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La voix de Catherine de Sienne 2007/2 - N° 142 juin/ juillet 2007
Association internationale Catherine de Sienne, reconnue par Décret du Cons.
Pont. pour les Laïcs, le 15 août 1992
www.caterinati.org
Bulletin du groupe Liège-Bruxelles
Ed. resp. Chantal van der Plancke, La voix de Catherine de S.
rue de Rome 34, Bte 19, B 1060 Bruxelles. Belgique
Tél. Fax 00 32 2 539 07 45 —
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Sommaire : Edito 3 ; « A Dieu » à Mgr
Castellano (1913-2007) 4 ; Testament spirituel
de Mgr Castellano 6 ; Hommage du Pr. Nardi 8 ;
Assemblée G. des Caterinati Fête
de Ste Catherine 9 ; Les monastères dominicains,
lieux de pèlerinage 10 ; Catherine, Femme de Parole,
par E. J. Lacelle 12 ; Agenda vacances 16
Editorial
Juin 2007
Chers amis,
Voici venu le temps de prendre un peu de vacance. Vacance au singulier.
Vacance singulière, qui consiste à nous libérer de la tyrannie du « faire »
(même celle de « faire » l’Espagne ou le Maroc), pour jouir plus librement du
mystère de l’« être ».
Jouir de tout ce qui est : « les fleurs des champs ».
Jouir de celui ou celle que je suis… pour Dieu.
Jusqu’à jouir de « n’être pas » !
Car, « sais-tu, ma fille, qui tu es ? et qui Je suis ? Tu es celle qui n’est
pas.
Je suis celui qui est », confie le Père à sa fille, Catherine.
Ce sublime anéantissement, nous pouvons le pressentir lorsque nous jouissons
d’être tout(e) perdu(e) dans un paysage – même local – qui nous suggère une
infinie Beauté et le sentiment de n’être plus, d’en avoir le souffle coupé.
Ce sublime anéantissement devant la Bonté de « Celui qui est et qui vient »,
c’est ce que nos défunts vivent dans l’intarissable communion avec Celui qui
nous donne la vie.
C’est l’ineffable perdition que les mystiques anticipent par pure grâce.
La joie de n’être « plus rien ». Rien par soi-même et tout par Dieu.
L’amour nu, dépouillé de tout « moi » ; l’amour pur, qui ne se reçoit que de «
Toi », c’est ce que vivent à présent notre cher Mgr Castellano et tous ceux que
nous disons avoir « perdus ». Leur Pâque nous ouvre aussi un passage.
Que des temps forts de prière – ou de retraite – nous permettent de vivre «
cette béatitude de n’être que par Dieu » ;
de la vivre en communion avec ceux et celles qui nous ont précédés dans la foi
et ceux et celles qui, ici, nous accompagnent;
et de donner toujours plus de place à la relation, seule source de notre être.
« Bonne vacance » !
Chantal van der Plancke
Biographie
Mgr Mario Ismaele Castellano op
1913-2007

Mgr Castellano naquit à Imperia en 1913. Après des études classiques, puis de
droit à l’Université de Gênes, il entra dans l’ordre des dominicains et fut
ordonné prêtre en 1942. Il fit des études de théologie puis de droit canon à
l’Université St-Thomas d’Aquin à Rome, où il enseigna ensuite durant sept ans,
travaillant simultanément à la ‘Congrégation du Saint-Office’. Evêque de
Volterra en 1954, il fut aussitôt nommé Assistant ecclésiastique de l’A.C.I.
En 1961, il fut nommé à la tête de l’Archevêché de Sienne, dont les limites
s’étendirent en 1986, jusqu’à englober les régions de Colle di Val d’Elsa et de
Montalcino. Il fut archevêque émérite en 1990.
Il participa activement au Concile Vatican II, en tant que membre de trois
Commissions. Il a collaboré à la rédaction du nouveau Code de droit canon et
publia de nombreux articles.
En 1970, l’année où Paul VI proclama Catherine Docteur de l’Eglise, il fonda
« l’Association oecuménique des Caterinati », qui contribue à faire connaître
Catherine de Sienne, sa vie et son message pour aujourd’hui. C’est aussi grâce à
lui et à cette association que Catherine, déjà co-patronne d’Italie, fut
proclamée co-patronne de l’Europe par Jean-Paul II, en 1999, au début du second
synode pour l’Europe.
En 1994, il pilota pendant huit jours à Sienne et aux environs, un groupe de
laïcs et de séminaristes de Malines-Bruxelles. Huit jours de visites le matin,
d’enseignement l’après-midi et de prière le soir, huit jours mémorables, durant
lesquels il se donna sans compter, nous communiquant avec cordialité et
détermination le ‘feu’ qui animait Ste Catherine !
