Histoire des Conciles III
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CHAPITRE III. Sur les Dogmes.

 

PREMIÈRE REMARQUE. Trois erreurs justement imputées à notre auteur. Première erreur : que Nestorius ne niait pas que Jésus-Christ fût Dieu, ou que la manière dont il le niait n'est pas celle qui a causé tant d'horreur.

SECONDE REMARQUE. Seconde erreur : que la manière dont Nestorius niait la divinité de Jésus-Christ pouvait être dissimulée.

TROISIÈME REMARQUE. Cette erreur mal imputée à saint Cyrille : passage de ce Père.

QUATRIÈME REMARQUE. Troisième erreur : que la manière dont Nestorius nioit que Jésus-Christ fût Dieu était une dispute de mots.

CINQUIÈME REMARQUE. La qualité de Mère de Dieu trop faiblement soutenue par M. Dupin.

SIXIÈME REMARQUE. Suite de la même matière, et M. Dupin toujours coupable malgré ses vaines excuses.

SEPTIÈME REMARQUE. Proposition de foi que M. Dupin taxe d'excès.

 

PREMIÈRE REMARQUE. Trois erreurs justement imputées à notre auteur. Première erreur : que Nestorius ne niait pas que Jésus-Christ fût Dieu, ou que la manière dont il le niait n'est pas celle qui a causé tant d'horreur.

 

L'habile homme qui a fait imprimer un Mémoire adressé à la Sorbonne, objecte à M. Dupin un endroit de son Histoire, où il dit trois choses sur le dogme de Nestorius : la première, « que l'horreur extrême que le peuple en témoigna, était attachée à une fausse idée : » la seconde, « que quand on connut que son erreur était plus subtile, saint Cyrille demeura d'accord qu'il eût mieux valu ne pis remuer cette question ; » la troisième, « qu'elle consistât autant dans les mots que dans les choses (1). » Voilà trois particularités que M. Dupin nous découvre. Oh voit assez où elles tendent; et il ne reste qu'à examiner ce qu'il en faut croire.

Premièrement, est-il véritable que l'horreur que tout le peuple témoigna d'abord contre l'erreur de Nestorius, était attachée à une fausse idée? M. Dupin le prouve ainsi: « C'est qu'il parlait, dit-il, d'une manière qui pouvait faire croire qu'il était dans l'erreur de Photin et de Paul de Samosate. Ce fut pour cela, continue-t-il, que les prédications de Nestorius et de ses amis causèrent un si grand scandale. On crut d'abord qu'il était dans les sentiments de Paul de Samosate : la chose étant ensuite bien examinée, on reconnut bien que son erreur était plus subtile. »

Mais encore pourquoi crut-on que Nestorius était dans cette erreur? Notre auteur va nous l'apprendre. « Quand, dit-il, on dit à un peuple, qui est accoutumé à entendre dire en parlant de Jésus-Christ, qu'un Dieu est né, qu'un Dieu est mort, etc. ; quand on lui vient dire que ces propositions sont fausses et insoutenables, il s'imagine aussitôt qu'on nie que Jésus-Christ soit Dieu.»

 

1 Mém., p. 2. Histoire du Conc. d'Ephès., p. 776, 777.

 

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Si M. Dupin se fût souvenu, je ne dis pas de sa théologie, mais des premières instructions du christianisme, il n'eût pas appelé cela imagination; puisqu'au contraire, si d'un côté Jésus-Christ est né et est mort, et si de l'autre il est faux et insoutenable qu'un Dieu puisse naître et mourir, il ne reste autre chose à croire, sinon que Jésus-Christ n'est pas Dieu; ce qu'on ne peut entendre avec trop d'horreur.

