comme
nous sommes, parce que nous avons de très-bonnes Sœurs, pourvu qu'on ne m'en
demandât point et qu'il n'y eût point de prétendantes. Je pense que nous
recevrons après Pâques les deux filles de M. le président votre frère, qui est un saint et bon juge ; madame
la présidente en a toutes les envies du monde.
Je viens de parler
au pauvre M. Dufour, qui me fait grande compassion : Dieu, par sa bonté,
veuille le tirer de ce mauvais pas, à la gloire de sa divine Majesté, et avec
profit de son âme. Il veut que je le vous recommande, mais je sais qu'il n'en a
pas besoin. — Au surplus, ma chère fille, j'ai eu une bonne attaque ces jours passés
d'un grand dévoiement : il commence à s'arrêter. — Mon Dieu ! qu'il
me tarde que le Père vienne, au moins qu'il soit ici à la fin de juillet ;
je le salue encore. Je vous ai priée de nous envoyer par lui pour cinquante
écus d'or. Ma très-chère grande fille, vous m'êtes précieuse comme un Ange.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [209]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Le cardinal de Lyon se réserve la fondation de Bordeaux.
Refus de celle proposée à Saint-Sauveur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 juin 1633.
Ma très-chère pille,
Je vous supplie et
conjure, avec ma Sœur H. -Angélique [Lhuillier], que l'on ne parle plus de la
fondation de Bordeaux pour nous ; car nous nous en démettons entièrement,
puisqu'elle est entre les mains de Mgr le cardinal [de Lyon], l'esprit duquel
ne trouverait pas bon qu'on lui voulût ôter ce qu'il pense lui bien appartenir.
C'est pourquoi je vous supplie derechef qu'il ne s'en parle en aucune façon
pour nous ; car nous en remettons entièrement et pleinement la conduite à
la Providence divine, par celle de Mgr le cardinal. Il n'y a que deux ou trois
jours que nous vous avons écrit ; je ne vois rien à y ajouter qu'un salut
à votre cher cœur et à toutes nos chères Sœurs, que je prie Dieu combler des
plus précieuses grâces de son divin amour, particulièrement ma Sœur H.
-Angélique, à laquelle j'écris aussi un billet de ma main. Croyez que je suis
de cœur et d'affection, etc.
[P. S.] Comme nous voulions fermer cette lettre, nous
avons reçu la vôtre et celle de la chère Sœur H. -Angélique, du 5 juin,
auxquelles je ne vois rien que je n'aie déjà répondu par les miennes
précédentes, sinon un mot pour madame la maréchale de Saint-Géran, qui est que
si elle demeure ferme à nous vouloir établira Saint-Sauveur, nous le sommes
aussi à ne le pas [210] accepter ; car je suis bien résolue de n'envoyer
de nos Sœurs nulle part, si le lieu n'est pas conforme au Coutumier. Je vous
prie qu'entre vous et la chère H. -Angélique, vous concluiez cette affaire avec
elle, et je vous prie derechef de ne point ouvrir la bouche de celle de
Bordeaux, nonobstant tout ce que j'en avais écris par mes précédentes à la
chère Sœur H. -Angélique. Je ne puis m'empêcher de vous dire et à ma vraie
fille Angélique, que vos lettres si cordiales m'ont touché le cœur.
Assurez-vous toutes deux que vous êtes intimement logées dans le mien, et d'une
manière inexplicable. Si Dieu veut que je vous revoie et cette bien-aimée
Angélique, ce sera avec une entière consolation de mon âme. Je salue, ma fille
[de Chantal] et sa petite fille et notre digne archevêque.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
PROVINCIAL DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS
Avec quelle circonspection les Filles de la Visitation
doivent accepter les œuvres de zèle étrangères a leur Institut.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 24 juin 1633].
Mon très-honoré Père,
Je supplie le
glorieux saint Jean, mon bon patron, duquel nous célébrons aujourd'hui la fête,
d'impétrer de notre doux Sauveur les richesses de son saint amour pour Votre
Révérence !
Je ne suis pas si
insensible que je n'aie ressenti en Dieu la grâce qu'il a faite à nos Sœurs,
d'avoir réussi heureusement en la conduite des bonnes filles de la Magdelaine.
Pour la frayeur [211] que Votre Révérence me dit que plusieurs personnes de
qualité ont eue, d'ouïr dire que je voulais retirer nos Sœurs de l'exercice de
cette charité, certes, mon très-cher Père, j'en embrasse l'abjection de tout
mon cœur, quoique je n'y aie pas pensé. Premièrement, je n'ai pas tant de
témérité que de penser que j'aie l'autorité de le faire, quand je le voudrais,
ni la voudrais avoir aussi. Quand ès occasions l'on me demande mes sentiments, je
les dis le plus sincèrement que je puis ; et si on ne les suit pas, de
vrai, mon très-cher Père, je ne m'en offense pas, et j'aurais tort de le faire.
Il est vrai que quand on voulut obliger nos Sœurs, dans les Constitutions de la
Magdelaine, de leur fournir incessamment des Supérieures et des Sœurs pour leur
conduite, et que l'on m'en demanda mon avis, je ne pus avoir d'autre sentiment
devant Dieu que celui de ne nous point lier en cela, mais de continuer avec
liberté la charité commencée, tandis que nos Sœurs le jugeront être nécessaire,
et qu'elles pourront l'entretenir.
Quant aux deux
points de votre lettre, mon très-cher Père, que l'on désire derechef que nos
Sœurs prennent le gouvernement d'une nouvelle maison de même qualité qu'est
celle de la Magdelaine, il s'en faut adresser à elles, car elles ne m'en ont
encore rien dit. Que si elles m'en écrivent, et en veulent savoir mes pensées,
je les demanderai à Notre-Seigneur le plus sincèrement qu'il me sera possible.
Si sa Bonté me daigne écouter, et donner la lumière de sa sainte volonté, je la
leur dirai selon la parfaite union et confiance que Dieu a mises entre nous,
leur laissant, comme de raison, l'entière liberté de faire ce qu'elles jugeront
pour le mieux ; car je ne traite ni ne dois traiter autrement avec nos
maisons. Je serais justement répréhensible par les Supérieurs et de ma propre
conscience, si j'en usais autrement. J'attendrai donc, s'il vous plaît, mon
très-cher Père, que nos Sœurs m'en disent leurs pensées, leurs inclinations,
leurs pouvoirs, et ce qu'elles jugeront devoir faire en une [212] occasion de
si grande importance et considération, pour la gloire de Dieu, la conservation
d'elles-mêmes, et au progrès et salut des âmes de la conduite desquelles on
désire qu'elles se chargent.
Quant à ce que Votre
Révérence me dit, que si nos Sœurs n'embrassent franchement cette proposition
Mgr de N. le commandera et le fera faire par force, certes, mon très-cher Père,
je n'oserais appréhender cela pour elles, bien que je sache que Messeigneurs
nos prélats ont tout pouvoir et autorité sur nous. Nous les révérons et
chérissons plus qu'il ne se peut dire, nous confiant en Dieu qu'ils ne
s'emploieront jamais qu'à l'utilité et conservation de l'Institut qui leur est
soumis et confié, et non à nous forcer à faire des choses au delà de nos
obligations et de notre pouvoir. Mais en ce que nous pouvons légitimement, il
ne faut pas douter que nous ne tenions à grand honneur et consolation de leur
témoigner la franchise de notre très-aimable soumission et fidèle obéissance.
Mais vraiment, je crois que si Dieu requiert ce service de nos Sœurs, Il en
parlera à leurs cœurs et leur donnera les forces, le courage et la
détermination requis à une entreprise si difficile et ardue, et certes,
qu'elles devront peser au poids du sanctuaire et avec la charité bien ordonnée.
Si nous avons cet honneur de voir Votre Révérence à son passage, j'espère que
Dieu me fera la grâce de vous pouvoir exprimer les vues et sentiments que j'ai
sur cette proposition, par lesquels, à mon avis, votre bonté envers nous vous
fera avouer, qu'en conscience nous sommes obligées de ne nous point porter à
embrasser cet emploi, qu'avec une très-claire connaissance que Dieu le requiert
de nous, car avec ce passe-port rien ne nous sera difficile ; mais sans
cela, la chose est dangereuse. Dieu par sa bonté nous guide dans la voie de son
bon plaisir en toutes nos actions, et veuille donner à Votre Révérence le
comble de son saint amour. [213]
SUPÉRIEURE À RIOM
L'âme religieuse doit être indifférente à l'affection des
créatures : Dieu lui suffit. — Encouragement à porter la croix de la
supériorité.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 27 juin 1633.
Ma vraiment bonne et
très-chère fille,
Votre lettre m'a
touchée d'un côté, voyant vos sentiments, et m'a grandement étonnée de l'autre,
de voir encore une de mes premières et plus chères compagnes de la Visitation
dans ces soupçons pour une chétive créature. Eh ! ma très-chère fille,
Dieu ne vous suffirait-il pas, quand toutes les créatures du monde vous
auraient oubliée ? Mais croiriez-vous bien que je le puisse, quand je le
voudrais, vous oublier ni vous vouloir du mal ? Non certes, ma très-chère
fille ; c'est pourquoi j'en dis très-humblement votre coulpe, d'avoir
laissé entrer dans votre esprit de tels sentiments et méfiances. Si vous ne
recevez de mes lettres si souvent, ce n'est pas ma faute, car je vous ai écrit
deux fois depuis Pâques, et voici la troisième. Il me semble que c'est bien
assez pour mon âge de soixante-deux ans et pour la grande multitude de réponses
qu'il faut que je fasse, outre que, depuis une année en ça, je me trouve
accablée de tant d'infirmités que j'ai prou peine de fournir à tout.
Quant à ce que vous
me dites, si vous pourrez continuer votre charge, à cause des infirmités que
vous me dépeignez ; il faut, ma très-chère fille, que vous le demandiez
aux fruits que vous en voyez, lesquels étant si bons, comme vous me dites,
votre communauté n'étant jamais mieux allée dans le train de l'observance, je crois
que vous ferez bien de rouler doucement avec le plus de support et de charité
que vous pourrez, vu même que [214] vous ne me dites pas que vous ayez de Sœur
qui puisse être chargée du fardeau. Voilà donc mon sentiment, que vous rouliez
sous Je faix de cette charge tant que vous pourrez- et je crois que vos petites
souffrances, jointes à la fidèle correspondance de parler à vos Sœurs quand
elles le désireront, seront une œuvre bien agréable à Dieu.
Je crois que vous
avez reçu celle par laquelle nous vous disons amplement l'état des affaires de
la béatification de notre Bienheureux Père. — Pour ce qui est de ce Père
Capucin, il vient bien de Crémieux, et je ne pense pas que cela soit. Si
néanmoins il est ainsi, quelque Sœur le peut avoir dit inconsidérément, car je
sais bien qu'elles n'ont point de sujet de se plaindre ; mais il ne faut
pas, ma très-chère fille, que nous pensions être exemptes qu'il n'y ait
toujours quelques petites plaintes et tracasseries parmi nous. — Je vois par
celle de ma Sœur la Supérieure de Montferrand que vous aurez reçu nos lettres
du commencement de mai, et les nôtres dernières, que nous vous avons écrites
par le Père Gardien des Cordeliers de Lyon, qui est cause que je ne multiplie
pas mes lettres et ne répète pas ce que je vous ai dit, outre que j'ai une
grande douleur de tête, qui m'empêche même de vous écrire de ma main. Mais
croyez-moi, ma très-chère fille, soyez assurée de mon cœur et de mon affection,
qui vous sera invariable et qui n'aura pas moins de durée que l'éternité ;
mais, au nom de Dieu, ne vous alarmez plus quand vous ne recevrez pas de mes
lettres ; car vraiment je ne saurais plus y fournir.
Voilà M. Amhélion
qui m'a aussi écrit. Je lui écris un mot ; mais certes, je n'ai guère
besoin de ses lettres de compliments. Je vous prie de faire tenir la lettre
ci-jointe à la dame à qui elle s'adresse. Certes, ma très-chère fille, je
voudrais bien que ce commerce fût rompu, et ce serait une grande charité de ne
m'écrire que les lettres nécessaires, et surtout les personnes que je ne
connais pas ; car je vous répète derechef, ma très-chère [215] fille, que
je n'y puis plus fournir. Que Dieu répande toujours plus abondamment sur votre
chère âme les plus riches grâces de son divin amour, auquel et par lequel je
suis, mais de tout mon cœur, votre, etc.
[P. S.] Pour la promenade de cette bonne Sœur, on dit
qu'elle y est allée mener une fille ; mais je lui en ai écrit ma pensée.
J'ai appris aussi que nos Sœurs portaient leurs corps de robes et de tuniques
piqués ; le corps de leurs robes plissé fort menu ; leurs croix
d'argent excessivement grosses. Je vous supplie, ma chère fille, tenons-nous
dans notre simplicité, le plus qu'il nous sera possible.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À SAINT-AMOUR
Conseils pour le bon gouvernement de sa communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, juin 1633].
Ma
très-chère fille,
Je ne puis ni ne
dois jamais douter de votre dilection envers moi, qui réciproquement vous puis
assurer que la mienne persiste en sa fidélité, sans jamais varier : En un
mot donc, ma très-chère fille, nous devons nous tenir assurées l'une de l'autre
[216] pour toujours. — J'espère que Dieu, qui vous a envoyée en ce lieu-là,
tirera sa gloire du service que vous lui rendrez ; et je suis bien
consolée de vous savoir dans la charge d'une de nos maisons, parce que je crois
que vous y maintiendrez toujours l'exacte observance, comme vous me le
promettez, et que je vous en conjure de tout mon cœur. Ma très-chère fille,
faites en sorte que nos bonnes Sœurs vivent en grande paix et union ensemble et
avec vous, afin que par ce moyen elles se puissent disposer pour recevoir les
grâces de Notre-Seigneur, qui leur sont nécessaires pour arriver à la parfaite
union de leurs âmes avec sa divine Bonté, que je supplie verser abondamment ses
plus désirables bénédictions sur ce nouvel établissement, pour le faire croître
et fructifier en toutes saintes vertus. Tout ce que vous me mandez qui s'est
passé en celle occasion, me donne sujet de beaucoup bénir et remercier sa
divine Majesté. Puisque le peuple de ce lieu-là est si bon et vous affectionne
tant, ce qui est une chose fort désirable, tâchez de leur correspondre, ma
chère fille, en tout ce qui vous sera possible, et croyez que, tant que je
vivrai, je serai toujours, ma très-chère fille. votre, etc.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [217]
Exhortation à vivre dans la parfaite soumission et l'union
mutuelle.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 29 juin 1633.
Mes chères Sœurs et Filles bien-aimées en
Notre-Seigneur,
que je supplie vous
combler des richesses de son saint amour,
Je vous remercie des
témoignages que vous me rendez de votre dilection envers moi, qui vous assure
que j'y correspondrai toujours de tout mon cœur et de toutes les affections que
Dieu me donnera, en vous chérissant très-sincèrement et cordialement comme mes
filles bien-aimées. Je suis bien consolée de voir les bons désirs que Dieu vous
donne à toutes de cheminer fidèlement dans la vraie observance. Vous serez bien
heureuses si vous faites de la sorte, mes chères Sœurs, et suivez en cela
l'exemple de votre bonne Mère, de laquelle je suis bien aise de voir que vous ayez
l'estime que vous devez, et que vous la chérissez avec une entière confiance et
amour. Vous avez bien raison ; car c'est une âme que j'ai toujours aimée
et reconnue pour une vraie fille de la Visitation. Suivez bien simplement et
humblement la direction qu'elle vous donnera à chacune en particulier et à
toutes en général, et je vous assure que vous marcherez bien droitement en la
voie de votre sainte vocation : c'est ce que je vous désire de tout mon
cœur. Et me recommandant à vos plus ferventes prières, je demeure pour jamais,
après vous avoir conjurées de continuer à vivre en parfaite union les unes avec
les autres, mes très-chères filles, votre très-humble, etc.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy. [218]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Nécessité de travailler avec courage à l'œuvre de sa
perfection.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 juin 1633.]
[Les premières
lignes sont coupées dans l'original] Nous eussions bien désiré qu'il y eût eu quelque chose en ce monastère
qui vous eût été utile et agréable ; car nous vous l'eussions envoyé de
très-grand cœur, je vous en assure, tant pour correspondre à Vos Charités que
pour vous témoigner aussi notre cordiale dilection ; mais je crois que
notre Sœur l'économe ne sait rien trouver de propre qu'un peu de gruau
d'avoine, que l'on nous a dit serait une chose rare par delà.
Voilà, ma très-chère
fille, ce que je vous dis pour ce coup, et qu'en vérité vous êtes toujours ma
vraie très-chère fille, que je porte chèrement en mon cœur, avec un amour
très-spécial et particulier. Mon Dieu ! ma fille, vivons bien toutes à
Dieu dans la simplicité et exactitude de nos observances, et donnons cet esprit
aux âmes que sa divine Bonté commet à notre soin. Certes, je vois tous les
jours plus clairement que la leçon de la sainte perfection est bien haute et
qu'il ne faut pas s'amuser à des vétilles en ce sacré chemin, mais y travailler
fidèlement à la mortification de nous-mêmes et à la pureté de nos
intentions : Dieu nous en fasse la grâce ! Je suis en son divin amour
tout à fait vôtre et de cœur sincère. Dieu soit béni ! — Jour de saint
Pierre et saint Paul.
Les fondations que
nous espérions du côté de la France se sont évanouies, et pour celle de Verceil
j'en suis fort indifférente.
Je crois que le Père
dom Juste rompra ou nouera à ce coup. [219] Nous serons contraintes d'en faire
encore une en cette ville, pour loger un nombre très-grand de filles bonnes qui
se présentent ; chacun le désire.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SA FILLE, À PIGNEROL
User des bienfaits de Dieu avec reconnaissance et
humilité. — Une éducation chrétienne est le plus riche héritage qu'elle puisse
léguer à sa fille.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma très-chère fille,
J'apprends que Dieu
vous a donné la bénédiction d'une heureuse grossesse : je veux croire pour
ma consolation que vous reconnaissez cette grâce, et toutes les prospérités
dont vous jouissez comme provenantes de la main de Dieu, qui
vous les envoie, non pour paraître, ni pour les employer à la vanité, mais pour
vous avancer à la sainte humilité et amoureuse crainte de Celui de qui vous les
recevez. Dites-moi, ma très-chère fille, mais dites-le moi avec toute franchise
et vérité, à quoi en êtes-vous pour ce sujet ? Car je crains toujours un
peu que l'affluence des biens et dignités de cette vie ne vous offusque de leur
fumée ; voire, ne vous étouffe, si vous n'êtes bien [220] sur vos gardes
et attentive à leur inconstance et à l'incertitude de notre départ de cette
vie, où il les faut quitter. Pensez souvent à ce passage, ma très-chère fille,
et à la bienheureuse éternité de ceux qui auront plus fait d'estime de la véritable
félicité que des moments périssables de cette caducité. Ayez soin d'imprimer
dans le cœur de votre fille ces vérités ; c'est le meilleur et plus solide
héritage que vous lui puissiez acquérir et laisser. Faites-lui fort appréhender
l'offense de Dieu, et grandement estimer le bonheur de vivre en son saint amour
et crainte.
Vous savez, ma
très-chère fille, que dès votre tendre jeunesse je me suis essayée de graver
bien avant dans votre cœur cet amour de Dieu, et que je vous ai toujours
recommandé d'obéir à ses volontés, et particulièrement en rendant à M. votre
mari tous les devoirs auxquels vous êtes obligée selon Dieu. Je vous conjure
encore de le faire, et de lui donner tous les contentements qu'il vous sera
possible : dites-moi aussi comment vous êtes en état pour ce sujet.
Hé ! pour Dieu, ma fille, que l'abondance des biens et honneurs ne vous
jette point dans une pompeuse gravité. L'on m'a dit que vous vous mettez sur la
raillerie. Croyez-moi, ma très-chère fille, rendez-vous remarquable par la modestie
chrétienne, par la suave, affable et gracieuse conversation, que vous devez
avoir avec un chacun. La raillerie n'est pas séante à celles de votre condition
et de votre âge. Tâchez de reluire et d'attirer les cœurs par les moyens que je
viens de dire, et que la sagesse et sainte retenue en vos actions surpassent
tout. Recevez ces avis comme de votre mère qui vous chérit, et désire que vous
soyez toujours parfaite en votre condition. Dieu vous en fasse la grâce. [221]
À PARIS
On doit travailler sans empressement à l'œuvre de sa
perfection. — Difficultés qui s'opposent au voyage de la Sainte à Paris ;
son avis sur les moyens d'union proposés par le commandeur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Mon très-cher frère,
Il est vrai que j'ai
une si entière et fidèle affection à votre vrai bien, qui consiste en la douce
et suave correspondance aux lumières et saints attraits que Notre-Seigneur vous
donne, qu'il n'y a rien que je ne voulusse faire et souffrir pour cela. Mais,
voyez-vous, je ne vous dis pas cela pour vous donner de l'ardeur à vouloir
rechercher les moyens de faire cette correspondance ; car, au contraire,
Dieu veut que vous mortifiiez tout cela par un adoucissement et accoisement de
tous ces désirs sensibles, les réduisant à des simples acquiescements de
vouloir et faire le bien sans ardeur, mais parce seulement que Dieu le
veut ; et de même acquiescez amoureusement à cette divine volonté quand
elle aura permis que vous ayez omis quelque bien ou fait quelque manquement,
vous résignant même à ce à quoi vous ne pouvez vous résigner si entièrement et
généreusement que vous désirez, ou qu'il vous semble que Notre-Seigneur le
désire de vous.
Je ne sais si je me
fais bien entendre : mais je veux dire qu'en tous vos biens vous vous
unissiez à la volonté du bon plaisir qui les veut ; et en vos maux et
imperfections vous vous unissiez aussi à la volonté permissive de Dieu, et tout
cela avec paix, douceur et repos d'esprit. « Faisons, disait notre Bienheureux
Père, par fidélité tout le bien que nous pourrons, paisiblement et
doucement ; et quand nous aurons manqué à la fidélité, [222] regagnons
cette perte par humilité, mais humilité douce et tranquille. » Vous savez
ceci mieux que moi, mon très-cher frère et je sais que vous le faites, mais il
le faut toujours mieux faire. Renoncez et remettez fort entièrement entre les
mains de Dieu ces désirs de votre avancement et perfection, laissez-lui-en le
soin, et n'en veuillez que selon la mesure qu'il lui plaira vous en
donner ; mais, je. vous prie, défaites-vous absolument de tous ces
désirs-là, car ils vous causeraient enfin de l'anxiété et inquiétude, outre que
l'amour-propre se mêle imperceptiblement par là-dedans. Ayez un seul désir,
pur, simple et paisible de plaire à Dieu, lequel vous fasse agir, comme nous
avons dit ci-dessus, sans empressement ni ardeur, mais avec paix et suavité.
Tout votre plus grand soin doit être de gagner ceci sur vous ; mais un
soin qui ne soit point soucieux, ains doux et amoureux, attendant ses fruits
avec une patience sans limite et de la seule grâce de notre bon Dieu, vous
confiant qu'il vous les donnera quand il sera requis pour sa gloire et votre
bien, et ne les veuillez pas plus tôt. Sa douce Bonté aura plus agréable mille
fois de vous voir reposer en son soin et remis à sa sainte volonté, que si vous
souffriez toutes sortes de tourments pour acquérir cette perfection que vous
désirez si ardemment. Voilà, mon vrai très-cher frère, mes petites pensées et
sentiments pour votre chère âme, et ne m'en dites plus tant de mal, ni que vous
êtes si lâche ; car, voyez-vous, je vous ai une fois si bien vu, que je ne
puis qu'avoir une très-grande estime de ce que Dieu a mis en vous. Je vous
écris un peu empressement, mais certes d'une très-grande affection au bien et
consolation de votre très-bon et cher cœur, qui m'est infiniment précieux.
Il faut que je me
découvre et vous dise tout franchement que c'est vrai que j'ai été un peu
touchée de la perte du petit livre ; mais certes, je le suis plus pour la
mortification que vous en avez : c'est pourquoi je vous supplie de n'y
plus penser non plus que moi ; car, pour vous consoler, je vous assure
d'avoir les [223] principales pièces qui étaient écrites, qui le sont de la
propre main du Bienheureux. Il est vrai que, si ce ne vous est trop de peine,
je serai bien aise que vous m'envoyiez une copie de ce que vous en avez
tiré ; mais je vous prie derechef, mon tout cher et bien-aimé frère, de ne
plus admettre aucune mortification pour cette perte.
Vous me croirez
facilement quand je vous dirai, mon vrai frère, que mon désir de vous revoir,
et nos deux chers monastères de Paris, surtout leurs bonnes Mères, n'est point
moindre que celui que votre bonté à tous vous fait avoir, de me voir ;
mais, à vous parler comme à mon propre cœur, je n'ai pas ce sentiment que Dieu
veuille que je fasse encore ce voyage, puisque sa Providence m'a attachée au
service particulier de cette maison, où il y a quantité de bonnes âmes
disposées à grandement bien réussir au service de Dieu, si elles sont bien
assistées et conduites. Outre cela, il y a force bonnes et nécessaires.
affaires auxquelles il faut pourvoir, spécialement celle de notre Bienheureux,
pour la dépense de Borne, et puis à préparer les ornements nécessaires qui sont
en grande quantité, de plus qu'il ne les faut aux autres maisons. Une couple
d'années sont bientôt passées ; après quoi, si Dieu me donne de la santé
plus que je n'en ai maintenant, je m'assure que vous, Mgr notre bon archevêque,
et nos maisons m'obtiendrez facilement de notre bon prélat, qui vous honore
parfaitement. Et alors, Dieu aidant, nous parlerons à plein fond de nos moyens
d'union ; car je n'ai pas le sentiment de partir encore sitôt de cette
chétive vie, Dieu sait tout.
Or, il est vrai
ceci, mon tout unique frère, que les Mères de Lyon, surtout celle de Bellecour,
m'assurent que jamais elles n'ont su vous dissimuler le dissentiment qu'elles
ont toujours eu que l'on fit cet établissement, d'adresser les monastères de
France à Paris, une partie à Lyon et l'autre à Nessy. Vous savez aussi ce que
je vous en dis ici. Il m'est impossible d'en mettre toutes les raisons sur ce
papier.
— J'ai déjà fait
cette lettre à quantité de reprises, car j'ai une mauvaise tête. Mais, mon vrai
frère, qu'il n'y ait rien de notre part à blâmer, qui est-ce qui le pourrait ou
oserait penser, sachant avec quelle sincérité et droiture vous cheminez en
toutes vos actions, et le saint zèle que Dieu vous a donné pour le bien de
cette petite Congrégation ? Au contraire, je puis assurer que de tous les
moyens d'union qui se sont jamais proposés, aucun n'a été plus doux et
convenable ni plus à mon gré. Si la chose se pouvait pratiquer selon votre
intention et avec l'esprit d'une parfaite charité, il ne serait qu'utile. Mais
quand je considère les conditions de l'esprit humain, et que je tourne et
retourne toutes choses, je me trouve aboutir où notre Bienheureux se réduisit
enfin, qui est de tout laisser aux soins de la divine Providence, attendant
qu'elle nous éclaire et fasse voir ce qui est de son bon plaisir, lequel, avec
sa grâce, nous suivrons de point en point. Et cependant je demeure en paix.
Hélas ! mon
tout bon et cher frère, que votre incomparable charité me soulage, au soin que
vous prenez de la santé de cette pauvre grande fille, qui nous est à la vérité
infiniment chère et précieuse. Vous ne voulez pas que je vous fasse de grands
remercîments pour cette incomparable affection et soin plus que paternel ;
c'est pourquoi je m'en tais, suppliant Notre-Seigneur de bénir ces
remèdes ; puisqu'ils se font avec votre agrément je me tiendrai en paix.
Nous ne manquerons de vous faire voir la Vie qui s'écrit du Bienheureux, avant
qu'on la mette sous la presse. — Notre bon archevêque [de Bourges] nous parle
de vous avec des sentiments nonpareils, et combien il fait d'état de ce que
vous le voulez aimer d'un amour spécial. Faites-le, mon vrai frère, car il en
profitera.
Mon Dieu ! je
ne sais comment cette lettre est bâtie ! Mais tout est bon à votre tout
bon et sincère cœur, qui sait que le mien traite avec lui avec un amour,
sincérité et confiance tout à fait droite, cordiale et pleine d'une entière
affection, certes tout [225] incomparable pour mon vrai frère, qui m'est
précieux comme mon propre cœur. Vivez tout en cette céleste Providence et
remettez tous vos soins et affections au plus secret de son saint tabernacle.
Je suis vôtre et toute vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À NEVERS
Affectueuses recommandations au sujet de la Mère Favre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 18 juillet 1633.
Ma
très-chère fille,
Voilà donc cette
vraie et chère fille de mon cœur qui s'en va à vous ; je dis que vous me l'avez demandée,
car il est vrai que vous le fîtes il y a deux ans. Or, ma fille, je n'ai point
besoin de vous la recommander, car je sais que vous avez une entière dilection
pour elle et pour toutes nos Sœurs, et qu'elle vous aime aussi d'une entière
affection. Dieu lui rende par sa bonté ce voyage utile ! Croyez que je le
désire fort, car cette âme m'est [226] précieuse comme ma propre vie, et plaise
à Dieu nous la conserver ! Je ne désire pas qu'elle soit à charge dans
votre maison ; mais je veux que vous me mandiez bien sincèrement ce
qu'elle y dépensera, m'assurant que ce ne sera pas sur nous que vous voudrez
faire bourse, mais vous contenterez de sa juste dépense, selon la raisonnable
charité ; mais je vous en dis trop, vous connaissant comme je fais. Nos
Sœurs du faubourg Saint-Jacques de Paris vous payeront la pension de notre
chère Sœur M. -Françoise [Richart] sa compagne ; car enfin, en chose
quelconque, nous ne voulons pas qu'elle vous soit à charge, comme il est
raisonnable.
Ma très-chère fille,
en tout ce qu'il me sera possible de vous servir je le ferai d'une entière
affection ; continuez-moi votre dilection, et confiance entière et
filiale, sans ombre, car je demeure et suis en Notre-Seigneur, vôtre, selon que
vous le pouvez souhaiter.
Extraite de l'Histoire de la fondation du monastère de
Nevers.
Elle l'assure que sa fille n'est pas appelée à la vie
religieuse ; bonnes qualités de cette jeune personne.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 25 juillet 1633.
Monsieur et mon très-honoré
frère,
Nous
avons désiré que Monseigneur
daignât parler en particulier à votre chère petite, pour apprendre d'elle-même la vérité de son
désir ; et nous vous assurons qu'elle vous rendra [227] fidèle témoignage
de la vérité. Pour moi, je vous dis véritablement que je n'ai jamais reconnu en
son esprit vocation pour la Religion. La Providence divine, mon très-cher
frère, a ses desseins éternels sur toutes ses créatures. C'est à elle de les
appeler et donner la vocation à laquelle elle les a destinées de toute
éternité. Or donc cette chère âme n'était point appelée de Dieu à la Religion,
de laquelle elle a aussi de si pressants désirs de sortir qu'elle y séchait, et
y est demeurée toute dégoûtée et traînante, spécialement dès qu'elle a bien
découvert son dessein, qui est environ d'un mois ou trois semaines. Vous faites
une grande charité de l'envoyer prendre, car elle nous faisait compassion de la
voir dans ses peines et langueurs. C'est une bonne âme, un bon naturel, un bon
esprit, un bon jugement, et en laquelle j'oserai vous assurer, Monsieur,
d'avoir reconnu toutes les conditions nécessaires pour vivre dans la crainte de
Dieu et vertueusement dans le monde, auquel, je m'assure, elle vous donnera
tout le contentement et consolation que vous en sauriez désirer, car elle est
une fille tout à fait de bon naturel, et de laquelle vous tirerez de bons
services.
Nous vous renvoyons
une lettre par laquelle vous verrez que nous n'avons reçu que cent trente trois
livres six sols. Le monastère se contentera de la reconnaissance qu'il vous
plaira lui faire pour le temps qu'elle y a demeuré, tant pour sa nourriture
qu'entretien d'habits, et ne cessera de prier Notre-Seigneur à ce qu'il lui
plaise faire abonder sur vous et sur elle la plénitude des plus riches trésors
de sa grâce, particulièrement moi qui suis et serai sans fin, Monsieur, votre,
etc. [228]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Préparatifs de la fondation de Poitiers. — Choix d'une
Supérieure pour le monastère de Bourges.
VIVE † JÉSUS
Annecy, 27 juillet 1633.
Ma très-chère fille,
Puisqu'on vous
presse tant pour aller à Poitiers, il n'y a remède, il faut subir la nécessité.
Cet établissement-là se faisant avec l'approbation de Mgr votre bon prélat, et
la rupture de votre triennal aussi, cela vous doit mettre en repos. Mais il
faut que je die ce mot à votre cœur : c'est que, pour moi, je ne crains
rien tant en cette affaire des fondations, sinon que vous n'ayez pas assez de
filles capables pour cet emploi ; c'est pourquoi je vous conjure, au nom
de Notre-Seigneur, de les bien choisir afin que vous fassiez de bonnes maisons
de la Visitation. Je me confie tant en votre prudence que je crois que vous ne
ferez rien mal à propos, ce qui fait que je ne vous dis rien de plus sur ce
sujet, sinon qu'il n'est que bien que la fondation de La Flèche ne se fasse pas
sitôt, et si on la pouvait tirer jusqu'après Pâques, ce serait le meilleur.
Pour ce qui est de
vous proposer une Supérieure, je vous dirai, ma très-chère fille, que nous
avons retiré ma Sœur Fr. - Gasparde de la Grave de notre maison de Belley,
qu'elle a fort bien et sagement gouvernée six ans durant : c'est un cœur
d'une sincérité entière, qui a une bonne simplicité, mais qui ne l'empêche
point d'être bien accorte et entendue aux affaires ; elle a bon
esprit et bon jugement, et est très-solide en la vertu. Nous vous la proposons
avec ma Sœur Fr. -Jacqueline de Musy, afin que vous puissiez choisir et entre
celles de votre maison, [229] celle que Dieu vous inspirera. Que si ma Sœur Fr.
-Gasparde de la Grave était élue, nous la garderions ici jusqu'à la
Saint-Michel, après quoi nous vous l'enverrions avec une compagne, la plus
conforme à votre désir que nous pourrions, jusqu'à Lyon, où vous l'enverriez
prendre. Et cependant, si vous êtes pressée de partir avant ce temps-là, vous
pouvez remettre la charge de votre maison à ma Sœur M. -Geneviève ; car,
par ce moyen, on verrait toujours mieux sa capacité pour le gouvernement, et ma
Sœur F. -Gasparde vous porterait non-seulement les coutumes de céans en la
pratique, mais encore par écrit, car nous en avons fait un petit recueil depuis
peu. Voilà, ma très-chère fille, tout ce que nous vous pouvons donner des Sœurs
de céans ; car si bien nous avons ma Sœur Mad. -Élisabeth [de Lucinge],
que vous connaissez et qui est une digne fille, nous la gardons pour être
Supérieure à la seconde maison que nous prétendons faire l'année prochaine en
celle ville, s'il plaît à Notre-Seigneur. Nous avons bien encore quelques
autres Sœurs pour le gouvernement ; mais je vous dis franchement, ma
très-chère fille, que je ne m'en veux pas défaire, étant nécessaire qu'il y en
ait toujours céans, à cause du grand recours que l'on y a.
Ma Sœur la
Supérieure du faubourg Saint-Jacques de Paris, qui est maintenant à notre
monastère de Nevers, connaît ma Sœur Fr. -Gasparde de la Grave, et elle verra
aussi ma Sœur Fr. -Jacqueline de Musy. Elle vous pourra bien dire son sentiment
de l'une et de l'autre si vous le désirez, avant que de vous résoudre à en
choisir l'une pour votre élection, sur laquelle je supplie le Saint-Esprit de
bien présider, afin que vous et vos Sœurs fassiez le choix de celle qui sera la
plus convenable pour le bien de votre maison, qui est tout ce que je désire, et
que Notre-Seigneur vous remplisse toutes de ses plus saintes grâces. Je demeure
en son amour pour jamais, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [230]
SUPÉRIEURE À RIOM
La Sainte désire qu'on borne la correspondance aux choses
purement nécessaires. — Nouvelles du monastère de Metz.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 juillet [1633].
Ma très-chère fille,
Encore ce mot et
puis plus. Soyez très-assurée, mais je vous en prie, que quand vous ne
m'écririez jamais, ni moi à vous, mon cœur demeurera immobile dans la sainte
dilection et sincère affection qu'il vous a toujours portée et portera
invariablement.
Je suis marrie que
vous ayez pris la peine, dans les infirmités où vous êtes, de me déduire si
menûment les choses de votre sacristie, avec les particularités de votre bel
ornement : cela n'était nullement nécessaire. C'est en quoi j'admire
d'autant plus la bonté et candeur de votre tout bon et cher cœur, qui veut que
je sache toutes choses ainsi par le menu. Il n'est pas nécessaire aussi que
vous m'envoyiez le mémoire de l'état temporel de votre maison ; car
cela ne pourrait être utile à rien, et je ne sais pas si j'aurai le temps de le
voir. Je suis bien assurée que, si votre bon cœur savait les accablements
d'affaires où je suis pour l'ordinaire, il dirait bien qu'il ne me faut pas
envoyer de si grands mémoires ; car, outre la charge d'une famille telle que celle de céans, voilà
soixante moins une maisons d'établies, à qui il faut que je fournisse ; et, si Dieu ne nous aide, l'année ne se
passera peut-être pas qu'il ne s'en fasse encore quatre ou cinq, ce qui me sera
toujours autant de surcroît de peine. Croyez, ma très-chère fille, qu'il faut
que je mesure bien tous les moments de mon temps pour fournir et satisfaire à
tout cela. — Je crois bien ce que vous me dites de la simplicité de vos
habits ; mais pour ce qui est
des tuniques, il me semble que vous [231] n'auriez pas plus de dépense à
couvrir les corps de quelque petite étoffe, que de les faire d'une double
toile.
Pour ce qui est de
nos Sœurs de Metz, il est vrai que je crois et crains tout
ensemble que la vanité ne se glisse un peu dans leurs esprits ; j'en ai
déjà écrit mes pensées à la Mère, de laquelle j'ai reçu une bien grande lettre
avec de fort amples mémoires ; mais je ne sais pas si mon loisir me pourra
permettre de les voir. Je trouverai de belles excuses, si je ne me trompe, pour
tout ce que le bon Père Jacques nous a dit ; il l'a fait fort simplement,
et pensant bien parler à votre avantage. J'ai vu la lettre, et j'ai répondu à
la Mère de Metz : certes, elles ont assez de besogne, et ne font pas
grande chère. Elle est toute contente de ses Sœurs, qui marchent, dit-elle,
fort bien en l'observance ; elle me témoigne grand désir de vivre en son
devoir, et m'écrit qu'elle a les jambes tout enflées, et qu'elle est fort
mal ; cela me fait peine. Mon Dieu ! que cette multitude de maisons
que l'on n'a pas le moyen de soutenir, tant au spirituel qu'au temporel, me
fait grande peine ! Mais je remets tout au soin de notre bon Dieu, que je
supplie y vouloir régner souverainement, surtout en votre chère âme que la
mienne salue chèrement.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [232]
CONFESSEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'AOSTE
La Sainte le remercie de son dévoûment à la communauté
d'Aoste et l'accepte pour son fils spirituel.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1633.]
Monsieur et mon très-cher père,
Puisqu'il vous a plu
que je vous écrive de ma main, ce sera mal et courtement, mais de fort bon
cœur, pour vous remercier de votre lettre, et des témoignages que vous nous y
rendez de la sainte dilection que Notre-Seigneur vous a donnée pour l'Institut
de la Visitation, mais particulièrement pour nos Sœurs d'Aoste. La divine
Providence les a bien gratifiées en la rencontre qu'elles ont faite de votre
chère personne pour être leur confesseur ; car je vois bien, dans votre
lettre, que notre bon Dieu vous a donné l'esprit d'une sincère charité ;
et c'est ce qu'il faut aux pauvres Filles de la Visitation. Dieu nous fasse la
grâce que vous trouviez toujours votre consolation avec nous ! Je l'espère
en la bonté de Notre-Seigneur et en la fermeté de vos résolutions.
Vous désirez, mon
très-cher Père, que je vous reçoive pour mon enfant en Notre-Seigneur, et moi
je vous supplie de m'accepter pour votre fille, quoique indigne ; et, pour
obéir à votre humilité, je vous reçois, selon le bon plaisir de Dieu, pour mon,
enfant en son saint amour et pour mon père, suppliant son [233] infinie douceur
de répandre sur cette alliance ses très-saintes bénédictions. En cette
affection je vous conjure de me donner part en vos saints sacrifices, comme
jamais je ne veux vous oublier en mes petites prières, demeurant de cœur votre,
etc.
SUPÉRIEURE À BOURG-EN-BRESSE
Bon état du monastère de Saint-Amour. — Charité à exercer
envers un sujet sans dot. — Se supporter et se prévenir mutuellement.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 11 août 1633
Ma très-chère fille,
Tout ce que vous me
mandez qui s'est passé en l'établissement de Saint-Amour est parfaitement bien
allé, et il y a beaucoup de sujets de bénir Dieu, qui y a donné un si heureux
acheminement : j'espère que sa Bonté sera bien glorifiée en cette petite
fondation. J'ai écrit à ma Sœur la Supérieure qui m'a aussi mandé toutes les
particularités de ce qui s'y était passé.
Quant à la fille qui
s'est jetée chez vous, et qui n'aura rien, de vrai, ma très-chère fille, puisqu'elle
a les bonnes conditions que vous me marquez, pour moi je la garderais, et
laisserais crier le monde tant qu'il voudrait ; car, puisque
Notre-Seigneur vous a déchargée de six filles qui sont allées à Saint-Amour, il
me semble que vous pouvez bien prendre celle-là, que sa Bonté vous présente, et
je suis consolée de voir votre cœur incliné à faire cette charité. — Au
surplus, pour ce qui regarde notre bonne Sœur [Daloz] Supérieure de Crémieux,
il faut que la charité nous fasse supporter les unes les autres ; et,
encore qu'elle ne vous écrive pas, vous ne devez pour cela laisser de lui
écrire quelquefois, le plus cordialement que vous pourrez. Il est vrai [234]
qu'elle n'est pas grande faiseuse de compliments, et n'écrit pas souvent, même
à moi, ni à nos Sœurs de Lyon. Hors la nécessité on ne reçoit guère de ses
lettres, et ne vous étonnez pas si elle envoya bien à Bourg sans vous
écrire ; car quelquefois nos gens de Nouvelles, qui est un bien que nous
avons ici auprès, vont bien à Rumilly sans que j'écrive point à nos
Sœurs ; on ne pense pas toujours à cela, et n'y doit-on pas moins prendre
garde.
Je voudrais bien que
vous me mandassiez si vous prétendez quelque chose en la fondation de
Châlon ; car vous savez bien, ma chère fille, que pour y aller il faut une
grosse somme d'argent comptant, et je ne pense pas que madame votre sœur puisse
s'en rendre bienfaitrice, parce qu'elle ne doit pas diminuer le bien de ses
enfants, qui n'en ont pas déjà trop, ni les frustrer de celui qu'ils doivent
attendre d'elle. Ma fille, vous le savez, il est vrai, que mon cœur est
entièrement vôtre en l'amour du divin Sauveur : qu'il nous veuille bénir
de ce pur amour ! Amen, et toutes nos Sœurs que je salue chèrement.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives de
la Visitation d'Annecy.
SON FRÈRE, ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES. À PARIS
Sollicitudes au sujet de la maladie de la jeune baronne de
Chantal.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, août 1633.]
Mon tres-bon et très-honoré
seigneur,
Votre lettre du 8 de
ce mois m'a sensiblement touchée, par la maladie de ma pauvre très-chère fille
[de Chantal] et par la douleur où je vous en vois. Eh ! Dieu nous la
voudrait-il aussi ravir ? Si c'est sa volonté, je l'adore de tout mon cœur ;
car, en tout et partout, nous la voulons embrasser amoureusement. Et ce m'est à
[235] consolation, mon très-cher seigneur, de vous voir fermement uni à ce divin vouloir, nonobstant les sensibles
et tendres affections dont votre naturel est comme accablé, et qui causent un
grand redoublement à ma douloureuse appréhension du succès de celle maladie. Me
voici donc dans l'occasion de plusieurs résignations, attendant ce qu'il aura
plu à Dieu de faire d'une chère créature, qui causerait par son départ tant
d'affliction à sa bénite maison ; mais je sens l'autre, mon très-cher
seigneur, au-dessus de tout, c'est la perte irréparable que ferait sa pauvre
petite fille. Mais enfin, il faut subir les coups de fouet que notre bon Dieu
nous donne et baiser tendrement ses verges, car Il ne nous frappe que par
amour. Vous pouvez penser, mon très-cher seigneur, si nous prierons
soigneusement pour cette chère fille et pour tous les affligés. Je confesse
qu'il me tardera fort d'en avoir des nouvelles. Dieu nous fasse ressentir dans cette
occasion la douceur de sa miséricorde. Amen ! [236]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
On doit donner le baiser de paix aux jours de vêtures et
de professions.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 août [1633].
Ma très-chère fille,
J'attends de bon
cœur des nouvelles de votre fondation et les trois billets de nos Sœurs qui
iront, si elle se fait. — Je vous prie de donner une sûre et prompte
adresse à ce paquet de Nevers, car il est important pour les affaires de notre
Bienheureux Père.
Mgr de Genève et
plusieurs personnes de piété jugent que nous devons entreprendre de faire une
seconde maison en cette ville, pour y recueillir tant de bonnes filles qui se
présentent, lesquelles nous ne pouvons recevoir faute de place. Je vous prie,
dites-m'en votre pensée. — Au reste, ma Sœur M. -Adrienne [Fichet] dit que
quand je revins de Paris en passant dans votre maison, j'ôtai la coutume que
l'on avait de se donner le baiser de paix les unes aux autres les jours que les
filles prennent l'habit et font la sainte profession. Je vous prie, [237]
dites-moi si cela est
vrai ; car je ne m'en souviens nullement et ne sais pas pourquoi je
l'aurais fait, sinon par cette liberté que j'avais de faire et défaire pendant
la vie du Bienheureux. Il semble bien que la Règle donne à entendre qu'il le
faut faire ; c'est pourquoi dites-m'en votre pensée, ma très-chère fille.
Que s'il faut se le donner, je pense que, pour n'allonger la cérémonie, il
faudrait que, quand les Sœurs novices nouvelles ou professes auraient passé la
Supérieure de deux ou trois Sœurs, que les Sœurs se le pourraient donner l'une
l'autre, tandis qu'elles achèveraient. O ma fille ! Dieu vous veuille donner
son sacré baiser de paix qui surpasse tout entendement.
Il soit béni.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Maladie de la jeune baronne de Chantal. — La prudence
chrétienne doit régler toutes nos actions.
VIVE † JÉSUS
[Annecy], 18 août 1633.
Ma très-chère fille,
Votre lettre m'a
grandement consolée, pour y voir la charité que vous voulez si cordialement
exercer envers nos pauvres Sœurs de Rouen ; c'est ainsi que doivent faire
les vraies Filles de la Visitation. Mais ne croyez pas pourtant que si la bonne
Mère ne s'adresse à vous pour vous dire leurs nécessités, ce soit par
manquement de confiance ; oh ! non, ma chère fille, mais c'est
qu'elle est de naturel un peu craintif et timide, en quoi elle [238] est
d'autant plus aimable et chérissable ; car certes, c'est en effet
une digne fille. Or sus, faites donc pour elle ce que vous me mandez, ma chère
fille, et le lui écrivez si vous ne l'avez déjà fait, et Dieu bénira votre
charité.
Hélas ! vous
pouvez penser si je suis vivement touchée de l'extrémité de la maladie de ma
pauvre fille de Chantal, tant pour voir toute sa maison en désolation, que
particulièrement pour l'affliction cuisante qu'en a notre très-digne Mgr de
Bourges ; mais enfin il faut plier les épaules et nous soumettre sous la
bonne main de Dieu, qui fait ce qu'il lui plaît de ses créatures. — Je vous
prie de saluer de ma part notre très-chère Sœur H. -Angélique, laquelle j'aime,
ce me semble, du fin fond de mon cœur. Je me dispense de lui écrire pour cette
fois, parce que je sais bien que c'est une fille avec laquelle je peux faire ce
que je veux. Je salue aussi toutes nos chères Sœurs, et prie Dieu de les
combler des grâces de son pur amour.
Ma très-chère fille,
c'est sans doute la malice du monde qui convertit ce que l'on croit faire par
charité, en iniquité ; mais cela n'empêche pas que nous soyons blâmables,
car il faut que la prudence règle toutes nos actions. Or je sais que cette âme
est pure comme le soleil et blanche en tout comme la neige, et il me semble
qu'il me fallait avertir tout sincèrement dès le commencement, et que même la
charité vous obligeait à en faire l'office ; car vous pouvez penser que
les âmes innocentes ne pensant point de mal en ce qu'elles font, ne sauraient
manquer de bien recevoir les avis que l'on leur donne sur les sujets qui mal
édifient et qui tirent conséquence ; j'espère que Dieu ne permettra pas
que le mal s'accroisse. Mon Dieu ! combien est-il vrai, ma fille, que cela
me touche sensiblement ! Vivez toujours dans cette parfaite confiance que
je suis vôtre sans réserve.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[239]
SON FRÈRE, ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES, À PARIS
Douleur et résignation de la Sainte à la mort de sa
belle-fille. — Espérance d'une éternelle réunion.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Mon très-honoré seigneur,
Ne faut-il pas
adorer avec une très-profonde soumission la volonté de notre bon Dieu, et
baiser amoureusement les verges dont II châtie ses élus ? Oui certes, et,
nonobstant toutes les répugnances de la nature, lui donner mille louanges et
offrir mille remercîments, parce qu'il est notre bon Dieu qui nous envoie avec
égal amour l'affliction comme la consolation, et même nous fait encore tirer
pour l'ordinaire plus de profit spirituel des choses adverses que des
prospères.
Mais d'où vient
donc, qu'ayant cette connaissance et expérience, nous ressentons si vivement le
départ de ceux que nous aimons ; car il faut avouer, mon très-cher
seigneur, qu'à la rencontre que je fis, dans un petit billet, de la mort de
notre pauvre très-chère fille, je fus tellement saisie qu'il y a apparence
que, si j'eusse été debout, je fusse tombée de mon haut, et n'ai pas souvenance
qu'aucune affliction m'ait causé un tel effet ; mais, à la lecture de
votre lettre, Seigneur Jésus ! mon très-cher seigneur, quel contre-coup à
mon chétif cœur, et combien votre douleur a accru la mienne ! Je vois le juste
sujet que vous en avez, et combien de douceur et support en votre âge vous avez
perdu en cette fille si parfaitement affectionnée à votre santé, et à tout ce
qui concerne votre service. Tout cela m'a bien attendrie, et plus que je ne
saurais dire, quand il n'y [240] aurait que ce qui vous touche, [cela] m'est
entièrement sensible. Mais quand je considère que, par le moyen de ces
privations acceptées amoureusement, notre bon Dieu nous veut être Lui-même
toutes choses, et que le moindre avancement que nous ferons en son saint amour
vaut mieux que tout le monde ensemble et que toutes ses consolations, et
combien par-dessus toutes choses notre bon Dieu prise et estime l'union de nos
volontés à la sienne, en des rencontres si âpres et qui nous dépouillent de nos
plus chers contentements ; certes, dis-je, mon très-cher seigneur, quand
je considère cela, je trouve tant d'avantages aux afflictions, que je ne puis
m'empêcher d'avouer que plus on en reçoit, plus on est favorisé de Dieu.
J'espère que maintenant vous aurez reçu cette lumière et pris votre cordiale
consolation en celle vérité ; je vous la souhaite, et prie Dieu de tout
mon cœur vous faire cette grâce.
Mon très-aimé et
tout bon seigneur, les premiers mouvements sont inévitables et notre doux
Sauveur ne s'en offense point ; mais j'espère qu'après cela Il vous
comblera de mille suavités et saintes consolations. Je l'en supplie
incessamment, et vous, mon très-cher seigneur, de vous divertir le plus que
vous pourrez, et fortifier votre âme dans l'espérance et confiance que nous
nous reverrons tous unis à la jouissance de la bienheureuse éternité. Certes,
la vertueuse vie de cette tout aimable fille avec sa sainte mort, nous donnent
espérance, par la miséricorde de Dieu, qu'elle y est déjà, ce qui nous doit
être une grande consolation ; car enfin, mon très-cher seigneur, nous ne
sommes en ce monde que pour parvenir à tel bonheur, et plus tôt que nous y
passerons sera notre mieux. Je m'étonne comment cette vérité ne nous empêche de
ressentir si fort le départ de ceux que nous aimons.
J'écris à M. et
madame de Coulanges, lesquels, je m'assure, ont reçu un grand coup pour cette
si rude perte. Je crois que leurs cœurs seront toujours les mêmes qu'ils ont
été envers la [241] pauvre petite orpheline. Mon Dieu ! quand mes yeux se
tournent de ce côté-là, il ne faut pas que je les arrête guère. Je l'ai remise
à Dieu, qui, j'espère, lui sera père et protecteur, et l'ai donnée à la Sainte
Vierge de tout mon cœur. Hélas ! je crois que nos Sœurs de l'une et
l'autre maison n'ont rien oublié en cette occasion ; car, outre le
très-particulier amour qu'elles portaient à notre tout aimable défunte, elles
ont ressenti en sa perte votre affliction et la mienne. J'ai quelque
soulagement de la savoir en dépôt, avec le cœur de mon pauvre fils, chez nos
Sœurs de là. — M. votre juge de Nantua nous dit l'autre jour que vous êtes à N.
J'en suis bien aise, mon cher seigneur, car cela aidera au divertissement que
vous devez chercher. Monseigneur, votre, etc.
À PARIS
Affectueuses condoléances. — Elle lui recommande sa
petite-fille, Marie de Chantal.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Madame toute chère et
très-honorée sœur,
Hélas ! et qui
eût jamais pensé que nous dussions nous condouloir ensemble sur le
trépas de cette fille si uniquement aimée et si entièrement aimable ? Mon
Dieu soit béni loué et glorifié éternellement en tous les effets de son bon
plaisir ! Et bien qu'en celui-ci nos cœurs soient touchés d'une
très-sensible douleur, si ne laissons-nous pas, ma très-chère sœur, de dire
d'une entière et cordiale affection ce saint cantique : Dieu soit
béni ! Oui, Dieu soit béni en tout ce qu'il lui plaira faire de nous, en
nous, et de tout ce qui nous appartient, pour le temps de cette misérable et
chétive vie et pour l'éternité, où j'espère, ma très-chère [242] sœur, que nous
reverrons nos chers enfants et nos plus intimes amis, et que là réunis, sans
crainte d'être jamais plus séparés, nous chanterons tous ensemble d'une
allégresse incompréhensible : le saint Nom de Dieu soit béni et sa
très-adorable volonté toujours accomplie. Car nous verrons, ma très-chère sœur,
comme elle a tout bien fait pour sa gloire et pour notre bien éternel, qui est
le. seul bien que nous devons uniquement désirer.
Pour notre petite
orpheline, je ne la plains pas, tandis qu'il plaira à Dieu de conserver mon
très-honoré frère et vous, ma toute chère sœur ; car je sais que plus que
jamais vous lui serez vrais père et mère, et que Messieurs vos dignes enfants
la chériront toujours. Le cœur m'attendrit fort quand je la regarde dans ce
dépouillement de père et de mère ; mais je la mets de bon cœur entre les
mains de notre bon Dieu et de sa très-sainte Mère. Je supplie cette infinie
Bonté de la rendre toute sienne, et qu'il lui plaise de faire abonder ses saintes
consolations en votre très-chère âme, et sur toute votre bénite famille ses
plus précieuses bénédictions ; demeurant d'une affection infinie et
invariable, Madame, ma très-honorée et très-aimée sœur, votre très-humble et
très-obligée sœur et servante. [243]
SA FILLE, À PARIS
Les seules consolations véritables se trouvent dans la
conformité à la volonté de Dieu. — Éloge de la jeune baronne de Chantal.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Madame ma très-chère fille,
Je savais la
parfaite union qu'il y avait entre vous et notre chère défunte ; c'est
pourquoi je peux, bien juger que son départ vous a causé une extrême douleur,
comme, à mon avis, il a fait à tous ceux à qui elle appartenait, et qui avaient
une singulière amitié et connaissance avec elle. Mais je suis bien aise, ma
très-chère fille, de voir comment vous avez pris votre consolation dans
l'humble soumission au bon plaisir de Dieu ; comme aussi quand j'ai
rencontré dans les lettres de M. de, Coulanges, mon très-honoré frère, et dans
celles de ma très-chère sœur, tant d'amoureuses résignations et généreuses
résolutions parmi les douleurs d'une si sensible affliction. Bienheureuses sont
les âmes qui, vivant dans ce monde, font leur possible pour s'habituer à la
sainte soumission et conformité au bon plaisir de Dieu ; car, quand la
tempête des afflictions arrive, elle ne les ébranle point. Cette fille, qui
nous était si précieuse, avait appris cette bonne leçon, puisque, à ce que Mgr
de Bourges m'a écrit, elle a fait son passage non-seulement avec résignation,
mais encore avec une entière indifférence de [244] vivre ou de mourir. Quelle
vertu dans une âme si jeune ! et qui n'eût aimé cette âme
parfaitement ! Pour moi, je suis bien résolue de l'avoir présente, autant
que si elle était en cette misérable vie, et de lui porter une dilection
immortelle.
Au surplus, ma
très-chère fille, je vous remercie de l'affection que vous avez pour la
consolation de Mgr notre bon archevêque ; cela le soulagera en l'extrême
perle qu'il a faite. Il vous a toujours fort chérie et avec confiance. Je suis
en peine de ce qu'il m'a écrit de l'incommodité de madame de Coulanges, ma
très-chère sœur. Dieu nous la veuille conserver, s'il lui plaît ! Si je ne
lui puis écrire pour ce coup, saluez-la pour moi, et M. mon très-honoré frère.
Elle m'a infiniment obligée pour l'amour maternel qu'elle porte à la pauvre
petite orpheline ; et encore sa bonté s'étend jusqu'à avoir soin et servir
de maîtresse à la petite : je l'en remercie très-humblement. Je suis aussi
très-humble servante de M. votre mari, que je salue en tout respect, et suis
d'une affection invariable votre, etc.
À PARIS
La volonté divine doit être encore plus aimée dans
l'épreuve que dans la prospérité.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Mon très-honoré et très-cher frère,
Je ne saurais rien
dire en cette occasion si sensible et douloureuse, sinon que Dieu m'avait donné
une fille très-sainte et vertueuse et que j'aimais uniquement ; il lui a
plu de la retirer à soi, son saint Nom soit béni ! Il faut plus aimer
cette souveraine Bonté dans les effets douloureux à la nature, que dans ceux
qui lui sont à consolation, puisque en vérité ce très-bon Père céleste en lire plus
de gloire et nous, plus d'utilité, quand nous les [245] recevons avec l'humble
et amoureuse soumission que nous devons. Cette chère âme est bien heureuse
d'être partie de cette misérable vie avec tant de résignation au bon plaisir de
Dieu : cela m'est une grande consolation et me fait espérer qu'elle jouit
ou qu'elle jouira bientôt de la souveraine félicité.
Je plains bien toute
sa famille, mais surtout la pauvre petite orpheline, et mon très-cher seigneur
l'archevêque, qui me fait grande compassion de le voir dans de si profonds
ressentiments. J'ai confiance que Notre-Seigneur lui départira quelques saintes
consolations qui le soulageront. Certes, il a fait une grande perte, et
d'autant plus que son âge requiert dorénavant des soins et petites douceurs,
dont cette chère fille abondait pour lui ; mais il n'a pas plu à Dieu de
lui en laisser une plus longue jouissance. Cependant, mon très-cher frère, vous
vous montrez en tout un vrai et loyal ami. Et qui en pourrait douter, cette
charité est donnée de Dieu, qui la rendra éternelle en votre âme et en la
mienne, s'il lui plaît, puisqu'il a voulu l'unir à son saint amour. J'en
remercie sa Bonté et l'en bénirai à jamais, étant véritablement, Monsieur,
votre, etc.
À PARIS
La certitude que Dieu fait tout pour notre bien maintient
l'âme en paix au milieu des orages de la vie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Monsieur mon très-honoré et plus cher frère,
Une de mes lettres
vous aura déjà témoigné la part que je prends à votre affliction, et
l'espérance que j'avais, qui m'est confirmée par la vôtre, du grand profil
spirituel que votre âme en tirerait par sa parfaite soumission au bon plaisir
de Dieu. [246] Eh ! mon très-cher frère, que les plaies qui sont faites
par cette douce main nous apportent de vraie santé, lorsque nous avons cette
ferme foi et confiance qu'il fait tout pour notre mieux ! Je remercie sa
Bonté qui vous a donné cette croyance ; elle établira et conservera votre
cœur en la désirable paix qui passe tout entendement, et qui suffit seule pour
consoler et affermir nos esprits" dans les plus grands orages de cette
vie. Consolez-vous, mon bon et cher frère, en l'espérance de nous voir tous
ensemble en la très-sainte éternité : là nous vivrons sans plus de crainte
de nous séparer. Je supplie Notre-Seigneur d'être sans fin votre force et le
protecteur de vous et de votre bénite famille. Je suis de cœur en son amour,
votre, etc.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Remercîments pour les preuves d'affection données à sa
belle-fille, lu feue baronne de Chantal.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 10 septembre 1633.
Il est vrai, ma
très-chère fille, on ne peut éviter la douleur ès occasions telles qu'est celle
du départ de ma pauvre très-chère fille de Chantal ; mais la sainte
volonté de Dieu, qui l'a ainsi ordonné, mérite d'être toujours, en tout et
partout, adorée et aimée. Je loue sa divine Bonté de ce qu'elle a attiré à soi
cette chère défunte en une si bonne et sainte disposition, qu'elle nous donne
sujet d'espérer qu'elle jouit ou jouira bientôt de la félicité, moyennant sa
sainte grâce, ce qui nous est à consolation. Mgr de Bourges m'écrit que votre
maison a bien témoigné son affection envers cette chère défunte pendant sa
maladie et après sa mort, de quoi j'ai pensé vous devoir [247] remercier, ma
très-chère fille, bien que je croie que vous n'avez regardé que Dieu en tout
cela : ce m'est bien de la consolation de savoir que son corps soit chez
vous en dépôt. Ma très-chère fille, le silence sur ce sujet m'est plus utile et
facile que la parole. Dieu soit glorifié de tout, et vous comble avec toutes
nos Sœurs de son saint amour et notre chère Sœur de Villeneuve.
Mon Dieu !
serait-il bien possible que le Père dom Maurice fût encore à Paris ? Si
cela est, ma très-chère fille, pressez-le de venir. Certes, il tarde trop, ce
me semble.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
À BOURGES
Elle la remercie des prières faites pour sa belle-fille,
et applaudit à l'élection de la Mère F. G. de la Grave à Bourges.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 20 septembre 1633.
Ma très-chère fille,
Il faut que je
commence à vous répondre par un remercîment, que de tout mon cœur je vous fais,
des prières que vous avez offertes à Dieu pour feu ma pauvre très-chère fille,
le départ de laquelle je pense que j'ai ressenti aussi vivement que saurait
faire une mère le trépas de sa fille qu'elle aimait uniquement ; mais qu'y
a-t-il à dire quand Dieu parle ? Rien sans doute, sinon qu'il nous faut
soumettre humblement et amoureusement à tout ce qu'il lui plaît d'ordonner,
espérant que sa douce Bonté sera père, mère, et toutes choses, à la petite que
cette chère défunte a laissée.
Je crois
véritablement que le Saint-Esprit a opéré en [248] l'élection que vos Sœurs ont
faite de notre très-chère Sœur F. -Gasparde de la Grave, de laquelle je ne puis
dire autre chose sinon que je réponds de sa droiture, sincérité et zèle pour la
conservation de l'Institut, et que je crois qu'une maison en sera bien servie.
— Il faut que je vous die tout simplement que la venue si prompte de votre bon
confesseur nous a bien surprises ; car je m'attendais toujours que vous
nous avertiriez de l'élection de ma Sœur avant de l'envoyer prendre ;
mais, puisque les affaires vous ont nécessité de faire de la sorte, nous vous
l'enverrons le plus tôt que nous pourrons, bien que nous eussions été fort
aises de la garder et sa compagne aussi, qui est une très-bonne et vertueuse
Sœur, de laquelle je m'assure que nos Sœurs ne
recevront que du contentement et de l'édification. Vous pouvez parler à la
bonne Mère avec toute confiance ; je vous donne cette parole, et vous prie
de lui donner connaissance des esprits de votre maison, le plus que vous
pourrez, et de tout ce que vous penserez être nécessaire. Je vous dis derechef
que voilà deux âmes vraiment israélites ; elles ne sont pas dans cette polissure
de langage que l'on a par delà, mais je les aime ainsi ; car je n'approuve
point que les Religieuses soient autrement que dans une vraie simplicité et
sincérité : ces deux chères âmes l'ont en perfection. La compagne est d'un
bon jugement, mais non tant dans l'expérience. Dieu soit glorifié de leur
service et de notre dépouillement.
Votre cœur va bien,
n'en soyez en souci. Dieu vous conduit par la voie royale et solide ; ayez
seulement soin de faire des fréquents abaissements d'esprit devant Dieu, comme
mendiant son secours en toutes occasions, par la connaissance de votre
faiblesse, et vous rendez de plus en plus suave et supportante en votre
gouvernement. — Je suis fort en repos de cette fondation puisque vous y êtes
employée, car j'ai une entière confiance [249] en vous. J'espère que Dieu vous
bénira, et même en la pensée particulière que vous avez de fort prier pour la
conversion des hérétiques. Je salue notre très-cher Mgr de Châlon : si je
puis, je lui écrirai. Je suis bien aise aussi de ce qu'il s'emploie à cette
fondation. Ma très-chère fille, je vous souhaite autant de grâces qu'à ma
propre âme, et suis de cœur entièrement vôtre.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers.
SON NEVEU, ÉVÊQUE DE CHALON
Douleur de la Sainte à la mort de la baronne de Chantal. —
Remercîments pour le zèle avec lequel Mgr de Neuchèze s'occupe de la fondation
de Poitiers.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1633.]
Mon très-honoré et cher seigneur,
Certes, je ne veux
pas que nos Sœurs s'en aillent à vous sans vous porter un très-humble et
cordial salut delà part de votre pauvre et vieille tante, qui vous chérit
parfaitement. Mais, hélas ! ne vous dirai-je pas la sensible touche que
mon cœur a reçue, par le trépas de ma pauvre et chère fille de Chantal que j'aimais
tendrement, comme en vérité sa vertu et son bon naturel m'y obligeaient ?
Voilà comment notre bon Dieu nous tire pièce à pièce tout ce qui nous est de
plus cher ici-bas. Sa Bonté veuille tirer à soi toutes nos affections, afin
que, dépris des choses de cette vie, nous ne vivions plus que pour le Ciel.
Cependant
j'apprends, mon très-cher seigneur, que vous vous employez fortement pour
établir nos bonnes Sœurs à Poitiers. [250] Je vous en remercie
très-humblement ; c'est une bonne œuvre, et de laquelle j'espère que Dieu
sera glorifié. La Mère qui va faire cet établissement est bien vertueuse et
bien faite à mon gré ; elle mène de bonnes filles. Dieu répande sa sainte
bénédiction sur elles, afin qu'elles rendent l'odeur très-suave des vertus de
leur Bienheureux Père et qu'elles les communiquent à plusieurs âmes ! Sa
divine Bonté vous rende tout selon son Cœur ! Je suis sans fin et d'une
affection incomparable, Monseigneur, votre, etc.
Les dames bienfaitrice : d'un monastère n'ont pas le
droit d'entrer dans les autres. — Mort de M. de Toulonjon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 25 septembre 1633.
(La première
partie de la lettre est coupée dans l'original.) Je suis bien aise de ce que vous voilà
logées ; car j'espère avec vous que Dieu vous pourvoira de tout ce qui
vous sera nécessaire, pourvu que vous ayez soin de le servir fidèlement, par
une très-exacte observance. Faites, ma très-chère fille, qu'elle règne dans
votre maison, et toutes sortes de biens y abonderont.
Quant à madame de
Faverolle, ce n'est pas une bonne conséquence pour lui donner l'entrée chez
vous, que de dire qu'elle est bienfaitrice d'une de nos maisons. Si néanmoins,
sous ce [251] titre-là, vous pouviez lui accorder son désir, sans que cela tire
à conséquence pour d'autres dames qui ne manqueront pas de demander la même
gratification, j'en serais bien aise à cause de sa vertu ; car il n'y a
point de doute que sa présence contribuera à l'édification de votre
maison ; mais prenez bien garde à ne désobliger personne pour favoriser
celle-là. [Plusieurs lignes illisibles.]
Voilà ce que sans
loisir je vous puis dite, venant de recevoir par homme exprès la nouvelle de
l'heureux trépas de mon fils de Toulonjon. Loué soit Dieu de tout ! Priez pour son
âme et pour celle de ma fille de Chantal ; c'étaient de vrais enfants en
amour pour moi. J'adore mon Dieu et embrasse de tout mon cœur ses volontés
toutes saintes ! Je suis de cœur tout à vous. Au nom de Dieu, ma
très-chère fille, vivez selon l'esprit de notre Bienheureux Père, et nos Sœurs
aussi que je salue. Oh ! que je désire que nous soyons les vraies filles
de ce grand Saint !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [252]
À TURIN
La Sainte est prête à se rendre aux désirs de Son Altesse,
mais ne peut le faire sans l'autorisation de Mgr de Genève.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, octobre 1633.
Monseigneur,
Je recevrai toujours
les volontés de Votre Altesse Sérénissime, et celles de Mesdames les Infantes,
avec l'honneur et soumission que je leur dois ; et autant qu'il sera en
mon pouvoir, leur rendrai une très-humble et parfaite obéissance. Mais,
Monseigneur, vous savez la dépendance que notre condition religieuse nous donne
à notre prélat. C'est pourquoi, si Votre Altesse désire et Mesdames ses Sœurs,
de favoriser ce petit Institut le faisant passer en Piémont, il sera requis de
lui en faire parler de votre part, Monseigneur, afin qu'avec la bénédiction et
mérite de la sainte obéissance religieuse, nous puissions avec toute
promptitude et respect exécuter les désirs et commandements de Votre Altesse
Sérénissime, à laquelle nous souhaitons le comble de toutes saintes
prospérités. Et, lui faisant la très-humble révérence, je demeure en toute humilité,
Monseigneur, votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Gênes. [253]
À NANCY
Avantages de l'état de parfait dénûment.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Dieu vous bénisse,
ma très-chère fille, pour les bonnes nouvelles que vous m'écrivez de la
convalescence de ce bon prélat, et Dieu bénisse la Mère de toutes les chères
filles qui ont tant prié pour lui ! Je vois dans votre lettre les traits
de la Mère et delà fille ; mais Dieu, qui voit tout, sait que je
corresponds et à l'une et à l'autre en toute sincérité. Cette première Mère [P.
J. Favrot], qui est la fille de mon cœur, s'assure bien de la fidélité de notre
alliance, encore que pour ce coup je ne lui veux point écrire.
Revenons à vous, ma
très-chère fille, que j'aime plus que je ne puis dire. Reposez en paix dans
votre nudité ; bienheureux sont les pauvres, car Dieu les revêtira !
Oh ! que nous serions [254] heureuses si nous avions le cœur nu de tout ce
qui n'est point Dieu, et que nous aimassions cette nudité et pauvreté !
Être là sans lumière, sans goût, sans sentiment de bien, privée de toute
connaissance, et sans nulle satisfaction ni secours des créatures, que cet état
est bon ! O ma fille ! quand l'âme se trouve en ce point, que
peut-elle faire, sinon, comme un petit oiseau tout déplumé, se cacher. et se musser
sous l'aile de sa bonne mère la Providence et demeurer là retirée, sans
oser sortir, de crainte que le milan ne l'attrape ? or voilà donc maintenant
le lieu de votre refuge. Que sauriez-vous craindre là ? Où pourriez-vous
mieux être ? Quel plus riche vêtement que d'être couverte à l'abri de la
très-douce et paternelle Providence de votre Père céleste ? Demeurez là,
toute contente de posséder cet unique trésor. — Vous savez, ma fille, que vous
êtes dans mon cœur, en un lieu d'où jamais personne ne vous déplacera. Votre,
etc. [255]
À BLOIS
Nous devons, à l'exemple de Notre-Seigneur, souffrir en
esprit d'humilité. — Ne considérer que Dieu en ses Supérieures. — Devoirs des
Sœurs déposées.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma
très-chère fille,
Vos lettres me font
grande compassion pour vous voir parmi tant de souffrances ; mais je ne
vois pas pourtant qu'il soit expédient de vous tirer encore de cette maison, la
Mère étant telle, crainte que par votre absence, il n'y arrive du mal. Ains je
crois, ma très-chère fille, qu'il est très-nécessaire que vous pratiquiez
fidèlement cet attrait que vous me dites en votre dernière lettre, que vous
souhaitez de vivre dans un profond rabaissement, pour imiter plus parfaitement
le divin Sauveur, qui se soumit non-seulement à son Père, mais encore à ses
enfants et à ses créatures, lesquels ne lui firent pas de bons traitements,
mais, comme vous savez, lui causèrent une infinité de mépris, d'opprobres et de
souffrances, qu'il supporta sans jamais s'en plaindre. Si donc vous avez le
courage, ma très-chère fille, de souffrir tout ce qui se présentera à vous, en
esprit d'humilité, de douceur, de patience et de silence, je crois
véritablement que vous rendrez votre âme toute sainte par cette voie, que vous
ferez un service très-agréable à la divine Majesté, et de grande utilité à
l'Institut et à votre maison particulièrement.
Je ne voudrais pas
prendre garde à ces petites choses que vous me marquez : que la Mère ne
lave pas la vaisselle, et qu'elle ne balaye pas. Je lui dirais bien une fois en
passant avec humilité ; mais quand vous remarquerez les choses importantes,
dites-lui avec esprit de douceur et d'amour, et tâchez de gagner son [256]
cœur ; car si une fois vous le possédez, vous en ferez tout ce que vous
voudrez, et il faut que vous fassiez tout ce qui vous sera possible pour cela,
ma très-chère fille ; et non-seulement pour gagner son cœur à elle, mais
encore celui de toutes les Sœurs, afin que si Dieu vous donne assez de vie,
vous puissiez après son triennal remettre cette maison-là en bon état.
Oh ! ma
très-chère fille, il faut que de ma main, comme de tout mon cœur, je vous
conjure de faire tout ce qui vous sera possible pour apaiser ce mal.
Voyez-vous, ma fille bien-aimée, je crains que vos Sœurs anciennes ne veuillent
faire les contrôleuses : je le collige de
leurs lettres, et que l'humilité et respect leur manquent envers la Mère.
Certes, quand une Sœur, quelle qu'elle soit, est dans la charge de Supérieure,
il lui faut rendre les mêmes devoirs et sujétions que nous faisions à la
précédente ; autrement nous faisons voir que nous n'avons point de vertu
et que nous ne regardons pas Dieu en la créature, comme nous le devons faire.
Bref, il faut honorer et obéir aux Supérieures tandis qu'elles portent la
charge ; et ne l'ayant plus, il nous les faut chérir comme Sœurs et nous
tenir les plus humbles que nous pourrons, sans nous mêler de rien que le moins
qu'il se pourra ; que s'il est requis de faire quelque avertissement, ce
soit avec tant de respect et charité qu'il ne gâte rien. Et enfin, comme nous
voulions que l'on traitât envers nous, étant en charge, il faut faire le même à
celles qui la portent.
Je vous assure, ma
très-chère fille, que j'ai tant de douleur, quand je sais que les Mères élues
et les Sœurs déposées ne s'accordent pas, que rien ne me saurait plus
fâcher ; car je vois clair comme le jour que cela ne procède que de défaut
d'humilité, et que ce malheur apportera la ruine de la paix, de l'observance,
et de la bonne estime des maisons où il sera. Dieu y mette sa bonne main.
Croyez que si je vis par delà mon triennal, que je me résous de me tenir si
basse et si ignorante des affaires de la maison que je ne donnerai ombrage à
personne. Si je voyais [257] quelque mal, oh ! certes, je le dirais avec
toute douceur et humilité, et puis m'en tairais si l'on n'y mettait ordre, jusqu'à
la visite que je le représenterais simplement au Supérieur, sans l'agrandir ni
l'exagérer. Pour conclusion, ma très-chère fille, laites tout ce que Dieu vous
suggérera pour le bien de cette maison et pour sa paix. La charité accommode
tout. J'écris une bonne lettre à la Supérieure. Recevez ce que je vous dis,
comme parlant d'un cœur qui ne désire que le bien, et qui est tout vôtre.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
À MOULINS
Il faut aimer incessamment Celui qui ne peut jamais être
assez aimé.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 12 octobre [1633].
Que dirai-je à votre
bonté, sinon que tous les jours plus, ce me semble, je me sens intimement
portée à révérer et chérir ce que Dieu a mis en vous, et à vous souhaiter toute
fondue dans son divin amour ? Car, puisque la souveraine Providence vous a
avantagée d'un naturel et d'une disposition si capables d'aimer, et a retiré à
soi les objets qui vous occupaient, pour vous attirer toute à Lui, oh Dieu !
ma très-chère Madame, aimez, aimez incessamment, fortement et tendrement Celui
qui ne peut jamais être assez aimé. Votre cœur est fait pour cela, Madame, et
je supplie Celui qui l'a créé pour une fin si excellente, de le porter jusqu'à
l'extrémité de son plus saint et pur amour, auquel je suis de cœur et par mille
devoirs, Madame, votre très-humble, très-obligée servante en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Quel travail permis les jours de dimanche et de fête. —
Dans quel cas la Supérieure peut dispenser du jeûne. — Regrets de la mort de
Sœur A. L. de Verdelot. — Projet de fonder un second monastère à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 24 octobre [1633].
Ma très-chère fille,
Votre bonne Sœur est
bien heureuse, puisqu'elle a vécu et est morte si saintement et vertueusement
que nous avons tout sujet d'espérer en la bonté et miséricorde de Dieu qu'elle
est allée jouir de Lui. J'ai fait une communion pour elle, me semblant que je
lui devais cela, tant pour sa vertu particulière qu'encore à votre
considération. Je le crois bien, ma chère fille, que votre bon cœur a vivement
ressenti la séparation de cette bonne Sœur ; mais je crois aussi que ç'a
toujours été dans son amoureuse soumission à la volonté de Dieu, qui fait et
ordonne tout pour notre mieux.
Quant à vos
demandes, ma très-chère fille, si l'on ne continue pas à faire des petites
besognes les fêtes et dimanches comme de plier des linges et couper des
bouquets pour l'autel, et remettre à balayer quelque office, je vous dirai que
c'est chose qui ne s'est jamais pratiquée céans. Pas pour en faire coutume, on
peut plier une serviette pour l'autel, si l'on en a besoin sur-le-champ, et
qu'on n'ait su prévoir cela dès le samedi ou veille de la fête, et de même
balayer les offices nécessaires, comme le réfectoire, la chambre de
l'assemblée. Mais de remettre à balayer les autres offices et plier du linge,
pour employer le temps le samedi à d'autres choses, il se faut bien garder de
le faire, car cela ne serait pas bien. Et pour ce qui est des autres ouvrages
dont il faut avoir permission pour [259] y travailler les fêtes, il me semble
que je le dis ès Réponses.
Quant à ce que vous
dites aussi, si la Supérieure n'a pas le pouvoir de dispenser ses Sœurs des
jeûnes de l'Eglise, je vous dis que non, ma chère fille, si ce n'est en cas de
nécessité présente et pressante : comme si une Sœur avait un accès de
fièvre un jour de jeune ou qu'elle rejetât son dîner et semblables occasions,
il n'y a point de doute qu'elle en peut dispenser ; car notre Bienheureux
Père ne dit-il pas dans un Entretien que pour une vraie nécessité les
Supérieures peuvent dispenser de quelques-uns des commandements de l'Eglise ?
Mais si une Sœur, par exemple, ne peut jeûner le Carême ou les vigiles pour un
ordinaire, il faut que cela se fasse par l'avis du médecin, et que la
Supérieure sache de lui si en vérité la Sœur ne peut pas porter le jeûne. Il
faut encore, outre cela, que la Sœur en parle à son confesseur, parce que les
Supérieures ne se doivent pas charger des péchés des autres ; et la Règle
ne dit-elle pas tout clair qu'il faut que ces choses-là se fassent par l'avis
des médecins ? — Au surplus, pour ce que vous demandez, si la Supérieure
ne peut pas faire confesser les Sœurs à quelque confesseur qu'elle jugera à
propos, lorsque le confesseur ordinaire est malade ou absent, sans en parler au
Père spirituel, qui en doute, ma chère fille, que cela ne se puisse et doive
faire ? Gardons bien notre sainte liberté, et ne prenons pas des sujétions
ès choses où nous ne les devons pas prendre, autrement nous ne nous en
trouverions pas bien.
Il faut maintenant
que je vous dise, ma très-chère fille, comme j'ai vivement ressenti la perte
qu'a faite votre maison par le trépas de notre bonne Sœur Anne-Louise [de
Verdelot], parce que non-seulement votre maison, mais encore tout l'Institut, a
perdu en cette chère défunte une Sœur qui en avait le vrai esprit, et de
laquelle la conduite eût été grandement utile à sa conservation. Mais enfin
c'est Dieu qui a fait ce coup ; c'est pourquoi nous n'avons qu'à adorer
humblement sa sainte [260] volonté en lui soumettant les nôtres. Cette chère
âme était un fruit mûr, et partant Notre-Seigneur l'a cueillie pour la loger,
comme je crois, en son saint paradis. — Je vous prie, ma très-chère fille, de
faire saluer M. et madame de Coulanges de ma part. Ce marchand nous a si fort
surprises qu'il ne me donne le loisir de leur écrire ; mais je vous prie
nous mander un peu de leurs nouvelles et de celles de Mgr de Bourges, lequel je
crois être à Ferrières, et partant je ne lui écris pas pour ce coup, n'en ayant
aussi le loisir.
Au surplus, ma
très-chère fille, je pense que je ne vous ai pas encore dit comme nous sommes
ici dans le dessein de faire une seconde maison, pour avoir le moyen de loger
quantité de très-bonnes filles que nous ne pouvons recevoir faute de
place ; mais cela, nous l'entreprenons sur la Providence et confiance en
Dieu, qui est bien le meilleur et plus solide fondement qu'on saurait avoir.
Mais il faut pourtant qu'avec toute confiance je vous dise que nous avons
seulement cent florins dans notre layette, pour l'achat des places et du
surplus qu'il nous faut pour cela ; et en parlant au bon Père dom Maurice,
il nous a dit que vous et ma Sœur la Supérieure du faubourg pourriez bien nous
faire avoir une couple de filles, entre vous deux, qui auraient quelque bonne
dot, comme deux mille écus chacune, pour nous envoyer ; ce qui certes nous
viendrait bien à point pour nous aider en ce commencement. Et partant, si vous
nous pouvez procurer cette charité, vous nous obligerez fort, pourvu que les
filles soient bonnes, car autrement nous n'en voudrions point ; et qu'il
n'y en ait que deux, parce que cette seconde maison est pour loger les filles
de ce pays. — Au surplus, le Père dom Maurice nous a dit merveilles de votre
maison, et que vous avez de fort braves filles : certes, c'est là la plus
chère consolation que je puisse recevoir ; et ce m'en est une particulière
de voir la bonté et confiance que votre cher cœur continue au mien. Certes,
vous avez sujet de vous tenir très-humble [261] devant Dieu pour les
assistances et grâces que sa douce miséricorde vous fait, et pour votre
particulier et pour le général. Je le supplie de vous les continuer et de
répandre sur vous et toutes nos Sœurs l'abondance de son saint amour. Je vous
salue toutes de tout mon cœur et la chère sœur madame de Villeneuve. Je suis
vôtre sans réserve.
[P. S.] Le Père dom Maurice ayant ouï votre Office,
l'a trouvé fort bien ; mais il m'a dit que nos Sœurs de la ville le disent
sur un ton extrêmement haut et celles du faubourg fort bas, ce qui m'a fait
résoudre de vous prier les unes et les autres de vous modérer, et que celles qui
le disent trop haut le rabaissent, et celles qui disent trop bas le rehaussent
aussi.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À RIOM
Une Religieuse doit être indifférente au blâme et à la
louange. — À Annecy, chaque Sœur n'a pas à son usage particulier tous les
livres de saint François de Sales. — Justification de la Mère Favre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma très-chère fille,
Il me semble qu'il
n'était point besoin que vous prissiez la peine de me répondre sur ce que je
vous avais écrit ; car, pour moi, quand j'ai dit une chose, je n'y pense
plus, et surtout pour ce qui ne regarde que le temporel, parce qu'il me semble
que nous autres Religieuses ne nous devons pas beaucoup amuser après ces
petites choses-là.
Je vous mandais que
je pensais que la fondation de Metz vous aurait apporté du soulagement, parce
que ma Sœur la [262] Supérieure m'écrivit que l'on prendrait mille écus de dot
d'une novice que vous aviez, pour faire cette fondation, et que cela
n'incommoderait pas beaucoup votre maison, et je le crus ainsi. Quant à ce que
vous me dites que je n'ai pas voulu que vous me rendissiez compte du temporel
de votre maison, hélas ! ma chère fille, c'est parce que je suis
maintenant en un âge, et parmi des accablements d'incommodités et d'affaires où
j'aurais peut-être bien peine de prendre le loisir pour voir cela. Et quand je
l'aurais vu, il n'en reviendrait aucun profit ; car il me semble qu'il n'y
a grand honneur ni déshonneur pour nous autres Religieuses, qu'on dise que nous
sommes ménagères ou que nous ne le sommes pas. Au moins ne m'offenserais-je pas
si on disait que je ne le suis point ; et quand je verrais que vous l'êtes
bien, je ne vous en estimerais pas davantage pour cela. Que si néanmoins j'ai
dit ou écrit quelque chose qui vous ait pu fâcher, je vous en demande pardon,
ma très-chère fille. Mais j'ai bien répondu sur ce qu'on me mande de
quelques-unes de nos maisons où elle avait passé, qu'on avait remarqué qu'elle
n'avait pas beaucoup de conduite pour le temporel, je dis qu'on avait touché au
blanc. Mais croyez-moi, ma très-chère fille, que celles qui vous ont redit ou
écrit tout ce que vous me marquez pour ce sujet, et encore ce que vous me dites
de la délicatesse au manger, sont peut-être elles-mêmes la cause qu'on leur ait
fait ces demandes-là, par des paroles qu'elles peuvent avoir dites, qui ont
donné sujet à tels propos. C'est pourquoi je ne les voudrais pas entièrement croire,
puisqu'elles ont cette infidélité à Dieu et à leurs Sœurs, que de redire ce qui
ne sert qu'à refroidir la charité que nous devons avoir les unes pour les
autres.
Au surplus, ma
très-chère fille, pour ce qui est de pourvoir votre maison d'une Supérieure,
certes, je suis bien d'avis que, puisqu'il n'y a point de filles propres pour
cette charge, au moins de quelques années, vous y persévériez le plus que vous
[263] pourrez ; car nos filles de ce pays de Savoie sont trop simples et
grossières pour aller gouverner en ce pays-là, comme vous savez. Mais vous
pourrez regarder entre toutes celles que vous savez qui sont déposées en
l'Institut, laquelle vous jugerez plus propre pour servir utilement votre
maison, en cas que vous n'y puissiez plus porter le fardeau. — Quant à ce que
vous dites, ma chère fille, s'il faut donner tous les livres de notre
Bienheureux Père à chaque Sœur en particulier, c'est une chose que je sais qui
se pratique en quelques-unes de nos maisons et que je ne désapprouve pas ;
mais je ne la fais pourtant pas pratiquer ici. Nous faisons bien donner le
livre des Entretiens aux Sœurs que je vois qui ont besoin de se bien former
selon l'esprit de l'Institut, parce que c'est le moyen de le bien prendre que
de pratiquer ce livre-là, et beaucoup de Sœurs l'ont céans pour leur
lecture ; mais celles à qui nous faisons donner d'autres livres pour leur
lecture n'ont pas celui des Entretiens. Tant de livres ne sont pas nécessaires,
puisqu'il faut peu de science, mais beaucoup de pratique ; et nos bonnes
Sœurs, vos filles, ont bien tort de ne se pas soumettre à votre jugement en
cela.
Vous pouvez bien
croire que oui, ma chère fille, que je sais le voyage de Paris à Nevers, Mgr de
Genève l'ayant commandé sur la déclaration que les médecins ont faite de l'absolue
nécessité qu'avait cette bonne Mère [Favre] de prendre ce remède, auquel elle
avait bien de la répugnance, parce qu'il fallait sortir de son monastère pour
cela. Mgr de Paris l'ayant encore commandé, il a fallu obéir, et cela s'est
fait par le conseil de tant de personnes de signalée piété, comme de M. Le
Blanc, vicaire général de Mgr de Paris, de [S. Vincent de Paul] Père spirituel
de ces deux maisons-là, de Mgr de Bourges, de M. le commandeur de Sillery et de
plusieurs autres amis de l'Institut, que je pense qu'enfin ceux qui s'en sont
moqués, la moquerie leur en demeurera dessus ; car, comme dit Mgr de
Genève quand il conclut qu'elle y devait aller : « Il y a bien de
[264] la différence entre sortir pour aller en une autre de vos maisons boire
des eaux dans le monastère et sortir pour aller aux bains. » Nous pouvons
bien aller en une de nos maisons pour de moindres sujets, que celui de la
conservation d'une personne utile à un Ordre, comme est cette bonne Mère à
l'Institut. Je ne sais pas si c'est selon les Constitutions canoniques ;
mais je crois qu'il n'est nullement contre celles de notre Institut. — Au
reste, ma chère fille, vous avez fort bien rencontré à ne pas croire que
j'eusse approuvé le voyage de Metz à Nancy, car j'ai bien écrit le contraire ;
mais je n'ai point su que ma Sœur la Supérieure de Nancy fût allée à Metz. Je
pense bien que, de vrai, elle doit aussi bien savoir le chant de notre Office
que celle de Metz.
Voilà, je pense,
votre lettre répondue, ma toute chère fille ; mais ne voulez-vous pas bien
que je vous dise, selon ma confiance ordinaire, qu'il me semble apercevoir dans
votre lettre certain dégoût et mécontentement de notre bonne Sœur la Supérieure
du faubourg ? Et cela procède, je pense, des petits rapportements qui, comme
renardeaux, détruisent la vigne, ou du moins ôtent la suavité de la charité.
Mon Dieu ! ma fille, tenons nos esprits au-dessus de tout cela, et
apprenons à ces âmes caqueteuses qu'elles doivent, selon leur Règle, appliquer
leur esprit, leurs paroles et tout leur être à l'amour de leur souverain Époux,
auquel je suis invariablement tout à fait vôtre de cœur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [265]
À BESANÇON
La force de résister aux tentations nous vient de la seule
bonté de Dieu ; s'abandonner sans réserve à sa divine volonté.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 29 octobre 1633.
Ma très-chère fille,
Je ne puis
m'empêcher de vous témoigner la consolation que j'ai reçue de voir la franchise
avec laquelle vous m'avez ouvert votre cœur, lequel j'ai toujours aimé, et
l'aimerai tant que je vivrai. Je vois que Notre-Seigneur l'a un peu voulu
éprouver par la tribulation, en laquelle néanmoins Il vous a tenue de sa sainte
main, de quoi vous le devez bien remercier et reconnaître cette faveur de sa
seule Bonté. Toutes les saisons de l'année se retrouvent donc en votre âme, ma
très-chère fille ; car l'hiver est déjà passé, le printemps est venu, et
j'y vois aussi quelque bon fruit de l'été, qui est cette résignation et totale
dépendance de la volonté de Dieu, à quoi toutes les vraies Religieuses doivent
tendre, en s'abandonnant entièrement à sa conduite dans la parfaite soumission
à l'obéissance, qui est celle
qui nous signifie en toutes choses la volonté de Dieu. Et persévérant à le
servir comme cela, et dans cette reconnaissance que vous avez du bien et de la
grâce de votre vocation, vous attirerez sans doute les divines miséricordes
toujours plus abondamment. C'est ce que je vous souhaite de toute mon
affection, vous demeurant pour jamais, ma très-chère fille, etc.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy. [266]
SUPÉRIEURE À NANCY
Regrets de ne pouvoir la secourir dans ses embarras
pécuniaires. — On ne doit pas s'imposer une violente contrainte pour se tenir
attentive à la présence de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma très-chère fille,
Dieu soit béni, qui
a rétabli Mgr votre digne évêque en bonne santé. Dieu le remplisse de son
Saint-Esprit, et lui donne la force et la grâce de le répandre dans tous les
cœurs que Dieu a commis à son soin ! — Je suis marrie de ce que vos
affaires ne s'avancent point ; mais il n'y a remède, ma très-chère fille.
Le doux Jésus, sa sainte Mère, avec le glorieux saint Joseph, à mon avis,
n'étaient pas mieux logés que vous. Patience, confiance ! et fidélité à
chercher le royaume de Dieu par l'exacte observance, et vous verrez les effets
du secours de la divine Providence. J'écris à nos Sœurs [de Pont-à-Mousson]
qu'elles fassent effort de vous secourir. Si nous avions le moyen de le faire,
certes, ce serait de grand cœur ; mais nous sommes dans l'impuissance. Je
pense que partout il y a de la misère et du sujet de souffrir la pauvreté.
Priez Dieu qu'il lui plaise avoir pitié de son peuple, et de convertir leurs afflictions temporelles en
bénédictions éternelles.
Je le bénis d'avoir
ouvert vos yeux intérieurs à sa divine lumière : suivez-la fidèlement, car
vous ne sauriez avoir une guide pour vous conduire plus assurément, et n'y a
rien à douter, tandis que vous demeurez dans la totale dépendance de sa
Providence. Que vous serez heureuse de tenir votre âme en sa divine présence et
à vos observances ! Mais prenez garde de bander votre esprit pour
l'assujettir à la continuelle présence de [267] Dieu, car cela est dangereux.
Il vous doit suffire, attendant que la grâce vous attire, de retourner
fréquemment votre esprit et votre pensée en Dieu,. et cela sans effort,
suavement et doucement. Pour les distractions, il ne faut que la patience et la
fidélité à s'en détourner.
Disons un mot de
votre Père spirituel : tâchez de lui donner à connaître ce que c'est que
l'esprit de votre vocation et de l'en bien instruire, afin que dans les visites
il n'arrive rien qui ne maintienne la paix.
CONSEILLER DU ROI AU PARLEMENT DE BOURGOGNE
Affliction et générosité de la Sainte à la mort de ses
enfants.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 7 novembre 1633.
Monsieur mon très-cher et très-honoré cousin,
Il faut que je vous
avoue que je me suis trouvée bien éloignée de la perfection en laquelle vous me
croyez, dans les afflictions dont il a plu à Dieu me visiter ; car j'en ai
vraiment été touchée, comme de la séparation de deux personnes qui m'étaient
très-chères ; néanmoins j'ai dit et dirai toujours de tout mon cœur,
moyennant la grâce divine, en tous les événements de douleur et d'affliction
qu'il plaira à Dieu m'envoyer : Que son saint Nom soit béni ! C'est
une chose si incertaine et si ordinaire que la mort des hommes que cela ne nous
doit point étonner ; ce sont des fruits de cette misérable vie que Dieu
permet nous arriver, afin que nous y dépouillant de tout ce qui nous y peut
être de plus cher, nous n'y voulions ni cherchions que son bon plaisir, dans
l'espérance qu'il nous donnera un jour sa très-sainte et [268] désirable
éternité. C'est le souhait que mon cœur fait pour le vôtre, mon très-honoré
cousin, avec autant de zèle que je suis d'une affection très-entière et
sincère, votre très-humble et très-affectionnée, etc.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy.
LETTRE
MCCLXXVI - À MADAME JAQUOTOT
À DIJON
Même sujet.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 7 novembre 1633.
Madame ma très-chère et très-honorée cousine,
Je vous remercie de
tout mon cœur de la condoléance que vous me témoignez sur le trépas de M. de
Toulonjon et de ma fille de Chantal, lequel j'ai ressenti comme la privation de
deux personnes qui m'étaient vraiment très-chères. Mais, qu'y a-t-il à dire, ma
très-honorée cousine, puisque c'est Dieu qui a fait ce coup et qui a voulu
gratifier ces chères âmes, en les retirant de ce misérable pèlerinage, dans
lequel nul ne doit se promettre aucun vrai contentement ? Oh ! qu'ils
sont heureux d'avoir cet avantage par-dessus nous, et que je me sens obligée à
votre bonté d'avoir ressenti mon affliction avec tant de tendresse !
Continuez-moi, je vous en prie, l'assistance de vos saintes prières, comme je
ne manquerai aussi à supplier Notre-Seigneur qu'il vous comble, et tous mes
très-chers petits cousins et cousines, vos enfants, de l'abondance de ses plus
précieuses grâces, comme étant de mes plus intimes affections, Madame, votre
très-humble cousine et servante.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy. [269]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Affaires diverses. — La question du Visiteur sera soumise
au Pape.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 9 novembre 1633
Ma très-chère fille,
Ces bonnes dames
Religieuses sont toutes auprès de vous : certes, un peu de bon loisir chez
vous leur ferait grand bien. C'est une grande charité que d'aider à telles
bonnes œuvres. Saint Bernard, sans doute, a bonne intelligence avec notre
très-saint Père, de vouloir que ses filles aident ainsi aux siennes ; ce
nous est un grand honneur envers Dieu, ma très-chère fille. Elles ont raison
d'admirer notre manière de vie : tout y est aimable. Je les salue en tout
respect, et certes j'aurais grande consolation de les servir. Assurez-les de ma
très-humble affection et obéissance.
Le Père Prieur des
Feuillants a des lettres assurément ; certes celles des hommes ne sont
quasi qu'affaires. Mais, ô Dieu ! ma fille, l'admirable livre que ces
Épîtres [de saint François de Sales] ! — Ma fille, nous ferons changer les
pistoles de Gènes que vous avez, entre-ci un mois ou deux ; sera-ce assez
tôt ? — Je pense que vous ferez bien de continuer nos deux Sœurs en leurs
charges, et faire économe notre Sœur A . F. Cela la dégourdira et rendra plus
ouverte pour la faire directrice après. — Le bon Père dom Juste est sur son
départ pour Rome, à ce qu'il écrit.
Je vous prie,
dites-moi votre sentiment sur ces divers avis touchant le Visiteur, si je ne
ferais pas bien d'en faire juge le Pape ; car je ne désire pas qu'on lui
demande, mais qu'on lui propose pour en avoir son avis. Cela, me semble, nous
ôterait de [270] scrupule de tous côtés, puisqu'en terre nous n'avons point de
plus assuré moyen pour connaître la volonté de Dieu que celui-là. Au moins,
notre Bienheureux Père, aux choses grandes et douteuses, disait qu'il fallait
rapporter là pour connaître la volonté de Dieu assurément, qui est tout ce que
nous cherchons. Et faut que je vous dise [une chose], mais à vous seule :
un jour, comme je remettais cette affaire entre les mains de saint Augustin et
de notre Bienheureux Père, afin que Dieu en fît connaître sa volonté par
quelque voie, j'entendis distinctement que ce serait par celle du Pape, qui
était notre chef en terre ; cela m'accoisa fort, et je demeurai dès lors
tout en repos. Je vous dis ceci simplement, ma fille, mais c'est à vous aussi,
de sorte que depuis, j'ai pensé qu'il fallait prendre l'avis du Saint-Père.
Répondez-moi votre sentiment, après l'avoir humblement considéré devant Dieu.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Prudente conduite à tenir envers une personne qui est dans
l'illusion. — Miracles opérés par saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma très-chère fille,
J'écris cette lettre
où je n'ose vous donner l'avis de voir toutes les lettres que cette fille écrira. Vous le devez faire après qu'elle
les aura cachetées. Il vous la faut prendre avec une force cordiale, la faire
marcher le train commun et lui dire que si elle veut que vous croyiez en ses
visions, qu'elle vous fasse voir quelque chose d'extraordinaire. Faites-la
parler à [271] quelque Père d'expérience et confiance, si vous en avez là... Enfin,
si elle vous demeure, faites tout ce que Dieu vous inspirera pour la détromper.
Je ne crois pas qu'elle le fasse par force, mais sous le prétexte de quelque
dévotion. Ayez patience. Faites que quelque Sœur de confiance l'attire et lui
témoigne de l'amour, de la compassion et la fasse parler, et vous verrez
bientôt quel esprit c'est. Elle se coupera d'elle-même.
L'écrit que vous
nous avez envoyé de la petite de Saint-Chamond serait bien un beau miracle,
s'il était bien prouvé. Il s'en est fait un grand en notre maison de Paris. —
Au reste, vous nommez toujours Réponses l'éclaircissement des
commémorations. Cela n'est nullement de mon cru, car je suis tout à fait
ignorante en ces choses, et ne les sais que quand je les vois. Les Petites
Coutumes ne sont non plus des Réponses ; tout cela est simplement ce qui
se pratique ainsi en ce monastère. Ne leur donnez donc pas ce nom-là, car il ne
convient pas, ains comme il est titré. — Oh ! que je suis touchée de notre
bon Père Maillan ! c'est une âme parfaitement à mon gré. Je suis tant
lasse de cette vie, que je trouve qu'il faut avoir bon courage pour y demeurer.
L'on parle fort d'aller en Piémont ; mais je ne sais que c'en sera. Dieu
conduise tout à sa gloire. — Notre Sœur d'Avignon m'écrit qu'elle vous propose une
petite fondation, que je trouve prou considérable. Je voudrais que vous la
puissiez faire avec celle de Bordeaux. Je suis lasse, les affaires m'accablent.
Dieu soit mon soutien et notre seule et unique vie. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À CHAMBÉRY
Assurance de dévouement et de prières.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 15 novembre [1633].
Madame,
Suivant ce que nos
chères Sœurs de Chambéry m'ont mandé, que vous désirez savoir l'état des
affaires de M. votre mari, par le moyen de Mgr le prince, j'en ai parlé à Mgr
de Genève, qui s'est employé fort volontiers pour en parler à Mgr le prince,
lequel lui a témoigné qu'il ne savait pas l'état présent des affaires de M.
votre mari, et qu'il était porté de bonne volonté pour lui, mais qu'il voudrait
qu'il ne se rendît pas si sensible, ni si tendre envers ceux qu'il pense
l'avoir contrarié. Peut-être qu'un mot d'avis que vous pourrez donner sur ce
sujet à M. votre mari profiterait beaucoup. Nous voudrions bien pouvoir le
servir en cette affaire ; Dieu sait de quel cœur nous nous y
emploierions ! Mais au moins le faisons-nous en le recommandant
journellement à Notre-Seigneur, à ce qu'il lui plaise de lui donner et à vous,
Madame, une heureuse issue de cette affaire, et vous faire jouir tous deux des
saintes consolations que vous souhaite celle qui est d'une entière affection,
Madame, votre, etc.
Conforme à une copie gardée à la Visitation de Chambéry. [273]
PRÉVÔT DE LA CATHÉDRALE DE GENÈVE, À LYON
Projets du commandeur de Sillery pour la publication des Œuvres
de saint François de Sales ; on désire que ses Épîtres soient
traduites en latin.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 24 novembre 1633.
Monsieur mon très-cher et très-honoré cousin,
Vous m'êtes si bon
que vous me pardonnerez bien si je vous vais un peu distraire de la sérieuse et
fidèle application que vous apportez à votre tant aimable et bénite
besogne ; mais c'est pour vous dire seulement que le Père dom Maurice la
trouve parfaitement excellente, et dit qu'usera grandement utile qu'elle soit
imprimée en français. Il désire avoir les papiers que vous avez laissés, et je
ne les lui veux pas donner sans votre licence. — Travaillez de plus en plus,
mon cher cousin, pour ce cher et Bienheureux Père qui a tant travaillé pour
vous. J'ai certain sentiment de cœur tout à fait grand que votre travail sera
utile à la gloire de Dieu, et de grande consolation [274] aux siècles avenir et
aux provinces éloignées, à cause de la fidèle exactitude avec laquelle vous
marquez toutes les actions et les emplois de cette précieuse vie, qui a été si
bien employée au service de Dieu ; de plus, que vous avez dressé comme un
fonds et un directoire véritable, naïf et sincère, que les écrivains pourront
ci-après suivre pour écrire à la louange de ce grand homme, que Dieu, par sa
grâce, a rendu un si grand Saint. M. le commandeur de Sillery a de grands
desseins pour la gloire de Dieu et l'honneur de ce sien serviteur. Je crois
qu'il désirera que vous lui donniez des pièces que vous avez entre les mains,
et que vous lui aidiez en certaines choses ; car il désire écrire ou faire
écrire pour notre Bienheureux. Je me tiens tout assurée de votre bonté, mon
très-cher cousin, que vous contribuerez aux désirs de ce bon seigneur, avec
toute la franchise et cordialité de votre digne cœur. En vérité, il le mérite,
car il est incomparable en affection pour notre Bienheureux ; il ne
respire, ce me semble, que cela. Et je vois de plus en plus que Dieu donne une
réputation si universelle à son [275] très-humble serviteur, que tout le monde
est avide de voir ce qui porte le nom ou seulement la marque de l'esprit du
bienheureux François de Sales. Quelques personnes de grand mérite m'ont dit que
je vous devais prier de mettre en latin les Épîtres de ce Bienheureux ;
qu'il n'y a personne au monde qui fît mieux cela que vous ; que ce serait
rendre un service signalé à l'Eglise et aux bonnes âmes. Mais de cela nous en
parlerons à loisir. — Au reste, la chère Mère de Bellecour m'écrit qu'elle est
toute glorieuse du bonheur qu'elle a de vous tenir un peu là. Je m'assure aussi
que vous lui faites l'honneur de la gratifier de votre particulière
bienveillance ; elle le mérite certes, outre que c'était la chère cadette
de notre Bienheureux. Et moi, quoique indigne, je suis de cœur, votre, etc.
SON COUSIN, À DIJON
Consolantes dispositions dans lesquelles sont morts la
baronne de Chantal et le comte de Toulonjon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 30 novembre 1633.]
Il est vrai, mon
très-bon et très-cher cousin, qu'il me serait impossible, ce me semble, de dire
à Notre-Seigneur que c'est trop ; car la douceur de sa Providence ne lui
permet pas de nous charger par-dessus les forces qu'il nous donne. J'adore de
tout mon cœur la bénite main qui nous frappe et baise ses verges, confessant
que nos afflictions sont mêlées de tant de bénédictions que nous avons plus de
sujet, selon l'esprit, de bénir et de remercier notre très-bon Père céleste,
que de nous [276] affliger de nos pertes ; car ces chères âmes qui ont
quitté cette vie pour en commencer une meilleure ont vécu si vertueusement dans
leur condition, et sont parties avec tant de résignation au bon plaisir de Dieu
et tant de constance et confiance chrétiennes, qu'elles nous ont laissé tout
sujet d'une solide consolation, en l'espérance de leur bonheur et repos
éternel.
Hélas ! mon
très-cher cousin, qu'y a-t-il d'aimable en cette vie, sinon l'attente d'un
trépas favorable, par le moyen duquel nous allions jouir de Dieu ? Certes,
j'ai devant les yeux, avec suavité, la représentation de la sainte disposition
de ma très-chère cousine. votre mère. Oh ! qu'elle est heureuse cette
bonne et chère âme ! car je crois qu'elle s'en ira droit entre les mains
de la divine Bonté, que je supplie être la consolation de tous ses chers
enfants, mais particulièrement de vous, mon très-bon et cher cousin, auquel je
souhaite incessamment la paix, douceur et suavité du Saint-Esprit. Je n'ai su
savoir si vous aviez reçu celle que je vous écrivis au printemps dernier ;
je serais marrie qu'elle se fût perdue.
Voilà que je viens
de recevoir nouvelle que ma fille vient, et a passé le mont Cenis
heureusement : elle espère être ici une partie de l'hiver ; je la
recommande à vos prières, et notre bon prélat, qui a été fort malade. Oh !
que cette vie fournit bien des occasions de douleurs ! — Mon très-cher
cousin, je suis et serai sans fin et d'une affection incomparable, votre
très-humble cousine et servante.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy. [277]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Elle se réjouit du bon état de la communauté de
Montpellier. — Arrivée de madame de Toulonjon à Annecy. — Convalescence de Mgr
de Genève.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, décembre 1633.]
Ma bonne et vraiment
très-chère fille,
Croyez que vos
lettres ont été reçues de grand cœur, et qu'il me tardait bien d'avoir de vos
nouvelles ; car ce m'est toujours une toute particulière consolation quand
j'en reçois. — Pour ce qui est de votre temporel, je ne m'en mets en
peine ; vous avez un si bon père qui a soin de vous, qu'il ne permettra
pas que rien vous manque. Je ne sais si je pourrai lui écrire cette fois ;
car je suis tellement accablée, et de lettres et d'autres affaires, que j'ai
prou peine à y fournir. — Je suis bien aise que vous ayez entrepris la moitié
de votre bâtiment : c'est un trait de courage et de générosité que j'aime
bien ; car pour le pain, ma très-chère fille, il ne manquera jamais aux
âmes qui cherchent Dieu. Le Fils de Dieu s'est engagé de parole à cela, il n'en
faut point douter.
Certes, je suis
consolée plus que je ne puis vous dire de voir le bon état de votre
maison ; mais plus particulièrement les bonnes nouvelles que vous me dites
du spirituel, que nos Sœurs se soient si bien avancées en la perfection. De
vrai, ma chère fille, les âmes qui servent Dieu et qui ne tâchent pas
continuellement de s'avancer en la vie et la vérité de leur vocation, montrent
bien qu'elles ont peu de courage, et se rendent indignes des bénédictions que
Dieu répand ordinairement sur celles qui cheminent fidèlement en leur voie. Je
prie sa divine [278] Bonté qu'il leur fasse la grâce d'y persévérer de plus en
plus.
Pour ce qui est de
vos offices, je pense que vous ferez fort bien de laisser encore cette année la
charge d'assistante à ma Sœur Gasparde-Angélique, à cause de votre déposition,
et pourriez mettre au noviciat ma Sœur Anne-Marguerite ; et cependant ma
Sœur M. -Renée aura cette année pour s'affranchir et se rendre plus capable
pour exercer la charge d'assistante l'année qui vient. Vous la pourrez faire
première surveillante, et la faire encore économe ou portière, qui sont des
charges plus importantes. Enfin, ma très-chère fille, je trouve que vous
disposez fort bien de vos Sœurs. — Je vous dis derechef que ce m'est une
très-grande consolation de savoir le bon train où elles marchent toutes ;
car si bien il y en a quelques-unes qui ont bien de la besogne à faire,
puisqu'elles goûtent l'oraison, c'est la bonne marque, et le signe assuré que
Dieu leur donnera le courage de parachever l'œuvre qu'elles ont commencée. Mais
ce qui me console le plus, c'est de savoir celles que vous avez emmenées si
bien unies avec vous ; car c'est une chose tout à fait nécessaire pour
attirer beaucoup de bénédictions sur une maison commençante, laquelle pourtant
ne se trouve pas partout.
Je crois bien ce que
vous dites que, quand vous serez à votre nouvelle maison, vous aurez grand
nombre de filles ; car les parents font grande considération là-dessus, et
les filles mêmes quand elles ne sont pas courageuses. — Il est vrai que je ne
vous ai pas écrit dès le départ de M. de Vallat, n'en ayant eu la
commodité ; car croyez, ma très-chère fille, que si je vous écrivais aussi
souvent que j'en aurais envie, vous recevriez de mes lettres assez fréquemment.
Mais je sais bien que vous ne pensez pas que ce soit faute de bonne volonté, ni
d'affection envers vous, non plus que je ne pense pas que vous en manquiez
envers moi quand je ne reçois pas des vôtres, n'en ayant [279] reçu qu'une
depuis le départ de M. de Vallat qui fut presque tout aussitôt après. — J'ai
oublié de vous dire ci-dessus que je ne suis point souvenante d'avoir ouï dire que
ce bon Père Barnabite passât vers vous ; car non-seulement je vous aurais
écrit de tout mon cœur, mais encore plusieurs de nos Sœurs. Pour le paquet
d'Arles qu'il vous remit, il le prit à Chambéry ou ailleurs ; car nous
n'écrivîmes nulle part par lui, sinon à nos Sœurs de Valence.
Il faut que je vous
avoue que je suis encore si attachée aux affections naturelles, que j'ai
vivement ressenti le trépas de ma pauvre fille de Chantal, car je l'aimais
parfaitement, parce que c'était une bonne âme, et de même celui de M. de
Toulonjon, lesquels, je pense, moururent tous deux dans quinze jours. Je vous
remercie, ma très-chère fille, des prières que vous avez faites pour eux ;
c'est tout ce que je désire que leurs âmes soient soulagées par les prières. Ma
fille de Toulonjon est ici, laquelle, dans la violence de son affection, a
ressenti sa perte avec une douloureuse affliction. Elle fait état de passer ici
l'hiver avec ses deux enfants, cela veut dire un fils de trois mois, et une
fille qui a environ douze années. Je la recommande à vos prières. — J'écrirai à
ma Sœur la Supérieure du faubourg, pour la recommandation que vous désirez qui
soit faite en votre faveur à madame la duchesse.
Je suis bien aise
que madame de N. ait son entrée en votre monastère ; c'est une dame dont
j'ai eu l'honneur d'avoir la connaissance autrefois, et de laquelle, je suis
assurée, vous n'en recevrez que consolation et bonne édification. — Enfin Mgr
de Genève, après avoir été trois mois affligé de maladie, est maintenant en
fort bonne convalescence, par la grâce de Notre-Seigneur, ne lui restant plus
que quelques faiblesses ; mais il est si vigoureux qu'il n'en fait point
d'état. Vous aviez bien raison, ma très-chère fille, de croire que j'en avais
de la douleur ; car je vous assure que j'étais aussi malade de cœur comme
il était [280] de corps. — Nos Sœurs écrivent toutes nos nouvelles à votre
communauté. Et moi je vous dis que nous sommes sur le point de commencer une
seconde maison en cette ville, pour la retraite d'un grand nombre de bonnes et
vertueuses âmes qui poursuivent, lesquelles nous ne pouvons plus recevoir
céans, étant quarante Religieuses. Nous avons déjà acheté les places pour
bâtir, sur les créances de céans, et avons trois cents florins en bourse pour
meubler la maison et faire toutes nos provisions. Priez Dieu qu'il les
accroisse.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À CHAMBÉRY
Affaires d'intérêt.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 12 décembre 1633.
Madame,
L'assurance que l'on
nous donna l'année passée, de votre part, que vous désiriez payer entièrement
le reste que votre bonté doit à ce monastère, nous donne la confiance, dans la
nécessité où nous sommes, non-seulement de vous en ressouvenir, mais de vous
conjurer, au nom de Dieu, Madame, de vouloir bien nous faire cette charité,
laquelle, dans l'état, où nous sommes maintenant (dans l'engagement de
plusieurs dépenses extraordinaires pour la gloire de Dieu et l'édification du
prochain), nous ne la recevrons pas avec moins de reconnaissance et de
gratitude envers vous, que si vous nous la faisiez par pure aumône. C'est
pourquoi, Madame, nous vous conjurons derechef qu'il vous plaise nous aider de
cette partie, [281] pour nous tirer un peu de la peine où nous sommes, en
laquelle rien ne nous presse tant que deux cents ducatons, que nous sommes
obligées de donner à M. le sénateur Ducrest pour le mois prochain, parce que
nous nous voyons dans l'impuissance de les pouvoir trouver, si votre bonté et
piété, Madame, ne nous secourent, comme nous l'en supplions très-humblement, et
la prions et conjurons derechef, pour l'amour de la très-sainte Vierge, à
laquelle vous avez une toute particulière dévotion, et encore par notre
Bienheureux Père, pour lequel aussi je sais que vous avez un amour cordial et
révérencieux, de ne nous pas éconduire en cette occasion, laquelle nous touche
de près, puisqu'elle nous nécessite à vous écrire de la sorte ; ce que
nous faisons avec d'autant plus de confiance, que nous nous tenons si assurées
de l'honneur de votre bienveillance, que nous croyons assurément qu'encore que
vous ne nous dussiez pas ce peu que nous vous demandons, vous ne laisseriez de
nous en assister, dans l'extrême besoin où nous sommes.
Et pour conclusion,
je vous dis, ma très-chère et honorée dame, qu'il faut que sans remise vous
nous tendiez la main cette fois, ainsi que nous vous en prions et que nous
l'espérons de votre bon et très-digne cœur, pour lequel nous offrirons
incessament à Dieu nos petites prières, afin qu'il lui plaise le combler de
l'abondance des plus riches trésors de sa grâce. C'est le souhait de celle qui
est et sera invariablement, Madame, votre très-humble, etc.
Extraite du Procès de canonisation de la Sainte. Archives
de la Visitation d'Annecy. [282]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Sentiments de la Sainte sur la maladie et la guérison de
Sœur M. -Alix. — Ne pas déranger le prévôt de Genève pendant qu'il écrit la Vie
de son Oncle. — Convalescence de Mgr Jean-François. — Il ne faut pas ajouter
foi aux bruits malveillants répandus contre le deuxième monastère de Paris.
[Annecy, 1633.]
VIVE † JÉSUS !
Ma très-chère fille,
Enfin loué soit Dieu
qui a, par votre moyen, opéré la guérison de cette pauvre Sœur M. -Alix. Si
c'est miracle ou si ce ne l'est pas, je n'en sais rien 3 mais je vous dirai
bien que la même chose lui arriva ici, où elle me dit qu'elle eut une vision de
saint Joseph et de notre Bienheureux Père, et fut entièrement délivrée sans qu'elle
eût aucune de ces fariboles plus d'un an durant qu'elle demeura céans, et
elle persévéra dans sa paix encore plusieurs mois, depuis qu'elle fut retournée
à Grenoble ; mais il lui arriva depuis tant d'affaires en ce monastère-là,
qu'elle retourna comme auparavant. Je crois certes que vous ferez une grande
charité si vous la pouvez garder jusqu'à ce que ma Sœur la Supérieure de
Grenoble n'y soit plus ; car elle se laisse si fort préoccuper l'esprit
par les sentiments de ce bon Père pour ce qui regarde cette petite que cela
gâte tout. Il faut que je vous dise ce petit mot en riant : quoique
j'estime ce bon Père un grand serviteur de Dieu en toutes choses, si ne puis-je
pas m'empêcher de voir qu'avec notre peu d'expérience, nous avons mieux connu
la vérité de ces choses-là de bien loin, que lui qui en était fort près ;
car il est vrai que cette petite a un esprit fort fin ; et le temps
qu'elle fut céans depuis sa guérison, je n'y reconnus pas pour cela beaucoup de
dévotion.
