Les Lettres de sainte
Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal vont couronner le monument que les mains
filiales des Religieuses de la Visitation d'Annecy élèvent à la mémoire de leur
immortelle Fondatrice. La Vie et
les Œuvres de la Sainte, qui ont
déjà paru, préparent à sa correspondance une faveur qui sera, nous l'espérons,
pleinement justifiée.
Dans une approbation donnée par Charles-Auguste de Sales à la première édition de ces Lettres, nous
lisons : « Elles (les lettres de sainte de Chantal) sont sœurs des
Épîtres du Bienheureux François de Sales, et une même légitime leur est
due. »
Un des théologiens chargés par la Congrégation des Rites d'examiner les
ouvrages de la Servante de Dieu, le Père Monsinat, s'exprime ainsi :
« Je n'ai pas moins admiré ses Lettres que ses autres écrits. Je les ai
trouvées à chaque page pleines de prudence, d'humilité, de charité, de zèle
pour la maison de Dieu et le salut des âmes, de [vi] renoncement à soi-même, de confiance en Dieu, de
pauvreté évangélique,, de patience, de courage invincible et de toutes les
vertus chrétiennes. Chacun y trouvera de quoi guérir les blessures de son âme,
ou s'avancer dans la perfection-, elles sont si pleines de suavité et si
propres à inspirer la piété, que plus on s'en nourrira, plus on y trouvera un
trésor caché, et des fruits inexprimables de délices spirituelles. »
Ces témoignages à la fois si autorisés et si magnifiques nous
dispensent de tout autre éloge. Il suffira de faire connaître la nature de ces
Lettres, les éditions qui en ont été données jusqu'à ce jour, et enfin le plan
que le premier monastère d'Annecy a suivi dans celle qu'il offre présentement
au public.
I - Les lettres et le reste des œuvres.
Il est à peine besoin de le faire remarquer, le lien le plus intime
unit la Correspondance de sainte Jeanne-Françoise de Chantal à ses Œuvres diverses, ainsi qu'aux Mémoires écrits par sa fidèle
secrétaire.
Ces Lettres, en effet, comblent des lacunes, éclairent des points
demeurés obscurs dans la vie de la Sainte ; elles viennent s'ajouter à la
biographie tracée par la Mère de Chaugy, les unes, comme des compléments indispensables,
les autres, comme des pièces justificatives d'une valeur sans égale. En plus
d'un endroit, la grande Fondatrice entre dans de curieux détails sur son propre
compte, sur ses vues, sur [vii]
ses entreprises ; elle cause, la plume à la main, de tout ce qui la
concerne ; elle se peint au vrai ; elle se présente à nous comme dans
un miroir.
D'autre part, bon nombre de ses Épîtres, celles surtout qui sont
adressées aux Religieuses de la Visitation, ne diffèrent guère, que pour la
forme, des Entretiens et des Instructions. Dans l'impossibilité de
faire entendre sa voix, à tous les membres de sa famille monastique, la Sainte
communiquait par écrit avec ses filles absentes ; elle leur envoyait des
lettres, dépositaires de ses pensées, où elle versait des trésors de sagesse et
de sollicitude maternelle. Au moyen de ces précieuses missives, elle faisait
parvenir aux Sœurs les plus éloignées des avis et des conseils, des
encouragements et des secours, et au besoin des réprimandes.
Des réprimandes ? Qui donc aurait droit de s'en étonner ?
Ceux-là seuls qui ne sauraient par expérience combien lente, combien difficile
est la transformation de notre nature sous l'action de la grâce ; car,
pour les âmes même les plus privilégiées, sonnent des heures de détresse et de
lutte, où parfois elles payent tribut à la fragilité humaine. Et certes, ce
n'est pas un des moins beaux côtés du caractère de sainte de Chantal, où tout
est grand, que cette prudence, cette énergie déployées dans la correction des
défauts. C'est là surtout que nous pouvons admirer la douceur de sa force et la
force de sa douceur. Après avoir laissé échapper des accents tels que
ceux-ci : « Les moindres fautes me sont insupportables, »
tout à coup son cœur perce à travers ces formes rigides, pour relever et
soutenir, consoler et fortifier.
Toutefois, il est des circonstances où sainte [viii] Jeanne-Françoise paraît inexorable : son style
s'anime, devient plus sévère ; les expressions les plus fortes abondent
sous sa plume, la tendresse de la Mère fait place à la fermeté de la
Fondatrice, c'est lorsqu'il s'agit de prévenir ou de stigmatiser les abus qui
cherchaient à s'introduire dans son Ordre naissant. Alors les timides
transactions de la prudence humaine viennent se briser contre « ce mur
d'airain qui protège Israël ».
Ainsi la Fondatrice, la première Supérieure de la Visitation se
retrouve tout entière dans sa correspondance ; elle vit, elle respire dans
ces pages ; elle enseigne les autres monastères comme celui d'Annecy.
Quel genre d'intérêt s'attache à ce recueil épistolaire, il serait
superflu de le faire ressortir longuement. Née de parents illustres, fille
spirituelle du grand Évêque de Genève, associée avec lui pour l'établissement
de la Visitation, Mère féconde d'une nombreuse famille de Vierges, type achevé
de la femme forte, modèle parfait des plus sublimes vertus, tout se
réunit en sainte Jeanne-Françoise pour recommander ses Lettres, non-seulement
aux habitants du cloître, mais encore aux personnes qui vivent au milieu du
monde ; car, pour goûter ces Épîtres, pour s'y attacher par l'esprit et
par le cœur, il suffit d'avoir conservé, avec la foi, le sens chrétien, il
suffit d'être sensible au spectacle de la grandeur morale.
D'abord, le côté historique de cette correspondance est de nature à piquer
la curiosité du lecteur, quel qu'il soif. Effectivement, les intérêts multiples
qui reposaient entre les mains de sainte de Chantal, et comme mère de famille,
et [ix] comme fondatrice d'Ordre,
les rapports qu'elle eut par la suite à entretenir avec des princes et des
princesses, des évêques et des prêtres, des magistrats et des personnes de
qualité, des religieux et des religieuses, communiquent à sa correspondance
l'attrait d'une grande variété. On aime à parcourir les lettres échangées avec
des personnages du plus haut rang. Or, avec ces correspondants, comme avec ceux
de condition moins élevée, la Sainte prend toujours la note juste, et, chose
remarquable, tout en se maintenant dans le ton que lui donne un tact parfait,
elle ne paraît inférieure à aucun, pour la prudence, pour la sûreté du
jugement, pour la perspicacité, pour la dextérité à manier les esprits, à
conduire les affaires.
Il n'est pas moins intéressant de suivre sainte Jeanne-Françoise dans
les courses qu'elle entreprend pour la fondation de nouveaux monastères, de
l'accompagner dans les maisons qu'elle visite pour y surveiller la pratique des
observances régulières, pour y affermir l'esprit de l'Institut, pour allumer et
attiser dans tous les cœurs le feu de l'amour sacré. Partout elle inspire foi
vive, confiance inébranlable en la divine Providence, mépris de tout ce qui
passe, parce qu'elle ne voit, elle ne comprend, elle ne souhaite partout que
l'accomplissement de la volonté de son Dieu.
Mais rien de plus émouvant, rien de plus instructif à la fois que la
partie ascétique et mystique de sa correspondance. En écrivant aux premières
Religieuses de la Visitation, sainte de Chantal s'ouvre pleinement à ses
discrètes confidentes. Ces lettres nous donnent ainsi la clef de son âme, une
des plus grandes qui furent jamais ; elles nous [x] introduisent dans ce cœur, fournaise ardente que
consumaient les flammes de la plus pure charité. En parcourant ces Épîtres,
nous assistons à de ravissants spectacles, à ces merveilles que le Seigneur
opère ici-bas dans ses élus ; nous contemplons l'action puissante de la
grâce sur une âme éminente, et la généreuse correspondance de celle-ci aux
opérations divines ; nous admirons l'élaboration progressive des plus
héroïques vertus, et leur exercice continuel au milieu des plus grandes
épreuves. La Sainte nous fait elle-même l'aveu de ses peines, de ses ténèbres
intérieures, de ses souffrances, de ses déchirements intimes, de ces croix que
le divin Époux ne ménage pas à ses amantes. Tantôt nous l'entendons gémir comme
la colombe, et tantôt nous la voyons prendre l'essor comme l'aigle, aller se
reposer en Dieu, dans la privation de tout appui créé, dans cette nudité
parfaite qui constitue le plus haut degré de la vie contemplative. La
Providence avait ses desseins, en faisant passer la Fondatrice du nouvel
Institut par ces alternatives. Choisie pour diriger les autres, elle devait
être initiée par sa propre expérience à tous les secrets de la conduite de
l'Esprit-Saint sur les âmes. Habituée du Calvaire et du Thabor, elle serait
plus capable de guider ses filles spirituelles sur l'une et l'autre montagne,
de leur apprendre à répéter sur la première comme sur la seconde : Seigneur,
il nous est bon d'être ici !...
Mais où l'on peut étudier à fond, contempler dans tout son jour
l'intérieur de sainte Jeanne-Françoise, c'est assurément dans les lettres
qu'elle adressait à son Bienheureux Père, et dans celles qu'elle en recevait.
Ces deux grandes âmes, [xi] si
bien faites pour se comprendre et s'apprécier, éprouvaient l'une pour l'autre
une estime qui revêtait, d'un côté, le caractère d'un dévouement paternel, de
l'autre, celui d'une profonde vénération. Les lignes suivantes donneront une
idée de l'espèce de culte que madame de Chantal avait voué au grand Évêque de
Genève : » Dieu, dit-elle, m'en avait donné une si haute estime, que,
s'il m'eût été possible, j'eusse voulu être la moindre de sa maison, pour avoir
le bonheur de voir ses actions et ouïr ses saintes paroles ; car tout cela
ne respirait que sainteté. Je l'avais en telle vénération, que, quand je
recevais de ses lettres, je les ouvrais et lisais à genoux, et les baisais par
révérence et dévotion, et recevais ce qu'il me disait comme provenant de
l'esprit de Dieu. »
Aussi avait-elle recours en tout et partout à son incomparable
Directeur ; aussi lui révélait-elle toute son âme avec la simplicité d'un
enfant, avec l'abandon d'une confiance illimitée. De son côté, l'auguste Prélat
faisait le plus grand cas de la Mère de Chantal. On en jugera par les paroles
suivantes : « Je crois, disait-il un jour, que Dieu rendra tout à
fait cette Mère une sainte Paule, une sainte Angèle, une sainte Catherine de
Gènes, et telles saintes Veuves, qui, comme belles et odorantes violettes, ont
été si agréables à Dieu, et ont embaumé le jardin sacré de l'Église, épouse de
Jésus-Christ. » Prédiction qui devait se réaliser un
jour d'une manière admirable.
Une chose encore à signaler qui ne manquera pas de [xii] saisir profondément le lecteur,
c'est le pieux attrait qui porte la Bienheureuse Fondatrice à parler souvent du
Cœur adorable de Jésus. À la
rencontre de ces nombreux passages, on ne peut se défendre de l'idée qu'elle a
été initiée par avance aux mystérieux secrets d'amour, dont son petit Institut
devait être un jour l'heureux dépositaire. Sans doute, elle ne s'exprime pas
aussi nettement à cet égard, elle n'use pas de termes aussi clairs que
l'aimable saint François de Sales, justement surnommé le Prophète du Sacré
Cœur ; mais il n'en est pas moins vrai que, animée de son double
esprit, elle nous renvoie les échos à peine affaiblis de la voix du doux
Évêque, qu'elle puise à la même source de vie, qu'elle se plaît à conduire ses
filles aux fontaines du Sauveur.
Pourquoi faut-il qu'à l'admiration provoquée par les lettres de sainte
Jeanne-Françoise, vienne s'ajouter le regret inspiré par la destruction de sa
correspondance avec le Guide vénéré de son âme ? On sait, en effet, que,
mue par un sentiment d'humilité excessive, elle brûla les lettres qu'elle lui
avait adressées, lettres qui étaient revenues dans ses mains, après la mort de
ce sage Directeur. Voici comment la Mère de Chaugy raconte le fait :
« M. Michel Favre (le confesseur du vénéré Prélat) nous a assuré que notre
Bienheureux Père avait pris la peine de mettre à part les lettres de cette
digne Mère, qui devaient servir pour sa vie, et en avait coté une partie de sa
propre main, avec des petites marques et remarques, qu'il avait écrites en
apostilles, espérant à son loisir, quand il serait déchargé de l'évêché, comme
il désirait, écrire quelques mémoires [xiii]
particuliers de ce qu'il savait de cette sainte âme. Dieu nous a frustrées de
tous ces biens, qui feront une éternelle lacune dans la vie de cette grande
Servante de Dieu... Il est vrai qu'il nous reste cette consolation que, par la
date des lettres que ce Bienheureux écrivait en réponse aux siennes, nous
voyons la suite de son état intérieur, et nous pouvons juger du mal par la
médecine, et de la cause par l'effet. »
Quoi qu'il en soit, les quelques lettres de la Sainte à son grand
Directeur qu'il a été possible de retrouver et de reproduire dans cette
collection, sont de nature à faire regretter plus vivement encore celles qui
ont été détruites.
Cet aperçu rapide suffit à marquer le caractère de la correspondance de
sainte Jeanne-Françoise de Chantal, l'attrait qu'elle offre à toutes les
classes de lecteurs, avec les fruits qu'elle est appelée à produire dans les
âmes. Comme on le voit, ces lettres constituent, avant tout, un trésor de haute
spiritualité. De plus, elles nous offrent, avec l'autobiographie de la Sainte,
une chronique de la Visitation, une peinture vivante de ses premiers temps, de
son âge d'or. Enfin nous y trouvons un recueil admirable de principes pour le
gouvernement et la direction des communautés religieuses, un commentaire sans
égal des Règles et des Constitutions que le Bienheureux François de Sales a
données à son Institut.
Le style n'est pas le grand côté de cette correspondance. Par le
sérieux de son caractère, par la gravité de sa profession et des sujets qu'elle
aborde, l'humble Fondatrice ne se met pas en frais pour orner ses lettres, pour
les rendre [xiv] agréables ou
piquantes. Tout entière aux avis qu'elle donne, aux instructions qu'elle
adresse, aux faits qu'elle expose, elle écrit au grand courant de la plume,
sans nul souci de la forme. Aussi bien, en matière de direction ou
d'administration, qu'est-il besoin de se préoccuper de la grâce du tour, du
bonheur de l'expression ? La Sainte écrit comme elle parle, avec le
laisser-aller de la conversation, avec un abandon qui ne manque pas de
charme ; sa diction, simple, claire, naturelle, est relevée par cette
distinction spéciale que donne la vertu unie à la naissance. Que peut-on
désirer de plus ?
Polir sa phrase, parer sa pensée, sainte de Chantal était placée trop
haut, elle traitait des matières trop relevées pour descendre à ces détails.
C'est dire assez que sa correspondance ne doit pas être jugée au point de vue
littéraire. Il ne faut donc pas s'attendre à y trouver, au même degré, cette
vivacité, cette finesse d'esprit, cette délicatesse de sentiments, cette grâce
exquise, cette élégance de langage, qui devaient briller plus tard dans les
lettres de sa petite-fille, la marquise de Sévigné. La grande, l'austère
Religieuse ne nous offrira pas de ces beautés futiles et légères, dont tout
l'effet est d'éblouir et de plaire. Elle nous donnera mieux : elle élèvera
notre âme, elle lui communiquera lumière, force et chaleur, elle nous fera
goûter des pensées et des sentiments d'un ordre tel, qu'ils gagnent peu de
chose à la forme, que souvent même ils perdent aux ornements du langage et aux
couleurs de l'imagination. [xv]
II - Les différentes éditions
Passons maintenant en revue les différentes éditions des Lettres de
sainte Jeanne-Françoise de Chantal. La première fut préparée et faite sous la
direction de la Mère Marie-Aimée de Blonay ; elle parut à Lyon, en 1644, deux ans
et demi après la mort de la Sainte, en un volume petit in-4°. Cette collection
épistolaire, bien que revêtue d'excellentes approbations, ne saurait être
regardée comme une édition complète de la correspondance de la vénérable
Fondatrice. Le but, en effet, de la Mère de Blonay était moins de faire
paraître intégralement et d'une manière régulière les lettres en question, que
d'en former un livre ascétique pour les Religieuses de son Ordre. C'est ce que
donne suffisamment à entendre le titre d'Épîtres spirituelles,, sous
lequel parut cette publication. Mais faire un choix dans une vaste
correspondance, c'était se condamner à être incomplet, défaut relatif et qui
n'est pas le seul que nous ayons à signaler. D'abord les adresses sont mises
assez souvent d'une manière vague et générale, selon le sujet des lettres et
sans désignation personnelle ; les dates font ordinairement défaut, et le petit
nombre de celles qui ont été conservées sont pour le moins fort douteuses. De
plus, une grande partie des Épîtres données par [xvi] la Mère de Blonay ne sont qu'une réunion de divers
passages analogues, tirés parfois de cinq ou six autographes, et coordonnés
ensemble suivant le but qui a présidé à la publication de ce recueil
épistolaire.
