LETTRES C-CXXI

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LETTRES DIVERSES (suite).

 

LETTRES DIVERSES (C-CXXI).

LETTRE C. A MARCIEN ET MARCELI.IN.

LETTRE CI. A SÉVÈRE, PRÊTRE.

LETTRE CIII. A THÉODOTE. LECTEUR.

LETTRE CII. A AMPRUCLA, DIACONESSE, ET A CELLES QUI VIVENT AVEC ELLE.

LETTRE CIV. A PENTADIE, DIACONESSE.

LETTRE CV. A CHALCIDIE.

LETTRE CVI. A ASYNCRITIE ET A SES COMPAGNES.

LETTRE CVII. A CASTAS, VALÈRE, DIOPHANTE ET CYRIAQUE, PRÊTRES

LETTRE CVIII. A URBICIUS, ÉVÊQUE.

LETTRE CIX. A RUFIN , ÉVÊQUE.

LETTRE CX. A BASSUS, ÉVÊQUE.

LETTRE CXI. A ANATOLIUS. ÉVÊQUE D'ADANA.

LETTRE CXII. A THÉODORE, ÉVÊQUE.

LETTRE. CXIII. A PALLADIUS. ÉVÊQUE.

LETTRE CXIV. A ELPIDIUS, ÉVÊQUE DE LAODICÉE.

LETTRE  CXV. A THÉOPHILE, PRÊTRE.

LETTRE CXVI. A VALENTIN.

LETTRE CXVII. A THÉODORA.

LETTRE CXVIII. AUX ÉVÊQUES ET AUX PRÉTRES RETENUS DANS LA PRISON.

LETTRE CXIX. AU PRÊTRE THÉOPHILE.

LETTRE CXX. A THÉODORA.

LETTRE CXXI. A ARABIUS.

 

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LETTRE C. A MARCIEN ET MARCELI.IN.

 

Cucuse, à ce que l'on croit, en 404.

 

La même cause qui vous a fait garder un long silence nous a fait observer un silence pareil, de bouche non de pensée. Par la pensée nous vous écrivons, nous adressons sans cesse nos salutations à vos esprits si nobles et si suaves, et gravant vos traits dans notre âme, nous emportons partout votre image ; tel est le propre d'une amitié sincère. Sachant cela, seigneurs très-chers et très-honorés, adressez-nous, lorsque vous le pourrez, des nouvelles de votre santé et soyez assurés que, malgré votre silence, nous porterons le même jugement sur votre charité que si vous nous aviez écrit, ne. tenant compte que de votre intention et de votre désir.

 

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LETTRE CI. A SÉVÈRE, PRÊTRE.

 

De l'an 404 à 407.

 

Bien que nous habitions dans le lieu le plus désert, nous avons souvent écrit à votre suavité, et nous ne cessons de demander à ceux qui viennent ici des nouvelles de votre santé. Pour vous, je ne sais pourquoi vous demeurez si longtemps dans le silence, vous qui nous aimez jusqu'à l'excès et qui pourriez profiter, du bon vouloir de ceux qui viennent jusqu'à nous. Toutefois, nous nous l'appelons l'ardeur, la franchise, la sincérité des dispositions que vous avez toujours montrées à notre égard et nous trouvons dans ce souvenir un grand soulagement, malgré ce silence obstiné. Quoi qu'il en soit, nous voulons aussi jouir des lettres fréquentes que vous nous enverrez concernant votre santé, et apprendre de votre bouche et de votre main ce que nous apprenons seulement par d'autres. Donnez-nous donc cette satisfaction, maître très - vénéré, puisque vous n'ignorez pas quelle grande joie vous nous procurerez. Mais, soit que nous vous écrivions, soit que nous ne vous écrivions pas, nous nous rappellerons toujours, en quelque lieu que nous soyons, la charité dont nous avons fait preuve en tout temps pour votre piété, car ce souvenir est pour nous-même une cause de joie très-grande.

 

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478

 

LETTRE CIII. A THÉODOTE. LECTEUR.

 

Peut-être en 406.

 

Que dites-vous? Est-ce que la fureur des flots a dépassé votre attente et que, pour ce motif, vous êtes dans la douleur? Tout au contraire, il faut pour cette raison vous réjouir et témoigner votre allégresse, ainsi que faisait le bienheureux Paul lorsqu'il disait: Et non-seulement cela, mais nous nous glorifions dans nos tribulations (Rom, V, 3) ; ou bien encore Je me réjouis dans mes souffrances. (Coloss. I, 24.) Plus la tempête sera grande et terrible , plus aussi le gain sera abondant, plus seront brillantes les couronnes accordées à la patience et magnifiques les prix du combat. Pour vous j'ai confiance en vous, parce que e connais votre fermeté, votre constance, votre solidité. Mais vos persécuteurs me font beaucoup de peine, je ne puis voir sans pleurer que des gens qui devraient vous consoler se conduisent à votre égard en ennemis. Une' chose pourtant m'afflige en ce qui vous concerne, c'est le mauvais état de vos yeux dont je vous engage à prendre le plus grand soin, parlez-en aux médecins et ne négligez rien de votre côté. Car, je l'ai dit, pour les tribulations qui fondent sur vous, il faut vous réjouir et je me réjouis avec vous, parce que je n'ignore pas quel fruit vous retirerez de la patience. Que rien donc de ce qui arrive ne vous décourage et ne vous trouble: le péché seul est un mal véritable, et tout le reste, pour celui qui veille et demeure dans la sobriété, est une occasion de gain qui vous vaudra les biens ineffables et surabondants du ciel. Ayant tous les jours entre les mains une telle source de richesses, réjouissez-vous donc, soyez dans l'allégresse, et ne craignez point de nous écrire souvent. Nous souhaiterions que vous fussiez avec nous; mais la saison d'hiver, aussi bien que la saison d'été, vous seraient funestes, et nous craindrions de vous exposer aux intempéries de l'air, surtout à cause de vos yeux malades. Employez tous vos soins pour les guérir et faites-nous savoir, en nous écrivant fréquemment, si leur état s'améliore un peu, afin qu'éloigné de vous par une si grande distance nous éprouvions ici quelque joie en apprenant ces nouvelles.

