|
|
LA DIVINITÉ DE JÉSUS-CHRIST PROUVÉE CONTRE LES JUIFS ET LES GENTILS.ANALYSE. Le saint Docteur s'adresse d'abord aux Gentils auxquels il prouve que Jésus-Christ est Dieu, par la fondation de lEglise, la propagation rapide de l'Evangile ; la conversion des Romains et des Barbares opérée en très-peu de temps par des personnes d'un extérieur méprisable, sans aucuns secours étrangers. Un pareil ouvrage n'est point de la main des hommes. Saint Jean Chrysostome vient ensuite aux Juifs contre lesquels il invoque l'autorité des Livres de l'Ancien Testament. Il leur démontre que tousses principaux mystères et événements du Christianisme ont été prédits par les prophètes. Le Christ sera Dieu et homme : Baruch. Il naîtra d'une vierge : Isaïe. Il viendra non entouré de magnificence mais d'humilité David, Isaïe. Il naîtra à Bethléem : Michée. Il guérira toutes sortes de maladies : Isaïe. L'ingratitude des Juifs également prédite: David, Isaïe. La sépulture du Christ: David, Isaïe La mission des apôtres: David, Joël. Les Juifs rejetés Malachie,Isaïe, Moïse. Jugement dernier: Malachie, David, Baruch, Isaïe. Honneurs rendus à la croix. Fréquent usage du signe de la croix.- Parcelle de la vraie croix recherchée de tout le monde.- Prophéties de Jésus-Christ réalisées. Miracle de la propagation de l'Evangile. Les Empereurs ont été vaincus dans la guerre qu'ils ont faite à l'Eglise. Efforts impuissants que les Juifs, aidés de Julien l'Apostat, ont faits pour rebâtir leur temple contrairement à la prophétie de Jésus-Christ. 1. La plupart des hommes, soit paresse, préoccupation de leurs affaires, ou peut-être ignorance, aiment peu les longs discours. J'ai donc cru nécessaire de leur épargner l'ennui que cause la prolixité; je veux, à force de concision, ôter toute raison d'être à la paresse, inspirer, s'il se peut, le goût de la lecture à ceux qui en sont le plus privés, et les amener â suivre avec intérêt l'oeuvre que j'entreprends. Laissant de côté toutes les parures du langage, j'emploierai des expressions tellement simples et faciles qu'elles soient à la portée des domestiques, des serviteurs, des veuves, des trafiquants, des matelots et des cultivateurs, je m'efforcerai de faire disparaître partout les longueurs, autant que possible et d'instruire en peu de mots; aussi simple que court, je réveillerai de leur assoupissement mes lecteurs les plus endormis; ils liront ce traité facilement et sans aucun effort, et en retireront du profit en le gravant dans leur mémoire. C'est avec les Gentils que j'engage d'abord le combat. Je suppose donc qu'un païen me dise : Où sont les preuves de la divinité de Jésus-Christ? (car voilà ce qu'il faut établir d'abord, et ce point établi, tout le reste en découle,) ni le ciel, ni le reste de la création ne pourront me servir à prouver cette vérité. En effet, j'aurai beau alléguer à mon adversaire païen, que Jésus-Christ a créé le ciel et la terre et la mer il ne l'admettra pas. Lui dirai-je que Jésus-Christ a ressuscité les morts, guéri les aveugles, chassé les démons : il n'y croira pas davantage. Lui parlerai-je du royaume céleste et des ineffables biens que Jésus-Christ promet aux hommes; raisonnerai-je sur la résurrection: bien loin que ces arguments le convainquent, il ne fera qu'en rire. Par où donc le saisir pour l'amener à notre foi, surtout s'il est ignorant?, Par où, sinon par un fait, sur lequel lui et moi, nous soyons pleinement et incontestablement d'accord, et sur lequel il n'existe aucune incertitude. Ce fait encore une fois ne peut-être la création du monde , puisqu'il n'admet pas que Jésus-Christ en soit l'auteur. Quelle est donc l'oeuvre, qui, de l'aveu même du païen, a pour auteur Jésus-Christ? C'est la (368) fondation du Christianisme. Ces Eglises établies sur toute la surface de la terre, à qui doivent-elles leur origine? à Jésus-Christ, personne ne saurait le nier, pas même un païen. C'est de ce fait que nous partirons pour montrer la puissance et prouver la divinité de Jésus-Christ. Est-ce un homme qui aurait pu en si peu de temps et malgré des oppositions de toute nature pénétrer le monde de sa pensée, l'élever à de si grandes choses, quand ce monde était engagé depuis tant de siècles, et si profondément dans l'erreur et le mal? Cette liberté des enfants de Dieu, il l'a rendue non-seulement aux Romains, mais aux Perses et aux Barbares. Et il a réussi dans cette entreprise sans recourir aux armes, sans dépenser d'argent, sans mettre d'armées en mouvement, sans allumer de guerres, mais, au moyen de onze hommes sans nom, sans importance, illettrés, grossiers, pauvres, mal vêtus, sans armes, sans chaussures, n'ayant qu'une tunique. A quoi a-t-il réussi? à persuader aux hommes de tant de nations d'appliquer leur esprit, non-seulement aux choses présentes mais encore aux choses futures; de déchirer les lois paternelles, d'extirper des coutumes très-anciennes et très-profondément enracinées, en implanter d'autres à leur place, de quitter un genre de vie commode, pour embrasser les sévérités, les austérités de la loi évangélique; voilà à quoi il a réussi, et cela pendant que de toutes parts on se déchaînait contre lui, et après avoir enduré le supplice infâme de la croix, et une mort ignominieuse. Personne n'osera le nier, les Juifs ont crucifié Jésus-Christ, ils ont fait ce qu'ils ont pu pour arrêter son oeuvre, et cependant l'Evangile s'est répandu sur la terre; il grandit chaque jour, et chose prodigieuse ! ce n'est pas seulement ici qu'il fleurit, mais jusque dans la Perse, qui donne présentement à l'Eglise des essaims de martyrs. Ces peuples que la prédication évangélique a trouvés plus féroces que des loups, elle les a rendus plus doux que des agneaux; et maintenant ces Barbares méditent sur l'immortalité de l'âme, sur la résurrection, et sur les biens ineffables dont nous avons reçu l'espérance. 2. Ce n'est pas simplement dans les villes que ces succès ont été obtenus, mais jusque dans le désert, dans les villages et dans les champs et dans les Iles et dans les ports et dans les arsenaux maritimes; non-seulement les pauvres, mais les grands, et ceux mêmes qui portent couronnes sont les sujets très-fidèles du Crucifié. Tout cela ne s'est pas fait au hasard, mais a été prédit longtemps d'avance , je vais essayer de le démontrer. Pour qu'on ne suspecte pas la sincérité de ma parole, je produirai les livres des Juifs qui ont crucifié Jésus-Christ , et je parcourrai sous les yeux des infidèles, les témoignages que rendent les Ecritures conservées aujourd'hui même encore chez ce peuple. Voici d'abord Jérémie, qui nous dit qu Dieu sera homme sans cesser d'être Dieu : C'est lui qui est notre Dieu; devant lui t autre sera compté pour rien. Il a trouvé toutes les voies de la science, et il les a livrées à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien-aimé. Après cela, il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. (Baruch, III, 36-38.) Voilà tout le mystère du Dieu fait homme énoncé en peu de mots : Dieu s'est fait homme, il a conversé avec les hommes, et ce Dieu est le même qui a établi l'ancienne loi : Il a trouvé toutes les voies de la science, et il les a livra à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien-aimé. Ceci montre que, avant même son avènement dans la chair, c'est lui qui gouvernait et réglait tout, lui qui étendait sur tout ses lois, sa providence, sa surveillance, et ses bienfaits. Un autre prophète dit que non-seulement il sera homme, mais qu'il naîtra d'une vierge; écoutez ses paroles : Voilà qu'une vierge portera dans son sein et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel (Is. VII, 14); ce qui se traduit : Dieu avec nous. Ensuite pour montrer qu'il n'aurait pas seulement les apparentes de l'humanité, mais qu'il serait réelle ment homme, le Prophète ajoute : Il mangera le beurre et le miel, c'est-à-dire, il usera des mêmes aliments que les enfants ordinaires. Puis, pour signifier qu'il n'est pas simplement homme, mais Dieu , le Prophète continue en ces termes : Avant l'âge auquel un enfant a coutume d'appeler son père bon ou mauvais, c'est-à-dire de discerner le bien et le mal, il repoussera le mal, et choisira le bien. (Isa. VII, 16.) Non-seulement le Christ sera homme et naîtra d'une vierge, mais il sortira de la maison de David, c'est encore le prophète Isaïe qui le prédit. Quoiqu'énoncée en termes figurés et métaphoriques, sa prophétie n'en est pas moins (369) d'une précision remarquable : Il sortira un rejeton de la tige de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine; et sur lui se reposera l'esprit de Dieu, l'esprit de sagesse et d'intelligence, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de science et de piété; l'esprit de la crainte de Dieu le remplira. (Is. XI, 1-3.) Or, David eut Jessé pour père, ce lest donc pas seulement la tribu, mais encore la famille d'où devait sortir le Christ qui se trouve ici marquée : Il sortira un rejeton de la racine de Jessé, paroles qui ne désignent pas un rejeton ordinaire, mais le Christ lui-même et sa royauté. Ce qui suit nous le fait voir. Car, après avoir dit : Il sortira un rejeton, le Prophète ajoute : Et sur lui se reposera l'esprit de sagesse et d'intelligence. Or, personne ne sera assez insensé pour dire que la grâce de l'esprit est venue sur du bois; non, rien n'est plus clair : c'est sur ce temple sans tache qu'elle est descendue. Le Prophète ne dit pas : l'esprit viendra, mais : il se reposera, pour marquer qu'une fois venu, il est resté et ne s'est point retiré. Jean l'Evangéliste le déclare également. J'ai vu, dit-il , l'Esprit descendre comme une colombe, et rester sur lui. (Jean, I, 32.) La décision donnée par les Juifs après la naissance de Jésus-Christ n'a pas été non plus passée sous silence. Saint Matthieu dit à ce sujet : A cette nouvelle Hérode fut troublé, et toute la ville de Jérusalem avec lui. (Matth. II, 3.) A coté de l'Evangéliste écoutez le Prophète; après avoir dit que les instruments de guerre deviendront la pâture de la flamme, il dit : Car un petit enfant nous est né et un fils nous a été donné; il sera appelé l'ange du grand conseil, le conseiller admirable, Dieu fort, le maître, le prince de la paix, le père du siècle futur. (Is. IX, 5,6.) Si porté que l'on soit à la contestation, personne n'osera soutenir qu'il s'agit ici d'un pur homme , tant il est évident qu'aucun homme n'a jamais été appelé le Dieu fort, ni le prince de la paix, surtout d'une paix semblable : Sa paix, est-il dit, n'a pas de limite. (Ibid. 7.) Les faits ne parlent pas autrement que le Prophète ; la paix du Sauveur a parcouru toute la terre et toute la mer, tout le monde habité et tous les déserts, les montagnes, les vallées, les collines, depuis ce jour où, près de remonter aux cieux , Jésus-Christ disait à ses disciples : Je vous donne ma paix, ce n'est pas comme le monde la donne, que je vous la donne. (Jean, XIV, 27.) Pourquoi? Parce que la paix des hommes se rompt aisément et qu'elle est sujette à beaucoup de vicissitudes, tandis que la paix de Jésus-Christ est ferme, stable , fixe, constante, immortelle, sans fin, malgré les innombrables combats qu'on lui livre de toutes parts , malgré les fréquentes embûches qu'on lui tend chaque jour. Sa parole, créatrice de toutes choses , ajoute cette merveille à tant d'autres. 