Si Mgr votre bon
cardinal vous va voir, je pense qu'il sera [283] difficile de vous exempter de
lui dire quelque chose du mal et de la guérison de cette petite, laquelle vous
ferez très-bien de maintenir dans le train de la communauté. Elle est bien un
peu infirme, c'est pourquoi je crois qu'elle aura besoin de quelques petits
soulagements ; mais sa plus grande nécessité est, à mon avis, d'établir
bien en son cœur une sainte et filiale crainte de Dieu, et une vive
appréhension de ses divins jugements. Je crois que ma Sœur la Supérieure de Chambéry
vous aura écrit ce qu'elle connaît de cet esprit. Il est vrai que, quand je fus
à Grenoble, je remarquai quelque chose en elle qui me fit croire qu'elle avait
l'imagination gâtée ; mais enfin, pour savoir si sa délivrance est
miraculeuse, vous en croirez ce que ces Pères vous en diront, après que vous
leur aurez dit ce qui arriva céans avec ce qui lui est arrivé chez vous ;
car des Pères Barnabites estimaient que ce fût un miracle que sa délivrance
quand elle fut ici. Je serais bien aise de savoir quelles prières particulières
nos Sœurs ont faites pour elle.
Quant à M. le
prévôt, certes il a beaucoup d'occupations ;
c'est pourquoi, je vous prie, ne le sollicitez pas tant de vous prêcher, mais
laissez-le un peu reposer. Nous n'avons eu qu'un ou deux sermons de lui pendant
tout le temps qu'il a travaillé à la Vie de notre Bienheureux Père ; et
puis vous avez là tant d'autres prédicateurs, que vous lui pouvez bien laisser
employer son temps à sa sainte besogne. Je suis bien aise que vous l'ayez trouvé
à votre gré, car il est bien fort au mien. Mgr se porte assez bien,
c'est-à-dire il ne sent point de mal et on croit qu'il soit guéri ; mais
il lui est demeuré une si grande faiblesse de jambes qu'il en est contraint de
demeurer souvent au lit. Il fut ici dire la messe le jour de Toussaint ;
mais véritablement les larmes me vinrent aux yeux quand je le vis, car [284] il
est si fort déchu, et tellement pâle, maigre et défait, qu'il me semble quasi
la mort. Néanmoins on croit qu'il se remettra tout à fait avec un peu de loisir
et de temps. Au reste, il a une si grande reconnaissance des présents que vous
lui avez envoyés, qu'il a voulu que je vous en remerciasse encore, ce que je
fais de tout mon cœur. Et j'ai été bien aise que vous lui ayez envoyé quelque
chose pour son soulagement, excepté en ce qu'il y avait de l'excès
véritablement ; car quand vous lui eussiez envoyé un pot de mirabolans la
moitié aussi grand que celui que vous mandez, il eût été suffisant, et la
moitié ou le quart des noix avec quelques autres petites choses ; mais
c'est que vous êtes splendide à merveille.
Au reste, je ne
savais rien qu'il y eût un pot de mirabolans pour moi, jusqu'à ce que je l'aie
trouvé derrière un rideau en notre chambre où on l'avait caché ; mais
certes si je savais qui vous a fait faire cela, je les en mortifierais. J'ai
demandé à ma petite secrétaire si ce n'était point elle, et elle m'a répondu
que [cela] pourrait bien être, de quoi je lui ai donné un petit coup bien serré
sur son nez, et vous en ferai bien autant à vous si vous y retournez
plus ; car il y en a prou là pour dix ans. Je ne sais pas seulement si je
vous en veux remercier, tant vous me fâchez en cela ! — Je vous prie de
faire saluer M. le prévôt de ma part, et lui dire que je suis bien aise [de
savoir] que ses presses font merveille, et que je ne lui écris pas pour ne pas
le surcharger de lectures ni d'écritures. — Je crois que vous avez maintenant
la présence du bon Père dom Maurice, que je vous prie de ne guère garder. —
Nous vous envoyons treize quadruples et deux demi-pistoles d'Espagne, que je
prie instamment de faire tenir par voie sûre à ma Sœur la Supérieure d'Orléans,
avec cette lettre qui y est jointe. — Nous ferons brûler toutes ces
informations et papiers de niaiseries, s'ils ne le sont. — Je voudrais que l'on
dît en particulier ce que l'on désapprouve du faubourg ; car toutes ces
généralités [285] ne sont que paroles ; et, pour vous dire [ma pensée
intime], je crains que cela ne vienne d'une fâcheuse fille qui est là
dedans ; car enfin le Visiteur, qui est un homme de probité et de prudence
très-grandes, m'assure que tout y va parfaitement bien. Certes, il en doit
savoir des nouvelles plus assurées que tous ceux qui écrivent. Le bon Père dom
Maurice en sait bien des nouvelles : secouez-le un peu sur ce sujet, et
m'écrivez ce qu'il vous dira ; mais il l'affectionne grandement. N'oubliez
de lui donner l'argent. Bonsoir, ma toute chère fille ; certes, je suis
bien inquiétée.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Mépris du monde ; amour de la volonté de Dieu. —
Diverses recommandations.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 21 décembre [1633].
Ma très-chère fille,
Mon Dieu ! que
nous serions heureuses si nous étions tout à fait hors des faveurs du
monde ; car y aimant la volonté de Dieu, ce serait le moyen de nous faire
entrer plus avant dans sa grâce, de laquelle une once vaut mieux que non pas
cent mille mondes : j'eusse été bien aise néanmoins que vous m'eussiez dit
le sujet qui vous donne maintenant cet exercice. Et pour conclusion de ce
point, ma très-chère fille, je prie Dieu qu'il nous fasse la grâce de nous
tenir toujours pour les plus petites, les moindres et les plus basses ;
car cette bassesse nous est uniquement propre, et si nous en conservons l'esprit,
Dieu nous protégera et nous confirmera aussi. — C'est un grand cas que des
choses du monde, comme elles vont : j'ai écrit et récrit à Chambéry et à
Grenoble pour avoir cette bénite [286] obédience, sans que j'en aie eu aucune
réponse ; peut-être la vous enverront-ils par delà. J'en attendrai des
nouvelles pour vous en écrire plus amplement. Mais cependant faites bien savoir
à Mgr le cardinal que ce n'est pas par ma négligence qu'elle est retardée.
Ma fille vous écrit
qu'elle vous portera son argent. Le Père dom Maurice vous écrit, et vous prie
de prendre soin de faire faire cette lame de laquelle il écrit à M. le prévôt,
lequel je vous prie de faire saluer très-humblement de ma part. Le Père dit que
vous lui devez quelque argent et que vous payiez la lame là-dessus. — Je crois
que maintenant vous avez vu le marchand de Paris qui vint avec le Père dom
Maurice, lequel vous aura remis toutes nos lettres. Ma fille vous prie de faire
tenir promptement et sûrement les siennes. Le divin Sauveur naisse, s'il lui
plaît, dedans nos cœurs, par un renouvellement et accroissement de son saint
amour, auquel, certes, je suis vôtre d'une manière nonpareille. — Jour de saint
Thomas.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
PRIEURE DES CARMÉLITES, À TROYES
Joie de penser qu'au ciel on se reconnaît. — Remercîments
de la bienveillance que les Mères Carmélites témoignent aux Religieuses de la
Visitation de Troyes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1633.]
Ma très-chère et très-honorée mère,
Je supplie notre
débonnaire Sauveur de faire abonder dans votre âme les délices de son saint
amour ! Puisqu'il plaît à sa Bonté de me laisser encore dans cette pénible
et chétive vie, et m'y donner la consolation de savoir comme votre digne cœur
[287] me continue sa dilection, il faut que je me donne le contentement de vous
dire que c'est une douce pensée que celle que la très-sainte foi nous donne,
que, dans les délices immortelles que l'incompréhensible bonté de Dieu a
préparées à ses enfants, ils se reconnaîtront et se souviendront des
particulières consolations et utilités de leurs saintes amitiés. Faites par vos
saintes prières, ma très-chère Mère, et celles de vos dévotes Sœurs, que mes
ingratitudes ne me privent pas de ce bonheur.
J'ai su par nos
bonnes Sœurs qui sont à Troyes, combien de consolation et de profit spirituel
elles ont reçu de la faveur que vous leur fîtes de les faire entrer dans votre
monastère, et de leur parler avec un cœur tout suave et maternel. Je vous en remercie, et de tant d'autres
charités et assistances que votre charité leur fait ; aussi certes,
sont-elles bien vos filles ; et je vous supplie de leur continuer vos bons
avis, car je leur mande qu'à leurs besoins elles recourent à vous en toute
confiance. Ah ! si j'avais encore une fois ce bonheur, combien tendrement
nous embrasserions-nous, ma très-chère Mère, et combien de suavité recevrait
mon esprit de communiquer en toute sincérité et franchise avec le vôtre !
Je ne mérite pas cette grâce, Je demeure d'une affection incomparable, votre,
etc. [288]
SUPÉRIEURE À NEVERS.
Témoignage rendu à la communauté de Nevers par la Mère
Favre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, décembre 1633.]
J'ai été bien aise
de voir par votre lettre, ma très-chère fille, la continuation du bon état de
votre maison, sur laquelle je prie Dieu de répandre toujours plus abondamment
les grâces de son Esprit. Ma Sœur la Supérieure du faubourg Saint-Jacques [de
Paris] en a aussi rendu bon témoignage. Je suis consolée de la sainte
édification que vous et toutes vos Sœurs avez reçue de la présence de cette
bonne Mère, et des charités que vous me marquez qu'elle a faites à votre
sacristie : je suis assurée qu'elle ferait davantage si sa condition le
lui permettait, car elle a vraiment un grand cœur quoique très-humble, et qui
fait franchement et cordialement ce qu'elle fait.
Pour ce qui est du
clos que vous avez acheté, il ne faut qu'un peu de patience, puisque, comme
vous me le dites, vous en serez quitte pour un peu d'argent. Je suis bien aise
de vous voir dans la résolution de commencer à bâtir, car ce m'est une
consolation très-grande quand je vois que les Supérieures ont le courage
d'entreprendre de loger leurs Sœurs, et nous voyons journellement que la divine
Providence pourvoit toujours le nécessaire à cette générosité. Voilà, ma
très-chère fille, tout ce que je vous puis dire maintenant, sinon que je
supplie Notre-Seigneur de vous combler, et toutes nos chères Sœurs que je salue
cordialement, des grâces et mérites de sa Nativité, vous remplissant des grâces
et vertus que ce divin Sauveur nous enseigne dans la crèche. C'est le souhait
de celle qui est d'un cœur et d'une affection invariable, ma très-chère fille,
votre, etc.
Extraite de la fondation du monastère de Nevers. [289]
ANNÉE 1634
À PARIS
Souhaits de bonne année. — Témoignage d'une invariable
affection.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, janvier 1634.]
Monsieur mon très-honoré frère,
Ne faut-il pas qu'à
ce commencement d'année je vous reconfirme l'immortelle résolution et affection
que j'ai de vous honorer et chérir parfaitement tant que je vivrai, et toute
votre bénite famille, et qu'après avoir présenté à Dieu mes désirs et mes vœux
pour le bonheur de tous, je vous les offre aussi, mon très-cher frère ? Je
le fais de tout mon cœur, vous assurant que mon intention est devant Dieu pour
vous souhaiter incessamment les plus riches grâces de son saint amour, et je
supplie sa Bonté que mon indignité ne l'empêche pas de m'octroyer ce qu'à votre
faveur je lui demande, puisque la Providence n'a mis entre mes mains autre
moyen de vous servir, et témoigner le souvenir que j'aurai à jamais des
obligations que je vous ai et qui s'accroissent journellement, par le soin et
bienfait paternel que votre bonté exerce auprès de notre chère petite
orpheline. De vous la recommander, mon très-cher frère, ce serait chose
superflue ; je prie Dieu seulement qu'il lui conserve longuement votre
sage conduite et celle de ma très-chère sœur, demeurant d'une affection
incomparable, etc. [290]
SUPÉRIEURE S BESANÇON
Prière de contribuer aux dépenses de la béatification de
saint François de Sales, et d'envoyer deux Religieuses à Annecy, pour aider à
la fondation du second monastère.
Annecy, 7 janvier 1634.
VIVE † JÉSUS !
Ma très-chère fille,
Je dois la réponse à
une des vôtres, ne m'étant pas hâtée de la faire, parce que je n'y voyais rien
qui pressât. Je suis néanmoins bien aise de me servir de cette bonne occasion
pour y satisfaire, et vous dire que les affaires de notre Bienheureux Père sont
en fort bon état. Le Père dom Maurice est ici, qui a apporté la procédure de
Paris et d'Orléans, laquelle est fort belle et bonne : il a vu aussi celle
d'ici qu'il trouve parfaitement bonne, et les miracles beaux et bien prouvés,
ce qui lui en fait espérer une fort bonne issue. Il fait état de partir sur la
fin de ce mois, pour s'aller joindre au Père dom Juste à Turin, et, de là,
partir pour Rome. Je sais, ma très-chère fille, que votre affection est si
entière pour ce Bienheureux Père que vous ne manquerez de bien prier Dieu et
faire prier par nos Sœurs, et encore par de bonnes âmes de votre connaissance,
afin qu'il plaise à sa Bonté de faire réussir cette bénite affaire bientôt pour
sa gloire, ainsi que nous l'espérons. L'on nous dit que, dès que l'affaire sera
à Rome, il faudra quantité d'argent pour en faire les poursuites ; c'est
pourquoi je vous demande, ma très-chère fille, ainsi que je ferai à tous nos
autres monastères, ce que vous pourrez contribuer pour cette sainte œuvre. Je
sais que, par la grâce de Dieu, votre maison est assez commode ; vous nous
ferez savoir ce que Dieu vous inspirera pour cela. Nous avons déjà donné pour
ce commencement quinze cents écus, ce qui nous a [291] grandement épuisées, et
même n'y aurions-nous pu fournir si nos deux maisons de Lyon ne nous eussent
aidées chacune de deux cents écus, lesquelles nous ont promis encore chacune
quatre cents livres. Mon désir en ceci est que toutes nos maisons regardent ce
qui sera de leur petite portée, et fassent ce que Dieu leur inspirera ;
car c'est son œuvre, pour laquelle néanmoins il faut user de prévoyance, afin
que, faute d'argent, elle ne soit pas retardée ; vous me ferez donc savoir
votre volonté sur ce sujet, je vous en prie.
Il faut que je vous
dise, ma très-chère fille, comme il y a eu ici un bon et honnête homme de votre
pays, par lequel nous avons appris beaucoup de vos nouvelles, desquelles j'ai
été extrêmement consolée, spécialement de ce qu'il a dit qu'il n'y avait point
de maison religieuse dans Besançon qui fût plus aimée, estimée, ni de meilleure
odeur que la vôtre ; que tout y allait si bien, et pour le dedans et pour
le dehors, que l'on en recevait une très-grande édification ; que vous
avez un Père spirituel si sage, honorable et de bonne réputation, un confesseur
si modeste et rempli de piété et de vertus que chacun en est édifié. Vous êtes
bien heureuse d'avoir si bien rencontré ; car les personnes de telles
conditions sont de riches trésors pour nous, d'autant qu'il s'en trouve
rarement ; aussi, quand Dieu nous en a pourvues, nous devons bien tâcher
de les maintenir. Nous en pouvons parler par expérience ; car depuis la
mort de notre bon et vertueux M. Michel, nous n'avons encore point pu trouver
de confesseur qui eût toutes les conditions requises, et nous sommes
contraintes de nous servir de la charité des Pères Barnabites pour nos
confessions, et de faire dire nos messes à un jeune ecclésiastique de la ville.
Cet honnête homme a dit encore que vous aviez acheté une maison où vous faisiez
bâtir à force ; mais de ceci je ne l'ai pas cru facilement parce que vous
ne m'en dites rien, et que vous m'aviez écrit que vous étiez sur le point
d'acheter une place. [292] Je serais pourtant bien aise de le savoir et en quel
quartier ; car je ne veux pas m'imaginer que ce soit en la maison que vous
teniez de louage, à cause des notables incommodités que vous m'aviez écrites,
sur lesquelles il me semble vous avoir dit mon sentiment. Nous serons bien
aises de savoir où c'est, à votre première commodité ; car je suis si
consolée quand nos Sœurs les Supérieures font bâtir leurs monastères, que rien
plus.
Nous voici
maintenant sur les projets de faire une seconde maison en cette ville, pour la
retraite d'un grand nombre de bonnes âmes qui la désirent, et nous avons déjà
une partie des places pour commencer le bâtiment. Et, ma très-chère fille,
puisque vous me dites que Mgr votre archevêque est toujours ferme à ne vous pas
donner licence pour faire une nouvelle fondation, si vous nous pouvez faire la
charité de nous adresser deux filles de par là qui fussent bonnes et qui
eussent chacune deux mille écus de dot, ou plus s'il se pouvait, vous feriez
une grande charité pour nous aider un peu à ce commencement- car nous
entreprenons cette petite maison sans aucun fondement temporel, ains sur la
seule Providence divine. Je vous dis ceci, ma très-chère fille, parce que je
sais bien que votre bon cœur fera cordialement ce qu'il pourra, puisque c'est
pour une œuvre qui regarde la gloire de Dieu, lequel je supplie, de toutes les
forces de mon âme, faire abonder sur vous et sur toutes nos chères Sœurs, que
je salue cordialement avec vous, le comble des plus riches trésors de sa grâce,
étant, mais de cœur invariablement, ma très-chère fille, votre très-humble,
etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [293]
À MOULINS
Assurance de respectueuse affection. — Les épreuves de
cette vie sont des échelons par lesquels Dieu nous fait monter à la
bienheureuse éternité.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Madame,
La lettre dont il a
plu à votre bonté de m'honorer a tellement touché et attendri nos cœurs, que
nous en avons versé quantité de larmes. Nous n'avons rien en notre pouvoir de
plus utile à votre consolation, que d'offrir à la divine Majesté la communion
générale de cette communauté, afin qu'il lui plaise de vous octroyer, par les
mérites de son Fils Notre-Seigneur, les consolations et soulagements intérieurs
et extérieurs nécessaires et utiles au bien et au repos de votre âme. Et je
vous assure, Madame, que nous ne vous oublierons jamais devant Dieu, et que
nous continuerons à faire de fréquentes communions à votre intention, et de
prier notre Bienheureux Père de vous impétrer, par la force de ce divin
sacrement, les délicieuses et suaves bénédictions et consolations qu'il
contient en soi. C'est par ce seul moyen que nous pouvons vous témoigner le
singulier respect et dilection que Dieu nous a donnés pour vous, Madame, à qui
nous nous sentons autant obligées, que si nous jouissions déjà des effets
absolus de votre bonne volonté.
Que si
Notre-Seigneur retarde l'exécution de vos saintes pensées et désirs, ne croyez
pour cela de lui être désagréable ; au contraire, vous devez vous assurer
qu'il le fait pour votre plus grand profit spirituel, afin d'enrichir votre âme
d'une constante patience et soumission à la conduite que sa Providence tient
sur vous. Vous verrez un jour cette vérité, Madame, que toutes [294] les
afflictions et traverses que Dieu a permis vous arriver en cette vie, seront
les échelons par lesquels sa sagesse vous fera monter à la bienheureuse
éternité. Vous n'avez donc besoin, ma très-chère dame, que de vous bien
abandonner entre les bras miséricordieux de ce très-bon Père céleste, et lui
confier le soin de votre personne et de toutes vos affaires, ne vous réservant
que celui de lui plaire et de le bien servir, en tout ce qui vous sera
possible.
Pardonnez-moi,
Madame, si je vous parle avec tant de franchise ; certes, le sentiment
intérieur que j'ai pour votre consolation m'a poussé ces paroles au dehors.
Dieu vous soit favorable en tout et partout, ma très-honorée dame, et vous
fasse sentir la grandeur de son saint amour, en remplissant votre cœur, que je
supplie encore de pardonner à ma longueur, et de croire que d'une affection
incomparable et pleine d'honneur, je suis et serai sans fin, Madame, votre,
etc.
DUC DE SAVOIE, À TURIN
La Sainte implore son intervention pour l'établissement'
d'un second monastère à Annecy, et dit que la Règle ne permet pas de dépasser
le nombre de trente-cinq ou quarante Religieuses.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Jamais, Monseigneur,
je n'eusse osé prendre la hardiesse d'écrire à Votre Altesse Royale, si l'on ne
m'en eût pressée, et assurée que sa débonnaireté ne l'aurait point désagréable.
C'est pour la supplier très-humblement nous octroyer cette grâce, de faire
savoir à Messieurs du Sénat et à ceux de cette ville sa volonté absolue
touchant l'érection du second monastère de [295] notre Ordre [à Annecy] ;
car, Monseigneur, le Sénat de cette ville n'a pas voulu entériner les patentes
qu'il a plu à Votre Altesse Royale nous donner pour cela ; sur lesquelles
et sur les assurances que le bon Père dom Juste nous a données plusieurs fois
de la bonne volonté de Votre Altesse en ce sujet, nous avons acheté au faubourg
de La Perrière, par l'avis de Mgr de Genève, des vergers qui sont en très-bon
air et spacieux, mais infertiles, pour bâtir le monastère, chose qui n'a pas
plu à ceux de cette ville qui nous voulaient qui d'un côté, qui d'un autre,
selon les désirs de nous vendre leurs places et maisons. À quoi ne pouvant
acquiescer, ils se sont roidis et fait quelque brigue, à ce que l'on dit, pour
empêcher le fait de cette bonne œuvre, que je proteste en toute vérité à Votre
Altesse Royale, Monseigneur, n'avoir été entreprise que pour la seule gloire de
Dieu, en la retraite des filles qui aspirent à la vie religieuse, et pour le
soulagement des familles de ce pays, en leur donnant, dans quelques années,
deux maisons dans lesquelles elles puissent loger leurs filles, et cela par les
dispositions de la divine Providence, qui inspire nos maisons de France et de
Bourgogne à nous aider pour le bâtiment. Nous ne désirons pas néanmoins plus
ample privilège, pour doter [ce nouveau] monastère, que celui dont il a plu à
Votre Altesse Royale de gratifier celui-ci, n'étant, par la grâce de
Notre-Seigneur, nullement désireuses de les enrichir des biens périssables de
cette vie.
Mgr le prince Thomas
se témoigne très-affectionné à l'érection de cette seconde maison, parce que
Mgr a vu la petitesse de celle-ci en bâtiments et jardins, et l'impuissance de
s'y agrandir ; sur quoi Messieurs du Sénat et ceux de cette ville disent
qu'il faut donc faire un monastère si grand, que nous y puissions recevoir tant
de filles que l'on voudra, et puis faire démolir celui-ci, proposition,
Monseigneur, que Votre Altesse Royale jugera être tout à fait inrecevable.
Aussi aimerions-nous mieux mourir que d'y acquiescer, puisque ce couvent est la
source [296] et le chef de tout notre Ordre, et qu'il a été consacré par notre
saint Fondateur qui l'a choisi pour sa sépulture, et qu'il a planté la première
pierre au nom de madame la Sérénissime Infante duchesse de Mantoue. Outre ces
raisons, Monseigneur, nous ne pouvons, selon l'ordonnance de la Règle, être en
chaque monastère plus de trente-cinq ou quarante Religieuses, au fin plus. Nous
ne disons rien à Votre Altesse Royale des choses que ceux de cette ville ont
avancées contre nous, par des requêtes et réponses indignes, parce qu'ils sont
en cela très-dignes de commisération et particulièrement de toutes les
personnes d'honneur et mieux sensées d'Annecy. Il n'y a [pas] un seul chef qui
ne soit palpablement contre la vérité ; ce que je ne voudrais pour chose
quelconque assurer à Votre Altesse Royale, s'il n'était ainsi.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À POITIERS
Tendre intérêt pour le nouveau monastère de Poitiers. —
Reconnaissance des bontés dont l'abbesse de Sainte-Croix a comblé les Sœurs
fondatrices.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 20 janvier 1634.
Ma très-chère fille,
Ce m'a été un grand
sujet de louer Dieu de vous savoir si heureusement arrivées à Sainte-Croix, particulièrement voyant le grand et bon
accueil avec lequel vous avez été reçues de ces [297] dames de Sainte-Croix.
J'attends de savoir plus particulièrement votre établissement, bien que je sois
très-consolée de voir comme ce commencement a si heureusement réussi. Mais ce
qui me contente plus, c'est la bonté de Mgr l'évêque ; car, ayant un tel
prélat, je vous estime trop heureuses. Vous m'excuserez, s'il vous plaît, si je
n'écris pas à madame de Sainte-Croix, car je ne la connais pas ; et, outre
cela, je suis dans un âge et dans un accablement d'affaires qui m'ôtent tout à
fait la force et le loisir de faire toutes les condescendances que je
désirerais bien. Mais en celle-ci, ma très-chère fille, vous êtes plus capable
que moi pour lui rendre vos reconnaissances, et lui donner toute la
satisfaction que sa piété lui saurait faire requérir de vous.
Nous avons fait bien
soigneusement la neuvaine que vous nous aviez écrit ; Dieu la rende utile
à sa gloire et au désir de cette bonne et vertueuse dame. C'est tout ce que je
puis dire maintenant, attendant plus amplement de vos nouvelles. Dieu répande
sur vous [ses bénédictions] et sur votre chère petite troupe, que je salue
cordialement avec vous, et supplie Notre-Seigneur vous combler toutes des plus
riches trésors de sa grâce. Je suis en Lui, d'une affection invariable, ma
très-chère fille, votre très-humble et indigne sœur et servante en
Notre-Seigneur.
Sœur Jeanne-Françoise Frémyot,
Vôtre de tout son cœur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [298]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Elle la félicite de son heureuse arrivée à Bourges.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 20 janvier 1634.
Ma très-chère fille,
Ce n'est que pour
faire la fête de votre bonne arrivée à Bourges, et m'en réjouir avec vous,
n'ayant rien à vous dire de plus, d'autant que je n'ai point reçu de vos nouvelles
depuis celle qui m'annonçait votre heureuse arrivée, et la commune consolation
que vous avez reçue, ma Sœur la Supérieure de Poitiers et vous, par la cordiale
et sainte franchise de vos bons cœurs l'une envers l'autre, laquelle je vous
conjure de continuer, et de bien servir cette maison-là, je veux dire avec
humilité et une parfaite douceur et patience, et vous verrez que Dieu vous
bénira. C'est tout ce que je vous souhaite, n'ayant autre chose à vous dire
pour le présent, sinon que je prie Dieu vous combler et toutes nos Sœurs de ses
plus saintes et désirables bénédictions, étant du cœur que vous savez que Dieu
m'a donné pour vous, ma très-chère fille, votre, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [299]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Sollicitude pour la santé de cette Mère. — Contradictions
que rencontre la fondation du second monastère d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 20 janvier 1634.
Ma très-chère fille,
Il est vrai certes,
je le confesse, que j'ai demeuré un peu longtemps sans vous écrire, mais il
faut que vous me le pardonniez, comme je sais que votre bon cœur fera fort
franchement ; et quand je ne vois rien de nécessaire ni qui presse à
écrire, je m'en dispense désormais assez facilement. Vous aurez néanmoins reçu
une de mes lettres, que je vous ai écrite il y a quelque temps, et qui est la
réponse de toutes les vôtres précédentes, tellement que je ne vous suis
redevable maintenant que de la vôtre dernière, en laquelle encore je ne vois
rien qui requière réponse, sinon en un point qui me met extrêmement en peine,
et c'est que vous me dites que vous êtes devenue fort faible ; car j'en
voudrais bien savoir la cause, et je vous prie, ma très-chère fille, de me la
dire.
Si je ne savais que
vous êtes en un lieu où les choses requises à vous faire recouvrer votre
première santé ne vous peuvent manquer, je m'empresserais bien fort à écrire
que l'on prît tout le soin qu'il est possible pour aider cela ; mais
sachant que vous les pouvez avoir avec toute facilité, je crois que je n'ai
besoin sinon de vous prier de laisser faire ce qui sera jugé nécessaire pour
votre soulagement, afin que vous vous puissiez bientôt remettre, s'il plaît à
Notre-Seigneur de vous redonner de la santé. Et je vous conjure, ma très-chère
fille, d'y aider de votre part, en tout ce que vous le pourrez faire, car je
désire bien fort que vous duriez longuement [300] au service de Notre-Seigneur
et de ce petit Institut, auquel vous avez reçu tant de bénédictions de sa main
paternelle. Je supplie sa douce Bonté de vous les accroître en cette nouvelle
année et à toutes nos chères Sœurs, afin que vous alliez toujours en avançant
et faisant le progrès que sa Majesté désire de nous en une si sainte vocation.
Au reste, j'attends
toujours quelles bonnes espérances vous nous pourrez donner, au sujet du
secours que nous vous avons priée de nous faire avoir pour notre seconde
maison, par la réception de quelques filles. Dieu permet que nous ayons des grandes
contradictions en ce dessein, de la part des hommes qui en doivent même
recevoir beaucoup de fruits, mais cela sans aucune raison ; de sorte qu'il
est évident que ce n'est qu'une pure contradiction, que Dieu permet pour le
mieux et qui se dissipera comme une bouffée de fumée. Il y a quelque chose
d'approchant de ce qui se passa au premier monastère de la Mère [sainte]
Thérèse ; cela me fait voir plus clairement que cette entreprise doit être
fort utile à la gloire de Dieu, comme aussi il est très-évident. Je recommande
tout à vos prières, et à votre bon et charitable cœur, que le mien salue de
toutes ses affections, et toutes nos chères Sœurs, vous souhaitant à toutes les
richesses du saint amour du divin Sauveur, fait petit enfant pour nous.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[301]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Préparatifs pour l'établissement du second monastère
d'Annecy. — Affaires de la béatification ; prochain voyage du Père dom
Maurice à Rome. — Le cœur de saint François de Sales doit être conservé dans un
reliquaire bien fermé.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 20 janvier 1634.
Ma très-chère fille,
Accablée d'affaires,
je n'ai su écrire plus tôt à Mgr le cardinal, ni me prévaloir des occasions qui
se sont présentées, et maintenant il les faut attendre. Certes, si l'on peut
obtenir qu'il agrée le séjour de la petite Sœur M. -Alix, au moins pour encore
quelque temps auprès de vous, ce sera une très-grande charité, et vous y devez
employer tous ceux que vous penserez avoir quelque crédit auprès de lui. Quant
à ce que vous me dites de ma Sœur la Supérieure de Grenoble, vous ne vous en
devez pas mettre en grande peine, car la bonne fille est faite ainsi ;
mais cependant si la petite Sœur vous demeure, il est tout clair qu'il faut
qu'elle vous paye sa pension, et moi-même je lui en écrirai, s'il est besoin.
Je vous prie de
faire tenir sûrement cette lettre à nos Sœurs de Saint-Étienne ; car c'est
pour avoir deux cents écus qu'elles doivent donner pour les affaires de notre
Bienheureux Père. Nous leur mandons qu'elles vous les fassent tenir au plus
tôt, afin que vous nous les envoyiez pour les rendre à Mgr de Genève, de qui
nous les avons empruntés pour les donner maintenant au Père dom Maurice.
Certes, cette maison est épuisée de ce qu'il a fallu fournir jusqu'à
présent ; caries écritures sont bien si chères ici, que le Père dom
Maurice trouve qu'elles le sont plus qu'à Orléans, et il a fallu refaire, je pense,
pour le moins trois ou quatre fois, la [302] transcription, ce qui nous a levé
fort gros ; mais aussi le Père trouve qu'elle est maintenant bien en
perfection. — Notre Sœur économe écrit un mémoire à la vôtre pour savoir ce que
coûtent à Lyon les choses dont nous avons à faire provision. Je vous prie
qu'elle nous fasse réponse avant que de rien acheter, afin que nous sachions si
nous aurons meilleur marché à Genève qu'à Lyon.
Nous sommes après
commencer à pourvoir ce qu'il faut pour notre seconde maison. Nous avons déjà
une petite custode que nous leur donnerons : il leur faut encore un petit
soleil et un calice ; mais je crois que nous leur en prêterons un des
nôtres pour le commencement, sinon qu'il plût à la charité de ma Révérende Mère
de là-haut et à la vôtre de donner, l'une le calice,
l'autre le soleil, pourvu qu'ils ne passent pas chacun vingt écus ; mais
toutefois certes, pour vous, je vous sais en une certaine nécessité que je ne
veux pas que vous donniez rien à cette heure. Au reste, il se présente mille
difficultés et empêchements, sans raison ni fondement, pour cette seconde
maison ; mais cela ne nous étonne pas ; au contraire, nous nous
consolons en ce que c'est une œuvre de Dieu, et que partant, il faut qu'elle
soit contrariée, prenant cela pour un bon signe qu'elle réussira bien. Or,
néanmoins nous ne laissons pas d'aller commencer à faire bâtir dès que le beau
temps sera venu, et toute cette entreprise est appuyée sur la Providence de
Dieu.
Vous avez bien fait
d'écrire à M. le commandeur, comme vous me dites ; mais moi, je lui vais
écrire clairement. J'en ai parlé au Père Binet que vous verrez bientôt, et je
pense qu'il n'y aura point de danger que vous lui disiez encore qu'il
l'encourage fort, et nos Sœurs aussi, à nous aider pour cette petite maison de
laquelle il trouve le dessein fort bon. J'ai été grandement [303] consolée et
satisfaite de lui avoir parlé ; car c'est un Père [le Père Binet] tout
d'or et grandement affectionné à l'Institut. Vous verrez nos lettres de
communauté et les lui donnerez s'il vous plaît ; il les portera, et elles
ne coûteront point de port par ce moyen. — Je ne vous puis encore rien dire des
Règles que vous m'avez envoyées, parce que je n'ai pas eu le loisir de les
voir ; j'ai seulement vu quelques feuilles du cérémonial pour l'habit,
mais je trouve le papier fort gros et chétif.
Je viens de parler
au Père dom Maurice, qui est en impatience d'avoir de vos nouvelles, à cause de
l'épitaphe qu'il attend de Lyon. Il vous prie de faire en sorte qu'il l'ait au
plus tôt ; il en écrit plus au long à M. le prévôt duquel vous saurez ce
que c'est. Il est grandement pressé d'avoir cette pièce, parce qu'il a achevé
ici ce qu'il y avait à faire, et qu'il n'attend plus que cela pour partir. Je
ne sais si c'est bien ce mot d'épitaphe qu'il m'a dit, mais enfin c'est
la déclaration que font ceux du Chablais, comme c'est notre Bienheureux Père
qui a planté la foi catholique en ce lieu-là ; il faut qu'elle soit écrite
sur une grande lame de cuivre. II vous prie tenir main à ce que cela soit bien
gravé comme il faut, et dit qu'il vous tiendra compte de ce que vous fournirez
pour cela sur l'argent que vous lui devez. M. le prévôt est instruit plus au
long de cette affaire. Il attend aussi ses papiers qu'il lui a demandés, dont
il est fort pressé de les avoir. Si j'avais loisir, je lui eusse écrit pour
l'en prier et presser encore ; car le bon Père est impatient de son
départ, ne lui restant rien qui le retarde que cette lame de cuivre et ce reste
des papiers de M. le prévôt dont il veut emporter la copie. Je ne vis jamais
tant d'écritures ; un cheval sera prou chargé de les porter. — Saluez,
mais bien chèrement, M. notre bon prévôt de notre part. Il me tarde qu'il
vienne avec ses bénis ouvrages. Faites tenir bien promptement et sûrement au
Père de Lizolaz ce paquet. — Je salue chèrement toutes nos bonnes Sœurs, et
leur souhaite [304] les richesses du saint amour du Sauveur très-débonnaire, et
à vous, le comble entier de ce pur et saint amour. Je vous prie toutes me bien
recommander à la divine miséricorde, certes j'en ai besoin. Je suis vôtre,
vôtre en la manière que Dieu sait.
[P. S.] Je ne puis écrire à notre Sœur M. -Denise
[Goubert] ; je la salue et suis bien aise qu'elle soit attirée à
l'humilité ; je la supplie de s'y plonger entièrement. — J'ai prié le Père
Binet de présenter lui-même ma lettre à Son Éminence, car je pense qu'il sera à
Lyon quasi en même temps que vous recevrez nos lettres, et il m'a promis de
vous aller voir, et de prier encore Mgr le cardinal d'accorder la prolongation
du séjour de la petite Sœur M. -Alix à Lyon ; car, pour moi, véritablement
après son refus, je n'ai pas eu le courage de l'en importuner davantage ;
mais je me suis contentée de l'en faire prier par sa [révérence].
Au reste, une
personne d'honneur et de piété à qui vous avez, il n'y a pas longtemps, fait
voir le cœur de notre Bienheureux Père, m'a dit qu'il s'était bien repenti de
ne s'être pas préparé pour en prendre une bonne pièce, voyant que vous le
laissiez voir avec tant de facilité. Mais si vous continuez en cela, il nous a
assuré qu'un jour on vous le changera, ou vous y fera-t-on quelque autre
mauvais trait. C'est pourquoi je crois que vous le devriez très-bien faire
souder pour jamais, au moins si vous désirez le conserver en son entier ;
car autrement il est fort à craindre. — Je vous adresse tous nos paquets, et
vous prie de leur donner bonne conduite. Je les laisse tous à part, afin que
chacun paye son port, selon que vous jugerez. Vous pourrez faire tenir tous
ceux d'Orléans à Montargis, Nevers et autres, par le coche ; et pour ceux
de Paris, si le Père Binet ne part pas sitôt ou qu'il aille bellement, vous les
ferez mettre à la poste, parce qu'il y a un paquet pour les affaires de ma
pauvre fille. Je joins à celle-ci la lettre que j'écris à M. le commandeur,
afin que si le Père Binet ne peut pas porter les autres de Paris, il porte au
[305] moins celle-là ; que s'il était parti, donnez-lui une sûre et bonne
conduite, car elle est importante, d'autant que je lui demande fort franchement
la charité pour la petite maison.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
ARCHEVÊQUE DE LYON
Très-humbles instances pour obtenir la prolongation du
séjour de Sœur M. -Alix à Lyon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1634.]
Monseigneur,
Jusqu'à ce que j'aie su que
l'obédience de la petite Sœur [M. Alix] fût à Lyon, je n'ai osé écrire à Votre
Éminence ; je le fais maintenant, pour la remercier très-humblement de
l'honneur qu'elle daigna me faire de me répondre, et me dire ses considérations
touchant le séjour à Lyon de cette petite Sœur. De vrai, Monseigneur, je ne
regardai qu'à la nécessité ; mais Votre Éminence, qui conduit ses actions
avec une profonde sagesse et prudence, me fit voir ce que je n'avais pas
considéré, à quoi je me soumis et me soumets de tout mon cœur, avec l'amour et
révérence que je dois et veux rendre toute ma vie à vos volontés. Toutefois, je
ne puis m'empêcher que je n'espère de Votre Éminence, Monseigneur, quelque
prolongation de temps pour le séjour de cette Sœur, en faveur de la très-sainte
charité et débonnaireté qui vous animent. Je supplie le divin Sauveur naissant
de vous combler des mérites et suavités de sa sainte enfance ; et baisant
en tout respect vos sacrées mains, je demande en toute humilité votre sainte
bénédiction pour cette famille. C'est, Monseigneur, de Votre Éminence, la
très-humble, etc. [306]
À PARIS
Témoignages de reconnaissance. — La paix intérieure est la
marque du règne de Dieu dans l'âme. — Affection de la Sainte pour les deux
communautés de Paris. Elle propose au commandeur de se rendre fondateur du
second monastère d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Mon très-honoré et très-chèrement bien-aimé frère,
Non, vraiment vous
ne me sauriez faire de meilleures étrennes ni qui me soient si précieuses, que
le renouvellement de vos saintes affections devant la divine Bonté, pour le
bonheur de ma pauvre âme. Il me semble, mon vrai très-cher frère, qu'elles me
sont un riche trésor et un rempart contre les embûches de mes ennemis. Vous ne
sauriez croire la douceur et consolation que m'apporte cette assurance que je
vous suis présente à vos prières. Je n'ai pas connaissance que jamais je manque
de vous voir particulièrement en la sainte communion, et je n'y veux jamais
faillir, me confiant que le mérite de la sainte communion me sera une digne
correspondance à la véritable et incomparable dilection que Dieu vous a donnée
pour notre Bienheureux Père, et pour sa chère Visitation, et pour moi, ce me
semble, en particulier, quoique en vérité j'en sois très-indigne. Il est vrai
que, toute chétive que je suis, Dieu a voulu unir mon cœur très-intimement au
vôtre, dont je bénirai sa Bonté à jamais.
Vous pouvez donc
juger, par cette vérité, la part que j'ai en la consolation de votre heureuse
et sainte retraite, et de ce [307] qu'il a plu à la débonnaireté
de notre divin Sauveur de la conduire en telle sorte qu'elle rende sa bonne et
suave odeur à la grande gloire de Dieu et à l'édification des gens de bien, et
ce qui est de plus rare, au contentement de messieurs vos parents. O vrai
Dieu ! mon très-cher frère, que la bonne main de Dieu vous a bien conduit
en tout cela ! et cependant je remarque que votre humilité en veut donner
toute la louange aux petites prières des Filles de la Visitation, et aux
conseils de ces chères Sœurs qui ont le bonheur incomparable de jouir plus
particulièrement de votre douce et tant utile conversation et communication ;
et voilà comme en toutes choses vous augmentez vos richesses spirituelles. Loué
soit Dieu de toutes ses miséricordes et surtout du cœur qu'il vous a donné,
lequel, à mon avis est bien tout selon le sien très-sacré. En vérité, mon
très-cher frère il est capable, votre bon cœur, de faire fondre les nôtres par
son incomparable dilection. L'on voit bien que vous l'avez tirée de
l'inépuisable amour du divin Sauveur ; car toutes les considérations
humaines, ni toute la nature ne sauraient rien faire d'approchant. C'est un don
grand et précieux, plus qu'il ne se peut imaginer, que je crois vous avoir été
impétré du sein paternel de notre bon Dieu, par la tendresse de l'amour qu'a
notre Bienheureux Père pour sa chère Visitation.
Enfin, mon vrai
frère, je vous regarde et vous tiens avec un grand sentiment pour l'ange
visible et tutélaire de notre Congrégation, grâce que nous ne saurions jamais
assez reconnaître envers la divine Providence, ni envers vous, mon tout bon et
très-cordial frère ; mais je sais que vous ne voulez de nous, sinon que
nous soyons fidèles à notre vocation, et que, par ce moyen, nos cœurs soient
tous fondus dans le vôtre très-cher. Certes c'est mon grand désir, et j'en sens
l'effet en mon particulier, dont je bénis Dieu. Mais pourquoi vous dire tout
ceci, mon très-cher frère, puisque Dieu l'a fait dès le commencement de notre
connaissance ? Je n'y avais pas pensé en commençant cette lettre ;
[308] mais il m'est venu ainsi parce que j'ai le cœur tout plein de ce
sentiment, que nulle parole toutefois ne saurait exprimer.
Hélas ! il est
vrai, mon tout cordial frère, je ne répondis pas à votre lettre précédente
distinctement, parce que, quand l'occasion se présenta de vous écrire, elle fut
si pressante que je n'eus le loisir que de vous faire un billet ; et,
chétive que je suis, le temps qu'il fallut attendre une autre occasion, et
l'embarrassement d'affaires où j'ai été extraordinairement depuis quelques
mois, m'ôta de la mémoire ce que j'y devais conserver ; mais vous m'êtes
si incomparablement bon, mon très-cher frère, que vous n'avez fait autre
jugement du sujet de ce manquement, que celui que je vous déclare en sincérité,
ce me semble.
Mais retournons à
votre bénite retraite, qui est un effet de la toute-puissante grâce de
Dieu : oui, mon très-cher frère, car Lui seul pouvait, avec votre fidèle
correspondance, qui est aussi un don de sa bonté, rompre vos liens et surmonter
les grandes difficultés qui étaient inévitables dans votre condition ; et
voilà que sa divine douceur a dénoué vos cordages et aplani vos difficultés en
telle sorte que votre passage de l'une des extrémités à l'autre s'est fait
quasi sans peine, au moins sans nul ébranlement ni effarouchement d'aucun
esprit ; ains, ce qui est admirable, avec satisfaction, douceur et approbation
de tous, ce qui vous est et doit être à tout jamais un témoignage sensible et
véritable du dessein de Dieu sur vous en celle seconde vocation. Et quelle plus
grande grâce et consolation pour votre cher et digne cœur, que cette assurance
que vous accomplissez la volonté de Dieu, en passant le reste de vos jours en
cette aimable et douce retraite ?
Au reste, mon
très-cher frère, l'état de votre esprit, que vous me représentez si naïvement
dans votre lettre, est incomparablement meilleur et plus solide que si vous
vous fondiez en douceurs et sentiments de grandeur de courage. Il est
impossible que dans un si grand changement la nature ne soit étonnée ;
mais cette [309] paix intérieure, cette constante fermeté en Dieu et ces
lumières, quoique minces, qui assurent l'âme sans aucun discours, de sa fermeté
et stabilité en l'état où Dieu l'a mise, sont des marques infaillibles du règne
de Dieu en vous, et qui donnent une grande espérance que sa Bonté vous veut
mettre dans une vote de pureté et simplicité excellente et tout intellectuelle.
C'est pourquoi je pense, mon tout très-cher frère, que vous ne sauriez mieux
faire que de retrancher, tant qu'il vous sera possible, toute réflexion ;
et, au lieu de vous occuper en de grandes considérations, regardez Dieu et
le laissez faire, c'est une parole de notre Bienheureux ; car ce divin
Sauveur étant l'unique objet de vos affections et prétentions, et le seul
soûlas de votre cher et bien-aimé cœur, vous trouverez en Lui tout ce qui vous
sera nécessaire ; surtout il est besoin qu'en ce commencement vous fassiez
simplement cette pratique, elle fortifiera votre partie supérieure et accoisera
les étonnements de la nature. Mais, mon très-bon et très-aimé frère, vous
saurez mieux faire ceci, que je ne le sais pas dire ; mais votre humilité
et mon affection me donnent confiance de vous dire tout ce qui me vient.
Je suis consolée,
plus qu'il ne se peut dire, de la bonne rencontre que vous avez faite de ces
dévots ecclésiastiques. Cette conversation sainte sera bien selon le goût de
notre Bienheureux : il n'approuvait pas tant que l'on vécût dans des
grandes solitudes ; mais que la retraite fût accompagnée d'un bon
règlement des actions et exercices journaliers qui se doivent pratiquer dans la
maison, et que l'on eût aussi quelque emploi pour l'exercice de la charité
extérieure envers le prochain, comme de visiter quelques malades et personnes
affligées. Or, quand vous m'aurez dit ce que vous dessignez [avez dessein] de
faire, par le menu, en cette bénite retraite, cela m'ouvrira l'esprit, et il me
viendra peut-être tout plein de choses en mémoire de ce que j'aurai entendu de
notre Bienheureux, lesquelles vous pourront être utiles à votre dessein. Que si
Dieu me rend digne [310]
de pouvoir
contribuer quelque chose à votre consolation, croyez, mon très-cordial et
très-cher frère, que je le ferai de grand cœur ; car cette douce Bonté me
donne un si grand amour pour votre précieuse et chère âme, que je ne saurais
avoir contentement comparable à celui de faire quelque chose qui vous soit
agréable et utile à votre consolation. Mais, bon Dieu ! aussi combien
est-ce que votre cher et digne cœur m'y oblige. Après celui de notre
Bienheureux, il n'en sera jamais un semblable pour la Visitation. Je supplie ce
grand Saint qu'il nous impètre la grâce d'y correspondre, selon son esprit et
son désir.
J'ai toujours aimé
chèrement et estimé notre maison de la ville [le 1er monastère de
Paris], et l'on sait bien céans qu'entre toutes celles de France, elle, et
celle de Bellecour de Lyon, tiennent le premier rang dans mon [cœur]. J'ai tant
d'occasions de le leur conserver, qu'il m'est avis que chose quelconque ne
saurait jamais m'en faire déprendre ; mais votre si tendre affection à me
recommander cette bénite maison portera, Dieu aidant, un effet extraordinaire.
Oui, je le vous assure, mon vrai et très-cher frère, et j'en crois tout le bien
que vous m'en dites sans aucun doute ; car je connais les deux Mères et
les tiens pour deux solides piliers de la Visitation, surtout ma très-chère
Angélique ; je sais aussi le grand nombre de bonnes et vertueuses et
capables filles dont cette famille est composée. — Il est vrai que je ne fais
jamais attention de parler de nos maisons que l'on ne m'en donne sujet. La Mère
de Moulins m'écrivait dernièrement beaucoup de bien des deux maisons de Paris,
mais bien différemment, quoique fort savamment, car elle me les dépeignit fort
distinctement. De celle de la ville, elle n'oublia rien des bonnes remarques
qu'il y avait à faire. Je lui répondis courtement qu'elle avait très-bien jugé,
et que j'admirais comme, en un si petit séjour, elle avait pris une si entière
et véritable connaissance de ces maisons, lesquelles je voyais et savais être
telles. [311] C'était tout dire, sans rien tenter ; car, mon très-cher
frère, je n'ose pas dire à chacun toutes mes pensées, comme je vous les dis. Il
faut que je prenne garde à ne point donner de jalousie ni de refroidissement,
ains que j'entretienne, par témoignage d'un amour égal, la bonne intelligence
et confiance qui ont toujours régné entre nous, et que j'aie encore égard à la
paix des cœurs. Si j'étais auprès de vous, j'en dirais bien davantage. Me voici
quasi à la fin de mes quatre pages, et toutefois mon cœur n'a pas tout dit,
tant il a de plaisir et de consolation à vous parler dans cette parfaite
confiance.
Mon tout bon et
cordial frère, vous verrez, par ma précédente, comme je vous dis franchement
que je veux que vous ayez part à notre petite maison, parce que c'est une œuvre
de Dieu purement entreprise pour sa gloire au bien des âmes qui y sont
appelées, et pour un secours charitable à ce pauvre pays, où je désire que
notre saint Père, d'ici à quelque temps, ait deux maisons pour y recevoir, Dieu
aidant, les filles pour rien ; car aussi bien les meilleures dots ne sont
quasi rien et accablent les parents. Et je dis à l'oreille de votre cœur que,
quand Dieu me donna cette résolution d'entreprendre ce dessein, je n'avais vue
quelconque d'aucun secours humain de notre côté ni de nos maisons ; et
quand Mgr de Genève m'en parla, je lui répondis que Dieu pourvoirait au
temporel, que l'œuvre était sienne. En vérité, il m'a suffi de connaître que
c'était sa volonté ; et les traverses qui sont grandes m'y donnent plus de
courage. Mais, mon très-cher frère, combien pensez-vous que j'aie ressenti la
pensée que Dieu vous donne pour ce dessein ? et n'est-ce pas un véritable
effet du soin que la divine Providence en a, et que cette œuvre sera toute
sienne ? Cela est sans nul doute, ce me semble.
Or, je vous ai déjà
écrit que je désirais que vous vous missiez devant Dieu, pour entendre en ce
sujet sa volonté, afin qu'elle soit notre règle en toutes choses. Et parce que
notre [312] Bienheureux Père a dit que d'être fondateur d'une maison religieuse
était l'œuvre de plus grand mérite qui se puisse faire, je désire, mon
très-cher frère, que vous le soyez de cette bénite maison de charité, sans que
toutefois vous y employiez de grandes sommes d'argent, cela n'étant pas
nécessaire, mais seulement ce que Dieu vous inspirera en toute liberté, sans
beaucoup incommoder vos affaires. Mais, voyez-vous, mon vrai frère, il faut
faire ainsi ; car ce ne sera pas le plus ou le moins que Dieu regardera,
mais cette ancienne et cordiale affection de le glorifier, en procurant et
facilitant la retraite de plusieurs bonnes âmes qui le serviront en pureté et
sainteté tant que le monde durera, moyennant sa miséricorde. Et m'est bien avis
que la sainte joie que je reçois au fond de mon cœur, de vous voir fondateur de
cette bénite maison, ne procède nullement de l'espérance du secours temporel
qui en proviendra, mais d'une pure dilection qui répand en mon âme une certaine
consolation de vous voir ce bien, et que le tout soit à la pure gloire de Dieu
et à l'accroissement de vos richesses spirituelles.
Il faut que je vous
dise encore ceci : que quand il me tomba en l'esprit de vouloir que vous
eussiez part à ce bon œuvre, ce fut si hors de temps et d'occasion, ayant alors
d'autres choses en l'esprit, que j'en fus comme surprise et y vis je ne sais
quoi, qui me fit penser que c'était inspiration de Dieu. Or, comme j'ai
inclination que vous y contribuiez, j'ai aussi répugnance d'accepter les deux
mille écus que nos Sœurs de la ville [de Paris] nous offrent ; car il me
semble qu'elles ne pourraient faire cela sans s'incommoder. Je le dis à Mgr de
Genève, qui me dit qu'il les fallait accepter en faveur de la pauvreté du pays,
et des grandes richesses qui se peuvent acquérir à Paris. Cela certes me
répugne plus que je ne saurais dire, et voudrais me contenter des témoignages
de leur véritable et cordiale affection et charité, que j'estime plus que tout
l'argent du monde : voyez, mon très-cher fière, comment cela se pourra
[313] accommoder. Je sais qu'il n'y a qu'un cœur et qu'une âme entre vous et
elles ; car, moi, à cause de ce que me dit Monseigneur, je n'ose refuser
absolument : il est ravi, ce bon seigneur, de notre dessein.
Au reste, il m'est
venu un peu d'appréhension, que dans cette retraite vous ne veuilliez vous
charger de quelques nouvelles austérités : non, je vous en supplie, mon
très-cher frère, ne le faites pas, et que rien ne manque, s'il vous plaît, de
tout ce qui est requis à votre âge et à la délicatesse de votre complexion, à
votre soulagement, et encore aux choses requises à la bienséance de votre
condition. Il m'est venu de vous dire cela, et je le fais tout simplement. [La
fin de la lettre est illisible.]
Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PARIS
Estime pour M. de Sillery. Elle le recommande à son zèle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 11 lévrier [1634].
Mon très-honoré et cher père,
Ah ! que votre
cœur m'est bon et paternel, et, comme je veux croire pour ma consolation,
très-fidèle à me continuer son cher souvenir devant la divine Bonté, car j'en
ai un extrême besoin dans l'âge et le tracas où je suis. Louée soit
éternellement la divine Bonté des miséricordes qu'il lui plaît de répandre sur
les âmes, par la douceur sainte et efficace de l'esprit de son fidèle et vrai
serviteur, notre très-saint Père. Car il est vrai, je le confesse avec vous,
mon très-cher Père, que l’esprit de notre très-digne et vrai frère et père [M.
de Sillery], certes, [314] s'est pris dans ses filets ; et je ne crois pas
qu'aucune autre main que celle de ce Bienheureux l'eût pu conduire si sagement,
si suavement, ni si fortement qu'elle a fait dans cette retraite si exacte, que
le voilà dans une absolue séparation du monde, avec l'édification et
consolation de tous, et qui plus est, à la très-grande gloire de Dieu et
consolation de sa chère âme ; et certes à l'utilité, honneur et
consolation des Filles de la Visitation, qui lui ont des obligations infinies.
Surtout nos chères Sœurs de la ville sont privilégiées d'un grand bonheur de
l'avoir si près d'elles. Ah ! Dieu nous fasse la grâce de correspondre
fidèlement à la sincère amitié et entière charité qu'a ce bon seigneur pour
nous ! Je vous puis assurer, mon très-cher Père, que je l'aime, l'honore
et le révère de toute l'étendue et les forces de mon âme. Je vois que
maintenant vous faites plus de séjour à Paris. Eh ! mon Dieu, ayez bien
soin de cette chère et digne personne, et ne lui permettez pas une vie trop
sévère ni trop austère ; je sais qu'il a grande confiance en vous. Il me
semble que je m'endurcis avec l'âge.
Il faut finir pour
aller à ce béni parloir. Mon très-cher Père, Dieu vous rende de plus en plus
selon son Cœur ! Priez fort sa Bonté qu'il me fasse miséricorde, afin
qu'avec notre Bienheureux Père, et vous tous, nos chers amis, je le puisse
louer éternellement. Amen.
Mon très-honoré
Père, je suis de cœur votre très-humble et très-obéissante fille et servante en
Notre-Seigneur.
Conforme aune copie de l'original gardé à la Visitation de
Chartres. [315]
À PARIS
Condoléances sur la maladie de madame de Coulanges ;
neuvaine pour son soulagement. — Tendresse de la Sainte pour sa petite-fille.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Mon Dieu !
Monsieur mon très-cher frère, que votre lettre m'a vivement touché le
cœur ! les larmes m'en sont venues aux yeux, voyant la grandeur de
l'affliction où est ma pauvre très-chère sœur, et la vôtre, en conséquence de
celle de toute votre bénite famille. Hélas ! il est vrai, notre bon Dieu
afflige ordinairement ceux qu'il aime, qui sont les très-chers enfants de son
éternelle élection, parce qu'il leur veut faire mériter par patience et
souffrance sa bienheureuse éternité, où toutes nos larmes seront essuyées. Mon
très-honoré et très-cher frère, vous êtes sans doute de ce nombre ; car il
me semble que Dieu a toujours mêlé les prospérités qu'il vous a données de
beaucoup de traverses et de travaux. D'une façon ou d'autre, devant le trépas
de notre très-chère fille, vous eûtes beaucoup de plaisir et de contentement,
et voilà que Dieu a fait retourner les afflictions ; béni soit son saint
Nom ! et c'est ma consolation de voir que vous regardez en tout cela la
bonne main de Dieu et la baisez avec une amoureuse soumission, quoique
douloureuse. Enfin, il faut passer cette misérable vie le plus doucement et
saintement qu'on peut, parmi les divers travaux qu'elle fournit.
Je supplie la divine
Bonté d'être votre force et votre consolation, et qu'il lui plaise de donner à
ma pauvre et très-chère sœur les soulagements intérieurs et extérieurs que sa
sagesse connaît lui être utiles pour le plus grand bien de sa chère âme. Si par
mon sang et martyre je la pouvais soulager en son mal, [316] et vous, en vos
douleurs de cœur, croyez, mon très-aimé frère que j'en fournirais de grand cœur
tout ce qui en serait requis et en mon pouvoir.
Nous commençâmes,
dès le lendemain que nous eûmes reçu vos lettres, sa neuvaine qui finira
demain ; le bon Père dom Maurice en dit les messes. Je l'entends et
communie journellement à cette intention ; mais, avec toute l'attention et
affection qui m'est possible, je la recommande à la douceur de notre très-bon
Dieu et à notre très-bénin Père ; car j'ai un grand désir que cette âme
soit soulagée, pour plusieurs raisons qui me touchent au cœur, entre lesquelles
celle de l'éducation de notre chère petite tient un bon rang. Hélas ! mon
très-honoré frère, que de résignations et de dépouillements il faut faire en ce
monde ! mais aussi, les faisant pour Dieu, sa divine douceur est si grande
qu'il nous est tout en toutes choses. Vous me consolez bien des nouvelles que
vous me dites de cette petite orpheline. Qu'elle sera heureuse si Dieu vous conserve
et ma pauvre très-chère sœur, pour lui continuer votre sage et pieuse
conduite ! C'est la vérité que j'aime cette enfant, comme j'aimais son
père, et tout pour le ciel. Je me réjouis de la grâce qu'elle aura de
communiera Pâques. J'en aurai bien mémoire, et je prie Dieu qu'à cette première
réception de notre doux Sauveur il lui plaise de prendre une si entière
possession de cette petite âme, qu'à jamais elle soit sienne. Que je vous suis
obligée en cette petite créature ! Notre-Seigneur en sera votre
récompense, je l'en supplie du fond de mon âme, et de faire abonder en la vôtre
toute bonne, et en celle de ma pauvre sœur, les saintes consolations de son
saint amour, auquel je serai sans fin de tout mon cœur, votre, etc.
SUPÉRIEURE À MAMERS
Une Supérieure ne doit pas exiger de foutes ses
Religieuses une égale perfection. — Tout en usant de charité dans la réception
des sujets, n'en point admettre qui ne soient bien appelés de Dieu :
marques auxquelles on peut reconnaître cet appel.
VIVE + JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma très-chère fille,
Jésus soit notre
guide et notre unique vie en ce monde, notre gloire et consolation éternelle en
l'autre ! Je vous supplie de demander à sa divine Bonté cette grâce, et ne
lui demandez aucune autre chose de cette vie pour moi ; car je ne
souhaite, sinon que sa seule et très-sainte volonté vive et règne absolument en
moi ; je vous désire le même bien, et à toutes nos chères Sœurs. Mon
Dieu ! ma fille, qu'il m'a fait grand bien de recevoir de vos nouvelles,
et d'entendre l'état de votre maison, et les bénédictions saintes que
Notre-Seigneur y répand : il faut nous attacher invariablement à sa sainte
conduite en toutes choses. Donnez bien cet esprit à nos chères Sœurs ; car
c'est celui de leur aimable vocation, dont la pratique les conduira à la
très-sainte et nécessaire humilité et douceur de cœur.
Vous avez eu un peu
d'exercice en votre commencement : [318] cela vous profitera et donnera de
l'expérience pour d'autres occasions, pour vous faire ajuster votre zèle à ce
qui se peut selon le temps et les dispositions des filles, lesquelles ne
marchent pas toutes d'un même pas. Il faut que la Supérieure conduise chacune
selon son attrait et la portée de son esprit. Certes, il est impossible que
dans le commencement des établissements l'on puisse, avec peu de Sœurs,
observer tout ce qui se pratique dans les maisons formées. — Je loue votre
intention d'avoir voulu prendre la première fille de votre établissement pour
l'amour de Dieu, et d'avoir, pour cette considération, un si grand support
autour d'elle. Oh ! néanmoins, ma fille, il se faut tenir ferme dans la
volonté de Dieu, qui nous est signifiée par nos Règles, et se garder bien de
l'admettre à la profession, si elle n'a pas les qualités requises, ains il
faudra la renvoyer, et en prendre une autre en sa place, qui la puisse occuper
dignement à la gloire de Dieu et au profit particulier de son âme. Ainsi la
bonne volonté que vous avez de faire cette charité sera toujours accomplie.
J'approuve bien que l'on patiente et fasse tout ce qui se pourra pour lui
conserver la grâce que vous lui avez faite, puisque même vous me dites qu'elle
aime sa vocation, qu'elle a le cœur bon, et qu'elle fait des essais de son
amendement. Ces trois choses sont de bonnes marques ; mais la plus
certaine, c'est, si vous voyez que l'amendement [319] qu'elle fait, et l'amour
de sa vocation procèdent d'une vraie crainte de Dieu, et du désir de lui
plaire, et si, lorsqu'elle a failli, elle s'humilie, confessant franchement son
défaut, et en est marrie pour le respect de Notre-Seigneur : car si elle a
cela, certes encore qu'elle fît quelque échappée par-ci par-là, je ne lairrais
de la recevoir. J'ai été parfaitement consolée de votre boiteuse ; il faut
bien garder cette fidélité à Dieu et aux volontés et intentions de noire
Bienheureux Père, de ne refuser jamais les infirmes quand elles ont les
dispositions de l'esprit convenables. La Providence divine en enverra beaucoup
de bien faites de corps. Quant à votre particulier, ma fille, observez
inviolablement ces trois points suivants : tenez-vous si bien et si
fidèlement auprès de Notre-Seigneur, que vous puissiez puiser en son sein la
lumière et la force dont vous avez besoin ; ne vous relâchez jamais de vos
exercices et observances, sinon quand la vraie charité et nécessité vous le
dicteront ; en troisième lieu, ayez pour maxime de faire votre
gouvernement avec esprit d'humilité, de douceur et support. Et vous assurez
que, faisant de la sorte, Dieu conduira lui-même votre famille par votre
entremise, et y verrez reluire ses grâces et miséricordes, ainsi que de tout
mon cœur je l'en supplie. Votre, etc.
À BESANÇON
C'est par l'épreuve que Dieu prépare les âmes à de grandes
grâces.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 25 février 1634.
Ma très-chère fille,
La bonté de Dieu est
si grande envers nous que, quand Il nous veut départir des grâces plus
particulières, c'est alors qu'il nous prévient aussi par de plus grandes
difficultés, et les [320] âmes qui sont si heureuses que de demeurer fermes
dans la confiance et soumission qu'elles doivent avoir à son bon plaisir
gagnent entièrement le Cœur de sa divine Bonté, qui se plaît et se dilate à
répandre sur elles les effets de sa grâce et de ses miséricordes. Louez son
infinie Bonté, ma chère fille, de la paix et du repos d'esprit duquel vous
jouissez maintenant dans votre sainte vocation, l'esprit de laquelle, pour dire
la vérité, est tout d'amour et de suavité, et plein de vrais moyens pour s'y
perfectionner. Je ne manquerai pas d'offrir votre bon et cher cœur à notre
Bienheureux Père, lequel, comme je crois, l'a déjà reçu et offert à
Notre-Seigneur ; car il ne se peut pas que ce Bienheureux n'aime
tendrement une âme qui aime si parfaitement son Institut et tout ce qui en
dépend, comme vous faites, et particulièrement encore la sainte maison
d'Annecy, de laquelle je vous offre tous les cœurs et le mien en particulier,
vous assurant qu'il vous aime et vous chérit très-sincèrement, vous souhaitant
de plus en plus l'abondance des grâces célestes, et avec cette affection, je
demeure de cœur entièrement, votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
d'Ornans.
SUPÉRIEURE À BESANÇON
La Sainte se réjouit de la fondation de Champlitte. —
Générosité de la Mère Michel à céder de ses Religieuses pour favoriser le
second monastère d'Annecy et celui de Crémieux.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 25 février 1634.
Ma
très-chère pille,
Hier, 24 février,
j'ai reçu les vôtres du 24 janvier, lesquelles nous ont été rendues fort
fidèlement, mais non par votre messager, car nous ne l'avons point vu. Nous
vous écrivons [321] maintenant par la voie de Dijon, et vous envoyons des
lettres pour nos Sœurs de Lorraine. Je vous prie de leur donner une bonne et
sûre adresse, pour les faire tenir à celle des maisons pour laquelle vous
rencontrerez plus tôt une sûre occasion. Je vois par votre dernière lettre
comme votre fondation de Champlitte s'en va être résolue, dont je me réjouis. Nous vous envoyons votre obédience de Mgr de
Genève, ainsi que vous l'avez désirée, pour y conduire les Sœurs. Je suis
consolée que vous ayez tant de bonnes filles ; car, en ayant un si bon
nombre, il ne faut pas craindre d'en épuiser la maison, puisqu'il vous en reste
encore trois avec les conditions requises pour le gouvernement. Il faut
pourtant avoir un grand soin de bien choisir celles que l'on envoie aux
fondations, afin qu'elles soient vraiment bonnes, puisqu'elles doivent être
comme les pierres fondamentales, qui doivent donner l'esprit de leur vocation à
toutes celles que Dieu associera à elles.
Je passe à votre
première lettre, ma très-chère fille, par laquelle votre bon cœur me témoigne,
avec tant de franchise et de cordiale affection, sa bonne volonté pour
contribuer aux frais de béatification de notre Bienheureux Père, que vraiment
j'en ai le cœur touché, voyant l'ouverture de cœur avec laquelle vous m'en
dites vos petites pensées, à quoi je ne puis rien ajouter sinon que j'accepte
de tout mon cœur les deux cents écus que vous offrez, me confiant en
Notre-Seigneur que si la plupart de [322] nos maisons en donnent autant, ainsi
qu'elles me le font espérer, cette sainte œuvre ne demeurera pas en arrière
faute d'argent. Nos bons Pères qui sont destinés à cette poursuite, sont partis
avec les procédures. Nous leur avons donné seize cents écus, sans les frais de
leur voyage jusqu'à Turin, et les écritures qui nous ont coûté ici ce que nous
ne saurions dire. C'est pourquoi il nous faut continuer à amasser une autre
mise, afin de ne demeurer pas dépourvues.
Mais, ma très-chère
fille, votre bon cœur n'a pas seulement touché le mien en ce sujet, mais encore
en la charité que vous nous voulez faire pour la petite maison, de nous donner
deux de vos professes avec chacune mille écus de dot. Certes, ma très-chère
fille, j'accepte de tout mon cœur ce parti, et avec d'autant plus de joie et de
confiance que je vois que cette offre part du cœur. Il ne me reste en ceci qu'à
vous supplier de les choisir un peu à mon goût ; car je sais que vous le
connaissez et que vous avez un peu d'envie de le contenter, parce que vous
m'aimez toujours un peu comme votre bonne vieille mère, qui vous aime et vous
chérit aussi de toutes les affections de son cœur. Pour les autres trois, si
vous leur pouvez faire jusqu'à huit cents écus de dot, vous les pouvez envoyer
avec les deux de la petite maison, et nous en ferions la charité à nos pauvres
Sœurs de Crémieux, qui en ont bon besoin, et encore à nos autres maisons par
ici, puisque vous avez beaucoup de bons sujets [323] pour les remplacer,
lesquels même vous pourront porter de meilleures dots encore, que de huit cents
écus, avec leurs meublés. Mais je vous prie, ma très-chère fille, de bien
choisir et les unes et les autres, afin que vous nous envoyiez de bonnes
filles, lesquelles pourtant vous ne ferez pas venir avant Pâques, parce que
nous sommes si [encombrées] que nous ne saurions où les loger ; mais
soudain après Pâques elles seront les bienvenues, parce qu'en ce temps-là nous
prétendons, moyennant la grâce de Dieu, de commencer notre seconde maison.
Pour ce que vous me
dites, si je trouverais non que vous donnassiez encore de vos Sœurs à nos Sœurs
de Saint-Amour, ou à d'autres de nos maisons, je laisse cela à votre liberté et
à la leur. Je vous dis toutes mes pensées, ma très-chère fille, parce que je
sais bien que vous le voulez ainsi. Dieu, par son infinie bonté, veuille répandre
sur vous et sur toute votre chère famille que je salue cordialement avec vous,
l'abondance des plus riches trésors de sa grâce. C'est le souhait de celle qui
est, mais de cœur et d'affection, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PARIS
Elle le remercie de ce que, par ses libéralités, il se
rend fondateur du second monastère d'Annecy. — L'humilité attire l'Esprit de
Dieu dans nos cœurs.
VIVE † JÉSUS !
(Annecy, 1634.]
Mon très-honoré père,
Je n'ai point de
termes assez forts pour vous exprimer notre gratitude des excessives bontés que
continuellement vous nous faites paraître, par des effets d'une libéralité
magnifique. Le [324] dessein que Dieu vous a donné de nous assister et secourir
en notre besoin, n'est-ce pas une preuve manifeste que Dieu gouverne votre
cœur, et le porte lui-même aux œuvres qui regardent sa plus grande gloire et le
soulagement des personnes qui l'aiment et s'abandonnent aux soins de son
amoureuse Providence ? Vous ne voulez pas être connu ; mais Dieu voit
le cœur de celui qui a fait le don, et accepte son offrande très-agréablement.
Il faudra donc prier pour le fondateur inconnu aux hommes, mais qui ne peut
être caché à Dieu et à son fidèle serviteur, notre saint Fondateur.
Oh ! que c'est
un don précieux que ce sentiment de votre bassesse ! la suavité de son parfum embaumera
non-seulement votre cœur de mille suavités, mais y attirera toutes sortes de
bénédictions et le Dieu même des bénédictions, lequel ne repose son Esprit que
sur l'humble de cœur. Et il faut bien que vous croyiez fermement, avec cette
sainte et humble confiance, que Celui qui a mis dans votre âme un si solide
fondement, a dessein d'y élever l'édifice d'une accomplie sainteté, pourvu que
vous coopériez fidèlement à ses attraits. Je ne vous puis exprimer combien je
vois votre état précieux devant Dieu, qui vous fera tenir tout reposé et
accoisé dans le dessein éternel de son adorable et douce Providence, comme un
des plus chers enfants de son amour.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [325]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Madame de Toulonjon vient de quitter Annecy. — Sœurs
proposées à l'élection de Crémieux.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 21 février [1634].
Ma très-chère fille,
Je vous écris ce
billet et toujours sans loisir, pour vous prier que vous ayez soin de donner
une sûre et prompte adresse à ces lettres pour Paris, parce qu'elles sont pour
les affaires de ma fille, laquelle vous en écrit aussi. Elle est enfin partie
ce matin et a laissé nos pauvres Sœurs pleines de larmes de la voir si touchée
quand il a fallu se séparer ; c'est la vérité que c'est bien le meilleur
cœur et des meilleurs esprits et jugements que l'on ne saurait guère voir.
Enfin certes, elle est fort aimable en la disposition où elle est présentement.
Puisque vous avez vu
la lettre que j'ai écrite à Crémieux, vous aurez bien sans doute connu ce que
j'avais effacé en disant mon sentiment de notre Sœur [Marg. -Élisabeth]
Sauzion, qui était, que je ne croyais pas qu'elle leur fût propre [pour y être
Supérieure] ; mais je m'en retranchai et les renvoyai à vous, comme elles
ont fait. Elles ne veulent pas attendre l'Ascension pour leur élection, et veulent que nous leur proposions des
Sœurs fortes de corps et d'esprit. Nous ne leur nommons pas celles qu'elles
veulent, parce que nous ne nous en pouvons défaire ; mais nous leur en
proposons pourtant deux que je pense leur être les plus propres, surtout l'une,
car elle les a déjà servies, et c'est notre Sœur F. -Emmanuelle de Novéry, puis
je les laisse faire ; car certes nous ne pouvons faire autre chose [326]
que cela. Je vous prie de les toujours bien conforter, puisque vous êtes leur
si proche voisine et qu'elles ont particulier amour et confiance pour vous.
Je ne sais [ce] que
vous voulez dire par cette dévote compagnie que vous marquez qui vient ici avec
tant de jubilation ; car nous n'en avons point vu et j'en suis bien aise,
parce que nous avons prou d'autres affaires sans cela. — Vraiment, je ne
contenterai pas votre curiosité à vous dire ce grand dessein pour la gloire de
Dieu, parce que mon Supérieur m'a défendu de le dire. Et pour les difficultés
de la petite maison que Dieu veut qui se fasse, je vous les dirai une autre
fois à loisir, quand elles seront un peu dévidées. — Au reste, il s'en
faut bien garder de donner votre fondation de Bordeaux à la Mère de Moulins ;
car elle n'a pas de Sœurs pour une ville si importante ; il faut
supporter les humeurs et les petites menées de cette bonne Mère-là, et toujours
bien aimer votre pauvre vieille, et bien prier pour elle qui est toute vôtre en
vérité.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À RIOM
Compassion pour les épreuves de la communauté de Riom. —
Charitable offre de la Supérieure de Besançon. — La présence de la Mère P. J.
de Monthoux est nécessaire à Blois.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 28 février 1634.
Seigneur
Jésus ! ma très-chère fille, que voilà de terribles histoires que celles
que vous me dites ! Mais j'espère que ces choses-là n'arrivant point par
aucun défaut de votre maison, vous n'en serez nullement responsable devant
Dieu, et partant [327] vous ne vous en devez point affliger, ains prendre le
tout en patience, comme venant de la main de Dieu ; car vos Sœurs
s'avançant en la vertu et tâchant d'être fidèles à sa divine Bonté, en marchant
dans l'exacte observance et avec l'esprit d'oraison et de recueillement, il
faut espérer que cela réparera tout, et attirera les bénédictions de
Notre-Seigneur sur votre maison, en sorte qu'il fera abonder la consolation là
où a abondé la tribulation : c'est mon désir et de quoi je le supplie de
toutes les forces de mon âme. Vous avez une bonne assistante et une bonne
directrice qui vous pourront bien soulager en votre charge. Pour ce qui est de
votre temporel, de vrai, j'ai une extrême compassion de vous savoir toujours
tant dans la nécessité, et d'autant plus que nous nous voyons dans
l'impuissance de vous pouvoir assister ; car nous avons mille peines à
rouler, nous étant épuisées pour fournir à la dépense des affaires de notre
Bienheureux Père ; et, outre cela, nous voici engagées dans l'entreprise
d'une seconde maison en cette ville, ainsi que vous l'aurez appris dans la
lettre que noire communauté a écrite à la vôtre. Cela est une nouvelle
charge ; mais l'œuvre étant de Dieu, nous nous confions pleinement qu'il
pourvoira à ce qui sera requis pour la faire réussir à sa gloire.
Notre Sœur la
Supérieure de Besançon nous a écrit que sa maison était abondante en bonnes
filles de grande vertu et exacte observance ; que, si nous voulions, elle
pourrait donner de leurs bonnes professes en quelques-unes de nos maisons, avec
leur dot de sept cents écus. Mandez-nous si vous voulez que nous vous en
procurions quelqu'une ; nous en faisons venir deux ici, pour aider à faire
notre petite maison. — Eh ! mon Dieu, ma très-chère fille, que vous me
dites là une bonne parole, et qui m'a consolée, que vous tâchez de faire en
sorte que la charité et la raison dominent entièrement sur toutes vos
inclinations, et que votre esprit est plus supportant qu'autrefois. Croyez, ma
très-chère fille, que vous vous en trouverez bien. [328] Faites bien toujours
ainsi, je vous en conjure, et ayez en tout une grande patience et profonde
confiance en Dieu, et vous verrez que sa Bonté vous assistera et que tout ira
bien. — Je crois bien que vos infirmités ne vous permettent pas de faire
beaucoup d'oraison ; mais ces ferventes aspirations que vous faites
fréquemment suppléent très-abondamment à ce défaut de ne pouvoir guère faire
d'oraison. Hélas ! je le voudrais bien, ma chère fille, que nous eussions
la consolation de vous revoir encore une bonne fois ; car c'est la vérité
que nous pourrions mieux tout dire de vive voix que par écrit ; mais je ne
vois pas grande apparence à cela. J'espère que notre bon Dieu nous réunira
toutes dans sa bienheureuse éternité, et là nous aurons tant de suavité que
cela nous fera oublier tous les travaux et peines que nous aurons eus en cette
chétive vie.
Vous avez bien fait
d'accepter le Père Charles pour Père spirituel ; car, portant le titre de
vicaire général, il n'y a point de danger en cela, et vous n'eussiez pu le
refuser, outre que les Pères de l'Oratoire sont de certains prêtres qui
dépendent absolument de l'évêque. — Pour ce qui est de ma Sœur [P. -Jéronyme de
Monthoux], il y a longtemps que je suis avertie de tout ce qui s'est passé en
la maison où elle est, et je sais aussi que, grâce à Dieu, les choses y vont
mieux maintenant. Je ferais conscience de la retirer, et je ne sais pas même si
nous le pourrions faire, à cause que Mgr de Chartres en a fort grande estime,
et, si je ne me trompe, il ne désire pas qu'on l'ôté de là. Et, outre cela, n'y
ayant plus qu'un an, dès l'Ascension qui vient, jusqu'à la fin du terme de
celle qui est en charge ; je crois que ma Sœur Paule-J. sera réélue là,
parce que la Mère de maintenant, quoiqu'elle soit fort bonne, n'a pas néanmoins
beaucoup de capacité pour le gouvernement, de façon que ce serait faire tort à
cette maison-là d'en retirer ma Sœur Paule-J. — Voilà votre lettre répondue, ma
très-chère fille. Hélas ! il faut que je répète que les choses qui sont
arrivées [329] chez vous me font frémir ; mais j'ai confiance que si cette
bourrasque est bien employée, elle attirera de grandes bénédictions sur vos
âmes et sur votre maison ; c'est mon désir, et j'en supplie notre bon Dieu
de toutes les forces et affections de mon cœur qui est entièrement tout vôtre
et sans réserve.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
DUC DE SAVOIE, À TURIN
Recours à la bienveillance du prince au sujet de la
fondation du second monastère d'Annecy.
VUE † JÉSUS !
Annecy, 28 février 1634.
Monseigneur,
Nous avons tant d'expérience de
la bonté et clémence de Votre Altesse Sérénissime envers nous, qu'avec toute
confiance nous la supplions encore très-humblement de nous protéger puissamment
pour l'érection de cette seconde maison de la Visitation, en cette ville, qui
est en vérité, Monseigneur, un dessein de Dieu, entrepris pour sa seule gloire
et le bien des âmes et du pays. Que si nous y avions autre intention, ou
connaissance du moindre [préjudice] pour le prochain, je proteste en toute
simplicité à Votre Altesse, que nous aimerions mieux mourir que de le
poursuivre. Il plaît à la divine Providence de permettre à quelques-uns de
cette ville de se roidir contre cela et d'avancer derechef, par une nouvelle
requête, des choses autant éloignées de la vérité que celles qu'ils dirent dans
leur première réponse ; mais nous espérons en la bonté de Dieu, qui
dissipera bientôt tous ces empêchements et traverses, par l'entremise de
l'autorité et piété de Votre Altesse, Monseigneur, ainsi qu'en toute humilité
nous l'en supplions derechef, [330] au nom de notre doux Sauveur, de sa
très-sainte Mère et de notre Bienheureux Père.
Nous avons pris un
peu d'alarme sur le voyage que Votre Altesse va faire à Thonon, craignant,
Monseigneur, que si cette affaire n'est conclue avant son départ, elle ne soit
retardée pour longtemps, ce qui nous ferait beaucoup de préjudice, car enfin
toute notre confiance après Dieu est en Votre Altesse, Monseigneur, à laquelle
nous souhaitons, du fond de nos âmes, les plus riches et précieuses
bénédictions du divin amour, demeurant en tout respect et soumission votre
très-humble, très-obéissante et très-obligée servante en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Gènes.
SUPÉRIEURE À AIX EN PROVENCE '
Reconnaissance pour la part qu'elle prend aux frais de
béatification de saint François de Sales. — Encourager de ses conseils la
Supérieure de Draguignan. — L'abandon entre les mains de sa Providence est la
disposition que Dieu exige des Filles de la Visitation. — Il ne faut pas aller
à Grasse si on ne promet d'observer les formalités requises. — Estime de la
Mère Balland. — Fondation de Toulon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 12 mars [1634].
Ma très-chère et bonne fille,
Certes, ce que vous
voulez contribuer, pour les affaires de la béatification de notre Bienheureux
Père, est au-dessus de vos forces ; c'est pourquoi il en faut aussi
attendre quelques [331] bénédictions extraordinaires. Mon Dieu ! ma chère
fille, qu'il m'est avis que ce Bienheureux reçoit un grand contentement dans le
ciel de voir la bonté, cordialité et franchise avec laquelle les maisons de la
Visitation, et la vôtre en particulier, veulent contribuer de tout leur petit
pouvoir à ce qu'il reçoive au plus tôt l'honneur qui lui est dû en la terre,
par sa béatification. Certes, votre bon cœur et celui de vos chères Sœurs
montrent bien leur affection envers ce Bienheureux, en cette occasion ;
et, pour moi, je vous assure que j'en ai reçu une grande consolation. Mais je
ne veux pas pourtant que vous donniez davantage que les six cents livres, avec
les quatre cents du vœu pour être préservées de la peste, et encore est-il
requis que vous [332] nous mandiez si ces quatre cents livres n'ont point été
destinées à quelque dévotion particulière, comme à faire faire quelque tableau
ou chose semblable ; ou si, en faisant le vœu, l'on eut dessein de nous
laisser en liberté d'employer cet argent où nous verrions être expédient pour
les affaires de notre Bienheureux Père. Je vous prie de le bien savoir de nos
Sœurs et puis le mander, afin que nous suivions bien l'intention pour laquelle
le vœu a été fait, car cela se doit. C'est pourquoi nous voudrions bien que,
quand nos maisons font des vœux, elles nous laissassent en liberté d'employer
ce qu'elles donnent où il serait jugé à propos pour notre Bienheureux Père.
Vous pouvez envoyer votre argent à Grenoble chez nos Sœurs, si, comme je le
pense, les plaideurs qui vont là vous en peuvent donner quelque bonne
commodité. Et en le mandant à nos Sœurs, il faudrait leur dire que, par
l'entremise de M. de Granieu, elles le fissent tenir à nos Sœurs de Chambéry,
sinon que vous pensiez de pouvoir trouver une commodité plus sûre pour le
mander à nos Sœurs de Lyon : je vous laisse faire comme vous jugerez plus
à propos.
Pour ce qui regarde
ma bonne Sœur la Supérieure de Draguignan, je n'ai pas souvenance qu'elle se plaigne de
rien que de n'avoir pas une Sœur pour la seconder au noviciat ; mais ma
Sœur M. C. de Passier n'est pas propre pour cela. Je lui ai déjà bien écrit à
cette chère Supérieure, sur l'avis qu'elle me demandait, lequel serait mieux
d'acheter une place vide pour bâtir, ou bien des maisons. Rien ne les pressait
de se bâtir si tôt, puisqu'on nous avait dit qu'elles étaient si bien logées.
Je lui en écrirai bien encore, bien que quelquefois on perd des occasions
d'acheter en un temps que l'on ne peut pas recouvrer quand l'on veut, et je
pense que c'est pour cela qu'elle parlait d'acheter un lieu pour se bâtir, à
cause qu'elle nous mandait [333] qu'il se trouvait de fort belles places vides
à vendre et à fort bon prix. C'est une âme humble et craintive, et qui est pour
suivre un bon conseil en ce sujet si vous le lui faites donner, et faites-le
hardiment, ma chère fille, car elle en fera profit ; et je lui ai mandé
qu'elle ait en vous une entière confiance et ouverture de cœur, pour s'y
adresser en tous ses besoins, fit si vous la connaissiez jusqu'au fond, vous
l'aimeriez comme votre propre cœur, je m'en assure.
Vous ferez bien de
ne point aller à Grasse, que ces Sœurs ne vous désirent et que l'on ne promette
d'observer les formalités requises, selon que je les dis à M. le prévôt. Je le
crois certes, ma chère fille, qu'il vous fera grand bien et à la chère Sœur M.
-Marguerite [Balland] d'être un peu longtemps ensemble. Il faut que je vous
avoue que je sens une tendresse toute particulière pour cette chère fille, et
que j'en ai bonne espérance ; mais j'eusse voulu qu'elle eût été un peu
plus longtemps sous l'aile de la Mère ; mais elle fera fort bien. — Ma
très-chère fille, vous faites très-bien de faire manger du beurre aux Sœurs qui
sont de ce pays, et je vous prie que vous-même ne vous priviez pas de ce dont
vous faites jouir les autres ; mais voyez-vous, ma fille, je veux être
crue, puisque je suis la vieille grand'mère, qui vous chérit d'une dilection
très-particulière. — Puisque vos Supérieurs et vos Sœurs conseillères désirent
que vous alliez conduire celles qui iront à Toulon, il y faut condescendre
puisque même cela sera utile à vos Sœurs. J'écrirai donc à Mgr votre bon prélat selon
votre désir ; mais, ma chère fille, je m'en [334] vais en un âge où il ne
faut plus guère me procurer de telles commissions. — Nous vous remercions
très-cordialement de vos provisions de Carême ; je voudrais que nous
eussions le moyen de correspondre à cette charité en vous envoyant quelque chose
de ce pays, mais encore nous y faut-il aviser pour quelque jour, et faut que ma
Sœur la Supérieure de Chambéry nous donne quelque bonne adresse pour cela, afin
qu'entre elle et nous, nous vous puissions mander quelques provisions, que vous
ayez peine à recouvrer là.
Ma toute chère
fille, la disposition de votre chère âme est celle que je désire, ou plutôt que
notre Jésus veut de toutes ses vraies Filles de la Visitation : qu'elles
se délaissent sans se regarder au soin de la divine Providence, s'y reposant
entièrement, et faisant avec paix et douceur ce que cette même Providence leur
présente dans chaque occasion. Dieu ne requiert de nous que cette fidélité. Ma
fille, sa douce Bonté vous tient de sa sainte main ; je le supplie de vous
conduire au moins dans les voies de son pur amour et toutes nos Sœurs, que je
salue avec vous et me recommande affectueusement à leurs prières. Je salue
aussi M. le grand vicaire et votre bon confesseur, non pour requérir de leurs
lettres, mais pour obtenir d'eux leur saint souvenir devant Dieu. Faites fort
prier pour les affaires de notre Bienheureux Père, que je supplie nous rendre
toutes ses vraies et très-humbles Filles.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Marseille.
[335]
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À CHAMBÉRY
Désir de prévenir un nouveau procès.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 24 mars [1634].
Monsieur,
Il me semble que
notre bon Dieu se plaise à faire naître des occasions pour employer la charité
qu'il vous a donnée pour les Mlles de la Visitation, et par ce moyen accroître
toujours les obligations qu'elles ont à votre bonté ; car voilà M.
l'avocat Fichet, lequel ne se contentant pas de l'arrêt rendu par le souverain
Sénat contre MM. de la Ravoire et Descostes, au même sujet que celui pour
lequel nous agissons contre lui, s'est porté appelant de la sentence que MM. du
conseil du Genevois ont rendue en notre faveur, ensuite, comme je pense, dudit
arrêt et de la justice de notre cause. Vous savez, Monsieur, combien il est
important, pour le repos de nos maisons, que les parents de nos Sœurs nous
fassent jouir sans conteste des dots qu'ils nous promettent pour elles, quand
elles ont fait profession, comme a fait très-légitimement notre Sœur M.
-Thomassine Fichet. C'est pourquoi, avec toute l'humilité et affection de nos
cœurs, nous recommandons cette affaire à votre bienveillance paternelle, pour
en obtenir l'exécution au plus tôt qu'il se pourra, parce que je crois que nous
pouvons encore avoir un arrêt favorable, comme la justice de notre cause nous
le fait espérer, que cela arrêtera tous ceux qui, par ci-après, voudraient
troubler nos monastères pour ce sujet.
Nous avons écrit
fort au long à M. Fague tout le procédé de M. Fichet, par lequel vous pourrez
savoir comme il ne prétend que de nous tirer à des longueurs extrêmes, comme
déjà il a [336] fait dès plusieurs années, sous prétexte d'accord et autrement,
et même que nous avions traité avec lui à notre perte, mais la nécessité où
nous étions d'argent nous le fit faire. Et voilà qu'il nous a manqué de parole,
voulant, au lieu d'argent comptant qu'il nous avait promis, nous donner une
obligation sur laquelle tout de même il nous faudrait plaider ; outre que
nos amis d'ici nous disent qu'il nous sera tout à fait utile d'avoir encore un
arrêt, après lequel nous ne laisserons pas de traiter avec toute sorte de
douceur avec lui quand il nous donnera de l'argent, car de prendre des papiers,
l'on nous assure, et Mgr de Genève même, que nous n'en aurons jamais rien que
par procès, qui est tout ce que nous craignons et fuyons plus que chose
quelconque, après le péché.
Je prie Dieu,
Monsieur, qu'il soit votre récompense de tant de bien que nous recevons de
votre bonté, et qu'il répande sur votre digne personne et celle de madame votre
femme et de tous vos chers enfants les plus riches trésors de ses grâces. Dans
cette affection, je vous demeure invariablement, Monsieur, votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE LYON
Reconnaissance pour une offrande faite en faveur du second
monastère d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 30 mars [1634].
Ma très-chère fille,
En lisant votre
chère lettre, je voyais clairement la véritable correspondance de votre tout
bon et cher cœur à ces paroles toutes cordiales, par lesquelles vous me
témoigniez si naïvement [337] la suavité et grandeur de votre toute sincère
dilection envers moi. Mon Dieu ! que cela répand et remplit mon âme d'une
sainte consolation ! Il faut bien dire que c'est la bonne main de
Notre-Seigneur qui lie ainsi étroitement nos cœurs ; car je vous assure,
ma très-chère fille, que je me sens si jointe à vous, et si cordialement et
intimement affectionnée à votre sainte communauté, que je n'ai point de paroles
capables de l'expliquer. Dieu nous rende immortelle cette sainte dilection, et
récompense par l'abondance de son saint amour le don et l'aumône que ce même
amour vous inspire de faire en faveur de la petite maison d'Annecy. Je vous
supplie, ma très-chère fille, d'offrir ma cordiale reconnaissance et notre
très-humble remercîment à toutes nos chères Sœurs, qui y ont contribué si
franchement leur bonne volonté et consentement. Je les salue toutes
très-chèrement, comme mes filles très-aimées et de cœur.
Ne soyez en souci
pour le secret : il sera gardé [338] soigneusement. La très-chère Sœur de
Bellecour ne m'en a pas dit un mot, ni moi à elle. Dieu soit notre unique
amour. Je suis en Lui, vôtre, sans aucune réserve. Il soit béni. Amen.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Nouvelles des poursuites faites pour la béatification de
saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 7 avril 1634.
Ma très-chère fille,
Voilà la réponse de
ma Sœur la Supérieure de Marseille ; vous la lui ferez donc tenir bien
sûrement. Je lui mande qu'il suffira qu'elle donne deux cents écus pour ce
coup, parce que les Pères en ayant emporté près de dix-huit cents, je ne pense
pas qu'ils aient besoin si tôt d'argent. Au reste, vous êtes admirable à
demander des nouvelles des affaires de ce Bienheureux, et ces Pères ne font que
d'arriver à Rome. Nous leur avons envoyé la lettre de Mgr de Bourges qui porte
la réponse de Mgr le cardinal-nonce, touchant ce Décret qui interdit toute
poursuite de béatification de cinquante ans. Dame ! il faut bien prier
Dieu pour cela ; car l'on aura de la peine à le vaincre. — Ce papier sur
lequel M. Cœursilly veut imprimer le Coutumier est assez bon ; mais je
n'ai pas le loisir à cette heure de penser à cela. Vous nous envoirez donc les
six paires d'Heures par quelque voiturier, quand la commodité s'en présentera.
Elles ne valent pas plus de trente sols, le papier en étant fort chétif. Pour
ce qui est de la lame, certes Mgr de Genève ne sait [ce] qu'on en fera, car on
ne la pourra ni faire venir, ni l'appendre à notre église ; c'est pourquoi
il aurait bien voulu qu'on l'eût [339] faite d'argent, puisqu'elle devait tant
coûter ; car elle en serait plus belle et plus portative, et ne nous
aurait pas coûté davantage. Mais c'est grand cas que je ne me suis jamais pu
bien faire entendre en cela, ni faire qu'on se tînt au marché de M. le prévôt,
qui ne revenait pas à ce qu'on la fait valoir.
Mon Dieu ! ma
fille, certes je n'ai nul loisir que de rire d'une lettre que je viens de faire
écrire à notre Sœur de Châtel, sur son attelage de chevaux et de charrettes,
qu'elle nous vante tant qu'elle peut pour notre petite maison. Vous en aurez
des nouvelles quand j'aurai loisir d'écrire sa grande lettre. Cependant certes,
je vais vider mon esprit tant que je pourrai pour passer cette sainte semaine
avec Notre-Seigneur, s'il m'en fait la grâce. Il soit béni.
Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PARIS
Affiliation à l'Ordre de la Visitation.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Monsieur et notre très-cher
frère,
Puisque Dieu vous a
rendu un si bon et dévot fils de notre Bienheureux Père, et que vous désirez
d'être associé à sa petite Congrégation, nous vous y admettons de tout notre
cœur, en tant que nous le pouvons, afin que désormais vous soyez participant de
tous les biens qui se feront dans notre Congrégation de la Visitation,
bénissant Dieu qui vous a donné ce désir pour notre consolation et utilité
spirituelle, nous confiant en votre bonté que vous nous ferez participantes de
vos saints sacrifices et bonnes œuvres, offrant journellement à la divine
Majesté [340] toutes vos petites filles et sœurs de la Visitation, et
particulièrement, selon votre promesse, celle qui est de cœur, votre
très-humble fille en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation.
d'Annecy.
SA FILLE, À ALONNE
Encouragement à bénir la volonté divine dans les
afflictions qu'elle nous envoie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Votre lettre, ma
très-chère fille, a grandement touché mon cœur de le voir dans une si sensible
douleur. À la vérité, vos afflictions sont grandes, et les sujets en sont
pénétrants, les regardant selon les choses de cette vie ; mais si vous
éleviez votre considération au-dessus des choses basses et caduques qui n'ont
point de durée, pour regarder la bienheureuse éternité, où sont les grandeurs
et consolations infinies, vous seriez toute pleine de douceur parmi les
accidents de cette mortalité, et vous vous réjouiriez de voir en lieu d'assurance
ceux que vous regrettez. Mon Dieu ! quand serons-nous un peu attentives à
ces vérités de la foi ? Quand sera-ce, ma chère fille, que nous
savourerons la douceur de la volonté divine en tout ce qui nous arrivera, n'y
voyant que son bon plaisir, qu'il nous départ avec un amour égal et
incompréhensible tant ès prospérités qu'es adversités, le tout pour notre
mieux ? Mais, misérables que nous sommes, nous convertissons en poison les
remèdes que ce grand médecin nous applique pour guérir nos maladies. Ne faisons
plus de la sorte ; mais, comme enfants obéissants, soumettons-nous
amoureusement à la volonté de notre Père céleste, et correspondons à ses
desseins, qui sont de nous unir plus [341] intimement à Lui par le moyen des
afflictions ; et faisant ainsi, Il nous sera tout, et nous tiendra lieu de
frère, de fils et de mari, de mère et de toutes choses. Prenez donc bon
courage, et vous fortifiez par ces considérations. Je supplie Notre-Seigneur
qu'il vous donne la connaissance des riches trésors que sa bonté enclôt dans
les afflictions reçues de sa main.
Conseils pour vivre chrétiennement dans le veuvage.
Ma très-chère fille,
Vous désirez voir en
écrit mes intentions sur vous, les voici donc en suite. La plus forte affection
que j'aie, c'est que vous viviez en vraie veuve chrétienne, avec la modestie
aux habits, aux actions et surtout aux conversations, desquelles il est tout à
fait requis que vous bannissiez les jeunes hommes vains et mondains ;
autrement, ma très-chère fille, quoique, par la grâce de Dieu, je tienne votre
vertu pour inébranlable et que j'en sois assurée plus que de moi-même, si
est-ce qu'elle serait ternie et sujette aux divers jugements du monde, si vous
receviez telles personnes en votre maison et vous plaisiez en leur compagnie.
Je vous prie de me donner créance en ceci, pour votre honneur et le mien et
pour mon repos. Je sais bien, ma très-chère fille, que l'on ne peut bonnement
vivre en ce monde sans quelques contentements ; mais croyez-moi, ma mie,
que vous n'en trouverez point de solide, sinon en Dieu, en la vertu et aux
soins [342] justes et raisonnables que vous devez prendre en l'éducation de vos
enfants, et au gouvernement de leurs biens et de votre maison ; si vous en
voulez prendre ailleurs, vous aurez mille angoisses de cœur et d'esprit, je le
sais bien. Je ne rejette pas les légitimes contentements qui se peuvent tirer,
par forme de divertissement, aux conversations honorables de personnes
vertueuses, ni les visites qui se peuvent faire de telles personnes, bien qu'il
soit plus raisonnable de les faire plus rarement en la condition où Dieu vous a
mise. Enfin, ma très-chère fille, il faut, pour la gloire de Dieu en vous, pour
l'honneur et l'amour que vous devez à la mémoire de votre tant cher mari, pour
la conservation de votre propre réputation et pour l'édification de votre
fille, qui sans doute se moulera sur vous, que vous contraigniez un peu vos
inclinations et les soumettiez à Dieu, à la raison, à votre utilité, à celle de
vos chers enfants, et encore pour la bienséance de votre naissance et condition
et la consolation de vos proches. Vous serez fort aidée pour cela, ma
très-chère fille, si vous suivez fidèlement les petits exercices de piété dont
nous avons parlé et que je vais ici marquer.
Premièrement, à votre
réveil du matin, pensez à cette toute présence de Dieu, et remettez entre les
mains de sa Bonté votre cœur et tout votre être ; puis regardez brièvement
le bien que vous pouvez faire le jour, et le mal que vous pouvez éviter,
surtout en vous abstenant du défaut auquel vous êtes le plus sujette, et vous
résolvez qu'avec la grâce de Dieu vous ferez le bien et éviterez le mal. Vous
levant, étant descendue de votre lit, ou sur votre lit même, mettez-vous à
genoux, adorez Dieu du profond de votre âme, remerciez sa Bonté pour tous les
bénéfices et grâces qu'il vous a faits ; car, si vous y pensez un peu,
vous verrez que ses miséricordes vous ont environnée et qu'il a eu un soin
spécial de vous, ce qui doit bien toucher votre cœur, lequel vous lui offrirez
derechef avec vos résolutions et toutes vos affections, pensées, paroles et
œuvres que vous [343] ferez ce jour-là, en union de l'offrande sacrée que notre
divin Sauveur fit de soi-même sur l'arbre de la croix, et lui demanderez sa
sainte grâce et assistance pour votre conduite ce jour-là, puis prendrez sa
sainte bénédiction, celle de la Sainte Vierge, de votre bon Ange, et de vos
saints protecteurs, en les saluant par une simple inclination de cœur et
révérence intérieure. Tout cet exercice se peut faire en l'espace de deux Pater
et Ave, Maria ; puis habillez-vous diligemment.
Tant qu'il vous sera
possible, oyez la sainte messe tous les jours, le plus attentivement et
dévotement que vous pourrez, avec quelques saintes considérations, selon qu'il
est enseigné à Philothée ; si vous ne la pouvez entendre réellement,
entendez-la spirituellement, ainsi que le même livre le dit, qui doit être
votre cher livre et votre guide spirituel. Or, soit pendant la sainte messe, si
vous ne pouvez mieux, ou en quelque autre temps et lieu retiré, faites tous les
matins environ un quart d'heure d'oraison cordiale, vous mettant devant Dieu ou
à ses sacrés pieds, ou à ceux de la très-sainte Vierge, comme une fille devant
son père ou sa chère mère, et vous entretenez avec leur divine Majesté avec une
humble confiance filiale, soit par l'entremise de quelque mystère, ou bien
selon le besoin que vous aurez présentement et que l'esprit vous dictera.
Finissez toujours par un grand désir d'aimer Dieu et de lui plaire, avec un
renouvellement de vos saintes résolutions et invocation de sa grâce. Surtout
tâchez d'avoir une pure intention en tout ce que vous ferez et d'offrir souvent
vos actions à Dieu, retournant fréquemment votre esprit à sa Bonté, par des
saintes affections, selon qu'il vous suggérera ou que votre cœur vous le
dictera.
Lisez tous les jours
un quart d'heure ou demi-heure dans quelque livre dévot, surtout dans
Philothée. Devant le souper, étant un peu retirée, ou en vous promenant,
remettez-vous entre les mains de Dieu, par quelques saintes aspirations. Faites
un examen avant que vous coucher ; et, prosternée devant Dieu, [344]
adorez-le, remerciez-le, offrez-lui votre âme et l'invoquez. Et, si vous
pouvez, ajoutez les litanies de Notre-Dame, faisant répondre vos filles. Communiez
au moins tous les premiers dimanches du mois et les bonnes fêtes qui y
écherront, comme celles de Notre-Dame et les grandes fêtes de Notre-Seigneur,
le jour de saint Joseph, auquel je désire que vous soyez dévote.
Et pour fin, ma
très-chère fille, tâchez de pacifier vos passions et de les ranger, avec vos
inclinations, sous la loi de la raison et de la sainte volonté de Dieu ;
car autrement vous n'aurez jamais que trouble et perturbation en votre âme.
Mais si vous êtes si heureuse que de recevoir avec douceur et patience les
afflictions et contradictions de cette vie, que Dieu permet ou envoie aux
enfants de son élection éternelle, pour leur bien et acheminement en sa
glorieuse béatitude, assurez-vous, ma très. chère fille, que vous commencerez
dès cette vie à goûter quelque chose des délices de la bienheureuse éternité de
gloire ; mais il faut avoir le cœur bon envers Dieu et l'aimer
souverainement en tous les effets de son bon plaisir, et préférer, par une
sainte obéissance, sa divine volonté à toutes nos volontés, désirs et
inclinations. Dieu, par sa douce bonté, nous octroie cette grâce, ma très-chère
fille ; je l'en supplie incessamment et de tout mon cœur, qui vous aime
uniquement et de toute l'étendue de ses affections. Amen.
Conforme à une copie authentique gardée aux Archives de la
Visitation d'Annecy. [345]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Affaires concernant madame de Toulonjon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 11 mai [1634].
Ma très-chère fille,
Je vous prie de
donner une sûre et prompte adresse à cette lettre de Mgr de Bourges, parce
qu'elle est importante pour les affaires de ma fille qui me témoigne, en ses
dernières lettres, n'être guère contente de ce que vous avez mandé son argent à
M. l'abbé [de Saint-Satur] son beau-frère, parce qu'il le lui consomme tout
là ; et de quatre mille écus qu'il a reçus pour elle, il lui mande qu'il
lui en a seulement mis huit mille francs en rente et que le reste il le garde,
parce qu'il lui consomme beaucoup d'argent là. Si vous l'eussiez fait remettre
entre les mains de ma Sœur Favre, elle en aurait été bien aise, mais non de ce
que M. l'abbé l'a reçu ; et, puisque vous lui voulez faire la charité de
lui garder trois mois les mille sept cents livres que vous avez encore, pour
savoir ce qu'elle veut que vous en fassiez, je pense que nous les pourrons bien
prendre, parce qu'au lieu de les faire tenir à ma Sœur Favre, qui nous doit
envoyer de l'argent, nous pourrons savoir d'elle si elle agréera que nous prenions
toujours celui-là, à bon compte d'une plus grande somme qu'elle nous doit
donner, avec deux filles pour la [seconde] maison. Ma chère fille, je vous dis
derechef que si vous faites la charité à ma fille de lui garder son argent
trois mois, on pourra se résoudre pendant cet intervalle à le lui loger en
quelque lieu assuré, sinon que vous en trouvassiez plus tôt quelque bonne
commodité, que vous le pourriez faire de vous-même. Nous lui devons quarante ou
cinquante pistoles pour joindre à cette somme ; mais nous ne le saurions
faire de deux mois. [346]
J'attends de bon
cœur la caisse de Paris et de vos chères nouvelles. Je vous prie, ma fille,
faites tenir aussi celle que j'écris à ma fille, laquelle n'est point si
résignée que je voudrais ; mais certes, elle est digne de compassion pour
la quantité et diversité de ses traverses. Priez bien Dieu pour elle et pour
mes besoins ; certes, les affaires nous accablent quasi. Dieu tire tout à
soi et nous tienne en sa douce protection. — La vie de notre Sœur Sauzion est à mon gré. je veux dire ses vertus.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Heureuses espérances que donne le monastère de
Montpellier. — De la fondation de Nîmes. — Il ne faut rien changer ni innover à
l'Office. — Les Supérieures peuvent dispenser des menues coutumes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 11 mai 1634.
Ma très-chère fille,
C'est la vérité que
je suis bien si accablée d'affaires que je ne puis pas toujours faire tout ce
que je voudrais bien. Et croyez, ma fille, que quand je ne vous écris pas, j'en
laisse bien d'autres ; car certes j'ai une particulière affection à votre
consolation. Mais la multitude d'occupations qui m'arrivent l'une sur l'autre
m'ôte bien souvent le moyen et la mémoire de ce que je dois faire, et pense
qu'enfin il faudra que je me résolve à ne [347] plus répondre, que pour des
choses bien importantes et qui regardent l'Institut ; car je défaille, et
les affaires me croissent par la multiplicité des maisons, en sorte que j'ai
grand'peine à y fournir ; c'est pourquoi il faut que désormais chacun
s'accoutume à former son jugement, et faire la conduite ordinaire de sa maison
sans s'attendre plus à moi. Ce que je ne vous dis pas pour vous empêcher de
m'écrire, car je suis toujours bien aise de savoir de vos nouvelles ; mais
afin que vous n'attendiez pas toujours réponse quand il n'y aura rien de
nécessaire à répondre ; je vous écrirai pourtant, le plus que je pourrai.
Je ne me suis pas
beaucoup mise en peine de vous nommer des Sœurs pour votre catalogue de
l'élection, tant parce que je ne vois point d'inconvénient de proposer les
trois que vous me nommez de votre maison, que parce que je ne doute point que
vous ne soyez réélue, et cela sera le bien de votre maison. Je suis bien
consolée de la bonne odeur qu'elle répand et de ce que votre bâtiment s'avance.
J'espère que vous ferez là une maison de bénédictions spirituelles et
temporelles, qui réussira grandement à la gloire de Dieu et à l'édification de
tout ce pays-là. — Quant à ma Sœur N... je ne sais quel fondement elle peut
avoir en l'estime qu'elle vous veut persuader que j'ai prise d'elle, car j'ai
toujours reconnu en elle un grand besoin de l'esprit d'humilité et d'élever son
esprit droit à Dieu, sans s'amuser autour des créatures, et de ne se point tant
rechercher elle-même. Je l'aime bien, parce que je la crois bonne fille ;
mais j'ai toujours vu que son grand besoin était de s'adonner à bon escient à
ces pratiques-là. Et pour l'estime qu'elle dit que ma Sœur la Supérieure de
Chambéry a d'elle, je n'en puis rien dire, car je n'en ai rien connu. Il est
vrai encore qu'elle a ce défaut, qui est d'attirer les filles à elle, ce qu'il
faut tâcher de lui bien faire connaître, car c'est un manquement grandement
important en Religion, pour le mal que cela peut causer ; c'est [348]
pourquoi, je vous prie, portez-la grandement à travailler pour s'en affranchir.
Quant à ce que vous
me dites du Père Fichet, il est vrai qu'il a l'esprit sec. Je crois qu'il leur
faut laisser faire de cette fondation de Nîmes comme ils voudront. La
Providence divine sait quelles filles elle y a destinées ; mais je vous
dirai bien pourtant que c'est la vérité que nos Sœurs d'Aix, ni même celles de
Lyon n'ont point de filles pour le gouvernement, au moins pour une telle ville
que celle-là, et que partant, si l'on s'adresse à elles pour cette fondation,
je ne pense pas qu'elles la puissent faire. — Au reste, pour ce qui est des
menues coutumes que vous demandez, nous sommes après les faire séparer de
l'éclaircissement de l'Office, car nos Sœurs avaient tout écrit
pêle-mêle ; et je crois qu'il nous faudra faire imprimer ce qui regarde
l'Office à la fin du Coutumier, qu'on réimprimera bientôt. Et, pour le reste
des menues coutumes, on les gardera à part, écrites à la main, parce que ce ne
sont pas des choses importantes comme ce qui est de l'Office, auquel on ne doit
rien changer ni innover ; mais les Supérieures peuvent dispenser des
menues coutumes, quand elles le jugent à propos ; et quand nous aurons
tout ajusté, nous vous en ferons part, assurez-vous-en, ma très-chère fille. —
Non-seulement je trouve bon que vous reposiez demi-heure de plus que la
communauté, le matin ; mais je vous prie et vous conjure de prendre les soulagements
nécessaires à vos infirmités, afin que vous duriez longuement au service de
Notre-Seigneur.
Je pense que vous
ferez bien de procurer que Monseigneur fasse votre visite le plus tôt qu'il
pourra, et de faire en sorte qu'il vous nomme quelqu'un à qui vous vous
puissiez adresser en son absence. Ma chère fille, vous pouvez vous résoudre en
ces choses-là sans attendre mes réponses ; car Dieu vous a donné assez
d'esprit pour juger ce qui est le mieux pour votre maison. —Au reste, ma toute
chère fille, la première pierre du second [349] monastère fut posée vendredi,
et j'espère que cette maison sera de grande bénédiction pour le grand nombre de
bonnes filles, bien que pauvres la plupart, qui s'y présentent. Mon Dieu !
que je voudrais bien avoir une douzaine de Sœurs Louise-Dorothée en ma main,
pour les placer où la gloire de Dieu le requerrait. Certes, ma fille, je vous
aime toujours plus, et la bonté et souplesse de votre cœur ; mais aussi ne
faut-il pas faire ainsi ?
Adieu, je ne puis
plus quasi écrire de ma main ; mon estomac s'en fâche trop. Faites mes
devoirs vers Monseigneur et mes excuses vers M. et madame de Vallat. Je salue
aussi toutes nos Sœurs, en leur souhaitant le saint amour du Sauveur, surtout à
ma très-aimée fille, leur bonne Mère.
Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Les monastères de Paris sont le recours de tous ceux qui
se trouvent dans le besoin. — Désir que Sœur H. A. Lhuillier accompagne les
Religieuses envoyées à la fondation du Mans. — Éloge de M. Deshayes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 19 mai [1634].
Ma vraiment bonne et
très-chère fille,
Votre cœur m'est si
bon et si cordial qu'il me donne une entière confiance de vous écrire comme et
quand je le puis ; c'est pourquoi vous pouvez, avec toute liberté,
m'écrire franchement tout ce que vous désirez que je sache, vous assurant que
je vous répondrai toujours fort sincèrement à tout ce que je verrai qui pourra
vous être utile et nécessaire, et le plus promptement qu'il me sera possible.
Je bénis Dieu de tout mon cœur de ce que votre bénite et chère maison se
remplit tous les jours de si bonnes et excellentes filles ; c'est un grand
bien pour [350] vous et pour votre famille, et encore pour les pauvres maisons
qui ont leur recours à vous pour avoir des filles.
Pour ma Sœur la
Supérieure de Metz, il est vrai que nous ayant écrit pour avoir une directrice,
je lui répondis qu'il fallait qu'elle requit de vous cette charité, m'assurant
que si vous leur en pouviez donner une, vous le feriez de grand cœur ;
car, ma très-chère fille., il me semble de voir votre cher cœur et celui de ma
chère Sœur H. -Angélique tout élargis en charité et dilection pour les pauvres
maisons, en telle sorte que je ne doute nullement que tout ce que vous pouvez
faire pour leur bien, vous ne le fassiez avec une entière sincérité et
franchise ; et je vois tous les jours ce que j'ai déjà dit qu'il faut que
les maisons de Paris soient le secours et le soulagement des pauvres maisons
qui sont autour d'elles. — Quant à ce qui est de votre fondation du Mans, ce
sera un grand bien que ma chère Sœur H. -Angélique y conduise les Sœurs,
lesquelles recevront de ce bonheur une consolation pleine de douceur et de
suavité ; et outre cela, sa présence ne pourra qu'être fort utile aux
maisons où elle passera. Mais il faudra savoir si sa santé lui pourra permettre
ce voyage, et si elle le pourra faire sans incommodité. Et si elle passe par
Blois, je la supplie prendre le loisir de bien considérer l'esprit de ma Sœur
la Supérieure, et de reconnaître celui des filles, avec la disposition présente
de la Mère déposée, afin qu'à son retour elle m'en écrive un peu au long ce
qu'il lui en semblera.
Si madame la
maréchale pouvait donner ses mille francs à nos Sœurs de Rouen, j'en serais
bien aise ; cela les aiderait à vous sortir des engagements où vous vous
êtes mises pour elles ; je lui en écrivis, il n'y a pas longtemps, par le
Père. — Je suis bien aise de ce que vous appelez père notre vraiment
très-cher et bon père M. le commandeur [de Sillery] ; car, maintenant
qu'il a pris l'ordre sacré de prêtrise, il faut que son humilité nous souffre
cela. Nous lui avons des obligations si grandes et [351] si pressantes, que
nous ne saurions jamais en avoir assez de reconnaissance. C'est pourquoi il
faut au moins lui accorder tout ce qu'il témoigne désirer de nous ; car je
suis bien assurée que sa prudence, sagesse et grande piété ne lui feront rien
requérir que nous ne lui puissions facilement accorder. — Quand M. Deshayes
sera à Paris, il vous en donnera avis ; car nous l'avons prié de recevoir
l'argent de la charité. Ce bon seigneur est incomparable dans son
affection ; c'est lui que notre Bienheureux Père appelait son bon et
fidèle ami du monde, aussi se témoigne-t-il tel dans toutes sortes d'occasions,
tant envers notre bon Père, comme à tout ce qui le touche ; aussi ai-je un
grand désir que nos maisons le reconnaissent pour tel, et traitent avec lui
cordialement, en lui témoignant un amour plein d'une sainte dilection.
Je croyais vous dire
ici un mot de ma main, et à la très-chère Sœur H. -Angélique ; mais ma
tête ne me le peut permettre. Je salue bien chèrement votre cher et tout bon
cœur avec toutes nos chères Sœurs, suppliant Notre-Seigneur de vous rendre
toutes de plus en plus selon son Cœur. Je vous prie de faire saluer de notre
part M. et madame de Coulanges et ma petite. Il n'y a pas longtemps que j'ai
écrit à notre bon Mgr l'archevêque, que je vous prie de faire aussi saluer de
ma part, et de croire que je suis d'un cœur entier et sincère, votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[352]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Élection de Crémieux ; prévision pour celle
d'Orléans.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 20 mai [1634].
Ma très-chère fille,
Je suis étonnée de
ce que vous me dites qu'il y a si longtemps que vous n'avez point de nos
nouvelles ; car je crois bien que nos bonnes Sœurs de Crémieux vous auront
fait tenir celle que nous vous écrivîmes du 20 ou 27 février avec un gros
paquet de lettres, dont une partie était de ma fille qui s'en est allée, lequel
je leur avais grandement recommandé de vous faire tenir promptement ; et
du depuis je vous ai encore écrit par l'homme de madame de Nemours, auquel nous
avons aussi donné un grand paquet, que, je crois, vous aurez reçu maintenant.
Vous dites que nos
Sœurs de Crémieux vous ont bien mortifiée en l'élection qu'elles ont
faite ; si, ont-elles bien moi [aussi mortifiée] ; mais il n'y a
remède. Dieu veuille que le tout réussisse à sa gloire ! je n'ai point de
volonté en cela, sinon que, puisqu'elles l'ont élue, il faut tâcher de la leur
faire avoir, si elle y veut venir. J'en ai écrit à ma Sœur la Supérieure de
Montferrand, ainsi que vous aurez vu ; car je crois que nos Sœurs de
Crémieux vous auront adressé leurs lettres. Tout ce qui est à désirer, c'est de
leur procurer une prompte réponse, pour savoir si elles l'auront ou non, bien
qu'elles n'aient rien qui les presse en cela, car elles ont une très-bonne
assistante. Si elles eussent cru le conseil que je leur donnais, d'attendre à
[353] l'Ascension, on eût eu le moyen de les mieux pourvoir. — Pour ce que M.
le grand vicaire vous a dit de l'élection de ma Sœur la Supérieure de
l'Antiquaille à Orléans, je n'y ai point de part pourtant, n'en ayant écrit ni
d'un côté ni d'autre ; mais ç'a été le bon Père dom Maurice, lequel, selon
la connaissance qu'il a eue de notre maison d'Orléans, au temps qu'il a demeuré
là, leur dit que cette bonne Mère leur serait propre. Je n'ai rien coopéré en
cela, sinon, quand le Père dom Maurice m'en a parlé, de lui dire que cela
serait bien ; car enfin, ma très-chère fille, je ne fais tout le mal que l'on
pense que je fasse. Mais pour vous dire ce qui en est : la maison
d'Orléans a besoin d'une bonne Supérieure, et elles n'en ont point parmi elles,
ni je n'en sais point du côté de la France, si ce n'est ma Sœur Paule-Jéronyme
de Monthoux ; mais elles l'appréhendent, craignant qu'elle ne soit trop
austère, et je les laisse faire. Je serais bien aise pourtant, si elles se
peuvent passer de ma Sœur de l'Antiquaille, qu'elles le fassent ; je leur
en écrirai pour la consolation de M. le grand vicaire, lequel je vous prie de
saluer très-humblement de ma part, et l'assurer qu'en cela, comme en toute
autre occasion, je serai toujours bien aise de lui témoigner le désir que j'ai
de le servir, ou plutôt le respect et l'honneur que je porterai toute ma vie à
ses désirs.