C'était là en effet le fond de l'erreur de Nestorius. Quelque dissimulé qu'il fût, il ne fallait pas le presser beaucoup pour lui faire dire, non par conséquence, mais ouvertement, que Jésus-Christ n'était pas Dieu. Tout le monde sait ce blasphème dont il fut convaincu dans le concile d'Ephèse : « Je ne dirai pas que cet enfant de deux ou trois mois (en parlant de Jésus-Christ) soit Dieu. » Dans son premier anathématisme, il condamne ouvertement ceux qui disent que Jésus-Christ soit vrai Dieu (1). On trouve dans ses cahiers rapportés dans le concile d'Ephèse, « que Jésus-Christ était Dieu comme Moïse était appelé le dieu de Pharaon (2). M. Dupin remarque lui-même que dès le commencement, saint Cyrille lui reprocha que « quelques-uns (et ces quelques-uns étaient Nestorius lui-même et ses partisans) ne voulaient plus souffrir qu'on appelât Jésus-Christ Dieu, et ne l'appelaient pas autrement que l'instrument de la Divinité (3). » Ce n'était donc pas imagination de croire qu'il rejetât cette vérité.

Au reste il ne faut pas se persuader que l'horreur du peuple fût attachée aux idées précises de Paul de Samosate. En quelque sorte qu'il entendit dire que Jésus-Christ n'était pas Dieu, c'était assez pour exciter son indignation. M. Dupin a cru éluder cette objection en remarquant trois manières de le dire (4) : celle de Paul de Samosate, celle d'Arius, celle de Nestorius. Cette distinction lui est inutile, puisque le peuple catholique les détestait toutes, comme également inouïes. Il a détesté Paul de Samosate, qui a nié que Jésus-Christ fût Dieu, en le faisant un pur homme : il a détesté Arius, qui a nié qu'il fût Dieu, parce que le Verbe, qui ne faisait qu'une même personne avec lui, ne l'était pas : il ne

 

1 Conc. Eph. I part., cap. II, IX. — 2 Quat. XXVII, Conc. Eph. Act. I. — 3 Epist. ad Net., part. I, cap. VI. — 4 Rép. au Mém., p. 6.

 

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détestait pas moins Nestorius, qui le niait d'une autre manière, en niant l'union hypostatique. En un mot, de quelque sorte qu'on le nie, on rejette également le fondement de la foi; et on ne peut s'excuser d'être en effet de l'erreur de Paul de Samosate, puisque bien que d'une autre manière on convient toujours avec lui que Jésus-Christ n'est pas Dieu, et que celui que nous adorons est une pure créature.

 

SECONDE REMARQUE. Seconde erreur : que la manière dont Nestorius niait la divinité de Jésus-Christ pouvait être dissimulée.

 

On ne doit pas se persuader, comme l'insinue notre auteur, que ce fussent là des subtilités où le peuple n'entrait pas, et où il eût été bon de ne pas le faire entrer. « La chose étant mieux examinée, on connut bientôt, dit-il, que l'erreur de Nestorius était plus subtile (que celle de Paul de Samosate). Saint Cyrille le reconnut lui-même, et il avoua qu'il eût été mieux de ne point remuer cette question. » Je ne comprends pas ce qu'il veut dire : Saint Cyrille le reconnut  lui-même. C'est donc à dire que saint Cyrille étaitun de ceux qui s'étaient trompés sur le sentiment de Nestorius. Personne ne le dira, puisqu'il est constant que dès la première lettre qu'il écrivit sur cette matière, qui fut celle aux solitaires d'Egypte, il pénétra si bien les sentiments de cet hérésiarque, qu'on ne voit pas que depuis il y ait rien découvert de nouveau. Mais voici où notre auteur en veut venir : « C'est, dit-il, que saint Cyrille avoua lui-même qu'il eût été mieux de ne pas remuer cette question. » Que veut-il dire? est-ce que saint Cyrille reconnut et avoua qu'il eût été mieux que Nestorius n'en eût jamais parlé? qui en doute? Ce n'est pas là de quoi il s'agit : ce n'est pas ce qu'il fallait dire ; saint Cyrille reconnut et avoua lui-même, puisqu'il ne pouvait jamais en avoir douté. C'est donc qu'il eût mieux valu laisser Nestorius en repos, et ne pas faire tant de bruit d'une si subtile erreur, comme si elle n'eût pas regardé d'assez près le fondement de la foi. Voilà ce qu'on insinue et ce qu'on ose attribuer à saint Cyrille.

 

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TROISIÈME REMARQUE. Cette erreur mal imputée à saint Cyrille : passage de ce Père.