3. Non-seulement les prophètes ont annoncé que le Christ serait homme, ils ont aussi prédit les circonstances de son avènement. Jésus-Christ ne devait pas, à son approche, lancer la foudre et les éclairs, secouer la terre, ébranler les cieux, accomplir d'épouvantables prodiges. Sans bruit et à l'insu de tous il a vu le jour dans la demeure d'un artisan, dans une obscure boutique. David l'a su et il l'a prédit, écoutez ses paroles : Il descendra comme la pluie sur la toison (Ps. LXXI, 6) : frappante image de son avènement tranquille et paisible ! C'est peu; écoutez encore un autre prophète dire la douceur, la mansuétude de sa conversation avec les hommes. Les injures, les crachats, les outrages, l'ignominie, la flagellation, le supplice de la croix enfin, il a tout supporté avec patience et douceur, il n'a tiré vengeance d'aucun de ces crimes, ni des opprobres, ni des embûches, ni de la fureur insensée, ni des attentats de ce peuple; or, tous ces faits, le Prophète les rappelle : Il ne brisera pas le roseau cassé, dit-il, et il n'éteindra pas la mèche qui fume encore, jusqu'à ce qu'il rende son jugement pour le triomphe de la vérité; et les nations mettront en lui leur espoir. Un autre prophète indique de la sorte le lieu de sa naissance : Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la plus petite entre les principales villes de Juda, car de toi sortira le chef qui conduira Israël mon peuple, et dont la génération est dès le commencement, depuis les jours de l'éternité. (Mich. V, 2.) Ce prophète nous prouve tout à la fois et la divinité du Christ et son humanité. Par ces paroles : Sa génération est dès le commencement, depuis les jours de l'éternité, il montre que son existence est avant les siècles, et par ces autres De toi sortira le chef qui conduira Israël mon peuple, il marque sa génération selon la chair. Mais ici encore brille une autre prophétie. Non-seulement Jésus-Christ naîtra, mais le lieu où il prendra naissance, chétive bourgade jusque-là, deviendra une ville illustre. C'est le même prophète qui le dit : Tu n'es pas la plus petite (370) entre les principales villes de Juda. Maintenant en effet, le monde entier accourt voir Bethléem où Jésus-Christ a été déposé à sa naissance, et aucune autre cause n'y attire. Le temps de son avènement a aussi été annoncé par un autre prophète : Il ne cessera d'y avoir un prince de Juda, ni un chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit venir, et celui-là même sera l'attente des nations ;il attachera son ânon à la vigne, et ait tendron de la vigne, le petit de son ânesse; il lavera sa robe dans le vin, et son manteau dans le sang dit raisin; ses yeux ont plus de charme que le vin, et ses dents sont plus blanches que le lait. (Gen. XLIX, 10-12.) Considérez l'admirable accomplissement de cette prophétie. Lorsque Jésus-Christ vint, il n'y avait plus de princes de Juda, la nation était sous le sceptre des, Romains; ainsi s'accomplissait ce que dit le Prophète : Il ne cessera d'y avoir un prince de Juda ni un chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit venir, paroles qui conviennent parfaitement à Jésus-Christ. A sa naissance, en effet, et au -temps de ce premier dénombrement, les Romains dominaient sur la nation des Juifs et les avaient assujettis au joug de leur empire. Ces autres paroles ont aussi leur signification : Et il sera !'attente des nations ; ce qui est arrivé, puisque, à sa venue, il a attiré toutes les nations. Après sa naissance, Hérode, pour l'atteindre, devait mettre à mort tous les enfants qui étaient à Bethléem et aux environs. Ce fait n'a pas été omis par les prophètes, voici en quels termes il est annoncé longtemps d'avance : Une voix a été entendue dans Rama; c'étaient des gémissements, des pleurs et de grands cris; Rachel pleurait ses enfants et ne voulait pas de consolation, parce qu'ils ne sont plus. (Jérém. XXXV, 15.) Son retour de l'Égypte a été pareillement annoncé par ces paroles : J'ai rappelé mon fils de l'Égypte. (Osée, XI, 1.) Il devait venir dans des contrées célèbres, il devait y accomplir des miracles et y répandre sa doctrine. Cette circonstance a été également prédite ; écoutez ce que dit Isaïe : Le pays de Zabulon, la terre de Nephthali, peuple assis dans les ténèbres, a vu une grande lumière; le jour s'est levé sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres et assis dans l'ombre de la mort. (Is. IX, 1.) Ainsi est annoncée sa présence dans ces contrées, et son enseignement dont les auditeurs voient la preuve dans les prodiges qu'il accomplit. Le même prophète rapporte encore d'autres miracles, et nous le montre guérissant les boiteux, rendant la vue aux aveugles et la parole aux muets : Alors, dit-il, seront ouverts les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds entendront. (Is. XXXV, 5.) Puis il ajoute : Le boiteux bondira comme le cerf, et la langue des bègues sera déliée (Ibid. 6) ; ce qui ne s'était jamais vu avant son avènement. Il est même quelques miracles dont les écrits prophétiques font une mention particulière. Ainsi Jésus-Christ entra un jour dans le temple, et les enfants à la mamelle dont la bouche ne profère encore que des sons confus, chantèrent en son honneur des hymnes sacrées et s'écrièrent : Hosanna au plus haut des cieux! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! (Matth. XXI, 9.) Longtemps à l'avance le Prophète avait ainsi prédit ce miracle : De la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle vous avez tiré une louange parfaite, pour confondre votre ennemi et celui qui cherche la vengeance. (Ps. VIII, 3.) Admirez comment la nature se fait violence à elle-même pour louer son auteur, et comment l'innocence de cet âge où l'on ne peut encore articuler les sons se charge de la prédication apostolique ? 4. Jésus-Christ s'entretenant avec les Juifs leur parlait souvent à mots couverts et en paraboles, à cause de leur méchanceté ; son dis cours était comme une énigme : ceci encore a été prédit anciennement : Je proposerai des questions qui sont à l'état de problème depuis la fondation dit monde, et je rapporterai des vérités cachées dès le principe. (Ps. LXXVII, 2.) Un prophète avait depuis longtemps publié la sagesse qui brillait dans ses discours : La grâce, dit-il, est répandue sur vos lèvres (Ps. XLIV, 3) ; et un autre encore avait dit : Voilà que mon fils aura l'intelligence ; il sera grand, illustre, sublime. (Is. LII, 13.) Les actions admirables et les miracles que son avènement a opérés sont rappelés sommairement dans ces autres paroles du même prophète : L'Esprit du Seigneur est sur moi; c'est pourquoi il m'a donné son onction, il m'a envoyé évangéliser les pauvres, annoncer la liberté aux captifs, et aux aveugles le rétablissement de la vue. (Is. LXI, 1.) Les Juifs, malgré tant de bienfaits qu'ils ont reçus de lui, le repousseront sans motif, puisqu'ils n'ont absolument aucun reproche à lui faire; cet aveuglement est prédit par David ; voici son oracle : Avec (371) ceux qui haïssent la paix j'étais pacifique; quand je leur parlais, ils s'élevaient contre moi sans sujet. (Ps. CXIX, 7.) Il entrera dans la ville, monté sur un âne; Zacharie l'a publié depuis longtemps : Sois comblée de joie, dit-il, fille de Sion; pousse des cris, fille de Jérusalem : voici ton roi qui vient à toi, plein de douceur, monté sur une bête de somme et son jeune poulain. (Zach. IX, 9.) Il a chassé les marchands de colombes et les changeurs. Son zèle pour la maison du Seigneur le portait à agir de la sorte, et il montrait en même temps qu'il n'est pas opposé à Dieu, mais qu'il est d'accord avec le Père; il a donc vengé l'injure qu'un tel trafic faisait à sa maison. Cette action n'est pas restée dans l'ombre plus que les autres, mais le prophète David l'a signalée, et il nous a même indiqué le motif d'une telle vengeance par ces paroles : Le zèle de votre maison me dévore. (Ps. LXVIII, 10.) Peut-on imaginer rien de plus clair ? Il devait être trahi, et le traître était un homme qui mangeait à sa table. Ecoutez le même prophète nous annoncer ce triste événement : Celui qui mangeait mon pain a fait éclater sa trahison contre moi. (Ps. XL, 10.) Remarquez l'accord du récit évangélique avec ces paroles : Celui qui a mis la main au plat avec moi, dit Jésus-Christ, celui-là me trahira. (Matt. XXVI, 23.) Non content de trahir, le traître devait vendre le sang précieux à prix d'argent; le Prophète le dit, il rapporte ce marché honteux et les paroles échangées. Que voulez-vous me donner, dit Juda, et je vous le livrerai? Ils répondirent : Trente pièces d'argent. C'est à cela que le Prophète fait allusion quand il dit : O Dieu, ne taisez pas ma louange, parce que la bouche du, pécheur et la bouche de l'homme trompeur se sont ouvertes pour me nuire. (Ps. CVIII, 1.) Ce traître enfin, bourrelé par le souvenir de son attentat, jeta les pièces d'argent, courut se pendre et termina ainsi ses jours, laissant sa femme veuve, ses enfants orphelins et sa maison déserte. Entendez avec quels accents pathétiques le Prophète raconte ce tragique événement : Que ses enfants deviennent orphelins, dit-il , et que sa femme devienne veuve; que ses enfants errent vagabonds d'un lieu à l'autre, et qu'ils soient chassés de leurs demeures! (Ps. CVIII, 9, 10.) Matthias reçut dans l'apostolat la place laissée vacante par le traître. Le même prophète l'avait annoncé : Qu'un autre, dit-il, reçoive son épiscopat. (Ibid. 8.) Quand Jésus-Christ, eut librement consenti à être trahi et qu'on se fut saisi de sa personne, il se forma un tribunal d'iniquité, composé de Juifs et de Gentils. Voyons encore comment ce fait est prédit par le Prophète : Pourquoi, dit-il, les nations ont-elles frémi, et les peuples ont-ils médité de vains complots ? (Ps. II, 1.) C'est peu encore; il n'est pas jusqu'au silence dans lequel il se renferma, au milieu d'une infinité de discours et d'accusations, qu'Isaïe n'ait annoncé par ces paroles : Il a été conduit à la mort comme une brebis ; et comme un agneau muet sous la main de celui qui le tond, il n'a pas ouvert la bouche. (Is. LIII, 7.) Le Prophète montre ensuite l'iniquité de la sentence : Une sentence a été portée contre son humilité; c'est-à-dire que les juges n'ont pas prononcé cette sentence selon l'équité. Nous voyons encore le Prophète indiquer la cause de son immolation. Ce n'est pas à cause de ses péchés, il était innocent et irrépréhensible, c'est pour les crimes du monde entier qu'il a été livré. Isaïe insinue lui-même cette double considération quand il dit de Jésus-Christ : Il n'a pas commis de péchés, et la fraude n'a pas été trouvée sur ses lèvres. (Isaïe LIII, 5.) Poussant encore plus loin, le Prophète veut nous faire connaître le profit que nous avons retiré de la croix et de ce sacrifice; voici l'oracle qu'il prononce : Nous étions tous errants comme des brebis; l'homme s'était égaré de son chemin : le châtiment, cause de notre paix, est tombé sur lui; nous avons tous été guéris par ses meurtrissures. (Is. LIII, 6.) Enfin, la même prophétie nous signale ainsi la peine qui devait être infligée aux Juifs pour tous leurs attentats : Je lui donnerai les impies pour prix de sa sépulture, et les riches en échange de sa mort. (Ib. 9.) David