Un bon gentilhomme
de cette ville, qui s'appelle M. de T..., nous a délivré ici deux cents livres
qu'il nous a priées de faire tenir à son fils qui étudie à Orléans. Je vous
prie, ma chère fille, de les faire tenir à ma Sœur la Supérieure d'Orléans,
afin qu'elle les remette le plus promptement qu'il se pourra audit sieur de
T..., étudiant à Orléans. Que si vous ne pouvez sitôt faire tenir l'argent, au
moins faites tenir les lettres que nous vous envoyons pour ma Sœur la
Supérieure d'Orléans. — Notre Sœur l'économe nous a dit que vous devez les
cinquante écus de la rente qui sont échus le premier de janvier passé ;
vous y joindrez encore cinquante livres de l'argent de Saint-Étienne, [354]
pour faire les deux cents livres que vous enverrez à Orléans, et nous vous en
envoyerons votre quittance. — Voilà quarante sols pour une paire d'Heures que
nos Sœurs ont fait venir ; mais c'est à condition que vous réduirez ce bon
homme-là à n'en prendre que trente ; car certes, elles n'en valent pas
davantage, à cause qu'elles sont si mal imprimées et de si mauvais
papier ; et les dix sols restant vous demeureront pour arrhes, jusqu'à ce
que nous en achetions d'autres ; car, quand nous saurons qu'elles seront à
trente sols, nous en prendrons davantage.
Il vous en prend
bien que ce n'est pas de ma main que je vous écris, car je ne vous dirais pas
tant de choses, quoique j'aie bien envie de vous écrire un peu à mon gré.
Cependant, devenez sainte, et priez tant Dieu que je sois parfaitement humble.
Je suis tout a fait vôtre et à nos pauvres Sœurs.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PARIS
Moyens d'acquérir la paix du cœur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Oh ! quel bonheur,
mon vrai Père, d'être ainsi tout dédié et immolé à la souveraine Majesté !
Quant aux désirs que vous avez d'être fort reconnaissant envers notre bon Dieu,
pour l'excellence des grâces qu'il vous a conférées, il m'est avis, mon
très-cher Père, que sa divine lumière, qui les pénètre et voit dans votre âme,
se contentera que vous les conserviez, sans vous peiner ni occuper beaucoup à
entreprendre de grandes choses, ni à en rechercher les occasions ; mais
vous tenir [355] préparé à les accomplir quand son adorable volonté vous les
présentera : c'est le plus parfait et le plus utile pour que, ce me
semble, dans une vraie simplicité et révérence, vous joigniez et vous serriez
amoureusement votre cœur à ce divin Sauveur vous unissant à l'unité de Dieu,
par un amour simple et épuré. Le calme que cela donnera à votre âme fera
qu'elle connaîtra avec une clarté bien plus grande les inspirations, les
motions et les lumières que le Saint-Esprit lui communiquera. Tâchez de faire
vos actions avec le plus de pureté et de perfection que vous pourrez, mais sans
contrainte ni gêne : s'il vous vient en vue d'y avoir commis quelque
défaut, humiliez-vous tranquillement, par un simple abaissement d'esprit devant
Dieu, et n'y pensez plus. Notre saint Fondateur, que vous voulez imiter, disait
qu'il fallait souffrir que nous fussions de la nature des hommes, puisque Dieu
ne nous avait faits des Anges, et partant de nous contenter de la pureté qui se
peut humainement acquérir.
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
On ne doit proposer aux élections de la communauté que des
Religieuses capables de gouverner, et ne pas empêcher une Supérieure de se
rendre au monastère où elle a été élue.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, juin 1634.]
Si la douceur de notre
doux Sauveur guérit ou du moins soulage ma pauvre grande fille, quelle
consolation pour ses chères filles et pour nous ! Nous en supplions sa
Bonté de tous nos cœurs, les soumettant toutefois à son bon plaisir, à votre
imitation ; car je sais que vous ne voulez que cela.
Quant à tout ce qui
s'est passé pour [Troyes], vous l'avez [356] fait avec tant de pureté d'intention que Dieu ne lairra de l'approuver,
encore que quelque partie du monde vous en blâme. Conduisez cela selon la
douceur et suavité accoutumées de votre esprit, car il ne faut rien rompre,
mais tout plier doucement. — Une de nos maisons propose qu'il faut mettre sur
le catalogue aux élections des Supérieures, toutes les filles qui ont les
années de Religion, sans distinction de celles qui pourraient être imbéciles
[infirmes] et tout à fait sans capacité du gouvernement ; et cela pour
éviter les murmures de celles qui ne sont pas proposées, et ne leur donner la
confusion qu'on les tient pour incapables. Que dites-vous à cela, ma vraie fille ?
J'en désire savoir votre sentiment ; car, outre que la pratique contraire
est établie dès le commencement en notre Institut, où je n'ai pas su que
personne trouvât à redire, il m'est avis que ce serait contre la sincérité due
aux communautés de leur proposer quantité de filles, qu'en conscience l'on juge
incapables de les conduire.
Vos lettres nous ont
certes touché le cœur jusqu'au fond. Hélas ! que vous avez bien raison de
croire que nous ne doutons point de votre incomparable sincérité et
obéissance ; car vraiment il nous serait impossible de le faire. Je n'ai
aucune vue d'en avoir eu une ombre de doute. Si Dieu a régenté en votre
élection [à Rennes], Il en détournera tous les obstacles que les
hommes donnent à votre voyage. Cependant ils font grand tort à notre Institut,
et lui veulent ôter l'un des moyens plus efficaces qu'il ait pour conserver son
esprit. Si j'osais, je dirais de tout mon cœur : Plût à Dieu que cette
élection n'eût point été faite car elle me donne assez de peine de vous mener si
loin de nous ; mais, regardant à la céleste Providence, je me soumets, et
prie Dieu que sa sainte volonté s'accomplisse, et qu'il tire [357] sa gloire de
tout. Ils ont grand tort en leurs contradictions ; c'est n'aimer guère
l'Institut de préférer leur consolation au bien de toute une Religion ;
car, comme vous dites, ma vraie très-chère fille, il sera bien plus important
et visible en votre personne qu'il ne serait en toutes les autres filles.
Certes, je sens mon cœur tout malade et touché. — Le souverain Maître et
médecin fasse son saint vouloir et vous conserve en santé.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Détails sur l'établissement du deuxième monastère
d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 19 juin [1634].
Ma très-chère fille,
Je vous envoie
toutes mes lettres ouvertes, afin que vous les voyiez vous seule, et les lisiez
en votre particulier, sans que cela passe hors de vous. Je vous envoie de même
la lettre de ma Sœur Jeanne-Charlotte [de Bréchard]. [Plusieurs mots ont été
coupés à l'original.] — Nous avons reçu une boîte que vous nous avez
envoyée. Si vous en avez encore quelqu'une, remettez-la à Bernard, le voiturier
ordinaire, avec le trophée, s'il se peut apporter. Vous nous enverrez encore,
s'il vous plaît, par lui, les six paires d'Heures que votre libraire nous a
promis de nous donner pour trente sols.
Enfin, ma très-chère
fille, la petite maison est commencée, dès le jour de la Sainte-Trinité, jour
anniversaire de la vingt-quatrième année que notre Institut est commencé à même
jour, et quasi à même heure ; car nous sortîmes, et nos Sœurs qui ont été
employées à cette seconde maison, après souper, et reçûmes la bénédiction de M.
notre Père spirituel de la part [358] de Mgr de Genève qui vint le lendemain dire
la sainte messe, avec une petite exhortation sur le sujet de notre
établissement, lequel s'est fait avec beaucoup de témoignages de contentement
de ceux de la ville, et même des particuliers qui y avaient le plus contrarié.
Elles y sont déjà au nombre de dix-neuf, y compris la Sœur tourière. Nous y
avons employé de fort bonnes Sœurs : ma Sœur Madeleine-Élisabeth de
Lucinge, Supérieure ; ma Sœur Françoise-Angélique de la Croix [de
Fésigny], que vous avez vue, assistante ; ma Sœur Marie-Hélène de Vars, que
vous connaissez aussi, économe et portière, avec deux autres professes de cette
ville, qui sont de très-bonnes et vertueuses filles, et une novice du voile
blanc. Elles ont déjà reçu dix prétendants, qui entrèrent avec elles, et il y a
un si grand nombre qui prétendent et de bonnes, qu'une troisième maison serait
encore nécessaire pour les loger toutes. Ces chères Sœurs de la petite maison vous
prient de leur envoyer douze paires d'Heures, avec les six paires que vous
enverrez pour nous ; si vous pouviez les avoir toutes pour trente sols,
cela serait fort conforme à leur pauvreté. Vous enverrez encore, s'il vous
plaît, le boucassin incarnat que vous avez acheté, avec le mémoire toujours de
ce que les choses coûtent.
Je vous prie
d'envoyer à ma Sœur la Supérieure d'Orléans deux cent trente livres sept sols,
pour le neveu de M. notre Père spirituel, à compte de ce que vous nous devez. —
Souvenez-vous bien, ma très-chère fille, de ne pas cacheter la lettre de Mgr
d'Autun, ni [celle] de M. de Ganay, mais oui bien celle que j'écris à ma Sœur
la Supérieure de Riom et de Montferrand. Je n'ai loisir de vous dire rien de
plus. Devenez sainte, ma très-chère fille, et priez Dieu pour moi.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [359]
SUPÉRIEURE À RIOM
Nécessité de déposer une Supérieure qui a manqué aux lois
de la clôture. Moyens à employer pour exécuter cet acte.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 19 juin [1634].
Ma très-chère fille,
Voilà une triste
affaire, bien rapportante à l'esprit de celle qui l'a faite. Dieu, par sa
bonté, lui veuille faire la grâce de rentrer si bien en elle-même qu'elle
demande d'être déposée de sa charge. Et pour moi, je crois qu'elle doit
absolument être déposée, par l'autorité de Mgr d'Autun, afin que nos autres
monastères sachent que tels manquements ne sont point laissés sans punition
exemplaire. Voici donc ma pensée : pour faire que
les choses passent plus doucement pour le dehors et pour [360] ses parents, [il
faut] qu'elle demande d'être déposée, et que, pour l'instruction et édification
de nos monastères, on sache qu'on l'a fait déposer pour châtiment de ses
sorties : voilà le chef de l'affaire.
Or maintenant, pour
en venir à bout, j'écris à Mgr d'Autun et à son grand vicaire, sans lesquels
vous ne pouvez rien faire. Je dis ainsi, ma très-chère fille, parce qu'il faut
nécessairement que vous fassiez le voyage, si vous avez le zèle de la gloire de
Dieu et du bien de l'Institut ; car nous autres infirmes n'avons pas
toujours des maux si pressants que nous ne puissions bien rendre quelques
services à Dieu et à notre Religion, dans les occasions que sa Bonté nous
présente et qui sont importantes, comme est celle-ci. Que si toutefois vous
êtes dans l'impuissance d'aller jusque-là, je crois que le Père Charles ne
refusera pas à ma Sœur [de Préchonnet] Supérieure de Montferrand la licence
pour y retourner, ce qui sera bien nécessaire, en cas qu'elle ait reconnu que
toutes les choses que l'on vous a fait entendre et que [361] vous m'avez
écrites sont bien véritables ; et, cela étant, elle pourra se servir des
lettres que j'écris pour avoir le secours et l'autorité de Mgr d'Autun, afin
d'apporter le remède convenable au mal de cette maison. Si j'avais la santé et
la liberté pour faire moi-même le voyage, je ne vous en donnerais pas la peine,
ni à l'une ni à l'autre ; mais vous, n'en étant qu'à une journée et demie,
et moi à sept ou huit, vous pouvez plus facilement les aller servir que moi.
Que s'il arrive que Mgr d'Autun soit absent, vous pouvez lui écrire en lui
envoyant ma lettre, et si vous avez quelque ecclésiastique ou père de Religion
propre à vous assister en cette occasion, vous le lui pourriez demander, afin
qu'avec son autorité il puisse utilement faire ce que vous jugeriez convenable
pour le bien du monastère de Moulins, particulièrement pour faire déposer ma
Sœur la Supérieure, le plus doucement qu'il se pourra, pour le repos de son
esprit et la satisfaction de ses parents, et après cela la faire transmarcher
en un autre monastère. Je crois que celui d'Autun serait le plus convenable.
[362]
Pour ce qui est de
pourvoir le monastère de Moulins d'une autre Supérieure, je n'en vois point de
plus propre pour remettre cette maison-là que ma Sœur de Chastellux. Elle est
réélue à Bourg, mais elle n'a pas encore accepté la charge qu'elle n'ait des
nouvelles si Mgr d'Autun, son Supérieur, l'agréera ; et cependant elle est
ici depuis quinze jours, et y sera encore quelque temps. C'est pourquoi, si Mgr
d'Autun désire l'employer à Moulins, elle sera en liberté pour cela, et nous
tâcherons de pourvoir le monastère de Bourg de quelque autre Supérieure, qui le
puisse servir utilement. Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous puis dire
sur ce que vous m'écrivez. Dieu veuille que vous puissiez réparer le mal qui
est arrivé ! Et pour cela je vous prie d'agir selon l'esprit de notre
saint Institut, avec toute sainte liberté ; car de tant écrire et
renvoyer, cela ne fait que retarder les affaires.
Si vous ne pouvez
aller, vous communiquerez, s'il vous plaît, cette lettre, avec les autres que
j'écris, à ma Sœur la Supérieure de Montferrand, en cas qu'elle soit employée
pour remédier à cette affaire. Dieu y mette sa bonne main, et vous donne son
Esprit à l'une et à l'autre ! Vous avez assez de jugement pour faire les
choses à propos sans me les renvoyer. Mais, ma chère fille, il se faut
dépouiller des intérêts particuliers ; ce que je vous dis pour avoir été
touchée de ce que vous m'écrivez des biens et charités que vous avez reçus de cette
Mère [de Bigny], qui vous fait désirer qu'elle ne sache pas que vous vous
mêliez de tout cela ; au contraire, il le faut faire par charité, et
n'avoir autre intérêt, ni considération que la gloire de Dieu et le bonheur de
l'Institut. Je vous conjure, ma très-chère fille, de vous rendre ferme en cela.
— Vous savez de quel cœur je suis à vous et sans réserve.
[P. S.] Ma très-chère fille, je vous dis encore qu'il
faut que vous sachiez bien que les choses que vous m'écrivez soient véritables
avant que d'envoyer mes lettres aux Supérieurs ; et [363] faut-il encore
que celle que vous écrirez dise quelque chose qui fasse connaître ce qu'il en
est du mal, comme que la Mère ne ménage pas bien, et ne traite pas assez
doucement ses filles, afin qu'on n'en juge pas autre chose.
Notre petite maison
est commencée heureusement. Je n'ai loisir d'en dire davantage. — Depuis cette
lettre écrite, j'ai pensé que si Mgr d'Autun n'était pas au pays, il serait bon
que vous ne lui envoyassiez pas ma lettre, mais que vous la retinssiez ou
fissiez retenir par nos Sœurs d'Autun. J'ai pensé que vous pourriez demander le
Père Plumeret, recteur d'Autun, homme fort capable, au cas que M. de Ganay ne
fût tant propre pour cela.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Sévères reproches sur son voyage à Bourbon. — Moyens à
prendre pour remédier au trouble que cette sortie a occasionné dans le
monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma fille,
Premièrement, je
vous proteste qu'aucune de vos Sœurs ne m'a écrit, et n'ai point su les choses
qui se sont passées, de la part de votre maison ; mais oui bien de quelque
autre de nos monastères. Mais surtout plusieurs monastères, avertis de votre
sortie pour aller aux eaux de Bourbon, m'ont marqué des particularités de ce
voyage, que, si elles sont véritables, non-seulement vos Sœurs, mais tout
l'Ordre en recevrait un notable préjudice et scandale ; car on m'a écrit
que vous étiez allée avec deux carrosses, et que dans l'un vous étiez avec une
Sœur, un Père Minime, M. votre frère et le médecin, et dans l'autre [364] trois
Religieuses avec une tourière et avec certains autres séculiers, et que vous
avez tenu maison ouverte à Bourbon. Si cela est, ma très-chère fille, vous m'en
pouvez dire la vérité. Quant à ce que l'on dit que vous étiez obligée sous
peine de péché mortel d'obéir au commandement d'aller aux eaux, ma chère fille,
cela est un commandement extraordinaire et non du mouvement de M. votre
Supérieur, auquel, si vous eussiez fait vos remontrances avec humilité et
respect qui lui est dû, je m'assure qu'il ne vous aurait pas derechef rechargée
d'un autre commandement. Et c'est peut-être pour cela que N. N. ont dit que
vous méprisiez le Bienheureux et moi, parce que vous n'avez pas suivi son
intention ni la mienne en ce sujet, selon que je l'ai mis dans les Réponses. Et
enfin, si tout ce que l'on dit est vrai, des promenades que vous avez faites
depuis Bourbon et le reste que l'on me marque, certes, ma fille, telle conduite
est tout à fait hors du train et de l'esprit de notre Institut ; mais
j'attendrai d'en savoir la vérité.
Au surplus, les N.
ont grand tort de [parler] contre l'obéissance ; car s'il y avait quelque
chose à dire, il fallait avec humilité et charité faire les remontrances à ceux
qui pouvaient apporter remède au mal, et non pas en faire des plaintes en
dedans et au dehors, selon que le Révérend Père m'écrit ; et on a raison
de croire que je n'approuve pas [telle chose], car il est vrai ; mais j'approuve
bien les humbles et charitables remontrances, et ne trouve point mauvais qu'on
les fasse dans la vérité. Mais de remède à tout ceci, ma fille, certes je n'en
vois point, sinon que les choses n'étant pas si secrètes comme vous les tenez,
il faudrait, comme je pense et comme il me semble, que Mgr d'Autun commît
quelque personne de vertu et de piété, capable d'entendre vous et toutes vos
Sœurs, depuis la première jusqu'à la dernière, afin qu'avec un esprit
désintéressé il pût plus sainement et droitement juger, sachant la vérité des
choses qui se sont passées, et du remède qu'on y doit apporter, voire [365]
même des pénitences qui seront convenables à être données, si les fautes sont
telles que vous me les marquez. Car, ma très-chère fille, il ne serait pas à
propos que vous, qui êtes offensée par ces manquements, vous les donnassiez
vous-même. — Vous pouvez penser que je serai bien aise que vous ayez de nos
Sœurs de Lyon, car il y a longtemps que je le désire ; et je crois que ma
Sœur la Supérieure vous les enverra ; car, de vous les mener elle-même, je
ne pense pas qu'elle en puisse obtenir licence : ce serait toutefois le
plus grand bien qui saurait arriver à votre maison, car sa présence
accommoderait toutes choses. Mais, à ce défaut, je crois qu'elle vous enverra
M. [Brun] avec nos Sœurs : il est homme de vertu, de piété et
d'expérience, par le long temps qu'il y a qu'il sert le monastère. Il pourrait
parler à toutes vos Sœurs, et peut-être qu'après cela il en pourra faire le
rapport à qui il doit être fait.
Au reste, ma chère
fille, je ne puis m'empêcher de vous dire, selon ma confiance ordinaire, que je
vous admire, vu que vous faites profession d'en avoir une si particulière
envers moi, comme quoi vous faites des coups si importants à l'Institut sans
m'en rien dire qu'après qu'ils sont faits : car voilà votre voyage de
Bretagne, celui des bains, cette fondation pour laquelle vous avez déjà reçu
deux filles, que je n'en ai rien su que quand les choses ont été faites. Ce
n'est pas que je veuille que vous vous assujettissiez à me les
communiquer ; mais c'est pour vous faire voir que je ne suis pas encore si
grue, que je ne connaisse bien que vous me demandez mes avis en de petites
choses pour m'entretenir, et qu'ès importantes, où je vous pourrais dire ce qui
vous serait utile, vous les faites comme bon vous semble, et puis me les
demandez. Et, pour conclusion, souvenez-vous, je vous prie, de ce que vous avez
dit et écrit des sorties de ma Sœur [de Monthoux] et de celle de ma Sœur
[Favre], quoiqu'il n'y ait rien eu en leur voyage de semblable à ce que l'on
dit du vôtre ; et jugez par là [de la peine] que tout l'Institut en [366]
reçoit, si les choses sont véritables comme on les fait entendre.
Pardonnez-moi, ma
chère fille, si je vous parle ainsi ; je ne puis m'empêcher de dire
la vérité à toutes celles de l'Institut, tandis que je vivrai : que l'on
le prenne bien ou mal, je n'y saurais que faire, je fais toujours ce que ma
conscience me dicte. Ce n'est point que je veuille faire la Mère par-dessus
vous ; mais seulement parce que je me sens obligée d'en user de la sorte,
et de vous dire encore que je ne sais comme quoi vous voulez entreprendre cette
fondation, vu que vous n'avez pas des filles pour la fournir, et pour laisser
ce qu'il faut pour le service de votre maison, au moins qui soient dans la
disposition requise à tel emploi. Je prie Dieu de tout mon cœur qu'Il vous
donne son Saint-Esprit pour faire toutes choses selon son bon plaisir, et selon
l'esprit de notre sainte vocation, et non selon la prudence humaine et les
inclinations naturelles. Sa douce Bonté veuille vous combler de son saint et
pur amour, et vous rendre toute sienne avec toutes nos Sœurs. Je demeure en
Lui, etc.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Congratulations sur le bon état de sa communauté. — Divers
messages.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 20 juin 1634.
Ma
bonne et vraiment très-chère fille,
Nous avons grand
sujet de bénir et louer Dieu des grâces et bénédictions qu'il plaît à sa Bonté
de répandre sur notre petit Institut, et particulièrement sur votre bénite
communauté, en qui j'ai tant de sujets de consolations que je n'ai point de
parole pour en exprimer les sentiments de mon cœur. Je vous réponds ainsi
courtement sur le sujet de votre visite, ainsi que sur tout [367] le reste de
votre lettre, étant si accablée et alangourie que je n'ai pas la force de faire
davantage. Je ne suis pas pourtant malade tout à fait ; mais il y a je ne
sais quoi en mon corps qui me rend si faible qu'à peine me puis-je traîner,
dans le tracas des affaires où je suis.
Pour madame de
Nemours, vous ferez tout ce que vous jugerez pouvoir faire pour sa
consolation ; et quant à ce qui est de l'argent de la charité, vous le
délivrerez à M. Deshayes. Je vous prie de saluer très-humblement notre
très-cher et très-honoré père M. le commandeur ; j'ai une lettre commencée
pour lui, il y a bien trois semaines, sans qu'il m'ait été possible de la
finir ; je la finirai pourtant le plus tôt que je pourrai. Faites aussi
présenter un très-humble salut à Mgr notre bon et très-digne archevêque, et à
M. de Coulanges et à toute sa famille : j'ai reçu toutes leurs lettres,
mais il m'est tout à fait impossible d'y répondre maintenant ; je le ferai
le plus tôt que je pourrai. Pour ma pauvre chère Angélique, je la salue aussi
de cœur, avec sa bonne et très-chère sœur et la mienne, sans oublier toute la
chère communauté. Je me recommande aux prières de toutes, les assurant que je
les aime cordialement et que je leur souhaite le comble des grâces célestes,
mais à votre cher cœur particulièrement, duquel je suis et serai sans fin votre
très-humble, etc.
[P. S.] Je salue encore M. Vincent [de Paul], auquel
j'écrirai de tout mon cœur quand je pourrai, et au bon M. Crichant que je salue
aussi bien chèrement ; je me recommande à leurs saintes prières.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris
[368]
À PARIS
Témoignage de reconnaissance pour les soins qu'il prend de
sa petite-fille.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 25 juin [1634].
Monsieur mon très-honoré et très-cher frère,
Je voudrais que vos
yeux pussent pénétrer le plus intime de mon cœur, pour y voir le véritable
amour et respect avec lequel il vous honore et chérit, car je vous assure que
c'est de toute l'étendue de ses affections. L'une des chères consolations que
je pourrais recevoir en ce monde, serait de me voir réellement encore une fois
avec vous, comme j'y suis souvent en esprit. Mon Dieu ! mais il ne le faut
pas désirer, n'y ayant point d'apparence que sa Bonté le veuille jamais ;
et en tout il nous faut conformer à sa sainte volonté. Au moins, mon très-cher
frère, prendrons-nous souvent le contentement de parler de vous avec notre
très-cher Mgr l'archevêque, de vos bontés, des effets de votre singulière
amitié et de la tendresse d'amour que Dieu vous a donnée pour cette pauvre
petite orpheline, de laquelle, et de ses affaires, vous avez un soin si
paternel. Dieu, par sa douce bonté, en sera votre récompense, mon très-cher
frère, comme de tout mon cœur je l'en supplie, et de donner toujours plus
grande grâce à cette petite, afin que croissant en âge, elle accroisse aussi le
contentement que vous en recevez, par des plus solides actions et devoirs de son
obéissance.
Je ne vous saurais
dire, mon très-honoré frère, ce que je sens vous devoir et à madame ma
très-chère sœur, et certes à tous les vôtres. Je supplie Notre-Seigneur de
répandre miséricordieusement les plus riches faveurs de ses grâces sur votre
digne [369] personne et sur toute votre bénite et honorable famille ; au
moins serai-je à jamais, et du fond de mon cœur, sans aucune réserve, Monsieur
mon très-honoré frère, votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé chez M. Feuillet
de Conches, à Paris.
SON FRÈRE, ANCIEN ARCHEVÊQUE DE BOURGES
Affaires de la béatification de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, juillet 1634.]
Mon Dieu ! où
êtes-vous, mon tout unique et bien-aimé seigneur ? Personne ne me dit de
vos nouvelles ; mais j'ai confiance en la bonté de Notre-Seigneur, que
vous êtes partout et pour toujours en sa divine protection, comme un serviteur
fidèle, qui ne se démarche point de son train ordinaire, ni de la fermeté de
ses saintes résolutions à plaire à son bon Maître, quelque part qu'il soit, ni
quelle affaire il négocie. Notre très-sainte Dame et Maîtresse vous aura, je
m'assure, visité en l'abondance de sa suavité ; je l'en supplie de tout
mon cœur, car nous voici dans l'octave de ses saintes visites.
Vous savez déjà, mon
très-cher seigneur, comme nos Pères Barnabites ont quitté Rome, comme le Père
dom Maurice est venu ici et m'a dit vous avoir écrit [plusieurs mots
illisibles] ; il fait encore quelque chose qui était nécessaire à la
perfection des procédures, lesquelles se sont trouvées très-bonnes, et cette
affaire n'a rien à craindre que la longueur. Ce bon Père retournera à Rome au
mois de septembre, et pense qu'il y faudra bien un an pour faire faire les transcriptions
et copies italiennes, et faire reconnaître si les procédures seront au gré des
députés commis pour cela, sans qu'il veuille parler d'autre chose. Tandis [370]
qu'il fera cela, il découvrira les moyens de [mot illisible] le
Décret dont il nous donnera avis, afin d'être aidé de notre secours- car il
croit que la chose ne sera pas impossible, vu que notre Bienheureux est en
très-grande estime dans Rome et parmi Nosseigneurs les cardinaux, notamment
même que le Pape a témoigné, par quelque action et parole, l'estime qu'il fait
de notre saint et très-fidèle serviteur de Dieu. Je crois qu'il nous faut un
peu aller en cette affaire à la bonne foi, et y espérer une conduite et
assistance toute spéciale de la divine Providence.
Je n'ai loisir do
vous écrire plus, et aussi que mon estomac devient fâcheux et rétif à ce
métier. Je supplie la très-sainte et débonnaire Mère de notre doux Sauveur de
vous conserver en santé, mais surtout en sa très-sainte grâce, vous donnant le
comble de toutes consolations et bénédictions célestes. Je suis d'un cœur
incomparable, mon très-honoré et très-aimé seigneur, votre très-humble et
très-obéissante sœur, fille et servante en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Boulogne-sur-Mer.
BARNABITE, À TURIN
Sentiments de résignation au sujet des retards apportés à
la béatification de saint François de Sales. — Visite du duc de Savoie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Mon vrai très-cher et unique père,
Notre très-sainte
Dame et Mère veuille, selon sa débonnaireté visiter votre cœur en l'abondance
de ses suavités maternelles, afin que jamais plus il ne se laisse surprendre ni
affliger pour les divers succès de cette misérable vie, quels qu'ils [371]
puissent être ; car enfin, puisque la souveraine Providence de notre Père
céleste gouverne tout, et qu'il ne tombe pas un cheveu de notre tête sans sa
conduite, non pas même une feuille d'arbre, pourquoi nous affligeons-nous de ce
qu'il lui plaît de faire ? Or il nous faut bien agrandir notre courage sur
cette vérité, mon très-débonnaire Père, afin que chose quelconque ne nous
ébranle, non pas même le retardement de la déclaration de cette bénite et tant
désirée béatification. Attendons, avec une amoureuse patience et soumission, le
temps que cette sage Providence a marqué pour cela, nous consolant en notre bon
Dieu, de la certitude qu'il donne à nos âmes que ce Père que nous chérissons si
tendrement jouit de sa glorieuse présence, et qu'il règne avec tous les Saints,
en cette cité de Jérusalem où sont tous nos désirs et nos espérances. Demeurez
donc en paix, mon vrai Père, et ne me parlez jamais de la dépense, surtout de
la vie particulière ; car je me confie que Dieu pourvoira à tout ce qu'il
faudra pour cette sainte œuvre. Je n'en suis point en souci, non plus que de
notre passage en Piémont ; mais je laisse tout à la souveraine Providence.
Et je vous ai déjà écrit comment la véritable débonnaireté de Son Altesse
Royale l'avait portée à nous donner l'incomparable bonheur et consolation de sa
présence, quand il fut en ce pays ; mais avec tant de suavité qu'il nous
laissa toutes parfumées de sa bonté, et des cordiaux témoignages qu'il nous
donna de son estime pour notre Bienheureux Père, et de sa bienveillance envers
notre petite Congrégation. Vous savez quels ont toujours été mes sentiments
pour ce grand prince, et je prie Dieu qu'il achève ce qu'il a commencé en sa
belle âme ; car je crois qu'il sera saint. Il ne se peut dire la fermeté
qu'il a témoignée pour la seconde maison de cette ville, comme ont fait
mesdames nos sérénissimes princesses : remerciez-les encore.
J'écris à notre
bonne madame l'Infante Catherine comment les Sœurs allèrent faire leur
commencement chez M. le [372] président de la Valbonne, attendant que le
monastère soit bâti, auquel on travaille fort. Elles ont déjà reçu dix filles,
et il s'en présente d'autres en grand nombre. — Nous attendons ce que vous nous
direz pour Verceil, et ferons ce que vous nous manderez, s'il se peut. Je
voudrais bien que l'on ne demandât pas d'argent à Son Altesse Royale. Il nous
faut peu, et ce grand prince a tant d'affaires 1 Croyez que nous avons rendu
grâces à Dieu de bon cœur de la naissance du petit prince. Je suis, mon cher
Père, votre, etc.
À TURIN
Détails sur la fondation du deuxième monastère d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Madame,
Il me semble avoir
déjà trop tardé de rendre compte à Votre Altesse Sérénissime du commencement et
progrès de sa petite maison de la Visitation, à laquelle Dieu donna
commencement le jour de la très-adorable Trinité, vingt-quatre ans après, et
quasi à même heure qu'il plut à sa Providence de donner naissance à toute cette
petite Congrégation ; sa sagesse ayant choisi ce jour contre notre
inclination, qui en avait marqué un autre, pour nous donner confiance d'espérer
fermement en sa bonté, qu'elle ne se veut pas moins glorifier en cette seconde
maison qu'elle l'a fait en la première, puisque aussi n'a-t-elle été entreprise
pour autre fin.
Nous avons déjà reçu
dix filles, mais qui ont tant de bonnes dispositions et qui sont si ferventes
au désir de leur perfection, que Votre Altesse aurait grande consolation de les
voir. Il y a [373] plusieurs
prétendantes, mais on leur veut donner un peu de patience, attendant que les
premières soient un peu plus formées. — Le bâtiment du monastère s'avance fort,
et espérons d'en avoir suffisamment bâti pour y loger les Religieuses dans
quinze ou dix-huit mois. Voilà, Madame, l'état présent de cette bénite œuvre,
pour laquelle Votre Altesse et celle de madame votre sœur ont tant travaillé et
montré tant d'affection, qu'elles en méritent toute la louange et la récompense
devant Dieu, que nous supplions incessamment pour la conservation de Vos
Altesses, et demeurons en tout respect et du profond de nos cœurs, Madame,
votre très-humble, etc.
À PARIS
Dans l'ordre spirituel, qui désire obtient. — L'élection
faite au deuxième monastère de Paris a été inspirée par l'Esprit de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Mon vrai et très-cher frère,
que j'honore sincèrement,
Plaise au divin
Sauveur de nos âmes de remplir la vôtre très chère de son saint amour !
Notre Bienheureux Père disait que qui désire bien, obtient ; c'est
pourquoi sans doute, mon très-bon et très-cher frère, vous possédez déjà et
vous posséderez de plus en plus le souverain bonheur d'être tout à Dieu et de
n'être qu'à Dieu, puisque incessamment votre cœur ne respire que cela ; et
nonobstant que vous ne connaissiez pas en vous ce trésor, il ne laisse pas d'y
être. Mais notre doux Maître nous tient à couvert ses grâces et dons pour notre
plus grand bien ; et pensant ne les avoir pas, nous les cherchons toujours
avec plus de fidélité, et par ce moyen ils nous sont accrus. [374]
À la vérité, mon
très-cher frère, l'Esprit divin était si abondant en notre Bienheureux qu'il
régissait toutes ses actions, et je ne doute nullement qu'il ne lui ait dicté
tous les règlements et institutions qu'il nous a laissés. C'est une bonne
remarque que celle que vous faites de nos élections avant la fête du
Saint-Esprit. Cette solennité nous doit être en particulier respect et
dévotion ; car c'a presque toujours été au temps de cette sainte fête que
les plus fortes résolutions et acheminements de notre établissement se sont
faits. Loué en soit éternellement ce souverain Esprit, et de ce qu'il lui a plu
de présider si heureusement en la nouvelle élection qu'ont faite nos chères
Sœurs du faubourg ; car elles ont fait un bon choix en la personne de la
Mère [M. -Agnès Le Roy]. J'espère en Dieu qu'elle maintiendra bien cette maison
au bon état où notre chère Sœur Favre l'a laissée ; et que l'exemple que
donnera à toute heure cette toute bonne Sœur par ses vertus, ne sera pas moins
utile à nos Sœurs que leur a été sa sage et vigilante conduite.
Cependant, mon
très-cher frère, je vois que, comme une sage abeille, vous tirez le miel de
toutes sortes de fleurs, pour en remplir la ruche de votre grand cœur. Le grand
saint Antoine en usait ainsi. — J'attends, selon votre promesse, une plus ample
lettre de vous ; et cependant je vous ai voulu faire ce billet pour vous
témoigner, quoique sans loisir, que mon cœur vous honore avec toute l'étendue
de la dilection que Dieu lui a donnée ; et cela c'est avec une entière
sincérité et confiance. [375]
Retard survenu à la cause de béatification de saint
François de Sales. — Estime et respect pour le commandeur et le premier
monastère de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 7 juillet [1634].
Mon très-honoré et cher père,
J'emploie un peu la
main de ma pauvre chère petite Sœur pour vous dire que je reçus hier au soir
votre lettre du 21 juin ; [la précédente] était déjà écrite et achevée, il
y a plus de huit jours ; mais j'attendais le retour de notre muletier pour
vous l'envoyer. Je vous dirai donc seulement, mon très-honoré et cher Père, que
nous avons ici le bon Père dom Maurice, qui est revenu pour faire faire encore
certaines choses qui étaient nécessaires aux affaires de notre Bienheureux
Père. Il s'en retournera ce mois de septembre prochain à Rome, pour donner
l'acheminement et les dispositions requises à tout cela. Il dit qu'il faut bien
un an avant que tout soit en l'état qu'il faut, et peut-être que, pendant ce
temps-là, Dieu touchera le cœur du Saint-Père ; mais quand cela
n'arriverait pas, toujours n'auront-ils pas perdu leur temps, parce que tout
sera prêt. Ce bon Père dit qu'il vous a écrit, qu'il attend de bon cœur de vos
nouvelles. Mon très-cher Père, il faut conduire cette affaire tout à la bonne
foi, et espérer que Dieu en prendra un soin et conduite toute spéciale.
Il est vrai, mon
cher Père, que mon estomac a grand'peine à se soumettre aux écritures qu'il
faut que je fasse de ma main, et c'est la vérité que j'ai été un mois ou six
semaines toute traînante, depuis que j'eus ce grand mal de tête ; mais il
me semble que, dès quelques jours en ça, je me remets et me sens toute
vigoureuse, Dieu merci, et soulagée de ma tête. Quand il plaira à sa Bonté de
me renvoyer le mal, il le faudra recevoir de sa main. [376]
Mon tout bon et
très-cordial Père, qui a parlé de la musique et de l'église ? Je n'ai
point su que cela fût contrôlé, et certes ce serait sans raison. O mon cher
Père, Dieu vous a donné pour le bonheur de cet Institut ; vous n'y
apporterez jamais que bénédictions, et cette chère maison en aura toujours la
meilleure part, par vos saintes et fréquentes communications ; et m'est
avis que notre bon Dieu y fait un grand avancement. Le très-bon M. Vincent [de
Paul] m'en dit des nouvelles qui me donnent grand sujet de louer Dieu. Or je
n'écrirai point pour ce coup à ma très-chère Sœur la Supérieure, ni à notre
tant aimée et tout aimable Angélique, car je ne le puis ; aussi n'ai-je
rien qui me presse à cela, sinon mon affection qui est tout entière et
incomparable en sa cordialité pour ces chères âmes. Mon tout cher Père, certes
vous êtes aussi admirable en votre bonté pour moi de recevoir avec tant de
suavité tout ce que je vous dis. Oh ! c'est Dieu qui fait cela ; Il
en soit glorifié, et comble votre cher et digne cœur de son très-pur
amour ! Amen !
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Douleur de la Sainte en apprenant que ses Réponses se
vendent publiquement. — Prochaine réimpression du Coutumier.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 14 juillet [1634].
Ma
très-chère fille,
À ce matin,
Monseigneur nous est venu avertir que l'on vendait publiquement les Réponses
que j'ai faites sur les choses de l'Institut. Je vous laisse à penser si cela
m'a été sensible ; car vraiment si aucune chose me peut mortifier, je le
suis de celle-là [377] jusqu'au fond du cœur ; mais j'espère que Dieu me
donnera la force de la supporter et d'embrasser amoureusement la confusion qui
m'en revient ; au moins le veux-je de tout mon cœur. J'en écris à nos
Sœurs de Paris, et les prie de faire toute la diligence possible pour savoir
d'où l'affaire est sortie, afin de l'anéantir tout à fait. Je vous fais la même
prière, ma très-chère fille : au nom de Dieu faites-vous enquérir
soigneusement dans Lyon, afin que, s'il s'y en était fait quelque impresse
[impression], vous la fissiez supprimer promptement. Que si vous n'en pouvez
point avoir de nouvelles, écrivez, je vous prie, par nos maisons, avec toutes
prières et supplications, a ce qu'elles apportent tous leurs soins à découvrir
d'où peut être venue l'affaire, afin de l'étouffer tout promptement, si elles
ne veulent m'affliger entièrement.
Nous avons rangé par
ordre les éclaircissements sur le Directoire, les commémorations et cérémonies
du chœur ; cela veut dire que nous les avons séparés d'avec les petites
coutumes. Et, parce qu'il faut réimprimer le Coutumier, le Père dom Maurice
nous conseille de mettre l'éclaircissement à l'endroit où il vient ; comme
par exemple l'article du Coutumier sera en belles lettres, comme il l'est, et
au-dessous l'on mettra en petites lettres l'éclaircissement. Nous ferons cela
encore afin de soulager l'assistante [pour qu'elle n'ait pas] tant de livres
après elle. Nous voyons par expérience que ces petits éclaircissements sont
d'une très-grande utilité. Je vous prie de me renvoyer un peu le Coutumier que
je vous avais envoyé pour faire réimprimer ; car il y a encore trois ou
quatre fautes qui ne sont pas corrigées. — Faites donner au Père Maillan la
lettre que j'écris au Père Binet, afin qu'il la lui fasse tenir au plus tôt.
Ma fille, il faut
faire avec grande discrétion cette enquête, afin que l'on ne découvre pas ce
qui peut-être est secret ; mais du moins écrivez aux maisons qu'elles me
donnent cette consolation de les tenir plus secrètes qu'elles ne font pas, et
qu'elles [378] ne les fassent point relier dehors de la maison. La sainte volonté
de Dieu soit faite au péril de ma réputation et de mon contentement ! Mais
je confesse que si cette nouvelle est vraie, elle me servira d'une grande et
sensible mortification. Sa divine Bonté me fasse la grâce de profiter de la
confusion, afin de ne pas tout perdre ! Communiquez cette lettre à nos
chères Sœurs de l'Antiquaille, afin d'avoir aussi leur sentiment. — Donnez
bonne adresse à nos lettres.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
BARNABITE, À TURIN
Dieu convertit tout à l'avantage de ses serviteurs.
Bénédictions qu'il répand sur le deuxième monastère d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 22 juillet 1634]
Mon très-aimé père,
Je ne sais que veut
dire que je sens un amour toujours si tendre pour votre cœur ; c'est, je
pense, que parmi les retardements et longueurs des affaires de notre
Bienheureux Père, vous devenez toujours plus saint, par un dépouillement des
plus tendres affections dont votre cœur ait jamais été revêtu. Voilà comment
notre bon Dieu, par une admirable industrie de son amour, convertit tout au
profit des siens ; et même les choses qui leur sont plus amères leur sont
rendues douces. 0 bonté et sagesse de Dieu, que vous êtes inconcevables !
J'espère que la part que vous m'avez donnée en vos saints sacrifices et en
toutes vos bonnes actions m'obtiendra de Notre-Seigneur la grâce de reconnaître
ses miséricordes. [379]
Si vous voyiez la
communauté de cette petite famille, vous diriez que j'ai grand sujet de louer
Dieu et de me confondre qu'il ait daigné se servir d'une si chétive créature
pour une œuvre qu'il semble vouloir faire réussir à sa très-grande
gloire ; car, mon cher Père, la divine Bonté a répandu de si grandes
lumières et grâces célestes sur les premières filles de cette maison,
spécialement sur quatre ou cinq, que j'en suis en admiration. Dimanche passé,
nous en vêtîmes trois ; demain nous en vêtirons quatre autres ; il en reste quatre, et il y en a un
grand nombre qui aspirent. Les douze de dedans, surtout les sept premières,
sont des âmes d'élite, qui cheminent avec un courage nonpareil dans une
fidélité sincère, et tout à fait grande pureté ; aussi Dieu les favorise
bien fort. N'ai-je pas en cela grand sujet de le louer ? Faites-le avec
moi, mon cher Père.
Il n'y a que peu de
jours que j'ai écrit à madame la sérénissime Infante Catherine ; je ne sus
pas lui mander ces bonnes nouvelles, car je n'avais pas vu nos Sœurs depuis
l'établissement. Je voudrais bien pourtant qu'elle le sût ; mais je n'ose
lui écrire si souvent. Je le ferai quand il y aura quelque nouvel avancement,
car je lui écris pour la solliciter de notre établissement ; outre que je
suis assurée que sa piété singulière et l'affection qu'elle a à notre Institut
la rendent assez attentive à cela, certes je ne puis pas la presser. Je vous
laisse ce soin, mon tout bon et cher Père ; je me contente de me tenir en
disposition d'une prompte et cordiale obéissance, au commandement de Leurs
Altesses, quand il leur plaira de nous en honorer ; car je vois que Mgr de
Genève est maintenant tout disposé, depuis qu'il a su l'intention de Son
Altesse Royale. [380] Mais, mon cher Père, si nous y allons, ne viendrez-vous
pas à Turin ? et ne serez-vous pas le guide et le support de vos
très-chères filles, les petites colombes de notre Bienheureux Père ?
Je supplie votre
débonnaire cœur de ne parler jamais des comptes, ni de l'argent, ni de votre
dépense pour le fait de la béatification. Seigneur Dieu ! tout ce que nous
avons n'est-il pas vôtre ? Je pense que l'argent ne manquera point à cette
sainte besogne, de laquelle je ne désespère aucunement, puisque, selon que je
vois, on la peut acheminer, et qu'il faut bien deux ans pour travailler à ce
qui est requis à la préparation. Et cependant mon tout bon Père se reposera
d'un côté et travaillera de l'autre : cela s'entend pour les colombes du
Bienheureux, lequel n'aura pas moins agréable cet emploi. Or, voyez-vous, cette
béatification est l'œuvre de Dieu, c'est pourquoi je lui en laisse le soin et
la conduite. — Je m'avise de ce que vous me dites de la bonne volonté que
mesdames nos princesses ont pour notre accommodement, dans les petites
nécessités des ameublements et vêtures ; certes, cela nous oblige
grandement. Mais vous connaissez mon cœur, qui n'est pas porté à beaucoup
vouloir hors la nécessité, et encore moins à surcharger les grands. Or bien je
vois que vous voulez vous décharger de nous, pour jouir en paix de votre
solitude ; mais je vous en recharge tout à fait, et n'en veux avoir aucun
souci pour ce qui regarde ce passage. — Certes, si vos bonnes Religieuses de
Verceil ont le cœur d'embrasser la sainte communauté, j'espère en Dieu qu'elles
en recevront grande consolation. Dieu vous fasse saint, mon très-cher Père,
mais de la sainteté [381] qui abonde en paix, joie et consolation du
Saint-Esprit, que je supplie régner en vous, et vous tenir mémoratif de
votre pauvre vieille fille, en vos saints sacrifices. Je suis sans réserve,
vôtre, etc.
SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX
Exhortation à la pratique de la pauvreté et du saint
abandon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma
très-chère fille, La fièvre qui
vous travaille est la croix de votre corps. Mais, ô Dieu ! que j'en vois
bien une plus grande et plus pressante à votre esprit, qui est le travail que
vous donne la pauvreté de votre maison, et que cette affliction, me dites-vous,
a beaucoup contribué au mal que vous avez. Eh ! Seigneur Jésus ! que
vois-je en ma très-chère fille ? Un si petit cœur dans un si grand
corps ! Eh quoi ! se faut-il affliger de la pauvreté, nous autres qui
en avons fait vœu ? Ne devons-nous pas embrasser amoureusement les petites
nécessités et disettes que Dieu nous mande, pour notre avancement en son saint
amour, et pratiquer ce que nous lui avons voué et promis si
solennellement ? Tant de nos maisons qui ne sont pas si bien que la
vôtre ; car je pense qu'il y en a plus de trente qui ne sont ni bâties, ni
reniées, et qui ne vivent que d'emprunt, et faut-il pour cela qu'elles s'en
tourmentent ? Non, certes, ma très-chère fille ; il faut attendre
avec patience et confiance en Dieu le temps qu'il a désigné pour nous donner le
secours nécessaire, lequel sa Bonté ne manque jamais d'envoyer au besoin.
Nous autres même,
nous n'avons justement que ce qui est [382] nécessaire pour rouler, encore avec
beaucoup de peine. Nous sommes néanmoins bien engagées à l'entreprise d'un
bâtiment qui nous coûtera beaucoup, sans avoir rien d'assuré devant nous pour
fournir à cela que six mille écus dont on nous a fait la charité ; mais
nous nous confions que la divine Providence pourvoira au reste, ce qui sera
bien nécessaire, d'autant que nous ne pouvons pas attendre grand secours par le
moyen des dots des filles que l'on recevra ; car de douze ou quinze que
nous avons déjà reçues en cette seconde maison, je ne pense pas que nous en
ayons trois ou quatre mille écus en tout. Je vous dis donc, ma très-chère
fille, que nous ne vous pouvons pas aider, et que cette maison a assez fait
pour la vôtre, quoique certes, si nous avions le moyen, nous ferions
davantage ; nous vous assisterions en votre nécessité pour vous braver en
courage et cordialité, mais nous en sommes dans la totale impuissance. Et pour
conclusion, ma fille, je vous dis que puisque vous avez trouvé de si bonnes âmes,
vous devez vous assurer que Dieu ne les délaissera pas ; car l'intérieur
de vos Sœurs rendant à sa divine Majesté ce qu'elles lui doivent dans l'exacte
observance, elles attireront infailliblement les bénédictions de Dieu sur elles
et sur leur maison, et obtiendront le secours nécessaire à leurs besoins.
À PARIS
Souhaits de bénédictions. — Respectueux hommages des deux
monastères d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Madame,
Sachant que Votre
Grandeur est arrivée à Paris fort heureusement, grâce à Dieu, nous allons en
esprit nous réjouir avec sa bonté de tant de bons accueils qu'elle a reçus du
Roi, de la [383] Reine, de messeigneurs vos enfants, et de tant de personnes de
qualité qui vous honorent. Je vous regarde avec consolation parmi tous ces
contentements, et il m'est avis que je vois votre bon cœur, Madame, qui
rapporte tout cela à son Dieu, comme à l'unique objet de son amour, et à la
vraie source de tout véritable bonheur. Vos très-petites filles, qui honorent
Votre Grandeur avec un amour incomparable, ne cessent point de réclamer les
miséricordes du divin Sauveur de nos âmes, afin qu'il lui plaise faire abonder
en la vôtre, Madame, les richesses de son saint amour, et que toutes saintes
bénédictions vous arrivent et à messeigneurs vos enfants. Elles désirent
grandement, ces pauvres chères Sœurs, que Votre Grandeur leur continue
l'honneur de la bienveillance qu'elle a daigné leur témoigner avec tant de
débonnaireté. Celles de la petite maison ont les mêmes désirs et
sentiments ; et je vous assure, Madame, que Dieu fait voir que cette œuvre
est sienne, par les bénédictions que sa bonté y répand ; car je puis dire
que les filles qui sont appelées là, y reçoivent des grâces et faveurs célestes
très-particulières. Nous donnâmes l'habit à sept, il y a quinze jours ; et
quasi autant se préparent pour le recevoir dans quelque temps. Il y a des
poursuivantes en grand nombre ; mais il faudra qu'elles aient un peu de
patience qu'il y ait lieu pour les recevoir. Le bâtiment du monastère s'avance,
grâce à Dieu, et avec satisfaction de tout le peuple. Les plus contredisants
s'en réjouissent, et avouent que cette entreprise est à la gloire de Dieu et
utilité de leur ville.
Voilà, Madame,
comment Dieu accommode et réduit en paix ; les choses les plus confuses,
ce que sa bonté a fait en notre maison de Moulins par la présence de Mgr
d'Autun ; Dieu, comme je l'espère, tirera sa
gloire de tout. Votre Grandeur nous [384] a témoigné en cette occasion sa
véritable bonté envers notre Institut. Je vous en rends mille très-humbles
grâces, en vous demandant pardon de ma trop grande lettre. C'est, Madame, de
Votre Grandeur, la très-humble, etc.
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Mgr de Genève désire que la Mère Favre se rende à Rennes.
— Éloge de la Mère Mad. -Élisabeth de Lucinge et de sa communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 8 août [1634].
Ma très-chère fille,
Nous reçûmes, il y
eut hier huit jours, vos lettres ; et le lendemain Mgr de Genève nous vint
trouver au partir de ses Vêpres solennelles de Saint Pierre, et nous dit fort
fermement qu'il était résolu que vous allassiez à Rennes, qu'il avait eu cette
inspiration ; ce qui certes me surprit un peu, et comme il vit que je tardais
à lui répondre pour ne lui pas témoigner d'abord la répugnance que j'y avais,
il me dit : « Voyez-vous, Dieu donne sa lumière aux Supérieurs pour
la bonne conduite de ceux qui dépendent d'eux ; il les faut laisser un peu
gouverner. » Sur cela, il vous voulait aller écrire que vous y allassiez,
mais je lui dis qu'il me semblait qu'il serait bon d'attendre la réponse de Mgr
de Rennes, parce que peut-être aurait-il déjà fait faire une autre élection,
selon qu'il m'avait écrit qu'il ferait s'il ne vous pouvait pas avoir, et comme
cela il s'en alla. Mais certes, ma très-chère fille, le style des secondes
lettres de Rennes me fit bien changer de sentiment le lendemain ; car
elles nous faisaient voir l'impossibilité de remettre cette maison-là dans la
paix et union sans une assistance telle que la [385] vôtre, et que, quand vous
n'iriez que pour cela, l'on s'en contenterait, et vous lairrait-on en liberté
pour vous en retourner après avoir mis ordre aux affaires de cette maison,
selon que vous le jugeriez à propos, parce que l'on croit que Mgr de Rennes se
rangera facilement à tout ce qui sera de vos sentiments. Et enfin tous ceux qui
connaissent le fond du mal de ce monastère-là ne craignent sinon que la Mère
déposée soit réélue, ce qui arriverait sans doute, Mgr de Rennes la
[désirant] ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, certes, il est tout à
fait nécessaire que vous fassiez ce voyage pour la gloire de Dieu et le bien du
monastère. Mgr de Genève le veut tout à fait, et sa confiance est telle qu'il
croit que vous vous en porteriez mieux. Dieu veuille qu'il en arrive
ainsi ! Et pour moi, ma chère fille, certes, je dis maintenant de tout mon
cœur qu'il est vrai que Dieu donne son esprit aux Supérieurs, puisque la
nécessité de cette maison-là étant telle, Il a donné la volonté à Monseigneur
de vous y envoyer pour la remettre en bon état.
J'avais grand désir
que vous passassiez votre année à Paris, pour fortifier cette maison-là de
votre bon exemple, pour vous un peu reposer et pour appuyer la conduite de la
nouvelle Mère ; mais, puisqu'il plaît à Dieu vous appeler autre part, de
tout mon cœur je m'y soumets, espérant que sa Bonté suppléera à tout cela, et
de façon, ma très-chère fille, que voilà comme Notre-Seigneur vous a destinée à
beaucoup de peine et de travail ; mais, puisque c'est tout pour sa gloire
et le bien de l'Institut auquel Il vous a mise, il faut espérer qu'il vous
donnera la force et la santé pour les supporter, ainsi que de tout mon cœur je
l'en supplie. Vous pouvez donc aller dès que vous verrez que le temps sera
propre, et ne vous engager là qu'autant que la gloire de Dieu le requerra pour
le bien de celle maison.
Au surplus, ma
très-chère fille, ne vous avais-je pas dit toutes les nouvelles de notre petite
maison, et comme elle se commença le jour de la Sainte-Trinité, quasi à même
heure que [386] celle-ci, puisque nous allâmes après souper conduire nos Sœurs
en la maison de M. le président votre frère, qui était toute préparée ?
C'est notre Sœur Madeleine-Élisabeth [de Lucinge] qui y est Supérieure, et de
laquelle il faut que je vous dise cette bonne nouvelle qu'elle y réussit
parfaitement bien, et que ce sera un jour une très-bonne et digne Supérieure.
Elle est plus pour le dedans que pour le dehors ; mais les occasions la
feront davantage ouvrir avec le temps. Nous y avons été une semaine. Il y a
environ quinze jours que nous donnâmes l'habit à sept très-bonnes filles, et
j'y trouvai autant de sujets d'admiration que de consolation ; car depuis
cinq semaines que je les avais laissées, ces filles-là avaient fait un tel
avancement en la vertu et étaient si parfaitement bien dressées qu'il n'y avait
rien à redire, vous assurant, ma très-chère fille, que je n'ai point vu de
commencement où Dieu ait répandu plus de bénédictions spirituelles qu'en
celui-là ; car ces filles sont autant éclairées et remplies de bons
sentiments et désirs de la perfection et fidélité à Dieu que j'en aie guère vu.
Au reste, la Supérieure y a bien fait voir son bon jugement ; car la
maison est aussi bien dressée et accommodée que si elle y avait déjà été dix
ans ; elles sont bien une vingtaine déjà et encore grand nombre de
poursuivantes. — L'on parle toujours de notre passage en Piémont plus fermement
que jamais ; je ne sais encore ce qui en réussira.
Quant à l'offre que
votre bonté incomparable nous fait des deux mille écus, certes, ma très-chère
fille, il me serait impossible de l'accepter sans une fille, nonobstant la
très-grande nécessité que nous en avons ; mais je pense qu'il se pourra
bien rencontrer quelque occasion de nous faire revenir notre Sœur Jeanne-Marie
[de la Croix de Fésigny] au moins jusqu'à Moulins ; car souvent il va des
damoiselles de Paris en ce lieu-là, et nous l'y enverrions prendre. Enfin, ma
toute chère fille, je vois que ma pauvre Sœur la Supérieure est un peu en
méfiance de ma sincère affection pour elle, et de l'estime que Dieu m'a donnée
[387] de sa véritable vertu ; certes, Dieu, qui voit mon cœur, sait que je
ne puis pas avoir plus d'amour et de bons sentiments que j'en ai pour cette
très-chère Sœur-là. Hélas ! peut-être qu'elle m'attribuera le commandement
que Monseigneur vous fait pour Rennes ; mais en vérité la chose s'est
passée comme je vous le dis ci-dessus, et j'en eus une sensible touche quand ce
bon seigneur me dit si fermement les paroles que je vous écris, et ne sus faire
autre chose que de lui faire prendre du temps. Mais certes, quand nous eûmes
reçu les secondes lettres de Rennes, et considéré l'état de cette maison et
l'offre que l'on fait de ne vous y garder qu'autant que vous voudrez, après que
vous y aurez mis la paix et fait élire une Supérieure, si vous n'y jugez pas
votre présence nécessaire, de vrai, ma fille, je me rendis, et ferais grand
scrupule de détourner Monseigneur de sa résolution et de la confiance qu'il
semble que Dieu lui donne que vous, pourrez faire ce bon œuvre, sans l'intérêt
de votre santé, et après, vous retirer ; à quoi, certes, j'ai une fort
grande inclination, pourvu qu'elle ne contrarie point aux desseins de Dieu sur
vous. Que si votre santé vous permet d'accomplir cette obéissance, vous nous le
ferez savoir, et au plus tôt, s'il vous plaît, de vos nouvelles ; et
croyez, ma très-chère fille, que le temps m'en sera bien long et que nous
prierons et ferons bien des communions pour vous. Dieu seul sait ce que je
ressens sur ce sujet, aussi est-ce sa seule et paternelle main qui a su et pu
vous loger dans mon cœur en la manière que vous y êtes. Il en soit béni
éternellement ! Je vous prie, ayons de vos nouvelles avant que vous
partiez, si vous allez.
[P. S.] Ma très-chère fille, je ne sais si je vous ai
dit que nous bâtissons notre second monastère au verger de M. de la Pesse,
proche de la galerie ; nous y avons adjoint le verger de madame de
Monthoux, et le bâtiment se fait en haut, de façon que je ne pense pas qu'il se
puisse voir un monastère en meilleur air et plus belle vue. Si la Providence de
Dieu ne nous [388] manque pas, en laquelle nous avons toute notre confiance,
j'espère que dans dix-huit ou vingt mois, nous aurons deux corps de logis bâtis
pour y loger nos Sœurs, qui se vont fort multipliant. — Je me porte fort bien
maintenant, grâce à Notre-Seigneur ; je pense que c'est qu'il me veut
donner un peu de vigueur pour faire le voyage de Piémont. Ma nature y répugne
fort ; mais pourtant si Dieu le veut, nous le ferons joyeusement et de bon
cœur, moyennant sa grâce.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
ÉVÊQUE DE RENNES
Une impuissance absolue pourra seule empêcher la Mère
Favre de se rendre il Rennes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Monseigneur,
J'ai reçu la lettre
dont il vous a plu de m'honorer, avec le respect que je dois, et tonte la
volonté que vous sauriez désirer en moi, pour l'exécution des vôtres toutes
justes et tendant à la gloire de Dieu et au bien de cette chère famille de la
Visitation, qui est si heureuse que de vivre sous votre obéissance ; en
suite de quoi j'ai parlé à Mgr de Genève, lequel j'ai trouvé tout plein
d'affection pour vous contenter, ainsi qu'il vous témoigne par sa lettre, comme
je crois ; et pour cela même il a écrit à notre chère Sœur
Marie-Jacqueline Favre, et m'a recommandé de lui écrire encore, afin que, si
elle peut sans péril de sa vie, elle s'achemine à vous, Monseigneur, pour vous
rendre sa très-humble obéissance, et servir ces chères Sœurs qui l'ont élue
pour Supérieure. Mais je crains grandement qu'elle ne se trouve [389] dans un
état d'impuissance, à cause des extrêmes maladies qui ont ruiné son corps
depuis quelques années, ainsi qu'elle nous a écrit, il y a plusieurs mois,
qu'elle se trouvait hors de pouvoir et de capacité de se charger de la conduite
d'aucune maison. Je sais assurément toutefois qu'il n'y aura que l'impuissance
qui l'empêche ou retarde d'aller ; car les lettres de Mgr de Genève sont
pressantes pour lui faire tirer des forces de sa faiblesse, pour peu qu'elle
ait de santé. Que s'il ne plaît pas à la divine Bonté de lui donner la vigueur
nécessaire à ce service, il vous plaira, Monseigneur, d'agréer la véritable et
entière affection que nous avons eue de vous contenter et obéir en cette
occasion, comme en vérité nous l'aurons toujours en toutes celles où il vous
plaira de nous honorer de vos commandements.
Je baise en tout
respect vos mains sacrées, Monseigneur, et vous demande votre sainte
bénédiction, suppliant notre bon Dieu de faire abonder en vous et sur votre
cher troupeau les richesses de son saint amour, et demeure, Monseigneur, votre
très-humble, etc.
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Prière de ne séjournera Rennes qu'autant qu'il sera
nécessaire.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 10 août [1634.]
Ma toute très-chère et bien-aimée fille,
Ces lettres
ci-jointes, qui ont été faites avec tant d'empressement, nous étant demeurées
faute de moyen pour les envoyer, j'ajoute ce billet. Mon Dieu ! ma fille,
qu'il me tardera de savoir de vos nouvelles, car je m'attends que vous me direz
avec toute confiance ce que vous dira votre cœur sur le commandement [390] si
absolu que vous fait Mgr de Genève d'aller à Rennes. Pour lui, il croit si
fermement avoir connu que c'est la volonté de Dieu, qu'il espère que sa Bonté
vous en donnera la force ; et, voyant cela, j'en suis consolée, puisque,
et lui et ceux qui vous demandent avec tant d'instances, vous laissent en
pleine liberté de vous retirer quand vous le jugerez convenable ; car je
vous confesse que je ressens une grande répugnance de vous y voir attachée,
m'étant avis qu'après que vous aurez mis là le bon ordre que votre présence y
peut apporter, Dieu vous destine à quelque service plus grand pour sa gloire.
Et mon cœur aurait grand sentiment du contraire, bien que sans réserve je
soumette tout à la très-sainte Providence, qui vous a choisie pour beaucoup de
travail et de service à l'accroissement de son honneur et utilité de
l'Institut, auquel elle vous a donnée si entièrement, ainsi que le ressentait
notre Bienheureux Père. Ceux de Rennes écrivent qu'il y a des dispositions pour
quelque établissement en cette province-là : peut-être que Notre-Seigneur
a des desseins que nous ne savons pas, et qu'il vous y fera rencontrer quelque
bonne occasion de soulager votre maison du faubourg, à quoi j'ai toujours bien
de l'inclination. Enfin Dieu est le Maître, Il vous fera connaître en quoi Il
veut que vous le serviez, et vous êtes laissée en pleine liberté d'agir et de
faire ce qu'il vous montrera désirer de vous ; car, au péril de tout, nous
ne voulons que cela par sa grâce, dont II soit béni éternellement.
Si l'on élit une
fille de Rennes, il faudra [plusieurs mots illisibles] ; mais
toutes choses sont laissées à votre prudence. Toutes ces filles vous parleront
beaucoup, mais dites-leur peu ; et, pour Dieu, en tout soulagez-vous le
plus qu'il vous sera possible. Couchez-vous de bonne heure, levez-vous tard,
prenez généralement tous vos soulagements nécessaires, surtout parlez peu.
Eh ! Dieu soit votre force, ma vraie très-chère fille, puisque, pour son
amour, vous entreprenez par-dessus les vôtres ; [391] croyez que vous me
serez très-présente à mes communions et petites prières. Je vous conjure que
nous ayons souvent de vos nouvelles ; si vous vous trouvez plus incommodée
là qu'à l'ordinaire, ce sera un légitime sujet de revenir.
Ma très-chère fille,
je ne doute pas que vous ne soyez informée de la conduite de la Mère [de
Moulins] ; nous croyions que Monseigneur la déposerait, ce qu'il n'a pas
fait. Je ne le laisserai pas en paix, tandis que je pourrai espérer par toute
voie possible de la faire déposer. Je vous conjure que si madame de Ragny a
crédit vers le bon prélat, qu'elle l'y emploie avec tout son zèle, [plusieurs
lignes effacées]. Si l'autorité de Mgr de Lyon pouvait quelque chose, mon
Dieu ! la grande charité de l'y faire employer : mon unique
très-chère fille, voyez ce que vous pourrez en cela. J'en écris à Mgr de
Bourges pour s'y employer comme il faut. Dieu, par sa bonté, veuille régner en
toute cette affaire et soit béni. Amen. Je n'écris pour ce coup à Mgr de
Bourges touchant Moulins. — Jour de saint Laurent.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [392]
À PARIS
La Sainte est heureuse de devoir l'église du premier
monastère de Paris aux libéralités du commandeur. — Fondation du Mans. — La
perfection consiste à vouloir être ce que Dieu veut que nous soyons.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 14 août [1634],
Mon très-honoré et véritablement très-cher Père,
J'espère de la bonté
de Dieu que vous aurez maintenant reçu ma grande lettre ; je la mis dans
un paquet adressé à M. de Coulanges, qui contenait plusieurs lettres sur le
trépas de feu madame de Coulanges, parce que je ne sus écrire à nos chères
Sœurs ; il fut remis, mais un peu tard, à nos chères Sœurs de Lyon, car
quelquefois nous avons difficulté à trouver des occasions pour Lyon. Vous aurez
trouvé en cette lettre ample réponse aux vôtres précédentes. Je fus longtemps
sans pouvoir écrire, et j'ai meshui peine à le faire ; mais croyez, mon
tout bon et cordial Père, que je serai bien dans l'impuissance quand je délaisserai
à vous répondre. Je me porte mieux ; au moins j'ai été, dès environ six
semaines, fort bien. Il y a quelques jours que je suis un peu travaillée ;
mais cela ne m'arrête pas, grâce à Dieu. Je vous en écrirai plus court
toutefois, sur la confiance que vous aurez reçu la nôtre.
Tenez pour assuré
que l'on ne reçoit aucun avis de cette maison, en celle qui s'en est vantée.
Pour la charité de nos Sœurs de la ville, je la dis en pleine récréation, et
l'écrivis au faubourg, car l'on ne m'avait pas signifié ce secret ; de
tout le reste, rien du tout. —Certes, je suis bien consolée de la sainte
liaison qu'il y a entre vous et notre bon archevêque, qui en témoigne un
contentement et satisfaction nonpareils. Personne ne m'a [393] écrit de notre
église de la ville (qui est bien vôtre), que notre bon archevêque qui en est
ravi ; il dit qu'il la faut appeler Sainte-Marie de la Rotonde. Je sais
que notre bon Père [S. François de Sales] aimait fort les belles églises et
qu'elles fussent bien ornées pour la révérence, disait-il, de Celui qui y
réside en une manière admirable. C'est pourquoi, avec que c'est l'ouvrage de
votre charité et industrie, certes je n'y saurais rien trouver qui ne m'y
agrée, ce m'est avis. — Je vous ai déjà écrit sur l'affaire de notre Bienheureux
Père. Le Père dom Maurice n'y perd pas l'espérance ; il dit qu'il y a à
travailler pour un an ou deux à faire translater et copier les informations et
autres préparations nécessaires. Tandis que cela se fera, Notre-Seigneur
disposera quelque moyen pour passer outre.
Mon Dieu ! mon
tout très-cher Père, que c'est de vrai une grande consolation de voir faire des
maisons de la Visitation avec des filles solides, telles que sont les chères
Sœurs qui sont allées au Mans ! Je ne sais ce que nous pourrions faire
pour arrêter cette ardeur que l'on a à en faire ; chacun n'y regarde bien
souvent que sa décharge. Surtout je me fâche de voir que l'on se met en des
petits lieux, où il n'y a quasi point d'assistance spirituelle et peu de fonds
pour le temporel ; cela ruinera notre Institut, si Messeigneurs nos
prélats ne se rendent plus attentifs et fermes pour empêcher cela ; mais
souvent ce sont eux qui [394] les veulent. La divine Providence y pourvoira,
s'il lui plaît.
Or sus, mon tout bon
et très-cher Père, ne vous voilà-t-il pas tombé au point que j'ai toujours
appréhendé que votre grande ferveur vous réduirait ? Et puis vous me dites
encore que vous craignez de vous flatter et de ne pas assez craindre vos
craintes. Mon Dieu ! mon vrai Père, pour l'amour de sa Bonté, ne faites
point ces réflexions-là ; croyez-moi, que Notre-Seigneur aura plus
agréable notre soumission dans les soulagements qui sont requis à notre corps
et à notre esprit, que toutes ces petites appréhensions de ne pas faire assez
et désirs de faire plus. Dieu ne veut que notre cœur ; et notre inutilité
et impuissance lui agréent davantage quand nous les chérissons pour la
révérence et amour que nous portons à sa sainte volonté, que si nous nous
brisions et fissions des grandes œuvres pénales. Enfin, vous savez que le haut
point de la perfection gît à nous vouloir comme Dieu veut que nous
soyons : or Il vous a fait d'une complexion faible et délicate, laquelle
Il veut que vous ménagiez, et que vous n'en veuillez exiger ce que sa douceur
n'en veut pas. Il faut souffrir cela, et au lieu de ces trop grandes
applications d'esprit, qui vous ont violemment mis où vous êtes, sa Bonté
requiert de vous une douce et suave inutilité auprès de Lui, sans attention
quelconque, ni action de l'entendement ni de la volonté, sinon quelques paroles
d'amour, de fidèle et simple acquiescement, proférées doucement et
tranquillement, sans aucun effort, ni en vouloir sentir aucun goût ni
satisfaction. Et cela, mon très-cher Père, pratiqué avec paix et repos
d'esprit, je vous assure qu'il sera très-agréable à Dieu et plus, comme je
crois, qu'aucune autre chose que vous pourriez faire.
Encore ce mot :
si vous m'en croyez, au lieu de quatre ou cinq heures que vous étiez chaque
jour à genoux, vous n'y serez plus qu'une heure. Un quart d'heure après être
levé, un quart d'heure pour la préparation à la sainte messe, et autant pour
l'action de grâces ; un petit quart d'heure pour l'examen du soir ;
[395] c'est bien assez. Et tâchez, pour l'amour de Dieu, de vous remettre, par
le repos du corps et d'esprit et par bonne et fréquente nourriture, dans vos
premières forces ; mais, je vous en conjure, mon très-cher et très-aimé
Père, par tout ce qui vous est de plus cher au ciel et en la terre. Si ce n'eût
été pour vous faire cette prière, je ne vous eusse pas écrit si tôt ; mais
je veux espérer de votre bonté cordiale et toute paternelle envers nous, que,
pour notre consolation, vous n'oublierez rien à faire de tout ce que vous
connaîtrez pouvoir aider à vous remettre, et que vous croirez mieux dorénavant
notre très-chère et tant aimable et bien-aimée fille H. -Angélique. Je ne lui
écris pas, car elle n'y est pas, ni à la chère Mère ; certes, à dire vrai,
je ne le puis bonnement.
Je vais dire quatre
paroles à la bonne Mère Angélique que je tiens pour toute nôtre en
Notre-Seigneur, nonobstant que nous nous écrivions si peu. Je prie Dieu que,
par sa douce miséricorde, Il vous conserve à longues années, pour le service de
sa gloire et le bonheur de notre Congrégation. Amen ! Je suis en
son saint amour, et veux toujours plus être s'il se peut, entièrement vôtre,
etc.
N'avez-vous point
ouï parler, mon très-cher Père, du voyage que la Mère de Moulins a fait aux
bains, de ses promenades ? C'est risée dedans et dehors sa maison. Nous
avons sollicité Mgr d'Autun de la déposer, car chacun qui sait cela en est
scandalisé. Vrai Dieu ! la bonne mortification et abjection. Dieu nous en
fasse tirer profit, et en tout sa sainte volonté soit faite ! Mgr de
Genève envoie l'obéissance à ma Sœur du faubourg pour aller mettre ordre à la
maison de Rennes. Si elle n'est au lit, malade, je m'assure qu'elle ira. — Il
est vrai, M. Guichard est bien digne homme et capable serviteur de Dieu :
il sera maintenant à vous, qui vous dira le surplus.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[396]
À RUMILLY
Dans quelles dispositions on doit être pour connaître la
volonté de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma très-chère fille,
J'ai communié pour
vous, afin de vous recommander plus efficacement à notre divin Sauveur et
recevoir sa sainte lumière en une chose si importante, à laquelle toutefois
vous ne devez pas beaucoup différer de vous déterminer ; car c'est une
mauvaise assiette que l'incertitude. Or toutefois, ma très-chère fille, je
pense qu'auparavant vous devez donner de la tranquillité à votre esprit, par la
cessation de toutes pensées et considérations [397] sur ce sujet, ains
seulement vous bien mettre entre les mains de Dieu, avec une indifférence, si
vous pouvez, ou du moins avec une entière résignation à suivre sa très-sainte
volonté, au choix qu'elle a fait pour vous, dès son éternité, pour la vocation
en laquelle vous le devez servir ; car, ma fille, le fondement de notre
salut dépend de bien suivre cette divine disposition. Communiez donc et priez
souvent à cette intention, sans vous amuser à des pensées et considérations sur
ce sujet. Remarquez seulement les lumières et mouvements intérieurs, s'il plaît
à sa Bonté de vous en donner ; s'il ne lui plaît pas, priez-le avec
confiance de vous faire connaître sa volonté par l'entremise des créatures,
vous en proposant quelques-unes. Cependant, nous prierons fort pour vous, et je
demeurerai sans fin votre, etc.
Extraite de la Vie manuscrite de Sœur F. -Innocente de la
Fléchère. Archives de la Visitation d'Annecy. [398]
SA FILLE, À ALONNE
Témoignage de tendre affection. — Nouvelles du monastère
de Moulins.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma vraie très-chère fille,
Je me promets que le
bon M. N. vous fera tenir ce billet que je vous fais sans loisir, pour vous
témoigner, mon enfant, que je ne veux perdre aucune occasion de vous écrire
sans l'employer de bon cœur ; car vous m'êtes si chère et si précieuse que
je me console en vous consolant, sachant que votre cher cœur n'a rien qui soit
comparable à l'amour que vous me portez, auquel il m'est avis que je
corresponds sincèrement ; car je sais qu'il n'y a rien en mon pouvoir que
je ne voulusse faire pour votre contentement. Et pour cela je veux de plus en
plus prendre bien soin de votre chère petite fille Madeleine, afin qu'elle se puisse bien affermir en la
vraie vertu, et, par ce moyen, soit capable de vous donner un jour le
contentement que vous en désirez ; car je vous plains grandement de vous
voir ainsi destituée de toute personne en qui vous puissiez prendre confiance
et soulager votre pauvre cœur dans ses ennuis. Oh ! ma toute chère fille,
si une fois vous le pouvez bien engager, ce cher cœur, en l'amour de son
Sauveur et en l'estime des vrais biens éternels, que vous serez heureuse ;
car un petit brin de ces divines consolations est plus précieux à l'âme qui les
reçoit et lui donne plus de satisfaction que ne sauraient faire tous les
plaisirs et contentements du monde, mis tous ensemble. Ce m'est une douceur
nonpareille de savoir que vous tâchez de prendre [399] là, en cette bonté
paternelle de notre bon Dieu, votre soulagement et votre recours en vos ennuis.
Je crois que nous ne
passerons point en Piémont cette année. J'ai été toute résolue d'aller à
Moulins, nonobstant mes infirmités qui m'ont un peu travaillée dès quelque
temps ; mais il est venu ici un bon Père de l'Oratoire qui nous assure que
notre Supérieure de Moulins était résolue de procurer sa déposition, sur
l'assurance qu'on lui avait donnée que Mgr d'Autun la voulait déposer. Je vois
que l'affaire est en bon train ; car ce Père qui est venu ici pour cela
est habile, et voit qu'il faut nécessairement que la chose passe. Dieu en
veuille tirer sa gloire et la restauration de cette pauvre maison ! — Je
salue M. Lusse et baise en esprit vos chers petits enfants, auxquels je
souhaite du fond de mon cœur les très-saintes bénédictions de Dieu, et surtout
à ma toute très-chère fille, qui suis de cœur tout entièrement et sans réserve,
etc.
Dieu soit béni !
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
La Mère M. -Hélène de Chastellux est la plus capable de
remédier aux embarras du monastère de Moulins.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 5 septembre 1634.
Ma très-chère fille,
Aujourd'hui votre
messager est arrivé environ les quatre heures après-midi ; nous lui avons
fait promptement son dépêche pour [qu'il puisse] partir demain au point du
jour. Nous lui avons fait dire qu'il faut qu'il soit vendredi de grand matin à
Lyon, afin que vous puissiez faire mettre nos lettres à la poste. [400] Je vous
supplie, ma très-chère fille, de prendre ce soin-là et de les bien recommander.
Quant à mon passage
à Moulins, je suis tout à fait résolue de n'y point aller tandis que la
Supérieure y sera. S'il plaisait à Mgr d'Autun de la tirer de là, il serait
bien plus à propos que vous y allassiez pour faire promptement faire une
nouvelle élection, et y proposer ma Sœur la Supérieure de Bourg, qui aurait
tout aussitôt remis cette maison-là, tant au spirituel qu'au temporel. Je n'en
sache point d'égale à elle, qui soit libre et ma Sœur Claude-Marie de la
Martinière. Je ne sais [pourquoi] l'on s'est mis en tête que je devais aller
là. Pour moi, je n'y ai point d'attrait ; mais, outre cela, je suis
accablée d'affaires. Je ne sais si c'est lâcheté ou manquement de
courage ; mais je me trouve bien pesante pour entreprendre ce travail.
Enfin j'en suis tout à fait au dégoût.
Nous n'avons encore
point vu ce bon Père. Vous vous deviez bien payer de ce que nous vous devons.
Nous avons ici dès
hier deux de nos Sœurs de Besançon, que ma Sœur la Supérieure nous a envoyées
avec leurs dots, qu'elle doit faire tenir bientôt à Lyon. Vous nous ferez la
charité de les mettre en rente constituée, dès que vous les aurez reçues. Elle
envoiera deux mille écus de Bourgogne, mais il y aura bien de la perte sur les
monnaies. — Ma très-chère fille, je vous désire certes toute sainte, et nos
chères Sœurs, et vous prie de me recommander bien fort à Notre-Seigneur ;
de vrai, j'en ai besoin, ma fille toute chère.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [401]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Conseils pour la fondation de La Flèche. — La douceur et
la tranquillité doivent régner dans la communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 7 septembre [1634].
Ma très-chère fille,
Je n'ai point
répondu à vos lettres touchant l'affaire de Moulins, parce que cela ne vous
aurait de rien servi, et que j'ai été assez occupée à écrire les lettres qu'il
m'a fallu faire pour procurer quelque remède au mal de cette pauvre maison,
duquel j'ai été avertie presque de toutes parts et de diverses personnes
religieuses et séculières. J'ai fait tout ce que j'ai pu vers Mgr d'Autun pour
l'obliger à déposer ma Sœur la Supérieure ; mais jusqu'ici je ne sais si
j'y aurai rien pu gagner. Nous avons employé tous ceux que nous avons pensé pouvoir
servir en cette affaire, mais sans grand fruit jusqu'à présent ; c'est
pourquoi, voyant que je n'y puis faire autre chose, je remets tout à la
Providence de Dieu, qui en aura soin, s'il lui plaît.
Quant à votre
fondation de La Flèche, je trouve que le fonds est assez bon, pourvu
que les Sœurs y aillent bien meublées et accommodées de toutes leurs petites
nécessités. Pour le choix de la Supérieure, s'il y avait dans votre maison des
Sœurs propres pour cette charge, je m'étonne comme on est venu en chercher une
ici, si loin, et une directrice. Mais, ma très-chère fille, pour ce qui est des
Sœurs que vous voulez envoyer à cette fondation, comme je ne les connais pas,
sinon ma Sœur J. M. Brunel et A. L. Détery, qui ne sont pas filles de [402]
fondation, si elles n'ont fait un changement tout extraordinaire, je ne vous en
puis dire autre chose, sinon que vous fassiez, avec l'avis du Coutumier, des
Réponses et de Mgr votre Supérieur, ce que, selon Dieu et votre conscience,
vous verrez être pour le mieux ; car j'ai résolu de ne vouloir plus
m'attirer des scrupules d'avoir donné mon consentement pour envoyer des filles
en fondation, que je ne connaîtrais pas propres et bien fondées en la vertu,
selon qu'il est requis pour un tel emploi. Il semble que quand on a mon consentement,
c'est assez ; mais dorénavant je vous assure que je ne le donnerai pas
sans savoir bien comment, parce que je vois que, quand quelqu'un n'y réussit
pas bien, je n'en ai par après que des plaintes. Pour ce qui est de conduire
les Sœurs, vous ferez en cela ce que Mgr votre Supérieur vous commandera, sans
qu'il soit besoin d'avoir l'obéissance de Mgr [de Genève] pour cela.
Au reste, ma
très-chère fille, je suis consolée de vous voir toujours dans votre bon courage
de faire de mieux en mieux ; surtout tenez-vous proche de Notre-Seigneur,
et réprimez tant que vous pourrez vos promptitudes à parler et agir, faisant
votre gouvernement avec toute la douceur et suavité qu'il vous sera possible,
ne permettant toutefois aucun relâchement à l'observance ; mais avec cela
que la douceur et la tranquillité règnent, je vous en supplie, et vous tenez en
bonne intelligence avec les Pères Jésuites. Ce sont de bons serviteurs de Dieu,
et très-affectionnés et utiles à notre Institut. Croyez que de cœur je suis et serai
incessamment vôtre en Notre-Seigneur, qui soit béni.
[P. S.] Mille cordials saluts à toutes nos chères
Sœurs, un peu à part à notre A. F. à laquelle je ne puis écrire, quoique sa
lettre m'ait bien consolée. Je la conjure de persévérer au bon train où elle me
faisait voir son bon cœur ; que Dieu le rende tout selon le sien
très-sacré, et ceux de toutes nos Sœurs aussi ! — Veille de la sainte
Nativité de Notre-Dame.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [403]
MAÎTRESSE DES NOVICES, À BOURGES
Assurance de maternelle affection.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 7 septembre 1634.
Ma très-chère fille,
Croyez que si vous
aimez bien votre pauvre vieille Mère, qu'elle ne vous chérit pas moins ;
mais ne prenez pourtant pas à mortification quand vous ne recevez pas si
souvent de ses nouvelles, comme vous désireriez bien ; car certes, ma
fille, je ne puis plus tant écrire, étant accablée des lettres qu'il me faut
faire ; c'est pourquoi dites hardiment à votre chère Mère qu'il faut que
désormais elle endurcisse un peu plus la peau de son bon cœur de ce côté-là,
afin qu'il ne soit plus si sensible en la privation des nouvelles de cette
chétive Mère qu'elle aime tant. Ne laissez pourtant toutes deux de me toujours
continuer ce que vous me promettez, qui est votre souvenir devant Dieu ;
car j'en ai besoin, non pour ma santé corporelle, mais pour la spirituelle et
pour mon amendement ; comme réciproquement je supplierai sa divine Bonté
de vous départir abondamment ses saintes grâces, afin que de plus en plus vous
le serviez avec toute pureté, humilité et sincérité dans une exacte observance.
[404] C'est ce que mon cœur vous souhaite de toutes ses affections, étant, ma
très-chère fille, votre très-humble et indigne sœur et servante.
Conforme à l'original gardé par Mgr Mermillod, évêque
d'Hébron, vicaire apostolique de Genève.
SUPÉRIEURE À POITIERS
L'évêque d'Autun est résolu de déposer la Mère de Bigny, —
Les novices ne peuvent être renvoyées que par le Chapitre.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 12 septembre 1634.
Ma très-chère fille,
Il faut que je vous
réponde courtement, parce que les affaires se multiplient tous les jours et
m'accablent, en sorte que j'ai peine à y fournir. — Il ne faut pas que vous
doutiez que nous ne fassions bien tout ce que nous pourrons pour empêcher que
ces sorties pour les bains ne prennent suite ; car nous sommes bien
résolues à cela. Et parce que ma Sœur la Supérieure de Moulins s'est si mal
conduite au voyage qu'elle y a fait, Mgr d'Autun est résolu, par les prières
que nous lui en avons faites, de la déposer de sa charge et de la transmarcher
ailleurs ; et encore aujourd'hui, nous lui avons renvoyé un laquais pour
ce sujet.
Nous avons fait et
accompli vos dévotions à notre Bienheureux Père, ma très-chère fille, au mieux
qu'il nous a été possible, et nous vous remercions très-cordialement de votre
beau voile de calice, offert à ce Bienheureux, que je supplie vous impétrer à
toutes l'abondance de son vrai esprit et la continuation de l'assistance qu'il
vous a faite, au sujet pour lequel [405] vous lui envoyez cette offrande. Je
vous prie de remercier aussi cette bonne demoiselle qui a envoyé le mouchoir de
cou ; elle nous a fait grande compassion, et certes nous avons prié de bon
cœur et fait des communions pour elle. Dieu, par sa bonté, veuille que cela lui
soit aussi utile que nous le désirons. J'ai fait moi-même la neuvaine de
communions pour cette autre bonne demoiselle qui envoyait la pistole que vous
aviez oubliée ; et la cire de votre pistole a été brûlée pendant cette
neuvaine, selon votre désir. J'ai confiance que notre Bienheureux Père vous
aura bien pardonné cette négligence, puisque vous en avez été si marrie, et y
avez suppléé avec tant d'affection.
Au reste, ma Sœur la
Supérieure de Bourges n'a pas bien compris ce qu'elle vous a dit, qu'on pouvait
renvoyer une novice sans en tirer les voix, car cela ne se doit point faire,
parce que, ayant été admise à l'habit par les voix du Chapitre, il faut que de
même elle soit rejetée par les voix ; mais oui bien les prétendantes,
quand elles ne sont pas propres, on peut les renvoyer sans tirer les voix.
Voilà tout, ma très-chère fille, ce que je vous puis dire pour ce coup, sinon vous
assurer que je suis toujours plus d'une affection très-entière et sincère, à
vous et à toutes nos chères Sœurs, que je salue de tout mon cœur, ma très-chère
fille, votre très-humble et indigne sœur et servante.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [406]
SUPÉRIEURE SU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
Au sujet de la nouvelle élection qui doit se faire à
Moulins.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 12 septembre 1634.
Ma très-chère fille,
Je vous envoie
toutes mes lettres ouvertes, afin que vous voyiez en quel état est cette
affaire [de Moulins]. L'humilité de Mgr d'Autun est bien si grande et
débonnaire qu'il a voulu que je lui aie prescrit le règlement qu'il tiendra
pour la déposition (car il est résolu de la déposer), et pour la réélection. Je lui ai dit tout simplement mes pensées là-dessus,
par un laquais de ma fille qu'elle avait envoyé ici ; mais comme nous
n'avons point de Supérieure qui fût plus utile à la maison de Moulins que ma
Sœur de Chastellux, ou ma Sœur la déposée de l'Antiquaille, je vous conjure, au
nom de Dieu, ma très-chère fille, d'employer tout votre crédit vers Mgr le
cardinal, afin qu'il agrée que l'on propose l'une des deux, mais plutôt ma Sœur
de Chastellux [407] que l'autre. Vous verrez ce que j'en écris à M. Marcher. Au
nom de Dieu, ma très-chère fille, employez-vous-y de la bonne sorte, je vous en
conjure derechef, et par le saint zèle que vous avez à la conservation de notre
Institut. Voyez toutes mes lettres, puis les cachetez, et tenez secrète leur
substance. Concevez bien l'état et l'importance de cette affaire pour m'y
seconder de tout votre pouvoir, afin qu'elle puisse réussir à la gloire de Dieu
et à la restauration de cette pauvre maison-là, et encore à l'honneur de notre
Institut. Surtout, ma très-chère fille, je vous prie de presser fort M. Marcher
pour avoir la réponse de Mgr le cardinal. Je le prie, comme vous verrez, de la
faire tenir promptement au Père recteur de Moulins, qui la donnera à ma Sœur de
Bréchard quand elle sera là, ou bien qu'il la vous envoie, et vous la lui ferez
tenir le plus tôt que vous pourrez. Vous ferez le paquet des trois lettres de
Riom que vous adresserez au Père recteur de Moulins, auquel nous les
recommandons.
Vous aurez reçu l'argent
de nos Sœurs de Valence : vous en prendrez les deux cent huit livres que
nous vous devons, et garderez les quatre cents moins huit livres pour le fils
de M. de la Valbonne, qui désire que vous lui donniez une lettre de change pour
prendre la même somme à Orléans. Il faut bien faire la charité à ces bonnes
gens, qui sont tout de Dieu et fort amis de [408] céans. Ma toute très-chère
fille, voilà ce que sans loisir je vous peux dire, car vous savez que de cœur
je suis incomparablement vôtre.
[P. S.] Certes, je fusse allée de bon cœur à
Moulins ; mais une raisonnable considération, jointe à ma faiblesse et
variable santé, fait que nous renvoyons cette commission à nos Sœurs plus
proches de là, qui iront avec moins d'incommodité et y feront mieux que moi. Dieu
vous rende sainte !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À RUMILLY
Moyens de bien faire le choix d'un état de vie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma très-chère fille,
L'on connaît la
volonté de Dieu par les événements. Je vous conjure de tranquilliser votre
esprit et de le mettre entre les mains de ce béni Sauveur, avec toute la
confiance qu'il vous sera possible, mais à loisir, afin que vous puissiez
entendre les paroles de vie et de bonheur que j'espère Il dira à votre cœur.
Les deux considérations que je vous prierai de faire en votre solitude
sont : de regarder les biens et les utilités de la sainte Religion, les
peines aussi et les commodités et incommodités de la vie séculière, et voir à
laquelle de ces deux conditions Dieu vous attirera, non selon les sentiments,
mais dans l'esprit et la raison, et laquelle vous voudriez avoir choisie à
l'heure de la mort. Oh ! qu'heureuse est l'âme laquelle, laissant toutes choses,
choisit pour sa part et portion son souverain Bien, le divin Sauveur !
Enfin tâchez de remarquer de quel côté votre barque sera tirée, et sans plus
marchander, embrassez le parti [409] que Dieu vous montrera ; car de quel côté qu'il vous tire, pourvu que
vous le suiviez, ne craignez rien : Il sera votre protecteur, votre guide
et votre éternelle consolation. Mais si vous me croyez, vous ne marchanderez
plus, ains vous vous déterminerez, et l'ayant fait, il ne faut plus de
réflexions ; mais marcher devant soi avec une sainte confiance et grand
courage de surmonter toutes les difficultés qui se présenteront en votre
entreprise ; car Dieu a permis, béni et fait toutes les voies et vocations
par lesquelles Il nous conduit à Lui, au bienheureux repos de la félicité
éternelle, — M. votre bon frère
est un peu préoccupé ; il faut porter cela doucement. Nous prierons fort
pour vous, car je suis de cœur tout à fait votre très-humble Mère de cœur, etc.
Extraite de la Vie manuscrite de la Mère F. -Innocente de
la Fléchère, par la Mère de Chaugy
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE LYON
La communauté de Crémieux doit procéder à une nouvelle
élection. — Pauvreté du monastère d'Annecy. — Affaires.
[Annecy, 1634.]
VIVE † JÉSUS !
Ma très-chère fille,
Je suis consolée de
savoir ma pauvre Sœur la Supérieure de Crémieux auprès de vous ; il lui
fallait cette charité pour la remettre. Je crois que le mieux pour cette maison
de Crémieux est qu'elle pense à une nouvelle élection, avec un peu de temps. Je leur en écris mes pensées. — Pour ma Sœur
[410] M. -Isabelle [de la Luxière], nous la retirerons de bon cœur, et serons
bien aises de soulager cette maison-là, d'autant que vous leur donnez aussi les
deux Sœurs que vous leur avez promises, avec sept cents écus. Cela les remettra
un peu, et j'espère, ma très-chère fille, que, quand votre maison sera un peu
remise, vous leur donnerez bien quelque chose davantage, parce qu'il y a deux
années que vous leur avez promis huit cents écus, pour chacune. Je crois que
leur mieux serait d'élire leur assistante, laquelle, selon la connaissance que
Dieu m'en a donnée, j'estime fort sage et très-vertueuse.
Au surplus, ma
très-chère fille, je ne doute point que votre maison ne soit grandement
surchargée, et que vous ne vous soyez bien mise en arrière, par le moyen de ce
que vous dites avoir fourni pour vos fondations ; mais, ma chère fille,
c'est que vous y avez envoyé beaucoup de filles, et que vous recevez de bonnes
dots. Nous avons bien fourni pour la maison de Crémieux douze cents écus pour
le moins. Je trouve que, selon notre pauvreté, nous faisons quasi autant que
celles qui sont plus riches que nous. Je vous dirai que je suis bien résolue,
sitôt que nos Sœurs auront élu leur assistante ou une autre bonne Mère, de lui
écrire qu'elles m'envoient l'état de leur maison, et si elles ont besoin d'être
assistées [nous le ferons] de tout ce que nous pourrons. — Ce qui me fait plus
vous compatir ès charges de votre maison, c'est ce que vous me dites que vous
devez encore dix-sept mille livres, car je sais par ma propre expérience la
peine que cela est ; car je vous puis dire avec vérité que, depuis six
années en ça, nous avons été réduites dans une pauvreté si grande que nous
n'avons ouvert que trois fois le coffre pour y mettre l'argent de réserve,
encore n'était-ce que cent ou deux cents florins, qu'il fallait tirer de suite
par après. [La fin de la lettre a été coupée dans l'original.]
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [411]
Désir que l'élection de Crémieux soit retardée.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Mon Dieu ! ma
très-chère fille, que je vous plains d'avoir tant de tracas d'affaires !
Or, c'est le bon plaisir de Dieu que vous et moi soyons ainsi, c'est pourquoi
il nous y faut aimer et prendre patience.
Je pensais cette
nuit que, si l'on dit si promptement qu'il faut changer de Supérieure à
Crémieux, cela fera faire plusieurs philosophies, et qu'il serait peut-être
mieux de laisser écouler quelque temps, sous le prétexte de la maladie.
Cependant, l'on verrait comme l'assistante de là serait goûtée dedans et
dehors ; et, à loisir, l'on ferait faire l'élection. Je laisse cette
pensée à votre disposition de toutes deux ; mais cependant mes lettres
sont conformes à ma pensée ; vous les verrez et y ajouterez ce qu'il vous
plaira. Ma fille, priez Dieu pour moi, qu'il me donne force, s'il lui plaît,
pour accomplir sa sainte volonté. Je vous prie, faites tenir promptement ces
lettres pour Marseille et Moulins, en diligence et sûrement.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [412]
À MOULINS
La tribulation généreusement supportée purifie l'âme et la
conduit à l'union divine.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma très-chère fille,
Je ne vous dis rien
sur tout ce que vous écrivez, touchant ce qui s'est passé. J'adore de tout mon
cœur la divine Providence, qui permet tout cela pour humilier cette petite
Congrégation, et la supplie que nous en tirions le fruit que sa Bonté prétend
dans cette occasion d'humiliation si excellente.
Pour vous, ma
très-chère fille, vous n'avez à faire sinon d'ouvrir votre cœur à Dieu, et de
toute son étendue recevoir les moyens de perfection que sa douce bonté vous
présente, ne laissant pas tomber à terre un seul brin de cette croix qui est si
précieuse. Que si vous la recevez et portez dans l'humble soumission que vous
devez, vous perdant et anéantissant dans les desseins de cette éternelle Providence,
avec toutes défenses et propre intérêt, j'espère que non-seulement elle vous
servira d'une sainte pénitence pour toutes vos fautes passées, mais encore
d'échelons pour monter à la solide et amoureuse union de votre âme avec Dieu,
qui ne se fait jamais si utilement et si fortement que dans les occasions de
souffrances et d'abjections. Je vous supplie sur toutes choses que la sainte
oraison, l'humilité et le silence vous accompagnent. Je m'assure que vous
trouverez toutes sortes de douceur et de support dans la maison où vous allez. Je supplie Notre-Seigneur d'être votre
force, votre conduite et votre consolation.
Je suis en son amour
tout à fait votre, etc. [413]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Trait de Providence an sujet des procédures de la
béatification de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 13 octobre 1634.
Ma très-chère fille,
J'allais toujours
attendant de vous quelque bonne nouvelle sur le sujet qui vous a tant causé
d'affliction, espérant qu'enfin Dieu vous en aura lait apprendre
quelqu'une ; mais, je crois, ce sera par le retour de M. Garin que vous
nous en ferez part. Je vous assure que toutes les fois que mon esprit se tourne
du côté de ce sujet-là, j'en ressens toujours de la peine. Il faut pourtant
vouloir tout ce qu'il plaît à Dieu permettre qu'il nous arrive.
Ce jeune homme qui
s'en va à Montpellier est le propre neveu de notre Sœur M. -Catherine
Truitat ; c'est pourquoi, ma chère fille, je vous le recommande, afin que
vous le recommandiez aussi à vos amis, et que, s'il venait à tomber en quelque
maladie, vous ayez soin de l'assister charitablement. Quant à nos nouvelles, je
vous dirai que demain le Père dom Maurice part pour s'en aller à Rome
poursuivre la béatification de notre Bienheureux Père. Mais il ne faut pas
manquer à vous dire un trait de la Providence de Dieu sur cette bénite affaire,
qui nous a bien donné sujet de bénir sa douce bonté : c'est qu'hier M. le
greffier Ducrest, qui était le notaire apostolique, signa, le matin qu'il se
portait bien, tous les papiers que le Père doit emporter à Rome, et
l'après-dînée, il tomba tout d'un coup d'un catarrhe qui lui ôta toute sorte de
sentiment et de connaissance, sans que jamais il pût proférer aucune parole, et
tôt après passa de cette vie à une meilleure, comme nous espérons en la divine
[414] miséricorde. Voilà comme ce bon Dieu a eu soin de cette sainte
œuvre ; remerciez-l'en avec nous, s'il vous plaît.
Au reste, voilà une
petite image de sainte Dorothée que je vous envoie, en témoignage de
l'affection avec laquelle je vous tiens toujours comme l'une des plus chères et
très-bien aimées filles de mon cœur. Ma très-chère fille, vivez de plus en plus
toute à Dieu, toute dépendante de sa souveraine Providence, toute reposée dans
son sein. Ah ! ma fille, que puissions-nous être à jamais tout abîmées et
consumées en son divin amour ! Amen ! — Très-humble révérence
à Monseigneur ; Dieu le fasse saint, et M. et madame de Vallat, et toutes
nos chères Sœurs que Dieu bénisse !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À CHAMBÉRY
Prière de s'intéresser à un procès.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 17 octobre 1634.
Monsieur,
Nous
vous rendons mille remercîments
de la peine qu'il vous a plu de prendre de voir notre petit procès, et de la
bonne espérance que vous nous en donnez ; il suffit de le savoir entre vos
mains pour en demeurer entièrement en repos. Nous vous dirons seulement, Monsieur,
pour répondre à ce qu'il vous a plu en écrire, que Claude d'Arvillars était
tout à fait insolvable, lorsque mesdames de Sainte-Catherine nous cédèrent
leurs droits ; et pour sa caution il était prêt à être condamné à nous
payer, ainsi que vous avez pu voir par les procédures, n'eût été la nullité du
contrat, que les dames de Sainte-Catherine nous ont remis, lequel ayant été
déclaré nul et faux par le conseil, [415] à faute d'avoir été signé par le
témoin qui savait écrire, la caution par ce moyen a été mise hors de peine, et
nous, condamnées aux dépens contre lui, et il n'y a pas de difficulté à
soutenir cette vérité, puisque même dans toute la procédure, mesdames de
Sainte-Catherine n'ont rien avancé qui prouve ou mette en difficulté qu'il ne
fût pas insolvable lors de la cession. Vous verrez tout cela clairement,
Monsieur, si l'on vous a remis des mémoires que nous avons envoyés pour donner
une plus particulière connaissance de l'affaire et avec moins de peine,
particulièrement un, qui est le résultat de toute l'affaire et l'abrégé des [mot
illisible] et opinions de MM. les arbitres que nous avons assemblés,
pensant de nous accorder, lequel est de même caractère que cette lettre.
Nous avons fait
remettre votre lettre à la chère nièce, pour laquelle, Monsieur, je vous
supplie très-humblement de croire que nous n'épargnerons ni soins, ni rien qui
soit en notre pouvoir, non plus que si elle était ma propre fille. —
Excusez-moi, Monsieur, si je ne vous écris de ma main, je ne l'ai pu faire à
cause qu'il a fallu écrire à N., pour ne perdre cette occasion. Nous serions
bien aises que notre cause ne se plaidât pas en audience, s'il se pouvait, afin
que tant de monde ne s'aperçût pas que nous plaidons avec une maison
religieuse ; néanmoins, s'il le faut, ce nous sera un extrême bonheur
d'être favorisées de votre assistance.
Il n'y a point de
doute, Monsieur, que les deux ou trois premières fois que l'on vous verra dans
votre premier exercice, que cela donnera un peu de sujet de parler à ceux qui
aiment à le faire ; mais l'action étant honorable et louable, si elle
n'est approuvée de quelques mondains, elle le sera de Dieu, et je vous avoue,
Monsieur, qu'il ne faut pas moins de courage pour l'entreprendre et soutenir
les traverses, que pour quelque bien plus important à faire ; mais,
Monsieur, il le faut faire avec égal amour et force d'esprit, puisque Dieu le
veut, que je supplie [416] être votre force, votre lumière, votre courage, et
enfin votre récompense en la gloire éternelle. C'est le souhait et l'affection
de celle qui est de tout son cœur entièrement, Monsieur, votre très-humble et
obligée servante.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À RUMILLY
Dieu ne fait entendre sa voix qu'au cœur paisible.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Que fait votre cœur,
ma très-chère fille ? Tâchez-vous de le tranquilliser et de l'abandonner
tout à Dieu, ainsi que je vous en ai priée, car Dieu ne parle qu'au cœur
paisible. Avez-vous fait votre retraite ? Et les deux considérations que
je vous ai données, quelle impression ont-elles faite sur votre cœur ? O
ma chère fille ! qu'heureuse est l'âme qui entend la voix de Dieu et qui
la suit ; car par quelque route qu'il la conduise, elle fera un heureux
voyage, et arrivera au port du salut.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE D'ANNECY
Encouragement à continuer avec joie le gouvernement de sa
communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1634.]
Mon Dieu ! ma
toute bonne et chère fille, que de sujets nous avons de louer Dieu, des
bénédictions qu'Il répand sur votre [417] bénite famille ! Certes, j'en
suis fort touchée envers sa Bonté, qui nous fait toujours mieux connaître que
nous avons fait sa très-sainte volonté, qui est, qui doit être et qui sera à
jamais, s'il lui plaît, notre unique désir et consolation.
Ne voyez-vous pas,
ma fille, que Dieu bénit votre petit emploi ? Que cela vous suffise qu'il
se daigne servir de votre chétiveté et imbécillité. Je suis un peu tracassée,
et quasi la [418] plupart pour les affaires de cette chère seconde maison. Dieu
veut que le temporel aille avec grand'peine ! Mais louée soit sa Bonté,
qui conduit heureusement le spirituel. L'esprit malin, qui voit que cette
nouvelle plante est pour rendre de grands services à Dieu, et que sa divine
Bonté la favorise de beaucoup de grâces, commence à y vouloir jeter du trouble
et dégoûter, s'il pouvait, votre esprit en la poursuite de ce service
très-utile qu'il voit que vous y rendrez. Ma fille, voilà l'intention du malin
esprit ; mais celle de Dieu est bien différente, car II a permis ce
trouble afin de vous faire jeter toujours plus profondément et entièrement
entre les bras de sa Bonté.
Je suis bien
consolée de ce que vous me dites de votre petite troupe. Vous avez grand sujet
de bénir Dieu et de vous réjouir avec sa Bonté. Vous verrez un jour de vos yeux
combien Il tirera de gloire de vos petits soins et travaux. Servez-le donc avec
allégresse ; cette petite troupe m'est en grande consolation de cheminer
si fidèlement. Dieu lui veuille continuer sa sainte grâce.
DUC DE SAVOIE, À TURIN
La Sainte demande au prince sa royale protection pour
l'établissement de deux monastères en Piémont.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Monseigneur,
Quand nous eûmes
l'honneur et bonheur incomparable de voir en personne Votre Altesse Royale, ce
fut avec tant de suavité et favorable témoignage de sa bienveillance à la
mémoire de notre Bienheureux Fondateur et de sa petite Congrégation, qu'elle
nous imprima une entière confiance en votre bonté. En [419] suite de quoi,
Monseigneur, nous avons prié ce bon Père qui va à Rome pour la canonisation de
notre Bienheureux Père, de prendre les commandements de Votre Altesse, et lui proposer
simplement quelque occasion qui se présente pour l'établissement de nos Sœurs
en deux villes de ses États. Elle en ordonnera ce que sa grande sagesse
lui dictera pour le mieux du service de Dieu et le sien ; à quoi nous nous
soumettrons avec une profonde révérence et amour de sa volonté, et avec égale
satisfaction et désir de lui être à jamais très-humblement obéissantes,
suppliant notre grand Dieu de vouloir multiplier les jours de Votre Altesse
Royale, et la combler des plus riches bénédictions de son amour. Ce sont les
continuels souhaits, Monseigneur, de celle qui révère avec un infini respect
Votre Altesse Royale et lui est de cœur, Monseigneur, votre très-humble,
très-obéissante et très-obligée oratrice et servante en Notre-Seigneur.
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
La grande richesse, de l'âme est de souffrir beaucoup avec
paix et amour. — Se préparer à revenir en Savoie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma grande première fille
uniquement aimée,
Votre lettre a bien
touché mon cœur, car il n'est pas croyable combien il est sensible à tout ce
qui vous touche ; il tire à soi par amour incomparable tous les sentiments
du vôtre. O ma fille, que les voies de Dieu sur vous sont adorables ! Il
est vrai qu'elles sont pénibles à la nature ; mais je m'assure que vous
les [420] expérimenterez plus douces que le miel dans le fond de votre esprit.
Que vous faites bien de tenir vos yeux arrêtés sur cette immense bonté de
Dieu ! Il vous tirera de cette fournaise, pure comme l'or sort du creuset.
C'est enfin la grande richesse de l'âme que de beaucoup souffrir avec paix et
amour. Si j'étais ce que je devrais être, je ne voudrais d'autre bonheur.
Vous êtes toujours
dans vos maladies, loué soit Dieu ! Et certes, je vous puis assurer, ma
vraie fille, que ce n'était pas l'intention de Mgr de Genève que l'on exposât
en façon quelconque votre santé, qui lui est certes précieuse. Je crois qu'il
ne faudra plus parler de ce départ que quand la saison propre sera venue, qu'il
se pourra faire insensiblement et sans bruit.
Je crois que Dieu a
conduit tout ceci, et a permis ces empêchements pour accomplir ses desseins et
la volonté de notre Bienheureux Père. Enfin il faut partir de Paris, et retourner
de deçà avec l'honneur et bienséance convenables à une fille telle qu'il plaît
à Dieu que vous soyez. J'espère que tout réussira à sa gloire et à votre
consolation ; la souveraine Providence vous conduira où elle vous a
destinée. Mon unique fille, je vous conjure de récréer votre cœur. Assurez-vous
de mon âme comme de la vôtre propre ; car je vous dis, en la présence de
Dieu et des Anges, que je suis autant vôtre qu'à moi-même, et que l'amour que
Dieu me fait sentir pour vous est incomparable, fidèle, tendrement maternel et
plus que tout cela. Je ne voudrais pas épargner ma propre vie pour votre repos
et consolation. Dieu sait que je dis vrai, et que je suis votre, etc. [421]
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Éloge de la Mère Favre. — Heureuses sont les âmes qui
s'oublient elles-mêmes pour ne vivre qu'à Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy- 1634.]
J'ai tant de
confiance en la bonté de votre cœur que je crois qu'il recevra agréable ce
billet, quoique tardif. Or il est vrai, ma très-chère fille, notre bien-aimée
Sœur [Favre] est une règle vivante, et je suis consolée du bonheur qui vous est
échu de l'assister en ses maladies, car en telles occasions la véritable vertu
se témoigne ; grâce soit à Dieu qui la lui a donnée pure et solide. Vous
trouvez, me dites-vous, ma fille, cette infinie Bonté si intimement dans votre
âme que vous ne vous y trouvez presque point. Oh ! que bénies soient
éternellement ses divines miséricordes ! voilà deux grandes grâces. Sentir
Dieu en soi si intimement et efficacement que l'on ne se voie plus soi-même,
c'est avoir abîmé cette gouttelette de notre être dans l'Océan de l'Être divin.
Oh ! que bienheureuses sont les âmes qui se sont ainsi perdues en Dieu,
car en vérité elles peuvent dire avec l'ardent saint Paul : « Je vis,
non plus moi, mais Jésus-Christ vit en moi ! » Mais, dites-vous,
ma fille, ce n'est que le seul [422] esprit qui tende à cette intime union et
qui y soit arrêté- il faut que vous vous fassiez violence pour faire tendre les
autres puissances. Ne vous étonnez pas de cela, car elles ne sont pas capables
de cette si simple et intime union : Dieu les accoisera quand il sera
expédient. Les passions émues et non voulues ni suivies nous servent d'exercice
de vertu. Votre amour pour le prochain est pur, puisqu'il est tout en Dieu et
pour Dieu : laissez-vous employer par l'obéissance selon qu'il lui plaira.
Dieu demande de vous une absolue dépendance de sa volonté et une pure
pureté ; pour cela il faut anéantir tout ce qui n'est point Dieu.
Je suis consolée de
voir que vos affections de savoir se tiennent dans l'enclos de
l'Institut : tout y est, ma très-chère fille, je dis tous les plus
excellents moyens de la très-haute perfection. Dieu nous fasse la grâce de ne
les chercher ailleurs, et remplisse votre chère âme de son saint et pur amour,
auquel je suis tout à fait vôtre de tout mon cœur.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Échange de présents. — Difficultés que rencontre la
fondation du Pont-Saint-Esprit. — Prendre conseil de Mgr de Montpellier au
sujet d'une dame bienfaitrice. — Bonheur de l'âme qui est en tout dépendante de
Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 16 novembre 1634.
Ma très-chère fille,
J'ai été bien aise
de savoir de vos nouvelles, et particulièrement de ce que cette pauvre âme qui
vous a tant causé d'affliction, n'a point eu de mal au sortir de votre maison,
et qu'elle est maintenant en lieu d'assurance. Mgr votre digne prélat a eu
[423] raison de vous dire que quand elle vaudrait retourner parmi vous il ne
l'y faudrait pas recevoir, sinon que l'on vît en elle une si grande contrition
et repentance de sa faute, que cela obligeât à croire qu'elle serait tout à
fait changée et convertie en bien pour la Religion. Au reste, je vous admire,
en ce que vous me demandez si vous vous tiendrez à la décharge que Monseigneur
vous a faite de cette âme. Oui vraiment, ma chère fille, car qui vous en peut
mieux décharger que lui en toute façon ? Je crois qu'après avoir fait ce
que vous avez fait, vous en devez totalement demeurer en paix et n'en plus
tourmenter votre esprit.
Nous n'avons point
vu M. le prieur de Bubie, qui nous a fait tenir vos lettres. S'il fût venu ici,
nous n'aurions pas manqué de le recevoir avec toute la cordialité qui nous eût
été possible, pour lui témoigner la reconnaissance que nous avons des
assistances qu'il vous rend. — Nous avons aussi reçu votre suc de réglisse et
votre belle serge, de quoi nous vous remercions infiniment, comme encore de la
cire d'Espagne qui est très-belle et bonne. Nous désirons bien fort de contre
échanger ces charités de quelque autre chose que nous pourrons avoir de deçà
qui vous soit agréable ; et pour cela nous faisons chercher du meilleur
lin que nous pourrons avoir pour vous envoyer, avec du chanvre et des filets,
si la commodité s'en présente bonne, vous assurant, ma très-chère fille, que
nous voudrions encore mieux faire, si nous pouvions, et cela d'une très-sainte
affection. — Je suis fort aise de ce que votre bâtiment s'avance, et il me
semble que vous n'avez besoin que de persévérer fidèlement, avec toutes vos
Sœurs, à rendre à Dieu ce que vous lui devez dans l'exacte observance ;
car par ce moyen-là elles attireront toutes les bénédictions nécessaires et utiles
à votre maison. Ce que vous me dites de leurs dispositions me contente
fort ; je les salue avec vous très-chèrement, et je prie Dieu qu'il les
rende toutes parfaitement selon son Cœur.
La très-vertueuse
dame veuve, qui désire avoir l'entrée chez [424] vous en se rendant
bienfaitrice, ayant de si bonnes qualités, et étant remplie de tant de piété,
ne peut être que fort utile à votre maison ; mais pour ce qui regarde son
bienfait, vous en devez conférer avec Mgr votre très-bon et digne prélat, pour
faire en cette chose-là selon qu'il vous ordonnera. Nous sommes certes bien
marries de l'indisposition de ce bon évêque, et nous ne manquerons pas de bien
prier Dieu pour sa conservation ; car c'est un prélat bien utile à son
Eglise, et surtout à votre maison, dont il s'est montré vrai père, par le
charitable soin qu'il a de pourvoir à vos besoins. — Je suis en peine de ce mal
de pied qui vous est survenu, car il est à craindre que l'humeur se jetant
ainsi sur les jambes, vous en demeuriez fort incommodée ; mais ce sont de
petites croix que Dieu vous présente, lesquelles il faut embrasser de bon cœur.
Je vous prie pourtant de faire tout ce qui sera jugé nécessaire pour votre
soulagement en cela.
Quant à nos Sœurs du
Pont-Saint-Esprit, j'aurais beaucoup plus désiré qu'elles fussent retournées
dans leur monastère d'Avignon que là où elles sont, me semblant qu'il n'est pas à propos
qu'elles retournent en leur ville contre le gré de Mgr leur prélat ; c'est
pourquoi je ne crois pas que cette fondation-là puisse bien réussir. Je suis
toujours dans l'appréhension que la [425] multitude des fondations qu'on est si
échauffé à faire, n'apporte un grand déchet à l'esprit de l'Institut :
Dieu y mette sa bonne main, s'il lui plaît ! — Ce vous est un grand repos
d'esprit, ma chère fille, de n'avoir aucun soupçon contre aucune de vos Sœurs,
et je crois aussi qu'elles ne vous en donnent pas sujet, étant toutes si
bonnes. Si notre Sœur N. peut bien prendre un bon fondement dans la véritable
et sincère humilité de cœur, et pureté d'intention à ne voir et chercher que
Dieu en toutes choses, elle sera un jour une brave fille. — M. Garin ne s'est
pu charger du chanvre maintenant, mais il nous a promis de le faire porter avec
d'autres choses qu'il envoie à Montpellier, d'ici à quelques semaines ;
nous vous envoyons en attendant un peu de notre filet blanc. Nous avons assez
de réglisse pour deux ans, et pour les [mot illisible] que vous vouliez
nous envoyer, ce serait trop d'un demi-quintal ; mais pour un peu, que
vous pourriez remettre à quelqu'un qui les pût apporter facilement, cela serait
suffisant. Nous trouvons que de faire des provisions de si loin, cela est trop
incommode.
Ma toute chère
fille, que vous me feriez grand tort si vous écoutiez la misérable tentation
qui vous suggère des doutes de mon affection et de mon souvenir !
Vraiment, elle est bien assurément pure tentation ; car je vous assure en
toute vérité, ma très-chère fille, que je vous chéris avec une dilection si
pure, si invariable et si constante, que vous ne sauriez en désirer davantage,
et cela avec une certaine confiance et assurance de tout votre bon cœur pour
moi, que je ne pourrais avoir une ombre de soupçon ni de doute de votre toute
filiale affection. Enfin, ma fille, vous m'êtes très-précieuse, et Dieu vous a mise
en mon cœur au rang de mes plus chères filles, dont chose quelconque ne vous
déplacera jamais. Oh ! demeurons en cette sainte assurance et confiance,
je vous en conjure. Je vois que votre chère âme est en une très-bonne
disposition : ses lumières, ses sentiments et ses pratiques sont vraiment
de Dieu et selon [426] Dieu ; allez vous purifiant de plus en plus, afin
que le divin Sauveur prenne ses délices en vous, et abandonnez-vous
incessamment à la disposition de sa très-douce Providence. Oh ! quel bonheur,
ma fille, d'être tout à fait dépendante de sa divine conduite !
Recommandez-moi souvent à sa miséricorde, et me donnez et consacrez avec vous à
son très-saint et très-adorable bon plaisir, afin qu'il fasse dans le temps et
dans l'éternité tout ce qui lui plaira de nous.
Je salue nos
très-chères Sœurs en leur souhaitant l'esprit d'une sincère humilité, douceur
et simplicité dans l'exacte observance. Et, si vous le jugez à propos, je salue
en tout respect Monseigneur, que j'honore du fond de mon cœur, et supplie
Notre-Seigneur le rendre tout selon son Cœur divin. Je salue aussi M. et madame
de Vallat et la petite Constance. Notre bon Dieu verse sur eux ses plus saintes
grâces. — Je suis de cœur, ma toute très-aimée fille, entièrement vôtre.
[P. S] Attendant d'envoyer du lin, voilà un peu de
notre beau filet : le présent est petit, mais fait de grand cœur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
User de condescendance et de support envers une âme
imparfaite ; maximes de saint François de Sales sur ce sujet. — Compassion
pour des Sœurs malades.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 novembre [1634].
Dieu par son infinie
bonté me veuille donner ce qu'il lui plaît que je réponde à votre lettre, ma
très-chère fille, touchant notre pauvre Sœur N. Mon Dieu ! que son
détraquement me touche, surtout quand je me souviens de l'avoir vue cheminer
[427] céans avec tant de simplicité en la parfaite observance, et aussi que notre
Bienheureux Père l'aimait tant pour cela ; mais voilà que c'est de notre
misère ! elle me fait grande compassion. Or je vous dirai tout
sincèrement, en la présence de Dieu, puisque vous le désirez, ma très-chère
fille, que je crois que le plus grand bien que vous sauriez faire à cette
pauvre Sœur, c'est de regagner son cœur par douceur et amour maternel,
l'encourageant cordialement à son amendement, en l'assurant que vous désirez,
par une sincère dilection, de l'aider et la voir disposée à la parfaite observance,
afin que par ce moyen elle regagne l'estime des Sœurs ; que vous tâcherez
de votre côté d'excuser les fautes qu'elle a faites en leur présence, afin que
si elle se met en bon train, vous lui puissiez donner la charge
d'assistante ; que c'est tout votre désir, pourvu qu'elle s'y dispose.