 

Mais où est-ce encore que saint Cyrille fit cette reconnaissance et cet aveu? L'auteur nous l'apprend ailleurs par ces mots : « Les moines d'Egypte furent les premiers à remuer ces questions subtiles et à les agiter entre eux : s'en étant trouvé plusieurs qui soutinrent le parti de Nestorius, saint Cyrille d'Alexandrie, qui était d'avis contraire, écrivit une grande lettre à ces moines, dans laquelle, après les avoir avertis qu'il eût beaucoup mieux valu ne point remuer ces sortes de questions abstraites, qui ne peuvent être d'aucune utilité, il se déclare contre le sentiment de Nestorius, en prouvant par plusieurs raisons qu'on doit appeler la Vierge Marie Mère de Dieu (1).» Voilà toujours les idées de M. Dupin : ces matières étaient abstraites, c'est-à-dire plutôt raffinées et curieuses que solides et nécessaires, et on n'en pouvait tirer aucune utilité. Nestorius était d'un avis, saint Cyrille était d'avis contraire, au fond il eût mieux valu ensevelir cela dans l'oubli, sans se mettre en peine si la sainte Vierge était proprement Mère de Dieu, ou non. Selon ces belles idées, le lecteur est induit à croire que toute la peine qu'on se donna pour terminer ces questions était inutile; mais il jugerait toute autre chose, si on lui rapportait sincèrement les sentiments de saint Cyrille dans cette lettre aux solitaires : « J'apprends, dit-il, qu'il y a des gens qui s'insinuent parmi vous avec des paroles enflées, dont ils abusent le peuple, et qui osent révoquer en doute si la sainte Vierge doit être appelée Mère de Dieu (2). » Il ajoute qu'il est étonné qu'on puisse émouvoir une telle question, ou douter d'une vérité dont la tradition est si constante dans l'Eglise. Il dit même qu'il aurait mieux valu que ces disputes ne fussent jamais venues dans leurs solitudes. Ce n'est pas à eux à se jeter dans des considérations si subtiles, et la simplicité de la foi leur était meilleure. On voit donc que ce qu'il reprend, c'est qu'on traite cette vérité pour en douter, pour en faire une matière de dispute parmi les solitaires ; mais

 

1 P. 686. — 2 Epist. Cyr. ad Monac., Conc. Eph., I part., cap. II.

 

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qu'au reste il en fait voir l'importance, puisqu'il ne s'agit de rien moins que de renverser le concile de Nicée, le fondement de la piété et celui du culte des chrétiens.

 

QUATRIÈME REMARQUE. Troisième erreur : que la manière dont Nestorius nioit que Jésus-Christ fût Dieu était une dispute de mots.

 

Notre historien poursuit : « Saint Cyrille avoua lui-même qu'il eût mieux valu ne pas remuer cette question. Mais parce que Nestorius continuait toujours à scandaliser les peuples, et à parler d'une manière contraire à celle de l'Eglise, sans vouloir changer, on fut obligé de le condamner (1). » L'auteur du Mémoire dit en ce lieu : « Vous diriez, à entendre parler M. Dupin, qu'il ne s'agissait que de quelques expressions reçues dans l'Eglise, auxquelles Nestorius avait peine à s'accommoder; et que tous les Pères, que tous les théologiens catholiques avaient donné dans l'illusion, lorsqu'ils ont jugé d'un commun accord qu'il ne s'agissait de rien moins que de la divinité de Jésus-Christ (2). » ,

M. Dupin pourra répondre qu'il a fait voir en d'autres endroits que la dispute avec Nestorius était effective, et non pas une dispute de mots, et j'en conviens ; mais cela ne l'excuse pas : premièrement, parce qu'il ne suffit pas de dire bien en un endroit, et qu'il faut dire bien partout, et ne se laisser jamais imprimer des arguments ou des dogmes des hérétiques : secondement, parce qu'il demeure toujours que selon lui la question, si Jésus-Christ est Dieu, de la manière dont Nestorius la traitait, est une dispute de mots.

Voilà les deux particularités très-agréables aux sociniens, qui paraissent dans le passage que lui reproche l'auteur du Mémoire; mais en voici qui leur plairont encore davantage.

 

1 P. 776. — 2 Mém., IIe Rem., p 2.

 

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CINQUIÈME REMARQUE. La qualité de Mère de Dieu trop faiblement soutenue par M. Dupin.

