Histoire des Conciles II
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CHAPITRE II. Suite des Remarques sur la procédure, par rapport au concile.

 

PREMIÈRE REMARQUE. Mauvaise idée que l'auteur en donne.

SECONDE REMARQUE. Suite des fausses idées que donne l'auteur.

TROISIÈME REMARQUE. Suite des mêmes idées : saint Cyrille rendu suspect.

QUATRIEME REMARQUE. Autre fausse idée que M. Dupin donne du saint martyr Flavien, dans son Histoire du concile de Chalcédoine.

CINQUIÈME REMARQUE. Eoilrtesse de M. Dupin en défendant le concile et saint Cyrille.

SIXIÈME REMARQUE. Les réponses les plus décisives omises par notre auteur.

SEPTIÈME REMARQUE. Suite des faiblesses de l'auteur dans la défense de saint Cyrille.

HUITIÈME REMARQUE. Jean d'Antioche, et les évêques d'Orient.

NEUVIÈME REMARQUE. Suite des réponses de l'auteur pour le concile : déguisement en faveur des partisans de Nestorius.

DIXIÈME REMARQUE. Outrageantes objections contre le concile, demeurées sans réponse.

ONZIÈME REMARQUE. Irrévérence envers le concile de Nicée II, et le concile de Chalcédoine.

 

PREMIÈRE REMARQUE. Mauvaise idée que l'auteur en donne.

 

Notre auteur ne traite pas mieux le concile, qu'il a fait le Pape ; et parmi les particularités d'une si sainte assemblée qu'il se glorifie d'avoir découvertes, en voici une en effet bien nouvelle : « C'est que le sort en était pour ainsi dire entre les mains de l'empereur, et que le succès du concile dépendait de la résolution que la Cour prendrait » Voilà déjà une faible idée qu'on nous donne d'un si grand concile, l'un de ceux que saint Grégoire a presque égalés aux quatre Evangiles. Quoi ! si la Cour eût continué à favoriser les amis de Nestorius, comme elle avait fait au commencement, les décrets du concile seraient demeurés sans force, et Nestorius aurait triomphé? M. Dupin n'ignore pas combien cet hérésiarque a de défenseurs parmi les protestants, et, ce qui en est une suite, combien le concile d'Ephèse y a d'ennemis. Il ne fallait pas les flatter dans le sentiment où ils sont, que tout ce qui s'y est passé n'a été que politique et intrigue. C'est une idée que les libertins prennent aisément. Ils regardent les conciles comme des assemblées purement humaines, où l'on suit les mouvements que donnent les Cours et des raisons politiques. Les hérétiques vaincus, lorsque les princes secondent les sentiments de l'Eglise, regardent leur condamnation comme l'effet de l'autorité des rois. Encore aujourd'hui les dioscorites donnent le nom de Melchites

 

1 P. 723.

 

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ou de Royaux aux défenseurs du concile de Chalcédoine. On ne peut flatter davantage ceux qui font de la religion une politique, qu'en disant avec notre auteur que le sort des conciles œcuméniques, c'est-à-dire celui de la foi, est entre les mains des puissances, et que le succès dépend des résolutions que prennent les Cours. Voilà déjà une découverte qui n'est pas heureuse ; mais ce qu'il v a de plus pitoyable, c'est qu'elle n'a pas la moindre apparence.

Pour dissiper cette fausse idée , il ne fallait que se souvenir, d'un côté, de la faveur de Nestorius, qui avait trompé l'empereur et engagé toute la Cour dans ses intérêts ; et de l'autre, de la fermeté du peuple, qui ne laissa pas pour cela d'abandonner publiquement son patriarche ; de celle du clergé et des religieux, qui souffrirent une cruelle persécution ; de celle de saint Célestin, qui se crut obligé du haut de la Chaire de saint Pierre d'animer tout le monde à la souffrance ; enfin de celle de saint Cyrille, qui ne se ralentit jamais, et qui écrivit à l'empereur et aux impératrices contre la doctrine de cet hérésiarque, encore que ce prince le trouvât mauvais, jusqu'à l'accuser avec des paroles menaçantes non-seulement de troubler tout l'univers, mais encore de vouloir mettre la division dans sa famille et de soulever les impératrices, c'est-à-dire, sa femme et sa sœur, contre lui. Toute l'Eglise était sur ses gardes, et se préparait au martyre plutôt que de céder à l'erreur, dans le temps où M. Dupin lui reproche d'avoir été si dépendante des mouvements de la Cour.

Peut-être que le concile fut intimidé, et que les choses changèrent de face depuis que Jean d'Antioche, avec son concile schismatique, eut tout troublé à Ephèse. Mais le contraire parut, lorsque l'empereur surpris, ayant fait arrêter saint Cyrille et Memnon évêque d'Ephèse, et ayant exigé des choses qui induisaient la nullité des décrets du concile, les Pères demeurèrent inflexibles. L'auteur avoue qu'il fut résolu de n'entendre à aucun accord avec Jean et les évêques de son parti, « qu'ils n'eussent souscrit à la condamnation de Nestorius, demandé pardon de ce qu'ils avaient fait, et que saint Cyrille et Memnon ne fussent rétablis (1).»

 

1 p. 726.