 

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LETTRE CII. A AMPRUCLA, DIACONESSE, ET A CELLES QUI VIVENT AVEC ELLE.

 

Cucuse, 404.

 

Bien que je sois séparé de vous par une grande distance, je n'en suis pas moins instruit de vos actions illustres et pleines de courage, aussi bien que ceux qui sont présents, et je vous félicite grandement de cette force, de cette patience, de cette fermeté inébranlable, de votre volonté qui a la résistance du diamant, de votre hardiesse et de la liberté de vos paroles. C'est pourquoi, je ne cesse de vous proclamer bienheureuse pour le temps présent et pour les biens qui vous sont réservés dans le siècle futur, biens ineffables qui surpassent toute pensée et tout langage humains. Mais vous nous avez contristé parce que, dans cet éloignement où nous nous trouvons, vous n'avez pas daigné nous écrire. Cependant, je sais que ce n'est point l'effet de la négligence et je connais, soit que vous écriviez soit que vous gardiez le silence, votre charité ardente et sincère, forte et solide, exempte de tromperies et de ruse. Je sais qu'il vous aura manqué quelqu'un pour écrire; mais vous pouviez le faire dans la langue de votre pays et de votre propre main. Vous n'ignorez pas combien nous désirons recevoir de votre piété des lettres fréquentes, nous souhaiterions d'avoir chaque jour des nouvelles de votre santé, ce serait pour nous une précieuse consolation dans ce désert, au milieu de ces vicissitudes présentes. Or, puisque vous savez, très-noble et très-religieuse dame, quel est notre désir, ne négligez pas de nous accorder cette grâce singulière. De nombreux visiteurs sont venus ici, partis de divers lieux ; mais je ne vous fais pas un reproche de ce qu'ils ne nous ont pas apporté de lettres de votre révérence, puisqu'il est vraisemblable qu'ils étaient inconnus de votre piété. Maintenant que vous avez toute facilité pour écrire, nous désirons vivement, après ce qui est arrivé, recevoir de vos lettres. Ayez donc soin de réparer ce qui a manqué dans le passé et de nous faire oublier votre long silence en nous écrivant souvent , en nous accablant d'une pluie de lettres.

 

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479

 

LETTRE CIV. A PENTADIE, DIACONESSE.

 

404 ou 405.

 

Je vous félicite des couronnes que vous avez tressées pour vous-même et que, maintenant encore, vous vous préparez lorsque, dans votre grandeur d'âme, vous êtes disposée à tout souffrir pour la vérité. C'est Dieu lui-même qui vous couvrira de son bouclier et vous protégera de sa force : Combattez jusqu'à la mort pour la vérité, dit l'Ecriture, et le Seigneur combattra pour vous. (Ecclés. IV, 33.) Et cela s'est accompli. Vous avez combattu le bon combat; vous avez remporté les palmes que le ciel décerne, et je me réjouis à cause de cela. Mais parce que j'ai appris que vous songez à partir et à vous éloigner des lieux où vous êtes, j'exhorte votre révérence à n'entretenir aucune pensée de ce genre et à ne point former de telles résolutions, d'abord parce que vous êtes le soutien de la ville dans laquelle vous demeurez, l'appui, le rempart inexpugnable, le port assuré pour tous ceux que la lutte fatigue, et ensuite pour ne point laisser échapper de vos mains la récompense , le grand gain, les riches trésors que vous amassez chaque jour par votre simple présence dans cet endroit. Ceux qui vous voient, ceux qui entendent le récit de vos oeuvres n'en retirent pas eux-mêmes un médiocre avantage, et pour vous, vous savez quelle récompense vous est réservée. Je vous exhorte donc, comme je l'ai. dit, à demeurer où vous êtes, puisque vous avez fait l'expérience de l'utilité de votre séjour en ce lieu. D'autre part, l'époque de l'année ne permet pas un voyage : vous connaissez la faiblesse de votre corps et l'impossibilité de vous mettre en marche pendant l'hiver et durant un si grand froid. On nous assure d'ailleurs que les Isauriens relèvent la tête. Envisagez toutes ces choses comme une femme prudente et ne vous mettez point en route; mais écrivez-nous à ce sujet sans retard et entretenez-nous de votre santé. Car, ne recevant pas de lettres de votre révérence, nous avons été affligé et nous avons été préoccupé par la crainte que la maladie n'en fût 1a cause; enlevez-nous cette inquiétude en nous écrivant au plus vite.

 

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LETTRE CV. A CHALCIDIE.

 

406.

 

Que Dieu vous accorde, et dans ce monde et dans l'autre, la récompense du respect, de l'honneur, de la sincère charité que vous nous témoignez. Car ce n'est pas seulement aujourd'hui, mais antérieurement et dès l'origine, que j'ai reconnu clairement quels ont été pour nous votre zèle et vos bonnes dispositions. C'est pourquoi, relégué à une si grande distance et séparé par une si longue route, au milieu de cette contrée déserte et des nombreuses tribulations que nous rencontrons ici, par suite des périls quotidiens, des attaques répétées des brigands, de l'absence des médecins, rien ne peut nous empêcher de nous souvenir sans cesse de votre suavité, et cette charité que, dès le principe, nous avons éprouvée pour vous et pour votre maison, nous la conservons aussi vive présentement, de telle sorte que ni le temps Iii l'éloignement ne pourra l'affaiblir. Tel est te propre de l'affection sincère. Comptant sur votre prudente et votre piété, je vous exhorte à supporter avec courage tout ce qui arrive, vous qui, depuis votre première jeunesse jusqu'à ce jour, avez marché au milieu des épreuves de toutes sortes et qui savez qu'il vous est possible de remporter le prix de la patience dans de tels combats; car vous avez combattu déjà et vous vous êtes acquis de brillantes couronnes, supérieures à l'effort de la lutte. Si le combat présent est plus difficile, la couronne sera plus riche encore. Qu'aucune des choses fâcheuses qui surviennent ne vous trouble : plus les flots seront soulevés, plus la vague sera furieuse,. plus aussi votre gain sera grand, plus sera riche, magnifique et glorieux le prix de vos sueurs; les souffrances du temps présent ne sont rien en comparaison de la gloire qui sera révélée en nous. (Rom. VIII, 18.) Les choses présentes, les biens et les maux de cette vie sont comme un chemin, dans lequel où ne s'arrête pas; on traverse les uns et les autres; ils n'offrent. rien de ferme et de stable, mais ressemblent à tout ce qui est dans la nature physique, qui paraît et disparaît. De même que les passants et les voyageurs, soit qu'ils marchent à travers des prés fleuris ou dans des (480) lieux abruptes et rudes, ne reçoivent d'un côté aucun plaisir, et de l'autre aucune peine, parce qu'ils sont des voyageurs et non des habitants, traversant avec la même indifférence les endroits bons et mauvais pour arriver dans leur patrie; ainsi je vous exhorte à ne point souhaiter avec ardeur les joies de la vie présente, à ne point vous laisser submerger par les tribulations, à ne considérer qu'une seule chose, je veux dire comment vous parviendrez dans la commune patrie avec une confiance inébranlable. Puisque cela seul est durable, que ce bien est le seul qui demeure et ne périt pas, estimons tout le reste comme la fleur des champs, comme la fumée, ou quelque chose de moins encore s'il se peut.

