MERCREDI PENTECÔTE

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SAMEDI PENTECÔTE
PROPRE DES SAINTS

LE MERCREDI DE LA PENTECÔTE.

 

Venez , ô Esprit-Saint,  remplissez les cœurs de  vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

 

 

Nous avons vu avec quelle fidélité le divin Esprit a su accomplir, dans le cours des siècles, la mission que l'Emmanuel lui a donnée de former, de protéger et de maintenir l'Eglise son Epouse. Cette recommandation d'un Dieu a été remplie avec toute la puissance d'un Dieu ; et c'est le plus beau et le plus étonnant spectacle que présentent les annales de l'humanité depuis dix-huit siècles. Cette conservation d'une société morale, toujours la même en tous les temps et en tous les lieux, promulguant un symbole précis et obligatoire pour tous ses membres, et maintenant par ses arrêts la plus compacte unité de croyance entre tous ses fidèles, est, avec la merveilleuse propagation du christianisme, l'événement capital de l'histoire Aussi ces deux faits sont-ils, non l'effet d'une providence ordinaire, comme le prétendent certains philosophes de notre temps, mais des miracles de premier ordre opérés directement par le Saint-Esprit, et destinés à servir de base à notre foi dans la vérité du christianisme. L'Esprit-Saint qui ne devait pas, dans l'exercice de sa mission, revêtir une forme sensible, y a rendu sa présence visible

 

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à notre intelligence, et par ce moyen, il a fait assez pour démontrer son action personnelle dans l'œuvre du salut des hommes.

Suivons maintenant cette action divine, non plus en tant qu'elle a pour but de seconder le dessein miséricordieux du Fils de Dieu qui a daigné prendre une Epouse ici-bas, mais dans les rapports de cette Epouse avec la race humaine. Notre Emmanuel a voulu qu'elle fût la Mère des hommes, et que tous ceux qu'il convie à l'honneur de devenir ses propres membres, reconnussent que c'est elle qui les enfante à cette glorieuse destinée. L'Esprit-Saint devait donc produire l'Epouse de Jésus avec assez d'éclat pour qu'elle fût distinguée et connue sur la terre, tout en laissant à la liberté humaine le pouvoir de la méconnaître et de la repousser.

Il fallait que cette Eglise dans sa durée embrassât tous les siècles, qu'elle eût parcouru la terre d'une manière assez patente pour que son nom et sa mission pussent être connus chez tous les peuples ; en un mot elle devait être Catholique, c'est-à-dire universelle, possédant la catholicité des temps et la catholicité des lieux. Telle est, en effet, l'existence que le divin Esprit lui a créée sur la terre. Il l'a d'abord promulguée à Jérusalem, au jour de la Pentecôte, sous les yeux des Juifs venus de tant de régions diverses, et qui partirent bientôt pour aller en porter la nouvelle dans les contrées qu'ils habitaient. Il a lancé ensuite les Apôtres et les disciples sur le monde, et nous savons par les auteurs contemporains qu'un siècle était a peine écoulé que déjà la terre entière possédait des chrétiens. Dès lors chaque année a profité à la visibilité de cette sainte Eglise. Si le divin Esprit, dans les desseins de sa justice, a

 

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jugé à propos de la laisser s'affaiblir au sein d'une nation qui n'était plus digne d'elle, il l'a transférée dans une autre où elle devait rencontrer des fils plus soumis. Si des régions entières ont quelquefois semblé lui être fermées, c'est qu'à une époque antérieure elle se présenta et fut repoussée, ou encore que le moment n'était pas venu où elle devait paraître et s'établir. L'histoire de la propagation de l'Eglise nous donne à constater cet ensemble merveilleux de vie perpétuelle et de migrations. Les temps et les lieux lui appartiennent ; là où elle ne règne pas, elle est présente par ses membres, et cette prérogative delà catholicité qui lui a valu son nom est un des chefs-d'œuvre de l'Esprit-Saint.

