VENDREDI PENTEC.

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SAMEDI PENTECÔTE
PROPRE DES SAINTS

LE VENDREDI DE LA PENTECÔTE.

 

Venez , ô Esprit-Saint,  remplissez les cœurs de  vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

 

 

Jusqu'ici nous avons considéré l'action du Saint-Esprit dans l'Eglise; il nous faut maintenant la suivre sur un théâtre moins étendu, il nous faut l'étudier dans le cœur du chrétien. Là encore nous puiserons de nouveaux sentiments d'admiration et de reconnaissance pour ce divin Esprit qui daigne se prêter à tous nos besoins, et nous conduire à la fin bienheureuse pour laquelle nous avons été crées.

De même que l'Esprit Saint envoyé « pour demeurer avec nous » s'emploie à maintenir et à diriger la sainte Eglise, afin qu'elle soit toujours l'Epouse fidèle de Jésus son Epoux immortel; ainsi s'attache-t-il à nous pour nous rendre les dignes membres de ce chef saint et glorieux. Sa mission est de nous unir à Jésus si étroitement que nous lui soyons incorporés. C'est à lui de nous créer dans l'ordre surnaturel, de nous donner et de nous conserver la vie de la grâce, en nous appliquant les mérites que Jésus notre médiateur et notre Sauveur nous a conquis.

Elle est sublime cette mission du Saint-Esprit qui lui a été conférée par le Père et par le Fils, et qu'il exerce sur le genre humain. Au sein de la

 

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divinité l'Esprit-Saint est produit et ne produit pas. Le Père engendre le Fils, le Père et le Fils produisent le Saint-Esprit ; cette différence est fondée dans la nature divine elle-même, qui n'est et ne peut être qu'en trois personnes. De là vient, comme l'enseignent les Pères, que le Saint-Esprit a reçu pour le dehors la fécondité qu'il n'exerce pas dans l'essence divine. Si donc il s'agit de produire l'humanité du Fils de Dieu au sein de Marie, c'est lui qui opère ; et s'il s'agit de créer le chrétien du sein de la corruption originelle, et de l'appeler à la vie de la grâce, c'est lui encore qui exercera son action : en sorte que, selon l'énergique expression de saint Augustin, « la même grâce qui a produit le Christ à son commencement, produit le chrétien lorsqu'il commence à croire; le même Esprit duquel le Christ a été conçu est le principe de la nouvelle naissance du fidèle (1). »

Nous nous sommes étendu longuement sur l'action du Saint-Esprit dans la formation et le gouvernement de l'Eglise, parce que l'œuvre principale de ce divin Esprit est de former sur la terre l'Epouse du Fils de Dieu, et que c'est par elle que nous viennent tous les biens. Elle est dépositaire d'une partie des grâces de cet auguste Paraclet, qui a daigné se mettre à sa disposition pour nous sauver et nous sanctifier. C'est pour nous également qu'il l'a rendue catholique, visible à tous les regards, afin qu'il nous fût plus facile de la trouver ; c'est pour nous qu'il maintient dans son sein la vérité et la sainteté, afin que nous soyons abreuvés à ces deux sources ineffables. Aujourd'hui nous voici attentifs à ce qu'il

 

1. De praedestinatione Sanctorum. Cap. XV.

 

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opère dans les âmes, et tout d'abord nous nous trouvons en face de son pouvoir créateur. N'est-ce pas en effet une véritable création, d'amener une âme plongée dans la déchéance originelle, ou, ce qui est plus merveilleux encore, une âme défigurée par le péché volontaire et personnel, de l'amener à devenir en un moment la fille adoptive du Père céleste, le membre chéri du Fils de Dieu ? Le Père et le Fils se complaisent à voir accomplir cette oeuvre par l'Esprit qui est leur amour mutuel. Ils l'ont envoyé afin qu'il agisse, afin qu'il se conduise en maître dans sa mission, et partout où il règne, ils règnent aussi.

