AUGUSTIN
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SAINT AUGUSTIN

 

Augustin fut ainsi nommé, ou bien en raison de l’excellence, ale sa dignité, ou bien pour l’ardeur de son amour; ou bien par la signification étymologique de son nom. 1° L'excellence de sa dignité. De même qu'Auguste excellait sur tous les rois, de même Augustin excelle sur tous les docteurs, selon ce qu'en dit Remi. Daniel compare les autres docteurs a des étoiles quand il dit (XII) : « Ceux qui enseignent aux autres la voie de la justice luiront comme des étoiles dans toute l’éternité. » Mais saint Augustin est comparé au soleil dans l’épître qu'on chante en sa messe **. Il a lui dans le temple de Dieu comme un soleil éclatant de lumière. 2° L'ardeur de son amour. De même que le mois d'Auguste (août) est très chaud, de même saint Augustin brûla extraordinairement du feu de l’amour divin.

 

* Théodore Studite, traduit par Anastase le Bibliothécaire.

** C'était sans doute l’épître de la messe de saint Augustin telle qu'elle se lisait au XIII° siècle, et, qui était prise du L° chapitre de l’Ecclésiastique.

 

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Aussi dit-il de lui au livre de ses Confessions: « Vous avez percé mon coeur des flèches de votre charité, etc. » Il dit encore dans le même ouvrage: « Quelquefois vous répandez en moi une douceur si merveilleuse, les sentiments que j'éprouve sont si extraordinaires que, s'ils recevaient leur perfection, ils surpasseraient tout ce qu'on peut ressentir ici-bas. » 3° L'étymologie de son nom. Augustin, vient de augeo, augmenter et de astin, ville, et ana, en haut. Augustin, c'est donc celui qui augmente la cité d'en haut. Et c'est pour cela qu'on chante dans son office *: Qui praevaluit, amplificare civitatem. Voici comme il parle lui-même de cette ville dans le livre XI de la Cité de Dieu: « Dans la Trinité, la cité sainte a son origine, sa beauté, sa béatitude. Demandez-vous son auteur? C'est Dieu qui l’a créée; - l’auteur de sa sagesse? C'est Dieu qui l’éclaire; l’auteur de sa félicité? C'est Dieu dont elle jouit; Dieu perfection de son être, lumière de sa contemplation, joie de sa fidélité ; elle est, elle voit, elle aime; elle vit dans l’éternité de Dieu; elle brille dans la vérité de Dieu; elle jouit dans la bonté de Dieu. » — Ou bien selon le Glossaire, Augustin veut dire magnifique, heureux, lumineux; car il fut magnifique dans sa vie, lumineux dans sa doctrine, et heureux dans la gloire. Sa vie fut compilée par Possidius, évêque de Catane, ainsi que le dit Cassiodore, en son livre des Hommes illustres **.

 

Augustin, docteur éminent, naquit dans la province, d'Afrique, en la ville de Carthage, de parents fort distingués; son père s'appelait Patrice et sa mère Monique. Il fut instruit dans les arts libéraux suffisamment pour être regardé comme un profond philosophe et comme un rhéteur très habile. Il lut et comprit seul

 

* Le bienheureux Jacques avait un office propre de saint Augustin sous les yeux, car ces paroles ne se rencontrent pas dans les Sacramentaires.

** La vie de saint Augustin est compilée ici d'après Possidius et le livre des Confessions.

 

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les ouvrages d'Aristote et tous les livres qui traitent des arts libéraux; il l’assure dans son livre des Confessions : « J'ai lu, dit-il, et compris, sans aucun secours, tout ce que je pus lire traitant de ce qu'on appelle les arts libéraux. Tout ce qui tient à l’art de parler et de raisonner, aux dimensions es corps, à la musique, aux nombres, je l’ai appris sans beaucoup de peines et sans le secours de personne ; vous le savez, ô Seigneur, mon Dieu, puisque cette vivacité de conception, cette pénétration d'esprit sont des avantages que je tiens de vous, cependant je ne songeais pas à vous en témoigner ma reconnaissance. » Mais parce que la science isolée de la charité enfle sans édifier, il tomba dans l’erreur des Manichéens qui affirment que le corps de J.-C. est fantastique et nient la résurrection de la chair. Et cela dura pendant l’espace de neuf ans, c'est-à-dire tout le temps de sa jeunesse. Il en vint au point de dire que le figuier pleurait quand on en arrachait les feuilles ou le fruit, A l’âge de dix-neuf ans, comme il lisait l’ouvrage d'un philosophe et dans lequel on démontre qu'il faut mépriser les vanités du monde et s'attacher à la philosophie, il fut contrarié de ne pas rencontrer dans ce livre, qui l’attachait beaucoup, le nom de J.-C. qu'il avait sucé, pour ainsi dire, avec le lait de sa mère. Quant à celle-ci, elle pleurait beaucoup et s'efforçait de le ramener à l’unité de foi. Un jour, dit-il au III° livre de ses Confessions, elle se vit debout sur une règle en bois, fort affligée; quand vient à elle un jeune homme qui lui demanda la cause

 

* L'Hortensius, de Cicéron.

 

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d'une si grande tristesse. Quand elle lui eut répondu Je déplore la perte de mon fils »., le jeune homme répondit: « Consolez-vous, voyez, il est où vous êtes.» Et voici que tout à coup elle vit son fils à côté d'elle. Quand elle eut raconté sa vision à Augustin, celui-ci dit à sa mère : « Vous vous trompez, ma mère, vous vous trompez; on ne voies a pas dit cela ; mais on vous a dit que vous étiez où je suis. » «Non, s'écria-t-elle, non, car l’on ne  m’a pas dit: « Vous êtes où il est, mais  il est où vous êtes. » Cette mère pleine de zèle priait avec importunité, d'après les paroles de saint Augustin dans ses Confessions, un saint évêque de vouloir bien intercéder pour son fils. Et cet homme vaincu en quelque sorte par ses instances lui répondit ces paroles prophétiques: « Allez, soyez tranquille; car il est impossible qu'un fils ainsi pleuré périsse pour ton jours. » Après avoir enseigné pendant bien des années la rhétorique à Carthage, il vint à Rome, secrètement, sans en prévenir sa mère, et il y rassembla beaucoup de disciples. En effet sa mère l’ayant accompagné jusqu'au port pour le retenir ou pour aller avec lui, il la trompa et partit cette nuit-là même à la dérobée. Le matin quand elle s'en aperçut, elle fit retentir ses clameurs aux oreilles de Dieu. Or, chaque jour, le matin et le soir, elle allait à l’église et priait pour son fils. A cette époque, les habitants de Milon envoyèrent prier Symmaque, préfet de Rome, de leur envoyer un maître de rhétorique. C'était alors saint Ambroise, un homme de Dieu, qui était évêque de Milan; Augustin y fut envoyé. Mais sa mère, qui ne pouvait pas goûter de repos, vint le joindre après de grandes (499) difficultés; elle le trouva ni tout à fait manichéen, ni tout à fait catholique. Or, Augustin se prit à s'attacher à saint Ambroise, et à écouter souvent ses prédications. Le saint évêque balançait. beaucoup si dans ses discours il parlerait pour ou contre le manichéisme. Une fois pourtant Ambroise parla longtemps contre cette hérésie, de sorte que par les raisons et par les autorités avec lesquelles il la réfuta, cette erreur fut extirpée entièrement du coeur d'Augustin.

