ÉPHÉSIENS IV

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
INTRODUCTION
EXPLICATION
ÉPHÉSIENS I
ÉPHÉSIENS II
ÉPHÉSIENS III
ÉPHÉSIENS IV
ÉPHÉSIENS V
ÉPHÉSIENS VI
ÉPHÉSIENS VII
ÉPHÉSIENS VIII
ÉPHÉSIENS IX
ÉPHÉSIENS X
ÉPHÉSIENS XI
ÉPHÉSIENS XII
ÉPHÉSIENS XIII
ÉPHÉSIENS XIV
ÉPHÉSIENS XV
ÉPHÉSIENS XVI
ÉPHÉSIENS XVII
ÉPHÉSIENS XVIII
ÉPHÉSIENS XIX
ÉPHÉSIENS XX
ÉPHÉSIENS XXI
ÉPHÉSIENS XXII
ÉPHÉSIENS XXIII
ÉPHÉSIENS XXIV

HOMÉLIE IV. ET VOUS, LORSQUE VOUS ÉTIEZ MORTS PAR VOS OFFENSES ET PAR VOS PÉCHÉS, DANS LESQUELS AUTREFOIS VOUS AVEZ MARCHÉ, SELON LA COUTUME DE CE MONDE, SELON LE PRINCE DES PUISSANCES DE L'AIR, DE L'ESPRIT QUI AGIT EFFICACEMENT A CETTE HEURE SUR LES FILS DE LA DÉFIANCE, PARMI LESQUELS NOUS TOUS AUSSI NOUS AVONS VÉCU, SELON NOS DÉSIRS CHARNELS, FAISANT LA VOLONTÉ DE LA CHAIR ET DE NOS PENSÉES; ET NOUS ÉTIONS PAR NATURE ENFANTS DE COLÈRE COMME TOUS LES AUTRES. (II, 1-3 JUSQU'À 10.)

 

Analyse.

 

1. La foi et les oeuvres.

2. Degrés dans les châtiments de l'autre vie.

3. Que l'idée de la bonté divine ne doit pas rassurer les pécheurs.

4. Que toute consolation sera bannie de l'enfer.

 

1. Il y a une mort corporelle: il y a aussi une mort de l'âme. La première ne nous met poi nt en faute, ni en danger : caf elle est le fait de la nature, non de la volonté. Elle résulte de la transgression (tu premier homme: après quoi elle a passé dans notre nature. D'ailleurs elle ne doit avoir qu'une courte durée. Quant à la mort spirituelle qui procède de la volonté, elle nous est imputable et n'aura point de fin. Considérez donc comment Paul qui a déjà établi cette vérité sublime, que ressusciter les morts est une moins grande tâche que de guérir la mort de Pâme, comment Paul, dis-je, y revient ici, comme sur une grande chose : « Et vous, lorsque vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés, dans lesquels autrefois vous avez marché selon la coutume de ce monde, selon le prince des puissances de l'air, de l'Esprit qui agit efficacement à cette heure sur les fils de la défiance ». Voyez-vous la douceur de Paul, et comment partout il console son auditeur, et évite de l'accabler? Après avoir dit : Vous êtes arrivé au dernier degré de perversité (car c'est ce que veut dire « Etre morts ») : craignant de les trop accabler (car les hommes éprouvent de la honte à voir étaler leurs anciennes fautes, même effacées et sans danger désormais), il leur attribue un complice, afin que tout ne parût pas être leur ouvrage, et un puissant complice. Lequel donc? le diable. Il se comporte de même encore dans l'épître aux Corinthiens. (I Corinth. VI, 9 et suiv.) Car après avoir dit : « Ne vous laissez pas égarer : ni fornicateurs ni idolâtres » , (et le reste), n'entreront dans le royaume des cieux, il ajoute : C'est environ ce que vous étiez. Il ne dit pas seulement : « Vous  étiez », mais : «Vous étiez environ », c'est-à-dire, à peu près (1).