 

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C'est ce qui paraît dans le mandement du concile à ses députés. Mais on aurait vu combien les Pères étaient inflexibles dans cette résolution, si notre auteur avait rapporté cette clause de leur mandement : « Sachez que si vous manquez à un de ces points, le saint concile ne ratifiera pas ce que vous aurez fait, et ne vous recevra pas à sa communion (1) ; » et ces paroles d'une de leurs lettres : « On nous accable, on nous opprime ; il faut en informer l'empereur qui ne le sait pas; et en même temps on doit savoir que quand on devrait nous faire mourir tous, il n'en sera autre chose que ce que Jésus-Christ notre Sauveur a ordonné par notre ministère (2) ;» et celles-ci d'une lettre de saint Cyrille : « On n'a pu persuader au concile de communiquer avec Jean; mais il résiste, en disant- : Voilà nos corps : voilà nos églises : voilà les villes : tout est en votre puissance ; mais pour nous faire communiquer avec les Orientaux (fauteurs de Nestorius), jusqu'à ce qu'ils aient cassé ce qu'ils ont fait contre Cyrille et contre Memnon, cela ne se peut en aucune sorte (3). »

Voilà comment le concile était dans la dépendance de la Cour; à quoi si l'on ajoute la résolution invincible du pape saint Célestin et de tout l'Occident, loin de dire que tout dépendait de la résolution que la Cour prendrait, on aurait du dire, ce qui est certain, que la résolution de la Cour céda, comme il était juste, à la fermeté du concile et à l'autorité de l'Eglise.

 

SECONDE REMARQUE. Suite des fausses idées que donne l'auteur.

 

M. Dupin continue à nous donner cette idée de la toute-puissance des Cours dans les affaires de la religion, lorsqu'on parlant de l'accord de Jean d'Antioche et de ses évêques avec saint Cyrille et les orthodoxes, il parle ainsi : « L'empereur voulait la paix, et il la fallait à quelque prix que ce fût (4). » En vérité, c'est donner des idées bien faibles de l'autorité ecclésiastique : A quelque prix que ce fût! L'auteur sait bien le contraire : il sait bien qu'on ne

 

1 Ep. Cath. post., VI, Mandat. Conc. ad Leg., ubi sup. — 2 Common. ad Cler., C. P. ibid. — 3 Epist. Cyr. Theop., etc., ibid. — 4 P. 742.

 

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put jamais obliger saint Cyrille à rétracter la moindre partie de sa doctrine, ni aucun de ses anathématismes, ni à laisser affaiblir. pour peu que ce fût, les décrets et l'autorité du concile d'Ephèse; au contraire, qu'on ne reçut les Orientaux qu'à condition de satisfaire l'Eglise catholique sur la foi, de détester les erreurs de Nestorius, de souscrire à la sentence rendue à Ephèse contre lui, et de reconnaître l'ordination de Maximien son successeur. Saint Cyrille, les autres évêques et le pape Sixte ne les reçurent qu'à ce prix, et jamais ne l'auraient fait autrement. Il n'est donc pas véritable qu'il les fallût recevoir à quelque prix que ce fût. Il dira qu'il ne l'entend pas dans cet excès, et c'est par où je conclurai qu'il écrit donc sans réflexion, et qu'il ne sent, ni la force des mots, ni la conséquence des choses.

 

TROISIÈME REMARQUE. Suite des mêmes idées : saint Cyrille rendu suspect.

 

L'auteur n'omet pas que le procès intenté par les Orientaux, tourna bien pour le concile; mais en vérité il le raconte d'une manière trop basse. « Quand, dit-il, les Orientaux voulaient parler à l'empereur de Nestorius, il ne les pouvait souffrir : son conseil était entièrement gagné : Acace de Berée, dans une lettre rapportée dans le Recueil de Lupus, accuse saint Cyrille d'avoir fait changer de sentiment à la Cour, en faisant donner de l'argent à un eunuque: on n'es! pas obligé de croire ce que dit Acace de Berée, qui n'était pas des amis de saint Cyrille; mais il est toujours constant que l'empereur changea de disposition en fort peu de temps, et qu'il se résolut tout d'un coup de faire ordonner un autre évêque à Constantinople (1). »

Un autre aurait dit naturellement que l'empereur était revenu par l’évidence du fait, par le péril manifeste de la religion, par l’horreur qu'avait tout le monde des impiétés de Nestorius, par les pieuses clameurs de tout le peuple «qui l'anathématisa hautement, une et deux fois, tout d'une voix (2), » par les vives et respectueuses remontrances du saint moine Dalmatius, qui découvrit

 

1 P. 729. — 2 In conc. Eph., Epist. cath. Reser. Episc., etc.

 

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à ce prince tout ce qu'on faisait sous son nom sans qu'il le sût, et qui lui disait : « Voulez-vous préférer à six mille évêques un seul homme, et qui encore est un impie? » Il y en avait assez là pour obliger l'empereur et son conseil à changer fort promptement; mais on aime mieux donner à ce changement un air de corruption, et d'une corruption dont saint Cyrille, qu'on n'aime pas, fût l'auteur. Dire que le conseil était gagné, et que l'empereur changea tout d'un coup, et rapporter à cette occasion le récit d'Acace de Berée, en remarquant faiblement qu'on peut bien ne l'en pas croire, c'est vouloir insinuer tacitement qu'on pourrait bien l'en croire aussi, ou qu'enfin ce changement sera arrivé par quelque intrigue semblable de saint Cyrille. Les raisons simples et naturelles des événements ne suffisent pas à la pénétration des critiques ; ce ne sont pas là ces particularités inconnues qu'ils se plaisent à débiter ; il leur paraît plus d'esprit à donner un tour malin, même aux affaires de religion ; et comme c'est celui-là que les raffineurs du monde aiment le mieux, c'est aussi celui-là qu'on est bien aise de présenter à leur esprit.