Il raconte ainsi au livre de ses Confessions ce qui lui arriva dans la suite: « A peine eus-je commencé à vous connaître, la faiblesse de ma vue fut éblouie par les flots de lumière que vous lançâtes alors sur moi: une horreur mêlée d'amour fit frémir mon âme, et je découvris que j'étais bien éloigné de vous, dans une région qui vous est étrangère, il me semblait entendre une voix qui me criait d'en haut : « Je suis la nourriture des forts; croissez et vous pourrez vous « nourrir de moi. Vous ne me changerez point, en votre propre substance, comme ces aliments dont votre chair se nourrit; mais ce sera vous qui serez changés en moi. » Or, comme il était bien aise de voir que le Sauveur est lui-même la voie véritable, mais qu'il lui répugnait encore de marcher dans ses étroits sentiers, le Seigneur lui inspira la pensée d'aller trouver Simplicien en qui brillait la lumière, c'est-à-dire la grâce divine, et de lui révéler toutes ses agitations, de sorte que le connaissant bien, il pût lui indiquer le moyen le plus propre à le faire entrer dans la voie de Dieu, où l’un marchait d'une façon et l’autre d'une autre. Il avait pris en aversion la vie qui se menait dans le (500) monde, quand il la comparait aux douceurs et à la beauté de la demeure céleste qu'il aimait. Alors Simplicien se mit à l’exhorter en lui disant : « Combien d'enfants et de jeunes filles qui servent Dieu dans le sein de son Eglise ! Et vous ne pourrez pas ce qu'ont pu ceux-ci et celles-là? L'ont-ils pu par eux. mêmes et non par le Seigneur leur Dieu ? Pourquoi compter sur vos propres forces? N'avoir que vous-même pour appui, c'est comme si vous n'en aviez point. Jetez-vous dans son sein, il vous recevra, il vous guérira. » Au milieu de ces entretiens, on vint à parler de Victorin ; alors Simplicien, enchanté, lui raconte comment ce vieillard n'étant encore que gentil, avait mérité, à cause de sa sagesse, qu'on lui dressât une statue à Rome, sur le forum ; chose extraordinaire pour ce temps-là ! et comment il ne cessait de se dire chrétien. Car comme Simplicien disait à Victorin : « Je n'en croirai rien, tant que je ne vous aurai pas vit dans l’église. » Mais lui se moquait de cette réponse, en disant: « Sont-ce donc les murailles qui font qu'un homme soit chrétien? » Enfin Victoria vint à l’église, et comme on lui donnait, en cachette, dans la crainte qu'il n'en 'rougît, le livre qui contenait le symbole de la foi afin de le lire tout haut, comme c'était alors la coutume, il monta alors sur l’estrade et en prononça à haute voix les paroles ; Rome eu était dans l’admiration et l’Eglise toute joyeuse. Sa présence avait soudainement excité un frémissement et dans un transport unanime suivi d'un profond, silence, chacun s'écria : «C'est Victorin ! c'est Victoria! »Saint Augustin reçut alors la visite d'un ami, nommé Pontitient, (501) qui venait d'Afrique; celui-ci lui raconta la vie et les miracles du grand Antoine qui menait de mourir eu Egypte sous l’empereur Constantin. Augustin embrasé fortement par les exemples de ces personnages et en proie à une agitation intérieure que trahissait l’expression de son visage, se tourna vers Alype, son compagnon, et s'écria avec force : « Qu'attendons-nous? Qu'avez-vous entendu? Voici des ignorants qui s'empressent de ravir le ciel, et nous, avec notre science, nous nous précipitons dans l’enfer! Rougirions-nous de marcher après eux, parce qu'ils ont pris le devant, au lieu de, rougir de n'avoir pas même le courage de les suivre ? » Alors il alla dans un jardin s'étendre sous un figuier; c'est encore lui qui le rapporte dans ses Confessions ; et là, en versant des larmes amères, il poussait ces cris lamentables. « Jusqu'à quand? Jusqu'à quand? Demain et toujours demain? Tout à l’heure; encore un instant. » Mais cet instant n'avait point de terme et ce court répit se prolongeait indéfiniment. Il se plaignait beaucoup de cette lenteur qui l’engourdissait, selon ce qu'il en dit plus tard dans le même ouvrage: « O faiblesse de mon intelligence ! que vous êtes élevé, Seigneur, dans les choses les plus élevées! Que vous pénétrez profondément les plus profondes ! Jamais vous ne vous éloignez de nous, et cependant nous avons tant de peine à retourner à vous. Agissez en nous, Seigneur, mettez-vous à l’œuvre, réveillez-nous et rappelez-nous ; enflammez-nous et entraînez-nous; embrasez-nous, pénétrez-nous de vos douceurs. » J'appréhendais de me voir libre de toutes les entraves du monde autant qu'il (502) faudrait craindre de s'y voir engagé. J'ai commencé bien tard à vous aimer, ô beauté toujours ancienne et toujours nouvelle ! J'ai commencé bien tard à vous aimer! vous étiez au-dedans de moi; mais j'étais hors de moi; et c'était là que je vous cherchais: quand j'étais moi-même si difforme à vos yeux; je brûlais pour ces beautés qui sont l’ouvrage de vos mains. Vous étiez avec moi et je n'étais pas avec vous. Vous  m’avez appelé, vous avez crié et vous avez ouvert mes oreilles sourdes jusqu'alors. Vous avez frappé mon âme de vos éclairs ; vous avez lancé vos rayons sur elle et mes yeux aveuglés se sont ouverts. Vous  m’avez fait sentir l’odeur de vos parfums et je respire, je soupire pour vous. Vous  m’avez touché, et mon ardeur s'est enflammée pour jouir de votre paix. » Et comme il versait des larmes amères, il entendit une voix qui lui dit: « Prenez et lisez; prenez et lisez. » Et il se hâta d'ouvrir le livre de l’apôtre, et il lut le chapitre sur lequel ses yeux se portèrent d'abord: « Revêtez-vous de Notre-Seigneur J.-C. », et à l’instant furent dissipées les ténèbres où ses doutes l’avaient plongé. Sur ces entrefaites, il fut tourmenté d'un très violent mal de dents, en, sorte qu'il en serait presque venu à .croire, c'est lui qui le dit, à l’opinion du philosophe Cornélius, qui faisait consister le souverain bien de l’âme dans la sagesse et le souverain bien du corps dans l’absence entière du sentiment de la douleur. Or, cette douleur fut si violente qu'il en perdit la parole. Ce fut alors, ainsi qu'il le rapporte dans ses Confessions, qu'il écrivit sur des tablettes de cire que tous ses amis priassent pour lui, afin que le Seigneur le guérit. Il se (503) mit lui-même à genoux avec les autres, et à l’instant il se sentit guéri. Il écrivit donc au saint pontife Ambroise pour lui confier ses intentions, en le priant de lui indiquer ce qu'il devait lire, de préférence, dans les Livres saints, pour le rendre plus digne de la foi catholique. L'évêque recommanda la lecture du prophète Isaïe, qui lui paraissait avoir prédit le plus clairement l’Evangile et la vocation des gentils. Mais Augustin n'en comprenant pas le commencement et pensant qu'il était partout obscur, l’abandonna, en se réservant d'y revenir lorsque les saintes Ecritures lui seraient devenues plus familières. Or, quand l’époque de Pâques fut arrivée, Augustin, parvenu à l’âge de trente ans, reçut, avec Alype, son ami, le saint baptême ainsi que son fils Adéodat, enfant plein d'esprit, qu'il avait eu dans sa jeunesse, alors qu'il était encore païen et philosophe. Il devait ce bonheur aux mérites de sa  mère et à la prédication de saint Ambroise, Alors, diton, saint Ambroise s'écria : Te Deum laudamus ! et Augustin répondit: Te Dominum confitemur. Et ce fut . ainsi que tous les deux composèrent, en se répondant alternativement, cette hymne qu'ils chantèrent en entier jusqu'à la fin. C'est ce qu'atteste encore Honorius (d'Autun), Patrol. lat., 172, dans son livre intitulé Miroir de l’Eglise. Cependant dans quelques livrés anciens, le Te Deum est intitulé ainsi: « Cantique compilé par saint Ambroise et saint Augustin. » Tout aussitôt après, Augustin fut affermi merveilleusement dans la foi catholique ; il abandonna toutes les espérances qu'il pouvait attendre du monde et renonça à donner des leçons dans les écoles. Il raconte lui-même dans (504) ses Confessions l’abondance des douceurs que lui faisait éprouver l’amour divin : « Vous aviez, dit-il, Seigneur, percé mon coeur des traits de votre amour et je portais vos paroles comme fixées au fond de mes entrailles; les exemples de vos serviteurs qui étaient passés, par votre secours, des ténèbres à la lumière et de la mort à la vie, se pressaient en foule dans mon esprit pour enflammer mon ardeur et dissiper ma languissante apathie. Je sortais de cette vallée de larmes et je chantais le cantique des degrés *, blessé des flèches aiguës et des charbons ardents qui venaient de vous. Je trouvais une douceur infinie, dans ces premiers jours, à considérer la profondeur de vos desseins sur le salut des hommes. Combien de larmes je versai en prêtant l’oreille à ce mélodieux concert dés, hymnes et des cantiques qui retentissaient dans vôtre église! Pendant que mes oreilles cédaient au, charme de ces paroles, votre vérité se glissait par elles dans mon cœur : mes larmes coulaient par torrents, et c'était un bien pour moi de les répandre. Ce fut alors en effet qu'on établit le chant des cantiques dans l’église de Milan. Je  m’écriais du fond de mon coeur : Oh ! ce sera dans la paix ! oh! ce sera dans son sein (ah