 

1 Ce texte est généralement interprété d'une manière un peu différente.

 

455

 

Ici les hérétiques nous,pressent : ils prétendent qu'il est ici question de Dieu, et clans l'intempérance effrénée de leur langage, ils appliquent à Dieu des expressions qui ne désignent que le diable. Comment leur fermer la bouche? Au moyen du texte même: Si Dieu est juste, comme vous le reconnaissez vous-même, et qu'il ait fait cela , ce n'est plus le fait d'un être juste,, ruais d'un être injuste et méchant : or Dieu ne saurait jamais être méchant. Pourquoi donc appeler le diable prince de ce siècle? Parce que presque toute, la nature humaine s'est donnée à lui, et que tous le servent librement et volontairement. Le Christ qui promet des biens innombrables n'obtient nulle attention. Le diable ne promet rien de pareil, il nous pousse en enfer: et tous lui cèdent. Son empire est sur ce siècle , il compte plus de sujets que Dieu, et bien plus dociles, sauf un petit nombre, par un effet de notre relâchement: «Selon la puissance de l'esprit de l'air ». C'est-à-dire qu'il habite sous le ciel quant aux esprits de l'air, ce sont les puissances incorporelles qui dépendent de lui. Maintenant, pour vous faire entendre que sa domination est une domination du siècle, c'est-à-dire bornée à la durée du siècle présent, voici ce que Paul dit à la fin de l'épître : « Nous n'avons point à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce siècle de ténèbres». (VI, 12.) Pour que cette expression : « Dominateur  du monde » ne vous fasse pas croire que le diable est incréé, il ajoute : « De ce siècle de ténèbres ». Et ailleurs par « Siècle mauvais » (Galat. II, 4), il désigne un temps bouleversé, sans parler dés créatures. Car il me paraît que devenu prince sous le ciel, il n'est pas déchu de son pouvoir même après la transgression.

« Qui agit efficacement à cette heure sur les fils de la défiance ». Voyez-vous que le démon ne se sert point de la violence ni de la tyrannie, mais de la persuasion pour nous gagner. Ce mot « Défiance » est employé ici pour faire entendre que la séduction et la persuasion sont mises seules en usage. Et Paul ne console pas seulement les fidèles en leur donnant un complice, mais encore en se rangeant lui-même parmi eux.. « Parmi lesquels nous  tous aussi nous avons vécu ». — « Tous » : on ne peut dire que quelqu'un fût excepté. « Selon nos désirs charnels, faisant la volonté de la chair et de nos pensées; et nous étions par nature enfants de colère comme tous les autres», C'est-à-dire :« N'ayant aucune pensée spirituelle ». Mais pour que l'on ne soupçonne pas ,qu'il s'exprime ainsi pour attaquer la chair et qu'on ne voie là une grande faute. voyez comme il se met sur ses gardes : « Faisant la volonté de la chair et de nos pensées » : il désigne par là les affections de la volupté. Nous avons irrité Dieu, dit-il, nous l'avons mis en colère; en d'autres termes Nous étions colère et rien autre chose. Car de même que l'enfant d'un homme est homme de sa nature, de même nous aussi; nous étions enfants de colère comme les autres. C'est-à-dire : Personne n'était libre, nous nous conduisions tous de manière à mériter la colère.

« Mais Dieu qui est riche en miséricorde (4)». Il ne dit pas seulement : « Miséricordieux » mais : « Riche en miséricorde ». Comme il dit ailleurs Dans l'abondance de votre miséricorde », et encore : « Ayez pitié de moi selon votre grande miséricorde ». (Ps. LXVIII, 1.7, et L,1.) — « Par le grand amour dont il nous a aimés». Il montre l'origine de cet amour. Car ce n'est pas l'amour que nous méritions, mais la colère et le dernier châtiment... C'est donc l'effet d'une miséricorde infinie. « Et lorsque nous étions morts par les péchés, il nous a vivifiés dans le Christ (5) ». Encore la médiation du Christ, et la chose est digne de foi. En effet, si nos prémices vivent, nous vivons aussi : il a vivifié et lui et nous.

2. Voyez-vous que tout cela est dit de Jésus-Christ comme homme? Voyez-vous la grandeur suréminente de sa vertu en nous qui croyons? Les morts, les fils de colère, il les a vivifiés. Voyez-vous l'espérance à laquelle nous sommes appelés? « Il nous a ressuscités et fait asseoir avec lui (6) ». Voyez-vous la gloire de l'héritage? Oui, dira-t-on : « Il nous a ressuscités » c'est clair; mais ceci : « Il nous a fait asseoir avec lui dans les cieux en Jésus-Christ », comment l'établir? Comme : « Il nous a ressuscités ». Car personne n'est encore ressuscité, sinon que par la résurrection du chef, nous aussi sommes ressuscités : ainsi que Jacob ayant adoré, sa femme par là même aussi adora Joseph. C'est de la même manière que nous sommes assis : car le corps est assis lorsque la tête est assise. Voilà pourquoi Paul ajoute : En Jésus-Christ. Ou si ce n'est pas cela, s'il nous a ressuscités par le baptême, (456) comment donc nous a-t-il fait asseoir? C'est que « Si nous partageons les souffrances du Christ, nous partagerons aussi sa royauté ». (II Timoth. II, 12.) Si nous mourons, nous partagerons la vie. Il est vraiment besoin de l'Esprit et de la révélation pour sonder la profondeur de ces mystères.