Il fit de même en 1997 où il accueillit un groupe de la paroisse N.-D. du
Sacré-Cœur à Bruxelles (photo). Ce qu’il a semé dans nos cœurs reste
inoubliable.
En témoigne la fidélité du petit groupe qui continue à lire Ste
Catherine, ses écrits et sa vie,
au rythme d’une soirée par mois. Cela fait 10 ans d’imprégnation, où, dans
l’amitié et la prière, nous nous tenons à l’école de Catherine, de son amour du
Christ, de l’Eglise et de Marie, ayant à cœur le souci de la société dans
laquelle nous vivons.
Ce que Mgr Castellano fit pour nous, il le fit aussi pour d’autres groupes
d’Italie et d’ailleurs, semant à tous vents, à Gênes, à Varazze… et jusqu'à
Avignon où il se rendit avec une délégation de Caterinati de Sienne. Mais en ce
qui concerne la Belgique, c’est lui qui soutint particulièrement Mr Jean
Wintgens lors de la construction de la chapelle Ste-Catherine à Astenet (Eupen)
dans les murs de laquelle il fit incruster la relique de la sainte qu’il avait
apportée de Sienne. Il vint plusieurs fois à Astenet, où la maison Ste-Catherine
s’était agrandie, et c’est toujours avec ferveur qu’il nous entraînait par sa
prédication et sa prière. Il écrivit aussi de nombreux articles pour notre
bulletin que Renée Lex traduisait avec application et… délectation !
En l’an 2000, Mgr Bonicelli, archevêque de Sienne, invita le Cardinal
Danneels à participer aux célébrations annuelles pour la fête de Ste Catherine.
Avec Mgr Castellano, qui connaissait bien l’attachement du cardinal Danneels à
Ste Catherine de Sienne, cela faisait trois archevêques « amis », que nous
étions heureux d’accompagner durant ces jours de célébration, avec une
importante délégation, francophone et germanophone de Caterinati de Belgique.
Mgr Castellano, nous vous restons unis dans la communion des saints ! Ce que
vous avez semé a déjà porté beaucoup de fruits. Mais tout n’a pas encore fini de
germer. Continuez à arroser « le jardin » de l’Eglise.
Chantal van der Plancke
Testament spirituel de Mgr Castellano
« Désormais je suis un évêque émérite et je suis content de l’être, ainsi
tout se simplifie, même l’attente de l’appel du Seigneur.
Je désire mourir dans la foi catholique, dans la charité chrétienne et dans
l’espérance de la vie éternelle. Je désire mourir dans les bras de Marie, la
très sainte Mère de l’Eglise et Reine de Sienne, assisté de saint Joseph et de
sainte Catherine que j’ai voulu particulièrement honorer.
Je remercie Dieu pour ses dons immenses : la vie, la foi chrétienne, la vocation
dominicaine, le sacerdoce, l’épiscopat, le fait de rejoindre les émérites ; et
je demande pardon de ne pas avoir correspondu comme je devais à tant de
bienveillance et de fidélité.
Je demande pardon pour mes péchés. Je rends grâce pour tous ceux qui m’ont fait
du bien, depuis mes parents jusqu’à tous mes supérieurs, depuis mes confrères
jusqu’aux simples fidèles, et pour mon successeur, si bon et si différent de
moi.
Je demande pardon à ceux à qui j’aurais fait mal ou déplu ; je pardonne à tous
ceux qui m’auraient causé quelque affliction et de la souffrance. Ce qui compte,
c’est l’amour de Dieu et des frères : c’est une vraie valeur qu’il faut toujours
garder pour l’actualiser dans notre vie.
A tous ceux que j’ai rencontrés sur mon chemin, au revoir là haut, dans la
patrie céleste où règne la joie éternelle de l’Amour infini. Confiez-vous à
Jésus et à Marie, sa mère ! »
Sienne, 1er août 1992
« Aux Caterinati
Grâce à la bienveillance de notre archevêque bien aimé, Président de
l’Association des Caterinati, j’ai pu durant ces années m’occuper de
l’Association, qui, grâce à la collaboration de beaucoup, s’est affermie et
s’est développée en Italie et à l’étranger. Continuez sous la guidance de
l’archevêque, du recteur du Sanctuaire et de la Maison Sainte-Catherine, et avec
l’aide indispensable des Pères dominicains. J’ai confiance que de nouvelles
forces s’uniront aux forces existantes que je remercie de tout cœur pour leur…
et enthousiastes.
Sainte Catherine a encore beaucoup de choses à dire pour notre bien, pour la
prospérité de l’Eglise et pour la paix dans le monde. Elle ne nous abandonne
jamais parce qu’elle est non seulement une maîtresse, mais surtout une mère (non
solo maestra, ma soprattutto mamma).