 

Le même auteur du Mémoire lui objecte encore qu'il favorise le dogme de Nestorius ; et je n'aurais point à parler de cette matière, si les réponses de M. Dupin ne m'y obligeaient.

L'accusation se réduisait à deux chefs (1) : le premier, que M. Dupin avait parlé faiblement et indignement de ce terme : Mère de Dieu :1e second, qu'il avait mis ces expressions des Egyptiens : le Verbe est né, Dieu est né, il a souffert, il est mort, au rang de celles que la postérité n'a pas suivies. Sur cette double accusation, M. Dupin ne fait qu'éluder.

Pour le premier chef, qui regarde le terme de Mère de Dieu, ce qu'on lui objecte, c'est qu'au lieu de dire que cette proposition : Marie est Mère de Dieu, est véritable, naturelle, propre, et ne peut être niée ni révoquée en doute, sans renverser le mystère, notre théologien est content, pourvu qu'on assure qu'on peut dire que Marie est Mère de Dieu (2) : que ce sont là de ces expressions innocentes que l'usage a introduites dans l'Eglise, et qui sont vraies en un sens (3) ; comme s'il n'était pas vrai en toute rigueur et dans la propriété du discours, que la sainte Vierge est Mère de Dieu.

Or c'est de quoi M. Dupin ne se peut défendre. Toute l'excuse qu'il apporte à ce qu'il a dit, que cette expression : Mère de Dieu, est de celles qui sont vraies en un sens, c'est que ce n'est pas lui qui parle en cet endroit, mais Jean d'Antioche et les Orientaux, qu'il fait parler conformément à ce qu'ils écrivent à Nestorius. Il avoue donc que si c'était lui qui parlât ainsi, il serait digne d'être repris ; mais il ne songe pas que si ce n'est pas lui qui parle, c'est lui-même qui fait parler les Orientaux de cette sorte, pour montrer qu'on ne les pouvait pas soupçonner d'erreur. Je ne lui impute donc pas de les avoir fait parler comme il prétend qu'ils parlaient, mais de s'être contenté de leurs discours et de cette pernicieuse interprétation du terme de Mère de Dieu, par laquelle

 

1 Mém., p. 1. — 2 P. 777. — 3 P. 153, 781.

 

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on l'affaiblit en disant que cette expression est vraie en un sens. C'est de même que si l'on disait qu'on est orthodoxe en disant que cette expression : Jésus-Christ est Dieu ; ou celle-ci : Ce qu'on reçoit dans l'Eucharistie est le corps de Jésus-Christ; ou celle-ci : L'Eucharistie est un sacrifice, sont vraies en un sens. Or toutes ces expressions, loin d'être orthodoxes, sont un manifeste affaiblissement, ou plutôt un déguisement de la foi, puisqu'elles tendent à dire que ces propositions ne sont pas absolument véritables, ni en elles-mêmes, ni dans leur sens naturel ; et au contraire, qu'elles ne le sont qu'avec restriction; ce qui est une erreur manifeste.

Il ne sert donc de rien à notre auteur de nous apporter de longs passages, où il reçoit l'union hypostatique et le terme de Mère de Dieu. Dès qu'il affaiblit cette expression d'une manière si pitoyable en d'autres endroits, et qu'il reconnaît pour orthodoxes ceux qui en corrompent le vrai sens, il est coupable. Qu'il soit catholique dans le fond..., pour moi je ne veux pas dire qu'il soit nestorien ; mais il ne doit donc pas approuver des expressions qui dans leur sens naturel induisent l'erreur ; et quand on les lui objecte, il faudrait avouer sa faute et s'humilier, au lieu d'insulter encore, et de triompher de son inconsidération dans des matières de cette conséquence.

 

SIXIÈME REMARQUE. Suite de la même matière, et M. Dupin toujours coupable malgré ses vaines excuses.

 

J'en dis autant de cette expression : « On peut dire que Marie est Mère de Dieu. » L'auteur, pour la soutenir, répond que Nestorius a ayant enseigné qu'on ne peut pas dire que Marie soit Mère de Dieu, ce qu'on avait à prouver contre lui était qu'on le pouvait dire (1). » Il a oublié que Nestorius avait écrit au pape Célestin, que cette expression : Mère de Dieu, se pouvait souffrir (2), et par conséquent qu'on pouvait dire qu'elle était vraie en un sens; mais il a encore plus oublié les règles du bon raisonnement.