Ensuite pour vous convaincre, il ajoute : « Pour manifester dans les siècles à venir les richesses abondantes de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus (7) ». Car après avoir dit ce qui concerne le Christ, comme on pouvait demander : En quoi cela nous concerne-t-il, que le Christ soit ressuscité? il montre que cela nous concerne, en effet, puisque le Christ est uni à nous : outre qu'il fait voir ce qui nous touche en particulier, lorsqu'il dit : « Lorsque nous étions morts par nos offenses il nous a ressuscités et fait asseoir avec lui ». Ainsi donc, comme je le disais, ne conservez plus de doute, puisque vous avez pour preuves et les choses précédentes, et le chef, et la volonté que Dieu a eue de faire éclater sa bonté. En effet, comment la montrera-t-il, si cela ne se réalise point? Et il fera voir dans les âges futurs, quoi ? que c'étaient de grands biens, et les plus sûrs de tous. Car maintenant les incrédules considèrent ce qu'on leur en dit comme des sottises : mais alors tous seront instruits. Voulez-vous savoir encore comment il nous a fait asseoir avec lui ? Ecoutez le Christ qui dit à ses disciples : « Vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël »; et encore : « Mais d'être assis à ma droite et à ma gauche, il ne m'appartient pas de vous l'accorder à vous, mais à ceux à qui mon Père l'a préparé ». (Matth. XIX, 28 et XX, 23.) C'est donc préparé. Et Paul dit bien : « Par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus ». En effet, être assis à droite , est le signe d'une dignité qui surpasse toutes les autres, et au-dessus de laquelle il n'y a rien. Il dit donc que nous serons assis nous-mêmes. C'est vraiment une richesse suréminente, une suréminente grandeur de vertu, que de nous faire asseoir avec le Christ. Quand vous auriez des milliers de vies, ne les sacrifieriez-vous pas pour cela? S'il fallait entrer dans le feu, ne devriez-vous pas y courir?

Jésus lui-même dit encore: « Je veux, partout où je serai, que mes serviteurs y soient également ». (Jean, XII, 26.) Quand on devrait se frapper la poitrine chaque jour pour obtenir un pareil bonheur, ne faudrait-il, pas se hâter d'accepter? Songez où il nous a fait asseoir: « Au-dessus de toute principauté et de toute puissance». Et à côté de qui? A côté du Maître. Qui es-tu donc? Un mort, de sa nature enfant de colère. Et pour quelle bonne oeuvre?Aucune. En vérité, voici bien le moment de s'écrier : « O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu! » (Rom. XI, 33.)

« Car c'est la grâce qui vous a sauvés (8)». De peur que la grandeur des bienfaits ne vous enfle le coeur, voyez comme il vous rabaisse C'est la grâce qui vous a sauvés par la foi ». Ensuite, de peur de porter atteinte au libre arbitre, il fait mention de ce qui nous appartient. Mais aussitôt il revient sur ses pas et dit: « Et cela ne vient pas de vous ». Pas même la foi ne vient de nous : car si Dieu n'était pas venu, s'il ne nous avait pas appelés, comment aurions-nous pu croire? «Comment croiront-ils, s'ils n'entendent pas? » (Rom. X, 14.) De sorte que notre foi même ne vient pas de nous. « C'est un don de Dieu : ni des oeuvres (9) ».Est-ce que la foi suffirait pour sauver? — Afin de ne sauver ni les vaniteux, ni les nonchalants, Dieu a requis une foi agissante. Il dit que la foi sauve, mais par Dieu ; car si la foi a sauvé, c'est que Dieu a voulu. En effet, comment, dites-moi, la foi sauverait-elle sans les couvres? Cela même est un don de Dieu, « Afin que nul ne se glorifie», afin de nous inspirer de la reconnaissance au sujet de la grâce. Quoi donc ! dira-t-on, est-ce que Dieu a prohibé la justification par les oeuvres? Nullement : mais Paul dit : « Personne n'a été justifié par ses oeuvres », afin de montrer la grâce et la bonté de Dieu. Dieu n'a pas repoussé ceux qui ont les oeuvres; mais il a sauvé par la grâce ceux qui étaient abandonnés des oeuvres, afin que personne ne pût plus se glorifier.