Mais là ne se borne pas son action pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée l'Emmanuel à l'égard de son Epouse, et ici nous devons pénétrer la profondeur du mystère du Saint-Esprit dans l'Eglise. Après avoir constaté son influence extérieure pour la conserver et l'étendre, il nous faut apprécier la direction intérieure qu'elle reçoit de lui, et qui produit en elle l'unité, l'infaillibilité et la sainteté, qualités qui, avec la catholicité, forment le signalement de l'Epouse du Christ.

L'union de l'Esprit-Saint avec l'humanité de Jésus est une des bases du mystère de l'Incarnation. Notre divin médiateur est appelé le Christ, parce qu'il a reçu l'onction (1), et cette onction est l'effet de l'union de son humanité avec le Saint-Esprit (2). Cette union est indissoluble: éternellement le Verbe demeurera uni à son humanité, éternellement aussi le divin Esprit-Saint imprimera

 

1. Psalm. XLIV, 8. — 2. Act. X, 38.

 

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sur cette humanité le sceau de l'onction qui fait le Christ. Il suit de là que l'Eglise, étant le corps de Jésus-Christ, doit avoir part à l'union qui existe entre son divin Chef et l'Esprit-Saint. Le chrétien, dans le baptême, reçoit l'onction divine par le Saint-Esprit qui habite désormais en lui comme le gage de l'héritage éternel (1) ; mais il y a cette différence qu'il peut perdre par le péché cette union qui est en lui le principe de la vie surnaturelle, tandis qu'elle ne peut jamais faire défaut au corps même de l'Eglise. L'Esprit-Saint est incorporé à l'Eglise pour toujours ; il est le principe qui l'anime, qui la fait agir et mouvoir, et lui fait surmonter toutes les crises auxquelles, par la permission divine, elle demeure exposée durant le trajet de cette vie militante.

Saint Augustin exprime admirablement cette doctrine dans un de ses Sermons pour la fête de la Pentecôte: « Le souffle par lequel vit l'homme, nous dit-il, s'appelle l'âme ; et vous êtes à même d'observer le rôle de cette âme relativement au corps. C'est elle qui donne la vie aux membres : elle qui voit par l'œil, entend par l'oreille, sent par l'odorat, parle par la langue, opère par la main, marche par les pieds. Présente à chaque membre, elle donne la vie à « tous et la fonction à chacun. Ce n'est pas l'œil qui entend, ce n'est pas l'oreille qui voit ni la langue, de même que ce n'est ni l'oreille ni l'œil qui parlent ; cependant l'oreille est vivante, la langue est vivante ; les fonctions des sens sont donc variées, mais une même vie est commune à tous. Ainsi en est-il dans l'Eglise de Dieu. Dans tel saint elle opère des miracles, dans tel

 

1. Eph. I, 1 3

 

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autre elle enseigne la vérité, dans celui-ci elle pratique la virginité, dans celui-là elle garde la chasteté conjugale ; en un mot les divers membres de l'Eglise ont leurs fonctions variées, mais tous puisent la vie à une même source. Or ce qu'est l'âme au corps humain, le Saint-Esprit l'est au corps du Christ qui est l'Eglise. Le Saint-Esprit opère dans toute l'Eglise ce que l'âme opère dans tous les membres d'un même corps (1). »

La voilà donc dégagée, cette notion à l'aide de laquelle nous nous rendrons compte de l'existence de l'Eglise et de ses opérations. L'Eglise est le corps du Christ, et en elle le Saint-Esprit est le principe de la vie. C'est lui qui l'anime, la conserve, agit en elle et par elle. Il est son âme, non plus seulement dans le sens restreint selon lequel nous avons parlé plus haut de l'âme de l'Eglise, c'est-à-dire son être intérieur qui est du reste en elle le produit de l'action du Saint-Esprit ; mais il est son âme en ce que toute sa vie intérieure et extérieure, et toute son opération, procèdent de lui. L'Eglise est impérissable, parce que l'amour qui a porté l'Esprit-Saint à habiter en elle durera toujours; telle est la raison de cette perpétuité qui est le phénomène le plus étonnant en ce monde.