quelles paroles !) que je dormirai, que je me reposerai, que je prendrai mon sommeil! car vous êtes bien cet être qui ne change point: en vous je trouve le repos qui fait oublier toutes les. peines: Je lisais ce psaume en entier ** et je brûlais, moi qui tout à l’heure n'étais

 

* C'est-à-dire le psaume CXIX, Ad te levavi.

** Le psaume IV, Cum invocarem, exaudivit me Deus.

 

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qu'un ennemi acharné, un aveugle et furieux détracteur de ces Ecritures qui distillent un miel céleste et brillent de tout l’éclat de votre lumière: je séchais de douleur en pensant aux ennemis de ce divin Livre. O Jésus, mon appui! Que soudain il me parut doux: de renoncer aux douceurs des vains amusements ! Ce que j'avais tant redouté de perdre; je le quittai avec joie. Car vous les chassiez loin de moi ces douceurs; vous, la véritable et la souveraine douceur; vous les chassiez pour prendre leur place, vous qui êtes plus suave que toutes les voluptés, mais d'une suavité inconnue de la chair et du sang; qui êtes plus brillant que toute lumière, mais plus caché que ne l’est aucun secret; qui êtes plus élevé que toutes les dignités, mais non aux yeux de ceux qui s'élèvent eux-mêmes. »

Après quoi, il se prépara à revenir en Afrique avec Nébrode, Evode et sa mère. Mais arrivés à Ostie, sa pieuse mère mourut. Alors Augustin revint dans ses propriétés, où se livrant; avec ceux qui lui étaient. attachés, aux jeûnes et à la prière, il écrivait des livres et instruisait les ignorants. Sa réputation se répandait partout : on le trouvait admirable dans tous ses écrits et dans ses actions. Il avait soin de ne point aller dans les villes où les sièges étaient vacants, de peur qu'il ne fût exposé aux embarras de l’épiscopat. Il y avait dans le même temps à Hippone un homme jouissant d'une grande fortune qui envoya dire à saint Augustin que, s'il venait le trouver et le faire jouir de son entretien, il pourrait bien renoncer au monde. A cette nouvelle, Augustin se hâta de venir. Alors Valère, évêque d'Hippone, informé de sa (506) réputation, l’ordonna prêtre de son église, malgré toutes ses résistances. Quelques-uns attribuaient ses larmes à son orgueil, et lui disaient, pour le consoler, que le poste qu'il occupait comme prêtre, bien qu'inférieur à son mérite, était un acheminement vers l’épiscopat. Aussitôt Augustin établit un monastère de clercs, dans lequel il commença à vivre selon la règle instituée par les saints apôtres, et d'où il sortit au moins dix évêques. Or, comme l’évêque Valère était grec de naissance et peu versé dans les lettres et dans la langue latine, il donna à Augustin le pouvoir de prêcher en sa présence dans l’église, ce qui était contre les usages de l’Orient: mais comme beaucoup d'évêques ne lés suivaient pas en ce point, il né s'en inquiéta pas, pourvu que le bien qu'il ne pouvait opérer se fit par un autre que soi. Dans le même temps, il convainquit, gagna et réfuta Fortunat, prêtre manichéen et d'autres hérétiques, principalement les rebaptiseurs, les donatistes et les manichéens. Alors Valère commença à craindre qu'on ne lui enlevât Augustin et que quelque autre ville ne le demandât pour évêque. Et on aurait bien pu le lui ravir, s'il n'eût pris garde de l’envoyer dans un lieu retiré, de manière qu'on ne put le trouver. Il demanda donc à l’archevêque de Carthage la permission de se démettre en faveur d'Augustin qui serait promu à l’évêché d'Hippone. Mais Augustin s'opposa de toutes ses forces à ce projet : enfin, pressé- et poussé, il fut obligé de céder, et il se chargea du fardeau de l’épiscopat. Dans la suite; il dit et il écrivit qu'on n'aurait pas dû l’ordonner évêque du vivant de celui qu'il remplaçait. Il sut plus tard que (507) cela était défendu par un concile général; aussi ne voulait-il pas faire pour d'autres ce qu'il regrettait qu'on eût fait pour lui. Et il donna tous ses soins à ce que dans les conciles des évêques il fût statué que ceux qui conféraient les ordres intimassent toutes les ordonnances des Pères à ceux qui devaient être ordonnés. On lit qu'il dit plus tard en parlant de lui-même : « Je n'ai jamais mieux reconnu que Dieu fût irrité contre moi, que quand j'ai été placé au gouvernail de l’église, alors que je n'étais pas digne d'être mis au nombre des rameurs. » Ses vêtements, sa chaussure et ses autres ornements n'étaient ni trop brillants ni trop négligés, toutefois ils étaient simples et convenables. On lit en effet qu'il dit de soi : « Je l’avoue, je rougis d'avoir un habit précieux; c'est pour cela que quand on  m’en donne un, je le vends, afin de pouvoir au moins en partager le produit, puisque je ne puis partager l’habit. » Sa table était servie frugalement et simplement, et avec les herbes et les légumes, il y avait le plus souvent de la viande pour les infirmes et les hôtes. Pendant les repas, il goûtait plus la lecture ou la discussion que les mets eux-mêmes et il avait fait graver dans sa salle ce distique contre le poison de la médisance:

 

Quisquis amat dictis absentûm rodere vitam,

Hanc mensam indignam noverit esse sibi *.