Mais si l'auteur voulait parler des présents donnés, pourquoi s'attacher à saint Cyrille, et ne pas dire un mot de l'argent avec lequel ses envieux achetèrent des langues vénales, pour le calomnier auprès de l'empereur? C'est un fait dont ce patriarche prend à témoin l'empereur lui-même et toute la ville d'Alexandrie qui connaissait l'infâme conduite de ses délateurs. Il est étrange que notre critique n'observe que les reproches qu’on fait à saint Cyrille, et taise tous ceux qu'on faisait à ses envieux.

 

QUATRIEME REMARQUE. Autre fausse idée que M. Dupin donne du saint martyr Flavien, dans son Histoire du concile de Chalcédoine.

 

C'est la pente de cet auteur de donner des idées suspectes des meilleures choses; et puisque l'occasion se présente ici de le remarquer, on en peut voir un nouvel exemple dans son Histoire du Concile de Chalcédoine : «Le jugement d'Eutyche appartenant,

 

1 Apol. ad Imper. III part., cap. XIII.

 

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dit-il, à Flavien qui était son évêque, ce patriarche était engagé par son propre intérêt à soutenir les Orientaux contre les Egyptiens, parce que l'évêque d'Alexandrie lui contestait ses prérogatives, au lieu que l'évêque d'Antioche et les Orientaux y avaient consenti. Il fit donc en sorte que dans un concile assemblé à Constant inople, Eusèbe, évêque de Dorylée, intentât une action contre Eutyche (1).» Si vous demandez où M. Dupin a pris cela, il ne vous rapportera aucun auteur; et en effet il n'y en a point. C'est là encore une de ces particularités que lui seul a découvertes. Flavien était un saint : c'était un martyr reconnu, vénéré, invoqué par tout le concile de Chalcédoine : l'erreur d'Eutyche attaquait directement le fondement de la foi, et renversait l'économie de l'incarnation. Ce motif ne suffisait pas à un saint et à un martyr pour lui faire entreprendre d'attaquer un hérésiarque : c'est l'intérêt de Flavien qui l'y engagea : c'est ce qui lui fit susciter Eusèbe de Dorylée pour faire un procès à ce vieillard insensé : c'est la jalousie des Sièges qui a fait naître dans l'Eglise tout ce tumulte : les raisons tirées de la religion sont trop vulgaires, et les critiques ne flatteraient pas assez le goût des gens du monde, s'ils ne leur donnaient des moyens pour tout attribuer à la politique et à des intérêts cachés. Quand on veut donner ce tour aux affaires, on a un grand avantage, c'est qu'on n'a pas besoin de preuves : il n'y a qu'à insinuer ces motifs secrets : la malignité humaine les prend d'elle-même.

 

CINQUIÈME REMARQUE. Eoilrtesse de M. Dupin en défendant le concile et saint Cyrille.

 

Bien que le concile d'Ephèse soit certainement un de ceux dont la procédure est la plus régulière et la conduite la plus sage, en sorte que la majesté de l'Eglise catholique n'éclate nulle part davantage, et qu'un si heureux succès de cette sainte assemblée soit du principalement à la modération et à la capacité de saint Cyrille : nous avons déjà remarqué que les hérétiques anciens et modernes n'ont rien oublié pour décrier et le concile et saint Cyrille

 

1 P. 789.

 

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son conducteur. Nous avons vu quelques traits de notre auteur sur ce sujet : en voici d'autres bien plus dangereux.

Vers la fin de l'histoire de ce concile (1), il ramasse tout ce qu'on peut dire de plus apparent, et tout ensemble de plus aigre pour y montrer une précipitation et une animosité peu digne d'une si grave assemblée et de saint Cyrille qui la conduisait; mais quand il vient à répondre, son style perd sa vigueur, et il n'y a personne qui n'ait ressenti qu'il poussait bien plus fortement l'attaque que la défense. Et d'abord on craint pour sa cause, lorsqu'on entend ce discours : « Voilà les objections que l'on peut faire contre la forme du concile d'Ephèse ; je ne les ai ni dissimulées, ni affaiblies, afin de faire voir qu'il n'est pas impossible de répondre à ce qu'on peut dire de plus fort (2). » On voit un homme peiné de ces objections, et qui loin de faire sentir le manifeste avantage de la bonne cause, croit faire beaucoup pour elle en disant qu'il n'est pas impossible de la défendre. On remarquera dans la suite que tout est faible dans cet auteur pour la défense du concile. Voyons si ces objections sont si terribles.

La plus apparente est celle-ci : « La manière dont la chose est jugée, semble prouver clairement que c'était la passion qui faisait agir saint Cyrille et les évêques de son parti; qu'ils voulaient, à quelque prix que ce fût, condamner Nestorius; et qu'ils ne craignaient rien tant que la venue des évêques d'Orient, de peur de n'être pas les maîtres de faire ce qu'il leur plairait; car dès la première séance ils citèrent deux fois Nestorius, lurent les témoignages des Pères, les lettres de saint Cyrille avec ses douze chapitres, et les écrits de Nestorius, et dirent tous leurs avis. Jamais affaire n'a été conclue avec tant de précipitation : la moindre de ces choses méritoit une séance entière (3). » Quand on objecte si fortement, il faut répondre de la même sorte : autrement on se rend suspect de prévarication. Voici tout ce que je trouve sur ce sujet dans notre auteur : que « si l'on a jugé Nestorius dans une seule séance et dans un même jour, il doit s'en prendre à lui, parce qu'il n'a pas voulu comparaître : qu'il était facile de le condamner comme contumace : qu'il était visible qu'il avait nié que

 

1 P. 709. — 2 P. 772. — 3 P. 773.

 