Mais il nous faut considérer maintenant cette autre merveille qui consiste dans la conservation de l'unité au sein de cette société. L'Epoux, dans le divin Cantique, appelle l'Eglise « son unique ». Il n'a pas désiré plusieurs épouses ; l'Esprit-Saint aura donc dû veiller avec sollicitude sur l'accomplissement du dessein de l'Emmanuel. Suivons

 

1. Serm,  CCLVII. In die Pentecostcs.

 

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les traces de sa sollicitude pour obtenir un tel résultat. Est-il possible humainement qu'une société traverse dix-huit siècles sans avoir changé, sans avoir remanié son existence en mille façons, en supposant même que, sous un nom ou sous un autre, elle ait pu remplir une telle durée ? Songez que cette société, durant un si long espace de temps, n'a pu manquer de voir s'agiter dans son sein, sous mille formes, les passions humaines qui souvent entraînent tout après elles ; qu'elle a toujours été composée de races diverses de langage, de génie, de mœurs, tantôt éloignées les unes des autres au point de se connaître à peine, tantôt voisines mais divisées par des intérêts et même par des antipathies nationales ; que des révolutions politiques sans nombre ont modifié sans cesse, renversé même l'existence des peuples ; et cependant, partout où il a existé, partout où il existera des catholiques, l'unité demeure le caractère de ce corps immense et des membres qui le composent. Une même foi, un même symbole, une même soumission à un même chef visible, un même culte quant aux points essentiels, une même manière de trancher toute question par la tradition et l'autorité. Des sectes se sont élevées en chaque siècle ; toutes ont dit : « Je suis la vraie Eglise » ; et pas une seule n'a pu survivre aux circonstances qui l'avaient produite. Où sont maintenant les ariens avec leur puissance politique, les nestoriens, les eutychiens, les monothélites, avec leurs inépuisables subtilités? Quoi de plus impuissant et de plus stérile que le schisme grec asservi soit au sultan, soit au moscovite ? que reste-t-il du jansénisme épuisé par ses vains efforts pour se maintenir dans l'Eglise malgré l'Eglise ? et quant au protestantisme parti

 

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du principe de négation, ne l'a-t-on pas vu dès le lendemain brisé en morceaux, sans jamais pouvoir former une même société religieuse? Et ne le voyons-nous pas aujourd'hui aux abois, incapable de retenir les dogmes qu'il avait regardés d'abord comme fondamentaux : l'inspiration des Ecritures et la divinité de Jésus-Christ ?

En face de tant de ruines amoncelées, qu'elle est belle et radieuse dans son unité, notre mère la sainte Eglise catholique, l'Epouse unique de l'Emmanuel ! Les millions d'hommes qui l'ont composée, et qui la composent encore aujourd'hui, seraient-ils d'une autre nature que ceux qui se sont partagés entre les diverses sectes qu'elle a vues naître et mourir ? Orthodoxes ou hétérodoxes, ne sommes-nous pas tous membres de la même famille humaine, sujets aux mêmes passions et aux mêmes erreurs ? D'où vient aux fils de l'Eglise catholique cette consistance qui triomphe du temps, sur laquelle n'influe pas la dissemblance des races, qui survit à ces crises et à ces changements que n'ont pu prévenir ni la forte constitution des Etats, ni la résistance séculaire des nationalités ? Il faut en convenir, un élément divin est là qui résiste et qui maintient. L'âme de l'Eglise, l'Esprit-Saint, influe dans tous ses membres, et comme il est unique, il produit l'unité dans tout l'ensemble qu'il anime. Ne pouvant être contraire à lui-même, rien ne subsiste par lui qu'au moyen d'une entière conformité avec ce qu'il est. Nous avons ainsi la clef du grand problème.