 

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LETTRE CVI. A ASYNCRITIE ET A SES COMPAGNES.

 

A Cucuse, 404.

 

Je sais quelle est votre charité pour nous, quelle bienveillance vous vous êtes empressées de nous témoigner en tout temps, et je désirerais moi-même vous écrire souvent si la crainte des Isauriens n'avait intercepté les chemins, s'il m'était possible de trouver quelqu'un pour vous porter mes lettres. Aussi souvent que nous aurons des messagers, nous vous rendrons les salutations qui vous sont dues, vous invitant, selon notre coutume, à ne vous laisser troubler ni ébranler en rien par les épreuves fréquentes et continuelles. En effet, si les marchands et les marins traversent des mers immenses pour de petites cargaisons et bravent les flots irrités, si les soldats méprisent la vie pour une faible et modique solde, et durant toute leur vie, luttent contre la faim, entreprennent de longues marches, habitent le plus souvent sur la terre étrangère, pour finir par un trépas prématuré et violent, ne recevant pour cette dernière action, ni beaucoup, ni peu, qu’elle espérance de pardon pourraient avoir les tièdes, ceux qui ne mépriseraient point la vie lorsque la récompense du Ciel nous est proposée, lorsqu'après la mort nous devons attendre une rémunération bien supérieure à tous nos maux ! Réfléchissez sur toutes ces choses, regardez les affaires présentes comme une fumée, comme un songe, et le bonheur d'ici-bas comme les feuilles du printemps , qui naissent et se dessèchent, vous tenant toujours élevées dans ces hautes régions où n'atteignent pas les traits ennemis. Il suffit de vouloir pour qu'il vous soit facile de fouler aux pieds toutes les apparences trompeuses de ce monde. Soyez attentive seulement pour voir avec quel zèle vous pouvez marcher dans la voie étroite qui conduit au bonheur d'en-haut.

 

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LETTRE CVII. A CASTAS, VALÈRE, DIOPHANTE ET CYRIAQUE, PRÊTRES

 

Cucuse, 405.

.

Ce qui arrive à l'or éprouvé plusieurs fois par le feu, se produit également dans les âmes d'or qui sont soumises au creuset des épreuves. Le feu rend la matière de l'un plus brillante et plus pure, après qu'il s'y est uni pendant un temps déterminé par les règles de l'art.; la fournaise des tentations rend les hommes dont l'esprit est semblable à l'or, plus brillants et d'un plus grand prix que l'or lui-même. C'est pour ce motif que, séparé de vous par une si longue distance, nous ne cessons de vous proclamer bienheureux. Car, vous n'ignorez pas, vous savez parfaitement combien est grand le bénéfice que nous retirons des tribulations, tandis que le bonheur de la vie présente est un vain nom, privé de réalité, les seuls biens futurs étant fermes, solides, certains, immortels. Et ce qui est admirable dans la vertu, c'est que non-seulement elle nous prépare ces récompenses, mais le combat lui-même est une récompense; elle n'attend pas pour apporter aux vainqueurs le prix de la lutte que le théâtre soit enlevé, mais c'est au milieu de l'arène qu'elle tresse ses splendides couronnes pour les athlètes. De là vient que Paul ne se réjouit pas seulement des récompenses de la tribulation, mais se glorifie des tribulations mêmes, lorsqu'il dit : Nous nous glorifions dans cette espérance, mais nous nous glorifions aussi dans nos tribulations. (Rom. V, 3.) Ensuite, énumérant la série des biens que produit l'affliction, il ajoute qu'elle produit la patience, cette mère de tous les biens, ce port à l'abri des vagues, cette source de la vie tranquille, cette force plus grande que celle de la pierre, plus (481) résistante que celle du diamant, plus puissante que les armures, plus sûre que les solides remparts. La patience est cette vertu parfaite qui fait de ceux qu'elle nourrit des hommes forts et éprouvés, invincibles en toutes choses. Elle ne les laisse pas succomber et s'abattre, quelles que soient les calamités qui surviennent; mais de même que le rocher devient plus brillant lorsqu'il est davantage battu par les flots qui ne l'ébranlent pas, mais qui brisent contre lui la rage de leurs ondes, sans que ce soit lui qui les frappe , mais uniquement parce quest frappé ; ainsi celui qui est éprouvé par la patience demeure supérieur à toutes les attaques. Et ce qui est digne de remarque, il se montre puissant non par le mal qu'il fait, mais par celui qu'il souffre, en dispersant sans effort ceux qui en sont les auteurs.

