DISCOURS IV

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DIVINITÉ

DISCOURS CONTRE LES JUIFS.

 

QUATRIÈME DISCOURS. CONTRE LES JUIFS, LEURS TROMPETTES, LEUR PAQUE. PRONONCÉ A ANTIOCHE, DANS LA GRANDE ÉGLISE.

 

ANALYSE.

 

Pour juger si une action est bonne ou mauvaise, il faut moins considérer sa nature que sa conformité avec la volonté de Dieu.— Or, le jeûne des Juifs est opposé à la volonté de Dieu.— Tous les actes du culte, en effet, doivent s'accomplir à Jérusalem et non ailleurs, comme le prouvent : 1° la Loi même; 2° d'exemple des saints.— in détruisant Jérusalem, Dieu a donc montré clairement qu'il n'agréait plus le culte des Juifs.

 

1. Les plus misérables et les derniers des hommes, les Juifs, se préparent à jeûner de nouveau, et de nouveau nous sommes obligé de prémunir le troupeau de Jésus-Christ. Tant que les bergers n'ont rien à craindre de la bête féroce, ils se jettent sous un chêne ou sous un sapin, jouent du chalumeau et laissent paître les brebis en toute liberté; mais, dès qu'ils prévoient l'attaque des loups, aussitôt, jetant le chalumeau et la flûte, ils prennent en main la fronde, ils s'arment de bâtons et de pierres, et, se mettant devant le troupeau , ils poussent de grands cris et des clameurs retentissantes, et la voix suffit souvent, sans les coups, à écarter l'ennemi. Nous agissons comme eux : les jours précédents, nous vous expliquions tranquillement les saintes Ecritures; avec vous, nous parcourions en toute sécurité ces pâturages sacrés, laissant de côté l'arme de la polémique parce qu'aucun ennemi ne nous menaçait; mais, puisqu'aujourd'hui les Juifs, plus cruels que tous les loups, s'apprêtent à tendre des piéges à nos brebis, c'est une nécessité pour nous de nous préparer à la lutte et au combat, pour que rien de ce qui est à nous ne devienne la proie des bêtes; féroces. Quoique ce jeûne ne doive arriver que dans dix jours et davantage, ne vous étonnes pas si nous nous occupons déjà d'armer et de fortifier vos âmes.

Lorsqu'un torrent voisin menace d'emporter les terres de leurs champs, les cultivateurs n'attendent pas le temps de l'hiver pour se mettre en garde; longtemps avant cette saison ils consolident les bords, élèvent des digues, creusent des fossés, et se mettent en défense par tous les moyens possibles. Il est aisé de se rendre maître du torrent tant qu'il est tranquille dans son lit resserré ; mais quand il aura crû, et qu'il roulera ses eaux avec une grande impétuosité, il ne sera plus aussi facile de le dompter. On (308) en prévient donc les ravages longtemps d'avance, en préservant par de sûres défenses tout ce qui redoute ses attaques. Ainsi ont coutume de faire les soldats, les matelots et les moissonneurs. Les soldats fourbissent leurs cuirasses avant le combat, inspectent avec soin leurs boucliers, préparent les rênes, donnent une meilleure nourriture aux chevaux , en un mot mettent tout en ordre. Les matelots, avant de traîner le navire au port, en radoubent et réparent la carène et les flancs , polissent les rames, raccommodent les voiles et disposent tout le reste de l'armement. Les moissonneurs également, bien des jours à l'avance , aiguisent la faux et préparent l'aire, les boeufs, le char, et tous les instruments qui doivent leur servir à faire la moisson. Enfin, il n'y a pas d'affaire qui ne demande à être précédée de certains préparatifs qui en facilitent l'exécution.  .

Nous suivons la même marche, nous prémunissons vos âmes longtemps à l'avance, en vous exhortant à fuir ce jeûne impie et inique. Ne me dites donc pas que les Juifs jeûnent; il s'agit de me montrer qu'ils le font selon le dessein de Dieu. S'il n'en est pas ainsi, leur jeûne est plus inique et plus coupable que ne le serait l'ivresse et la débauche. Il ne faut pas considérer seulement les actions en elles-mêmes, il faut encore en examiner le principe.

Tout ce qui se fait selon le dessein de Dieu est excellent, parût-il mauvais; au contraire, ce qui se fait contre la volonté de Dieu, et lui déplaît, quand on le croirait excellent, est ce qu'il y a de plus mauvais et de plus inique. Le meurtre exécuté selon l'ordre de Dieu, est préférable à l'humanité; le traitement le plus humain, s'il contrarie la volonté de Dieu, rend la clémence plus criminelle que le meurtre. Ce n'est pas la nature des actions, mais ce sont les jugements de Dieu qui rendent les actions bonnes ou mauvaises.