 

Aussi il arriva une fois que quelques-uns de ses collègues dans l’épiscopat avec lesquels il vivait dans

 

* O vous qui des absents déchirez la conduite,

Sachez qu'aux détracteurs ma table est interdite.

 

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la familiarité, s'étant permis de médire, il les reprit durement, et dit que s'ils ne cessaient, ou bien il effacerait ces vers ou bien il allait quitter la table. Ayant invité un jour quelques intimes à un repas, l’un d'eux, plus curieux que les autres, entra dans la cuisine, où, ayant trouvé tout refroidi, il demanda à son retour à saint Augustin quels mets le père de famille avait commandé de servir. Augustin, qui ne s'occupait pas de choses pareilles, lui répondit: « Et je ne le sais pas plus que vous. »

Il disait avoir appris trois choses de saint Ambroise: la première de ne demander jamais de femme pour quelqu'un; la seconde, de ne jamais exciter personne qui voulût s'engager dans l’état militaire, à suivre ce parti ; et la troisième, de n'accepter aucune invitation pour un repas. Quant à la première, c'était dans la crainte que les époux ne se convinssent pas et se querellassent ; quant à la seconde, c'était de peur que. si les militaires se livraient à la calomnie, cela ne lui fût reproché ; enfin, quant à la troisième, c'était pour ne point dépasser les bornes de la tempérance. Telle fut sa pureté et son humilité, que même les péchés les plus légers, qui parmi nous sont réputés nuls ou minimes, il les avoue dans le livre des Confessions et s'en accuse en toute humilité devant Dieu: car il s'y accuse qu'étant enfant, il jouait à la paume, au lieu d'aller à l’école. Il s'accuse encore de, ne vouloir ni lire, ni, s'appliquer, si son maître ou ses parents ne l’y forçaient; de ce qu'étant enfant, il lisait volontiers les fables des poètes, comme celle d'Enée, et qu'il pleurait sur Didon se tuant par amour; de dérober sur la (509) table ou dans le cellier quelque chose qu'il pût donner aux enfants, ses compagnons de jeu; de les avoir trompés quelquefois au jeu. Il s'accuse aussi d'avoir volé, à l’âge de seize ans, des poires sur l’arbre de son voisin.

Dans ce même livre de ses Confessions, il s'accuse d'une légère délectation qu'il éprouvait quelquefois en mangeant: «Vous  m’avez appris, dit-il, Seigneur, à ne considérer les aliments que comme un remède, et c'est dans cet esprit que je  m’efforce de satisfaire à ce besoin. Mais lorsque je passe de la douleur que me cause la faim à cet état de quiétude qui s'empare de moi quand elle est apaisée, alors la concupiscence me tend des pièges. Cette transition est vraiment une volupté, et il n'est pas d'autre voie pour satisfaire à cette nécessité à laquelle nous sommes réduits.

« En effet le boire et le manger étant nécessaires à la conservation de notre existence, un certain plaisir s'est attaché à cette nécessité comme une compagne inséparable : mais bien souvent elle s'efforce de prendre les devants, pour  m’obliger à faire pour elle-même ce que je dois et ne veux faire seulement que pour ma santé. Pour les excès du vin, j'en suis bien éloigné, et j'espère que vous me ferez la race de n'y tomber jamais. Après les repas, un  certain engourdissement peut s'emparer de quelqu'un des vôtres, vous me ferez la grâce d'en être préservé. Quel est donc l’homme, ô mon Dieu, qui n'est pas quelquefois entraîné au delà des bornes que lui prescrit la nécessité? Oh ! celui-là est grand ; qu'il glorifie votre nom. Mais ce n'est pas (510)  moi qui suis un malheureux pécheur! » Il ne se croyait pas exempt de fautes par rapport à l’odorat et il disait: « Quant aux plaisirs qu'excitent en nous les odeurs, je  m’en inquiète peu: je ne les recherche pas quand elles me manquent ; quand elles viennent à moi, je ne les repousse pas, toujours disposé à  m’en priver pour toujours. C'est du moins, si je ne me trompe, ce que je crois ressentir : car nul ne doit être dans une sécurité complète dans cette vie qu'à juste titre on peut appeler une tentation continuelle, puisque celui qui de méchant est devenu bon, ne sait pas si de bon il ne deviendra pas plus méchant. » Voici ce qu'il dit touchant le sens de l’ouïe: « Les plaisirs de l’ouïe avaient pour moi, je l’avoue, plus de charmes et plus d'attraits; mais vous avez rompu ces liens et  m’en avez affranchi. S'il  m’arrive d'être plus ému par la mélodie que par les paroles que l’on chante, alors je reconnais avoir péché et je préférerais ne point entendre chanter en cette occasion. »

Il s'accuse encore des péchés de la vue, comme quand il dit qu'il aimait trop volontiers à voir un chien courir, qu'il prenait plaisir à regarder la chassé, quand il lui arrivait de passer dans la campagne, qu'il examina avec trop d'attention des araignées enveloppant des mouches dans leurs toiles, alors qu'il était chez lui. Il s'accuse de cela devant Dieu comme de choses qui distraient dans es bonnes méditations et qui troublent les prières. Il s'accuse aussi de désirer les louanges et d'être entraîné par la vaine gloire : « Celui, dit-il, Seigneur, qui ambitionne les louanges des hommes, alors qu'il s'attire votre blâme, (511) ne sera point défendu par les hommes lorsque vous le jugerez, ni délivré par eux; lorsque vous le condamnerez.

Un homme que l’on félicite de quelque bienfait qu'il a reçu de votre main; se complaît plus dans les louanges qu'on lui donne, que dans la grâce qui les lui a méritées. Nous sommes tous les jours exposés sans relâche à ces sortes de tentation, et la langue de l’homme est une fournaise où nous sommes mis journellement à l’épreuve. Néanmoins je ne voudrais pas que le bon témoignage des autres n'ajoutât rien à la satisfaction que j'éprouve du bien qui peut être en moi; mais il faut l’avouer non seulement ce bon témoignage l’augmente, mais le brame la diminue. Je suis contristé des éloges que l’on me prodigue, soit qu'ils se rapportent à des choses que je suis fâché. de trouver en moi, soit que l’on y estime de petites qualités plus qu'elles ne le méritent. »

Ce saint homme réfutait les hérétiques avec une si grande énergie, qu'ils disaient entre eux publiquement que ce n'était pas pécher de tuer Augustin qu'ils regardaient comme un loup à égorger ; et ils affirmaient aux assassins que Dieu leur pardonnerait alors tous leurs péchés.