Mais ce remède, ma
très-chère fille, doit être appliqué avec tout amour et cordialité, et je crois
qu'il profitera, puisque cette pauvre âme a le fond du cœur bon, et que son
détraquement procède de l'opinion qu'elle a prise que vous la vouliez déprimer
et que vous ne l'aimiez pas, et que pour cela vous ne l'employiez pas aux
premières charges qu'elle désire tant ; en quoi elle fait bien voir la
faiblesse de son esprit, et qu'elle n'est pas capable des solides remèdes, qui
sont la parfaite mortification de telle inclination. Or, c'est à ces pauvres
esprits faibles qui n'ont pas la force de se plier, qu'il faut exercer un
support et douceur vraiment maternels, et comme disait notre Bienheureux
Père : « Où l'infirmité abonde et que l'humilité et soumission leur
manquent, il faut que notre charité surabonde et les soutienne. »
Je me souviendrai
toute ma vie de ce qu'il me dit à Lyon, touchant une novice domestique qui
voulait avoir le voile noir, et jamais on ne la sut vaincre ; il le fit
donner. Une autre fois je lui disais que mon sentiment était de fort humilier
et ravaler une Sœur que je jugeais en avoir grand besoin : « Attendez, [428] me dit-il, qu'elle soit armée
pour recevoir des coups si fermes ; elle ne l'est pas assez. Il ne faut
pas donner aux malades la médecine que l'on voit qui ne leur profitera
pas. » Il dit encore à ses dernières années, que l'expérience lui avait
appris que par douceur on plie les âmes, et que l'on aurait beau chercher
d'autres moyens, il en faudrait toujours venir là. Ces avis sont bien
différents de ceux de M. N., de faire changer de lieu à cette pauvre
fille ; il n'y faut pas penser seulement, ni lui en donner espérance, me
semble, ma très-chère fille, cela rendrait le remède trop lent et lui
empêcherait l'opération. Il vous faut roidir et animer votre charité d'un vrai
zèle et support cordial pour sa guérison, et j'espère fermement de la
miséricorde divine qu'elle enrichira votre âme d'un grand zèle, dont vous
recevrez après mille consolations et bénédictions éternelles. Je supplie cette
souveraine Bonté de vous inspirer ce qu'elle me donne en vue et en sentiment
sur ce sujet qui serait trop long à écrire ; mais que plutôt, il lui
plaise vous faire connaître sa très-sainte volonté, étant très-assurée que vous
ne respirez que l'accomplissement d'icelle. Voilà un mot que j'écris à cette
malade. Voyez, ma très-chère fille, si vous jugerez à propos de le lui donner.
Mon Dieu ! que je désire de la savoir guérie, et encore toutes ces pauvres
Sœurs que Votre Charité m'écrit qui sont malades. Dieu, par sa douce bonté, lui
donne ce qui lui est nécessaire. Je suis bien aise que vous ne manquiez [de lui
donner] un bon traitement, que vous lui jugez utile, tant en santé qu'en
maladie.
Vous faites fort
bien de ne point faire cet ouvrage de vanité ; Dieu vous fera abonder ès
choses nécessaires. — Véritablement, j'ai été touchée de la perte qu'a faite M.
N. en son procès. Je prie Dieu qu'il veuille lui récompenser cette perte
temporelle par toutes sortes de bénédictions spirituelles. — Si N. vous écrit
quelque chose au préjudice de la sainte affection et estime que nos Sœurs vous
portent, il a tort et nous n'en savons rien. Je [429] vous prie, faites que
notre Sœur N. ne découvre point son mal en dehors tant qu'il se pourra, sinon
en toute extrémité, et avec des personnes bien capables de cette confiance, et
cela ne fait pas seulement décrier les Sœurs malades, mais aussi toute la
maison. — Au reste, ma toute bonne et très-chère fille, je vous prie de prendre
tout ce que je vous dis selon ma simplicité et franchise qui vous parlent avec
confiance. Que si Dieu me fait jamais la grâce de vous revoir, ce que je vous
confesse qui me serait une entière consolation, nous parlerions à cœur ouvert
de tout et pour la seule gloire de Dieu : cela dépend de Monseigneur,
auquel il en faudrait écrire si vous pensez que cela vous puisse être
utile ; car de moi, ma très-chère fille, Dieu sait avec quel cœur je le
ferais. Tous nos pauvres monastères respirent cela, même avec passion ;
mais le voyage de Piémont nous divertit bien. Dieu fasse en tout sa très-sainte
volonté ! Amen ! et vous comble de son pur amour avec toutes
vos chères filles, que je tiens pour toutes miennes, et que je chéris
cordialement en Notre-Seigneur. Qu'il soit loué.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À FORCALQUIER
Sollicitude pour la Mère de Sisteron. — Conseils de
direction.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 20 novembre [1634].
Ma très-bonne et très-chère fille,
Je ne sais où votre
lettre a tant demeuré ; nous la reçûmes seulement l'autre jour ; elle
est datée du 22 août. Je vous vois, ma très-chère fille, dans les attentes des
troubles de guerre dont [430] la pauvre France est si affligée, spécialement
les provinces qui nous environnent, où nous avons quantité de nos monastères
qui souffrent de grandes appréhensions, et Dieu veuille qu'elles en soient
quittes pour cela. Toutefois, je remets tout à sa sainte volonté, laquelle
voudra pour nous ce qui sera plus à sa gloire et à notre bien, et nous n'avons
plus rien à souhaiter que cela.
Je bénis sa Bonté,
ma très-chère fille, de la charité et assistance que vous avez rendues à ma
pauvre Sœur la Supérieure de Sisteron et du témoignage que vous me rendez de sa
vertu. Qu'elle soit tenue pour autre dans le monde, qu'elle n'est, cela
n'importe guère devant Dieu, qui connaît le bien qu'il a mis en elle. Je suis
toujours un peu en peine de sa jambe, car je n'en ai point eu de nouvelles
depuis que j'ai reçu une lettre de notre Sœur Jeanne-Charlotte [Magdelain], qui
était datée de la fin de juillet, par laquelle elle se plaignait fort de ce
qu'elle ne voulait se laisser gouverner par les médecins ; et je crains que
cela ne porte préjudice à son mal. Je vous prie, ma très-chère fille, continuez
toujours à donner vos avis et conseils à cette chère Sœur, selon les choses que
vous apprendrez et que vous penserez [431] lui pouvoir servir ; car je
suis assurée qu'elle les recevra de bonne part. Ah ! ma fille, que je
souhaite aux Filles de la Visitation ce souverain bonheur de se confier
pleinement à Dieu et dépendre absolument de son bon plaisir, ne voulant ni se
souciant que de ce qu'il lui plaira vouloir et faire d'elles. Demeurez dans ce
bienheureux état, où la sage et très-douce Providence vous tient par un excès
d'amour envers vous. Demeurez en paix dans cette sainte oisiveté et
impuissance, qui est plus excellente que toute autre occupation. Non, je vous
prie, ma fille, ne faites rien, ni regard, ni chose quelconque par réflexion,
sur vous-même ; souffrez la peine qui vous environne, quand il plaît à
Dieu vous l'envoyer ; mais ne voyez que Dieu, et n'arrêtez votre esprit
qu'en Lui seul. Enfin laissez-le faire ; et, pour vos actions, persévérez
fidèlement en ce que vous faites, tandis que Dieu ne vous donnera pas d'autre
emploi.
Vous avez tout sujet
de bénir Dieu pour le bon état de votre maison, dont chacun me dit tout bien. O
Dieu ! que de grâces nous devons à cette infinie Bonté ; ma fille,
jetez-y quelquefois [432] un petit soupir pour moi qui ai tant besoin de sa
spéciale assistance. J'ai confiance que vous le ferez, car je sens votre cœur
tout joint au mien et n'être qu'un seul. Dieu rende cette sainte union éternelle !
Croyez que vos lettres ne me sont jamais à charge, mais à très-grande
consolation ; écrivez-moi donc, au moins quand Dieu le vous dictera, car
je suis intimement toute vôtre en son amour.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Montélimart.
SUPÉRIEURE h POITIERS
Il n'est pas permis aux Filles de la Visitation de quitter
leur monastère pour posséder une abbaye. — Dans quelles conditions on peut
accepter de nouvelles fondations. — Pensée de la Sainte sur l'admission d'une
petite fille qu'on voulait mettre au monastère pour la civiliser.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma très-chère fille,
Je trouve votre
procédé fort bon en ce qui est de la conduite des désirs de M. votre frère. Si la Providence divine, pour le service de
sa gloire et l'utilité de nos maisons, vous appelle en quelque lieu où ce bon
gentilhomme puisse avoir le contentement qu'il désire, j'en serai bien
consolée ; mais que nous autres [433] Religieuses, après avoir quitté nos
maisons, nos parents et tout ce qui est du monde, et être entrées en Religion,
où nous sommes utiles et nécessaires pour le service d'icelle, sortions pour
aller en une autre, afin seulement de profiter à nos parents, certes, ma fille,
je ne saurais avoir ce sentiment ni cette prudence humaine. Mais s'il vous peut
attirer par le moyen de quelque fondation eu quelque lieu où il puisse avoir
votre personne, cela ne serait qu'utile, pourvu que la ville soit suffisante,
et capable d'un établissement de filles ; et si les secours spirituels de
la part des Religieux y manquent, qu'il y ait du clergé ou quelque corps
ecclésiastique où la vertu règne, et avec cela un fondement suffisant pour
nourrir les Sœurs que l'on y enverra. Autrement nous ne ferons que des
colombiers où nos colombes mourront de faim, et pour le spirituel et pour le
temporel. Voilà ce qui est requis du lieu de l'établissement ; et du
vôtre, d'avoir des filles bien mortifiées, de bonne observance, et qu'elles
soient bien unies entre elles, et d'avoir une bonne Supérieure pour les
conduire. Faites ce que Dieu vous inspirera ; car, voyez-vous, ma
très-chère tille, la nécessité nous contraint de faire des fondations pour
décharger nos maisons, et bientôt après, cette fondation-là a besoin d'en faire
une autre pour se décharger ; et ainsi nous ferons beaucoup de maisons,
mais sans esprit [religieux]. C'est pourquoi il est important d'envoyer en ces
commencements des bonnes filles, afin qu'elles puissent montrer le chemin et
donner bon exemple à celles qu'elles recevront, car autrement nous perdrions
bientôt notre esprit.
Il faut que je vous
dise ce mot en confiance : je sens une grande douleur en la crainte et
appréhension que j'ai en cela, et que par cette multitude de fondations nous ne
venions à déchoir. Je crains plus pour le spirituel que pour le temporel, parce
que « là où la volonté de Dieu est accomplie le pain quotidien ne manque
jamais », disait notre Bienheureux Père. Et c'est pour cela que je
désirerais que nos Sœurs se mortifiassent bien et se [434] maintinssent en
unité les unes avec les autres, là où elles sont sans désirer d'aller ailleurs
en fondation ; car, par ces deux moyens, elles attireront plus de
bénédictions sur leur maison pour le secours temporel, qu'elles n'auraient besoin.
Je bénis Dieu de
tout mon cœur avec vous de ce qu'il plaît à sa Providence de jeter des âmes si
bonnes et si pures dans notre Congrégation. Puisqu'il lui plaît de mettre de si
bons fondements en ce petit édifice, j'espère que ce sera pour l'élever en sa
gloire. Enfin, ma très-chère fille, je crois que nous n'avons besoin que de
nous humilier et anéantir devant sa souveraine Sagesse, et nous confier en son
soin paternel pour voir réussir les petites entreprises qu'il nous remet en
main, à sa très-grande gloire. Bénite derechef soit sa Bonté !
Pour ce qui est de
la réception de cette petite demoiselle que l'on veut mettre chez vous pour
seulement la civiliser, cela est contre nos coutumes. Vous le devez humblement
représenter à Mgr votre prélat ; puis, s'il vous commande de la recevoir,
il le faudra faire. Mais, je vous prie, ma très-chère fille, qu'il n'y ait en
cette occasion que votre seule obéissance ; car autrement vous feriez
contre votre Institut, votre, etc.
À PARIS
Reconnaissance pour la délicatesse dont on a usé à l'égard
de la Mère Favre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 14 décembre [1634].
Mon
très-honoré et vrai Père,
Je loue et remercie
mon Dieu de la conduite que notre très-digne archevêque et vous avez tenue sur
le départ de cette si chère fille ; si l'on n'en eût usé de la sorte, son
pauvre bon [435] cœur eût eu bien de la peine de guérir de cette plaie, qui
aussi à la vérité eût été bien sensible, et non moins pour moi que pour elle,
je vous l'avoue tout sincèrement, mon très-cher Père ; mais comme l'on
procède, tout se passera avec douceur et bonne odeur ; car vraiment cette
chère âme mérite bien que l'on ait égard à son contentement et à sa réputation.
Or son séjour là apaisera tous ces bruits, que notre très-bon prélat m'écrit
qui s'étaient levés sur les nouvelles de ce prompt départ, que je ne sais comme
il s'est pu ainsi épancher ; mais Dieu l'a permis. Cependant ce pauvre
cœur s'accoisera ainsi, et votre bonté et charitable cœur tout paternel la
voyant souvent comme il projette, l'aidera beaucoup à se remettre et à se
préparer doucement à sa sortie, qui se fera honorablement par l'élection que
notre maison de Chambéry fait d'elle, laquelle la désire passionnément, et c'est
une famille de laquelle elle aura tout sujet de parfait contentement, car elle
est composée de si braves et dignes Religieuses qu'il y en ait dans notre
Congrégation. Nous la voudrions bien ici aussi ; mais pour ce coup il
faudra servir la maison de Chambéry, pour plusieurs bonnes raisons.
Mais, mon Dieu, mon
vrai très-cher Père, votre cœur n'est-il pas admirable en sa charité et bonté
pour moi, qui me va attribuant des biens que certes je ne mérite pas ;
aussi suis-je bien assurée que vous les référez à Celui qui seul contient en
soi toutes les lumières et les départ selon sa sagesse, selon qu'il juge
expédient pour le bien et utilité des âmes qui lui sont chères. Hélas !
que je suis un vaisseau très-indigne de telle grâce ; mais sa Bonté se plaît
quelquefois à faire des beaux ouvrages avec des outils très-chétifs pour mieux
faire reconnaître sa grandeur et suave conduite. — Le messager presse si fort
que je n'ai loisir quasi de penser à ce que je vous dis ; mais votre bon
cœur paternel convertit tout en bien, et excuse avec sa douce charité
très-volontiers mes défauts. Je n'écris point [436] à nos très-chères Sœurs,
n'en ayant le loisir. Il n'y a pas longtemps que j'ai écrit à la très-chère
Mère. Dieu sait ce qu'elle et toute cette chère famille m'est. Dieu la
remplisse de plus en plus des saintes bénédictions, et comble votre chère et
digne âme de l'abondance de son saint amour, auquel je suis et serai sans fin
d'une affection incomparable, mon très-honoré et très-cher Père, votre
très-humble, très-obligée et fidèle fille et servante en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Joie de la Sainte dans l'espoir d'une prochaine réunion. —
Éloge de la maison de Chambéry.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Je repense pour la
veuve que, si vous ne pouvez mieux, vous la pouvez garder. Notre maison de
Chambéry et celle-ci vous désirent passionnément, mais je dis de cœur et de
vrai amour et estime : cependant, je crois que Chambéry l'emportera pour
ce coup. C'est une famille composée des plus braves et meilleurs sujets qui
soient peut-être en aucune maison religieuse. Chacun vous honore et désire là,
et s'en fera une joie nonpareille. J'espère en Dieu que vous y jouirez d'un
parfait contentement et repos ; car elles seront très-bien logées
en leur maison neuve : de beaux grands jardins, quantité d'excellents
fruits ; c'est au jardin du marquis de Lans. Enfin, ma vraie unique fille,
je veux que vous veniez de courage auprès de nous qui vous chérissons plus que
notre propre vie ; au moins [437] j'assure que pour moi ce sentiment
véritable est dans mon cœur. — Je serais bien aise de savoir si nos très-chères
Sœurs du faubourg continuent en leur bonne volonté d'assister notre petite
maison pour son bâtiment, par leur décharge d'une fille ou deux, si elles
veulent. Je vous laisse gouverner cela, ma vraie fille, selon votre
incomparable bonté pour nous, et la connaissance que vous avez des affaires de
nos chères Sœurs. O ma fille ! Dieu vous rende sainte. Je ne puis exprimer
la douceur que mon âme ressent en l'espérance de revoir mon unique et
très-chère fille ; car quelle joie et bénédiction que ces deux cœurs se
retrouvent ensemble, que Dieu a si saintement unis en son amour ! Il soit
béni. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
ÉVÊQUE DE GRASSE
Gratitude pour la bienveillance qu'il témoigne aux
Religieuses de la Visitation, nouvellement établies à Grasse.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Monseigneur,
Je sors de la sainte
communion, où j'ai souhaité pour votre digne cœur une sacrée augmentation de
toutes les précieuses grâces du Saint-Esprit ; aussi cette lettre doit
être toute remplie de grâces puisque je vous dois rendre, mon très-honoré
seigneur, une infinité d'actions de grâces, pour la grâce que vous avez faite à
nos très-chères Sœurs de la Visitation, de les recevoir en votre bonne ville de
Grasse : voilà donc pas bien [438] des grâces
l'une sur l'autre ! Oui, mon très-cher Seigneur ; mais celle que
j'estime infiniment, c'est le bonheur que ces chères filles auront de vivre
toutes sous votre très-honorable et très-souhaitable obéissance et direction.
Mon Dieu ! que je les en estime heureuses, et que ce leur est un
contentement incomparable d'avoir trouvé un cœur si paternel, comme l'est celui
de Votre Grandeur ! J'espère, Monseigneur, qu'aussi trouverez-vous en
elles des vrais cœurs de filles, pleines de parfaite révérence, soumission et
très-prompte obéissance. Enfin, Monseigneur, ce sont de pauvres petites brebis
qui vont accroître le nombre des vôtres, et vivre paisiblement et innocemment
en un coin de votre bercail, dans la parfaite observance de leur Institut.
Maintenez-les-y, Monseigneur, selon votre parfaite charité, dans l'esprit doux,
amoureux et paternel de leur Bienheureux Père et Fondateur, de l'esprit duquel
ma Sœur la Supérieure m'écrit que vous êtes incomparablement amoureux. Hélas !
mon très-cher seigneur, il possédait véritablement l'esprit des saints et des
vrais pasteurs tels que vous êtes. Notre chère Sœur la Supérieure m'écrit
encore que vous leur faites de journalières aumônes et charités
temporelles ; c'est une nouvelle action de grâces que j'ai à vous rendre,
et une nouvelle obligation de prier notre bon Dieu qu'il élargisse de plus en
plus sur Votre Seigneurie les bénédictions temporelles et spirituelles. Je
demande de tout mon cœur la vôtre, et, baisant vos mains sacrées, je demeure
d'un profond respect votre, etc. [439]
À RIOM
Moyens à prendre pour acquérir et garder la paix du cœur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1634.]
Ma TRÈS-CHÈRE
FILLE,
Que vous dirai-je
sur les ressentiments que vous avez d'être éloignée de moi, sinon que les âmes
qui possèdent la présence de Dieu ne doivent point désirer celle des
créatures ?
Vous avez bien
raison, ma fille, de me parler à cœur ouvert avec une entière confiance ;
car certes je vous souhaite avec une très-grande affection le seul bien qui est
Dieu. Et pour cela je vous conjure de vivre au-dessus de vous-même et de toutes
vos inclinations, afin que plus facilement vous opériez les actes des vertus
également et continuellement, dans les occasions que la divine Providence vous
présentera. Ne vous amusez point à tant de petites tricheries ; laissez
faire comme [440] l'on voudra, et allez votre train droit à Dieu, traitant
cordialement et également avec toutes les Sœurs, sans faire semblant de voir ni
d'ouïr ce qui se peut dire et faire contre vos inclinations. Mais je vous prie
de me croire et de ne parler avec aucune Sœur de ce qui se passe contre votre
jugement et inclination ; car ce défaut dissipe tout à fait l'esprit d'oraison
et de vertu. Faites bien ceci, comme encore en ce qui regarde la Supérieure, en
ce qu'elle dit ou fait ; ne vous amusez point à toutes ces petites
choses ; rendez-lui une ponctuelle obéissance, et traitez avec elle,
nonobstant ses froideurs, le plus franchement et cordialement qu'il vous sera
possible.
Il est vrai que
votre chemin est la croix ; mais c'est de quoi vous vous devez le plus
consoler, et en remercier Dieu, vous offrant avec une entière franchise pour
faire et souffrir tout ce qu'il lui plaira. Si vous faites cela, Il vous
enrichira de bénédictions, pourvu aussi que vous vidiez votre esprit de tout ce
qui est terrestre ; car sa Bonté veut que vous vous occupiez en Lui seul,
et que vous vous laissiez gouverner par vos Supérieurs, soit que leur conduite
sur vous fût à votre goût ou non. Bon courage donc, et croyez que je suis
votre, etc.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [441]
ANNÉE 1635
SUPÉRIEURE SU DEUXIÈME MONASTÈRE DE LYON
Recommandation pressante de vivre dans une exacte
observance des Règles.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Ma très-bonne et très-chère
fille,
Votre lettre m'a
consolée, par le récit que Votre Charité me fait du bon état de votre chère
communauté. La pureté et sainte union qui règnent entre elles en sont des
témoignages évidents, et c'est la fidélité qu'elles ont à leurs observances qui
rend ce bon fruit. Notre bon M. Marcher est revenu très-édifié de vous, ma très-chère
fille, et de votre bénite famille. — Si la novice qui est sortie a bon courage.
le monde ni ses richesses ne pourront l'arrêter ; ce sont des liens trop
faibles et imbéciles pour [442] arrêter une âme qui a été appelée et touchée
par la sacrée dilection de notre bon Dieu. Mais si elle retourne, elle fera
outre-passer le nombre limité ; c'est pourquoi, si vous m'en croyez, vous
en enverrez une en la place de celle qui est revenue, et si le monastère est
pauvre, vous la doterez. Ma fille, je vous dis ce que je ferais ; car,
avec la grâce de Dieu, j'aimerais mieux mourir que de manquer à observer ce qui
est écrit ; car si est-ce que Dieu nous en demandera un compte très-exact.
Tous nos règlements sont si saints et si aimables à la raison, qu'il n'y a que
la fausse liberté et le peu de crainte de Dieu et de révérence à notre saint
Fondateur qui les osent enfreindre.
J'ai reçu grande
consolation de ce que vous me dites, ma très-chère fille, que vous sentez un
grand désir et résolution de vous tenir fidèlement dans la pratique de tout ce
qui nous est marqué, afin d'être vraie fille de notre Bienheureux Père ;
c'en est l'unique moyen. Ses écrits sont pleins du désir qu'il avait que nous
vécussions dans une ponctuelle et très-exacte observance, et les Filles de la
Visitation ne le peuvent ignorer. Mais il faut que je vous dise avec douleur
que plusieurs ne s'y rendent pas assez fidèles, et que quelquefois l'on fait
les choses de l'observance, parce qu'elles sont conformes à notre jugement, et
non pas parce qu'elles sont commandées ; et c'est toutefois à leur
obéissance à quoi nous devons avoir notre attention et notre intention
arrêtées, et non pour aucun autre sujet. Oh Dieu ! ma très-chère fille,
qu'heureuses seront les Supérieures et les Religieuses qui conduiront et se
laisseront conduire par la règle écrite dont la Supérieure doit être l'esprit
et la langue, pour la faire parler en toutes les occasions où elle requerra
notre obéissance !
Ma très-chère fille,
je n'avais point pensé à vous dire tant de choses, mais mon cœur se console et
soulage franchement quand il parle à de vraies Filles de la Visitation, comme
je sais que, parla grâce de Dieu, vous êtes ; et dès la première fois que
je [443] vous parlai, cette créance m'entra dans le cœur avec un grand I amour et estime de votre chère âme. Ma très-chère fille, allez de bien
en mieux, établissant nos Sœurs dans les saintes observances qui nous donneront
le vrai esprit humble, doux, solide, simple et charitable qu'elles contiennent,
qui est celui de notre Bienheureux Père, à qui Dieu les a inspirées. Cet esprit
est honoré, désiré et recherché de tout le monde. Jà ! ne plaise à ce
grand Dieu que la moindre portion nous en demeure par notre infidélité ;
mais que sa totalité subsiste à jamais dans nos esprits. Amen.
Je vous souhaite et
à toutes nos chères Sœurs, que je salue avec vous, un comble de bénédictions,
vous conjurant toutes de ne point demander à Notre-Seigneur la vie ni la santé
du corps pour moi, mais cette miséricorde, que je vive et meure en sa grâce, et
tout parfait accomplissement de sa sainte volonté, qui m'a rendue et de cœur,
votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Voiron.
SUPÉRIEURE À ROUEN
Les bonnes Supérieures sont un trésor pour leur
communauté. — Conseils de direction. — Rappel de la Mère Favre en Savoie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 23 janvier 1635.
Tant que Dieu me
donnera de moyen, je vous servirai et de cœur, car vous êtes l'une de mes plus
chères et précieuses filles, et en qui je me fie autant [qu'à moi-même] pour la
conservation de l'Institut. Hélas ! que les bonnes Supérieures sont de
riches trésors ! ma fille, tout le bien de cette pauvre petite, mais digne
Congrégation, dépend de leur conduite après Dieu, [444] et rien ne la
maintiendra ou fera périr que les Supérieures. C'est pourquoi, ma fille, il
nous faut bien invoquer Dieu, afin qu'il lui plaise nous en donner toujours qui
aient le vrai esprit de cette sainte vocation, et le zèle pour la donner et
conserver. Tâchez de bien former à notre mode les âmes que Dieu vous donnera,
qui auront les talents convenables au gouvernement. Toutes celles que vous avez
menées de Paris n'y sont nullement propres, selon mon sentiment, quoique
pleines de bons désirs, comme je crois. Notre Sœur T. F. non plus que les
autres, puisqu'elle ne se force pas de mortifier ses passions et
inclinations ; car, las ! il ne faut vivre en cette charge que selon
l'esprit de la vocation, qui n'est que vertu et raison divine, et c'est ce qui
rend une maison odorante, en telle sorte que l'on en aime, estime et recherche
les parfums. Je serai bien aise que vous communiquiez à ces bonnes âmes ce que
vous jugerez tant être nécessaire et utile : la charité donne
libéralement. Vous faites très-bien de ne vous pas presser à prendre des
filles. Hélas ! l'on demande toujours des choses nouvelles, et nous avons
dans l'Institut tout ce qui se peut désirer pour sa conservation et
accroissement en toute perfection.
Ça est une pure
souffrance que Dieu vous a donnée que l'appréhension de la peste, c'est
pourquoi il fallait acquiescer doucement sans essayer de la surmonter, ni même
s'amuser à la regarder, quoiqu'elle se fît bien sentir. « Mes yeux sont
toujours au Seigneur [dit David], Il dégagera mes pieds de tous les
filets et embûches de mes ennemis ; » il dit vrai. Le divin
Maître nous conduit dans un sentier de dépouillement et anéantissement de
nous-mêmes et de toute propre satisfaction. Il veut que nous cheminions comme
aveugles sous sa divine protection et conduite. Vous n'avez à faire qu'à suivre
fidèlement ses lumières et vous reposer en sa bonté.
Notre Sœur F. M.
vous chérit et estime grandement ; c'est un bon cœur que j'aime nonobstant
ces petits je ne sais quoi, qui [445] ne sont [pas] supportables. Il est vrai,
l'on me presse fort d'aller à Paris et d'en retirer notre Sœur M. J. Favre, ce
que je pense qui se fera en la rappelant par deçà, pour servir notre maison de
Chambéry. Sans doute ses grandes maladies ont causé tous ces bruits fâcheux, ce
que l'on n'a pas assez considéré, et il est vrai que l'on a fait un grand
édifice de parlementeries sur un fort petit fondement : Dieu, qui a permis
tout, tirera sa gloire de tout. C'est une digne et toute bonne fille, mais nul
de parfait ; vous la connaissez. Si nous étions ensemble, nous dirions
tout ; et, à ce défaut, je vous prie, repensez à ce que vous avez vu et me
l'écrivez sincèrement, car je m'arrêterai là, et ne puis croire beaucoup
approchant de ce qu'on en dit. Enfin il faut avoir des croix, et on en a de
bonnes. [Le reste est illisible.]
Conforme à une copie de l'original gardé au deuxième
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Quelques monastères sont trop ardents à entreprendre des
fondations. Désir que celle de Toulouse soit faite par des Sœurs d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 2. 4 janvier [1635].
Ma très-chère fille,
Je vous ai déjà tant
mandé que vous n'aviez rien à faire, pour ce qui regarde cette pauvre âme qui
est sortie, qu'à suivre l'avis de Mgr de Montpellier, que je n'ai plus rien à
vous dire sur ce sujet. — Quant à ma Sœur N., je crois que vous lui devez faire
connaître ce défaut d'être trop attachée à son jugement, qui lui fait être marrie
quand on ne suit pas ses avis, car il faut qu'elle tâche de s'amender de cela.
[446]
Je suis bien aise
que votre bâtiment s'avance, et encore plus de ce que Mgr de Montpellier se
porte bien. — Vous avez raison, ma très-chère fille, de dire que nos bonnes
Sœurs d'Arles, d'Avignon et d'Aix sont trop ardentes à faire des
fondations ; car encore qu'on leur en témoigne du désagrément, elles ne
laissent pas de poursuivre leur pointe, et cela sur des bonnes raisons. Mais
pour ce qui est de leurs menées pour Toulouse, mandez-leur nettement que vous y
prétendez pour y procurer des Sœurs de Nessy, et qu'elles cessent leurs
poursuites, que vous les en suppliez, quoique je n'ambitionne pas trop
cela ; mais c'est que je sais qu'il y a de nos maisons qui ont mieux de quoi
faire cette fondation qu'elles, qui n'ont pas de filles pour cet emploi.
Nous avons bien reçu
tout ce que vous nous envoyâtes, dont nous vous remercions derechef. M. Garin
nous avait promis de vous faire porter le lin et le chanvre qui est tout
prêt ; nous sommes toujours après lui pour cela. Nous faisons tenir vos
lettres à Messieurs vos parents, mais ils ne nous envoient aucune réponse pour
vous. Je crois pourtant que tout se porte bien, excepté votre bonne Sœur de
Sainte-Catherine, qui avait l'autre jour un peu mal aux yeux.
Ma très-chère fille,
si je vous chéris toujours ? Seigneur Dieu, en pouvez-vous douter ?
Or, ne le faites jamais, je vous en conjure ; cela me serait autant
insupportable qu'il m'est impossible de ne vous pas aimer parfaitement. Vivez
toujours tout à Dieu dans cette sainte confiance et abandonnement, faisant tout
le bien que vous pouvez, et donnant à ces chères âmes l'esprit de leur sainte
vocation tant qu'il vous sera possible. — C'est sans loisir que je fais ces
lignes. Dieu soit à jamais notre unique amour et soit béni. Mille saluts à
tous.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [447]
SUPÉRIEURE À CRÉMIEUX
Éviter tout examen inutile sur soi-même. — Précautions à
prendre pour empêcher qu'une élection faite en dehors des lois canoniques
puisse avoir des conséquences fâcheuses dans l'avenir.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Or sus donc, ma
très-chère fille, vous voilà sous le faix de cette bénite famille, de laquelle
j'espère que Dieu rendra la charge légère, se mettant lui-même sous le joug
pour la porter avec vous. Avec cette sacrée assistance, que pouvez-vous
craindre ?
Or premièrement il
faut bien se garder de permettre à votre esprit de se regarder en ses actions,
ni s'arrêter en façon quelconque autour de soi-même pour examiner curieusement
et de trop près ni son bien ni son mal, mais le relever soigneusement de ce
dernier quand vous l'y apercevrez ; et avec une grande douceur, le laisser
jouir en simplicité du bien, consolation, facilité [448] et lumières que Dieu
lui donnera sans philosopher d'où elles procèdent, mais en rendre les actions
de grâces et les fruits qu'en prétend Celui qui les donne. Voilà pour ce qui
vous regarde.
Je pense que votre élection-est
extraordinaire, car selon l'extérieur, vous êtes fort jeune et vous n'avez pas
les années de Religion marquées, bien que vous les ayez en vertu et capacité.
Il est requis que M. l'official fasse un acte fort authentique par lequel il
déclare les raisons, et combien d'années il y a que vous avez fait les vœux et
gardé l'observance en tout votre procédé, comme aussi la nécessité de votre
monastère, le consentement universel de tout le couvent, et bref tout ce qui
sera requis pour la perfection de cette action, afin que ci-après l'on n'en
puisse point tirer de mauvaises conséquences ; mais, cela, faites-le comme
il faut, puis écrivez au livre du monastère les mêmes raisons et l'acte fait,
afin que l'on sache les causes de cette élection inusitée, et que l'on ne s'en
étonne ni prévale pour en tirer quelque exemple préjudiciable.
Enfin, ma très-chère
fille, tenez-vous toujours très-fortement unie à Dieu, qui vous a tirée
non-seulement à Lui, mais en Lui, depuis votre jeunesse. Le total
abandonnement, qu'il vous imprime à sa divine conduite et paternelle
Providence, étant fondé sur la parfaite défiance de vous-même, doit vous faire
espérer qu'il gouvernera par vous, qui n'avez, je le sais, d'autre désir que de
marcher et faire marcher vos filles dans la parfaite observance.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [449]
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À CHAMBÉRY
Consolations au sujet de la perte d'un procès.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 5 février 1635.
Monsieur,
Je viens de recevoir
une deuxième lettre avec la nouvelle de la perte de votre procès. Vous savez
que tout ce qui vous afflige me touche ; mais toutefois il faut bénir Dieu
en toutes choses. Sa douce Bonté voulut présider par sa volonté absolue pour
faire réussir à votre honneur et contentement le précédent procès, qui vous
était bien plus important. Puisqu'il lui a plu de permettre que vous soyez
déchu de celui-ci, où il ne s'agit que des biens de ce monde, lesquels ne sont
de nulle considération dans l'éternité Monsieur, tâchez d'unir doucement votre
cœur à cette volonté de permission, et vous confier en ce que la divine Bonté
envoie à ses enfants, le bien et le mal qui leur arrivent, avec un
très-paternel amour, et toujours pour leur mieux, si, comme bons enfants, ils
se tiennent dépendants de son bon plaisir et se fient en sa Providence. Je vous
confesse que j'ai un grand désir de vous voir totalement abandonné et reposé en
sa divine conduite. Quand le cœur est en perplexité, son grand refuge doit être
la prière. Priez donc le plus que vous pourrez, et vous serez non-seulement
soulagé, mais conforté et guidé de cette souveraine Bonté, que je supplie vous
faire sentir les effets de son incomparable suavité, et à madame ma très-chère
sœur. votre digne femme. Je ne vous oublierai jamais, car je suis
invariablement et tout affectionnée, Monsieur, votre très-humble et fidèle
servante.
Conforme à une copie gardée à la Visitation de Chambéry. [450]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Madame de Montmorency désire contribuer à la fondation de
Toulouse. — Prière d'envoyer quelque secours au monastère de Moulins.
VIVE † JÉSUS !
Annecy. 14 février 1635.
Ma très-chère fille,
J'ai reçu ces jours
passés des lettres de madame de Montmorency, laquelle me presse grandement pour
savoir en quel état sont les propositions de la fondation de Toulouse. Elle
m'en parle d'une sorte qui fait voir qu'elle désire y contribuer ; c'est pourquoi
il faut que vous tâchiez de tenir cette affaire-là liée tant que vous pourrez.
Et si ce sont gens de marque avec qui l'affaire se traite, vous leur pourrez
faire entendre qu'il y a quelque personne de qualité qui désire contribuer à
cette bonne œuvre, sans pourtant la nommer. Faites-moi savoir le plus
promptement qu'il se pourra, en quel état est cette affaire, quelles sont les
propositions, les difficultés et tout ce qui en est. J'ai écrit à madame de
Montmorency que c'était vous qui l'aviez en main. Cette bonne dame ayant bien
de quoi y contribuer, je crois qu'il ne la faut pas négliger ; c'est tout
ce que j'ai à vous dire maintenant, n'y ayant pas longtemps que je vous ai
écrit et envoyé de l'argent de M. Truitat, par la voie de Lyon.
Dieu vous rende de plus
en plus selon son Cœur, ma très-chère fille, et toutes nos Sœurs que je salue
cordialement avec vous, me disant sans fin et sans réserve, mais de cœur, ma
très-chère fille, votre très-humble, etc.
[P. S.] Ma très-chère fille, je suis si surchargée de
lettres et de tant d'affaires que je ne saurais fournir à tant écrire ;
c'est pourquoi je ne saurais répondre à ma Sœur M. -Marg. de Vallon. [451]
Dites-lui, je vous prie, de ma part, que je la salue chèrement, et que je la
supplie de baisser son cœur par humilité, et de le relever par une grande
générosité de courage ; et Dieu la bénira, ainsi que je l'en supplie de
tout mon cœur. — Ma très-chère fille, je ne sais si vous n'aurez point su le débris
qui est arrivé à notre pauvre maison de Moulins, par l'imprudence et peu
sage conduite de la Mère, laquelle a été déposée pour ses fautes, spécialement
pour celle qu'elle a faite d'aller aux bains de Bourbon. [Plusieurs lignes
illisibles.] Il faut beaucoup prier Dieu pour elle et conforter la bonne
Mère, qui est ma Sœur de Chastellux, par vos lettres et prières, ne le pouvant
faire par vos charités, car elle en a besoin.
J'ajoute ici, ma
très-chère fille, qu'en écrivant à la Mère de Moulins une bonne lettre, si vous
pouviez mettre dedans une pistole ou deux, j'en serais consolée à cause de
l'exemple que cela donne, et que vraiment c'est une marque de la charitable
union qui doit être parmi nous. Et si vous n'avez pas le moyen de lui envoyer
ni une ni deux pistoles, quand vous ne pourriez lui envoyer qu'une demi-douzaine
de barbettes, je vous en supplie, et cela cordialement et
franchement ; Dieu vous en saura gré, je vous en assure.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [452]
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Différer son retour en Savoie jusques après Pâques. —
Explication de quelques difficultés survenues entre Mgr de Genève et la famille
Favre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Ma toute chère et très-bonne fille,
Croyez qu'il me
fâcha bien d'écrire à Paris le mois passé, sans vous faire un petit billet,
mais je ne sus.
Dès le commencement
de cette année j'ai été malade, et encore suis-je maintenant travaillée d'un
grand rhume et violente toux qui me lasse fort ; mais, si, faut-il que
j'écrive un peu à M. notre très-cher frère [de Sillery], qui m'écrit une lettre
qui ressent un cœur tout parfumé de piété et parfaite union avec Dieu.
Hélas ! qu'il est heureux de vivre ainsi dans le monde sans participer à
ses misérables affections et prétentions ! Il m'écrit ses sentiments sur
votre départ de Paris, en des termes d'une âme vraiment religieuse. Oh !
Dieu le maintienne en ce bon état, et lui accroisse ses grâces jusqu'à la
perfection de son divin amour ! Au moins faut-il lui laisser la consolation
de jouir de votre douce société jusques après Pâques, et que le temps soit
entièrement propre au voyage, afin que cette délicate santé qui nous est si
précieuse ne soit point ébranlée, mais fortifiée d'un air doux et agréable.
Mgr de Genève le
veut ainsi ; car croyez-moi, ma vraie fille, je vous parle devant Dieu, ce
prélat a un bon cœur pour vous ; mais comme il est prompt et assez absolu
de son naturel, cela le porte à ne vouloir pas être vaincu [mot illisible] de
son ordre, et à faire quelquefois de petites saillies en paroles ou écrits.
Il m'a fait voir une
lettre que M. votre cher frère écrivit dernièrement à M. le marquis de Lullin,
par laquelle il disait être averti de diverses personnes, comme ce bon prélat
n'avait plus [453] d'affection pour ceux de votre maison, qu'il leur faisait de
mauvais offices et se joignait même à ceux qui leur voulaient mal ; il en
était fort touché. Ceux qui sèment telle zizanie offensent grandement
Notre-Seigneur ; et je vous puis assurer que, selon ma connaissance, elles
sont sans aucun fondement. Il s'est passé certaines petites occasions pour
certaines choses du monde où M. le comte de Sales, que vous savez être un
saint, tint un peu ferme, ce qui heurta notre bonne madame la présidente, qui
en fit des plaintes sensibles, attribuant à Mgr de Genève ce que M. le comte
avait fait ; et cependant c'est la vérité que le bon prélat n'en savait
rien. Je crois que si M. de Vaugelas lui a écrit, il lui dira bien tout son
cœur. Hélas ! il est difficile que ceux qui demeurent en même ville et qui
ont les dignités ne se heurtent quelquefois pour cela ; mais cela
n'empêche pas l'amitié. M. le président votre frère, qui est une sainte
personne, ne leur saurait vouloir mal ; madame la présidente est
très-brave dame tout à fait. Ce sont des esprits loyaux et francs, mais elle
est un peu sensible ; ils vivent, grâce à Dieu, en bonne paix. Je pense
vous devoir dire ceci, selon mon ordinaire confiance.
Il y a plusieurs
jours que je n'ai vu notre bon prélat, parce que je ne sors guère de la chambre
que pour aller ouïr messe et communier. Je n'écrirai point à ma très-chère Sœur
[M. -Agnès Le Roy] votre Supérieure, pour ce coup ; je la salue chèrement
et toutes nos Sœurs. Bonjour, ma toute très-chère et vraie fille ; croyez
que jamais rien ne vous a déplacée ni ne vous déplacera du milieu de mon cœur,
où Dieu, pour ma consolation, vous a logée, et j'en ressens toujours plus de
suavité, à cause de votre véritable vertu et bonté envers moi. — Il est vrai
que notre Sœur la Supérieure de Poitiers est une fort bonne et sage fille. Dieu
la tienne de sa sainte main, s'il permet qu'elle soit exposée à toutes ces
vanités périssables et dangereuses !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [454]
SUPÉRIEURE À RUMILLY
La Sainte se propose d'employer cette Supérieure à la
fondation de Verceil.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Ma très-chère fille,
M. Catherin vous
dira les batailles qu'il a fallu ici soutenir ; si c'eût été pour la
maison de céans, j'eusse persuadé ma Sœur de la Fléchère de se rendre plus tôt
qu'elle n'a fait. Il faut bénir Dieu ; il vaut mieux moins avec paix, que
plus avec trouble, débat et contention ; car ce qui est mis au jugement
des hommes est fort incertain.
[Hier] à soir, nous
reçûmes des lettres des Pères dom Juste et dom Maurice, qui disent que
l'affaire de Verceil s'en va [être] toute conclue, et que bientôt l'on nous
enverra prendre. Le Père dom Maurice m'a toujours pressée de vous y employer,
l'ai bien sentiment que Dieu en serait glorifié et que sa Bonté vous y destine.
Que vous en dit le cœur, ma très-chère fille ? car ces entreprises se
doivent embrasser avec très-grand amour et courage. Dieu a mis en vous tout ce
qu'il faut pour ce service, et j'ai confiance qu'il vous en donnera
l'inclination et l'inspiration [455] conformes à sa sainte volonté. Dites-moi
bien toutes vos pensées et sentiments sur ce sujet, et sur le surplus que M.
Catherin vous dira. Je suis vôtre et de cœur fidèle.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À CHAMBÉRY
Remercîments pour son intervention dans une affaire
temporelle.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 16 mars 1635.
Monsieur,
Vous nous avez
incomparablement obligées d'avoir voulu prendre la peine de plaider notre
cause, de quoi nous vous rendons nos très-humbles remercîments. Dieu n'a pas
voulu que vous en ayez reçu toute la satisfaction que votre véritable affection
envers nous vous eût pu faire désirer ; mais il faut nous soumettre, et
adorer les effets de la Providence en ce petit renoncement, comme en tout
autre.
Il est vrai,
Monsieur, ce que vous nous dites, que suivant l'avis des amis qui se trouvent
maintenant au Sénat, l'on nous a écrit de traiter à quelque prix que ce fût. À
la vérité, ce nous serait une confusion bien grande de nous voir condamnées
encore une fois, non-seulement à la perte de notre argent, que nous avons donné
avec tant de bonne foi à mesdames de Sainte-Catherine, mais peut-être aux
dépens, comme si nous étions des frauduleuses. Et néanmoins, nonobstant cette
crainte, qui est, ce me semble, digne de considération pour une maison
religieuse, nous voulons déférer à vos pensées et sentiments tout ce que nous
devons, en vous disant que nous remettons entièrement cette affaire à Dieu et à
vous, Monsieur, car nous ne doutons [456] point que l'équité ne soit de notre
côté ; mais nous ne savons pas si cette vérité pourra être approuvée par
les hommes, desquels le jugement est si incertain. Que s'il vous plaît,
Monsieur, d'en communiquer à quelques-uns des juges et de vos amis ! pour
en tirer leur sentiment, et en particulier avec M. le comte de Sales qui est
là, vous nous obligerez extrêmement. Dieu réduise le tout à sa gloire,
Monsieur, et soit Lui-même votre éternelle récompense, de toutes les charités
que vous exercez envers nous ; c'est le souhait de celle qui sera sans
fin, etc.
[P. S.] Excusez-moi, Monsieur, si je ne vous écris de
ma main ; mais je suis travaillée d'une défluxion sur un œil, qui
m'empêche de me donner cette consolation. Nous ne manquerons de recommander à
Notre-Seigneur l'affaire de laquelle vous nous écrivez, avec l'affection que
Dieu nous a donnée pour tout ce qui vous touche.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Éloge de la Mère de Loge de Puylaurens. — Sollicitude pour
Sœur M. -Madeleine Mermillod. — Affaires diverses.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 20 mars 1635.
Ma très-chère fille,
J'ai écrit à nos
Sœurs de Paris, pour leur nommer les Sœurs que j'ai cru pouvoir être proposées
à l'élection de nos Sœurs de Blois, auxquelles aussi nous en avons écrit nos
pensées. Je m'assure qu'elles ne manqueront de les communiquer à Mgr leur bon
et digne prélat. — Quant à tout ce que vous m'écrivez des desseins de M. de
Puylaurens pour sa bonne sœur, ma chère fille, Dieu y a remédié, et j'espère
qu'il en tirera sa gloire et [457] l'accroissement de la couronne de cette
chère Sœur, laquelle, quoi que l'on en sache dire, est toujours toute bonne et
vertueuse. Je lui ai écrit, selon votre désir, une lettre de consolation sur le
sujet de M. son frère. J'ai reçu aussi de ses lettres ; mais elle ne me
parle point du renvoi de la Sœur dont vous m'écrivez ; et de vrai le sujet
n'en est pas trop légitime.
Je suis marrie des
infirmités où est tombée notre bonne Sœur M. M. [Mermillod]. J'espère pourtant
qu'elle se remettra. Il faut que vous l'aidiez fort à éveiller son esprit, ma
chère fille, et à se quitter soi-même, pour se rendre utile au service de Dieu
et du prochain ; car elle a de bonnes dispositions pour cela. — Je n'écris
point à notre Sœur M. M. parce qu'il n'y a rien dans sa lettre qui requière
réponse ; mais je la salue chèrement par votre entremise, et lui dis qu'il
ne faut pas qu'elle s'attende à avoir tous les mois de mes nouvelles. Il lui
suffira bien de s'accoutumer à en attendre de six en six mois, ou au bout de
l'an une fois, quoique je ne les vous fais pas tant Jeûner, ma chère fille, car
voici la troisième fois que je vous écris de cette année. Mais de vrai, je ne
saurais plus fournir à écrire si souvent, s'il n'est bien nécessaire.
Je crois vous avoir
déjà priée de ne point communiquer les éclaircissements et petites coutumes que
vous emportâtes. Je vous en supplie derechef, ma chère fille, parce que tout
cela n'était point mis en bon ordre, et que depuis on l'a tout raccommodé.
Mandez-le à nos maisons à qui vous en avez donné des copies, afin qu'elles ne
les communiquent point. — Je supplie Notre-Seigneur vous combler des mérites de
sa sainte Passion, avec toutes nos Sœurs que je salue cordialement, étant de
cœur, ma très-chère fille, votre humble, etc.
[P. S.] Ma très-chère fille, pour ce qui est de la
bonne Sœur dont votre assistante m'écrit, si c'est une fille qui ait des bons
talents pour l'utilité de la Religion, qui ait de quoi s'y entretenir et que
l'on connaisse que son désir d'être remise du chœur [458] procède de tentation,
après qu'on aura tâché de lui faire connaître cela et qu'elle se sera soumise,
vous l'y pouvez bien remettre. Mais certes, autrement je ne l'y mettrais
pas : voilà en peu de mots mon sentiment. Je salue votre Sœur l'assistante
et toute la chère communauté, à qui je souhaite la très-sainte bénédiction de
Notre-Seigneur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Bonheur de l'éternelle réunion. — Dispositions que doit
prendre la Mère Favre pour son retour à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 21 mars 1635.
Ma tout unique et très-chère
grande fille,
Vos lettres sont
demeurées longuement par les chemins, mais elles m'ont bien consolée de savoir
que votre tant désirée et chère santé s'affermit ; j'en loue Dieu. Vous
aurez maintenant reçu de nos nouvelles. Mon Dieu ! quelle consolation en
la pensée de revoir, d'embrasser et de jouir à souhait de l'aimable présence de
mon unique grande fille, si parfaitement et intimement chérie de mon
cœur ! Certes, vous ne renierez pas la sainte joie que j'en recevrai, ce
me semble ; tout m'en rit en cette espérance. Oh ! quelle suavité
recevrons-nous, quand nous nous verrons toutes ensemble en la jouissance de ce
grand Dieu en la bienheureuse éternité, et que là nous nous reconnaîtrons et
verrons que notre société ne sera plus interrompue ! Je m'imagine le
contentement de notre Bienheureux Père, et le nôtre de le voir. Dieu nous en
fasse la grâce ; et, attendant cette [faveur] [459] incomparable,
[tâchons] de le servir fidèlement et notre chère petite Congrégation. Amen.
Ma très-grandement
chère fille, madame la marquise de Ragny n'a point fait toucher à nos Sœurs de
Lyon les mille écus ; mais, n'importe, il faut s'accommoder pour la dot de
ces deux chères Sœurs que vous amènerez, en sorte que cela n'incommode pas trop
nos Sœurs. La moitié pourra suffire à notre bâtiment pour cette année, avec ce
que l'on nous fait espérer de l'autre côté, dont il ne faut rien témoigner.
Madame la présidente désire que nous lui fassions donner pour M. votre neveu
quatre cents livres, quand elle écrira, et elle nous les rendra ici. Comme
aussi, si vous pouvez, vous donnerez, s'il vous plaît, à M. Deshayes trois
cents livres qu'il nous faut donner en cette ville ; que si vous ne
pouvez, avertissez-en nos Sœurs de la ville. Vous rabattrez aussi ce que nous
vous devons de l'ornement de notre Bienheureux Père, et nous le rendrons ici au
bâtiment. Voilà, ma très-chère fille, ce que je pense vous devoir dire ;
mais, nonobstant notre besoin, j'ai toujours peur que nos pauvres Sœurs
s'incommodent, car je les plains d'être si fort chargées.
[Plusieurs lignes
illisibles.] J'attends de
vos nouvelles, et par où vous passerez. Si c'était par Moulins, j'en serais
bien aise, car votre présence ferait du bien à cette maison-là, qui est
accablée d'un grand nombre de filles et de pauvreté. Si vous y passez, je vous
prie, ma très-chère fille, d'avertir du temps notre Sœur de Bréchard, afin
qu'elle y envoie une de nos Sœurs que vous nous ferez la charité d'amener avec
vous ; nous payerons ses dépenses, et même celles des deux Sœurs que vous
amènerez de Paris, si vous le trouvez bon. Ma chère fille, je vous dis toutes
mes pensées, et que de cœur fidèle je suis entièrement vôtre.
Je m'oubliais de
vous dire que l'on nous a mandé de Piémont qu'il y faut aller après
Pâques ; les dépêches de Rome sont venues [460] pour le monastère de
Verceil ; je ne sais ce que c'en sera, car cela se dit, il y a longtemps,
qu'il y faut aller, et nous voici encore. Ma fille, je vous donne mille et
mille bonjours.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À ROMANS
Il faut tenir les faveurs divines à couvert sous la sainte
humilité.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 21 mars [1635].
Ma très-chère fille,
Ce très-débonnaire
Sauveur nous veuille faire part de ses divines souffrances et de leurs mérites
sacrés, afin qu'éternellement nous le bénissions, et nous nous réjouissions de
son incompréhensible bonté et amour envers nous ! Je vois que sa
souveraine douceur en répand toujours beaucoup en votre âme. Il ne me semble
pas, ma très-chère fille, que je vous aie dit de ne pas penser aux divins
mystères, car il le faut bien faire, et recevoir, mais avec grande humilité,
les bons sentiments qui proviennent de si sainte cause. Il est vrai qu'il faut
tâcher de les tenir à couvert le plus que l'on peut, et ne se pas plonger dans
ces délices ; car la nature gourmande y prend trop de part, si elle n'est
mortifiée. Enfin, ma très-chère fille, il faut fuir l'admiration que l'on fait
de ces choses-là, et nous tenir à couvert sous la très-sainte humilité, et
fidélité à la pratique des vraies vertus et d'une exacte observance. Notre
Bienheureux Père m'écrivait une fois, que Dieu lui communiquait beaucoup de
bons sentiments, mais qu'il ne savait pas s'ils étaient tous de grâce ou de
nature ; que toutefois il lui en rendait grâces, parce qu'il en tirait
grand profit. Il faut donc tâcher de l'imiter en [461] cela, et tant qu'il se
pourra, en ce que jamais il n'en laissait rien connaître. Vous avez un naturel
fort affectif et tendre qui contribue beaucoup à ces engourdissements, ce me
semble ; il faut faire ce que l'on peut pour les empêcher, divertissant le
corps par quelque action, et non l'esprit à des choses inutiles ; ains il
le faut tenir en Dieu, tant que l'on peut, par une généreuse affection. Ma
fille, tenez votre âme en paix ; et en bien faisant ne craignez rien. Priez
toujours bien notre bon Dieu pour moi et toutes nos Sœurs, surtout notre Sœur
la Supérieure.
Laissez l'élection
au soin de Notre-Seigneur, qui soit éternellement béni. Amen. Mille
saluts à toutes.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Voiron.
À GRENOBLE
Assurance d'une tendre et cordiale amitié.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 27 mars [1635].
Ma pauvre très-chère sœur,
Je ne saurais vous
accorder ce que vous me demandez, de vous tenir en un coin de mon cœur, car
certes Dieu vous a placée au fin milieu, dont je ne veux pas vous ôter,
m'assurant que c'est son divin bon plaisir que je vous conserve là, ce que je
veux faire aussi bien chèrement et tendrement, étant assurée que j'ai même
logis [chez vous], et en même place, et me confiant que vous m'y conserverez,
n'est-il pas vrai ? Oh ! notre Dieu nous fasse la grâce d'être ainsi
dans son Sacré Cœur, vivant et
mourant en la parfaite obéissance de sa divine volonté. Faites hardiment pour
moi et de moi ce que vous voudrez, je ne vous dédis point. — Certes, j'honore
en un degré éminent M. d'Aoste, [462] et, avec une dilection très-particulière
et spéciale, je le salue, mais spécialement. Si nous pouvons faire rassembler
les pièces de l'amour-propre, nous les [lui] enverrons de bon cœur, et serions
bien aises de décharger le monastère de cette besogne-là, si nous pouvions. —
Je ne manquerai de faire vos recommandations à Mgr notre évêque quand il sera
ici ; je le ferai bien aise de la lampe d'argent. Bonsoir, ma toute bonne
et chère sœur ; je suis vôtre, mais vôtre en Notre-Seigneur, d'une façon
tout à fait incomparable. Dieu soit béni.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À GRASSE
Exhortation à continuer l'exercice de sa charge avec une
humble confiante en Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635]
Ma très-chère fille,
Je bénis de tout mon
cœur la divine miséricorde de vous rétablir en santé, et des grâces et
assistances intérieures et extérieures qu'il lui a plu de vous donner, comme
une onction [463] sacrée pour adoucir votre mal et vous le faire supporter
amoureusement, au grand profit de votre âme. O ma fille ! que Dieu est bon
et doux ! Ses miséricordes surpassent toutes ses œuvres. Je le supplie de
vous faire celle de vivre selon sa très-sainte volonté et de le glorifier
éternellement. [464]
Il est vrai, ma
très-chère fille, que, selon l'apparence humaine, on vous mit le fardeau de la
supériorité trop tôt sur les épaules, et j'y avais une grande répugnance ;
mais celle qui le fit avait une vue bien pure et bien simple, et, par l'heureux
succès de votre conduite, Dieu nous a fait voir son dessein ; car, si l'on
ne vous eût employée là, toutes ces bonnes âmes qui sont autour de vous, et
celles que Dieu amènera dans cette maison, ne seraient peut-être jamais entrées
dans la voie de la perfection. Or donc, il faut glorifier Dieu, qui sait bien
faire de beaux et grands ouvrages avec de bien faibles instruments. Sa Bonté a
supporté votre jeunesse, l'a éclairée et conduite pour le bien de plusieurs et
pour le vôtre même, nonobstant tous les défauts que vous me marquez, cela étant
réparé par la reconnaissance que vous en avez, et par l'intime résolution de
vous en affranchir et vous avancer au pur amour, cheminant à l'avenir dans un
parfait abandonnement de tout vous-même et de toutes choses au soin de la
souveraine Providence, ne voulant avoir que celui de vous reposer et confier
toute à sa Bonté, et de suivre fidèlement la lumière du bien qu'il vous
montrera.
Pour ce qui est de
votre oraison, demeurez absolument en paix suivant l'attrait du Seigneur,
reposant sur la sacrée poitrine de notre miséricordieux Sauveur, comme son cher
enfant bien-aimé de Lui. Enfin, portez doucement votre fardeau pour l'amour de
Dieu, et soyez sûre que c'est Dieu qui vous conduit de sa sainte main et nul
autre, et c'est lui qui fait l'œuvre en vous et par vous. Priez pour votre
indigne Mère.
Sœur Jeanne-Françoise Frémyot. [465]
SA FILLE, À ALONNE
Peine qu'éprouverait la Sainte de voir madame de Toulonjon
passer à de secondes noces.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 30 mars [1635].
Ma toute très-chère fille,
Mon Dieu !
qu'il me tarde que j'aie des nouvelles de votre cher cœur. Eh ! que
fait-il ? N'est-il pas en paix, en sainte confiance envers Dieu, résolu de
servir sa Bonté cordialement et de ne se point trop embarrasser dans les
affections des choses de la terre ? Je vous désire ce bonheur comme vrai,
solide et qui nous sert de fondement à l'espérance de posséder à jamais le
souverain bien de la très-heureuse éternité. Non, il ne m'est pas possible de
vous souhaiter d'autre bonne fortune que celle-là ; aussi n'y en a-t-il
point [d'autre]. Tout le reste est ombre et vanité, qui s'évanouit à mesure que
nous le pensons tenir. Je prie Dieu de vous donner cette si utile connaissance
et vous donner le goût de son excellence. — Est-il vrai qu'on vous ait proposé
un mariage fort avantageux selon le monde, mais préjudiciable à vos
enfants ; car celui-là voudrait avoir tout votre bien ? Dites-le-moi,
ma mie, et ce que vous dit votre cœur sur telle proposition. Pour moi, je
n'aurais nul goût à ce changement de condition, quand même ce serait avec un
roi.
Mais disons, avec
grâce et remercîment à notre bon Dieu, que l'entremise de M. le commandeur de
Sillery vous a été tout à fait utile, et si dès le commencement, M. de
Saint-Satur l'eût employé, comme ce bon seigneur s'y était offert, il n'eût eu
besoin de faire de la dépense, car il eût fait lui-même tout ce qu'il eût
fallu, comme il s'offre encore de le faire pour les mille écus qui
restent ; car il m'écrit qu'il fait tirer le payement de [466] mille écus,
et les autres mille lui seront assignés avant la fin de cette année, dont il se
charge de vous les faire tenir, sans que vous ayez le soin d'y envoyer
personne, ni pour solliciter ni pour recevoir l'argent. Il fera tout ce qu'il
faudra, et je vous donne parole que vous devez entièrement reposer votre esprit
sur son soin ; car c'est le plus fidèle ami, le plus vigilant et puissant
que vous sauriez avoir. M. Bussion est son parent proche, qui fera, à la
considération de ce bon seigneur, tout ce qu'il pourra. Voilà donc qui est à
couvert, et qu'il n'est pas besoin de faire de la dépense pour cela. Mais j'ai
voulu voir de quel esprit il [M. l'abbé de Saint-Satur] vous écrit, et je
trouve qu'il se pratique là encore bien des affaires, qui ne vaudront peut-être
pas les dépens ; et m'est avis que, dès le temps qu'il est là, tout cela
devrait être vidé et pouvait prévoir d'emporter d'ici des procures pour cela.
Mais il faut avoir patience, et faire ce que vous pourrez pour s'entretenir en
paix. Il désire grandement vivre en paix avec vous, comme il a fait
autrefois ; mais l'appréhension qu'il a que vous ne vous remariiez et que
les petits enfants de son bon frère ne demeurent pauvres, lui donne un grand
travail d'esprit, comme il m'écrit ; et vous ne devez pas trouver cela
étrange, ma très-chère fille, car enfin l'affection naturelle donne d'étranges
élans et soucis ; mais étant auprès de vous, il verra bien qu'il n'a pas
sujet d'appréhender cela. Ne lui témoignez pas que je vous aie dit ceci.
Ma pauvre très-chère
fille, il faut que vous ayez un grand et fort courage pour tout supporter et dissimuler ;
mais je vous conjure de le faire avec grande douceur d'esprit. Tous ces
brouillards passeront, et Dieu affermira votre chère âme et calmera toutes vos
affaires, si vous l'aimez et vous confiez en sa bonté. Faites-le donc, ma mie,
et vous en recevrez tant de consolation et solide paix que vous direz que vain
est le cœur qui loge ailleurs ses affections et consolations. Je supplie sans
cesse sa douceur de vous être favorable et à vos pauvres petits enfants que
[467] j'aime tendrement. Je salue ma petite-fille [Gabrielle] ; Dieu la
rende toute selon son Cœur et le cher petit poupon. Bonjour un million de fois,
ma bien-aimée et très-chère fille ; je suis à vous de cœur.
[P. S.] Nos chères Sœurs, qui vous chérissent
uniquement vous saluent du meilleur de leur cœur.
SUPÉRIEURE À THONON
Proposition du retour à Annecy de Sœur J. F. Coppier.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 7 avril [1635].
Ma très-chère fille,
C'est pour vous
saluer seulement et vous donner la bonne fête, avec ce souhait qu'il plaise à
notre bon Dieu de vous combler des fruits de sa très-sainte Passion et
glorieuse Résurrection et toute votre chère famille, que je salue avec vous
chèrement, sans oublier M. Pioton. — Ma sœur M. -Philiberte vous donnera nos
nouvelles et nous rapportera des vôtres. Bonsoir, ma chère fille ; vivez
toute à Dieu, dans la parfaite et sincère observance. Je suis bien tout à fait
vôtre, de tout mon cœur. Dieu soit béni. — 7 avril.
[P. S.] Ma très-chère fille, rendez-vous maniable et
souple au bon vouloir de Dieu et de la sainte obéissance, et aimez nos règles
et les pratiquez fidèlement. Dieu vous en fasse la grâce et soit béni. Amen
Si vous voulez
renvoyer notre Sœur J. -Françoise [Coppier], notre Sœur M. -Philiberte la
ramènera, et ceci suffira pour son obéissance, si nous ne pouvons avoir celle
de Monseigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
du Puy. [468]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Encouragement à poursuivre la construction de son
monastère. — Prochain retour de la Mère Favre. — La Sainte est sollicitée de
faire un voyage en France.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Ma très-chère fille,
Mon Dieu ! que
je trouve votre bon confesseur à mon gré, aussi est-il un peu de notre
Savoie ; il m'a dit à force de vos nouvelles, dont j'ai sujet de bénir
Dieu. Il a une sainte et sincère affection pour Votre Charité et pour toute la
maison, ce me semble. Hélas ! il m'a dit que votre bâtiment demeure
[inachevé], faute d'argent. Dieu sait combien nous souhaiterions avoir le moyen
de vous y pouvoir aider ; mais sa Bonté sait que nous en sommes dans
l'impuissance. Il faudra bien pourtant que vous fassiez tout effort pour y
loger nos Sœurs avant votre déposition. J'ai confiance que la divine
Providence, en qui vous avez toute votre espérance, vous enverra quelque
secours ; je l'en supplie de tout mon cœur. J'ai écrit à madame de
Montmorency ; quand j'aurai sa réponse, je la vous ferai savoir.
Nous attendons notre
grande chère Sœur Favre. Je pense qu'elle sera élue céans ou à Chambéry ;
car partout elle est fort désirée. Nos Sœurs de Chambéry l'ont demandée et
Monseigneur la leur a accordée. — Je pense qu'il me faudra aller en France à
cause de cette assemblée de prélats, pour obtenir d'eux quelque chose pour le
bien de l'Institut. L'on presse Mgr de Genève et moi si fort pour cela qu'il
l'a fallu accorder. Dieu me soit en aide et réduise tout à sa gloire. Je suis
vôtre de cœur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [469]
LETTRE MCCCLXXX - À LA SŒUR MARIE-RENÉE DE GUÉROUST
MAÎTRESSE DES NOVICES, À RENNES
Importance du bon choix des novices ; vertus qu'on
doit leur inculquer.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 27 avril 1635.
Ma très-chère fille,
Vous le savez bien
et il est vrai, que dès longtemps je chéris votre âme d'une dilection toute
particulière, et crois que votre bon cœur a les mêmes sentiments pour moi. Je
vous supplie surtout de vous souvenir de mes besoins devant la divine miséricorde.
Bienheureuses sont les maisons qui se purgent ; car le mal des communautés
vient de ce défaut. Croyez, ma très-chère fille, que c'est le grand bien des
monastères d'avoir le courage de mettre dehors, sans nul respect humain, les
filles qui ne sont pas propres ; et certes, comme lorsqu'il se trouve de
bonnes âmes il les faut cultiver et servir soigneusement, les chérir et [470]
garder précieusement, aussi lorsqu'il s'en trouve qui ne sont pas telles, il
s'en faut défaire promptement.
Continuez, ma très-chère
fille, à bien servir ces chères âmes que Dieu vous a commises ; portez-les
fort à l'humilité, simplicité, bonne foi, et à l'amour de la sainte pauvreté.
Vous voyez dans les écrits de notre Bienheureux Fondateur comme il nous
désirait basses et petites. Fondez bien vos novices dans cet esprit doux,
humble, obéissant, et vous verrez que sur un si solide fondement elles
élèveront, avec la grâce de Dieu, un édifice de grande perfection en leurs
âmes. Je suis bien aise que vous soyez affectionnée à leur lire les
éclaircissements [Réponses], car il n'y [est] dit, ce me semble, rien que ce
que j'ai appris de notre Bienheureux Père ; et tâchez d'y donner la
lumière nécessaire pour les choses de l'Institut. Certes, ma très-chère fille,
c'est un grand bien et un très-grand bien de ne guère chercher au dehors. — Je
vous salue de tout mon cœur et vos chères novices. Je me recommande à leurs
bonnes prières, et les conjure de s'avancer fervemment et humblement au chemin
d'une très-exacte observance, et Dieu les bénira. Je l'en supplie et vous, ma
chère fille, de me croire votre très-humble, etc.
Je vous écris cette
fois, mais n'attendez plus guère de mes lettres ; car, ma fille, je n'en
puis plus sous le faix.
Conforme à une copie de l'original gardé aux Archives de Messieurs
de Saint-Lazare, à Paris. [471]
SUPÉRIEURE Ml PREMIER MONASTÈRE DE LYON
La Mère Favre est attendue incessamment. — On doit
pratiquer la pauvreté en toutes choses.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Ma très-chère fille,
Il m'a fait grand
bien de vous entendre un peu parler. Sans doute, Dieu vous laisse cette
ancienne tentation pour l'exercice de la vaillance spirituelle. La tenant fort
basse au-dessous de votre esprit, enfin elle s'évanouira.
Je ne puis que je
n'aie de la douleur de savoir l'esprit de cette pauvre N. si éloigné de la
vraie dévotion. Son frère s'est venu offrir avec grande prière. Les Supérieurs
ni moi n'y avons nulle inclination, outre que nous ne savons pas encore si nous
nous quitterons M. M. et nous. Je ne veux rien remuer, je laisserai cela à la
Supérieure qui sera élue céans. Je suis bien consolée de tout le reste que vous
me dites de votre petite troupe. Vous avez grand sujet de bénir Dieu et de vous
réjouir avec sa Bonté. Vous verrez de vos yeux, un jour, combien Il tirera de
gloire de vos petits soins et travaux. Servez-le donc avec allégresse et
très-amoureuse confiance.
Nous aurons mercredi
la chère grande fille, qui amène deux Sœurs pour accommoder le temporel
de la petite maison ; nous les garderons toutes ici jusqu'à ce que l'on
sache comment iront les élections ; puis nous retirerons notre Sœur M.
-Hélène, mais à la condition que je vous dirai. — Vous ferez bien de prendre
mademoiselle Chambon ; pour l'autre, ne vous pressez ni engagez que l'on
ne la connaisse mieux. — Je vis hier la veuve, je la connais, elle est bonne
femme. — Il me tarde de vous voir [472] plus que je ne vous saurais dire. — Il
est trop tôt pour faire l'examen de vos filles.
Nous avons mandé
pour faire venir notre Sœur F. -Emmanuelle [de Novéry], puisque la grande
fille ne l'a pas prise à Moulins, étant venue par la Bourgogne. — J'ai bien
envie de vous aller tancer sur tant d'argent que vous employez aux ornements.
Vous ne pratiquez pas assez la pauvreté ; vous voulez que rien ne manque.
Dame ! je veux bien vous donner de bonnes leçons et que vous les
observiez. Il faut aller bien plus modérément au commencement, autrement on
tombera en nécessité. Bonjour mille fois, ma très-chère fille.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PARIS
Arrivée de la Mère Favre. — Remercîment pour les soins
dont le commandeur entoure le nouveau monastère de Melun, et la générosité avec
laquelle il veut pourvoir aux frais du voyage de la Sainte à Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 mai 1635.
Mon très-honoré et très-cher père,
Grâce à Dieu, voici
notre très-chère grande Sœur [Favre] arrivée en bonne santé, et certes
très-contente, aussi bien que nous, de nous revoir un peu ensemble. Notre bon
Dieu veuille tirer sa gloire de tout ! Puisque c'est sa sainte volonté que
j'espère l'incomparable consolation de vous voir bientôt, mon très-bon et
cordial Père, je remettrai à ce temps-là de vous entretenir de tout, à plein
fond ; je vais donc parcourant vos chères lettres, ayant fort peu de
loisir.
Et premièrement, mon
vrai Père, assurez-vous que je ferai tous mes efforts pour être à Paris, Dieu
aidant, au temps que [473] vous me marquez. — C'est un honneur et bonheur
très-grand à nos chères Sœurs de Melun que votre bonté toute paternelle veuille
prendre soin d'elles ; certes, votre charité est tout à fait incomparable,
mon tout bon et très-cher Père. Notre doux Sauveur vous l'augmente en son saint
amour, et selon la grandeur de ses richesses, vous en veuille récompenser.
Je n'ai loisir de
vous dire mes pensées sur la conduite intérieure de notre chère Sœur la
Supérieure de Melun : c'est un vrai bon cœur, humble, pur et fort
sincère ; mais si bien il la faut laisser en liberté pour recevoir ce
qu'il plaît à Dieu lui donner, je crois aussi qu'il lui sera utile de l'avertir
souvent qu'elle ne se doit pas plonger là dedans, pour en tirer des
complaisances et amusements inutiles. Il est vrai, mon tout bon et cher Père,
que nos Sœurs de N. ont fait une grande faute de déposer la Mère de N. ;
je leur avais mandé qu'il ne le fallait pas faire, s'il n'y avait que de la
rudesse, comme il n'y avait que cela. Elles ont suivi l'avis d'un bon Père. Oh
Dieu ! que nous avons besoin de devenir plus mûres et considérées, et de
prendre chez nous les conseils dont nous avons besoin, j'entends dans
l'Institut !
Je parlerai à Mgr de
Genève pour les Épîtres et pour le livre de la Croix ; je crois qu'il se
tiendra à vos sentiments. — Pour ce qui est du voyage, je vois bien, mon vrai
Père, que vous en voulez porter la dépense ; je pense donc qu'il suffira
que vous [474] me fassiez toucher de l'argent à Lyon, et que cent écus iront
bien loin, car nous nous ferons conduire avec le plus de ménage que nous
pourrons. Quant à l'argent de charité, si vous pouvez savoir que quelqu'un dans
Lyon eût besoin d'en faire tenir à Paris, on le pourrait faire remettre à nos
Sœurs de Lyon, et il nous sera facile de leur faire penser qu'il procède de la
dot des Sœurs que notre Sœur Favre a amenées. Avec un peu de loisir, nous
regarderons si nous pourrons trouver quelque autre commodité par deçà. Voilà,
mon tout bon et très-aimé Père, ce que bien en hâte je vous puis dire. Quand je
serai assurée du jour de notre départ d'ici, je vous en donnerai avis.
Cependant je prie Dieu vous conserver et combler de toutes ses plus saintes
consolations et faveurs célestes, que son amour peut départir à ses plus chers
amis. Amen. Je suis d'une affection tout à fait incomparable, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONSEILLER AU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE, À CHAMBÉRY
Reconnaissance et saints encouragements.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Monsieur,
Excusez-moi, je vous
supplie, si j'ai tant tardé de répondre à celle dont il vous a plu m'honorer.
J'ai bien eu tant d'occupations et puis d'incommodités en ma santé, étant
encore toute languissante, que cela m'a empêchée de prendre cette consolation
plus tôt.
Incessamment votre
bonté travaille pour notre utilité et repos. Dieu nous fasse la grâce de
veiller pour le vôtre ; car je crois [475] que je n'en recevrai pas moins
de consolation que vous-même, tant je me sens obligée et liée d'affection à vous,
comme à mon vrai frère et le très-bon et cher père de la Visitation. Nous ne
saurions mieux faire que de suivre votre avis pour l'achat du jardin de madame
la marquise de Lans. Comme vous proposez le fait, la chose ne sera pas à charge
à nos Sœurs, en laissant la jouissance à celui qui le possède jusqu'à ce
qu'elles y veuillent bâtir. Je voudrais que déjà le contrat en fut passé.
Ceux qui vous disent
qu'il faut avoir patience, je crois, Monsieur, qu'ils vous conseillent
très-bien et que Dieu, par cette voie, réduira toutes vos peines en parfait
contentement, et vous élèvera au lieu qu'il vous a destiné pour sa gloire et
votre bonheur. Mais ayez donc, je vous supplie, une fort humble patience, une
douce et filiale soumission et obéissance à la divine conduite que Dieu tient
sur vous et une parfaite confiance en son soin et amour, et vous verrez et
jouirez de l'abondance de ses miséricordes, et expérimenterez qu'il n'y a
telles richesses que celles qui se tirent d'une tribulation bien supportée.
Pour cela incessamment j'offre à mon Dieu mes prières et des communions, afin
que sa douce Bonté vous fasse sentir les effets de sa grâce, et vous tire, à sa
gloire et à votre bonheur, de la peine où vous êtes, laquelle je ressens aussi,
Monsieur, et celle de ma très-chère sœur madame votre bonne femme, que je salue
chèrement avec vous, et suis de cœur à tous deux, très-humble, etc. [476]
MAÎTRESSE DES NOVICES, À DRAGUIGNAN
Toute notre félicité consiste à faire la volonté de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Je veux vous faire
ces quatre lignes pour vous dire, ma chère fille, que si bien vous êtes dehors
de cette maison, je ne vous tiens point pour être séparée de cette bénite
famille : je vous tiendrai toujours dans mon cœur. Or ce que je désire le
plus du vôtre, c'est un grand amour à l'humiliation, à la pauvreté et
simplicité d'esprit. Pour Dieu, ma fille, faites que l'on voie reluire en vous
ces saintes vertus. Je suis bien aise que ces bonnes novices vous soient remises ;
conduisez-les bien, ces chères âmes, et les portez fort à l'amour de l'oraison
et du recueillement, le tout avec une grande simplicité. Ma fille, notre
félicité en ce monde ne doit pas être à y faire notre volonté, mais celle de
Dieu, dans laquelle aussi consiste une partie de notre béatitude éternelle.
J'offre votre cœur avec ses souhaits à la divine Bonté à ce qu'il lui plaise
vous combler de son pur [477] amour. Les trésors des âmes pures ne consistent
pas à avoir des faveurs de Dieu, mais à le rendre content, ne voulant ni plus
ni moins que ce qu'il donne. Priez pour celle qui sera sans fin votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
d'Annecy.
À L'ERMITAGE DU MONT VOIRONS
Condoléances sur la mort de Mgr Jean-François de Sales. —
Espérances que le diocèse de Genève fonde sur Charles-Auguste.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 9 juin 1635.
Monsieur mon très-cher et très-honoré cousin,
Je vous nomme de ce
cordial nom, de très-cher cousin, parce que, avec votre permission, je ne puis
perdre la coutume de notre ancienne alliance.
Eh ! mon Dieu,
mon cher cousin, que nous voici dans de grandes douleurs, pour la perte
générale que cette pauvre Eglise de Genève fait, pour celle de votre digne maison et pour la
nôtre en particulier. Mais puisqu'il a plu à la toute sage et divine Providence
de nous priver d'une vie si précieuse, comme nous était celle de feu notre
très-bon et véritablement très-vertueux prélat, le cher frère de notre Bienheureux
et votre cher oncle, j'espère que cette incompréhensible bonté de notre divin
Maître nous redoublera à tous son soin, ses assistances et ses grâces, dont la
moindre partie vaut mieux que tout le monde ensemble. Qu'elle soit à jamais
bénite et adorée cette sainte volonté de Dieu, en nos joies et en nos
tristesses ! Vous savez [478] que notre cher prélat défunt en était tout
amoureux ; il en a produit des actes signalés. Il est bien raisonnable que
nous l'imitions en cette vertu, aussi bien qu'en plusieurs autres que vous
savez mieux que moi qu'il possédait en haut degré. J'espère certes, en la
débonnaireté de notre Sauveur, qu'il a retiré ce vrai bon pasteur au bercail
éternel, et il me semble que notre Bienheureux Père aura eu une joie toute
nouvelle de voir avec lui, au port assuré, un si cher frère. Dans ces pensées,
il ne nous reste donc qu'à faire nos actes de soumission à Dieu.
Après cela, mon
très-cher cousin, revenons un peu à vous-même. Hélas ! dites-moi un peu
comme vous m'avez fait cela, de partir d'ici sans m'en dire un petit mot. Je
n'avais garde de vous détourner de vos saintes intentions et de vous empêcher
de suivre l'attrait du Ciel. Vous savez combien vous m'êtes cher, et tout ce
qui est de votre bénite maison. Je prie Dieu que ses desseins sacrés et
éternels soient accomplis en vous. Hélas ! sur cette perte que nous venons
de faire, chacun tourne les yeux vers vous, mon cher cousin, comme pour se
soulager, par l'espérance que Dieu vous disposera à servir cette pauvre désolée
Eglise. La divine Majesté vous veuille inspirer ses volontés toutes
saintes ! Nous l'en supplions de tout notre cœur, et de combler le vôtre
très-cher des lumières et grâces de son saint amour ! Pour moi, j'espère
toujours que ce bon Dieu vous ramènera pour employer tant de bons, grands et
aimables talents, dont II vous a pourvu, au lieu où vos saints et dignes oncles
et prédécesseurs ont consumé leur vie au salut des âmes ; mais cependant
il faut adorer et se soumettre au décret de Dieu, devant lequel je veux continuellement
aspirer pour votre bonheur. Mon très-honoré cousin, faites-moi la même charité,
puisque je suis et serai sans fin, votre très-humble, etc.
[P. S.] Il faudra que je parte pour ce béni voyage de
France, que notre digne prélat m'a commandé, de lundi en huit jours. [479] Je
vous conjure de nous faire avoir tout ce que vous pensez être propre pour
ajouter à l'impression qui se fait à Paris, et que je l'aie pour l'emporter, et
Philothée.
DUCHESSE DE SAVOIE, À TURIN
Prière de s'intéresser au choix du nouvel évêque de
Genève.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1635.]
Madame,
La bienveillance
dont Votre Altesse Royale honorait feu Mgr notre très-vertueux prélat, lui aura
fait, je m'assure, ressentir tendrement son départ de cette vie, et surtout la
perte commune de ce pauvre et désolé diocèse, et de nous autres en particulier,
qui vivions si heureuses et contentes sous la conduite de ce débonnaire pasteur
et vrai père de nos âmes. Mais, puisque la volonté de Dieu est telle, il ne
faut pas qu'il nous reste autre chose que de l'adorer, et d'accompagner nos
larmes d'une très-humble soumission à sa Providence. Pardonnez-moi, Madame,
cette confiance que je prends à la douceur de Votre Altesse Royale, pour
soulager un peu mon cœur en lui témoignant sa juste douleur, et en conjurant
votre piété, par les entrailles sacrées du divin Sauveur, de prendre en
protection spéciale ce nécessiteux et affligé diocèse et vos pauvres maisons de
la Visitation, nous procurant vers l'Altesse Royale de Monseigneur un vrai
pasteur qui, par un saint zèle, maintienne cet évêché en son bon état et
saintes mœurs, et conduise nos âmes au grand bercail de la très-sainte
Jérusalem céleste, pour y adorer et bénir éternellement notre souverain Pasteur.
Chacun a confiance, Madame, que Votre Altesse Royale se portera avec un [480]
soin et une affection toute particulière à nous procurer au plus tôt la
réparation de notre perte, comme derechef nous l'en supplions très-humblement.,
Il y a environ trois
mois, Madame, que des personnes de grande piété, et qui affectionnent bien fort
notre Institut, représentèrent à Mgr de Genève la nécessité de ma présence à
Paris, pour y traiter, avec Messeigneurs les prélats qui y sont assemblés, des
affaires très-importantes à la conservation et affermissement de notre
Congrégation. Il jugea que je m'y devais acheminer et m'en donna l'obéissance,
de quoi tout aussitôt, je priai M. le chevalier Balbian d'avertir Vos Altesses
Sérénissimes, pour savoir ce qu'il leur plairait me commander, car j'avais tout
le printemps libre avant mon départ. Il me répondit que je pouvais faire ce
voyage. Nous partons donc, Madame, pour l'effectuer et rendre ce dernier et
important service à notre Congrégation. Nous retournerons, Dieu aidant, le plus
tôt qu'il nous sera possible, pour savoir les commandements de Vos Altesses
Sérénissimes, avec toute la soumission que nous devons, suppliant la divine
Majesté de les combler de son saint amour ; et leur faisant
très-humblement révérence, je demeure en tout respect.
FONDATRICE DE LA VISITATION DE POITIERS
Témoignages d'affection et d'estime.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 17 juin 1635.
Ma très-honorée et chère sœur,
J'ai reçu avec l'honneur
que je dois les témoignages que votre bonté m'a voulu rendre de sa sainte
dilection ; et comme je ne doute point que notre Bienheureux Père ne vous
ait reçue [481] dans le ciel pour sa très-chère fille, aussi vous recevons-nous
en la terre pour vous tenir désormais dans le rang de notre très-honorée et
chère sœur, à laquelle nous souhaitons une longue jouissance de bonheur et
contentement dans cette chère maison de Poitiers, qui vous est tant étroitement
obligée, non-seulement pour la grande affection que vous lui témoignez, mais
encore pour les effets de vos bonnes volontés que vous lui avez fait ressentir,
dont elle ne peut jamais vous rendre assez de gratitude et de reconnaissance.
Et pour moi, ma très-chère et honorée sœur, je vous supplie de croire que,
outre le devoir que cela me donne de vous honorer et chérir cordialement, je le
fais encore pour votre mérite particulier et pour votre vertu, y ayant plus de
quarante ans que je connais ceux de votre maison, ayant eu l'honneur de voir
fort particulièrement Messieurs vos père et mère, que j'ai toujours estimes et
révérés, pour les bonnes qualités que Dieu avait mises en eux. Je supplie sa
Bonté de vous continuer et accroître ses grâces jusques au comble de toute
sainte perfection. Ce sont les souhaits, ma très-honorée et très-chère sœur, de
votre très-humble et très-obligée, etc.
Avec votre
permission, je salue ici notre bonne Sœur M. -Marthe [Legros], à laquelle je ne
puis écrire ; je lui souhaite le parfait amour de Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [482]
SUPÉRIEURE À MARSEILLE
Suivre dans son gouvernement l'exemple des deux
Supérieures qui l'ont précédée.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 29 juin [1635].
Ma très-chère fille,
C'est avec raison
que nos chères Sœurs ont si fort ressenti la déposition de notre chère Sœur M.
-Éléonore Gontal. La bonté de son cœur les a conduites si vertueusement qu'il y
a sujet d'en bénir Dieu. Je me réjouis que le sort vous soit tombé dessus,
espérant que Votre Charité suivra fidèlement les traces et le chemin qui vous a
été montré par feu notre très-chère et très-vertueuse Sœur F. -Marguerite
Favrot, et encore de ma chère Sœur qui vous a précédée. Ma fille, je crois que,
puisque vous connaissez votre insuffisance et que vous vous remettez toute dans
les mains de la divine Providence, que votre conduite réussira à la gloire de
Dieu, qui est notre parfaite observance. Je loue la vertu de vos chères filles
de s'être si dignement comportées en cette occasion. Je suis consolée de la
satisfaction que vous recevez de nos deux chères filles : elles se sont
toujours maintenues parmi nous avec tant de bonté et d'observance [483]
qu'elles ont donné sujet d'espérer qu'elles continueront, s'il plaît à Dieu, en
quelque part qu'elles puissent être.
Vous faites bien de
donner le plus que vous pourrez à nos chères Sœurs de Nice ; car les
maisons qui font les fondations sont obligées de les soutenir, et fournir à ce
qui leur fait besoin. J'espère que Mgr votre digne prélat se joindra à ce qu'il
avait déjà trouvé bon et agréé. — Ma chère fille, pour la lampe d'argent que
l'on vous veut donner, j'aimerais bien mieux que ce fût le fonds ; car
elle serait assez inutile dans votre église — Quant à la prière journalière que
l'on désire, je vous renvoie à la Constitution XVIIIe, de l'Office.
Néanmoins, vous pourriez bien la dire, comme serait tous les samedis ou autre
jour de la semaine, et leur promettre outre cela une communion générale à tous
les Quatre-Temps de l'année. — Ma chère fille, je vous sais bon gré d'offrir si
franchement et de bon cœur une contribution pour un de nos pauvres
monastères ; je vous conjure de réserver cette bonne volonté non pas pour
Moulins, nous y avons fait pourvoir d'ailleurs, ains pour quelque autre qui en
aura plus de besoin. Je n'écris pas à nia chère Sœur la déposée, j'ai prié ma
chère Sœur la Supérieure de le faire pour moi, qui vous salue toutes deux avec
la chère communauté, un peu à part nos chères Sœurs M. -Jéronyme [Dufour] et J.
-Augustine [Baytaz]. Je vous souhaite à toutes le comble de la divine grâce en
laquelle je suis, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.
De notre monastère
de Lyon, ce jour saint Pierre. Arrivée en ce monastère depuis hier au soir,
pour en partir mercredi et achever notre voyage, s'il plaît à Dieu. Faites
prier pour cela, je vous conjure, à ce que sa Bonté tire toute la gloire qu'il
désire de mon chétif cœur. — Mille cordials saluts à ma chère Sœur la déposée,
à nos Sœurs dernières de Nice et à toutes, de tout mon cœur.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Marseille.
[484]
La Sainte rend compte des motifs qui ont déterminé son
voyage en France. — Additions à faire au Coutumier.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 27 juillet 1635.
Ma très-chère fille,
C'est pour vous
saluer chèrement, et vous donner avis que, grâce à Dieu, nous voilà arrivée
fort heureusement auprès de nos très-chères et bonnes filles de Paris, par le
commandement de feu notre très-digne prélat Mgr de Genève, que Dieu absolve,
lequel fut instamment prié par Mgr de Bourges, M. le commandeur de Sillery et
par le Révérend Père Binet, d'agréer notre venue ici, pour quelques affaires
qu'ils avaient jugé ensemble être très-importantes et utiles au bien de notre
Institut, afin de les pouvoir traiter avec Messeigneurs les prélats, pendant
que leur assemblée est en cette ville.
Or, c'est la vérité,
ma chère fille, que plusieurs choses se sont passées en [quelques-unes] de nos
maisons, et que l'expérience m'a ouvert l'esprit et m'a fait voir qu'il était
nécessaire d'y remédier pour l'affermissement de nos observances. Ayant pensé
en moi-même à quelques moyens propres à cela, j'ai fait un petit recueil de
ceux que j'ai jugés être plus utiles, que je sais être les intentions de notre
Bienheureux Père, et qui sont tous, pour la plupart, dans mes Réponses ;
mais sachant que, pour n'être pas autorisées, quelques-unes de nos maisons n'y
apportent pas la créance qu'il serait requis pour leur propre bien, nous avons
cru que si le susdit recueil était ajouté au Coutumier, et qu'il fût autorisé
de Messeigneurs les prélats, étant comme ils sont [485] nos légitimes Supérieurs,
cela donnerait plus de poids pour les faire pratiquer. Nous avons communiqué
cette affaire à nos chères Sœurs les Supérieures d'Annecy et Chambéry, et aux
autres où nous avons passé, qui le trouvent non-seulement utile, mais
très-nécessaire au bien de notre Institut. Nous n'avons pas voulu passer outre
sans vous en donner avis, quoique j'espère que votre bon cœur agréera ce que
nous ferons en cela, puisque nous n'y prétendons que la gloire de Dieu et le
bien de notre petite Congrégation, et vous eussions envoyé notre recueil, si
nous n'étions point si pressées de l'assemblée de Messeigneurs les
Révérendissimes, qui ne durera que jusqu'au 25 septembre prochain. Si nous
avions laissé passer cette occasion, nous ne la pourrions recouvrer ; car
cette assemblée ne se fait que de dix ans en dix ans.
On nous parle encore
de trouver quelques moyens pour conserver l'union entre nos monastères, sans
nous dire les pensées que l'on a pour cela ; quand je les saurai, je vous
en ferai part. Cependant, ma chère fille, je vous conjure, au nom de Dieu, de
le bien faire prier pour cela, et faire faire des communions continuelles et y
employer encore les prières des personnes pieuses, afin qu'il nous découvre le
moyen qui est dans ses éternels conseils, et si vous avez la vue de quelque
chose qui pût être utile à cela, de nous le mander au plus tôt, afin que nous
le sachions avant que l'assemblée susdite finisse. Je salue bien toutes vos
chères filles, de la même affection que je vous souhaite le comble des
bénédictions célestes, et suis, etc.
[P. S.] Je vous ai écrit sur le trépas du pauvre
frère [le duc de Lage de Puylaurens], et je loue Dieu de sa bonne disposition
et de votre amoureuse soumission. — Peut-être que notre chère Sœur de Blonay
vous priera de retirer chez vous sa dernière déposée, avec pension ; ce
sera charité. Elle est bonne Religieuse, mais non pour la supériorité. [486]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Désir de la voir, ainsi que sa communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1635.]
Mon Dieu ! ma
très-chère et bien-aimée fille, qu'il me tarde de voir votre chère dilection et
toutes nos bonnes Sœurs ; mais il faut que j'aie encore un peu de patience
que nous ayons acheminé nos affaires. Samedi l'on doit s'assembler, pour voir
si l'on pourra trouver ce béni moyen d'union, qu'il y a si longtemps que l'on
cherche. Dieu nous fasse connaître par sa bonté ce qui est de son dessein pour
cela, car je n'y vois rien. Un petit mot de votre santé, que je vous recommande
de tout mon cœur. Je le dis, elle vous est nécessaire. Pour Dieu, ma toute
chère fille, veillez-y tant qu'il vous sera possible, afin que je vous trouve
toutes. Jésus vive et règne en nos cœurs !
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans. [487]
PÈRE SPIRITUEL DU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION
Avis de quelques prélats sur les moyens d'union à établir
entre les monastères de la Visitation. — La Sainte demande la permission de
passer l'hiver à Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 7 août [1635].
Mon très-honoré et très-cher père,
Grâce à Dieu, nous
avons fait notre voyage fort heureusement et en santé, et sommes en cette ville
il y a douze jours, où nous avons commencé cette petite affaire, et elle va en
bon train, grâce à Dieu. Samedi dernier, nous eûmes céans trois de Messeigneurs
les archevêques, deux évêques et M. le commandeur [de Sillery], personnes bien
choisies, de rare vertu, et quelques-uns fort expérimentés en fait de Religions
de femmes. La proposition des moyens d'union fut faite et grandement bien
agitée et considérée en toutes façons. Enfin la résolution fut qu'il fallait
demeurer comme l'on était, puisque c'était par disposition de Dieu et
déclaration expresse de la volonté de notre Bienheureux Père, dont la pratique
s'était constamment gardée.
1° Que donc le
monastère d'Annecy serait toujours reconnu pour l'origine des autres ; et
que, par une charitable révérence et dépendance, les autres s'adresseraient
toujours à lui pour recevoir ses conseils dans leurs besoins, et se tiendraient
en tout conformes aux observances qui s'y gardent.
2° Que les
monastères, dans les petits besoins qui leur arrivent, se consulteront les uns
les autres, afin d'éviter les épanchements, et retenir au dedans de l'Institut
les affaires qui y surviendront ; que si les choses ne sont pas pressées
et sont [488] tant soit peu importantes, l'on s'adressera à Annecy. Si elles
sont pressées, on lui en donnera avis au plus tôt, ne laissant de prendre
l'avis cependant des Mères voisines, telles que l'on voudra. Voilà ce que l'on
ajoute au Coutumier, avec toutes les paroles que notre Bienheureux a dites sur
ce sujet. Nous faisons écrire en main ledit Coutumier, pour puis après le faire
présenter à Messeigneurs de l'assemblée, pour y mettre leur approbation, ce que
nous espérons qui se fera doucement. Toutefois, cette affaire a besoin de
prières. Notre bon Dieu y veuille présider ! J'espère que dans ce mois
tout sera fait.
Je n'ai su parler
encore à pas une de nos Sœurs, ni ne sommes allée au faubourg voir ces pauvres
filles ; le temps leur en dure et à moi aussi, je vous assure, mon
très-cher Père ; car elles sont très-bonnes partout et vivent en grande
observance. Or je pense que le mois de septembre avec celui-ci pourra fournir à
tout ; mais je vois que notre bon archevêque et M. le commandeur
prétendront que je passe ici l'hiver, ce qui me fâchera certes. Mais dites-moi,
mon très-cher Père, s'il vous plaît, si, en cas que je ne puisse me déprendre
avec douceur, je le ferai nonobstant leur mécontentement. On parle bien de
m'arrêter plus outre, mais je m'en ris, et en parle de telle sorte qu'on voit bien qu'il n'y faut pas
prétendre ; mais pour l'hiver, l'on croit que je ne dois pas refuser cela.
Je vous prie, mandez-moi votre volonté, et si, en cas que vous jugiez que l'on
doive m'accorder cet hiver à leurs désirs, vous approuverez que j'emploie un
mois ou deux de l'automne, s'entend septembre et octobre, que Mgr de Bourges
sera aux champs, à aller voir de nos monastères qui le demandent, et avec tant
d'instances et assurances de nécessité que je vois que l'on s'incline à me le
vouloir persuader ; mais je ne ferai justement que ce qu'il vous plaira me
commander. Voilà, mon très-honoré Père, toutes nos petites affaires ; je
ne vous recommande point celles de delà ; car je sais que votre bonté en a
un soin très-paternel. [489] Dieu vous conserve et vous comble de son
amour ! Je salue madame votre chère mère et les amis, s'il vous plaît. Je
demeure en tout respect et de cœur, mon très-cher Père, votre très-humble et
très-obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.
Conforme
à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Affaires. — Additions au Coutumier. — La duchesse de
Montmorency est obligée d'ajourner la fondation projetée à Toulouse.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 9 août 1635.
Ma très-chère fille,
Voilà mille écus que
nos chères Sœurs viennent d'emprunter au denier dix-huit. Je ne vous réponds
pas qu'elles vous donnent les intérêts, parce qu'elles doivent, je pense, bien
encore quarante ou cinquante mille francs, outre la grande assistance qu'elles
ont reçue de M. le commandeur de Sillery, qui est un vrai père de l'Institut.
Je n'ai donc osé parler de quitter les intérêts ; car j'ai eu assez
de difficultés à [obtenir de vous faire] prêter le principal, car l'on est
résolu de ne se point engager par emprunt pour les autres monastères, et
désire-t-on que vous ne disiez point que l'on vous ait prêté, car on ne l'a
fait que pour n'oser me refuser ; et ce m'est si grande mortification de
faire telles prières que je ne l'eusse fait pour nulle autre que pour vous, qui
êtes ma vraiment très-chère fille que j'aime de tout mon cœur. Mgr votre digne
et très-bon prélat, qui vous aime tendrement et efficacement, vous procurera
ici un bon bien. Il m'a dit qu'il vous enverrait aussi mille écus qui feront
[490] donc les deux mille qu'il vous faut pour achever votre bâtiment. Il ne se
peut dire combien ce digne prélat nous a obligées en nos petites affaires. Il
vous dira tout à son retour. Enfin les choses demeurent comme elles étaient.
Nous ajoutons au
Coutumier quelque intention importante de notre Bienheureux Père que nous tirons
des Réponses ; puis j'espère que, sans y rien biffer, Messeigneurs nos
prélats l'autoriseront, qui sera un grand bien, et surtout que dorénavant nous
prendrons mieux ce qui nous est besoin là dedans et dans les Règles. Dieu sait
si ce me serait grande consolation de vous revoir ; mais il faudrait que
Mgr votre prélat l'obtînt de nos Supérieurs et vous aussi. Mais il faut
attendre pour l'année prochaine ; car je pense que nous passerons l'hiver
ici, néanmoins il n'est pas encore assuré. Oh ! quoi que ce soit, nous ne
voudrons jamais rien que le bon plaisir de Dieu, que je supplie vous combler de
son saint amour et toutes nos chères Sœurs, que je salue très-chèrement avec
vous. — Nos Sœurs de céans sont très-bonnes ; il fait bon voir cette
famille. La bonne Mère [A. M. Bollain] et notre Sœur Hélène-Angélique sont tout
ardentes en affection pour l'Institut, et pour continuer l'union et conformité
avec le monastère de Nessy. Ma très-chère fille, vivez tout à Dieu et priez
pour les besoins de votre indigne mais toute cordiale Mère.
[P. S.] Madame de Montmorency a toujours sa bonne
volonté de donner pour la fondation de Toulouse ; mais elle n'en aura le
moyen, je pense, de deux ans. Outre cela, elle ne veut pas que l'on sache que
ce soit elle, parce qu'elle pense que l'on s'y opposerait, et que l'on ne veut
plus rien voir qui renouvelle la mémoire de feu M. son mari, ni d'elle, non pas
même Mgr de Montpellier. Il faudra donc tenir l'affaire liée, avoir des
permissions, à cette condition que l'établissement ne se fera pas que l'on ne
donne l'argent requis. Je crois qu'elle donnera pour le moins dix ou vingt
mille écus. Son intention et son inclination [491] est d'aller mourir auprès
des cendres de son cher mari ; c'est une âme ferme en ses résolutions et
incomparable en bonté, en vertu et en affection pour nous.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
ÉVÊQUE DE MONTPELLIER, À PARIS
Elle lui demande de prêcher une cérémonie de profession.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1635].
Monseigneur,
À [hier] soir tout
tard, la bonne madame la marquise de Meignelais me vint dire qu'elle désirait
fort que je susse de vous si vous auriez agréable d'être prié de prêcher le
jour de saint Bernard à la profession de sa nièce de Ragny, qui l’allait faire
en notre maison de Saint-Jacques, et Mgr l'archevêque de Paris en fera la
cérémonie. Je connus bien qu'elle le désirait fort pour un bon sujet que je
vous dirai, Dieu aidant ; mais je m'assure aussi qu'elle ne voudra pas
vous incommoder. J'attends ce qu'il vous plaira de me commander, Monseigneur,
pour le faire savoir à cette bonne dame, et avec cette occasion je vous demande
votre sainte bénédiction, et vous souhaitant les abondantes grâces de notre bon
Dieu, je demeure votre très-humble et très-obéissante fille et servante en
Notre-Seigneur. — Samedi matin.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Montpellier. [492]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE D'ANNECY
Il faut conserver la dilatation de cœur au service de
Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 16 août [1635].
Ma très-chère fille,
Notre
très-débonnaire Sauveur soit votre éternelle consolation ! D'où vous
peuvent venir les ennuis d'esprit ? car enfin, bien que vous tâchiez de
vous tenir au-dessus, néanmoins ils sont toujours fâcheux en ce qu'ils ôtent
cette dilatation de cœur si utile au service de notre bon Dieu. Tâchez de vous
en défaire. Ne prenez rien à cœur et laissez couler l'eau. Recommandez toutes
choses à Notre-Seigneur ; et ayant fait doucement ce que vous pouvez, n'y
pensez plus et conservez votre paix. Ne doutez point de l'affection de la
personne que vous savez ; je sais dans quel rang vous êtes dans son cœur,
et celle qui se vante de la posséder, qui la connaît fort bien ; mais
c'est une âme si douce qu'elle tâche de contenter chacun. Vivez avec franchise
ensemble, et gardez de rien témoigner. Cette pauvre Sœur Augustine n'est pas ce
qu'elle pense, ses actions le montrent ; notre misère est grande !
Nos Sœurs de céans
me contentent fort ; je leur fais faire leurs exercices [de retraite]
avant notre départ de Paris, qui sera jeudi, Dieu aidant, pour deux bons mois.
Dieu réduise toutes nos actions à sa gloire et vous comble et toutes nos Sœurs
de bénédictions, à part notre chère Sœur F. A. [de la Croix de Fésigny]. Croyez
que je suis vôtre très-intimement et de cœur. Priez pour moi ; je me porte
fort bien, grâce à Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [493]
ÉVÊQUE D'UZÈS
La Sainte lui demande d'approuver le Coutumier et le
remercie de la bienveillance dont il entoure la Visitation du
Pont-Saint-Esprit.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, août 1635.]
Monseigneur,
La lettre dont votre
bonté m'a honorée est si extraordinairement obligeante que je ne trouve point
de paroles assez propres pour vous en dignement remercier. Je le fais pourtant
avec toute l'humilité possible et de tout mon cœur, qui vous honore et révère
très-parfaitement. Je serai consolée de voir notre Coutumier avantagé de
l'honneur de votre nom qui doit être en grand respect à tous les gens de bien.
Je suis encore consolée, Monseigneur, de la satisfaction que vous avez de vos
petites filles de la Visitation. Dieu vous l'accroisse, par la fidélité
qu'elles doivent avoir à vous rendre leur très-humble obéissance. Hé !
qu'elles sont heureuses d'être proches de vous, Monseigneur ! J'espère que
cette présence leur apportera toute utilité pour leur avancement temporel et
spirituel. Je supplie notre bon Dieu de vous conserver en santé pour longues
années, et vous combler des grâces de son saint amour, afin que vous puissiez
remettre votre pauvre et désolé diocèse, et y rétablir entièrement le règne de
notre débonnaire Sauveur. Je baise en tout respect vos mains sacrées, et
demande votre sainte bénédiction pour toute cette famille, demeurant avec
affection pleine d'honneur, Monseigneur, votre, etc. [494]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Il faut être fort réservé à faire de nouvelles fondations.
— Bontés de l'évêque de Montpellier pour l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 9 septembre [1635].
Ma très-chère fille,
Je suis bien aise de
votre contentement, et que vous ayez reconnu par expérience la bonté et charité
de nos Sœurs de céans. Quant à ce qui est de m'obliger pour la partie qu'elles
ont prêtée, cela ne se peut pas faire. Signez seulement les papiers qu'elles
vous ont envoyés et nous les renvoyez, cela suffira.
Pour ce qui est de
la fondation dont vous nous avez déjà parlé, je crois, ma chère fille, qu'il
faut traiter ces affaires-là à la longue, et ne plus faire d'établissement que
dans des lieux capables, et que l'on ait du fonds pour nourrir celles qui
iront. Mgr votre digne et bon prélat vous dira bien tout cela ; car je
crois qu'il vous ira voir, allant à Rome, qui sera bientôt, à ce qu'il nous a
dit. Je ne vous puis dire, ma chère fille, la charité, l'affection et le zèle
qu'il nous témoigne pour les affaires de notre Bienheureux Père et pour notre
petite Congrégation. Je vous prie, quand vous le verrez, de lui en témoigner de
la reconnaissance, selon votre cordialité ordinaire. Du reste, je vous écris
sans loisir, mais non pas sans souhait, que je fais des plus chères faveurs du
Ciel, pour votre cher cœur que le mien salue bien chèrement. Je suis, ma bien
chère fille, votre, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [495]
SUPÉRIEURE À NANTES
Utilité des avertissements charitables. — C'est une
obligation de conscience de faire la correction fraternelle.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1635.]
Ma très-chère fille,
Tâchez, je vous
prie, de maintenir votre cœur en cette bonne disposition de l'amour à être
avertie de votre pauvre vieille Mère, tandis qu'elle vivra, et de toutes les
créatures quelles qu'elles soient, et tenez toujours tous ceux et celles qui
vous feront cette charité pour vos meilleurs amis, ou au moins sont-ils les
plus utiles ; car il ne se peut dire le bien que font les avertissements
aux âmes qui sont désireuses de leur perfection. Faites, ma fille, je vous
supplie, que l'observance exacte règne en votre maison, et tout y abondera.
Cependant, je vous
remercie de la peine que vous avez prise à me mander ce que vous n'avez que
trop tardé à me faire savoir ; mais je voudrais encore que vous m'eussiez
nommé le Père et les Sœurs particulières qui vous ont dit les choses que vous
me marquez, parce que tout cela m'aiderait mieux à tirer mes conséquences. Et
ne craignez point que je vous nomme, et que je fasse en aucune façon connaître
que cela vient de vous ; car je n'ai garde d'intéresser en rien votre
union avec la bonne Mère N., laquelle a le cœur si humble et si doux que
j'espère qu'elle se redressera bientôt, par le moyen des avertissements que je
lui ferai plus librement, maintenant que je sais qu'elle se porte bien. Car
c'est la vérité, que les infirmités, avec un peu d'applaudissement des filles,
font bien faire quelquefois des choses qui ne se devraient pas ; et cette
grande humeur [496] mélancolique, à quoi elle est sujette, est cause qu'elle a
toujours un peu aimé le divertissement [distractions] ; mais tout se
redressera avec la grâce de Notre-Seigneur. Or, je crois, ma très-chère fille,
que vous devez vous mettre devant Dieu et faire une communion à cette intention
de prendre conseil de sa Bonté si vous n'êtes pas obligée en conscience
d'avertir cette bonne Mère en charité de tout ce qu'elle vous a dit et à vos
Sœurs, dont vous avez été mal édifiée ; et je m'assure que la réponse que
vous entendrez au fond de votre cœur sera [la bonne]. Oui, vous êtes obligée en
conscience de l'avertir, car nous nous devons cette chanté les unes aux autres,
et puis nous ne sommes pas impeccables ; et lui dites que vous n'eûtes pas
l'assurance de l'avertir de bouche, mais que, vous mettant devant Dieu, vous en
avez eu du scrupule. Enfin, ma fille, nous devons être si parfaitement unies
ensemble, qu'il n'y ait chose quelconque en nos cœurs qui fasse la moindre
ombre à la charité : le bien de nos âmes, notre pure perfection, et la
bonne odeur de l'Institut requièrent cela de nous.
GOUVERNEUR DE LA CITADELLE DE NICE
Témoignages de reconnaissance pour la protection qu'il
accorde aux Sœurs de Nice. — Plusieurs évêques de France ont approuvé le
Coutumier.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 13 septembre [1635].
Monsieur mon très-honoré frère,
Notre bon Dieu vous
comble de ses plus riches grâces ! Mon Dieu ! quel digne et
très-humble remercîment vous donner pour tant de bons accueils et assistances
que vous faites à nos [497] très-bonnes Sœurs ! Certes, mon très-cher frère, vous
leur témoignez bien la grandeur de votre bon courage et très-bon naturel. Dieu,
par sa miséricorde, vous rende au centuple tous les biens que vous leur faites.
Ces pauvres filles sont bien étonnées en ce pays-là, mon très-cher frère, car
elles y trouvent grande différence du procédé de nos quartiers. J'espère
toutefois que Mgr leur évêque les laissera vivre dans la sainte liberté de
l'Institut. — Quand nous partîmes dès après le douloureux trépas de notre
précieux et bon prélat, je vous écrivis, mon très-cher frère, comme par sa
volonté nous venions en cette ville pour les affaires de notre Institut, qui
sont allées heureusement, Messeigneurs les prélats ayant approuvé notre
Coutumier, qui était une chose nécessaire. Nous passerons ici l'hiver, et
cependant nous allons employer le temps, d'ici à la Toussaint, à voir
quelques-uns de nos monastères, et par ce moyen voir notre très-cher neveu M.
le baron de Thorens, duquel chacun nous dit beaucoup de bien. Dieu nous comble
de son saint amour, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Marseille.
[498]
FONDATRICE DE LA VISITATION DE POITIERS
La Sainte regrette de ne pouvoir répondre à son désir, et
la rassure sur la crainte de perdre la Mère de Lage de Puylaurens.
VIVE † JÉSUS !
Tours, 22 septembre 1635.
Mademoiselle ma très-chère et très-honorée sœur,
Je supplie notre
divin Sauveur d'accomplir en vous ses saintes volontés. C'est avec regret que
je ne puis donner une entière satisfaction à votre désir, mon âge et mes
infirmités ne me permettant pas de faire un si grand voyage. Mais toutefois le
désir que j'ai de donner quelque satisfaction à votre chère âme me fait
résoudre, s'il faut que je fasse le voyage de Rennes, de vous en donner avis,
afin de me donner l'honneur de vous voir à Notre-Dame-des-Ardilliers, et ce me
sera une double consolation. Je laisse à ma très-chère Sœur la Supérieure de
vous dire combien je vous honore et chéris en Notre-Seigneur. Et, pour
l'appréhension que vous avez de perdre cette chère Mère, je vous supplie, ma
chère demoiselle, de croire qu'elle est à vous pour quatre ou cinq années
encore, après lesquelles Dieu fera naître quelque bonne occasion pour vous
donner un plein et entier contentement ; et cependant demeurez en repos et
jouissez du bien que Dieu vous donne présentement. Sa Bonté ne délaisse jamais
ceux qui le craignent, et fait la volonté de ceux qui l'aiment et qui ne
cherchent que sa plus grande gloire. En ce point gît notre parfait et entier contentement,
ainsi que vous savez fort bien ; c'est pourquoi je ne m'étendrai pas
davantage, me contentant de me dire d'un cœur très-entier et sincère,
Mademoiselle, ma très-honorée sœur, votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [499]
Conduite à tenir dans la tentation. — La vertu acquise au
sein de la lutte est la plus agréable à Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Blois], 4 octobre 1635.
Ma toute chère fille,
J'ai répondu à votre
grande lettre par la main de la fidèle Sœur N., excepté cette dernière feuille
que je me suis réservée à lire et à répondre. Or sus, loué soit Dieu qui permet
les assauts et donne force de les vaincre, puis fait sentir au cœur que c'est
par la seule assistance de sa grâce et divine présence que la tourmente est
apaisée. Ma très-chère fille, je ne désapprouve pas le remède des orties, si la
cause du mal retourne. O mon Dieu ! quelle miséricorde de Dieu de donner
courage à votre chétiveté de rembarrer si fortement les assauts de votre
ennemi ! Ma fille, je vous conjure d'avoir toujours une parfaite fidélité
en cette occasion ; car Dieu se plaît à nos souffrances et batailles, et
ne manque jamais de nous y secourir ; et la pureté conservée emmi de si furieux
assauts est celle que principalement ce divin Sauveur aime et estime. Soyez-lui
donc des plus fidèles dans les occasions, et faites tout effort pour accomplir
les saintes résolutions de votre solitude, afin que vous soyez une lumière dans
celle maison, qui y fasse reluire surtout la très-sainte humilité, douceur
suave et charitable support, accompagnés de sagesse et modestie. Dieu vous en
fasse la grâce, en l'amour duquel je suis entièrement vôtre. Il soit béni.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [500]
SUPÉRIEURE À RENNES
Regret de ne pouvoir aller à Rennes. — On doit tout faire
pour entretenir l'union des cœurs. — Sur le bon choix des sujets. — Sortie d'une
Sœur tourière. — Le monastère du faubourg Saint-Jacques n'a pas été bâti sur le
plan du Coutumier. — Il serait utile de retarder la fondation d'un second
monastère à Rennes. — Affaires. — Travailler avec calme à l'œuvre de sa
perfection. — Dans les circonstances difficiles demander conseil à Dieu plutôt
qu'aux hommes.
VIVE † JÉSUS !
[Blois], 6 octobre [1635].
Ma très-chère et bien-aimée
fille,
Il faut que je vous
avoue en simplicité que je n'ai pas souvenance qu'aucune mortification m'ait
roulé si longtemps dans l'esprit, que celle qui m'a privée du bonheur et de la
consolation incroyables que je me promettais de recevoir en vous voyant ;
mais il n'a pas plu à notre bon Dieu, car si j'eusse entrepris ce voyage, je
fusse demeurée en chemin ; et voilà que pour surcroît toute espérance
m'est ôtée de vous voir, car l'on dit que l'on ne vous permet pas de venir à
cause du danger qu'il y a sur les chemins, causé par les gens de guerre ;
mais je réplique [501] que si cela n'est point, comme [on] le croit ici, [il faut]
que j'aie la consolation de vous voir à Orléans, où je vous attendrai encore
jusqu'au 24. Mais pourtant, ma très-chère fille, ne violentons rien, mais
soumettons-nous humblement et le plus doucement qu'il sera possible à fout ce
qu'il plaira à Dieu ordonner et permettre, nous dépouillant de bon cœur pour le
respect de son bon plaisir, de la plus chère consolation que nous pourrions
recevoir en cette vie. Je parle ainsi, ma fille, ressentant au milieu de mon
cœur votre affection filiale, elle tendre et maternel amour que Dieu m'a donné
pour vous.
Or sus, je vais
répondre à votre lettre, réservant ce qui vous regarde pour vous le dire de ma
main ; cependant, j'emploierai la très-chère petite Mère qui me fait la
charité de bon cœur, et je crois qu'elle vous aime uniquement. La bonne Mère de
Nantes m'a parlé fort particulièrement de votre maison, qu'elle a trouvée en
fort bon état. [Deux lignes inintelligibles.] Cependant Mgr l'évêque et
M. N. m'écrivent en sorte qu'ils semblent croire que ma Sœur la Supérieure ait
donné foi à telle rêverie, ce que je vous assure en vérité n'être pas ;
car elle m'a parlé de vous en des termes si pleins d'amour et d'estime de votre
personne et de votre conduite, qu'il ne s'y peut rien ajouter. Ce lui serait
une sensible douleur si vous aviez quelque ombrage contre elle. J'ai écrit à M.
Moreau que c'est une invention du diable pour empêcher les fruits de l'union
parfaite qui doit être entre vos deux cœurs, et laquelle je vous souhaite pour
votre commune consolation et utilité. Et comme je recommande à cette bonne Sœur
de Nantes de ne rien oublier pour cela, ainsi je le fais à vous, ma chère
fille ; car reconnaissant la sincérité et véritable bonté de vos cœurs,
j'en souhaite l'union cordiale de tout mon cœur. C'est un grand bien, ma chère
fille, d'avoir la bienveillance de votre pasteur ; le bon M. Moreau n'aura
pas une petite récompense au ciel du soin qu'il a pour cela, et pour
l'avancement du bien spirituel et temporel qu'il [502] a pour votre
maison ; notre Bienheureux Père disait : « Faisons bien et ne
nous soucions pas de ce que dira le monde. » Vous avez agi en vraie
servante de Dieu, ma très-chère fille, de ne l'avoir point considéré au sujet
de renvoyer ces filles [quelques lignes illisibles]. Le plus grand bien
qu'une Supérieure puisse faire, c'est de faire un bon choix des filles. Je loue
Dieu qui vous a donné cette affection et le bénis encore des bonnes
dispositions de la nièce de Monseigneur. Quel bonheur, ma fille, qui aurait des
familles toutes composées de tels sujets ! mais il ne faut pas attendre
cela en cette vie. — Quant à la Sœur tourière qui demande à s'en aller, il faut
tâcher de lui faire comprendre le bonheur qu'elle possède et le mal qu'elle se
procure ; mais si elle persévère à s'en vouloir aller, que feriez-vous là,
ma chère fille ? Il la faut laisser aller et la faire absoudre du vœu
[simple] d'obéissance qu'elle a fait.
L'on a reconnu
quelques fautes dans le plan, que l'on va raccommoder et mettre en perfection,
mais non sur le patron de la maison de Saint-Jacques, qui en quelque chose
ressemble plus à une maison séculière que religieuse : cela veut dire pour
l'excessive hauteur des planchers et des fenêtres, car les offices bas sont
trop grands et les cellules trop petites, parce que leur cloître est hors
d'œuvre en appentis, ce qui n'est jamais bien : le temps en donne
l'expérience. — Ma chère fille, quant à votre désir de prendre une maison à
louage pour commencer un second monastère, je cède de tout mon cœur au jugement
de ceux qui sont sur les lieux ; mais puisque vous désirez, ma chère
fille, que je vous dise mon sentiment, il me semble que si vous pouviez encore
couler quelques années sans vous séparer, afin de rendre plus solides celles
qui doivent s'en aller et fortifier celles qui demeurent, il serait très-bien.
Cependant l'on pourrait faire patienter les filles qui prétendent, et
recueillir toujours quelques-unes qui seraient les meilleures, et cela avec
l'intention de les mettre en la seconde maison avec les mille écus [503] de
dot, vous n'en seriez pas plus chargée, car elles demeureraient sous la charge
de la maîtresse deux années. Pour ce qui est de notre Sœur M. -Angélique
[Moüard], je vous prie de croire que ce n'est pas l'inclination de ma Sœur la
Supérieure d'Orléans qu'elle en fasse la poursuite, mais elle est gênée par M.
N., que vous connaissez bien, lequel se tient ferme sur les promesses que vous
lui avez faites de dot ou pension. Bienheureuses les Supérieures qui ne se
mettront point en tel esclavage ! Ce bonhomme voulut quitter nos Sœurs
lorsque je passai par là, sur le refus que je lui fis de vous amener une Sœur
que l'on vous voulait donner. Avec l'aide de Dieu, j'accommoderai cette affaire
avec le moins de charge que je pourrai pour vous, car je suis ennemie de ce
trafic. Mon Dieu, ma très-chère fille, que je suis marrie d'avoir parlé de cet
argent de ce muletier ; je le fis dans la douleur que j'avais de ne
pouvoir aller à vous, cela me toucha fort et je le fis par promptitude.
Je viens à vous, ma
toute chère et bonne fille. « La douceur ne gâte rien », disait notre
Bienheureux Père ; mais avec elle il faut être ferme pour l'observance. Il
ne faut pas toutefois rompre, mais plier, ce que fait la douceur. J'admire vos
Sœurs, qu'il faille que, pour leur parler, vous en perdiez vos exercices. Il
faut un peu alentir cette affection de tant parler, elle nuit même à leur
perfection ; mais il faudra faire cela avec un peu de temps. J'ai peur, ma
fille, que vous ne vous surchargiez trop et que vous ne succombiez sous le
faix. Je vous prie, faites-vous soulager aux écritures : ayez une Sœur
affectée à cela et qui soit discrète et sincère. Marchez à la bonne foi devant
Dieu, regardez-le souvent et fort peu sur vous-même, laissant à sa Bonté le
soin de ce qui vous concerne. Ayez un grand courage et faites toutes choses
tranquillement et gaiement. Et bien que vous ne voyiez pas en vos Sœurs
l'avancement que vous désireriez, ne vous en fâchez point ;
recommandez-les à Dieu, et attendez en patience le temps que sa Providence a
destiné à [504] leur bonheur. Je crains que ces pressures de cœur ne vous
arrivent de l'ardeur que vous avez à l'avancement de vos Sœurs et au
vôtre ; travaillez pour l'un et pour l'autre, mais doucement,
paisiblement, alentissant continuellement les sentiments qui vous peuvent
arriver pour cela, mais je vous en prie, ma fille.