Et quand vous aurez appris que Jésus m’a appelé à lui, priez pour moi la très
sainte Vierge et sainte Catherine, afin qu’il me soit fait miséricorde par le
Sang du Christ et que je sois admis à contempler l’éternelle Beauté.
Je vous bénis tous bien cordialement »
Sienne, 7 octobre 1996
« Aux contrade (1) de Sienne

Vénérable Prieur, très chers membres des contrade, voici déjà dix ans que je
ne suis plus votre évêque. J’ai pourtant continué à vous vouloir du bien et à
prier pour vous. Vous aussi, vous n’avez cessé de vous souvenir de moi et de
m’aimer. Je vous en suis reconnaissant et je vous demande de vous rappeler
encore de moi quand je ne serai plus parmi vous. Durant mon long épiscopat à
Sienne, j’ai toujours cherché à vous aider, à vous encourager et à être proche
de vous concrètement et pas seulement en paroles. J’ai veillé à mettre en
évidence la composante religieuse des contrade et du Palio.
Le début de l’année des contrade et la ‘Messa del Fantino’ [jockey] ont été
vécus dans une collaboration totale et convaincue et demeurent un témoignage de
l’âme chrétienne des contrade. Que la très sainte Marie soit toujours la Reine
de Sienne, à qui la course du Palio rend hommage. Mais – et cela je voudrais
vous le recommander chaudement, parce que je vous aime – évitez les violences
excessives qui finiraient entre autres par faire mourir les contrade. Il y a
place pour une saine rivalité, mais il ne plaît pas à la très sainte Marie que
l’on passe outre. Je sais que vous me comprenez et je vous prie de m’excuser
pour cette recommandation.
Je vous bénis de tout cœur et vous attends dans la patrie céleste, où la course
du Palio a lieu en permanence en honneur de la très sainte Marie, Reine du ciel
et de la terre, avec Jésus son divin Fils très aimé.
Sienne, 7 juin 1999
Mario Ismaele Castellano,
Archevêque émérite de Sienne, Colle Val d’Elsa, Montalcino
(1) NDLR : Le Palio est une compétition entre cavaliers des
différents quartiers (contrade) de Sienne. Il a lieu le 2 juillet, fête de la
Vierge de Provenzano, et le 16 août, lendemain de la fête de l’Assomption. La
course consiste en trois tours autour de la ‘Grand-Place’ de Sienne, accomplis
en une minute et quelques secondes. Mais le Palio « dure toute l’année » avec
ses préparatifs, la tension entre quartiers, la bénédiction de chaque cheval,
l’explosion de cris au moment du jeu, l’exubérance des quartiers vainqueurs. Les
conflits, qui peuvent parfois briser des familles et des amitiés, ne peuvent se
comprendre qu’à l’intérieur de la culture siennoise du Palio.
Mgr Castellano nous a toujours partagé son implication pastorale dans cette
manifestation séculaire : il nous a fait visiter les sièges de contrade, avec
leur cour intérieure pour la bénédiction des chevaux, leur chapelle, leurs
‘palio’ (superbes étendards conquis) avec leurs références religieuses ; il nous
a fait rencontrer les membres des contrade où des caterinati sont impliqués, et
nous a introduits dans la ferveur de l’église de Notre-Dame de Provenzano. Au
temps de Catherine, le Palio existait depuis un siècle, mais il se courait dans
les rues.
Hommage du professeur Paolo Nardi, prieur général de
l'Association internationale des Caterinati
Il ne m'est pas possible d'exprimer ni de faire comprendre la grande émotion
qui prévaut en ce moment, en nous tous, "confratelli e consorelle" de
l'Association internationale des Caterinati.
Monseigneur Castellano, comme chacun sait, fut le fondateur de notre
association. En l'année 1970, qui coïncida avec la proclamation de sainte
Catherine comme Docteur de l'Eglise, il comprit la nécessité de transformer
l'antique confrérie siennoise de Fontebranda en une structure associative plus
ample qui pourrait accueillir tous les dévots de notre sainte dans le monde. De
là surgirent des groupes de Caterinati, non seulement dans diverses cités
d'Italie, notamment celles qui sont plus liées à la vénération de sainte
Catherine, comme Rome et Varazze, mais aussi d'autres endroits d'Europe et même
des Etats-Unis.
Durant plus de 20 ans, Mgr Castellano fut le président effectif de
l'Association; ensuite, en tant qu'évêque émérite, il en fut le Président
honoraire. En fait, il fut toujours pour nous le Père et le guide indiscutable,
jusqu'il y a peu, lorsque la détérioration de sa santé l'empêcha de diriger
notre assemblée avec l'expérience et l'autorité morale qui caractérisaient toute
son action. Mais, durant son infirmité, il a toujours continué à s'intéresser à
notre activité et à nous prodiguer des conseils et des encouragements. Certains
d'entre nous se rappellent la récente rencontre, à l'occasion de l'Assemblée
annuelle de l'Association: alors qu'il sentait approcher l'heure de son trépas,
il nous confia un mandat précis en nous recommandant "que là où il y a un
caterinato le bien se fasse".