Entre autres inconvénients qui résultent d'un tel mode de compilation,
il arrive souvent, on le conçoit, que le commencement d'une lettre ne coïncide
pas avec la fin, que, dans la même épître, nous trouvons rapprochés des faits
qui se sont passés à des époques très-différentes. Enfin, une dernière cause
d'obscurité est la division de l'ouvrage en trois livres : le premier
contient les lettres adressées aux personnes constituées en dignité ; le
second, celles qui renferment des avis utiles aux Religieuses de la
Visitation ; le troisième, celles qui offrent des conseils tant pour la
pratique des vertus que pour les divers états intérieurs et voies d'oraison. Ce
classement ne contribue pas peu à multiplier l'inconvénient indiqué plus
haut : ainsi telle lettre qui donne la conclusion d'une affaire précède
souvent de loin celle qui en raconte les préambules, d'où il résulte qu'une
foule de détails et d'observations deviennent inintelligibles. Si l'on ajoute à
cela des répétitions, des suppressions regrettables, des sutures plus ou moins
bien réussies, on conclura que l'édition donnée par la Mère de Blonay avait un
caractère trop spécial pour constituer une œuvre définitive. Au reste, cette
conclusion ressort pleinement de l'Épître dédicatoire placée entête de
l'ouvrage. « Mes très-honorées Sœurs, dit la vénérée Supérieure, je vous
assure en sincérité que ces Épîtres ont été recueillies avec toute la fidélité
que nous devons à cette bénite Congrégation, et que c'est la pure et [xvii] naïve parole de notre digne Mère,
sortie de sa plume, ou de sa bouche lorsqu'elle faisait écrire ; sur quoi
je vous dirai qu'outre les ramas que l'on avait faits de longue main en cette
maison, nous avons employé plus de sept mois à choisir et à ranger les lettres
les plus utiles, à joindre les points plus conformes l'un à l'autre et à
retrancher toutes les redites, car si l'on eût voulu imprimer toutes les
Lettres que notre incomparable Mère a écrites, ainsi que l'on nous les a
envoyées, je crois, sans exagérer, que le livre surmonterait en grosseur la
Légende des Saints... Or, mes très-honorées Sœurs, on a taché de ne laisser en
ce livre que ce qui est nécessaire ou utile, et qui peut être vu de tout le monde.
Ce que je dis, parce que l'on a jugé à propos que nous nous contentassions de
garder en manuscrit plusieurs lettres qui ne sont propres qu'en certaines
rencontres fort rares, ou à être serrées dans le cabinet de la
charité... » Ce passage de l'Épître dédicatoire nous édifie pleinement sur
le but de la Mère de Blonay, but qu'elle a parfaitement atteint ; il nous
explique en même temps l'obscurité qui règne dans sa collection. Des raisons
qu'il nous est facile d'apprécier ne permettaient pas à la digne Supérieure de
faire imprimer divers fragments trop personnels pour être livrés au public, non
plus que de donner les adresses des lettres de la Sainte, puisque la plupart
des destinataires vivaient encore à cette époque.
L'édition publiée en 1644 par la Mère de Blonay contenait trois cent
soixante lettres ; elle fut reproduite en 1666 et en 1753, avec addition
de quelques épîtres. L'édition de 1753 contient quatre cent trois lettres. [xviii]
La quatrième édition des Lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal
est celle de Blaise, ainsi désignée parce qu'elle fut imprimée à Paris par un
libraire de ce nom, en 1823, en deux volumes in-8°. Elle diffère peu des
précédentes. Ce qui la distingue, c'est qu'elle est augmentée de quelques
lettres, lesquelles portent le chiffre total à quatre cent dix-huit,
augmentation qui ne l'empêche pas de demeurer encore fort incomplète.
Ce qui nous choque surtout dans la collection de Blaise, et avec nous
les critiques les plus autorisés, c'est de voir l'éditeur imprimer et attribuer
à sainte de Chantal plusieurs lettres que celle-ci aurait adressées à l'abbesse
de Port-Royal, sans faire les réserves voulues sur l'authenticité de
quelques-unes, et sans élaguer de quelques autres les interpolations habilement
insérées par les jansénistes. La Sainte avait, de son vivant, et laissait après
sa mort une réputation trop pure et trop grande, pour que ces novateurs ne
s'efforçassent pas de s'en couvrir comme d'un voile. Avec l'astuce et l'audace
qui les ont toujours caractérisés, ils firent subir à plusieurs de ces épîtres
les falsifications les plus propres à autoriser leurs erreurs et à faire valoir
leurs coryphées. C'est un fait bien constaté dans les annales de la Visitation,
que plusieurs des lettres écrites par la Mère de Chantal à la trop célèbre
abbesse ont été retouchées au point de devenir méconnaissables. Blaise aurait
dû en tenir compte et ne pas admettre dans son édition des pièces tronquées.
Aussi, l'Ordre de la Visitation n'accepta jamais, que sous de grandes
réserves, l'authenticité des Épîtres à Angélique Arnauld ; en
maintes circonstances, il éleva la voix pour [xix]
répudier plusieurs de ces pièces et les dénoncer comme apocryphes, notamment
lorsqu'elles furent imprimées pour la première fois à Bruxelles, en 1698, à la
suite de la quatrième édition de la Vie de sainte de Chantal, par
Bussy-Rabutin, édition qui ne parut, il faut bien le remarquer, qu'après la
mort de l'auteur.
Dès 1722, la Supérieure d'Annecy les désavouait et les traduisait
elle-même au tribunal des notaires apostoliques. À l'apparition de l'édition
Blaise, ce fut dans toutes les maisons de la Visitation un tolle général :
des récriminations arrivèrent de toutes parts pour protester contre l'éditeur
et cette partie de sa publication ; les deux monastères de Paris et de
Venise (ce dernier n'est autre que celui de Lyon, transféré en Italie par suite
de la révolution française) élevèrent à ce sujet de solennelles réclamations.
Autre fait capital dans la question qui nous occupe : les
solliciteurs pour la canonisation de la Vénérable Mère de Chantal protestèrent,
à leur tour, contre certaines lettres à l'abbesse Arnauld ; ils soutinrent
qu'elles avaient été fabriquées, ou tout au moins falsifiées. La sacrée
Congrégation des Rites s'arrêta longtemps à cet incident ; après mur
examen, elle passa outre en déclarant que, vraies ou fausses, ces épîtres ne
pouvaient, selon l'avis persistant des solliciteurs, infirmer en rien la
réputation de sainteté dont jouissait la Servante de Dieu, ni ternir
l'éclat de ses vertus héroïques.
D'ailleurs on sait assez que le jansénisme n'éclata et ne fut condamné
qu'après la mort de la Sainte (1641), et que l'abbesse de Port-Royal jouissait
alors d'une telle réputation [xx]
de vertu que le Pape Innocent X lui adressa même, quelques années plus tard, un
Bref, par lequel il accordait à son monastère de grands privilèges spirituels.
La cinquième édition des Lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal
est due à M. de Barthélemy, auditeur au Conseil d'État, lequel entreprit cette
œuvre pour la gloire de la Sainte, son illustre parente. Cette édition,
imprimée à Paris, en 1860 (deux volumes in-8°), est supérieure aux précédentes
pour la richesse ; elle renferme près de quatre cents lettres jusque-là
inédites, avec le texte authentique. Mais on nous permettra de faire remarquer
que la méthode suivie dans la distribution de ces pièces, méthode qui,
d'ailleurs, a été adoptée pour les précédentes éditions, est peu conforme à
l'ordre chronologique. En effet, les lettres nouvelles sont séparées des
lettres anciennes, division qui reproduit les inconvénients signalés
plus haut. En outre, ces lettres sont groupées suivant les diverses classes de
correspondants.
Malgré tous les soins du respectable éditeur, les adresses font défaut
aux trois quarts des lettres, et celles qu'il donne sont parfois hasardées ou
douteuses. Toutefois, disons-le à sa décharge, si les noms propres sont
inexacts, nous oserions presque en faire remonter la faute jusqu'aux
secrétaires de la Sainte, à l'habitude qu'elles avaient, alors que l'Institut
était encore peu répandu, de désigner les personnes par de simples initiales.
Faut-il ajouter que M. de Barthélemy n'a pu se garantir des écueils
contre lesquels se sont fréquemment heurtés ses devanciers, savoir les
répétitions doubles et parfois triples des mêmes pièces ? Près de quinze
lettres du premier [xxi] volume
reparaissent dans le second, sous des noms différents ; deux sont même
répétées jusqu'à trois fois, avec des variantes de dates et d'adresses. La
lettre CCCV du second volume, attribuée à sainte de Chantal, est d'une
théologie si élevée sur les fausses révélations, qu'elle ferait reconnaître la
main d'un docteur et l'inspiration du Bienheureux Évêque de Genève, même à ceux
qui ne sauraient pas que cette lettre figure dans toutes les anciennes éditions
des Épîtres de saint François de Sales.
De plus, M. de Barthélemy, non content d'adopter les lettres que, selon
Blaise, sainte Jeanne-Françoise aurait écrites à l'abbesse de Port-Royal,
substitue, dans trois autres lettres, l'adresse d'Angélique Arnauld à celle de
la Mère de la Trinité (Religieuse Carmélite), qu'indiquaient les autographes.
La méprise est d'autant plus manifeste qu'il est question dans ces trois
lettres d'établir des moyens d'union entre la Visitation elle Carmel. Cette
édition reproduit aussi le prétendu billet de l'illustre Fondatrice à
Saint-Cyran, billet fort court du reste, et dont l'origine a toujours été
contestée.
En 1862, un homme dont les travaux ont rendu le nom cher aux amis de la
religion et de la science, M. l'abbé Migne, insérait la correspondance de la
Sainte dans l'édition des Œuvres
complètes de saint François de Sales et de sainte Jeanne-Françoise de
Chantal, en neuf volumes in-4°.
Le tout avait été laborieusement préparé, pendant vingt ans de travail, par un
respectable ecclésiastique du diocèse de Genève, M. l'abbé de Baudry. Ami
généreux de la Visitation, dévoué sans mesure à l'extension du culte des saints
[xxii] Fondateurs de cet Institut,
ce digne Prêtre comptait pour rien les sacrifices de tous genres, dès qu'il
s'agissait d'augmenter leur gloire.
Remettre en honneur leurs maximes, faire mieux connaître leur esprit,
était, pour sa foi, rendre un éminent service à l'Église, réveiller la flamme à
demi éteinte dans bien des cœurs sur lesquels avait passé le courant glacial
des erreurs jansénistes. Qui pourra dire l'ardeur avec laquelle il poursuivit
cette noble entreprise ? Les bibliothèques publiques et particulières
furent fouillées à grands frais, quantité de lettres inédites en furent retirées
et transcrites par ses soins. Il ne devait pas avoir la consolation de donner
au public le fruit de ses patients labeurs. Le 2 avril 1854, la mort vint
frapper ce vénérable ecclésiastique au moment où, après avoir doublé sa
précieuse collection de Lettres, il se disposait à faire subir un
minutieux examen aux matériaux rassemblés avec tant de peine et de sacrifices
pécuniaires.
Cette vérification, aurait sans doute amené le judicieux écrivain à
éliminer les lettres copiées à double sur les originaux qui avaient servi à la
Mère de Blonay, à faire justice de la liberté avec laquelle les copistes
s'étaient permis de retoucher les autographes, surtout ceux de sainte de
Chantal. Corriger, rajeunir, moderniser le style, n'est-ce pas briser le moule
de la pensée, dénaturer le langage, lui enlever son cachet ?
Au milieu des regrets qu'excitait la perte de M. de Baudry, nul ne
songeait à continuer son œuvre interrompue. Tous ses manuscrits furent
renfermés dans les archives du [xxiii]
premier monastère de la Visitation, auquel il les avait légués. Mais, cinq ans
plus tard, ils durent, par un arrêt sans appel de Mgr Rendu, évêque d'Annecy,
être envoyés aux ateliers de M. l'abbé Migne, qui fit imprimer avec trop de
confiance les fruits d'un travail demeuré inachevé. C'est ainsi que la
correspondance garde le mode des précédentes éditions, c'est-à-dire qu'elle est
divisée en Lettres anciennes et en Lettres nouvelles.
Il n'est donc pas étonnant de trouver dans celle de M. Migne des
répétitions sans nombre parmi les Lettres dites nouvelles ; plus de
cent sont reproduites deux fois, et dix jusqu'à trois fois. Quantité d'autres
ne sont que des fragments de lettres entières que l'on voit à quelques pages de
distance. Il y a d'ailleurs de nombreuses inexactitudes, de regrettables
bévues, et bien peu d'ordre dans le classement.
De plus, on remarque encore dans cette édition plusieurs lettres de
saint Vincent de Paul, de Mgr de Bourges, des princes et princesses de Savoie,
du commandeur de Sillery, etc., etc., lesquelles ont leur numéro d'ordre, comme
si elles étaient de sainte Jeanne-Françoise. Si l'on défalque les pièces
étrangères à la correspondance de la Sainte, ainsi que les lettres répétées
deux et même trois fois, on trouve que la collection Migne se réduit à mille
trois cents lettres environ. [xxiv]
III - La présente édition.
Bien que supérieure à celles qui l'avaient précédée, l'édition Migne
restait encore au-dessous de l'attente et des désirs légitimes du-public ;
il y avait donc lieu d'y revenir. N'appartenait-il pas, ce semble, aux filles
spirituelles de sainte de Chantal, à celles qui sont dépositaires de ses
sacrées reliques et des monuments qui intéressent sa mémoire, de publier à
nouveau la correspondance de leur glorieuse Mère ?
Disons-le tout d'abord, elles ont bénéficié pour ce travail de la
position naturelle de tout éditeur qui vient le dernier. Ensuite, elles
avaient, comme Religieuses de la Visitation, des avantages considérables :
pleinement au courant de tout ce qui tient aux origines de leur Institut, elles
sont, par là même, à l'abri de bien des erreurs ; d'un autre côté,
l'abondance de documents inédits, recueillis, par les contemporaines de la
Sainte, plaçait sous leurs mains des trésors inconnus à nos devanciers. À
l'aide de ces ressources, elles espèrent donner une édition à la fois plus
complète, plus exacte et mieux ordonnée que les précédentes.
Les archives du monastère d'Annecy et des autres maisons de l'Ordre,
celles des familles dont les membres ont eu des rapports épistolaires avec
sainte Jeanne-Françoise, ou avec les premières Mères de la Visitation, telles
sont les [xxv] sources principales
où elles ont puisé. Elles en ont tiré des autographes, des manuscrits précieux,
de nombreux éléments de vérification et de contrôle. Au moyen de ces richesses,
elles sont parvenues à former une collection bien plus volumineuse que celles
qui ont été publiées jusqu'à ce jour. En effet, aucune n'a dépassé le chiffre
de mille trois cents lettres, tandis que la présente édition donne environ six
cents lettres complètement inédites. Cette augmentation seule lui assure une
incontestable supériorité.
À la richesse de l'ensemble, les Religieuses d'Annecy ont eu à cœur de
joindre l'exactitude dans les moindres détails. Pour cela, elles ont restitué
le texte original, si malencontreusement défiguré par tous les éditeurs ;
elles se sont fait une loi de reproduire scrupuleusement les lettres
manuscrites de la Sainte, ou, à leur défaut, des copies authentiques prises sur
les originaux. Enfin, elles ont recherché toutes les indications de temps et de
personnes, afin de rectifier les noms, les adresses et les dates erronées. Les
peines et les soins qu'il en a coûté pour arriver à ces améliorations ne
pourront jamais s'apprécier à leur juste valeur. Il ne fallait rien moins qu'un
nombre considérable de documents, la facilité des rapports avec tous les
monastères de leur Institut, la parfaite connaissance des traditions primitives
et de tout ce qui concerne leur glorieuse Fondatrice, pour être en mesure de
corriger les erreurs des éditions précédentes. Cependant, malgré la
persévérance et l'exactitude de leurs recherches, elles n'ont pu découvrir ni
la date, ni l'adresse d'une centaine de lettres ; ces lettres seront
réservées pour la fin du dernier volume. [xxvi]
Le monastère d'Annecy a cru faire chose également utile et agréable au
lecteur, en plaçant au bas du texte des notes courtes, mais substantielles, sur
les personnages marquants dont le nom figure dans cette publication.
Afin de remédier au désordre signalé plus haut, la méthode
chronologique a été adoptée pour la distribution de toutes les lettres, sans
distinction d’anciennes et de nouvelles. Présenter ces épîtres au
lecteur, les faire passer sous ses yeux précisément dans l'ordre où elles se
sont succédé sous la plume de sainte de Chantal, quoi de plus naturel, quoi de
plus historique ? Ainsi classées, les épîtres de la Sainte forment un
journal écrit de sa propre main, une biographie qui nous la fait suivre mois
par mois, semaine par semaine, presque jour par jour, qui nous la représente
dans le gouvernement extérieur de son Ordre comme dans sa vie intime, avec ses
pensées et ses sentiments, ses desseins et ses luttes, ses joies et ses
tristesses, avec les roses et les épines semées sur sa route par la main et le
Cœur de son Dieu.
D'autre part, cette correspondance, qui embrasse une période de
vingt-six ans (de 1615 à 1641), se déroule de manière à présenter aussi les
Annales de la Visitation. Ce nid de colombes, bâti par saint François de Sales
et son illustre Coopératrice au milieu des montagnes de la Savoie, sur les
bords du lac d'Annecy, la tendresse dont ce Père et cette Mère incomparables
entourent leurs filles spirituelles, les tempêtes affreuses que l'enfer
déchaîne contre elles, la merveilleuse propagation de ce petit Institut, les
vertus qui fleurissent dans ce jardin de l'Époux, voilà tout autant de
spectacles qui nous sont représentés avec le charme pieux d'une conversation
douce et pénétrante.
Cinq volumes seront nécessaires pour contenir la précieuse correspondance
de sainte de Chantal. Les Religieuses de la Visitation et des autres Ordres,
les personnes pieuses qui vivent dans le monde, applaudiront de concert à la
richesse de ce recueil épistolaire. Quant à ceux qui pourraient y trouver
surabondance, nous nous contenterons de leur répondre : Lorsqu'il est
question d'éditer la correspondance d'un prince, d'un homme d'État, d'un grand
écrivain, toutes les lettres de ce personnage sont recherchées, recueillies
avec soin ; il n'est si mince billet, pourvu qu'il soit authentique, qui
ne soit admis dans la collection. Eh bien ! le monastère d'Annecy a des
motifs pareils et des raisons d'un ordre encore plus relevé, pour éditer
jusqu'aux moindres lignes émanées de sa glorieuse Fondatrice. La sainteté
n'est-elle pas le sommet le plus élevé de la vraie grandeur ? Quoi donc de
plus précieux, sous tous les rapports, que les inspirations du cœur, de
l'intelligence des Saints, de ces âmes qui semblent jeter partout un parfum du
ciel, même lorsqu'elles traitent des choses de la terre ?