ayant dit à son tour : Rejetons de nous leur joug, ajoute : Celui qui habite dans les cieux se rira d'eux; alors, il leur parlera dans sa colère, et dans sa fureur il, les remplira de trouble. (Ps. II, 3.) Leur dispersion dans le monde entier est prédite par ces paroles. Mais Jésus-Christ lui-même nous fait connaître dans l'Evangile la peine qui les attend : Pour ceux qui n'ont pas voulu m'avoir pour roi, qu'on les amène ici, est-il écrit, et qu'on les immole. (Luc, XIX, 27.) Après avoir parlé du sacrifice, les prophètes n'ont pas oublié de dire la manière dont il s'est accompli, et David a donné ces détails : Ils ont (372) percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os. (Ps. XXI,17, 18.) Quant à l'iniquité commise par les soldats après qu'ils eurent attaché Jésus à la croix, il en est fait aussi mention dans ces autres paroles du Psalmiste : Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont jeté le sort sur ma robe. (Ps. XXI, 19.) Sa sépulture est annoncée par ces autres paroles du même prophète : On m'a mis dans une fosse profonde, dans des lieux ténébreux et dans l'ombre de la mort. (Ps. LXXXVII, 7.) Voici encore comment David prédit sa résurrection : Vous ne laisserez pas, dit-il, mon âme en enfer, et vous ne souffrirez pas que votre saint endure la corruption. (Ps. XV, 10.) Isaïe en parle aussi en d'autres termes : Le Seigneur veut le guérir de sa blessure, lui montrer la lumière, justifier le juste qui a été utile à un grand nombre. (Is. LIII, 10, 11.) Puis, dans une série de prophéties, il nous montre tout aussi clairement l'expiation des péchés des hommes par le sacrifice de Jésus-Christ : Il a porté lui-même les péchés de plusieurs (Ibid. 12) ; les hommes délivrés des démons : Il distribuera les dépouilles du fort; la mort de l'Homme-Dieu, principe de ce pouvoir : Parce qu'il a été livré à la mort (Ibid.) ; enfin, son empire établi sur le monde entier : Il possédera par héritage une grande multitude. (Ibid.) Quand le Libérateur descendit aux enfers, il remplit tout de trouble, c'était un tumulte, une confusion universelle, et la forteresse fut démolie. Les prophètes n'ont pas oublié cet événement, écoutez plutôt ce que crie David : Princes, ouvrez vos portes; ouvrez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera. (Ps. XXIII, 7.) Isaïe en parle aussi de la sorte : Je briserai les portes d'airain et je romprai les verroux de fer; je vous découvrirai des trésors enfouis dans les ténèbres, et je vous montrerai des trésors cachés, invisibles. (Is. XLV, 2.) C'est l'enfer que le Prophète appelle ainsi; car, tout enfer qu'il était, il contenait les saintes âmes et les vases précieux, Abraham, Isaac et Jacob. Voilà pourquoi Isaïe lui donne le nom de trésors, mais trésors enfouis dans les ténèbres, parce que le soleil de justice n'y avait pas encore répandu l'éclat de sa lumière ni l'annonce de la résurrection. Et quand cette résurrection sera accomplie, le Fils de l'homme n'ira pas prendre place parmi les anges ni les archanges, ni aucunes autres puissances subordonnées, mais il s'assiéra sur le trône royal; nous l'apprenons encore de David dont voici les paroles : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite jusqu'à ce que je mette vos ennemis comme un escabeau sous vos pieds. (Ps. CIX, 1.) 5. La mission des apôtres a aussi été prédite par Isaïe : Qu'ils sont beaux, s'écrie-t-il, les pieds de ceux qui annoncent l'Evangile de paix, qui annoncent les vrais biens ! (Is. LIT, 7.) Leurs pieds devaient les porter partout, voilà pourquoi ils sont l'objet de la louange du Prophète. David, en outre, nous fait connaître leurs moyens de succès : Le Seigneur, dit-il, donnera la parole à ceux qui annoncent l'Evangile avec une grande puissance. (Ps. LXVII, 12.) Ce n'est pas, en effet, par les armes, ni par l'argent, ni par la force corporelle, ni par de nombreuses armées que les apôtres ont remporté la victoire, il leur a suffi de la parole, parole rendue puissante , par l'éclat des miracles. Ils ont prêché le Crucifié, ils ont opéré des miracles, et le monde a été soumis. Voilà pourquoi le Prophète dit : Le Seigneur donnera la parole à ceux qui annoncent l'Evangile avec une grande puissance, appelant de ce nom les miracles. Prodigieuse puissance, en vérité ! A la voix d'un pêcheur, d'un publicain, d'un fabricant de tentes, les morts ressuscitent, les démons sont chassés, la mort est mise en fuite, les philosophes se taisent, les rhéteurs sont muets, les rois, les princes sont vaincus, les Barbares, les Grecs, toute nation obéit. Pouvait-il mieux dire? Par cette parole, par cette grande puissance sont accomplies toutes ces merveilles : les morts revivent, les pécheurs sont justifiés, les aveugles voient, les corps malades, les âmes corrompues reviennent à la santé. D'où leur venait donc cette puissance, sinon du Saint-Esprit, comme le déclarent ces paroles : Ils étaient remplis du Saint-Esprit (Act. II, 4); et tous prophétisaient, les hommes en même temps que les femmes. Sur chacun d'eux se reposèrent comme des langues de feu : prodige que dès longtemps Joël avait vu et prophétisé: Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, dit-il, vos fils prophétiseront, vos filles auront des visions, et vos jeunes gens, des songes; je le répandrai sur mes serviteurs et sur mes servantes, avant que brille dans tout son éclat le grand jour du Seigneur. (Joël, II, 28.) Ce qu'il appelle le grand jour, le jour brillant, c'est le jour du Saint-Esprit, et ensemble celui qui doit éclairer les grandes et (373) dernières assises. La foi est la condition du salut. Cette vérité n'a pas été oubliée plus que les autres, et le même prophète s'en souvient quand il dit : Et alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. (Ibid. 32.) 6. Le Christ envoie des prédicateurs par toute la terre, et il n'est personne à qui il ne soit donné d'entendre la prédication. C'est David qui l'annonce, écoutez cet oracle : Le son de leur voix a retenti par toute la terre, et leur parole est parvenue jusqu'aux extrémités du monde. (Ps. XVIII, 5.) Ailleurs, il nous les montre prêchant avec autorité, et surpassant en puissance ceux mêmes qui portent la couronne : Vous les établirez princes, dit-il, sur toute la terre. (Ps. XLIV, 17.) L'événement a confirmé la prophétie : Pierre et Paul sont plus grands que les rois et les princes. Car, tandis que les rois survivent souvent aux lois qu'ils ont portées, les lois de ces pêcheurs leur survivent dans une invariable stabilité, et défient tous les efforts réunis des démons, de la coutume, du vice, de la volupté et d'une infinité d'autres adversaires. Aucun roi ne sera jamais désiré avec autant d'ardeur que ces pêcheurs devenus des princes. Nous en avons pour garant le même prophète qui ajoute : Aussi tous les peuples publieront-ils éternellement vos louanges (Ibid. 18.), c'est-à-dire vous rendront grâces et vous témoigneront beaucoup de reconnaissance pour leur avoir donné de tels princes. La prédication étendra partout ses conquêtes , les prophètes nous l'affirment également. Ecoutez ce que dit David : Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage, et j'étendrai ta possession jusqu'aux extrémités de la terre. A cette attestation vient se joindre la déclaration identique d'un autre prophète : La terre entière, dit-il, sera remplie de la science de Dieu, comme les bassins des mers sont couverts par l'abondance des eaux. (Is. XI, 9.) Entendez annoncer aussi la docilité avec laquelle le monde s'est soumis : Il ne faudra plus que chacun enseigne son prochain, et que chacun enseigne son frère, en lui disant : Connais le Seigneur; car tous me connaîtront parmi eux depuis le plus petit jusqu'au plus grand. (Jérém. XXXI, 34.) L'Eglise est solidement établie, voici ce qui le prouve : En ces derniers jours, on apercevra la montagne du Seigneur et la maison du Seigneur sur le sommet des montagnes; elle sera élevée au-dessus des collines, et les peuples et les nations s'y rendront en foule. (Is. II, 2.) C'est peu qu'elle soit solide, stable, inébranlable; par elle une grande paix sera établie dans tout l'univers, les républiques et les monarchies tomberont, et tous seront soumis à un seul empire où régnera une paix presque générale, inconnue jusque-là. Dans l'antiquité, tous les artisans même et les rhéteurs portaient les armes et prenaient part aux combats, mais depuis l'avènement de Jésus-Christ rien de semblable ne se voit plus; la guerre est moins fréquente et moins farouche. Un prophète l'a dit : Ils briseront leurs glaives pour en faire des socs de charrue, et leurs lances pour en faire des faux; un peuple ne tirera plus l'épée contre un peuple, et ils ne s'exerceront plus au combat. (Ibid. 4.) Auparavant tous s'y exerçaient, maintenant tous ont oublié cet art, la plupart même ne l'ont pas appris, et s'il en est encore qui le pratiquent, c'est un petit nombre et à de rares intervalles, tandis qu'autrefois, l'insurrection était en permanence chez toutes les nations. La prophétie nous indique ensuite les éléments qui devaient former l'Eglise. A des hommes polis, doux et bons, d'autres viendront se joindre, farouches, inhumains, semblables par leurs moeurs à des loups, à des lions, à des taureaux; et de tous doit se former une seule Eglise, un seul troupeau dont le Prophète dépeint ainsi la variété : Alors le loup paîtra avec l'agneau. (Is. XI, 6.) Nous apprenons par ces paroles que les rois observeront les règles de la tempérance et de la douceur. Il ne s'agit pas de bêtes féroces, évidemment. Quand donc s'est réalisée cette prophétie? Que le Juif le dise: A-t-on jamais vu le loup paître avec l'agneau? Et dût-on le voir, quelle utilité en reviendrait-il au genre humain? Il s'agit d'hommes aux moeurs farouches, des Scythes, des Thraces, des Maures, des Indiens, des Sarmates, des Perses. Voilà les nations qui toutes doivent être assujetties air même joug, comme le déclare un autre prophète : Et ils le serviront sous un même joug, et ils l'adoreront chacun dans le lieu où il sera. (Soph. III, 9.) Ce n'est donc plus seulement à Jérusalem que l'on peut servir Dieu, mais aussi bien sur tous les autres points du monde; désormais aucune loi n'oblige plus les hommes à aller à Jérusalem; mais chacun, sans sortir de son pays, peut rendre à Dieu le culte qui lui est dû. 374 7. Les Juifs devaient être rejetés; cette réprobation n'a pas été passée sous silence, et le Prophète en parle en ces termes : Voici que la porte sera fermée sur vous, et vous n'allumerez plus vainement le feu sur mon autel. (Mal. I, 10.) Voici ensuite à qui sera confié désormais ce ministère. Depuis le levant jusqu'au couchant , continue la prophétie , mon nom est glorifié parmi les nations, et en tout lieu on m'offre un encens et une victime pure. ( Ibid. 11. ) Apercevez-vous la grandeur et l'excellence de ce culte? Et le changement accompli , le comprenez-vous ? Comprenez-vous que ce n'est pas le lieu mais la sainteté de la vie, que ce n'est pas la fumée ni l'odeur des viandes rôties ruais un culte différent qui fait l'essence de ce ministère ? Et comment, dira quelqu'un, les apôtres ont-ils attiré tant de nations? Comment ne parlant qu'une seule langue, la langue des Juifs , outils pu convaincre et le Scythe et l'Indien et.le Sarmate et