Il eut à subir grand nombre d'embûches de leur part quand il avait besoin de voyager; mais la providence de Dieu permettait. qu'ils se trompassent de chemin et qu'ils ne le rencontrassent point. Pauvre lui-même, il se souvenait toujours des pauvres, et il leur donnait libéralement de tout ce qu'il pouvait avoir : car il en vint jusqu'à faire briser et fondre les vases (512) sacrés afin d'en donner la valeur aux pauvres, aux captifs et aux indigents. Il ne voulut jamais acheter ni champ, ni maison à la ville ou à la campagne. Il refusa grand nombre d'héritages qui lui avaient été légués, par la raison que cela devait appartenir de préférence aux enfants ou aux parents des défunts. Quant aux biens de l’Eglise, il n'y était pas attaché: ils ne lui donnaient aucun tracas; mais le jour et la nuit, il méditait les Saintes Ecritures et les choses de Dieu. Jamais il ne s'occupait de nouvelles constitutions qui auraient pu lui embarrasser l’esprit que toujours il voulait conserver exempt de tout tracas extérieur, afin de pouvoir se livrer avec liberté à des méditations continuelles et à des. lectures assidues. Ce n'est pas qu'il empêchât quelqu'un de bâtir, à moins qu'il ne s'aperçût qu'on le fît sans mesure. Il louait aussi beaucoup ceux qui avaient le désir de la mort, et il rapportait fort souvent à ce sujet les exemples de trois évêques. C'était saint Ambroise qui, au lit de la mort, répondit à ceux qui lui demandaient d'obtenir pour soi, par ses prières, un prolongement de vie : «Je n'ai pas vécu de manière à rougir de vivre parmi vous, et je ne crains pas de mourir, puisque nous avons un bon maître. » Réponse que saint Augustin vantait extraordinairement. Il citait encore l’exemple d'un autre évêque auquel on disait qu'il était fort nécessaire à l’Eglise, et que cette raison ferait que Dieu le délivrerait encore, et qui répondit: « Si je ne devais jamais mourir, ce serait bien; mais si je dois mourir un jour, pourquoi pas maintenant ? » Il rapportait encore ce que saint Cyprien racontait d'un autre évêque qui, souffrant beaucoup, demandait le (513) rétablissement de sa santé. Un jeune homme d'une grande beauté lui apparut alors et lui dit avec un mouvement d'indignation: « Vous craignez de souffrir, vous ne voulez pas mourir, que vous ferai-je? » Il ne laissa demeurer avec lui aucune femme, pas même sa soeur Germaine, ni les filles de son frère qui s'étaient vouées ensemble au service de Dieu. Il disait que, quand bien même on n'aurait aucun soupçon mauvais par rapport à sa soeur et à ses nièces, cependant parce que ces personnes auraient besoin des services d'autres femmes, qui viendraient chez elles, avec d'autres, ce pourrait être un sujet de tentation pour les faibles, ou certainement une source de mauvais soupçons pour les méchants. Jamais il ne voulait parler seul à seule avec une femme, à moins qu'il ne se fût agi d'un secret. Il fit du bien à ses parents, non pas en leur procurant des richesses, mais en les empêchant, d'être dans l’a gêne ou bien dans l’abondance. Il était rare qu'il s'entremît en faveur de quelqu'un par lettres ou par paroles, imitant en cela la conduite d'un philosophe qui par amour de sa réputation ne rendit pas de grands services à ses amis, et qui répétait souvent : « Presque toujours, pouvoir qu'on demande, pèse. » Mais quand il le faisait, il mesurait son style de manière à ne pas être importun, mais à mériter d'être exaucé en faveur de la politesse de sa demande.

Il préférait avoir à juger les procès de ceux qui lui étaient inconnus, plutôt que ceux de ses amis; et il disait que parmi les premiers il pouvait distinguer le coupable, sans avoir rien à craindre, et que de l’un d'eux il s'en ferait un ami, mais qu'entre ses amis, il (514)  en perdrait certainement un, savoir celui contre lequel il prononcerait sa sentence. Beaucoup d'églises l’invitèrent ; il y prêchait la parole de Dieu et opérait des conversions. Quelquefois, dans ses prédications, il sortait du cadre qu'il s'était tracé; alors il disait que cela entrait dans le plan de Dieu pour le salut de quelqu'un. Ce qui fut évident, par rapport à un homme d'affaires des manichéens, qui se convertit en assistant a une prédication où saint Augustin fit une digression contre cette hérésie. En ce temps-la mes Goths s'étaient emparés de Rome; alors les idolâtres et les infidèles insultaient beaucoup les chrétiens; à cette occasion, saint Augustin composa son livre de la Cité de Dieu, pour démontrer qu'ici-bas les justes doivent souffrir et les impies prospérer. Il y traite des deux cités, celle de Jérusalem et celle de Babylone- et de leurs rois, parce que le roi de Jérusalem, c'est J.-C., et le roi de Babylone, c'est le diable. « Deux amours, dit-il, ont bâti ces deux cités, l’amour de soi, allant jusqu'au mépris de Dieu, a bâti la cité du' diable, et l’amour de Dieu, allant jusqu'au mépris de soi, la cité de Dieu. » Pendant qu'Augustin vivait encore, vers l’an du Seigneur 440, les Vandales s'emparèrent de toute la province d'Afrique, ravageant tout, et n'épargnant ni le sexe, ni le rang, ni l’âge. Quand ils arrivèrent devant la ville d'Hippone, ils l’assiégèrent vigoureusement. Au milieu de cette- tribulation, saint Augustin, plus que personne, passa les . dernières années de sa vie dans l’amertume et la tristesse. Ses larmes lui servaient de pain le jour et la nuit, en voyant ceux-ci tués, ceux-là forcés de fuir, les églises veuves de leurs prêtres, et les villes détruites et  sans habitants: Au milieu de tant de maux, il se consolait par cet adage d'un sage, qui disait. Celui-là n'est pas: nu grand homme qui regarde comme chose extraordinaire que les arbres tombent, que les pierres s'écroulent et que les mortels meurent. » Mais il rassembla ses frères et leur dit : « Oui, j'ai prié Dieu afin qu'il nous délivre de ces périls, ou qu'il nous accorde la patience, ou bien qu'il  m’enlève de cette vie pour n'être point forcé devoir tant de calamités. » Il n'obtint que la troisième demande, car après trois mois de siège, en février, la fièvre le prit, et il se mit au lit. Comprenant que sa fin approchait, il se fit écrire les sept Psaumes de la pénitence qu'il commanda,d'attacher à la muraille, à côté de son lit., d'où il les lisait, en versant sans cesse des larmes abondantes; et afin de ne penser qu'à Dieu et de n'être gêné par personne,: dix jours avant sa mort, il défendit de laisser entrer qui que ce fût dans sa. chambre, si ce n'est le médecins ou bien celui qui lui apportait quelque nourriture. Or, un malade vint le trouver, et le pria instamment de lui imposer les mains et de le guérir. Augustin lui répondit : « Que dis-tu là, mon fils ? Penses-tu que si je pouvais faire chose pareille; je ne me l’accorderais pas pour moi? » Mais le malade insistait, et lui assurait que dans une vision qu'il avait eue, il lui avait été ordonné de venir le trouver, et qu'il serait guéri. Alors Augustin, voyant sa foi, pria pour lui et il fut guéri. Il délivra beaucoup d'énergumènes et fit plusieurs autres miracles. Au livre XXII de la Cité de Dieu, il rapporte, comme ayant été opérés par un (516) autre, deux miracles qu'il fit. « A ma connaissance, dit-il, une jeune personne d'Hippone, ayant répandu sur elle une huile où le prêtre qui priait pour elle avait mêlé ses larmes, fut délivrée du démon. » Il dit encore au même endroit : « Il est aussi à ma connaissance que le démon quitta soudain un jeune possédé; un évêque avait prié pour ce jeune homme sans le voir. » Il n'y a aucun doute qu'il ne parle de lui-même, mais par humilité, il n'a pas voulu se  nommer. Il rapporte, dans ce même ouvrage, qu'un malade devait être taillé, et on craignait beaucoup qu'il ne mourait de cette opération. Le malade pria Dieu avec abondance de larmes; Augustin pria avec lui et pour lui, et sans aucune incision, il reçut une guérison parfaite. Enfin, à l’approche de son trépas, il laissa cet enseignement mémorable, savoir que l’homme, quelque excellent qu'il soit, ne doit pas mourir sans confession, et sans recevoir l’Eucharistie. Quand ses derniers instants furent arrivés, jouissant de toutes ses facultés, la vue et l’ouïe encore saines, à l’âge de 77 ans, et de son épiscopat la 40e, en présence de ses frères rassemblés et priant, il passa au Seigneur. Il ne fit aucun testament, parce que ce pauvre de J.-C. ne laissait rien qu'il prît léguer. Il vivait vers l’an du Seigneur 400.