Eternellement l'âme élue a été présente à la divine Trinité; mais, le moment arrivé, l'Esprit descend. Il s'empare de cette âme comme de l'objet désigné à son amour. Le vol de la colombe miséricordieuse est plus rapide que celui de l'aigle qui fond sur sa proie. Que la volonté humaine n'entrave pas son action, et il arrivera de cette âme ce qui est arrivé pour l'Eglise elle-même, c'est-à-dire que « ce qui n'était même pas triomphera de « ce qui était (1). » On voit alors des miracles d'un ordre étonnant, « la grâce surabondant là même où le péché avait abondé (2). »

Nous avons vu l'Emmanuel conférer aux eaux la vertu de purifier les âmes ; mais nous nous souvenons que lorsqu'il descendit dans les flots du Jourdain, la colombe divine vint se poser sur sa tête, et prit possession de l'élément régénérateur. La fontaine baptismale est demeurée son domaine. « C'est là, nous dit le grand saint Léon, qu'il préside à la nouvelle naissance de l'homme, rendant féconde la fontaine sacrée , comme

 

1. I Cor. I, 28. — 2. Rom. V, 20.

 

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autrefois il rendit fécond le sein de la Vierge, à cette différence que le péché fut absent dans la conception sacrée du Fils de Dieu, tandis que la mystérieuse ablution le détruit en nous (1). »

Avec quelle tendresse l'Esprit divin contemple cette nouvelle créature sortant des eaux ! avec quelle impétuosité d'amour il fait irruption en elle ! Il est le Don du Dieu très haut, envoyé sur nous pour résider en nous. Il prend donc son habitation dans cette âme toute neuve, qu'elle soit celle de l'enfant d'un jour, ou celle de l'adulte déjà chargé d'années. Il se complaît dans ce séjour qu'il a éternellement ambitionné; il l'inonde de ses feux et de sa lumière , et comme il est par nature inséparable des deux autres personnes divines, sa présence est cause que le Père et le Fils viennent établir aussi leur demeure en cette âme fortunée (2).

Mais l'Esprit-Saint a ici son action propre, sa mission sanctificatrice, et pour bien comprendre la nature de sa présence dans le chrétien, il faut savoir qu'elle ne se borne pas à l'âme. Le corps fait aussi partie de l'homme, et il a eu sa part dans la régénération ; c'est pourquoi l'Apôtre, en même temps qu'il nous révèle l'heureuse « habitation » du divin Esprit en nous (3), nous apprend encore que nos membres matériels sont eux-mêmes ses temples (4). Il veut les faire servir à la justice et à la sainteté (5) ; il dépose en eux un germe d'immortalité qui les conservera dans la dissolution même du tombeau, en sorte qu'au jour de la résurrection ils reparaîtront, mais spiritualisés (6),

 

1. Serm, XXVI. In Nativitate Domini, IV. — 2. JOHAN. XIV, 23. — 3. Rom. VIII, 11. — 4. I Cor. VI, 19. — 5. Rom. VI, 19|. — 6. I Cor. XV, 44.

 

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gardant ainsi le signe de l'Esprit qui les aura possédés en cette vie mortelle.

Le chrétien étant donc ainsi l'habitation de l'Esprit-Saint, nous ne devons pas nous étonner que ce divin Esprit songe à orner dignement la demeure qu'il s'est choisie. Quelle plus noble parure que celle des vertus théologales : la Foi qui nous met en possession certaine et substantielle des vérités divines que notre intelligence ne peut voir encore ; l'Espérance qui rend déjà présent le secours divin qui nous est nécessaire et la félicité éternelle que nous attendons ; la Charité qui nous unit à Dieu par le plus fort et le plus doux des liens ! Or, ces trois vertus, ces trois moyens pour l'homme régénéré d'être en rapport avec sa fin, c'est à la présence du Saint-Esprit que le chrétien les doit. Il a daigné signaler son arrivée par ce triple bienfait qui dépasse tous nos mérites passés, présents et futurs.