Et afin que vous compreniez cette vérité, écoutez : Achab ayant, un jour, pris un roi des Syriens, lui conserva la vie contre la volonté de Dieu, lui fit partager son siège, et le renvoya avec beaucoup d'honneur. Alors, un prophète s'approchant) dit à un de ses compagnons : Par l'ordre du Seigneur, frappe-moi. Et l'homme ne voulut pas le frapper. Le prophète lui dit : Parce que tu n'as pas écouté la parole du Seigneur, voilà que tu vas t'éloigner de moi, et le lion te tuera. Il le quitta, en effet, et le lion le trouva et le tua. Le prophète trouva un autre homme, et lui dit : Frappe-moi; et l'homme le frappa et le chargea de coups; alors il se banda le visage. (III Rois, XX, 35-38.) . Peut-on concevoir rien de plus étonnant? Celui qui a frappé le prophète a la vie sauve, et celui qui l'a épargné est puni. Sachez donc que, quand Dieu commande, il ne faut pas rechercher curieusement la nature des actions, mais seulement obéir. De peur, en effet, que le premier n'épargnât le prophète par respect, celui-ci ne lui dit pas simplement : Frappe-moi; mais : Par l'ordre du Seigneur; c'est-à-dire, Dieu a commandé, n'en demande pas davantage ; l'auteur de cet ordre, c'est le roi suprême, respecte la majesté de celui qui commande, et soumets-toi avec le plus grand empressement. Mais cet homme ne put s'y résoudre ; c'est pourquoi il subit le dernier châtiment, pour avertir tous les hommes qu'il faut céder et obéir toutes les fois que Dieu commande. Puis, quand le second l'eut frappé, et l'eut encore chargé de coups, le prophète s'enveloppa la tête d'un bandeau , se couvrit les yeux, et se rendit méconnaissable. Pourquoi agit-il de la sorte ? Parce que Dieu lui avait donné ordre de réprimander et de condamner Achab, coupable d'avoir sauvé la vie au roi des Syriens. Le prophète ne voulait pas être reconnu de ce prince impie qui, haïssant les prophètes, l'aurait éloigné de sa présence et l'aurait empêché de remplir sa mission. Voilà pourquoi le prophète cache son visage, use de dissimulation pour pouvoir parler au roi. En effet, le roi étant venu à passer, le prophète cria après lui et lui dit : Votre serviteur partit pour combattre dans l'armée; et voilà qu'un homme m'en amena un autre, et me dit : Gardez-le-moi ; s'il parvient à s'échapper, votre vie répondra de sa vie, ou vous paierez un talent d'argent. Or, il arriva que votre serviteur se mit à regarder çà et là, de tous côtés, et voilà que cet homme n'était plus là. Le roi d'Israël lui dit : Tu es juge toi-même en ma présence : tu as tué. Alors, le prophète se hâta d'ôter le bandeau de dessus ses yeux, et le roi d'Israël le reconnut pour être un des fils des prophètes, et celui-ci dit au roi : Voici ce que dit le Seigneur : Parce que vous avez renvoyé un homme digne de mort qui était en vos mains, votre vie répondra pour sa vie, et votre peuple pour son peuple. (III Rois, XX, 36 et suiv.)

 

309

 

Vous le voyez, les hommes, aussi bien que Dieu, ont égard dans leurs jugements, non à la nature des actions, mais à la fin et aux causes. Voilà donc, lui dit à son tour le roi, que tu es juge toi-même en ma présence : tu as tué. Tu as commis un homicide, puisque tu as laissé partir l'ennemi. Le stratagème dont le prophète s'était servi, avait pleinement réussi, il avait amené le roi à prononcer lui-même sa condamnation en croyant juger la cause d'un autre; ne se doutant pas qu'il était intéressé dans la question, il prononça une sentence parfaitement juste.

Quand le roi eut prononcé, le prophète, découvrant son visage, dit : Parce que vous avez renvoyé un homme digne de mort qui était en vos mains, votre vie répondra pour sa vie, et votre peuple pour son peuple. Voyez-vous quel châtiment il subit pour son humanité, et quelle peine il endure pour une clémence inopportune? Celui-ci est puni pour avoir laissé la vie; et un autre reçoit l'approbation générale pour avoir donné la mort. Phinées commet deux meurtres d'un seul coup : il tue à la fois un homme et une femme, et il est honoré du sacerdoce (Nomb. XXV) ; loin de souiller sa main, le sang l'a rendue plus pure. Vous le voyez, celui qui avait frappé le prophète a eu la vie sauve, et celui qui n'avait pas voulu le frapper, périt; celui qui l'a épargné est châtié, et celui qui ne l'a pas épargné, reçoit l'approbation générale; considérez donc partout avec soin les arrêts de Dieu, avant d'examiner la nature des actions, et approuvez ce qui est conforme à la volonté divine, et rien que cela.

3. Examinons aussi le jeûne des Juifs suivant cette règle. Agir autrement et considérer les choses seulement en elles-mêmes, c'est vouloir aboutir au doute et à la confusion pour tout résultat. On déchire, en effet, les côtés aux voleurs, à ceux qui violent les tombeaux, aux magiciens; cependant les martyrs endurent aussi le même supplice : les faits sont les mêmes, mais la raison et la cause pour lesquelles ils se produisent diffèrent ; et c'est pourquoi il y a une grande différence entre les uns et les autres, au point de vue de la morale. Nous n'examinons pas tant les tourments que l'intention , et la cause pour laquelle les tourments sont endurés; nous aimons les martyrs, non parce qu'ils sont tourmentés, mais parce qu'ils le sont pour Jésus-Christ, tandis que nous avons les voleurs en aversion, non parce qu'ils sont punis, mais parce qu'ils sont punis pour leur méchanceté; jugez de la même manière le jeûne observé par les Juifs; si vous voyez qu'ils jeûnent pour Dieu, approuvez leur conduite, mais s'ils le font contre l'ordre de Dieu, détestez-les, haïssez-les plus que des gens ivres et qui se livrent à l'excès du vin et à l'orgie.