Augustin, cet astre éclatant de sagesse, cette forteresse de la vérité, ce rempart de la foi, l’emporta sans comparaison sur tous les docteurs de l’Eglise, aussi bien par son génie que par sa science : Il fut aussi illustre par ses vertus que par sa doctrine: C'est ce qui fait que le bienheureux Remi, en parlant de saint (517) Jérôme et de quelques autres docteurs, conclut ainsi « Saint Augustin les surpassa tous par le génie et par la science. Car bien que saint Jérôme avoue avoir lu les 6000 ouvrages d'Origène, cependant saint Augustin en a tant écrit, que non seulement, personne, y passât-il ses jours et ses nuits, ne saurait transcrire ses livrés, mais qu'il ne s'en rencontre pas même un, qui les ait lus en entier. » Volusien, auquel saint Augustin adressa une lettre, parle ainsi : « Cela ne se trouve pas dans la loi de Dieu si saint Augustin l’ignore.» Saint Jérôme dit dans une lettre écrite par lui à saint Augustin : « Je n'ai encore pu répondre à vos deux opuscules si pleins d'érudition et d'une éloquence si brillante ; certes, tout ce qu'on peut dire, tout ce à quoi peut atteindre le génie, et tout ce qu'on saurait puiser dans les saintes Ecritures, vous l’avez traité, vous l’avez épuisé : mais je prie Votre Révérence de me permettre de donner à votre génie les éloges qu'il mérite. » Dans son ouvrage des Douze Docteurs, saint Jérôme écrit ces mots sur saint Augustin : « Saint Augustin, évêque, est comme l’aigle qui plane sur le sommet des montagnes : Il ne s'occupe pas de ce qui se trouve au bas, mais il traite avec clarté de ce qu'il y a de plus élevé dans les cieux; il embrasse d'un coup d'œil la terre avec les eaux qui l’entourent. » On peut juger du respect et de l’amour qu'éprouvait saint Jérôme pour saint Augustin par les lettres que celui-ci lui adressa. Il s'exprime ainsi dans l’une d'elles « Jérôme, au saint et très heureux seigneur pape, salut. En tout temps, j'ai eu le plus profond respect pour votre béatitude, et j'ai chéri  J.-C. notre Sauveur (518) qui habite en vous; mais aujourd'hui je veux, s'il est possible, ajouter quelque chose encore et mettre le comble à ma pensée; c'est que je ne me permets pas de passer même une heure sans avoir votre nom, présent à mon esprit. » Dans une autre lettre qu'il lui envoie : « Tant s'en faut, dit-il, que j'ose toucher à quoi que ce soit des ouvrages de votre béatitude; j'ai déjà assez de corriger les miens, sans porter la main sur ceux des autres. » Saint Grégoire s'exprime ainsi dans une lettre écrite à Innocentius, préfet d'Afrique

« Nous nous réjouissons du désir que vous manifestez de recevoir de nous l’exposition sur Job. Mais si vous souhaitez vous rassasier de quelque nourriture délicieuse, lisez les opuscules de saint Augustin, votre compatriote ; vous trouverez que c'est, en comparaison de notre livre, de la fleur de farine à côté de quelque chose de fort inférieur venant de nous. » Voici ce qu'il écrit dans son Registre : « On lit que saint Augustin ne consentit pas même à habiter avec sa, soeur; car, disait-il, elles qui sont avec ma, soeur ne sont pas mes soeurs. La précaution excessive de ce grand docteur doit nous servir de leçon. On lit dans la Préface Ambroisienne : « Nous adorons, Seigneur, votre magnificence au jour de la mort de saint Augustin : car votre force, qui opère dans tous, a fait que cet homme embrasé de votre esprit, ne se laissa pas vaincre par les promesses des attraits fallacieux vous l’aviez en effet rempli de tout genre de piété, en sorte qu'il vous était tout à la fois, l’autel, le sacrifice, le prêtre et le temple. » Saint Prosper dans son Traité de la vie contemplative (Julien Pomère, l. III), (519) parle ainsi. de saint Augustin: « Il avait un génie pénétrant, une éloquence suave; un grand fonds de littérature classique ; il avait scruté les matières ecclésiastiques ; il était clair dans ses discussions de tous les jours, grave dans son maintien, habile à résoudre une question, attentif à réfuter les hérétiques, catholique dans l’exposition du dogme, sûr dans l’explication des écritures canoniques. » Saint Bernard dit de son côté : « Augustin, c'est le fléau le plus redoutable des hérétiques. »

Après sa mort, les barbares ayant fait invasion dans le pays, ils profanèrent les lieux saints ; alors les fidèles prirent le corps de saint Augustin et le transportèrent en Sardaigne. 280 ans s'étant écoulés depuis sa mort, vers l’année du Seigneur 718, Luitprand, pieux roi des Lombards, apprenant que la Sardaigne avait été dépeuplée par les Sarrasins, fit partir des messagers pour faire rapporter à Pavie les reliques du saint docteur *. Au prix d'une somme considérable, ils obtinrent le corps de saint Augustin et le transportèrent jusqu'à Gênes. Le saint roi l’ayant appris, il se fit un bonheur de venir à sa rencontre et de le recevoir. Mais le lendemain matin, quand on voulut reprendre le corps, on ne put le lever de l’endroit qu'il occupait, jusqu'au moment où le roi fit voeu que si le saint se laissait emmener, il ferait bâtir, au même lieu,. une église qui serait dédiée en son nom. Aussitôt on put prendre le corps sans difficulté.