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la Vierge pût être appelée Mère de Dieu, et qu'il se servait d'expressions qui semblaient diviser la personne de Jésus-Christ; qu'il a été cité par trois fois selon la discipline des canons : qu'il n'est pas nécessaire selon les lois ecclésiastiques, que ces citations se fassent en différents jours : que c'était le zèle et non pas la passion qui faisait agir saint Cyrille (1). »

Je demande en bonne foi, si les doutes sont bien levés par ces réponses? « On pouvait tout faire en un jour contre un homme que l'on condamnait par contumace. » Cela est bon pour la personne; mais la question de la foi s'instruit-elle de cette sorte? et n'est-ce que formalité? On nous dit bien « qu'il était visible que Nestorius avait nié qu'on pût appeler Marie Mère de Dieu; » mais pour l'autre chef d'accusation, qui était pourtant le principal, s'il divisait la personne, M. Dupin nous dit : Il semblait,ce qui charge plus le concile qu'il ne l'excuse, puisque c'est le faire juger sur un fait qui n'était pas bien constant. « Il n'est pas nécessaire que les citations se fassent en jours différents ; » c'est assez pour faire voir qu'à toute rigueur on pouvait juger; mais ce procédé à toute rigueur et d'un droit étroit, si l'on n'y ajoute autre chose, est odieux et souvent réputé inique ; d'autant plus que la première citation n'était que du jour précédent, et qu'ainsi l'on expédie une affaire delà dernière importance en deux jours. Ce qu'on dit du zèle de saint Cyrille est une allégation qu'on ne soutient d'aucune raison et qui ne persuade guère le inonde, toujours plus enclin à croire le mal que le bien. Il fallait, ou ne pas entreprendre la cause, ou mieux répondre.

 

SIXIÈME REMARQUE. Les réponses les plus décisives omises par notre auteur.

 

Dans le fond, ces objections sont moins que rien, pourvu qu'on veuille répondre ce qu'il faut. Et d'abord on ne s'étonnerait pas de voir, comme il est porté dans l'objection, les évêques demeurer enfermés depuis le matin jusqu'où soir, si l'on avait daigné observer la coutume des conciles. Dans la seule première séance du

 

1 P. 773.

 

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L'affaire était donc réglée avant le concile : la sentence allait avoir son exécution sans aucune résistance : Jean d'Antioche lui-même y donnait les mains, comme on a vu. Nous avons vu aussi, et nous verrons encore, que la procédure du concile était liée avec celle du Pape. Il n'y avait plus d'enquête à faire : Nestorius était convaincu par ses lettres et par les papiers qu'il avait envoyés lui-même au Pape : il n'y a donc pas la moindre ombre de précipitation dans cette affaire.

Pour comble de conviction, il s'agissait d'une matière qui ne souffrait. ni doute ni remise. Car c'étaient de manifestes blasphèmes qui faisaient horreur à tous les chrétiens, et qu'on souffrait depuis trois ans dans un patriarche de Constantinople, qui pouvait séduire tant d'âmes (1). Nous verrons que M. Dupin ne fait que mollir en faveur de Nestorius, et dissimuler ses erreurs. Mais pour montrer d'une manière à ne laisser aucune réplique, le tort qu'il avait de demander du délai, il n'y avait qu'à produire la lettre de Jean d'Antioche, où il lui parle en cette sorte : « Quoique le terme de dix jours, que Célestin vous a prescrit, soit fort court, cette affaire est de nature à être achevée, je ne dirai pas en dix jours, mais en peu d'heures ; car qu'y a-t-il de plus facile que de se servir du terme de Mère de Dieu, qui est très-propre en cette matière, très-usité parmi les Pères, et très-véritable (2) ? »

Quoiqu'il n'y eût rien de plus court ni de plus facile que cette proposition du patriarche d'Antioche à Nestorius, néanmoins pour faciliter toute chose à cet esprit incapable de s'humilier : « Je ne veux pas, poursuivait Jean, vous obligera vous rétracter comme un enfant ; » mais il lui propose le doux expédient d'une explication de sa pensée, sur ce que « lui-même avait dit souvent qu'il ne refuserait pas le terme de Mère de Dieu, si on lui montrait des auteurs célèbres qui s'en fussent servis devant lui. » Cela n'était pas difficile, et Nestorius ne l'ignorait pas, puisque le patriarche lui disait : « Nous n'avons que faire de vous nommer ces auteurs ; vous les connaissez comme nous ; » et ils étaient assez célèbres, puisque l'on comptoit parmi eux saint Athanase. Avec

 

1 Cyr. Apol. ad Imper. III part., cap. XIII. — 2 Ep. Joan. Ant. ad Nestor. I part., cap. XXV, n. 3 ; col. 389.

 

concile de Chalcédoine, où rien ne pressait, on poussa la séance bien avant dans la nuit, et comme il paraît par les actes, longtemps après qu'on eut commencé à travailler aux flambeaux (1). Par là donc il n'eût paru nulle affectation à travailler tout du long d'un jour et jusqu'au soir.