Je vous écris toutes ces choses, bien que vous n'ayez pas besoin de les apprendre de nous, car je connais votre prudence et je sais que vous l'avez prouvée par vos oeuvres ; ce que nous avons enseigné par nos paroles, vous l'avez enseigné par vos souffrances. Ce n'est donc pas parce que vous avez besoin de les apprendre de nous que j'ai écrit ces choses, mais parce que vous avez gardé un long silence, ou plutôt parce que nous l'avions gardé de part et d'autre, j'ai voulu que cette lettre fût moins courte. Or, écrivant aux généreux athlètes de la patience, de quel autre sujet pouvais-je parler sinon de celui-ci, qui vous a rendus illustres et célèbres ?

Mais là ne s'arrête pas le fruit du combat, les suites en sont fécondes. L'épreuve, dit l'Apôtre, engendre l'espérance (Rom. V, 4), je dis une espérance qui se changera en réalité, qui ne ressemble pas aux espérances humaines, lesquelles sont la source de nombreuses peines pour ceux qui les poursuivent et ne peuvent jamais produire autant de fruits qu'elles ont coûté de peines, mais ne donnent que chagrin, honte, et périls de toute sorte. Cette espérance dont je parle n'a rien d'humain; c'est celle que Paul caractérise par un seul mot : Mais l'espérance n'est point confondue. (Ibid.) Non-seulement, elle n'apporte pas la défaite a celui qui est engagé dans la lutte , non seulement elle ne lui apporte point la honte, mais elle lui procure une richesse et une gloire qui l'emportent sur toutes ses peines et toutes ses fatigues, tant est généreuse la main qui nous récompense de nos efforts.

Peut-être avons-nous dépassé la mesure que devait garder cette lettre, ruais elle ne sera pas trop longue pour vous qui nous aimez si fort et qui la jugerez, non d'après les règles du style épistolaire, mais d'après celles de l'amitié, de sorte que vous la trouverez courte, je le sais. Cependant, bien qu'elle doive vous paraître courte, je vous erg demanderai le salaire, non en vous sollicitant de m'aimer, car il n'est pas besoin qu'on vous le demande, et vous, le faites de plein gré sans jamais vous considérer comme libérés à cet égard, non en vous priant de m'écrire, car je sais qu'il n'est aucunement nécessaire que quelqu'un vous en fasse souvenir. Quel est donc ce salaire ? C'est de me faire savoir que vous êtes dans la joie, dans l'allégresse, dans les transports, et que vous ne redoutez rien des maux qui fondent sur vous, mais que ces tribulations sont devenues la source d'un plus grand bonheur. Si nous recevons une lettre qui nous annonce ces bonnes nouvelles, elle nous consolera des ennuis de la solitude, de la peste, de la famine, de la guerre des Isauriens, de notre mauvaise santé, de tous les maux présents, elle sera notre remède et notre guérison. Connaissant donc quelle joie vous nous procurerez, écrivez-nous et mandez-nous ces choses, afin que, bien que séparés par une si longue distance, vous nous remplissiez d'une grande félicité.

 

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LETTRE CVIII. A URBICIUS, ÉVÊQUE.

 

Cucuse,404

 

Bien que depuis un assez long temps je n'aie pas eu de relations avec votre piété, mon affection ne s'est pas amoindrie pour cela. Car, telle est la nature de la charité vraie; elle ne se flétrit pas avec le temps, elle ne s'obscurcit pas au milieu des difficultés, mais elle conserve toujours la même ardeur. C'est pourquoi, malgré les vicissitudes présentes, bien que relégué dans ce désert aux extrémités de la terre habitable, vivant dans la crainte continuelle des brigands et entouré d'assiégeants d'un genre nouveau, en effet, la ville de Cucuse est environnée d'un siège perpétuel, puisque les brigands en interceptent les routes, nous ne sommes pas moins affectionné à l'égard de votre piété, mais (482) nous vous écrivons et nous vous adressons les salutations qui vous sont dues; vous priant, si ce n'est pour vous trop difficile et trop incommode, de nous écrire vous-même. Nous recevrons ainsi une grande joie de vous, qui nous aimez tant, et vos lettres nous feront croire que vous êtes ici avec nous.

 

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LETTRE CIX. A RUFIN , ÉVÊQUE.

 

Cucuse, 404.

 

Je sais quelle est la fermeté de votre charité. Bien que je vous aie connu fort peu de temps à Antioche, maître très-révéré et très-pieux, votre piété, votre prudence, votre charité pour nous m'ont été suffisamment prouvées. Depuis ce temps, quoi qu'il soit déjà loin , j'ai conservé pour vous une charité toujours plus vive, et votre image est devant mes yeux comme si je vous avais vu hier ou l'un de ces derniers jours. C'est pour cela que nous vous écrivons et que nous vous demandons de vous souvenir continuellement de nous. Nous sommes relégué à Cucuse, dans le lieu le plus désert de toute la terre habitable et nous sommes assiégé chaque jour par les Isauriens. Et toutefois, au milieu de si grandes calamités, si nous sommes assuré de votre charité, si nous connaissons clairement que nous jouissons de votre bienveillance, nous éprouverons dans nos tribulations une consolation qui ne sera point médiocre.

 

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LETTRE CX. A BASSUS, ÉVÊQUE.

 

Cucuse, 404.

 

Pourquoi donc, après nous avoir montré une si grande charité dans le passé et, tout récemment encore, à Constantinople, n'avez-vous point daigné nous écrire lorsque vous avez appris que nous nous étions rapproché de votre révérence? Ne savez-vous pas quelles sont nos dispositions à l'égard de votre piété et combien nous vous sommes étroitement uni par les liens de l'amitié? j'avais espéré que vous viendriez en personne et que vous voudriez nous consoler dans le désert où nous vivons. Que peut-il y avoir, en effet, de plus désert que Cucuse, qui joint aux ennuis du désert les attaques des Isauriens par lesquels nous sommes assiégé? Que si, néanmoins, cela est impraticable par suite de la crainte des brigands et des difficultés du chemin, ne redoutez point de nous écrire, de nous donner des nouvelles de votre santé, afin que, sur cette terre étrangère , nous soyons consolé par vos lettres.

 

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LETTRE CXI. A ANATOLIUS. ÉVÊQUE D'ADANA.