Au-dessous des trois vertu théologales, il établit ces quatre autres qui sont comme les assises de la vie morale de l'homme : la justice, la force, la prudence et la tempérance ; qualités naturelles, qu'il transforme en les adaptant à la tin surnaturelle du chrétien. Enfin comme un dernier lustre qu'il ajoute à sa demeure, il y dépose le septénaire sacré de ses dons, destines à répandre le mouvement et la vie dans le septénaire des vertus.

Mais les vertus et les dons qui tous tendent vers Dieu, réclament l'élément supérieur qui est le moyen essentiel de l'union avec lui : élément indispensable et que rien ne peut suppléer, âme de l'âme, principe vivifiant, sans lequel elle ne saurait ni voir ni posséder Dieu ; c'est la Grâce sanctifiante. Avec quelle satisfaction l'Esprit divin l'introduit dans l'âme à laquelle elle

 

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s’incorpore, et qu'elle rend l'objet des complaisances divines! Une étroite alliance existe entre cette grâce et la présence de l'Esprit-Saint; car si l'âme venait à donner entrée au péché mortel, l'Esprit cesserait d'habiter cette âme infortunée, au moment même où s'éteindrait en elle la grâce sanctifiante.

Mais il veille soigneusement sur son héritage, et il n'y demeure pas oisif. Les vertus qu'il a infusées dans cette âme si chère ne doivent pas demeurer inertes ; il faut qu'elles produisent les actes vertueux, et que le mérite qu'elles obtiendront vienne accroître la puissance de l'élément fondamental, fortifier et développer cette grâce sanctifiante qui enchaîne si étroitement le chrétien à Dieu. L'Esprit-Saint ne cesse donc de mouvoir l’âme vers l'action soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, par ces touches divines que la théologie appelle grâces actuelles. Il obtient ainsi que sa créature s'élève de plus en plus dans le bien, qu'elle s'enrichisse et se consolide toujours davantage, enfin qu'elle serve à la gloire de son auteur qui la veut féconde et agissante.

Dans cette intention, l'Esprit qui s'est donné à elle, qui l'habite avec une si vive tendresse, la pousse à la prière par laquelle elle pourra tout obtenir, lumière, force et succès. « Mais, dit l'Apôtre, savons-nous comment il faut prier? » A cette question il répond lui-même d'après son expérience : « Ce sera l'Esprit qui demandera pour nous dans des gémissements inénarrables (1). » Ainsi le divin Esprit s'associe à tous nos besoins ; il est Dieu, et il gémit comme la colombe, afin de mettre ses accents à l'unisson des nôtres. « Il crie

 

1. Rom. VIII, 26.

 

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vers Dieu dans nos coeurs, » dit le même Apôtre (1) ; nous certifiant ainsi par sa présence et ses opérations en nous que nous sommes les enfants de Dieu (2). Se peut-il rien de plus intime, et devons-nous nous étonner que Jésus nous ait dit qu'il n'y avait qu'à demander pour recevoir (3), lorsque c'est son Esprit même qui demande en nous ?

Auteur de la prière, il coopère puissamment à l'action. Son intimité avec l'âme fait qu'il ne laisse à celle-ci que la liberté nécessaire au mérite ; pour le reste, il la meut, il la soutient, il la dirige, en sorte qu'à son tour elle n'a plus qu'à coopérer à ce qu'il fait en elle et par elle. A cette action commune de l'Esprit et du chrétien, le Père céleste reconnaît ceux qui lui appartiennent, et c'est pour cela que l'Apôtre nous dit encore que « ceux-là sont les enfants de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu (4). » Heureuse société qui mène le chrétien à la vie éternelle, qui fait triompher Jésus en lui, Jésus dont l'Esprit-Saint imprime les traits dans sa créature, afin qu'elle soit un membre digne d'être uni à son Chef!