Or, puisque vous
trouvez du profit à manifester si entièrement votre intérieur à M. Moreau, il
faut continuer, mais avec une si sainte liberté que vous n'en receviez aucune
contrainte, ni en votre personne, ni en votre conduite et gouvernement, ni pour
les choses spirituelles, ni pour les temporelles : ce point est important,
afin de laisser agir en vous l'Esprit de Dieu, qui veut Lui-même conduire et
vous et votre maison. Et pour fin, ma très-chère fille, croyez-moi, demandez
plus souvent à Dieu les avis dont vous avez besoin, qu'aux hommes ; car
c'est l'ami fidèle qui se plaît en la familiarité que les âmes prennent en sa
Bonté. Je vous parle avec cette entière confiance, en toute sincérité, comme je
ferais à ma propre âme, vous chérissant en cette qualité, car je suis de cœur
tout à fait à vous. Dieu nous fasse la grâce d'être tout à Lui, c'est notre
vrai désir. Il soit béni.
Notre Sœur
Hélène-Angélique [Lhuillier] m'a écrit qu'elle vous avait envoyé un paquet de
lettres pour moi, croyant que je fusse à Rennes.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[505]
Au sujet de la fondation de Vannes.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 10 novembre 1635.
J'écris à M. le
théologal de Vannes, comme je n'ai vu nulle disposition en nos chères Sœurs du
Croisic pour changer de lieu. Mais il y a quelque apparence d'une semblable
occasion toute convenable pour employer la charité de votre bon et cher cœur,
ma fille. Néanmoins, nous nous étions déjà engagées en un autre lieu pour
cela ; je ne sais s'il réussira ; c'est pourquoi, je n'ai rien su
dire d'assuré en ce sujet à M. le théologal, mais bien lui témoigner
l'affection et résolution que nous avons de correspondre au désir qu'il a de
nous voir établies à Vannes. Or, dites-moi tout franchement et à la bonne foi,
ma très-chère fille, si c'est la volonté de Messieurs vos Supérieurs et la
vôtre, de me laisser entièrement la disposition de l'établissement de ce
lieu-là, comme il me semble que vous me signifiez par la vôtre ; car, en
cas que nous ne l'employions pas à transmarcher une de nos maisons, nous
l'emploierons à faire la charité à une autre maison qui ferait la fondation, et
je vous prie de me répondre à ceci le plus promptement que vous pourrez. Je
vais faire mettre ce mot de lettre à [la poste], n'ayant le loisir de répondre
à vos autres lettres, ce que je ferai, Dieu aidant, et à nos Sœurs qui
m'écrivent, par M. Marcher, notre confesseur, lequel s'en va conduire nos
bonnes Sœurs qui vont fonder à Angers ; car je désire qu'il vous aille
voir, puisque je n'ai pas eu ce bonheur de recevoir moi-même cette consolation,
notre bon Dieu ne l'ayant pas voulu. Je le bénis de tout mon cœur de toutes
choses et en toutes choses, et le prie nous combler de ses grâces, demeurant
très-véritablement votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes. [506]
À FRIBOURG
Conseils pour la fondation du monastère de Fribourg. —
Approbation du Coutumier. — Éloge des monastères que la Sainte a visités. —
Mieux vaudrait ne jamais s'établir en Allemagne que d'y manquer aux observance
et à l'esprit d'humilité et de simplicité. — Éviter toute exagération dans ses
paroles.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 8 décembre 1635.
Ma très-chère fille,
Je loue Dieu des
bénédictions qu'il répand sur la maison de Besançon, et de la bonne conduite de
ma Sœur l'assistante, qui se fait aimer du dedans et du dehors ; mais j'ai
pourtant ouï dire, ma chère fille, qu'elle est fort jeune, ce qui me fait
croire que vous regarderez un peu à laisser quelqu'un en cette maison qui vous
puisse succéder en la charge de Supérieure. Cette chère Sœur l'assistante m'a
écrit, et me mande les artifices et les menées de ma Sœur Louise-Madeleine.
J'ai toujours bien cru que cet esprit était fâcheux, l'ayant bien connu,
nonobstant que vous m'en ayez écrit tant de merveilles. Ma chère fille, je lui
écris selon votre désir, et une lettre qui ne lui donnera point de
vanité ; mais je mande à ma Sœur l'assistante de ne lui [507] pas donner
ma lettre, si elle juge que cela puisse la troubler, et en ce cas qu'elle la
lise au Chapitre, afin que nos Sœurs connaissent que tout ce qu'elle dit que
j'ai contre vous est très-faux, et qu'elles ne se laissent point persuader ni
attirer par ses paroles.
Quant à ce qui est
de votre établissement à Fribourg, je crois que si à Pâques vous n'en avez une
résolution, vous vous devez toutes retirer en votre maison de Besançon, et cependant
vous pouvez condescendre un peu au petit désir de Monseigneur, tant pour
apprendre la langue que la musique. Or je ne comprends point, ma chère fille,
comme quoi cet établissement se fera. Pour ce qui est du temporel, je crois
bien que vous y ferez fournir la maison de Besançon ; mais, pour sa
conduite, vous me dites que j'y pourvoie d'une Supérieure. Je ne désire pas y
en établir une autre que vous, ma très-chère fille ; car, comme vous
voyez, ce peuple ayant goûté votre esprit, il ne leur faudrait pas parler de
leur en donner une autre, outre qu'il ne serait pas à propos de le faire. Si
Dieu veut se servir de vous pour porter ce petit Institut dans l'Allemagne, je
n'ai rien à vous dire, ma très-chère fille, sinon que vous y portiez toujours
votre cœur plein d'une fidèle et inviolable affection d'établir pat-tout la
parfaite observance dans une véritable humilité, simplicité et charité ;
et pour vous, ma fille, que vous ayez un grand courage, et vous teniez
très-basse de ce qu'il lui plaît se servir de vous pour l'augmentation de sa
gloire. Quant aux établissements de Salins, Gray et Pontarlier, il en faut
laisser le soin à la divine Providence, qui saura bien y pourvoir, si elle veut
qu'ils se fassent. Nous savons bien, ma très-chère fille, comme nous [plusieurs
mots effacés], et voyons encore l'estime que vous faites de ma Sœur
l'assistante de Besançon ; que si elle est si capable et qu'elle ait l'âge
de profession et l'autre [trente ans] ou environ, vous pourrez bien la laisser
là pour succéder en votre charge ; mais l'on m'a dit qu'elle est fort
jeune d'âge et de profession. [508]
Vous savez, ma chère
fille, comme nous sommes venue ici pour le bien de l'Institut, et pour faire
approuver notre Coutumier, ce que Messeigneurs les prélats ont fait très-cordialement,
et ils n'y ont rien ajouté que quelques petites choses, que je me suis souvenue
être des intentions de notre Bienheureux Père, pour nous affermir davantage en
nos observances ; et le monastère d'Annecy demeurera toujours fondamental
aux autres, et l'on y aura recours pour toutes les difficultés, selon les
intentions de notre saint Fondateur. — Nous avons reçu grande consolation de
passer par divers de nos monastères ; et à ce mois de septembre je suis
allée en celui de Melun, Orléans, Blois et Tours, où plusieurs de nos Sœurs les
Supérieures de là autour nous sont venues trouver. Je ne vous puis dire, ma
chère fille, la satisfaction que ce m'a été de voir reluire en ces chères
communautés le vrai esprit d'humilité, pauvreté et d'une exacte observance. Il
y a un mois que nous sommes de retour à nos maisons de Paris, où Notre-Seigneur
répand aussi beaucoup de bénédictions, ce qui ne m'est pas une petite
consolation. Nous passerons, Dieu aidant, ici l'hiver, pour nous en retourner
au commencement du printemps, moyennant la grâce de Dieu, que je supplie vous
combler et toute votre chère troupe de ses plus saintes grâces. Je les salue
toutes très-cordialement et leur souhaite le parfait esprit de notre saint
Fondateur. Je vous prie, ma chère fille, de faire quelques prières pour les
affaires de ce Bienheureux, afin qu'il plaise à sa Bonté de manifester sa
gloire à tant de monde qui le souhaite, et je demeure de toute l'affection de
mon cœur, très-véritablement, votre très-humble, etc.
[P. S.] Ma chère fille, quand je dis que vous pourrez
laisser ma Sœur l'assistante en votre place, si elle a l'âge, j'entends que, si
votre Supérieur et vos Sœurs conseillères le jugent à propos, vous la pourrez
mettre sur le catalogue de celles qui pourront être élues. — J'ai aussi fait
réflexion sur cette [509] musique : je n'entends pas que vous la puissiez
chanter à l'Office. J'aimerais mieux que nous n'allassions jamais en Allemagne,
que d'y manquer à un seul point de nos observances, et à l'esprit d'humilité et
de simplicité propre aux Filles de la Visitation ; et puis tout cela ne
sert qu'à donner de la vanité aux filles.
Il faut encore vous
dire, ma chère fille, que cela m'a un peu touché le cœur de voir les termes
dont vous parlez de votre assistante, disant : cette excellente, cette
digne, et en un autre endroit, incomparable et admirable assistante. Mon
Dieu ! ma fille, que nos affections ne nous fassent point user de
certaines exagérations, contre ce qui est marqué. Votre bon cœur me donne la
confiance de vous dire ainsi tout ce que je pense, dans l'assurance que j'ai
que vous le voulez bien. Dieu, par sa bonté, vous rende toute sienne, ma chère
fille. — Monastère du faubourg.
Conforme à l'original garde aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
MAÎTRESSE DES NOVICES, À ANNECY
Avantages des tentations ; moyens de les combattre.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1635.]
Vous attribuez tout,
ma chère fille, à votre négligence. Prenez le bien qui vous est donné, et ne
courez pas après quand Dieu le retire. Vous ferez et serez ce que Dieu voudra,
quand vous vous tiendrez ferme en sa voie, sans désirer autre chose que [510]
ce qu'il veut. Dieu permet que vous ayez des doutes contre la foi, afin de vous
obliger à en faire des actes fréquemment ; car, voyez-vous, ma fille, Il
n'envoie les tentations qu'à des âmes qu'il prétend élever à une haute
perfection. Pour tous ces doutes et ces craintes d'y consentir, c'est l'esprit
malin qui fait cela ; c'est pourquoi, ma fille, ne lui répondez rien,
sinon : Arrière de moi, Satan, car je me repose toute en mon Dieu.
[511]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Reconnaissance envers l'évêque de Montpellier. — Visites
faites à différents monastères. — Projet de voyage pour l'année suivante. —
Avis spirituels.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 10 décembre [1635].
Ma très-chère fille,
C'est bien la vérité
que Monseigneur votre digne et très-vertueux prélat était notre conseil ;
car je lui ai une très-véritable et entière confiance, et son affection à notre
Institut est incomparable. L'on fit encore hier la communion générale pour lui,
afin qu'il plaise à notre bon Dieu nous le conserver longuement pour sa gloire,
car certes nous lui avons de très-grandes obligations. Je suis bien consolée,
ma chère fille, de ce que vous êtes maintenant sur la fin de votre bâtiment, et
qu'il vous a donné de l'argent pour cela ; cette adorable Providence vous
pourvoira de tout ce qui est requis pour faire votre maison, comme je l'en
supplie de tout mon cœur.
Il faut bien, selon
mon affection au vôtre, vous dire un peu de nos petites nouvelles et comme, à
ce mois de septembre et d'octobre, nous avons été voir nos bonnes et chères
Sœurs de Melun, Orléans, Blois et Tours ; et là nos chères Sœurs des maisons
plus proches nous sont venues trouver. J'y ai, je vous assure, ma chère fille,
reçu beaucoup de satisfaction de voir reluire en ces chères communautés
l'esprit d'une véritable humilité, pauvreté et d'une exacte observance. Nous
sommes maintenant de retour en nos maisons de Paris, où Dieu verse aussi
abondamment ses saintes grâces : nous y passerons, Dieu aidant, l'hiver
pour nous en retourner au printemps. Que si l'on me commande d'aller à vous,
croyez que je le ferai de bon cœur, ma très-chère fille. Nous pourrons
difficilement partir [512] d'ici devant Pâques, et il nous faudra repasser par
la Bourgogne ; cela mangera le mois d'avril. Je ne sais si, après cela,
les chaleurs du mois de mai et de juin pourront être supportées en vos
quartiers ; car je crois qu'il faudra bien deux mois en ces quartiers-là.
Mandez-le-moi un peu, ma très-chère fille. Je ne manquerai de faire ce qu'il
faut vers madame de Meignelay. Au reste, votre intérieur va bien, grâce à Dieu.
Il faut un peu se divertir de ses abattements et mélancolies ; mais je
vois que le fond de l'esprit n'en est pas pénétré, et que là Dieu vous fait
sentir sa suave présence et un repos et confiance en sa bonté ; cela vaut
mieux que de fondre en de grandes ardeurs et sentiments. Vous avez un bon
Maître, qui vous connaît et qui prend soin de vous conduire ; vous n'avez
besoin que de suivre ses divines lumières et attraits et vous contourner selon
son bon plaisir, sans résistance. Je supplie sa Bonté d'accroître en vous son
saint amour, auquel je suis et serai sans fin et de tout mon cœur toujours
vôtre. — Monastère du faubourg.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À RENNES
Voyage de M. Marcher à Rennes. — Additions au Coutumier. —
Quel est pour l'oraison l'attrait ordinaire des Filles de la Visitation. — Une
Supérieure ne doit pas quitter les exercices de communauté pour parler en
particulier à ses Sœurs.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1635.]
Ma très-chère fille,
Voilà donc notre bon
M. Marcher que j'ai prié de vous aller voir, afin qu'il m'apportât de vos
nouvelles et de celles de votre chère communauté, puisque Dieu a permis que
j'aie été privée de la voir. Il vous montrera les points qui ont été accrus
dans [513] le Coutumier, qui sont les intentions de notre Bienheureux, que les
occasions nous ont fait voir nécessaire d'être exprimées aux Filles de la
Visitation. Si vous trouvez bonne la proposition que nous vous avons faite, par
nos dernières lettres touchant Vannes, soit pour y transmarcher une maison ou
pour y en fonder une nouvelle, il [M. Marcher] pourra aller jusque-là. Je vous
répète encore, ma très-chère fille, et sans autre intérêt que la gloire de
Dieu, que ce sera le grand bonheur de nos Sœurs de ne se point séparer si
promptement, ains de travailler ensemble pour s'établir en la parfaite et
solide vertu de leur vocation. — Je vous ai déjà écrit et répondu touchant le
changement de vos officières, qu'il n'est que bon de laisser reposer les
anciennes pour mettre les jeunes en pratique, et voir un peu comme elles se
comporteront dans les charges.
Quant à l'oraison de
cette bonne Sœur qui écrit à ma Sœur Angélique, et de celles dont vous
m'écrivez dans votre lettre, ma très-chère fille, je n'y vois rien qui ne soit
bon, et c'est la manière d'oraison plus ordinaire que Dieu donne aux Filles de
la Visitation, ainsi que je le dis dans les Réponses ; car, d'ordinaire,
une âme qui commence comme il faut les pratiques de son noviciat y est assez
promptement conduite ; et, persévérant en sa fidélité d'agir, cela veut
dire d'ajuster ses inclinations à l'obéissance et à la pratique des vertus,
Dieu les avance et les affermit grandement en cette manière d'oraison ; et
quelquefois nous avons vu que Notre-Seigneur la donne aux âmes encore
imparfaites, pour leur donner courage de se perfectionner. Que si elles ne
correspondent aux desseins de Dieu et ne suivent les lumières qu'elles
reçoivent, très-assurément elles en seront retirées, ou bien elles se trompent,
en la pensée qu'elles ont de ne pouvoir faire des considérations, et peut-être
se veulent-elles mettre d'elles-mêmes en cette manière de prier, ce qu'il ne
faut jamais faire, non plus que de les en tirer et de les empêcher d'y cheminer
lorsque Dieu les y attire, et cela serait un grand mal. [514]
Voilà, ma très-chère
fille, ce que selon mon peu de loisir je vous puis dire, et que, si vous
désirez, vous pouvez communiquer à vos Sœurs ; et, pour abréger, je leur
dis que la bonne oraison produit la bonne opération. Cependant, je loue Dieu du
bon état de votre maison et de la paix et union qu'il y répand, qui est le vrai
bonheur des âmes religieuses. Et j'espère que dans les bonnes dispositions qui
règnent dans votre famille, Dieu y affermira le vrai esprit de cette vocation,
qui est humble, doux et simple, et vous accroîtra par ce moyen la consolation
que vous en recevez.
Mais, ma très-chère
fille, je vous conseille de ne vous pas tant travailler après ces chères âmes
que vous en quittiez vos communautés et vos exercices ; car cela ne se
doit faire que pour des occasions rares et fort nécessaires. L'on m'a dit que
vous maigrissez grandement : prenez garde à cela, car il faut durer au
travail, ce que vous ne. pourrez faire si vous en prenez par-dessus vos forces.
Faites donc tout doucement ce que vous pourrez pour le bien de ces chères âmes,
sans toutefois vous abandonner, sinon entre les mains de Dieu ; car la
charité bien ordonnée commence à soi-même. Prenez donc, autant qu'il se pourra,
le temps de faire vos exercices, de prendre votre repos et vos repas avec la
communauté, et puis vous regagnerez le temps de servir le désir de vos
Sœurs : c'est un avis que notre Bienheureux Père me donna une fois. Ma
fille, j'ai envie que vous viviez longuement au service de Dieu ; car j'ai
confiance que sa Bonté veut tirer sa gloire de votre petitesse. Aimez bien ce
divin Sauveur et portez toutes vos Sœurs à ce divin amour, avec un esprit de
sainte liberté et de joie. Assurez-vous de mon cœur pour être tout à fait
vôtre. — Caressez cordialement, selon votre modestie, notre bon M. Marcher, car
il est vertueux. Il m'a dit qu'il serait bien aise de voir cette petite Mère de
Rennes que j'aime tant. Il vous donnera à voir le chapitre de l'union et
l'approbation des prélats, et vous dira comme toutes nos petites [515] affaires
sont passées au gré de tous nos bons seigneurs les évêques. Si Mgr de Rennes
veut signer, j'en serai bien aise, sinon n'importe, Mgr de Montpellier a
emporté le tout à Rome. Ma fille, je suis vôtre de cœur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes,
MAÎTRESSE DES NOVICES, À RENNES
Elle lui recommande l'humilité, la confiance et la pureté
d'intention.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1635.]
Ma très-chère fille,
Ayant lu votre
lettre, je trouve que je n'ai rien à vous dire, sinon que de tout mon cœur je
supplie la divine Bonté de vous continuer ses saintes lumières et la fidélité
de les suivre, surtout celle de la véritable connaissance de l'imbécillité et
faiblesse humaines, et de référer à sa divine Bonté l'honneur et la gloire de
tous ses dons, et du peu de bien qu'il daigne opérer par vous. Persévérez à
cheminer avec une très-humble confiance et pureté d'intention et d'action, et
me conservez le souvenir que vous me promettez devant Dieu, puisque je suis
sincèrement très-désireuse de votre vrai bien et toute vôtre.
J'écris un billet à
toutes nos Sœurs qui m'écrivent, m'étant impossible de le faire à toutes en
particulier ; faites-leur trouver bon. J'ai peine meshui à porter la
fatigue. Ressouvenez quelquefois nos bonnes Sœurs de me recommander à la divine
Miséricorde. Je leur souhaite à toutes en général et à chacune en particulier
les richesses du saint amour de notre doux Sauveur, qui soit béni éternellement.
Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes. [516]
ANNÉE 1636
RECTEUR DU COLLÈGE DE PONT-À-MOUSSON
Regrets de ce que le monastère de Metz n'a pas pu subsister.
Retour des Sœurs fondatrices.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 21 janvier 1636.
Mon Très-Révérend Père,
La distance des
lieux n'a pas diminué la charitable et sainte affection que Dieu vous a donnée
pour nous, de laquelle je vous demande la continuation, en nous donnant part en
vos saints sacrifices.
Non, je vous assure,
mon très-cher Père, je ne me suis point rendue aux premiers coups de la défaite
de notre maison de Metz, ni aux derniers, car j'ai combattu jusqu'à
la fin. Et quoique Mgr de Madaure et M. de la Goille, M. et madame de Faverolle
aient dit et écrit plusieurs fois, qu'absolument nos Sœurs n'y [517] pouvaient
subsister, je n'ai pas laissé de persister de leur écrire de mon côté qu'elles
demeurassent ; et cependant mondit seigneur leur prélat nous en a envoyé
sept à notre insu, attendant le reste un de ces jours, et crois bien plus que
leurs maisons seront déjà vendues, si celle que Votre Révérence en a écrite à
M. de la Goille ne les a retardées. L'affaire étant en cet état, il n'y aurait
pas assurance de penser à s'y établir de nouveau. Et pour moi, je suis si lasse
d'établir [des monastères] qu'une des désagréables nouvelles que je puisse
recevoir est quand on me parle d'en faire au temps où nous sommes.
Nous espérons
replacer celui-ci à Chartres. Cependant, mon très-cher Père, vous nous obligez
bien fort de la part que la charité vous fait prendre en nos petits intérêts,
et prie Notre-Seigneur qu'il vous comble en reconnaissance de ses plus
spéciales faveurs. C'est en son saint amour que je suis pour jamais, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nancy.
SUPÉRIEURE À POITIERS
La Sainte hésite à envoyer un Coutumier à l'évêque de
Poitiers.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 3 février 1636.
Ma très-chère fille,
Mon Dieu ! il
me fâche d'envoyer notre Coutumier en l'état qu'il est à Mgr de Poitiers ;
car, comme vous savez, ma chère fille, il est bien mal en ordre étant tout
rapetassé, et nous n'avons que celui-là. Aussi, d'en faire copier un autre,
nous n'en n'avons point d'envie, car cela serait bien long ; de sorte que,
si vous ne lui en avez point parlé, nous nous en [518] passerons ; mais,
si vous lui en avez dit quelque chose, il faudra bien lui en envoyer un. En ce
cas, vous nous ferez savoir si vous jugez qu'il n'y ait point de danger de lui
envoyer le nôtre tout tel qu'il est, ou s'il nous en faudra faire faire une
autre copie. Nous attendrons votre réponse, que je vous prie, ma chère fille,
que nous ayons au plus tôt. Cependant, je prie notre divin Sauveur qu'il soit
l'unique amour de nos cœurs, et suis, ma très-chère fille, toute vôtre de cœur.
[P. S.] Ma très-chère fille, je salue par votre
entremise très-chèrement et de cœur madame votre chère fondatrice et toute
votre chère troupe.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE D'ANNECY
Encouragement à correspondre aux grâces de Dieu. —
Diverses nouvelles.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 5 février [1636].
Ma très-chère fille,
C'est sans loisir
que je fais ce billet, étant accablée d'occupations. Mon Dieu ! que je
chéris votre cœur et que je remercie affectionnément la divine Bonté des
bénédictions qu'il lui donne ! Ma fille, il faut bien suivre constamment
ces divines lumières et conserver les sentiments si précieux qu'il vous donne.
Je crois que cette souveraine Bonté fera de grandes choses par vous, pour sa
gloire et le bien de l'Institut ; mais il y faut correspondre avec un grand
et très-humble courage.
Votre petite troupe
m'est à grande consolation de cheminer si fidèlement. Dieu lui veuille
continuer sa sainte grâce ! [Plusieurs lignes illisibles.] [519]
Ma fille, priez fort
Dieu pour moi, et que vos chères filles y aient de l'affection.
Il faut que vous
écriviez à M. le commandeur, et je salue chèrement mes bonnes Sœurs. — Vous
avez bien fait d'ôter notre Sœur J. M. du noviciat. Je salue à part notre Sœur
F. -Angélique [de la Croix de Fésigny] ; mais d'écrire il n'y a pas moyen.
M. Marcher se rend
aimable à tous : il sera fort sage et bon confesseur. — Ma Sœur
l'assistante, qui est notre chère Sœur H. A., a un cœur incomparable en son
zèle et affection au bien de ces deux maisons de Nessy : si elle peut,
elle vous donnera une bonne fille avec sa dot, pour le bâtiment. Ma fille, je
suis vôtre de cœur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
L'âme religieuse ne doit chercher de joie qu'en Dieu seul.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 1636.]
Que fait votre cœur,
ma plus chère et bien-aimée fille ? Certes, le mien en désire un peu des
nouvelles avant mon départ de ce pays. Eh ! je vous conjure, ma fille, de
le tenir au-dessus de vous-même et de toutes les choses créées, et, avec une
sainte générosité, le faire contenter de Dieu seul et prendre en Lui ses
contentements et son unique repos. Cette Bonté immense veut cela de vous, ma
chère fille, et que vous retiriez votre esprit avec douceur de tout autre objet.
Qui ne cherche que Dieu, qui ne veut que Dieu, le trouve en toutes choses, oui
même dans les plus fâcheuses et répugnantes à notre goût. Comme donc se
cacherait-il, et ne le trouverions-nous pas en la sainteté de [520] notre
vocation et en la douceur de ses exercices ? Ma fille, voilà l'état où mon
âme désire la vôtre très-chère ; car je l'aime d'un amour parfait, votre
très-chère âme, et ne sais que je ne voudrais pas faire pour sa consolation.
Adieu, ma fille ; priez pour celle qui est toute vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Voiron.
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
On prépare une fondation à Alby. — Désir que la Mère A. T.
de Préchonnet soit Supérieure à Dijon.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 4 mars 1636.
Ma très-chère fille,
J'ai enfin eu la
consolation de voir cette bonne et vertueuse dame [de Vennac] ; elle m'a
tant dit de raisons sur le dessein qu'elle a de faire un monastère à Alby, que
j'ai été contrainte de m'y rendre, et je crois qu'il faudra condescendre à son
désir ; et en ce cas, j'espère que les maisons où l'on prendra des filles
pour cette fondation, qui, je crois, seront de chez vous et de Saint-Flour,
donneront quelque chose à ce pauvre monastère de Riom. Cette dame voudrait, ce
semble, que ma Sœur [M. -Michelle] des Roches fit cette maison ; mais je
pense que l'on ne peut pas empêcher qu'elle ne soit proposée en votre élection.
L'on témoigne que l'on désirerait que vous y fussiez employée, ma chère fille.
Pour nous tirer de l'embarras où nous mettent Messieurs vos parents, si vous le
désiriez, ma fille, et que vous en reçussiez consolation, j'en serais bien
aise, au cas que cela se pût ; mais je dirai en confiance à votre cœur, ma
chère fille, que je serais bien aise que vous fussiez à Dijon, car il me
fâcherait de vous voir si loin de nous, et comme Dijon [521] est une ville
importante, je ne vois pas autre que vous, qui y pût être utile. Je ne crois
pas que Messieurs vos parents vous pussent empêcher cela, puisqu'on leur en
propose d'autres pour Riom, s'ils les veulent accepter. L'on ne pense pas de
faire, mais de proposer. J'espère, ma chère fille, que votre bon cœur me
mandera confidemment au plus tôt votre sentiment.
Je vous dirai encore
que je serais bien aise qu'au lieu de faire une nouvelle maison, [on aidât] les
autres ; néanmoins je ne contrarie point à cette dame pour Alby, parce que
c'est en Languedoc et une bonne ville. L'on y pourra envoyer ma Sœur [A.
-Charlotte] de Cordes, en cas qu'elle ne soit pas élue à Montferrand Ma
très-chère fille, votre très-humble, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nantes.
Envoi d'une lettre pour Mgr de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1636.]
Ma très-chère fille,
voilà ce que je viens de recevoir ; vous verrez dans la mienne ce qui vous
touche. Fermez celle de Mgr de Paris, et je pense que vous lui devez envoyer au
plus tôt. Et, pour Dieu, ma fille, s'il se peut, ayons résolution pour faire
venir votre Sœur N., si on la veut ; car vous voyez ce que Monseigneur me
dit, que j'arrête [jusqu'à ce] qu'elle soit ici. Cela me mange mon temps pour
les autres maisons. Bonjour, ma très-chère fille, et à toutes nos Sœurs. Dieu
vous remplisse toutes des fruits de sa sainte Passion. D. S. B. — Mercredi
malin.
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans. [522]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Promesse de visiter les monastères du Midi.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 17 mars 1636.
Ma très-chère fille,
J'ai reçu mon
obéissance de M. le doyen, notre supérieur d'Annecy, pour passer jusqu'à vous.
J'espère, Dieu aidant, que nous partirons de Paris aussitôt après la Quasimodo ;
mais, comme je dois aller par la Bourgogne et voir quantité de nos maisons,
où je n'ai point encore été, je ne pourrai être à Lyon qu'environ le
commencement de mai. Et là, ma chère fille, je vous prie que je trouve de vos
lettres, qui m'assurent comme je pourrai aller jusqu'à vous, sans le hasard des
soldats, et cela mandez-le-moi en simplicité, tâchant de le savoir bien
assurément ; car je me souviens que notre Bienheureux Père m'a une fois
dit de ne me pas mettre sur les chemins où l'on savait qu'il y en avait.
Mandez-moi aussi, ma fille, si je pourrai, à cause des chaleurs, y aller en ce
temps-là ; car le chaud a toujours été fort contraire à ma complexion, et
l'est encore davantage maintenant à cause de mon âge, joint aussi que depuis
quelque temps je me trouve fort incommodée. Considérez cela, je vous
prie ; ce sera environ la fin de mai, ou au commencement de juin que je
pourrai être vers vous. Que si vous trouviez plus commode pour moi d'y aller à
l'automne, faites-le-moi savoir, et que je reçoive de vos lettres quand nous
arriverons à Lyon. Prenez aussi la peine d'avertir nos maisons de la Provence
parce que je ne puis écrire partout.
Vous pouvez penser,
ma chère fille, la consolation que mon cœur recevra d'entretenir un peu votre
cœur, que le mien certes aime bien chèrement. Priez notre bon Dieu pour notre
[523] long voyage, qui est un peu à craindre pour mon âge. J'espère que sa
divine Bonté nous donnera ce qui sera besoin, et qu'il en tirera de l'utilité
pour nous affermir toujours de plus en plus en la sainte observance de nos
Règles, qui est tout ce que je prétends en ce voyage. Je salue chèrement toutes
nos Sœurs, et leur souhaite la perfection du saint amour, et suis de
tout mon cœur, ma chère fille, vôtre,
en toute sincérité.
Voyez-vous, ma
fille, je serai bien aise de vous voir ce printemps, pourvu qu'il se puisse
bonnement. Mandez-moi donc à Lyon ce que je devrai faire. Quand j'y arriverai,
que j'y trouve de vos lettres.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
MAÎTRESSE DES NOVICES, À DRAGUIGNAN
Il faut retrancher soigneusement tout retour inutile sur
soi-même.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1636.]
Ma
très-chère fille,
Béni soit
éternellement le divin Sauveur de nos âmes ! J'ai lu votre lettre, où je
vois toujours votre exactitude à tout dire par le menu. O ma fille ! en
peu de mots il faut que je vous réponde. Mon Dieu ! n'y a-t-il moyen que
vous retranchiez ces réflexions sur vous-même ? Je vous supplie, ma
très-chère fille, travaillez à le faire, mais suavement et sans empressement,
et ne veuillez point tant voir ce qui se passe en vous ; car je vois que
le bien et le mal vous l'examinez de fort près, et voulez tout discerner et
puis le bien tout dire par le menu, ce qui n'est qu'une propre recherche et
vaine satisfaction. Tâchez donc de vous simplifier et ne vouloir voir que Dieu
en ce qui se passe en vous, je dis d'une vue arrêtée ; car ce qui sera
nécessaire que vous manifestiez
ou pratiquiez, Dieu lui-même le [524] conservera dans votre esprit, pour le
produire en son temps. Je vous prie donc de vous simplifier le plus qu'il vous
sera possible, retranchant toutes réflexions sur vous-même. Je dis toutes et
sur toutes choses. Tâchez de remporter cette victoire sur vous-même, et Dieu
vous bénira, ainsi que de tout mon cœur j'en supplie sa Bonté ; et vous,
ma fille, de me recommander souvent à la divine miséricorde et de ressouvenir
vos chères Sœurs de le faire. Je les salue toutes cordialement, et supplie
Notre-Seigneur vous combler des grâces et mérites de sa sainte Passion. Toute
je demeure vôtre, d'une affection très-sincère.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SA FILLE, À ALONNE
Elle lui annonce l'époque de son passage à Dijon. — Désir
de l'y rencontrer.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 2 avril 1636.
Ma très-chère fille,
Je n'ai reçu que
votre lettre datée du 12 du mois passé, et celle que vous m'écrivîtes il y a
longtemps ; il faut donc que les autres que vous me marquez aient été
perdues sur les chemins. Celle-ci est pour vous donner avis que nous espérons
partir lundi prochain, pour arriver le jeudi ou vendredi 18 de ce mois à Dijon,
où je ne ferai que passer sans y séjourner ; car l'équipage qui nous mène
est si excessivement cher que je ne puis arrêter. De là, nous irons à Châlon. Si vous m'y voulez venir trouver pour nous y
voir, ou même à Dijon, vous me [525] ferez un très-grand plaisir, ma très-chère
fille ; et si votre litière était en état que vous me la puissiez prêter
depuis Châlon jusqu'à Lyon, et l'y faire tenir prête, vous m'obligeriez bien
fort. — Je vous prie de m'excuser, ma chère fille, si je ne vous écris pas de
ma main ; j'ai une défluxion sur l'œil qui m'en ôte le moyen, mais non pas
de vous saluer très-chèrement du cœur, ni de vous souhaiter l'abondance des
plus chères bénédictions du Ciel. Je suis, vous le savez, votre Mère tout
cordialement, avec espérance de vous voir. — Notre chère Sœur H. A. vous salue
un million de fois très-humblement et chèrement, ma chère fille.
[P. S.] Je salue très-humblement M. l'abbé de
Toulonjon. Si je trouve un équipage à Dijon, j'y arrêterai quelques jours. Vous
avez bien de l'obligation à votre oncle pour votre affaire, car il en a pris
tout le soin possible, et a couru trois jours pour avoir votre partie. Je vous dirai
celle affaire et le reste quand nous nous verrons, ma chère fille.
SUPÉRIEURE À MONTARGIS
Pourquoi Dieu envoie les contradictions. — Nécessité
d'unir la fermeté à la douceur.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1636.]
Il me semble quand
vous me parlez ou m'écrivez, que je vois clairement le fond de votre cœur. Je
ne doute pas, ma très-chère fille, que tout ce que vous me mandez ne vous ait
touchée vivement, mais Notre-Seigneur permet quelquefois qu'il nous arrive des
mortifications et contradictions pour l'exercice de notre fidélité en son saint
amour. Parmi tout cela, il faut lâcher de tenir toujours son esprit en paix
auprès de Notre-Seigneur, et se confier en sa bonté qu'après la bourrasque le
calme viendra ; il faut pourtant tâcher d'apporter du remède. [526]
Ce n'est pas sans
douleur qu'il faut que je repasse d'un autre côté ; j'aurais bien souhaité
de vous revoir ! Il faut en cela se soumettre à Dieu. Pour ce qui vous
regarde, tâchez de conserver l'esprit d'humilité et douceur, que Dieu vous a
donné, mais prenez garde à être ferme, pour faire que vos filles marchent dans
une exacte observance de tout ce qui nous est marqué, et surtout nourrissez vos
filles d'une dévotion solide et généreuse, non molle et tendre : voilà ce
que je vous recommande, vous disant adieu. Je vous assure que j'aime chèrement
votre cœur ; demeurez bien avec Notre-Seigneur, et le priez et faites
prier pour moi, afin que sa divine Bonté me fasse la grâce de passer le reste
de ma vie selon son bon plaisir.
Extraite de la Vie manuscrite de la Vénérable Mère A.
-Marg. Clément.
ARCHEVÊQUE DE TARENTAISE, À MOUTIERS
Prière d'intervenir dans les affaires de la fondation de
Turin. — Promesse de recevoir une postulante recommandée par le prélat.
vue † JÉSUS !
[Paris, avril 1636.]
Monseigneur,
De vrai, je crois
que votre bonté doit derechef employer sa charité et ses faveurs vers Son
Altesse Royale, pour obtenir des jussions puissantes pour vaincre les
difficultés de Messieurs du Sénat, afin qu'un si grand bien ne soit pas
longtemps retardé. J'écris à notre très-chère Sœur la Supérieure de [527]
Chambéry que nous devons aussi faire de notre côté tout ce qui se pourra pour
cela. J'ai confiance que notre bon Dieu fera enfin réussir ce dessein à sa
gloire.
Venant à la bonne
mademoiselle Machet, ses parents ont bien raison, Monseigneur, de croire que
votre recommandation a tout pouvoir sur nous. Nous l'avions déjà assurée de
notre affection ; mais nous la lui reconfirmerons encore de plus fort. Et
vous assure, Monseigneur, que si Dieu nous fait passer en Piémont, comme l'on
nous en donne toujours l'espérance, nous la consolerons : mais nous ne le
pouvons faire devant. Que si ce voyage se fait, ce ne sera pas sans recevoir
l'honneur et la consolation que votre bonté nous offre avec tant de charité. —
Je supplie Notre-Seigneur vouloir combler votre digne cœur des mérites et
sainte joie de sa glorieuse Résurrection. Monseigneur, je demeure de cœur
votre, etc.
[P. S.] Nous ne manquons pas, Monseigneur, de faire
la communion générale que vous désirez, et de très-bon cœur.
DOYEN DE LA COLLÉGIALE DE NOTRE-DAME D'ANNECY, PÈRE
SPIRITUEL DU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION
La Sainte se dispose à passer en Provence. Deux Sœurs
données par le monastère de Paris la précéderont à Annecy. — Bénédictions que
Dieu répand sur l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 5 mai 1636.
Monsieur mon très-honoré Père,
Nous voici
heureusement arrivée, grâce à Dieu, à Lyon, d'où nous partons pour aller voir
nos chères Sœurs de Provence, selon qu'il vous a plu nous le commander. Nous
ferons toute la diligence possible afin de recevoir la consolation de nous
revoir bientôt auprès de vous, mon très-cher Père, et de nos [528] bonnes
Sœurs : bonheur et consolation que je recevrai de bon cœur quand il plaira
à Dieu de m'en faire jouir.
Cependant, mon
très-bon et cher Père, nous envoyons les deux Sœurs que nos Sœurs de Paris nous
ont données. La professe est pour la petite maison, pour laquelle nos Sœurs
donneront deux mille écus dans un an, ne l'ayant pu faire plus tôt ; et,
si la petite prétendante que nous envoyons à notre première maison
réussit et fait profession, je pense que nos [529] Sœurs lui donneront une dot
suffisante, n'ayant voulu s'engager pour autres deux mille écus. — Encore vous
faut-il dire, mon très-cher Père, la sainte consolation que Dieu m'a donnée du
bon état où j'ai trouvé une douzaine de nos maisons, que j'ai vues sur notre
chemin de Paris ici. Je vous assure que Dieu y répand de grandes bénédictions,
surtout celles de l'union, paix et affection à l'observance. La divine Bonté
leur continue cette grâce, s'il lui plaît, et vous donne une constante et
longue santé, et par-dessus tout le comble de son saint amour !
Je demeure en tout
respect et de tout mon cœur, après vous avoir demandé votre sainte bénédiction
et la continuation de vos saintes prières, mon très-honoré et très-cher Père,
votre très-humble, etc.
[P. S.] Je salue humblement, mais très-cordialement,
madame votre chère mère, et je suis sa servante.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE D'ANNECY
La Sainte communique à la Mère de Blonay l'état de son âme
et en reçoit de la satisfaction.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1636.]
Ma très-chère mère,
Je ne vous saurais
dire assez à mon gré la consolation que je reçois ici avec la bonne Mère [de
Blonay]. Croyez que cette cadette a fait de merveilleux progrès en la
vertu ; elle est plus que jamais éclairée dans les voies de Dieu, et j'ai
trouvé grande satisfaction à lui communiquer les peines intérieures desquelles
vous savez que Dieu me punit très-justement. Une chose pourtant m'a
fâchée : c'est que cette bonne Mère m'a semblé honteuse de voir le pauvre
état de mon âme, et trop attendrie voyant les angoisses de mon cœur, qu'elle
n'eût jamais pensé si [530] destitué et si pauvre. Si je ne me trompe, son
humilité n'a pas permis qu'elle me parlât selon ses vues et selon mon
besoin ; mais j'ai obtenu qu'elle priera beaucoup pour moi, et j'espère
que cela me sera très-utile.
AU PREMIER MONASTÈRE D'ANNECY
Exhortation à se reposer en Dieu avec paix et confiance.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1636.]
Ma pauvre très-chère petite
fille,
Votre lettre m'a
attendri le cœur : car, par la divine Bonté, je sens que vous m'êtes une
fille très-chère et que je vous suis vraie mère. Si vous partez avant notre
retour, j'avoue que cela me sera très-douloureux,
bien qu'absolument je désire que le saint vouloir de Dieu soit notre plus
cordiale consolation.
Reposez-vous sur mon
âme que l'état de la vôtre est très-bon, et votre manière d'oraison des plus
saintes et solides. Continuez [531] seulement cette douce paix devant Dieu et
ce doux repos et confiance en sa miséricorde, persévérant aussi en la fidélité
de réduire foutes vos infirmités au profit de votre âme. Dieu ne veut que cela
de vous, et que vous tâchiez de récréer votre esprit dans l'attente de cette
bienheureuse éternité.
Je vous supplie, ma
fille, de continuer à prier pour moi. Je ressens une consolation grande,
espérant qu'enfin Dieu exaucera vos désirs pour mon salut ; j'en ai bon
besoin, car je me vois tous les jours plus misérable et sans vertu. Croyez
qu'il me tarde bien que je vous revoie, quoique certes j'aie ici grand sujet de
contentement, pour la grande bonté de nos Sœurs qui me témoignent un amour
incroyable. Hé ! Dieu vous bénisse, mon cher enfant. Je suis toute vôtre.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PARIS
Humilité de la Sainte ; sa confiance en saint Vincent
de Paul.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1636.]
Quoique mon cœur,
mon très-cher Père, soit insensible à toute autre chose qu'à la douleur, si
est-ce que jamais il n'oubliera la charité que vous lui fîtes le jour de notre
départ : car, mon très-cher Père, il s'est trouvé soulagé dans son mal, et
même fortifié dans les occasions qui se trouvent et qui viennent de part et
d'autre. Et je me prosterne en esprit à vos pieds, vous demandant pardon de la
peine que je vous donnai par mon immortification, de laquelle j'aime et
embrasse chèrement l'abjection qui m'en revient ; mais à qui puis-je faire
voir et savoir mes infirmités, qu'à mon très-unique Père, qui les saura bien
supporter ? J'espère de votre bonté qu'elle ne s'en lassera point. [532]
À PARIS
Sentiments d'actions de grâces envers Dieu qui a protégé
les Soeurs du deuxième monastère de Paris dans une fâcheuse affaire. — Détails
sur quelques Supérieures de l'Ordre.
VIVE † JÉSUS !
Valence, 2 juillet 1636.
Mon
très-honoré, très-aimé et mon très-cher père,
Certes, je ne
saurais plus tarder de répondre à votre tant bénigne et cordiale lettre, qui
m'apprend si distinctement la fin de tant de mauvais discours et la réparation
de la perte de nos Sœurs du faubourg, mais surtout celle de la bonne odeur de
ces petites servantes [du Seigneur]. Oh ! que Dieu est bon, et prompt à
secourir l'innocent, et par des voies qui confondent la prudence et sagesse du
monde ! Il soit éternellement béni pour la grandeur de ses miséricordes.
Il était impossible, mon vrai Père, que la bonté de votre cœur n'ait été émue
jusqu'en son fond, sur un effet de providence si paternelle et un secours si
précis, dans un besoin de telle importance. Qu'heureuses sont les âmes qui se
reposent entièrement dans le pitoyable sein de ce débonnaire Père
céleste ! Vous ne sauriez penser, mon très-cher père, ce que cette grâce a
fait en mon cœur, soit envers Dieu, qui n'en peut jamais être assez remercié,
soit envers vous, pour l'incomparable secours que vous avez donné à ces pauvres
filles. O mon vrai Père ! je ne saurais exprimer ce que j'en ressens et
reviens toujours là : c'est le secours et l'appui que Dieu nous a donnés pour tous nos besoins, comme un riche
trésor, duquel nous puisons les richesses spirituelles et les secours
temporels. Béni soyez-vous, mon vrai Père, des plus riches grâces et
récompenses du divin amour de notre débonnaire Sauveur ! Ces pauvres
filles avaient besoin de cette expérience pour faire [533] fondre leurs cœurs dans le vôtre tout paternel : elles m'en
écrivent avec des grands ressentiments, et me prient de les aider à vous rendre
les actions de grâces qu'elles vous en doivent.
Il m'est avis que la
douce Providence a bien encore ce dessein, en la permission de la mauvaise
action de ce misérable homme, de la faire servir de moyen pour établir entre
nos deux maisons une plus suave et entière union, et que votre bonté en soit le
lien en Notre-Seigneur ; car elles-mêmes le reconnaissent et me
l'écrivent. Dieu soit béni ! Cette histoire mérite bien d'être écrite en
lieu où la mémoire en puisse être perpétuelle ; mais je la voudrais
savoir, s'il se pouvait, mot à mot, car l'on écrit certaines choses qui font
penser que cet homme avait pris cet argent pour le faire profiter pour nos
Sœurs, par certain trafic, et c'est cela que je voudrais savoir au vrai, comme
quoi et à quel sujet il lui avait été confié ; car ma Sœur la Supérieure du faubourg
me dit, le dimanche au soir, quand je lui dis adieu, que M. de Lamoignon en
prenait cinquante-quatre mille francs pour payer l'office de son fils ;
[534] mais, mon très-cher Père, il ne faut pas que vous preniez la peine
d'écrire tout cela. Je mande à ma Sœur de le faire.
J'ai encore écrit à
Nessy pour vous faire avoir les papiers que M. le prévôt a promis. Mais, mon
tout bon et très-cher Père, ne pourrait-on pas toujours commencer l'impression
des livres [Défense de l'Étendard] de la Croix, de l’Introduction, de l'Amour divin et des Entretiens, pendant que vous dressez
cette épître [dédicatoire] que j'espère devoir être tout excellente et utile,
car les papiers de M. le prévôt ne pourront servir que pour en tirer quelque
chose pour cela et pour les Épîtres ; cependant l'impression ne
laisserait de s'avancer. Mais je laisse cela à votre jugement, et à notre
très-aimée Sœur la Supérieure de vous dire ce que je lui écris, que je ne
répéterai ici, n'en ayant ni le loisir ni la force, tant je me lasse facilement
pour peu que j'écrive. Je vous vais aussi dire ce que vous lui ferez savoir,
s'il vous plaît, mon très-cher Père.
Nous avons vu nos
maisons du Pont-Saint-Esprit, d'Avignon, de Montpellier, d'Arles, d'Aix et de
Marseille, où certes tout va avec grande bénédiction et grande
observance ; car partout c'est une consolation de voir l'amour et l'estime
qu'elles ont de leur vocation, et toutes ces maisons ont de très-bonnes
Supérieures. Nous avons vu à Aix les Supérieures de Digne, Draguignan, Grasse
et Forcalquier, qui sont quatre Mères de prix, et capables en toute manière de
bien servir Dieu et l'Institut, partout où la divine Providence les emploiera.
Nous avons encore vu à Aix les Supérieures de Sisteron, d'Apt et de Toulon, qui
sont certes des âmes fort humbles et vertueuses, mais qui n'ont pas des talents
si avantageux que les quatre premières. En retournant de Provence, j'ai passé
en notre maison de Crest, où j'ai trouvé aussi de fort bonnes filles et une
Supérieure jeune de trente ans, mais un bon esprit, judicieux, zélé, qui va
droit par le grand chemin de sa règle, de crainte, dit-elle, de se
fourvoyer : elle m'a fort [535] contentée. Maintenant nous voici à
Valence, où je pense que la famille se ressent un peu d'avoir eu huit ans de
suite des Supérieures un peu jeunes, néanmoins le train marche en l'observance
extérieure ; [elles] témoignent grand désir et ardeur de profiter de notre
passage ; je n'ai su leur parler encore, je vais me mettre après. La
Supérieure y est bonne, douce, et de bon esprit et volonté, mais non pas
épurée, comme j'espère à l'aide de Dieu qu'elle deviendra. L'on a besoin d'un
esprit ferme et expérimenté ; j'espère en Dieu qu'il en pourvoira, selon
le besoin, pour l'année qui vient que l'on doit faire élection.
Pardonnez ma
mauvaise écriture. Mais j'oubliais quasi [de vous dire] que nous allâmes dès
Marseille à la Sainte-Baume, lieu de vraie dévotion. Comme je voulais
recommander à Notre-Seigneur nos meilleurs amis, et à cette grande sainte
[Madeleine], le fin premier qui me vint en vue, ce fut notre très-bon vrai
très-cher Père, et j'en reçus une intime joie ; car vraiment personne
aucune ne vous doit précéder, et je désire que jamais nul ne me devance en
l'amour et reconnaissance que nous vous devons, ni au désir de vous souhaiter
incessamment les plus riches grâces de notre bon Dieu. Je supplie sa Bonté vous
en combler. Amen. — Toute votre très-humble, très-obéissante et
très-obligée fille et servante en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni. — 2 juillet.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[536]
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE DE PARIS
Témoignages d'affection. — On doit tenir son cœur fermé à
tout ce qui n'est pas Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Valence, 1636.]
Ma très-chère et bien-aimée
fille,
Oui, je vous dis que
vous l'êtes, en un sens si particulier et si intime qu'il ne s'y peut rien
ajouter ; il serait impossible à mon cœur d'avoir d'autre sentiment,
voyant le vôtre très-cher si gratifié des vraies et solides lumières et
affections que Dieu y répand.
Ma fille, votre
lettre m'a assurément ravie ; je ne pouvais cesser de la baiser et
de la presser sur mon cœur, tant il est vrai que ses paroles m'ont pénétrée
depuis la première jusqu'à la dernière : je la garderai précieusement. Or,
je n'ai plus rien à vous dire, ma vraie fille, sinon que vous devez, pour bien
et dignement correspondre à tant de grâces, tenir votre cœur fermé à tout ce
qui n'est pas Dieu, afin d'y pouvoir conserver précieusement et fidèlement les
rares trésors que la divine Bonté y a placés de sa main propre. Répandez-en la
bonne odeur dans le cœur de vos filles, autant qu'il vous sera [537] possible,
et que tous ceux qui vous approcheront s'aperçoivent que vous êtes toute
parfumée des saintes vertus du Sauveur crucifié et méprisé. Recommandez mon
cœur à la divine Bonté avec le vôtre, et les tenez tous deux pour un seul en
son divin amour.
Extraite de la fondation du deuxième monastère de la
Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À ROUEN
Elle applaudit à l'élection de cette Mère à Rouen. — On se
propose de rappeler à Paris Sœur A -Marg. Guérin.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1636.]
Ma très-chère et vraiment
bonne fille,
Je bénis Dieu de
vous avoir appelée dans cette maison poulie bien et consolation de ces chères
Sœurs, et tout particulièrement pour celle de ma chère Sœur Anne-Marguerite
[Guérin], qui est une de mes plus chères filles, pour être une âme que j'ai
toujours connue d'une grande sincérité et pureté, dans le désir de servir Dieu
avec une grande observance.
Nos Sœurs du
faubourg [de Paris] m'ont bien fait entendre qu'elles désiraient de la
retirer ; mais je leur ai mandé qu'il faudrait qu'elles sussent de vous si
vous pourriez vous en passer. Quand bien elles voudraient l'élire, il y a des
années d'ici là. Et cependant vous verrez si votre courage, qui n'est si petit
que vous le faites, s'en pourra passer ; sinon vous tâcherez de vous
accommoder par ensemble. N'ayez garde que je m'oublie de témoigner à nos Sœurs
du faubourg la gratitude de l'argent qu'elles vous ont envoyé.
Certes, ce que vous
me dites de la maladie de cette dame qui vous alla quérir me fait frémir. Jésus !
Maria ! ma très-chère fille, quelle douleur ce m'eût été si elle vous
eût donné ce mal ! [538] Béni soit Dieu qui vous a préservée ! — Il y
a longtemps, ma très-chère fille, que Notre-Seigneur m'a donné la joie de la
bonté qu'il a mise en vous ; mais le cœur me rit de voir la candeur et
simplicité avec laquelle vous me dites que vous me donnerez la joie quand vous
le serez devenue [bonne]. Et quant à la sainte dilection que Dieu m'a donnée
pour vous, j'aimerais mieux mourir que de la voir périr. Je crois que vous avez
le même sentiment pour moi. Demeurons donc dans cette assurance, je vous en
prie, et me permettez que je salue toutes nos Sœurs avec vous et que je leur
donne la joie du bien de vous avoir. Je les en vois toutes consolées et avec
raison. Dieu leur fasse la grâce d'en jouir longuement et leur donne ses
saintes bénédictions, et à vous, le comble de son saint amour ! Je demeure
d'une sincère affection votre, etc.
Notre bonne Sœur
N... se plaint que vous ne lui voulez permettre de vous rendre ses devoirs, ni
ne voulez recevoir les soulagements nécessaires ; ne faites pas cela, ma
très-chère fille, mais croyez cette très-chère [Sœur] en ce sujet, car elle est
très-raisonnable.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Riom.
SUPÉRIEURE À RIOM
Désir que le Ciel bénisse son gouvernement à Riom.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 22 juillet 1636.
Ma très-chère fille,
Je vois que vous
êtes maintenant arrivée en votre maison, où je prie Dieu de vous bénir de
toutes les grâces et consolations qu'il connaît vous être nécessaires pour sa gloire et le bien de [539] cette
pauvre communauté, à laquelle Il a dédié votre assistance et conduite pour son
bonheur. Sa divine Bonté veuille diriger toutes les filles, en sorte qu'elles
en tirent profit, et, par leur obéissance, vous donnent toute sorte de
contentement. Je prie ma Sœur la Supérieure de Montferrand que si elle ne vient
pas ici, elle retire chez elle ma chère Sœur F. -Emm. [de Vidonne de Novéry],
attendant quelque autre occasion et la saison plus calme, afin de décharger
d'autant votre maison.
Soyez joyeuse et
vigoureuse en votre gouvernement, ma chère fille, et vous verrez que Dieu vous
en donnera consolation, ainsi que de tout mon cœur je l'en supplie. Et, en vous
saluant avec toutes nos Sœurs, je ne veux oublier la chère petite nièce,
demeurant de toute mon affection, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Ferveur et régularité qui règnent dans l'Institut. —
Voyage de la Mère Favre à Nevers.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 26 juillet 1636.
Ma très-chère fille,
Je ne serais pas
contente si je ne vous donnais un peu de nos nouvelles et vous dire comme,
grâce à Dieu, nous voici à Lyon. Quoique toute lasse et accablée d'un si long
voyage, je suis néanmoins toute consolée de nos monastères où j'ai passé, par
la bonne observance que j'y ai rencontrée, même à Valence, où je n'ai pas
trouvé tout ce qu'on en disait. La Mère et les filles m'ont entièrement
satisfaite et édifiée par la sincère affection et [540] pratique qu'elles ont
témoignées à ce que je leur ai conseillé. Quant aux deux monastères de Lyon,
j'y ai rencontré la douceur, simplicité et bonne observance qu'il se peut
souhaiter. La gloire soit de tout à Dieu, ma très-chère fille. Nous avons
encore ici une autre consolation, d'avoir vu ma chère Sœur Favre, Supérieure de
Chambéry, qui est, comme vous savez, ma très-digne fille. Nos Sœurs de Nevers
l'ont demandée, et nous la leur envoyons, pour autant de temps qu'il sera jugé
à propos.
Au reste, ma chère
fille, je vous félicite de votre entrée en votre [nouvelle] maison ; elle
a été toute selon mon gré et affection. Je supplie la divine Bonté vouloir
récompenser madame la duchesse N. d'un torrent de ses grâces, et vous combler,
avec votre chère famille, déraille bénédictions. Me recommandant à vos saintes
prières, je suis, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Établissement des Sœurs de Metz à Guéret. — Compassion
pour des esprits faibles. — Calamités publiques.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon], 11 août [1636].
Ma toute vraie et très-chère
fille,
Loué soit Dieu
d'avoir logé les pauvres filles de Metz. Sa Bonté vous rende la charité que vous leur
avez faite ! Si elles ne la reconnaissent, vous en aurez tant plus de
mérite ; certes, elles ont eu grand tort en leurs chétifs discours et
plaintes. Dieu [541] le leur pardonne et veuille bénir leur conduite et celle
de notre très-chère Sœur la Supérieure de Riom ! Donnez-lui toujours, bien
du courage. — Je vous renverrai le plan quand notre Sœur de Châtel l'aura vu et
que nous aurons accommodé le devis ; car je n'en ai eu aucun loisir. Et
pourquoi non, ma fille, ne presserez-vous pas qu'on vous rembourse ? Mon
Dieu ! que notre misère est grande : les intérêts et amour-propre
gâtent tout.
Il me tarde que vous
ayez auprès de vous notre chère Sœur A. M. pour votre soulagement ;
cependant, ma fille très-chère ment aimée, soulagez votre corps et votre cher
cœur, l'unissant amoureusement à Dieu dans toutes vos peines et contradictions.
Recommandez souvent et avec confiance tous vos besoins à Dieu et ceux de votre
famille, et vous verrez son secours favorable. La pauvre grande fille [la
Mère Favre] a passé ici pour se retirer à Nevers. Je trouve son esprit fort
dégagé et remis à Dieu et à l'obéissance ; ce sont les fruits de la sainte
tribulation. Dieu nous fasse profiter de toutes celles qu'il lui plaira nous
envoyer ! Ma fille, je suis à vous sans réserve tout incomparablement.
[P. S.] Je ne sus envoyer cette lettre quand nous
partîmes de Lyon. Maintenant je viens de recevoir la vôtre du 2 de ce mois. O
mon Dieu ! ma fille, que me dites-vous, que vous commencez à vous
ressentir des calamités de ce déplorable siècle. Seigneur Jésus ! ayez
pitié de votre peuple ! Ma fille, c'est le temps de fermer les yeux à
toutes choses terrestres pour ne voir plus que Dieu et sa sainte
éternité ; mais toutefois il faut espérer de sa douce miséricorde quelque
effet de sa débonnaireté en faveur de ce désolé royaume. Ma toute vraie fille,
je dis à notre vrai très-cher Père M. le commandeur ce que je ne puis répéter.
Je pense, ma fille, que la charité qu'il faisait à ces bonnes Sœurs de Metz
sera mieux employée à celles de Moulins ; voyez s'il se pourra, car elles
s'accommoderont fort à Guéret. Je ne puis écrire à plein fond que nous ne
soyons à Nessy. [542]
Mais, las ! ma
chère petite secrétaire m'a quittée, heureuse qu'elle est !... Fille de
mon cœur, je suis vôtre. D. S. B.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
À MOULINS
Combien elle estime l'amitié dont la duchesse veut bien
l'honorer. — Assurance de dévouement.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon. 1636.]
Madame,
Je vous rends mille
très-humbles grâces des cordiales recommandations que le Père de Lingendes m'a
faites de la part de votre bonté. Votre cœur est si généreux, Madame, qu'il ne
conçoit point d'amitié qu'il ne veuille conserver, et cette assurance me donne
une consolation et satisfaction incomparables ; car j'ai vu, ce me semble,
et fort clairement dans votre chère et digne âme, Madame, qu'elle m'avait, par
sa seule bonté, reçue eu sa précieuse bienveillance, et non par une affection
ordinaire, mais toute particulière, comme il lui plut me le protester, quand je
reçus ses commandements à notre départ de Moulins. De vrai, Madame, j'estime cette grâce plus
que le roi [543] d'Espagne ne fait tous ses trésors ; mais je vous conjure
aussi et de tout mon cœur, que votre débonnaireté me tienne pour toute sienne,
et comme une âme qui s'y est dédiée en Notre-Seigneur pour l'honorer, chérir et
obéir parfaitement, et surtout pour ne cesser jamais d'offrir mes vœux et petites
prières à sa souveraine Majesté, afin qu'il lui plaise faire abonder sur vous
les bénédictions de son saint amour, et je demeure en tout respect pour jamais,
Madame, votre très-humble et très-obéissante servante en Notre-Seigneur.
[P. S.] Madame, j'ai su ici que la bonne madame
d'Uriage fait de grandes plaintes contre moi, et aigrit l'esprit de madame la
connétable, et que même elle vous avait écrit que je faisais tout ce que je
pouvais contre les desseins du mariage de mademoiselle sa sœur avec M. du
Bouchage. Certes, si je ne fais que le mal que je peux, elle ne doit pas
craindre, car je n'ai nul moyen de faire bien ni mal en cette occasion ;
car Mgr de Nantes et le Père Binet ayant désiré que j'écrivisse à madame de
Granieu, de porter son fils à l'accommodement de cette affaire, je l'ai fait
cordialement, mais inutilement. Voilà ce que j'ai fait ; mais il faut
avoir patience et laisser tout à Dieu.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers. [544]
DOYEN DE LA COLLÉGIALE DE NOTRE-DAME D'ANNECY PÈRE
SPIRITUEL DU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION
Condoléances sur la mort de sa mère.
VIVE † JÉSUS !
22 août 1636.
Monsieur mon très-honoré Père,
J'appris avant-hier
la sensible douleur dont il a plu à Notre-Seigneur vous visiter, par le trépas
de madame votre bonne et vertueuse mère. Et bien que je sache la rare piété
dont notre bon Dieu a gratifié votre chère âme, et que sa souveraine douceur ne
manquera pas de vous gratifier et consoler dans une perte et privation si
grande, comme j'en supplie sa Bonté de toute l'étendue de mes affections, je ne
laisse néanmoins d'appréhender que ce coup n'ébranle votre débile santé, [ce]
qui me fait vous conjurer, mon tout bon et cher Père, d'adoucir autant qu'il
vous sera possible, les sentiments naturels et les appréhensions de ce qui peut
suivre une si tendre séparation. Notre grand Dieu vous sera Père et Mère et
pourvoira à tous vos besoins, mon très-cher Père ; et en tout ce que nous
pourrons suppléer de l'absence de cette chère défunte, mon Dieu, que nous le
ferons et devons faire de grand cœur ! Je ressens tendrement votre
douleur, et me voudrais fondre pour vous y donner allégement ; mais Dieu
fera tout dans votre esprit humble et soumis à son bon plaisir. Nous
redoublerons nos prières pour cela, et pour le soulagement de l'âme de la bonne
chère défunte, qui de sa part m'y a obligée, par l'amitié qu'elle m'a toujours
témoignée.
Nous espérons, Dieu
aidant, être lundi ou mardi à Chambéry ; cela me console de me voir proche
du bonheur de vous revoir, mon très-cher Père, que j'honore et chéris [545]
très-filialement, et prie Dieu vous conserver et consoler de ses saintes
bénédictions et suaves visites. Je suis de cœur, mon très-cher Père, votre très-humble
et obéissante fille en Notre-Seigneur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE D'ANNECY
Humbles excuses de la Sainte ; son prochain retour à
Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Août 1636.]
Ma très-chère mère,
Si j'avais loisir de
bien rentrer en moi-même, et que je fusse humble, j'aurais bien autant de
sentiment que ma pauvre Sœur J. T. [Picoteau] en a de vous avoir par trop
importunée et pressée. Je vous en demande pardon. Toutefois, me confiant en
votre bonté, [j'espère] que notre entrevue fera tout évanouir de votre cher
cœur le souvenir des abjections que je vous ai causées. J'en ai certes le cœur
touché, mais votre charité est assez grande pour supporter des fautes plus
importantes.
Dieu aidant, nous
irons mardi à Chambéry, pour le plus tard, et puis à vous. Certes, ce sera de
grand cœur, nonobstant le tendre
sentiment que j'ai de ne plus trouver à Nessy notre bon prélat et ma pauvre
petite Sœur [Anne-Françoise] qui m'était si chère. Croyez que ce m'est un grand
dépouillement, auquel j'acquiesce, suppliant Notre-Seigneur faire toujours sa
toute sainte volonté, comme bon lui semblera en tous ce qui me touche. Il lui
plaise vous combler de son saint amour. Nous dirons toutes nouvelles de vive
voix.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d Annecy. [546]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Détails sur le voyage de Provence. — Demander à Dieu la
cessation des calamités qui affligent son peuple.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 29 août 1636.
Ma très-chère fille,
Je ne doute pas que
votre affection ne soit assez grande pour vous faire désirer de savoir de nos
nouvelles. — Il y a quelque temps que je reçus une de vos lettres, à quoi je
n'ai encore su répondre, car nous étions dans le tracas du voyage. Nous voici à
présent arrivées à Chambéry depuis le 27 de ce mois. Grâce à Dieu, nous avons
fait fort heureusement le voyage de la Provence. J'ai reçu beaucoup de
consolations et grands sujets de bénir Dieu de voir qu'en toutes les maisons où
nous avons eu le bien de passer, sa douce Bonté répand beaucoup de grâces et
bénédictions, et l'on y vit fort en paix, union et amour à sa vocation. Les
Supérieures de tous ces monastères sont très-bonnes. J'ai vu aussi plusieurs
Supérieures des monastères que nous n'avons pas pu aller voir, lesquelles nous
vinrent trouver à Aix ; elles m'ont assuré que leurs maisons vont le même
train, grâce à Notre-Seigneur.
Ma très-chère fille,
vous me dites que votre ville est fort affligée de contagion ; j'en suis
fort touchée, bien qu'il serait à désirer, si c'était le bon plaisir de Dieu,
de mourir de cette maladie ; car l'on voit à présent les misères,
calamités et désolations si grandes, à cause des guerres, qu'il semble que l'on
en soit au dernier point, si Notre-Seigneur n'a pitié de son peuple. Plusieurs
de nos monastères sont dans cette affliction ; il faut grandement prier
Dieu pour cela. La Savoie n'est pas à présent dans cette affliction, mais oui
bien dans des grandes [547] craintes et appréhensions, car l'on ne sait où tout
ceci aboutira ; et l'on ne manque pas de s'y ressentir de toutes ces
misères, car il ne s'y trouve point d'argent. Je supplie Notre-Seigneur d'y mettre
sa main et de faire réussir le tout à sa gloire.
Je salue toutes nos
chères Sœurs ; je les supplie de se tenir bien disposées à tout ce que
Dieu voudra d'elles. Je leur souhaite le très-saint amour, mais tout
particulièrement à votre cher cœur à qui je suis, ma très-chère fille, de cœur
fidèle, votre, etc.
[P. S.] Ma pauvre Anne-Françoise de Clermont
[Mont-Saint-Jean] est allée au ciel. Nous la recommandons à vos saintes prières
et à celles de nos Sœurs.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À POITIERS
Mêmes sujets.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 30 août 1636.
Ma très-chère fille,
Je ne doute pas que
la bonté de votre cœur ne vous fasse désirer de savoir de nos nouvelles. Nous
voici arrivées à Chambéry depuis le 27 de ce mois ; nous avons fait fort
heureusement le voyage de Provence, grâce à Notre-Seigneur. Nous avons reçu
beaucoup de consolations et de sujets de bénir Dieu, de ce que, dans toutes les
maisons que nous avons eu le bien de voir, on vit avec grande paix, union et
amour à leur vocation ; et Notre-Seigneur y répand beaucoup de
bénédictions. Je vous prie de m'aider à l'en bénir, ma très-chère fille. — Nous
avons reçu une de vos lettres dans le tracas de notre voyage ; mais il y a
encore assez de temps pour penser [548] à ce que vous me mandez, c'est pourquoi
je ne vous en dis rien à présent. Je crois que vous ne manquez pas de faire
grandement prier pour les misères et calamités dont Dieu afflige son peuple,
afin qu'il plaise à sa Bonté d'apaiser son ire. — Je recommande aussi à vos
prières notre petite secrétaire d'Annecy, que Dieu a retirée à soi. — Je salue
bien chèrement toutes nos Sœurs ; je leur souhaite le très-parfait amour
de Dieu, mais tout particulièrement à votre cher cœur. Je suis, ma très-chère
fille, votre très-humble, etc., que vous savez bien être vôtre d'un cœur
sincère.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers.
À MOULINS
Prière d'employer son crédit pour protéger les maisons
religieuses dans les provinces menacées de la guerre.
VIVE †
JÉSUS !
[Chambéry,
1636.]
Madame,
Nous venons
d'apprendre qu'assurément les armées de l'empereur s'avancent sur la France, et
qu'il y en a déjà à six lieues d'ici ; cela met tout en afflictions et
alarmes. Notre confiance est en Dieu par-dessus tout, qui est le refuge des
siens et de ceux qui se confient en sa bonté. Mais, Madame, parce que nous
savons qu'il veut que nous nous aidions en ce que nous pourrons, et nous
trouvant impuissantes, nous recourons à vous en toute humilité, ensuite de ce
que notre chère Sœur Favre nous dit du dessein que vous aviez, Madame,
d'envoyer un gentilhomme à M. de Lorraine pour obtenir des protections aux
maisons religieuses, spécialement pour celles de la [549] Visitation. Voyez
donc, Madame, ce que vous jugerez à propos de faire. Nous avons des maisons par
toute la Bourgogne, la Bresse et le Bugey, et en tout ce pays de Savoie. Je
sais que tout cela vous est cher pour le respect de Dieu et de la sainte
dilection qu'il vous a donnée pour nous. Il me suffit de vous faire simplement
cette proposition ; et je sais, Madame, que c'est assez pour la grandeur
de votre cœur et de votre affection à bien faire à chacun, et surtout à vos
petites, mais très-humbles servantes, qui prient Dieu vous conserver et faire
abonder sur votre digne personne les richesses de sa sainte grâce.
Continuez-nous
l'honneur de votre chère amitié ; ceci est parole superflue, car je sens
en mon cœur que vous y êtes invariable ; mais faites-moi cette grâce,
Madame, de me tenir toujours pour entièrement vôtre. Je le suis avec une si
ferme résolution qu'il ne s'y peut rien ajouter. Dieu me rende digne que ce
soit avec des effets correspondants à ce que je vous dois ! Je demeure
donc en tout respect, Madame, votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
DOYEN DE LA COLLÉGIALE DE NOTRE-DAME D'ANNECY PÈRE
SPIRITUEL DU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION
Recommandations en faveur des Pères Minimes.
VIVE † JÉSUS. '
Chambéry, 4 septembre 1630.
Mon bon et cher père,
Messieurs du Sénat
ont renvoyé les Pères Minimes à M. le vicaire général. Je vous conjure, au nom
de Dieu, mon cher Père, de les assister en tout ce qui vous sera
possible ; c'est une affaire qui regarde la gloire de Dieu et la
consolation de [550] M. le marquis de Lullin. C'est assez dit pour vous y
rendre affectionné, et vous obliger de vous y employer de tout votre pouvoir,
ainsi que je vous en supplie derechef très-humblement, et de vous souvenir de
moi en vos saintes prières, vous assurant que je suis, mon très-cher Père,
votre très-humble et indigne fille, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À FRIBOURG
Conditions nécessaires pour faire de nouvelles fondations.
— La Sainte se réjouit de la régularité des monastères qu'elle a visités. — Le
bien d'une communauté dépend en grande partie de la Supérieure.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 9 septembre 1636.
Ma très-chère fille,
Le jour de la
Nativité de Notre-Dame, j'ai reçu une de vos lettres datée du 23 août ;
nous n'avons point reçu les deux précédentes que vous dites nous avoir écrites.
Nous voici à notre monastère de Chambéry ; c'est le sujet [pour lequel] je
n'ai pas eu le bien de voir cet honnête ecclésiastique.
Ma très-chère fille,
vous êtes toujours dans des ardentes pensées pour faire que notre Congrégation
soit établie dans les villes du Comté, ce qui serait bien à désirer ; mais
il ne faut pas espérer de plus faire aucun établissement que, premièrement,
l'on n'ait une maison suffisante pour loger des Religieuses, et des moyens pour
nourrir et entretenir les Religieuses qui vont en la fondation, avec leur
confesseur ; cela est résolu par Messeigneurs les évêques et confirmé par
notre Saint-Père le Pape. Il faudra donc que les maisons religieuses qui se
voudront établir en quelque part regardent si elles auront le moyen de pourvoir
à ce que dessus, par elles ou par le moyen de [551] quelque bon fondateur, ou
de la part des filles qui prétendent. Il nous est aussi défendu de nous établir
en des petites villes ; car l'on voit tous les jours les hasards et grands
dangers à quoi sont exposées les maisons religieuses, et les grandes peurs et
appréhensions qu'elles ont au moindre bruit de guerre qui arrive, comme nous
voyons à présent. La ville de Saint-Claude n'est pas capable pour y avoir tant
de maisons religieuses. L'on nous a déjà fort importunées pour cet
établissement ; à quoi nous avons répondu qu'il ne fallait pas y penser.
Nous n'avons point de nouvelles de nos Sœurs de Besançon, ni de Champlitte,
sinon celles que vous nous mandez ; nous leur écrivons pour savoir si nous
les pouvons servir en quelque chose.
Nous voici, grâce à
Notre-Seigneur, de retour de notre voyage de Paris et de la Provence. Nous
avons vu environ trente-sept monastères, et quinze Supérieures des monastères
que nous n'avons pas su aller voir. Nous avons reçu de très-grandes
consolations et sujets de bénir Dieu, de voir qu'en toutes ces maisons l'on y
vit avec grande paix, union et amour à leur sainte vocation, et Notre-Seigneur
y répand beaucoup de grâces et de bénédictions ; je vous supplie de l'en
bénir avec nous. Toutes les Supérieures de ces maisons sont très-bonnes et
vertueuses, et n'ont point d'autre désir que de faire suivre à leurs
communautés ce qui nous est marqué.
Touchant ce que vous
me dites, qui j'aurai à gré qui fasse la fondation de Fribourg, c'est une
affaire de quoi je ne me suis point chargé l'esprit, ni aucune de nos maisons
n'y pense ; car, puisque vous l'avez commencée, nous vous en laissons
entièrement le soin. Je vous dis encore, ma fille, ensuite de tous ces établissements,
qu'il s'y faut comporter avec grande retenue et n'y point aller avec finesse,
cela étant contraire à l'esprit de notre Bienheureux Père. Mon Dieu ! ma
chère fille, que j'ai bien plus d'inclination que nous nous étendions du côté
de la racine que du côté des branches : je veux dire que mon désir est
bien plus [552] grand de nous voir bien fondées en l'humilité, plutôt qu'à voir
tant multiplier nos maisons, pour le gouvernement desquelles difficilement
saurait-on trouver tant de Supérieures, au moins qui soient capables ; et
néanmoins tout le bien de nos maisons, après Dieu, vient du bon gouvernement
d'une Supérieure. Ce n'est pas que je ne souhaite que notre Congrégation ne
soit établie au Comté plus qu'en aucun autre lieu ; car je trouve les âmes
très-bonnes en ce pays-là, quand elles sont bien choisies. Voyez donc, ma toute
chère fille, à faire selon que vous jugerez qu'il se pourra bonnement et
conformément aux règlements ; car, comme dit le Coutumier, « ce n'est
pas la multitude des maisons qui glorifie Dieu, mais la bonne observance qui
s'y garde » ; car aussi l'Écriture dit : « Ils se sont
multipliés, mais non pas la joie. » Il faut donc tout faire selon
notre discrétion accoutumée. Je salue toutes nos chères Sœurs avec vous, ma
très. chère fille, priant Dieu vous combler toutes de son saint amour, auquel
je suis et de cœur, tout à fait vôtre, je vous en assure !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Compassion pour les misères publiques. - Une Bulle pour
l'approbation du Coutumier a été obtenue. - Désir de voir la clôture exactement
observée à la Visitation.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 12 septembre [1636].
Ma très-chère fille,
Voici une commodité
de ce bon ecclésiastique que je désire employer, bien que je n'en aie pas grand
loisir, pour vous dire qu'il est vrai, ma toute chère fille, que nous voici
heureusement arrivées à Nessy, où, après avoir bien vu la première maison,
nous voici maintenant dans la
petite ; grâce et gloire soient [553] à Dieu de tout ! Je vous
promets, ma vraie fille, que ces deux familles sont pleines de grandes
bénédictions et observance. Bénie soit son infinie Bonté, qui nous donne la même
consolation delà vôtre !
Hélas ! non, ma
très-chère fille, je n'ai pas su toutes les peines où vous avez été, car en ces
quartiers de deçà, que Dieu a préservés jusqu'à maintenant de la course de ceux
que sa Providence permet [qui vont] ainsi consommant et les biens et les corps
de ces pauvres chrétiens, nous ne savons quasi point de nouvelles, et ce que
l'on en dit est fort peu assuré ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, le
temps m'était bien long de recevoir de vos lettres. Mon Dieu ! que nous
avons besoin de nous humilier devant la grandeur de Celui qui seul peut mettre
remède à ces désordres. Au moins, si sa Bonté n'était point offensée !
Comme vous dites, ma très-chère fille, l'affliction réveille les esprits et les
retire de leur stupidité, où bien souvent ils croupissent emmy les commodités
temporelles. C'est grand cas, ma très-chère fille, qu'un seul acte de
soumission à Dieu dans la souffrance, dans les pertes et dans les oppressions,
comble l'âme de plus de richesses spirituelles que ne font bien souvent
d'infinis actes de piété faits dans la prospérité. Sa divine Bonté nous fasse à
tous la grâce de tirer profit de tout ce qu'il lui plaira faire de nous et en
nous, et de tout ce qui nous appartient ! J'ai confiance que sa souveraine
Providence vous pourvoira toujours des choses nécessaires, et notre très-bon et
très-honoré Père ; et cependant, ma très-chère fille, votre cher cœur et
celui de toutes nos chères Sœurs s'agrandiront, avec celui de notre bon Père,
en l'amour, confiance et entière dépendance de Celui de ce divin Sauveur. —
Vous m'avez bien consolée de me dire le profit que notre très-bon archevêque
[de Bourges] a tiré de la part que Dieu lui a donnée en ces misères communes.
Si je puis je lui écrirai un mot, pour me réjouir avec lui des richesses
spirituelles que Dieu lui a fait [554] tirer de cette perte temporelle. Ma
fille, je vous prie, ne me laissez plus si longtemps sans avoir de vos
nouvelles. La vôtre dernière est du jour du grand saint Augustin, et le temps
recommence à m'être long d'en savoir, bien que nos Sœurs de Lyon, que j'ai
priées de m'écrire ce qu'elles apprendront de votre côté, me mandent que les
choses vont mieux, grâce à Dieu. Mais, hélas ! cette sainte paix, ne
l'aurons-nous point ? Dieu, par son infinie miséricorde, nous la veuille
donner, selon toutefois qu'il sera convenable à sa gloire et bon plaisir.
Voilà le dernier
mémoire pour le Coutumier. Je crois que vous jugerez comme nous que ces petites
choses y seront à propos d'y être accommodées ; les deux derniers points,
spécialement le pénultième est bien nécessaire, l'expérience nous l'a appris.
Je n'ai point à vous recommander de faire accommoder le tout comme il
faut ; votre zèle ni votre affection n'ont pas besoin de cela. — Je crois
que le bon Père dom Maurice vous aura fait voir la Bulle qu'il a obtenue pour
l'approbation du Coutumier, à laquelle il y a un défaut, ainsi qu'il vous aura
dit ; mais que Mgr de Montpellier s'est chargé de faire raccommoder. Si l'on ne pouvait pas obtenir ce que l'on
désirait par l'entremise de Mgr le Nonce, il se faudra contenter de ce que l'on
a obtenu, si M. le commandeur notre très-honoré frère le trouve bon, et faire
imprimer le Coutumier ; car, mon Dieu, ma fille, il me tarde bien fort que
cela soit à couvert ! Je ne vous renvoie pas encore le plan ni le devis,
car aussi bien c'est la dernière chose qui s'y fera. Je n'ai non plus su mettre
au net la lettre qu'il faut que j'écrive aux : Sœurs ; quand j'aurai
le loisir je le ferai, puis je vous l'enverrai. [555]
Mais, ma fille, il
faut que je vous dise que j'ai appris des choses qui me font tout à fait
désirer que notre clôture soit très-exacte. [Plusieurs lignes illisibles.] Enfin
j'ai peur, quand je considère la misère humaine et que j'entends ce qui arrive
en des maisons religieuses qui sont bien réformées, mais qui ont cette licence
aussi d'entrer dans leur église, et l'on dit que c'est à notre imitation. Je
vous confie ceci, et m'en arrêterai à ce que vous m'écrirez ; car enfin
mon cœur est tellement uni au vôtre qu'il ne peut rien admettre sans lui. Mon
âme est toute collée à la vôtre, et je prie Dieu qu'elles soient toujours
très-uniquement unies en son saint amour. Mille salutations à tous ; je
n'ai loisir que pour cela, vous suppléerez pour tout. — 12 septembre.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
À CHAMBÉRY
Remercîments. —Affaires.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Monsieur et mon très-cher frère,
Je suis encore si
lasse de mon voyage que je ne puis vous écrire que par la main d'une de nos
bonnes Sœurs, que j'emprunte de bon cœur pour vous remercier derechef des bons
offices qu'avec votre vraie bonté vous avez rendus à nos bonnes Sœurs de
Chambéry ; car, après Dieu, je tiens votre bonne et sage conduite auprès
de Son Excellence pour la cause de la bonne pache qu'elles ont faite en
la vente de leur maison. Dieu, par sa bonté, vous en veuille bien récompenser,
mon bon et très-cher frère, et vous conserver à longues années.
Voici une autre
petite affaire que je vous envoie pour nos [556] bonnes Sœurs de Thonon. Votre
charité vous dictera bien comme il s'y faudra conduire, et ce qu'il faudra
faire pour les tirer de cet embarras. Il suffit que je vous l'adresse et que je
le recommande à votre soin ordinaire pour les œuvres de charité ; mais à
condition que, si vous fournissez quelque argent pour cela, vous en tiendrez
compte, et il vous sera rendu. — Notre Sœur l'assistante demande si M. Perret
de Montmélian est point condamné, et moi, mon très-cher frère, je vous en
recommande l'exécution à cause du bon M. Orsat qu'il nous tarde bien de payer.
Assurez-le que nous ne perdrons point de temps, et que le premier argent duquel
nous pourrons disposer sera pour lui. Mais, las ! on ne reçoit rien de
personne. Dieu nous assistera, s'il lui plaît. Recommandez-moi toujours un peu
à sa divine miséricorde, et croyez que je ne vous oublierai jamais devant sa
Bonté, que je supplie vous rendre un grand saint. C'est le souhait de votre
très-humble servante, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
PRIEURE DES CARMÉLITES, À TROYES
Ferveur et exactitude des deux monastères d'Annecy. —
Édification que la Sainte a reçue des Carmélites d'Aix en Provence.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Ma toute chère et très-bonne
mère,
Le divin Sauveur de
nos âmes remplisse la vôtre et celles de toutes vos chères Sœurs de son saint
et précieux amour !
Nous voici, grâce à
Dieu, heureusement retournées en nos bénites maisons d'Annecy ; car, comme
vous savez, ma très-chère Mère, nous y en avons deux, qui vivent dans une
charité et dans une union tout à fait agréables à notre bon Dieu, si je ne me Irompe.
Il ne se peut voir une plus grande innocence, [557] simplicité et obéissance
qu'en cette seconde d'où je vous écris. Maintenant, pour la première, certes la
gloire en soit à Dieu seul, elle se maintient en son rang, et même je la trouve
accrue en sa solidité aux vraies vertus religieuses, observance et union avec
Dieu. Il y a là des âmes rares, et en toutes les deux maisons Notre-Seigneur
répand beaucoup de sa suave onction. Bénite soit éternellement sa souveraine
Bonté. Il est vrai, ma très-chère Mère, je vous le dis par confiance, que j'ai trouvé
en toutes les maisons que j'ai vues en ce voyage, de grandes bénédictions de
Dieu : la paix et l'union y règnent, et un amour et une estime si grands
de leur vocation, avec un esprit de sainte joie qu'il ne s'y peut rien ajouter,
ce me semble. Je sais que l'amour que vous avez à ce petit Institut, mais
surtout à la gloire de Dieu, vous fera recevoir de la consolation de ce que je
vous dis.
J'ai vu deux ou
trois de vos maisons en ce voyage, et partout la sainte odeur de leurs vertus
se répand et est très-grande. Particulièrement j'ai reçu grande consolation à
Aix en Provence, où j'ai trouvé que la Mère avait votre nom ; cela m'a
réjouie, et je reçus très-grande édification de toute cette famille-là et des
témoignages de satisfaction très-grande.
Or sus, il fallait
que je dise ainsi toutes nos petites nouvelles à ma très-chère Mère, que je
chéris de toute mon affection en notre bon Dieu, que je supplie derechef nous
combler des richesses de son saint amour, et toutes mes très-chères Sœurs vos
filles, me réjouissant de la profession de votre petite. Ma très-chère Mère, je
vous conjure et toutes vos bénites Sœurs de me recommander souvent à la divine
miséricorde : j'en ai un besoin extrême. Je ne vous oublierai jamais, car
je suis de cœur, ma bonne Mère, votre très-humble fille, sœur et servante en
Notre-Seigneur.
Ma chère compagne
vous salue toutes.
Conforme une copie de l'original gardé chez les Révérendes
Mères Carmélites de Troyes. [558]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
La liberté de sortir pour parer l'église sera désormais
retranchée aux Sœurs sacristines. Insérer cette défense dans le Coutumier.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 septembre [1636].
[Les premières
lignes sont illisibles dans la copie.] Une fois je vis en notre parloir d'ici, de notre première maison,
quelque personne qui fit grande opposition à notre Bienheureux Père, sur cette
liberté qu'il nous donnait d'entrer dans le presbytère pour parer l'autel, et
je me suis souvenue que je vis ce Bienheureux tout condescendant à cela. Mais
voici qu'aujourd'hui en faisant ma lecture dans [le Traité de] l'Amour de
Dieu, j'ai trouvé un billet qu'il m'écrivit à Paris sur l'occasion des
difficultés qu'il me mandait qu'on lui avait faites là-dessus. Il me dit, en me
répondant quelque chose sur nos grilles, voici ses mots : « Et quant
à parer l'autel, on verra si l'on pourra continuer à le faire comme il a été
fait jusqu'à présent ; quant à moi, je n'y vois aucun inconvénient ;
mais il faut subir l'esprit des autres. » Voilà, ma très-chère fille. Que
dirait-il à cette heure, s'il voyait ce qui se passe dans quelques maisons qui
ont cette liberté ? car je puis dire que c'était l'homme du monde qui
désirait le plus que toutes sortes d'occasions pour petites qu'elles fussent,
fussent levées et ôtées de devant les Religieuses, et toujours nous
recommandait que tout ce qui regardait la clôture fût exactement fait. Or sus,
ma très-chère fille, je vous expose ainsi toutes mes pensées ; considérez
et pesez, avec notre très-cher et honoré Père, pièce à pièce, et puis voyez où
et comment on insérera ce qui sera jugé à propos pour lui donner l'autorité
requise à le faire observer. Quelqu'un m'a [559] dit que c'était contre les
canons [de l'Eglise], mais je n'en sais rien ; ains seulement que ceux qui
le savent et qui sont des personnes considérées le censurent. J'ai pensé que si
Mgr le Nonce obtient le pouvoir pour approuver le Coutumier, qu'il pourra
retrancher cela, et il serait stable, car à cause que dans la Constitution de
la sacristine, où il est dit qu'elle parera la chapelle, cela pourra
être interprété pour l'église, et partant il faut que ce soit une autorité qui
retranche cela ; mais, ma très-chère fille, vous déviderez bien mieux
toutes ces petites difficultés-là que moi, avec notre bon Père [M. de Sillery].
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris.
Exhortation à la pratique de la Règle, du support mutuel
et de la soumission à la Supérieure. — Quelle estime on doit faire de la vie
religieuse.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Je retourne saluer
mes très-chères filles que j'aime de tout mon cœur, en l'espérance qu'elles
travaillent toujours plus fidèlement à retrancher d'elles ce qui déplaît à leur
souverain Époux, et à acquérir les saintes vertus qui lui sont agréables.
Oh ! mes très-chères filles, que ce désir est puissamment gravé dans mon
cœur ! Qu'est-ce que je ne voudrais pas faire et souffrir pour vous acquérir
la perfection de l'observance de nos saintes Règles, que vous avez promise et
vouée au souverain Seigneur qui vous demande l'effet de votre parole ?
Certes, mes filles, je donnerais gaiement ma vie pour vous obtenir ce
bonheur ; et ceci je vous le dis avec un tel sentiment et vérité, que
toute mon âme en est émue de désirs, si c'était le bon plaisir de Dieu !
[560]
Eh ! courage
donc, mes très-chères filles. Que toutes en général et chacune en particulier
mettent la main à l'œuvre, sans jamais plus se relâcher, vivant unanimement,
n'ayant qu'un cœur et une seule âme en Dieu. Ne veuillez toutes que ce que vos
Supérieures, égales et inférieures voudront. Ayez ensemble une bonté et une
douceur enfantines. Supportez-vous les unes les autres en charité, sans jamais vous
étonner des défauts que vous remarquerez ni au général ni au particulier ;
car s'étonner des défauts de vos Sœurs, les éplucher, examiner et s'en
inquiéter est une marque d'esprit faible qui n'a point de vraie lumière de
notre misère, et peu de charité et support. C'est pourquoi celles qui seraient
inclinées à cela doivent fermer les yeux à tout, et avoir continuelle mémoire
que la charité ne cherche point de mal ; que si elle le rencontre, elle
s'en détourne et excuse ceux qui le commettent. Il faut ainsi faire avec nos
Sœurs prochaines. '
Pour la soumission à
vos Supérieurs, je vous renvoie pour cela à la constitution de l’Obéissance :
point de contrôlement, point de réflexion sur la conduite de ceux que Dieu
vous a donnés. Oh non ! jamais cela, mes très-chères filles, car Dieu y
est trop offensé. Soyez simples et parfaitement soumises à toutes ; aimez
d'être averties, corrigées et mortifiées, et jamais de plaintes, de murmures ni
de censures.
Au nom de Dieu, mes
filles très-aimées, croyez mon conseil maternel ; car je vous parle en la
présence de Dieu, et d'une affection toute cordiale et charitable. Ne glosez
pas sur ce que je vous dis, mais profitez-en ; je ne vous parle que pour
cela. Je vous répète de toutes les forces de mon âme : soyez-vous bonnes les
unes aux autres, recevant doucement tout ce qui se propose entre vous. Ne picotez
point, n'interprétez rien en mal, mais tout en bien, je vous en
conjure ; et si vous avez un peu de peine à surmonter vos inclinations,
regardez le divin [561] Sauveur dans ses combats, ce qu'il souffre
incessamment, afin de vous acquérir la gloire. Si vous l'imitez en ces petites
difficultés et faites régner sa divine volonté au-dessus de la vôtre, Il vous
comblera de toutes bénédictions, surtout de sa paix, qui surpasse tout sens et
qui est le bien des bonnes âmes, et enfin de sa gloire éternelle. O mes
très-chères Sœurs, que telles grâces méritent bien que nous travaillions pour
les acquérir ! Faisons-le courageusement, je vous en conjure derechef pour
l'amour de ce Sauveur et par son sang précieux, et par l'entière dilection que
mon cœur a pour vous, lequel est tout vôtre en Jésus.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Il faut rendre gloire à Dieu des faveurs qu'il accorde au
monastère de Montpellier. — Prévisions pour la prochaine élection. — Réclamer à
Mgr Fenouillet la Bulle obtenue de Rome pour l'approbation du Coutumier. — La
peste, la guerre et la famine désolent plusieurs provinces. — Modifications
apportées aux hymnes de l'Office.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1636.]
Vraiment, ma
très-chère fille, voilà une des bonnes nouvelles qui me sauraient arriver, que
de savoir le retour de Mgr votre très-bon et digne prélat. Béni soit Dieu qui
l'a protégé et conservé parmi tant de périls, pour vous le redonner pour sa
consolation et votre bonheur ! Croyez que c'est bien de tout mon cœur que
j'en remercie la divine Bonté. Je suis bien aise aussi du contentement qu'il a
reçu de vous avoir trouvées si bien accommodées ; et certes, comme vous me
dépeignez votre logement, il n'y a rien à désirer de plus pour maintenant. Mon
Dieu ! [562] que sauriez-vous désirer davantage ? Voilà votre bon
Père revenu et en bonne santé ; vous êtes à couvert commodément sans
nécessité de bâtir ; peu de filles, toutes très-bonnes, zélées à leur
perfection et à leur observance : ma fille, tout cela, c'est posséder un
petit paradis en ce monde. Et vous faites fort bien de vous résoudre à ne vous
point presser pour recevoir des filles, bien qu'aussi il ne faille pas perdre
les occasions de prendre les bonnes quand Dieu les présentera.
Il est vrai, ma
très-chère fille, qu'il faut toujours donner à Dieu la gloire de tout le bien
qui nous arrive ; mais il faut aussi reconnaître la grâce qu'il nous fait
de nous prendre pour instrument de tant de bons succès, comme Il a fait de
votre personne pour la conduite de cet établissement, jusqu'à un point tout à
fait digne de bénir sa Bonté ; et de tout lui rendre mille et mille
grâces, et lui référer de l'un et de l'autre et de tout, toute la gloire.
Voilà, ma fille, comme je désire que vous confessiez ingénument de vous-même
que Dieu s'est servi de vous pour faire ce saint ouvrage. — Quant à cette
pauvre fille qui prétendait de rentrer parmi vous, vous avez été
merveilleusement bien conseillée de lui parler et de le faire devant ces
Messieurs, qui peuvent rendre témoignage de votre charité, et du peu de
disposition qu'a cette pauvre âme d'obtenir le bonheur qu'elle demandait. Il
est certain, ma très-chère fille, que la résolution que vous a donnée
Monseigneur et ces bons Pères est très-solide ; sur quoi vous en devez
demeurer en paix, en la recommandant à la miséricorde de Dieu. Certes je suis
consolée que la chose soit réussie de la sorte, car il ne se pouvait pas mieux.
Quant au désir que
vous avez d'avoir une bonne Mère pour vous succéder, de vrai nous serons bien
en peine de vous en pouvoir fournir ; car si bien nous avons ici ma Sœur
Anne-Catherine de Beaumont, qui est certainement fort vertueuse, et donne un
grand exemple dans cette maison, elle est si extrêmement infirme que rien plus.
Quant à celle dont je vous [563] parlais, que vous me dites que vous agréeriez
bien, je ne sais si on vous la pourrait donner, outre que si, tant peu que ce
soit, vous en voyez quelqu'une de votre maison qui puisse être goûtée pour
cela, vous, y demeurant (comme il ne faut pas penser de vous en retirer, car
Monseigneur ne le souffrirait pas, bien qu'en vérité je le désirerais, s'il se
pouvait bonnement sans rien gâter), or je conclus donc que, vous demeurant,
trois ans seraient bientôt écoulés sous une autre ; car infailliblement,
au bout on vous réélirait, et cependant
vous ne laisseriez de servir votre maison et la soutenir, m'assurant que qui
que ce soit que l'on élirait de votre maison se tiendrait si bien unie avec
vous, que Tien ne décherrait. Vous considérerez cette pensée devant Dieu et
m'en manderez votre sentiment.
Quant à madame la
duchesse, assurez-la, je vous en supplie, que je l'honore parfaitement, et que
je me sens tellement obligée à sa bonté et à son mérite, que je m'estimerais
extrêmement ingrate si je manquais à ce que je lui ai promis. Je prie Dieu que
les prières que nous offrirons souvent pour elle soient agréables à sa divine
Majesté, et lui obtiennent les plus riches grâces du saint amour. — Je salue M.
et mademoiselle de Vallat ; je les chéris bien chèrement, et me
souviendrai toute ma vie des courtoisies que nous avons reçues de lui.
Je suis un peu
étonnée de quoi Mgr de Montpellier ne vous ait point parlé s'il a envoyé à
Paris la Bulle pour l'approbation de notre Coutumier ; car vous m'avez
écrit que ce bon seigneur vous avait mandé comme le bon Père dom Maurice
l'avait obtenue ; et le dit Père dom Maurice la lui a laissée pour faire
raccommoder quelque chose qui n'était pas bien, qui était qu'elle ne comprenait
que les monastères de France, et il faut qu'elle soit universelle pour tous. Je
vous prie donc, ma très-chère fille, sachez un peu de Monseigneur ce qu'il a
fait, et que, s'il n'a rien obtenu, qu'au moins il nous fasse la charité de
nous faire tenir la Bulle que le Père dom Maurice lui a laissée. [564] Tirez-la
doucement, et nous la faites tenir le plus sûrement qu'il vous sera
possible ; et, si vous ne la pouvez avoir, mandez-nous au moins ce que
vous en apprendrez. Mais, je vous prie, usez un peu de diligence pour ce coup
ici, ma très-chère fille, afin que nous en sachions des nouvelles le plus tôt
qu'il se pourra.
Mais, ma très-chère
fille, vous ne me dites rien de ce que ma Sœur M. -Renée [Faber] m'a écrit, que
vous avez été si malade que même vous avez failli mourir. Pour l'amour de Dieu,
ayez soin de vous conserver, et ne me faites point de ces petites brouilleries
de filles qui disent qu'elles ne veulent pas se conserver, parce qu'elles
disent qu'elles sont inutiles. Puisque Notre-Seigneur daigne se servir de nos
inutilités, je vous supplie, conservez et maintenez la vôtre le plus qu'il vous
sera possible, afin que vous ayez des forces suffisantes pour rendre à Dieu le
service qu'il désire de vous. — Mon Dieu ! n'êtes-vous pas fille de
regarder seulement d'un seul clin d'œil cette pensée ou soupçon, que je ne vous
ai pas tant d'amour et de confiance qu'à notre Sœur la Supérieure de la petite
maison [d'Annecy] : elle a eu la même tentation, et l'une et l'autre sans
aucun fondement, je vous le proteste devant Dieu, et que je vous chéris de tout
mon cœur avec sentiment de très-grande et sincère confiance et estime de ce que
Dieu a mis en vous, et de l'amour vraiment filial que sa Bonté vous a donné
pour moi. Vraiment, je n'ai pas votre tentation ; car je crois que vous
avez en moi un amour et confiance parfaits. Mais, voyez-vous, Dieu vous permet
cette tentation pour vous servir d'exercice, mais non pour la croire ni la
nourrir.
Vivez toujours dans
le sein de Dieu et de la très-sainte Providence et priez fort pour les besoins
publics ; qu'il plaise à Dieu apaiser son ire et convertir les calamités
et désolations du peuple chrétien à sa gloire et à notre salut. L'on ne saurait
dire les afflictions des provinces voisines : la peste, la guerre et la
famine les consomment, et l'on tient que ce pays n'en [565] sera exempt. — Oh Dieu ! que nous aurions besoin
d'un Père Charbonnier pour encouragera souffrir comme il faut, ou de quelque
bon prédicateur muet, c'est-à-dire un bon livre qui encourageât, et enseignât à
porter comme il faut telles si effroyables calamités et désolations !
Notre bon Dieu les convertisse à sa gloire et à notre salut ! Je me
recommande aux prières de ce bon Père et de toutes nos Sœurs. Dieu accomplisse
en tout sa très-sainte volonté. — Dieu soit béni !
[P. S.] Je vous prie, tenez-moi pour toute vôtre, je
le suis de cœur, ma très-chère fille. Notre bonne Mère de céans vous écrivit
l'autre jour sur ce que vous lui mandiez touchant le changement que l'on a fait
aux hymnes de l'Office : c'est le Saint-Père qui les a ainsi accommodées.
Et maintenant que Mgr de Montpellier est auprès de vous, il vous pourra bien
dire que ce n'est pas ouvrage de nos mains, et que même c'a été par son avis et
encore de Mgr d'Arles que nous les avons fait imprimer de la sorte, parce que,
aussi bien dans quatre ou cinq ans, il nous eût fallu faire imprimer de
nouvelles Heures ; car l'on est obligé de suivre les ordonnances du
Saint-Père ; de façon, ma très-chère fille, qu'il faut suivre l'Office qui
est imprimé, puisque c'est le Souverain Pontife qui le commande.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [566]
ARCHEVÊQUE DE SENS
La Sainte s'afflige des maux du pauvre peuple. — La
réception des sujets dépend des voix du Chapitre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Monseigneur très-chèrement
aimé,
Le divin Sauveur
soit la consolation et le refuge de ces pauvres désolées provinces, et
convertisse leurs calamités temporelles en bénédictions éternelles !
Hélas ! Monseigneur, quelles douleurs dans les cœurs qui entendent ce qui
se passe ! Est-il possible que des hommes chrétiens soient si préoccupés
de leurs misérables passions qu'ils s'oublient des jugements de Dieu ? Sauveur
du monde, miséricorde sur votre pauvre peuple ! Monseigneur, je suis certes transpercée
d'afflictions, quand j'entends dire et me représente les cruautés qui
s'exercent, surtout sur Je pauvre peuple, qui porte la pénitence et les
châtiments que méritent nos péchés, qui ont irrité le courroux de Dieu ;
et ce qui m'afflige encore plus, c'est que l'on ne voit point l'esprit
d'oraison, pour invoquer sa divine miséricorde.
Mon Dieu ! il
me semble que les prédicateurs devraient sans cesse échauffer et animer le
peuple à avoir recours à la souveraine Bonté ; mais il semble que chacun
ait la langue liée pour cela. Hélas ! notre misère est si grande qu'encore
que nous soyons bien touchés, nous ne méritons pas d'être exaucés. Nous [567]
persévérerons toujours à demander la sainte paix. Et vous devez être bien
consolé, mon très-cher seigneur, de ce que Dieu vous donne force et courage
pour parler si fermement, et pour dire les vérités à ceux qui ne les veulent
entendre. Dieu en tirera sa gloire au temps qu'il sait. Cependant j'en bénis sa
Bonté, et la supplie qu'en toute occasion vous vous témoigniez toujours vrai
serviteur de Dieu et père du peuple.
Je vous dirai
simplement, Monseigneur, que quand Messeigneurs nos prélats sont fort éloignés
de nous, nous ne les importunons pas de nos petites affaires, sinon qu'ils le
commandent expressément ; et l'on s'adresse à ceux qu'ils nous donnent
pour Pères spirituels. Et, quant au renvoi ou réception des filles, cela dépend
nûment des voix du Chapitre. Il est vrai qu'il faut que nous disions le bien et
le mal que nous jugeons aux filles pour en recevoir l'avis des Supérieurs, qui
aussi les doivent examiner pour la profession, avant même que le Chapitre tire
les voix pour elles. Voilà, mon très-cher seigneur, notre procédé selon notre
Règle ; et je m'assure que, si ma Sœur la Supérieure [de Melun] eût su
votre intention, elle n'eût eu garde d'y contrevenir. Monseigneur, je vous
souhaite incessamment le saint amour du Sauveur, et qu'il vous rende son bon et
loyal serviteur, auquel Il prenne son bon plaisir. Qu'y a-t-il en cette
périlleuse vie de désirable, que cet unique bonheur ? Dieu donc vous le
donne, par son infinie grâce ; et après votre trépas la glorieuse
éternité, où nous le bénirons et louerons sans fin. [568]
Les maux de cette vie nous obtiendront un surcroît de
gloire dans l'autre.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Ma très-bonne et très-chère
fille,
Certes, je ne sais
que vous dire sur les alarmes où vous êtes puisqu'elles sont quasi
universelles, et que ce pays, comme l'on nous dit l'autre jour, est bien en
crainte. Que faire, sinon nous humilier devant Dieu et nous réfugier sous sa
protection, lui soumettant tout notre être, par un entier abandonnement en ses
mains paternelles, nous confiant qu'il ne permettra pas que plus de mal nous
arrive que nous n'en pourrons porter, et qu'il convertira toutes choses à sa
gloire et au plus grand bien des âmes ; et cela nous doit suffire,
puisqu'il n'y a mal qui nous puisse arriver en ce monde, quel qu'il soit, qui
ne nous puisse servir à obtenir une plus grande gloire dans le ciel, qui est le
seul vrai bien qu'il faut regarder, désirer et espérer. Et bienheureux sont les
maux que nous souffrirons en cette vie, s'ils nous servent d'échelons pour
monter en cette cité éternelle.
Nous avons aussitôt
commencé les prières, encore que quasi il ne s'en fait point céans sans la
participation et compassion que nous devons avoir des maux de notre prochain,
comme n'en attendant pas moins, si Dieu ne détourne sa main de dessus nous. Sa
bonté veuille avoir pitié de tous, confortant les affligés et convertissant les
coupables. Il faut que je vous confesse ingénument que je souffre beaucoup en
mon cœur et en mon esprit pour les afflictions où je crains que nos pauvres
Sœurs de la Bourgogne tombent. Mais toutefois je désire m'affermir et prendre
force dans cette vérité, que Dieu ne leur donnera pas une charge plus pesante
qu'elles ne pourront porter, et que sa Bonté fera abonder en elles et sur tous
ceux [569] qui sont oppressés, toutes sortes de grâces. C'est bien ici le
temps, ma chère fille, de faire des prières et oraisons pour apaiser l'ire de
Dieu, lequel nous fasse la grâce de confesser de cœur que nos péchés méritent
bien ces châtiments, et partant que nous les recevions comme une juste
pénitence divine.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BELLEY
Conseils pour le bon gouvernement de sa communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Ma très-chère fille,
Je retourne en
esprit vers vous, pour vous embrasser de tout mon cœur et toutes nos chères
Sœurs, et les ressouviens que leur principale affaire soit de faire leur salut,
selon l'excellente vocation que Dieu leur a donnée, où incessamment elles
doivent avancer à la perfection très-pure et sainte qu'elle requiert d'elles.
Ma fille, je ne vous ai pas dit que j'avais reconnu en nos Sœurs une tendre
affection pour vous, et certes de l'avancement au bien ; mais, ma toute
chère fille, il faut de [570] plus en plus les porter à se ramasser toutes pour
cet unique bonheur de s'aimer, se plaire, et se rendre fidèles à se tenir
auprès de notre bon Dieu, et à vivre dans une très-ponctuelle observance, amour
et estime l'une de l'autre ; et qu'elles soient assidues à l'Office divin
et aux communautés, se rendant courtes au parloir, car comme notre Bienheureux
Père dit à Lyon : « Aux longs discours il se passe de grandes
inutilités. » Montrez-leur en cela un saint exemple, ma très-chère
fille ; je vous assure que Dieu vous en saura gré, et j'en demeurerai
très-consolée pour le bien qu'en ressentira votre chère âme.
Madame D... m'a dit,
et de la bonne façon, qu'encore qu'elle n'en eût rien dit, que son intention
était de faire du bien, n'ayant point d'enfants ; mais, ma chère fille,
tâchez de leur faire tirer des biens spirituels de votre conversation et de
celle de nos Sœurs, et les portez à vivre chez vous avec telle modestie, que
les Sœurs même en soient édifiées. Comme aussi vous les devez avertir qu'elles
ne les entretiennent que de choses saintes. C'est de cœur tout ce que je vous
dis, et pour le désir que Dieu soit glorifié de vous toutes.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À THONON
Prière de s'occuper de la fondation de Turin.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 19 octobre 1636.
Monsieur,
Je ne vous saurais
dire combien nous nous sentons vos obligées, pour la peine que vous avez prise
d'éclaircir les difficultés qui étaient sur cette maison de M. Desprès. M. le
[571] sénateur de Félicia nous mande comme il a pris la peine avec vous de voir
tous les papiers et prétentions que l'on peut avoir sur cette maison, et qu'il
a fait de grands mémoires pour encore donner l'éclaircissement et l'appui dans
le besoin à nos Sœurs. C'est tout ce que l'on désirait. Les filles disent
qu'elles font cet achat sans s'incommoder ; me voilà contente. Si dès le
commencement elles eussent conduit cette affaire par l'avis de M. de Félicia,
il n'y eût point eu tant de parlementeries ; mais Dieu soit béni qu'elles
l'achètent sûrement et que vous leur ayez fait avoir cette grange. De tout mon
cœur je vous en remercie, et de toute la peine que vous avez eue en cette
affaire.
Mais dites-nous,
Monsieur, si M. le marquis de Lullin ne pense point à vous faire passer en
Piémont. Cela nous accommoderait bien ; car il m'est avis que cette
affaire aura peine à s'achever sans l'assistance de votre zèle et affection. Le
bon Père dom Juste nous écrit la continuation de l'affection de Son Altesse
Royale, mais il n'y avait encore point d'effet. Dites-nous, s'il était
nécessaire que vous prissiez la peine d'y aller, si nous pourrions obtenir
cette charité de vous, et de M. le marquis la courtoisie de l'agréer. — Dieu,
par sa bonté, vous comble de son saint amour. Continuez-nous toujours votre
affection, et croyez que de tout mon cœur je suis et serai sans fin, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [572]
Au sujet d'un achat avantageux au monastère de Thonon.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 21 octobre 1636.
Monsieur,
Nous venons tout à
cette heure de recevoir votre lettre, ce 21 du mois, tout au soir, qui est
datée du 16. Je ne sais pas à qui vous l'aviez remise, mais nos Sœurs l'ont
devancée ; car, dimanche, M. le curé de Lachenal vint avec quantité de
lettres, même de M. le prévôt, et tous veulent et disent qu'il faut que la pache
tienne, pour les grands biens qu'ils disent qui en doivent venir à nos
Sœurs de Thonon. Ce qui m'a emportée et fait consentir, c'a été la lettre de M.
le sénateur de Félicia, qui m'a fait l'honneur de m'écrire qu'il a vu, et vous
avec lui, tous les papiers de la maison Desprès, et qu'ensemble vous avez
trouvé que la pache de l'achat était bonne. Là-dessus, j'ai donné les
mains, me confiant en l'affection de M. le sénateur, en sa science et en la
vôtre ; car, pour la perte, je n'avais pas lieu de résister à M. le prévôt
et au Chapitre, car ils m'ont écrit des lettres admirables. Dieu leur en donne
joie car pour moi je n'en ai point ; mais je n'ai lieu d'y résister
davantage. Nous ne laissons de vous être extrêmement obligées pour l'affection
et le soin que vous en avez pris. Cependant, je me réjouis de l'espérance que
vous nous donnez que nous aurons le bien de vous voir bientôt, et vous prie de
croire que je suis toujours plus vôtre en l'amour de Notre-Seigneur, lequel je
prie vous combler de ses plus précieux dons.
[P. S.] Je vous prie, si vous le jugez à propos, de
saluer très-humblement M. le marquis [de Lullin] de notre part, et l'assurer
que je suis sa très-humble servante et à mesdames les marquises, leur
souhaitant toute sainte prospérité.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [573]
Prière de se rendre à Turin.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 2 novembre 1636],
Monsieur,
Voilà une lettre du
Père dom Juste, par laquelle vous verrez l'extrême nécessité qu'il a de votre
présence, et comme il désire avec passion de vous avoir auprès de lui, pour lui
aider à la poursuite de l'affaire que vous savez, pour laquelle il ne peut rien
faire tout seul. C'est de quoi je vous supplie aussi très-humblement, si cela
se peut. Vous verrez encore dans sa lettre les pensées que ce bon Père a pour
notre accommodement. Si vous nous pouvez faire cette charité sans vous
incommoder beaucoup, ne vous attachez à aucune affaire que ce soit ; car
il serait à désirer que vous partissiez au plus tôt, d'autant que nous voudrions
voir l'issue de cela, d'une façon ou d'une autre. Et, si vous jugez que nous
dussions écrire à M. le marquis pour le supplier d'agréer votre départ, nous le
ferons. Mandez-nous tout franchement vos sentiments pour ce regard, et nous les
suivrons au mieux qu'il nous sera possible. Mais, au cas que vous puissiez
faire ce dont nous vous supplions, il faudrait expédier vos affaires, afin
qu'au plus tôt vous vous puissiez rendre au lieu où vous êtes tant désiré. Nous
attendons votre réponse, en suppliant Notre-Seigneur qu'il soit de plus en plus
l'unique possesseur de votre chère âme, et que sa douce bonté la remplisse de
ses amples bénédictions. Je suis en Lui d'une affection toute particulière,
Monsieur, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [574]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Démarches à faire pour retrouver la Bulle d'approbation du
Coutumier.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Mon Dieu ! ma
très-chère fille, que nous sommes en peine [de ce] que peut être devenue la
Bulle que nous avions obtenue pour notre Coutumier ; n'en ayant aucune
nouvelle, encore que le Père dom Maurice et moi en ayons écrit, moi deux fois à
M. Bebin à Rome, sans en avoir réponse quelconque. Je vous conjure de faire en
sorte que Mgr de Montpellier en écrive audit M. Bebin, afin que, si elle était
égarée, il en obtienne une autre le plus tôt qu'il se pourra ; nous en
payerons tous les frais. De vrai, cela nous lient en peine, ne pouvant
communiquer notre Coutumier à nos autres monastères que nous n'ayons ladite
Bulle en nos mains.
Voilà, ma très-chère
fille, tout ce que je vous puis dire pour cette heure, sinon que je me
recommande bien fort à vos prières. J'en ai un besoin tout particulier.
Obligez-moi de ne me les pas dénier, puisque je suis dans une entière et
très-sincère affection entièrement vôtre en notre très-doux et très-adorable
Sauveur, que je supplie répandre dans nos âmes la pureté de son divin amour,
afin qu'éternellement nous le bénissions. Amen. Très-humble révérence à
Monseigneur et à ceux que vous jugerez, surtout à nos chères Sœurs.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Société
Florimontane d'Annecy. [575]
Bienheureuses sont les âmes qui se quittent elles-mêmes. —
On doit entretenir de bons rapports avec toutes les maisons religieuses. —
Importance de la charge de maîtresse des novices. — Se garder du scrupule et de
la mélancolie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636]
Ma toute chère fille,
Je vous ai déjà
écrit comme, grâce à Notre-Seigneur, nous avons accompli l'obéissance en ce
voyage que la charité si ardente de nos bonnes Sœurs nous avait fait
entreprendre. Il m'a fait grand bien, après notre arrivée ici, d'y trouver
toutes choses aller avec une grande bénédiction dans les deux maisons, où il
semble que Notre-Seigneur se plaise parmi ces âmes innocentes, qui le servent
d'un bon cœur et allègrement. Remerciez-en son infinie douceur avec moi, qui
vous conjure ne recevoir aucune crainte ni méfiance de la sincérité et
inviolable affection de mon cœur pour le vôtre ! Je ne me souviens point
des choses passées ; je désire que nous nous avancions à celles qui sont
devant nous ; oui, ma très-chère fille, et chacun dans les moyens que Dieu
nous présente, dans l'emploi où II nous tient. Nous serons bienheureuses si
nous nous quittons nous-mêmes pour son amour et pour accomplir sa
volonté ; nous ne perdrons rien en ce traité, car sa Bonté est riche en
miséricordes sur tous, mais spécialement sur les personnes qui travaillent à
purifier et perfectionner les âmes qui lui sont dédiées.
Certes ces esprits
agissants qui contrôlent votre douceur ont un grand tort ; mais comme vous
dites, ma fille, il faut supporter de tous et avec tous, car c'est la pratique
des Saints. Vous me faites grand plaisir de vous maintenir en union avec les
maisons religieuses ; soyez amie de toutes et à fort peu [576]
familière : c'est la chère maxime de notre Bienheureux Père. — Je suis consolée
que ma Sœur N. réussisse si bien au noviciat ; car c'est la racine et le
bonheur de nos maisons. C'est pourquoi il faut avoir grand soin de mettre à cet
emploi des Sœurs vertueuses et bien faites, c'est-à-dire bien fondées en la
vraie observance.
Au surplus, gardez-vous
bien d'être scrupuleuse, et ne permettez point à vos filles de l'être ;
car, après les péchés, rien n'est nuisible à la vie spirituelle que la
mélancolie et les vains scrupules. Allez, ma chère fille, de plus en plus
avançant au saint amour de Dieu par la suave observance des Règles, et la
continuation de votre douceur en votre conduite spirituelle et extérieure, et
vous ressouvenez de ce que dit notre Bienheureux Père : « Le sucre ne
gâte aucune sauce. »
À PIGNEROL
Encouragement à servir Dieu avec confiance et fidélité.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Vraiment, ma
très-chère fille, notre bonne Sœur N. a eu grand tort de remplir votre esprit
de toutes les choses qu'elle vous a dites. [Plusieurs lignes illisibles.] Mon
Dieu ! que cela [577] m'a fait mal au cœur, bien que je sache que c'est
par bonté et confiance que ces choses vous ont été dites ; néanmoins elles
ne peuvent guère servir qu'à vous étonner, et préoccuper votre pauvre et cher esprit
qui m'a fait une compassion nonpareille ; mais j'espère en notre bon Dieu
qu'il sera votre force, et vous fera la grâce de le servir utilement en cette
maison, où Il vous a appelée pour sa gloire. Mais, au nom de Dieu, ma
très-chère fille, ne vous laissez point abattre, ne pressez point votre cœur,
faites tout le bien que vous pourrez, ne vous étonnez point du mal si vous en
rencontrez. J'ai confiance que votre bon exemple et la solidité de votre vertu
et de la très-chère Sœur M. -Hélène [d'Arères] ramènera au devoir celle qui n'y
voudrait pas marcher. Je vous conjure derechef de ne vous point laisser
abattre, car enfin, si vous ne faites rien là pour Dieu, nous vous
rappellerons. Je prie notre bonne Sœur [la Supérieure] d'Embrun de vous faire
tenir ce billet sûrement, et de vous donner moyen de m'écrire.
L'on dit que la
prétention de la Mère est que, quand elle aura logé les Sœurs de vous laisser
là, et s'en aller à Turin établir une maison sous la protection de Madame. Si
vous vous en apercevez, faites-le-moi savoir, je vous prie et comme tout va.
Confortez votre cœur avec ma très-chère Sœur M. -Hélène : c'est une âme
fidèle à Dieu, en qui vous pouvez vous fier ; je la salue chèrement. Cette
lettre vous sera commune si vous le jugez à propos. Enfin j'ai confiance que
Dieu vous assistera, mais gardez de vous laisser abattre. Je supplie sa Bonté
vous tenir de sa sainte main. Ah ! que c'est un grand honneur et bonheur à
une âme vraiment dédiée à Dieu de faire et souffrir beaucoup pour son amour !
Je suis vôtre d'un cœur parfait.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [578]
À NEVERS
Elle l'invite à passer à Annecy, en revenant de Nevers.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 29 novembre [1636].