Dire avec M. Dupin que les canons n'empêchaient pas qu'on ne fit trois citations en deux jours, c'était bien en quelque façon satisfaire le lecteur sur la rigoureuse observation d'un droit très-étroit; mais afin de le satisfaire encore sur l'équité et sur la douceur qui doit régner principalement dans un jugement ecclésiastique, il ne fallait qu'ajouter ce qui est porté dans les actes; c’est-à-dire premièrement, que dès la seconde citation on trouva la maison de Nestorius environnée de soldats, qui joignirent dans la troisième, à de rudes et dédaigneuses paroles, des traitements outrageants, en poussant insolemment les évêques, sans même vouloir annoncer leur venue à Nestorius, et les renvoyant à la fin avec cette dure réponse : « Qu'ils n'obtiendraient rien davantage, quand ils attendraient jusqu'à la nuit : » secondement, qu'on leur fit ce traitement, encore qu'ils eussent agi avec toute la douceur et la patience possible, avec prières, et non pas avec l'autorité dont auraient pu se servir les députés d'un concile œcuménique : troisièmement, qu'on ne passa outre qu'après que Juvénal eut parlé ainsi : « Quoiqu'il suffise selon les canons de faire trois citations, nous étions prêts à en faire une quatrième, si l'entrée de la maison de Nestorius n'était occupée par des soldats, qui encore ont maltraité les évêques. »

Mais cela, tout clair qu'il est, n'est rien en comparaison de ce qu'on devait ajouter : qu'il y avait deux années et près de trois que la question s'agitait. Il était constant par les actes, que Nestorius avait déjà été averti deux fois par saint Cyrille, et que la lettre de Célestin tenait lieu de troisième monition. Cette procédure est marquée dans la sentence du Pape signifiée à Nestorius, où il lui fait voir qu'il n'a plus rien à attendre après ces trois monitions : Post primam et secundam illius (Cyrilli) et hanc correptionem nostram, quam constat esse vel tertiam (2).

 

1 Act. I. — 2 Ep. Cœlest. ad Nest., part. II Conc. Eph., cap. XVIII.

 

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de telles défenses, on aurait pu, non pas répondre faiblement qu'il n'était pas impossible de satisfaire aux objections des ennemis du concile et de saint Cyrille, mais quelles n'avaient pas la moindre apparence.

 

SEPTIÈME REMARQUE. Suite des faiblesses de l'auteur dans la défense de saint Cyrille.

 

Mais voici le grand grief contre le concile : on n'attendit pas Jean d'Antioche, ni même les légats du Pape.

Pour les légats, M. Dupin est de bonne composition : «On était, dit-il, en droit de commencer sans eux le concile, puisque le jour marqué pour son commencement était passé (1). » Nous voilà toujours réduits à ce droit étroit et odieux; mais dans le cas dont il s'agit, il n'était pas même véritable. On n'a guère affaire du Pape dans un munir oecuménique, si l'on s'en peut passer si aisément, et faute que ses légats arrivent au jour précis. Il y avait ici, comme ou a vu, une raison plus canonique ; c'est que le Pape s'était expliqué par une sentence, sur le fondement de laquelle on procédait. Mais cette raison n'était pas du goût de notre auteur. Venons à Jean d'Antioche et aux évêques d'Orient.

 

HUITIÈME REMARQUE. Jean d'Antioche, et les évêques d'Orient.

 

Cet endroit, où était le fort de l'objection, est traité bien faiblement par l'auteur : « Le jour, dit-il, auquel le concile avait été indiqué étant venu, les évêques ont encore attendu quelques jours après. » Le nombre de seize jours méritait bien ici d'être répété, sans obliger à l'aller chercher soixante pages au-dessus. « Ils n'ont commencé le concile que quand ils ont su que ceux qu'ils attendaient dévoient venir bientôt. » Pourquoi rapporter ici cette circonstance, sinon pour insinuer qu'on pouvait donc bien attendre encore un peu? ce qui accuse plutôt le concile qu'il ne le défend. Enfin notre auteur ajoute « qu'on ne commença que lorsqu'on sut que les Orientaux voulaient bien qu'on commençât sans

 

1 P. 773.

 

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eux. » C'est quelque chose pour faire voir qu'absolument on avait droit de passer outre sans les attendre ; mais si l'on ne dit autre chose, il reste un juste soupçon qu'on les prit au mot un peu vite, et que leur civilité méritait bien qu'on n'en usât pas en toute rigueur avec eux. Il fallait donc avoir plus de soin d'expliquer ce qui obligeait le concile à commencer. C'est que les évêques pressaient extraordinairement, « parce qu'ils souffraient d'extrêmes incommodités, plusieurs étant accablés de vieillesse, d'autres étant tombés malades ou épuisés par la dépense, quelques-uns même étant morts (1), » et tous étant pressés du désir de retourner à leurs églises. Nous voyons le même empressement dans tous les conciles. On y souffrait avec peine les moindres délais, que les évêques regardaient comme une espèce de persécution et comme un moyeu de lasser leur patience.

Ajoutez encore à cela que c'était constamment la vue de Nestorius, et qu'on avait tout sujet de croire que Jean d'Antioche était entré dans ce dessein. Ce patriarche et les principaux de ses évêques étaient intimes amis de Nestorius, et « tout le concile croyait qu'il en regardait la condamnation comme un affront pour son église, dont cet hérésiarque avait été tiré, et qu'il ne voulait pas y être présent (2). » On avait senti d'abord qu'il voulait brouiller en faveur de son ami, et ce qu'il fit étant arrivé, justifia ce soupçon. Il ne cherchait qu'à gagner du temps en proposant à l'empereur une nouvelle assemblée (3). C'était un artifice de Nestorius, qui en avait fait le premier la proposition (4). C'eût été toujours à recommencer. Cependant les Pères d'Ephèse s'écriaient : « Le chaud nous tue : tous les jours on enterre quelqu'un : on est contraint de renvoyer les domestiques malades : le concile est opprimé par ceux qui en empêchent la conclusion (5). »

Tout cela était regardé comme une suite des premiers délais de Jean d'Antioche. La longueur du chemin, qu'il alléguait, ne paraissait qu'un prétexte : il y avait eu du temps plus qu'il n'en fallait, depuis six mois que les lettres de convocation étaient parties ;

 

1 Act. I. — 2 Epist. Cyr. ad quosd. Act. I, Relat. Syn. ad Cœlest., Art. V. — 3 Relat. ad Imp. init., Ep. Cath. —  4 Ep. Nest. ad Imper. Act. 1. — 5 Common. ad Cler. C. P., ibid.