Demain nous parlerons de ce que fait l'Esprit-Saint pour le maintien de la foi une et invariable dans tout le corps de l'Eglise ; arrêtons-nous aujourd'hui à le considérer comme principe d'union

 

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extérieure par la subordination volontaire à un même centre d'unité. Jésus avait dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise « ; mais Pierre devait mourir. La promesse n'avait donc pas pour objet sa personne seulement, mais toute la suite de ses successeurs jusqu'à la fin des siècles. Quelle étonnante et énergique action du divin Esprit produit ainsi, anneau par anneau, cette dynastie de princes spirituels arrivée à son deux cent soixante-troisième Pontife, et devant se poursuivre jusqu'au dernier jour du monde ! Aucune violence ne sera faite à la liberté humaine ; le divin Esprit lui laissera tout tenter ; mais il faut cependant qu'il poursuive sa mission. Qu'un Décius produise par ses violences une vacance de quatre ans sur le siège de Rome, qu'il s'élève des anti-papes soutenus les uns par la faveur populaire, les autres par la politique des princes, qu'un long schisme rende douteuse la légitimité de plusieurs Pontifes, l'Esprit-Saint laissera s'écouler l'épreuve, il fortifiera, pendant qu'elle dure, la foi de ses fidèles; enfin, au moment marqué, il produira son élu, et toute l'Eglise le recevra avec acclamation.

Pour comprendre tout ce que cette action surnaturelle renferme de merveilleux, il ne suffit pas d'apprécier les résultats extérieurs qu'elle produit dans l'histoire; il faut la suivre dans ce qu'elle a d'intime et de mystérieux. L'unité de l'Eglise n'est pas du genre de cette unité que les conquérants établissent dans les pays qu'ils ont soumis, où l'on paie le tribut parce qu'il faut bien se soumettre à la force. Les membres de l'Eglise gardent l'unité dans la foi et dans la soumission, parce qu'ils se courbent avec amour sous un joug imposé à leur liberté et à leur raison. Mais qui

 

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donc captive ainsi l'orgueil humain sous une telle obéissance ? Qui donc fait trouver la joie et le contentement dans l'abaissement de toute prétention personnelle ? Qui donc dispose l'homme à mettre sa sécurité et son bonheur à disparaître comme individu dans cette unité absolue, et cela en des questions où le caprice humain s'est donné plus large carrière dans tous les temps ? N'est-ce pas le divin Esprit qui opère ce miracle multiple et permanent, qui anime et harmonise ce vaste ensemble, et qui, sans violence, fond dans l'unité d'un même concert les millions de cœurs et d'esprits qui forment l'Epouse « unique » du Fils de Dieu?

Dans les jours de sa vie mortelle, Jésus demandait pour nous l'unité au Père céleste. « Qu'ils soient un, comme nous sommes un (1) », disait-il. Il la prépare, en nous appelant à devenir ses membres ; mais pour opérer cette union, il envoie aux hommes son Esprit, cet Esprit divin qui est le lien éternel entre le Père et le Fils, et qui daigne, dans le temps, descendre jusqu'à nous, pour y réaliser cette unité ineffable qui a son type en Dieu même. Grâces vous soient donc rendues, divin Esprit, qui habitant ainsi dans l'Eglise de Jésus, nous inclinez miséricordieusement vers l'unité, qui nous la faites aimer, et nous disposez à tout souffrir plutôt que de la rompre. Fortifiez-la en nous, et ne permettez jamais qu'un défaut de soumission l'altère même légèrement. Vous êtes l'âme de la sainte Eglise ; gouvernez-nous comme des membres toujours dociles à votre impulsion ; car nous savons que nous ne saurions être à Jésus qui vous a envoyé, si nous n'étions à l'Eglise son

 

1. JOHAN. XVII, II.

 

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Epouse et notre Mère, à cette Eglise qu'il a rachetée de son sang, et qu'il vous a donnée à former et à conduire.