Et pourtant, si volumineuse que soit cette collection, elle ne
représente qu'une bien minime partie de la correspondance de sainte
Jeanne-Françoise. Deux faits aideront à évaluer la prodigieuse quantité de
lettres sorties de sa plume ou dictées par elle : une de ses Religieuses,
la Mère Hélène-Angélique Lhuillier, en reçut, à elle seule, près de trois
cents. Le grand cataclysme de 1793, en détruisant le monastère de Chaillot,
nous a privés de ce riche héritage. [xxviii]
D'autre part, on lit dans les Annales de la Visitation que la Mère
Françoise-Madeleine de Chaugy, malgré son étonnante activité, ne pouvait
suffire à la correspondance de la Sainte, dont elle fut, pendant dix ans, la
fidèle secrétaire ; ce qui lui fit adjoindre deux autres Sœurs pour cet
emploi. De ces données, il résulte qu'un grand nombre de lettres devaient
émaner chaque semaine de la Bienheureuse Fondatrice. Toutefois, en n'en
supposant qu'une par jour, pendant les trente et une années que sainte de
Chantal passa en Religion, le calcul fait sur ces bases donne un total de onze
mille lettres. Qu'on juge par ce chiffre, bien au-dessous de la réalité, de
l'étendue des pertes que nous avons à déplorer !
Une pensée vient adoucir nos regrets, c'est l'espoir que nombre de ces
précieuses missives échappées aux ravages du temps et des révolutions sont
gardées dans des archives publiques ou privées. Les meilleures bénédictions
d'en haut, ainsi que la plus vive reconnaissance du public religieux, sont
assurées aux possesseurs et aux conservateurs de ces précieux autographes,
s'ils voulaient bien en faire parvenir des copies authentiques aux Religieuses
de la Visitation d'Annecy, copies qui leur permettraient d'ajouter de nouveaux
diamants à leur écrin de famille, d'enrichir et de compléter la collection des Lettres
de leur héroïque Mère, sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal.
A. G.
Afin de donner à leur œuvre son cachet d'authenticité, les Religieuses
de la Visitation d'Annecy ont eu soin d'indiquer au bas des lettres dont elles ont
pu découvrir l'autographe, le nom du monastère ou de la personne qui le
possède.
Quand l'original leur a été confié, et qu'elles ont pu le reproduire en
son intégrité, l'indication porte ces mots : Conforme à l'original
gardé à...
Que si elles n'ont eu à leur disposition qu'une copie, la formule
suivante le désigne : Conforme à la copie de l'original...
Les lettres extraites des anciennes éditions, et dont on n'a pu
découvrir les autographes, ne portent aucune indication. Ces lettres,
d'ailleurs, étant composées de plusieurs fragments, ainsi qu'il a été dit dans
la Préface, force a été, pour éviter les répétitions, de retrancher les
passages qui appartiennent aux lettres originales ; c'est pour cette
raison que quelques-unes paraîtront fort courtes.
Par respect pour le texte de la Sainte, les mots que parfois il a fallu
ajouter pour compléter le sens de la phrase ou pour remplacer ceux qui étaient
illisibles, ont été mis entre crochets. Quelquefois aussi a été placée entre
crochets la signification d'un terme vieilli qui ne serait plus compris
aujourd'hui par un bon nombre de lecteurs.
Conformément aux avis de personnes éminentes, l'orthographe a été
corrigée. Cette modification, nécessitée par la différence qui existe entre
l'orthographe de la Sainte et celle d'aujourd'hui, est la seule qu'on se soit
permise. Le style est intégralement reproduit.
On pourra remarquer que quelques lettres de sainte Jeanne-Françoise sont
en désaccord avec des faits relatés dans les Mémoires
de sa vie, par la Mère de Chaugy. Tout en constatant ces inexactitudes,
le monastère [xxx] d'Annecy a voulu publier textuellement les Mémoires dus au talent de l'immortelle annaliste de la
Visitation. Quant aux lettres dont les originaux sont conservés, il n'est pas
possible de contester les faits qui y sont relatés.
Comme il existe plusieurs recueils de l’Histoire des Fondations de
l'Ordre, lesquels offrent entre eux des divergences parfois assez
considérables, il a semblé qu'un seul devait servir de guide, c'est celui qui
se conserve aux Archives du premier monastère de la Visitation.
Enfin, le lecteur est prévenu que le mot Nessy, qui se retrouve
souvent sous la plume de sainte de Chantal, n'est qu'une abréviation du nom Annecy.
rangées par ordre
chronologique
Témoignages d'estime et d'affection pour la famille de
Sales.
Vers 1606.
Monsieur
mon très-cher frère,
J'avais un peu d'envie de me fâcher contre vous de ce que vous ne
m'écrivez point ; mais c'est grand cas que je ne saurais tenir mon cœur,
ni l'empêcher de vous témoigner ses affections qui sont toutes pures, et toutes
entières à vous souhaiter les chères bénédictions de notre bon Dieu. Mais, mon
cher frère, [2] si vous pouviez voir ce que je dis, et de
quel lieu cela part, et ce que m'apportent les bonnes nouvelles de ceux de
votre nom, voyez-vous, cela est incomparable. Je souhaite ardemment que mon
Dieu, mon Seigneur, nous unisse tous ensemble à Lui par le lien de son divin
amour.
J'ai notre petite sœur avec moi, je crois pour douze ou quinze
jours ; pensez quel contentement ce m'est, et combien je voudrais que ce
fût pour davantage ; mais il se faut accommoder à la volonté de Dieu et
l'attendre. C'est une fille qui nous donnera à tous bien du contentement.
Je vous tiens maintenant pour être vers notre cher Évêque. Hé !
mon bon frère, que vous êtes heureux, et tous ceux qui voient les merveilles
que Dieu fait en lui ! Oh ! Dieu, Dieu puissant et bon, nous le veuille
conserver plein de ses plus chères grâces et d'une parfaite santé !
Mandez-moi de ses nouvelles. Je suis du tout, votre très-humble sœur et
servante,
Frémyot.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
La lettre de madame de Boisy, demandant que sa fille fût
élevée auprès de madame de Chantal, mérite d'être reproduite ici, en souvenir
de cette vénérée mère de, saint François de Sales.
Vers 1606.
Madame ma très-chère Fille,
Ayant perdu l'espérance de vous revoir pour cette année, suivant ce que
m'en a dit notre Évêque, mon fils, j'attendrai avec impatience d'avoir ce
bonheur, la suivante ; et cependant, [3] puisque la petite
que j'ai au Puy-d'Orbe n'est point portée à la Religion, je vous veux
ramentevoir la prière que je vous fis de la retirer en ce cas-là, et vous
supplie derechef de lui faire cet honneur et à moi, que de la recevoir. Je l'ai
tenue pour bien confiée avec madame du Puy-d'Orbe, si elle eût voulu suivre la
vocation religieuse ; je la tiens trop heureuse aussi d'être auprès de
vous, voulant prendre cet autre chemin, auquel je prie Notre-Seigneur qu'il la
veuille bien conduire, selon les bons exemples qu'elle verra.
Pardonnez-moi, madame ma très-chère fille, cette liberté avec laquelle
je vous incommode de cette fille, qui ne pourra jamais, non plus que moi,
correspondre à l'obligation qu'elle vous a. Notre-Seigneur vous en veuille
récompenser, et je suis, madame ma très-chère fille, votre plus humble mère et.
servante très-humble.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes.
Conclusion du mariage de Marie-Aimée de Chantal.
Monthelon. ce 16 avril 1608.
Madame ma très-bonne Mère,
Voilà Messieurs nos grands-pères qui parlent, lesquels, par la grâce de
Dieu, ont un grand sentiment et désir de l'honneur de votre alliance. Eh bien, ma chère mère, ne voilà-t-il pas,
en votre désir et au mien, une assurance si assurée, qu'il n'y a plus rien à
regarder, par la grâce de notre bon Dieu ? Que me [4] reste-t-il à faire pour maintenant, ma chère mère, sinon prier Dieu
qu'il vous rende cette fille tout agréable, toute belle et vertueuse, et digne
d'un si grand honneur que celui d'entrer en votre bénite maison ; être
sœur d'hommes si précieux, oh ! quel bonheur ! Je ne me veux point
laisser aller aux sentiments de ce contentement. Je supplie ce grand Dieu que
cette œuvre soit à sa gloire, au salut et au repos de nos enfants, à votre
consolation et à celle de tous les vôtres, lesquels, après vous, je salue tous
du plus entier de mon cœur, duquel je suis et veux être éternellement, madame
ma très-chère mère, votre très-humble et très-obéissante servante,
Frémyot.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Ardeur de la Sainte à se sacrifier au divin amour par la
profession religieuse.
VIVE † JÉSUS !
Annecy. 1611
Quand viendra ce jour heureux, où je ferai et referai l'irrévocable
offrande de moi-même à mon Dieu ? Sa bonté m'a remplie d'un sentiment si
extraordinaire et puissant de la grâce qu'il y a d'être toute sienne, que, si
le sentiment dure dans sa vigueur, il me consumera. Jamais je n'eus des désirs
ni des affections si ardentes de la perfection évangélique ; il m'est impossible
d'exprimer ce que je sens, ni la grandeur de la perfection où Dieu nous
appelle. Hélas ! à mesure que je me résous d'être bien fidèle à l'amour de
ce divin Sauveur, il me semble que c'est chose impossible de pouvoir
correspondre à toute la grandeur de ce même amour. Oh ! que c'est chose
pénible en l'amour, que cette barrière de notre impuissance ! [5] Mais qu'est-ce que je dis ? j'abaisse, ce me semble, le don de
Dieu par mes paroles, et ne saurais exprimer ce sentiment d'amour qui me
sollicite à vivre en pauvreté parfaite, en humble obéissance et en très-pure
pureté.
Souvenir du pèlerinage de 1604, à Saint-Claude.
VIVE † JÉSUS !
Août 1611.
Monseigneur,
Priez fort [Dieu] pour moi, afin qu'il me retire de ces fâcheuses
affaires. Ce qui me console parmi tant de travail, c'est que cela est pour la
gloire de Dieu, et qu'enfin, après avoir bien travaillé, nous irons jouir du
repos éternel, moyennant la grâce du divin Sauveur, lequel je prie
soigneusement pour la perfection de notre cœur.
Je vous ressouviens, mon Père, qu'il y a aujourd'hui sept ans que
Notre-Seigneur remplit votre esprit de mille saintes [6] affections pour le bonheur et perfection de ma pauvre âme. Je vous
dirai que, dès hier, elle est demeurée remplie d'un sentiment si extraordinaire
de la perfection que, si cela dure, il me consumera. Mon Dieu ! mon unique
Père, rendez-moi, par vos prières et conduite, toute à ce Seigneur, que nous
adorons, révérons et aimons parfaitement. Oh ! que je veux lui être fidèle !
il m'est impossible d'exprimer ce que je sens ; aussi ne ferais-je que
l'amoindrir par mes paroles ; c'est un ouvrage fait de la main de Dieu.
Nous voyons tous les jours clairement abonder ses miséricordes sur nous ;
c'est pourquoi nous devons tous les jours nous rendre plus fidèles. Pour cela,
je consacre de nouveau mon âme à votre volonté et obéissance. En ce désir, je
vais recevoir mon Dieu, auquel je demeure, Monseigneur, votre, etc. [7]
Au monastère d'annecy
Il faut servir le Seigneur avec un cœur libre et joyeux.
VIVE † JÉSUS!
1611.
Eh bien ! ma chère petite Sœur, dites-moi un peu, ne faites-vous
pas des merveilles ? Ne caressez-vous pas amoureusement notre bon
Sauveur ? Je désire passionnément que vous rendiez votre âme tout
amoureuse de ce divin Époux, qui nous a tant gratifiées que de nous avoir
choisies pour être de ses plus particulières servantes. O Dieu ! quelle
grâce, ma chère petite ! faisons-la bien valoir pour la sainte
éternité ; tenez votre cœur (que j'aime bien) en grande liberté, afin que
sans peine il soit toujours prêt à suivre et embrasser allègrement tout ce qui
lui sera proposé ; soyez bien douce et joyeuse parmi nos chères Sœurs, au
milieu desquelles je me souhaite continuellement.
Je prie Dieu qu'il répande sur ce petit troupeau, qui m'est si
précieux, sa sainte bénédiction. Adieu, ma mie ; priez bien [8] pour votre sœur et servante. Mille saluts à ma grosse Sœur N. ;
tenez-moi bien en ses bonnes grâces ; je salue aussi madame Guymer et dame
Jeanne.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Joie de savoir te Bienheureux Évêque occupé à la
composition du Traité de l'Amour de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1612.]
Monseigneur et unique Père,
Je supplie mon Dieu de remplir votre âme de tout soi-même et de ses
très-chères bénédictions, surtout de celle de l'amour très-pur de Jésus. Mais,
afin que l'on ne vous donne l'alarme, je vous dirai moi-même que ce matin je me
suis trouvée fort mal. Après dîner, il m'a pris des tremblements, je suis
demeurée comme morte ; mais à présent je me trouve fort bien, Dieu
merci ! N'en soyez point en peine, pour l'amour de ce grand Dieu que mon
âme aime, adore, et désire servir avec un cœur uniquement unique et parfaitement
pur. Mon Père, demain en tenant ce divin Sauveur, faites qu'il me donne sa
grâce si abondamment qu'à jamais nous l'adorions, le servions et l'aimions
parfaitement. Je sens une extrême consolation quand je sais que vous travaillez
après ce divin ouvrage de l’Amour divin, après lequel je soupire, mais d'une ardeur [9] véhémente. Hé, mon Dieu ! quand sera-ce que nous nous en verrons
tous abîmés ?
J'ai vu la bonne tante ; oh ! que c'est une vénérable
dame ! Croyez que je me porte bien : vous savez que je ne voudrais
mentir à mon escient. Vive Jésus et sa très-sainte Mère ! Amen.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE VII (Inédite) - À
MONSIEUR LEGROS
À Dijon
Réception de mademoiselle Leyros. — Assurances de religieuse
estime.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 18 juin 1612.
Monsieur,
Nous avons reçu votre chère fille avec beaucoup de satisfaction. Je crois que le grand Dieu aura cette
offrande très-agréable, car elle lui est faite, et de votre part et de la
sienne, avec beaucoup d'affection. Demeurez en repos et consolé de cette fille,
car elle m'est et sera chère et précieuse. Mon Dieu m'oblige à un amour et soin
extrême à l'endroit de toutes les âmes qu'il amène ici, et la bonté de votre
cœur, en sa confiance en moi, me presse et me lie très-étroitement à elle.
Je n'ai pas le loisir de vous dire davantage ; mais, encore une
fois, je vous dis : Demeurez en repos de cette chère petite âme, car elle
a trouvé ici un père et une mère d'affection. Je vous suis extrêmement obligé du
soin que vous avez de [10] l'affaire (mots illisibles). Pour
Dieu, continuez, afin que nous partions de là, car les affaires de mon fils
sont en telle disposition, que, s'il battait mal de ce côté, cela incommoderait
grandement. Dieu vous remplisse de grâce, de consolation et de force, pour
cheminer en la voie de ses divins commandements, et tous vos enfants que je
salue avec vous de tout mon cœur. Nous avons fait alliance de sœur, la bonne
madame Legros et moi. Je la chéris et estime fort, c'est une brave et généreuse
femme ; Dieu la conduise à soi. Je suis pour jamais, Monsieur, votre
très-humble servante,
Frémyot.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
d'Ornans.
Remercîments à Son Altesse pour la bienveillance dont elle
honore les Religieuses de la Visitation.
VIVE †
JÉSUS !
[Annecy, vers 1612.]
Monseigneur,
La bonté et piété de Votre Altesse ne pouvait jamais mieux se faire
paraître, en aucune sorte d'action, qu'en recevant une troupe de pauvres filles
assemblées au nom de Dieu, sous votre protection. Nous croyons très-assurément
que Notre-Seigneur a eu fort agréable de voir la grandeur de Votre Altesse
rabaissée jusque-là, et espérons que ce rabaissement vous élèvera toujours
davantage devant les yeux de la divine majesté. C'est [11] un honneur pour nous si grand, Monseigneur, qu'il excède tout
remerciment, de sorte que ce que nous pouvons faire, c'est d'offrir
journellement à Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prospérité de
Votre Altesse ; en quoi nous essayons, de correspondre à l'étroite
obligation que nous y avons, et à vous témoigner avec toute révérence et
fidélité, Monseigneur...
Conforme à une copie de l'original gardé aux Archives de
la Société Florimontane d'Annecy.
La Sainte avait demandé à Charles-Emmanuel que la duchesse
de Mantoue, sa fille, fût protectrice de la Congrégation naissante. Bien que la
lettre écrite pour ce sujet n'ait pas été conservée, les réponses des Souverains
méritent d'être placées ici.
Trés-révérende, chère bien-aimée et dévote
Oratrice,
Nous avons eu fort agréable l'élection que vous avez faite de l'infante
duchesse de Mantoue, ma fille, pour votre mère et protectrice, et, louant fort
votre piété, charité et dévotion, nous avons été très-aise que vous érigiez
votre Congrégation en nos États, et avons-nous voulu vous assurer, par cette
lettre, de vous vouloir avoir en particulière protection, et vous aider,
favoriser, et assister en tout ce qui sera nécessaire, pour l'effet d'une si
bonne œuvre, comme nous écrivons aussi de le faire au marquis de Lans, mon
neveu, et à notre Sénat de Savoie, auquel vous pourrez recourir en toute
occasion. La comtesse de Tournon a charge de l'Infante d'assister à la solennité
que vous ferez, et de l'avertir de ce qu'elle pourra faire pour vous, que je
prie d'avoir mémoire de nous en vos oraisons, et toute votre dévote troupe que
je prie Dieu avoir en sa sainte garde.