3. Ensuite, de peur qu'en entendant dire que tout est l'effet de la foi et non des oeuvres, vous ne vous abandonniez à là nonchalance, voyez ce qu'il ajoute : « Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour les bonnes oeuvres que Dieu a préparées, afin que nous y marchions (10) ». Entendez bien ces paroles : il fait allusion ici à la régénération. En réalité, c'est une création nouvelle qui nous a fait passer du néant à l'être. (457) Nous sommes morts à ce que nous étions autrefois, je veux dire au vieil homme : ce que nous n'étions pas, nous le sommes devenus. C'est donc une création, et une création plus prédense que l'autre : car à la première, nous devons de vivre; à la seconde, de bien vivre : « Pour les bonnes œuvres que Dieu a préparées, afin que nous y marchions n. Non afin que nous commencions, mais afin que nous y marchions : car nous avons besoin d'une vertu constante et soutenue jusqu'à notre fin. S'il nous fallait suivre une route conduisant à une capitale, et si, après avoir fait la plus grande partie du chemin, nous nous arrêtions lassés, au moment de toucher au but, il ne nous servirait de rien de nous être mis en marche : de même l'espérance à laquelle nous sommes appelés resterait inutile à ceux qui la possèdent, si nous ne marchions pas comme l'exige la dignité de celui qui nous a appelés.

Ainsi donc, appelés pour lès bonnes oeuvres, remplissons notre tâche avec persévérance. Car si nous avons été appelés , ce n'est pas pour en faire une, niais pour les faire toutes. De même qu'il y a en nous cinq sens, et que nous devons les employer tous à propos, nous devons agir de même à l'égard des vertus. Etre chaste et sans charité, être charitable et injuste, s'abstenir du bien d'autrui, mais ne pas faire l'aumône avec le sien, tout cela est inutile. Il ne suffit pas d'une seule vertu pour nous faire comparaître avec confiance au tribunal du Christ : il en faut beaucoup et de toute espèce, il nous les faut toutes. Ecoutez le Christ disant à ses disciples : « Allez et instruisez toutes les nations; enseignez-leur à garder tous mes commandements » ; et encore : « Celui qui violera l'un de ces moindres commandements, sera appelé très-petit dans le royaume des cieux » (Matth. XXVIII,19, et V, 19) ; c'est-à-dire, à la résurrection : Car cet homme-là n'entrera. pas dans le royaume l'Evangile appelle souvent royaume le temps même de la résurrection: «, Celui qui en violera un sera appelé très-petit »... Nous sommes donc tenus de les observer tous.

Et voyez comment, sans l'aumône, il est impossible d'entrer dans le royaume : Comment, ne nous manquât-il que ce seul titre, nous irons au feu: « Allez-vous-en, maudits », est-il écrit, « au feu éternel préparé pour le diable et ses anges ». Pourquoi, pour quelle raison? Parce que j'ai eu faim, et que vous ne m'avez pas donné à manger: parce que j'ai eu soif et que vous ne m'avez pas donné à boire (Matth. XXV, 41.) Voyez-vous comment ce seul grief cause leur perte? Pour cette seule raison les vierges furent chassées de la chambre nuptiale, quoiqu'elles possédassent la chasteté; mais comme l'appui de l'aumône leur faisait défaut, elles n'entrèrent pas avec l'époux : « Recherchez la paix avec tous, et la sainteté sans laquelle nul ne verra le Seigneur». (Héb. XII, 14.) Songez donc que si, sans la chasteté, il est impossible de voir le Seigneur, ce n'est pas à dire qu'avec la chasteté on doive nécessairement le voir : car souvent il y a un autre empêchement. Quand nous ferions toutes les autres bonnes oeuvres, si nous n'aidons pas le prochain, nous n'entrerons pas pour cela dans le royaume. Qu'est-ce qui le prouve? L'exemple des serviteurs auxquels avaient été confiés les talents. Un homme dont la vertu était sans reproche, à qui il ne manquait rien d'ailleurs, fut rejeté justement, parce qu'il avait montré de la mollesse à faire fructifier l'argent.