 

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et le concile met en fait dans sa Relation au Pape (1), « que des évêques bien plus éloignés que Jean d'Antioche étaient arrivés devant lui. » On crut donc avec vraisemblance qu'il ne voulait pas venir, quelque empressement qu'il témoignât ; et que cela fût ou non, il suffit qu'on eût raison de le soupçonner. On fut confirmé dans ce soupçon, lorsqu'il envoya deux évêques dire qu'on pouvait commencer sans lui. En effet ne pouvait-il pas aussitôt arriver lui-même que ces évêques qui vinrent faire cette déclaration de sa part? Au reste il est bien constant qu'ils la firent fort sérieusement, et non-seulement une fois, mais plusieurs (2).  Ainsi on ne savait plus que croire de Jean d'Antioche : on ne savait quand il lui plairait d'arriver, ni jusqu'où on serait obligé de tenir tant d'évêques inutiles, si l'on persistait à l'attendre. Des remarques si nécessaires pour la défense du concile ne paraissent point dans notre auteur. Ce grand observateur n'observe rien ou, ce qui est pire encore, il dissimule tout.

Il a bien marqué une plainte de Jean d'Antioche (3), parce qu'elle semble charger saint Cyrille, et il la laisse sans réplique. C'est que peu de jours avant l'ouverture, saint Cyrille lui avait écrit que le concile attendait son arrivée. Ce sont, selon Jean d'Antioche (4), les paroles de la lettre de saint Cyrille. Je l'en veux croire sur sa parole, quoique tous ses autres déguisements et ses procédures emportées le rendent suspect. Quoi qu'il en soit, et en prenant à la rigueur ces paroles de saint Cyrille, qu'on ne voit que dans la lettre de son ennemi, elles peuvent servir à faire voir ses bonnes dispositions. Que si l'on prit aussitôt après d'autres conseils, outre les raisons de presser qui peuvent être survenues d'ailleurs, les deux évêques de Jean d'Antioche arrivés depuis, changèrent les choses. Car il paraît par les Actes (5), que l'on commença aussitôt après leur venue, et que leur déclaration fut ce qui détermina à commencer, à cause que la faisant avec la force qu'on vient de voir, on la prit pour très-sérieuse, et qu'ils parurent eux-mêmes presser l'ouverture du concile.

 

1 Act. V. — 2 Epist. Cyr. ad quoad., etc. Act. I. Relat. ad Imper. Relat. ad Coelest., uni supr. — 3 P. 711. — 4 Conciliab., Act. I, Epist. ad Imper., ubi sup. — 5 Relat. ad Cœlest. Act. V. Apol. ad Imper., III part., cap. XIII.

 

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Après cela, les délais que Nestorius demandait ne parurent qu’amusements pour fatiguer les évêques. On ne fit non plus aucun état de ce que Candidien, commissaire de l'empereur, fit au delà de son pouvoir, pour retarder. M. Dupin dit beaucoup de choses de ce commissaire ; mais il en omet une, qui seule pouvait suffire à justifier le concile de précipitation ; c'est que sa commission qu'il y lut, faisait voir que « la volonté de l'empereur était qu'on expédiât sans délai la définition des matières de la foi (1). » Ce que fit ensuite ce commissaire pour éloigner le concile, doit être considéré comme l'action d'un homme livré à Nestorius, et qui excédait son pouvoir.

C'en est assez sur cette matière, quoiqu'on put encore marquer d'autres circonstances ; mais celles-ci sont suffisantes pour faire voir qu'après avoir poussé l'objection à toute outrance, l'auteur répond ce qu'il y a de plus foible, et tait ce qu'il y a de plus important.

 

NEUVIÈME REMARQUE. Suite des réponses de l'auteur pour le concile : déguisement en faveur des partisans de Nestorius.

 

Pour justifier le concile de toute partialité, et faire voir que saint Cyrille n'avait besoin ni d'artifice ni de cabale pour y faire triompher la vérité, il était aisé d'ajouter aux timides conjectures de l'auteur (2), des faits qui ferment la bouche. Il ne paraît aucun démêlé particulier entre saint Cyrille et Nestorius. Saint Cyrille avait applaudi avec tous les autres à l'élévation de ce patriarche (3), et il ne l'avait troublé en rien, jusqu'à ce qu'il eût découvert son impiété. .Mais alors le monde n'eut pas besoin d'être excité : tout l'univers s'émut d'abord, et l'Occident s'unit avec l'Orient contre ce novateur. Deux cents évêques assemblés canoniquement et parfaitement unis, prononcèrent la sentence avec le Pape et toute l'Eglise latine. C'est une étrange partialité qui soulève tout d'un coup toute l'Eglise. Cette faction prétendue commença à Constantinople, c'est-à-dire dans le propre siège de Nestorius, où il était soutenu par l'autorité du prince, et où tout était sous

 

1 Act. I, init. — 2 P. 713. — 3 Cyr. Apol. ad Imper.

 

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sa main. Cependant il fut d'abord abandonné de tout son clergé et de tout son peuple, sans qu'il en parût d'autre motif que l'horreur qu'on eut de sa doctrine.

Il fut si délaissé malgré sa faveur et la grandeur de son Siège, qu'à peine il put ramasser neuf ou dix évêques, la plupart flétris, déposés, sans siège, hérétiques, pélagiens, chassés d'Italie, qui cherchaient auprès de lui un vain recours. Vingt-six évêques d'Orient pouvaient bien brouiller, comme ils firent, mais non pas contrebalancer l'autorité d'un si grand concile.