Ma pauvre très-chère fille,
Je vous confessé que
je suis en peine de ne point savoir de vos nouvelles, particulièrement à cause
de la perte de votre dernière lettre, craignant qu'elle ne requît quelque
réponse qui vous soit nécessaire ; mais, ma vraie très-chère fille, pour
l'amour de Dieu, donnez-moi la consolation de prendre la liberté de faire ce
que vous connaîtrez être le mieux, selon Dieu et votre contentement et
repos ; car je vous assure que je ne veux que cela de vous, et si vous
voyiez mon cœur et ses sentiments pour vous, vous vivriez en parfaite liberté
et confiance de ce côté-là. Or, ces bains que l'on me dit que M. Besson vous
mandait de prendre, me font penser que peut-être arrêtez-vous pour cela. Enfin,
je suis en peine, et vous conjure qu'au plus tôt nous sachions de vos nouvelles
et ce que vous résoudrez. Que si vous prenez résolution de retourner vers nous,
mon Dieu ! ma vraie très-chère fille, quelle consolation, et avec quel
cœur et amour vous recevrons-nous, cela ne se peut dire !
Nos pauvres Sœurs de
Chambéry sont en peine, aussi bien [579] que nous, et vous attendent avec des
cœurs vraiment filials, surtout ces trois toutes bonnes, qui ont un amour et
estime pour vous vraiment incomparables. Mais pourtant, ma fille, je désire
extrêmement de les mortifier, en leur retardant pour un peu le cher bien de
votre présence, vous conjurant de venir passer ici. Il ne vous faut pas plus de
journées d'ici à Lyon, que de Lyon à Grenoble. Et quand bien il faudrait un
jour de plus, votre bon cœur le donnerait volontiers à notre consolation ;
mais il ne le faut pas. Vous pouvez bien venir en quatre jours, et, étant ici,
nous vous ferons bravement conduire à Chambéry dans une bonne litière. Voilà ce
que j'avais dans l'esprit à vous dire, vous conjurant derechef que nous ayons
au plus tôt de vos nouvelles. — Notre bonne Mère Supérieure est au lit avec un
tournoiement de tête qui ne lui procède, comme je pense, sinon qu'après qu'elle
se fût fait purger et saigner, la semaine passée, elle ne se tint pas un peu en
repos ; car elle traite son corps comme un cheval. Je ne sais si elle
pourra vous écrire ; mais je sais bien qu'elle a grande envie de vous
voir, et qu'elle vous estime et chérit nonpareillement. Ma toute chère fille,
je supplie notre bon Dieu vous combler de son saint amour. Je suis en Lui toute
vôtre, sans aucune réserve et de cœur. — 29 novembre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À FRIBOURG
La Sainte l'assura de l'affectueux accueil qu'elle
recevrait à Annecy, mais l'engage toutefois à prolonger son séjour en Suisse.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Ma très-chère fille,
J'étais dernièrement
en retraite quand j'ai reçu votre lettre et priai notre bonne Mère Supérieure
de vous y répondre ce [580] que je pensais. Depuis, vous avez écrit à notre
chère Sœur Catherine-Élisabeth [de la Tour], et m'avez envoyé la lettre de
madame de Listenais, à laquelle j'écris de cœur selon votre désir. — Et pour
vous, ma toute chère fille, que pouvez-vous attendre de nous, sinon cette
parole que je vous dis du fond de mon cœur : ma fille, venez, si vous le
pouvez faire selon Dieu, et vous proteste que vous serez, mais très-chèrement
et cordialement reçue, non-seulement de moi, mais de toutes nos très-chères
Sœurs et de notre bonne Mère, n'en doutez point ; car nous vous chérissons
en vraie dilection, n'en doutez jamais. Et puis, cette bénite maison n'est-elle
pas la vôtre ? Or voilà pour ce point ce que je vous dis, avec mes plus
tendres affections.
Mais, ma fille, Dieu
veut que je vous dise que vous ne laissiez point là vos Sœurs en désordre, ni
toutes ces maisons de par delà, qui sont appuyées de votre conseil et
assistance dans leurs besoins. Voyez donc, ma toute chère fille, à faire tout
comme une vraie fille de Dieu et une Mère qui est chargée de cette nouvelle
maison, qui doit tout faire sagement. Voyez donc, considérez devant Dieu, et
faites selon que votre conscience vous dictera ; car, n'étant pas sur les
lieux, nous ne pouvons juger, ni vous dire autre chose, sinon que vous devez
avoir une entière et pleine confiance de notre affection, qui vous recevra à
toutes bonnes occasions, comme vous le sauriez désirer. — Mon Dieu ! que
je suis en peine de nos pauvres Sœurs de Besançon, et des autres du
Comté ! Dieu les conserve et les tienne en sa divine protection, et vous
aussi, ma très-chère fille, et toutes nos chères Sœurs ! Priez toutes pour
celle qui est toute vôtre.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [581]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Mesures de sagesse à prendre s'il est jugé bon que la
sacristine continue à parer l'autel.
VIVE † JÉSUS ?
[Annecy], 12 décembre 1636.
Ma très-chère fille,
Je vous envoie la
lettre que j'écris à Mgr de Sens à cachet volant, afin que vous voyiez ce que
je lui dis ; car, étant du mérite et de l'affection qu'il est, je crois
qu'il faut traiter franchement et cordialement avec lui. Quand donc il sera à
Paris, je vous prie, ma très-chère fille, de tâcher de lui parler avec M. Je
commandeur notre très-cher Père, essayant ensemble de prendre quelque expédient
et résolution ; que si la résolution est de ne pas retrancher la grille ni
l'entrée, j'ai pensé, ma très-chère fille, qu'il faudra ajouter au Coutumier,
en suite de ce que dit la Constitution qui donne cette licence d'entrer,
seulement à la sacristine ; que si elle a besoin d'être aidée, la
Supérieure lui donnera deux Sœurs en qui elle ait une juste confiance, pour
l'assister ; que si elle n'en a besoin, lesdites deux Sœurs demeureront
dedans le chœur, proches de la grille, jusqu'à ce qu'elle soit rentrée, et
ladite grille refermée, laquelle fermera avec deux serrures, dont la Supérieure
en gardera l'une, et l'assistante l’autre. Outre cela, ma très-chère fille,
vous pourrez ajouter que tous les soirs l'assistante visitera ladite grille
comme elle fait les autres portes de clôture ; et il me semble que de
cette sorte il n'y aurait point de péril, ajoutant encore que cette grille ne
s'ouvrira que pour cette nécessité, et en des grandes occasions, et pour donner
le voile aux filles ; et qu'elle se refermera incontinent que la cérémonie
sera faite. Il faudra donner une invention, comme vous l'avez en votre petite
grille, pour passer [582] les devants d'autel ; vous le ferez marquer sur
le plan au lieu que vous jugerez le plus convenable.
Voilà, ma fille,
toute ma science : il me semble qu'avec toute cette observance la chose ne
saurait être périlleuse. Néanmoins, je crois que si le Bienheureux était au
monde, il ferait lanciler cette fenêtre-là, tant pour les choses que
l'on sait qui se passent maintenant, que pour céder et s'accommoder au jugement
de ceux qui sont de cet avis et y trouvent à redire ; mais il était le
maître. Je remets tout cela, ma très-chère fille, entre les mains de Dieu et
les vôtres, pour en conférer avec M. le commandeur notre très-cher Père, et
avec le bon prélat, pour prendre la résolution le plus convenablement que vous
pourrez ; nous nous en tiendrons à cela.
Ma très-chère fille,
pour ce qui est de cette Bulle, puisque le Père Binet en a aussi quelque chose
à dire, sur ce que ces filles disent qu'elles n'en désireraient point, je vous
prie d'en dire aussi quelque chose avec Mgr de Sens, quand vous le
verrez ; car je ne sais pourquoi nous appréhendons tant de nous
assujettir, et que l'on ferme la porte aux changements et dérèglements, ne
pouvant pas conserver notre uniformité que par ce moyen. J'en écris ma pensée
au bon Père dom Maurice.
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À CHAMBÉRY
Félicitations sur sou heureux retour à Chambéry. — Prière
d'intéresser son frère aux affaires de l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, décembre 1636.]
Dieu soit béni, qui
vous a conduite très-heureusement en votre maison, ma toute très-chère fille,
et entre les accueils de vos [583] très-chères filles ! Hélas !
quelle consolation pour leurs âmes, de les pouvoir remettre à la conduite de
leur très-bonne Mère ! Dieu leur fasse la grâce d'en bien profiter selon
ses desseins éternels !
Ma toute chère
fille, voilà notre gros paquet de lettres : il y en a pour quantité de nos
maisons, et quasi toutes importantes ; enfin ce marchand nous a manqué de
parole. Je le recommande donc [ce paquet] à votre soin charitable pour le faire
tenir le plus sûrement et promptement qu'il se pourra. Je pense que notre bonne
Mère [de Châtel] vous envoie quelques commissions pour M. votre frère quand il
ira en Piémont. Rendez-le le plus affectionné qu'il vous sera possible d'aider
le bon Père dom Juste pour avoir quelque conclusion de cette fondation, d'un
côté ou d'un autre. Il y a aussi une charité à faire pour nos pauvres Sœurs de
Thonon, qui derechef ont fait de grandes pertes, en ces abîmes qui sont arrivés
ces jours passés. Je pense que notre bonne Mère vous priera de recommander le
tout à M. votre frère, auquel vous souviendrez que la charité qu'il nous voudra
faire de nous assister de sa faveur, il faut qu'elle s'exerce sans bruit ni
éclat. — Ma toute chère fille, le divin Sauveur veuille préparer nos cœurs, en
sorte qu'il y fasse son éternel séjour ! Amen. Toute vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À NANTES
Quelles Sœurs peuvent être proposées à la prochaine
élection de Nantes. — Le Père spirituel doit appartenir au clergé séculier et
dépendre de l'évêque.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, décembre 1636.]
Ma très-chère fille,
Notre très-doux
Sauveur soit éternellement béni et loué de nos cœurs et de toutes ses
créatures ! Je vous assure, ma [584] très-chère fille, que, selon ce que
vous me marquez en sincérité des conditions de N., je ne pense pas qu'elle
puisse réussir dans le gouvernement. Cet esprit si mou est une dangereuse
pièce, et j'aimerais mieux notre Sœur M. -Marguerite [d'Épineul]
incomparablement, espérant encore en Notre-Seigneur qu'elle s'adoucirait dans le
gouvernement, surtout vous étant près d'elle, pourvu qu'elle soit bien unie
avec vous. Vous ferez bien d'écrire à nos maisons de Paris, pour avoir, si vous
pouvez, les Mères que vous me marquez ; mais cela dépend de l'élection que
leur maison fera ; car si elles n'ont des Supérieures capables, elles ne
pourront pas les quitter. Il ne faut point penser à faire aller d'ici une
Supérieure à Nantes ; ces grands voyages sont trop fâcheux. J'ai confiance
que vous obtiendrez de Notre-Seigneur ce qui sera pour le mieux de votre
maison ; il lui faut bien recommander et s'en confier en Lui. Je suis bien
aise que notre Sœur [M. -Angélique] du Fou soit assistante, et que vos novices
soient si bonnes.
Les Carmélites, ni
les autres Religieuses, ne font point difficulté d'aller de l'une de leurs
maisons à l'autre, quand la vraie charité et nécessité le requièrent, pour
quelque digne occasion. Néanmoins, il ne faut pas ouvrir cette porte
facilement ; car chacun penserait avoir ce besoin.
Je ne crois
nullement que la Mère du Croisic doive aller à Rennes, sinon que l'on lui
voulût faire la charité de l'y garder du tout, laquelle serait
très-cordiale ; mais vous faites bien de les laisser ménager cela à
elles-mêmes. — M. l'abbé de Vaux est l'incomparable. Il a un vrai cœur selon
celui de notre Bienheureux. Faites-lui tenir cette lettre [plusieurs lignes
coupées] ; mais, si l'on nous l'ôté, il faut faire tout effort pour ne
prendre un Religieux, quel qu'il soit. Les Pères de l'Oratoire ne le sont pas,
ains dépendent de l'évêque, et devez employer vers Mgr votre évêque tous ceux
que vous saurez vous y pouvoir aider, car cela est contre l'Institut. Nos Pères
spirituels doivent [585] être du clergé, dépendants des évêques. Si
Messeigneurs les archevêques de Sens ou de Bourges, ou quelque autre prélat de
France, avaient crédit vers Mgr votre prélat, il faudrait que vous écrivissiez
à notre Sœur la Supérieure de Paris, pour obtenir une lettre de faveur qui fit
bien entendre comme cela est tout à fait contre l'Institut, et la pratique de
tous les prélats qui partout nous donnent des prêtres d'autorité et dépendant
d'eux. Ma fille, Dieu bénisse toujours plus votre cher cœur, que je conjure
derechef de me recommander journellement et persévéremment à la divine
miséricorde. Faites-le selon l'amour que vous me portez et la confiance que
j'ai en vous, qui suis toute vôtre.
[P. S.] Je pense qu'il serait peut-être bon que nos
Sœurs d'Angers ne sussent pas que j'écris maintenant à M. l'abbé de Vaux, à
moins que ma lettre fût une réponse à une des siennes ; c'est pourquoi, si
vous le jugez à propos, il serait bon de la lui envoyer à part. Au nom de Dieu,
priez pour moi, afin que notre grand Dieu vivant vive et règne éternellement en
moi selon la grandeur de ses miséricordes. Il soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Voiron.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Mgr de Sens conseille de retrancher la sortie des Sœurs
sacristines.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
...Monseigneur de
Sens m'écrit touchant cette grande grille, qu'il dit absolument devoir être
ôtée, et en laisser une suffisante pour donner le voile et par laquelle on ne
puisse passer ; que maintenant il sait qu'il n'y a rien à craindre, mais qu'il
faut faire les règlements pour le temps à venir : il faut ôter les
occasions. Je lui vais répondre les difficultés que nous avons [586] pour cela,
et comme je ne sais comment pouvoir le faire si ce n'est par un commun
consentement des monastères, auxquels je pourrais écrire le dissentiment qu'on
a de cela et les inconvénients que l'on en craint, et ce que notre Bienheureux
Père en a dit, et l'on verra ce qu'ils diront. Je ne doute nullement que si le
Bienheureux était au monde et qu'il sût ce qui se passe dans les monastères, et
qu'il vît le dissentiment que l'on en a, qu'il ne le retranchât ; car il
est vrai qu'en plusieurs lieux nous sommes nécessitées d'en user fort
secrètement et en cachette ; et c'est ma faute que je n'en ressouvins pas
le Bienheureux ; mais cela est fait.
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris.
Éloge des deux monastères d'Annecy. — Peines intérieures
de la Sainte.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1636.]
Ma très-chère Mère,
J'ai eu tant de
consolation en la réception de votre dernière lettre, si pleine de votre bonté
et véritable affection envers nous, que toujours depuis je désire que vous me
continuiez la grâce d'en recevoir quelquefois de semblables, et de vos
nouvelles. Celles de ces deux familles d'Annecy sont bonnes, Dieu merci ;
et je vous puis dire avec vérité et confiance, ma très-chère Mère, que Dieu y
répand de grandes grâces. Il y a en ce monastère premier, grand nombre d'âmes
d'élite, entre [587] lesquelles il s'en trouve que Dieu élève à une très-épurée
et solide perfection, et toute la famille marche avec une grande paix et union.
Notre bonne Mère Péronne-Marie de Châtel, Supérieure de céans, les conduit fort
bien : la gloire en soit à Dieu, auteur de tout bien ! La seconde
maison est une famille innocente, pure et ponctuelle à l'observance, aussi bien
que celle-ci. Enfin, il semble que ce grand et divin Maître se plaise à donner
grandes bénédictions à ces deux monastères ; et, par les avis que
je reçois des autres, je tire sujet de me confondre et rendre d'immortelles
[actions de] grâces à Notre-Seigneur. Notre bonne Mère et moi n'avons qu'un
cœur. Je lâche de suivre la communauté en toutes ses pratiques, mais
imparfaitement (à mon accoutumée). L'on a peine à me le souffrir, et l'on me
rend tant d'honneur et de déférence que cela m'est à charge ; mais je
fâche de m'y soumettre par obéissance.
Notre bon Dieu,
m'envoyant tant d'occasions de contentement parmi ces chères âmes, m'a envoyé
un exercice de peine intérieure sous laquelle je sécherais si sa Bonté ne me
tenait de sa main. Je me soumets de toutes mes faibles forces à ses justes
jugements, et vous conjure, ma très-chère Mère, de lui protester souvent pour
moi que je ne le veux plus offenser- et ne lui demande que cette grâce, et que
je fasse et souffre tout selon son bon plaisir, et comme il lui plaira. Je dis
ceci sans lumière ni goût, mais je veux que ce soit de tout mon cœur. Voyez si
j'ai besoin de vos prières et de celles de vos chères Sœurs !
Procurez-moi, ma bonne Mère, encore celles de tous les amis que vous connaissez
avoir crédit auprès de notre très-débonnaire Sauveur, afin que j'obtienne par
sa grande miséricorde que je sois éternellement unie à Lui, par l'immortalité
de sa gloire.
Ma très-chère Mère,
je sais bien que je parle à vous seule, selon mon accoutumée. En cette
confiance je ne vous puis rien celer, sachant aussi quelle est la véritable
bonté de votre cœur [588] pour moi. — J'ai béni Dieu quand j'ai su que notre
très-chère Mère du très-divin Sacrement était rétablie. Enfin ce grand
Gouverneur achève ses desseins quand il lui plaît ; et toutes ces
traverses qu'il a permises se convertiront à sa gloire et au bien des âmes.
Votre, etc. [589]
ANNÉE 1637
SUPÉRIEURE À CHAMBÉRY
Souhaits de bonne année. — Mort de M. de Coulanges.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, janvier 1637.]
Ma toute bonne et très-chère grande fille,
Je vous souhaite, en
ce commencement d'année, les plus chères et précieuses grâces de notre bon
Dieu, et que sa sainte douceur les répande aussi en abondance sur votre chère
troupe ; et, avec cela, une heureuse santé à ma très-chère grande fille,
autant qu'il en est requis pour le service de la gloire de Dieu en sa chère
Congrégation. Ma fille, je vous demande en étrennes une assistance spéciale et
attentive de vos prières, et de celles de nos très-chères Sœurs ; mais, je
vous en prie, j'en ai un besoin bien grand, je vous en assure, ma très-chère
fille. Notre bonne Mère Supérieure vous écrivit l'autre jour, pour répondre à
votre grande lettre.
Ce bon Père qui vous
porte ce billet s'en va à Lyon, à ce qu'il nous a dit ; mais je vous
supplie, ma très-chère grande fille, de faire prendre garde s'il ne retournera
point à Chambéry ; et, si vous voyez qu'il ne parte pas aussitôt, je vous
supplie de faire chercher une commodité de quelqu'un qui aille à Lyon, et
faites retirer notre paquet que nous avons remis à ce bon Père, pour l'envoyer
le plus promptement qu'il se pourra ; car ce sont des lettres de
consolation pour la maison de M. de Coulanges, qui décéda il y a environ trois
semaines ou un [590] mois. Voilà la pauvre petite de Chantal tout à fait
orpheline. J'espère que Dieu en aura toujours un plus grand soin.
Croyez, ma pauvre
très-chère fille, que ce m'est bien de la consolation de voir votre cœur dans
cette entière liberté et assurance de moi, qui réciproquement sens le mien dans
une confiance et franchise toutes cordiales pour vous, qui m'êtes plus
précieuse que je ne saurais dire. Demeurons ainsi, et toutes en Notre-Seigneur
invariablement ; Il soit béni éternellement !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À THONON
Retard de la fondation de Turin.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 11 janvier 1637.
Monsieur,
Vous m'obligez
extrêmement de l'avis que vous nous donnez de cette bonne Mère, qui a un
extrême besoin d'être modérée et adoucie en ses ardeurs. J'avoue que son
procédé, si contraire à l'esprit de notre vocation, nous donne beaucoup de
douleurs ; je crains qu'elle nous nécessite enfin de la retirer de là. Je
lui vais écrire selon ce que je dois ; mais, en telle façon, que vous ne
devez point craindre qu'elle sache de quelle part me sont donnés les avis. Je
prie Dieu vous rendre votre charité et lui veuille donner la disposition d'en
tirer profit.
Vous ne me dites
point si votre affaire s'avance. Pour celle de Turin, elle est toujours en même
état : les bonnes paroles continuent, mais les effets ne s'en ensuivent
point. L'on croit qu'il y a quelque affaire d'État qui empêche. Ce que je dis
ici, c'est à vous seul, mon très-cher frère, qui par votre bonté et [591]
sainte affection vous fait prendre part à tous nos intérêts. Nous remettons
tout entre les mains de la Providence, qui en fera selon son bon plaisir. Je
supplie son infinie miséricorde de répandre sur vous ses plus saintes
bénédictions, et sur tous vos bons desseins. — Je demeure d'une entière
affection, Monsieur, votre très-humble servante.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Explications relatives à la fondation projetée à Toulouse.
— La Mère de Beaumont peut être proposée à l'élection qui doit se faire à
Montpellier.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 15 janvier [1637].
Ma très-chère et bonne fille,
Nous reçûmes hier la
réponse touchant la Bulle, de laquelle je vous remercie ; car nous en
étions en peine. C'est une pièce d'importance, de laquelle je vous supplie de
rendre mille grâces à Monseigneur pour le soin qu'il a eu de la faire
accommoder comme il faut, bien que nous ne sachions pas encore si elle est à
Paris.
Pour le second point
de votre lettre, qui est le sujet pourquoi je vous écris maintenant, ma
très-chère fille, touchant la fondation de Toulouse, je ne vous en ai rien
répondu cette dernière fois, car notre bonne Mère Supérieure de céans l'avait
fait et fort amplement, et a adressé la lettre à nos Sœurs d'Avignon, et vous a
écrit encore une autre fois depuis le temps que vous marquez. Je suis bien
étonnée de ce que vous m'écrivez, que l'on veut tout maintenant l'argent
proposé pour cette fondation, vu que je n'ai jamais dit qu'il fût prêt. Je
pense que voici ce que j'ai toujours écrit, c'est que madame de [592]
Montmorency, laquelle ne veut pas être nommée (bien que vous le puissiez faire
à Monseigneur et à ceux que vous jugerez propres à garder le secret qu'elle
désire), cette dame donc nous a proposé le désir et la résolution qu'elle a de
faire à Toulouse une fondation de notre Institut ; et je crois qu'elle
prétend y fournir non-seulement jusqu'à vingt mille écus, mais encore
davantage, car elle s'est fait entendre de vouloir bâtir et fonder. Or, comme
elle croit que si certaines personnes savaient son dessein, on la contrarierait
pour cela, elle me pria de vouloir procurer, par l'entremise de qui je
pourrais, les permissions requises pour cet établissement, sans qu'on dît pour
qui. Vous vous êtes employée à cela, ma très-chère fille, vous ayant trouvée
embarquée dans les pensées que certains Pères vous en avaient données ;
mais je crois que vous n'avez jamais dit à personne que l'argent fût prêt à
livrer ni que la dame fût prête à parler, d'autant que je n'ai pas avancé
cela ; comme aussi m'a-t-elle toujours dit qu'il fallait attendre que ses
affaires fussent faites, lesquelles dépendent aucunement des affaires du monde,
parce que c'est le prince qui lui doit donner grande somme d'argent. Elle n'ose
pas en ce temps ici le presser, et, par conséquent, lui s'excuse ; aussi
est-il bien aise de ne l'être pas. Ainsi, n'ayant point d'argent, elle ne peut
pas parler ; mais sitôt qu'elle en aura, elle en donnera, sans vouloir
toutefois être nommée. Elle croit que cela servirait d'obstacle à son dessein,
qui est d'aller passer le reste de ses jours là auprès du corps de son mari, et
y veut être avant que l'on sache qu'elle y veuille aller.
Il va du temps pour
cela comme vous voyez, et je pense que [593] madame d'Arpajon a trop de piété et
de bonté pour vouloir s'offenser d'une chose qui n'est pas en votre
pouvoir ; car je m'assure que vous ne lui avez pas dit que l'argent fût
prêt, ni que la dame fût prête à s'obliger tout promptement. L'on présupposait
que les licences s'obtiendraient comme elles ont accoutumé d'être données, qui
est qu'on permet à tels Religieux ou Religieuses de s'établir en telle ville, à
la charge qu'ils n'y entreront point qu'ils ne fournissent telle et telle chose
qu'ils ont promise. Si l'on a obtenu des licences comme cela, il se faut donner
un peu de patience ; car assurément cette dame ne manquera jamais de
parole, mais les affaires en France sont en tel état qu'elle ne peut pas
l'exécuter à cette heure. Je vous assure, ma très-chère fille, que je serais mortifiée
tout ce qui se peut, si, faute de s'être bien entendues, vous perdiez madame
d'Arpajon et encore plus sa petite-fille ; mais il n'y a point
d'apparence, selon que vous me l'avez dépeinte, qu'elle ait l'esprit pour faire
comme cela. Cependant, c'est l'œuvre de Dieu, entre les mains de qui je la
laisse. Il y a peu de jours que, sur certaine occasion, cette dame m'a encore
confirmé sa résolution. Voilà, ma très-chère fille, ce que je vous peux dire
sur ce sujet.
Quant à votre
Supérieure, je vous ai déjà écrit, ce me semble, que nous avions ici notre
chère Sœur Anne-Catherine de Beaumont, qui certes est une fille de grande vertu
et que je pense qui serait bonne. Mais elle est fort infirme, non toutefois
pour garder beaucoup le lit, car elle suit ici tous les exercices de la
communauté avec grande édification des Sœurs ; mais elle est sujette à une
fluxion de temps en temps qui lui cause quelques vomissements. Elle ne peut
supporter le serein ni le grand air des fenêtres ; elle est quitte de cela
pour se retirer en un coin ; elle ne pourrait pas supporter l'huile, car
elle est d'une complexion bien délicate. Vous considérerez ce que je vous dis,
et me ferez savoir au plus tôt si vous la voudrez proposer aux [594] Sœurs,
afin que nous ne la proposions pas ailleurs. Si vous voulez, on vous la
donnerait pour trois ans, étant bien assuré que nos Sœurs ne manqueraient pas
de vous réélire pour ce temps-là. Entre-ci et Pâques, nous verrons si nous vous
en pourrons proposer quelqu'une avec elle ; il est un peu fâcheux d'aller
prendre des filles si loin. [Il me semble] que si ma Sœur M. -Marguerite [de
Vallon] se fût trouvée propre, c'eût été un grand bien pour votre maison ;
car si bien elle eût été là Supérieure, vous n'eussiez pas laissé d'en porter
les soins, — Je vous prie, ma très-chère fille, faites bien tous mes honneurs.
Monseigneur et à
madame d'Halwin et à tous ceux que vous connaîtrez qu'il les faut faire, et me
recommandez aux prières des Révérends Pères.
Ma très-chère fille,
j'ai peine d'empêcher mon cœur de se fâcher de votre soupçon, que je ne veuille
pas cette fondation à cause de vous, que je crois y vouloir aller établir votre
nid. Certes, en ma vie je n'eus cette pensée, et faut que j'aie franchise à
vous dire que, si je pensais que vous reçussiez ces petites opinions contre
moi, cela me désobligerait et fâcherait. Mais je les veux regarder en vous,
avec vos autres méfiances, comme des tentations et importunités qui vous
déplaisent, et je vous prie de les tenir et traiter comme cela, car elles le
sont, et n'y a rien en moi qui leur puisse servir de fondement. Dieu sait
l'estime et confiance que j'ai en votre vertu et sincérité. Je supplie sa Bonté
l'accroître en vous, et nous combler de son amour, et toutes nos Sœurs que je
salue, et me recommande aux prières de toutes.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Société
Florimontane d'Annecy. [595]
À CHAMBÉRY
Affaires.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 6 février 1637.
Monsieur et mon très-cher frère,
Je vous suis redevable
de votre grande lettre, à laquelle je désire de répondre plus par effet que par
paroles ; mais nos bonnes chères Sœurs [de Thonon] m'ont prévenue, y ayant
quelque temps, qu'elles sont en la maison d'Yvoire pour faire accommoder
l'église et leur petit logement. Que faire à cela, sinon plier les épaules et
remettre tout entre les mains de Dieu ? Elles nous ont écrit comme M. leur
Père spirituel et M. le grand vicaire leur ont donné la permission, et que
leurs amis les ont conseillées de ce faire. Et, en effet, nous avons vu ici un
personnage de là, homme fort connu et de leurs amis, qui nous a dit qu'il leur
avait conseillé et que c'était leur mieux de le faire. Elles sont sur le point
de traiter avec le monsieur de la maison qui est entre deux. L'on dit qu'elles
en traiteront avantageusement pour elles. Il faut espérer que Dieu prendra soin
de tout. J'ai pensé que je vous devais donner ce petit avis, afin de vous
rendre participant de la mortification que j'en ai eue, en vous assurant, mon
cher frère, que je vous souhaite de tout mon cœur le comble des plus riches
trésors célestes, et que je suis de toute mon affection, en l'amour sacré de
notre bon Dieu, Monsieur, votre très-humble servante, etc.
[P. S.] Nous sommes sans nouvelles du Piémont, il y a
longtemps. Je vous remercie du soin que vous prenez de toutes nos affaires, que
je vous recommande toujours. Enquérez-vous, je vous prie, comme va l'affaire de
madame Lucas contre le sieur de N..., car l'on nous a dit qu'elle était
renvoyée à Chambéry.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [596]
Embarras suscités à la communauté de Thonon.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 7 février 1637,
Monsieur et mon bon cher frère,
Je viens de recevoir
votre grande lettre et vois les plaintes que les bonnes Religieuses de
Sainte-Ursule font, à cause de ces pierres, contre nos pauvres Sœurs de Thonon,
qui n'ont rien fait en cela qui les ait dû fâcher. Il est vrai que, suivant la
lettre de Son Altesse Royale et le consentement de Messieurs de la
Sainte-Maison et autres qui pourraient y être intéressés, nos Sœurs ont réservé
un petit coin pour faire charrier, quand elles en auront le moyen ; mais
cela s'est fait sans intéresser en aucune façon les prétentions des bonnes
Mères de Sainte-Ursule. Que si Messieurs de la Sainte-Maison, voyant la grande
quantité qu'elles en ont fait charrier à l'exclusion des autres, leur ont
apporté quelques difficultés, hélas ! qu'en peuvent mais nos bonnes
Sœurs ? Je vous supplie, mon cher frère, de le bien faire entendre à Son
Excellence ; et, de vrai, je suis un peu marrie que ces bonnes Mères
aillent là charger nos Sœurs de ce dont elles ne sont pas coupables. Mais ce
sont les affaires du monde, qu'il faut prendre comme il plaît à notre bon Dieu
les nous envoyer.
Au surplus, je vous
vois toujours affectionné non-seulement au soin de nos affaires particulières,
mais en tout ce en quoi nous pouvons être intéressées. Je vous en rends tous
les petits remercîments qu'il m'est possible, en vous conjurant de nous
continuer votre bonne volonté et votre soin, comme nous continuerons à vous
souhaiter le comble des grâces célestes, avec la même affection que je serai
sans fin, Monsieur, votre très-humble.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [597]
À PARIS
Elle le remercie d'avoir fait la visite canonique à la
communauté de Melun. — La Sœur de Bigny demande à être reçue au second
monastère de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 9 février [1637].
Mon vrai et mon très-honoré
père,
Je supplie le divin
et très-adorable Sauveur de nos âmes de remplir la vôtre très-chère et
précieuse de son pur et saint amour 1
Je ne pensais pas
vous écrire pour cette fois, mon très-cher Père ; mais je viens de
recevoir des lettres de vos petites, mais je m'assure très-chères filles de
Melun, qui m'en donnent sujet. Elles m'écrivent la très-grande consolation et
édification qu'elles ont reçues de votre visite [canonique], que votre bonté a
faite avec tant de prudence, de charité et de douceur, que les particulières
actions qu'elles m'en disent me donnent sujet de bénir et remercier la bonté de
Notre-Seigneur, qui donne si largement à votre esprit, en ces occasions, la
participation de ce que vous révérez et désirez si cordialement, celui de notre
Bienheureux Père. Enfin ces pauvres filles en sont toutes ravies, mon très-cher
Père, et les avez laissées si en paix et encouragées au bien, qu'il y a
consolation de les entendre en ces deux lettres qu'elles m'ont écrites, tant
sur le sujet de votre visite, que sur celui de leurs confessions annuelles, que
votre bonté paternelle a voulu aussi recevoir. Mon Dieu ! quel bonheur à
ces petites âmes de pouvoir ainsi jouir quelquefois de votre chère et très-utile
présence ! Or, comme elles me disent bien au long la manière de vos
corrections et encouragements, et bref, toute la satisfaction et utilité
qu'elles ont reçues de votre bonté paternelle, aussi n'oublient-elles pas [598]
de me dire comme elles se sont comportées en ces actions avec très-grande
simplicité, et la satisfaction que vous leur en avez témoignée, mon tout bon et
très-cher Père, qui est un effet de votre débonnaireté. Je prie Dieu qu'il
augmente ses saintes bénédictions sur cette petite troupe, et votre consolation
en elle, mon vrai Père. Il me semble que la Mère [A. -Marg. Clément] est
toujours meilleure ; aussi Notre-Seigneur lui continue beaucoup de grâces.
C'est une âme véritablement humble et charitable.
Mais ne vous
dirai-je pas un mot, mon très-cher Père, de la consolation très-particulière
que je reçois de notre incomparable Sœur la Supérieure de Paris et de sa troupe
innocente et fidèle ? En vérité, je n'ai rien à désirer en cette famille,
que la sainte persévérance, qui donne accroissement de perfection, et enfin la
perfection même. Notre bon Dieu veuille de plus en plus faire abonder les
grâces de son saint amour sur elles ! Qu'elles sont heureuses, mon
très-cher Père, de vous avoir si proche d'elles, et dans l'affection inexplicable
que Dieu vous a donnée pour elles ! car incessamment elles en reçoivent
des bénédictions spirituelles et temporelles, ce qui nous doit faire fondre de
reconnaissance envers Dieu et envers vous, notre vrai, très-unique et très-cher
Père, et incessamment vous souhaiter une ample récompense du ciel, par des
bénédictions abondantes en cette vie et un comble de gloire en l'autre. C'est
ce que mon âme désire pour la vôtre très-chère, en vous conjurant, mon
très-cordial Père, de me faire la charité de prier pour mes besoins et avec un
soin et zèle extraordinaire, parce qu'il plaît à Dieu que j'en aie une
nécessité très-grande, ce que je vous dis en confiance, vous suppliant encore,
mon très-cher Père, de me recommander aux prières des bonnes âmes que vous connaissez,
surtout au bon Père de Condren.
Avant que j'aie fini
cette lettre, ma pauvre Sœur [599] M. -Angélique de Bigny nous a priée fort
instamment d'écrire à ma très-chère Sœur la Supérieure du faubourg de la
retirer en sa maison. Elle se trouve un peu étonnée dans nos montagnes, surtout quand elle pense que je ne suis pas
pour demeurer longtemps en ce monde ou en ce pays ; et n'y voyant personne
de connaissance ni de qui elle puisse, ce lui semble, recevoir de la
consolation et assistance dans ses besoins, cela lui donne des appréhensions et
des désirs de se voir établie en une maison où elle puisse être avec plus de
consolation. En vérité, cela fait pitié, car je vois bien que ces
considérations ont du fondement. Mais, las ! nous ne pouvons pas lui faire
le bien et soulagement qui n'est pas en nos mains : ce que nous pouvons,
nous le faisons de bon cœur. Et certes, elle se conduit bien dans la
communauté ; elle la suit en tous les exercices fort paisiblement et
exactement, et m'assure qu'ailleurs elle ferait le même. L'importance est [de
savoir] si on lui voudra faire la charité, qui serait certes très-grande. Je
vous le propose simplement, mon très-cher Père, car je sais bien que nos Sœurs,
si elles écoutent ses désirs, vous les communiqueront. De vrai, puisqu'elle est
fille de l'Institut, je crois qu'il faut considérer la chose devant Dieu, qui
donnera peut-être des pensées bien éloignées de ce que pourrait penser l'esprit
humain ; car la charité éternelle de notre bon Dieu est si grande sur les
âmes, qu'il n'a pas épargné son sang et sa vie pour leur salut et repos.
Peut-être voudra-t-il inspirer qu'on fasse la charité à cette pauvre et chère
fille. Le doute où je suis de sa sainte volonté et l'instante prière de cette
Sœur me font faire cette proposition tout simplement et confidemment ; car
vous êtes notre vrai et commun Père, et je suis votre pauvre, chétive et [600]
indigne fille, mais certes toute cordiale à vous souhaiter les plus chères
grâces de notre bon Dieu, et à être entièrement à vous, mon très-cordial Père,
en l'amour de ce divin et très-adorable Sauveur, qui soit béni ! — 9
février.
Pour ce qui est de
nos affaires, je les dis à notre chère Sœur la Supérieure, pour le vous dire,
et faire les résolutions selon la sainte inspiration et sage considération.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
Publication du Traité de la conduite spirituelle selon
l'esprit de saint François de Sales. — Éloge d'un Père Jésuite. — Conseils de direction.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Mon très-honoré et cher Père,
Il est vrai que j'ai
reçu votre lettre avec singulière consolation, car enfin vous êtes notre vrai
Père ; mais que son retardement m'ait donné la moindre ombre de soupçon ou
de défiance non de vrai. Il me serait impossible de douter jamais de la fermeté
de votre affection ; nous en avons mis le fondement sur le ferme. Dieu
nous fasse la grâce d'y correspondre ! C'est bien mon invariable
résolution et de ne rien laisser en arrière, selon, les occasions que Dieu nous
donnera.
Vous avez donc fini
l'ouvrage de votre incomparable dilection pour notre Bienheureux Père, Dieu en
soit béni ! Je m'assure que ce travail aura été utile à votre esprit, et
que vous y aurez de plus en plus gravé les saintes maximes et documents que
vous écrivez, outre la part que vous aurez à l'utilité qu'en recevront ceux qui
jouiront de ce petit trésor. L'avis au lecteur est parfaitement bien conçu. Je
pense d'y avoir discerné le titre du livre qui est : Traité de la parfaite
conduite de l'esprit [601] évangélique du Bienheureux François de Sales. J'en ai été consolée ; car quelqu'un
avait dit que l'on y mettait un certain titre pompeux. Vous savez, mon
très-cher Père, que cela était tout à fait éloigné de l'esprit du
Bienheureux ; car, bien que ce ne soit pas lui qui parle, si est-il bon
que ceux qui traitent de lui imitent sa modestie.
Il est vrai que le
Révérend Père [Caussin] a l'âme toute pleine de Dieu, et qui a bien en pratique
les maximes de ce Bienheureux : ils se fussent bien aimés s'ils se fussent
vus et fréquentés. J'ai reçu avec très-particulière consolation sa
lettre : je lui écris. J'ai un très-grand désir de son souvenir devant
Dieu : je le lui demande ; ressouvenez-l'en quelquefois, mon
très-cher Père. Je suis consolée de savoir que vous le voyez assez souvent, et
nos très-chères Sœurs.
J'admire l'ardeur de
votre esprit à pourchasser et désirer le vrai bien ; c'est ce qui nous
fait mieux voir et sentir les répugnances et défauts de la partie inférieure. Et,
en lisant ce que vous m'en dites, je me suis ressouvenue que notre Bienheureux
me disait ou écrivait que « jamais nos actions ne peuvent égaler nos
désirs, lesquels se forment dans le seul esprit, mais que l'exécution qui s'en
doit faire avec le corps n'allait pas si vite ». Voilà, mon très-cher
Père, le sujet de la patience qu'il nous faut avoir avec nous-mêmes,
adoucissant par humilité les déplaisirs que nous ressentons de nous voir
arrêtés par ce chétif corps, en chemin. Je suis encore consolée, mon très-cher
Père, de savoir que le bon M. N. se trouve si heureux que d'être auprès de
vous ; dressez-le, et le formez bien selon votre dessein, et croyez que
c'est une bonne pâte. [602]
Si je désire voir
quelque effet du projet dont nous avons parlé, il n'en faut point douter ;
mais il faut bien prier, et attendre en patience ce que la divine Providence
voudra opérer, et cependant il faut adoucir nos pensées et nos désirs
là-dessus, les réduisant tous à l'acquiescement au bon plaisir de Dieu. Vous
savez que la Visitation se commença par trois seules filles. La résolution du
dessein se forma par une chétive créature. Il y avait dix ans que le
Bienheureux y pensait ; encore fallait-il attendre dix années après. Dieu
les abrégea ; car nous ne pensions pas de commencer encore de quatre ans,
quand nous commençâmes. Il faut donc, mon très-cher Père, conserver les pensées
que Dieu donne pour cela, les lui présenter humblement et seconder, ou plutôt
suivre les dispositions de sa Providence, sans les vouloir devancer. Voilà
comment je dis naïvement mes pensées à mon très-cher Père. — Je suis votre
inutile fille, mais tout à fait vôtre, qui ne cesse jamais de vous souhaiter le
comble de toute perfection. Nos Sœurs et moi prierons toujours pour cela.
SUPÉRIEURE À CHAMBÉRY
Elle se réjouit des faveurs spirituelles dont Dieu comble
cette Mère au milieu de ses maux. — Espoir de sa prochaine guérison.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 26 février [1637].
Oh ! que vous
êtes heureuse et obligée à ce très-adorable et divin Sauveur, ma très-chère
fille, puisque sa douceur est si compatissante à vos maux que de vous y faire
trouver le miel d'une savoureuse union à sa sainte volonté. Mon Dieu, quelle
grâce ! et combien l'âme s'enrichit en ces souffrances [603]
corporelles ! Vraiment, qui ne les chérirait avec de telles assistances et
faveurs ? Je parle selon l'esprit ; car, pour le pauvre corps,
ah ! comme vous dites, ma toute chère fille, il tremble au retour de ces
violentes douleurs, qui, j'espère en Dieu, seront dorénavant adoucies, puisque
la cause en est reconnue ; et nous avons bien sujet de bénir Dieu, comme
je fais de tout mon cœur, de l'espérance que M. Besson nous donne, que cette
sorte de colique se guérira, et qu'elle sera la fin de vos maladies. La divine
Bonté le veuille, afin que, pendant de longues années, vous puissiez encore lui
rendre beaucoup de services et à notre Congrégation ! Nous l'espérons
ainsi, ma très-chère et bien-aimée fille, de la divine miséricorde, outre la
science de M. Besson, que nos Sœurs n'ont envoyé quérir que trop tard. M. de
Charmette, votre tout vertueux frère, nous dit qu'il avait un remède
infaillible pour guérir de la gravelle, de sorte que les soulagements ne vous
manqueront pas, Dieu aidant. Mais ce cher frère n'est-il pas tout cordial
envers nous, et tout charitable à votre maison d'avoir voulu payer votre
médecin ? Dieu le lui rende au centuple et lui accroisse de plus en plus
ses précieuses grâces !
Ma très-chère fille,
je vous conjure que vous ayez quelque souvenir de me recommander à la divine
miséricorde, surtout quand vos douleurs vous presseront. Mon Dieu ! que
j'ai besoin de secours. Je vous le demande comme à mon unique grande fille, en
toute confiance ; accordez-le-moi et toutes nos Sœurs, et Dieu vous rende
toujours plus sienne ! Amen ! Je suis vôtre en son saint amour
d'une affection incomparable.
[P. S.] Faites doucement ce que vous pourrez sans
effort, car votre mal le requiert.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [604]
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Faire tenir au plus tôt une somme due au monastère de
Sisteron.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 6 mars [1631].
Ma très-chère fille,
J'ai déjà reçu
plusieurs lettres de ma Sœur la Supérieure de Sisteron touchant deux mille deux
cents livres que vous avez touchées pour elle, ou qui sont entre les mains de
M. d'Arpajon. Elle me dit qu'elles en ont écrit à Votre Charité et même envoyé
des messagers, en quoi elles ont toujours fait de la dépense, et, avec cela,
n'en ont point eu de bonne réponse. Je vous conjure, au nom de Dieu, ma
très-chère fille, que si vous avez reçu ladite somme pour vos bâtiments, de la
leur rendre le plus promptement que vous pourrez ; ou, ne l'ayant pas, de
leur en procurer, vers madame N., le remboursement. Vous savez la pauvreté de
cette maison : elles désirent avec ladite somme d'éteindre une partie des
cinq cents écus qu'elles doivent, dont elles payent grosse censé ; et
néanmoins elles demeurent toujours engagées et chargées de la censé, dès
environ une année ou deux que ladite partie leur était due, ce qui me fait vous
conjurer derechef, ma très-chère fille, de les servir en cela selon l'esprit de
charité de notre Bienheureux Père ; c'est-à-dire leur en procurant le
payement ou par vous-même, si vous l'avez reçu, ou par madame, ou bien qu'on
leur paye la rente qu'elles en payent ailleurs. Mais je vous conjure, au nom de
Dieu, ma très-chère fille, de leur faire savoir au plus tôt des bonnes nouvelles
de cette affaire ; cela est dans l'équité et de votre devoir. Dieu soit
béni ! — Vous savez ce que je vous suis.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [605]
SUPÉRIEURE À CHAMBÉRY
Diverses affaires.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma toute chère fille uniquement aimée,
Je loue et remercie
notre divin et tout adorable Sauveur du soulagement qu'il lui plaît vous donner
en vos douleurs, par ces petits remèdes que vous prenez. On dit que quand un
mal est connu, qu'il est à moitié guéri : j'espère donc en la bonté de
Notre-Seigneur que vous guérirez ; car, outre les remèdes des médecins, M.
de Charmette votre tout véritable, vertueux et bon frère, nous dit qu'il avait
des secrets admirables pour les coliques graveleuses. Ce cher frère nous oblige
bien fort ; et, sur la confiance que nous avons en ses sages conseils,
nous envoyons M. notre confesseur prendre l'argent à Turin ; mais je vous prie encore qu'il ait
les avis, pour sa conduite, de ce très-cher frère, et que le tout soit secret.
Voilà ce que sans loisir je vous puis dire. — Nos Sœurs du faubourg n'ont pas
intention de faire augmentation de pension à notre chère Sœur M. -Françoise
[Richart] ; elles m'ont répondu qu'elles l'avaient [payée] pour trois ans,
qu'après cela elles verraient ce qu'elles pourraient faire. Qu'ont-elles donné
pour ces trois ans ? Bonjour, ma vraie fille ; Dieu vous rende tout
selon son Cœur. Priez sa Bonté pour moi, je vous en prie.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [606]
À PARIS
Elle le félicite du travail qu'il entreprend pour la
publication des Œuvres de saint François de Sales. — La sortie des Sœurs
sacristines dans l'église est supprimée. — Éloge des monastères de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 12 mars [1637].
Mon très-honoré et vrai Père,
L'occasion de ce
messager, que l'on nous a envoyé de Lyon, me donne un moyen de vous écrire plus
promptement que je ne pensais. Béni soit notre grand Dieu, mon très-cher Père,
qui vous donne tant de saintes occupations. Je crois certes que votre dernier
travail sera le plus utile ; car il n'est pas croyable combien les mêmes
paroles de notre Bienheureux ont de poids et de suc, qui ne se trouvent que
rarement aux autres. C'est pourquoi j'ai toujours estimé que le plus que l'on
pourrait les rapporter, ce serait le plus grand ornement que l'on pourrait
faire à ses Œuvres et le plus efficace
pour les âmes ; car il faut avouer qu'elles ont une suavité sainte, qui
touche tendrement les cœurs. Nous sommes après chercher si nous retrouverons
quelque chose parmi les papiers de feu Mgr de Genève, où il y en a quantité du
Bienheureux : tout ce que nous trouverons de digne, nous vous l'enverrons.
Je suis extrêmement
consolée de la résolution que vous avez prise avec Mgr de Sens, mon très-cher
Père, touchant l'entrée de la sacristine ; cela est tellement désapprouvé,
et dangereux à la longue, que je suis bien en repos de le voir retranché.
Hélas ! par deux fois j'ai vu notre Bienheureux Père prêt à le faire, sur
de simples paroles qu'on lui en disait ; mais je n'y avais pas en ce
temps-là de l'inclination, me semblant impossible que d'autres que nous parassent
l'autel. — Certes il est [607] vrai, mon très-cher Père, que le Père dom
Maurice nous a fait tort de n'avoir eu patience à Rome, jusqu'à ce qu'il eût
fait raccommoder ce qui manquait au Bref. J'ai écrit par trois fois à M.
Bebin ; je ne sais si les lettres se perdent, mais je n'en ai point de
réponse. Mgr de Montpellier nous a mandé derechef qu'il écrivait pour
l'avoir ; le plus court est d'en lever un nouvel extrait, ainsi l'ai-je
écrit à M. Bebin, et le Père dom Maurice m'écrit qu'il a fait le même. Mon
très-cher Père, je vous supplie de lui recommander, à ce bon Père, de tenir
bonne main à cela ; car il est tout à fait nécessaire de faire imprimer ce
Bref du Coutumier pour, comme vous dites, mon très-cher Père, arrêter les
bizarreries [des personnes] qui nous voudraient picoter, et censurer
quelque chose. Je ne ferai nul semblant à nos maisons du retranchement de
l'entrée au chœur. Si quelqu'une en parle, quand elles auront vu le Coutumier,
je leur ferai voir les raisons de Mgr de Sens. De vrai, mon très-cher Père, il
sera bien mieux que le Père dom Maurice fasse l'extrait qu'il propose, sur les
lieux où sont les originaux des informations, que de retourner à Rome, où la
dépense est excessive. Il fait bien à Paris celle de la Bienheureuse Sœur de
l'Incarnation. Or je mande au Père dom Juste cette proposition, [espérant] que
vous ne la désapprouveriez pas et qu'il procurât seulement du loisir au Père
pour le faire.
Mon Dieu ! mon
vrai Père, que je chéris et estime cette sainte dilection que Dieu vous a donnée
pour vos petites Filles de la Visitation, et le riche trésor que notre bon Dieu
leur a donné en cela. Il en soit éternellement béni, et vous, mon vrai Père,
récompensé d'une éternelle félicité. Je suis certes consolée de quoi vous aimez
particulièrement nos très-bonnes et chères Sœurs de Paris. Oh ! de vrai,
mon tout bon et précieux Père, elles tiennent les premiers rangs dans mon
affection et estime. Certes, je ne puis ni ne veux les disjoindre de ce
monastère : il y a trop de ressemblance et de correspondance, dont je
bénis [608] Dieu, je le dis hautement. Dieu leur conserve votre sainte
assistance et la sage conduite de leur très-bonne et vertueuse Mère, qui est
certes la très-chère fille de mon cœur, que je chéris uniquement. Mon tout
cordial Père, je suis de cœur incomparable toute vôtre, et prie Dieu vous
rendre tout sien et tout saint. Dieu soit béni ! — 12 mars.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À CHAMBÉRY
Tendre compassion. — C'est un grand bonheur de souffrir
pour Dieu. — Divers détails. — La Bulle d'approbation du Coutumier est égarée.
— Pauvreté des monastères.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 31 mars [1637].
Ce divin Sauveur
soit loué éternellement, et nous fasse participantes des mérites et grâces de
sa sainte vie et douloureuse Passion ! Hélas ! ma pauvre très-chère
fille, que vous êtes heureuse de ressentir en votre corps quelque portion des
tourments que le divin Seigneur a supportés pour nous ! mais je ne laisse
pourtant pas de vous regarder là dedans avec compassion ; car l'amour
tendre que mon cœur a pour vous ne peut voir ces piquantes douleurs sans
sentiment. Le bon M. Marcher me disait avant-hier soir, comme vous gémissez
sous ce faix, et que l'abondance de larmes que la violence du mal vous fait
jeter, fait bien voir sa grandeur. Hélas ! ma très-chère et toute
précieuse fille, que je vous estime heureuse toutefois de souffrir ainsi
doucement en Dieu et pour Dieu, sans vouloir autre chose que son bon plaisir,
et en l'aimant dans des si cuisantes pressures. Bénie soit sa Bonté qui vous
fait cette grâce ! Et je vous conjure encore que, dans ces travaux, vous
jetiez quelques [609] soupirs pour moi, afin que, dès cet instant et éternellement,
je sois toute perdue et anéantie en cette sainte et toute adorable volonté.
J'ai confiance que vous le ferez utilement pour moi, comme chétive que je
suis ; je ne veux rien demander pour moi que je ne le souhaite pour vous,
qui n'est autre chose sinon que Dieu accomplisse parfaitement sa très-sainte
volonté en nous.
Vous verrez, par
cette copie de lettre de Mgr de Sens (car vous ne pourriez lire l'original),
les solides raisons sur quoi enfin l'on a conclu le retranchement de l'entrée
des Sœurs dans l'église ; et j'en suis consolée, puisque même j'en ai, par
l'écrit de la main de notre Bienheureux Père, son intention conforme ; et
certes aussi c'est le mieux, ainsi que nous le jugeâmes, étant ici ensemble. —
La Bulle de Rome pour le Coutumier s'est égarée ; il a fallu faire lever
un autre extrait, et c'est nouvelle dépense pour nous. On pense l'avoir pour
Pâques, à ce que m'a écrit le Père dom Maurice. — M. le commandeur m'a écrit
qu'il a fait mettre sous la presse un livre tiré des Œuvres du Bienheureux,
fait par le Père Caussin. — Ma pauvre fille de Toulonjon a été puissamment
mortifiée de n'avoir su avoir la garde de sa nièce de Chantal, par arrêt. Elle demeure où elle était ; je n'en
suis pas marrie, bien qu'en ce monastère elle eût été fort bien. Ce sont des
petites traverses de cette vie.
Recommandez à
Notre-Seigneur la nécessité de retirer la Mère M. F. [Humbert] ; nous
sommes après en chercher le moyen. Je lui ai envoyé des lettres de madame de
Saint-Georges ; mais elle ne me répond rien : c'est une chose si
nécessaire que j'espère fermement que Dieu la fera, s'il lui plaît. — Nous
avons eu ici la Mère de Besançon [Mad. -Séraphine Maréchal] : c'est [610]
une âme israélite ; je la prie d'aller passer à Fribourg, pour y prendre
une bonne Sœur, pour l'amener à Champlitte, car la pauvre Mère de là [M. F. de
la Tour-Remeton] s'en va mourir : c'est un trésor, et partant grande
perte, mais Dieu le veut !... Elle me dira un peu quelle espérance il y a
de l'établissement de ce lieu-là, lequel est fort incertain. — Je vois que la
pauvreté accueille de tous côtés nos maisons. Ce n'est pas le pire partage, si
nous le savons bien aimer ; mais pourtant cela tient en grand soin celles
qui l'ont extrême, avec de grandes familles. Ces deux pauvres maisons de Bourg sont bien en nécessité. Dieu nous veuille
donner de quoi les assister ! Nous ne l'avons pas maintenant.
M. Marcher nous a
dit que si l'on retire l'argent de N. que le Père dom Juste en sera
touché ; c'est pourquoi il n'y faut pas toucher, surtout puisque la
fondation de Turin semble se vouloir conclure. Au moins Son Altesse Royale en a
montré des mémoires et une résolution extraordinaire. Notre Mère vous fera
écrire ce que l'on prétend pour vous aider à trouver cette somme de douze cents
ducatons. Croyez que l'on ne manque pas d'affection ; elle est entière.
Faites de votre côté aussi ce que vous pourrez, afin que vous la puissiez avoir
en petite partie. Ma toute chère grande fille, vous êtes ma vraie fille tout
uniquement chère, je vous en assure. — Je salue toutes vos Sœurs Je vous plains
de ces esprits difficiles ; mais aussi vous en avez de très-bons, dignes
d'un vrai amour. Enfin, ma vraie fille, beaucoup d'épines en ce monde et peu de
roses... Dieu nous fasse la grâce de le louer éternellement ensemble. Amen. —
Toute vôtre de cœur. Dieu soit béni ! — Dernier mars.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [611]
SUPÉRIEURE À FORCALQUIER
Peines intérieures de la Sainte. — Conseils de direction.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 5 avril [1637].
Ma très-chère fille,
Notre
très-débonnaire Sauveur veuille par sa bonté combler nos âmes des mérites
sacrés de sa très-sainte Passion !
Hélas ! ma
fille, que si vous me connaissiez telle que je suis vous ne me désireriez pas
des années de vie en cette vallée de misères, ains vous souhaiteriez que la
divine miséricorde me retirât bientôt dans le sein de sa Bonté ; et
beaucoup moins penseriez-vous que la sainteté fut accomplie en moi, où il n'y a
véritablement qu'une très-grande misère et pauvreté intérieure. Car, pour
parler confidemment à votre cœur, et non à autre, il plaît à la divine Bonté me
priver de toutes lumières et consolations intérieures, ou permettre que [tout
en] moi-même me soit ténèbres ou afflictions ; et pour dire tout, je suis
celle pour laquelle notre bonne Mère vous écrivit de prier la divine Bonté, et
je vous conjure de le faire, mais avec toute l'affection compassive de
votre cœur et l'amour très-charitable que Dieu vous a donné pour moi ; car
croyez, ma très-chère fille, que j'en ai un extrême besoin. Je ne désire sinon
que mon Dieu me tienne de sa sainte main, afin que je ne l'offense point ;
mais que je fasse et que je souffre tout son bon plaisir et selon ce même bon
plaisir ; car il ne me semble pas que je puisse désirer autre chose.
Voilà, ma très-chère
fille, comme je vous parle avec une entière confiance, mais à vous seule, pour
en parler au seul Cœur de notre
divin Sauveur, que je bénis et remercie des grâces [612] qu'il continue à votre
chère âme, et avec accroissement de cette intime impression de la divine
présence. Oh ! qu'elle est grande et précieuse ! mais ce n'est pas,
comme dans le divin sacrement, où réellement et d'entière vérité le sacré Corps
avec toute l'âme et la divinité sont enclos, et demeure ainsi dans nos chétifs
tabernacles jusqu'à ce que les espèces soient consommées ; mais cette
éternelle vérité demeure en nous par présence, par puissance et par grâce, et
c'est par une grâce extraordinaire qu'elle nous donne le sacré sentiment de sa
divine présence. Vous verrez mieux ces vérités dans les livres qui en traitent,
et je pense que dans celui [du Traité] de l'Amour divin, il en est parlé
fort excellemment : ce que je vous en dis, je l'ai appris là, ou de
quelques prédications. Oh ! quelle bénédiction à une âme de posséder son
Dieu en paix et être possédée de Lui entièrement ! J'admire ce que vous
m'écrivez, que ce que je vous dis vous donne paix ; mais c'est que notre
bon Dieu convertit tout à l'utilité de ceux qui l'aiment.
Derechef, je vous
conjure de me recommander à sa divine miséricorde : je la supplie de
parfaire en vous l'ouvrage de sa grâce très-spéciale. Vous n'avez à faire qu'à
laisser faire ce céleste Ouvrier, et vous tenir ferme clans la pratique de ne
faire nul regard ni attention sur ce qui se passe en vous ; mais toujours
regarder Dieu. Je voudrais y être fidèle en ce point, de vrai ; mais mon
esprit toujours actif me donne exercice. Voyez comme je dis tout à la bonne
foi. Dites-moi de même vos pensées et vos vues, ce me sera une consolation et
profit, s'il plaît à Dieu, que je supplie de vous bénir et toutes vos chères
Sœurs, me recommandant à leur plus intime dévotion. Elles sont bienheureuses
d'aspirer fortement à la sainte perfection de leur vocation : sa divine
Providence croîtra leur nombre quand il sera expédient, et ne manquera pas de
fournir les choses nécessaires à l'entretien de la vie de celles qui s'en
reposent à son soin, et qui ne pensent qu'à le contenter. Croyez toujours bien
que je [613] suis sans réserve et de tout mon cœur entièrement vôtre en
Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !
Jour des Rameaux,
que la sainte Eglise nous fait chanter que le Sauveur vient en la multitude
de ses miséricordes. Il soit éternellement loué de nos âmes. Amen !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Montélimart.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Vertus de la Mère A. C de Beaumont ; elle
gouvernerait utilement le monastère - de Montpellier.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 5 avril 1637.
Ma très-chère fille,
Le très-débonnaire
Sauveur comble nos âmes des mérites sacrés de sa très-douloureuse
Passion ! Je vous fais ce billet pour ne perdre cette bonne occasion et me
recommander à vos prières et de vos chères Sœurs, et pour vous dire aussi, ma
toute très-chère fille, que plus nous avons considéré, notre bonne Mère et moi,
touchant l'élection qui se doit faire en votre maison, et plus nous avons vu
que nous ne pouvons rien proposer de mieux ni de si bien que notre Sœur
Anne-Catherine, laquelle, quoique bonne de tout temps, se rend tous les jours
meilleure ; et je pense qu'elle servira très-bien une maison. Ses
infirmités ne lui font tenir le lit et ne l'empêchent pas de suivre la communauté,
excepté qu'elle ne fait que demi-heure d'oraison, et ne peut faire aucun
ouvrage sans notable incommodité, parce qu'elle a les nerfs tout affaiblis aux
bras. Au reste, en vérité, c'est un très-bon esprit, une fille fort vertueuse
et très-pure en ses intentions. Bref, ma chère fille, nous ne pouvons vous en
[614] proposer d'autres ; car, pour ma Sœur de Blonay, comme je vous ai
déjà dit, ce serait offenser Mgr le cardinal et tout gâter. Voilà, ma
très-chère fille, ce que sans loisir je vous puis dire ; que si Mgr de
Montpellier n'est pas content, certes j'en serai bien marrie, mais nous ne
pouvons mieux. Je lui. fais très-humble révérence ; je demande sa
bénédiction, et le supplie me tenir toujours pour sa très-humble fille et
servante.
Je me recommande aux
prières du Révérend Père recteur, aux vôtres et à celles de nos chères Sœurs.
Je fais très-humblement révérence à madame d'Halwin ; je prie Dieu de la
rendre toute selon son Cœur, et vous combler, avec toutes nos Sœurs, de son
très-saint amour. Ma fille, je suis vôtre de cœur ; écrivez-moi
franchement et confidemment selon votre cœur. Notre Sœur F. -Emmanuelle de
Novéry n'est pas encore mûre pour être Supérieure. — Mille saluts à M. de
Vallat.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Même sujet.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 14 avril [1637].
Ma très-chère fille,
Je viens d'écrire à
Mgr de Montpellier : je vous envoie la lettre ouverte, afin que vous la
voyiez. — Je vous dis en sincérité, ma très-chère fille, que nous vous
proposons la Sœur que nous pouvons et que je crois, selon Dieu, être plus
propre et utile au bien de votre maison. Il faut que je vous dise en confiance
que cette chère Sœur me donne une entière liberté de lui dire tout ce que je
pense lui être utile, et elle le reçoit si bien que j'espère qu'elle en fera
son profit ; et il ne me semble pas [615] que nous devions appréhender ce
que nous avons fait autrefois. Pour ses incommodités, elles ne l'empêchent pas
d'assister aux exercices de communauté. Elle ne tient point le lit, sinon
quelquefois un jour quand son catarrhe s'épanche, qui est fort rarement. De lui
faire manger de l'huile, il n'en faudrait pas parler. Si vous l'élisez, nous
vous en parlerons plus amplement ; et je vous assure qu'elle ne vous fera
point de peine, qu'il ne lui faut pas beaucoup de médicaments, et qu'elle est
fort douce et de très-grande édification.
Tout ce que je vous
dis, ma chère fille, n'est point pour vous persuader de la faire élire ;
car je vous laisse en pleine liberté. Si vous aviez une Sœur en votre maison
qui fût propre, je serais fort aise que vous l'élisiez, si Monseigneur
l'agréait ; car votre maison n'en aurait pas tant de charge, et il n'y
aurait grand intérêt, vous y demeurant. Si vous élisez notredite Sœur, nous
l'enverrons jusqu'à Lyon ; nous lui donnerons une compagne, car il ne
serait pas à propos qu'elle fit un si long voyage sans cela. Cette Sœur que
nous lui donnerons est une vraie fille d'Annecy, qui n'est point tendre ni
flatteuse, et qui s'ajustera tout à fait bien avec vous ; nous lui
donnerons le mot pour cela. Il est tout à fait nécessaire qu'elle ait cette
bonne Sœur pour la servir ; car elle sait ce qui lui est nécessaire, et
sans beaucoup de mystère.
Je vous prie, soit
que vous l'élisiez ou que vous ne l'élisiez pas, de nous faire savoir bien
promptement ce qu'il en sera. Ma toute très-chère fille, c'est sans loisir que
de tout mon cœur je vous souhaite, et à toutes nos Sœurs, les plus chères
grâces de notre bon Dieu, vous conjurant toutes de prier Notre-Seigneur pour
moi ; mais je vous en supplie, puisque je suis tout à fait vôtre en
Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [616]
SUPÉRIEURE À PIGNEROL
Madame de Saint-Georges prépare une fondation. — On doit
s'attirer la bienveillance du Supérieur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, avril 1637.]
Ma très-chère fille,
Le très-doux et
triomphant Sauveur soit l'éternelle gloire et consolation de nos cœurs !
Rencontrant une si bonne occasion de vous écrire par le Père Barnabite qui a
été prévôt en leur, maison de cette ville, je le fais de tout mon cœur pour
vous saluer chèrement et toutes nos Sœurs, et vous dire que nous sommes
toujours dans l'attente du Père que vous nous avez mandé devoir passer ici
après Pâques. Et, bien que le temps n'en soit pas encore trop long, nous ne
laissons d'appréhender que les calamités et afflictions publiques ne retardent
la fondation qu'il a en main, et que, par ce moyen, madame de Saint-Georges qui vous chérit et désire voir, comme vous
savez, ne se tînt pour désobligée de nous, si elle pensait que nous eussions de
la froideur ou une volonté lâche à l'exécution de son désir, ce que
véritablement nous n'avons pas ; au contraire, je l'honore et désire de la
servir en tout ce qui sera possible. Sa piété, son mérite, et l'affection
qu'elle a pour nous et pour tout notre Institut, nous y obligent étroitement.
Et je considère, ma très-chère fille, que, quand vous seriez par deçà, vous
négocieriez notre fondation avec plus de facilité que de si loin ; outre
qu'en attendant vous donneriez à madame de Saint-Georges la consolation de vous
voir, et elle est si raisonnable que facilement elle vous relâcherait pour une
si bonne œuvre quand le [617] temps serait venu de l'accomplir, et même vous y
aiderait d'autant plus volontiers que, demeurant toujours à Paris, elle
pourrait jouir souvent de vous, puisque cette fondation se doit faire là
autour. Pensez à cette proposition : je la trouve fort considérable, ma
très-chère fille ; faites-nous savoir votre volonté là-dessus, et si nous
vous donnerons moyen de venir en vous envoyant quelques Sœurs. L'on en veut
aussi envoyer à Embrun ; mais je laisse à notre bonne Mère [de Châtel] de
vous parler de cela plus particulièrement.
Je vous dirai
seulement avec franchise, me confiant que la bonté de votre cœur le recevra
agréablement, que, lorsque M. Marcher alla voir M. votre grand vicaire, il lui
témoigna beaucoup de bonté et d'affection pour l'Institut ; mais, parmi
cela, il dit quelques paroles qui témoignaient n'avoir pas tant de satisfaction
de votre maison. Vous savez comme les Piémontais sont faits pour le regard des
Religieuses ; et, comme Mgr le Nonce étant si proche de là, je crains
infiniment que l'on ne lui dise quelque chose qui nous préjudicie à tout
l'Institut, surtout à Turin, où l'on est toujours dans l'espérance de nous
établir, et il y a apparence d'espérer que ce pourra être sur la fin de l'été.
En ce cas, Dieu aidant, nous irions passer vers vous. Or, ma très-chère fille,
je vous conjure de faire tout ce qui vous sera possible pour gagner ce bon M.
le grand vicaire, vous savez si bien gagner les affections de
chacun pour la gloire de Dieu. Ma très-chère fille, il faut gagner celle de cet
homme, je vous eu supplie au nom de la divine Bonté, et encore pour l'amour de
moi que vous aimez.
Il vous faut encore
dire ce mot, que l'on nous apporta aussi de Turin : qu'un certain chanoine
de là, qui avait accompagné [618] Mgr l'archevêque, faisant sa visite à
Pignerol, avait dit que l'observance régulière ne s'observait pas si bien en
votre maison, comme elle se faisait aux autres, selon qu'il en avait ouï
parler. Je vous ai voulu donner confidemment ces deux petits avis, lesquels,
j'espère, vous recevrez cordialement et en ferez profit, ainsi que font nos
autres maisons à qui je fais souvent semblables charités, selon que j'en ai
occasion. — Ma très-chère fille, vivez toute à Dieu, et que son seul et saint
amour vive et règne éternellement en vous et en toutes vos Sœurs, que je salue
avec vous, particulièrement celles de cette maison, me recommandant à vos
prières et aux leurs. Je demeure en ce divin Sauveur tout à fait vôtre de cœur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Affaires des dîmes. — Difficultés du monastère de
Melun ; éloge de la Mère A. -Marg. Clément. — Mgr de Montpellier a écrit
trois fois à Rome pour recouvrer la Bulle d'approbation du Coutumier. —
Inquiétudes de la Sainte au sujet de l'éducation donnée à sa petite-fille Marie
de Chantal.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 20 avril [1637].
[La moitié de la
première page de l'original est inintelligible.] Certes, s'il plaît à notre bon Dieu délivrer
les maisons de ces dîmes, ce sera un grand bien ; mais les Carmélites, qui
sont si accréditées, ne se remuent-elles point ? Il m'est avis qu'il
faudrait que toutes les nouvelles Religions que l'on a imposées nouvellement se
joignissent ensemble pour se défendre. Les Pères Jésuites n'y sont-ils pas
compris ? Cela sera une grande persécution pour les pauvres maisons
religieuses ; mais, si notre bon Dieu le permet, il faudra s'y soumettre
doucement. J'ai écrit à madame de Combalot, pour vous obéir ; car, au
demeurant, je tiens cela inutile, considérant ce que je suis. [619]
Voilà un grand mal
pour cette pauvre maison de Melun que notre très-honoré Père [M. de Sillery] en
soit dégoûté ; mais Dieu sait pourquoi Il le permet. Ma très-chère fille,
je supplie sa divine Bonté d'en avoir pitié ! Voyez-vous, il est bien
vrai, ce me semble, que la pauvre Mère a plus de vraies vertus religieuses que
de talents pour gouverner ; car je la tiens pour une sainte. Je dis même
que Dieu l'a prévenue, dès son enfance, de tant de grâces, qu'ayant si bien
persévéré, je la crois fort agréable à la divine Bonté ; mais cela ne lui
donne pas les adresses du gouvernement, surtout du temporel, sur quoi je trouve
votre pensée très-bonne d'y mettre notre Sœur P. -Jéronyme [de Monthoux] avec
une des filles de M. de Puisieux, si cela se peut. Mais il faudrait qu'il vînt
de madame sa mère. Or enfin, ma toute chère fille, la charité que Dieu vous a
donnée pour le bien de l'Institut vous donne tant d'adresse pour le bonheur de
ses maisons, que vous ne sauriez qu'y bien procéder, et je me remets à vous de
tout cela, et aux résolutions que vous en prendrez avec Mgr de Sens et notre
bon Père, soit d'essayer de maintenir cet établissement, ce qui serait le mieux ;
soit de le rompre, ce qui serait fâcheux ; mais il n'y a remède, s'il ne
peut être soutenu ; cela nous est une bonne leçon pour nous tenir
dorénavant dans le règlement ordonné. Certes, avant que de faire des maisons,
il faut bien considérer, car il est bien fâcheux de les rompre ; toutefois
il vaut mieux se retirer de la rive que du fond.
J'écris à notre Sœur
la Supérieure de Blois, que si vous désirez notre Sœur P. J., pour Melun,
qu'elle vous la donne. Je crois que la chère Sœur Anne-Marguerite [Clément]
s'accordera facilement à être ôtée de charge, à demeurer sous une autre Mère ou
aller où l'on désirera, car c'est une âme si humble que l'on en fera ce que
l'on voudra. Et croyez, ma très-chère fille, que nous la recevrions de bon cœur
ici ; et j'admire votre douce charité de la vouloir retirer chez
vous ; c'est Dieu, ma fille, qui vous a faite comme vous êtes. Il en soit
béni éternellement. — [620] Je ne sais si la Bulle sera point venue pour le
Coutumier. Mgr de Montpellier dit qu'il en a écrit à Rome trois fois depuis
qu'il a su l'égarement, dont il est bien mortifié.
Il faut dire ceci au
cœur de mon unique fille : l'on m'écrit qu'on laisse toute liberté à la
petite [de Chantal] de faire ce qu'elle veut, et qu'en rien l'on ne la veut
fâcher ; cela lui serait à grand préjudice et bien éloigné de ce que
j'espère de son éducation au lieu où elle est. Or ce n'est point ma fille [de
Toulonjon] qui me le dit, bien qu'elle soit touchée jusqu'au fond de l'âme de
ne l'avoir pas ; et certes la seule considération de sa fille [Gabrielle],
et la créance que l'on continuerait d'élever cette petite dans l'innocence et
souplesse, me la fait désirer là. Découvrez, je vous prie, dextrement la vérité
de cet avis et m'en dites à cœur ouvert votre pensée. Je ne leur peux écrire à
ces Messieurs pour ce coup ; mais obligez-moi de les faire saluer de ma
part, surtout le petit abbé [de Livry] et la petite, à qui je vous prie de
faire remettre cette lettre, afin qu'elle la porte à notre bonne madame de
Nemours qui m'a écrit avec grande bonté ; mais cela s'entend si cette dame
est en état d'être vue, car, à ce défaut, vous l'enverrez, s'il vous plaît, à
M. Deshayes, qui en fera ce qu'il jugera. — Voilà bien des commissions ;
mais c'est à ma vraie fille toute mienne qui n'a point de plus grand plaisir
qu'à faire quelque chose pour sa chétive Mère, qui uniquement est
très-intimement toute sienne. Mille saluts à votre très-bon cher cœur, à celui
de la chère sœur [madame de Villeneuve], des braves nièces, et de toutes nos
pauvres chères Sœurs que j'aime tendrement. Dieu, par sa bonté, nous comble
toutes de son saint et pur amour. Amen ! Je vous laisse la lettre
de ma Sœur la Supérieure de Blois ouverte, afin que vous voyiez ce que je lui
dis. Je trouve que Mgr de Chartres les a prou bien chargées. — 20 avril.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
[621]
À PARIS
Envoi de nombreux manuscrits de saint François rie Sales,
destinés à être insérés dans l'édition de ses Œuvres que prépare le commandeur. — L'humilité de la Sainte souffre de
l'estime qu'avait pour elle son Bienheureux Père.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 27 avril [1637].
Mon très-honoré et très-aimé Père,
Voilà encore un amas
que nous avons fait de tout ce que nous avons pu trouver de notre Bienheureux
Père, digne, ce me semble, de vous être envoyé. Vous y trouverez quantité de
choses qui vous consoleront et feront toujours plus aimer et admirer
l'abondance de l'esprit de Dieu, que sa souveraine bonté avait versé dans cette
belle et très-pure âme, qui ne vivait que de l'amour et sainte volonté de son
Sauveur et le nôtre très-adorable. Il m'est venu en pensée que Dieu vous
donnait cela comme une récompense du grand travail que vous avez pris pour
faire mettre au jour la Conduite intérieure de ce grand Saint, laquelle,
comme j'espère, sera d'une grande utilité. Vous trouverez, mon très-cher Père,
trente-quatre lettres, et, avec les cinq que nous vous avons déjà envoyées, en
font le nombre de trente-neuf. Il y en a d'admirables pour faire voir la
dévotion de ce Saint, son esprit de force et de sagesse dans les persécutions
qui procédaient des princes, lesquelles nous laissons à votre examen pour juger
s'il les faudra mettre au jour ; elles contiennent de riches documents,
qui pourraient être fort utiles s'ils étaient connus. Vous verrez, mon
très-cher Père, si, en changeant quelques mots qui font connaître à qui elles
s'adressent et de qui l'on parle, on pourra les mettre au jour ; elles me
semblent bien utiles pour plusieurs.
L'on a trouvé dans
une vieille malle, qui était inscrite [622] vieilles quittances, une
explication en forme de méditation du Cantique des Cantiques. Je pense que ce
sont de ses premiers ouvrages qui s'étaient égarés ; car je ne me souviens
pas de lui en avoir ouï parler ; mais, au commencement de notre
établissement, notre bonne Mère Supérieure dit qu'il nous en prêchait souvent.
Il y a dix-huit de ses sermons, des premiers qu'il fit ; il me semble
qu'ils sont tout entiers, ou peu s'en faut. Il y a encore quinze autres petits
cahiers qui sont des mémoires de prédications en abrégé : le commencement
y est seulement marqué et la suite par points ; tous ces cahiers sont
écrits de sa bénite main et le Cantique [des Cantiques]. Nous n'avons point
gardé de copie des prédications, espérant, mon très-cher Père, que, quand vous
en aurez fait tirer ce que vous jugerez propre à être imprimé, vous nous les
renverrez, s'il vous plaît ; mais je dis, s'il vous plaît, mon très-cher
Père. Or, il me semble que ces pièces-là, avec ses belles épîtres, feront bien
valoir le gros volume que l'on veut faire de toutes les Œuvres de notre
Bienheureux.
Mais, mon très-cher
Père, je désirerais bien que les paroles latines qui sont dans les épîtres on
les mît ensuite en français ; car il m'est avis qu'il y a certains beaux
traits de grande consolation, et qu'aussi ses sermons latins, si l'on en
imprime, [623] fussent en français par échelle, s'il se pouvait. Voilà mes
petits désirs que je soumets tous à mon très-cher et très-honoré Père.
Certes, il me fait
mal au cœur de savoir en quelques épîtres certaines choses que le Bienheureux
dit de moi. J'ai reçu et senti de la douleur de voir le jugement qu'il faisait
de moi en ces temps-là, et ce que je me trouve maintenant, qui est tout à fait
un état de pauvreté et de misère, qui a besoin du secours de vos saintes
prières, mon très-cher Père. Je vous les demande au nom de Dieu ; et
celles du Révérend Père [de Condren] général de l'Oratoire et de M. Vincent,
par votre entremise, mon très-cher Père. Que tous me fassent la charité, je
vous en conjure, car j'en ai très-grand besoin.
Il me tarde que je
sache votre sentiment, et quel sera votre dessein pour l'emploi de ce que nous
vous envoyons, qui est tout ce qu'il faut espérer ; car nous avons tout
tenu ce qui était des papiers de feu Mgr de Genève, de feu M. Michel, et enfin
tout ce qui s'est pu trouver du reste de M. le prévôt de Sales, et d'un bon
ecclésiastique qui demeurait chez le Bienheureux, lequel entra une fois dans
son cabinet et [prit] à ce que j'ai ouï dire, quantité des [mémoires et
papiers] de ce Bienheureux, surtout de ses sermons, dont il a fait l'ornement
des siens ; mais il y a fort longues années de cela. Dieu, par sa douce
bonté, nous veuille donner la grâce de bien imiter ce grand et saint serviteur
de sa divine Majesté ! Mon tout bon et vrai Père, je vous prie derechef de
demander à Dieu pour moi que je souffre plutôt toutes sortes de peines que de
me départir jamais de ses sacrés enseignements, ains que je les observe
fidèlement ; et je prie sa souveraine douceur de vous donner son vrai
esprit en toutes choses. Je suis de tout mon cœur, et veux toujours plus être
si je puis, tout à fait, mon très-cordial Père, votre toute et très-humble et
très-obéissante petite fille en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni. Amen. —
27 avril.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [624]
SUPÉRIEURE À RENNES
La Sainte permet à la Supérieure du Croisic de se rendre à
Rennes. — On doit employer aux charges les Religieuses qui y sont propres.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma très-chère fille,
Dieu par sa
souveraine bonté remplisse votre cœur de son saint amour ! J'ai été consolée
d'apprendre de vos nouvelles et de celles de votre maison, laquelle va toujours
petitement. Si Notre-Seigneur envoie l'amour de la bassesse dans le cœur de nos
Sœurs, j'espère qu'il leur fera de grandes grâces.
Hélas ! que je
suis touchée du mal de ma pauvre Sœur la Supérieure du Croisic ! Dieu lui
fasse la grâce de tirer les richesses de son saint amour de l'humble et
amoureuse souffrance de ses maux ! Quant à ce qui est de l'attirer en
votre maison, hélas ! la grande charité ! Il n'y a nulle difficulté
puisque les médecins jugent que cela pourra être utile ; car, voyez-vous, si bien ce passage
d'une maison en une autre n'est pas marqué, il n'est pas aussi défendu, et l'on
n'en a pas voulu mettre la liberté dans le Coutumier, crainte que l'on en abusât.
Il suffit, dans les grandes occasions dont les Supérieurs doivent juger, que
l'on puisse l'exercer ; ce qu'il ne faut jamais faire que le moins qu'il
se peut, et pour des grandes nécessités. — Il faut bien prendre garde, ma chère
fille, que vous ne fassiez pas tant travailler nos Sœurs qu'elles en tombent
malades, comme nos Sœurs de N. ont fait. [625]
Je voudrais pouvoir
graver dans le cœur des Supérieures de la Visitation cette maxime, d'employer
aux charges celles que selon Dieu elles y connaissent propres, nonobstant
toutes les tracasseries que les autres pourraient en faire. C'est une grande
misère de voir que ces anciennes Sœurs veulent toujours être employées et ne
peuvent souffrir que les plus jeunes, encore qu'elles en soient capables, les
exercent. En cela elles se montrent peu solides et anciennes en vertu. Ma
fille, ne quittons point nos vieilles modes, tenons-nous-y
invariablement ; car si nous commençons une fois à changer la manière de
faire une chose, nous quitterons une autre fois la chose même.
Je trouve que les
pénitences que l'on a données à N. sont bien assez grandes ; car l'esprit
de notre vocation étant et devant être d'une parfaite douceur, charité et
support, jamais nous ne devons employer la justice extraordinaire que sur les
obstinées et sur celles qui scandalisent la communauté et porteraient
préjudice ; et cela encore après que par patience, douceur et cordiales
remontrances l'on aurait fait tout ce qu'on pourrait pour ramener les
défaillantes à leur devoir. Et celles qui, par cette voie de douceur, se
rangeraient et humilieraient, confessant ingénument leurs fautes, je ne leur
voudrais point donner d'autre pénitence, sinon qu'il fût tout à fait nécessaire
pour l'utilité des Sœurs. Il me semble que je dis assez bien ceci dans mes
Réponses, lesquelles sont assez aimées, mais peu observées, parce que nous ne
nous adonnons pas à la mortification de nous-mêmes.
Voyez-vous, ma
fille, il faut que vous travailliez extrêmement à votre perfection, et cela
aidera fort à celle que vous désirez pour les autres ; mais surtout, je
vous conjure, ne vous ressentez jamais des choses qui se diront ou feront
contre vous ; au contraire, tâchez de gagner par douceur celles qui le
feraient, et que votre charité abonde sur elles. Certes, une Mère qui gouverne
avec esprit de charité et douceur tient toutes ses filles [626] contentes selon
leur capacité, et unies avec elle. Qu'elles tâchent au nom de Dieu, et vous
aussi, de le faire. Priez pour celle qui est toute vôtre.
La première partie de l'original de cette lettre est
gardée à la Visitation de Voiron.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Calamités publiques. — Conduite à tenir dans une peine
intérieure. — Sœurs proposées à l'élection de Montpellier.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 10 mai [1637].
Ma toute chère fille,
[La première
moitié de la lettre est coupée dans l'original.] Je suis accablée d'écritures et
d'afflictions des fâcheuses nouvelles qui nous arrivent incessamment pour les
calamités et désolations de ce siècle ; car, outre ce mal général que je
ressens fort, nos pauvres maisons qui se trouvent dans les provinces plus
affligées pâtissent ce qui ne se peut dire ; et dit-on que ce n'est encore
rien auprès de ce qui se doit attendre. Dieu par-dessus tout, duquel les
jugements sont toujours très-justes et équitables, et sa volonté
très-adorable ! Aussi est-ce de tout mon cœur que je l'adore et m'y
soumets, bénissant son bon plaisir en tous ces événements. Faites fort prier sa
Bonté à ce qu'il lui plaise apaiser son ire et convertir les tribulations
temporelles en bénédictions éternelles. Amen.
Quant à votre peine,
vous la devez supporter bien doucement. Vous ne sauriez mieux faire que ce que
vous faites : vous tenir sur vos gardes tant que vous pourrez, par fidélité,
et vous humilier quand vous y manquez ; mais cela sans vous lasser de la
peine, ni du long temps que Dieu vous permettra cet exercice. Il se faut
abandonner à son bon plaisir autant en [627] cela qu'en toute autre chose.
Suivez toujours fidèlement les lumières qu'il vous donne pour cela, et portez
avec une amoureuse patience votre peine. Je vous le dis derechef et vous en
prie, et de bien prier Dieu pour moi, mais je vous en conjure, j'en ai
besoin ; et me recommandez aux bonnes âmes de votre connaissance, surtout
aux Pères Jésuites, que je salue, après Monseigneur, et tous ceux que vous
jugerez. Mon Dieu ! tenez-vous assurée de la confiance que j'ai en votre
droiture et sincérité ; cela soit dit pour une fois, car je me fie en vous
plus qu'en moi-même, et n'en pourrais avoir une ombre de méfiance. Notre grand
Sauveur comble nos âmes de son saint amour. Amen. — 10 mai.
[P. S.] Nous
destinions ma Sœur F. -Emm. [de Vidonne de Novéry] pour Turin, avec ma Sœur M.
-Élisabeth de Lucinge ; mais nous avons eu nouvelle que la fondation ne se
fera pas encore. C'est pourquoi nous vous laissons en liberté, si vous voulez
la proposer. Je prie Dieu qu'il vous inspire à toutes de choisir celle qu'il
vous a destinée ; je vous ai dit [ce que je savais] des unes et des autres,
dans mes précédentes [lettres] ; et, dans celle-ci, selon ma connaissance,
et avec une entière indifférence, ne voulant que ce que Dieu voudra, la volonté
duquel j'adore de toutes les forces et affections de mon âme, et le supplie
qu'il nous fasse la grâce de le faire dans son éternité de gloire. Amen.
Vôtre, vôtre de cœur.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU DEUXIÈME MONASTÈRE D'ANNECY
Offre d'une postulante.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, mai 1637.]
Ma très-chère fille,
Il me semble que
tout s'oppose pour retarder notre commune consolation. Toutefois, on nous fait
espérer que la vêture de cette chère fille se fera le jour de la triomphante
Ascension. Mais voilà encore un petit retard : c'est que la très-chère
Supérieure de Rumilly revient dès qu'elle sera déposée. Dès quatre mois en çà,
elle est après nous pour la retirer ; et enfin, après avoir bien combattu,
il le lui faut accorder aujourd'hui qu'elle nous en prie avec encore plus
d'instance ; elle est quasi toujours malade en ce lieu-là. Elle a avec
elle mademoiselle de Saint-Innocent, qui est fort brave fille ; elle voudrait ne la pas laisser là,
ains vous la donner, car elle sait bien que notre maison ici est toute pleine.
Elle aura bien une honnête dot. Dites-nous, ma très-chère fille, si vous agréez
qu'elle vous l'amène.
L'espérance de vous
voir bientôt m'empêche de dire davantage. Vous savez, et il est vrai, que je
suis de cœur tout à fait vôtre. Amen.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [629]
SUPÉRIEURE À CHAMBÉRY
Il faut se réjouir d'être en butte à la calomnie. —
Recommandation en faveur des Mères Bernardines.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 20 mai 1637.]
Ma toute chère et uniquement bien-aimée,
Le grand Sauveur par
sa toute miséricorde veuille tirer à soi nos cœurs et nos affections et les
conserver et tenir à jamais dans le sein de son amour ! Ma fille, vous
avez de quoi bénir Dieu et vous réjouir aux calomnies que l'on fait contre
vous, pour récompense de la sincère charité que vous avez voulu faire de votre
maison à ces bonnes R., et de la charité réelle que vous leur avez faite. Vous
avez le partage des Apôtres : réjouissez-vous donc avec eux, selon le
conseil de notre divin Maître, qui leur dit qu'ils se réjouissent quand on
dirait tout mal d'eux en mentant : vous êtes dans l'occasion.
J'écris au Père
provincial, qui est un digne Père qui vous aime fort : parlez-lui
confidemment. S'il pouvait assister les Bernardines avec madame de Monthoux, ce
serait un grand coup pour toutes. Pour moi, je vois toute apparence qu'elles
seront condamnées à Dijon. Je vous prie, ma fille, enquérez-vous des Pères
quand ils attendent ledit Père provincial, et combien de temps il demeurera à
peu près à Chambéry. Le Père Renaut vous dira cela bien confidemment, puis
faites-le-moi savoir promptement, je vous en prie.
Je suis vôtre de
cœur. — Veille de l'Ascension.
Vous garderez la
lettre du Père provincial jusqu'à ce qu'il soit à Chambéry, que vous la lui
ferez donner sûrement, s'il vous plaît. Soyez-lui ouverte et franche, car il
est tout bon.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Reims. [630]
À PARIS
Estime universelle pour la doctrine de saint François de
Sales. — Reconnaissance que tout l'Institut doit au commandeur. Désir qu'il,
envoie à chaque monastère un exemplaire de la Conduite. spirituelle. —
Prévisions pour l'élection de Melun.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1er juin 1637.]
Mon très-honoré et très-cher Père,
C'est sans doute le
divin Sauveur de nos âmes, source vive de tout bien, qui inspire et meut si
fortement votre chère âme à vouloir répandre, autant qu'il vous sera possible,
l'esprit et les maximes de notre Bienheureux dans toutes les âmes. Certes,
j'estime, mon très-cher Père, que c'est une des plus grandes et utiles charités
que votre bonté puisse exercer envers le prochain.
Je m'assure que vous
aurez maintenant reçu tous nos petits cahiers, et qu'ils vous servent
d'agréables et suaves entretiens. Or, il est vrai que Dieu a répandu dans les
écrits de ce Bienheureux un certain esprit et doctrine si solide, si efficace,
si douce et attrayante, qu'elle pénètre les cœurs. Et, bien que les autres
livres traitent de mêmes sujets, ils ne ravissent pas, ni ne touchent comme
ceux-là. C'est la grâce abondante que Dieu avait mise dans son cœur qui opère
cela ; et c'est chose admirable qu'ils ont partout augmenté le goût,
l'estime et la dévotion à la doctrine de ce bienheureux Saint. Le Père
provincial de ces quartiers me l'écrivait l'autre jour. Nous avons vu ici
quelques Allemands, et une très-brave dame allemande qui dit qu'en leurs
quartiers ils révèrent les Œuvres de ce Bienheureux. Je leur donnai l'un des
livres que vous m'aviez envoyés, mon très-cher Père, de la Conduite
intérieure : votre bonté me donne confiance de lui en demander, par
mes dernières lettres, encore quelques-uns. [631]
Mon très-cher Père,
croyez que mon âme a été trop vivement touchée du précieux don que la divine
Providence a fait de votre digne et incomparable dilection à notre petite
Congrégation, pour avoir manqué d'en donner connaissance à nos monastères. Ils
n'ignorent pas ce bonheur ni cette grâce, bien que tous n'en sachent pas la
grandeur si particulièrement que plusieurs font ; mais je vais prendre
l'occasion du nouveau livre pour leur en renouveler la mémoire, et leur
déclarer, le plus particulièrement et efficacement qu'il me sera possible, la
grandeur des obligations que nous avons à votre bonté paternelle. Car il est
vrai que cette ardeur d'amour et d'estime que Dieu vous a donnée pour notre
Bienheureux Père se répand universellement sur tout notre Institut, duquel vous
avez plus de jalousie ou autant que nous saurions avoir nous-mêmes. Et ce sera
bien de tout mon cœur que j'écrirai de nouveau à nos monastères, sans en
excepter un seul ; et suis assurée que pas un ne manquera, Dieu aidant, à
faire ce que vous désirez durant votre vie, et à la nouvelle de votre trépas,
ceux qui le sauront. Si bien il y a quelque monastère qui n'ait pas ressenti en
son particulier les effets de vos charités temporelles, néanmoins la sainte
union et charité qui est entre nous nous doit rendre commune l'obligation que
nous avons des grands dons, libéralités et charités que vous avez départis à
plusieurs ; outre que les biens et profits que nous avons reçus et
recevons journellement de votre bonté, mon très-cher Père, sont utiles à tous.
C'est pourquoi j'ai confiance en Dieu, que ce que vous désirez s'accomplira
avec une franche et cordiale dilection et reconnaissance.
Mais ne faut-il pas
que je vous dise tout à la bonne foi la pensée qui m'est venue sur cette occasion :
c'est qu'il vous plût, mon très-cher Père, d'envoyer, par l'entremise de notre
chère Sœur la Supérieure, à chaque monastère, un livre de la Conduite
intérieure de notre Bienheureux, dans chacun desquels vous écriviez de
votre main un souhait de bénédiction et une [632] parole d'affection. Or, voilà
ma pensée, et je l'ai goûtée ; mais je vous la soumets, mon très-cher
Père : votre discrétion et droiture est si grande, et votre dilection si
entière pour la Visitation, que ce que vous en désirez doit être fait avec
toute cordiale affection. Ce que je vous dis, sur ce que je vois que la bonté
de votre digne cœur a reçu si agréablement ce que j'ai répondu touchant le
petit parloir.
Quant à la fondation
des deux messes perpétuelles par jour, certes, mon tout bon et cher Père, j'y
vois votre intention si sainte et si pleine de piété que je crois que Dieu les
aura très-agréables, et notre maison de Paris et celle-ci vous en seront encore
très-obligées, pour l'utilité et commodité qu'elles en recevront, et vous en
remercient très-humblement, mon très-cher Père.
Vous connaissez bien
l'esprit de ma pauvre chère Sœur la Supérieure de Melun : il est vrai,
certes, c'est une âme tout à fait humble, simple et charitable, et que Dieu a
prévenue de grâces très-particulières dès son enfance ; mais l'expérience
apprend qu'elle n'est pas agissante, ni accompagnée des talents propres au
gouvernement, surtout des affaires, et je crois que difficilement la maison de
Melun se fera sous sa conduite. Je crois, mon très-cher Père, que, sans une
ombre de difficulté, elle se trouvera disposée de faire tout ce que Mgr de Sens
et vous, trouverez à propos pour le bien de cette maison-là. J'ai déjà écrit à
ma très-chère Sœur la Supérieure de Paris qu'elle secondât, en ce qu'elle
pourrait, ce qui s'en déterminera, et que nous laissons toute liberté pour
employer même ma Sœur P. -Jéronyme de Monthoux, s'il était jugé qu'elle y
puisse servir ; car, comme vous le jugez très-bien, il est nécessaire, mon
très-cher Père, de mettre la main à cette maison ; votre bonté y a déjà
tant exercé de charités que j'espère que Dieu y bénira la continuation de votre
soin paternel. Mais cependant nous sommes, par ces exemples, avisées de ne plus
faire de ces [633] fondations sans fondements réels, et non d'apparence et
d'espérance. Notre bon Dieu y veuille porter sa bonne main, et vous comble
toujours plus des grâces de son saint amour, auquel je suis et serai
invariablement, etc.
[P. S.] Mon bon Père, voilà le sermon qui nous était
resté ; il est aussi écrit de la propre main de notre Bienheureux Père,
quoique les caractères soient un peu différents à ses derniers écrits. J'espère
que vous nous en renverrez une partie quand ils seront imprimés, si vous le
jugez a propos.
Jour de l'adorable
fête du divin Sacrement, 1637.
Conforme à une copie de l'original gardé an premier
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Calomnies répandues à Rome contre l'Institut. — L'expédition
du Bref d'approbation du Coutumier est retardée. — De l'instruction des novices
et du catalogue pour les élections.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, juin 1637.]
Ma très-chère fille,
Le Père dom Juste me
vient d'écrire que Mgr l'archevêque de Tarentaise, qui est de ces quartiers et
fort proche parent de notre Bienheureux Père, retournant de Rome, lui avait dit
que, parlant à un prélat de ce lieu-là pour quelques affaires qui touchent les
Ermites des Voirons, et ajoutant que le Bienheureux les avait institués, le
prélat de Rome lui répondit ; [plusieurs mots illisibles] et Mgr de
Tarentaise lui disant aussi que c'était le Bienheureux qui avait établi notre
Congrégation, il lui répondit qu'il y avait certaines choses dans notre Ordre
qu'il fallait réformer. Et Mgr de Tarentaise voyant que ce prélat parlait de
ces choses avec émotion et dédain, il se retira, craignant,, dit-il, [634] de
l'aigrir davantage ; et de plus, Mgr de Tarentaise étant à Turin à son
retour de Rome, qui est tout fraîchement, alla visiter Mgr le Nonce du Pape qui
lui dit qu'il voulait à nos monastères un visiteur apostolique, pour y réformer
quelque chose. Et ledit Mgr le Nonce voulait donner la commission à Mgr de
Tarentaise pour faire cette visite. Oh ! mon Dieu, ma très-chère fille,
voyez où cela va, et combien mon chétif cœur est sensiblement transpercé. Je
vous dis tout, afin que vous preniez conseil des personnes capables ; car,
oh Dieu ! sur quel sujet et de quoi pourrait-on dire ceci ?
Je pense que c'est
par une spéciale Providence divine que notre Bref a été retardé, et qu'il est
tout à fait nécessaire de bien faire examiner le Coutumier par des personnes
bien capables, et les choses tant soit peu douteuses les faire peser par Mgr de
Sens. Bref, il y a si longtemps que l'on parle de cela et de tant de côtés, que
je pense qu'il faudrait que le Coutumier expliquât les trois points qui sont en
la Constitution de la directrice, p. 218, par l'article VIII dudit Coutumier où
il est dit : que les filles iront parler le matin, pour apprendre à se
bien confesser, me semblant qu'il suffirait [de dire] : elles les
instruira en général toutes ensemble, conformément à la Constitution et au
Coutumier, leur faisant entendre comme elles sont en pleine et absolue
liberté de se confesser de ce que bon leur semblera, ainsi que le Bienheureux
le dit dans les Entretiens.
Quant au sujet de
nos catalogues pour les élections, c'est d'assurance un point de droit que
toutes les Religieuses qui peuvent avoir voix active la doivent aussi avoir
passive (s'entend sans doute, celles qui ont les années marquées) ; c'est
pourquoi, ma très-chère fille, je pense qu'en conservant notre coutume, que les
personnes capables approuvent grandement, l'on pourrait ajouter au Coutumier,
après les noms de celles qui sont sur le catalogue, qu'il fût dit : voilà
celles que les Supérieurs jugent plus propres et utiles pour la conduite du
monastère ; [635] néanmoins les Sœurs sont en liberté délire telle
de la maison que bon leur semblera ayant les années marquées. Ou bien que
les Supérieurs, après la déposition, exhortant les Sœurs de penser sérieusement
à une nouvelle élection, leur disent les paroles susdites, ce qui serait
peut-être mieux ; et, en ce cas, on pourrait l'ajouter en marge au lieu
convenable, si ce n'est déjà imprimé.
Conforme à. une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À RENNES
La Sainte se réjouit de la ferveur des Sœurs de Rennes. —
Désir de voir la communauté du Croisic transférée à Vannes. — On a fait un
recueil des Petites Coutumes du monastère d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma
toute bonne et chère fille,
Je veux prendre la
consolation de vous écrire de ma main et de mon cœur, en toute confiance, comme
vous faites à moi. Que béni soit éternellement notre tout débonnaire Sauveur,
pour les grâces qu'il répand sur votre chère communauté ! Ces bénites âmes
ne sont-elles pas heureuses de servir ce friand et très-adorable Seigneur avec
courage et fidélité ! Que puissent-elles croître incessamment dans ce
saint service, qui seul leur peut causer courage, paix de conscience, et les
rendre heureuses en la sainte éternité ! Je les conjure de cheminer
toujours plus généreusement en leur sainte voie, croissant incessamment au saint
et pur amour de notre doux Sauveur, et en la sacrée dilection les unes envers
les autres, car cela enserre [comprend] tout. Je me recommande à leurs
prières, je dis mon âme et non pas mon corps, ni cette chétive vie
temporelle ; mais je les en [636] conjure, au nom de notre bon Dieu ;
et que la bonne directrice, que Dieu bénisse pour le soin qu'elle a de bien
dresser ses novices, les ressouvienne souvent de prier pour mes besoins
spirituels.
Je suis consolée de
vous voir dans le sentiment de ne point multiplier les maisons ; quand
vous aurez fait là votre seconde, vous connaîtrez bien que vous aurez besoin de
vous reposer. Ce bon M. le théologal m'écrit qu'il a toutes les licences pour
Vannes, et qu'il travaille pour amasser le revenu nécessaire à obtenir des
lettres du Roi. Il me dit, en la même lettre, que Mgr votre prélat et les
Supérieurs du Croisic trouvent bon que l'on vous mène notre Sœur la
Supérieure ; il vous fera voir ce qu'à lui on écrit. Mais ce qu'il me dit
du mauvais air du Croisic m'a fait penser que ce serait peut-être une grande
charité de transporter cette famille-là à Vannes : voyez, ma fille, avec
vos Supérieurs et ce bon M. le théologal si cela serait à propos.
Le bon M. Quesnel me
donne toute satisfaction de vous et de votre maison, disant que tout y va fort
bien à la gloire de Dieu et par votre soin, excepté ces pauvres filles qui
étaient si fort attachées à la Mère déposée. Il désire m'en écrire au
long ; mais, ma très-chère fille, que faire à tels esprits, sinon ce que
l'on fait : leur montrer bon exemple, leur remontrer doucement le tort
qu'elles font à leurs âmes et puis les supporter, car ce sont des croix qu'il
faut subir ; peu de maisons religieuses en sont exemptes. Je vois que vous
en avez encore d'autres extérieures pour le temporel ; mais tout est
supportable, quand l'intérieur va bien ; les misères sont grandes partout.
— J'estime et chéris grandement M. Moreau et M. Quesnel : conservez-moi au
souvenir de leurs saints sacrifices, et les saluez chèrement de ma part. Mon
Dieu ! ma très-chère fille, que vous êtes heureuse d'avoir de tels aides,
et de si bons et si utiles appuis ! Dieu les vous conserve ! Enfin,
je vois qu'en tout Dieu bénit [637] votre maison, et que toutes choses iront de
bien en mieux. Je supplie son infinie Bonté de vous continuer sa sainte
conduite.
Ma très-chère fille,
vous êtes bien obligée à la grâce de Dieu : elle abonde en vous, soyez-lui
toujours plus fidèle. Tout ce que vous me dites de votre chère âme et de votre
conduite va bien selon le gré de Notre-Seigneur, à mon avis, puisqu'on tout
vous ne regardez que Lui et l'accomplissement de son très-saint bon plaisir, et
de faire à vos Sœurs ce que vous voudriez qu'elles vous fissent si elles
étaient en votre place, et vous en la leur. Ma très-chère fille, voilà la vraie
règle et la loi de Dieu, qui contient toute la perfection chrétienne :
gravez-la bien dans le cœur de vos Sœurs, c'est la vie de l'âme. Ces chères
filles ont pris une sage résolution de vous garder pour Mère tant qu'elles
pourront ; j'en suis consolée, car elles ne sauraient mieux faire. —
Certes notre Sœur la Supérieure de Nantes a tort de n'avoir pas confiance en
vous, jusqu'à ce point que les séculiers s'en aperçoivent ; je suis marrie
de cela, car c'est une fort bonne âme : persévérez à traiter rondement
avec elle, et que le monde ne s'aperçoive d'aucune froideur.
Il n'y a que la
Supérieure qui signe le finito des comptes.
Votre dépense est
modérée, vu les chertés qui, je crois, sont universelles en France. Dieu
veuille avoir pitié de son peuple ! — Pour ce qui est du changement des
Sœurs domestiques, nous ne pratiquons pas cela céans, ains on les emploie selon
leur directoire et le jugement de la Supérieure. J'ai envie de vous faire avoir
un jour nos Petites Coutumes de ce monastère, qui sont écrites à la main. Quand
vous aurez le Coutumier imprimé et ces Petites Coutumes, vous aurez tout, et
n'aurez plus rien à demander soit pour l'Office et cérémonies, soit pour les
règlements du monastère ; car il faut avouer que notre Bienheureux Père a tout
bien ordonné et suavement. Je n'ai pas mémoire que vous m'ayez écrit d'avoir
reçu des Heures que je vous envoyai l'année passée partant de Paris, lesquelles
ont un [638] si bon ordre pour l'Office que difficilement y fera-t-on, meshui
des fautes, comme l'on faisait auparavant. Enfin je ne vois plus rien qui
manque à notre Institut, grâce à Dieu ; il ne nous faut que persévérer en
observance, dans notre sainte liberté et union cordiale.
Votre fondatrice
n'est pas de trop bonne humeur de ne vous pas aimer. Dieu la bénisse et nos
Sœurs d'Orléans avec leurs sécheresses ! Mon Dieu, ma fille, ne faites
aucun semblant de les connaître, mais traitez toujours avec elles avec une
entière franchise et cordialité. Notre-Seigneur fera évanouir tout cela s'il lui
plaît, et nous comblera enfin d'une sainte charité qui consommera toutes nos
faiblesses et imperfections ; j'en supplie sa souveraine Bonté. Ma
très-chère fille, conjurez-la souvent d’accomplir en moi sa toute sainte
volonté, sans que j'y donne aucun empêchement ; mais je vous en conjure
derechef, par la sainte dilection que vous me portez et par la tendre affection
que Dieu m'a donnée pour vous, que je tiens chèrement dans mon cœur, et faites
que nos Sœurs me fassent aussi la charité, surtout celles qui sont les plus
humbles et favorisées de Dieu, comme ma bonne Sœur Marie-Renée [de Guéroust]
que je salue chèrement. Dieu lui accroisse toutes ses saintes grâces. Ma
très-chère fille, je suis toute vôtre de cœur.
Conforme à nie copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes. [639]
SUPÉRIEURE À CONDRIEU
Sentiment de saint François de Sales au sujet des
élections. — Mort de la Mère M. -Jacqueline Favre.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 16 juin 1637.
Ma très-chère et bonne fille,
Dieu m'a donné une
tendre affection pour votre chère âme. Je le supplie très-fort de la combler
des consolations célestes, à mesure que sa divine main vous donnera des
tribulations, lesquelles ne sont que pour nous conduire dans la bienheureuse éternité.
Mon Dieu ! ma
vraie fille, que je me serve de mon autorité auprès des puissances pour
procéder à votre déposition ! Oh ! certes, je n'en ai et n'en peux
prendre aucune contre les ordres du ciel et ceux de nos Supérieurs. Mgr votre
prélat a fait, en cette rencontre, ce que j'ai vu faire à notre Bienheureux
Père en pareille occasion. Il voulait que la vertu prévalût sur le nombre des
années. Si j'étais appelé à toutes les élections, me disait-il, j'acquiescerais
du coté de l'humilité et de la [640] douceur, quand bien je ne les
verrais soutenues que d'une vigoureuse jeunesse, laquelle j'estime plus qu'une
langoureuse ancienneté. Et, quoiqu'il respectât merveilleusement les saints
décrets du Concile, il n'était néanmoins nullement pointilleux ; et, de
vrai, il me semble qu'il ne le faut point être, surtout dans ces commencements,
où les anciennes seraient toujours en courses, sans aucun loisir de se revoir
un peu elles-mêmes. Celui qui vous a imposé la croix dont vous prétendez vous
décharger, me presse de vous dire qu'il faut de tous vos deux bras la serrer
amoureusement sur votre poitrine, travailler sans interruption à l'ouvrage du
Seigneur, et ramener prudemment ces pauvres âmes peinées à la soumission du
cœur qu'elles doivent avoir à la divine volonté. Oh ! que vous devez bénir
ce bon Père céleste de vous introduire de bonne heure sur la montagne de
Calvaire, où il vous a portée comme sur ses épaules. C'est son très-saint
vouloir que vous ne soyez point épargnée pour le service de notre petit et humble
Institut, sur lequel nous voyons tous les jours surabonder sa miséricorde. Je
me console aujourd'hui de la mort de notre première compagne, que nos Sœurs de Chambéry enterrèrent hier.
Que sa Providence soit à jamais bénie ! Puissions-nous trouver en vous, ma
très-chère fille, autant de force d'esprit, de vertu et de courage que Dieu
vient d'en ôter à notre chère Visitation. Ne vous abattez donc point, car Dieu
veut cela de vous. Recommandez-moi à sa bonté pour ne rien faire que pour sa
gloire dans l'élection où ces pauvres orphelines m'ont appelée. Je suis toute
vôtre, et de tout mon cœur. [641]
La Supérieure doit user de support envers les esprits
faibles. — Faire traiter en secret une Sœur atteinte des écrouelles.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma très-bonne et chère sœur,
J'ai reçu vos deux
lettres du 29 mai et 8 juin. Je ne pouvais attendre de votre bonté et vertu
autre chose, que ce que vous me répondez. Je me confiais bien que vous
recevriez amoureusement ce que je vous ai dit, en la simplicité de mon cœur
quoique avec peine et crainte de vous donner affliction sur affliction, et je
ne sais ce que je voudrais faire pour vous y soulager.
Quant à ce que vous
me demandez, comme il faut traiter ces esprits faibles, Dieu veuille que je le
sache mieux par la pratique que je ne le puis dire. Notre Bienheureux Père
disait qu'il fallait supporter le prochain jusques à l'extrémité, voire,
jusques à la niaiserie : ce que je veux dire est un peu cela. Il faut faire
l'imparfaite et la faible avec eux, les prévenir en désirs ne leur point
commander ce que l'on juge qu'ils ne voudraient pas faire, couvrir leurs
imperfections, voire, à eux-mêmes- ne faire point semblant de voir leurs fautes
et passions ; lorsqu'ils les ont connues, les divertir doucement en
quelque autre chose comme si vous ne connaissiez rien d'imparfait en tout cela
surtout devant les autres, et même les excusant et supportant. Après l'on peut
et l'on doit, selon que l'on juge à propos, les reprendre en particulier, avec
un extrême amour maternel et cordial selon la nécessité ; que s'ils ne
reçoivent pas bien la correction, certes, je ne ferais pas semblant de le
connaître et ès occasions je traiterais avec eux comme si rien n'était- car
enfin, ces petits esprits ne sont pas capables d'une grande [642] perfection,
ni même les bons quand ils sont préoccupés de leurs passions. Les pauvres
Supérieures craignent de manquer à leur devoir, ne tenant pas la bride ferme à
tels esprits, crainte de répondre devant Dieu des manquements qu'ils font, en
les supportant ; mais ils en font cinquante quand on les presse, et se
jettent enfin dans des extrémités, où ils ne sont plus capables d'aucun remède.
Je vous dis tout ceci parce qu'il m'est ainsi venu, et que mon cœur s'ouvre
facilement avec le vôtre.
Je viens de relire
votre dernière lettre. J'admire l'assurance et témérité de N. d'aller lire vos
lettres ; cela témoigne bien un cœur détraqué de la vraie crainte de Dieu.
Mais je vais vous dire ce que je pense : c'est que, vu sa présente
disposition, il eût fallu, en cette occasion et aux semblables, la regarder
seulement, pour lui faire voir qu'elle est découverte en sa faute, sans lui
dire davantage ; je pense que cela la ramènerait plus tôt à la reconnaissance.
Pour le mal d'écrouelles où elle est tombée, il le faut tenir secret ; il
suffit que votre médecin le sache, car ce sont maux sans remède. Deux Sœurs en
sont mortes en nos maisons, qui presque sont tombées par pièces, au moins une.
C'est un grand exercice pour une pauvre Supérieure, plus qu'à nulle autre de la
maison, laquelle doit cacher tant qu'il se peut ce mal, car l'appréhension
pourrait nuire aux Sœurs. Notre bonne Mère de céans vous écrira le reste ;
car elle a expérimenté comme il faut traiter telles maladies. Au reste, ma très-bonne Sœur, je vous
conjure de ne point laisser abattre votre esprit sur votre impuissance au
gouvernement. Je souhaiterais que nous en eussions en notre Ordre, prou de
semblables à vous. Ayez un grand courage parmi ces épreuves que Dieu fait de
votre cœur. Vous savez de combien de bénédictions Il fit suivre les [643]
travaux premiers que vous souffrîtes les années passées ; sa main n'est
pas raccourcie. Croyez que ceux que vous souffrez maintenant ne seront point
sans récompense, bien que votre chère et désirée récompense doit être
très-abondante, en la grâce de souffrir pour Dieu.
J'aurais fort envie
de vous voir, mais il faut attendre avec paix le temps que Dieu a destiné de
nous donner à toutes deux cette consolation. Votre, etc.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Décès de la Mère Favre, éloge de ses vertus. — Détresse de
quelques monastères ; celui de Montpellier a élu pour Supérieure une Sœur
d'Annecy. — Deux communautés ont été contraintes de faire une élection contre
leur gré ; respect et déférence de la Sainte pour la volonté des prélats.
— Comment instruire les novices pour la confession.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 22 juin 1637.]
Ma très-chère fille,
Je crois que vous
savez déjà le départ de notre pauvre très-chère Sœur Favre, qui nous a touchées
sensiblement et tendrement. Ses chères filles, qui l'aimaient plus
qu'elles-mêmes seraient inconsolables si la très-sainte et tout adorable
volonté de Dieu ne régnait en leurs cœurs, comme elle fait par sa grâce. Nous
les irons trouver, Dieu aidant, le lendemain de notre fête pour faire faire
l'élection et la visite. Cette chère Sœur trépassa il y a aujourd'hui huit
jours, après avoir souffert des douleurs inimaginables de sa colique, qui la
violenta quatorze heures à deux reprises, si qu'elle fut contrainte, à ce qu'on
dit, de supplier la glorieuse Vierge de lui obtenir du soulagement ce qu'elle
n'avait point encore fait. Car si bien son corps tremblait et tombait tout en néant
aux approches de ce mal, néanmoins [644] dans ses violentes douleurs, elle
avait son esprit dans une si grande paix et union avec Dieu, qu'elle était dans
l'impuissance de lui demander du soulagement. Elle m'a écrit ceci deux ou trois
fois depuis environ quatre ou cinq mois, que cette colique la prenait toutes
les semaines, et quelquefois deux fois. Cette chère âme avait fait un tel
avancement qu'il y avait grande consolation et édification de la voir. Elle
s'était rendue si soigneuse de sa famille [religieuse], et vivait si contente
avec ses Sœurs, qu'elles en étaient ravies. Je crois qu'elles éliront leur
assistante, qui est une fille de rare vertu.
Ma vraie Angélique,
vous lirez ceci à votre très-cher et bon Père ; car je n'ai le loisir que
de lui faire un billet. Mon Dieu ! que cette vie est pleine d'afflictions
et de tracas ! Dieu vous y tienne de sa sainte main, et soit béni et
remercié de la brave fille que sa divine Providence vous a donnée. J'estime plus la bonne disposition de son
esprit que tout le reste, bien qu'il soit certes à priser. Et je crois que Dieu
fait encore grande miséricorde pour notre Congrégation, m'assurant que vous
ferez bien valoir les faveurs qui sont offertes. Si elle pouvait faire
affranchir de ces dîmes et des contributions que l'on impose sur nos maisons,
pour les fortifications qui se font dans les villes de Dijon, Châlon, Beaune et
Bourg [ce serait un grand bien]. Nos pauvres Sœurs y sont taillées [imposées]
par-dessus leurs forces. Je pense que l'on n'avait point entendu chose
pareille, de sorte qu'elles sont aux abois ; car la province étant ruinée
et dans une grande désolation, à ce que l'on dit, tout y est cher comme crème.
Les pauvres filles mangent du gros pain, et Dieu veuille qu'elles en aient
toujours selon leurs besoins. Enfin notre consolation est que Dieu voit tout
cela, et que ces chères âmes sont fort abandonnées et avec grande confiance
entre les bras de la divine [645] Providence. Elle en aura soin, s'il lui
plaît ; je l'en supplie de tout mon cœur. Rien n'a manqué encore, grâce à
sa divine Bonté, à celles du Comté.
La chère Mère de
Champlitte [M. F. de la Tour-Remeton], qui était une sainte, est trépassée. Il
nous a fallu envoyer une de nos Sœurs en sa place, qui est vraiment une sage et
vertueuse fille qui les servira bien et utilement. La Mère de Fribourg la vint
prendre. — Nous avons eu ici notre Sœur la déposée de Montpellier, qui est une
maîtresse et digne fille, humble et prudente Elle dit merveille de la bonté de
madame la duchesse d'Halwin, qui leur fait de grandes charités. Dites-le à
madame la marquise et l'en remerciez ; je la salue très-humblement et me
recommande à ses prières. Cette chère Sœur a emmené aussi une de nos Sœurs [F.
-Em. de Vidonne de Novéry] qu'elles ont élue à Montpellier. Elles sont
grandement bien là auprès de Mgr de Montpellier, qui leur fait l'office de vrai
Père, et se tient, en ce qui le touche, au pied de la lettre, et ne veut des
filles que l'exacte observation des Règles. Plût à Dieu que partout nos prélats
fussent ainsi !
Mais, hélas !
ma très-chère fille, je n'oserais dire le nom d'un archevêque qui a violenté
nos Sœurs d'élire une fille de vingt-trois ans contre leur gré et celui de la
pauvre jeune fille, qui ne cesse de pleurer, aussi bien que les autres, qui
m'écrivent qu'elles ne peuvent se résoudre à la garder pour Mère, n'y pouvant
avoir de la confiance. Ainsi elles réclameront pour faire une autre
élection ; car jamais ce prélat ne leur a voulu permettre de mettre sur
leur catalogue une fort vertueuse Sœur qui est assistante de leur maison, qui a
les années d'âge, qui est celle sur laquelle toute la communauté jetait les
yeux, ni a non plus voulu permettre qu'elles en aient choisi une des autres
monastères, et les a forcées d'en prendre dans le leur trois ou quatre qui
n'ont ni l'âge ni les qualités requises, et les a-t-on tant persuadées de
prendre celle qu'il voulait qu'elles l'ont [646] élue. Voilà-t-il pas un
étrange procédé ? Or après que la pauvre jeune Mère [M. -Marthe de Martel]
qui demande à être déposée, et la communauté [aussi], ont achevé leurs
plaintes, elles se remettent à moi, et chacune m'assure qu'elles feront ce que
je leur dirai, de sorte qu'ayant considéré la chose devant Dieu, et pris l'avis
de notre bonne Mère Supérieure (après que je leur eus fait voir la grande faute
qu'elles ont faite de s'être soumises en ce sujet, et comme avec toute humilité
elles devaient demeurer fermes à ne point faire d'élection que l'on ne leur eût
laissé leur liberté du choix, tant de celles qui étaient dans leur maison que
des autres qu'il leur était permis d'élire et qu'elles avaient demandées aux
maisons voisines), je leur conseille que, puisque la fille est bonne et
vertueuse et n'a point été mise en la charge par son inclination, qu'il faut
calmer pour cette fois et bien faire, faisant savoir au prélat son tort. Voilà
en substance ce qui s'est résolu, eu égard encore à la violence de l'esprit du
prélat, qui ferait feu et flamme si l'on rompait cette élection, et qu'avant
que faire ces coups-là, il faut bien savoir comme nous nous devrons conduire en
cette rencontre, si jamais elle arrivait, ce que Dieu ne veuille permettre. Je
vous prie de le savoir de Mgr notre bon archevêque de Sens, qui est si entendu
en telles affaires, et si solide en ses conseils.
Monseigneur de
Valence dont je [vous] avais écrit, lequel, au commencement, ne voulait point
que l'on proposât des filles à l'élection que de celles de son diocèse, se
rendit enfin à permettre que l'on en mît sur le catalogue de celles de
céans ; mais il donnait à choisir dans trois monastères où il y a des
filles de sa maison et capables. Néanmoins les Sœurs voulaient absolument notre
Sœur Anne-Catherine de Beaumont, et elles l'y firent condescendre : il
vint pour recevoir les voix et amena un assistant que le couvent n'agréait pas.