Mais, hélas ! cette société fortunée peut se dissoudre. Notre liberté, qui ne se transforme qu'au ciel, peut amener et amène trop souvent la rupture entre l'Esprit sanctificateur et l'homme sanctifié. Le désir malheureux de l'indépendance, les passions que l'homme aurait le moyen de régler s'il était docile à l'Esprit, ouvrent le cœur imprudent à la convoitise de ce qui est au-dessous de lui. Satan, jaloux du règne de l'Esprit, ose faire briller aux yeux de l'homme la trompeuse image

 

1. Gal. IV, 6. — 2. Rom. VIII, 16. — 3. Luc. XI, 9. — 4. Rom. VIII, 14.

 

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d'un bonheur ou d'un contentement hors de Dieu. Le monde, qui est aussi un esprit maudit, ose rivaliser avec l'Esprit du Père et du Fils. Subtil, audacieux, actif, il excelle à séduire, et nul ne pourrait compter les naufrages qu'il a causés. Il est cependant dénoncé aux chrétiens par Jésus lui-même qui nous a déclaré qu'il ne prierait pas pour lui (1), et par l'Apôtre qui nous avertit « que ce n'est pas l'esprit du monde que nous avons reçu, mais bien l'Esprit qui est de Dieu (2). »

Néanmoins un cruel divorce s'opère fréquemment entre l'homme et son hôte divin. Il est précédé pour l'ordinaire par un refroidissement qui se manifeste du côté de la créature envers son bienfaiteur. Un manque d'égards, une légère désobéissance, sont les préludes de la rupture. C'est alors qu'a lieu chez le divin Esprit ce froissement qui montre si clairement l'amour qu'il porte à l'âme, et que l'Apôtre nous rend d'une manière expressive, lorsqu'il nous recommande de ne pas contraster l'Esprit-Saint qui nous marqua de son sceau au jour où la rédemption venait à nous (3). Parole remplie d'un sentiment profond, et qui nous révèle la responsabilité qu'entraîne après lui le péché véniel. L'habitation de l'Esprit-Saint dans l'âme devient pour lui une cause d'amertume, une séparation est à craindre; et si, comme l'enseigne saint Augustin, « il n'abandonne pas qu'il ne soit abandonné, » si la grâce sanctifiante demeure encore, les grâces actuelles deviennent plus rares et moins pressantes.

Mais le comble du malheur est dans la rupture du pacte sacré qui unissait l'âme et l'Esprit divin

 

1. JOHAN. XVII, 9. — 2. I Cor. II, 12. — 3. Eph. IV, 3o.

 

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dans une si étroite alliance. Le péché mortel est l'acte d'une souveraine audace et d'une cruelle ingratitude. Cet Esprit si rempli de douceur se voit expulsé de l'asile qu'il s'était choisi, et qu'il avait embelli en tant de manières. C'est le comble de l'outrage, et l'on n'a pas droit de s'étonner de l'indignation de l'Apôtre quand il s'écrie : « Quel supplice ne mérite-t-il pas celui qui a foulé aux pieds le Fils de Dieu, méprisé le sang de l'alliance, et fait une telle injure à l'Esprit de grâce (1) ? »

Cependant cette situation désolante du chrétien infidèle au Saint-Esprit peut encore exciter la compassion de celui qui, étant Dieu, a été envoyé vers nous pour être notre hôte plein de mansuétude. Il est si triste l'état de celui qui, en chassant l'Esprit divin, a perdu l'âme de son âme, qui a vu s'éteindre au même moment le flambeau de la grâce sanctifiante, et s'anéantir tous les mérites dont elle s'était accrue. Chose admirable et digne d'une reconnaissance éternelle ! L'Esprit-Saint expulsé du cœur de l'homme aspire à y rentrer. Telle est l'étendue de la mission qu'a reçue du Père et du Fils celui qui est amour, et qui par amour ne veut pas abandonner à sa perte le chétif et ingrat vermisseau qu'il avait voulu élever jusqu'à la participation de la nature divine (2).