 

Cucuse, 404.

 

Je souhaiterais vivement pouvoir rencontrer votre révérence après tout ce que j'entends dire de l'ardeur de votre affection pour nous, qui ne vous connaissons pas personnellement. Mais puisqu'il ne nous est pas permis de nourrir l'espoir d'une entrevue, je me borne aux relations par lettres, les regardant comme un grand bienfait pour moi. Bien que Cucuse, où nous sommes relégué, soit un lieu désert, plein de périls, exposé à la crainte continuelle des brigands, rien ne peut nous troubler ou nous ébranler si nous jouissons de votre charité. Eloigné de vous par le corps, nous vous sommes attaché avec force par l'esprit, et nous croyons habiter votre contrée paisible et tranquille plutôt que Cucuse, vous emportant avec nous dans notre pensée et demeurant avec vous par notre affection.

 

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LETTRE CXII. A THÉODORE, ÉVÊQUE.

 

Cucuse, 404.

 

S'il m'était possible d'aller trouver votre piété, de vous embrasser, de me nourrir de votre charité en jouissant de votre présence, je l'eusse fait avec empressement et sans retard; mais puisque cela ne m'est pas permis je me contenterai de vous écrire. Bien que nous soyons exilé aux extrémités de la terre, nous ne pouvons oublier votre charité sincère, ardente, vraie, exempte de tromperie, telle (483) que vous l'avez montrée dans le principe et maintenant encore. Car, aucune des choses que votre zèle vous a porté à dire ou à faire pour nous, maître très-vénéré et béni de Dieu, n'a pu nous échapper. Et si tout cela est demeuré sans effet, vous avez cependant Dieu lui-même pour débiteur, à cause de votre zèle et de votre ardeur, et vous recevrez la récompense complète et entière. Pour nous, nous ne cessons de rendre grâces à votre sainteté, d'exalter devant tous votre piété, et de vous exhorter à nous garder toujours une charité plus vive, recevant dans ce désert une consolation bien grande, parce que nous avons dans notre coeur un grand trésor et de grandes richesses, je veux dire la charité de votre âme vigilante et généreuse.

 

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LETTRE. CXIII. A PALLADIUS. ÉVÊQUE.

 

De 404 à 407.

 

Nous n'avons pas besoin de consolation pour l'état présent de nos affaires; les événements qui en ont été la suite suffisent pour nous consoler. Mais nous gémissons sur cette tempête qui atteint les Eglises , sur ce naufrage qui a couvert de ruines toute la terre, et nous vous exhortons tous à obtenir par vos prières que ce renversement de toutes choses vienne à cesser et qu'enfin le calme se rétablisse. Ne cessez point de prier, puisque, cachés en des retraites ignorées, vous avez un plus grand loisir pour multiplier les prières d'un coeur contrit. Ce ne sera pas en vain que vous vous prosternerez devant le Dieu de miséricorde. Ne cessez donc pas de prier, et autant qu'il vous sera possible, écrivez-nous fréquemment. Séparé de votre grâce par une longue distance, nous ne cessons chaque jour d'avoir un grand souci de tout ce qui vous concerne, interrogeant avec anxiété ceux qui nous viennent du lieu où vous êtes, bien qu'ils soient nombreux. Afin donc que nous soyons complètement renseigné , lorsque l'occasion se présentera, accordez-nous cette faveur de nous envoyer des nouvelles de votre santé afin que, même en ce désert où nous vivons, nous éprouvions une grande consolation.

 

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LETTRE CXIV. A ELPIDIUS, ÉVÊQUE DE LAODICÉE.

 

Cucuse, 401.

 

Il est digne de vous, il est digne d'un pilote vigilant et actif de ne point perdre courage lorsque la tempête sévit ainsi, mais de demeurer constamment attentif et plein de sollicitude, donnant ses soins là où le besoin se fait sentir, se portant sur tous les points en multipliant les lettres écrites partout, ralliant ceux qui sont proches et ceux qui sont éloignés, les excitant, recommandant à chacun de ne point se laisser entraîner par les flots, mais de rester ferme, de veiller, lors même que des vagues plus nombreuses et plus redoutables viendraient s'élever, et, quoiqu'il ne soit qu'en un seul endroit, se montrant partout par ses avis et par ses conseils. Car, éloigné de vous par une si grande distance, rien ne nous échappe cependant de tout ce que vous faites. C'est pourquoi nous vous louons et nous exaltons votre piété, votre esprit vigilant, votre âme inébranlable, et, dans un âge avancé, votre ardeur juvénile, qui d'ailleurs ne saurait nous surprendre. Lorsque ce que l'on attend de nous exige la force du corps, la vieillesse est un obstacle; mais lorsqu'une chose demande la sagesse de l'âme, les cheveux blancs n'ont pas coutume d'empêcher les grandes actions, et en effet ils n'ont rien empêché, puisqu'il n'est rien que votre piété n'ait conduit à bonne fin. Aussi, ne puis-je douter aucunement que vos veilles, vos fatigues ne reçoivent une récompense proportionnée. Et parce que vous avez pris le souci de nos affaires et de celles de toute la terre, à cause de votre grande et ardente charité, et que vous désirez apprendre où nous vivons, ce que nous faisons, quels sont ceux avec qui nous vivons, le voulant ainsi, non pour un motif frivole, mais pour en être reconnaissant à leur égard, nous-même nous ne cessons de nous faire le héraut de votre charité, de lui accorder des louanges, de la proclamer en présence de tous, de vous rendre grâces devant ceux qui viennent ici ou devant ceux qui vivent avec nous. Pour vous, attendez la récompense que le Dieu de bonté vous accordera et qui surpassera toutes vos, peines, la récompense qu'il donne avec (484) abondance à celui qui s'est efforcé d'accomplir le bien par ses actions ou ses paroles. Mais aussi, nous voulons que vous puissiez vous réjouir en apprenant ce qui nous concerne.