Rechercher la cause de ce jeûne, ce n'est pas assez: il faut encore considérer le lieu et le temps. Mais, avant d'attaquer les Juifs, volontiers m'adresserai-je à ces hommes qui sont chrétiens par le nom et juifs par le culte, qui se donnent toutes les peines du monde pour défendre le judaïsme; gens plus condamnables que les Juifs; je le soutiens, et mon avis sur ce point sera partagé non-seulement par les hommes les plus sages et les plus éclairés, mais par ceux mêmes qui ont tant soit peu de raison et d'intelligence. Il n'est pas besoin des artifices de l'argumentation et du langage ni de longues périodes pour les convaincre, mais il suffit qu'on leur pose une simple question, pour les condamner sur leur réponse. Quoi donc? demanderai-je à chacun de ceux qui sont atteints du mal judaïque: Etes-vous chrétien? Pourquoi donc ce zèle que vous montrez pour les pratiques des Juifs? Etes-vous juif ? Pourquoi, alors, importunez-vous l'Eglise? Le Perse ne partage-t-il pas les sentiments des Perses? Le Barbare n'aime-t-il pas les usages des Barbares? Celui qui vit sur les terres des Romains, n'est-il pas attaché à nos institutions? Si l'on surprenait quelque habitant de ce pays à entretenir des intelligences avec les Barbares, ne le punirait-on pas sur-le-champ, sans examen ni enquête, quelques raisons qu'il alléguât pour sa défense? Que les Barbares à leur tour s'aperçoivent que quelqu'un des leurs veuille suivre les lois des Romains, en useront-ils autrement à son égard ? Et vous qui embrassez une manière de vivre contraire à la loi de Jésus-Christ, vous espérez vous sauver? Est-ce une petite différence que celle qui existe entre nous et les Juifs? Est-ce que notre controverse avec eux tombe sur des points sans importance pour que vous croyiez que le judaïsme et le christianisme ne forment qu'une seule et même religion ? Pourquoi alliez -vous des choses incompatibles? Ils ont crucifié Jésus-Christ, et vous l'adorez. Vous le voyez, la différence est totale. Comment pouvez -vous courir aux réunions de ceux qui ont crucifié (310) Celui que vous faites profession d'adorer? Est-ce moi qui suis l'auteur de la loi qu'ils ont enfreinte, et de cette forme d'accusation? L'écriture n'en a-t-elle pas fait usage contre eux de la même manière? Entendez ce que dit Jérémie : Allez à Cédar, et voyez; envoyez dans les îles de Céthim, et jugez s'il s'y est fait rien de semblable ?Que leur reproche-t-il ? écoutez : Voyez si les nations ont changé leurs dieux, qui pourtant ne sont pas des dieux; mais vous, vous avez changé votre gloire, c'est-à-dire votre Dieu, pour une idole qui ne peut vous être d'aucun secours. (Jérém. II, 10, 11l.) Il ne dit pas: Vous avez changé votre Dieu, mais votre gloire. Et ce qu'il veut dire, le voici : Ces hommes qui adorent les idoles, et servent les démons, ont un attachement si intime et si fort pour l'erreur, qu'ils ne se décident pas à abandonner ce qu'ils regardent comme leurs dieux, et à prendre parti pour la vérité; mais vous, au contraire, qui adorez le vrai Dieu, vous abandonnez la religion de vos pères pour suivre d+es cuites étrangers. Cet attachement intime et fort que les nations ont pour l'erreur, vous ne le montrez pas, vous, pour la vérité. C'est pourquoi le Prophète dit : S'il s'est fait rien de semblable , si les nations ont changé leurs dieux , qui pourtant ne sont pas dieux; vous, tous avez changé votre gloire pour des idoles qui ne vous sont d'aucun secours. (Mal. III, 6.) Il ne dit pas : Vous avez changé votre Dieu , car Dieu ne peut être changé; mais : Vous avez changé votre gloire. Ce n'est pas moi, dit le Seigneur, que vous avez lésé; ce n’est pas à moi que le dommage a été fait; c'est vous-mêmes que vous avez déshonorés : vous n'avez pas diminué ma gloire, mais la vôtre.

Permettez-moi de tenir le même langage à nos judaïsants, si, toutefois, il convient d'appeler nôtres ceux qui partagent les sentiments des Juifs. Allez dans les synagogues, et voyez si let Juifs ont changé leur jeûne, s'ils ont observé le jeûne pascal avec nous, s'ils ont quelquefois mangé pour célébrer le jour de Pâques avec vous. Ce jeûne qu'ils observent le jour même où le Seigneur est ressuscité, n'est pifs un vrai jeûne, un jeûne méritoire, mais c'est une prévarication, une erreur, un péché, et Cependant ils ne l'ont pas changé. Mais vous, vous avez changé votre gloire, sans en retirer aucun profit, et vous avez pris part aux rites judaïques. Quand les avez-vous vus observer le jeûne pascal? Quand ont-ils célébré avec nous la fête des martyrs? Quand se sont-ils joints à nous pour le jour de l'épiphanie? Ils n'accourent pas, eux, vers la vérité, et vous, vous accourez vers l'iniquité. Je dis : iniquité, parce que leurs jeûnes ne se font pas dans leur temps. Il fut un temps où il fallait les observer comme ils les observent, mais ce temps n'est plus. C'est pourquoi, ce qui était alors conforme à la loi divine y est devenu contraire.