le Thrace? C'est qu'ils avaient reçu du Saint-Esprit le don de la pluralité des langues. Voilà qui explique la conversion des Gentils; mais pour Israël à quoi a servi le don des langues? Le miracle de cette grâce n'a pas suffi pour attirer les Juifs. Ecoutez le Prophète qui l'assure : Je parlerai à ce peuple en différentes langues et par d'autres lèvres, et même alors ils ne m'écouteront pas, dit le Seigneur. (Is. XXVIII, 11.) Peut-on rien concevoir de plus évident? Les Juifs seront incrédules et les Gentils accourront; ce fait aussi a été prédit. C'est Isaïe qui le publie, écoutez encore ses paroles : Ceux qui ne me cherchent pas m'ont trouvé, et je me suis fait voir à ceux qui ne me demandent . pas. A une nation qui n'invoquait pas mon nom, j'ai dit : Me voici. » (Is. LXV, 1.) Mais pour Israël : Tout le jour j'ai étendu les mains vers un peuple incrédule et contradicteur. (Ibid. 2.) Et encore : Nous lui avons donné des avis comme à un enfant; il est comme une racine dans une terre desséchée. (Ib. LIII, 2.) Et encore : Seigneur, qui a cru à ce que nous rapportions, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé? (Ibid. 1.) Il ne dit pas : A notre enseignement, pour montrer que les apôtres ne parlaient pas d'eux-mêmes, mais qu'ils rapportaient ce que Dieu leur avait appris. Moïse proclame la prééminence de notre religion, et l'obligation de la préférer au judaïsme : Je les piquerai de jalousie, dit-il, en aimant ce qui n'était pas un peuple, et je les irriterai en leur préférant une nation insensée. (Deut. XXXII, 21.) Par ces expressions : ce qui n'était pas un peuple, il montre quelle était autrefois toute la bassesse de la gentilité; il ne la regarde pas même comme un peuple, tant elle était vile, extravagante, insensée. Mais tel est le changement opéré par la foi : ceux qui ne formaient pas même un peuple sont aujourd'hui bien plus honorés que ceux qui étaient comblés d'honneur. Voilà ce qui devait piquer les Juifs et les rendre meilleurs, comme le montre ce qui précède. Moïse dit bien : Je donnerai la préférence à ceux-ci, mais il ne s'en tient pas là et il nous fait voir aussi dans les autres une correction quelconque, fruit de la jalousie. Je vous piquerai de jalousie, dit-il, en aimant ce qui n'était pas un peuple. C'est comme s'il disait : Je les comblerai de tant de biens que vous en deviendrez jaloux et en serez piqués. Les Juifs sont donc ainsi devenus meilleurs. Ils avaient vu la mer partagée , les rochers fendus, des changements dans l'air et tant d'autres merveilles, et ils n'en immolaient pas moins leurs enfants , ils se consacraient au culte de Béelphégor et s'adonnaient à la magie; mais nous nous sommes approchés et notre religion a paru bien plus vénérable que la leur, dès lors ils ont été piqués de jalousie, ils se sont améliorés et ont mis des bornes à leurs crimes. Ainsi, le changement que la parole des prophètes, que la vue des prodiges n'avaient pu opérer, leur jalousie excitée contre nous l'a accompli. Il n'est plus personne aujourd'hui parmi eux qui immole ses enfants, personne qui coure aux idoles ou adore un veau. Le nom de la sainte virginité n'est pas même prononcé dans l'Ancien Testament, mais elle devait briller dans le Nouveau, et voici David qui le prédit : Des vierges seront amenées au roi après elle, on les conduira dans le temple du roi. (Ps. XLIV, 16.) Il n'est pas jusqu'au nom des prêtres, des évêques, que le Prophète ne connaisse. J'établirai vos princes dans la paix, dit-il, et vos évêques dans la justice. (Is. LX, 17.) 8. Jésus-Christ doit venir demander au genre humain, et surtout aux Juifs, un compte rigoureux. Prêtez l'oreille , et vous entendrez comment ce fait est prédit par David et Malachie. Ce dernier s'exprime de la sorte : Il est entré comme un creuset, comme l'herbe des foulons, et il purifiera l'argent et l'or. (Mal. III, 3.) (375) La pensée de Paul est la même, il écrit : Ce jour le montrera, parce qu'il se découvre par le feu. (I Cor. III, 13.) Et David : Dieu viendra manifestement. (Ps. XLIX, 3.) C'est le second avènement que proclame le Psalmiste, le premier s'est accompli avec de grands abaissements, il n'en sera pas ainsi de l'autre. Prompt comme l'éclair, cet avènement sera plein d'épouvante et d'horreur, les anges voleront partout annoncer l'arrivée du Juge, à qui rien n'échappera. Comme un éclair part de l'orient et apparaît jusqu'à l'occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme. (Matth. XXIV, 27.) Lui-même, sans avoir besoin de héraut, déclare ainsi de quelle splendeur il sera environné. Tel est le sens de cette parole de David : Dieu viendra manifestement. (Ps. XLIX , 3.) Décrivant ensuite le jugement à venir, le Prophète ajoute : Un feu brûlera devant sa face, et une violente tempête l'environnera. (Ibid.) Voilà pour les supplices que ce dernier jour réserve aux pécheurs; la magnificence du spectacle attire maintenant l'attention du Prophète: Il appellera le ciel d'en haut, dit-il, et la terre pour faire le discernement de son peuple. (Ibid. 4.) Par la terre il entend le genre humain tout entier, et dans le genre humain, sa pensée comprend la race juive, puis il ajoute : Assemblez devant lui tous ses saints qui ont fait alliance avec lui pour lui offrir des sacrifices, et les cieux annonceront sa justice, car Dieu lui-même est juge. (Ibid. 5.) A son premier avènement, le Christ devait exclure de son culte et rejeter les anciens sacrifices en faveur du nôtre. Ce changement encore a été prédit, écoutez en quels termes. Je n'ai plus voulu ni sacrifice ni oblation, mais vous m'avez approprié un corps. (Ps. XXXIX, 7.) Le Psalmiste le dit aussi ailleurs : J'ai été servi par un peuple que je ne connaissais pas; il a obéi à la parole qu'il entendait (Ps. XVII, 45), c'est-à-dire, à la parole des apôtres; et non à la vue de la mer partagée et des rochers fendus. David continue : Vous m'avez approprié un corps; puis il ajoute : Alors j'ai dit : Voici que je viens. En tête du livre il est écrit de moi. (Ps. XXXIX,10.) Il y a ici une double prophétie d'abord le Christ viendra, et il viendra quand les sacrifices seront rejetés, ce qui a été accompli lorsque l'autorité a passé des Juifs aux Romains. Nous trouvons encore dans Baruch une autre prophétie relative à l'avènement du Messie : Il a été vu sur la terre, dit ce prophète, et il a conversé avec les hommes. (Bar. III, 38.) Moïse dit aussi : Le Seigneur Dieu vous suscitera du milieu de vos frères un prophète semblable à moi: vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira. Quiconque n'aura pas écouté ce prophète, la mort le retranchera du peuple. (Deut. XVIII, 18.) Vous le voyez, cette prédiction n'a eu son accomplissement qu'en Jésus-Christ. Beaucoup de prophètes ont paru avant Jésus-Christ, les Juifs n'en ont écouté aucun, et cependant ils n'ont rien eu à souffrir de cette désobéissance. Mais parce qu'ils n'ont pas écouté le Christ, on les rencontre aujourd'hui partout, vagabonds, errants, fugitifs, exilés. Regardez-les chassés honteusement, ignominieusement de leur pays, ayant perdu avec leur ville principale les coutumes et les lois de leurs ancêtres, et portant en tout lieu leur châtiment et leur supplice. En vain essayerait-on de dire tout ce qu'ils ont eu à souffrir sous Vespasien et sous Tite , les plus tragiques événements n'égalent pas leurs malheurs. Ainsi s'est accompli cet oracle : Quiconque n'écoutera pas ce prophète, la mort le retranchera du peuple. Ils ne l'ont pas écouté , et tout chez eux a été dévasté. Jésus-Christ ressuscitera tous les hommes, Isaïe le déclare : Les morts ressusciteront, dit-il, et ceux qui sont dans le sépulcre sortiront de leur sommeil. Car votre rosée leur apportera la guérison (Is. XXVl, 19.) Le Prophète va plus loin. C'est après le supplice de la croix, après l'immolation de Jésus-Christ que son oeuvre resplendira dans tout son éclat; c'est après sa résurrection que l'Evangile fera ses plus grands progrès. Il a été lié, trahi par un disciple, conspué, outragé, flagellé, suspendu à un gibet ; autant qu'il était en eux, ses bourreaux lui ont refusé l'honneur de la sépulture; ses vêtements ont été partagés par les soldats; soupçonné de tyrannie, il a perdu la vie comme blasphémateur, comme tyran. Car, quiconque se fait roi, se déclare contre César. (Jean, XIX, 12.) Et encore : Eh bien! vous avez entendu son blasphème. (Matth. XXVl, 65.) Tout cela (levant arriver, le Prophète encourage son auditeur et le prépare à la confiance : Ne crains rien, lui dit-il, le Christ sera crucifié, flagellé , injurié par des larrons, mis à mort sur le soupçon de blasphème, mais après sa mort et sa résurrection son uvre apparaîtra si grande qu'il sera comblé d'honneur, de l'aveu de tous. Ainsi s'est accompli ce qu'Isaïe (376) avait prédit depuis bien longtemps : De Jessé sortira un rejeton, et celui qui s'élèvera pour commander aux peuples; en lui les nations mettront leur espoir, et son sépulcre sera glorieux. (Is. XI, 10.) C'est comme s'il disait : Le diadème est moins honorable que ce genre de mort. Et en effet, les rois après avoir ceint le diadème , prennent la croix, symbole de ce supplice. La croix est sur la pourpre, la croix est sur le diadème, elle est partout. La croix dans les prières, la croix sur les armes, la croix à la table sainte; d'un bout du monde à l'autre la croix resplendit avec plus d'éclat que le soleil. Et son sépulcre sera glorieux. 9. Un tel résultat n'a rien d'humain. Tant que vivent les grands hommes, leurs affaires prospèrent, viennent-ils à mourir, tout s'évanouit avec eux. Ce spectacle, le riche, le prince, l'empereur même, nous le donnent à leur mort. Alors, leurs lois sont abrogées, leurs images voilées, leur mémoire éteinte, leur nom livré à l'oubli, leurs clients méprisés. Tout à l'heure ils étaient à la tête des armées; peuples, villes, institutions, ils pouvaient tout changer d'un signe ; ils étaient maîtres d'ôter la vie, libres de la rendre au condamné marchant déjà au supplice. Et de toute cette grandeur, il ne reste plus rien. Pour Jésus-Christ, cet ordre est renversé. Avant le supplice de la croix il ne lui arrive rien que de triste. Judas le trahit, Pierre le renie et les autres prennent la fuite. Resté seul, ses ennemis le lient, et un grand nombre de ceux qui avaient cru en lui se retirent. Mais la victime a été immolée, alors, pour qu'il soit bien évident que ce crucifié n'était pas un pur homme, son oeuvre prend une face infiniment meilleure, elle fleurit et grandit de la manière la plus étonnante et la plus glorieuse. Avant le supplice de la croix, le chef du choeur apostolique succombe à la menace d'une portière, et après une si longue initiation, déclare qu'il ne connaît pas son Maître; après le supplice de la croix, il parcourt le monde entier; et dès lors, des foules innombrables de martyrs se laissent égorger, aimant mieux mourir que de répéter la parole arrachée par la peur au prince des apôtres, et par la menace d'une portière. Dès lors, dans toutes les contrées, dans toutes les villes, dans la solitude, dans les lieux habités et déserts, nous proclamons le Crucifié. Sur toute cette vaste étendue de terre visitée par le soleil, rois, généraux,princes,consuls, hommes libres et esclaves, ignorants et sages, insensés, barbares, tous