Charles-Emmanuel, duc
de Savoie.
Turin, ce 22 décembre 1613.
Conforme à une copie de l'original gardé aux Archives de
la Visitation d'Annecy. [12]
DUCHESSE DE MANTOUE
À SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL
Très-chère et dévote Oratrice,
La résolution que vous avez faite, de servir avec tant de zèle à Dieu
et au prochain, nous a été très-agréable, et nous ne pouvions recevoir
davantage de contentement que de l'élection que vous avez faite de nous, pour
être mère et protectrice de votre dévote Compagnie, ce que nous avons accepté
très-volontiers pour avoir part à une si bonne œuvre ; aussi avons-nous
fait que Son Altesse Monseigneur et père vous ait particulièrement recommandée
au marquis de Lans et au Sénat, auquel vous pouvez recourir pour toutes sortes
d'occasions, comme aussi à nous qui ne manquerons pas de vous favoriser et
assister de tout notre pouvoir, comme la comtesse de Tournon vous dira de
bouche, à laquelle nous avons donné charge d'assister à notre nom, à la
solennité que vous ferez. Il me reste donc à vous dire que, comme tous ces
fléaux que nous souffrons viennent du courroux que justement Notre-Seigneur
conçoit contre nos péchés, et qu'il ne se peut mieux apaiser que par les
dévotes oraisons des âmes religieuses, nous avons jugé que les vôtres seraient
très à propos pour faire souvenir sa divine majesté de sa miséricorde, et
regarder de son œil de pitié nos afflictions publiques : voilà de quoi je
vous conjure de prier sans intermission, afin que bientôt nous puissions voir
quelque bout de tant de calamités ; ce que nous nous assurons que vous
ferez volontiers. Je vous recommande de prier en particulier pour moi qui vous
chéris bien fort.
Margarita, duchesse de Mantoue.
Turin, ce 22 décembre 1613.
Conforme à une copie de l'original gardé aux Archives de
la Visitation d'Annecy. [13]
LETTRE IX (Inédite)
- À SAINT FRANÇOIS DE SALES
La Sainte s'excuse de n'avoir pas écrit une lettre.
Réflexion sur la fête des Rois.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, janvier 1614 ]
Hélas ! mon très-cher Père, je n'ai point écrit à Celse-Bénigne, car ce matin l'on m'est venu dire que vous
me mandiez que j'écrivisse en Bourgogne, ce que j'ai fait. Or, il n'importe,
j'écrirai bien une autre fois à cet enfant ; je lui écrivis dès Meximieux.
Bonsoir, mon très-cher et tout uniquement très-cher Père, notre doux Jésus
règne seul en notre cœur sans doute. Oh ! que ces Rois furent heureux de
voir de leurs propres yeux le très-saint Enfant, et que nous sommes heureux
aussi de le recevoir et voir journellement.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Désirs d'aimer Dieu et d'accomplir sa volonté.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1614.]
MONSEIGNEUR,
Je prie Notre-Seigneur qu'il vive à jamais glorieux au milieu de votre
cœur parmi ces fâcheuses affaires ; ce que je crois qu'il fera sans
doute, et qu'il vous portera à une excellente sainteté. Mon Dieu ! que
nous avons d'occasions de mériter ! Je [14] suis puissamment
mortifiée quand je sais que l'on vous détourne d'écrire au livre de l’Amour
divin, amour que mon cœur désire toujours plus ardemment. Je suis tout
accablée d'affaires, mais je crois que tout ira bien. J'ai un grand désir
d'accomplir la volonté de Dieu, c'est pourquoi je vous prie derechef de me
marquer tout ce qu'il faut que je fasse pour cela ; car j'ai des
mouvements que je ne puis exprimer, et certaine joie qui dit à mon âme que ce
grand Dieu me conduira, et rendra capable de son amour, encore que je voie
l'inhabileté de mon âme. Priez-le qu'il me donne la force de faire ce qu'il
requiert de moi. Je vous demande votre sainte bénédiction. Dieu vous conserve
toujours dans son amour.
Embarras suscités à propos de la construction du
monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Vers le milieu de l'année 1614.]
Mon très-cher Seigneur,
M. Ruphy me vient mander qu'il avait appris de bonne part que l'on
avait résolu de ne nous laisser que le tiers du canal ; si cela est leur
plaisir, il nous sera à charge, et nous servira de fort peu ; car le moins
que nous nous saurions passer, c'est de dix pieds et demi, et si Monsieur ne nous fait cette [15] charité-là, il nous incommodera pour jamais, et nous le serons déjà
grandement de nous réduire aux susdits dix pieds et demi. Au bout de là notre
bon Dieu nous aidera, s'il lui plaît, et après que vous aurez fait votre
pouvoir, nous demeurerons- contentes de sa sainte volonté, n'est-ce pas, mon
très-cher Père ? et certes, moyennant sa grâce, plus humbles et plus
fidèles à son très-saint amour, duquel je supplie sa bonté vouloir remplir
notre cœur.
N'oubliez pas l'église, car ne sachant où employer promptement nos
ouvriers, nous les y ferons travailler. Bonjour, mon très-cher Père, mon
unique ; conservez-nous bien votre très-chère santé.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Nouvelles contradictions.
VIVE †
JÉSUS !
[Annecy, 1614.]
Il est force, mon très-cher Père, et, il me fâche de vous donner ce
déplaisir : les N. N. ont, à force de menaces, tellement épouvanté nos
ouvriers, qu'ils ont quitté besogne, et [16] leur ont dit qu'ils les chasseraient à coups de pierres, et que, s'ils
travaillaient, ils les battraient fort bien où ils les trouveraient. Certes,
ceci me déplaît bien, mon très-cher Père, et particulièrement pour vous ;
enfin il faut avoir patience. Les N. font faire ces boutades par leurs jeunes
[gens], mais la justice mettra ordre à tout. Je vous écris parce qu'on nous a
dit que le Père prieur vous était allé trouver, et aussi pour savoir ce que
nous ferons.
Mon pauvre très-cher Père, ceci passera bientôt, et la paix nous durera
éternellement, s'il plaît à Dieu ; mais, je vous prie, mon très-cher Père,
pensez un peu, je vous en supplie, qui nous pourrons offrir pour être caution,
et il en faudra donner une.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [17]
Fondatrice du monastère, de la Visitation de Lyon
Cordiale assurance pour le projet de la fondation de Lyon.
— Avantages de la direction de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1614.]
Madame ma plus chère et bien-aimée Sœur,
Que la paix de Notre-Seigneur soit en votre cœur. Il lui a plu de vous
octroyer l'effet de votre demande ; c'est Lui seul qui vous en avait
inspiré le désir ; Lui seul aussi a tiré toutes nos voix et nos affections
pour vous les donner avec une générale satisfaction de toute cette petite
Compagnie, laquelle avait communié et beaucoup prié à cette intention. Pour
moi, je puis dire avec confiance à votre cœur que, lorsque je parlai à [18] Notre-Seigneur de cette affaire, il me sembla que sa divine bonté me
montra comment c'était Lui-même qui vous avait conduite ici de sa propre main,
dont je demeurai consolée et résolue de vous donner ce qu'il me commandait.
Voilà répondre, ma bien très-chère Sœur, à ce que vous me demandez, simplement,
mais véritablement. O Dieu ! que vous êtes heureuse d'avoir ainsi été
appelée de Dieu pour un service si excellent ! Ayez un grand courage pour
correspondre à tant de faveurs, et demeurez très-humble et très-fidèle à sa
sainte volonté.
Il faut encore vous dire ce mot pour répondre aux sentiments que vous
avez de la grâce que Dieu vous a faite, de vous donner un tel guide, un sien si
grand et admirable Serviteur ! Sachez, ma très-chère Sœur, que le
même sentiment a été et est encore si puissant en mon âme, que journellement
j'en ai fait, et fais encore une particulière action de grâces à Dieu ; et
plus nous vivrons et tant plus nous le connaîtrons. Seigneur Jésus ! je me
souviens à ce propos, ma très-chère Sœur, qu'un Capucin me dit une fois qu'il m'aimait
davantage pour cette grâce, reconnaissant en icelle un particulier soin et
amour de Dieu envers moi. On m'a donné mille autres joies sur ce sujet que nous
dirons un jour à loisir ; et cependant demeurez en paix et en assurance,
pleine d'actions de louanges, devoir et être assurée, autant qu'il se peut être
en cette vie, que vous ferez, Dieu aidant, sa sainte volonté.
Nous le prierons continuellement pour vous. Toutes nos chères Sœurs,
qui se tiennent avec moi pour une seule et même âme, vous saluent
très-cordialement. Oui, ma très-chère et bien-aimée Sœur, tout ainsi que je
tiens votre cœur pour le mien propre, ainsi faut-il, puisqu'il est vrai, que
vous teniez mon cœur pour le vôtre propre en Celui qui en est l'unique amour. [19]
Adieu, ma très-chère Sœur ; à Dieu soyons-nous à jamais sans
réserve et sans exception. Je suis, mais d'une incomparable affection, votre,
etc.
Affaires d'intérêts. — Annonce du départ de sa fille, Sœur
Marie-Jacqueline.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], ce 8 novembre 1614.
Monsieur,
Nous avons reçu les deux cents florins par M. Roland. Pour le reste, il
n'y a remède ; il faut bien s'accommoder avec les pauvres débiteurs, car
ils ont prou de peine à recouvrer de l'argent. Je crois qu'ils feront leur
devoir ; que s'ils y sont trop tardifs, nous vous avertirons ; je
veux dire, Monsieur, que nos Sœurs qui demeurent ici vous le feront
savoir ; car, quant à ma Sœur, votre chère fille [M.-Jacqueline], ma Sœur
de Blonay et moi, nous espérons, Dieu aidant (après avoir reçu votre congé et
votre bénédiction que nous vous demandons très humblement), de partir bientôt
pour aller à Lyon et établir une petite Visitation, ainsi que je m'assure Mgr
l'Évêque vous en aura donné avis. Assistez-nous de vos saintes prières,
Monsieur, afin que la divine majesté nous fasse la grâce d'accomplir sa
très-sainte volonté, et nous la supplierons continuellement de [20] répandre sur vous et toute votre chère famille l'abondance de ses
bénédictions, demeurant pour jamais votre très-humble fille et servante en
N.-S.
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.
Épreuves de la Sainte ; son courage et son abandon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1614.]
Je vous écris et ne m'en puis empêcher, car je me trouve ce matin plus
ennuyée de moi qu'à l'ordinaire. Je vois que je chancelle à tout propos dans
l'angoisse de mon esprit, qui m'est causée par mon intérieure difformité,
laquelle est bien si grande, je vous assure, mon bon Seigneur et très-unique
Père, que je me perds quasi en cet abîme de misère.
La présence de mon Dieu, qui autrefois me donnait des contentements
indicibles, me fait maintenant fort trembler et frissonner de crainte. Il m'est
avis que cet œil divin, lequel j'adore de toute la soumission de mon cœur,
outreperce mon âme et regarde avec indignation toutes mes œuvres, mes pensées
et mes paroles ; ce qui me tient dans une telle détresse d'esprit, que la
mort même ne me semble point si pénible à supporter, et me semble que toutes
choses ont pouvoir de me nuire. Je crains tout, j'appréhende tout, non que je
craigne que l'on nuise à moi, comme à moi, mais je crains de déplaire à mon
Dieu.
Oh ! qu'il me semble que son assistance s'est éloignée de
moi ! ce qui m'a fait passer cette nuit dans de grandes amertumes, et n'ai
fait autre chose que dire : « Mon Dieu, mon Dieu, hélas !
pourquoi me délaissez-vous ? Je suis vôtre, faites de moi comme de chose
vôtre. » [21]
Au point du jour, Dieu m'a fait goûter, mais presque imperceptiblement,
une petite lumière en la très-haute suprême pointe de mon esprit ; tout le
reste de mon âme et ses facultés n'en ont point joui ; mais elle n'a duré
environ qu'un demi Ave, Maria, que mon trouble s'est rejeté à corps
perdu sur moi, et m'a tenue tout offusquée et obscurcie.
Nonobstant la longueur de cette déréliction, mon très-cher Seigneur,
j'ai dit, mais sans sentiment : « Oui, Seigneur, ce qui vous agréera,
faites, je le veux ; anéantissez-moi, j'en suis contente ;
accablez-moi, je le veux bien ; arrachez, coupez, brûlez tout ce qu'il
vous plaira, oui, je suis à vous ! »
Dieu m'a appris qu'il ne fait pas grand état de la foi, quand on en a
l'expérience par les sens et sentiments ; c'est pourquoi, contre mes
contrariétés, je ne veux point de sentiment. Non, je n'en veux point, puisque
mon Dieu me suffit. J'espère en lui nonobstant mon infinie misère ;
j'espère qu'il me supportera encore, afin que sa volonté soit faite.
Voilà mon faible cœur entre vos mains, mon vrai Père et Seigneur ;
vous lui donnerez, s'il vous plaît, la médecine qu'il doit prendre.
Demande de quelques papiers.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1614.]
MON TRÈS-CHER SEIGNEUR,
Nous envoyons prendre ces papiers que nous dîmes à soir, pourvu qu'il ne vous coûte point de temps à
les chercher ; ne vous plaira-t-il pas que nous les brûlions ? [22]
Bonjour, mon très-cher Père ; que la très-sainte Vierge vous
tienne sous sa protection, et vous donne son cher Enfant pour l'unique amour de
votre cœur et du mien. Amen.
Mon tout bon et très-cher Père, partez à bonne heure, je vous prie.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Envoi d'un rochet.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1614.]
Ne voilà-t-il pas un bien brave rochet, mon très-cher Seigneur ?
C'est encore de la toile de notre bonne Sœur [madame] de la Fléchère ; mais nous l'avons fait, nous.
Madame la comtesse ne viendra que demain, comme je crois ; elle
nous a tant envoyé de vivres et de perdrix qu'elles nous ennuieraient si nous
n'avions d'espérance de les lui faire manger ; en voilà une couple.
Nous vous remercions de votre boite de confitures, mon [23] très-cher Père. Nous nous portons prou bravement ce matin,
ayant très-bien dormi, nonosbtant l'accablement que nous avions à soir. Bonjour,
mon très-unique Père très-cher. Le doux Jésus remplisse notre cœur de son
très-pur amour. Amen, amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Elle lui recommande madame de Loisey.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1614]
Mon très-cher Père,
Voilà la bonne madame de Loisey toute prête à se confesser, et n'avons
su obtenir d'elle qu'elle différât de se confesser jusques après dîner, afin de
communier demain ensemble. Elle veut tout faire ce matin et vitement, car elle
craint de se trouver mal, si elle jeûne tard. Quand vous serez ici, ou que vous
aurez mandé votre volonté, nous l'y ferons condescendre.
Bonjour, mon très-unique Père. Le doux Jésus soit le seul amour et
entretien de notre cœur. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Brioude. [24]
Affectueux encouragements à observer la Règle.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 16 février 1615.
Excusez-moi, je vous supplie, mes très-chères et très-bonnes Sœurs, si
je ne réponds pas à chacune en particulier ; la faveur que vous m'avez
faite le mérite bien, et mon affection le voudrait, mais ma tête ni mon loisir
ne me le permettent ; aussi bien je ne vois aucune nécessité en pas une,
dont je loue Dieu. Persévérez en vos bons désirs, croissez vos bonnes œuvres,
et vous rendez tous les jours plus fidèles et affectionnées à l'observance de
vos saintes Règles, et me croyez qu'en ceci seul vous devez avoir tout votre
soin ; n'étendez donc [point] votre vue ailleurs, et soyez assurées que
vous cheminerez assurément et ferez un bon et très-heureux voyage. Dieu, par
son infinie miséricorde, vous visite et donne sa très-sainte bénédiction, pour
parfaitement accomplir sa très-sainte volonté ! C'est ce que je vous
désire de toute mon âme, qui vous chérit toutes en général, et chacune en
particulier très-parfaitement, très-cordialement et plus chèrement que vous ne
sauriez jamais [25] penser. Je dis de tout mon cœur à toutes,
toutes généralement, autant à celles qui n'ont point écrit : Dieu vous
bénisse, mes très-chères filles ! Dieu soit notre seul amour et
prétention ! Amen. Priez, je vous supplie, pour les nécessités de
votre pauvre Mère qui vous est très-affectionnée, et servante plus humble et
indigne en Notre-Seigneur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY
Souhaits ardents pour la perfection de ses filles. —
Confiance sans bornes en la direction de saint François de Sales. — Avis pour
une confession générale. — Recommandation d'écrire les Entretiens faits
à la communauté d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 1615.
Que nous sommes heureuses, ma très-chère fille, de nous savoir si bien
aimer en Dieu ! car assurez-vous que je corresponds sincèrement à votre
affection, laquelle j'envie et chéris de tout temps, vous le savez ; et
plût à la divine bonté que je pusse vous en rendre les témoignages que je
désire et à toutes nos chères Sœurs, la perfection desquelles m'est plus
précieuse [26] que mille mondes et mille vies, et, si je les
avais, je les quitterais de tout mon cœur, si par ce moyen je pouvais leur
acquérir un petit avancement au souverain amour de notre doux Sauveur.