4. Permettez-moi de leur adresser la parole que le prophète Elie adressait à ceux de son temps. Ce saint homme voyant les Juifs se livrer à l'impiété, et tantôt obéir à Dieu, tantôt servir les idoles, leur parla ainsi : Jusques à quand serez-vous comme un homme qui boite des deux jambes? Si le Seigneur Dieu est avec vous, allez, marchez et sa suite; mais si c'est Baal qui est Dieu, marchez à sa suite. (III Rois, XVIIII, 21.) J'en dirai autant à nos judaïsants. Si vous croyez que le judaïsme soit la vérité, pourquoi importunez-vous l'Eglise ? Mais, si le christianisme est vrai , comme il l'est en effet, restez-y et suivez-le. Vous participez aux mystères; comme chrétiens, vous adorez Jésus-Christ, vous lui demandez des grâces; et vous célébrez des fêtes avec ses ennemis? Et dans quelle intention, après cela, vous présentez vous à l'église?

J'en ai dit assez pour l'instruction de ceux qui, tout en faisant profession de christianisme, suivent cependant les usages judaïques; mais, comme j'ai l'intention de m'élever aussi contre les Juifs, permettez-moi de faire l'instruction plus longue, et de montrer comment ils outragent la Loi, en jeûnant comme ils font, et foulent aux pieds les commandements de Dieu, eu faisant toujours le contraire de ce qui plaît à Dieu. En effet, quand il leur faisait un devoir de jeûner, ils s'engraissaient au milieu des festins ; mais quand il ne veut plus qu'ils jeûnent, ils s'obstinent à jeûner; quand il leur ordonnait, d'offrir un sacrifice en son honneur, ils couraient sacrifier aux idoles; quand il ne veut plus qu'ils célèbrent leurs fêtes, ils s'empressent de les célébrer. C’est pourquoi Etienne leur dit : Vous résistez toujours à l'Esprit-Saint. (Act. VII, 51.) Vous avez mis toute votre application, dit-il, à faire le contraire de ce que Dieu vous ordonnait, et c'est ce qu'ils font encore maintenant. Qu'est-ce qui le prouve ? La Loi même.

 

311

 

Dans les fêtes des Juifs, en effet, la Loi a prescrit d'observer, non-seulement le temps, mais aussi le lieu des sacrifices. Voici ce que la Loi leur prescrit touchant la pâque: Vous ne pourrez faire la pâque indistinctement dans toutes les villes que le Seigneur votre Dieu vous donne (Deut. XVI, 5-6) ; la Loi ne prescrit donc pas seulement de faire la pâque le quatorzième jour du premier mois, mais encore de la faire à Jérusalem. Elle a également renfermé la célébration de la Pentecôte dans l'observation du temps et du lieu. Ainsi en est-il encore de la fête des Tabernacles. Mais voyons de ces deux prescriptions, le temps et le lieu, laquelle est la plus nécessaire, voyons laquelle des deux doit être observée de préférence lorsqu'il y a impossibilité de les observer toutes les deux. Est-ce le temps qui doit passer avant le lieu, ou le lieu avant le temps? Je m'explique avec plus de précision. La Loi a ordonné de faire la pâque, le premier mois, et à Jérusalem, dans un temps et dans un lieu déterminés. Supposons donc deux hommes faisant la pâque, dont l'un transgresse la Loi sur le lieu , mais observe le temps ; dont l'autre observe le lieu, mais transgresse la Loi sur le temps; que celui qui a observé le temps, mais transgresse la Loi sur le lieu, fasse la pâque dans le premier mois, mais quelque part loin de Jérusalem; et que celui qui a observé le lieu, mais transgressé la Loi sur le temps, la fasse à Jérusalem, non dans le premier mois, mais dans le second ; voyons lequel de ces deux hommes est blâmable, et lequel est louable; si c'est celui qui transgresse la Loi sur le temps, et fait la pâque dans le lieu légal ou celui qui néglige le lieu et garde le temps. Car, si celui qui enfreint la Loi sur le temps, pour faire la pâque dans la ville de Jérusalem, est loué pour sa conduite, et si, au contraire, celui qui observe le temps, mais néglige le lieu, peut être mis en jugement, et accusé pour cause d'impiété, il est bien évident que les Juifs transgressent aussi la Loi, en ne faisant pas la pâque dans le lieu désigné par la Loi : oui, ils auront beau répéter mille fois qu'ils observent le temps, ils n'en violent pas moins manifestement et gravement leur propre Loi. Moïse lui-même nous en fournira la preuve.