Nous sommes à Cucuse, dans le lieu le plus désert, mais nous ne ressentons point les effets de la solitude, tant nous jouissons du calme, de la sécurité, des bons offices de tous. La maladie nous a quitté grâce à vos prières; nous sommes maintenant en santé ; nous sommes délivré de.la crainte des Isauriens; nous sommes en sûreté et nous nous reposons dans un grand loisir. Nous avons près de nous les prêtres vénérés Constantius et Evétius; nous avons l'espoir d'en avoir bientôt d'autres que leurs chaînes ont retenus jusqu'à présent; maintenant qu'ils sont délivrés, je ne doute pas qu'ils ne s'empressent de voler vers nous. Ne cessez pas de prier pour nous, qui vous aimons tant, maître très-vénéré et chéri de Dieu, et écrivez-nous, aussi souvent que vous le pourrez, des nouvelles de votre santé, puisque vous savez que nous souhaiterions, s'il était possible, d'en avoir chaque jour. Dites beaucoup de choses de notre part à notre maître vénéré et très-pieux, le prêtre Asyncritius, et à ses chers enfants, en même temps ,qu'à tout le clergé placé sous les ordres de votre piété.

 

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LETTRE  CXV. A THÉOPHILE, PRÊTRE.

 

Cucuse, 404.

 

C'est un effet de votre indulgence et de votre esprit bienveillant, si, n'ayant rien reçu de ceux à qui je vous avais recommandé, vous estimez néanmoins avoir reçu beaucoup, jugeant tout d'après notre bon vouloir; mais nous ne pouvons nous contenter de cela. Nous avons,conféré longuement sur ce sujet avec le seigneur Théodore, l'officier du prétoire qui nous a conduit à Cucuse, et nous avons écrit à plusieurs autres en les entretenant de cette même affaire. Veuillez donc nous faire savoir au plus tôt si nos lettres ont produit quelque effet ou sont demeurées une écriture vaine et de nulle valeur pour ceux à qui nous les adressons. Nous louerons votre charité sur ce point, et nous verrons la marque la plus éclatante de Votre confiance en nous dans le soin que vous prendrez de nous informer de ces choses. Indiquez-nous si quelque résultat est obtenu ou non, afin que nous rendions grâces, dans le premier cas, à ceux qui auront songé à leur âme, car c'est à eux-mêmes plutôt qu'à vous qu'ils sont utiles en agissant ainsi, et que, dans l'autre hypothèse, nous trouvions une nouvelle voie abrégée et sûre de vous faire jouir d'une paix entière et de vous délivrer de toute angoisse. Nous aurons bien mérité à nos propres yeux en nous préoccupant ainsi de votre noble et généreuse âme; mais écrivez-nous fréquemment des nouvelles de votre santé et de la célébrité que vous acquérez à votre nom.

 

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LETTRE CXVI. A VALENTIN.

 

Cucuse. 404.

 

Pourquoi donc, sachant combien nous nous réjouissons de tout ce qui vous arrive d'heureux, quel bonheur nous ressentons de la gloire acquise par vous, ne nous avez-vous pas notifié les grands honneurs auxquels vous avez été appelé, ainsi que vous le deviez; nous laissant apprendre cette nouvelle par d'autres, et croyant sans doute n'avoir pas besoin d'une longue justification après avoir été cause que nous avons été si longtemps privé, autant qu'il était en vous, d'une joie si grande? Car votre dignité réelle, c'est votre amour de la vérité; votre commandement le plus élevé, c'est celui que vous exercez sur votre âme par la vertu. Mais, puisque vous avez recherché les honneurs de ce monde pour l'utilité de ce monde lui-même, et que vous avez voulu ouvrir à tous ceux qui sont dans le besoin un refuge d'autant plus assuré que vous seriez plus puissant, je me réjouis et je suis dans l'allégresse, sans toutefois cesser de maintenir mon accusation relative à votre silence. De quelle manière nous donnerez-vous une satisfaction suffisante? Par la fréquence de vos lettres et en nous adressant souvent des nouvelles de votre santé et de celle de toute votre maison. Maintenant que vous connaissez le moyen de vous faire pardonner, je vous ferai connaître en même temps la pénalité encourue. Si, après cette lettre reçue, vous gardez encore le silence, vous demeurerez convaincu de grave négligence, et nous en serons profondément affligé. Or, je sais que (485) vous regarderez comme une peine rigoureuse de savoir que nous sommes dans l'affliction pour ce motif, puisque je n'ignore pas combien vous nous aimez sincèrement et chaleureusement.

 

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LETTRE CXVII. A THÉODORA.

 

Cucuse de 404 à 405, à ce que l'on croit

 

J'écris rarement à votre grâce parce qu'il m'est difficile de trouver quelqu'un qui vous porte mes lettres; en revanche je pense à vous non-rarement mais sans cesse. Car l'une de ces choses est en notre pouvoir et non l'autre : nous pouvons nous souvenir continuellement et nous ne pouvons disposer d'un courrier. Nous nous servons de celui-ci quand nous l'avons sous la main, tandis que le souvenir ne. nous quitte pas. Mes lettres précédentes avaient pour but de vous envoyer mes salutations; je viens solliciter un bienfait par celle-ci. Quel est ce bienfait? C'est un de ceux que vous gagnerez plus à accorder qu'un autre ne gagnera en le recevant, qui sera plus utile à la personne de qui il part qu'à celle à qui il s'adresse. Il est venu jusqu'à nous qu'Eusthasius a gravement offensé votre révérence, qu'il a été chassé de votre maison et éloigné de vos regards. De quelle nature est cette offense et commenta-t-il mérité une si grande colère, je ne puis le dire, ne sachant rien autre chose, sinon qu'il vous faut écouter nos conseils, à nous, qui sommes désireux de votre salut. La vie présente n'est rien; elle ressemble  à la fleur du printemps, à l'ombre légère, aux songes décevants; ce qui subsiste véritablement , ce qui est stable et exempt de tout trouble , c'est ce qui nous attend après la vie d'ici -bas. Vous nous avez souvent entendu répéter ces vérités; vous les méditez continuellement dans le secret de votre demeure. Je ne m'étendrai donc pas longuement là-dessus, mais je vous dirai : si c'est injustement que vous l'avez chassé, cédant à la calomnie, reconnaissez les droits de la justice et corrigez ce qui a été fait; si vous avez agi avec justice, considérez les lois de l'humanité, et que votre conduite soit encore la même, car vous en retirerez plus d'avantages que ce malheureux. De même que celui qui redemandait cent deniers à son débiteur, serviteur comme lui, fut moins l'auteur de la ruine de celui-ci que du châtiment mortel qu'il s'attira, puisque sa rigueur envers l'autre serviteur rendit vaine la remise des dix mille talents; ainsi celui qui pardonne les fautes du prochain rendra un compte moins sévère dans l'éternité, et plus il aura pardonné de grandes injures, plus il obtiendra une grande indulgence. Et non-seulement cela, mais encore il aura accordé un bienfait tel qu'un serviteur n'en peut donner, et il recevra une récompense telle que le maître la donne.