 

1 Rép., p. 4, 5. —  2 Conc. Eph., I part., cap. xvi.

 

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Selon ces règles cette proposition : On ne peut pas dire que Marie soit Mère de Dieu, détruit plus que ne pose celle-ci ; On peut dire que Marie est Mère de Dieu. Car ce qu'exclut la première est universel, et ce que pose la seconde ne l'est pas. Pour vérifier la première, il faut qu'on ne puisse dire en aucun sens : Marie est Mère de Dieu : pour vérifier la seconde, il suffit qu'on le puisse dire en un certain sens, quoique ce ne soit pas le sens propre. Ainsi cette proposition des sociniens : On peut dire que Jésus-Christ est Dieu, et celle-ci des calvinistes : On peut dire que l'Eucharistie est le corps de Jésus-Christ, sont des propositions captieuses, qui affaiblissent la vérité et conduisent à l'erreur. Il en est de même de celle-ci : On peut dire que la sainte Vierge est Mère de Dieu; et pour confondre ceux qui soutiendraient qu'on ne le peut dire, ce qu'on a à leur opposer, c'est non-seulement qu'on le peut dire, mais encore qu'on le doit pour parler correctement, et que la proposition est véritable dans la propriété du discours.

M. Dupin. qui fait tant l'habile, est si peu instruit de ces régularités du langage théologique, qu'encore à présent dans sa Réponse il use de circuit sur ce terme de Mère de Dieu (1), et croit avoir satisfait à tout, en disant « qu'il est consacré par l'usage de l'Eglise, qu'il faut s'en servir, et que ceux qui ne voudraient pas s'en servir devraient être considérés comme hérétiques. » Avec tout ce long discours, il reste encore cette échappatoire, qu'il s'en faut servir par respect, et qu'en refusant de le faire, on ne sera pas pour cela hérétique formel, mais seulement présumé et considéré comme tel. Que ne dit-il nettement et à pleine bouche, que ce terme est propre, naturel, vrai à la lettre et dans la rigueur du discours, et que c'est pour cette raison qu'il a passé naturellement dans le langage de l'Eglise ? Craint-il de condamner trop formellement Nestorius et ses défenseurs ?

 

1 Rép., p. 7.

 

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SEPTIÈME REMARQUE. Proposition de foi que M. Dupin taxe d'excès.

 

Le second chef d'accusation est d'avoir mis ces propositions : Le Verbe est mort, Dieu est mort, et les autres de cette nature, au rang des excès que la postérité n'a pas suivis (1). Voici ce qu'il répond : « On ne trouvera pas que M. Dupin condamne absolument ces expressions : LE VERBE EST NÉ, IL EST MORT , etc. Il remarque seulement qu'elles ont été rejetées de quelques catholiques , aussi bien que cette expression qui est semblable : UN DE LA TRINITÉ EST MORT (2). » Jamais il ne parlera correctement. M. Dupin ne condamne pas absolument ces expressions : c'est de même que s'il disait : Je ne condamne pas absolument cette proposition : Jésus-Christ est Dieu; ou celle-ci : Ce qu'on reçoit dans l'Eucharistie est le corps de Jésus-Christ : ce qui veut dire qu'on les condamne à la vérité, mais non pas absolument, et qu'elles peuvent se soutenir en quelque façon. C'est encore une autre erreur à M. Dupin de dire que quelques catholiques ont rejeté ces propositions : UN DIEU EST MORT, etc.; car ces prétendus catholiques ne sont que les partisans de Nestorius, qui n'auraient jamais été reçus dans l'Eglise s'ils avaient persisté à les rejeter.

Quand notre auteur compare ces expressions à celles de cette proposition : Un de la Trinité est mort, il ne songe pas que ce qui souleva d'abord quelques esprits contre cette proposition, c'est qu'elle parut nouvelle dans sa forme ; mais que les propositions dont il s'agit : Un Dieu est né, un Dieu est mort, ont toujours été en ces mêmes mots dans la bouche de tous les fidèles, comme l'unique fondement de leur espérance, et qu'on n'en a non plus été surpris que de celle-ci : Un Dieu est homme, sans laquelle il n'y a point de christianisme.