Merci de tout coeur, Monseigneur Castellano, pour la leçon de charité, de
sagesse, ainsi que de limpidité de l'intelligence et de l'esprit, en des temps
qui semblaient faits pour confondre les consciences, en particulier celles des
chrétiens. D'ailleurs, c'est la leçon toujours actuelle de Catherine, notre
"dolce Mamma", qu'il a pu rejoindre en retournant à la maison du Père, d'où,
nous en sommes sûrs, il continuera à veiller sur nous.
Assemblée générale des Caterinati à Sienne
Les représentants des différents groupes qui composent l’Association
réunissant les Caterinati (‘fils et filles spirituels’ de Ste Catherine), se
sont retrouvés les 2 et 3 mars. Innombrables sont les activités spirituelles et
culturelles (célébrations, conférences, publications, expositions, spectacles)
animées par ces groupes : à Trieste, Gênes, Milan, Varazze, Pise, Florence,
Sienne, Rome…, Bruxelles et Astenet (B).
Les 28-29 avril, les fêtes catheriniennes à Sienne ont été présidées par le
Cardinal Re, membre de plusieurs congrégations à Rome.
Au centre, le P. Scarciglia, op, assistant ecclésiastique, et à droite, le
Professeur P. Nardi, prieur général. (Voir p. 8).
Fête de Ste Catherine à Bruxelles
La fête de Ste Catherine tombant un dimanche, le lundi 30 avril, nous nous
sommes réunis, comme chaque année, pour célébrer l’eucharistie et chanter les
vêpres de la sainte, en la paroisse N.-D. du Sacré-Cœur à Etterbeek.
Mais cette année, ce temps de prière fut suivi d’un buffet, pris d’assaut (ce
qui aurait bien valu une multiplication des pains), et d’une conférence avec
projection, donnée par Mme Janine Thilgès.
La salle de fêtes, fleurie et ornée de panneaux de Sienne, Florence, Pise,
Avignon, pouvait accueillir une centaine de personnes.
Ancien professeur d’art dramatique, Janine nous fit revivre avec sa conviction
et son talent de communication les moments-clés de la vie de Ste Catherine.
Le texte d’une grande densité spirituelle, entièrement composé par l’artiste,
était accompagné de projection d’images, paysagères et iconographiques. Si des
problèmes d’ordinateur ont quelque peu troublé la qualité de la projection, le
feu de la conférencière et son humour si bienveillant ont tenu en haleine une
salle comble. A la fin de cette intense soirée, où se mêlaient prière et
relations fraternelles, découverte de Catherine pour certains et réenchantement
pour d’autres, nous avons eu l’occasion de fleurir trois ‘Catherine’ dans
l’assemblée. Une surprise qui ajoutait de la bonhomie à cette soirée
‘familiale’, portée par une équipe organisatrice… plus que dévouée ! Encore
merci à chacun(e).
Les monastères des dominicaines, lieux de
pèlerinage
Quelques échos de la journée jubilaire.
Je réponds volontiers à l’appel de Chantal van der Plancke dans le dernier
numéro de la Voix de Catherine. Vous avez pu voir à la dernière page de ce n°
141 que ce 29 avril nous était journée jubilaire dans la Fédération Notre Dame.
Toute la famille dominicaine était invitée à célébrer ensemble dans les
monastères la dimension contemplative.

En effet, la première communauté vraisemblablement de moniales, fondée par saint
Dominique regroupait quelques femmes converties du catharisme et un peu plus
tard, des frères qui vivaient à proximité. L’ensemble avait reçu le nom de «
Sainte Prédication de Prouilhe » pour, semble-t-il, signifier l’importance de la
vie de prière pour accomplir le ministère de la prédication. Pas d’annonce de la
parole de Dieu authentique qui ne soit fondée sur la prière : Catherine n’a
cessé de vivre ainsi, se ressourçant sans cesse dans la prière.
La plupart des monastères dans le monde ont choisi de célébrer la journée de
la famille dominicaine le 7 octobre, fête du Rosaire. En France, en raison du
pèlerinage du Rosaire à Lourdes et de la retraite prêchée aux moniales par le
Maître de l’Ordre à cette date-là, nous avons dû opter pour une autre date. Le
29 avril a été choisi, sans doute pour sainte Catherine de Sienne, bien que
cette année, nous célébrions d’abord le 4ème dimanche du Temps pascal.