Voici ce qui arriva lorsque les Hébreux célébraient la fête de Pâques dans le désert; quelques-uns vinrent trouver Moïse, et lui dirent : Nous sommes devenus impurs parce que nous avons approché d'un corps mort; serons-nous privés d'offrir le don du Seigneur, en son temps, au milieu des enfants d'Israël ? Moïse leur répondit : Tenez-vous là, et j'attendrai ce que le Seigneur ordonnera à votre égard. Alors le Seigneur parla à Moïse, et lui dit Parle aux enfants d'Israël , et dis-leur : L'homme qui sera devenu impur pour avoir approché d'un corps mort, ou qui sera parti pour un long voyage, soit parmi vous, soit parmi vos descendants, fera la pâque dans le second mois. (Nomb. IX, 7-11.) C'est-à-dire Si quelqu'un est en voyage pendant le premier mois, qu'il ne fasse pas la pâque hors de Jérusalem, mais dans le second mois, afin de pouvoir aller à Jérusalem, et qu'il transgresse la Loi sur le temps, afin de ne pas sacrifier hors de la ville; ce qui montre que l'observation du lieu est plus nécessaire que l'observation du temps. Qu'ont-ils donc à dire les Juifs qui font la pâque hors de la ville ? Certes, quand ils transgressent ce qui est plus nécessaire, l'observation de ce qui est moins important ne pourra leur servir de justification. Qu'ils observent tant qu'ils voudront la loi relative au temps, ils n'en violent pas moins la Loi de la manière la plus grave.

Nous pouvons encore le prouver par des textes empruntés aux prophètes. En effet, on ne voit pas les Juifs contemporains des prophètes sacrifier, ni chanter aucun cantique sur la terre étrangère (Ps. CXXXVI, 4), ni observer aucun jeûne : or, les Juifs d'aujourd'hui font tout le contraire; comment donc ne seraient-ils pas condamnés? Les anciens Juifs dociles à la Loi suspendaient leurs sacrifices, leurs jeûnes et leurs fêtes durant la captivité, et cela lorsqu'ils avaient l'espoir, et même l'assurance de recouvrer leurs institutions avec leur premier état et leur patrie. Des prophéties contenues dans leur Loi leur donnaient cette assurance. Les Juifs, aujourd'hui, n'ont plus. d'espérances semblables; car, qu'ils me montrent les prophéties sur lesquelles ils se fonderaient pour espérer de voir renaître leurs premières institutions ; néanmoins ils persistent, en dépit de la Loi, à garder leurs observances. Quand même ils espéreraient recouvrer leur indépendance et leur patrie ; ils devraient encore imiter l'exemple de leurs pères, et comme eux s'abstenir de jeûner et de célébrer leurs fêtes.

5. Pour vous convaincre que les Juifs d'autrefois n'agissaient pas comme ceux (312) d'aujourd'hui, écoutez ce qu'ils répondaient aux étrangers qui les pressaient de chanter en s'accompagnant de leurs instruments : Chantez-nous le cantique du Seigneur, leur disaient ces étrangers; et eux qui savaient que leur loi leur défendait de chanter hors de Jérusalem, répondaient : Comment chanterons-nous le cantique du Seigneur sur la terre étrangère ? (Ps. CXXXVI, 3.) Les trois enfants captifs à Babylone, disaient aussi : Il n'y a plus, en ce temps-ci, parmi nous, de prince, ni de prophète, ni de lieu pour sacrifier en votre présence, et trouver miséricorde. (Dan. III, 38.) Ils ne croyaient donc pas,qu'il leur fût permis de sacrifier ailleurs que dans le temple. Dieu dit encore à d'autres Juifs par Zacharie : Est-ce que vous avez jeûné pour moi, durant les soixante-dix ans de la captivité ? (VII, 5.)

Pourquoi donc jeûnez-vous maintenant, dites-moi, tandis que vos ancêtres n'ont ni sacrifié , ni jeûné , ni célébré de fêtes ? Ils n'ont pas célébré la pâque, ce que je viens de dire le prouve jusqu'à l'évidence.

En effet, là où il n'y avait pas de sacrifice, il n'y avait pas non plus de fêtes, puisqu'elles devaient toutes se célébrer par des sacrifices. Mais voulez-vous une preuve plus explicite, écoutez ce que dit Daniel (X, 2) : En ces jours-là, moi Daniel, je fus dans les pleurs pendant trois semaines, je ne mangeai d'aucun mets agréable au goût, et ni vin, ni chair n'entrèrent dans ma bouche; et je ne me servis d'aucun parfum pendant ces trois semaines; et il arriva que le vingt-quatrième jour du premier mois, j'eus une vision. Ici prêtez-moi soigneusement votre attention; ces paroles démontrent que Daniel ne célébrait pas alors la pâque. Comment cela? Je vais vous le dire. Il n'était pas permis aux Juifs de jeûner les jours des azymes. Or, Daniel jeûna pendant vingt et un jours. Et comment prouverais-je que les jours des azymes étaient compris dans ces vingt et un jours? Par ces paroles : le vingt-quatrième jour du premier mois.