 

* Vincent de Beauvais., Hist., l, XXIII, c. CXLVIII ; — Sigebert, an 721.

 

520

 

Le roi tint sa promesse et fit construire à Gènes une église en l’honneur de saint Augustin: Pareil miracle arriva le lendemain dans une villa du diocèse de Tortone, nommée Casal, où l’on construisit encore une église en l’honneur de saint. Augustin. De plus, Luitpraud concéda cette même villa avec toutes ses dépendances, pour être possédée à perpétuité par ceux qui desserviraient l’église. Or, comme le roi voyait qu'il plaisait au saint qu'on lui élevât une église partout où il s'arrêtait, dans la crainte qu'il ne se choisît un autre lieu que celui où il voulait le mettre, partout où on passait la nuit avec le saint corps, il fondait une église en son honneur. Ce fut ainsi qu'on arriva à Pavie dans des transports de joie, et que l’on plaça les saints restes avec de grands honneurs dans l’église de saint Pierre, appelée au Ciel d'or. — Un meunier, qui avait une dévotion toute spéciale à saint Augustin, souffrait à la jambe d'une tumeur nommée phlegma salsum, et il invoquait pieusement saint Augustin à son secours. Le saint, dans une vision, lui toucha la jambe et le guérit. A son réveil, se trouvant délivré, il rendit grâces à Dieu et à saint Augustin. — Un enfant avait la pierre et de l’avis des médecins, il fallait le tailler. La mère qui craignait que l’enfant ne mourût, s'adressa dévotement à saint Augustin pour qu'il secourût son fils. Elle n'eut pas plutôt fini sa prière que l’enfant rendit la pierre en urinant et recouvra une parfaite santé.

Dans un monastère, appelé Elémosina, un moine, la veille de la fête de saint Augustin, fut ravi en extase et vit une nuée lumineuse descendant du ciel, et sur (521) cette nuée saint Augustin assis revêtu de ses habits pontificaux. Ses yeux étaient comme deux rayons de soleil illuminant toute l’église qui était remplie d'une odeur très suave. — Saint Bernard étant à Matines s'assommeilla un peu, et pendant qu'on chantait une leçon de saint Augustin, il vit un jeune homme très beau gui se tenait debout, et de la bouche duquel sortait une si grande abondance d'eau que toute l’église, paraissait devoir en être remplie. Saint Bernard ne fit pas difficulté de penser que c'était saint Augustin qui a fait couler dans l’Eglise entière des fontaines de doctrine. — Un homme, qui aimait singulièrement saint Augustin, donna beaucoup d'argent à un moine, gardien du saint corps, pour avoir un doigt d'Augustin. Le moine reçut bien l’argent, mais, à la place' du doigt de saint Augustin, il lui donna le doigt d'un mort qu'il enveloppa dans de la soie. L'homme le reçut avec respect et lui adressait sans cesse ses hommages avec grande dévotion, le pressant sur sa bouche, sur ses yeux et le suspendant à sa poitrine. Dieu, qui voyait sa foi, lui donna d'une manière aussi miraculeuse que miséricordieuse un doigt de saint Augustin ; l’autre avait disparu. Cet homme étant rentré dans sa patrie, il s'y fit beaucoup de miracles et le bruit en alla jusqu'à Pavie. Mais comme,le moine assurait que c'était le doigt d'un mort, on ouvrit le sépulcre et on trouva, qu'il manquait un des doigts du saint. L'abbé, qui sur le fait, déposa le moine de son office et le punit sévèrement. — En Bourgogne*, dans un monastère nommé.

 

* Herbert, De miraculis, l. III, c. XXXVIII ; — Opp. de saint Bernard.

 

522

 

Fontaines, vivait un moine appelé Hugues, très dévot à saint Augustin, dont il lisait les ouvrages avec bonheur. Il le priait souvent de ne pas permettre qu'il trépassât de ce monde un autre jour que celui où l’on solennisait sa fête. Quinze jours auparavant, la fièvre le saisit si violemment que la veille de la fête on le posa par terre dans l’église comme un mourant. Et voici que plusieurs personnages beaux et brillants, en aubes, entrèrent processionnellement dans l’église dudit monastère : à leur suite venait un personnage vénérable revêtu d'habits pontificaux. Un moine qui était alors dans l’église fut saisi à cette vue; il demanda qui ils étaient et où ils allaient. L'un d'eux lui répondit que c'était saint Augustin avec ses chanoines qui venait assister à la mort de ce moine qui lui était dévot afin de porter son âme au royaume de la gloire. Ensuite cette noble procession entra dans l’infirmerie, et après y être restée quelque temps, la sainte âme du moine fut délivrée des liens de la chair. Son doux ami le fortifia contre les embûches des ennemis et l’introduisit dans la joie du ciel. — On lit encore que, de son, vivant, saint Augustin, étant occupé à lire, vit passer devant lui le démon portant un livre sur ses épaules. Aussitôt le saint l’adjura de lui ouvrir ce livre pour voir ce qu'il contenait. Le démon lui répartit que c'étaient les péchés des hommes qui s'y trouvaient écrits, péchés qu'il avait recueillis de tous côtés et qu'il y avait couchés. Et à l’instant saint Augustin lui commanda que, s'il se trouvait porté quelqu'un de ses péchés, il le lui donnât à lire de suite. Le livre fut ouvert et saint Augustin n'y trouva rien d'écrit, si ce n'est qu'une (523) fois, il avait oublié de réciter complies. Il commanda au diable d'attendre son retour; il entra alors dans l’église, récita les complies avec dévotion et après avoir fait ses prières accoutumées, il revint et dit au démon de lui montrer encore une fois l’endroit qu'il voulait relire. Le diable, qui retournait toutes les feuilles avec rapidité, finit par trouver la page, mais elle était blanche: alors il dit tout en colère : « Tu  m’as honteusement déçu; je me repens de t'avoir montré mon livre, puisque tu as effacé ton péché par la vertu de tes prières. » Ayant parlé ainsi, il disparut tout plein de confusion.