Voici deux textes de sainte Catherine qui me viennent à l’esprit à l’occasion
de cette rencontre. Le chapitre 158 est en soi une jubilation pour tout l’ordre
dominicain. En voici quelques extraits :
« Regarde maintenant la barque de ton père Dominique, mon fils bien-aimé, et
vois avec quel ordre parfait, tout y est disposé. Il a voulu que ses frères
n’eussent point d’autre pensée que mon honneur et le salut des âmes, par la
lumière de la science. (…)
Il soumit les siens à l’obéissance, et demanda que chacun fût fidèle à
s’acquitter de la tâche qui lui était assignée.
C’est ainsi que Dominique ton père, a disposé cette barque : Il l’a gréée de ces
trois cordages qui sont l’obéissance, la continence et la vraie pauvreté. La
discipline y est toute royale : il n’a pas voulu que sa règle obligeât sous
peine de péché mortel. C’est moi, la vraie lumière qui l’ai éclairé en ce point.
Ma providence a eu égard par là, à la faiblesse des moins parfaits. (…) De la
sorte, parfaits et non parfaits sont à l’aise, à bord de cette barque. Dominique
s’accorde ainsi avec ma Vérité, en voulant non la mort du pécheur, mais qu’il se
convertisse et qu’il vive. Aussi sa religion est-elle toute large, toute
joyeuse, toute parfumée : elle est elle-même un jardin de délices. » (trad.
Hurtaud, Téqui, p. 272 à 275.)
Le second texte donne tout son sens à la notion de famille dominicaine, à la
nécessité reconnue du besoin des uns des autres, de la solidarité humaine. Voici
un paragraphe du chapitre 148 que nous avons, hélas, bien de mal à accepter et à
vivre :
« Chacun a reçu en partage un talent particulier, et tous sont ainsi obligés de
recourir les uns aux autres pour se procurer ce dont ils ont besoin. Tu le peux
voir, l’artisan a besoin du laboureur et le laboureur ne peut se passer de
l’artisan. Chacun d’eux a besoin de l’autre, parce que chacun d’eux ne sait pas
faire ce que l’autre produit. Pareillement le clerc et le religieux ont besoin
du séculier et le séculier ne peut se passer du religieux ; ils sont nécessaires
l’un à l’autre. Ainsi en est-il du reste des hommes. » (ibid. p 220).

À Orbey, nous avons commencé cette journée mémorable par la célébration de
l’Eucharistie, par la jubilation autour du mystère pascal. La chapelle débordait
avec une bonne cinquantaine de personnes supplémentaires, de toutes les branches
de la famille dominicaine. Journée joyeuse et ensoleillée entre deux gros
orages, le premier dans la nuit et le second environ une demi-heure après le
départ de nos hôtes. Même le ciel a participé à la fête ! Le repas partagé à
partir de ce que chacun avait apporté, s’est terminé par la distribution d’un
petit cadeau, nourriture spirituelle. Il s’agissait d’un texte souvenir : nous
avions choisi une cinquantaine de citations de dominicains (Maître Eckhart,
Tauler, Pierre Claverie… et bien sûr Catherine de Sienne !) pour les offrir à
nos hôtes ainsi qu’une photo de la chapelle prise la nuit pascale et la prière
du jubilé.
La journée s’est terminée par un temps de prière commune, vers 15h. Une de nos
sœurs a parlé de la vie contemplative, de la dimension contemplative de tout
notre ordre, puis nous avons chanté le psaume 135, accompagné à la Kora,
instrument sénégalais, lu un texte de Sainte Catherine de Sienne (une partie du
premier texte cité ici), puis chanté le O Lumen accompagné au Kantele,
instrument finlandais, et enfin nous avons lu ensemble l’oraison distribuée.
Cette dernière partie était très émouvante. Voici le texte de la prière du
Jubilé (1206-2006), composé par la commission internationale des moniales, pour
que vous puissiez vous aussi vous associer à notre prière :
Dieu de Miséricorde,
Dans ta sagesse éternelle, tu as appelé ton serviteur Dominique à se mettre en
route sur le chemin de foi comme pèlerin itinérant et prédicateur de la grâce.
Avec ta Parole de douce Vérité dans son cœur et sur ses lèvres, Dominique a
invité les premières sœurs et les premiers frères à se joindre à lui dans une
vie d’obéissance contemplative au service de la sainte prédication.
En commémorant ce Jubilé, nous te demandons de répandre encore une fois l’Esprit
du Christ ressuscité, dans nos cœurs et nos esprits. Recrée nous, afin que nous
puissions proclamer fidèlement et joyeusement l’évangile de paix, par ce même
Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen.
Marie, Mère du Verbe fait chair, prie pour nous.
Après ce temps fort, nous nous sommes dispersés. À peine les premiers invités
étaient-ils partis que nos hôtes suédois sont arrivés : il y avait juste assez
de place pour leur bus sur le parking !!!.