La pâque ne finissait-elle pas le vingt et un du premier mois? ne commençait-elle pas le quatorze du même mois, pour continuer ensuite pendant sept jours, et se terminer au vingt et un? La pâque était donc passée lorsque Daniel jeûnait encore. En effet, il avait commencé le troisième jour du premier mois, et en continuant ensuite vingt et un jours, il passer le quatorzième, et il jeûna encore dix jours après. (Daniel, X, 4.) De quelle prévarication, de quelle impiété ne se rendent donc pas coupables ces Juifs qui gardent par esprit de contention et de contradiction des observances dont leurs pères s'abstenaient sur la terre étrangère? si ceux dont je viens d'invoquer l'exemple et l'autorité, eussent été des hommes négligents et sans religion, on pourrait peut-être attribuer à leur négligence cette suspension des observances légales en pays étranger; mais puisque c'étaient des amis de Dieu, et des hommes pieux, qui ont donné leur vie pour les lois divines, il est donc bien évident que s'ils n'ont pas observé la Loi, ils ne l'ont pas fait par négligence, mais pour obéir à la Loi même, qui défend de garder toutes ces observances hors de Jérusalem.

Il y a encore une remarque à faire : l'institution judaïque, alors, exigeait, par surérogation, l'observation des sacrifices, des sabbats, des néoménies et de beaucoup d'autres pratiques semblables, dont l'observation et l'omission sont parfaitement indifférentes à la sagesse, à la vertu, au bien. Le monde a vu des hommes qui, sans s'astreindre à ces pratiques, sans égorger aucune victime, sans célébrer aucune fête, sans jeûner avec ostentation, ont mené, sur la terre, la vie des anges, attiré sur eux les complaisances de Dieu, surpassé la nature humaine, et amené l'univers à la connaissance de Dieu par les merveilles de leur vertu. Qu'y a-t-il, en effet, d'égal à Daniel? d'égal aux trois enfants qui ont accompli par anticipation le plus grand précepte évangélique, et pratiqué la vertu qui résume toutes les autres ? Personne, est-il dit, ne peut avoir une plus grande charité que de sacrifier sa vie pour ses amis. (Jean, XV, 13.) Or, ils ont donné leur vie pour Dieu. Et ce n'est pas seulement pour cela qu'ils sont dignes d'admiration, mais parce qu'ils l'ont fait sans espoir d'aucune récompense. C'est pourquoi ils disaient: Il est au ciel un Dieu qui a la puissance de nous délivrer, et quand il ne le ferait pas, sache, ô roi, que nous n'adorons pas tes dieux. (Dan. III, 17.) Cette récompense nous suffit, disent-ils, que nous mourons pour Dieu. Voilà ce qu'ils ont fait; voilà à quelle éminente vertu ils se sont élevés, sans observer aucune des prescriptions légales.

6. Et pourquoi, dit-on, Dieu les a-t-il ordonnées, s'il ne. voulait pas qu'elles fussent observées? — Et s'il voulait qu'elles fussent (313) observées, répondrai-je, pourquoi a-t-il renversé la ville de Jérusalem? En effet, si Dieu avait voulu la conservation et la durée des observances légales, il n'avait que deux partis à prendre : il t'allait ou bien ne pas prescrire de ne sacrifier nulle part ailleurs que dans le temple de Jérusalem, puisqu'il se proposait de vous disperser sur tous les points de la terre ; ou bien , s'il voulait que vous lui offrissiez le sacrifice en ce lieu-là seulement, ne pas vous disperser sur tous les points de la terre, ni rendre inaccessible pour vous la ville dans laquelle seule il vous a permis d'offrir le sacrifice.

Quoi donc ? défendre de sacrifier hors de Jérusalem, et ensuite fermer l'entrée de Jérusalem, n'est-ce pas une contradiction ? Dieu se contredit-il? Point du tout; Dieu est parfaitement d'accord avec lui-même. Dès l'origine, il ne voulait pas que vous lui offrissiez de sacrifices, et j'en prends à témoin le Prophète lui-même qui dit: Ecoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome; soyez attentifs à la loi de votre Dieu, peuple de Gomorrhe (Is. I, 10); paroles qui ne s'adressent pas aux habitants de Sodome et de Gomorrhe, mais aux Juifs, qu'il appelle ainsi, parce qu'ils ont pour ainsi dire contracté une parenté avec eux, par l'imitation de leur malice. C'est ainsi qu'il les appelle encore des chiens (Is. LVI, 10) et des chevaux lascifs (Jérém. V, 8), non qu'ils soient descendus jusqu'à la nature, mais jusqu'à la lubricité de ces animaux. Qu'ai-je à faire de la multitude de vos victimes ? dit le Seigneur. (Is. I, 11.) Et comme ceux qui habitaient Sodome n'offraient pas de victimes au Seigneur, c'est donc aux Juifs qu'il adresse la parole, en leur donnant les noms de ces peuples abominables dont ils imitaient la corruption : Qu'ai-je à faire de la multitude de vos victimes? dit le Seigneur. Je suis rassasié des holocaustes de béliers, et je ne veux pas de la graisse des agneaux, ni du sang des taureaux et des boucs, même si vous veniez en ma présence. Car, qui vous a demandé d'avoir tous ces dons en vos mains? (Is. II, 11 et suiv.) Vous l'entendez, le Prophète dit assez clairement que Dieu ne demandait pas ces sacrifices à l'origine. S'ils eussent été nécessaires, il les eut imposés à ces grands hommes dont la vertu a jeté un si vif éclat dans les temps anciens. Pourquoi les a-t-il exigés plus tard? C'était pour s'accommoder à notre faiblesse. Quand un médecin voit un homme ayant la fièvre, devenir morose, impatient, désirer boire froid et menacer, si on le lui refuse, de se pendre, ou de se précipiter, il permet un moindre mal pour en éviter un plus grand; il permet les boissons froides pour empêcher une mort violente; telle est la conduite que Dieu a tenue à l'égard des Juifs. Quand il vit ces insensés désirer les sacrifices avec une avidité inquiète, et prêts, si on ne les leur accordait, à passer au culte des idoles, non-seulement prêts à le faire, mais l'ayant déjà fait; il leur permit d'offrir ces sacrifices, objets de leurs désirs.