Pour une simple injure on peut tomber dans l'enfer : Celui qui dit à son frère : « Fou » sera soumis à la géhenne du feu... Eût-on toutes lies vertus, si l'on est porté à l'injure, on n'entrera pas dans le royaume. Et qu'on n'aille pas accuser Dieu de cruauté parce qu'il en exclut ceux qui sont tombés dans cette faute: Parmi les hommes mêmes, l'homme qui a commis la plus légère prévarication, enfreint une seule dès lois, est banni des regards du monarque. Celui qui a porté une accusation calomnieuse, perd sa charge ; celui qui a été surpris en adultère, devient indigne ; il périt, quelles qu'aient pu être ses bonnes œuvres ; s'il a commis un meurtre et qu'il soit dénoncé, cela suffit pour le perdre. Que si les lois des hommes sont protégées avec tant de sollicitude , à combien plus forte raison celles de Dieu ! Mais il est bon, direz-vous. Jusques à quand proférerons-nous cet absurde propos ? Je dis absurde, non que Dieu ne soit pas bon, mais parce que nous croyons que sa bonté peut nous être en cela utile a quelque chose, malgré tout ce que nous avons pu dire à mille reprises sur ce, sujet. Ecoutez ces mots de l'Ecriture : « Ne dites pas : Son infinie miséricorde pardonnera la multitude de mes péchés». (Ecclé. V, 6.) Il ne nous est pas défendu de dire : « Sa miséricorde est infinie » : à Dieu ne plaise ! (458) Ce n'est pas cela. qui nous est recommandé, bien au contraire : nous devons le dire et le répéter sans cesse, et Paul fait tous ses efforts pour cela. L'Ecriture a en vue ce qui sait: Ne vous confiez pas, dit-elle, à la bonté de Dieu pour pécher, et pour dire : « Sa miséricorde pardonnera la multitude de mes péchés».

4. En effet, si nous vous entretenons si souvent nous-mêmes de la bonté divine, ce n'est pas pour que nous y comptions au point de tout nous permettre, car alors cette bonté deviendrait le fléau de notre salut, c'est pour quo nous ne désespérions pas dans nos péchés, et que nous fassions pénitence. C'est au repentir que vous pousse la bonté de Dieu, et non à des fautes nouvelles. Si la bonté divine vous déprave, vous ne faites que la compromettre aux yeux des hommes: tant on rencontre de gens . qui accusent la longanimité de Dieu. Vous serez donc punis, si vous en usez autrement qu'il ne faut. Dieu est bon ? Oui, mais il est équitable dans ses jugements. Il pardonne les péchés ? Oui, mais il rend à chacun selon ses oeuvres. Il passe par-dessus les iniquités, il efface les fautes ? Oui, mais il les compté. Mais n'y a-t-il pas contradiction? Non, seulement il s'agit de distinguer les temps. Dieu efface les iniquités ici-bas par le baptême et la pénitence, il pèse là-haut nos actions avec le feu et les tortures. Mais, dira-t-on, si peu de péchés, si un seul suffit pour me faire rejeter et exclure du royaume, pourquoi ne pas m'abandonner à tous les vices? C'est le langage d'un serviteur ingrat : néanmoins nous ne le laisserons point sans réponse. Ne faites pas le mal, dans votre propre intérêt :car si nous (levons être tous également exclus du royaume, nous ne serons pas tous également punis dans la géhenne; il y aura des degrés dans le châtiment. Si vous et lui, vous avez bravé l'un et l'autre les commandements, vous serez exclus pareillement du royaume à quelque degré que vous vous soyez rendus coupables : mais si votre témérité n'a pas été égale, si elle a été plus grande chez l'un, moindre chez l'autre , cette différence se retrouvera dans les tourments de la géhenne.