Quelques lignes pour partager ce que nous avons vécu à Orbey avec, sans nul
doute, l’intercession de Catherine de Sienne.
Sr Anne-Catherine Meyer, op
du monastère saint Jean Baptiste,
à Orbey (Alsace – France)
Catherine de Sienne Femme de Parole
Après avoir loué les écrits de Catherine de Sienne, son premier biographe
Raymond de Capoue, o.p. ajoute : «Ils sont cependant peu de choses à côté de
la parole vivante qu'elle nous faisait entendre. Le Seigneur lui avait donné une
langue si bien instruite qu'elle savait toujours que répondre. Ses paroles
brûlaient comme des torches, et nul de ceux qui les entendaient ne pouvait se
dérober complètement à l'ardeur de leurs traits enflammés» (1) . Catherine a
été une femme de parole: on peut même dire que toute sa vie a été parole et
service de la Parole de Dieu, «office du Verbe» comme elle disait (2).
Or, produire une parole, en privé ou en public, ne va jamais de soi. La
parole constitue pourtant l'être humain. Elle est le commencement de l'existence
personnelle et communautaire, dans l'ordre social et l'ordre moral (3) . Dans
une parole, l'être humain s'affirme comme sujet pensant, responsable de sa
propre existence et de ses relations avec les autres, avec l'Autre. Catherine a
pris la parole et a tenu parole. De ce fait, elle nous interpelle. Sommes-nous
des êtres de parole dans nos vies et nos milieux culturels, en tant que
baptisé(e)s?
Le lieu de parole de Catherine
On prend la parole à partir d'un lieu. Celui de Catherine est le XIVe s.
(1347-1380), en Italie et en Europe, élargi jusqu' à l'Orient musulman. Plus
immédiatement, c'est le milieu ecclésial et civil de l'Italie ravagée par la
peste et en gestation des États nations, avec les violences que cela peut
impliquer. L'autorité ecclésiastique est remise en question dans les États
pontificaux. La papauté, de nationalité française depuis 1309, gouverne à partir
d'Avignon, fortement centralisée. Si on prend à témoin les lettres de Catherine,
le gouvernement ecclésiastique est souvent plus préoccupé de son pouvoir et de
ses biens que de la vie évangélique, au détriment des fidèles dans l'Église et
du peuple aux prises avec de graves injustices. C'est un temps de «crise» (4).
Dans ce contexte, pour l'essentiel, la parole de Catherine appelle à la
réforme de l'Église, par une conversion des coeurs à l'Évangile pour que Église
retrouve le souffle de «sa jeunesse première». Elle y appelle les ministres de
l'Église et le peuple tout entier.
Les modalités ou formes de sa parole
Catherine a donné à sa parole des modalités diverses.
- Celle de l'écriture : « Elle écrit comme elle parle et c'est son grand
mérite», disent ses critiques. Son livre, Le Dialogue rapporte une
conversation entre l'âme (Catherine) qui en prend l'initiative et Dieu, «la
douce Première vérité» qui est amour. Les Oraisons, du mot oratio, actes
de la bouche (os et actio), sont des colloques avec Dieu. Le ton des 382
Lettres ne peut pas être plus direct.
- Catherine a même osé la parole de la prédication. Elle a pratiqué la parole de
médiation, en tant qu'agente de réconciliation entre partis civils et
ecclésiastiques. Elle a donné des directives spirituelles. Elle a prononcé des
paroles de guérison, du corps tout autant que de l'âme.
- Sa parole pouvait aussi prendre la forme du cri, du gémissement, du pleur
voire du délire devant l'Indicible .
L'émergence de sa parole
Comment le désir de la parole a-t-il émergé chez Catherine? On peut en
distinguer trois traces.
La première remonte à sa sixième année: la vision du Christ qui l'appelle et
auquel elle répond: «Me voici» que l'on peut qualifier de «grâce
inaugurale» (6). Elle déclenche chez Catherine le désir de devenir
dominicain pour prêcher le salut des âmes. «Ce zèle était tel que tu voulais
te faire passer pour un homme, t'en aller en pays où tu fusses inconnue pour
entrer dans l'Ordre des Prêcheurs», lui rappelle Raymond de Capoue (7).
On peut repérer une deuxième trace, à l'âge de douze ans : Catherine affirme
l'orientation de sa vie qui sera axée sur la recherche absolue de Dieu. Elle
résiste à ses parents qui veulent la marier jusqu'à poser le geste radical de se
couper les cheveux et de se couvrir d'un voile de manière à éloigner tout
prétendant. Elle a ainsi accédé au désir «pour son propre compte» devant Dieu
(8) .