Je ne sais pourquoi M. Dupin veut faire accroire à ses lecteurs, que le zèle du peuple de Constantinople s'était ralenti : « Les esprits, dit-il, étaient fort partagés à Constantinople : le peuple écoutait assez favorablement les évêques d'Orient, non pas dans les églises, car on ne voulut pas les y recevoir , mais dans une maison (1). »

Il est vrai que les députés de ces évêques tenaient des assemblées, où ils se vantaient que le peuple assistait en foule. Mais tout cela se passait à Chalcédoine, où ils avaient reçu ordre de demeurer, comme notre auteur le dit lui-même (2). C'est aussi de là qu'est écrite la lettre de Théodoret à Alexandre d'Hiéraple, où il est parlé de ces assemblées ; si quand on voudrait supposer que le peuple de Constantinople passait lç trajet pour y assister (ce qui néanmoins ne se trouve pas dans la lettre de Théodoret que nous avons dans les Actes), il ne faudrait pas conclure de là que ce peuple se partageât, autant qu'on voudrait nous le faire accroire, sur le sujet de Nestorius, puisque nous voyons dans le même temps tout ce peuple, solennellement assemblé dans la basilique de saint Mocius martyr, s'écrier tout d'une voix, et par deux fois : Anathème à Nestorius (3) C'est donc une fausseté que le peuple écoulât si favorablement les partisans de Nestorius, et que les esprits fussent si fort partagés.

Pour ce qui est de ces assemblées, on n'en peut tirer aucune conséquence, puisque de l'aveu de Théodoret elles se faisaient sans oblation et sans lecture de l'Ecriture, qui étaient les marques

 

1 p. 779. — 2 P. 727. Init. Act. Conciliab., post Act. VI. — 3 Rescript. Ep. inter. Ep. Cath. post Act. VI.

 

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d'une assemblée légitime et d'une vraie communion ecclésiastique. On v faisait des prières pour l'empereur et des discours de religion, que l'éloquence de Théodoret et la curiosité rendaient célèbres ; et nous voyons par les Actes (1), que personne n'aurait écouté ces évêques partisans de Nestorius, s'ils n'eussent déguisé leurs sentiments.

L'auteur nous veut faire accroire « qu'ils ne purent venir à Constantinople, à cause des mouvements que les moines excitaient; » comme s'il n'y eût eu que les moines qui leur fussent opposés. C'est bien ce que disent ces schismatiques, pour couvrir en quelque façon la répugnance universelle qu'on avait pour la doctrine et pour le nom même de Nestorius qu'ils soutenaient; mais ce n'est pas la vérité. Tout le clergé et tout le peuple, qui d'eux-mêmes et sans y être poussés, avaient abandonné leur patriarche, persistaient à se tenir séparés de lui. Vouloir attribuer cette répugnance à la faction des moines, c'est trop donner dans les sentiments des schismatiques.

 

DIXIÈME REMARQUE. Outrageantes objections contre le concile, demeurées sans réponse.

 

Parmi les objections contre le concile, que rapporte M. Dupin, en voici une qui paraît l'avoir fort touché ; car il ne dit pas un mot pour y répondre. « La sentence qu'ils font signifier (les Pères d'Ephèse) à Nestorius, est conçue en des termes qui marquent la passion qui les animait : A Nestorius, nouveau Judas. N'était-ce pas assez de le condamner et de le déposer, sans l'insulter encore par des paroles injurieuses (2)? » A cela il ne trouve rien à répondre. Le concile a tort: saint Célestin aura tort aussi d'avoir appelé Nestorius un loup sous la figure d'un pasteur (3): les empereurs Théodose et Valentinien auraient excédé, lorsqu'ils ordonnèrent qu'on donnât aux nestoriens le titre de simoniens (4), du nom de Simon le Magicien, auteur de toutes les hérésies, et en particulier de celles qui entreprenaient de dégrader le Fils de

 

1 Relat. ad Cœlest., etc. — 2 P. 771. — 3 Epist. ad Cœlest. et pop., C. P., I part., cap. XIX. — 4 Conc. Eph., part. III, cap. XLV. Coll. Lup., cap. CXCI.

 

 

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Dieu. Ils le firent pourtant à l'exemple de Constantin le Grand, qui ordonna que les ariens seraient appelés du nom de Porphyre, un païen, ennemi, comme eux, de Jésus-Christ. Il y a de faux modérés, de faux équitables, qui voudraient qu'on épargnât les hérésiarques. Mais l'Eglise n'a jamais été de cet esprit. Elle disait à tous les évêques, par la bouche de saint Célestin : Duris dura responsio (1) ; il faut abattre ces superbes : il faut rendre abominables au peuple ces empoisonneurs qui tuent les âmes. On appelait les nestoriens des Juifs, parce qu'ils nioient comme les Juifs que Jésus Christ fût Dieu : on donna le même nom à un évêque disciple de Nestorius, qui soutint en sa présence « que les Juifs n'avaient été impies que contre un homme (2). » On crut, et avec raison, qu'il parlait lui-même en Juif, et qu'il tâchait de purger les Juifs du déicide. Nestorius, qui conspirait avec eux pour nier la divinité de Jésus-Christ, qui la niait lui-même, qui venait d'être déposé et de perdre son apostolat pour avoir trahi son Maître en blasphémant contre lui, pouvait bien être appelé un nouveau Judas. C'est sur cela cependant qu'on accuse les Pères d'Ephèse d'animosité et de passion. Il ne sied pas bien à M. Dupin de laisser cette témérité sans réponse ; ou s'il a méprisé cette objection, qui en effet n'était digne que de mépris, il ne devait pas étaler son éloquence pour dire sous le nom d'autrui des injures à tout un concile.