Ne me dites donc pas qu'il a manqué sur ce point, et sur cet autre encore. Car, plus vous me montrerez qu'il s'agit de choses graves, plus vous me fournirez de motifs puissants sur la nécessité de pardonner, puisque vous vous ménagerez ainsi pour la vie future une plus grande matière de miséricorde. Bannissez tout ressentiment, même juste; domptez la colère par un saxe raisonnement; offrez ce sacrifice à Dieu ; réjouissez-nous , nous qui vous aimons , et montrez qu'il nous a suffi d'une courte lettre pour obtenir une grâce si grande; cherchez pour vous-même une cause de joie, ainsi que je l'ai dit, en cherchant la paix et bannissant de votre âme tout trouble, afin que vous puissiez demander avec une grande confiance au Dieu des miséricordes l'entrée dans son royaume céleste. La charité envers le prochain efface les péchés, car il est dit : Si nous remettez aux hommes leurs fautes, mon Père céleste vous remettra les vôtres. (Matth. VI, 14.) Réfléchissez sur tout ceci et écrivez-nous une lettre qui nous fasse savoir que la nôtre n'a pas été inutile. Car, nous avons fait ce qui nous appartenait, nous avons accompli ce qui était en notre pouvoir; nous avons exhorté, nous avons prié, nous avons sollicité à titre de grâce, nous avons conseillé ainsi qu'il le fallait. C'est maintenant sur vous seule que se porte toute notre sollicitude. Pour nous , la récompense nous est assurée, soit qu'il résulte quelque chose de nos exhortations ou qu'il n'en résulte rien, car les paroles ont aussi leur récompense. Mais tout notre effort tend présentement à vous gagner vous-même, de telle sorte que. par vos bonnes actions en ce monde vous pissiez acquérir sûrement les biens éternels de la vie future.

 

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486

 

LETTRE CXVIII. AUX ÉVÊQUES ET AUX PRÉTRES RETENUS DANS LA PRISON.

 

404, dans les commencements de l'exil.

 

Vous habitez la prison, vous êtes chargés de chaînes, vous êtes renfermés avec des hommes sordides et couverts de haillons; mais que pouvait-il vous arriver de plus heureux pour une telle cause? Qu'est-ce qu'une couronne d'or, dont on ceindrait sa tête, en comparaison de cette chaîne dont vos mains sont liées pour Dieu? Quelles sont les grandes et splendides habitations qui valent la prison remplie de ténèbres et d'ordures , séjour d'affliction et d'horreur, lorsqu'on la subit pour une telle cause ? Tressaillez donc et bondissez de joie, couronnez vos fronts et livrez-vous à vos transports, parce que les afflictions dans lesquelles vous êtes seront la cause d'un grand gain. Elles sont comme la semence qni annonce la,récolte la plus abondante; elles sont comme le combat des lutteurs qu'attendent la victoire et les palmes; elles sont comme la navigation pénible qui rapporte un large bénéfice. Considérant toutes ces choses, seigneurs très-vénérés et très-pieux, soyez dans l'allégresse et dans la joie, ne négligez point de louer Dieu en toutes choses et d'infliger à Satan des plaies mortelles, vous préparant pour vous-mêmes une riche récompense dans le ciel. Car les tourments du siècle présent ne sont pas comparables à la gloire future qui sera manifestée en vous. (Rom. VIII, 18.) Ecrivez-nous souvent. Nous désirons ardemment recevoir des lettres envoyées par des hommes qui sont enchaînés pour Dieu, lettres qui nous feront connaître tout ce que vous endurez : même durant notre séjour sur cette terre étrangère, nous en retirerons une grande consolation.

 

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LETTRE CXIX. AU PRÊTRE THÉOPHILE.

 

Écrite en 404, comme il se rendait à Cucuse.

 

Puisque maintenant je vous ai ouvert la voie pour m'écrire, faites en sorte de montrer ,que la négligence n'a point causé votre silence antérieur, mais que vous attendiez seulement pour m'écrire que je vous eusse enhardi à le faire; envoyez-moi une nuée de lettres qui me parlent de la gloire acquise à votre nom, car je sais combien elle vous est précieuse, et ne permettez pas que la crainte du tyran vous contraigne au silence, mais, brisant cet obstacle avec plus de facilité que la toile de l'araignée, montrez-vous avec éclat dans la mêlée, confondant vos adversaires par votre liberté et par votre confiance. C'est maintenant le temps d'acquérir une grande gloire et de précieuses richesses. Le marchand qui reste dans le port n'amasse pas une cargaison; il faut pour cela qu'il traverse de vastes mers, qu'il brave les flots avec audace, qu'il lutte contre la faim et contre les monstres de l'onde, qu'il supporte beaucoup d'autres ennuis. Considérez tout cela et voyez que le temps des périls est aussi le temps d'un grand gain pour vous, d'une gloire abondante, d'un salaire inestimable; étendez les ailes de votre âme, secouez la poussière de la tristesse et de l'abattement, parcourez d'un pied agile le front de bataille, assignant à chacun sa place, excitant, exerçant, fortifiant, allumant le zèle. En même temps, instruisez-nous de tout par vos lettres; ne craignez point d'avoir à nous raconter vos propres actions, mais accomplissez l'ordre que nous vous donnons et procurez-nous cette joie, afin que, dans cet éloignement où nous vivons, nous éprouvions un grand bonheur en apprenant de votre piété ce que nous désirons le plus vivement savoir.