Un autre geste suivra: son entrée chez les Mantellate. Contemplative,
Catherine aurait pu joindre les moniales de Montepulciano tout près de Sienne,
dont la réputation de sainteté était grande. Son désir de parole l'amène plutôt
chez les Mantellate, une sorte de tiers-ordre dominicain qui n'exigeait
pas de voeux publics et dont les membres vivaient dans leurs propres maisons,
parfois en petits groupes, entièrement disponibles à Dieu et à ses appels auprès
des démunis.
La troisième trace est celle de l'«éveil» décisif qu'elle a vécu «au
commencement de ses visions», note Raymond. Dans sa «cellule intérieure» où
elle s'entretient avec Dieu de sa Vie et Vérité, de l'Église et de son peuple,
monte un jour la question : «Qui suis-je? Qui suis-je? Et dis-moi, qui tu es
Seigneur». En réponse, elle entend : «Je suis Celui qui suis, tu es celle
qui n'est pas». Selon Raymond, cette parole inaugure l'aventure mystique de
Catherine et établit le principe fondamental de son enseignement spirituel, son
verbum abbreviatum (9).
L'envoi
Cette expérience de la parole projette Catherine hors de sa cellule. Elle
doit dire. Son statut ecclésial et civil ne l'autorise guère à prendre la parole
publiquement. Elle n’est ni dominicain, ni clerc, ni théologien.
Catherine s'appuie sur l'envoi qu'elle reçoit comme venant de Dieu : « La
cellule ne sera plus ta demeure habituelle; au contraire, pour le salut des âmes
tu seras amenée à sortir même de ta ville. Moi je serai toujours avec toi, soit
que tu ailles, soit que tu reviennes; et toi tu porteras l'honneur de mon nom et
ma doctrine aux petits et aux grands, qu'ils soient laïcs, clercs ou religieux.
Moi je mettrai sur tes lèvres une sagesse à laquelle personne ne pourra
résister. Moi, je te conduirai devant les Pontifes, les chefs de l'Église et du
peuple chrétien afin que, selon ma façon d'agir par les faibles, je rabaisse
l'orgueil des forts» (10).
Une parole apostolique
Catherine s'identifie souvent à Marie de Magdala, l'apostolata inamorata,
pour justifier sa vocation. Elle souligne la disponibilité de la Galiléenne pour
aller et proclamer la Parole même si cela allait à l'encontre des conventions de
son temps : «Dans le transport de son amour, elle ne fait pas attention si
elle est seule ou accompagnée; si elle avait réfléchi elle ne serait pas restée
au milieu des soldats de Pilate; mais elle va seule, elle reste au sépulcre.
L'amour l'empêche de se dire : Ne pensera-t-on pas, ne dira-t-on pas du mal de
moi, car je suis belle et de haut rang. Non, elle n'y songe pas, elle cherche
seulement à trouver et à suivre son Maître. C'est cette compagne que je vous
donne et que je veux que vous suiviez; car elle sait si bien la voie, qu'elle
peut nous l'apprendre. Courez, ma Fille, courez, mes filles; ne dormez plus, car
le temps fuit et n'attend pas» (11)
C'est cette conscience de l'envoi apostolique que Catherine fait valoir
auprès de sa mère lorsqu'elle se rend auprès de Grégoire XI à Avignon à l'été
1376 : «Vous savez bien qu'il faut que je suive la volonté de Dieu, et je
sais que vous voulez que je la suive. Sa volonté est que je parte (...) il faut
que j'aille (…) de la manière et au moment qu'il plaira à son ineffable bonté...»
Et une autre fois : «Pourquoi les apôtres partaient-ils? Parce qu'ils étaient
passionnés de l'honneur de Dieu et du salut des âmes» (12).
Catherine percevait sa vocation à la Parole comme une vocation apostolique.
Pour sa part, Raymond compare sa parole à celle de l'Aigle dans l'Apocalypse et
à celle de l'ange. Plus encore: il reconnaît en elle «la foi de Pierre».
Craignant qu'une telle déclaration n'offusque ses auditeurs, il s'en explique :
«Quand donc j'ai dit plus haut 'vous auriez vu en elle, la foi de Pierre,
etc.', avouez qu'on ne peut tirer de là aucune conclusion déplacée; car on peut
appeler en toute vérité foi de Pierre, celle d'une âme qui croit parfaitement au
Christ» (13).
Certes, Catherine ne manquera pas d'être éprouvée dans ce ministère de la
Parole, notamment par des théologiens éminents et par des cardinaux, à Avignon
puis à Rome, sous Urbain VI. L'épreuve la plus dure aura sans doute été celle
qu'elle a vécue à l'automne 1378 avec l'irruption du Grand Schisme. N'était-elle
pas cause, pour une part, de cette situation? On n'a pas manqué de le lui dire.
Elle a confié cette épreuve à Raymond : «Je veux avoir rempli mon devoir»,
lui écrit-elle alors qu'elle sent que sa mort approche. Dieu la soutenait, elle
le croyait, s'y fiait. En même temps, l'épreuve qui secouait l'Église la
secouait elle-même tout entière. Elle est morte au creux de cette épreuve, le 29
avril 1380.