Je suis très-aise de quoi mon bon et très-honoré Seigneur vous
communique de nos nouvelles. Ne vous tenez point en peine, ma chère fille, je
vous supplie, pour ce qui est de ma santé : elle va assez bien, grâce à
Dieu ; et puis, assurez-vous que Notre-Seigneur ne me donnera pas plus de
charge que je n'en pourrai porter. Hélas ! vous m'attendrissez quand vous
me parlez de me revoir en notre pauvre petite retraite d'Annecy qui est mon
lieu de suavité et de repos, puisqu'il possède l'unique trésor de mon cœur,
voire, et je le puis dire à vous, tout mon bien spirituel en Jésus-Christ, en
la personne de notre très-honoré Seigneur et Père. Néanmoins, je suis
très-contente de demeurer ici, autant qu'il plaira à la divine majesté ;
trop heureuse et honorée de pouvoir, par le moyen de sa sainte grâce, pâtir la
privation d'un bien qui m'est précieux, comme lui seul sait, et pour le seul
amour de sa très-sainte volonté, qui sera à jamais, s'il lui plaît, le grand et
souverain amour de notre amour. Hé ! Dieu, ma fille, que nous serons
heureuses en cette béatitude, où l'une des félicités qui m'a toujours été des
plus amiables est cette perpétuelle société ! Mais ce n'est [27] pas pour cela que nous la désirerons, ni pour toutes ses autres
excellences ; ains pour le très-pur amour du Sauveur, pour lequel que ne
devons-nous pas entreprendre ? Au moins, humilions-nous très-profondément.
Demandez instamment cette grâce pour moi, afin que je me puisse parfaitement
anéantir.
Que je serai consolée, ma très-chère Sœur, quand vous aurez bien vidé
votre cœur devant ce digne Père, par une confession générale ! Ayez un
grand courage pour faire cette action ; j'espère de la bonté de Dieu
qu'elle vous sera très-profitable : c'est peut-être la meilleure action
que vous puissiez faire en cette vie. Nous vous assisterons de nos petites
prières, et vous conjure qu'en ce temps-là vous priiez bien Notre-Seigneur pour
nous ; car je crois qu'il vous donnera tout ce que vous lui demanderez.
Mais savez-vous, ma fille, quand mon unique Père aura suffisamment parlé à
toutes nos chères Sœurs en particulier, je vous prie, quand il vous viendra
voir avec un peu de loisir, que vous le fassiez parler en commun, si toutefois il l'a agréable, afin que nous
puissions avoir quelques miettes de l'abondance de vos consolations.
Votre, etc.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère de
Bréchard. Archives de la Visitation d'Annecy.
[28]
Vertus particulières à l'Institut. — Sollicitude pour les
intérêts du monastère et le soulagement des ouvriers.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1615 ]
Ma très-chère Sœur,
Notre-Seigneur vous comble de sa très-sainte bénédiction, avec toutes
nos très-chères Sœurs que je salue étroitement et très-amoureusement aux
entrailles de notre doux Sauveur !
Je suis infiniment consolée du bon courage que je vous vois à
toutes ; je vous conjure de persévérer et de croître en ce divin amour
auquel nous sommes tant obligées. Sa bonté nous fasse connaître la grandeur de
notre obligation, mais particulièrement celle de nous avoir rangées en l'état
et au lieu où nous sommes.
Priez fort pour nous qui n'avons pas l'occasion d'une si grande
tranquillité que vous ; mais nos Sœurs, par la grâce de Notre-Seigneur,
font très-bien, et je leur vois un perpétuel désir de croître. Eh !
Seigneur Jésus, faites-nous croître en simplicité, douceur, humilité et
cordiale charité les unes envers les autres. Mais, mon Dieu, je n'ai pas le
loisir de suivre cette affection de mon cœur.
Je vous dis donc, ma très-chère Sœur, que votre faute n'est point
faute, ainsi que vous l'avez faite ; mais sollicitez doucement afin que
l'on vous rende votre prêt en temps à propos, et que l'on n'en reçoive de
l'incommodité.
J'ai oublié de dire à mon très-cher Seigneur qu'il recommandât à M.
Mingon que les matériaux ne manquent aux maçons que je salue, et auxquels, vu
leur nombre, c'est assez de donner quelquefois, selon que vous en aurez la
commodité ; car d'acheter, il ne le faut pas faire pour cela ; mais,
de ce [29] qui sera à la maison, leur en faire part,
selon la charité et commodité.
Je resalue de tout mon cœur nos très-chères Sœurs, et particulièrement
celles qui m'ont écrit. Je leur ferai réponse quand je pourrai. Je salue aussi
le bon Père dom Simplicien et sa sainte troupe, M. Mingon, mesdames de Lallée et Roget et nos autres
amies. J'enverrai de l'étamine à la première commodité. Je salue notre cher M.
Michel [Faure] et les dames de Sainte-Claire.
Sollicitez ceux qui doivent ; car les maçons détruiront beaucoup
d'argent, et ne faut pas qu'il manque.
Adieu, ma très-chère Sœur. Je suis fort consolée de votre bon courage
pour l'action que vous avez à faire. Elle vous sera utile, et je suis toute
vôtre, ma mie, vous le savez, en Jésus.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Détails pour la construction de l'église. — Commissions
diverses.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, dimanche matin, 1615.
Ma bien-aimée et très-chère Sœur,
Je suis si pressée, que si votre lettre n'eût requis réponse, je ne
vous écrirais pas. Je le fais pourtant de tout mon cœur qui chérit le vôtre
uniquement, et toutes mes chères Sœurs, que je salue toujours de toute mon âme,
je leur écrirai à loisir. [30]
Premièrement, je vais vous dire (c'est un souvenir) de faire une petite
porte en la nef de l'église, du côté du lac, pour faire sortir les processions.
Sachez de Monseigneur s'il est utile, et, s'il mande ou dit que oui, faites-le
faire.
Il faut remettre cette petite fille jusqu'à notre retour, n'était que
mon bon Seigneur jugeât qu'il fût nécessaire autrement ; car peut-être en
mènerons-nous d'ici.
Nous avons envoyé par le sire Pierre des laines pour ma fille de
Thorens ; je porterai des dentelles pour sa toilette, et en enverrai à
Françoise quand le sire Pierre reviendra ; ne lui
en achetez point. Il ne donna point céans la boîte de Sainte-Claire, mais je
crois qu'il la leur porta ; au moins ont-elles ici renvoyé une autre boîte
pour nous la faire tenir, mais il faut attendre la commodité des marchands,
cela veut dire après les fêtes.
Je n'ai pas le loisir de penser à ce que je voudrais vous dire, encore
que ma Sœur Péronne-Marie [de Châtel] soit à mon oreille qui m'en dit
prou ; mais je ne puis. O bon Sauveur ! remplissez de vous-même les
cœurs de ces très-chères filles que vous avez assemblées et nous rendez uniquement
une en vous, mon Dieu, notre vraie espérance et amour !
Je salue donc très-chèrement toutes ces chères filles, je dis toutes,
petites et grandes, et notre cher M. Michel, mon bon fils, toutes nos amies et
amis. Nos Sœurs vous saluent ; priez fort pour nous en ces grandes
solennités.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [31]
À Annecy
Exhortation à profiter des enseignements du B. Fondateur.
— Abandon à la volonté de Dieu et à celle des Supérieurs.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 1615.
Dieu soit béni et loué des merveilles qu'il fait pour les âmes qui ont
été et sont encore toutes siennes ! Oh ! ma très-chère Sœur ma
mie ! Dieu nous fasse la grâce à toutes de cheminer humblement et fidèlement
en notre voie, et de suivre avec grand amour et sainte liberté les saints
conseils qui nous sont donnés en particulier, par la bouche et les exemples de
ce très-cher Père et Seigneur incomparable ! Ma chère Sœur, ce qu'il nous
dit doit être gravé dans nos cœurs.
Je réponds à notre Sœur l'assistante [J.-Ch. de Bréchard] pour les
affaires. Dieu veuille tout acheminer selon son bon plaisir.
Je vous assure aussi que je trouve mon séjour ici long ; mais je
ne sais pas quand j'en partirai, sinon que je sais très-bien que ce sera quand
Monseigneur le commandera ; et cependant je me tiens en paix, et espère
bien que vers Pâques ou peu après nous aurons fait les choses plus nécessaires.
Nous avons une peine très-grande de trouver une place commode pour nous
loger ; priez pour cela, je vous prie, et dites à ma pauvre vieille Sœur
Anne-Jacqueline [Coste] qu'elle ne pleure point et que je l'aime bien de tout
mon cœur, et toutes ces autres chères [32] Sœurs. Je vous
ressouviens des entes [greffes], et je finis, car nous donnons l'habit à une
fille ; les parents commencent à venir.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À Annecy
Tendre affection pour la Sœur Rosset. — L'obéissance est
préférable aux austérités volontaires. — Il faut suivre simplement la direction
des Supérieurs.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1615]
Certes, ma très-chère fille, si, fais-je bien, moi aussi ; je
prends beaucoup de contentement à recevoir de vos lettres et de celles de toutes
nos chères Sœurs, parce que je les vois pleines d'une bonne et sainte affection
de leur avancement, dont je loue Dieu de toute mon âme, avec laquelle, ma
très-chère fille, vous êtes assurée que je vous chéris très-amoureusement et
tendrement en ce divin Sauveur. J'ai bien remarqué tout ce que vous me [33] dites par votre lettre, de votre cœur. Oh ! ma très-chère fille,
il faut doucement travailler pour l'affranchir de cette si grande tendreté
qu'il a à ressentir les contradictions ; car c'est trop, ma fille, pleurer
tout un jour pour une légère correction ; mais ce n'était pas la
correction que vous ressentiez tant, oui bien la suite du retranchement de
l'abstinence et de la lecture. Eh ! mon enfant, encore que ce soient de
bonnes actions, et une grande consolation de les faire, néanmoins la sainte
soumission et l'amoureuse obéissance valent mieux que tout cela. Ne vous
souvenez-vous pas, ma fille, de ce que notre très-digne Seigneur nous en dit au
dernier entretien qu'il nous fit pendant que nous étions encore là ?
N'ayez donc rien en si grande affection que la sainte obéissance.
Non, ma fille, ne vous mettez point en peine de tout ce que vous
entendez dire de l'oraison ; cela ne se dit pas pour vous. Demeurez ferme
en l'état où notre bon Dieu vous a mise et suivez simplement ce que notre
très-cher Père vous dit en cela et en toute autre chose. Demandez hardiment à
lui parler quand il vous surviendra quelque peine ou quelque chose de nouveau,
et, quand vous le verrez, suppliez-le de vous donner sa sainte et bénite main,
et la lui baisez révéremment et
[34] très-amoureusement de ma
part, l'assurant que je le fais en esprit d'une affection nonpareille.
Faites-moi le bien, ma fille, de saluer souvent Notre-Dame de ma part.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy
ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY
La Sainte désire voir ses filles progresser dans l'amour
divin et la perfection des vertus. — Détails de construction.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 14 avril 1615.
Enfin, il n'est pas croyable combien j'aime tendrement et fortement le
cœur de cette pauvre Jeanne-Charlotte ; mais vous êtes faite d'une sorte
que si j'en disais davantage, vos yeux en verseraient des larmes. Eh ! mon
doux Sauveur, faites que toutes ces chères affections que j'ai pour cette fille
et pour toutes ses chères Sœurs soient conservées dans le sein de votre
paternelle dilection ! que ces cœurs que vous avez assemblés soient des
lis en pureté, afin, mon Dieu, que vous y preniez vos délices, et qu'aidées de
votre divine présence, nous puissions toutes ensemble, et tous les moments de
notre vie, vous offrir les sacrés parfums d'une sainte humilité, mortification
et parfaite obéissance.
Ma très-chère bien-aimée Sœur, voire, toutes mes chères Sœurs, puisque
je vois l'impossibilité de vous pouvoir écrire particulièrement, comme en
vérité je le désire, je l'avais résolu et m'y sens obligée, excusez-moi donc et
recevez le salut très-cordial que vous offre votre pauvre très-indigne Mère,
laquelle en vraie vérité vous chérit, aime et honore plus que [35] maternellement, et vous conjure de persévérer saintement, voire,
décroître tant qu'il vous sera possible au très-saint amour de Celui qui nous a
aimés jusqu'à donner sa propre vie afin que nous l'aimions. O Sauveur !
faites-nous un peu goûter quelque chose de cette tant profonde et
incompréhensible charité, et si nous faites vivre et mourir en elle, pour elle
et par elle, que nous serions heureuses !
Vous m'excuserez donc, mes très-chères Sœurs, pour cette fois ; et
ne laissez de me consoler toujours de vos lettres, car certes elles me sont
fort chères et agréables, vous n'en doutez pas, je m'en assure. Redoublez un
peu vos prières à ces grands jours pour nous autres et pour ce petit dessein.
Or sus, que dirons-nous, nous deux ? Il faut revoir vos lettres.
Non, ne vous peinez pas pour les Règles de la directrice, c'est une trop forte
besogne pour vous maintenant, et puis nous avons ici la même traduction que
celle de M. Michel. — Ne vous mettez point en peine, ma mie, de notre santé
d'ici. Je me trouve bien forte, Dieu merci, et vous êtes en partie cause de
quoi je n'écrirai pas davantage, parce qu'il approche midi, et il faut dîner
afin d'être prête pour voir Mgr de Lyon qui viendra tantôt. Sa venue, Dieu aidant,
raccourcira ma demeure ici, car je m'en vais bander à faire tout ce qui est
nécessaire pour l'établissement de cette maison.
Mon très-cher Seigneur vous dira toutes nos nouvelles, et vous continuerez
à baiser sa chère bénite main que j'aime tant, toutes les fois qu'il ira chez
vous. Hélas ! qu'est-ce qu'il y a au monde de comparable à ce tant digne
Père ? Vous êtes [36] bien-heureuse de le voir de vos yeux, et je
me console en ce bonheur, attendant que j'en jouisse moi-même. Je lui écris une
petite raillerie ; car j'étais en joie en finissant ma lettre. Il faut
finir, l'heure me presse.
Il est vrai qu'il y a de la peine d'entretenir le bon M. Mingon, mais
il est si nécessaire que vous le saurez bien faire ; que si je puis, je
lui écrirai un mot. Il est très-nécessaire d'amasser les matériaux qu'il faut,
avant les œuvres, et de pourvoir au tout pour les voûtes. Je suis bien aise de
quoi le fonds est encore bon pour les bâtiments.
Quand bien l'on s'accorderait avec M. le Fiscal, il ne faudrait pas
toucher à cela ; cela s'entend si mon très-cher Seigneur ne le commandait.
M. Coulon me tient en tutelle, je n'ai point encore reçu l'argent de ce
côté-là, ni les mémoires. Pour le coup ! des dentelles à Françoise. Je
vous ai déjà mandé que nous en avions envoyé il y a longtemps !... Les
laines que vous aviez encore demandées pour ma fille de Thorens, si elles sont
perdues, renvoyez un autre mémoire.
Je suis fort aise de savoir que notre église s'avance. Je salue nos
pauvres ouvriers et tous nos amis et amies, spécialement notre M. Michel, mon
bon fils ; le Père dom Simplicien, je lui écrirai une autre fois ; le
Père Blanc. Faites mes honneurs et mes excuses partout.
— Adieu, ma mie ma très-chère et bien-aimée Sœur ; mille saluts encore à
toutes ces chères pauvres filles. Le doux Jésus soit l'honneur, l'amour et le
cœur de votre cœur ! Amen.
Un mot à part à ma vieille Sœur Anne-Jacqueline [Coste]. Je l'aime de tout mon cœur. [37]
Un salut tout à part à ma chère Agnès [Joly de la Roche], à la pauvre
grosse, à ma petite Marie-Avoye et à la bonne Sœur
Marie-Madeleine [de Mouxy] ; je leur écrirai sans faillir.
Dieu soit béni à jamais ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Avis relatif aux constructions et aux provisions. — Haute
estime de la direction de son Bienheureux Père. — Approbation d'un changement
d'emploi et autres détails. — Désir d'avoir un recueil des Entretiens.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 28 avril 1615.
Mais comment vous écrire, ma très-chère et bien-aimée Sœur, puisque
voilà que l'on vient de demander les lettres ? Je ne puis relire les trois
vôtres, auxquelles je répondrai à la première occasion ; il me souvient
pourtant que vous me demandiez si l'on fera des greniers sur l'église. Si cela
n'accroît guère la dépense, il ne sera que bon, puisque l'on ne saurait avoir
trop de vide en telle maison ; mais pour couvrir les parloirs du même toit
de l'église et de notre chœur, je ne sais si ce sera à propos ; je
trouverais les pentes difformes, [sans compter] le jour qu'on perdrait pour
notre chœur ; mais je m'en rapporte à ceux qui entendent mieux cela que
moi. M. de la Roche, [38] M. Flocard en pourront dire leur avis, après celui de
mon très-honoré et très-cher Seigneur.
Quant aux pots ou autres instruments pour faire résonner les voix, ce
n'est pas trop mon sentiment, sinon qu'il fût bien approuvé de Monseigneur.
Ma très-chère amie, je vais tous les jours plus découvrant
l'incomparable grâce que Notre-Seigneur nous a faite de nous avoir rangées,
soumises et remises à ce trésor de sainteté, mon très-digne, très-unique et
très-aimé Père. Je vous prie, ne cessons jamais d'en remercier, louer et aimer
cette souveraine bonté. Oh ! quelle grâce ! Dieu nous en fasse jouir
longuement et saintement ! Vrai Dieu, ma mie ! comme je la ressens et
l'estime ! mais aussi comme je chéris ce Seigneur ! qui le
comprendra ?
Quant au vin, si la nécessité le requiert, il en faut acheter, sinon,
comme je ne le pense pas, il faudra attendre le nouveau, qui, à mon avis,
coûtera toujours moins, et il sera bien à propos de traiter avec les frères de
la bonne Sœur Françoise-Gabrielle [Bally], doucement, et de faire les
modérations que leur pouvoir et bon naturel désireront, plutôt que de traiter
exactement.
Certes, ma mie, je suis bien touchée de ces deux petites et tant chères
filles qui ont ainsi tant d'incommodités ; il faudra bien en avoir du
soin, et faire tout ce qui se pourra pour leur soulagement.