Que telle ait été la raison de l’institution des sacrifices sanglants , le temps où ils furent établis le prouve suffisamment, En effet, c'est après une fête que les hébreux avaient célébrée en l'honneur des démons, que Dieu leur permit les sacrifices; il semblait leur dire Puisque vous ne pouvez résister à la passion qui vous presse de sacrifier, au moins sacrifiez en mon honneur. Toutefois cette permission ne fut pas accordée pour toujours, et Dieu l'a retirée avec une prudence admirable. Je suppose que le médecin (car rien n'empêche que nous ne nous servions encore une fois de la même comparaison), après avoir cédé au désir du malade, lui ordonne de ne boire froid que dans une fiole qu'il a apportée de chez lui, puis, quand il l'a persuadé de garder fidèlement cette prescription, qu'il commande en secret à ceux qui servent, de briser la fiole, pour faire cesser ce désir dangereux sans exciter la défiance du malade. ainsi Dieu en permettant de sacrifier, n'a souffert qu'on le fit en aucun lieu du monde, si ce n'est à Jérusalem, puis,. quand le peuple Juif eut sacrifié quelque temps, il ruina la ville afin de le détourner de cette couvre, en détruisant la ville, comme le médecin, en brisant le vase. S'il eût dit impérativement : Cessez; ils n'eussent pas aisément renoncé à leur manie des sacrifices , tandis que la nécessité de venir à Jérusalem pour sacrifier devait les délivrer peu à peu de cette folie. Vous comprenez ma comparaison, vous en faites aisément l'application : le médecin, c'est Dieu; la fiole, c'est Jérusalem; le malade, c'est le peuple Juif; le désir et la permission de boire froid , c'est la passion et l'autorisation de sacrifier. En brisant le vase, le médecin fait taire la demande insensée du malade; ainsi Dieu a détourné des sacrifices en ruinant la ville, et en la pendant (314) inaccessible à tous les Juifs: tel est le stratagème dont Dieu s'est servi. Si ce n'était pas un stratagème, pourquoi aurait-il renfermé ce culte en un seul lieu, lui qui est présent partout, et qui remplit tout? Pourquoi, après avoir concentré l'adoration dans les sacrifices, les sacrifices en un lieu, le lieu en un temps, et le temps dans la durée d'une seule ville, a-t-il ruiné la ville choisie? Ce qu'il y a d'étonnant et d'incroyable, c'est que les Juifs ont le pouvoir d'occuper le monde entier, où il ne leur est pas permis de sacrifier, tandis que Jérusalem, la seule ville où il soit permis. de sacrifier, est la seule aussi qui leur soit inaccessible. N'est-elle donc pas claire et évidente, même pour ceux qui sont tout à fait privés d'intelligence, la cause de cette destruction? Comme un architecte qui a posé les fondements, élevé les murs, arrondi les voûtes, et lié toutes les voûtes à une seule pierre placée au milieu, s'il vient à ôter cette pierre, détruit toute la liaison de l'édifice ; ainsi Dieu, ayant fait de la ville de Jérusalem comme une clef de voûte du culte, a détruit, en la renversant ensuite, tout le reste de l’édifice de cette institution.

7. Que la lutte engagée contre les Juifs en reste là: Aujourd'hui nous avons préludé au combat contre eux; nous en avons dit assez pour la sécurité de nos frères. Je dois maintenant vous exhorter, vous qui êtes présents, je vous exhorte donc à prendre beaucoup de soin de nos frères. Ne dites pas : Que m'importe? Pourquoi serai-je curieux, et me mêlerai-je de beaucoup de choses qui ne me regardent pas ? Notre Maître est mort pour les hommes, et vous ne proférerez pas une parole pour eux? Quel pardon obtiendrez-vous ? quelle excuse trouverez-vous? avec quelle confiance vous tiendrez-vous devant le tribunal de Jésus-Christ, après que vous aurez regardé d'un oeil indifférent la perte de tant d'âmes? Plût à Dieu qu'il me fût possible de voir nos chrétiens courir se mêler avec les Juifs, je n'aurais pas besoin de vous pour leur faire la correction la plus prompte et la plus complète.