On le verra donc, avec une abnégation sublime dont l'amour seul a le secret, faire le siège de cette âme, jusqu'à ce qu'il ait pu s'en emparer de nouveau. Il l'effrayera par les terreurs de la justice divine, il lui fera sentir la honte et le malheur où se précipite celui qui a perdu la vie de son âme. Il le détache ainsi du mal par ces premières

 

1. Heb. X, 29. — 2. II Petr. I, 4.

 

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atteintes que le saint Concile de Trente appelle « les impulsions de l'Esprit-Saint qui meut l'âme « au dehors, sans l'habiter encore au dedans (1). » L'âme inquiète et mécontente d'elle-même finit par aspirer à la réconciliation ; elle rompt les liens de son esclavage, et bientôt le sacrement de Pénitence va répandre en elle l'amour qui ranime la vie, en consommant la justification. Qui pourrait exprimer le charme et le triomphe de la rentrée du divin Esprit dans son domaine chéri ! Le Père et le Fils reviennent vers cette demeure souillée naguère, et peut-être depuis longtemps. Tout revit dans l'âme renouvelée ; la grâce sanctifiante y renaît telle qu'elle était au moment où l'âme sortit de la fontaine baptismale. Les mérites acquis en avaient développé la puissance, mais nous les avons vus tristement sombrer dans la tempête ; ils sont restitués en leur entier, et l'Esprit de vie se réjouit de ce que son pouvoir est égal à son amour.

Un changement si merveilleux n'a pas lieu une fois dans un siècle ; chaque jour, chaque heure le voient s'accomplir. Telle est la mission de l'Esprit divin. Il est descendu pour sanctifier l'homme, il faut qu'il le sanctifie. Le Fils de Dieu est venu ; il s'est donné à nous. Nous ayant trouvés en proie à Satan, il nous a rachetés au prix de son sang ; il a tout disposé pour nous conduire à lui et à son Père ; et s'il a dû remonter aux cieux pour nous v préparer notre place, bientôt il a fait descendre sur nous son propre Esprit, afin qu'il soit notre second Consolateur jusqu'à son retour. Voici donc à l'œuvre ce divin auxiliaire. Eblouis de la magnificence de ses opérations, célébrons

 

1. Sess. XIV, Cap. IV.

 

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avec effusion l'amour avec lequel il nous traite, la puissance et la sagesse qu'il développe dans l'accomplissement de sa mission. Qu'il soit donc béni, qu'il soit glorifié, qu'il soit connu en ce monde qui lui doit tout, dans l'Eglise dont il est l'âme, et dans ces millions de cœurs qu'il désire habiter pour les sauver et les rendre heureux à jamais !

 

Ce jour est consacré au jeûne comme celui du mercredi précédent. L'Ordination des prêtres et des ministres sacrés aura lieu demain. Il importe de faire une plus vive instance auprès de Dieu pour obtenir que l'effusion de la grâce soit aussi abondante que sera durable et auguste le caractère que l'Esprit-Saint imprimera sur les membres de la tribu sainte qui lui seront présentés.

A Rome, la Station est aujourd'hui dans la basilique des Douze-Apôtres, où reposent les corps de saint Philippe et de saint Jacques-le-Mineur. Ce souvenir donné aux habitants du Cénacle ne saurait être plus à propos en ces jours où l'Eglise entière les salue comme les premiers hôtes de l'Esprit-Saint.

 

Les beaux chants de l'Eglise arménienne nous aideront encore aujourd'hui à glorifier la venue du divin Paraclet. Nous insérons ici les strophes qui se rapportent à cette journée.

 

CANON SEXTAE DIEl.

 

Tu es, ô Esprit-Saint, le calice rempli dans les cieux et qui rend immortel,  dans lequel a bu au Cénacle le chœur des saints Apôtres: tu es béni, ô Esprit-Saint, tu es plein de vérité.

 

Tu t'es répandu sur nous avec abondance, ô flamme vivante ; car les Apôtres, après s'être désaltérés en toi, ont désaltéré toute la terre: tu es béni, ô Esprit-Saint, tu es plein de vérité.