Vous avez bien fait de retirer cette pauvre infirme du tracas de la
sacristie, encore que ce soit une charge qui ne doit guère peser à
l'assistante, la sacristine devant avoir un amour si soigneux et diligent, que
son aide lui doit être quasi inutile, sinon autour des grandes fêtes ;
mais, hélas ! cette chère sacristine, puisque nous parlons d'elle, il la
faut un peu saluer tout à [39] part, car je l'aime bien. Si elle savait le
désir que mon cœur a devoir le sien rempli de douceur, affabilité et humilité,
elle ferait, je m'en assure, beaucoup de pratiques de ces saintes vertus afin
de me donner consolation, car elle est grandement de mes amies.
Ne vous peinez pas pour faire ces recueils ; ils me seraient très-utiles et
agréables, mais je vous vois tant occupée que je vous plains ; ni ne
pressez non plus mon très-cher tout bon Père de faire l'entretien, puisqu'il
est tant accablé et que ce livre le presse si fort.
Hélas ! mon enfant, vous avez là un portrait muet, et je suis ici
une idole morte ; vous êtes bonne d'aimer tout cela. Faites par vos
prières que mon Dieu nie rende digne de vos chères amitiés, que je chéris
précieusement.
De vrai, l'ardent amour de votre cœur me tire comme à vous la larme des
yeux. Eh ! Seigneur, faites que nous vous aimions parfaitement, et nous en
vous, uniquement.
Nous avons eu plus de loisir que je ne pensais, mais il ne faut pas
abuser de la courtoisie de cet honnête garçon qui est venu prendre mes
lettres ; je finis donc en vous saluant toutes, mes très-chères et
bien-aimées Sœurs, mais d'une affection la plus sincère et cordiale qu'il m'est
possible, suppliant la divine bonté répandre sur vos cœurs l'abondance de ses
suavités et grâces, afin que nos vertus soient des vertus véritables,
cordiales, solides et constantes.
Adieu, mes très-chères Sœurs ; je vous embrasse toutes
très-amoureusement. Je vais vous écrire tous les jours que j'en aurai le
loisir, car j'y ai une grande consolation et à recevoir de vos lettres. Et
vous, ma très-chère Sœur ma mie, je vous embrasse tout particulièrement, et suis
d'une affection vraie et entière toute vôtre en Jésus. [40]
Mille saluts à tous nos amis et amies, et tout à part à M. Michel, mon
cher fils.
Vive Jésus ! qu'il soit béni à jamais !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Bonheur insigne d'être sous la direction de saint François
de Sales. Annonce de quatre sermons sur l'Oraison.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1615.]
Mais, oh ! mon
Dieu, que je suis consolée de la plénitude de votre consolation ! Enfin
vous avez trouvé que le cœur de mon Père est un cœur qui n'a point d'égal que
soi-même en amour plus que paternel. Ne vous l'avais-je pas dit, que vous en
sortiriez plus que consolée ? De vrai, ce Seigneur est tout admirable en
sa bonté, en son humilité, en sa confiance ; mais, comme vous me dites,
l'on ne peut écrire de ce sujet. Pensez, ma fille, combien il me doit tarder
d'en parler avec vous, qui m'êtes infiniment plus chère maintenant que vous
n'étiez auparavant, [parce que vous savez] quelque chose, de ce qui ne se peut
savoir ni comprendre, de l'union que Dieu a faite entre ce saint cœur et le
mien chétif. Notre Sauveur, qui nous favorise d'une si spéciale et désirable
grâce et miséricorde, soit à jamais béni, honoré, servi et glorifié de cette
unité incomparable. Je vous dis ceci, mon unique et très-aimée fille, de
l'abondance de mon cœur. Prenez la bénédiction de mon Père pour moi, et priez
plus que jamais notre cher Sauveur qu'il nous rende toutes siennes sans
exception. Il me mande, ce cher Père, qu'il fera quatre sermons de
l'Oraison : vous êtes bien heureuse [41] d'entendre les
conceptions et affections de cet esprit rempli de l'Esprit très-saint et de
voir cet homme tout plein de Dieu.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À ANNECY
Exhortation à la pratique des vertus.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1615.]
Je crois, ma très-chère Sœur, que notre bon Dieu vous sollicite souvent
d'avancer votre âme en son saint amour. Je vous ai toujours vue pleine de
bonnes inspirations et de grandes affections, c'est ce qui me fait espérer que
vous serez très-soigneuse de produire beaucoup de saintes actions, sans
lesquelles nos désirs sont inutiles. Pratiquez fort la douceur, la simplicité à
l'obéissance, et la mortification intérieure de vos petites passions ;
c'est ce que nous avons résolu ensemble, n'est-ce pas, ma chère Sœur ?
Priez fort pour moi, je vous supplie ; aimez-moi bien toujours, puisque je
suis de toute affection,
Votre très-humble sœur et servante,
Frémyot.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [42]
À ANNECY
Maternels encouragements à la poursuite du divin amour.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1615]
C'est pour vous mortifier, ma petite chère fille, que vous ne m'avez
point écrit, et moi, c'est pour me consoler que je vous fais ce petit salut à
l'oreille de votre cœur, où je crois que Jésus repose, et je l’y adore de toute
mon âme ; faites-lui la soumission pour moi, qui vous désire toute pure et
toute sainte, et saluez souvent sa sainte Mère, ma très-honorée Dame, de ma
part.
Bonjour, ma très-chère bien-aimée fille. Vivez toute en Dieu, pour Dieu
et de Dieu, qui seul règne à jamais dans nos âmes. Amen.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE XXX (Inédite) - À LA SŒUR JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD
ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY
Conseils pour la construction de l'église. — Recommandation
de ne pas déranger saint François de Sales pendant qu'il travaille au Traité
de l'Amour de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Lyon, 1615.]
Ma très-chère Sœur, je vous vais répondre selon le loisir que l'on me
donne d'écrire, qui est fort court. Ce ne sera que bien fait d'accorder à la
Sœur Françoise-Gabrielle [Bally] ce qu'elle désire, et il est à propos de le
faire. Dieu soit béni du soin qu'il donne à notre bon M. Mingon de nos petites
affaires, et [43] de ce que tout va bien au bâtiment. Si
maître Jean trouve tant de difficultés à faire le confessionnal, il le faut
laisser. Mais, si je ne me trompe, il ne ferait nul préjudice, parce que la
chaire du prédicateur ne doit pas être de ce côté-là, ains de l'autre,
vis-à-vis de notre balustre. Mais pour ces petites choses, il n'est pas besoin
de donner la peine à mon très-cher Seigneur de venir ; au contraire, il le
faut attirer le moins qu'il se pourra et lui laisser son temps pour son livre.
Que si l'on fait ce confessionnal, il faudra qu'il soit petit. Je pense que,
quand la fenêtre aura un pied de hauteur et un peu moins de largeur, ce sera
prou. Mais il faudra quant et quant y poser un petit treillis de fer qui soit
posé en maçonnant, en sorte qu'il ne se puisse ouvrir. Pour l'autre
confessionnal de la sacristie, nous en parlerons une autre fois, et peut-être
que Notre-Seigneur me ramènera là avant qu'il se fasse.
Voilà ce que je vois être pressé de vous dire ; c'est pourquoi je
finirai en vous saluant de toute mon âme, ma très-chère Sœur, et toutes nos
bonnes Sœurs, que je prie Dieu faire persévérer saintement et croître de jour à
autre en humilité, simplicité et parfaite charité. Nos bonnes Sœurs d'ici vous
saluent toutes étroitement. Adieu, ma chère Sœur. Jésus vous comble de son pur
amour. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Réponse à quelques questions touchant les affaires
temporelles.
VIVE † JÉSUS !
Lyon. juillet 1615.
Vous n'aurez que ce mot, puisque mon très-honoré et cher Seigneur vous
dira de nos nouvelles, et puisque, vous gardant [44] toujours pour la dernière, je n'ai point de loisir maintenant ;
mais croyez que vous êtes ma très-chère et bien-aimée Sœur.
Il faut avoir patience avec moi qui ai le plus de douleur pour le
retardement de mon retour, et faire cependant le mieux qu'il se pourra de
toutes parts.
Il fallait envoyer les lettres de ma Sœur Françoise-Gabrielle pour son
frère, et pour celui à qui la procure est faite. Réparez cette faute le plus
tôt que vous pourrez, ma chère amie ; et je m'essayerai de leur persuader
de faire tenir ici l'argent à la Saint-Barthélemy. J'envoie de l'étamine pour
Francine.
Les espèces d'or que je vous ai envoyées sont selon le taux du
Roi : ici la pistole [vaut] sept livres quatre sous ; le sequin,
quatre livres ; le ducat, quatre livres ; et se met partout ;
ainsi il y a trois cents livres en tout.
Il est bien force, ma mie, de faire faire les sacristies ; le prix
fait n'en est pas donné ; mais ces bonnes gens travaillent fidèlement. Il
faut aussi faire fermer la petite cour, suivant les fondements, et faire faire
le portail, comme aussi faire tailler la porte pour entrer dans la
maison ; car vous savez comme tout cela a été disposé. Cette besogne
mènera bien loin nos ouvriers avec ce que l'on a à achever.
Peut-être pourrai-je être de retour dans ce temps-là, et voir ce qu'il
sera bon à faire ; cependant, ma mie, faites faire la treille de notre
chœur, et n'oubliez pas, dans les sacristies, la fenêtre du tour et du
confessionnal que vous y ferez poser en la maçonnant, la treille de fer bien
polie ; et, du côté de la rivière, il faut faire de petites choses pour
vider l'eau. Il faudra rabattre aux maçons les deux fenêtres de taille qu'ils
devaient faire en la nef, et le raccourcissement de l'église, qui a été raccourcie
de deux pieds, mais il faut faire faire cela au bon M. Mingon.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [45]
Pressant désir de voir achever les Constitutions de la
Visitation. — Tendre sollicitude pour la communauté d'Annecy. — Détails de
construction et de provisions de ménage.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 9 juillet 1615.
Ma très-chère Sœur ma mie,
Vous jouissez maintenant de la consolation de cette chère présence de
mon très-honoré Seigneur ; voilà donc votre peine levée. Il s'en est allé
avec beaucoup de désir de travailler pour nos Règles, qu'il rendra fort courtes selon le désir de
Mgr l'archevêque [de Lyon]. Je crois qu'il passera encore à Annecy ces deux
mois de juillet et d'août ; car il dit qu'aux grandes chaleurs il a plus
de loisir pour être moins visité ; j'en serais bien aise, afin qu'il
achevât ce béni livre tant désiré et attendu.
Je crois que mon terme de partir d'ici, et retourner à Annecy, sera
après avoir remis à l'imprimeur ce trésor si précieux pour être communiqué au
monde. Si vous avez donc tant de nécessité et de désir de ma présence, comme
vous me le mandez, contribuez par vos prières et tout le soin et diligence
qu'il vous sera possible, afin que ce bon et très-cher Seigneur de mon cœur ait
beaucoup de temps pour achever cet ouvrage, puisque toutes les heures du jour
qu'on lui laissera franches peuvent être employées à cela, la chose ne
requérant pas maintenant une si grande attention. Le grand Dieu ne veuille
permettre que la chose prenne plus long train ; toutefois, sa très-sainte
volonté soit faite en tout et partout.
Cependant, ayez bon courage, ma très-chère Sœur, nous [46] serons tout étonnées quand nous nous trouverons au mois de septembre,
et puis Dieu nous consolera. Vous pouvez penser le désir que j'ai de
retourner ; il est certes incomparable, ma mie ; mais Monseigneur
n'avait point entendu cette grande nécessité de ma présence de delà, comme vous
me l'écrivez, de sorte qu'il a jugé plus utile, pour la satisfaction de certains
esprits, que je demeurasse le temps susdit ici, que de retourner plus tôt par
delà, et je fais bien nos petites affaires. J'espère en la bonté de Dieu, et au
bon courage de cette si chère Sœur de mon cœur, que ce temps passera doucement.
Je retournerai, Dieu aidant, en la vraie saison où il y aura plus d'affaires
pour les nécessités de la maison, et alors je déchargerai de tout mon pouvoir
ma pauvre petite Sœur ; elle n'aura plus rien à faire qu'à animer le cœur
de ses chères novices au saint amour de leur Époux, et à caresser sa pauvre
Mère qui l'aime tant. Mais n'oubliez [pas] les confitures pour les pauvres, les
fruits secs en quantité tant qu'il se pourra, la provision de beurre et de
fromage au mois de septembre ; ma Sœur Anne-Jacqueline [Coste] aidera en
tout cela.
Je suis un peu étonnée de ce que vous me mandez qu'il n'y aura de blé
que jusqu'à la fin de ce mois ; car la provision allait jusqu'en
septembre ; vous n'avez peut-être pas fait payer celui qui était dû, ni
remplacer ce que l'on avait avancé pour les maçons : oh ! quoi que ce
soit, il en faudra acheter quand il en sera besoin, et plutôt du vieux que du
nouveau pour ces deux premiers mois, après lesquels, voire plus tôt, mon fils,
peut-être, vous en pourra secourir de celui qu'il doit, attendant le dequoi et
la saison propre à faire les provisions.
Faites que ma Sœur Marie-Marguerite [Milletot] écrive que l'on nous
fasse tenir ici sa pension, et qu'elle demande hardiment l'aiguière et la robe
qu'on lui a tant promises ; [il] n'y aura point d'excuse pour le port, il
est facile et aisé d'ici à Dijon.
[47]
Il faut aller fort doucement avec ma pauvre Sœur Marie-Madeleine [de
Mouxy] ; je crois qu'enfin elle pensera à ce qui lui est nécessaire.
Je vous écris fort à la hâte par Monseigneur. C'est une nécessité
inévitable que de faire les sacristies, achever l'église, et faire la clôture
de la petite cour ; car vous savez qu'il se faut élargir, et puis nous
sommes à la fin. Pour ce qui est de la continuation des bâtiments, il faut
attendre et voir ce que l'on pourra quand nous serons par delà. Si l'on achète
les maisons, ainsi que Monseigneur me mande, et puis le jardin des Pères, ce
sera prou de besogne à la fois.
Je salue de tout mon cœur mes très-chères et bien-aimées Sœurs ;
Jésus soit leur tout, et leur tout soit Jésus ! Amen.
Je salue aussi le cher fils M. Michel [Favre], tous nos amis et
ouvriers. J'envoie deux peignes pour mes filles, de la laine rouge, deux aunes
d'étamine pour couvrir un corps de robe à Francine, et de l'étoffe laide et
fort chère pour un corps de cotte et les manches, pour achever l'été, avec des
couvre-cou ; je ne me fie plus à personne pour choisir ce qu'il lui
faudra, j'emporterai, Dieu aidant, de quoi la vêtir.
Bonjour et bonnes vêpres, ma très-chère et bonne Sœur ; il est
près de midi, nous sortons de table, car Mgr de Lyon, à son accoutumée, est
venu à près de dix heures, et puis la bonne madame de Saint-Chamond. Priez fort
pour moi, qui suis, certes, misérable. Le grand Dieu ne laisse pourtant
d'accomplir sa très-sainte volonté en nous ! Amen.
Dieu
soit béni à jamais ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [48]
CONFESSEUR DU SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION d'ANNECY
Consolation de l'âme unie à Dieu. — Estime et éloge de
quelques Religieuses.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 12 septembre 1615.
Mon très-cher fils,
J'écris à ces deux bonnes dames de Sainte-Claire pour obéir à votre
désir et à mon devoir encore ; mais j'ai si peu de loisir qu'il me faut
souvent excuser, et vous prie bien fort, mon bon fils, de ne cesser à me mander
des nouvelles de Monseigneur, des vôtres et de celles de nos pauvres
Sœurs ; vous savez comme cette petite troupe-là m'est chère. Maintenant
que Monseigneur n'y est pas, je les plains un peu ; mais le grand et
souverain Consolateur ne nous manque jamais, quand volontiers et amoureusement
nous nous contentons de lui seul.
Je vous remercie de l'avis que vous me donnez, lequel j'emploierai si
dextrement, Dieu aidant, que l'on ne s'en apercevra point.
Je vous prie, mon très-cher fils, puisque vous me connaissez
suffisamment pour avoir une pleine confiance en moi, parlez-moi toujours
nettement et sans crainte, spécialement quand il y va du bien de cette pauvre
petite troupe de filles, le repos et tranquillité desquelles m'est si cher.
Bientôt Dieu nous [49] rassemblera, s'il lui plaît pour sa gloire,
tout étant en fort bon train ici, Dieu merci. Ces trois professes sont des
filles d'or, et toutes les novices de vraies petites colombes. Certes, il y a
ici une aimable petite troupe, le grand Dieu en sera glorifié, s'il lui plaît.
Ma Sœur Marie-Jacqueline [Favre] est une digne et très-sage fille, et qui
conduit tout cela avec une grande douceur et prudence. Je vous dis ceci à vous,
mon bon fils, pour votre consolation, afin que vous en remerciiez
Notre-Seigneur et le suppliiez continuellement de les faire toutes persévérer.
Je vous prie, mon fils, écrivez-moi amplement pendant l'absence de Monseigneur
et confidemment. Faites bien tous mes honneurs vers M. le prévôt et ces autres messieurs de Saint-Pierre, et à tous nos autres amis et amies que vous
jugerez à propos, mais tout à part au bon M. Mingon, à nos pauvres maîtres et à
la chère Sœur Anne-Jacqueline [Coste], qui ne se souvient plus de me faire des
recommandations ; elle se contente de me bien aimer sans le dire. Mon bon
et cher fils, croyez que vous êtes toujours mon cher fils, et que je suis toute
vôtre en Jésus et Marie.
Frémyot.
Par hasard ce bon prêtre nous a donné l'occasion d'envoyer vos lettres,
desquelles nous ne savions que faire. Le frère Adrien est fort en souci de sire
Pierre. Je vous conjure qu'au plus tôt je sache des nouvelles de Monseigneur,
par Chambéry ou autrement.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [50]
Inquiétude sur l'issue de la maladie d'une Religieuse. —
Confiance en la bonté de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 18 septembre 1615.