 

Samedi prochain, l'Ordination des prêtres et des ministres sacrés aura lieu dans toute l'Eglise ; l'Esprit-Saint, dont le sacrement de l'Ordre est une des principales opérations, descendra dans les âmes qui lui seront présentées, et imprimera sur elles, par les mains du Pontife, le sceau du Sacerdoce ou du Diaconat. En présence d'un si grave intérêt, la sainte Eglise prescrit dès aujourd'hui à ses fidèles le jeûne et l'abstinence, pour obtenir de la miséricorde divine que l'effusion d'une telle grâce soit favorable à ceux qui la recevront et avantageuse à la société chrétienne.

A Rome, la Station est aujourd'hui dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Il était juste qu'un des jours de cette grande Octave vît les fidèles réunis sous les auspices de la Mère de Dieu, dont la participation au mystère de la Pentecôte a été si glorieuse et si favorable à l'Eglise naissante.

 

Nous achèverons la journée en insérant ici l'une des plus belles Séquences d'Adam de Saint-Victor sur le mystère du Saint-Esprit.

 

SÉQUENCE.

 

Une lumière joyeuse, éclatante, un feu lancé du trône céleste sur les disciples du Christ, remplissent les cœurs, fécondent les langues, et nous invitent à unir dans un concert mélodieux et nos langues et nos cœurs.

 

Le gage que le Christ avait promis a son Epouse, il le lui envoie au cinquantième jour; devenu terme comme un rocher, Pierre répand dans ses discours le miel le plus doux, l'huile la plus généreuse.

 

Sur la montagne, l'ancien peuple reçut la loi, non dans des langues de feu, mais gravée sur la pierre; dans le Cénacle, un petit nombre d'hommes reçoit un cœur nouveau, et revient à l'unité des langues.

 

O jour heureux, jour solennel, où l'Eglise primitive est fondée ! Trois mille hommes sont les prémices de cette Eglise à sa naissance.

 

Les deux pains offerts en prémices dans la loi, figuraient les deux peuples adoptes en ce jour dans une même foi : la pierre placée à la tête de l'angle s'interpose entre les deux, et des deux ne fait plus qu'un seul peuple.

 

De nouvelles outres, non plus les anciennes, sont remplies d'un vin nouveau: la veuve prépare ses vases, tandis qu'Elisée multiplie l'huile en abondance : ainsi Dieu répand aujourd'hui la céleste rosée, autant qu'il trouve de cœurs préparés à la recevoir.

 

Nous ne serions pas dignes de recevoir ce vin précieux, cette rosée divine, si notre vie était déréglée : ce Paraclet ne saurait habiter dans des cœurs remplis de ténèbres ou divisés.

 

Viens donc à nous, auguste Consolateur ! gouverne nos langues, apaise nos cœurs: ni fiel, ni venin n'est compatible avec ta présence. Sans ta grâce, il n'est ni délice, ni salut, ni sérénité, ni douceur, ni plénitude.

 

Tu es lumière et parfumes ce principe céleste qui confère à l'élément de l'eau une puissance mystérieuse: nous qui sommés devenus une création nouvelle, d'abord enfants de colère par nature, maintenant enfants de la grâce, nous te louons d'un cœur purifié.

 

Toi qui donnes et qui es en même temps le don, toi qui verses sur nous tous les biens, rends nos cœurs capables de te louer, forme nos langues à célébrer tes grandeurs. Auteur de toute pureté, purifie-nous du péché : renouvelle-nous dans le Christ, et fais-nous goûter la joie entière que donne à l'âme la vie nouvelle.

Amen.           

 

 

LE DON DE FORCE.

 

Le don de Science nous a appris ce que nous devons faire et ce que nous devons éviter pour être conformes au dessein de Jésus-Christ notre divin chef. Il faut maintenant que l'Esprit-Saint établisse en nous un principe duquel nous puissions emprunter l'énergie qui devra nous soutenir dans la voie qu'il vient de nous montrer. Nous devons en effet compter sur des obstacles, et le grand nombre de ceux qui succombent suffit à nous convaincre du besoin que nous avons d'être aidés. Le secours que le divin Esprit nous communique est le Don de Force, par lequel, si nous sommes fidèles à l'employer, il nous sera possible et même aisé de triompher de tout ce qui pourrait arrêter notre marche.