 

Aujourd'hui les Eglises de la gentilité se livrent au transport de la joie ; tu es le principe de cette allégresse, calice vivifiant : tu es béni, ô Esprit-Saint, tu es plein de vérité.

 

Toi qui procèdes de la vérité du Père, source de lumière, tu as réjoui de tes rayons les Apôtres et tu les as remplis de ta splendeur : par leurs prières aie paie de nous.

 

Tu as dévoilé ton essence en te montrant sous la forme d'un feu merveilleux ; c'est la lumière divine dont tu as rempli les Apôtres en les rendant heureux : par leurs prières aie pitié de nous.

 

Toi qui, au commencement, as changé en lumière les ténèbres qui enveloppaient le monde, tu as aujourd'hui rempli les Apôtres de ta lumière admirable et divine, en les rendant heureux : par leurs prières aie pitié de nous.

 

Toi qui es assis sur ceux qui lancent des rayons enflammés et se balancent sur leurs ailes, tu as été aujourd'hui répandu du haut des cieux par un ineffable amour sur la race humaine : tu es béni, ô Esprit-Saint, ô Dieu !

 

Toi qui fais chanter le trisagion par des langues de feu, tu as été répandu des cieux aujourd'hui comme une flamme sur les lèvres des humains : tu es béni, ô Esprit-Saint, ô Dieu!

 

Toi que les Esprits dont la nature est la flamme contemplent éternellement au milieu de tes feux éblouissants, aujourd'hui tu as été répandu des cieux sur la terre comme une coupe remplie d'une liqueur embrasée : tu es béni, ô Esprit-Saint, ô Dieu !

 

 

Nous empruntons au Missel mozarabe cette allocution que le pontife adresse au peuple fidèle dans la Messe du jour de la Pentecôte, pour l'exhorter à faire un religieux accueil au divin Esprit qui s'apprête à descendre dans les âmes.

 

MISSA

 

C'est aujourd'hui, Frères très chers, qu'il nous faut célébrer l'arrivée des dons de l'Esprit-Saint qui nous a été promis par le Fils de Dieu; aujourd'hui que nous devons employer à l'accomplissement de ce devoir tout ce que nous avons de foi, d'ardeur et d'allégresse. Unissons à nos louanges les sentiments de la piété, joignons-y l'humilité et la pureté, et ouvrons l'intérieur de nos âmes au transport que fait naître un tel événement. Que les cœurs des croyants soient purifiés, que leurs esprits soient ouverts, que le plus intime de leurs âmes se prépare; car une étroite poitrine serait insuffisante pour célébrer la louange et l'avènement de celui qui est sans mesure. Il est en effet le consubstantiel du Père et du Fils, le troisième dans l'ordre des personnes, mais le même dans la gloire. Celui que le royaume du ciel ne peut contenir, qui n'est renfermé par aucune limite, descend aujourd'hui dans l'humble asile de notre cœur pour y prendre l'hospitalité. Qui d'entre nous. Frères très chers, pourrait se croire digne d'un tel hôte ? Qui serait en état de lui fournir à son arrivée un festin digne de lui? C'est par lui que vivent les Anges et les Archanges, et toutes les Vertus célestes. Reconnaissons-nous donc incapables de recevoir en nous un tel hôte, et supplions-le de préparer lui-même son habitation dans nos âmes. Amen.

 

LE DON D'INTELLIGENCE.