Hélas ! mon très-cher fils, vous me mandez que ma bonne Sœur Claude-Agnès
[Joly de la Roche] m'écrit pour me lever de la peine que vous aviez pu me
donner en l'avis du mal de ma pauvre Sœur Jeanne-Charlotte ; elle m'y met
bien plus que je n'y étais, car, ainsi qu'elle me le dépeint, j'en appréhende
une fâcheuse issue. Néanmoins, j'espère en la bonté de Notre-Seigneur que tout
ira bien, et je l'en supplie de tout mon cœur. Vous pouvez penser si cette
nouvelle me touche ; c'est pourquoi je vous prie, mon fils, que j'en sache
au plus tôt la nouvelle.
Notre-Seigneur pourvoira à toutes les affaires intérieures et
extérieures, s'il lui plaît. Puisque mon bon et cher Seigneur est de retour,
tout ira bien. Adieu, mon cher fils.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [51]
SUPÉRIEURE À LION
Encouragement à tout quitter pour Dieu. — Décision
relative à la sainte communion.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1615.]
Nous sommes arrivées très-heureusement, grâce à Dieu, ma plus chère et
bien-aimée Sœur, et me porte très-bien. Ma Sœur de Gouffier vous dira toutes nos nouvelles ;
caressez-la joyeusement ; elle ne fait que passer et s'en va absolument
mettre fin à ses affaires. Oh ! mon Dieu ! ma très-unique Sœur, que
j'ai de consolation, et que j'en ai donné à notre digne Père, [52] quand je lui ai dit votre conduite et l'espérance que j'ai du grand
service que vous rendrez à Notre-Seigneur ! Ma très-chère Sœur, je ne vous
souhaite rien que la persévérance, et que vous teniez votre esprit en douceur,
force et joie ; faites-le, je vous en conjure, ma chère amie ;
eh ! pour Dieu, rendez votre service fidèlement et joyeusement, notre
Sauveur a besoin de cela.
Quel honneur, ma très-chère amie, quel bonheur de pouvoir dire en
vérité à Notre-Seigneur : « Que veux-je en terre, et que
prétends-je au ciel, sinon vous ? vous êtes ma portion, mon héritage
éternellement ! » Oh ! ma fille, c'est en l'éternité des
siècles où seront consolées les âmes qui auront tout quitté pour Dieu ;
quelle consolation, quelle gloire elles y recevront ! Cette vie,
passons-la comme nous pourrons, pourvu que nous parvenions à l'autre. Ma
très-chère Sœur ma mie, je vous supplie et conjure d'obtenir de Notre-Seigneur
que je meure ou que je ne vive plus que pour Lui, pour obéira ses saintes
volontés.
Hélas ! je voudrais vous dire beaucoup plus, mais jugez si j'en ai
le temps. On ne communiera plus les mardis, mais les professes, tantôt un jour,
tantôt un autre, selon que vous le jugerez, vous leur pourrez concéder la
sainte communion plus facilement. Eu égard à la lettre que M. Brûlart écrivait
à Dijon, faites-la chercher, je vous prie, comme aussi la licence que Mgr
l'archevêque me donna pour aller à Dijon. Nous attendons ici mon dit seigneur [de
Lyon] ; s'il revient, sollicitez-le d'expédier nos Règles ; puis,
envoyez-nous-en promptement une copie, car nous n'en avons point. Prenez pour
coutume de saluer de ma part tous ceux que vous jugerez à propos. Adieu, ma
mie.
Je suis toute vôtre.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À LYON
La tristesse est incompatible avec la donation de soi-même
à Dieu. — Se soutenir mutuellement dans la pratique de la perfection.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1615.]
Ma pauvre très-chère Sœur,
Je vous sais si bon gré de vos lettres, qui sont selon mon cœur, qui
aime tant sa chère Péronne.
Il est vrai, mon enfant, c'est toujours à recommencer en cette
vie ; mais si ce n'était cela, que ferions-nous ? Cet exercice nous
est uniquement nécessaire pour notre humilité et confiance, qui sont les deux
chères vertus que notre bon Dieu requiert de nous. Bon courage donc, ma chère
amie, exercez-vous bien en cela et en l'observance. Soyez joyeuse et
gardez-vous surtout du chagrin. Dieu est tout nôtre, ma fille, et nous ne
voulons sinon être toutes siennes. À quoi donc se peiner de chose que ce
soit ? Or sus à votre loisir, vous me direz des [54] nouvelles du cœur que j'aime bien, et que je connais fort bien, je dis
fort bien, Dieu merci.
Je suis toute consolée de ce que vous me mandez que ma très-chère Sœur
Marie-Jacqueline [Favre] fait si bien, je n'en ai jamais douté, et suis tout en
repos de ce côté-là ; aidez-la bien à supporter sa charge, et soulagez-la
en tout ce qui vous sera possible ; ayez soin de sa santé, je vous la
recommande, et, à elle, de vous bien croire en cela.
Je vous prie, ma mie, servez de bon exemple aux autres ; évitez
tout propos inutile ; ne vous retirez point des assemblées que pour des
extrêmes nécessités ; faites des défis pour vous encourager l'une et
l'autre à la vertu, et surtout au recueillement ; remettez-vous-y à bon
escient, ce doit être notre grand exercice. Excitez-vous-y l'une l'autre, et
surtout à chercher purement Notre-Seigneur et votre perfection.
J'ai reçu toutes vos lettres et hardes que [vous] avez envoyées par
Chambéry, mais fort tard.
Ma très-chère fille, mon cœur vous dira ce que le vôtre désire pour sa
consolation une autre fois ; maintenant j'ai froid et fort hâte. Enfin,
humilité, bonne observance, et sainte confiance et joie en Dieu.
Le très-cher Père est tout vôtre à ce qu'il dit. Toutes nos [55] Sœurs vous saluent ; vous êtes enfin, ce disais-je l'autre jour,
ma très-chère Péronne, que j'aime de tout mon cœur.
Quand M. Michel ira là, il vous dira force nouvelles ; ce ne sera
pourtant pas encore si tôt. Toute vôtre en Jésus.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
L'humilité et la vigilance sont nécessaires à une Supérieure.
— Utilité de sa présence au milieu de la communauté. — Conseils de direction
pour plusieurs Sœurs. — Rien qui résultera de l'infime union formée entre saint
François de Sales et Mgr de Marquemont.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1615.]
On me surprend, et c'est M. de Boisy qui me mande que si je veux écrire
à ma très-chère fille, l'occasion s'en trouve bien bonne, qu'il part devant
jour ; et devant jour aussi je fais ce billet sans loisir. Donc, je vous
dis que toutes vos lettres me plaisent et me consolent extrêmement ; je
vois que, grâce au bon Dieu, il vous conduit et tient de sa main paternelle, et
que vous n'avez besoin que de le laisser faire, et vous bien attacher à lui,
cheminant en la plus grande humilité et simplicité qu'il vous sera possible,
sous sa sainte protection, faisant fidèlement avancer votre petite
troupe ; car enfin c'est en cela que le grand Dieu veut le service de
votre fidélité. Et à ces fins, je vous dis toujours, ma très-chère fille toute
bien-aimée, que vous teniez votre temps le plus franc et libre de toute
occupation, afin que, tant que les justes et nécessaires devoirs vous le
permettront, vous puissiez demeurer au milieu de vos Sœurs, lorsqu'elles sont
ensemble, afin de les éclairer et animer à leur devoir, tant par votre exemple
que par vos paroles. Je [56] trouve le désir de nôtre tant bon et digne
Mgr l'archevêque tout juste en ce sujet ; il a raison, ma fille,
croyez-moi, il faut être Mère et maîtresse ; et néanmoins vous faites
très-bien d'exercer l'esprit de notre Sœur *** ; car il est bon, quoique un peu
amoureux de se tenir chez soi, et encore un peu paresseux, et il y a du
naturel ; mais j'espère en Dieu qu'elle profitera néanmoins tous les jours
davantage à ces chères filles, et par son bon exemple, et par sa langue qu'elle
déliera ; et toujours elle vous sera un grand soulagement, car enfin vous
serez souvent tirée hors de la troupe.
Votre résolution pour la dame Raime est conforme à mon
inclination ; retenez l'argent que coulent les raisins-damas sur celui que
vous recevrez ; vous prendrez conseil avec M. de Médio et M. Voullart comment vous le ferez tenir.
Demeurez en repos avec la chère et bien-aimée Péronne-Marie ; je n'ai
point pensé à ce que l'on vous a dit, mais ne laissez pour cela de faire
dresser des filles pour le ménage ; car, en vérité, la charité nous
commande de faire reposer cette bonne fille, après qu'elle aura fait et mis en
bon ordre la maison, et qu'il y en aura de façonnées pour cela.
Hélas ! ma très-chère fille, j'ai bien de la compassion de ma pauvre
Sœur *** ; certes, il y a bien de l'imagination en son fait ; il faut
que notre bon Mgr l'archevêque aide à la guérir et encore le confesseur,
méprisant fort et ravalant ce qu'elle estime tant en elle ; je lui écrirai
comme à toutes les autres à mon premier loisir. Il faut avoir grand soin de la
bonne Sœur *** ; il la faut tenir joyeuse tant qu'il se pourra et occupée,
et avoir l'œil à la bien faire manger et dormir ; car à l'ordinaire la
débilité du cerveau coopère fort à telles tentations d'imagination ; pour
cela, ma chère fille, exercez une grande compassion, [57] charité et patience envers elle : Dieu et le temps feront voir ce
que c'est que tout cela.
Le jour vient ; je ne sais rien qui presse à être répondu, sinon
qu'en vérité, ma très-chère fille, Dieu vous a fait une grâce qui ne se peut
jamais assez reconnaître, de vous avoir donné pour pères ces deux grands et
très-dignes prélats, dont la piété éclate et plaît à Dieu et aux
hommes. Je ne vous saurais dire la consolation que je ressens de la grande
union que Dieu a faite entre eux ; je crois qu'elle servira à la gloire de
Notre-Seigneur plus que nos petits jugements ne le peuvent comprendre. Enfin
j'en loue Dieu de tout mon cœur ; il m'a donné la consolation qu'en cela
j'ai longuement désirée et demandée à sa honte, car je voyais clairement que
l'utilité en serait grande, et particulièrement que notre très-bon seigneur
l'archevêque en recevrait les contentements et consolations que sa piété mérite
et requiert. Notre cher Seigneur d'ici se fond tout en charité pour ce
prélat ; il l'a en singulier respect. J'écrirai tant qu'il me sera
possible à ces chères filles à la première commodité ; maintenant je salue
leur cœur de tout le mien et très-amoureusement. Le grand Jésus les remplisse
de sa douceur, simplicité et innocence ! Je salue avec grande révérence,
mais cordiale affection, Mgr l'archevêque ; je salue aussi le bon Père
Philippe, M. de Saint-Nizier, M. l'aumônier, et tel autre qu'il vous plaira. Ne
mandez plus à M. le président que vous ne recevez pas de nos
lettres ; car aussi bien ne manquons-nous pas d'écrire à toute occasion.
Je salue tout à part vos deux chères compagnes, mes filles et Sœurs
très-chères. Bonjour, ma mie. Jésus soit notre tout. Amen, amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [58]
Reconnaissance envers l'archevêque de Lyon. — Prudence
nécessaire dans le choix des lectures. — Pieux témoignage d'affection. — Désir
que la Mère Favre écrive la vie de madame d'Auxerre, fondatrice et première
Religieuse de la Visitation de Lyon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1615.]
Nous avons eu l'honneur et la consolation de posséder ici votre
très-honoré et très-digne Mgr l'archevêque, avec une joie et contentement extrêmes, et
encore avec utilité et édification très-grande de tous. Ma très-chère, toute
très-chère Sœur, quand il vous ira voir, faites-lui très-humble révérence de ma
part, et l'assurez du singulier respect et honneur que je lui porte ;
Dieu, par sa bonté, le conserve longuement pour sa gloire et le remplisse de sa
très-sainte dilection : c'est le continuel souhait que je fais et ferai
pour lui. Au reste, il a tant montré d'affection à mes filles, et surtout à
Francine, qu'il trouve bien à son gré, que je m'en sens toute son
obligée ; il vous aime et estime fort, et toute votre petite Compagnie de
laquelle il espère très-bien.
Je crois que vous aurez reçu les deux lettres que je vous ai écrites
depuis notre arrivée ; je vais répondre aux vôtres qui m'ont donné une
joie que je ne puis exprimer : enfin, ma très-chère Sœur, ma très-chère
amie, vous êtes capable de me donner un vrai contentement. Mon Dieu, que vous
êtes heureuse de servir Notre-Seigneur et sa sainte Mère ! Mais faites-le,
ma très-chère amie, le plus joyeusement et courageusement qu'il vous sera
possible. Notre tant bon Père, que je n'ai quasi point vu encore, vous écrivit
l'autre jour une bonne et belle
[59] lettre. Eh ! qu'heureuses sont les âmes qui se
sont retirées dans le sein sacré du Sauveur, et qui prennent là toutes leurs
délices !
Mais je vais répondre à vos lettres, car pensez que je vous écris
pendant que nos Sœurs soupent ; n'ayant nul loisir, je n'ai su entretenir
encore pas une d'elles. Tenez ferme au même langage que vous avez commencé à
dire à M. de Saint-Nizier ; il ne s'en est rien dit ici ; il
est besoin que je réponde au Père Théodose ; c'est à vous à faire cela. —
Il est vrai que j'avais dit à ma Sœur *** que vous lui donneriez un petit livre
de la perfection ; mais il ne lui en faut point, à cause de sa tendre
imagination à croire qu'elle a les biens qu'elle désire, et dont elle entend
parler ; tenez-la doucement et cordialement humble, et croyez, ma mie,
qu'elle fera fort bien s'il plaît à Dieu. Ma très-chère Sœur, je voudrais vous
dire beaucoup de choses sur la vraie et sincère affection de notre cœur ;
je parle ainsi, parce qu'il me semble que nous sommes plus unies que jamais, et
cela est vrai ; et, si nous ne sommes point séparées, la communication par
nos lettres nourrit notre suavité plus fort, ce me semble. O Dieu ! rendez
cette affection éternelle, car, certes, [60] la vie de l'homme
est trop courte pour jouir seulement d'un si grand bien !
Mais, mon Dieu, il nous faut répondre à vos petites demandes. Loué soit
Notre-Seigneur du bon courage que prennent nos bonnes Sœurs, pour la sainte
obéissance : oh ! la douce et très-agréable nouvelle pour moi, et le
grand trésor pour elles ! Je les conjure, ces très-chères filles, que
j'aime parfaitement, de vous donner toute la consolation qui leur sera possible
par une sainte et fidèle poursuite de leur perfection. Oh ! mon Dieu, ma
très-chère Sœur ma mie, mourons ou aimons notre bon Sauveur ! Amen.
Monseigneur a fait répondre au désir de madame Colin, par celle qu'il
écrivit à M. l'aumônier. Vous avez bien répondu à N***, et il ne me faut point
remercier de tel paquet ; si je puis, j'écrirai à M. ***, sinon faites-le,
vous, ma mie, car ce sont nos petites affaires. Croyez que l'on prie et priera
bien pour vous, surtout les chers Père et Mère.
Je crois que c'est cinq écus qu'il doit pour les cierges, M. de
Villars, et il est bien vrai pour le moins. Mon bon neveu de Boisy, j'ai eu
prou peine à lui dire adieu ; car il est tant occupé ; mais Dieu sait
si nous parlerons de la pauvre chère Sœur ***. Vous êtes bien plus brave en
votre ornement noir que je ne voulais, enfin les enfants valent mieux que leur
mère. J'ai fait déjà et ferai le reste de vos honneurs et
recommandations ; faites bien là les miens, à mon petit et cher neveu
surtout, et à nos pauvres chères professes, que j'aime tant et si
parfaitement ; assurez-les-en bien, ma mie, je vous en prie, et toutes nos
chères petites novices ; certes, il ne se peut dire combien tout cela
m'est cher. Mais, mon Dieu, faisons bien, nous avons dix braves Règles
[copiées]. Je ne sais si je vous ai point déjà dit comme toutes nos Sœurs vous
saluent. Certes, nous ne parlons quasi que de vous ; pour moi, je ne m'en
puis taire, et j'y ai une grande consolation ; si l'ont-elles bien toutes, [61] car elles vous aiment chèrement. Je voudrais que vous et M. l'aumônier
écrivissiez la maladie et mort de votre pauvre défunte, et nous l'envoyassiez.
La petite Austrain m'a fort commandé de vous saluer.
Adieu, bonsoir, ma chère toute unique Sœur toute parfaitement aimée, ma
petite. Bonsoir aussi, ma pauvre Péronne, et toute la chère bien-aimée troupe.
J'écris un mot à ma Sœur de Gouffier ; si elle est partie, vous le
garderez, si vous n'avez adresse pour le lui faire tenir jusqu'à ce que vous en
ayez. Enquérez-vous quand le messager de Besançon viendra. Écrivez au Père
Placide [Bally] que je vous ai priée de lui mander derechef qu'il nous envoie
au moins les sept cents livres qu'ils ont de prêtes ; certes, cette maison
est vide d'argent et de toute provision, et prou de dettes et d'affaires pour
achever l'église. Toute vôtre, ma chère Sœur ; je vous supplie de faire
tenir ce paquet à Dijon le plus tôt que vous pourrez.
Conforme à l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [62]
Admiration que lui inspire une lettre du Saint. —
Traverses pour le bâtiment. Aimable plaisanterie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1615.]
Mon unique Père,
Je vous renvoie la lettre que vous daignâtes me communiquer hier.
Certes, mon très-cher Père, il y a des traits dans cette lettre qui méritent
d'être écrits en lettres d'or.