invoquent son nom et l'adorent. L'oracle s'explique : Et son tombeau sera glorieux. Le lieu qui reçut son corps privé de vie, est devenu, tout chétif, tout pauvre qu'il est, plus vénérable et plus précieux que les palais des rois, que les rois eux-mêmes : Et son tombeau sera glorieux. Chose incroyable ! ce qui était arrivé au Maître, s'est reproduit pour les disciples vivants, ils ont été emmenés de force, donnés en spectacle, méprisés, enchaînés, assujettis à mille maux; morts, ils ont été comblés de plus d'honneur que les empereurs mêmes. Comment cela? Le voici. Dans la ville impériale, à Rome, les tombeaux du pêcheur et du fabricant de tentes attirent plus que tout autre monument et les empereurs et les consuls et les généraux; à Constantinople, ceux qui portent la couronne s'estiment heureux d'avoir leur sépulture non auprès des apôtres, mais au dehors et sur le seuil de la basilique ; ainsi les empereurs sont désormais les portiers des pêcheurs, et à leurs yeux, aux yeux même de leurs descendants, ce n'est pas une honte mais un honneur pour leurs cendres. Et son tombeau sera glorieux. Cet honneur dont Jésus-Christ jouit dans son repos vous apparaîtra plus grand, quand vous connaîtrez le symbole de sa mort, de cette mort maudite et la plus ignominieuse de toutes, puisque de tous les genres de mort celui-là seul était frappé de malédiction. Autrefois, en effet, parmi les coupables, les uns étaient livrés aux flammes, d'autres lapidés, d'autres perdaient la vie dans différents supplices, mais celui qui était attaché au gibet, qui était pendu au bois, non-seulement subissait le châtiment si douloureux auquel il était condamné , il était encore maudit: Maudit, est-il dit, celui qui est pendu au bois. (Deuter. XXI, 23.) Et cependant ce signe du dernier supplice, ce signe maudit, abominable, on l'aime aujourd'hui avec ardeur. La croix est un plus bel ornement que la couronne sur la tète des empereurs. Elle était autrefois en horreur à tout le monde, tout le monde aujourd'hui la recherche à l'envi. Aussi la trouve-t-on partout, chez les princes et leurs sujets, chez les femmes et les hommes, chez les vierges et les épouses, chez les esclaves et les hommes libres. Ce signe, nous l'imprimons tous continuellement sur les membres les plus nobles de notre corps, nous l'exposons chaque (377) jour à tous les regards, tracé sur notre front comme sur une colonne. Il brille à la table sainte, dans les ordinations des prêtres, et avec le corps de Jésus-Christ, dans la cène mystique. Partout on peut le voir représenté avec un admirable concert, dans les maisons, sur les places publiques, dans les déserts, sur les chemins, sur les montagnes, dans les bois et sur les collines, sur la mer et sur les fleuves, dans les îles, à table, sur les vêtements et sur les armes, sur nos lits, dans les festins, sur les vases d'argent et d'or, sur les ornements de perles, sur les peintures murales, sur les corps des animaux atteints de graves maladies et sur les corps des possédés, dans la guerre et dans la paix, le jour et la nuit, dans les choeurs joyeux et dans les familles d'ascètes : tant on se dispute partout à l'envi cet admirable don, cette grâce ineffable ! Et il n'est personne qui rougisse, personne qui se couvre le visage en pensant qu'elle est le signe d'une mort maudite; mais elle est pour nous tous un ornement plus précieux que les couronnes, les diadèmes et tous les colliers de perles. Elle n'est donc plus un objet d'horreur ; tous l'aiment et la désirent, tous la recherchent avec empressement; partout elle brille et resplendit, sur les murailles des maisons, sur les livres, dans les villes et les hameaux, dans les pays déserts et habités. Comment donc, demanderais-je volontiers aux Gentils, comment le signe d'un tel châtiment; de cette mort maudite, est-il aimé, recherché de tous avec ardeur, si ce n'est par la divine puissance du Crucifié ? 10. Toutefois, si cette démonstration est pour vous sans valeur; si, toujours aussi impudent, vous essayez d'affronter la vérité et de fixer sur elle des regards trop faibles pour en soutenir l'éclat, nous vous prouverons autrement toute l'importance de ce fait. 1llais comment? Les juges ont différents instruments de torture pour déchirer le corps, suspendre et arracher les membres: le chevalet, les roues, les ongles de fer, les fouets plombés. Qui voudrait les emporter à sa maison ? Quel homme consentirait seulement à toucher la main du bourreau qui les emploie ou à s'avancer pour les voir de plus près ? Ne les déteste-t-on pas généralement? Les voir, les toucher, n'est-ce pas d'un mauvais augure pour quelques-uns ? Ne s'en éloigne-t-on pas ? N'en détourne-t-on pas la vue ? Telle et bien plus détestable encore était autrefois la croix; car, ainsi que je l'ai dit, elle était plus qu'un signe de mort, elle était le signe d'une mort maudite. D'où vient qu'aujourd'hui tout le monde l'honore comme l'objet le plus vénérable et le plus précieux? Comment tout le monde se dispute-t-il ce bois sur lequel a été étendu et attaché le corps sacré de Jésus-Christ? Comment hommes et femmes, tous ceux qui ont puce procurer une parcelle de la croix l'enferment-ils dans l'or et portent-ils comme un ornement suspendu à leur cou ce bois, emblème de la condamnation, signe du dernier supplice? L'auteur de tous les êtres et de leurs variations, qui a changé le monde, en le délivrant de sa perversité, qui de la terre a fait un ciel, a aussi élevé au-dessus des cieux ce signe d'ignominie, cet instrument de la plus déshonorante des morts. Voilà les merveilles que le Prophète avait prévues quand il disait : Et son tombeau sera glorieux. Ce signe de mort, car je ne tarirais pas sur un tel sujet, est devenu la source de bénédictions nombreuses, un mur inexpugnable, la plaie mortelle du diable, le frein des démons, une muselière qui rend impuissante la rage de nos ennemis. Par ce signe Jésus-Christ a détruit la mort, brisé les portes d'airain, rompu les verroux de fer et renversé la citadelle de l'enfer; il a énervé le péché, arraché le monde entier à la condamnation qui pesait sur lui et guéri la plaie que Dieu avait infligée à notre nature. Que dis-je ?Ce que n'avaient pu obtenir la mer divisée, les rochers fendus, les changements opérés dans l'air, la manne distribuée pendant quarante ans à tant de milliers d'hommes, la Loi, tous les autres prodiges accomplis dans le désert ou dans la Palestine, la croix a pu le faire non-seulement dans un peuple, mais sur toute la terre, elle a pu le faire sans peine après la mort du Crucifié, cette croix jusque-là signe maudit, abominable, déshonorant, objet de l'horreur universelle. Jésus-Christ a prouvé sa puissance par ces faits, il l'a prouvée encore par ceux qui ont suivi. Toute la terre était stérile en vertus ; aride comme un désert, son sein était impuissant à produire un bon fruit ; en un instant Jésus-Christ en a fait un paradis, une mère très-féconde. Longtemps auparavant le Prophète l'avait annoncé en ces termes: Réjouissez-vous, stérile, qui n'enfantiez pas; élevez la voix et poussez des cris, vous qui n'étiez pas mère, car celle qui était abandonnée a plus d'enfants que (378) celle qui avait un époux. (Is. LIV, 1.) Après lui avoir ainsi rendu la fécondité, il lui a donné une loi bien préférable à la première. Les prophètes ne l'ont pas laissé ignorer, et voici ce qu'ils ont dit: Je ferai avec eux une alliance nouvelle, différente de l'alliance que j'ai faite avec leurs pères au jour oit je les ai pris par la main pour les retirer de la terre d'Egypte; parce qu'ils n'ont pas persévéré dans mon alliance, je les ai négligés, moi aussi, dit le Seigneur. Voici donc l'alliance que je ferai avec eux : je graverai mes lois dans leur esprit, et je les écrirai dans leur coeur. (Jérém. XXXI, 32.) Le changement sera subit et l'enseignement facile ; le Prophète le déclare ensuite : Et ils n'enseigneront plus, chacun son prochain, et chacun son frère, en disant : Connais le Seigneur; car tous me connaîtront parmi eux depuis le plus petit jusqu'au plus grand. A son avènement, il fera grâce à tous les pécheurs; Jérémie le prédit encore : Ils jouiront de cette alliance quand j'effacerai leurs iniquités et que je ne me souviendrai plus de leurs péchés. (Jérém. XXXI, 34.) Peut-on parler plus clairement? La vocation des Gentils, la prééminence de la loi nouvelle sur l'ancienne, la facilité de son introduction, la grâce accordée aux croyants et ce don fait par le baptême : voilà donc ce qu'annoncent ces prophéties. 11. L'auteur de ces bienfaits viendra un jour comme juge. Considérez encore la manière dont cet événement est prédit, car les prophètes ne l'ont pas négligé. Les uns ont vu et ont dépeint Jésus-Christ tel qu'il doit venir; les autres ont annoncé ce grand événement en propres termes : Daniel, même à Babylone au milieu des Barbares, le voit venir sur les nuées. 'l'elles sont ses expressions : Je considérais attentivement, et je vis comme le Fils de l'homme venir sur les nuées; il s'avança jusqu'à l'Ancien des jours, et on le présenta devant lui. La principauté et le royaume lui furent donnés, et tous les peuples, toutes les tribus et toutes les langues le serviront. (Dan. VII, 13.) D'un trait le Prophète esquisse le jugement. Je considérais attentivement, dit-il encore, jusqu'à ce que les trônes furent posés et les livres ouverts. Et un fleuve de feu jaillissait en sa présence. Il était servi par un million d'anges, et mille millions l'assistaient. Tout n'est pas dit ; Daniel continue, et nous montre l'honneur auquel seront élevés les justes. Il donna aux saints du Très-Haut la puissance de juger, et les saints entrèrent en possession du royaume. Malachie nous apprend que ce dernier jugement se fera par le feu. Le voici qui vient comme le feu de la fournaise et comme l'herbe des foulons. (Mal. III, 2.) Voyez avec quelle exactitude les prophètes ont annoncé tout ce qui devait arriver : Comment donc restez-vous encore incrédule, quand vous avez reçu tant de preuves de la puissance de Jésus-Christ, quand vous voyez les événements confirmer des prédictions si anciennes, sans en démentir une seule? Ce ne sont pas là des oracles supposés, nous en avons pour témoins ceux qui les premiers ont reçu les livres prophétiques et les possèdent. Les possesseurs, les gardiens de ces livres sont nos ennemis, les enfants de ceux qui ont crucifié Jésus-Christ. Mais comment dira-t-on, ne croient-ils pas en lui, puisqu'ils ont ces livres? Par la même raison qui les empêchait de croire lorsqu'ils le voyaient faire des miracles. Ce n'est pas sa faute s'ils ne croient pas en lui, mais c'est la faute de ces aveugles qui trébuchent en plein jour. Il a exposé à tous les regards le monde, instrument harmonieux dont toutes les parties sont comme des voix qui publient leur Créateur ; néanmoins, à en croire certains hommes, tout ce monde visible se meut de lui-même, il ne tient pas de Dieu son existence ; la création, la providence sont l'oeuvre des démons, du hasard, de la fatalité, de mystérieuses relations entre la génération et le mouvement des astres. Le Créateur n'est pas responsable de toutes ces folies; les seuls coupables sont ceux qui restent malades à l'extrémité parmi tant de remèdes. Un esprit juste voit, sans tant de