Quand, pour ramener un frère dans la bonne voie, il vous faudrait sacrifier votre vie, n'hésitez pas. Imitez votre Maître, et si vous avez un domestique, ou une femme, retenez-les à la maison avec beaucoup de fermeté. Si vous ne leur permettez pas d'aller au théâtre, beaucoup moins faut-il leur permettre d'aller à la synagogue, parce que c'est un plus grand mal d'aller à la synagogue qu'au théâtre; aller au théâtre est à la vérité un péché, mais aller à la synagogue, c'est une impiété. Gardez-vous de conclure de là que l'on peut aller au théâtre; non, c'est un mal, mais évitez avec encore plus de soin la synagogue, pire que le théâtre. Qu'allez-vous voir dans la synagogue des Juifs, ennemis de Dieu, dites-moi? Des hommes sonnant de la trompette? Vous allez les entendre lorsque vous devriez, restant dans votre maison, gémir et pleurer sur l'opiniâtreté que ce peuple apporte dans sa lutte contre Dieu ! — Vous allez les voir lorsqu'ils ont le diable qui danse avec eux. Comme je l'ai dit précédemment, tout ce qui se fait contre la volonté de Dieu, quoique permis d'abord, devient une iniquité, quand la défense est portée, et la cause d'une infinité de supplices pour les coupables. Les Juifs sonnaient de la trompette lorsqu'ils avaient les sacrifices; mais maintenant il ne leur est plus permis de le faire. Ecoutez d'où leur sont venues les trompettes. Fais-toi, est-il dit, des trompettes d'argent, battues au marteau. (Nomb. X, 2.) Puis, pour en expliquer l'usage, Dieu poursuit : Vous en sonnerez dans les holocaustes, et dans les sacrifices que vous offrirez en action de grâces pour votre délivrance. Où est donc l'autel? où est l'arche? où sont le tabernacle et le saint des saints? où est le prêtre? où sont les chérubins de gloire? où est l'autel des parfums, couvert d'or? où est le propitiatoire? où est la coupe? où sont les vases pour les libations? où est le feu tombé d'en-haut? Vous avez vu se perdre toutes ces choses, et vous ne gardez que les trompettes? Vous le voyez, de leur part c'est un amusement plus qu'une adoration.

Mais si nous condamnons les Juifs, parce qu'ils transgressent la Loi, nous vous condamnons beaucoup plus, vous chrétiens qui vous rendez complices de ces transgresseurs, et nous ne condamnons pas seulement ceux qui participent à la transgression de la Loi, mais encore ceux qui sont maîtres de l'empêcher et ne le veulent pas. Ne me dites pas : qu'ai-je de commun avec un tel? C'est un étranger pour moi, et un inconnu. Vous vous trompez, cet homme est un fidèle, il participe aux mêmes mystères que vous, il vient dans la même église et c'est là un lien plus étroit que celui qui unit des frères, des parents, des amis, et que n'importe quel autre lien. Les voleurs, et ceux qui (315) sont les maîtres de les empêcher, et ne les empêchent pas, subissent le même châtiment que les autres; de même les impies et ceux qui peuvent les détourner de l'impiété et ne le veulent pas, soit par paresse, soit par timidité, sont punis de supplices pareils. Celui qui avait enfoui son talent, le rendit tout entier à son maître; cependant, il fut puni pour ne l'avoir pas fait fructifier. (Matth. XVIII, 24 et suiv.) Par conséquent, vous aussi, quand même vous resteriez pur et innocent, si vous ne faites pas fructifier votre talent, et que vous ne rameniez pas au salut un frère qui périt, vous subirez les mêmes châtiments que lui.

Que vous demandé je de difficile, mes bien-aimés? Que chacun de vous sauve un de ses frères : soyez empressés, occupez-vous de cette affaire importante afin que vous vous présentiez avec beaucoup de confiance à la prochaine réunion, apportant à Dieu les dons les plus précieux de tous, des âmes que vous aurez tirées de l'égarement; bravez les injures et les coups, souffrez tout ce qu'il faudra souffrir pour les recouvrer. Nous supportons les malades récalcitrants, qui injurient et outragent; les injures ne nous touchent pas, nous ne désirons qu'une seule chose, la santé du malheureux qui se livre à ces excès. Le malade pousse quelquefois l'injure jusqu'à déchirer les vêtements du médecin, sans que celui-ci cesse pour cela de le soigner. N'est-il pas incroyable que l'on s'occupe des corps avec tant de soin, et que l'on soit si négligent pour sauver les âmes. A cet égard, l'indifférence est si grande que l'on voit périr ses frères sans en être plus touché que d'une chose ordinaire et sans gravité. Ce n'est pas ainsi qu'agissait Paul : Qui est faible, dit-il, sans qu e je m'affaiblisse? qui est scandalisé sans que je brûle? (II Cor. XI, 29.) Vous aussi brûlez de ce feu; et si vous voyez un frère périr, quand il vous outragerait, quand il vous injurierait, quand il vous frapperait, quand il vous menacerait de devenir votre ennemi, quand il essayerait toute autre chose, supportez tout généreusement, afin d'obtenir son salut. Si celui-ci devient votre ennemi, Dieu sera votre ami, et, au jour des rémunérations , vous donnera les grands biens pour récompense. Plaise à Dieu, par les prières des saints, que les égarés soient sauvés; que vous reveniez heureux de cette chasse; et que ces Juifs blasphémateurs mêmes, délivrés de l'impiété, connaissent Jésus-Christ qui a été crucifié pour eux; afin que tous, unanimement et d'une seule voix, nous glorifiions Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance, avec le Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

 

 

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