Il ne répond pas non plus à un autre reproche aussi sanglant qu'il lui fait faire, d'être tombé dans le défaut marqué par saint Grégoire de Nazianze, qui est « qu'ordinairement ceux qui se mêlaient de juger les autres, y étaient portés plutôt par leur mauvaise volonté que par le dessein d'arrêter les fautes des autres (3). » Il laisse cela sans réplique, quoique ce fût le lieu de marquer la douceur, les ménagements, la longue attente, la charité du concile et de saint Cyrille envers Nestorius, et les larmes qu'on répandit sur sa contumace, tant en l'accusant qu'en prononçant sa sentence (4).

Il fait encore objecter, en confirmation de ces mauvaises intentions

 

1 Epist. ad Nest. part. I, cap. XVIII, col. 353. — 2 Conc. Eph., Act. I. — 3 P. 772. — 4 Act. I. Apol. ad Imperat. III part., cap. XIII.

 

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du concile, que les troubles qui l'ont suivi les font connaître, « et qu'on peut dire que ces troubles ne furent arrêtés, que parce qu'on ne parla plus de ce qui y avait été fait (1). »

La fantaisie des censeurs du concile d'Ephèse est en effet, que dans toute cette dispute il ne faut presque considérer que l'accord avec les Orientaux, sans plus parler du concile même. Pour satisfaire à ce doute, il ne suffit pas de répondre « qu'on ne toucha point dans l'accord à la condamnation de Nestorius, et que le jugement du synode, touchant sa personne et sa doctrine, fut suivi (2);» car tout cela se peut faire, comme parle M. Dupin, « pour le bien de la paix, et pour ôter tout scandale (3) » par consentement à la chose même dans le fond, sans se soumettre au concile dans sa forme; et c'est ce que veulent dire ceux qui font cette objection outrageuse, que les troubles ne furent arrêtés que parce qu'on ne parla plus de ce qui avait été fait dans le concile, comme si l'on avait fait la paix sans en parler. Or le contraire est certain, puisque le concile d'Ephèse, où Célestin était par ses légats, fut reçu dans l'accord même, avec mention expresse qu'on s'y soumettait par un acquiescement à sa sentence dans toutes ses parties (4); et ce fut la déclaration qu'on exigea que Jean d'Antioche et les évêques qui étaient avec lui, fissent en ternies formels dans une lettre synodique adressée au pape saint Sixte, à saint Cyrille et à Maximien de Constantinople, pour être ensuite répandue dans toute l'Eglise; ce qui dissipe, en un mot, toutes les fausses idées qu'on pouvait avoir du concile, comme si l'on n'en eût pas fait assez d'état dans l'accord. Et il faut ici bien remarquer que l'auteur rapporte cet acte (5), sans faire aucune mention qu'on y ait parlé du concile d'Ephèse, ni de l'acquiescement qu'on vient de voir à sa sentence, et sans qu'il y ait un seul mot dans toute son histoire pour marquer une chose si essentielle à l'autorité du concile.

 

1 P. 772. — 2 P. 744. — 3 P. 774. — 4 III part, Conc. Eph., cap. XXVII. — 5 P. 745.

 

 

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ONZIÈME REMARQUE. Irrévérence envers le concile de Nicée II, et le concile de Chalcédoine.

 

Le concile d'Ephèse n'est pas le seul que notre auteur ait maltraité. Tout le monde est scandalisé de lui voir réfuter pied à pied le concile II de Nicée, et le plus souvent sans l'entendre (1).

Pour le concile de Chalcédoine, je ne crois pas qu'un homme bien sage eût pu se résoudre à en faire cette peinture : « Les uns criaient qu'il était déposé de son siège : les autres l'accusaient d'être nestorien : les Orientaux criaient contre Dioscore et les Egyptiens, ceux-ci criaient contre les Orientaux. Cela aurait duré longtemps, et leur assemblée aurait dégénéré en cohue, si les commissaires n'eussent arrêté ces cris populaires (2). » Ces basses expressions dévoient être bannies de ce lieu ; et je ne sais si l'on me pardonnera de les avoir répétées. M. Dupin avouera qu'il pouvait montrer le concile par de plus beaux endroits; et s'il en voulait marquer les cris, il en eût pu rapporter de ceux que le zèle de la foi et l'amour de la discipline avaient fait pousser. Ceux qu'il raconte n'étaient pas plus de son sujet, et rien ne paraît le déterminer à ceux-ci plutôt qu'aux autres, que le plaisir d'étaler quelque chose qui ne semble pas assez réglé. Encore s'il avait daigné remarquer qu'en ce temps-là, dans les assemblées ecclésiastiques aussi bien que dans les civiles, et même dans le sénat, qui était la plus auguste assemblée de cette nature, souvent on opinait par acclamation, et s'il eût voulu ajouter que les Pères de Chalcédoine se calmèrent d'abord, on eût vu une occasion naturelle de tels cris, et l'on n'eût pas été surpris qu'une assemblée de six cents évêques ait eu besoin une fois ou deux d'être avertie de la gravité convenable à des évêques, et du bon ordre qu'il fallait garder dans un concile. Il y avait d'autres circonstances qui pouvaient adoucir une idée capable de faire de la peine. Mais notre auteur a mieux aimé se signaler par un air de liberté, et il préfère à des termes plus respectueux la licence et le style du marché.

 

1 Tom. V, p. 456. — 2 Hist. du Conc. de Chal., p. 832.

 

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