Vous savez qu'il n'y a qu'eux qui voient ce qu'il y a dans les billets :
il arriva que la Mère [Christine-Ursule de Laye] qui était déposée, a eu une
voix [647] de plus que notre Sœur Anne-Catherine, et ainsi est réélue ; ce
qui a aussi si fort affligé et troublé les filles que c'est grande pitié. Ce
bon prélat après l'élection demanda tout haut : « Les Sœurs
sont-elles contentes ? » — L'assistante lui répondit :
« Elles ne le témoignent pas à leur visage. » — Or ma Sœur la déposée
de Montpellier a passé par là : les filles lui ont dit qu'elles croient
que leur prélat a fait l'élection de celle qu'il voulait, et selon les prières
que les parents de la fille lui en avaient faites. Pour moi, je ne saurais
croire qu'un prélat voulût faire une chose tant injuste, et que l'assistant se
trouvât de même complot. J'ai voulu néanmoins vous dire tout cela. Vous le
ménagerez et en tirerez l'utilité pour l'Institut, bien que je ne pense pas que
l'on osât montrer jamais de la méfiance aux prélats en ce sujet, proposant que
les Sœurs qui tiennent le catalogue vissent l'écrit des billets ; bien que
je me souviens qu'il y a eu deux Pères spirituels qui, recevant les voix,
firent voir ce qui était dans les billets aux assistants et assistantes ;
et notre Mère [de Châtel] dit que cela se devrait faire ainsi, puisque
l'affaire nous touche de si près et nous est si importante. Vous saurez bien
tirer le sentiment de Mgr de Sens là-dessus, et en consulter avec notre bon M.
le commandeur ; mais certes cela serait témoigner trop de méfiance. Je ne
puis goûter que l'on témoigne de la méfiance à nos prélats. — Vous aurez
maintenant reçu le Bref du Coutumier.
Nous avons eu ici le
Père provincial des Jésuites, homme rare. Je lui ai lu tout ce qui est dans
l'Institut, touchant la communication de conscience et l'instruction pour les
confessions : il trouve qu'il n'y a rien qui ne soit bon, utile et
saintement ordonné, et qu'il n'y a personne qui y puisse gloser. Mais, lui
disant notre pratique touchant la façon d'instruire les novices pour la
confession, il nous dit qu'il ne fallait pas ainsi leur dresser leurs
confessions, et qu'il les fallait laisser en liberté de se confesser de ce
qu'elles voudraient et comme [648] elles voudraient, se contentant de les
instruire selon l'article De la Confession, qui est au Directoire
spirituel, et les éclaircir sur ce qu'elles proposeraient. Je mets dans ce
billet ce qu'il nous dit. Que si vous trouvez à propos, et qu'il se pût mettre
en marge à l'endroit marqué, cela instruirait les maîtresses à ne point gêner,
et ferait voir que l'intention du Coutumier n'est pas que l'on le fasse. S'il
ne se peut mettre au Coutumier, ce qui serait utile, la lettre dont je vous
envoie la copie pourra servir : car certes il est vrai que plusieurs maîtresses
des novices et des Supérieures aussi, ont bien donné du sujet de tous ces
mouvements et plaintes qu'on fait contre nous, desquelles je vous ai écrit, et
dont j'ai grande peine, à cause que les plaintes en sont allées à Rome et au
Nonce de Turin. Dieu accoisera tout. Je pense, ma très-chère fille, que vous
ferez bien de faire voir encore ces articles à quelque personne de confiance et
capable. Mais voyez-vous, je vous dis tout ce qui me vient, et puis je vous
laisse faire ; car, ma très-chère fille, notre bon Dieu a fait notre union
si parfaite pour le bien de notre Institut, me semblant que vous êtes un appui
très-solide. Je pense que peut-être le Père dom Maurice, qui sait tant le goût
de Rome, en dirait bien sa pensée.
Or il nous faut bien
savoir les choses qui sont essentielles dans notre Institut, desquelles Mgr de
Sens m'écrit que nous ne devons jamais nous relâcher pour condescendre aux
prélats. Bien qu'il y faille être ferme, néanmoins, après avoir fait notre
devoir, il faut céder. Je vous en écrirai une autre fois et à Mgr de Sens, car
il nous importe grandement de bien savoir cela, et quelle y doit être notre
conduite, selon notre esprit, y ayant grande apparence que l'on nous choquera
souvent, d'autant que les prélats disent qu'ils sont par-dessus nos Règles et
qu'ils en peuvent disposer comme bon leur semble. Si cela est, ce que je ne
crois nullement, il n'y aurait rien de constant : il sera besoin d'y
mettre un clou, si celui de l'approbation de [649] Rome n'y servait de rien, ce
que je ne pense pas. Ma fille, vous pèserez ce que je vous dis à loisir, et le
considérerez, afin que nous fassions tout ce qui se pourra pour ce pauvre petit
Institut si pur et si aimable. Ce vous est de la surcharge ; mais votre
zèle et charité pour lui vous la fera porter doucement. Dieu fasse qu'en tout
et partout son Esprit très-saint règne en nous et en toutes nos Sœurs.
[P. S.] Je crois, ma très-chère fille, qu'il sera bon
de faire traduire en français, par quelqu'un qui le fasse bien, l'approbation
des Constitutions et celle du Coutumier et les faire imprimer toutes deux à la
fin du Coutumier, afin que les Supérieurs et les Sœurs voient que l'on n'y peut
rien changer.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris
Voyage de la Sainte à Chambéry pour présider à une
nouvelle élection.
...Nous les allons
trouver [les Sœurs de Chambéry] ; elles le réclament avec ardeur. Nous
serons un peu avec elles, ferons faire, Dieu aidant, la visite et l'élection
qui sera, à mon avis, de la chère petite assistante. Feu cette très-chère âme
[la Mère Favre] l'assignait [jugeait] fort capable de cette charge. L'absolue
nécessité nous fera recourir pour avoir la dispense de quelques années d'âge
qui lui manquent ; car pour celles de Religion, elle en a environ dix.
J'écris fort au long
à notre très-chère Sœur la Supérieure de Paris, quelques contradictions que
l'on nous fait au Bienheureux et à nous, dans Rome. Je crois qu'elle vous en
parlera ; je la prie de prendre surtout les avis et résolutions de mou
tout bon et très-honoré Mgr de Sens.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Rouen.
À PARIS
Impressions fâcheuses répandues à Rome contre l'Institut.
— Soumettre le Coutumier au Nonce de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 25 juin 1637.
Notre unique Sœur la
Supérieure, à qui j'écris amplement de ce qui nous arrive pour le communiquer,
vous fera voir les avis que l'on nous a donnés sur les mauvais offices que l'on
nous fait à Rome. Je bénis et remercie mon Dieu, qui permet que toutes ces
choses arrivent maintenant de votre temps, et de celui de cette chère Angélique
et de moi. Or, elle vous présentera le tout et vous le considérerez devant
Dieu, qui, sans doute, n'a, ce me semble, retardé le Bref de Rome que pour
rendre nos affaires plus solides et nettes. Notre très-bon et cordial Mgr de
Sens nous continuera bien ses avis et assistances. Il m'écrit avec témoignage
d'affection toute paternelle. Il est solide et intelligent aux affaires de
Religion. Peut-être que lui et vous, mon vrai Père, trouverez à propos de faire
voir à Mgr le Nonce le Coutumier, pour y avoir sa déclaration, et que son témoignage
pourra servir à Rome contre les mauvaises impressions que l'on y a données. [Le
reste est illisible.]
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris. [651]
SUPÉRIEURE À POITIERS
On ne doit pas prendre envers le confesseur des
engagements préjudiciables à la communauté.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 1er juillet 1637.
Ma très-chère fille,
Il y a fort peu de
jours que je vous ai écrit, bien que, depuis ce temps-là, j'aie reçu une de vos
lettres dans laquelle vous me parlez du traité que nos Sœurs de Bourges ont
fait avec M. leur confesseur. À la vérité, je trouve qu'elles n'ont pas bien
fait d'avoir permis que l'on ait mis dans ce traité des clauses qui peuvent
beaucoup nuire à la maison, encore que c'est un fort bon et vertueux
ecclésiastique, qui les a bien servies et que j'espère qui continuera. Et, pour
cela, je crois qu'il était bien qu'après les avoir servies huit ans, on lui
donnât quelque assurance, mais non pas avec les conditions que vous me
dites ; j'en écrirai quelque jour à ma Sœur la Supérieure. Si ce que l'on
vous mande du gouvernement de ma Sœur la Supérieure est vrai, il faut qu'elle
se soit grandement changée. Elle m'a écrit qu'elle lâchera de faire son possible
pour s'amender de ce que je l'ai avertie touchant la douceur. Je ne sais si
elle aura été réélue, car nous n'en avons point encore de nouvelles.
Si nos Sœurs de Lyon
vous peuvent donner deux filles avec deux mille écus, cela vous accommoderait
bien. — Je ne sais si ma Sœur Jeanne-Françoise vous sera propre. Il faudra que
vous écriviez tout confidemment à ma Sœur Marie-Aimée, et que vous la priiez,
si l'on vous donne des filles, qu'elles soient bien bonnes ; car
quelquefois les esprits fâcheux ne paraissent nullement dans les grandes
communautés, et font beaucoup de mal dans les petites. Priez-la donc instamment
que si elle vous veut aider, que ce soient des esprits qui puissent être utiles
à votre maison. Je suis [652] bien aise de ce que votre petite communauté
grossit un peu, et de ce que ces deux demoiselles se trouvent propres. Je
retourne encore à vous prier de me donner toujours des avertissements de ce qui
se passe à Bourges ; car je m'en servirai pour en faire des
avertissements selon les occasions, sans que l'on se puisse apercevoir que cela
vienne de vous. Ma très-chère fille, je vous prie de me continuer voire
souvenir auprès de Notre-Seigneur, et dites souvent à nos chères Sœurs qu'elles
me fassent cette charité. Je les salue toutes avec vous, et supplie notre divin
Sauveur qu'il répande très-abondamment ses plus chères grâces sur toute votre
maison, mais particulièrement sur votre chère âme, à qui je suis d'une
affection sincère, etc.
[P. S.] Je salue très-humblement mademoiselle
d'Abain, je suis sa très-humble servante. — J'attends votre réponse touchant
notre Sœur de Bigny.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Les Religieuses de la Visitation ne doivent jamais
accepter d'Abbayes.
VIVE † JÉSUS !
[Chambéry], 9 juillet 1637.
Oh ! ma fille
toute chère, qu'il me tarde de savoir si Mgr de Sens ou quelque autre à qui
vous aurez fait considérer toutes choses, auront trouvé qu'il n'y a rien à
toucher en l'Institut et que tout y est bien, comme l'on juge de deçà ;
car certes, je serais bien aise que l'on n'y touchât point, et peut-être que
cet écrit pour les directrices pourra suffire, et l'avertissement que la lettre
donnera aux Supérieures. Il se fait d'autres desseins, dont j'ai écrit que l'on
vous avertisse, afin que vous nous mandiez ce qu'il faut faire. C'est de ces
deux filles de [Moulins] et de [Melun] qui clairement poursuivent, au moins de
Moulins, [653] vers ses parents, d'avoir la coadjutorerie d'une abbaye.
Seigneur Dieu ! ma toute chère fille, les affaires viennent bien
maintenant ! J'en suis certes bien aise, c'est un effet de la divine
Providence de Dieu sur les maisons ; car il m'est avis que si vous et moi
n'étions plus au monde, peut-être que difficilement il se trouverait des
personnes qui voulussent s'intéresser comme nous faisons à la conservation et
au bien de cette chère Congrégation, non certes par défaut d'affection, mais
que je vois que chacun craint de se surcharger.
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris.
À PARIS
Il faut suspendre les poursuites pour obtenir un second
Bref d'approbation du Coutumier.
VIVE † JÉSUS !
[Chambéry], 9 juillet [1637].
Mon très-honoré et très-cher Père,
Béni soit notre
divin Sauveur qui nous a donné un vrai père en vous ! Croyez que nous
avions bien besoin de ce secours pour nous aider et protéger en la conservation
de notre chère Congrégation, qu'il semble que Dieu permette être attaquée en
diverses façons, tandis qu'il nous donne des aides pour la défendre. Je
m'assure que notre chère Sœur la Supérieure vous aura dit, ainsi que je l'en ai
priée, ce qui s'est passé à Rome contre nous, ce qu'il faut, à mon avis, tâcher
d'étouffer avant que d'y retourner pour obtenir la confirmation de notre
Coutumier. Mon Dieu ! mon vrai très-cher Père, que la négligence et le peu
d'attention de celui qui a obtenu le Bref nous est préjudiciable ! Mais
Dieu l'a permis ainsi, son saint Nom soit béni ! Cependant, il est
très-vrai qu'il nous serait tout à fait nuisible. [654]
Je pense, mon
très-cher Père, que peut-être après que le Coutumier sera encore bien vu et
examiné en ces points importants, par Mgr de Sens qui est si fidèle et bon, par
vous, mon cher Père, et par quelque autre, s'il est jugé à propos, qu'il n'y
aurait peut-être point de danger de le communiquer aux monastères, afin que
l'on s'en mît dans la pratique ; et puis, d'ici à quelque temps, l'on en
pourrait poursuivre un autre Bref pour l'approbation, comme l'on a fait des
Constitutions. Et, lorsque l'on jugerait à propos de le faire, si l'on pouvait
avoir de la faveur vers Mgr le Nonce, pour lui faire voir les choses essentielles
dudit Coutumier et obtenir son assistance pour l'approbation, cela peut-être
rendrait la chose plus facile ; mais ceci ce sont des simples pensées qui
me viennent, lesquelles je soumets toujours de tout mon cœur. Enfin, il faut
faire ce qui se pourra avec l'aide de Dieu et remettre le tout à son soin et
protection ; mais, mon tout bon et vrai Père-, ce qui se peut faire
aujourd'hui ne se doit remettre à demain, s'il se peut, tant nous voyons que
les affaires se rendent difficiles quand elles sont tirées à la longue, à cause
des incertitudes et changements qui arrivent en cette misérable vie. Toute ma
confiance après Dieu est en notre bon Mgr de Sens et en vous, mon très-cher
Père, que la souveraine Providence nous a donné pour vrai père et protecteur,
ainsi que je l'écris à nos monastères.
Conforme à une copie gardée an premier monastère de la
Visitation de Paris. [655]
À MONTPELLIER
De la confession. — Sollicitude pour le monastère du Pont-Saint-Esprit.
— Éloge de la Mère F. E. de Vidonne de Novéry ; traiter franchement avec
elle.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 27 juillet [1637].
Ma très-chère fille,
Béni soit ce Sauveur
très-miséricordieux qui vous a conduite heureusement en votre chère maison, et
surtout de ce qu'il y a conservé la paix et l'observance pendant votre absence,
nonobstant les petites tracasseries de N., à laquelle, à mon avis, il les faut
faire connaître doucement. Mais si l'esprit de sincérité lui manque et qu'il ne
plaise pas à Notre-Seigneur de le lui donner, on aura beau faire, on ne le
guérira pas ; mais pourtant il faut toujours bien espérer et travailler
autour de cette âme.
Je pense que quand
l'on verra la manière d'instruire les filles à la confession, que nous avons maintenant
dressée, qu'il n'y aura rien à dire. Mais, Seigneur Dieu ! est-il possible
que des filles qui sont obligées à la reddition de compte de conscience,
puissent perdre leur sincérité, parce qu'on ne leur dressera pas mot à mot leur
confession ? Les professes donc, à qui on ne le fait pas, se
perdent-elles ! À Dieu ne plaise ! Mais, au bout, il est bien force
de retrancher cela, autrement il se faut préparer à de terribles examens sur
l'Institut et d'effroyables règlements ; mais Dieu ne le permettra pas,
s'il lui plaît, au moins je l'espère.
Mon Dieu ! que
je suis en peine de la petite maison du [Pont-] Saint-Esprit : en toute
façon, cette maison me pèse. Dieu la prenne en sa divine protection. Certes la
maison d'Avignon y doit penser, comme je leur manderai ; car, où tombera
cela, sinon sur elle ? [656]
Vous m'avez fait
grand plaisir de me dire ce que vous avez remarqué aux maisons. Dieu m'aidant,
il profitera, car je ne prétends que cela pour elles, grâce à Dieu, que je
supplie de vous combler de son saint amour, et toutes nos Sœurs, que je salue
avec vous. Vous ne me dites rien de votre nouvelle Mère. Elle m'écrit ses
fortes appréhensions de se voir en cette charge, mais que l'entière confiance
qu'elle a en nous, et à vous décharger ses peines, est son seul soulagement
après Dieu. Ce qui me console, c'est qu'elle est bonne, douce et capable d'être
avertie ; c'est pourquoi je vous prie de le faire en toute confiance. Elle
me dit qu'elle espère que vous la dresserez et que c'est tout ce qu'elle désire.
Ne lui souffrez rien ; mais lui dites avec douceur et respect ce que vous
jugerez. Dieu soit votre tout. De cœur incomparable, je suis vôtre. — Je vous
supplie de bien saluer Mgr l'évêque de ma part, et le faire toutes les fois que
vous le jugerez à propos, encore que je ne le manderai pas, et toutes les
autres aussi.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTPELLIER
Déférence qu'elle doit avoir pour la Sœur déposée.
VIVE † JÉSUS!
Chambéry, 27 juillet 1637.
Ma très-chère fille,
Ce divin Sauveur
soit notre force et courage ! Ne vous laissez point abattre, je vous prie,
mais ayez une grande confiance en Dieu : donnez-la tout entière à notre très-chère
Sœur L. -Dorothée de vous dire toutes ses pensées et avis en toute occurrence
et en toute occasion, et les recevez si bien et si agréablement qu'elle demeure
toujours édifiée de votre humilité et bonté, et [657] encouragée à continuer sa
franchise envers vous. Si vous faites ainsi, j'espère que Dieu vous bénira, et
vous fera grandement avancer et profiter dans votre emploi auprès de cette
très-chère Sœur, qui est certes une âme toute vertueuse et capable dans son
humilité et sincérité. Mais, si elle voyait que vous ne prissiez pas ce qu'elle
vous dira selon son intention, elle est assez craintive et respectueuse, elle
ne vous parlerait plus dans sa franchise, ce qui serait une grande perte pour
vous ; mais je sais bien que votre bon cœur ne le fera pas.
Je prie Dieu de
répandre sur vous l'abondance de sa grâce, et sur toutes nos Sœurs que je salue
avec vous, et suis vôtre de cœur.
Conforme à l'original gardé à la Visitation de
Montpellier.
À AUTUN
De la fondation de Charolles. — Respect et déférence dus
au prélat. — Quelle quantité de viande donner à chaque Sœur.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 31 juillet 1637.
Ma très-chère fille,
Dieu soit béni du
bon choix que vos Sœurs ont fait de la nouvelle Supérieure, et du bon état
auquel vous lui avez laissé votre maison. — Pour votre fondation de Charolles,
quand Dieu aura donné la paix à la pauvre Bourgogne, vous ferez entre vous et
[658] la Supérieure tout ce que vous pourrez pour vous accommoder par ensemble.
Quand les prélats ne touchent pas ès choses essentielles, il faut avoir
patience. Vous vous êtes fort bien comportée en tout cela, et vous voyez comme
ce bon prélat est revenu de lui-même, car il est tout bon. Pour moi, ma fille,
je n'ai qu'à bénir Dieu de la bonne conduite qu'il a faite par vous en cette
maison. Je le prie qu'il vous conserve longtemps pour la gloire et le bien de
nos maisons.
Ma fille, pour
[répondre aux] vôtres précédentes, l'on prend de la viande crue quantité qu'il
en faut pour en donner cinq onces et demie à chaque Sœur, y comprenant les os,
et ne la pèse-t-on pas étant cuite.
(La fin manque
dans l'original gardé à la Visitation de Romans.)
SUPÉRIEURE À FRIBOURG
Élection de Sœur J. F. de Challes à Chambéry. - L'Institut
a perdu quatre Supérieures de grand mérite. — Divers détails.
VIVE † JÉSUS !
Chambéry, 1er août [1637].
Ma très-chère fille,
Je loue grandement
votre diligence de m'avoir déjà écrit deux lettres depuis votre dernière vue,
avec tant de témoignages de votre affection filiale qu'il ne se peut rien
ajouter. Je vous assure que je désire de tout mon cœur d'y correspondre. Pour
la pauvre Bourgogne, elle est en tel état que je ne pense pas [659] que l'on
doive penser à s'y établir pour le présent. J'espère que Notre-Seigneur ne
permettra pas que vous soyez renvoyée du lieu où vous êtes : en tel cas,
vous savez, ma très-chère fille, que vous êtes fille d'Annecy, et que vous y
serez toujours la très-bienvenue.
Nous sommes en ce monastère
de Chambéry pour le sujet du trépas de notre très-chère Sœur Favre. Nos Sœurs
ont élu pour Supérieure [Sœur J. F. de Challes] leur assistante, qui est une
très-vertueuse fille. Cette maison va très-bien, et il y a quantité de bonnes
âmes. L'Institut a fait une très-grande perte au départ de cette très-chère
Sœur [Favre] : c'était une âme grandement humble, douce et charitable, et
fort gratifiée des dons et grâces de Dieu ; et pour moi, il me vient
toujours en l'idée qu'elle est bien avant dans le ciel. Voilà quatre
Supérieures trépassées cette année, lesquelles je tiens être quatre saintes.
Je me recommande
toujours bien fort à vos prières et à celles de toutes nos chères Sœurs que je
salue avec vous, et vous souhaite toutes sortes de bénédictions du ciel et vous
suis d'une affection très-sincère, ma très-chère fille, votre, etc.
[P. S.] Ma très-chère fille, je vous laisse faire
avec ma Sœur la Supérieure de Dijon, pour que cette chère Sœur, M. retourne en
ce monastère-là. Mais pour la faire venir en l'un des monastères d'Annecy, je
vous prie de n'y pas penser ; car vous savez le grand nombre de filles que
l'on a en la première maison, comme aussi en la seconde, selon le peu de
bâtiments qu'elles ont. C'est pourquoi, ma chère fille, je vous prie de n'en
plus parler ; car cela ne se peut pas faire.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE D'ANNECY
Préparer un envoi destiné aux Sœurs Bernardines.
VIVE † JÉSUS !
[Rumilly, 1637.]
Ma très-chère mère,
Notre Sœur M. A.
demande à parler au Père provincial : voyez ce que je lui réponds. Il me
tarde de savoir quand il viendra ; car nous l'irons attendre, s'il plaît à
Dieu, là-bas. Il faudra que Votre Charité prépare ce qu'elle voudra donner aux
Bernardines, pour leur envoyer sur la charrette de nos Sœurs de Rumilly, qu'on
viendra prendre la semaine prochaine. Je vous envoie ce qu'elles nous ont
écrit.
Ma très-chère Mère,
je vous prie de vous soulager, et laisser traiter selon que les Sœurs jugeront.
Bonsoir, ma très-chère Mère. J'espère que vous serez consolée quand vous
viendrez ici, où les cœurs sont tout bons. Mais, Dieu aidant, nous nous verrons
d'ici là. La chère Sœur J. F. de Vallon est toute douce et gaie. Mille bonsoirs
à votre tout bon cœur, et à toutes nos Sœurs, et priez pour moi.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [661]
Prière d'user de son autorité pour arrêter des calomnies
répandues contre l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Mon très-cher et révérend
père,
Le divin Sauveur
soit notre éternelle consolation ! Le sentiment que j'ai de votre
sincérité, bonté et charité pour nous, me fait prendre la liberté de vous faire
en toute confiance ma plainte contre plusieurs de vos Révérends Pères, qui vont
ternissant notre pauvre petit Institut d'une calomnie très-fâcheuse, qui nous
donne beaucoup de peines et d'afflictions, pour les continuelles tracasseries
que nous en recevons, quoique, grâce à Dieu, il n'y ait nul fondement, ni en
l'Institut, ni en notre pratique, du mal dont ils nous blâment, qui est des
confessions, ainsi que je le fis voir à Votre Révérence, lorsque nous eûmes la
chère consolation de la voir ici l'été passé ; et m'assure, mon très-cher
Père, que vous vous souviendrez bien de l'approbation que vous en fîtes, et du
courage que Votre Révérence nous donna de persévérer en notre candeur et
simplicité, qui est la vie et l'esprit de notre Congrégation. Aussi espérai-je
en Celui qui nous a donné ce trésor, qu'il nous le conservera, et que plutôt
l'on nous arrachera la vie que ce bonheur.
Mon très-cher Père,
n'est-il pas vrai que les blessures que font les amis sont bien plus sensibles
que celles que nous recevons des personnes indifférentes ? Votre sainte
Compagnie qui nous a toujours, et dès nos commencements, tant assistées,
témoigné tant de dilection et tant approuvé notre conduite, et en laquelle nous
avons tout notre recours avec toute confiance, ainsi que notre Bienheureux Père
nous l'a recommandé, s'assurant lui-même qu'elle nous appuierait en nos
besoins : que ce [662] soient des Pères de cette sainte Société, qui nous
persécutent, je confesse à votre bonté paternelle que cela blesse mon cœur
d'une douleur extrêmement sensible ; et d'autant plus que la chose n'est
que trop vraie. Mgr le Nonce de Turin a déclaré enfin le nom du Père qui lui a
donné ces plaintes contre nous, lequel était à Pignerol ; il en parla
aussi à M. le président de là et à d'autres. Cela, très-assurément est sur le
dire d'une fille extrêmement scrupuleuse, de laquelle le Père avait reçu la
confession générale à N. étant de cette maison-là. Et en une qu'elle avait
faite auparavant, on lui avait défendu de ne se plus confesser des choses passées.
Elle, ayant toujours démangeaison de le faire, dit à ce Père qu'elle avait bien
d'autres choses, mais qu'on lui avait défendu de s'en confesser, sans ajouter
qui lui avait fait cette défense. Le Père crut que c'était la Supérieure, et
là-dessus donna ses avis.
Ainsi, sur plusieurs
occasions, quantité de Pères ont fait de grands désapprouvements et censures à
des personnes de toutes qualités, au grand préjudice de notre Institut, en
France, en Provence, au Dauphiné, au Lyonnais, et quasi partout : ce qui
nous nuit d'autant plus, que votre sainte Compagnie est en si grande
considération, que ce qu'elle désapprouve a bien peine à trouver son
approbation ailleurs. C'est pourquoi, mon très-cher Père, je vous fais ma
plainte avec toute confiance, afin que Votre Révérence juge si nous n'avons pas
raison et nécessité d'implorer son aide en cette occasion, à ce qu'il plaise à
votre bonté d'y apporter du remède, et faire en sorte que les Pères qui se
trouveront en la Province de Votre Révérence ne nous inquiètent plus. Je pense
qu'ils sont bien sept ou huit qui le font, et jusqu'à dire que notre
Bienheureux Père a laissé des choses à notre Institut pour nous faire commettre
des sacrilèges. Cette parole nous est bien dure et sensible, mon très-cher
Père ; mais j'espère en Dieu qu'il en tirera sa gloire, et notre utilité
de cette petite persécution ; et que votre cœur paternel, qui a [663] une
entière et ancienne connaissance de notre manière de vie et de notre pratique,
la donnera à ces bons Pères, qui sans doute ne l'ont pas, et les rendra
affectionnés et charitables envers nous, comme est le corps de leur sainte
Société : en sorte que, comme nous ne sommes pas impeccables, s'il advient
qu'ils trouvent en quelque maison du défaut, quoi que ce soit, ils nous en
fassent les avertissements secrets et charitables, comme Notre-Seigneur
l'ordonne, ou bien en avertissent nos Supérieurs pour nous redresser ; et
de cette sorte ils nous profiteront et obligeront infiniment.
Voilà, mon très-cher
Père, ce que votre cordiale dilection envers nous m'a donné confiance de vous
dire tout filialement et à la bonne foi. Que si la douleur et tendresse que
j'ai de toutes ces censures m'a fait écrire quelque chose de mal, que Votre
Révérence me le pardonne ; car mon intention n'est point d'offenser ces
bons Pères, que j'ai excusés et tus tant qu'il m'a été possible. Mais la chose
se continuant si désavantageusement pour nous, et pour les bonnes âmes qui
aspirent à notre manière de vie, j'ai cru devoir en écrire à Votre
Révérence ; car au reste Dieu sait en quelle vénération nous est votre
sainte Compagnie, sur laquelle je prie Dieu répandre de plus en plus ses
divines grâces, et particulièrement sur Votre Révérence, de laquelle je suis et
serai sans fin, etc. [664]
Obligations que l'Institut a contractées envers le
commandeur de Sillery ; quelles prières faire à sa mort. — Plaintes
répandues contre les monastères au sujet de la confession ; comment les
dissiper et recevoir un Visiteur. - Il n'est plus permis aux Sœurs sacristines
d'entrer dans le sanctuaire pour parer l'autel
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 26 août 1637.
Ma très-chère sœur,
Le divin Sauveur
soit notre éternelle consolation ! J'ai tant de confiance en la sainte
dilection que vous m'avez toujours témoignée, que je ne puis douter que vous ne
receviez agréablement les petits avis et prières que je désire vous faire. '
Et, premièrement,
c'est touchant M. le commandeur de Sillery, que je ne doute point que vous ne
connaissiez très-bien ; sa qualité, sa rare piété et mérite le rendent
honorable voire admirable à chacun. Or, il a plu à la souveraine Providence
d'inspirer à ce bon seigneur une si extraordinaire affection et zèle pour
l'accroissement de la gloire de Dieu en notre Bienheureux Père, et pour
l'honneur et conservation de notre Institut, qu'il ne se peut dire le travail
qu'il prend pour manifester toujours davantage la sainteté de ce Bienheureux,
et communiquer son esprit par des recueils qu'il fait de toutes parts de ses
écrits, dont je crois qu'il vous fera part d'un nouveau livre intitulé la Conduite intérieure du Bienheureux François
de Sales, lequel est excellent. Il n'a su en avoir de la première
édition, parce qu'elle fut aussitôt débitée. Il va aussi faire imprimer toutes
les Œuvres de ce Bienheureux ensemble, où l'on ajoutera quantité de très-beaux
sermons qui se sont trouvés écrits de sa propre main, et environ quarante-neuf
épîtres que ce bon seigneur a ramassées, qui sont fort utiles ; enfin il
n'a rien tant à cœur que de travailler pour le Bienheureux. Grand nombre de nos
monastères ont reçu des bonnes assistances [665] dans leurs besoins de ses
charités : il est fondateur de deux de nos maisons et, si Dieu nous fait
la grâce que l'on puisse obtenir la poursuite [de la] béatification de notre
Bienheureux Père, ce sera en cela, je m'assure, où il fera reluire l'abondance
de sa charité. Enfin, ma très-chère Sœur, je puis dire que la divine Providence
a gratifié extraordinairement notre Institut lui donnant, en la personne de ce
bon seigneur, un trésor de parfaite dilection et de solide appui en toute
façon. Je me sens obligée de vous en donner connaissance, afin que toute notre
Congrégation sache ce qu'elle lui doit en général, bien qu'il y ait des
obligations plus grandes à plusieurs maisons particulières, lesquelles nous
sont rendues communes par la sainte union de charité qui, grâce à Dieu, se
pratique entre nous.
Or ce bon seigneur a
un très-grand désir, qu'étant si absolument dédié à notre Bienheureux Père et à
noire-Congrégation, il soit compris pendant sa vie et après son trépas dans les
prières journalières qui se font en nos maisons, et qu'apprenant son trépas
chacune fasse une communion générale, et fasse faire un trental de
messes pour le repos de son âme ; et il sera pourvu à l'aumône qui sera
requise pour cela. Quand il vous aura envoyé le livre, je vous prie de lui
écrire fort cordialement et témoigner grande reconnaissance, l'assurant qu'avec
beaucoup d'affection et franchise, vous accomplirez ce que je vous ai priée de
faire pour [lui], selon son désir. Voilà, ma très-chère Sœur, pour ce premier
chef, dont je vous fais très-humble prière, et qu'aussi vous mettiez en
l'intention de vos prières Mgr l'archevêque de Sens, qui est un des plus dignes
prélats de France, et qui nous sert de vrai père eu tous nos besoins, pour la
conservation de notre Institut.
L'autre sujet est
plus important : je crois que peu ou point d'entre nous n'est ignorante
des censures que plusieurs personnes religieuses et autres font contre nous,
touchant l'instruction que l'on donne aux novices pour la confession, [666]
dont plusieurs directrices pourraient avoir abusé, bien qu'innocemment. Or,
comme les filles n'ont pas égale ouverture de cœur, plusieurs se sont senties
gênées en leur conscience, ce qui les a fait faire des plaintes au dehors. Et
cela s'est fait si souvent et si universellement qu'enfin il a éclaté, étant si
fort désapprouvé, que même il y a des Pères, qui m'ont dit que si l'on n'y
mettait ordre, qu'ils feraient savoir à Rome, accusant l'Institut et disant
qu'il y avait des choses qui faisaient commettre des sacrilèges, ce qui n'est
nullement, comme je l'ai fait voir à plusieurs Pères de grandes dignités qui
m'en parlaient et qui demeuraient satisfaits, voyant ce que l'Institut en dit,
et entendant la pratique que nous en faisons, selon que je le rapportai, sans
penser aux défauts que les maîtresses y commettaient.
Il est vrai qu'il y
a plus d'un mois que je m'étais résolue d'en écrire à tous lés monastères, sur
le grand bruit que j'en trouvai dans la France ; mais Dieu a permis que
j'aie commis cette négligence pour nous faire souffrir l'abjection des
plaintes, qui enfin sont allées jusqu'aux oreilles du Pape et portées à Mgr le
Nonce de Turin, de sorte que cela fit un grand bruit contre nous, même que l'on
a voulu donner à Mgr l'archevêque de Tarentaise, qui est de ce pays et qui
revient de ces lieux-là tout fraîchement, une commission apostolique, pour
visiter de la part du Pape nos maisons, et y réformer les abus qu'ils disaient
y être au nombre de trois principaux. Premièrement, que nous commettons des
sacrilèges, ne permettant à nos Sœurs de se confesser que de ce que nous leur
disons, et comme nous leur disons, et les contraignons de nous dire leurs
péchés avant que de les aller confesser. Le deuxième est que nous obligeons les
filles prétendantes de nous dire tous les péchés qu'elles ont faits au monde.
Le troisième, que nous marchandons grandement les dots, et jugeons de la bonne
vocation des filles par leurs richesses, ne voulant que les riches et non les
pauvres. Je sais bien que cela n'est pas, et qu'il ne faut pas [667] surcharger
les maisons pauvres ; mais aussi faut-il que la prudence fasse trouver des
excuses civiles et religieuses et non qui sentent l'avarice.
Voilà les trois
chefs des plaintes que l'on a faites contre nous, où l'on n'a point oublié
toutes les circonstances aggravantes et qui seraient trop longues à rapporter.
Or vous voyez par là, ma très-chère Sœur, la nécessité que nous avons à nous
tenir sur nos gardes, et à veiller afin que les directrices et les Supérieures
pratiquent en ce sujet fort simplement les instructions qui nous sont données,
sans les étendre plus loin que leur sens ne porte ; car vous ne sauriez
trouver nulle part qu'il nous soit marqué ni ordonné de dicter mot à mot les
confessions des novices, ni qu'elles soient obligées de montrer leurs
confessions écrites, de nous dire les péchés secrets, ni d'accuser ceux
qu'elles manifestent à leur maîtresse, comme elle leur dicte, et à ne se
confesser que de ceux qu'on leur dit. Voilà donc ce qu'il faut réformer, selon
qu'il nous est marqué à l'écrit ci-joint ; et par ce moyen j'espère en
Dieu que les plaintes cesseront. Je vous supplie donc, ma très-chère Sœur, de
faire considération et distinction de la liberté qu'il faut laisser aux Sœurs
pour la confession, et de l'obligation qu'elles ont à la reddition de compte de
conscience, qui est ce qui nourrit la sincérité des filles envers leur
Supérieure, et qui est le bonheur des Filles de la Visitation. J'ai pensé que
je vous devais envoyer tout simplement cet écrit, pour les directrices, qui est
la vraie manière d'instruire les novices selon qu'il est ordonné, et selon
qu'il se doit entendre et pratiquer, ainsi que le jugent avec moi les Supérieures
et directrices de nos maisons de deçà ; et les deux maisons d'Annecy qui
en sont dans la pratique s'en trouvent fort bien, aussi personne n'en fait des
plaintes.
Je vous dirai encore
cette particularité, qu'il y a des Supérieures qui, quand elles voient quelques
Sœurs un peu longues à se confesser, elles s'en inquiètent et témoignent aux
filles que [668] cela leur donne soupçon, ce qui les gêne grandement- et si
bien il faut tâcher de les affranchir de scrupules, et faire suivre la coutume
à celles qui ont des longues confessions à faire qui est de se confesser les
dernières ; il faut aussi les laisser en liberté et ne permettre que l'on
leur en fasse la guerre On dit encore qu'il y en a quelques-unes qui
contraignent les professes de leur aller parler avant que de se confesser, ce
qui ne s est jamais pratiqué parmi nous. Il y en a aussi qui se font montrer
les confessions annuelles ; cela ne se doit nullement Je vous assure qu'il
serait bon que les Sœurs ne s'amusassent pas beaucoup à écrire leurs
confessions annuelles ; car pour l'ordinaire, les filles y mettent des tricheries
qui ne servent que d’ennuyer les confesseurs. À Annecy, l'on tâche, tant
que l'on peut, de ne faire que des articles pour aider la mémoire comme
serait : marquer la charité, l'obéissance, le silence les répugnances et
semblables. Quand on lira bien nos Constitutions et les Entretiens de notre
Bienheureux Père, l'on verra clairement ses intentions sur ce sujet, auquel
nous devons demeurer fermes.
S'il venait
d'aventure un visiteur apostolique, ce qui, j'espère n'arrivera pas pour ce
coup, car on travaille à étouffer toutes les impressions que l'on a données
contre nous ; mais à tout hasard je vous dirai que s'il allait droit à
vous, il le faudrait supplier très-humblement de s'adresser à votre prélat, qui
est votre légitime Supérieur et Visiteur, ne pouvant recevoir autre visiteur
que par son ordre, et lui faut parler ainsi courtement bien qu'humblement et
respectueusement. — L'on censure aussi grandement l'entrée des Sœurs dans le
presbytère. L'on tient que cela est contre la règle de la clôture et coutume
générale des Religions, et c'est ma faute qu'il n'est pas retranché, car notre
Bienheureux Père me l'écrivit à la fondation de Paris, j'en ai encore la
lettre ; ce fut sur le désapprouvement que l'on en faisait déjà, voici ses
paroles : « Quant à [669] continuer de parer l'autel, je n'y vois
point d'inconvénient ; mais il faut subir l'esprit des autres. » Et,
auparavant cela, je me souviens que des Pères de religion lui dirent en ma
présence que cela ne serait pas approuvé, sur quoi le Bienheureux se porta de
même à la condescendance ; mais moi, qui ne goûtai pas cela, ne l'en
souvins pas, et aussi que nous étions en ce temps en titre de simple
Congrégation. Et je vous laisse à penser, ma très-chère Sœur, si notre
Bienheureux était au monde, s'il tarderait à exécuter ce qu'il avait projeté en
ce sujet, sachant le sentiment de quelques-uns de Messeigneurs nos prélats, des
plus anciens de France et des premiers en dignité et piété, qui le conseillent
et désirent pour plusieurs bonnes et grandes considérations qu'ils font
là-dessus ; ce que font encore grande quantité de personnes de religion et
de piété qui nous affectionnent. Ils disent qu'il vaut mieux que nous
retranchions cela de nous-mêmes que d'attendre d'en être reprises et privées
contre notre gré, puisque même nous savons que c'est la volonté du Bienheureux,
et qu'il dit que, tant qu'il se pourra, il ne faut rien laisser en l'Institut
qui puisse être censuré.
Encore ce mot, ma
très-chère Sœur : c'est que ceux devant qui l'on joue les histoires disent
que nous sortons de notre simplicité et récollection. Par là vous voyez comme
il est nécessaire de n'en point faire voir à ceux de dehors, autrement il en
arrivera des grands blâmes ; certes, ce qui se fait pour la simple
récréation des Sœurs ne se doit pas mettre au dehors ; et il n'y faut pas
employer tant de temps qui puisse dissiper l'esprit. Pour Dieu, ma chère Sœur,
observons en ce sujet l'humilité et simplicité religieuses ; car ce qui
est de plus ne peut servir à la récréation de l'esprit. — Je crois que Votre
Charité a grand soin de faire prier Dieu pour la paix et pour la consolation du
peuple, afin qu'il plaise à sa bonté convertir ses afflictions temporelles en
bénédictions éternelles. [670]
Ma très-chère Sœur,
je vous supplie, au nom de Dieu, de ne point négliger la pratique de ce que je
vous écris. Croyez qu'elle nous est nécessaire pour la paix de notre
Congrégation ; et, si vous saviez tout ce que je sais, vous l'avoueriez
franchement. Votre prudence vous dira assez la discrétion avec laquelle il
faudra manier tout ce que je vous écris. Je prie Dieu vous combler de son
Saint-Esprit, et vous accroître le zèle de sa gloire, par la parfaite et
sincère observance de notre Institut. Je demeure d'une entière affection, après
m'être recommandée à vos prières, et à celles de nos chères Sœurs que je salue
cordialement, votre très-humble et indigne sœur et servante en Notre-Seigneur.
Sœur Jeanne-Françoise Frémyot,
de la Visitation Sainte-Marie.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PARIS
Témoignages de reconnaissance. - Prières qui seront faites
à Annecy pour le commandeur après sa mort ; il prépare une édition des
Œuvres de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1637.]
Mon très-honoré et très-aimé Père,
Il me fâche certes
d'être en nécessité de vous écrire courtement ; car votre digne et
très-cordiale lettre m'exciterait à correspondre bien au long à tant de bontés.
J'ai un œil bien malade d'une fluxion qui me tombe dessus ; mais je ne
puis pourtant me résoudre d'écrire d'une autre main à mon très-honoré et vrai
Père. En un mot, que faisons-nous en comparaison de ce que nous vous
devons ? Et ce peu que nous faisons, ne vous le devons-nous pas offrir et
donner de tout notre cœur ? [671] Certes, je me sens cette affection, et
estime grande consolation de voir que votre cœur tout paternel l'agrée et l'accepte
avec tant de bonté. J'estime plus la grâce dont vous m'assurez, mon vrai Père,
que je vous sois présente en vos saints sacrifices, que si l'on me donnait tous
les trésors de la terre ; mais votre affection ne se contente pas de nous
faire des biens simplement spirituels, elle s'étend encore en la charité de la
fondation que vous faites à cette maison. Mon très-cher Père, cela m'a vivement
touchée, voyant le soin de cette divine Providence, qui inspire à voire
très-digne cœur des continuelles inventions de nous faire du bien : bénie
soit-elle en ses miséricordes, et abondante en récompenses spirituelles sur
votre chère âme, la comblant des richesses de son saint amour !
Nous avons pensé
que, tous les ans, au jour de votre trépas, nous devions dire l'Office des morts
à haute voix, faire parer l'autel de noir et vos écussons aux cierges, et faire
dire quantité de messes, avec la communion générale des Sœurs. Que si vous
désirez, mon vrai Père, d'y ajouter quelque autre chose, croyez que nous
l'accepterons de grand cœur ; mais il ne nous est venu que cela, à cause
de la défense de la Règle qui ne permet de se charger de prières ordinaires.
La lettre que vous
écrivez à nos Sœurs est toute de bonté et charité, comme est votre cœur :
j'espère qu'elles y correspondront avec amour ; je le désire. Je n'avais
voulu envoyer des lettres que je leur écris, que je ne susse que vous les
trouviez bien. Aujourd'hui, par un messager de Provence, qui nous avait été
envoyé exprès, nous en avons distribué pour tous nos monastères de Provence ;
ce côté en a déjà, et je serai bien aise qu'elles les reçoivent avant votre
chère lettre et le trésor du livre que vous leur départez avec tant de bonté.
Nous n'avons encore reçu les douze qu'il vous a plu nous envoyer, ni celui de
la Vie de Notre-Seigneur ; car le commerce n'est plus d'ici à Lyon, à
cause que la peste y est ; mais j'ai mandé à ma Sœur la [672] Supérieure
qu'elle fit retirer le tout en lieu bien fermé. Cependant, je vous en remercie
de tout mon cœur, mon très-cher Père.
Or, il est vrai,
qu'il faut bien considérer ce qu'il faudra imprimer de nouveau de ces papiers
que nous vous avons envoyés. Vous faites toutes choses avec tant de poids, mon
très-cher Père, que personne ne saurait mieux faire le triage que vous, ni
décider et résoudre sur cette nouvelle impression, dont votre bonté m'écrit si
au long, que j'admire comme vous pouvez prendre la peine et le temps de tant
écrire. Voyez-vous, mon très-cher Père, il sera nécessaire, pour écrire les
affaires, d'employer une autre main que la vôtre ; car, comme vous dites,
il est nécessaire de se bien exprimer quand les choses sont importantes. Je
suis absolument de votre sentiment, qu'il faut faire l'impression de toutes les
Œuvres de notre Bienheureux en beaux caractères, et que tout soit bien
conservé, et tirer les copies bien nettes et bien examinées. Mon très-cher
Père, ne prenez pas toute cette besogne, elle vous travaillerait trop ;
faites-vous bien aider comme il faut, je vous en conjure, car vous voyez
combien votre santé et votre vie sont nécessaires à la gloire de Dieu et à la
conservation de l'esprit de ce Bienheureux. Pour le choix du libraire, je vous
le laisse faire ; ce qui me fait regardera M. Huré, c'est un peu de
ménage, pensant qu'il nous donnerait l'impression de notre Coutumier, mais cela
n'est pas considérable.
Hélas ! je le
voyais bien que votre chère âme serait tendrement touchée du départ de notre grande
fille ! Dieu l'a tirée à soi, l'ayant portée au point de perfection
qu'il la voulait. Dieu soit béni ! Je la crois dans son sein ; elle
priera pour vous. — Mais, mon Dieu ! mon très-cher Père, que je crains que
notre très-chère Sœur la Supérieure [du premier monastère de Paris] ne succombe
sous le faix de tant de travaux ! Il faut que je vous confesse que je ne
connais guère de cœur ni d'esprit fait comme celui-là : c'est une ferme
colonne de notre Institut, et la plus utile par sa charité universelle pour
tout. [673]
À CHAMBÉRY
La Sainte lui recommande diverses affaires.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 28 août 1637.
Monsieur
mon bon et très-cher frère,
Je réponds à la
vôtre du jour de Saint-Barthélémy, par la main d'une de nos bonnes Sœurs, ne
pouvant le faire de la mienne, partie à cause de ce grand accablement de
lettres où il plaît à Dieu me tenir toujours, [partie à cause] d'une défluxion
qui me tombe sur l'œil. Voilà des lettres pour le Père dom Juste que nous vous
envoyons pour les lui faire tenir promptement. Mais je vous prie, mon cher
frère, d'y enjoindre une des vôtres, pour lui dire le temps auquel vous pouvez
être libre pour l'aller voir. Je vois par la vôtre qu'il vous en a écrit. Il
nous témoigne aussi un grand désir de vous voir par delà ; et, pour nous,
nous désirerions extrêmement que vous fussiez en liberté pour faire ce voyage,
afin de couper court, s'il se pouvait, à toutes ces longueurs. Pour l'argent,
il nous écrit que la dame qui doit faire la fondation, ne veut point qu'on le
retire, et selon ce qu'elle a promis au Père, elle doit faire dans ce mois d'août
son contrat d'assignation de cinq cents écus d'or de revenu. Nous ne savons que
dire ni penser de tout cela, sinon que Dieu en ordonnera selon son plaisir.
Pour le portail et
la cave que demande M. de Beaumont, il faut voir ce que le contrat en dit. Je n'ai
point de souvenance qu'il se soit fait aucune réserve ; la pièce est bien
payée. Il le faut prier de s'en contenter et de se tenir à ce qui est écrit.
Pour M. Perret, je
le vous recommande toujours, tant pour les nécessités de cette maison qu'à
cause du bon M. Orsat, duquel je vous prie de vous enquérir un peu comme va le
procès [674] de madame Lucas avec M. de N., touchant le fidéicommis prétendu
sur l'hoirie du feu sieur de la Roche. — Je ne vous réponds rien sur ce que
vous m'écrivez de mademoiselle de Monthoux, sinon que je ne désire plus me
mêler de cette affaire ; oui bien de continuer à prier Notre-Seigneur
qu'il vous comble de ses plus précieuses grâces, puisque je suis
très-entièrement, Monsieur, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Affaires de l'Institut. — Il serait bon d'attendre, avant
de solliciter une Bulle pour l'approbation du Coutumier, que les monastères
l'aient pratiqué quelque temps. — Embarras de la maison de Melun ; il ne
faut pas déposer la Mère Clément avant l'Ascension.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma très-chère fille,
J'ai déjà distribué
de mes lettres aux Supérieures de la Provence et de la Bourgogne et
quelques-unes pour la France ; puisque vous les trouvez bien, je m'en vais
les distribuer entièrement.
Depuis que je vous
ai écrit, nous avons vu ici Mgr l'archevêque de Tarentaise, lequel nous a dit
que Mgr le Nonce de Turin avait été pernicieusement informé contre nous, et
qu'il croyait qu'il en avait écrit au Pape, et que le Pape a remis cette
affaire à la Congrégation. Nous avons, comme je vous ai déjà dit, tâché de
faire désabuser mondit seigneur le Nonce, et avons fait voir à mondit seigneur
l'archevêque ce qui est de l'Institut ; mais il trouve que toutes choses y
ont été saintement établies et qu'il n'y a rien à redire ; aussi certes
n'y a-t-il rien qui ne soit bon et saint. Néanmoins, ma très-chère fille, quand
vous communiquerez avec ces seigneurs, s'il est jugé à propos que, pour éviter
les [675] abus qui se sont commis du passé, par l'habitude où l'on était de
s'en aller dans notre grande simplicité, et faute de prendre la vraie
intelligence du Coutumier, il soit nécessaire d'ajouter quelques points pour
donner un plus grand éclaircissement aux directrices, vous les trouverez au
mémoire que je vous ai envoyé il y a déjà quelque temps. Mais de rien ôter ni
retrancher de ce que notre Bienheureux Père y a établi et qu'il nous a fait
pratiquer, ô ma très-chère fille, c'est ce qu'il ne faut pas faire ; car
il n'y a rien qui ne soit bon et qui n'ait été saintement ordonné par notre
Bienheureux Père.
Pour Mgr de R., vous
me ferez grand plaisir de le désabuser en lui faisant voir l'article du
Coutumier, lequel je serais bien aise que vous lui puissiez faire approuver,
comme encore à Mgr de Rouen et à tous les autres prélats qui pourront aller à
Paris pendant cet hiver ; car plus nous aurons d'approbations de
Messeigneurs les prélats, il sera toujours mieux. Et, à ce propos, je vous
dirai une pensée qui m'est venue, laquelle peut-être trouverez-vous
considérable pour être proposée, lorsque vous communiquerez de cette affaire
avec ces bons seigneurs pour en avoir leur sentiment : c'est qu'ayant nos
Règles et Constitutions approuvées à Rome, et le Coutumier n'étant qu'une
direction des actions journalières quoique très-sainte et nécessaire à être
pratiquée, je demande savoir si, étant passé à Rome et approuvé par Sa
Sainteté, il ne donnera point trop de contrainte aux maisons, et s'il ne
suffirait point de le distribuer aux monastères avec la simple approbation de
Messeigneurs les prélats, oui au moins pour un peu de temps. Que si par
l'expérience l'on voyait que l'approbation de Rome y fût nécessaire, l'on en
pourrait toujours faire les poursuites, lesquelles se devant faire au nom de
tout le corps de la Congrégation, il faut premièrement que les maisons en aient
eu l'usage quelque temps pour savoir ce qu'elles demanderont ; car autrement,
telles poursuites tirant à de grandes longueurs à Rome avant que d'en [676]
avoir les expéditions, les monastères seraient privés trop longtemps de la
consolation d'avoir leur Coutumier, lequel pourtant, ainsi que vous avez fort
bien compris ma pensée il ne faut point envoyer qu'il n'ait été encore bien
concerté et considéré, afin qu'il n'y ait plus rien à redire, et que vous
n'ayez des approbations de Messeigneurs les prélats autant que vous en pourrez
tirer.
Pour le petit
courroux du bon confesseur de nos Sœurs de N., sur la défense d'entrer dans
l'église pour parer, il faut pardonner à son zèle. J'ai écrit sur ce sujet à
toutes nos maisons desquelles je crois que nous aurons aussitôt réponse ;
et soudain nous vous ferons savoir quel en sera leur sentiment. Pour moi, je
crois que la plupart s'y rangeront, car c'est ôter une grande pierre
d'achoppement de parmi nous, outre que nous sommes déjà averties d'un de nos
monastères que M. le grand vicaire de Pignerol a dit qu'il en écrirait à Rome.
Nous attendons la réponse de nos Sœurs les Supérieures, laquelle nous vous
enverrons. Consultez ce point avec tout le reste, pour savoir si l'on tiendra
la conclusion qui en a été prise.
Pour la maison de
Melun, je crois, ma très-chère fille, qu'elle ne se pourra jamais solidement
établir, si ce n'est par le secours de M. [de Sillery] ; car il est vrai
que la bonne Mère n'a pas la conduite pour le temporel, et n'agit pas assez
selon le gré du commandeur. Néanmoins, je pense qu'il y aura plus de douceur,
et que tout se passera plus conformément à l'esprit de notre Bienheureux Père
d'attendre à l'Ascension de faire une nouvelle élection. Car bien que la bonne
Mère confesse qu'elle n'a point de capacité ni de talents pour la conduite,
c'est néanmoins toujours une tare à une Supérieure d'être déposée hors du
temps ; et, à l'Ascension prochaine, le Supérieur la peut faire déposer
selon l'Institut. J'écris à la bonne Mère, et fais une petite correction aux
Sœurs des paroles inconsidérées qu'elles ont dites. Il est vrai que nos Sœurs
se plaignent fort à M. [de [677] Sillery] ; il me semble dominer un peu
trop sur ces pauvres filles de là. Il les charge de filles difficiles, veut
bien que dextrement, par les Supérieurs, elles instruisent les filles comme les
Ursulines, et que, parce que la maison est pauvre, l'on n'y reçoive pas les
infirmes. Ma très-chère fille, si vous ne gouvernez un peu toute cette affaire,
elle se gâtera. Il y a déjà assez de mal d'être en un lieu si peu convenable à
notre établissement, si pauvre, si mal logé. Je crois qu'il ferait du bien à
l'esprit de notre Sœur Clément d'être un peu dehors de sa régence.
Conforme à une copie de l'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Paris.
SUPÉRIEURE À MACON
Les occasions de dépouillement nous doivent être
précieuses. — Entreprendre avec confiance le gouvernement de sa communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma très-chère fille,
Qu'à jamais
soyons-nous jointes par amour et parfaite obéissance à notre Sauveur !
Puisqu'il lui plaît de vous employer au service et conduite de ces chères âmes,
nos bonnes Sœurs de [678] Mâcon, vous faites très-bien de vous soumettre à sa
souveraine disposition ; et ne doutez point, ma fille, qu'il ne vous
tienne de sa sainte main, et ne vous fournisse tout ce qui vous sera nécessaire
pour le bien de cette maison-là et l'avancement de ces chères âmes en son saint
amour. Vous ne devez rien appréhender ; mais, faisant ce que vous
connaîtrez être le mieux, vous confier spécialement au soin de la divine
Providence. La difficulté que vous sentez à quitter cette chère Mère de Blonay
et l'aimable communauté de Bellecour est inévitable ; ce sont des
occasions de bons dépouillements qui nous doivent être bien [679] chères, puisqu'elles
nous donnent le moyen de témoigner en cela notre amour et fidélité à
Notre-Seigneur, qui, pour notre salut, fit bien un dépouillement plus grand et
douloureux. Bénite soit à jamais son éternelle miséricorde !
Je salue nos chères
Sœurs par votre entremise, et les congratule du bon choix qu'elles ont fait en
votre personne, où elles trouveront tout ce qu'elles avaient perdu en l'autre
Mère. Je vous conjure de jeter de nouveau vos yeux et votre cœur en la
souveraine Providence de notre bon Dieu, qui, vous chargeant du soin de sa
maison, se charge quant et quant de vous donner les assistances qui vous seront
nécessaires pour toutes choses. Continuez à faire marcher votre communauté dans
ce bon train d'observance où elle a été trouvée à votre visite, dont je loue
Dieu. C'est le seul moyen d'attirer sur nous les bénédictions du ciel et
l'affection de Messeigneurs nos prélats, que cette fidélité à notre devoir.
Travaillons soigneusement à cela, ma fille. — Certes, c'est un grand bonheur
quand ceux à qui Dieu envoie des afflictions en tirent le fruit que sa Bonté
prétend. Cela me fait souvenir du bon David qui disait : Il m'est bon,
Seigneur, que vous m'ayez humilié, afin que j'apprenne vos justifications. Que
notre doux Sauveur vous comble de ses grâces, et toutes vos chères filles, vous
conjurant de me recommander à sa miséricorde, pour l'incliner à m'être
favorable en tous mes besoins, et surtout pour me recevoir dans le sein de sa
Bonté, quand il lui plaira me tirer de cette ennuyeuse vie. Votre, etc. [680]
SUPÉRIEURE À RENNES
Moyens à prendre pour faciliter la translation de la
communauté du Croisic à Vannes. — Pauvreté des Sœurs de Saint-Amour réfugiées à
Bourg en Bresse.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 1er septembre [1637].
Ma très-chère et bonne fille,
Je ne vous puis
écrire de ma main, à cause d'une défluxion qui m'est tombée sur les yeux,
outre, mon enfant, que je reçois une si grande quantité de lettres qu'il faut
que je voie ou que je fasse voir et y répondre, que j'ai prou peine à y
fournir ; je l'eusse pourtant fait de bon cœur encore cette fois, ma
très-chère fille.
Je trouve vos
raisons fort bonnes de vouloir garder vos bonnes filles, tant pour maintenir
votre maison en bon état que pour donner de bons fondements à la nouvelle, et
il en faut demeurer là ; mais si vous pouvez, pour quelque temps, prendre
une ou deux des Sœurs du Croisic, ce serait une très-grande charité, car M. le
théologal m'a écrit que l'on ne pourrait recevoir à Vannes que dix filles pour
le commencement de cette maison. Mais je l'ai prié d'en faire mener douze,
[assurant] que l'on en pourra retirer une ou deux à Nantes, et que nous ferons
tout ce que nous pourrons pour payer la pension d'une ou deux, bien que je vous
assure, ma très-chère fille, que je ne sais comme nous pourrons faire, à cause
que nos monastères des deux Bourgogne sont en très-grande nécessité, pour le
sujet des guerres et peste, et surtout nos pauvres très-chères Sœurs de
Saint-Amour, lesquelles sont réfugiées à Bourg, et leur maison a été visitée de
guerre et de peste, et nous [nous] sentons obligées de les assister.
Ma très-chère fille,
vous m'avez fait un singulier plaisir de [681] me mander vos pensées touchant
ma Sœur Supérieure du Croisic ; je lui écris que ses maladies ont plus
besoin de remèdes spirituels, lesquels arrêtent les passions, que des médecins
et remèdes temporels. Je mande à M. le théologal de Vannes, touchant le transmarche
de la maison du Croisic à Vannes, qu'il me semble qu'il faudra attendre de
faire cela après la déposition de ma Sœur la Supérieure, laquelle ne m'a pas
trompée ; car j'ai toujours clairement connu qu'elle n'était nullement
propre pour le gouvernement d'une maison. C'est une grande pitié quand les
jeunes filles s'adonnent à la tendresse sur elles-mêmes. Je mande encore à ce
bon M. le théologal qu'il sera nécessaire que ma Sœur M. -Constance de Bressand
aille mener les Sœurs du Croisic à Vannes, et qu'elle y pourra demeurer un an,
pendant lequel temps elle regardera quelle Supérieure l'on y pourra mettre.
Enfin, ma très-chère
fille, il faut aider ces pauvres Sœurs le mieux que l'on pourra, pour les loger
à Vannes. Je sais la grande estime et affection que M. le théologal de là a
pour Votre Charité : recommandez-[les]-lui bien. Certes vous avez, de
vrai, perdu un bon et utile confesseur, et tout l'Institut une digne Mère en
feu ma pauvre Sœur Favre ; mais que faire, ma fille mon enfant, sinon
adorer la divine Providence, et nous y soumettre humblement ? Dieu nous
pourvoira d'ailleurs.
Voilà une grande
lettre, ma fille ; nous ne sommes pas sans exercice de plusieurs parts. Il
nous faut faire profit de tout, et Dieu nous aidera, s'il lui plaît. Quand ces
murmures n'auraient opéré que cette direction que j'ai écrite comme elle se pratique
ici, ce n'est pas peu ; car elle est la vraie méthode
d'instruire [682] les novices, selon l'ordonnance de notre Bienheureux Père.
Nos monastères qui l'ont déjà m'en témoignent une joie grande. — J'écris au bon
M. Moreau ; et peut-être le ferai-je demain à Mgr de Rennes, qui, à mon
avis, sera satisfait quand il aura vu le Coutumier. Bonsoir, ma toute chère
fille ; vivez toujours toute à Dieu, et nos très-chères Sœurs que je
salue. Priez bien toutes Notre-Seigneur qu'il nous possède éternellement. Il
soit béni. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes.
SUPÉRIEURE À BELLEY
Compassion pour une Sœur malade. Conduite à tenir envers
elle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 7 septembre [1631].
Ma très-chère fille,
Voilà une bonne
croix pour votre pauvre maison, et certes encore pour vous ; il semble que
notre bon Dieu ne la veuille pas laisser sans tribulation. Il faut humblement
et doucement se soumettre à son très-bon plaisir. Je ne pense nullement que
cette fille soit obsédée ; mais souvent celles qui ont l'esprit tourné ont
des intervalles, surtout au commencement et à la mort, notre bon Dieu faisant
cela par un excès de sa douce miséricorde. Or, cette pauvre Sœur avait dès longtemps
des dispositions à ce mal, car elle était extrêmement mélancolique, faible
d'esprit, réfléchissante et tendre sur elle-même, et comme je pense, tout cela
sont de grandes dispositions à la chute qu'elle a faite ; c'était pourtant
une bonne âme, et pourvu que ce mal l'ait prise en bon état, il n'importe.
C'est une mort naturelle quant à l'esprit, et vous ne devez nullement vous en
troubler, non pas même quand vous y auriez en quelque façon contribué [683] (ce
que je ne crois nullement que vous ayez fait) ; car enfin, nous ne sommes
pas impeccables, vous avez cru devoir dire et faire ce que vous avez fait,
n'ayant eu volonté ni intention que pour son bien. Il faut laisser cela à Dieu,
et demeurer en paix après s'être humiliée devant sa Bonté, de notre faute, s'il
y en a devant ses yeux divins. Faites ce que vous pourrez pour empêcher qu'elle
ne soit entendue ; si vous ne pouvez, patience. Il faut, si Dieu lui donne
quelque bon intervalle, la fort adoucir, pour essayer de la bien mettre avec
notre bon Dieu, et lui faire comprendre que sa miséricorde lui sera favorable,
et qu'elle n'est point offensée de ce que l'on fait dans les soulèvements
d'esprit. Qu'elle se garde seulement de faire mal quand elle aura le sens de le
connaître. Il faut grandement prier et faire prier pour elle, surtout à la
sainte messe, et ne la point contrarier que le moins qu'il se pourra. Ayez
courage, ma très-chère fille, et vous confiez en Dieu, marchant purement et
droitement en sa sainte présence. J'écris à ma Sœur la Supérieure de Chambéry
pour garder sa fille. Dieu, par son infinie douceur, vous assiste de sa sainte
grâce et toutes nos Sœurs que je salue avec vous.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Le Nonce de Turin a reconnu la fausseté des calomnies
répandues contre l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 8 septembre 1637.
Quand nous pensions
que toutes les plaintes que l'on a faites contre nous à Mgr le Nonce de Turin
fussent étouffées, elles ont plus éclaté que jamais ; et a-t-on prou peine
d'empêcher que nous n'ayons un visiteur apostolique. Toutes ces plaintes sont
[684] allées jusqu'aux oreilles de Son Altesse Royale et de Madame et comme l'on
vit M. le Nonce si affermi dans la croyance des impressions qu'on lui avait
données contre nous, on lui parla derechef de notre part pour lui rendre
témoignage de la vérité de notre innocence, et que cela ne procédait que de
quelque malveillance ; que dès aussitôt que nous en fûmes averties,
sur les premiers bruits qui en coururent, nous en donnâmes promptement avis par
nos monastères, afin que, si l'on commettait quelque faute touchant ces
accusations-là (ce que je ne pensais pas), que l'on eût à s'en redresser
promptement. Alors il répondit qu'il était content, pourvu que tout ce qu'on
lui disait de notre part fût vrai et qu'il fût approuvé par moi, dont il
désirait avoir une lettre, avec la copie de celle que j'avais écrite par nos
monastères sur ce sujet. Je lui ai donc écrit et envoyé la copie de la
substance de cette lettre ; je ne sais s'il ajoutera foi à ce que je lui
dis, mais je lui ai écrit en vérité et sincérité notre manière de procéder.
Croyez, ma très-chère fille, que nous avons de bons surveillants.
Notre-Seigneur le leur pardonne, par sa grâce ; ils ont eu bonne intention
sans doute.
J'ai admiré en cette
affaire la conduite et toute-puissance la Providence divine, qui, contre toutes
les pensées et raisons humaines, a donné la conclusion de la fondation de Turin
dans le plus grand éclat de cette calomnie, avec l'agrément et témoignage de
contentement de Son Altesse Royale, de Madame et de toute la cour. Mgr
l'archevêque même, qui était fort imbu de toutes ces fâcheuses impressions, a
écrit à Rome pour avoir la permission pour faire la fondation et pour le
passage des Sœurs de deçà.
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris. [685]
À PARIS
Mémoire remis par le Saint-Père au cardinal de Bichy. —
Chaque monastère est sous l'autorité de son évêque respectif.
VIVE † JÉSUS !
[Thonon], 12 septembre [1637].
Oh ! Dieu soit
béni, qui conserve à son Eglise le très-vertueux et digne prélat Mgr de Sens,
et qu'il l'y maintienne longuement pour sa gloire ! Ce me sera grande
consolation de savoir ses sentiments et les vôtres sur notre mémoire. Je ne
sais si j'ai oublié d'y mettre comme l'on a fait tomber entre les mains du Pape
un mémorial de quantité de plaintes offensives contre nous, desquelles, grâce à
Dieu, nous sommes fort innocentes. Ce mémorial n'était point signé ; le
Saint-Père le remit entre les mains de Mgr le cardinal de Bichy, lequel
l'envoya à Mgr l'archevêque d'Embrun, le priant et lui ordonnant de la part du
Saint-Père de faire enquête de cela, qu'il y voulait mettre ordre, à cause du
grand préjudice que ces manquements apporteraient à la foi, et scandale pour
les autres fautes qui étaient de grande importance. Mais certes, je n'ai loisir
de chercher ce beau mémoire pour les vous dire par le menu. Sur quoi Mgr
d'Embrun a fait sa relation dignement et charitablement, ajoutant à Mgr le
cardinal de Bichy que si Sa Sainteté trouve qu'il y ait en notre conduite,
selon sa relation, quelque chose qui ne lui plaise pas, qu'il croit qu'il ne
serait pas bon d'en faire ordonnance, mais seulement d'écrire à quelques
prélats de France les sentiments et volontés du Saint-Père, lesquels les
feraient entendre aux Religieuses de leur diocèse, qui se les communiqueraient
les unes aux autres ; et, par cette voie, s'éviteraient des mauvaises
conséquences, d'autant que lesdites Religieuses de la Visitation sont
absolument soumises à la direction des évêques. [686]
Voilà, mon très-cher
Père, où l'affaire en est ; si je ne l'ai fait savoir à Messeigneurs nos
bons archevêques de Sens et de Bourges, ni à votre cœur paternel et à la chère
Mère Angélique, vous le saurez maintenant, et verrez ensemble si nous y avons
quelque chose à faire, ce qui ne me semble pas ; et, ayant recommandé le
tout à Notre-Seigneur, je m'en suis oubliée, y ayant environ deux mois que nous
savons cette affaire. L'on soupçonne fort quelques Pères N. ; quand le
provincial sera de retour de la visite, je vous prie de lui en parler.
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE D ANNECY
Prudence et charité de la Sainte au sujet des difficultés
que rencontre à Marseille la Mère de Ballon, réformatrice des Bernardines.
VIVE † JÉSUS !
[Thonon], 14 septembre [1637].
Ma très-chère Mère,
J'ai vu la lettre de
Mgr de Marseille, laquelle est vraiment paternelle. Vous verrez celle que j'ai
écrite à la bonne Mère de Ballon : je lui dis simplement ce qu'il me
semble que je ferais si j'étais en sa place ; mais de lui dire
déterminément ce qu'elle doit faire, je ne me sens pas capable pour cela, mais
je crois assurément que Dieu prendra sa cause et humiliera ceux qui la
remplissent de confusion ; ce que toutefois je ne désire pas, ains qu'ils
s'humilient eux-mêmes. J'ai un grand mouvement d'écrire à Mgr de Marseille pour
rendre témoignage de la véritable innocence de cette âme calomniée ; mais
la lettre que j'ai écrite à cette bonne Mère pourra être vue de mondit seigneur,
et je [687] crois qu'elle lui pourra servir. J'ai aussi eu crainte qu'en lui
écrivant, cela n'eût peut-être accru les parlementeries de l'autre côté, outre
que je crois qu'ils s'accommoderont ; et partant il ne sera pas à propos
d'envoyer les lettres que j'avais écrites à Mgr d'Arles et à Mgr de Marseille.
Quant à ce qui est
de Turin, Dieu soit béni et glorifié de tout. Je crois que vous aurez écrit au
Père dom Juste, afin de m'en exempter.
Pour le voyage de ma
Sœur M. -Angélique [de Bigny], je n'ai pas ce sentiment que nos Sœurs de
Lyon se doivent exposer à la censure en donnant de leurs filles pour
l'accompagner ; et donner une de nos Sœurs d'Annecy ou bien en prendre une
à Condrieu, et que le monastère d'Annecy paye pension ou bien la dot, c'est ce
qui ne se doit pas faire, car cela le surchargerait trop. Vous la pourrez faire
conduire jusqu'à Lyon par une Sœur tourière, et j'ai écrit à nos Sœurs de Lyon
pour en avoir soin. M. Marcher vous dira le reste de mes pensées de ce qu'il
faudra faire pour passer delà de Lyon. Je soumets le tout à ce que vous et nos
Sœurs conseillères jugerez par ensemble. — Je vous prie d'écrire à M. de
Montfalcon qu'il envoie, à la Mère de Ballon la copie de l'accord que l'on
avait proposé de faire entre les Mères Bernardines de Seyssel et madame de
Monthoux. — Ma très-chère Mère, je vous supplie de voir ce que j'écris, et
considérer ce que je dis à M. Marcher, et puis disposez de tout selon que vous
jugerez le mieux selon Dieu, qui vous comble de son saint amour, et toutes nos
Sœurs.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [688]
SUPÉRIEURE DES BERNARDINES REFORMÉES
Encouragement à souffrir en silence. — Moyens à prendre
pour obtenir de conserver dans leur intégrité les Règles de sa Congrégation.
VIVE † JÉSUS !
[Thonon, 1637.]
Ma très-chère mère,
Le très-doux et
bénin Sauveur soit votre force, votre lumière et conduite en toutes vos
tribulations ! Il vous fait très-bonne part de sa sainte croix, dont je
suis consolée, et de vous voir humble et patiente sous ce faix. O ma très-chère
Mère ! montrez-vous toujours vraie servante de Jésus-Christ, et fille
légitime de notre Bienheureux Père ; et parmi de si rudes et injustes
attaques demeurez pleinement humble dans l'exercice d'une parfaite charité et
support, sans ouvrir votre bouche pour dire une seule parole de revanche, ni de
défense contre les calomnies que l'on vous a imposées. Enfin recevez, à
l'imitation de notre sacré Époux, tout ce qui sera fait et dit contre vous,
doucement et sans vous en plaindre, et Dieu prendra votre cause en main. Mais
quand il s'agira de la vérité, touchant la conduite de Mgr N., et de la cause
pour laquelle il a voulu revoir vos Constitutions, qui fut, sur l'avis que vous
lui donnâtes, que les-dites Constitutions étaient déjà imprimées quand on lui
en présenta le manuscrit ; or, quand il s'agira, dis-je, de cette vérité,
ma chère Mère, vous la devez maintenir, et les raisons sur quoi il appuyait le
contredit qu'il faisait de quatre ou cinq points, ainsi qu'il le dit à N.,
desquels il résolut de ne souffrir la pratique en son diocèse.
J'ai vu la copie des
deux lettres que Mgr N. vous a écrites ; elles sont très-paternelles, et
dignes de la piété et véritable bonté de ce grand prélat. Pour moi, il me
semble, me confiant en Dieu, [689] que je me rendrais à lui si filialement, me
remettant à sa prudente charité, qu'il ne refuserait point le retranchement de
ces quatre ou cinq articles, quand vous lui auriez fait entendre, avec toute
humilité, l'importance et les grands maux et préjudices qui en peuvent arriver
à vos monastères. Vous devez prendre vos Mères et Sœurs, et conclure ensemble
ce que Dieu vous inspirera. J'ai toujours souvenance d'une parole que notre
Bienheureux Père m'écrivit une fois, « que la paix était un bien si grand,
qu'il ne se pouvait assez acheter ». Je vous dis derechef que j'ai
confiance que si vous suppliez Monseigneur de vous parler, et que, vous jetant
à ses pieds, vous le conjuriez avec une profonde humilité et soumission de
s'employer à faire retrancher ces articles fâcheux, et d'en défendre la
pratique par vos lettres d'établissement, je crois que cette grande bonté que
Dieu a mise en son âme ne lui permettra de vous refuser. C'est un grand bonheur
aux âmes religieuses d'être dans l'affection et protection de leurs prélats et
supérieurs. Pour moi, je ne voudrais jamais que notre Institut s'établit dans
un diocèse qu'avec cette bénédiction, qui est incomparable pour les maisons
religieuses.
Voilà, ma très-chère
Mère, ce que mon cœur m'a dicté de vous dire ; car de vous donner une
absolue détermination, en cas que Monseigneur ne voulût pas exempter de
l'observance de ces quatre ou cinq articles, c'est de quoi je ne me sens pas
capable, et vous supplie de m'en excuser, et me recommander toujours à la
divine miséricorde, puisque sans fin je vous souhaite une grande assistance de
Dieu, pour vous rendre conforme à son très-saint Fils humilié et crucifié.
Votre, etc. [690]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Corrections à faire au Coutumier, relativement au
catalogue pour l'élection des Supérieures. — Ne rien changer à ce qui est
marqué pour le chant.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 1er octobre [1637].
[Le commencement
de l'original a été coupé.] Nous
avons lu notre Coutumier, et croyant que peut-être n'en aurez-vous pas encore
distribué par les maisons, j'ai remarqué une correction qui est encore
nécessaire à l'article de l'élection de la Supérieure, qui dit que l'on pourra
néanmoins, pour faciliter l'élection, leur en proposer deux ou trois. Ce petit
nombre semble contrarier la Constitution, qui dit qu'on proposera toutes celles
qui auront les conditions requises. Je le remarquai déjà sur les mémoires de
Mgr de Sens, mais je ne fis pas attention à le corriger ; or, cela se peut
facilement mettre aux corrections. Je l'ai corrigé de ma main sur le Coutumier
céans en la feuille des corrections, même ayant fait un rapport après la
correction de la page 117, et ai dit page 119, 1. 20 et 21, lisez : l'on
devra néanmoins selon icelle, pour faciliter l'élection, leur en proposer au
moins trois ou quatre. Je pense de corriger ainsi de ma main tous ceux que
nous distribuerons de deçà ; et vous pourrez aussi, ma chère fille,
prendre la peine de corriger de la vôtre ceux que vous distribuerez et que les
maisons y ajoutent assez de foi ; et, à toute extrémité, il ne faudrait
que faire réimprimer les feuilles des corrections.
Nous avons trouvé le
chant de l'Office parfaitement bien noté ; mais nous ne savons d'où
procèdent quelques changements que nous avons remarqué que l'on a faits au
chant des Lamentations, ni pourquoi l'on y a mis en musique
l'hymne : O Crux, ave, spes unica ; car nous ne la chantons
point.
Conforme à une copie de l'original gardé an premier
monastère de la Visitation de Paris.
[691]
À CHAMBÉRY
Conclusion de la fondation de Turin.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 2 octobre 1637.
Mon
très-cher frère,
Nous avons reçu des
nouvelles du bon Père [dom Juste Guérin] ; la maison est louée ; l'on
prépare les meubles, on a envoyé à Rome quérir les dispenses, et la chose est
déclarée ; mais le bon Père ne vous demande point. On nous mande qu'il
faudra aller devant l'hiver. Vous direz tout ceci à M. le marquis, qui sera
bien aise de savoir cette nouvelle de confiance, comme la chose est toute
déclarée. Souvenez-vous bien de la promesse que nous nous sommes faite de prier
l'un pour l'autre, et croyez que je suis de cœur, en vous souhaitant
l'abondance des grâces de Notre-Seigneur, mon très-cher frère, votre
très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE DE LA COMMUNAUTÉ DE CHAMPLITTE RÉFUGIÉE À GRAY
La charge de Supérieure doit être exercée avec humilité et
confiance en Dieu. — Importance du bon choix des sujets.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1537.]
Ma très-chère fille,
J'ai été fort
consolée d'apprendre un peu amplement de vos nouvelles ; car nous étions
en peine de n'en point recevoir. [692] Depuis votre départ, nous n'avons reçu
aucune de vos lettres que celle qui est datée du 11 septembre. Je bénis Dieu
qui vous donne tant de courage pour servir utilement cette petite troupe, que
je chéris et aime bien tendrement. Je suis bien aise de vous voir toute dans
votre Institut, et que nos chères Sœurs, vos filles, prennent là tous leurs
contentements ; aussi est-ce la vraie vie des Filles de la Visitation. Et
pour vous, ma très-chère fille, ne regardez point votre peine ni votre
incapacité, confiez-vous toujours en la divine Providence. Et, tant que vous
pourrez, au commencement de tous les exercices de supériorité abaissez votre
esprit devant Dieu, comme pour mendier son secours, pour bien faire selon son
bon plaisir l'action que vous allez faire ; et vous assurez, ma très-chère
fille, que Notre-Seigneur vous ayant mis Lui-même en cette charge, vous
comportant de la sorte, Il conduira et gouvernera votre famille par vous. Tenez
toujours bien votre esprit en courage et ne le laissez point abattre, quelque
faute que vous fassiez. — Vous avez bien fait de renvoyer cette Sœur novice
domestique, puisqu'elle n'était pas propre pour notre manière de vie. Vous me
consolez grandement, ma chère fille, de me dire que vous honorez et suivez en
tout les intentions de celle qui vous a précédée ; c'est la [693] marque
d'un bon cœur et qui est vraiment humble ; cela fera que vos filles vous
en aimeront et estimeront davantage.
Vous voyez, ma
très-chère fille, par cet argent qui vous fut porté et permis de vous en servir
à votre besoin, combien vous avez sujet de vous confier en la Providence de
notre bon Dieu, qui ne manque jamais d'assister ceux qui se confient et
espèrent en sa douce Bonté. Puisque vous êtes bien au lieu où vous êtes,
gardez-vous bien d'en sortir que la paix ne soit bien établie, et que ce soit
par l'avis de vos amis. — Vous faites très-bien de ne vous pas charger de
filles, et de bien prendre garde à celles que vous recevez, afin de n'en point
admettre qui ne soient vraiment bonnes. Ma très-chère fille, j'ai pris grand
plaisir à lire votre grande lettre, et à voir les forces et le courage que Dieu
vous donne de servir cette bénite famille, en leur donnant exemple par une
grande exactitude, suivant en tout la communauté. Je m'assure que votre âme en
reçoit une grande suavité, et je me sens obligée d'en bénir et remercier
Notre-Seigneur, ce que je fais de tout mon cœur, qui chérit le vôtre avec
sentiment d'une entière et cordiale affection. Soyez bien assurée de cela, et
qu'il me serait impossible d'avoir la moindre méfiance de votre cœur, car je le
crois et le tiens pour être entièrement uni au mien ; et Dieu vous fasse
la grâce qu'il le soit parfaitement au sien très-sacré. Amen.
Ma toute bonne et
chère fille, conservez et pratiquez bien cet esprit de douceur et de bouté
envers vos Sœurs et tous les prochains, supportant tout ce que Dieu vous
présentera avec grande charité, et donnez bien à vos Sœurs toute confiance de
vous dire ce qu'elles voudront, sans jamais leur témoigner aucun dégoût ni
sentiment, et faites profit de tout, et Dieu vous bénira. J'en supplie sa
Bonté, en laquelle je suis vôtre de cœur. [694]
SUPÉRIEURE AU PREMIER MONASTÈRE DE PARIS
Il ne faut rien chanter en musique que ce qui est permis
par le Coutumier. — Réception d'une bienfaitrice infirme.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma très-chère fille,
Je suis bien aise
que l'on ait déjà [mot illisible] le Coutumier. Il faut laisser ce qui
est noté, comme il est, ajoutant à la fin des corrections que l'antienne O
Crux, ave, spes unica ! a été mise pour les maisons où l'on fait des
grandes Passions le vendredi saint, auxquelles les prédicateurs font des
pauses, qu'on l'y pourrait chanter, s'il était jugé à propos. Il est besoin de
faire mettre ceci, afin que les maisons n'en abusent pas, ce qui serait à
craindre ; car je suis après en combattre une qui veut chanter le Magnificat
en musique.
Pour cette bonne
fille que l'on vous présente pour bienfaitrice, je ne vois pas d'inconvénients
de la recevoir avec les conditions que vous me marquez, de la faire tenir
retirée. Je ne voudrais pourtant pas la priver entièrement de la conversation
des Sœurs ; pourvu que ses linges, habits et son manger fussent séparés,
cela suffirait. Il n'en faut rien dire aux maisons, pour ne point donner à
philosopher.
Conforme à une copie gardée au premier monastère de la
Visitation de Paris [695]
Éloge de la Mère P. M. de Châtel, détails sur ses derniers
jours et son heureux trépas. — Mort du duc de Savoie. — Annonce de la fondation
de Turin.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 23 octobre 1637.
Ma très-chère fille,
Je veux de tout mon
cœur adorer et aimer la très-sainte volonté de Notre-Seigneur, en la
très-sensible douleur que mon cœur ressent pour la privation de notre
très-bonne et très-chère Mère Péronne-Marie de Châtel, que sa divine Bonté a
retirée de ce monde. Elle m'était plus chère que mes yeux et que ma propre
vie ; mais la disposition suprême nous doit être précieuse par-dessus
tout, c'est pourquoi il nous y faut soumettre sans exception.
Je ne prétends par
cette lettre, ma très-chère fille, que de vous raconter le décès très-heureux
de cette chère Mère ; car, dans peu de temps, Dieu aidant, on vous
communiquera un recueil des grâces dont Notre-Seigneur avait enrichi cette âme
très-bénite. Je crois que vous savez qu'elle était la cinquième de l'Ordre, où
elle fut appelée par une vocation extraordinaire ; et notre Bienheureux
Père lui donna sa place lorsque nous commençâmes, bien que Notre-Seigneur, qui
ne voulait pas rompre notre nombre de trois, ne permît pas qu'elle pût entrer
avec nous, à cause de son temporel. Mais elle fut reçue environ six semaines
après, le jour de la glorieuse sainte Anne : sa bonne et dévote mère
désira de l'offrir à Dieu ce jour-là. Et je vous puis assurer, ma très-chère
fille, que, dès lors, cette chère âme se mit dans la pratique de toutes les
vertus religieuses avec tant de fidélité, dévotion et mortification, qu'elle en
était un portrait dans notre petite communauté. Dieu la gratifia de grands dons
intérieurs et de hautes [696] oraisons, et notre Bienheureux Père l'avait en
très-grande estime, surtout à cause de sa parfaite sincérité, droiture et
candeur toute colombine.
Nous la menâmes à la
fondation de Lyon où elle servit dignement ; et, après son retour en cette
maison, on la mit maîtresse des novices, qu'elle conduisit parfaitement selon
l'esprit de sa vocation jusqu'à l'année 1618, qu'il fallut faire la fondation
de Grenoble. Et n'est pas croyable combien cette vraie humble se fit de
violence pour accepter la charge de Supérieure, qu'elle a toujours exercée
depuis jusqu'à son heureux départ de ce monde, tant à Grenoble, qu'à Aix,
Chambéry et céans. C'était l'une des plus dignes Supérieures que l'on eût
jamais su souhaiter, une âme pleine de zèle, de charité universelle, d'un cœur
vraiment maternel, supportant ses filles jusqu'à l'extrémité, s'il faut ainsi dire,
agissant avec tant de bonté, douceur et patience, qu'elle ne gâtait jamais rien
dans les âmes, en sorte que la bénignité de cette conduite faisait fondre les
cœurs et ouvrait les plus fermés. Elle témoignait une dilection si tendre pour
celles qui l'avertissaient de ses défauts, que c'était un proverbe commun dans
les communautés qu'elle a gouvernées, que, qui voulait avoir quelque caresse
spéciale d'elle, il lui fallait faire voir qu'elle avait failli en quelque
chose, ou lui dire les pensées que l'on pouvait avoir contre elle.
Il y a fort peu de
temps qu'une de nos bonnes Sœurs lui porta un article des Constitutions, et lui
dit qu'elle croyait qu'elle y avait manqué en certaines rencontres. Cette bonne
Mère lui fit des caresses bien si tendres, qu'il fut visible de toutes celles
qui le virent, qu'elle venait de recevoir un avertissement charitable ; et
une Sœur le lui ayant dit, elle lui fit réponse : « Il est vrai, je
n'ai pas eu la force d'empêcher mon cœur de s'épanouir pour embrasser cette
fidèle épouse de Dieu, qui m'a apporté sa Règle, et m'a dit charitablement que
j'y avais manqué. » Enfin, ma très-chère fille, c'était une Mère [697]
toute de charité, de douceur et d'humilité, d'une conduite, discrétion et
prudence très-rares, dépouillée de tout propre intérêt, toute donnée et
abandonnée au service de la gloire de Dieu et de sa Religion ; et c'était
l'une de mes douces consolations de penser que je laissais après moi cette
vraie Mère dans cette chère maison et dans l'Institut. Mais Dieu, duquel les décrets
sont très-justes et adorables, m'a voulu priver de ce contentement, et de la
douce espérance que j'avais qu'elle me fermerait les yeux. Sa Bonté ne m'a pas
trouvée digne de ce bonheur ; voilà pourquoi, lorsque j'y pensais le
moins, ce trésor de vertus nous a été ravi par la douce main de ce grand Père
céleste.
Nous entrâmes toutes
deux en solitude le 8e de ce présent mois, qui était le jeudi. Cette
chère Mère se trouvait déjà toute mal, et résolut de se purger. Le samedi, elle
ne put tenir le chapitre, et eut un accès de fièvre, pour lequel même elle ne
daigna pas s'aliter ; car elle traitait son corps avec un mépris et une
rigidité qui ne se peut dire. Le dimanche, après la sainte communion, elle fut
contrainte de se retirer et enfin de s'aliter : le lendemain, son accès de
fièvre tierce et catarrhale la prit. Le septième jour de son mal, nous
résolûmes de la faire confesser et communier, étant la première et principale
chose que les Religieuses doivent faire en leurs maladies, et pour laquelle il ne
faut point s'arrêter à l'avis des médecins ; car même encore le jour que
notre très-chère Mère reçut l'Extrême-Onction, ils nous assurèrent qu'il n'y
avait nul danger en son mal. Aussi est-il vrai que, hors de ses accès, nous
croyions toujours qu'elle se porterait bien. Elle fit sa confession annuelle à
M. notre très-digne Père spirituel, après laquelle elle se mit à faire des
actions de grâces tout haut : « O mon Dieu, disait-elle, je vous
demande pardon de tout mon cœur, mais aussi je vous rends grâce de m'être
confessée à ce saint homme. Oh ! que mon âme est contente et satisfaite,
et que je veux bien faire la volonté de Dieu ! » [698] Des Sœurs
ayant les larmes aux yeux, s'approchèrent d'elle, auxquelles elle dit :
« Mes chères Sœurs, vous êtes trop bonnes ; ne pleurez point pour
celle qui vous a été si mauvaise Mère, si rude et peu charitable ; mais
vous me pardonnez bien. Et croyez qu'il faut bien faire et s'acheminer du côté
de l'éternité, tandis que l'on en a le temps ; car la vie de la créature
est bien brève et bien peu de chose. »
Le lendemain, qui
était samedi et le 17 du mois, elle communia avec une très-grande dévotion et
me dit par après : « Ma chère Mère, je pense que depuis que je suis
Religieuse, je n'ai jamais rien eu au cœur que Jésus, Marie et Joseph, notre
Bienheureux Père, Votre Charité et notre Congrégation. » Et joignant les
mains et levant les yeux au ciel : « Vous le savez, mon Dieu !
dit-elle, mais je n'ai pas correspondu à votre bonté, et c'est de quoi je vous
demande très-humblement pardon. » Elle avait des maux de cœur si grands,
qu'elle ne pouvait s'empêcher de se plaindre, et [nonobstant] l'inquiétude de
son corps, [elle] était dans une tranquillité d'esprit et dans une sérénité de
visage vraiment religieuse, elle parlait souvent tout haut à Notre-Seigneur, et
me dit : « Ma Mère, il y a deux étages d'oraison : quand le mal
dérobe à l'esprit l'attention à la présence de Dieu, il faut parler vocalement,
afin que l'âme ne demeure pas sans occupation, et que l'on glorifie toujours Dieu. »
Il y avait plusieurs
années que cette chère âme étant atteinte de certain mal et de grande lassitude
et faiblesse de cœur, qui la laissaient sans force ni vigueur, elle avait fait
ce pacte avec Notre-Seigneur que, quand elle lèverait la main pour frapper,
c'était qu'elle aspirait à sa bonté, se soumettait à sa volonté, et était toute
sienne. Elle s'est servie de cette sorte d'aspirer en Dieu jusqu'à son dernier
moment. Son pauvre cœur était si enveloppé de catarrhe qu'il [se] soulevait à
quoi que ce fût qu'on lui présentât, et elle se faisait des violences
très-grandes [699] pour obéir, puis elle disait aux Sœurs qui étaient autour
d'elle : « Mes chères Sœurs, que c'est chose désirable que d'avoir
provision de vertus. Si j'avais quelque bonne habitude, je ne serais pas si
impatiente ; mais vous prierez toutes notre bon Dieu pour moi. » — Le
jour de saint Luc, jour de sa naissance, il lui prit un grand assoupissement de
léthargie, en sorte qu'on ne la pouvait éveiller. Les médecins lui firent
[appliquer] des ventouses découpées, sans que quasi elle s'en aperçût. Ses
réveils étaient si courts, qu'elle ne se souvenait plus, de l'un à l'autre, ce
qu'elle voulait dire ; mais Notre-Seigneur lui a fait cette grâce, qu'elle
n'a jamais dit un mot extravagant dans ses petits réveils. Elle avait toujours
la Sainte Vierge en bouche, par une longue habitude qu'elle avait dès longtemps
de l'appeler : « Ma Mère, ma bonne Mère. » Quand on lui faisait
quelque mal pour l'éveiller, toute sa plainte était de crier doucement :
« Ma Mère ». Une Sœur lui dit qui elle appelait tant sa Mère :
« C'est la Mère de Dieu, dit-elle, la Mère des miséricordes. »
Le lundi à soir,
elle reçut les saintes huiles, et, environ une heure et demie après minuit, il
lui prit un accident et descente de catarrhe si grand, que l'on crut qu'elle
allait passer, si que l'on nous vint appeler et toute la communauté
aussi ; mais elle eut un si prompt secours qu'elle reprit un peu ses
esprits. On lui dit de dire : « Vive Jésus ! » elle
ajouta : « Et mon âme vivra. » On lui dit derechef de
dire : « Vive Jésus et Marie ! » elle répondit
encore : « Et saint Joseph », et fit plusieurs autres saintes
aspirations, et, dès lors jusque sur les huit heures du matin, on tâcha de lui
donner secours et des remèdes contre le catarrhe qui se rendit si abondant, que
dès lors jusques environ les dix heures et demie du même matin, l'on ne cessa
de lui mettre des poireaux et des plumes à la bouche pour lui faire jeter ce
catarrhe, qui gagna tellement le dessus que les médecins l'abandonnèrent, et
elle demeura dans un travail [700] nonpareil sans jamais perdre sa sérénité de
visage, ni manquer de faire de temps en temps signe de la main qu'elle était
toute à Dieu, et soumise à sa sainte volonté. Sur les deux heures après midi, l'on
fit rappeler le médecin, qui lui fit mettre un bâillon à la bouche pour
quelques heures, afin de lui donner facilité de respirer ; mais, voyant
qu'il n'y avait plus d'espoir, il la laissa derechef les dents fermées, et elle
demeura dans sa paix et dans son travail, jusques environ les sept heures du
soir, que Dieu nous voulut donner la consolation qu'elle nous parlât encore. Il
lui prit une grande chaleur, l'on fit promptement rappeler le médecin, et elle
revint très-heureusement ; et,
tout ainsi qu'un enfant qui vient de loin, elle nous embrassa deux ou trois
fois avec une tendreté de dilection nonpareille ; et, avec un visage doux
et riant, se mit, à mains jointes, à dire des paroles d'amoureuse confiance à
Notre-Seigneur et à la très-sainte Vierge, et des petits mots de cordialité et
gratitude à ceux qui étaient autour d'elle.
Elle vida quantité
de catarrhe, et s'aidait elle-même à prendre les remèdes, si bien que nous
croyions que Notre-Seigneur l'avait ressuscitée. Elle passa la nuit, et tout le
lendemain ainsi fort doucement, et le plus dévotement qu'il est possible ;
mais, sur les six heures du soir, son septième accès de fièvre tierce la
reprit, et, sur les quatre heures du matin, le catarrhe la saisissant plus
fortement, nous fûmes tout à fait hors d'espérance ; elle fut environ
quatre heures la tête haussée, le visage serein et les yeux beaux et clairs, et
de temps [en temps] fichés au ciel, et n'ayant point d'autre mouvement que pour
montrer, par le signe des yeux et de la main, qu'elle entendait ce qu'on lui
disait de Notre-Seigneur. Jusqu'à son dernier moment, elle discerna ma voix
entre toutes les autres, et dès que je parlais, elle ouvrait doucement ses
bénis yeux ou vers moi ou vers le ciel ; et, bien qu'elle eût déjà les
deux bras tout froids et comme morts, elle ne désista jamais de faire son signe
d'amour à son [701] cher Époux ; et jusqu'au non plus nous lui vîmes
remuer la langue, quand elle ne put plus remuer les lèvres, pour prononcer les
saintes paroles qu'on lui voulait faire dire. Ainsi ayant son doux Jésus au
cœur et à la bouche, elle ferma elle-même ses yeux et expira sans sanglots ni
grimaces quelconques, mais si doucement qu'à peine nous en aperçûmes-nous,
quoique nos yeux fussent fixement arrêtés sur elle. Elle demeura si parfaitement
belle, majestueuse et suave, qu'elle ne l'avait jour de sa vie tant été. Ce fut
environ les dix heures du matin, 22 de ce présent mois, en présence de M. notre
confesseur et de toute notre communauté, que cette bénite âme s'envola hors de
ce chétif monde, n'étant âgée que de cinquante et un ans et quatre jours.
Je vous supplie, ma
très-chère fille, que priant pour elle, vous vous souveniez de demander à la
souveraine miséricorde de notre bon Dieu la grâce que je puisse imiter les
saintes vertus de cette sienne fille et servante, et avoir une mort ainsi
heureuse. C'est le souhait que mon cœur fait à toutes les Filles de la
Visitation, et à vous en particulier étant, ma très-chère fille,
Votre très-humble et
indigne Sœur et servante en Notre-Seigneur,
Sœur Jeanne-Françoise
Frémyot,
De la Visitation
Sainte-Marie.
Dieu soit béni !
Ma très-chère fille, je vous supplie de faire faire quelques
prières particulières pour l'âme de feu Son Altesse Royale,
notre très-bon prince, auquel nous avons de très-particulières
obligations ; et même, quelque peu avant sa mort, il nous donna et assigna
une très-belle place pour bâtir le monastère de Turin, lequel nous irons
commencer cet hiver, selon les apparences, si le mauvais temps n'en empêche.
Cela nous [702] éloignera un peu de
corps, mais non jamais de cœur, ni ne nous privera pas d'avoir de vos chères
nouvelles, et de vous donner des nôtres ; car le courrier et
messager de ce lieu va continuellement à Chambéry et Lyon.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE DE LU COMMUNAUTÉ DE CHAMPLITTE RÉFUGIÉE À GRAY
Affectueuses recommandations au sujet de sa santé.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Ma vraie très-chère et
bien-aimée fille,
J'ajoute à ma grande
lettre ce billet, afin que ma main et mon cœur se joignent
pour vous dire que vous êtes infiniment ma très-chère fille, et que votre
incomparable cordialité me donne un grand désir de vous y pouvoir correspondre.
Je le fais et le veux faire tant que je vivrai, de toute l'étendue de mes
affections, moyennant la grâce de notre bon Dieu.
Voyez-vous, ma
fille, je me sens grandement obligée à votre tout bon cœur, et voudrais de tout
le mien vous donner une partie de ma santé, si c'était le bon plaisir de Dieu,
et cela m'est touchant de vous savoir parmi tant d'infirmités. Hélas !
nous avons tant besoin des bonnes Mères que Dieu nous a données ! C'est
pourquoi je vous conjure, ma plus que très-chère fille, par la sainte dilection
que vous me portez, de faire tout ce qui vous sera possible pour regagner votre
santé. Vous vous êtes trop harassée et pas assez soulagée. Or maintenant il le
faut faire et très-absolument, ma très-chère fille. Je sais que [703] la bonne
nourriture et le repos, avec peu de saignées (car elles nuisent aux étiques),
sont des remèdes plus excellents que toutes sortes de drogues, et avec cela
vous tenir joyeuse et user du remède dont vous trouverez ici l'écrit : il
est excellent et bien approuvé. Tous les ans, tandis que l'on est penchant à
l'étisie, au mois de mai ou de septembre il en faut user. J'espère en Dieu
qu'il vous profitera. Voilà une fiole d'eau que l'on tient excellente ;
mais notre bonne Sœur Jeanne-Thérèse [Picoteau] vous écrit ses propriétés. Je
ne sais ce que nous voudrions vous pouvoir envoyer si nous l'avions et qu'il
vous fût utile, car enfin vous êtes la très-chère Sœur du cœur. Je suis si aise
de cette petite que Monseigneur vous a donnée. Je m'assure que votre bon cœur
en aura grand soin. — Ma fille, je suis invariablement toute vôtre de cœur.
SUPÉRIEURE À MACON
Encouragement à marcher sur les traces de la Supérieure
qui l'a précédée. — Mort de la Mère de Châtel.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 23 octobre [1637].
Ma très-chère fille,
Ce m'a été
consolation de savoir un peu de vos chères nouvelles et de celles de votre
communauté. Vous avez bien sujet de bénir Dieu de vous avoir donné la charge
d'une petite troupe si remplie de bénédictions et qui vit avec tant de paix et
d'union. Leur bonne petite Mère et ses chères filles sont fort demeurées
[704] dans mon esprit ; car je sortis de cette bénite maison, en mon
passage, avec une grande consolation et satisfaction. Vous ne sauriez mieux
faire, ma très-chère fille, que de suivre en tout et partout les traces d'une
si sainte âme, laquelle je tiens bien avant dans le ciel : c'est pourquoi
je vous prie qu'en me faisant la charité de prier Dieu pour moi, vous me
recommandiez particulièrement à elle, car je crois qu'elle a beaucoup de
pouvoir auprès de sa douce Bonté. Vous faites bien, ma fille, de ne vous pas
charger de filles en ce temps-ci, comme aussi de ne vous pas presser d'acheter
une maison que tout ce bruit de guerre ne soit passé.
Vous avez fait un bon
dépouillement d'avoir quitté le cher monastère de Lyon ; mais il se faut
bien préparer d'en faire encore de plus grands, quand il plaira à Dieu. Sa
Bonté nous en a fait faire un très-grand ces jours passés au trépas de notre
très-chère Mère Supérieure : ce nous est une si sensible touche et
affliction qu'elle serait immortelle, si nous ne regardions la très-adorable
volonté de Dieu qui l'a ainsi voulu : son saint Nom soit béni ! Nous
avons fait une très-grande perte et tout l'Institut aussi. — Or, ma très-chère
fille, je ne doute pas que vous ne soyez fort contente et satisfaite de toutes
nos chères Sœurs vos filles ; de même que je suis très-assurée qu'elles le
sont de vous, bien que vous ne m'en dites rien. Je vous supplie leur souvent
recommander de prier Dieu pour tous mes besoins, et me faites tout
particulièrement cette charité, et saluez bien chèrement de ma part toute cette
bénite troupe que j'aime tendrement, et leur souhaite toutes sortes de
bénédictions et particulièrement à vous, à qui je suis d'une sincère affection,
votre très-humble, etc., que vous savez bien être toute vôtre et de cœur
fidèle.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Soleure (Suisse). [705]
ARCHEVÊQUE DE TARENTAISE, À MOUTIERS
Douleur de la Sainte sur la mort de la Mère de Châtel. —
Regret de ne pouvoir visiter le monastère d'Aoste en allant en Piémont.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 27 octobre 1637.
Monseigneur,
Votre chère lettre
n'ayant plus trouvé ici notre très-chère et bonne Mère Supérieure, qui nous
laissa jeudi pour s'en aller faire son grand voyage de l'éternité, nous avons
pris la confiance d'ouvrir votre lettre, Monseigneur, et nous nous prévalons de
cette occasion pour vous offrir nos très-humbles saluts, et vous rendre
quelques témoignages de la sensible douleur que cette séparation nous a causée,
à laquelle je crois que Votre Seigneurie Illustrissime participera bien un peu,
car cette chère âme vous honorait et chérissait d'une affection vraiment
filiale- mais il faut adorer les décrets de la divine Providence, et nous y
soumettre amoureusement.
Il est vrai,
Monseigneur, que nous avions quelque pensée de nous en aller par Aoste à
Turin ; mais l'on nous fait si fort appréhender le petit Saint-Bernard,
que nous nous résolvons de nous en aller de l'autre côté, remettant au retour
de voir nos chères Sœurs de là, et d'avoir l'honneur et le bonheur de voir
Votre Seigneurie Illustrissime à notre passage. L'affliction qui nous est
survenue par la mort de notre bonne Mère, nous ayant donné plusieurs surcharges
d'affaires, nous rend encore comme incertain le temps de notre départ. Ce nous
aurait été une consolation bien précieuse que d'être honorées de la présence de
madame la baronne votre belle-sœur ; mais nous n'oserions nous la
promettre, dans les incertitudes où nous sommes encore de notre voyage. [706]
Dieu fasse abonder
sur votre digne personne, Monseigneur, Je comble des plus riches trésors de sa
grâce ; c'est le souhait de celle qui se dit en tout respect et humilité,
après s'être recommandée à vos saintes prières, Monseigneur, votre très-humble
et très-obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.
Vous me permettrez,
s'il vous plaît, Monseigneur, d'offrir un très-humble salut à madame la
baronne, la suppliant de me croire sa très-humble servante. J'oserai encore
prendre la confiance en votre bonté de vous prier de faire dire, par quelqu'un
des. vôtres, à M. le prévôt de Sales, que j'attends bien la réponse de celle
que je lui ai écrite, il y a quelque temps.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À FAUBOURG
Elle l'engage à se rendre au monastère de Besançon.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 30 octobre 1637.
MA
TRÈS-CHÈRE FILLE BIEN-AIMÉE,
Je crois que puisque
Mgr de Besançon, votre très-honoré cousin, désire de vous retirer au monastère
de votre profession, il vous en aura écrit ou fait parler ; c'est
pourquoi, ma chère fille, je vous conjure de tout mon cœur de répondre et
correspondre en tout ce qui vous sera possible au juste désir de ce grand
prélat, vous montrant en tout et partout vraie fille de la Visitation.
J'ai vu les prières
que vous avez faites à notre feue chère Mère pour venir en cette maison, à quoi
je ne vous puis rien répondre, sinon qu'il est nécessaire que vous rendiez
votre obéissance à Mgr de Besançon, et lui donniez le contentement [707] qu'il
désire. N'était cela, croyez, ma
très-chère fille, qu'en tout et
partout vous me trouverez disposée à vous servir d'un cœur tout affectionné à
votre bien, et qui vous souhaite incessamment, comme à ma vraie chère fille,
les plus riches trésors des célestes faveurs de notre divin Époux, étant, ma
très-chère fille, votre très-humble, etc. Vôtre du meilleur de mon cœur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
d'Ornans.
À THONON
Quelques détails sur la fondation de Turin.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 31 octobre 1637.
Monsieur et mon très-cher frère,
Je ne vous dirai
rien de notre affliction sur la mort de notre bonne et très-chère Mère,
laquelle est telle que vous pouvez croire ; mais, en tout et partout, il
faut nous soumettre et baiser amoureusement la main toute-puissante qui nous
frappe comme et quand il lui plaît. Cette mort retardera un peu notre départ
pour Turin, bien qu'elle ne saurait empêcher, comme je pense qu'il ne faille
partir avant l'hiver ; car madame Mathilde de Savoie, notre fondatrice,
presse extrêmement et a un grand désir de nous voir delà.
Nous avons ici M. le
théologal de la Val d'Aoste, qui a été à Turin, et a donné tous les prix-faits
et mémoires pour les petits accommodements de la maison ; de sorte, mon
très-cher frère que pour le
présent je ne vois pas que votre présence y soit nécessaire. Mais si on fait
bâtir promptement, comme je le pense,
et que vous puissiez mettre fin à votre procès, il faudra que, nous continuant
votre bonne volonté, comme je vous en prie, mon très-cher frère, vous veniez
pour avoir un peu la [708] conduite du bâtiment. C'est pourquoi je vous
conjure, au nom de Dieu, de nous conserver toujours la sainte dilection que
Dieu vous a donnée pour nous, qui vous aimons et chérissons d'une affection
très-entière et cordiale, et qui ne saurions faire autrement, à cause
premièrement, de ce que Dieu a mis en vous, et encore pour les obligations
particulières que nous avons.
Je vous supplie, mon
cher frère, de faire très-humble révérence à M. le marquis [de Lullin] et à
madame, de notre part. Je n'ai ni la force ni le courage de leur écrire ;
mais oui bien de les honorer et chérir, et de me dire [leur] très-humble
servante. Je sais qu'ils sont affligés, je prie Dieu de tout mon cœur qu'il
soit leur force et consolation ; et pour vous, mon cher frère, qu'il vous
comble des plus riches trésors de sa grâce. Je suis en Lui, de toute mon
affection, mon très-cher frère, votre très-humble et obligée Sœur et servante,
etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
La Sainte expose son état d'épreuves intérieures et
demande conseil.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1637.]
Ma très-chère Mère,
Il a plu à
Notre-Seigneur de tirer à soi, depuis peu de jours, notre toute bonne et chère
Mère Péronne-Marie de Châtel, qui a fait ce passage en vraie sainte, comme à la
vérité c'était une âme où l'on a toujours vu régner l'esprit de Dieu. Bénite
soit à jamais son éternelle Bonté, qui l'avait gratifiée de tant de grâces et
vraies vertus chrétiennes ! Nous sommes demeurées dans un extrême
dépouillement et grande douleur, avec raison. Je lui avais une entière
confiance : c'était tout mon soulas en mes [709] angoisses, et mon aide et
conseil dans les affaires qui nous arrivent continuellement, recevant d'elle un
soulagement et force très-grande. Notre-Seigneur soit béni ! J'adore de
tout mon cœur les sacrés desseins de sa souveraine et paternelle Providence, et
m'y soumets le plus doucement qu'il m'est possible, suppliant sa Bonté d'avoir
pitié de moi, et de me soutenir et conduire dans l'étroit sentier de sa
très-sainte volonté, ne permettant pas que je m'en dévoie jamais, mais
que j'y chemine fidèlement jusqu'au dernier soupir de ma vie.
Je suis toujours
dans mes peines et angoisses intérieures, comme je vous avais écrit, ma chère
Mère, que Dieu m'y avait donné quelque soulagement, non que je fusse
délivrée ; mais j'avais je ne sais quoi qui me tenait fort au-dessus, et
avais de bons intervalles. Environ quinze jours avant le trépas de notre bonne
Mère, les peines se rendirent continuelles et ne me quittent point ; et
comme je le lui dis, et qu'il me semblait qu'il y avait plus de mal que je n'en
pouvais exprimer et que l'on ne pensait, ne le faisant pas bien entendre ni
voir comme je le sentais, elle me répondit fermement : « N'en parlez
à Dieu, ni avec vous-même : ne regardez jamais ce que c'est pour le dire à
qui que ce soit, et ne faites jamais aucun examen là-dessus. Cachez votre peine
à vous-même, et, comme si vous ne la sentiez point, regardez Dieu ; si
vous lui pourrez parler, que ce soit de lui-même. » Cela m'arrêta ;
car si j'eusse voulu examiner, je me fusse embrouillée. De sorte, ma très-chère
Mère, que je ne le fais, ni pour m'en confesser, ni pour vous en dire rien de
plus que ce que je fis en ma première lettre, pensant que c'est assez la même
chose. Dieu, par son infinie bonté, vous en fasse connaître ce qui lui plaira,
et qui m'est expédient pour y faire, avec sa grâce, sa très-sainte volonté. Il
me semble seulement ceci : que je n'appréhende pas si fort le mal que je
faisais au commencement, que j'en suis plus remise à Dieu, sans savoir
comment ; et qu'il m'est avis que je sens une impuissance de [710] rien
faire de contraire à ces saintes et sacrées vertus, et un désir plus attentif à
me surmonter, pour suivre la lumière du bien et fuir le mal, pour petit qu'il
soit, lorsque je l'aperçois, bien que je n'en commette que trop par ma
faiblesse et promptitude. Voilà, ma très-chère et unique Mère, ce que je vois
sans le chercher. Je parle de Dieu, j'encourage aux occasions, j'en écris comme
si je sentais et goûtais ce que je dis ; et cependant c'est toujours avec
un dégoût et violence. Cela ne se peut dire comme on le sent. Ne dois-je pas
laisser de continuer ? Je vous prie, lisez l'épître 65e du
livre IVe ; elle me donne quelque petit soulagement et lumière
que le Bienheureux [François de Sales] entendait : car j'ai une peine
grande, me semblant que je ne me fais pas bien connaître. Si vous me dites que
vous connaissez bien que ce grand Serviteur de Dieu parle de ma souffrance,
cela me donne grande force. J'ai admiré cette lettre-là ; car je n'ai nul
souvenir d'avoir jamais eu semblable peine. Autrefois, c'étaient des tentations
que j'avais contre quelque chose de la foi, comme il se voit dans ses
épîtres ; mais ce que je sens est tout différent : aussi est la
lettre différente des premières. Ce qui me fait croire que Dieu permit que
j'eusse quelque courte atteinte de ce que je sens maintenant, pour faire écrire
cela au Bienheureux [évêque], me souvenant bien du temps, et que j'eus une
grande angoisse ; je ne me souviens de sa qualité.
Il a fallu que, pour
cette fois, j'aie donné licence à mon cœur de vous dire ceci, qui est peut-être
assez inutile : mais comme je sais et sens votre bonté de cœur pour moi,
et que je n'ai plus aucune créature au monde à qui je puisse avoir cette pleine
confiance, qu'à vous, je me soulage en vous disant tout ce qui me vient, et
encore par le grand désir que j'ai de me faire connaître à vous et à ce digne
serviteur de Dieu, afin que vous me secouriez de vos prières dans cet extrême
besoin, et de vos sages conseils de tous deux, selon que [711] vous jugerez
expédient. Votre dernière lettre m'a beaucoup consolée.
Nos Sœurs m'ont
remis le fardeau de cette maison ; j'ai acquiescé, après avoir fait mes
remontrances. Dieu, par sa bonté, me soit en aide ! Notre pauvre défunte
nous a laissé de grandes affaires. C'était une âme généreuse, qui entreprenait
beaucoup pour la gloire de Dieu. Je ne vois et ne sens que croix. Mon unique
Mère, secourez-moi et me faites secourir, en sorte que Dieu me tienne de sa
sainte main, et me conduise entièrement selon son bon plaisir, et sans que j'y
fasse aucune résistance. Je supplie sa bonté de parachever en vous l'œuvre de sa gloire. Il sait combien véritablement je suis vôtre,
etc.
Voyez-vous, ma chère
Mère, je n'ose relire cette lettre, non plus que les autres que je vous ai
écrites, de crainte d'ouvrir la porte aux réflexions et regards sur ce qui se
passe en mon intérieur, à cause que la vue me pénètre de douleur et me met au
non plus ; de sorte que je m'en abstiens tant que je puis, et non tant que
je voudrais, à cause de l'activité de mon esprit. Quand je vous écris, c'est
avec la sincérité que je puis, selon la vue présente, et comme j'eusse fait à
notre Bienheureux Père ; mais si après je voulais regarder, il me
fournirait mille doutes. Je continue mes communions journalières, avec de
grandes peines et tentations quelquefois, et tous les autres exercices ;
ne le dois-je pas faire ? Notre bonne Mère disait qu'oui. Votre, etc.
[712]
À THONON
Affaires concernant le monastère de Chambéry.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 4 novembre 1637.
Mon très-cher frère,
Vous verrez, par
celle que je vous ai écrite, comme vont les affaires de Turin. Il n'est pas
nécessaire que vous y alliez pour ce coup-ci. Je désirerais bien savoir si vous
irez bientôt à Chambéry, car nos bonnes Sœurs de là le voudraient bien, afin
que vous prissiez la peine de leur faire avoir le contrat de leur maison, ou bien
qu'on les laissât dans la liberté de la vendre si l'occasion s'en présente. Je
supplie Notre-Seigneur qu'il vous continue ses plus chères grâces et
bénédictions. Je suis, mon très-cher frère, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À TURIN
Le décès de la Mère de Châtel oblige d'ajourner le voyage
de Piémont.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 4 novembre 1637.
Madame,
Nous avons appris,
par le retour de notre messager, votre indisposition, laquelle nous affligerait
extrêmement, si nous ne la regardions dans le bon plaisir de Dieu, qui doit
être notre [713] unique regard en tout, et si nous n'espérions que sa
souveraine Bonté vous redonnera votre première santé et vous conservera encore
longues années pour sa gloire, et pour perfectionner le saint œuvre que sa
Providence confie entre vos mains. Nous lui avons offert et offrirons nos
petites prières à cet effet, avec la communion générale.
Quant à notre
passage de delà, croyez, Madame, que nous n'avons pas moins d'envie de vous
aller rendre, et à M. le marquis votre très-digne fils, nos soumissions et
très-humbles obéissances, que votre piété, Madame, nous témoigne de désir de
nous y voir. Mais le Père dom Juste nous a écrit qu'il sera retardé pour un
mois, parce qu'il a fallu encore réécrire à Rome pour l'éclaircissement de
certaines difficultés ; et déjà nous avions écrit que nous ne pouvions pas
partir avant le 22 de ce mois, à cause de l'affliction qui nous est survenue,
par le trépas de notre très-bonne Mère Supérieure de céans, Péronne-Marie de
Châtel, la privation de laquelle nous a été sensiblement douloureuse ; car
c'était une âme en laquelle vraiment Dieu régnait, [714] et qui est d'une
grande perte à tout notre Institut, principalement à ce monastère et à moi en
particulier. Mais en tout il faut adorer la très-sainte volonté de Dieu, et
nous y soumettre amoureusement quoique douloureusement, nous confiant que sa
divine Majesté saura bien subvenir à toutes nos pertes, comme je l'en supplie
de tout mon cœur, et de faire abonder sur vous, Madame, et sur votre illustre
maison, ses plus favorables bénédictions. C'est le souhait de celle qui demeure
sans fin d'une affection pleine de respect, Madame, votre très-humble, etc.
Témoignage de gratitude pour les soins dont il entoure le
monastère d'Angers. — La Supérieure doit être le modèle de ses Sœurs. Compte
sévère qu'elle devra rendre à Dieu. — Conseils pour l'oraison.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
Mon très-cher et très-honoré frère,
L'amour sacré de ce
divin Sauveur soit notre éternelle vie ! Cette petite préface sur la
prétendue excuse que vous me faites, est encore trop pour la très-simple
confiance avec laquelle nous avons résolu de traiter ensemble, et que je crois
que Dieu désire et agrée, dans la profession
que nous faisons de vouloir vivre dans la vraie simplicité et candeur de
l'esprit de la Visitation, lequel certes je vois reluire en vous ; et j'en
bénis Dieu de tout mon cœur, ne pouvant assez remercier son infinie Bonté [715]
d'avoir donné un tel ami à notre Congrégation, et un si utile appui à cette
nouvelle plante que sa Providence a mise au parterre de l'Eglise d'Angers. Mais
je dis ceci tout simplement, selon les véritables sentiments de mon cœur ;
prenez-le ainsi, mon très-cher frère, et en glorifiez Dieu avec moi, car à lui
seul doivent être référées toutes nos bonnes actions, comme au seul et
véritable auteur de tous biens.
Votre conduite
envers nos Sœurs me ravit. Notre Sœur M. -Euphrosine [Turpin] est d'un bon cœur
et bon esprit, qui aime ses règlements, et je lui recommande fort de les suivre
et s'attacher là pour la conduite des novices. Recommandez-le-lui aussi
souvent : vous la trouverez toute franche et d'un esprit pliable et sainte
condescendance. Il faudra laisser couler les trois ans de la Mère [Claire-Mad.
de Pierre], puis j'espère que la divine Providence pourvoira à sa succession.
Cela est bien important à une nouvelle maison quand les Supérieures y sont souvent
malades, et ne peuvent suivre le train commun. Mon Dieu ! que notre misère
est grande et que la fausse liberté est dangereuse ! La divine Bonté nous
en défende, s'il lui plaît. Les Supérieures, qui doivent porter la lumière du
bon exemple en toutes les communautés, se ruinent et leurs familles aussi,
quand, sous de vains prétextes et sans nécessité, elles se dispensent pour peu
que ce soit du train commun de tous les exercices. Quelle charge donnent-elles
à leur conscience, et quel compte en faudra-t-il rendre à Dieu, non-seulement
de leurs propres fautes, mais de celles encore qui auront été faites à leur
imitation, et au retardement de leur perfection, et de celles qui sont commises
à leurs soins ! Ceci va bien loin, mon très-cher frère, parlez-en quelquefois,
je vous supplie. Une vraie fille de la Visitation est un grand trésor :
Dieu nous fasse la grâce à toutes de le devenir !