Dans les difficultés et les épreuves de la vie, l'homme est tantôt porté à la faiblesse et à l'abattement, tantôt poussé par une ardeur naturelle qui a sa source dans le tempérament ou dans la vanité. Cette double disposition avancerait peu la victoire dans les combats que l'âme doit livrer pour son salut. L'Esprit-Saint apporte donc un élément nouveau, cette force surnaturelle qui lui est tellement propre que le Sauveur, instituant ses Sacrements, en a établi un qui a pour objet spécial de nous donner ce divin Esprit comme principe d'énergie. Il est hors de doute qu'ayant à lutter pendant cette vie contre le démon, le monde et nous-mêmes, il nous faut autre chose pour résister que la pusillanimité ou l'audace. Nous avons besoin d'un don qui modère en nous la peur, en même temps qu'il tempère la confiance que nous serions portés à mettre en nous-mêmes. L'homme ainsi modifié par le Saint-Esprit vaincra sûrement ; car la grâce suppléera en lui à la faiblesse de la nature, en même temps qu'elle en corrigera la fougue.

Deux nécessités se rencontrent dans la vie du chrétien : il lui faut savoir résister et savoir supporter. Que pourrait-il opposer aux tentations de Satan, si la Force du divin Esprit ne venait le couvrir d'une armure céleste et aguerrir son bras ? Le monde n'est-il pas aussi un adversaire terrible, si l'on considère le nombre des victimes qu'il fait chaque jour par la tyrannie de ses maximes et de ses prétentions ? Quelle ne doit pas être l'assistance du divin Esprit, lorsqu'il s'agit de rendre le chrétien invulnérable aux traits meurtriers qui font tant de ravages autour de lui ?

Les passions du cœur de l'homme ne sont pas un moindre obstacle à son salut et à sa sanctification : obstacle d'autant plus redoutable qu'il est plus intime. Il faut que l'Esprit-Saint transforme le cœur, qu'il l'entraîne même à se renoncer, lorsque la lumière céleste indique une autre voie que celle vers laquelle nous pousse l'amour et la recherche de nous-mêmes. Quelle Force divine ne faut-il pas pour « haïr jusqu'à sa propre vie », quand Jésus-Christ l'exige (1), quand il s'agit de faire le choix entre deux maîtres dont le service est incompatible (2) ? L'Esprit-Saint fait tous les jours de ces prodiges au moyen du don qu'il a répandu en nous, si nous ne méprisons pas ce don, si nous ne l'étouffons pas dans notre lâcheté ou dans notre imprudence. Il apprend au chrétien à dominer ses passions, à ne pas se laisser conduire par ces guides aveugles, à ne céder à ses instincts que lorsqu'ils sont conformes à l'ordre que Dieu a établi.

Quelquefois ce divin Esprit ne demande pas seulement que le chrétien résiste intérieurement aux ennemis de son âme ; il exige qu'il proteste ouvertement contre l'erreur et le mal, si le devoir d'état ou la position le réclament. C'est alors qu'il faut braver cette sorte d'impopularité qui s'attache parfois au chrétien, et qui ne doit pas le surprendre quand il se rappelle les paroles de l'Apôtre : « Si j'étais agréable aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ (3). » Mais l'Esprit-Saint ne fait jamais défaut, et lorsqu'il rencontre une âme résolue à user de la Force divine dont il est la source, non seulement il lui assure le triomphe, mais il l'établit pour l'ordinaire dans cette paix pleine de douceur et de courage qu'apporte la victoire sur les passions.