Voilà donc non-seulement dans la Bibliothèque de l'auteur, mais dans ses dernières réponses, de nouvelles matières de censures, et ses défenses sont des erreurs. Mais après tout et dans le fond, il donne le change : ce qu'il veut maintenant avoir dit,

 

1 P. 783. — 1 Rép., p. 7.

 

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c'est que quelques catholiques ont rejeté ces propositions : ce qu'il a dit en effet dans son Histoire du concile d'Ephèse, c'est qu'elles sont excessives, et qu'on ne les a pas suivies depuis. Ces deux choses n'ont rien de commun entre elles, sinon qu'elles sont mauvaises et insoutenables toutes deux, mais la dernière beaucoup plus, puisqu'elle est formellement hérétique.

Et pour montrer que notre auteur ne s'en peut laver, songeons seulement au dessein qu'il s'était proposé. Il entreprenait de faire voir la cause des différends entre les Orientaux et les Egyptiens : et il la fait consister en ce que les Orientaux ne comprenaient pas « comment on pouvait attribuer à Dieu les qualités de la nature humaine, et qu'au contraire les Egyptiens poussaient cette communication d'idiomes à des excès qu'on n'a pas suivis depuis. » C'est ce qu'il avait à expliquer ; et pour le faire, il ajoute : « Nestorius rejetait ces expressions : Un Dieu est né, il est mort : les évêques d'Orient avaient aussi quelque peine à les admettre, et ils voulaient qu'on y ajoutât quelques modifications. Saint Cyrille et les Egyptiens s'en servaient en toutes sortes d'occasions : ils ne faisaient point de difficulté de dire : L'IMMORTEL EST MORT, UN DIEU EST CRUCIFIÉ. » C'étaient donc là ces excès des Egyptiens qu'il nous voulait expliquer, et que la postérité n'a pas suivis. Ces excès étaient de dire en toutes sortes d'occasions : UN DIEU EST NÉ, UN DIEU EST MORT (1) : il ne le fallait pas dire si souvent, pour épargner les oreilles des amis de Nestorius : saint Cyrille et les Egyptiens y dévoient trouver la même difficulté qu'y trouvaient les Orientaux. C'est à quoi tendent tous les discours de M. Dupin. Encore à présent et dans sa Réponse au Mémoire, il ne sait presque quel parti prendre sur ces propositions, quoiqu'elles soient aussi certaines que celle-ci : Un Dieu est homme : elles peuvent être vraies, il ne les condamne pas absolument : quelques catholiques les ont rejetées : chacun avait ses raisons : ce sont là des questions de subtilité, sur lesquelles on ne s'entend pas, tant la matière est abstraite. C'est le langage que les sociniens tâchent de mettre à la mode, quand ils parlent des grands mystères qui font l'objet de notre foi. M. Dupin n'est pas de leur

 

1 P. 784.

 

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sentiment, je le crois ; mais c'est toujours trop à un catholique et à un docteur d'en avoir pris une si forte teinture.

C'est encore un manifeste affaiblissement de la saine doctrine que de ranger, comme il a fait (1), ces propositions : Un Dieu est né, un Dieu est mort, parmi celles que l'usage de l'Eglise a introduites (2). Car c'est avoir oublié que l'Eglise même a démontré aux nestoriens par la bouche de saint Cyrille et de ses autres docteurs, que ces propositions, qu'on prétend introduites par l'usage, sont de l'Ecriture et formellement les mêmes que celle-ci de saint Paul : Celui qui est sorti des Juifs selon la chair est Dieu béni au-dessus de tout (3); et que celle-ci du même Apôtre : Celui qui était en la forme de Dieu et égal à Dieu, a été obéissant jusqu'à la mort (4); et que celle-ci encore du même saint Paul : Dieu manifesté en chair (5), qui constamment était dès lors dans le texte grec, et cent autres de cette force, pour ne point parler de celle-ci de saint Jean : Le Verbe est Dieu, et ce même Verbe, qui est Dieu, a été fait homme (6).

 

1 P. 151. — 2 Rép., p. 3. — 3 Rom., IX, 5. — 4 Philipp., II, 6 et seq. — 5 I Tim., III, 16. — 6 Joan., I. 2, 14.

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