 

Ce sixième Don de l'Esprit-Saint fait entrer l'âme dans une voie supérieure à celle où elle s'est exercée jusqu'ici. Les cinq premiers Dons tendent tous à l'action. La Crainte de Dieu remet l'homme à sa place en l'humiliant, la Piété ouvre son cœur aux affections divines, la Science lui fait discerner la voie du salut de la voie de perdition, la Force l'arme pour le combat, le Conseil le dirige dans ses pensées et dans ses œuvres ; il peut donc agir maintenant, et poursuivre sa route avec l'espoir d'arriver au terme. Mais la bonté du divin Esprit lui réserve encore d'autres faveurs. Il a résolu de le faire jouir dès ce monde d'un avant-goût de la félicité qu'il lui réserve dans l'autre vie. Ce sera le moyen d'affermir sa marche, d'animer son courage et de récompenser ses efforts. La voie de la contemplation lui sera donc désormais ouverte, et le divin Esprit l'y introduira au moyen de l'Intelligence.

A ce mot de contemplation, plusieurs personnes s'inquiéteront peut-être, persuadées à tort que l'élément qu'il signifie ne saurait se rencontrer que dans les conditions rares d'une vie passée dans la retraite et loin du commerce des hommes. C'est une grave et dangereuse erreur, et qui arrête trop souvent l'essor des âmes. La contemplation est l'état auquel est appelée, dans une certaine mesure, toute âme qui cherche Dieu. Elle ne consiste pas dans les phénomènes qu'il plaît à l'Esprit-Saint de manifester en certaines personnes privilégiées, et qu'il destine à prouver la réalité de la vie surnaturelle. Elle est simplement cette relation plus intime qui s'établit entre Dieu et l'âme qui lui est fidèle dans l'action ; à cette âme, si elle n'y met obstacle, sont réservées deux faveurs, dont la première est le don d'Intelligence qui consiste dans l'illumination de l'esprit éclairé désormais d'une lumière supérieure.

Cette lumière n'enlève pas la foi, mais elle éclaircit l'œil de l'âme en la fortifiant, et lui donne une vue plus étendue sur les choses divines. Beaucoup de nuages s'effacent, qui provenaient

 

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de la faiblesse et de la grossièreté de l'âme non initiée encore. La beauté pleine de charme des mystères que 1 on ne sentait que vaguement se révèle, d'ineffables harmonies que l'on ne soupçonnait pas apparaissent. Ce n'est pas la vue face à face réservée pour le jour éternel ; mais ce n'est déjà plus cette faible lueur qui dirigeait les pas. Un ensemble d'analogies, de convenances, qui se montrent successivement à l'œil de l'esprit, apportent une certitude pleine de douceur. L'âme se dilate à ces clartés qui enrichissent la foi, accroissent l'espérance et développent l'amour. Tout lui semble nouveau ; et quand elle regarde derrière elle, elle compare et voit clairement que la vérité, toujours la même, est maintenant saisie par elle d'une manière incomparablement plus complète.

Le récit des Evangiles l'impressionne davantage ; elle trouve une saveur inconnue pour elle jusqu'alors dans les paroles du Sauveur. Elle comprend mieux le but qu'il s'est proposé dans l'institution de ses Sacrements. La sainte Liturgie l'émeut par ses formules si augustes et ses rites si profonds. La lecture de la Vie des Saints l'attire, rien ne l'étonné dans leurs sentiments et leurs actes ; elle goûte leurs écrits plus que tous les autres, et elle ressent un accroissement de bien-être spirituel en traitant avec ces amis de Dieu. Entourée de devoirs de toute nature, le flambeau divin la guide pour satisfaire à chacun. Les vertus si diverses qu'elle doit pratiquer se concilient dans sa conduite ; l'une n'est jamais sacrifiée à l'autre, parce qu'elle voit l'harmonie qui doit régner entre elles. Elle est loin du scrupule comme du relâchement, et toujours attentive a réparer aussitôt les pertes qu'elle a pu faire.

 

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Quelquefois même le divin Esprit l'instruit par une parole intérieure que son âme entend, et qui éclaire sa situation d'un nouveau jour.