secours, ce qui est vrai ; mais un esprit étroit et faux, eût-il un millier de guides, reste dans l'aveuglement où le retiennent ses préjugés. C'est là une observation qui s'applique non-seulement au cas présent, mais toujours et partout. Combien d'hommes à qui les lois sont inconnues, et qui passent leur vie dans la plus exacte observation des lois ! Combien d'autres, au contraire, nourris dans la connaissance des lois depuis l'enfance jusqu'à l'extrême vieillesse, ne cessent de les enfreindre ! L'antiquité même nous en fournit des exemples. Des miracles et des prodiges sans nombre n'ont pas rendu les Juifs meilleurs; il a suffi d'un seul mot pour convertir les Ninivites et les faire sortir du péché. Les choses ne se passent pas autrement (379) dans le vulgaire que dans les premiers rangs. De quels enseignements Judas n'a-t-il pas joui ? Il fut cependant un traître. Quel avertissement a reçu le larron? Pourtant il a confessé Jésus-Christ sur la croix et a proclamé sa ,royauté. Ne jugez donc pas de la vérité d'un fait par la manière de penser des hommes corrompus; mais au contraire, que la vérité du fait vous serve de règle pour décider qui sont ceux qui ont pris le bon parti. Les Juifs sont restés incrédules, les Gentils ont cru. Ce résultat était annoncé. David s'écrie dans un esprit prophétique : Mes fils devenus étrangers m'ont menti, mes fils devenus étrangers ont vieilli, et ils ont chancelé dans leurs voies (Ps. XVII, 46.) Isaïe dit à son tour : Seigneur, qui a cru aux paroles que nous avons rapportées, et à qui le bras du Seigneur s'est-il révélé (Is. LVI, 1.) Et encore : Ceux qui ne me cherchaient pas m'ont trouvé, et je me suis rendu visible à ceux qui ne m'interrogeaient pas (Is. LXV, 1.) La Chananéenne et la Samaritaine ont cru en Jésus-Christ; les prêtres et les princes l'ont combattu, lui ont tendu des piéges, ont écarté ceux qui croyaient en lui, et les ont chassés de la synagogue. N'en soyez point surpris, de semblables exemples abondent dans l'histoire de l'homme tant de nos jours que dans le temps passé. D'ailleurs, les Juifs n'ont pas tous été rebelles, un grand nombre ont alors embrassé la foi, et l'embrassent encore aujourd'hui. S'ils n'ont pas tous cru , il n'y a rien là d'étonnant : dans leur incrédulité , reconnaissez l'ingratitude humaine, reconnaissez la déraison, reconnaissez l'âme dominée par les passions. Jusqu'à présent nous avons rapporté ce que les prophètes ont dit de Jésus-Christ, les prédictions qu'ils ont faites si longtemps par avance, exposons maintenant celles qu'il a faites lui-même sur les événements futurs, tandis qu'il parcourait la terre et conversait avec les hommes ; vous y apprendrez encore à connaître sa puissance. Etant venu pour s'occuper du salut des hommes, de ceux qui existaient de son temps et de ceux qui vivraient après lui, il a travaillé à cette grande affaire par différents moyens. Voyez -le à l'oeuvre. Il fait des miracles et il prédit des événements qui doivent se réaliser longtemps après. D'un côté , les miracles, pour ceux qui en sont témoins, sont la garantie de la vérité des événements éloignés; de l'autre, la postérité qui constate la réalisation de ces événements, y voit la preuve que les miracles accomplis alors sont dignes de foi; et la conclusion de cette double preuve, c'est qu'il faut reconnaître sa royauté. 12. Ces prédictions étaient aussi de deux sortes : les unes devaient avoir leur réalisation dans la vie présente; les autres, après la consommation des siècles; et la vérité de celles-ci était clairement démontrée par la vérité de celles-là. Citons un exemple pour rendre évidente cette assertion trop obscure. Jésus-Christ était suivi de douze disciples, mais l'Église, personne n'en avait l'idée, ce nom même était inconnu, car la synagogue florissait encore. Que dit-il donc, que prédit-il au monde retenu presque tout entier dans les liens de l'impiété? Sur cette pierre j'édifierai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle (Matth. XVI, 18.) Examinez à votre gré ces paroles : vous les verrez resplendissantes de vérité. Le prodige ne consiste pas seulement à avoir édifié l'Église dans le monde entier, mais à l'avoir rendue invincible, à l'avoir fait sortir victorieuse de tant de combats qu'on lui a livrés. Car ces paroles: Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle, signifient les périls qui conduisent à la ruine et dans l'enfer. Voyez la vérité de la prophétie ? Voyez la puissance qui se révèle dans son accomplissement? Voyez la clarté que les paroles empruntent aux événements, et l'impossibilité de résister à une puissance qui opère tout sans efforts Cette parole est courte : J'édifierai mon Église ; mais ce n'est pas une raison pour la laisser passer inaperçue. Arrêtez-y, au contraire, votre esprit par la réflexion ; considérez la grandeur de l'oeuvre : tout ce qu'éclaire le soleil rempli d'Églises en si peu de temps; des nations converties en si grand nombre, amenées à rejeter les coutumes de leurs ancêtres, à déraciner des usages invétérés; le joug des plaisirs secoué , la tyrannie de l'iniquité repoussée et méprisée comme une vile poussière ; les autels, les temples, les idoles, les mystères, les solennités profanes, les sacrifices impurs dissipés comme la fumée : les autels du vrai Dieu partout érigés, chez les Romains, les Perses, les Scythes, les Maures, les Indiens; que dis-je ? en dehors même de notre monde ; car, jusque dans les îles Britanniques, situées au delà de notre mer et au sein de l'océan, on a ressenti la puissance de la divine parole, (380) on a élevé des églises et des autels. La parole évangélique, sortie pour la première fois de la bouche de Jésus-Christ, a été semée dans toutes les âmes, se trouve aujourd'hui sur toutes les lèvres. Couverte autrefois de ronces et d'épines, pour ainsi dire, la terre entière est maintenant nettoyée comme un champ où a passé la charrue; elle a reçu la semence de la piété. C'eût été une oeuvre déjà très-grande, que dis-je? t'eût été une oeuvre déjà marquée au coin de la puissance souveraine et divine, que de pouvoir, même sans être traversé par personne, même au sein de la paix la plus profonde, même avec une armée nombreuse d'auxiliaires et sans un seul adversaire, que de pouvoir, dis-je, arracher l'univers à des superstitions si invétérées et si commodes pour lui faire embrasser une religion encore plus difficile que nouvelle; que sera-ce donc si l'on considère toutes les difficultés qu'a rencontrées l'oeuvre du Christ? La coutume n'est pas le seul obstacle que Jésus-Christ ait renversé; un autre tyran, la volupté, a aussi été vaincu. L'héritage de tant de siècles transmis aux hommes par leurs pères, et tous leurs ancêtres, par les philosophes et les rhéteurs, il leur a persuadé d'en faire le sacrifice si difficile, et, ce qui était plus difficile encore, d'accepter, avec ce qu'elle avait de dur et de pénible, une manière de penser et de vivre toute nouvelle. Il a fait quitter la mollesse pour le jeûne, l'avarice pour la pauvreté, la luxure pour la continence, la colère pour la douceur, l'envie pour la bienveillance, la voie large et spacieuse pour la voie étroite, resserrée, ardue ; et c'est à des hommes accoutumés à la voie large qu'il a inspiré une telle résolution. Car ceux qu'il a appelés à la voie étroite et resserrée, à qui il a persuadé d'entrer dans cette voie rude et pénible, n'étaient pas étrangers au monde, à ses coutumes : ils s'y étaient corrompus , leurs coeurs s'y étaient amollis comme la boue. Et combien d'hommes Jésus-Christ a-t-il persuadés? Ce n'est pas seulement un ou deux, dix ou vingt, ou cent, mais presque tous ceux qui ont leur demeure sous le soleil. Quels ont été ses instruments? Onze hommes illettrés, ignorants, sans éloquence et sans naissance, pauvres, sans patrie, sans fortune, n'ayant ni la force corporelle, ni la supériorité que donnent l'éclat de la gloire, l'illustration des ancêtres, la puissance de la parole, le talent de discourir avec art, l'autorité de la science; de simples, pêcheurs, des fabricants de tentes, parlant une langue inconnue à leurs auditeurs, une langue différente de toutes les autres, la langue hébraïque, la seule qu'ils eussent apprise. Voilà les instruments dont il s'est servi pour édifier son Eglise, qui s'étend d'une extrémité du monde à l'autre. 13. Il y a quelque chose de plus étonnant encore. Ce n'est pas dans la paix, c'est au milieu de guerres allumées de toutes parts, que ces hommes ignorants, pauvres, en petit nombre, sans naissance, sans lettres, de basse condition, parlant une langue étrangère, sans considération, ont reçu la mission de corriger le monde entier, et l'ordre de l'amener à un genre de vie plus pénible. Chez tous les peuples et dans toutes les villes , que dis-je? dam toutes les maisons on leur faisait la guerre. A peine l'Evangile avait-il pénétré quelque part, qu'il séparait le fils d'avec le père, la bru davec sa belle-mère, le frère d'avec son frère, le serviteur d'avec son maître, le sujet d'avec son souverain, le mari d'avec sa femme, la femme d'avec son mari, le père d'avec ses enfants;, parce que la foi embrassée par les uns était repoussée par les autres. De là, les apôtres étaient en butte à des inimitiés journalières, à des guerres fréquentes, à mille morts: on les fuyait comme des ennemis publics. Ils étaient repoussés de tout le monde, des rois, des princes , des ignorants, des hommes libres, des esclaves, des peuples, des cités; et non-seulement eux, mais ce qui est plus cruel, les néophytes qu'ils catéchisaient. On poursuivait de la même haine les maîtres et les disciples, parce que la doctrine chrétienne paraissait contraire aux édits impériaux, a aux coutumes et aux murs des ancêtres. Elle enseignait à se détourner des idoles, et à mépriser des autels vénérés de toute antiquité, à abandonner des croyances immorales, à se rire des solennités païennes, à rejeter les initiations à des mystères regardés jusque-là comme terribles et redoutables, pour la défense desquels leurs adorateurs eussent donné leur vie, tait ils étaient loin d'admettre la doctrine qui les condamnait ! Voilà ce que le monde devait répudier, voici ce qu'il devait embrasser. Il fallait croire en Celui qui, né de Marie, conduit au tribunal d'un président et conspué, avait souffert d'innombrables tortures , une mort maudite, et après avoir été enseveli, était (381) ressuscité. Chose digne d'admiration ! La passion du Christ, tous la connaissaient. On savait généralement que Jésus avait enduré les fouets, les soufflets, l'ignominie des crachats lancés au visage, les coups, la croix, les risées, les plaisanteries dignes des tréteaux, et la sépulture accordée comme par faveur; mais la résurrection, les apôtres seuls la connaissaient; Jésus-Christ ressuscité ne s'était montré qu'à eux seuls. Et cependant , sur leur témoignage, on croyait, et l'Eglise s'édifiait par leur parole. Comment, et de quelle manière? Par la seule vertu de Celui qui leur en avait fait le commandement. C'est lui, en effet, qui préparait la voie, lui qui rendait tout facile, même ce qui était le plus difficile. Si une puissance divine n'eût assuré le succès de cette entreprise , elle n'aurait pas même eu un commencement d'exécution. J'en appelle à la bonne