 

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LETTRE CXX. A THÉODORA.

 

Ecrite à Césarée de Cappadoce comme il allait en exil, en 404.

 

Je suis disloqué, épuisé, je me suis vu mille fois aux portes de la mort, et ceux que nous avons chargés de nos lettres sauront vous le raconter avec exactitude, bien qu'ils ne se soient trouvés avec nous que peu de temps. Car nous n'avons pu même nous entretenir avec eux, accablé comme nous l'étions par des fièvres continuelles, malgré lesquelles il nous fallait marcher le jour et la nuit, obsédé par la chaleur, affaibli par les veilles, privé de tous ceux dont j'eusse pu recevoir des soins, et dans la disette de toutes les choses nécessaires. Nous (487) avons souffert et nous souffrons plus que ceux qui sont condamnés aux mines ou renfermés dans les cachots. Nous sommes entrés, non sans peine, il est vrai, à Césarée, comme dans un port et dans un lieu de repos après la tempête. Cependant, le port n'a pas eu la vertu de chasser les maux causés par les flots, tant les jours antérieurs nous ont épuisé. A Césarée, du moins, nous avons repris un peu haleine, car nous avons bu de l'eau fraîche, nous avons mangé du pain qui n'était ni moisi ni durci outre mesure, nous avons pu laver notre corps, non dans des débris de tonneau, mais dans un bain quelconque, et nous coucher enfin dans un lit. Je pourrais vous en dire plus long, mais je m'arrête ici, ne voulant pas jeter votre esprit dans le trouble. J'ajoute seulement que vous ne devez cesser d'adresser des reproches à ceux qui nous aiment, parce que, comptant beaucoup d'amis et des amis revêtus d'une si grande puissance, nous n'avons pu obtenir ce qu'obtiennent des hommes chargés de crimes, savoir : d'habiter une région moins éloignée et plus douce, de telle sorte que ni la faiblesse de notre corps, ni la crainte des Isauriens, maîtres de tout le pays, ne nous ont point fait accorder une si faible et si mince faveur. Gloire soit rendue à Dieu, même en de telles circonstances! car nous ne cessons de le louer en toutes choses. Que son nom soit béni dans tous les siècles! (Job. I, 21.) Mais je suis vraiment étonné, pour ce qui vous concerne, dé n'avoir reçu qu'une seule lettre de vous, bien que celle-ci soit la quatrième ou la cinquième que j'adresse à votre bienveillance et à votre grâce. Pourtant, il ne vous est pas difficile d'écrire plus souvent. Je ne le dis pas pour en faire un motif d'accusation; car les devoirs de la charité ne s'imposent pas, ils sont rendus par un libre choix. Mais je gémis de ce que vous m'avez si vite exclu de votre pensée, ne m'envoyant qu'une seule lettre dans un temps si long. Si donc je ne demande pas une chose trop difficile et trop pénible, accordez-la, puisque vous le pouvez, puisque vous en êtes la maîtresse. Je ne veux pas vous préoccuper d'autres affaires, car je n'en tirerais aucun profit et je vous paraîtrais importun et à charge.

 

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LETTRE CXXI. A ARABIUS.

 

Avant d'arriver à Cucuse en 404.

 

Votre lettre nous a fait savoir quel foyer de tristesse vous portez dans votre âme, à la suite de tout ce qui nous est arrivé, et déjà nous en étions auparavant informé; car, nous n'avons point oublié cette abondance de larmes que vous avez versées dès le commencement, lorsque l'on ourdissait ces maux. Au reste, votre lettre non moins que vos larmes et vos gémissements a mis au jour cette dévorante tristesse qui est dans votre coeur. Attendez-en la récompense du Dieu des miséricordes, car il y a aussi pour la tristesse une grande et abondante miséricorde. Au milieu de la perversité juive , plusieurs qui , ne pouvant arrêter les crimes , se contentaient de pleurer et de gémir, furent récompensés, car tandis que la foule des autres périssaient et succombaient livrés au carnage, eux seuls évitaient les effets de la colère divine. Placez, dit l'Ecriture, un signe sur le visage de ceux qui gémissent et qui pleurent. (Ezéch. IX, 4.) Cependant, ils n'avaient rien empêché; mais parce qu'ils avaient accompli ce qui était en leur pouvoir, parce qu'ils gémissaient et pleuraient sur ces désordres, ils ont obtenu leur salut. Pour vous, nos maîtres, pleurez sans cesse sur nos malheurs actuels, et suppliez le Dieu des miséricordes, de nous donner le salut dans ce commun naufrage de toute la terre. Car vous savez, vous n'ignorez pas que les troubles et la discorde sont en tous lieux, et qu'il ne suffit pas de prier seulement pour Constantinople , mais pour le monde entier, puisque le cours du mal ayant commencé là, il s'est porté ensuite dans toutes les contrées, comme un fleuve aux ondes corrompues , pour ravager toutes les Eglises. Quant à ce que vous me demandez, je le demande aussi de vous tant que nous serons éloigné de corps, car nous sommes étroitement uni par l'âme avec votre noblesse ainsi qu'avec toute votre maison; ne craignez point de nous écrire souvent des nouvelles de votre santé, puisque vous savez quelle grande joie vous nous procurerez. J'ai appris, depuis mon départ, que vous m'aviez demandé de demeurer chez vous ; il ne nous a pas été permis de séjourner à Sébaste, mais à Cucuse, le lieu le (488) plus désert de l'Arménie et le plus dangereux en raison des courses des Isauriens. Néanmoins, nous rendons grâces à votre noblesse et nous apprécions comme il le mérite, l'honneur que vous nous avez fait lorsque nous partions pour l'exil, en songeant à nous offrir l'hospitalité et en nous appelant sous votre toit. Mais si vous avez quelques amis à Cucuse; veuillez leur écrire.

 

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