Vous ne me dites
point si nos Sœurs sont toujours en votre maison. O vrai Dieu ! que cette
charité est grande et rare ! Dieu [716] vous la récompensera par le don de
sa glorieuse cité éternelle. N'êtes-vous pas obligé à cette infinie Bonté de
vous avoir donné un tel cœur, une âme généreuse et qui n'a d'autre désir que de
le servir ? Allez, mon très-cher frère, allez toujours augmentant et
croissant en la pureté et perfection de ce divin amour, que je supplie vous
combler de la grâce d'une fidèle correspondance à tant de faveurs. Je vois que
c'est tout votre désir, et m'est avis que je vois notre Bienheureux Père vous
regarder comme l'un de ses plus chers enfants. Dieu sait en quelle
considération vous m'êtes devant sa bonté ; mais, las ! mes pauvretés
et misères sont incompréhensibles : Dieu les réduise à sa gloire ! Je
l'espère en sa bonté, et les prières qui lui sont faites pour mes besoins.
Particulièrement, ce m'est une consolation plus grande que je ne vous saurais
dire, d'être assurée du souvenir que vous avez de moi en vos saints
sacrifices ! Continuez-moi cette charité, mon très-cher frère, et me
procurez encore, je vous prie, les prières des bonnes âmes de votre
connaissance.
Il n'y a point de
doute que cette difficulté de ne point raisonner à l'oraison est un
acheminement à une oraison plus simple : et pour peu que l'âme, avec cette
difficulté, se sente accoisée et facilitée à se tenir en révérence devant Dieu,
elle se doit affermir en cette voie où Dieu l'appelle sans doute ; et,
bien qu'elle pâtisse des pauvretés et distractions, elle ne s'en doit éloigner,
mais patienter et demeurer paisible devant Dieu, ne s'arrêtant volontairement
aux distractions. Ains, quand elle est fort traversée, elle doit dire de fois à
autres des paroles de soumission, d'abandonnement, de confiance et d'amour en
la divine volonté, et cela sans effort et fort suavement ; ou bien [elle
doit] préparer quelque sujet pour s'entretenir avec Notre-Seigneur en lui
parlant du mystère intérieurement, s'il se peut, ou vocalement, mais fort
simplement, au lieu d'employer l'entendement. Car, quand ces raisonnements se
portent à la curiosité, cela est fort dangereux, et n'est pas oraison,
laquelle, à proprement [717] parler, est un simple entretien tout cordial de
l'âme avec Dieu, soit par actes de paroles intérieures, ou par de simples
affections qui sont quelquefois quasi imperceptibles. Pour peu que Dieu nous attire
à cette oraison simple, nous soustrayant le discours de l'entendement, nous
devons suivre son attrait ; car aussi bien nous nous romprions la tête de
vouloir faire autre chose. Enfin, le grand secret de l'oraison, c'est d'y aller
à la bonne foi, fort simplement, suivant l'attrait intérieur. Or, les âmes qui
vont le chemin de la simple présence de Dieu, qu'elles y correspondent par une
grande pureté de cœur, abandonnement d'elles-mêmes en la divine volonté et
fidélité à la pratique des vertus. Quand elles se voient portées à cela,
qu'elles ne craignent rien : mais si elles y avaient de grands goûts et
facilités sans cela, certes elles doivent craindre ; car il est vrai, mon
très-cher frère, que cette manière d'oraison a, en sa simplicité, une grande force
pour porter les âmes au total dénûment d'elles-mêmes, bien que pour l'ordinaire
elle soit destituée de goûts et satisfactions sensibles. Votre, etc.
Mort de la Mère de Châtel. — Conseils de direction.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1637.]
C'est de tout mon
cœur, ma très-chère fille, que j'embrasse le sacré décret de la divine
Providence. Il est vrai que j'ai eu un grand sentiment de douleur de me voir
dépouillée de cette si chère et cordiale Mère Péronne-Marie de Châtel, qui
m'était un appui et consolation incroyables et une ferme colonne de l'Institut,
ayant une charité universelle pour toutes les maisons. Dieu me fasse la grâce
de l'imiter en ses vertus, et que sa Bonté nous conserve les bonnes Mères qui
nous restent ! Et pour cela, [718] je vous conjure d'accroître votre
courage, pour tant mieux servir à la gloire de Dieu et à votre Institut, et
vous conserver pour ce bonheur et pour ma consolation.
Que vous êtes
heureuse de n'avoir rien dans votre esprit que le désir de servir Dieu et sa
sainte Mère ! Il me semble que je vois votre esprit toujours tendant à ce
bonheur, avec sa simplicité et ardeur à travailler, et faire plus que vous ne
pouvez pour le service de-la Religion. Or sus, tout cela sont des grâces de
Dieu. Cette inclination et désir de vous tenir en la présence de Dieu est une
continuelle oraison et réfection sainte pour l'âme désireuse de Dieu. Soyez
toujours plus fidèle à ce saint exercice, et il vous donnera force en tous vos
besoins. Soyez joyeuse et zélante de la perfection et joie de vos
Sœurs ; priez beaucoup Dieu pour elles. Ma chère fille, allez toujours en
avant dans votre voie, et ne retournez nullement sur vous-même par réflexions
inutiles. Ne voyez-vous pas que Dieu bénit votre petit emploi ! Que cela
vous suffise, qu'il daigne se servir de votre petitesse et imbécillité
[incapacité].
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE DE LA COMMUNAUTÉ DE CHAMPLITTE RÉFUGIÉE À GRAY.
Remercîments. — Mort de la Mère P. M. de Châtel.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 23 novembre 1637.
Ma très-chère fille,
Il n'y a que fort
peu de temps que je vous ai écrit une grande lettre ; c'est pourquoi je
n'ai rien à vous dire, sinon que nous vous remercions de votre aumône et de
celle que vous désirez de faire pour une bonne œuvre. Je crois enfin que nous
avons [719] reçu toutes vos lettres ; celle que je vous ai écrite servira
de réponse à toutes. Pour ce qui regarde votre petite fondatrice, vous faites
très-bien de faire vos affaires avec le plus d'assurance qu'il vous sera
possible. Je suis en peine de vous voir dans les dangers de la contagion. Je
vous prie de ne vous plus mettre en danger comme vous avez fait.
Votre bon cœur sera
touché sensiblement, aussi bien que nous, de la grande perte que nous avons
faite au trépas de feu notre bonne Mère Supérieure ; mais il a plu à notre
bon Dieu nous donner cette affliction, laquelle nous serait insupportable si
nous ne regardions la divine volonté ! Voilà, ma très-chère fille, tout ce
que je peux dire sans loisir. Assurez-vous que je vous suis d'une affection
très-sincère, ma très-chère fille, votre très-humble, etc.
[P. S.] Je salue bien chèrement toutes nos chères
Sœurs. Je me recommande de tout mon cœur à leurs prières et aux vôtres, et vous
souhaite à toutes les plus précieuses grâces du ciel. Nous envoyons à la Mère
de Besançon la lettre que j'ai écrite aux Supérieures.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À CHAMBÉRY
Dans quelles dispositions on doit souffrir les tentations
et peines intérieures.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 3 décembre [1637].
Pardonnez-moi, ma
très-chère fille, si j'ai tant tardé à vous répondre ; certes ce n'est pas
faute d'affection, car Dieu me l'a [720] donnée, et je la sens très-grande pour
votre consolation ; mais je suis bien embarrassée d'affaires. Hélas !
que j'ai de compassion de votre cher et bon cœur ; mais, ma fille, j'ose
vous assurer de la part de Dieu, vu la grandeur de sa miséricorde et des
merites de son saint Fils, que son ciel et son paradis vous est assuré, et que
les souffrances de tentations et sécheresses et désolations intérieures ne nous
sont données et permises que pour pénitence de nos fautes, et cela par un grand
amour de Dieu envers nous ; car sa Bonté ne donne ces travaux en cette vie
que pour nous exempter des éternels, et nous faire mériter l'héritage des
Saints. Tenez-vous assurée de cela, ma très-chère fille, car je vous proteste
que s'il fallait me mettre au feu pour vous assurer de cette vérité, que je le
ferais de tout mon cœur avec la grâce de Dieu que je vois si clairement vous
avoir choisie pour son éternité de gloire que je n'en puis douter. Mais sa
divine volonté est que vous souffriez humblement et doucement ses verges et
châtiments, et que vous aimiez sa juste ordonnance en cela. Que vous doit-il chaloir,
ma fille, d'avoir des consolations et bons sentiments ou de n'en point avoir,
puisque notre salut ne dépend nullement de cela, mais de l'intime résolution de
ne point offenser Dieu, et de nous abandonner à sa merci, faisant le bien qu'Il
veut que nous fassions, sans goût, sans satisfaction ni contentement, ains avec
répugnance [721] et à contre-cœur, et puisqu'il plaît à sa Bonté que vous
cheminiez par cette voie, pourquoi ne le voulez-vous pas faire ? Il a dit,
ce divin Sauveur, qu'il n'y a que les violents qui ravissent le ciel, et
pourquoi donc ne vous violenteriez-vous pas pour faire l'œuvre de votre salut
sur cette croix ? car les actions extérieures sont en votre pouvoir, et
Dieu ne veut que cela de vous, et que vous demeuriez patiente dans vos peines,
sans les agrandir par les réflexions que vous faites dessus, lesquelles vous
devez refuir comme les plus cruelles tentations.
Soyez assurée que
quand vous vous humilierez à vivre doucement dans cette guerre et y ferez ce
que l'on vous conseille, que son travail ne sera plus rien, et qu'enfin Dieu
vous en délivrera ; je vous en assure de sa part. Mais patience, et faites
le bien qui est en votre pouvoir, je vous en conjure, ma très-chère fille, et
de prendre un grand courage, je veux dire une forte résolution pour cela. Je
prie Dieu qu'il vous en fasse la grâce, et que sa sainte Mère vous tienne
toujours dans le sein de sa maternelle dilection. Je suis de cœur toute vôtre.
Je me suis oubliée
de saluer ma Sœur la Supérieure et nos Sœurs A. -Françoise et M. -Julienne
[Bertrand de la Perrouse].
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À THONON
Retard de la fondation de Turin. — Admission d'une
postulante.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 8 décembre 1637.
Mon bon et très-cher frère,
Nous voici encore,
Dieu merci ; car il a fallu renvoyer à Rome pour savoir le nombre des
Religieuses qui passeraient les monts, si que nous sommes encore ici, et
peut-être pour tout l'hiver. [722] Ce sera ce qu'il plaira à Dieu. Cependant,
nous vous remercions de la charité que vous faites à nos Sœurs de Chambéry pour
leurs affaires. Son Excellence leur a fait dire qu'il veut que le contrat se
passe avant qu'il parte, si que je crois qu'il serait bon que vous lui en
écriviez. Je suis fort pressée, ce qui me fait finir, ayant prié Notre-Seigneur
vous combler toujours de son saint amour, auquel je suis de cœur, mon très-cher
frère, votre très-humble et affectionnée sœur et servante.
[P. S.] Mon bon cher frère, nous écrivons à cette
bonne damoiselle de madame la marquise, qui désire tant d'entrer céans, que
peut-être nous la pourrons recevoir entre ci et Noël ou Pâques ; mais de donner une résolution absolue, nous
ne le pouvons faire, seulement l'assurerons-nous que nous ferons ce que nous
pourrons.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE DE LA COMMUNAUTÉ DE CHAMPLITTE RÉFUGIÉE À
CRAY'.
Difficulté de correspondance avec elle. — La Supérieure
doit former aux charges les Sœurs capables de les exercer.
VIVE † JÉSUS. '
[Annecy], 13 décembre [1637].
Ma
très-chère fille,
Je vois, par la
vôtre dernière, que vous avez bien fait vos affaires avec madame la marquise, touchant votre petite fondatrice, de quoi je
bénis Dieu. Voilà votre maison de [723] Champlitte et de Gray qui va être bien
accommodée pour le temporel ; il ne reste, sinon qu'il plaise à notre bon
Dieu nous donner une bonne paix, laquelle nous demandons journellement à [sa
Bonté].
Depuis environ un
mois ou six semaines, voici la quatrième lettre que je vous écris, dont l'une
était assez grande et les autres étaient courtes, à cause du peu de temps que
j'ai. Nous n'avons pas su vous envoyer de nos nouvelles par ceux qui ont amené
nos Sœurs de Besançon ; car ils ne furent pas seulement jusqu'à Thonon.
Ils s'en retournèrent dès delà le lac, et nos Sœurs furent arrêtées sept ou
huit jours hors de Thonon pour les un peu purifier, à cause de la contagion qui
est à la Comté. Néanmoins, peu de jours après, elles ont été en ce lieu.
Nous avons écrit à
la bonne Mère de Besançon, et lui avons adressé une lettre pour vous [avec]
celle [qui annonce] la mort de notre chère Mère Supérieure. Je ne doute point
que votre bon cœur n'en soit vivement touché aussi bien que les nôtres ;
mais il faut bénir Dieu de tout. Nous avons reçu toutes vos lettres et même
celles que vous avez envoyées par la voie de Lyon ; mais elles sont
demeurées beaucoup de temps avant de nous être rendues. Je crois bien que ma
Sœur la Supérieure de Besançon ne manque pas d'envoyer fidèlement vos
lettres ; mais voici un temps qu'il ne faut pas douter qu'on ait beaucoup
de peine de les faire tenir sûrement ; c'est pourquoi il faut avoir
patience. Et ne croyez pas, encore que vous ne recevrez souvent de nos
nouvelles, que pour cela je vous mette en oubli car je vous assure que vous
êtes l'une de mes [filles] bien chères. Mais je vous prie de ne pas tant faire
la vaillante et de vous un [724] peu conserver, crainte que vous ne puissiez
pas subsister. J'approuve bien que, tant que vous pourrez, vous suiviez la
communauté ; mais je vous conseille de laisser faire les charges à vos
Sœurs, car en les instruisant bien de ce qu'elles doivent faire en leurs
offices, elles s'y dresseront et vous n'en serez pas si surchargée. C'est une
chose épouvantable que d'entendre la grande cherté qui est en votre pauvre
pays ; notre bon Dieu y veuille répandre ses miséricordes !
Néanmoins, ma très-chère fille, nonobstant toute cette cherté, faites tout ce
que vous pourrez pour bien nourrir vos filles ; car Dieu et la charité le
veulent ainsi, et cela même accroîtra votre maison en bonne réputation.
Ma toute très-bonne
et chère fille, je prie Dieu que son Esprit Très-Saint vive et règne toujours
parmi nous. Recommandez-moi à sa miséricorde et à toutes vos Sœurs, que je
salue. Je suis, et de cœur, tout à fait vôtre, ma fille.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À PIGNEROL
Départ de la Mère A. C. de Beaumont pour Pignerol. — Affaires
temporelles.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 15 décembre [1637].
Ma très-chère fille,
J'eusse bien désiré
que vous m'eussiez un peu écrit les manquements principaux que vous avez
reconnus à ma Sœur, et qui sont nuisibles et préjudiciables à une communauté, et
au bon exemple et profit spirituel que doit donner une Supérieure, et si elle
est capable de s'amender sur les avis qu'on lui donnera. [725] [Deux lignes
illisibles.] Marquez-moi donc, ma chère fille, les choses principales, et
si vous jugez qu'elle se puisse amender jusqu'à ce point de conduire une
communauté en union et observance. Au reste, voilà notre chère Sœur A.
-Catherine [de Beaumont], qui s'en va à sa place [de Supérieure] ; mais,
certes, pour la tenir comme à la gloire de Dieu et au profit de vos âmes, car
c'est une fille vraiment vertueuse et bonne. Il est vrai, elle est
infirme ; mais elle suit les communautés, et ne tient quasi jamais le lit,
et lui faut si peu de choses que je m'assure que vous en serez étonnée, et cela
sans cachette ni mystère. Ma Sœur Jeanne-Catherine [Besson], de laquelle vous
connaissez la sincérité, vous en dira plus que moi. Certes, il me fâche tout de
bon de la voir sortir de céans, et nos deux autres bonnes Sœurs, car elles sont
filles de vertu et de service, et desquelles votre maison recevra de grandes
utilités. Dieu veuille que nous en recevions autant de celles que vous nous
avez envoyées ! Certes, ma très-chère fille, c'est bien faire la chanté
cela, l'expérience vous la fera mieux connaître et estimer.
Toute cette troupe
vaudra à votre maison sept mille trois cents livres ; et parce que nos
Sœurs de Besançon ne donnent à présent que l'une des dots, qu'il faudra que
vous fassiez venir de Lyon où elle est, en attendant qu'elles vous donnent
l'autre, elles vous en payeront soixante écus de cens attendant qu'elles
vous payent. Et nous de même, nous vous donnerons trente ou trente-deux
ducatons, je ne sais pas lequel, pour les cinq cents ducatons de dot de ma Sœur
A. -Catherine ; mais à condition que, lorsqu'elle reviendra, sa dot sera
aussi rendue au monastère. Ma Sœur M. -Antoinette [de Vosery] vous parlera plus
amplement de toutes ces choses. Seulement vous prié-je, ma très-chère fille, de
tenir votre âme fort en paix, et procurer que Dieu soit glorifié en votre maison.
Je salue bien chèrement toutes nos Sœurs, mais particulièrement ma bonne chère
Sœur [726] M. -Hélène [d'Arères]. Je supplie notre divin Sauveur qu'il vous
fasse abondamment participantes des mérites de sa glorieuse Nativité. Je suis,
ma très-chère fille, votre très-humble, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
ÉVÊQUE DE LAUSANNE
Proposition touchant la fondation de Fribourg.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 22 décembre 1637.
Monseigneur,
Soudain que nous
eûmes reçu celle qu'il plût à votre bonté de nous écrire, nous y répondîmes
promptement. Maintenant, Monseigneur, je ne vous saurais dire combien est grand
le déplaisir que je souffre du mécontentement que Votre Seigneurie Illustrissime
reçoit du procédé de notre Sœur la Supérieure de Besançon, laquelle sans doute
n'a pas reçu nos dernières lettres, par lesquelles je lui disais les deux
propositions qu'il plaisait à votre débonnaireté de lui faire : l'une, que
si elle voulait laisser toutes les filles de Besançon à Fribourg, Votre
Seigneurie les garderait de bon cœur, moyennant l'accomplissement du contrat
passé entre elles des douze mille florins et qu'on ne répétât point certains
cinq cents écus, ni les mille francs de la dot de celle qui est allée à
Gray ; la seconde, que si elle voulait les filles, Votre Seigneurie
Illustrissime les lui rendrait aussi de bon cœur avec tout ce qu'elles ont
apporté, pourvu qu'on vous laissât ma Sœur la Supérieure avec une autre, que vous
garderiez, Monseigneur, pour faire l'établissement avec celles qui ont le
bonheur d'avoir été reçues et voilées de la main de Votre Seigneurie
Illustrissime. Je lui dis qu'elle avait le choix, et que [727] le parti qui me
semblait plus avantageux pour la maison, c'était de laisser toutes les filles
de Besançon à Fribourg, avec l'accomplissement du contrat et sans répéter les
deux points marqués dans la vôtre. Comme aussi je prends la confiance de vous
dire, Monseigneur, qu'il serait plus avantageux, ce me semble, pour votre
petite maison de Fribourg qui est toute commençante, de renvoyer les Sœurs de
Besançon, si elles persévéraient à le désirer, et de garder simplement la Mère
avec une ou deux autres pour faire l'établissement ; et, en ce cas, je
crois qu'il ne faudrait rien rendre de tout ce qui est reçu, ains le garder
pour les deux ou trois qui demeureraient à la fondation.
Pour mon
particulier, Monseigneur, je supplie très-humblement Votre Seigneurie
Illustrissime de croire que si j'avais autant de crédit que de zèle et
d'affection à vous rendre nos très-humbles reconnaissances et filiales
soumissions, vous demeureriez dans une entière satisfaction et contentement,
vous assurant, Monseigneur, que Dieu me donne des ressentiments si pressants
des obligations que nous avons à votre bonté, que je donnerais de bon cœur un
de mes yeux pour cela. J'écris derechef à ma Sœur la Supérieure de Besançon
toutes mes pensées sur ce sujet ; et j'ai confiance, Monseigneur, que vous
recevrez satisfaction de son humble reconnaissance envers Votre Seigneurie
Illustrissime, que je supplie très-humblement de croire que je n'ai rien du
tout contribué à cela. Il est vrai que m'ayant écrit qu'elle ne pourrait plus
supporter les charges et les dépenses qu'il fallait qu'elle fournît pour la
maison de Fribourg, je lui répondis d'en conférer avec le Supérieur et ses
conseillères, et qu'après elle écrivît tout simplement à ma [728] Sœur la Supérieure de Fribourg ce qu'elle
pourrait faire pour elle.
Voilà, Monseigneur, tout ce que j'en ai dit et témoigné. Dieu, par les
mérites de sa très-sainte Nativité, nous rende dignes de la continuation du
bonheur et honneur de votre bienveillance. Je baise vos mains sacrées, et
demandant sa sainte bénédiction, je demeure avec tout respect et humilité possible,
m'étant recommandée à vos -saintes prières, Monseigneur, votre très-humble,
très-obéissante, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À POITIERS
Arrivée de Sœur M. -Angélique de Bigny à Poitiers. —
Droiture et sincérité des Sœurs de Lyon ; ne conserver aucune défiance à
leur endroit.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, décembre 1637]
Ma très-chère fille,
Je bénis Dieu de tout mon cœur de l'heureuse arrivée auprès de vous de
notre chère Sœur M. -Angélique [de Bigny]. Je crois que sa Bonté vous a choisie
pour le bien et le soulagement de sa chère âme. C'est un bon cœur, qui ne veut
sinon être porté avec amour et douceur ; avec cela, j'espère en
Notre-Seigneur qu'elle vivra avec paix et consolation auprès de vous. C'est le
bonheur que je lui souhaite de tout mon cœur ; et à vous, ma très-chère
fille, l'abondance des grâces et mérites de la très-sainte Nativité de notre
doux Sauveur.
Quant à ce qui est de nos Sœurs de Lyon, je vois que l'on vous a donné
des impressions d'elles fort éloignées de leur esprit et de leur manière de
procéder ; car, ma très-chère fille, [729] nos Sœurs de Lyon, et particulièrement la Mère et ma Sœur M. -Aimée de Blonay, marchent
dans une entière sincérité, rondeur et charité pour le bien de nos maisons, et
elles s'y portent avec une grande franchise et droiture, dans les occasions que
Dieu leur présente de l'exercer. Et ceci, ma très-chère fille, je vous prie de
le serrer au fond de voire cœur, comme une vérité très-assurée ; et ne
craignez point qu'elles prétendent de décharger leur maison des esprits qui
leur pourraient faire de la peine, en vous faisant la charité qu'elles vous ont
promise. Il est vrai, ma chère fille, que pour les filles de gouvernement,
elles sont si rares que celles qui les ont désirent de les garder pour
elles ; la charité bien ordonnée commence toujours à soi-même. La maison
de Lyon a fait quantité de fondations auxquelles il faut qu'elle
fournisse ; de sorte que maintenant elle est remplie toute de jeunesse,
parmi lesquelles elles en ont vraiment qui sont des filles d'espérance ;
mais, ou il y a de l'impossibilité à les tirer de là pour plusieurs
considérations, ou elles désirent les garder pour elles. Je leur écris, selon
votre désir, de vous donner la Mère de Blois [Claude-M. de la Martinière] et sa
compagne ; si elles peuvent vous l'accorder, comme je les en prie, votre
maison ne sera pas mal partagée. Mais, si vous ne pouvez pas les avoir, je
crois, ma très-chère fille, qu'à cause de toutes ces petites préoccupations
d'esprit que l'on vous a données contre nos Sœurs de Lyon, il sera mieux que
vous n'en preniez point. Vous verrez néanmoins le contraire de ce que l'on vous
a fait appréhender, qu'elles vous enverraient leurs filles sans vous en donner
avis ; car si bien voire lettre m'est arrivée fort tard, c'est assez tôt
pour leur faire savoir votre volonté, avant qu'elles aient pensé à faire partir
leurs Sœurs. [730]
Pour ce qui est de
la Mère déposée de Condrieu et de la fondation de Vienne, je vous puis assurer,
ma très-chère fille, que nos Sœurs de Lyon n'y pensent point pourtant, et que,
comme je vous ai déjà dit, elles marchent avec trop de droiture, de rondeur et
de charité pour rechercher leur décharge plutôt que le bien et soulagement de
votre maison, en vous donnant les deux Sœurs qu'elles vous ont promises.
Ma toute chère
fille-, en la confiance que votre chère âme m'a toujours donnée, je vous prie
de ne point laisser entrer dans votre cœur chose quelconque qui puisse faire
ombre à la sainte charité et bonne estime que vous devez conserver pour vos
Sœurs de la Visitation. Je dis ceci à vous seule : il nous faut garder des
préoccupations des autres. Ma fille, je suis vôtre d'une affection tout à fait
sincère et, ce me semble, tout accomplie en cordiale dilection et estime de
votre véritable bonté et vertu. Dieu vous comble de son saint amour. Priez pour
moi.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers.
À MONTPELLIER
Affaires. — Union cordiale qui doit régner entre la
Supérieure et la Sœur déposée.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 31 décembre [1637].
Ma très-chère fille,
Ne vous mettez point
en peine de ce que vous n'avez pas su avoir l'attestation de Mgr l'archevêque,
bien que, lorsque vous la pourrez commodément avoir, nous en serons bien
aises ; mais il n'y a rien qui presse. Vous faites très-bien de ne dire à
personne le sujet pourquoi nous les demandons, et je vous prie surtout de n'en rien
témoigner aux Pères N. N., car ce n'est pas [731] eux qui ont fait tout le
mal ; et puis cela ne servirait à rien qu'à les aigrir et leur causer du
refroidissement. Vous avez donc fait prudemment de ne pas en parler. Nous voici
encore à cause qu'il faut attendre quelque permission de Rome pour le nombre
des Sœurs qui doivent aller en la fondation [de Turin], et le froid venant,
peut-être que cela nous fera arrêter ici et y passer l'hiver, sinon qu'il
vienne un temps fort doux.
Je suis bien aise de
ce que Notre-Seigneur répand ses bénédictions spirituelles sur nos chères
Sœurs, et que sa bonté s'étend à les pourvoir aussi pour le temporel. Ma
très-chère fille, votre cœur va fort bien, et bénie soit la bonté de notre doux
Sauveur qui vous donne de si bonnes lumières ! car il est vrai, ma toute
chère fille, que tout est compris en ces deux points : tenir son âme dans
cette dépendance et confiance en la divine Providence, et s'appliquer
fidèlement aux œuvres et actions de vertus en toute occasion ; c'est le
vrai moyen de se désintéresser et dépouiller de soi-même. Allez toujours ce bon
train, ma très-chère fille, et vous deviendrez grande dans l'aimable petitesse
et humilité de cœur, qui seule peut ravir celui de notre très-bon Dieu.
Vous m'avez fait
grand plaisir de me dire naïvement les petites choses que vous me marquez. Elle
[la Mère F. E. de Novéry] m'en parle, et s'accuse fort bien de ses
manquements ; et, là-dessus, je lui dis mes pensées, dont je vous assure
qu'elle fera profit ; car c'est un trop bon cœur, et que j'ai toujours
connu bien disposé aux avertissements. Elle me dit que ce qui lui fait peine,
c'est qu'elle connaît que vous ne l'avertissez pas assez franchement ;
mais ne lui en faites aucun semblant. Tirez-en seulement son utilité,
l'avertissant avec une humble et cordiale franchise, et entre vous deux
seulement, afin que cela ne cause pas aux filles quelque amoindrissement
d'estime, ce qui pourrait nuire tandis qu'elle est en charge. Enfin, ma
très-chère fille, soyez-lui bonne Mère par zèle de charité, pour la [732]
rendre une bonne Supérieure ; et soyez-lui bonne fille par
humilité, tenant toujours en main notre grande règle de la très-sainte charité,
car j'ai bien envie que vous me la dressiez bien avec votre douceur et adresse.
De lui avoir cette ouverture de cœur pour tout le vôtre, comme vous l'avez avec
moi, je crois bien que cela vous est impossible ; mais tâchez
d'avoir toute celle que la sainte charité vous dictera, et plus pour son
utilité, car je crois que cela lui profiterait. Enfin je vous souhaite bien à
toutes deux une sainte franchise et cordiale dilection, qui rende sa bonne
odeur à toute la maison, et qui profite à cette jeune Mère. Je vous dis ce qui
me vient dans mon entière confiance, et croyez que votre cœur m'est précieux et
votre confiance filiale, et ne doutez jamais de cela ni de mon entière
affection ; car je suis vôtre et d'un cœur incomparable. Dieu nous rende
toutes siennes ! Qu'il soit béni ! Amen !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE DE LA COMMUNAUTÉ DE SAINT-AMOUR RÉFUGIÉE À
BOURG EN BRESSE
Charité de l'Institut envers la communauté de Saint-Amour.
— Offre des Sœurs de Bourges.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 31 décembre 1637.
Ma très-chère fille,
Je ne puis passer
ces grandes fêtes sans vous souhaiter les bénédictions et consolations de la
très-sainte naissance de notre divin Sauveur, et vous conjurer avec toutes nos
chères Sœurs, de m'impétrer de sa douceur la grâce et la force d'accomplir
parfaitement sa très-sainte volonté, soit en souffrant ou en agissant. Je suis
grandement consolée de voir que la très-sainte [733] charité règne dans notre
saint Institut, ainsi que vous et plusieurs de nos Sœurs les Supérieures nous
ont fait savoir les assistances qu'elles ont faites à votre maison, de quoi je
tâche de les remercier, et surtout M. le commandeur de Sillery et nos bonnes
Sœurs de Bourges, qui m'ont mandé que leur communauté désire prendre une de vos
Sœurs, avec l'agrément de Mgr leur bon prélat, jusqu'à ce que vous soyez
rétablies en votre première maison. Croyez, ma fille, que nos pauvres maisons
font bien tout ce qu'elles peuvent, et quelquefois par-dessus leurs
forces ; mais Notre-Seigneur les saura bien récompenser. Je crois que vous
ne manquez pas de les bien remercier.
J'ai aussi écrit à
la bonne Mère de Nevers si elle nous pourrait faire la charité de vous
décharger encore d'une fille. Il faut que vous la priiez et conjuriez, par une
de vos lettres, qu'elle vous fasse cette charité, afin que vous la puissiez
envoyer avec celle qui ira à Bourges, ce qui se pourra faire seulement au
printemps.
Je suis de tout mon
cœur, ma très-chère fille, votre, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
La Sainte décrit ses peines intérieures, et l'attrait de
simplicité et de dépouillement par lequel Dieu la conduit.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, décembre 1637.]
Ma très-chère mère,
Notre Sauveur
remplisse nos âmes des consolations et mérites de sa très-sainte
naissance ! Il y a environ un mois que je reçus la vôtre du 9 de novembre,
qui me signifie la véritable bonté et soigneuse dilection que votre âme a pour
la mienne [734] toujours affligée, non tant toutefois, par la divine grâce,
qu'elle était la dernière fois que je vous écrivis, où je disais la
très-sensible affliction dont Notre-Seigneur nous avait visitées, par le trépas
de notre bonne et vertueuse Mère de Châtel : privation qui m'est
grande ; mais j'adore de tout mon cœur la très-sainte volonté de Dieu, que
je vois, ce me semble, me vouloir entièrement nue et dépouillée de tout, en
l'intérieur et extérieur. C'est la prophétie que me fit notre Bienheureux Père,
avant que je fusse Religieuse. Hélas ! je le veux de tout mon cœur ;
c'est le seul bien que je désire, que l'accomplissement de ce sacré vouloir, en
tout sans exception. Que sa Bonté me fasse la grâce que je ne lui résiste en
rien que ce soit ! O Dieu ! serai-je si heureuse que cette grâce et
miséricorde se parfassent en moi ? Demandez-la-lui pour moi, ma
très-chère Mère, je vous en prie.
C'est grand cas,
quand je vous parle, je m'attendris toujours un peu : je le fais rarement,
bien que quelquefois, dans les vues et sentiments de la privation et
soustraction de ces précieuses vertus et des pensées contre elles, qui me sont
autant de dards dans le cœur. Je les vois pourtant, ces divins trésors, je ne
sais où ; au moins il me semble que je les désire, et voudrais souffrir
toutes choses pour en avoir la jouissance, et que rien ne saurait être
affliction [pour moi] que leur privation. Mon âme voit je ne sais quelles
délices, aux âmes qui possèdent ces dons sacrés, d'une vue qui me ferait
dessécher de douleur, si je m'y arrêtais. Mon Dieu ! si j'étais si
heureuse de pouvoir donner mon sang et ma vie pour la sainte Église, oui pour
le plus petit article de cette sainte foi, ce me serait un délice ; car,
grâce à Dieu, je ne doute de rien, et suis destituée de tout, ce me semble.
Il faut passer outre
et vous dire, ma très-chère Mère, que fort peu de temps après que je vous eus
écrit, il plut à la divine Bonté me soulager un peu de ces grandes pressures et
[735] angoisses que j'avais alors, par un plus sensible sentiment de sa divine
présence ; car je pense vous avoir dit que toujours il m'a été laissé
quelque mince et imperceptible sentiment ou vue de Dieu, où mon esprit trouvait
quelque accoisement en sa fine pointe, emmi ces grands orages des peines et
tentations ; et tandis que j'étais ferme à me tenir là, ce bien causait
quelque paix en mon âme emmi cette piteuse guerre.
Je me souviens que
quand il plut à Notre-Seigneur me donner le commencement de mon soulagement
dans ces grandes tentations, dont je fus travaillée tant d'années au
commencement de mon vœu, sa Bonté me donna cette manière d'oraison d'une simple
vue et sentiment de sa divine présence, où je me sentais tout abandonnée,
absorbée et reposée en Lui. Et cette grâce m'a été continuée, bien que par mes
infidélités j'y aie beaucoup contrevenu, laissant entrer dans mon esprit des
craintes d'être inutile en cet état ; et voulant faire quelque chose de ma
part, je gâtais tout. Et encore souvent suis-je attaquée de cette même crainte,
non pas à l'oraison, mais en mes autres exercices, où je veux toujours un peu
agir et faire des actes, encore que je sens bien que je me tire par ce moyen de
mon centre ; surtout, je vois que cet unique et simple regard en Dieu est
aussi mon unique remède, et seul soulagement dans mes travaux et tentations, et
en toutes sortes d'accidents et divers événements de cette vie. Et certes, si
je suivais mon. attrait, je ne ferais que cela en tout, sans exception. Car si
je pense fortifier mon âme par des pensées et discours, par des résignations et
actes, je m'expose à de nouvelles tentations et peines, et ne puis faire cela
que par une grande violence, qui me laisserait à sec ; si qu'il me faut
promptement retourner à cette simple remise, me semblant que Dieu me fait voir
par là qu'il veut un total retranchement des saillies de mon esprit et de ses
opérations en ce sujet ; car son activité voudrait tout ménager, et
peut-être que Dieu ne veut que cela de moi en [736] toutes choses, je veux dire
aussi en toutes sortes d'exercices spirituels, que cet unique regard en Lui, ni
en toutes mes peines, tentations et afflictions qui peuvent arriver en cette
vie. Et c'est la vérité, que plus je tiens mon esprit ferme là dedans, mieux je
me trouve en toutes choses, et surtout mes peines en sont plus tôt passées. Et
l'activité de mon esprit est si grande, que j'ai toujours besoin d'être
confortée et encouragée pour cela. Hélas ! mon Bienheureux Père me l'a
tant dit ! mais mon esprit réfléchissant me dit qu'il ne m'a pas vue en
ces peines que j'ai maintenant, et que ce n'était que pour l'oraison et
semblables tricheries qui me donnent peine, et quelquefois donnent le
change aux autres, dont je ne me suis pas marrie ; car en celle-ci je ne
vois point de péril et j'y trouve Dieu, et n'ai qu'à me tenir ferme, où ès
autres il m'est avis que je marche toujours sur le bord d'un précipice. Feu
notre bonne Mère Supérieure m'aidait fort ; car elle me portait totalement
à cheminer ferme et sans crainte dans cette simple vue de Dieu en tout et sans
exception ; que cela suffisait. Et plus il y a du dénûment, je dis même
des sentiments de confiance, remise et repos en Dieu, plus, ce me semble, cela
donne de force et suavité à l'âme, qui voit qu'elle veut être simple et si pure
que rien ne l'appuie que Dieu seul.
Nous avons une Sœur
qui chemine dans le plus grand et absolu dénûment, que je pense qui se puisse
voir ; et notre bonne Mère [de Châtel] me
disait que Dieu la faisait cheminer devant moi dans la voie où II veut que je
marche : c'est une âme toute vertueuse. Notre bonne défunte lui fit écrire
son intérieur ; je le lui ai encore fait ajouter par le menu : son
dénûment est admirable. Et, à ce propos, je me souviens qu'il y a quelques
jours que Notre-Seigneur me donna une clarté qui s'imprima fort à moi, comme si
j'eusse vu la chose nûment : que je ne me dois plus regarder, mais marcher
à yeux clos, appuyée sur mon Bien-Aimé, sans vouloir voir ni savoir le chemin
par où Il me conduira, ni non plus avoir soin de chose quelconque, non pas même
de lui rien demander, mais demeurer simplement toute, perdue et reposée en lui.
Or, depuis ce jour de soulagement, il me semble que j'ai été plus ferme à me
tenir en Dieu. J'ai eu rarement de ces violentes attaques, sinon deux ou trois
fois.
Voilà tout ce qui
m'est venu en vue sans répit ; je pense qu'il est ainsi. Si je ne
m'exprime pas bien à cet insigne serviteur de Dieu, vous ne lairrez de
m'entendre et me dire ce qu'il dira. Votre, etc.
FIN
DU QUATRIÈME VOLUME DE LA CORRESPONDANCE.
TABLE DES MATIÈRES
année
1632.
Lettre
MCXXXI. — À la Sœur M. -T. de Labeau, à Arles. — L'Esprit de Dieu exige une grande
pureté des âmes qu'il favorise..................................................................................................................................................... 2
Lettre MCXXXII
(Inédite). —À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Égards dus à madame
de Mépieu. — Le style des Religieuses doit être éloigné de toute affectation. —
Moyens d'entretenir la confiance réciproque. 3
Lettre
MCXXXIII. — À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — La
mortification est le fondement de la perfection. — On peut prolonger le
noviciat des jeunes professes selon leur besoin. 5
Lettre MCXXXIV
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Comment une Supérieure
doit nourrir sa communauté. — Désir que les Filles de la Visitation se servent
de la Retraite du Père dom Sens pendant leurs solitudes annuelles. —
Poursuites à faire pour la fondation de. Mâcon. — Observations sur le chant de
l'Office. — Les Pères Jésuites préparent une nouvelle Vie de saint
François de Sales..................................................................................................................... 6
Lettre MCXXXV.
— Au Père dom Galice, Barnabite, à Montargis. — Les vertus de la Mère Clément
ne permettent pas de douter de la réalité des faveurs extraordinaires dont elle
est comblée........................... 11
Lettre
MCXXXVI. — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Difficulté de
correspondre avec Montpellier. — Reconnaissance pour les bienfaits du prélat. —
Souhaits de bénédiction................... 12
Lettre MCXXXVII.
— À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Hâter le retour de sa communauté au
monastère. — Une Supérieure doit tenir en paix le cœur de ses Filles. — De la
simplicité du chant. — Avis touchant une novice très-infirme. 14
Lettre MCXXXVIII.
— À la Mère M. -P. Aysement, à Saint-Étienne. — La droiture et la simplicité
attirent les grâces de Dieu. — Les écrits de saint François de Sales doivent
être la nourriture ordinaire de ses Filles. — Il ne faut pas dépasser le nombre
de quarante Religieuses............................................................................................................. 15
Lettre MCXXXIX.
— À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Dieu envoie la souffrance aux aines
généreuses comme un gage spécial de son amour. [740] — La Visitation se
maintiendra par l'humilité. — La Sainte n'approuve pas une messe en musique................................................................................................................................................... 17
Lettre MCXL Inédite).
— À la Révérende Mère Marie de la Trinité, à Troyes. —
Renouvellement d'une sainte amitié................................................................................................................................................... 19
Lettre MCXLI. — À la
Sœur M. -T. de Labeau, à Arles. — Excellence de la voie de simplicité. — Il est
très-utile de passer par les épreuves intérieures ; avantages qu'on peut
en retirer.............................................. 20
Lettre MCXLII. — À la
Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Elle lui recommande M. Pioton. — Instances
faites pour la fondation de Mâcon. — La fidèle pratique de la Règle est
préférable aux austérités volontaires. 23
Lettre MCXLIII (Inédite).
— À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — La Sainte hésite à entrer en
correspondance avec le commandeur de Sillery. — Projet d'un voyage À
Chambéry.......................................... 24
Lettre MCXLIV. — À M.
Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Humilité de la Sainte. —
Souhaits de perfection. — Promesse d'un souvenir devant Dieu................................................................................. 27
Lettre LCXLV. — À
madame la princesse de Carignan, a Paris. — Pieux souhaits et félicitations. 30
Lettre MCXLVI. — À
madame la duchesse de Nemours, à Paris. — Invitation à assister à l'ouverture
du tombeau de saint François de Sales................................................................................................................... 31
Lettre MCXLVll. — À
la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Congratulations sur le courage qu'elle a
montré en demeurant à Riom pendant la peste........................................................................................................... 32
Lettre MCXLVIII (Inédite).
— À la Mère A. -C. de Beaumont, à Grenoble. — Comment procéder à l'égard
d'une novice dont la vocation paraît douteuse : on ne peut la renvoyer
sans la faire passer par les voix du Chapitre. 33
Lettre MCXLIX. — À la
Mère M, -M. Michel, à Besançon. — Éloge de quelques Sœurs de Besançon. Bien
choisir la place pour bâtir le monastère. — Projet de fondation à Cray.
— Une Supérieure doit éviter l'exagération en faisant l'éloge de ses
Religieuses................................................................................................................................................... 34
Lettre MCL.
(Inédite). — À la Sœur F.
-C. de Pingon, à Apt. — Affectueux encouragements. 37
Lettre MCLI. — À la
Mère M. -J. Favre, a Paris. — Elle applaudit au bon état du deuxième monastère
de Paris. — L'esprit du monde doit être éloigné de la Religion. — Prochain
voyage de Mgr de Bourges à Annecy. 38
Lettre MCLII (Inédite).
— À M. de Coysia, à Chambéry. — Remercîments ; promette de prières. 40
Lettre MCLIII. — À la
Mère I.. -D. de Marigny, à Montpellier. — Inquiétudes sur la santé de
cette Supérieure ; abandon À la volonté de Dieu. — En quoi consiste
l'esprit de la Visitation. — Désir que la fondation de Nîmes se fasse par le
monastère d'Annecy................................................................................................................................................... 41
Lettre MCLIV. — À la
Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Envoi des Réponses. — Régler la
correspondance suivant la cordialité et la pauvreté. — Prise d'habit de Sœur J.
-M. de Mongeny.......................... 43
[741]
Lettre
MCLV. — À la Mère L. -D- de Marigny, à Montpellier. — Les soulagements pris par
obéissance sont plus méritoires que le jeûne fait par sa propre volonté. —
Préparer la fondation de Nîmes. — Manière d'éprouver une prétendante. —
Qualités nécessaires à une directrice.................................................................................................. 46
Lettre MCLVI.
— À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Ne permettre l'entrée de la clôture
aux dames amies que pour les seuls exercices de la retraite. — Déférence due à
la fondatrice...................................... 50
Lettre MCLVII
(Inédite). — À la Sœur M. -I. de la Luxière, à Crémieux. — L'humilité
attire l'Esprit de Dieu. — Chasser avec soin toute pensée de défiance............................................................................................. 51
Lettre MCLVIII
(Inédite). — À la Sœur A. -P. Baillant, à Crémieux. — Elle lui
recommande la charité et la joie au service de Dieu.......................................................................................................................................... 52
Lettre MCLIX
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Témoignages de
gratitude. — Il faut donner aux Religieuses le temps de s’affermir dans la
vertu avant de les envoyer en fondation. — N'admettre aucune interprétation des
Règles et coutumes. — La Sainte désire que ses filles écrivent rarement et
courtement..................................... 53
Lettre MCLX
(Inédite). — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Condoléances sur
la mort du l'ère spirituel. 56
Lettre MCLXI.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Comment faire le choix des Sœurs
destinées à être envoyées en fondation. — L'obéissance est la solide base de la
sainteté. — Il faut conserver soigneusement les usages établis par le B.
Fondateur................................................................................................................................................... 56
Lettre MCLXII.
— À la Mère A. -M. Rosset, à Crémieux. — Conseils pour la prochaine élection. 60
Lettre MCLXIII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Sentiment de la Sainte au sujet des
opérations que nécessitent certaines maladies. — Voyage à Rumilly et a
Chambéry................................................. 60
Lettre MCLXIV
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Affaires de la
béatification de saint François de Sales................................................................................................................................................... 62
Lettre MCLXV
(Inédite). — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Elle lui
conseille d'entreprendre la construction d'un monastère régulier......................................................................................................... 63
Lettre MCLXVI.
— À la Mère À -M. Rosset, à Crémieux. — C'est une faute de censurer la conduite
de la Supérieure. — De la prochaine élection qui doit se faire à Crémieux. —
Respect pour la clôture............. 64
Lettre MCLXVII.
— À la Mère M. -H. Guèrin, à Valence. — La fondation de Romans est résolue. —
Le cœur humain aimant beaucoup la créature en aime moins le Créateur. — Les
redditions de comptes doivent être succinctes. — Réserver quelque place pour
les âmes d'élite qui pourraient se présenter. — Mgr de Valence est mécontent du
trop grand nombre de filles que l'on reçoit................................................................................................................................................... 67
Lettre MCLXVIII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La fondation du Croisic n'a pas été
sagement conduite. — Maladie de Mgr de Bourges................................................................................................. 69
[742]
Lettre MCLXIX.
— À la Sœur M. -B. de Nouvelles, à Aoste. — Combien étroitement nous oblige le
précepte de la charité fraternelle................................................................................................................................. 70
Lettre MCLXX.
— À la Mère M. -M. Michel, à Besançon. — Importance de l'éducation des novices. 71
Lettre MCLXXI.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Projets de plusieurs
fondations. 72
Lettre MCLXXII
(Inédite). — À M. l'Abbé Crespin, à Montpellier. — Elle le rend
participant aux biens spirituels de la Congrégation.......................................................................................................................... 74
Lettre MCLXXIII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Paris. — Fondation de Mâcon. — Mort de Sœur M.
-Gabrielle Clément. — Élection de Sœur CI. -Agnès Daloz à Crémieux, et de Sœur
Cl. -Catherine de Vallon à Thonon. 75
Lettre MCLXXIV.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Prière de se rendre à
Annecy pour assister à l'ouverture du tombeau de saint François de Sales.......................................................... 76
Lettre MCLXXV
(Inédite). — À la Mère F. -G. de la Grave, à Belley. — Désir que le
nouvel évêque de Belley soit nommé commissaire apostolique pour les affaires de
la béatification de saint François de Sales. 77
Lettre
MCLXXVI. — À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — La Supérieure déposée doit
reluire par son humilité et sa soumission.............................................................................................................................. 78
Lettre MCLXXVII.
— À la Sœur M. -A. de Morville, à Moulins. — Félicitations de son heureux
changement ; moyens à prendre pour en assurer la persévérance........................................................................... 79
Lettre MCLXXVIII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Il faut faire servir les infirmités
corporelles à l'avancement de l'âme en la perfection. — Dévouement du
commandeur de Sillery pour la Visitation. 81
Lettre MCLXXIX
(Inédite). — À la Mère A. -C. de Beaumont, à Grenoble. — Empressement de
la Sainte à satisfaire madame de Granieu. — Exhortation à l'union mutuelle.................................................................... 83
Lettre MCLXXX.
— À la Mère L. -D. de. Marigny, à Montpellier. — Elle la reprend de quelques
soupçons. — Notre bonheur en cette vie consiste à rencontrer et à aimer la
souffrance.............................. 84
Lettre MCLXXXI.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Témoigner beaucoup de reconnaissance au
commandeur de Sillery. — Affaires de la béatification de saint François de
Sales.................................. 86
Lettre MCLXXXII.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Lyon. — Joie que sa visite
donnera aux Sœurs de Lyon. — Travaux des commissaires apostoliques....................................................................... 87
Lettre
MCLXXXIII. — À la Sœur M. -A. de Morville, à Moulins. — Il est bon et salutaire
à quelques âmes de tomber dans l'abîme des tentations. — La vue de nos misères
doit nous inspirer une profonde humilité. 89
Lettre MCLXXXIV.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Achèvement des informations pour la
béatification de saint François de Sales. — Arrivée du commandeur de Sillery. —
Les Filles de la Visitation doivent mettre toute leur gloire dans l'humilité et
la dépendance......................................................................................................................... 89
[743]
Lettre MCLXXXV
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Mêmes sujets. 91
Lettre MCLXXXVI.
— À Madame Royale, Christine de France, à Turin. — Remercîments pour une
offrande au tombeau de saint François de Sales.......................................................................................................... 92
Lettre MCLXXXVII.
— À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — La Visitation ne doit pas se charger à
perpétuité de la direction des Filles repenties. — Comment combattre les
tentations contre la foi..................... 93
Lettre MCLXXXVIII.
— À Madame Desbarres, à Dijon. — Dieu veut nous faire arriver à l'éternité par
la voie des tribulations.............................................................................................................................. 95
Lettre MCLXXXIX
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Éloge du commandeur de
Sillery et du Père dom Maurice. — Maintenir la fondation de Troyes. — Union
entre les monastères........................... 95
Lettre MCXC
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Moyens proposés par le commandeur de
Sillery pour l'union entre les monastères........................................................................................................................ 98
Lettre
MCXCI (Inédite). — À la Sœur M. -A. de Bauffremont, à Besançon. — Les
contradictions sont un gage des bénédictions divines. — Il faut travaillera
acquérir l'esprit de douceur et d'humilité. 100
Lettre
MCXCII. — À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Ouverture du
tombeau de saint François ; conservation miraculeuse de son corps. — La
Supérieure peut faire sa retraite avant la fête de saint Michel. — Le Père
spirituel doit appartenir au clergé séculier et ne peut exercer les fonctions
de confesseur ordinaire. — De la visite canonique. — À qui il appartient de
faire passer une Sœur d'un rang à un autre................................................................. 101
Lettre MCXCIII.
— À M. de la Fléchère, à Rumilly (Savoie). — Condoléances sur la mort de sa
mère. 105
Lettre MCXCIV.
— À Mgr Pierre Camus, à Belley. — Elle le supplie d'éviter dans ses écrits
toute parole défavorable aux Religieux. — Exemples de modération donnés par
saint François de Sales à ce sujet. 106
Lettre MCXCV.
— À la Sœur M. -A. de Morville, à Moulins. —On doit faire valoir les dons de
Dieu avec crainte et confiance............................................................................................................................... 109
Lettre MCXCVI.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — L'absence de Mgr de Genève et les
occupations que donnent les retraites annuelles ne permettent pas à la Sainte
de se rendre à Lyon.................. 110
Lettre MCXCVII.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — La voie de l'humble confiance
conduit au comble de la perfection.............................................................................................................................. 111
Lettre MCXCVIII.
— À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Attribuer à Dieu seul le bien qu'elle
opère dans la maison de la Magdelaine. — Conseils de direction............................................................................... 112
Lettre MCXCIX.
— À la Mère M.. A. de Blonay, à Lyon. — Impossibilité de quitter Annecy sans
l'agrément de Mgr de Genève. — Combien est ferme l'amitié fondée en Dieu.................................................. 113
Lettre MCC
— À la même. — Obstacles au voyage de Lyon. — La vraie cordialité rend
communicative. — Projet de fondation à Vienne. — On propose des moyens d'union
qui ne sont pas conformes à l'Institut. 115
Lettre MCCI.
— À la Mère M.. J. Favre, à Paris. — Affectueuse [744] compassion pour
cette Mère. — La Sainte s'estimerait heureuse de n'être pas une seule heure
sans souffrir. — Conserver l'amitié du commandeur de Sillery. 118
Lettre MCCII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Prochain retour de Mgr de Genève. —
Dans la réception des sujets, saint François de Sales ne voulait pas qu'on
dépassât le nombre de quarante ou quarante-cinq. 120
Lettre MCCIII.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — On prépare une nouvelle Vie
de saint François de Sales. — Fondation de Draguignan. — Celle de Béziers
semble réussir ; quelques Sœurs d'Annecy sont proposées pour y être
Supérieures................................................................................................................................................. 122
Lettre MCCIV.
— À la Sœur M. -A. de Morville, à Moulins. — Exhortation à s'adonner
entièrement à l'œuvre de sa sanctification........................................................................................................................ 125
Lettre MCCV.
— À Madame la duchesse de Montmorency, à Lyon. — Regret d'avoir été privée de
sa visite. — Promesses de prières............................................................................................................................... 126
Lettre MCCVI.
— À la Sœur assistante et à la communauté d'Annecy. — Témoignages d'affection
et souhaits de bénédictions......................................................................................................................... 127
Lettre MCCVII.
— À la Mère M. -M. Michel, à Besançon. — Visite du Père de Lizolaz. — Il est
bon de céder au prochain, cependant on peut maintenir ses droits. — Bon état de
la communauté de Besançon. 128
Lettre MCCVIII
(Inédite). — À la Mère M. -H. Guérin, à Valence. — Mgr de Genève ne
permet pas à la Sainte d'aller à Valence. — Conseils pour l'oraison et le
gouvernement de la communauté.............. 130
Lettre MCCIX.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier — Les talents sans humilité sont
plutôt préjudiciables qu'utiles................................................................................................................................. 131
Lettre MCCX.
— À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Sollicitude au sujet de la santé de cette
Mère. — Conseils pour la distribution des charges ; celles d'assistante et
de directrice ne sont pas incompatibles. 132
Lettre MCCXI.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Regret de n'avoir pu s'entretenir plus
à l'aise des choses de Dieu................................................................................................................................................. 134
Lettre MCCXII.
— À la Mère Cl. -O. de Vallon, à Thonon. — La Supérieure doit toujours recevoir
cordialement les Sœurs qui ont à lui parler. — Il ne faut point faire de voyage
sans vraie nécessité. — S'abandonner à Dieu et retrancher tous les retours
inutiles sur soi-même......................................................................................................................... 135
Lettre MCCXIII
(Inédite). — À M. de Coysia, à Turin. — Avantages des adversités. —
Pauvreté des monastères de Savoie................................................................................................................................................. 137
Lettre MCCXIV
(Inédite). — À Mgr J -F. de Sales, à Annecy. — Intervention charitable
de la Sainte en faveur d'un ecclésiastique....................................................................................................................... 138
Lettre MCCXV.
— Au Révérend Père Binet. — Sur les moyens d'union entre les monastères. — Les
Religieuses de la Visitation ne peuvent reconnaître d'autres supérieurs que
leurs évêques respectifs. 139
[745]
année
1633.
Lettre MCCXVI.
— À la Mère F. -G. de la Grave, à Belley. — Elle bénit Dieu des heureux fruits
de son passage à Belley................................................................................................................................................. 141
Lettre MCCXVII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Prière d'envoyer certaines fournitures
pour un ornement d'église destiné à servir aux fêles de béatification de saint
François de Sales. — Dispositions intérieures de la Sainte. 141
Lettre MCCXVIII
(Inédite). — À la même. — Regrets du départ de l'archevêque de Lyon. —
Se maintenir dans l'indifférence, en sollicitant une guérison corporelle............................................................................... 143
Lettre MCXIX.
— À la même. — Désir que la Mère de Blonay ou quelques-unes de ses Religieuses
se rendent à Moulins pour une affaire importante................................................................................................ 144
Lettre MCCXX
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — En quoi consiste le
comble de la parfaite indifférence. — Éloge du commandeur de Sillery. — Voyage
du Père dom Maurice à Annecy. — Projet d'une fondation. 146
Lettre MCCXXI.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Instante prière de secourir les Sœurs
de Crémieux dans leur pauvreté................................................................................................................................. 149
Lettre MCCXXII
— À la même. — Même sujet. — Zèle de la Sainte à maintenir l'esprit de
simplicité et de pauvreté religieuse................................................................................................................................................. 151
Lettre MCCXXIII
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Délais du Père dom
Maurice. — Obligation d'éviter toute correspondance inutile........................................................................................................ 153
Lettre MCCXXIV.
— À M. de Coysia, à Chambéry. — La considération des souffrances de
Notre-Seigneur est le meilleur moyen d'adoucir toutes nos peines.................................................................................. 155
Lettre MCCXXV.
— À Madame de Vaudan, à Aoste. — Les fondatrices séculières peuvent porter
l'habit religieux dans l'intérieur du monastère....................................................................................................... 156
Lettre MCCXXVI
(Inédile). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Elle excuse la
conduite d'une Supérieure. — Quelles Religieuses doivent être proposées à la
communauté de Paray pour la prochaine élection. 157
Lettre MCCXXVII.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Nombreuses fondations
projetées. — Décès de M. Michel Favre. — Le monastère ne peut pas cautionner
sans la permission des Supérieurs. — On doit tellement établir son cœur dans la
soumission à la volonté de Dieu que rien ne puisse l'ébranler et le troubler.......... 158
Lettre MCCXXVIII.
— À Madame de Haraucourt, à Nancy. — Témoignages de reconnaissance pour les
bienfaits dont elle comble le monastère de Nancy.......................................................................................... 163
Lettre
MCCXXIX. — À la Révérende Mère M. -Christine, à Belley. — Assurance d'une
cordiale union en Notre-Seigneur................................................................................................................................................. 164
[746]
Lettre MCCXXX.
— À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Conseils de douce charité et de
support cordial. — Regrets que laissent le trépas de M. Michel Favre et celui
de la Mère M. -Marthe Marceille. 165
Lettre MCCXXXI.
— À M. de Coysia, à Chambéry. — Encouragement à souffrir avec patience.
Espérance de voir bientôt l'issue de ses épreuves........................................................................................................ 167
Lettre MCCXXXII. — À madame la duchesse de Montmorency, à
Moulins. — Pieux souhaits. 168
Lettre MCCXXXIII.
— Au chevalier Janus de Sales, à Nice. — Témoignages de sainte affection. —
Éloge de M. Michel Favre...................................................................................................................................... 168
Lettre MCCXXXIV
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Prière de hâter le
retour du Père dom Maurice. — On doit faire la charité avec discrétion. — Ne
pas accepter facilement des œuvres de zèle... 170
Lettre MCCXXXV
(Inédite). — À la même. — Faire dresser procès-verbal d'un miracle opéré
à Bourges par l'intercession de saint François de Sales. — Diverses
commissions......................................................... 172
Lettre MCCXXXVI.
— À M. le commandeur Balbian, à Turin. — La Sainte lui annonce l'arrivée à
Turin du Père dom Juste. — Heureux acheminement des affaires de la
béatification............................................ 173
Lettre MCCXXXVII.
— À madame la comtesse de Toulonjon, à Pignerol. — Vanité et néant des
prospérités de ce monde. — Les seuls biens solides consistent dans la vertu............................................................ 174
Lettre MCCXXXVIII.
— À M. de Mimatha, à Aix. — Elle le remercie de la bienveillance dont il
entoure les monastères de Provence et se réjouit de l'élection faite par celui
d'Aix................................................. 176
Lettre MCCXXXIX
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Détails touchant un
ornement destiné à servir aux fêtes de la béatification de saint François de
Sales. — Départ du Père dom Juste. — Sentiments de la Sainte au sujet des
nombreuses fondations proposées......................................................................................................... 177
Lettre MCCXL
(Inédite). — À la même. — Affaires de M. Dufour. — Désir de la prompte
arrivée du Père dom Maurice. — On projette l'établissement d'un second
monastère à Annecy..................................... 178
Lettre MCCXLI.
— À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Le cardinal de Lyon se réserve la
fondation de Bordeaux. — Refus de celle proposée à Saint-Sauveur.................................................................................... 182
Lettre MCCXLII.
— Au Révérend Père Binet. — Avec quelle circonspection les Filles de la
Visitation doivent accepter les œuvres de zèle, étrangères à leur Institut......................................................................... 183
Lettre MCCXLIII.
— À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — L'âme religieuse doit être
indifférente à l'affection des créatures : Dieu lui suffit. —
Encouragement à porter la croix de la supériorité......... 185
Lettre MCCXLIV.
— À la Mère F. -A. Brung, à Saint-Amour. — Conseils pour le bon gouvernement de
sa communauté................................................................................................................................................. 187
Lettre
MCCXLV. — Aux Sœurs de la Visitation de Saint-Amour. — Exhortation à vivre dans
la parfaite soumission et l'union mutuelle................................................................................................................................. 188
Lettre MCCXLVI
(Inédite). — À la Mère L. -D. de Marigny, à [747] Montpellier. — Nécessité de travailler avec courage à
l'œuvre de sa perfection...................................................................................................... 189
Lettre MCCXLVII.
— À madame la comtesse de Toulonjon, à Pignerol. User des bienfaits de Dieu
avec reconnaissance et humilité. — Une éducation chrétienne est le plus riche
héritage qu'elle puisse léguer à sa fille. 190
Lettre MCCXLVIII.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — On doit travailler sans
empressement à l'œuvre de sa perfection. — Difficultés qui s'opposent au voyage
de la Sainte à Paris ; son avis sur les moyens d'union proposés par le
commandeur.......................................................................................................................... 192
Lettre MCCXLIX.
— À la Mère A. -B. Joquet, à Nevers. — Affectueuses recommandations au sujet de
la Mère Favre................................................................................................................................................. 196
Lettre MCCL.
— À M. de Cornillon. — Elle l'assure que sa fille n'est pas appelée à la vie
religieuse ; bonnes qualités de cette jeune personne..................................................................................................................... 197
Lettre MCCLI.
— À la Mère A. -M. de liage de Puylaurens, à Bourges. — Préparatifs de la
fondation de Poitiers. — Choix d'une Supérieure pour le monastère de Bourges............................................................. 198
Lettre MCCLII.
— À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — La Sainte désire qu'on borne la
correspondance aux choses purement nécessaires. — Nouvelles du monastère de
Metz........................................ 200
Lettre MCCLIII.
— À M. Besançon, à Aoste. — La Sainte le remercie de son dévouement à la
communauté d'Aoste et l'accepte pour son fils spirituel.......................................................................................... 202
Lettre MCCLIV.
— À la Mère M. -H. de Chastellux, à Bourg en Bresse. — Bon état du monastère de
Saint-Amour. — Charité à exercer envers un sujet sans dot. — Se supporter et se
prévenir mutuellement..... 203
Lettre MCCLV.
— À Mgr André Frémyot, à Paris. — Sollicitude au sujet de la maladie de la
jeune baronne de Chantal................................................................................................................................................. 204
Lettre MCCLVI
(Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — On doit donner le
baiser de paix aux jours de vêtures et de professions...................................................................................................................... 205
Lettre
MCCLVII (Inédite). — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Maladie de la
jeune baronne de Chantal. — La prudence chrétienne doit régler nos actions..................................................................................... 206
Lettre MCCLVIII.
— À Mgr André Frémyot, à Paris. — Douleur et résignation de la Sainte à la mort
de sa belle-fille. — Espérance d'une éternelle réunion..................................................................................... 207
Lettre MCCLIX.
— À Madame de Coulanges, à Paris. — Affectueuses condoléances. — Elle lui
recommande sa petite-fille Marie de Chantal.................................................................................................................. 210
Lettre MCCLX.
— À madame la comtesse de Toulonjon, à Paris. — Les seules consolations
véritables se trouvent dans la conformité à la volonté de Dieu. — Éloge de la
jeune baronne de Chantal................ 211
Lettre MCCLXI.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — La volonté divine doit
être encore plus aimée dans l'épreuve que dans la prospérité........................................................................................ 212
Lettre MCCLXII.
À M. de Coulanges, à Paris. — La certitude que Dieu fait tout pour notre bien
maintient l'âme en paix au milieu des orages de la vie.................................................................................................. 213
[748]
Lettre MCCLXIII
(Inédite). — À la Mère A. -M- Bollain, à Paris. — Remercîments pour les
preuves d'affection données à sa belle-fille, la feue baronne de Chantal............................................................................... 214
Lettre MCCLXIV.
— À la Mère A. -M. de liage de Puylaurens, à Bourges. — Elle la remercie des
prières faites pour sa belle-fille, et applaudit à l'élection de la Mère F. -G.
de la Grave, à Bourges......................... 215
Lettre MCCLXV.
— À Mgr J. -J. de Neuchèze, évêque de Chalon. — Douleur de la Sainte à la mort
de la baronne de Chantal. — Remercîments pour le zèle avec lequel Mgr de
Neuchèze s'occupe de la fondation de Poitiers. 216
Lettre MCCLXVI.
— À une Supérieure de la Visitation. — Les dames bienfaitrices d'un monastère
n'ont pas le droit d'entrer dans les autres. — Mort de M. de Toulonjon................................................................. 218
Lettre MCCLXVII.
— À Son Altesse le Prince Thomas de Savoie, à Turin. — La Sainte est prête à se
rendre aux désirs de Son Altesse, mais ne peut le faire sans l'autorisation de
Mgr de Genève................... 219
Lettre MCCLXVIII.
— À la Sœur B. -M. de Haraucourt, à Nancy. — Avantages de l'état de parfait
dénûment. 220
Lettre MCCLXIX.
— À la Mère P. -J. de Monthoux, à Blois. — Nous devons, à l'exemple de
Notre-Seigneur, souffrir en esprit d'humilité. — Ne considérer que Dieu en ses
Supérieures. — Devoirs des Sœurs déposées. 221
Lettre MCCLXX.
— À Madame la duchesse de Montmorency, à Moulins. — Il faut aimer incessamment
Celui qui ne peut jamais être assez aimé.......................................................................................................... 223
Lettre MCCLXXI
(Inédite).) — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Quel travail permis
les jours de dimanche et de fête. — Dans quel cas la Supérieure peut dispenser
du jeûne. — Regrets de la mort de Sœur A. -L. de Verdelot. — Projet de fonder
un second monastère à Annecy............................................................................................................ 224
Lettre MCCLXXII.
— À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Une Religieuse doit être indifférente
au blâme et à la louange. — À Annecy, chaque Sœur n'a pas à son usage
particulier tous les livres de saint François de Sales. — Justification de la
Mère Favre................................................................................................................................................. 227
Lettre MCCLXXIII.
— À la Sœur L. -M. Adelaine, à Besançon. — La force de résister aux tentations
nous vient de la seule bonté de Dieu ; s'abandonner sans réserve à sa
divine volonté.................................. 230
Lettre MCCLXXIV.
— À la Mère P. -J. Favrot, à Nancy. — Regrets de ne pouvoir la secourir dans
ses embarras pécuniaires. — On ne doit pas s'imposer une violente contrainte
pour se tenir attentive à la présence de Dieu. 231
Lettre MCCLXXV.
— À M. Jaquotot, à Dijon. — Affliction et générosité de la Sainte à la mort de
ses enfants. 232
Lettre MCCLXXVI.
— À madame Jaquotot, à Dijon. — Même sujet......... 233
Lettre MCCLXXVII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Affaires diverses. — La question du
Visiteur sera soumise au Pape.................................................................................................................................. 235
Lettre MCCLXXVIII.
— À la même. — Prudente conduite à tenir envers une personne qui est dans
l'illusion. — Miracles opérés par saint François de Sales.................................................................................... 236
[749]
Lettre MCCLXXIX
(Inédite). — À Madame de Coysia, à Chambéry. — Assurance de dévouement
et de prières. 236
Lettre MCCLXXX.
— À M. Charles-Aug. de Sales, à Lyon. — Projets du commandeur de Sillery pour
la publication des Œuvres de saint François de Sales ; on désire
que ses Épîtres soient traduites en latin. 237
Lettre MCCLXXXI.
— À M. le chanoine Boulier, à Dijon. — Consolantes dispositions dans lesquelles
sont morts la baronne de Chantal et le comte de Toulonjon................................................................. 239
Lettre MCCLXXXII.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Elle se réjouit du bon état de
la communauté de Montpellier. — Arrivée de madame de Toulonjon à Annecy. —
Convalescence de Mgr de Genève. 240
Lettre MCCLXXXIII.
— À madame la comtesse de la Forest, à Chambéry. — Affaires d'intérêt. 243
Lettre MCCLXXXIV.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. —Sentiments de la Sainte sur la maladie
et la guérison de Sœur M. -Alix. — Ne pas déranger le prévôt de Genève pendant
qu'il écrit la Vie de son Oncle. — Convalescence de Mgr Jean-François. —
Il ne faut pas ajouter foi aux bruits malveillants répandus contre le deuxième
monastère de Paris. 244
Lettre MCCLXXXV.
— À la même. — Mépris du monde ; amour de la volonté de Dieu. — Diverses
recommandations................................................................................................................................................. 247
Lettre MCCLXXXVI.
— À la Révérende Mère Marie de la Trinité, à Troyes. — Joie de penser qu'au
ciel on se reconnaît. — Remercîments de la bienveillance que les Mères
Carmélites témoignent aux Religieuses de la Visitation de Troyes. 248
Lettre MCCLXXXVII.
— À la Mère A. -B. Joquet, à Nevers. — Témoignage rendu à la communauté de
Nevers par la Mère Favre...................................................................................................................................... 249
année
1634.
Lettre MCCLXXXVIII.
— À M. de Coulanges, à Paris. — Souhaits de bonne année. — Témoignage d'une
invariable affection................................................................................................................................. 250
Lettre
MCCLXXXIX. — À la Mère M. -M. Michel, à Besançon. — Prière de contribuer aux
dépenses de la béatification de saint François de Sales, et d'envoyer deux
Religieuses à Annecy, pour aider à la fondation du second monastère. 251
Lettre MCCXC.
— À madame la duchesse de Montmorency, à Moulins. — Assurance de respectueuse
affection. — Les épreuves de cette vie sont les échelons par lesquels Dieu nous
fait monter à la bienheureuse éternité. 253
Lettre MCCXCI.
— À S. A. R. Victor-Amédée, duc de Savoie, à Turin. — La Sainte implore son
intervention pour l'établissement d'un second monastère à Annecy, et dit que la
Règle ne permet pas de dépasser le nombre de trente-cinq ou quarante
Religieuses............................................................................................................................ 255
[750]
Lettre MCCXCII.
— À la Mère A.. M. de liage de Puylaurens, à Poitiers. — Tendre intérêt pour le
nouveau monastère de Poitiers. — Reconnaissance des bontés dont l'abbesse de
Sainte-Croix a comblé les Sœurs fondatrices. 257
Lettre MCCXCIII.
— À la Mère F. -G. de la Grave, à Bourges. —Elle la félicite de son heureuse
arrivée a Bourges. 258
Lettre MCCXCIV
(Inédite). — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Sollicitude pour la
santé de cette Mère. — Contradictions que rencontre la fondation du second
monastère d'Annecy............. 258
Lettre MCCXCV.
— À la-Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Préparatifs pour l'établissement du
second monastère d'Annecy. — Affaires de la béatification ; prochain
voyage du Père dom Maurice à Rome. — Le cœur de saint François de Sales doit
être conservé dans un reliquaire bien fermé.................................................................... 260
Lettre MCCXCVI.
— À Mgr A. -L. du Plessis-Richelieu, à Lyon. — Très-humbles instances pour obtenir
la prolongation du séjour de Sœur M. -Alix à Lyon......................................................................................... 264
Lettre MCCXCVII.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Témoignages de
reconnaissance. — La paix intérieure est la marque du règne de Dieu dans l'âme.
— Affection de la Sainte pour les deux communautés de Paris. Elle propose au
commandeur de se rendre fondateur du second monastère d'Annecy....................... 264
Lettre MCCXCVIII.
— À saint Vincent de Paul, à Paris. — Estime pour M. de Sillery. Elle le
recommande à son zèle................................................................................................................................................. 271
Lettre MCCXCIX.
— À M. de Coulanges, à Paris. — Condoléances sur la maladie de madame de
Coulanges ; neuvaine pour son soulagement. — Tendresse de la Sainte pour
sa petite-fille.................................. 272
Lettre MCCC
— À la Mère J. -A. Provenchère, à Mamers. — Une Supérieure ne doit pas exiger
de toutes ses Religieuses une égale perfection. — Tout en usant de charité dans
la réception des sujets, n'en point admettre qui ne soient bien appelés de
Dieu : marques auxquelles on peut reconnaître cet appel.............................................. 274
Lettre MCCCI
(Inédite). — À la Sœur M. -A. de Bauffremont, à Besançon. — C'est par
l'épreuve que Dieu prépare les âmes à de grandes grâces............................................................................................................. 276
Lettre MCCCII.
— À la Mère M. -M. 'Michel, à Besançon. — La Sainte se réjouit de la fondation
de Champlitte. — Générosité de la Mère Michel à céder de ses Religieuses pour
favoriser le second monastère d'Annecy et celui de Crémieux. 277
Lettre MCCCIII.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Elle le remercie de ce
que, par ses libéralités, il se rend fondateur du second monastère d'Annecy. —
L'humilité attire l'Esprit de Dieu dans nos cœurs. 280
Lettre MCCCIV.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Madame de Toulonjon vient de quitter
Annecy. — Sœurs proposées à l'élection de Crémieux.................................................................................... 281
[751]
Lettre MCCCV.
— À la Mère J. -O. de Bréchard, à Riom. — Compassion pour les épreuves de la
communauté de Riom. — Charitable offre de la Supérieure de Besançon. — La
présence de la Mère P. -J. de Monthoux est nécessaire à Blois. 282
Lettre MCCCVI
(Inédite). — À S. A. R. Victor-Amédée, duc de Savoie, à Turin. — Recours
à la bienveillance du prince au sujet de la fondation du second monastère
d'Annecy................................................... 285
Lettre MCCCVII
(Inédite). — À la Mère M. -F. de Monceau, à Aix en Provence. — Reconnaissance
pour la part qu'elle prend aux frais de béatification de saint François de
Sales. —Encourager de ses conseils la Supérieure de Draguignan. — L'abandon
entre les mains de la Providence est la disposition que Dieu exige des Filles
de la Visitation. — Il ne faut pas aller à Grasse si on ne promet d'observer
les formalités requises. — Estime de la Mère Balland. — Fondation de Toulon. 286
Lettre MCCCVIII
(Inédile). — À M. de Coysia, à Chambéry. — Désir de prévenir un nouveau
procès. 289
Lettre MCCCIX.
— À la Mère M. -E. Guérard, à Lyon. — Reconnaissance pour une offrande faite en
faveur du second monastère d'Annecy............................................................................................................ 291
Lettre
MCCCX (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Nouvelles des
poursuites faites pour la béatification de saint François de Sales........................................................................................................ 292
Lettre MCCCXI.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Affiliation à l'Ordre de
la Visitation. 293
Lettre
MCCCXII (Inédite). — À madame la comtesse de Toulonjon, à Alonne. —
Encouragement à bénir la volonté divine dans les afflictions qu'elle nous
envoie............................................................................ 294
À la même. — Conseils pour vivre chrétiennement dans
le veuvage............. 295
Lettre MCCCXIII
[Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Affaires concernant
madame de Toulonjon................................................................................................................................................. 298
Lettre MCCCXIV.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Heureuses espérances que donne
le monastère de Montpellier. — De la fondation de Nîmes. — Il ne faut rien
changer ni innover a l'Office. — Les Supérieures peuvent dispenser des menues
coutumes................................................................................................................ 299
Lettre MCCCXV.
— À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Les monastères de Paris sont le recours
de tous ceux qui se trouvent dans le besoin. — Désir que Sœur H. -A. Lhuillier
accompagne les Religieuses envoyées à la fondation du Mans. — Éloge de M.
Deshayes................................................................................................................... 302
LETTRE
MCCCXVI (Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Élection de
Crémieux ; prévision pour celle d'Orléans................................................................................................................................................. 304
Lettre MCCCXVII.
— À M Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Moyens d'acquérir la paix
du cœur. 306
Lettre MCCCXVIII.
— À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — On ne doit proposer aux élections de la
communauté que des Religieuses capables de gouverner, et ne pas empêcher une
Supérieure de se rendre au monastère où elle a été élue. 307
[752]
Lettre MCCCXIX.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Détails sur l'établissement du deuxième
monastère d'Annecy................................................................................................................................................. 309
Lettre MCCCXX.
— À la Mère J. -C. de Bréchard, à Riom. — Nécessité de déposer une Supérieure
qui a manqué aux lois de la clôture. — Moyens à employer pour exécuter cet
acte.............................................. 310
Lettre MCCCXXI.
— À la Mère M. -A. de Bigny, à Moulins. — Sévères reproches sur son voyage à
Bourbon. — Moyens à prendre pour remédier au trouble que cette sortie a
occasionné dans le monastère. 314
Lettre MCCCXXII
[Inédite). — À la Mère A. -M. Bollain, à Paris. — Congratulations sur le
bon état de sa communauté. — Divers messages.................................................................................................................. 317
Lettre MCCCXXIII.
— À M. de Coulanges, à Paris. — Témoignage de reconnaissance pour les soins
qu'il prend de sa petite-fille............................................................................................................................... 318
Lettre MCCCXXIV
(Inédite). — À Mgr André Frémyot. — Affaires de la béatification de
saint François de Sales. 319
Lettre MCCCXXV.
— Au Père dom Juste Guérin, à Turin. — Sentiments de résignation au sujet des
retards apportés à la béatification de saint François de Sales. —Visite du duc
de Savoie........................... 320
Lettre MCCCXXVI.
— À L'Infante Catherine de Savoie, à Turin. — Détails sur la fondation du
deuxième monastère d'Annecy............................................................................................................................... 322
Lettre MCCCXXVII.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Dans l'ordre spirituel,
qui désire obtient. — L'élection faite au deuxième monastère de Paris a été
inspirée par l'Esprit de Dieu... 323
Lettre MCCCXXVIII.
— Au même. — Retard survenu à la cause de béatification de saint François de
Sales. — Estime et respect pour le commandeur et le premier monastère de Paris...................................... 324
Lettre MCCCXXIX.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Douleur de la Sainte en apprenant que
ses Réponses se vendent publiquement. — Prochaine réimpression du
Coutumier............................... 326
Lettre MCCCXXX.
— Au Père dom Juste Guérin, à Turin. — Dieu convertit tout à l'avantage de ses
serviteurs. Bénédictions qu'il répand sur le deuxième monastère d'Annecy.......................................................... 327
Lettre MCCCXXXI.
— À la Mère M. -J. Compain, à Crémieux. — Exhortation à la pratique de la
pauvreté et du saint abandon................................................................................................................................. 330
Lettre
MCCCXXXII. — À madame la duchesse de Nemours, à Paris. — Souhaits de
bénédictions. — Respectueux hommages des deux monastères d'Annecy..................................................................... 331
Lettre MCCCXXXIII.
— À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Mgr de Genève désire que la Mère Favre se
rende à Rennes. — Éloge de la Mère Mad. -Élisabeth de Lucinge et de sa
communauté........................... 332
Lettre MCCCXXXIV.
— À Mgr Pierre de Cornulier, évêque de Rennes. — Une impuissance absolue pourra
seule empêcher la Mère Favre de se rendre à Rennes................................................................................ 336
Lettre MCCCXXXV
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Prière de ne séjourner à
Rennes qu'autant qu'il sera nécessaire.............................................................................................................................. 337
Lettre MCCCXXXVI.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à [753] Paris. — La Sainte est heureuse de devoir l'église du
premier monastère de Paris aux libéralités du commandeur. — Fondation du Mans.
— La perfection consiste à vouloir être ce que Dieu veut que nous soyons............................................................................................... 339
Lettre MCCCXXXVII
(Inédite). — À mademoiselle de la Fléchère, à Rumilly. — Dans quelles
dispositions on doit être pour connaître la volonté de Dieu.............................................................................................. 343
Lettre MCCCXXXVIII.
— À madame la comtesse de Toulonjon, à Alonne. —Témoignage de tendre affection.
— Nouvelles du monastère de Moulins................................................................................................... 344
Lettre MCCCXXXIX
(Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. La Mère M. -Hélène de
Chastellux est la plus capable île remédier aux embarras du monastère de
Moulins....................................... 346
Lettre MCCCXL
(Inédite). — À la Mère F. -G. de la Grave, à Bourges. — Conseils pour la
fondation de la Flèche. — La douceur et la tranquillité doivent régner dans la
communauté..................................... 347
Lettre MCCCXLI.
— À la Sœur M. -M. Mermillod, à Bourges. — Assurance de maternelle affection. 349
Lettre MCCCXLII.
— À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Poitiers. — L'évêque d'Autan est
résolu de déposer la Mère de Bigny. — Les novices ne peuvent être renvoyées que
par le Chapitre....... 350
Lettre MCCCXLIII.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — Au sujet de la nouvelle élection qui
doit se faire à. Moulins................................................................................................................................................. 351
Lettre MCCCXLIV
(Inédite). — À mademoiselle de la Fléchère, à Rumilly. — Moyens de bien
faire le choix d'un état de vie................................................................................................................................................. 353
Lettre MCCCXLV
(Inédite). — À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La communauté de
Crémieux doit procéder à une nouvelle élection. — Pauvreté du monastère
d'Annecy. — Affaires.......................... 354
Lettre MCCCXLVI.
— À la même. — Désir que l'élection de Crémieux soit retardée. 355
Lettre MCCCXLVII.
—À la Mère M. -A. de Bigny, à Moulins. — La tribulation généreusement supportée
purifie l'âme et la conduit à l'union divine....................................................................................................... 356
Lettre
MCCCXLVIII. — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Trait de Providence
au sujet des procédures de la béatification de saint François de Sales........................................................................... 357
Lettre MCCCXLIX
(Inédite). — À M. de Coysia, à Chambéry. — Prière de s'intéresser à un
procès. 358
Lettre MCCCL.
— À mademoiselle de la Fléchère, à Rumilly. —- Dieu ne fait entendre sa voix
qu'au cœur paisible. 360
Lettre MCCCLI.
—- À la Mère M. -É. de Lucinge, à Annecy. — Encouragement à continuer avec joie
le gouvernement de sa communauté.......................................................................................................................... 361
Lettre MCCCLII.
— À S. A. R. Victor-Amédée, duc de Savoie, à Turin. — La Sainte demande au
prince sa royale protection pour l'établissement de deux monastères en Piémont.................................................... 362
Lettre MCCCLIII.
— À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — La grande [754] richesse de l'âme est de souffrir beaucoup avec paix et
amour. — Se préparer à revenir en Savoie................................................................... 363
Lettre MCCCLIV.
— À la Sœur M. -M. de Lyonne, à Paris. — Éloge de la Mère Favre. — Heureuses
sont les âmes qui s'oublient elles-mêmes pour ne vivre qu'à Dieu.............................................................. 364
Lettre MCCCLV.
— À La Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Échange de présents. —
Difficultés que rencontre la fondation du Pont-Saint-Esprit. — Prendre conseil
de Mgr de Montpellier an sujet d'une dame bienfaitrice. — Bonheur de l'âme qui
est en tout dépendante de Dieu......................................................................................... 366
Lettre MCCCLVI.
— À la Mère F. -G. de la Grave, à Bourges. — User de condescendance et de
support envers une âme imparfaite ; maximes de saint François de Sales sur
ce sujet. — Compassion pour des Sœurs malades. 369
Lettre MCCCLVII.
À la Mère A. -M. de Marin de Saint-Michel, à Forcalquier. — Sollicitude pour la
Mère de Sisteron. — Conseils de direction........................................................................................................... 372
Lettre MCCCLVIII.
— À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Poitiers. — Il n'est pas permis aux
Filles de la Visitation de quitter leur monastère pour posséder une abbaye. —
Dans quelles conditions on peut accepter de nouvelles fondations. — Pensée de
la Sainte sur l'admission d'une petite fille qu'on voulait mettre au monastère
pour la civiliser. 374
Lettre MCCCLIX
(Inédite). — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. —
Reconnaissance pour la délicatesse dont on a usé a l'égard de la Mère Favre.......................................................................... 376
Lettre MCCCLX
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Joie de la Sainte dans
l'espoir d'une prochaine réunion. — Éloge de la maison de Chambéry....................................................................................... 378
Lettre MCCCLXI.
— À Mgr Scipion de Villeneuve, évêque de Grasse. Gratitude pour la
bienveillance qu'il témoigne aux Religieuses de la Visitation, nouvellement
établies à Grasse........................................ 379
Lettre MCCCLXII.
— À la Sœur F. -E. de Vidonne de Novéry, à Riom. — Moyens à prendre pour
acquérir et garder la paix du cœur.................................................................................................................................. 380
année
1635.
Lettre MCCCLXIII
(Inédite). — À la Mère M. -C. de Sève de Saint-André, à Lyon. —
Recommandation pressante de vivre dans une exacte observance des Règles.......................................................................... 382
Lettre MCCCLXIV.
— À la Mère A. -M. Guérin, à Rouen. — Les bonnes Supérieures sont un trésor
pour leurs communautés. — Conseils de direction. — Rappel de la Mère Favre en
Savoie...... 384
Lettre
MCCCLXV (Inédite). — À la Mère L. -S. de Marigny, à Montpellier. —
Quelques monastères sont trop ardents à entreprendre des fondations. Désir que
celle de Toulouse soit faite par des Sœurs d'Annecy. 385
[755]
Lettre MCCCLXVI.
— À la Mère M. -A. Bellefin, à Crémieux. — Éviter tout examen inutile sur
soi-même. — Précautions à prendre pour empêcher qu'une élection faite en dehors
des lois canoniques puisse avoir des conséquences fâcheuses dans l'avenir................................................................................................................................................. 387
Lettre MCCCLXVII
(Inédite). — À M. de Coysia, à Chambéry. — Consolations au sujet de la
perte d'un procès. 388
Lettre MCCCLXVIII
(Inédite). — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Madame de
Montmorency désire contribuer à la fondation de Toulouse. — Prière d'envoyer
quelques secours au monastère de Moulins. 389
Lettre MCCCLXIX.
— À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Différer son retour en Savoie jusques
après Pâques. — Explication de quelques difficultés survenues entre Mgr de
Genève et la famille Favre.............. 391
Lettre MCCCLXX.
— À la Mère J. -F. de Vallon, à Rumilly. — La Sainte se propose d'employer cette
Supérieure à la fondation de Verceil............................................................................................................. 393
Lettre MCCCLXXI
(Inédite). — À M. de Coysia, à Chambéry. — Remercîments pour son
intervention dans une affaire temporelle.............................................................................................................................. 394
Lettre MCCCLXXII
(Inédite). — À la Mère F. -G. de la Grave, à Bourges. — Éloge de la Mère
de Lage de Puylaurens. — Sollicitude pour Sœur M. -Madeleine Mermillod. —
Affaires diverses....................... 395
Lettre MCCCLXXIII
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Paris. — Bonheur de l'éternelle
réunion. — Dispositions que doit prendre la Mère Favre pour son retour à
Annecy.......................................................... 396
Lettre MCCCLXXIV
(Inédite). — À la Sœur M. -H. Guérin, à Romans. — Il faut tenir les
faveurs divines à couvert sous la sainte humilité....................................................................................................................... 398
Lettre MCCCLXXV
(Inédite). — À madame de Granieu, à Grenoble. — Assurance d'une tendre
et cordiale amitié. 399
Lettre MCCCLXXVI.
— À la Mère M. -M. Balland, à Grasse. — Exhortation à continuer l'exercice de
sa charge avec une humble confiance en Dieu.................................................................................................. 401
Lettre
MCCCLXXVII. — À madame la comtesse de Toulonjon, à Alonne. — Peine
qu'éprouverait la Sainte de voir madame de Toulonjon passer à de secondes
noces...................................................................... 403
Lettre
MCCCLXXVIII (Inédite). —À la Mère C. -C. de Vallon, à Thonon. —
Proposition du retour à Annecy de Sœur J. -F. Coppier.................................................................................................................................. 405
Lettre MCCCLXXIX.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Encouragement à poursuivre la
construction de son monastère. — Prochain retour de la Mère Favre. — La Sainte
est sollicitée de faire un voyage en France. 405
Lettre MCCCLXXX.
— À la Sœur M. -R. de Guéroust, à Rennes. — Importance du bon choix des
novices ; vertus qu'on doit leur inculquer........................................................................................................................ 408
Lettre MCCCLXXXI.
— À la Mère M. -A. de Blonay, à Lyon. — La Mère Favre est attendue
incessamment. — On doit pratiquer la pauvreté en toutes choses............................................................................ 409
Lettre MCCCLXXXII.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Arrivée de la Mère
Favre. — Remercîment pour les soins [756] dont le commandeur entoure le nouveau
monastère de Melun, et la générosité avec laquelle il vent pourvoir aux frais
du voyage de la Sainte à Paris................................................................................... 411
Lettre MCCCLXXXIII.
— À M. de Coysia, à Chambéry. — Reconnaissance et saints encouragements. 412
Lettre MCCCLXXXIV.
— À la Sœur M. -S. Duret, à Draguignan. — Toute notre félicité consiste à faire
la volonté de Dieu................................................................................................................................................. 413
Lettre
MCCCLXXXV. — À M. Charles-Aug. de Sales, à l'Ermitage du Mont-Voirons. —
Condoléances sur la mort de Mgr Jean-François de Sales. — Espérances que le
diocèse de Genève fonde sur Charles-Auguste. 413
Lettre MCCCLXXXVI.
—. À Madame Royale Christine de France, à Turin. — Prière de s'intéresser au
choix du nouvel évêque de Genève................................................................................................................ 415
Lettre MCCCLXXXVII.
— À Mademoiselle de Chasteigner d'Abain de la Rocheposay, à Poitiers. —
Témoignages d'affection et d'estime.......................................................................................................... 416
Lettre MCCCLXXXVIII
(Inédite). — À la Mère M. -S. Favrot, à Marseille. — Suivre dans son
gouvernement l'exemple des deux Supérieures qui l'ont précédée.................................................................................. 417
Lettre MCCCLXXXIX.
— Circulaire adressée aux Supérieures de la Visitation. — La Sainte rend compte
des motifs qui ont déterminé son voyage en France. — Additions à faire au
Coutumier......................... 419
Lettre MCCCXC
— À la Mère M. -A. Le Roy, à Paris. — Désir de la voir, ainsi que sa
communauté. 421
Lettre MCCCXCI.
— À M. Baytaz de Château-Martin, à Annecy. — Avis de quelques prélats sur les
moyens d'union à établir entre les monastères delà Visitation. — La Sainte
demande la permission de passer l'hiver à Paris. 421
Lettre MCCCXCII.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Affaires. — Additions au
Coutumier. — La duchesse de Montmorency est obligée d'ajourner la fondation
projetée à Toulouse................ 423
Lettre MCCCXCIII
(Inédite). — À Mgr Pierre Fenouillet, à Paris. — Elle lui demande de
prêcher une cérémonie de profession............................................................................................................................. 425
Lettre MCCCXCIV.
— À la Mère M. -É. de Lucinge, à Annecy. — Il faut conserver la dilatation de
cœur au service de Dieu................................................................................................................................................. 426
Lettre MCCCXCV.
— À Mgr Nicolas de Grillé, évêque d'Uzès. — La Sainte lui demande d'approuver
le Coutumier et le remercie de la bienveillance dont il entoure la Visitation
du Pont-Saint-Esprit.......... 427
Lettre MCCCXCVI
(Inédite). — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Il faut être
fort réservé à faire de nouvelles fondations. — Bontés de l'évêque de
Montpellier pour l'Institut................................ 427
Lettre MCCCXCVII.
— À la Mère M. -C. de Bressand, à Nantes. — Utilité des avertissements
charitables. — C'est une obligation de conscience de faire la correction
fraternelle............................................ 428
Lettre MCCCXCVIII
(Inédite). — À M. le chevalier Janus de Sales, à Nice. — Témoignages de
reconnaissance pour la protection qu'il accorde aux Sœurs de Nice. — Plusieurs
évêques de France ont approuvé le Coutumier. 430
[757]
Lettre MCCCXCIX.
— À mademoiselle de Chasteigner d'Abain de la Rocheposay, à Poitiers. — La
Sainte regrette de ne pouvoir répondre à son désir, et la rassure sur la
crainte de perdre la Mère de Lage de Puylaurens. 431
Lettre MCD.
— À une Religieuse de la Visitation. — Conduite à tenir dans la tentation. — La
vertu acquise au sein de la lutte est la plus agréable à Dieu......................................................................................... 432
Lettre MCDI
(Inédite). — À la Mère M. -H. de Prunelay, à Rennes. — Regret de ne
pouvoir aller a Rennes. — On doit tout faire pour entretenir l'union des cœurs.
— Sur le bon choix des sujets. — Sortie d'une Sœur tourière. — Le monastère du
faubourg Saint-Jacques n'a pas été bâti sur le plan du Coutumier. — Il serait
utile de retarder la fondation d'un second monastère à Rennes. — Affaires. —
Travailler avec calme à l'œuvre de sa perfection. — Dans les circonstances
difficiles, demander conseil à Dieu plutôt qu'aux hommes..................................................................................................................... 433
Lettre MCDII
(Inédite). — À la même. — Au sujet de la fondation de Vannes. 437
Lettre MCDIII.
— À la Mère M. -M. Michel, à Fribourg. — Conseils pour la fondation du
monastère de Fribourg. — Approbation du Coutumier. — Éloge des monastères que
la Sainte a visités. — Mieux vaudrait ne jamais s'établir en Allemagne que d'y
manquer aux observances et à l'esprit d'humilité et de simplicité. — Éviter
toute exagération dans ses paroles. 438
Lettre MCDIV.
— À la Sœur M. -A. de Rabutin, à Annecy. — Avantages des tentations ;
moyens de les combattre................................................................................................................................................. 441
Lettre MCDV.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Reconnaissance envers L'évêque
de Montpellier. — Visites faites à différents monastères. — Projet de voyage
pour l'année suivante. — Avis spirituels. 442
Lettre MCDVI
(Inédite). — À la Mère M. -H. de Prunelay, à Rennes. — Voyage de M.
Marcher à Rennes. — Additions au Coutumier. — Quel est pour l'oraison l'attrait
ordinaire des Filles de la Visitation. — Une Supérieure ne doit pas quitter les
exercices de communauté pour parler en particulier à ses Sœurs....................................................... 443
Lettre
MCDVII (Inédite). — À la Sœur M. -R. de Guéroust, à Rennes. — Elle lui
recommande l'humilité, la confiance et la pureté d'intention................................................................................................................. 446
année
1636.
Lettre
MCDVIII (Inédite). — Au Révérend Père Plumeret, Jésuite, à
Pont-à-Mousson. — Regrets de ce que le monastère de Metz n'a pas pu subsister.
Retour des Sœurs fondatrices............................................. 446
Lettre MCDIX.
— À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Poitiers. — La Sainte hésite à
envoyer un Coutumier a l'évêque de Poitiers.............................................................................................................. 448
[758]
Lettre MCDX.
— À la Mère M. -E. de Lucinge, à Annecy. — Encouragement a correspondre aux
grâces de Dieu. — Diverses nouvelles.............................................................................................................. 448
Lettre MCDXI
(Inédite). — À une Religieuse de la Visitation. — L'âme religieuse ne
doit chercher de joie qu'en Dieu seul................................................................................................................................................. 449
Lettre MCDXII
(Inédite). — À la Mère A. -T. de Préchonnet, à Montferrand. — On prépare
une fondation à Alby. — Désir que la Mère A. -T. de Préchonnet soit Supérieure
à Dijon............................................ 450
Lettre MCDXIII.
— À une Supérieure de la Visitation. — Envoi d'une lettre pour Mgr de Paris. 451
Lettre MCDXIV.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à
Montpellier. — Promesse de visiter les monastères du Midi. 451
Lettre MCDXV.
— À la Sœur M. -S. Suret, à Draguignan. — Il faut retrancher soigneusement tout
retour inutile sur soi-même...................................................................................................................................... 453
Lettre
MCDXVI. — À madame la comtesse de Toulonjon, à Alonne. — Elle lui annonce
l'époque de son passage à Dijon. — Désir de l'y rencontrer......................................................................................................... 454
Lettre MCDXVII
— À la Mère A. -M. Clément, à Montargis. — Pourquoi Dieu envoie les
contradictions. — Nécessité d'unir la fermeté à la douceur......................................................................................................... 455
Lettre MCDXVIII.
— À Mgr B. -T. de Chevron-Villette, archevêque de Tarentaise, à Moutiers. —
Prière d'intervenir dans les affaires de la fondation de Turin. — Promesse de
recevoir une postulante recommandée par le prélat. 456
Lettre
MCDXIX. À M. Baytaz de Château-Martin, à Annecy. — La Sainte se dispose à
passer en Provence. Deux Sœurs données par le monastère de Paris la précéderont
à Annecy. — Bénédictions que Dieu répand sur l'Institut. 457
Lettre MCDXX.
— À la Mère P. -M. de Châtel, à Annecy. — La Sainte communique à la Mère de
Blonay l'état de son âme et en reçoit de la satisfaction.................................................................................................. 458
Lettre MCDXXI.
— À la Sœur A. -F. de Clermont-Mont-Saint-Jean, à Annecy. — Exhortation à se
reposer en Dieu avec paix et confiance........................................................................................................................... 459
Lettre MCDXXII.
— À saint Vincent de Paul, à Paris. — Humilité de la Sainte ; sa confiance
en saint Vincent de Paul................................................................................................................................................. 460
Lettre MCDXXIII
(Inédite). — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. —
Sentiments d'actions de grâces envers Dieu, qui a protégé les Sœurs du deuxième
monastère de Paris dans une fâcheuse affaire. — Détails sur quelques
Supérieures de l'Ordre..................................................................................................................................... 461
Lettre MCDXXIV.
— À la Mère M. -A. Le Roy, à Paris. — Témoignage d'affection. — On doit tenir
son cœur fermé à tout ce qui n'est pas Dieu................................................................................................................. 464
Lettre MCDXXV.
— À la Mère A. -T. de Préchonnet, à Rouen. — Elle applaudit à l'élection de
cette Mère à Rouen. — On se propose de rappeler à Paris Sœur A. -Marg, Guérin....................................................... 465
Lettre MCDXXVI
(Inédite). — À la Mère J. -M. Chahu, à Riom. — Désir que le Ciel bénisse
son gouvernement à Riom................................................................................................................................................. 466
[759]
Lettre MCDXXVII
(Inédite). — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Ferveur et
régularité qui règnent dans l'Institut. — Voyage de la Mère Favre à Nevers............................................................. 467
Lettre MCDXXVIII
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Établissement des
Sœurs de Metz à Guéret. — Compassion pour des esprits faibles. — Calamités
publiques..................................... 468
Lettre MCDXXIX.
— À madame la duchesse de Montmorency, à Moulins. — Combien elle estime
l'amitié dont la duchesse veut bien l'honorer. — Assurance de dévouement........................................................ 470
Lettre MCDXXX.
— À M. Baytaz de Château-Martin, à Annecy. — Condoléances sur la mort de sa
mère. 471
Lettre MCDXXXI
(Inédite). — À la Mère P. -M. de Châtel, à Annecy. — Humbles excuses de
la Sainte ; son prochain retour à Annecy............................................................................................................................... 472
Lettre MCDXXXII.
— À la Mère F. -G. de la Grave, à Bourges. —Détails sur le voyage de Provence.
— Demander à Dieu la cessation des calamités qui affligent son peuple............................................................ 473
Lettre MCDXXXIII.
— À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Poitiers. — Mêmes sujets. 474
Lettre MCDXXXIV.
— À madame la duchesse de Montmorency, à Moulins. — Prière d'employer son
crédit pour protéger les maisons religieuses dans les provinces menacées de la
guerre............................. 475
Lettre MCDXXXV.
— À M. Baytaz de Château-Martin, à Annecy. — Recommandations en faveur des
Pères Minimes................................................................................................................................................. 476
Lettre MCDXXXVI.
— À la Mère M. -M. Michel, à Fribourg. — Conditions nécessaires pour faire de
nouvelles fondations. — La Sainte se réjouit de la régularité des monastères
qu'elle a visités. — Le bien d'une communauté dépend en grande partie de la
Supérieure............................................................................................................................. 477
Lettre MCDXXXVII
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Compassion pour les
misères publiques. — Une Bulle pour l'approbation du Coutumier a été obtenue. —
Désir de voir la clôture exactement observée à la Visitation. 479
Lettre MCDXXXVIII
(Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Chambéry. — Remercîment. —
Affaires. 482
Lettre MCDXXXIX.
— À la Révérende Mère de la Trinité, Carmélite, à Troyes. — Ferveur et
exactitude des deux monastères d'Annecy. — Édification que la Sainte a reçue
des Carmélites d'Aix en Provence.... 483
Lettre MCDXL
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — La liberté de sortir
pour parer l'église sera désormais retranchée aux Sœurs sacristines. Insérer
cette défense dans le Coutumier............... 484
Lettre MCDXLI.
— À une communauté de la Visitation. — Exhortation à la pratique de la Règle,
du support mutuel et de la soumission à la Supérieure. — Quelle estime on doit
faire de la vie religieuse.......... 485
Lettre MCDXLII.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Il faut rendre gloire à Dieu
des faveurs qu'il accorde au monastère de Montpellier. — Prévisions pour la
prochaine élection. — Réclamer à [760] Mgr
Fenouillet la Bulle obtenue de Rome pour l'approbation du Coutumier. — La
peste, la guerre et la famine désolent plusieurs provinces. — Modifications
apportées aux hymnes de l'Office................................................................................................................ 487
Lettre MCDXLIII.
— À Mgr Octave de Bellegarde, archevêque de Sens. — La Sainte s'afflige des
maux du pauvre peuple. — La réception des sujets dépend des voix du Chapitre.............................................. 491
Lettre MCDXLIV.
— À une Supérieure de la Visitation. — Les maux de cette vie nous obtiendront
un surcroît de gloire dans l'autre...................................................................................................................................... 492
Lettre MCDXLV
(Inédite). — À la Mère M. -I. Joly de la Roche, à Belley. —Conseils pour
le bon gouvernement de sa communauté.......................................................................................................................... 494
Lettre MCDXLVI
(Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Prière de s'occuper de la
fondation de Turin. 495
Lettre MCDXLVII
(Inédite). — Au même. — Au sujet d'un achat avantageux au monastère de
Thonon. 496
Lettre MCDXLVIII
(Inédile). — Au même. — Prière de se rendre à Turin. 497
Lettre MCDXLIX
(Inédite). — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Démarches à
faire pour retrouver la Bulle d'approbation du Coutumier............................................................................................... 498
Lettre MCDL.
— À une Supérieure de la Visitation. — Bienheureuses sont les âmes qui se
quittent elles-mêmes. — On doit entretenir de bons rapports avec toutes les
maisons religieuses. — Importance de la charge de maîtresse des novices. — Se
garder du scrupule et de la mélancolie................................................................................................ 498
Lettre MCDLI
(Inédite). À la Sœur F. -J. Charcot, à Pignerol. — Encouragement à
servir Dieu avec confiance et fidélité................................................................................................................................................. 500
Lettre MCDLII
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Nevers. — Elle l'invite à passer
à Annecy, en revenant de Nevers................................................................................................................................................. 501
Lettre MCDLIII.
— À la Mère M. -M. Michel, à Fribourg. — La Sainte l'assure de l'affectueux
accueil qu'elle recevrait a Annecy, mais l'engage toutefois à prolonger son
séjour en Suisse............................ 502
Lettre
MCDLIV (Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Mesures de
sagesse a prendre s'il est jugé bon que la sacristine continue à parer l'autel...................................................................................... 504
Lettre MCDLV
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Chambéry. — Félicitations sur son
heureux retour à Chambéry. — Prière d'intéresser son frère aux affaires de
l'Institut...................................................... 505
Lettre MCDLVI
(Inédite). — À la Mère M. -C. de Bressand, à Nantes. Quelles Sœurs
peuvent être proposées à la prochaine élection de Nantes. — Le Père spirituel
doit appartenir au clergé séculier et dépendre de l'évêque. 506
Lettre MCDLVII
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Mgr de Sens
conseille de retrancher la sortie des Sœurs sacristines............................................................................................................................. 508
Lettre MCDLVIII.
— À une grande Servante de Dieu. — Éloge des deux monastères d'Annecy. — Peines
intérieures de la Sainte..................................................................................................................................... 509
[761]
année
1637.
Lettre MCDLIX
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Chambéry. — Souhaits de bonne
année. — Mort de M. de Coulanges............................................................................................................................. 511
Lettre MCDLX
(Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Retard de la fondation de
Turin. 512
Lettre MCDLXI
(Inédite) — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Explications
relatives à la fondation projetée à Toulouse. — La Mère de Beaumont peut être
proposée à l'élection qui doit se faire à Montpellier. 513
Lettre
MCDLXII (Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Chambéry. — Affaires. 516
Lettre MCDLXIII
(Inédite). — Au même. — Embarras suscités à la communauté de Thonon. 517
Lettre
MCDLXIV. — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Elle le
remercie d'avoir fait la visite canonique à la communauté de Melun. — La Sœur
de Bigny demande à être reçue au second monastère de Paris. 518
Lettre MCDLXV.
— Au même. — Publication du Traité de la conduite spirituelle selon l'esprit
de saint François de Sales. — Éloge d'un Père Jésuite. — Conseils de
direction...................................................... 521
Lettre
MCDLXVI. — À la Mère M. -J. Favre, à Chambéry. — Elle se réjouit des faveurs
spirituelles dont Dieu comble cette Mère au milieu de ses maux. Espoir de sa
prochaine guérison..................................... 523
Lettre MCDLXVII
(Inédite). — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Faire tenir
au plus tôt une somme due au monastère de Sisteron......................................................................................................... 524
Lettre MCDLXVIII
(Inédite). — À la Mère M. -J. Favre, à Chambéry. — Diverses affaires. 525
Lettre MCDLXIX
(Inédite). — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Elle
le félicite du travail qu'il entreprend pour la publication des Œuvres de saint
François de Sales. — La sortie des Sœurs sacristines dans l'église est
supprimée. — Éloge des monastères de Paris...................................................................................................... 526
Lettre MCDLXX.
— À la Mère M. -J. Favre, à Chambéry. — Tendre compassion. — C'est un grand
bonheur de souffrir pour Dieu. — Divers détails. — La Bulle d'approbation du
Coutumier est égarée. — Pauvreté des monastères. 528
Lettre MCDLXXI.
— À la Mère A. -L. de Marin de Saint-Michel, à Forcalquier. — Peines
intérieures de la Sainte. — Conseils de direction........................................................................................................... 530
Lettre MCDLXXII.
— À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — [762] Vertus de la Mère A. -C
de Beaumont ; elle gouvernerait utilement le monastère de Montpellier...................................................... 532
Lettre MCDLXXIII.
— À la même. — Même sujet........................................ 534
Lettre MCDLXXIV.
— À la Mère M. -P. Humbert, à Pignerol. — Madame de Saint-Georges prépare une
fondation. — On doit s'attirer la bienveillance du Supérieur....................................................................... 535
Lettre MCDLXXV
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Affaires des dîmes.
— Difficultés du monastère de Melun ; éloge de la Mère A. -Marg. Clément.
— Mgr de Montpellier a écrit trois fois à Rome pour recouvrer la. Bulle
d'approbation du Coutumier. — Inquiétudes de la Sainte au sujet de l'éducation
donnée à sa petite-fille Marie de Chantal. 537
Lettre MCDLXXVI.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Envoi de nombreux
manuscrits de saint François de Sales, destinés à être insérés dans l'édition
de ses Œuvres que prépare le commandeur. — L'humilité de la Sainte souffre de
l'estime qu'avait pour elle son Bienheureux Père....................................................... 540
Lettre MCDLXXVII.
— À la Mère M. -H. de Prunelay, à Rennes. — La Sainte permet à la Supérieure du
Croisic de se rendre à Rennes. — On doit employer aux charges les Religieuses
qui y sont propres....... 542
Lettre
MCDLXXVIII. — À la Mère L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Calamités
publiques. — Conduite à tenir dans une peine intérieure. — Sœurs proposées à
l'élection de Montpellier................................ 545
Lettre MCDLXXIX
[Inédite). —À la Mère M. -É. de Lucinge, à Annecy. — Offre d'une
postulante. 546
Lettre MCDLXXX.
— À la Mère M. -J. Favre, à Chambéry. — Il faut se réjouir d'être en butte à la
calomnie. — Recommandation en faveur des Mères Bernardines...................................................... 547
Lettre MCDLXXXI.
— À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Estime universelle pour
la doctrine de saint François de Sales. — Reconnaissance que tout l'Institut
doit au commandeur. — Désir qu'il envoie à chaque monastère un exemplaire de la
Conduite spirituelle. — Prévision pour l'élection de Melun.............................. 548
Lettre MCDLXXXII
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. Calomnies répandues à
Rome contre l'Institut. — L'expédition du Bref d'approbation du Coutumier est
retardée. — De l'instruction des novices et du catalogue pour les élections................................................................................................................................................. 551
Lettre
MCDLXXXIII. — À la Mère M. -H. Prunelay, à Rennes. — La Sainte se réjouit de la
ferveur des Sœurs de Rennes. — Désir de voir la communauté du Croisic
transférée a Vannes. — On a fait un recueil des Petites Coutumes du
monastère d'Annecy................................................................................................................................................. 553
Lettre MCDLXXXIV.
— À la Mère M. -M. de Martel, à Condrieu — Sentiment de saint François de Sales
au sujet des élections. — Mort de la Mère M. -Jacqueline Favre...................................................... 556
Lettre MCDLXXXV.
— À une Supérieure de la Visitation. — La [763] Supérieure doit user de support
envers les esprits faibles. — Faire traiter en secret une Sœur atteinte des
écrouelles.............................. 558
Lettre MCDLXXXVI.
— À la Mère H-. A. Lhuillier, à Paris. — Décès de la Mère Favre, éloge de ses
vertus. — Détresse de quelques monastères ; celui de Montpellier a élu
pour Supérieure une Sœur d'Annecy. — Deux communautés ont été contraintes de
faire une élection contre leur gré ; respect et déférence de la Sainte
pour la volonté des prélats. —Comment instruire les novices pour la confession......................................................................................................................... 560
Fragment d'une lettre sans adresse (Inédite). —
Voyage de la Sainte à Chambéry pour présider à une nouvelle élection................................................................................................................................................. 565
Lettre MCDLXXXVII
(Inédite). — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. —
Impressions fâcheuses répandues à Rome contre l'Institut. — Soumettre le
Coutumier au Nonce de Paris...................... 566
Lettre
MCDLXXXVIII. — À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Poitiers. — On ne doit
pas prendre envers le confesseur des engagements préjudiciables à la
communauté.................................... 567
Lettre MCDLXXXIX
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Les Religieuses de
la Visitation ne doivent jamais accepter d'Abbayes............................................................................................................. 568
Lettre MCDXC
(Inédite). — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. — Il
faut suspendre les poursuites pour obtenir un second Bref d'approbation du
Coutumier..................................................... 569
Lettre
MCDXCI (Inédite). — À la Sœur L. -D. de Marigny, à Montpellier. — De la
confession. — Sollicitude pour le monastère du Pont-Saint-Esprit. — Éloge de la
Mère F. -E. de Vidonne de Novéry ; traiter franchement avec elle. 570
Lettre MCDXCII
(Inédite). — À la Mère F. -E. de Vidonne de Novéry, à Montpellier. —
Déférence qu'elle doit avoir pour la Sœur déposée....................................................................................................................... 572
Lettre MCDXCIII.
— À la Sœur M.. P. de Pédigon, à Autun. — De la fondation de Charolles. —
Respect et déférence dus au prélat. — Quelle quantité de viande donner à chaque
Sœur......................................... 573
Lettre MCDXCIV.
— À la Mère M. -M. Michel, à Fribourg. — Élection de Sœur J. -F. de Challes à
Chambéry. — L'Institut a perdu quatre Supérieures de grand mérite. — Divers
détails........................................ 573
Lettre MCDXCV
(Inédite). — À la Mère P. -M. de Châtel, à Annecy. — Préparer un envoi
destiné aux Sœurs Bernardines................................................................................................................................................. 575
Lettre MCDXCVI.
— À un Religieux. — Prière d'user de son autorité pour arrêter des calomnies
répandues contre l'Institut................................................................................................................................................. 575
Lettre MCDXCVII.
— Circulaire adressée aux Supérieures de la Visitation. — Obligations que
l'Institut a contractées envers le commandeur de Sillery, quelles prières faire
à sa mort. — Plaintes répandues contre les monastères au sujet de la
confession ; comment les dissiper et recevoir un Visiteur. — Il n'est plus
permis aux Sœurs sacristines d'entrer dans le sanctuaire pour parer l'autel................................................................................................................................................. 578
Lettre
MCDXCVIII. — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à [764] Paris. —
Témoignages de reconnaissance. — Prières qui seront faites à Annecy pour le
commandeur après sa mort ; il prépare une édition des Œuvres de saint
François de Sales................................................................................................................................................. 584
Lettre MCDXCIX
(Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Chambéry. — La Sainte lui
recommande diverses affaires. 586
Lettre MD
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Affaires de
l'Institut. — Il serait bon d'attendre, avant de solliciter une Bulle pour
l'approbation du Coutumier, que les monastères l'eussent pratiqué quelque
temps. — Embarras de la maison de Melun ; il ne faut pas déposer la Mère
Clément avant l'Ascension....................... 587
Lettre MDI.
— À la Mère M. -C. de Glétain, à Mâcon. — Les occasions de dépouillement nous
doivent être précieuses. — Entreprendre avec confiance le gouvernement de sa
communauté............................. 591
Lettre MDII
(Inédite). — À la Mère M. -H. de Prunelay, à Rennes. — Moyens à prendre
pour faciliter la translation de la communauté du Croisic à Vannes. — Pauvreté
des Sœurs de Saint-Amour réfugiées à Bourg en Bresse. 592
Lettre MDIII.
— À la Mère M. -I. Joly de la Roche, à Belley. — Compassion pour une Sœur
malade. Conduite à tenir envers elle.......................................................................................................................................... 594
Lettre MDIV (Inédite).
— À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Le Nonce de Turin a reconnu la
fausseté des calomnies répandues contre l'Institut.................................................................................................. 596
Lettre MDV
(Inédite). — À M. Noël Brulart, commandeur de Sillery, à Paris. —
Mémoire remis par le Saint-Père au cardinal de Bichy. — Chaque monastère est
sous l'autorité de son évêque respectif............. 597
Lettre MDVI.
— À la Mère P.. M. de Châtel, à Annecy. — Prudence et charité de la Sainte au
sujet des difficultés que rencontre à Marseille la Mère de Ballon, réformatrice
des Bernardines...................... 598
Lettre MDVII.
— À la Révérende Mère Perrucard de Ballon. — Encouragement à souffrir en
silence. — Moyens à prendre pour obtenir de conserver dans leur intégrité les
Règles de sa Congrégation........... 600
Lettre MDVIII
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Corrections à faire
au Coutumier, relativement au catalogue pour l'élection des Supérieures. — Ne
rien changer à ce qui est marqué pour le chant. 601
Lettre MDIX
(Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Chambéry. — Conclusion de la
fondation de Turin. 602
Lettre MDX.
— À la Mère C. -É. de la Tour, à Gray. — La charge de Supérieure doit être
exercée avec humilité et confiance en Dieu. — Importance du bon choix des
sujets............................................................ 603
Lettre MDXI
(Inédite). — À la Mère H. -A. Lhuillier, à Paris. — Il ne faut rien
chanter en musique que ce qui est permis par le Coutumier. — Réception d'une
bienfaitrice infirme.................................................... 605
Lettre MDXII.
— Circulaire adressée aux Supérieures de la Visitation. — Éloge de la Mère P.
-M. de Châtel, détails sur ses derniers jours et son [765] heureux trépas. —
Mort du duc de Savoie. — Annonce de la fondation de Turin. 606
Lettre MDXIII.
— À la Mère C. -É. de la Tour, à Gray. — Affectueuses recommandations au sujet
de sa santé. 612
Lettre MDXIV
(Inédite). — À la Mère M. -C. de Glétain, à Mâcon. — Encouragement à
marcher sur les traces de la Supérieure qui l'a précédée. — Mort de la Mère de
Châtel........................................... 613
Lettre MDXV
(Inédite). — À Mgr B. -T. de Chevron-Villette, archevêque, de
Tarentaise, à Moutiers. — Douleur de la Sainte sur la mort de la Mère de
Châtel. — Regret de ne pouvoir visiter le monastère d'Aoste en allant en
Piémont. 615
Lettre MDXVI
(Inédite). — À la Sœur M. -A. de Bauffremont, à Fribourg. — Elle
l'engage à se rendre au monastère de Besançon............................................................................................................................... 616
Lettre MDXVII.
— À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Quelques détails sur la fondation de Turin. 617
Lettre MDXVIII.
— À une grande Servante de Dieu. — La Sainte expose son état d'épreuves
intérieures et demande conseil................................................................................................................................................. 618
Lettre MDXIX
(Inédite). — À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Affaires concernant le
monastère de Chambéry. 621
Lettre MDXX.
— À madame Mathilde de Savoie, à Turin. — Le décès de la Mère de Châtel a
obligé d'ajourner le voyage de Piémont.................................................................................................................................. 622
Lettre MDXXI.
— À M. l'abbé de Vaux. — Témoignage de gratitude pour les soins dont il entoure
le monastère d'Angers. — La Supérieure doit être le modèle de ses Sœurs. Compte
sévère qu'elle devra rendre à Dieu. — Conseils pour l'oraison. 623
Lettre MDXXII.
— À une Supérieure de la Visitation. — Mort de la Mère de Châtel. — Conseils de
direction. 626
Lettre MDXXIII
(Inédite). — À la Mère C. -É. de la Tour, à Gray. — Remercîments. — Mort
de la Mère P. -M. de Châtel................................................................................................................................................. 627
Lettre MDXXIV
(Inédite). — À la Sœur M. -M. de Granieu, à Chambéry. — Dans quelles
dispositions on doit souffrir les tentations et peines intérieures.......................................................................................... 628
Lettre MDXXV
(Inédite). —À M. l'avocat Pioton, à Thonon. — Retard de la fondation de
Turin. — Admission d'une postulante............................................................................................................................. 629
Lettre MDXXVI
(Inédite). — À la Mère C. -É. de la Tour, à Gray. — Difficulté de
correspondance avec elle. — La Supérieure doit former aux charges les Sœurs
capables de les exercer............................................ 630
Lettre MDXXVII
(Inédite). — À la Sœur F. -J. Charcot, à Pignerol. — Départ de la Mère
A. -C. de Beaumont pour Pignerol. — Affaires temporelles....................................................................................................... 632
Lettre MDXXVIII
(Inédite). — À Mgr de Watteville, évêque de Lausanne. — Proposition
touchant la fondation de Fribourg................................................................................................................................. 633
Lettre
MDXXIX. — À la Mère A. -M. de Lage de Puylaurens, à Poitiers. — Arrivée de Sœur
M. -A. de Bigny à Poitiers. — Droiture et sincérité des Sœurs de Lyon ; ne
conserver aucune défiance à leur endroit. 635
[766]
Lettre
MDXXX. — À la Sœur L. -D. de Marigny, à Montpellier. — Affaires. — Union
cordiale qui doit régner entre la Supérieure et la Sœur déposée........................................................................................... 637
Lettre MDXXXI.
— À la Mère P. -A. Brung, à Bourg en Bresse. — Charité de l'Institut envers la
communauté de Saint-Amour. — Offre des Sœurs de Bourges........................................................................... 639
Lettre MDXXXII.
— Aune grande Servante de Dieu. — La Sainte décrit ses peines intérieures, et
l'attrait de simplicité et de dépouillement par lequel Dieu la conduit......................................................................... 640
fin de
la table des matières du quatrième volume de la correspondance.
paris. — typographie de e. plon et cie, 8,
rue garancière.