foi. Mais Celui qui a dit : Que le ciel soit, et le ciel fut; que la terre s'assoie sur ses fondements, et elle fut créée; que le soleil luise, et le soleil a lui; Celui dont la parole a fait toutes choses : c'est Lui qui a fondé toutes ces Eglises. Ce mot : J'édifierai mon Eglise, ce mot a suffi pour tout accomplir. Telles sont, en effet, les paroles de Dieu : elles produisent des oeuvres, et des oeuvres admirables et prodigieuses. Lorsqu'il eut dit : Que la terre produise de l'herbe (Gen. I, 11), aussitôt toute la terre devint un vaste jardin, une immense prairie, et, docile au commandement divin, la terre se para d'une infinité de plantes. De même maintenant à peine a-t-il dit : J'édifierai mon Eglise, qu'elle existe sans difficulté. En vain les tyrans lui déclarent la guerre; en vain les soldats prennent les armes, et les peuples en délire se livrent à une fureur plus violente que la flamme; malgré la coutume, les rhéteurs, les sophistes, les riches, les ignorants, les princes, la parole, plus ardente que le feu, dévore les buissons, nettoie les champs et sème le bon grain de la prédication. La prison, l'exil, l'amende, la mort : voilà quelques-unes des peines réservées aux croyants. On les coupe en morceaux, on les livre aux flammes, on les noie, on leur fait endurer tous les genres de supplices. Ils sont couverts d'ignominie, chassés, repoussés de toutes parts comme des ennemis publics. Cependant de nouveaux fidèles viennent se joindre à eux. La vue des tourments ne les a pas rendus plus lents à embrasser la foi; ils n'en sont que plus remplis d'ardeur; ils s'élancent pour la saisir comme ils feraient un riche trésor qui leur serait offert. Ainsi, sans contrainte, sans violence, ils accouraient se prendre dans les filets des pêcheurs, ils leur savaient gré de les y avoir amenés , et à la vue du sang des fidèles répandu par torrents, ils devenaient plus fervents et plus fermes dans la foi. Et quand les disciples, les maîtres même étaient enchaînés, expulsés, flagellés, et enduraient d'innombrables tourments, le nombre des prosélytes s'accroissait avec leur zèle. Paul l'atteste quand il s'écrie : Un plus grand nombre de frères dans le Seigneur, ayant confiance en mes chaînes, ont montré une hardiesse nouvelle pour annoncer la parole sans aucune crainte (Philip. I, 14) ; et encore ailleurs : Vous êtes devenus les imitateurs des Eglises de Dieu qui sont en Judée; car vous aussi, vous avez souffert de la part de vos concitoyens les mêmes persécutions qu'elles ont eu à souffrir de la part des Juifs,qui ont tué même le Seigneur, et nous empêchent de parler aux Gentils pour leur salut. (I Thess. II, 14, 15.) Il dit aussi dans une autre épître: Rappelez-vous les anciens jours, où, après avoir été illuminés, vous avez enduré la souffrance comme des athlètes dans de nombreux combats, sachant que dans les cieux vous attendent des biens meilleurs et permanents. (Héb. X, 32-34.) Comprenez-vous la puissance souveraine de Celui qui opère de telles merveilles ? Au milieu de tant d'épreuves les chrétiens ne perdaient pas courage , ils ne faiblissaient pas, mais ils se réjouissaient, ils tressaillaient, ils bondissaient de joie. L'Apôtre vient de nous apprendre que les disciples s'étaient vu avec plaisir dépouiller de leurs biens, et saint Luc nous dit, aux Actes des apôtres, que les maîtres revenaient tout joyeux du conseil, parce qu'ils y avaient été jugés dignes de souffrir l'injure pour le nom de Jésus-Christ. (Act. V, 41.) Paul nous dit de lui-même : Je me réjouis dans mes souffrances, et j'accomplis dans ma chair ce qui manque à la passion de Jésus-Christ. (Col. I, 24.) Et qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'il se réjouisse de ses souffrances, lui qui sur le point de mourir, non-seulement s'en réjouissait, mais, ce qui est l'indice d'une âme que rien ne saurait abattre, invitait ses disciples à partager sa joie. Je me réjouis, s'écrie-t-il, et je vous rends tous participants de ma joie, et vous aussi réjouissez-vous, et faites-moi participer à votre allégresse. (Phil. II, 17, 18.) (382) Qu'était-il donc arrivé pour que sa joie fût si complète? Il nous le dit : Pour moi, je suis comme une victime qui a déjà reçu,l'aspersion pour être sacrifiée, et le temps de ma mort est proche. (II Tim. IV, 6.) 14. C'est ainsi qu'ils édifiaient partout l'Eglise. Nul homme, même avec des pierres et de la chaux, ne peut élever une muraille, si on l'en empêche et si on le chasse ; et sur toute la terre d'innombrables Eglises ont été édifiées par ces hommes battus, enchaînés, chassés, mis en fuite, privés de leurs biens, flagellés, égorgés, brûlés, noyés avec leurs disciples. Et ce n'était pas avec des pierres , mais avec des matériaux bien plus rebelles, avec des âmes et des institutions qu'ils construisaient leur édifice. La construction d'un mur n'est rien en comparaison de la conversion d'une âme depuis longtemps au pouvoir du démon, à qui il faut persuader de renoncer à sa folie pour se renfermer dans les bornes étroites de la vertu. Voilà pourtant ce qu'ont obtenu des hommes nus et sans chaussure, parcourant le monde entier avec une seule tunique pour tout vêtement. Mais ils avaient pour auxiliaire et alliée la force invincible de Celui qui a dit : Sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise , et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. (Matth. XVI, 18.) Comptez tous les tyrans qui depuis lors ont livré bataille à l'Église, toutes les persécutions atroces qu'ils lui ont fait essuyer. Le combat, telle a été, depuis les premiers temps jusqu'à nos jours , la condition de la foi, de cette foi jeune encore et nouvellement plantée dans des intelligences sans consistance. 15. L'idolâtrie était la religion de tous les empereurs: d'Auguste, de Tibère, de Caligula, de Néron, de Vespasien, de Titus et de tous ceux qui lui out succédé jusqu'au règne du bienheureux Constantin. Tous ont attaqué l'Église ; les uns y ont mis plus de violence, les autres moins; tous cependant l'ont attaquée. Que si quelques-uns ont paru s'apaiser, l'idolâtrie dont tous les empereurs faisaient publiquement profession était encore une occasion de guerre ; car les courtisans, dans l'espoir de leur être agréables, combattaient l'Église sans relâche. Mais à quoi ont abouti toutes ces embûches et toutes ces attaques? Moins facilement se rompt la toile d'araignée, moins promptement s'évanouit la fumée, moins rapidement passe la poussière emportée par le vent. Par leurs embûches ils n'ont fait qu'augmenter la foule des martyrs; ils n'ont pas touché aux immortels trésors de l'Église, à ses colonnes, à ses tours, et par leur mort non moins que par leur vie, ils servent très-utilement d'exemple à la postérité. Remarquez la vérité de la prédiction : Et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle ? Le passé répond de l'avenir : personne n'y mettra obstacle. Si tant de guerres allumées, tant de combats livrés de toutes parts à l'Église, ont été sans effet et n'ont pas prévalu contre elle quand ses membres étaient encore peu nombreux , quand l'Évangile paraissait une nouveauté et n'avait pas jeté de profondes racines, comment la vaincre aujourd'hui que les mers et toutes les nations qui existent sous le soleil lui sont soumises, qu'elle a conquis l'univers, les montagnes, les vallées, les collines, tous les lieux, que les esclaves de l'impiété sont en petit nombre, que les autels, les temples, les . idoles et tout le reste a disparu, qu'il n'y a plus ni fêtes, ni initiations aux mystères, ni odeur des victimes, ni fumée des sacrifices, ni assemblées profanes? Mais une telle oeuvre, une entreprise si grande aurait-elle pu , avec tant d'obstacles, avoir un succès si magnifique et une issue qui rend témoignage à la vérité, si celui qui a fait la prédiction et qui l'a réalisée n'avait pas une puissance divine et invincible? Pour dire le contraire, il faut avoir tout à fait perdu l'esprit et l'usage du bon sens. D'autres prophéties proclament non moins clairement que celle-ci l'invincible puissance de l'Église. Car tout ce que le Christ 'a prédit était entièrement conforme à la vérité; il l'a, réalisé et aucune de ses paroles ne peut être vaine. Le ciel et la terre disparaîtront avant qu'on puisse démontrer la fausseté d'une seule de ses paroles ou de ses prédictions. Lui-même, avant que les événements lui eussent donné raison, l'a déclaré en termes formels: Le ciel et la terre passeront, a-t-il dit, mais mes paroles ne passeront point. (Matth. XXIV, 35.) Rien de plus juste. Ses paroles ne sont pas simplement des paroles, mais les paroles créatrices de Dieu. C'est par elles qu'il a fait et le ciel et la terre, et la mer et le soleil, et les choeurs des anges, et les autres puissances invisibles. Le Prophète lève toute obscurité à cet égard: Il a dit et tout a été fait, il a ordonné et tout a été créé. (Ps. CXLVIII , 5.) Tout, les créatures supérieures et inférieures , les créatures sensibles et intelligentes, les créatures corporelles et (383) incorporelles. La prophétie relative à l'Église montre donc, comme je l'ai dit, la grandeur, l'immensité et l'excellence de la véracité du Christ, de sa providence, de sa bonté et de sa vigilance. 16. Occupons-nous maintenant d'une autre prophétie plus claire que le soleil, plus éblouissante que ses rayons, exposée aux regards de tous, et s'étendant comme la première à toutes les générations. Telles sont du reste la plupart des prédictions de Jésus-Christ : elles ne sont pas limitées à quelques années, et la génération qui les a entendues n'en voit pas l'accomplissement; mais tous les hommes, la postérité même la plus reculée aussi bien que les contemporains peuvent, d'âge en âge et jusqu'à la consommation des siècles, en connaître l'irrésistible vérité. L'oracle précédent nous en a déjà fourni la preuve. Depuis le jour où il a été prononcé jusqu'à la fin des temps, rien n'a pu, rien ne pourra en ébranler ou en altérer la vérité. Elle fleurit, cette vérité, elle resplendit, elle croît, prenant chaque jour de nouvelles forces, toujours présente à tous, et à ceux qui vivent aujourd'hui et à ceux qui assisteront à l'avènement du Seigneur, afin que tous en retirent des fruits abondants et un profit considérable. Ceux qui étaient avant nous, ceux qui les ont précédés et ceux qui vivaient dans des temps bien plus reculés, en ont connu la puissance. Ils ont été témoins des guerres qu'on suscitait à l'Église, des périls auxquels elle était exposée, du tumulte, des clameurs, des flots, des tempêtes. Et ils ont vu qu'elle ne pouvait être ni submergée, ni vaincue, ni asservie, ni éteinte, mais qu'elle florissait, qu'elle croissait, qu'elle s'élevait tous les jours à une plus grande hauteur. La prédiction de Jésus-Christ, que je vais rapporter, sera une preuve nouvelle de la force et de la vérité de ses paroles. Quelle est donc cette prophétie ? Un jour, il entra dans le temple des Juifs. A la vue de ce temple, alors dans toute sa splendeur, et tout éblouissant d'or, magnifique par la beauté et la grandeur des édifices, par les merveilles réunies de l'art et de la nature, ses disciples étaient dans la stupeur. Que leur dit-il? Voyez-vous tout cela? Je vous dis en vérité qu'il n'en restera pas pierre sur pierre. (Matth. XXIV, 2.) Il