Désormais le monde et ses vaines erreurs sont appréciés par elle pour ce qu'ils sont, et l'âme se purifie du reste d'attache et de complaisance qu'elle pouvait encore conserver pour eux. Ce qui n'a de grandeur et de beautés que selon la nature, paraît chétif et misérable à cet œil que l'Esprit-Saint a ouvert aux grandeurs et aux beautés divines et éternelles. Un seul côté rachète à ses yeux ce monde extérieur qui fait illusion à l'homme charnel : c'est que la créature visible, qui porte la trace de la beauté de Dieu, est susceptible de servir à la gloire de son auteur. L'âme apprend à user d'elle avec action de grâces, la rendant surnaturelle, glorifiant avec le Roi-Prophète celui qui a empreint les traits de sa beauté dans cette multitude d'êtres qui servent si souvent à la perte de l'homme, tandis qu'ils sont appelés à devenir les degrés qui le conduiraient à Dieu.

Le don d'Intelligence répand aussi dans l'âme la connaissance de sa propre voie. Il lui fait comprendre combien ont été sages et miséricordieux les desseins d'en haut qui l'ont parfois brisée et transportée là où elle ne comptait pas aller. Elle voit que si elle eût été maîtresse de disposer elle-même son existence, elle eût manqué son but, et que Dieu l'a fait arriver, en lui cachant d'abord les desseins de sa paternelle Sagesse. Maintenant elle est heureuse, car elle jouit de la paix, et son cœur n'a pas assez d'actions de grâces pour remercier Dieu qui l'a conduite au terme sans la consulter. S'il arrive qu'elle soit appelée à donner des conseils, à exercer une direction par devoir ou par le motif de la charité, on peut se confier en elle ; le don d'Intelligence l'éclairé pour les autres comme pour elle-même. Elle ne s'ingère pas cependant à poursuivre de ses leçons ceux qui ne les lui demandent pas; mais si elle est interrogée, elle répond, et ses réponses sont lumineuses comme le flambeau qui l'éclairé.

Tel est le don d'Intelligence, véritable illumination de l'âme chrétienne, et qui se fait sentir à elle en proportion de sa fidélité à user des autres dons. Celui-ci se conserve par l'humilité, la modération des désirs et le recueillement intérieur. Une conduite dissipée en arrêterait le développement et pourrait même l'étouffer. Dans une vie occupée et remplie par des devoirs, au sein même de distractions obligées auxquelles l'âme se prête sans s'y livrer, cette âme fidèle peut se conserver recueillie. Qu'elle soit donc simple, qu'elle soit petite à ses propres yeux, et ce que Dieu cache aux superbes et révèle aux petits (1) lui sera manifesté et demeurera en elle.

Nul doute qu'un tel don ne soit d'un secours immense pour le salut et la sanctification de l'âme. Nous devons donc l'implorer du divin Esprit avec toute l'ardeur de nos désirs, en demeurant convaincus que nous l'atteindrons plus sûrement par l'élan de notre cœur que par l'effort de notre esprit. C'est dans l'intelligence, il est vrai, que se répand la lumière divine qui est l'objet de ce don ; mais son effusion provient surtout de la volonté échauffée du feu de la charité, selon la parole d'Isaïe : « Croyez, et vous aurez l'intelligence (2). » Adressons-nous à l'Esprit-Saint, et

 

1. Luc. X, 21. — 2. Isai. VI, 9, cité ainsi par les Pères grecs et latins d'après les Septante.

 

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nous servant des paroles de David, disons-lui : « Ouvrez nos yeux, et nous contemplerons les merveilles de vos préceptes ; donnez-nous l'intelligence, et nous aurons la vie (1) ». Instruits par l'Apôtre, nous exposerons notre demande d'une manière plus pressante encore, en nous appropriant la prière qu'il adresse au Père céleste en faveur des fidèles d'Ephèse, lorsqu'il implore pour eux « l'Esprit de Sagesse et de révélation par lequel on connaît Dieu, les yeux illuminés du cœur qui découvrent l'objet de notre espérance et les richesses du glorieux héritage que Dieu s'est préparé dans ses saints (2). »

 

1. Psalm. CXVIII. — 2. Eph.I, 17-18.

 

 

 

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