Femme de parole, elle l'avait proclamée jusqu'au bout de sa vie, fidèle à la
Parole. C'est ainsi qu'elle avait travaillé «dans le vaisseau de la sainte
Église», soutenue par sa contemplation des «grands mystères» de la
foi qu'elle célébrait liturgiquement dans le lieu saint de l'église et dans le
lieu saint de son existence de baptisée.
À chacun, chacune, son don de la Parole. Disciples du Christ, baptisés dans
sa mort et sa résurrection, renouvelés dans son Esprit, la Parole de Dieu
s'offre à prendre chair en nous. Pour cela, il faut l'accueillir, la connaître,
la contempler et la prier. Il faut lui donner notre voix, nos mots, notre
personne tout entière et la livrer dans des gestes qui sauvent. Catherine nous y
appelle, pour la renovatio par la conversion du coeur à l'évangile, dans nos
vies et celle de l'Église, celle de nos milieux : «Il ne faut plus dormir; il
faut se lever avec un vrai et saint désir, avec zèle, il faut le chercher avec
courage» (14).
Élisabeth J. Lacelle
théologienne et professeure à l'Université d'Ottawa

Signet de publicité du livre d’E. J. Lacelle (1998) où l’on voit Catherine
marchant, tenant ‘son livre’ à la main. Statue en bronze (50 cm) de Hazel Brill
Jackson, intitulée « Catherine de Sienne en route vers Avignon ».
Depuis l’an 2000, Elisabeth J. Lacelle offre une bourse (1000$ ca)
à la Faculté de Théologie des Dominicains à Ottawa pour
encourager le travail de recherche sur Catherine de Sienne.
Cette année, la bourse a été attribuée à l’abbé Jacques Kabangu,
prêtre diocésain congolais, qui termine sa thèse de doctorat
sur « Le dessein de Dieu dans l’œuvre théologique de
J.-M. R. Tillard, o.p. ». Avis aux chercheurs.
1 Vie de Sainte Catherine de Sienne, trad. de R. P.
Hugueny, Paris, Lethielleux, 1903, Appendice, p. 474-475.
2 « She spoke the Word with her own voice », écrit la dominicaine Mary Catherine
Hilkert, Speaking with Authority. Catherine of Siena and the Voices of Women
Today, New York/Mahwah: New Jersey, Paulist Press, 2001.
3 Georges Güsdorf, La parole, Paris, PUF, 1971, p. 91.
4 Voir Yvon D. Gélinas, o.p., «D'Avignon au Grand Schisme» dans Élisabeth J.
Lacelle, dir., «Ne dormons plus, il est temps de se lever.» Catherine
de Sienne (1347-1380), Paris/Montréal, Cerf/Fides, 1998, p. 19-36.
5 Voir dans Le Dialogue, la belle séquence sur les larmes, LXXXVIII-XCVII).
6 Charles-André Bernard, Théologie mystique, IVe vol., Paris, Cerf, 2005,
p. 181. Selon l'auteur, un tel événement «fait entrer dans un monde nouveau»
qui peut donner une orientation définitive à la vie.
7 Op. cit., I, II, p. 125-126.
8 Voir Louis Roy, o.p., Le sentiment de transcendance. Expérience de Dieu?,
Paris, Cerf, 2000, p. 110.
9 Vie, op. cit. I, X, p. 90-91; Rm 10,28. Louis Canet y voit l’expérience
du don inconditionnel entre elle et Dieu qui a scellé son identité de sujet
devant Dieu et dans l’Eglise : dans ce « celle qui n’est pas », Catherine
comprend que le fondement de son être est en Dieu « consistant, solide, établi
pour jamais », La double expérience de Catherine Benincasa, Paris,
Gallimard, 1948, p. 282-283.
10 Témoignage de Fra Tommaso da Siena, dit Il Caffarini, tel que cité dans D.
Umberto Meattini, Santa Caterina da Siena. Epistolario, Alba, ed. Paoline,
1979, p. 61-62. Voir aussi Vie, op. cit., I, XII, p. 115.
11 Lettre CCCLI, à Madame Barthélemi de Lucques, T. 2 (Téqui, 1976), p.
1220-1223.
12 Lettre CCXV à Lapa, ibid., 1180-1182 et Lettre CCXIII à Lapa et Cecca,
1176-1178.
Voir aussi la médiéviste Karen Scott, «St. Catherine of Sienna 'Apostolata'»,
dans Church History 61 (1992), p. 34-46, 37.
13 Vie, op.cit., Appendice, p 485 et p. 482-283.
14 L. CCXXVIII, à Soeur Agnès Donna, op.cit., p. 1218-1219.
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