en annonçait ainsi la destruction future, le renversement de fond en comble, la dévastation ; prédiction dont on voit aujourd'hui l'accomplissement à Jérusalem. Tous ces nobles et superbes, édifices ont, en effet, été détruits. Reconnaissez, dans ces deux prophéties, la grande, l'ineffable puissance du Christ qui en est l'auteur. Ceux qui l'honorent, il les élève, il accroît leur nombre; mais il humilie ses ennemis, il les détruit, il les extermine entièrement. Ce temple plus célèbre, plus grand qu'aucun autre par la sainteté du culte, n'avait son semblable nulle part. En quelque lieu du monde que fussent autrefois les Juifs, ils se mettaient en chemin pour apporter dans ce temple des dons, des victimes, des offrandes, des prémices et une infinité d'autres présents; les richesses de l'univers entier servaient à son ornement, et les Juifs prosélytes y affluaient de toutes parts. Grande était la renommée de ce lieu connu jusqu'aux extrémités de l'univers. Une seule parole de Jésus-Christ a suffi pour effacer, pour détruire, pour dissiper tout ce superbe monument comme de la poussière. Tous les Juifs, tous les prêtres même n'avaient pas la permission d'entrer dans la partie la plus sainte ; le grand prêtre seul le pouvait, et encore !n'était-ce qu'une fois l'an, et avec la robe traînante, des couronnes, la tiare et les autres vêtements sacerdotaux. Aujourd'hui, des prostituées, des efféminés, des infâmes, des adultères y ont accès sans que personne s'y oppose. La parole à peine prononcée a tout détruit, tout anéanti, et il ne reste plus du temple que ce qui est nécessaire pour montrer où fut autrefois le temple. Voyez quelle puissance se révèle encore ici. Depuis ce temps jusqu'à nos jours, ils n'ont pu construire un temple, ces Juifs si puissants autrefois, qui l'emportaient sur les nations et les rois, à qui presque jamais la victoire ne coûtait de sang, qui érigeaient une infinité de trophées extraordinaires, prodigieux. Et cependant rien ne leur manquait : ni l'appui des rois, ni le concours d'une multitude innombrable répandue sur toute la terre, ni des richesses immenses. Comprenez par là qu'on ne peut détruire ce que Jésus-Christ a édifié, ni édifier ce qu'il a détruit? Il a édifié l'Église et personne ne pourra la détruire ; il a détruit le temple, et personne, depuis bien longtemps, ne peut le relever. On a bien essayé de détruire l'Église, mais en vain ; on a tenté de relever le temple, mais inutilement. Dieu a permis ces tentatives, afin que personne ne puisse dire : Si l'on avait essayé, on (384) aurait réussi. L'essai a été fait, on n'a pu réussir. Un empereur de notre temps, plus impie que tous ses prédécesseurs, permit aux Juifs de mettre la main à l'oeuvre et voulut même y concourir. Ils commencèrent, mais le travail fut arrêté dès le principe par un feu qui jaillit des fondements et mit tout le monde en fuite. Ces fondements, à nu aujourd'hui, attestent la tentative, et montrent qu'on a bien pu achever de démolir en creusant, mais qu'on n'a pu enfreindre le décret de Jésus-Christ qui défendait de bâtir. Le temple avait déjà été détruit, mais de retour après soixante-dix ans de captivité, les Juifs l'avaient relevé aussitôt, et le second était plus splendide que le premier. Les prophètes l'avaient dit et annoncé avant l'événement. Mais voilà quatre cents ans qu'il a été renversé de nouveau, et l'on ne peut avoir ni la pensée, ni l'attente, ni l'espoir qu'il sera relevé. Qui pourrait l'empêcher cependant, si une puissance divine ne s'y opposait? Les Juifs n'ont-ils pas d'immenses richesses? Leur patriarche (1) à qui tous paient le tribut, ne possède-t-il pas de grands trésors? Cette nation n'est-elle pas audacieuse? n'est-elle pas impudente, querelleuse, téméraire, séditieuse? Ne sont-ils pas nombreux en Palestine ? nombreux en Phénicie ? nombreux partout? Comment donc n'ont-ils pu relever un temple, eux surtout qui savaient que partout ailleurs leur culte est illégal, leurs rites interdits par l'ordre formel de Dieu; que partout ailleurs les sacrifices, les offrandes et les autres observances légales doivent cesser et disparaître ? En effet, hors du vestibule sacré il ne leur était pas permis d'élever un autel, d'offrir un sacrifice ou des libations, de présenter une brebis ou de l'encens, de lire la Loi, de célébrer une fête ou d'accomplir aucune des autres prescriptions ? 17. Tandis qu'ils étaient à Babylone et que leurs ennemis voulaient les contraindre à chanter, captifs, esclaves, assujettis à des maîtres cruels, ils n'obéirent pas, ils ne cédèrent pas. Privés de la patrie et de la liberté, en danger de perdre la vie, retenus sous la main de leurs ravisseurs comme dans un filet, quand on leur ordonnait de chanter un cantique au son de 1. Plusieurs Pères, notamment Origène, saint Cyrille de Jérusalem et saint Jérôme, parlent des patriarches juifs dont l'un résidait en Judée, l'autre à Babylone. Le P. Pétau, dont on réédite en ce moment les Dogmata theologica (chez L. Guérin), doit être surtout consulté, si l'on veut se rendre compte des formes de gouvernement qui b sont succédé dans cette nation. leurs instruments, ils répondaient: Nous sommes assis aux bords des fleuves de Babylone, et nous avons pleuré, parce que ceux qui nous avaient emmenés captifs, nous demandaient de chanter des cantiques. Comment chanterons-nous un cantique du Seigneur sur la terre étrangère ? (Ps. CXXXVI, 1, 4.) On peut dire qu'ils manquaient d'instruments eux-mêmes nous ont appris pourquoi ils chantaient pas : Comment chanterons-nous cantique du Seigneur sur la terre étrangère ? Leurs instruments étaient là. Nous avons, disent-ils, suspendu nos instruments aux saules qui sont au milieu de cette contrée. Le jeûne leur était aussi interdit, comme un prophète le leur déclare : Avez-vous jeûné en mon honneur pendant soixante-dix ans ? dit le Seigneur. (Zach. VII, 5.) Il ne leur était pas permis non plus d'offrir des sacrifices et des libations: Ecoutez les trois enfants qui le disent: Il ny a ni prince, ni prophète, ni chef, ni lieu pour sacrifier en votre présence et trouver miséricorde. (Dan. III, 38.) Ils ne disent pas que les prêtres manquent, car les prêtres étaient avec eux, mais pour montrer que tout dépend du lieu, et que l'observation de la Loi est attachée à ce seul point, ils disent : Il n'y a point de lieu. Mais que parlé-je de sacrifices et de libations ? Il ne leur était pas même permis de lire la Loi, et un autre prophète leur fait un reproche de cette infraction : Ils ont lu la Loi dehors, et ils ont donné à cet acte le nom d'actions de grâces. (Am. IV, 5.) Ils ne pouvaient Célébrer ni la pâque ni la pentecôte ni la fête des tabernacles, ni aucune autre solennité. Ils savaient que la destruction du temple les mettait dans la nécessité de s'abstenir de toutes ces pratiques, que toute tentative pour les observer était une prévarication dont ils seraient punis, et cependant ils n'ont pu rebâtir le seul temple où la loi leur permît de célébrer leur culte. C'est que Celui qui a édifié l'Église avait aussi détruit le temple. Un prophète qui a prédit l'avènement de Jésus-Christ a aussi annoncé cette double manifestation de sa puissance. Ecoutez ce que dit ce prophète, bien qu'il fût postérieur à la captivité: Les portes seront fermées sur vous, et on n'allumera plus gratuitement le feu sur mon autel. Ma volonté n'est plus avec vous, car depuis le lever du soleil jusqu'au couchant, mon nom a été glorifié parmi les nations, et l'on m'offre en tout lieu de l'encens et une (385) victime pure. (Mal. I, 10, 11.) Vous l'entendez, le judaïsme est rejeté, tandis que le christianisme resplendit et se répand par toute la terre. Un autre prophète indique aussi quelle sera la forme du culte: Et ils l'adoreront chacun dans le lieu où il sera, et ils le serviront sous un même joug. (Soph. III, 10.) C'est encore un autre qui dit : La vierge d'Israël est tombée, elle ne se relèvera plus. (Am. V, 2.) Daniel raconte avec clarté ces événements ; il nous apprend que tout sera détruit : les sacrifices, les libations, l'onction, le jugement. Mais nous expliquerons plus clairement et plus longuement cette prophétie dans nos discours contre les Juifs. En attendant, marchons au but, et réduisons à néant toutes les vaines objections des Gentils. Je ne vous ai pas dit que Jésus-Christ avait ressuscité les morts et guéri les lépreux, dans la crainte que vous ne vinssiez à me faire cette réponse : Ce ne sont là que des contes et des fables ! Qui a vu? Qui a entendu? Cependant nous apprenons ses miracles de la bouche même de ceux qui nous disent qu'il a été crucifié et qu'il a reçu des soufflets. Si vous les jugez dignes de foi sur un point, pourquoi les accuser de mensonge sur les autres? S'ils avaient rapporté ces miracles pour flatter, leur Maître, et s'étaient laissé aller à une vaine et ridicule jactance, ils n'auraient rien dit de ses tristesses et de ce qui pouvait le déshonorer aux yeux d'un grand nombre. Mais ils ont dit la vérité à cet égard, ils ont insisté, ils ont tout raconté avec beaucoup de soin et de détail, ils n'ont omis aucun fait ni grand ni petit. Tandis qu'ils laissaient ignorer bien des particularités de ses miracles et de ses prodiges, ils se sont tous appesantis sur ses souffrances et sur tout ce qui pouvait paraître ignominieux, et ils l'ont scrupuleusement rapporté. Je n'ai fait mention, moi non plus, ni de ses miracles ni de ses prodiges. Voulant enchaîner toutes les langues impudentes, je n'ai rapporté que des faits visibles, exposés aux regards de tous, plus clairs que le soleil, accomplis sur tous les points du monde , dominant l'univers, surpassant toutes les forces de la nature humaine, des faits, en un mot, qui sont l'oeuvre de Dieu seul. A quoi bon dire : Il n'a pas ressuscité les morts? Direz-vous aussi qu'il n'y a pas d'Eglises dans le monde? Direz-vous qu'on ne leur a pas tendu des embûches? qu'elles ne les ont pas déjouées ? qu'elles n'ont pas remporté la victoire? Autant vaudrait dire qu'il n'y a point de soleil. Quoi donc? ne voyez-vous pas les ruines du temple juif exposées aux regards de tout l'univers? Pourquoi ne faites-vous pas ce raisonnement: Si Jésus-Christ n'était pas Dieu, et le Dieu fort, comment ses adorateurs persécutés se seraient-ils accrus de la sorte , tandis que ceux qui l'ont crucifié et maltraité sont abaissés au point d'avoir perdu toutes leurs institutions, et parcourent le monde, vagabonds, errants , fugitifs, sans que, depuis si longtemps, la condition des uns ou des autres ait changé? Les Juifs n'ont pas craint de faire la guerre à l'empire romain, ils ont pris les armes, combattu longtemps, remporté même quelques victoires; ils ont inquiété les Augustes de ce temps-là : tant ils avaient de puissance l Et ces hommes qui ont fait la guerre et livré tant de combats aux empereurs, qui étaient forts de leurs richesses, de leurs armes et de leurs soldats, qui ont repoussé un nombre infini de généraux, ces hommes n'ont pu élever un temple ! Ils ont construit des synagogues en beaucoup de villes, mais le temple d'où leur gouvernement tire toute son autorité, le temple où ils avaient coutume de pratiquer toutes leurs observances, qui est le lien de leur constitution, ce temple seul, ils n'ont pu le rétablir !
|