Telle est la manière dont l'Esprit-Saint applique le don de Force au chrétien, lorsque celui-ci doit s'exercer à la résistance. Nous avons dit que ce précieux don apportait en même temps l'énergie nécessaire pour supporter les épreuves au

 

1. JOHAN. XII, 25. — 2. MATTH. VI, 24. — 3. Gal. I, 10.

 

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prix desquelles est le salut. Il est des frayeurs qui glacent le courage et peuvent entraîner l'homme à sa perte. Le don de Force les dissipe ; il les remplace par un calme et une assurance qui déconcertent la nature. Voyez les martyrs, et non pas seulement un saint Maurice, chef de la légion Thébaine, accoutumé aux luttes du champ de bataille, mais ces Félicité, mère de sept enfants, ces Perpétue, noble dame de Carthage pour laquelle le monde n'avait que des faveurs ; ces Agnès, enfant de treize ans, et tant de milliers d'autres, et dites si le don de Force est stérile en sacrifices. Qu'est devenue la peur de la mort, de cette mort dont la seule pensée nous accable parfois ? Et ces généreuses offrandes de toute une vie immolée dans le renoncement et les privations, afin de trouver Jésus sans partage et de suivre ses traces de plus près ! Et tant d'existences voilées aux regards distraits et superficiels des hommes, existences dont l'élément est le sacrifice, où la sérénité n'est jamais vaincue par l'épreuve, où la croix toujours renaissante est toujours acceptée ! Quels trophées pour l'Esprit de Force ! que de dévouements au devoir il sait produire ! Et si l'homme à lui seul est peu de chose, combien il grandit sous l'action de l'Esprit-Saint !

C'est lui encore qui aide le chrétien à braver la triste tentation du respect humain, l'élevant au-dessus des considérations mondaines qui dicteraient une autre conduite. C'est lui qui pousse l'homme à préférer au vain honneur du monde la joie de n'avoir pas violé le commandement de son Dieu. C'est cet Esprit de Force qui fait accepter les disgrâces de la fortune comme autant de desseins miséricordieux du ciel, qui soutient le courage du chrétien dans la perte si douloureuse

 

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d'êtres chéris, dans les souffrances physiques qui lui rendraient la vie à charge, s'il ne savait qu'elles sont des visites du Seigneur. C'est lui enfin, comme nous le lisons dans la Vie des saints, qui se sert des répugnances mêmes de la nature, pour provoquer ces actes héroïques où la créature humaine semble avoir franchi les limites de son être pour s'élever au rang des esprits impassibles et glorifiés.

Esprit de Force, soyez toujours plus en nous, et sauvez-nous de la mollesse de ce siècle. A aucune époque l'énergie des âmes n'a été plus affaiblie, l'esprit mondain plus triomphant, le sensualisme plus insolent, l'orgueil et l'indépendance plus prononcés. Savoir être fort contre soi-même, est une rareté qui excite l'étonnement dans ceux qui en sont témoins: tant les maximes de l'Evangile ont perdu de terrain ! Retenez-nous sur cette pente qui nous entraînerait comme tant d'autres, ô divin Esprit ! Souffrez que nous vous adressions en forme de demande les vœux que formait Paul pour les chrétiens d'Ephèse, et que nous osions réclamer de votre largesse « cette armure divine qui nous mettra en état de résister au jour mauvais et de demeurer parfaits en toutes choses. Ceignez nos reins de la vérité, couvrez-nous de la cuirasse de la justice, donnez à nos pieds l'Evangile de paix pour chaussure indestructible ; munissez-nous du bouclier de la foi, contre lequel viennent s'éteindre les traits enflammés de notre cruel ennemi. Placez sur notre tête le casque qui est l'espérance du salut, et dans notre main le glaive spirituel qui est la  parole même de Dieu (1), » et à l'aide duquel,

 

1. Eph. VI, II-17.

 

 

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comme le Seigneur dans le désert, nous pouvons venir à bout de tous nos adversaires. Esprit de Force, faites qu'il en soit ainsi.

 

 

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