Une femme avait à souffrir les injures de quelques personnes pleines de malice : elle vint trouver saint Augustin pour lui demander conseil. L'ayant trouvé qui étudiait, et l’ayant salué avec respect, il ne la regarda;ni ne lui répondit pointa, Elle pensa que peut-être c'était par une sainteté extrême qu'il ne voulait pas jeter les regards sur une femme : cependant elle s'approcha et lui exposa son affaire avec soin. Mais il ne se tourna pas vers elle, pas plus qu'il ne lui adressa de réponse: alors elle se retira pleine de tristesse. Un autre jour que saint Augustin célébrait la messe et que cette femme y assistait, après l’élévation, elle se vit transportée devant le tribunal de la très sainte Trinité, où elle vit Augustin, la face inclinée, discourant avec la plus grande attention et en termes sublimes sur la gloire de la Trinité. Et une voix se fit entendre qui lui dit : « Quand tu as été chez Augustin, il était tellement occupé à réfléchir sur la gloire de la sainte Trinité qu'il n'a pas remarqué que (524) tu sois venue le trouver; mais retourne chez lui avec assurance ; tu le trouveras affable et tu recevras un avis salutaire. » Elle le fit et saint Augustin l’écouta avec bonté et lui donna un excellent conseil. — On rapporte aussi qu'un saint homme étant ravi en. esprit dans le ciel et examinant tous les saints dans la gloire, n'y voyant pas saint Augustin, demanda à quelqu'un des bienheureux où il était. Il lui fut répondu : « Augustin réside au plus haut des cieux, où il médité sur la gloire de la très excellente Trinité. » — Quelques habitants de Pavie étaient détenus en prison par le marquis de Malaspina. Toute boisson leur fut refusée afin de pouvoir en extorquer une grosse somme d'argent. La plupart rendaient déjà l’âme, quelques-uns buvaient leur urine. Un jeune homme d'entre eux, qui avait une grande dévotion pour saint Augustin; réclama son assistance. Alors au milieu de la nuit; saint Augustin apparut à ce jeune homme,  et comme s'il lui prenait la main, il le conduisit au fleuve de Gravelon où avec une feuille de vigne trempée dans l’eau, il lui rafraîchit tellement la langue, que lui, qui aurait souhaité boire de l’urine, n'aurait plus souhaité maintenant boire du nectar. — Le prévôt d'une église, homme fort dévot envers saint Augustin; fut malade pendant trois ans au point de ne pouvoir sortir du lit. La fête de saint Augustin était proche, et déjà on sonnait les vêpres de la vigile, quand il se mit à prier saint Augustin de tout coeur. Saint Augustin se montra à lui revêtu d'habits blancs et en l’appelant trois fois par son nom, il lui dit: « Me voici, tu  m’as appelé assez longtemps, lève-toi de suite, et va me (525) célébrer l’office des Vêpres. » Il se leva guéri, et, à l’étonnement de tous, il entra dans l’église, où il assista dévotement à tout l’office.  — Un pasteur avait un chancre affreux entre les épaules. Le mal s'accrut au point de le laisser absolument sans forces. Comme il priait saint Augustin, celui-ci lui apparut, posa la main sur la partie malade et la guérit parfaitement; Le même homme, dans la suite, perdit la vue. Il s'adressa avec confiance à saint Augustin, qui, un jour sur le midi, lui apparut, et en lui essuyant les yeux avec les mains, il lui rendit la santé .

Vers l’an du Seigneur 912, des hommes gravement malades, au nombre de plus de quarante, allaient à Rome de l’Allemagne et de la Gaule pour visiter le tombeau des apôtres. Les uns courbés se traînaient par terre sur des sellettes, d'autres se soutenaient sur des béquilles,, ceux qui étaient aveugles se laissaient traîner par ceux qui marchaient en avant, ceux-là enfin avaient les mains et les pieds paralysés. Ils passèrent une montagne et parvinrent à un endroit appelé la Charbonnerie. Ils étaient près d'un lieu qui se nomme Cana, à une distance de trois milles de Pavie, quand saint Augustin revêtu de ses ornements pontificaux, et sortant d'une église érigée en l’honneur des saints Côme et Damien, leur apparut et leur demanda où, ils se dirigeaient. Ils lui répondirent qu'ils allaient à Rome; alors saint Augustin ajouta : « Allez à Pavie et demandez le monastère de saint Pierre qui s'appelle Ciel d'or, et là vous obtiendrez les miséricordes que vous désirez. Et comme ils lui demandaient son nom, il dit : « Je suis Augustin autrefois évêque de l’église (526) d'Hippone. » Aussitôt il disparut à leurs regards. Ils se dirigèrent donc vers Pavie, et étant arrivés au monastère indiqué et apprenant que c'était là que- reposait le corps de saint Augustin, ils se mirent toits à élever la voix et à crier tous ensemble : « Saint Augustin, aidez-nous. » Leurs clameurs émurent les citoyens et les moines qui s'empressaient d'accourir à un spectacle si extraordinaire. Or, voilà que, par l’extension de leurs nerfs, une grande quantité de sang se mit à couler,de telle sorte que depuis l’entrée du monastère, jusqu'au tombeau de saint Augustin, la terre paraissait en être tolite couverte. Parvenus au tombeau, tous furent entièrement guéris, comme S'ils n'avaient jamais été estropiés. Depuis ce moment, la renommée du saint se propagea  de plus en plus et une multitude d'infirmes vint à son tombeau, où tous recouvraient la santé, et laissaient des gages de leur guérison. Telle fut la quantité de ces gages que tout l’oratoire de saint Augustin et le portique en étaient pleins, en sorte que cela devint la cause d'un grand embarras pour entrer et pour sortir. La nécessité força les moines à les ôter. — Il y a trois choses qui sont l’objet des désirs des personnes du monde, les richesses, les plaisirs et les honneurs. Or, le saint atteignit à un tel degré de perfection qu'il méprisa les richesses, qu'il repoussa les honneurs et qu'il eut les plaisirs en aversion. — Il méprisa les richesses; c'est lui-même, qui Passure dans ses Soliloques, où la raison l’interroge et lui dit: « Est-ce que tu ne désires pas,de richesses ? » Et Augustin répond : « Je ne saurais avouer ce premier point : j'ai trente ans, et il y en a bien quatorze que j'ai cessé de les (527) désirer. Des richesses, je n'en désire que ce qu'il faut pour me procurer ma nourriture. C'est un. livre de Cicéron qui  m’a entièrement convaincu qu'il ne faut en aucune manière souhaiter les richesses. » Il a repoussé les honneurs : il le témoigne dans le même livre. «Que pensez-vous des honneurs? » lui demande la raison. Et saint Augustin répond : « Je l’avoue, c'est seulement depuis peu de temps, presque depuis quelques jours que j'ai cessé de les ambitionner. » Les plaisirs et les richesses, il les méprisa, par rapport à la chair et au goût. La raison lui demandé donc : « Quelle est votre opinion au sujet d'une épouse? Ne .vous plairait-elle. pas, si elle était belle, chaste, honnête, riche, et surtout si vous aviez la certitude qu'elle ne vous serait pas à charge? » Et saint Augustin répond : « Quelque bien que vous la vouliez peindre; quand vous la montreriez comblée de tous les dons, j'ai décidé que je n'avais rien tant à craindre que le commerce avec une femme. » « Je ne demande pas, reprend la raison, ce que vous avez décidé, je vous demande si vous vous y sentez porté ? Et saint Augustin répond : « Je ne cherche, je ne désire rien à ce sujet : les souvenirs qui  m’en restent me sont à charge, affreux et détestables. » Pour ce qui est du second point, la raison l’interroge en disant : « Et pour la nourriture, qu'avez-vous à dire? »

Pour ce qui est du boire, et du manger, des bains et des autres plaisirs du corps, ne me demandez rien. J'en prends ce qu'il me faut seulement, pour conserver la santé. »

 

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