Pourquoi donc, dira-t-on, ceux qui ne font pas l'aumône sont-ils menacés de s'en aller dans le feu, et non-seulement dans le feu , mais dans le feu préparé pour le diable et pour ses anges ? Pourquoi, pour quelle raison ? Parce que rien n'irrite Dieu, comme l'injustice commise envers des amis. En effet, s'il faut aimer ses ennemis, celui qui se détourne même de ceux qui l'aiment, et qui en cela se montre pire que les païens eux-mêmes, quel châtiment ne méritera-t-il point ? De sorte que c'est justement qu'un péché pareil envoie son auteur rejoindre le diable. Car il est écrit : Malheur à qui ne fait pas l'aumône ! S'il en était ainsi au temps de l'ancienne loi,.à plus forte raison en est-il de même dans celui du Nouveau Testament. Si à une époque où il était. permis de posséder de l'argent, d'en jouir, d'y veiller, la Providence tenait tellement à ce que les pauvres fussent assistés, à combien plus forte raison doit-il en être ainsi, depuis qu'il nous est- ordonné de renoncer à tout ! Que ne faisait-on point alors ! On payait des dîmes , et de doubles dîmes : on venait en aide aux orphelins, aux veuves, aux étrangers... Et l'on vient me dire avec admiration: Un tel donne la dîme. N'est-ce pas. un grand sujet de honte que ce qui n'excitait point d'admiration chez les Juifs, en cause, quand il s'agit de chrétiens? S'il y avait danger alors à ne pas acquitter la dîme, songez quel doit être aujourd'hui le péril. L'ivrognerie également, est exclue du. royaume. Mais quel est le langage de la multitude ? Eh bien ! dit-on, si un tel a le même sort que moi, ce ne sera pas pour moi une faible consolation. Que répondre à cela ? D'abord que votre châtiment ne sera pas le même, à tous deux et que d'ailleurs, il n'y a pas là de consolation. C'est une consolation que de souffrir en compagnie, quand les épreuves sont modérées : mais quand elles sont extrêmes et nous mettent hors de nous, la douleur ne nous permet plus de goûter cette consolation. Dites à celui qu'on torture et qu'on a fait monter sur le bûcher : Un tel endure le même supplice : cette consolation le trouvera insensible. Est-ce que tous les Israélites n'ont pas péri en même temps ? En quoi s'en trouvèrent-ils consolés ? et au contraire, ne fut-ce point pour eux un surcroît de douleur? Aussi disaient-ils: Nous sommes perdus, exterminés, anéantis. Où voyez-vous une consolation? C'est en vain que nous recourons pour nous consoler à ces suppositions. Il n'y a qu'une consolation : C'est de ne pas tomber au feu inextinguible : une fois qu'on y est, plus de consolation : partout les grincements de dents, les pleurs, le ver qui ne meurt point, le feu inextinguible. Sentirez-vous, je vous le demande, (459) aucun soulagement, au milieu d'une telle détresse et de pareilles angoisses ? Ah ! vous aurez sans doute alors tout votre sang-froid !

Je vous en prie et vous en conjure, ne nous faisons point à nous-mêmes ces illusions, ne nous consolons point par de tels discours, mais faisons les choses qui peuvent nous sauver. Il vous est offert d'aller vous asseoir auprès du Christ, et voilà de quoi vous vous occupez ! Quand bien même vous n'auriez pas commis d'autre péché, à quel châtiment ne vous exposeriez-vous pas en proférant de telles paroles, en vous montrant nonchalants, insensés et négligents, au point de tenir ce langage quand une récompense pareille vous est proposée ? Oh ! quels ne seront pas vos gémissements, quand vous entendrez alors appeler au royaume et aux honneurs ceux qui auront fait le bien ! quand vous verrez d'anciens esclaves, des hommes de basse naissance, appelés à partager éternellement le trône royal, pour prix de quelques épreuves endurées ici-bas ! Ce spectacle ne sera-t-il pas pour vous pire que le supplice ? Si dans ce monde l'élévation de certains hommes vous semble plus douloureux que le plus cruel châtiment, bien que vous n'ayez rien à souffrir, si ce spectacle suffit pour vous torturer, vous arracher des gémissements et des larmes, et vous faire trouver mille morts douces en comparaison, quelle ne sera pas alors votre souffrance ? S'il n'y avait pas d'enfer, l'idée même du royaume ne serait-elle pas suffisante pour faire votre supplice ? Et qu'il en sera ainsi, c'est ce que l'expérience nous révèle assez. Cessons donc de nous abuser nous-mêmes avec de telles paroles, veillons, songeons à notre salut, pratiquons la vertu, et excitons-nous nous-mêmes aux bonnes oeuvres, afin que nous soyons jugés dignes d'obtenir cette gloire incomparable en Jésus-Christ Notre-Seigneur.

 

Haut du document

 

 Précédente Accueil Remonter Suivante