Dieu veuille que ce pauvre cher esprit, à qui elle s'adresse, puisse
bien surtout se réduire à marcher par le milieu de ces sacrées et bénites
vertus d'humilité et de simplicité. Je n'ose prendre le loisir de revoir
partout cette lettre ; je vais la reporter là-bas et y verrai derechef ce
que je pourrai. Mon tout unique très-cher Père, ce grand Dieu soit à jamais
notre grand et unique amour, et notre cœur très-seul y soit sa demeure éternelle.
Amen.
Mon vrai Père, si M. le Poivre va à Paris, recommandez-lui bien fort
notre expédition.
Il me fâche bien de vous dire que nous avons de nouvelles traverses
pour notre bâtiment. Il faudra que vous preniez la peine de venir pour apaiser
cette nouvelle bourrasque, laquelle, j'espère, passera bientôt, et la paix nous
demeurera, s'il plaît à Dieu, jusqu'à l'éternité.
Je ne puis finir ce billet sans vous dire, mon vrai cher Père, qu'il me
semble que vous n'avez pas assez mortifié ma fille N..
[63] Mais voyez-vous, voilà la
coutume : les pères gâtent leurs filles, parce qu'ils en sont tendres et
ont pour elles trop de douceur et d'indulgence. Je sais bien que vous me
répondrez que aussi souvent les mères gâtent leurs garçons, parce qu'elles ont
pour eux un cœur trop flexible et des paroles trop faibles ; mais après
tout, mon vrai cher Père, rien ne sera gâté, Dieu aidant, parce que en tout la
volonté divine sera suivie.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy
SUPÉRIEURE À LYON
L'Époux divin prend ses délices dans les âmes humides et
dépouillées de tout. Tendre souvenir conservé aux Sœurs de Lyon.
Annecy, 12 novembre 1615.
Je loue Dieu de tout ce que vous m'écrivez, ma plus chère et très-chère
Sœur, que mon âme chérit uniquement. Je supplie cette infinie bonté de vous
faire sentir sa douceur, et le plaisir qu'il prend de voir des âmes se
dépouiller amoureusement et joyeusement, pour l'amour de lui. Mon Dieu, ma mie,
ma très-chère Sœur, vivez bien joyeuse, je vous en conjure, pour l'amour et par
l'amour indicible que je vous porte. Au reste, à mon accoutumée, j'écris sans
loisir, je pèse que mon temps, [mots illisibles] Dieu veuille que
je ne le perde point ; je ne répondrai point à votre dernière, car je ne
l'ai pas, notre très-bon et digne Père l'a emportée à la Thuile, où ils
allèrent hier tous pour le baptême du fils de M. [son frère]. Je me souviens pourtant [64]
1
64 LETTRES
DE SAINTE CHANTAL.
de la représentation que vous m'y faites de l'esprit de ma bonne Sœur
***, elle est toujours excessive et admirable à exagérer. Mon Dieu, quelle
fille ! je l'admire, grâce à Notre-Seigneur ; certes, nos Sœurs d'ici
sont de bonnes filles, et qui désirent de devenir tous les jours meilleures ;
[deux lignes illisibles]. N*** a grandes occasions de s'humilier et de
louer Dieu pour ses bénéfices. Qui plus, qui moins, Dieu sait comme je les aime
toutes ; mais en vérité ce qui m'est absent selon le corps m'est
très-présent et intime selon l'esprit ; et mes délices, c'est d'en parler.
Mais n'ai-je pas raison ? car enfin c'est ma grande très-chère ancienne
"fille, ma pauvre Péronne [de Châtel], et ma chère petite Aimée [de
Blonay], que j'aime uniquement. Tout ce qui est ici vous honore, estime et chérit :
humilions-nous bien seulement, et que ces deux filles professes ne fassent [mots
illisibles] ; qu'elles m'écrivent s'il leur plaît, et que pour cela
elles n'attendent de réponse que quand il le faudra et que je le pourrai. Mille
saluts à ma pauvre chère Jéronyme ; certes, je l'aime très-bien, et la
pauvre Câlin et tout le reste ; mais je ne puis écrire. Tenez la main à
l'affaire de Besançon, et très-humble révérence à votre bon seigneur
l'archevêque, que j'honore tant, et à tous les autres, surtout à mon petit neveu.
M. Voullart emporte procure pour recevoir l'argent.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [65]
Demande de prédication.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1615].
Il me semble, mon très-cher Père, que vous avez accoutumé de nous faire
toujours quelque faveur extraordinaire à ces saints jours des fêtes de
Notre-Dame. Si donc vous ne prêchez point à la ville, vous prêcherez
volontiers, je m'en assure, à votre petite Visitation ; nous vous en
supplions, si vous le pouvez, mon très-cher Père ; et, si nous n'avons la
consolation de vous voir après dîner, nous vous renverrons ce soir les lettres
pour Mgr de Lyon ; car l'homme est parti dès le grand matin.
Dieu bénisse vos pénitentes, mon très-cher Père, et remplisse votre
cœur de son très-pur amour et de celui de sa très-sainte Mère. Amen.
Bonjour, mon très-cher Père, et de tout mon cœur très-chèrement
bonjour.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Nouvelles du président Favre et de saint François de
Sales. — Changement de cellule. — Désir de répondre à la confiance des Sœurs de
Lyon. — Détails de ménage.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 10 décembre 1615.
Mais que pourrai-je dire à celle chère Sœur, la bien-aimée de mon cœur,
car voici qu'il faut envoyer cette lettre à cause [66] de la nuit qui
vient, et je ne l'ai pas encore commencée. Or ça, ma toute chère fille, je vous
dirai ce qui me viendra, et premièrement que votre très-bon père se porte
très-bien, grâce à Dieu. Il faut déjà faire ici une pose pour aller trouver M.
de Foras ; nous parlerons un peu de ma pauvre grande novice, toute chère et mignarde de sa Mère.
Je reviens, ma mie, et vous rapporte un cordial bonsoir de la part de
ce cher père [le président], qui vous l'envoie ; je lui ai fait vos
recommandations. Notre bon Père revint hier seulement de La Roche ; je
ne l'ai quasi point vu depuis trois semaines, il est tout occupé autour de Mgr
de Maurienne qui l'est venu voir.
Il sera bon d'attendre une année pour tirer les cellules ; aussi
bien n'avez-vous que des novices, à qui il les faut donner chacune selon leurs
besoins et votre discrétion. Oui, certes, ma chère fille, nos Règles sont
très-aimables, et je loue votre zèle de les faire observer ; j'en suis
consolée. Il faut avoir patience avec ce bon Mgr l'archevêque, et encore ne
sera-t-il pas mal à propos de commencer ces belles cérémonies un peu
solennellement. Que plût au bon Dieu que ce fût pour madame de Grolée, que l'on
me dît avant-hier qu'elle était entrée parmi nous.
Qu'il me tarde que je reçoive de vos nouvelles ; j'en suis déjà en
appétit. Hélas ! je n'ai pas fait la réponse qu'attendait la pauvre Sœur
Françoise-Jéronyme ; accommodez un peu ce [67] manquement, je vous en ai déjà écrit, mais avec protestation que je
fais de ne vouloir jamais manquer de servir toutes ces chères filles qui sont
autour de vous, en tout ce qui me sera possible, et je vous en conjure, ma mie,
de me le mander fort librement ; que si mes lettres leur sont utiles, ou
les puissent consoler, ne faites que me le dire.
Je crois que vous avez reçu des nouvelles de Besançon ; je désire
seulement que l'on change les écus de France en monnaie blanche, car ils ne
valent pas tant ici. Si vous pouvez trouver commodité de si bien accommoder vos
fruits secs, vous nous obligerez bien de nous en envoyer, car nous n'en avons
point, et notre chère Sœur N*** à qui ferait grand bien d'en avoir un peu, et
surtout de la Gray. Si vous les donnez à ce porteur, il faudrait les bien
recommander et surtout les bien accommoder.
Or sus, certes, il faut finir en commençant pour ce coup, ma très-chère
fille, puisque je n'ai pas plus de loisir ni pour vous ni pour les autres
très-chères Sœurs, que je salue avec vous ; mais surtout je vous prie de
saluer avec grand respect, amour et cordiale affection Mgr l'archevêque,
certes, très-bon et digne prélat ; comme aussi saluez d'un salut parfait
le bon Père Marcellin ; je n'ai [pas] moins de désir de le voir, je
m'assure qu'il le croit. Mille saluts aussi à M. de Saint-Nizier, au Père
Philippe et à M. l'aumônier ; je lui ferai réponse au premier jour, Dieu
aidant. Adieu, ma fille ma mie. Je suis très-assurément toute vôtre, et prie
Dieu que nous soyons toutes siennes. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [68]
Avis touchant les fondations demandées. — Annonce de
plusieurs prétendantes et de deux professions à Annecy. — Conseils de direction
pour madame la présidente Le Blanc. — Mépriser les inquiétudes qu'on a sur soi
et sur autrui. — Affaires diverses.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1615.]
Ma très-chère Sœur ma mie, tout premièrement, c'est la vérité que je
suis toute vôtre, et puis, que ce n'est point faute de diligence que vous êtes
si longtemps sans avoir de nos nouvelles ; car fort souvent nous avons
envoyé chez les marchands savoir s'ils allaient à Lyon. Or, de cela, il ne faut
point que vous doutiez que je n'y aie du soin et de l'affection, et ne sais
comme est passé ce marchand que vous dites. Je prends vos lettres pour y
répondre, ma très-chère fille, et vous écris fort à la hâte, je vous assure.
Nous envoyons nos heures. Nous avons reçu tout du carrossier, et la
belle bougie dont je vous remercie, et surtout les crucifix.
Cela ira très-bien que les filles de Riom aillent à vous pour se
dresser, Dieu vous donnera prou ce qui sera nécessaire. Nécessairement, il faut
que les filles se viennent dresser ou à Lyon ou ici, car il est impossible de
fournir des filles et d'en tirer de céans, d'un bon espace de temps. Oh
Dieu ! ce n'est pas chose sitôt faite que des Supérieures.
M. le premier président de Toulouse a écrit à Monseigneur d'en mander
[des Sœurs pour une fondation], et on lui répond qu'il en envoie [des sujets
pour les former]. La maison de céans s'en va être une grande famille et de
grand soin et peine.
Mademoiselle du Châlelard et mademoiselle d'Avisé étaient ici [69] la semaine passée, qui ont requis avec une grande humilité et ferveur
que l’on tirât les voix pour être admises à la probation, de sorte qu'elles les
ont eues et viendront commencer en ces fêtes prochaines ; [ce] sont deux
âmes tout à fait à mon gré. Plusieurs autres demandent.
Nous ferons les professions de nos Sœurs M.-M. [de Mouxy] et
Marie-Françoise [de Livron], le jour de la Saint-Jean [l'Évangéliste], comme
nous espérons. Vous voyez, ma très-chère fille, s'il est nécessaire que nos
deux professes et les novices se rendent de bonne observance pour l'exemple de
celles qui viendront.
Certes, N*** a tort de nous engager à de grandes obligations vers la
bonne madame la présidente Le Blanc ; mais il la faut supporter avec
charité, et employer le vert et le sec pour éloigner d'elle ses frères et
sœurs, et puis lui faire retrancher le commerce des lettres, c'est son
lien ; jamais elle ne s'affranchira bien de ce côté-là si elle n'est
aidée. Dieu, par sa bonté, la prenne de sa bonne main, et la conduise hors de
tout soin superflu. Mgr l'archevêque a prudemment fait de lui trancher court
que sa sœur ne sera pas reçue ; il n'est pas expédient de faire autrement.
Mille cordials saluts à la bonne madame la présidente Le Blanc : c'est une
des femmes du monde que j'honore le plus. — Pour Dieu, ma très-chère fille ma
mie, écrivez moi toujours tout naïvement vos petites affaires, et ne vous
peinez point de les faire doubles, je veux dire d'écrire à part à notre bon
Seigneur et à moi ; écrivez seulement à l'un ou à l'autre, il suffira.
Aussi ne sommes-nous pas deux, par la grâce de Dieu, et je vois que tant écrire
vous fait mal à la tête ; et puis cela mange votre temps. Tout le monde
vous excusera bien, sinon quelquefois le cher frère de Boisy ; pour le
reste, il faut qu'ils vous écrivent et qu'ils n'attendent point [70] de réponse, sinon quand vous le pourrez et voudrez pour vous récréer.
Je ne sais si je pourrai écrire à M. Austrain ; en tout cas, vous
aurez soin de faire mes honneurs. Certes, leur petite est bien heureuse !
nous sommes trois qui en avons un soin tout particulier. Elle sera bien
gentille, mais il faut toujours que M. et madame Austrain lui recommandent
l'obéissance et qu'ils se tiennent en crainte ; je l'aime tendrement et
toutes nos Sœurs aussi ; assurez-les-en, et du grand désir que j'ai de les
servir et de les contenter en ceci.
Vous faites bien aussi pour les tendretés qui vous saisissent pour mon
regard. Hélas ! ma très-chère fille, nous n'en sommes point
exemptes ; mais il faut pourtant tenir l'esprit en grande générosité, et
n'en guère parler, ni moins y penser ; le mieux est de les souffrir, et
les sentir doucement sans faire semblant de les voir.
Que je serais consolée si M. D. se prenait au filet ! le bon Dieu
lui ferait grande miséricorde. Je serai bien aise que vous nous mandiez les
sentiments du Père général des Feuillants, et quelques nouvelles des affaires
temporelles de feu notre bonne Sœur Marie-Renée [Trunel] ; le premier
papier que ma Sœur P.-M. [de Châtel] envoya était un brouillon... Vous aurez
reçu celle que nous vous écrivîmes par M. Voullart.
Pour Dieu, ma mie, faites tout ce qui se pourra, afin que l'argent de
ma Sœur F.-A. nous soit bientôt apporté ; nous sommes nécessiteuses,
personne ne veut payer. M. Voullart a la procure pour recevoir [deux lignes
illisibles]. Notre bonne madame Voullart, que je salue de tout mon cœur,
fera bien cette emplette.
Adieu, ma très-chère fille ma mie, que j'aime de tout mon cœur. Je me
porte fort bravement et toute désireuse de bien faire quand j'aurai le loisir
d'y penser ; et je prétends de me bien prévaloir de ma coadjutrice ;
je ne sais qui choisir, sinon
[71] ma Sœur N***. Notre Sœur
P.-M. est excellente pour cela ; un jour, Dieu aidant, je la
prendrai ; mais, cependant, je vous conseille de vous en servir.
À Dieu, derechef, soyons-nous à jamais.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [72]
Il faut mettre tout son contentement en Dieu. —
Proposition de mariage pour Françoise de Chantal. — Difficultés suscitées
contre les Règles de la Visitation. — Conseils pour la pratique de certaines
mortifications extérieures.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 4 janvier 1616.
Un mot seulement, car, ma pauvre très-chère fille, il n'y a pas moyen
d'écrire à souhait, il faut donner les lettres aussitôt qu'on sait qu'il faut
écrire. Pour Dieu, ma chère amie, ne vous laissez point aller aux
attendrissements, fichez votre esprit, votre amour et tout votre contentement
en Dieu. Tenez votre cœur en force et générosité, et la joie intérieure vous
retournera. Ma fille uniquement très-chère, nous ne sommes point séparées,
tenez-vous en cette assurance, et vous accoutumez à penser et à parler de moi,
quand il sera besoin, avec un esprit libre et joyeux, comme si je vous étais
présente. Hé Dieu ! ma mie, que nous sommes heureuses de savoir que notre
bon Dieu est partout et toujours prêt à nous servir de Père, de Mère, et
d'Époux très-doux et suave ! Je suis bien aise que vous preniez madame de
Chevrières pour mère. [73] c'est une vertueuse et utile amie ; saluez-la très-humblement de
notre part, car je l'aime bien.
Les Noëls de nos pauvres Sœurs aussi, je les trouve bien bons ;
mon Dieu, que j'aime tous ces cœurs-là ! assurez-les-en bien, ma mie, je
vous en prie. Si ce bon Père est encore à Lyon, ô Dieu ! saluez-le
étroitement de notre part, et le Père recteur quand il sera venu, et les Pères
Marcellin et Philippe, et tout premier Mgr l'archevêque. Plût à Dieu que cette
sainte âme allât se [mot illisible] parmi nous !
Par votre première lettre, dites-moi bien comme vous vous portez, car
je ne sais, mais je ne prendrais pas plaisir que vous devinssiez maigre. Ma
fille [de Thorens] vous écrit [mots illisibles] parle du mariage
de M. de Foras avec Françon. Je vous assure, ma chère amie, que la bonne madame
a tort de me blâmer si Monseigneur ne lui a pas écrit ; je le vois fort
peu et ne saurais dire le temps qu'il y a que je ne lui ai parlé, tant il est
accablé d'affaires. Je lui dirai pourtant, si je le vois, qu'il lui écrive...
Si je puis, je lui écrirai. Assurez-la souvent du grand amour que je lui porte,
car, certes, je l'aime de tout mon cœur, mais tout de bon. Puis après,
hélas ! certes, j'ai compassion du bon M. de Lyon et de ses règles, le
pauvre homme en accablera ; et, vrai Dieu ! que ne pêche-t-il où il
sait qu'il y a bonne eau et en abondance ! mais n'envoyez point les
règlements qu'il nous fit faire sans nos Régles ; sachez, mais
délicatement, son dessein et la cause de ce retardement.
Quant aux mortifications extérieures, il s'en fait ici de très-bonnes
et avec grands sentiments... Vous en voyez, de vrai, prosternées au travers la
porte, la face contre terre, d'autres en croix..., d'autres, la corde au col,
demander pardon, détester leurs imperfections tout haut, demander l'aumône et
semblables... Or, je les permets rarement, parce que, quand elles sont
fréquentes, cela diminue leur valeur ; et faites ainsi, avec tant de
sentiments, elles profitent et mortifient celles qui les font [74] et édifient les autres. Vous leur pouvez donc permettre, mais qu'elles
n'en fassent jamais [outre les temps marqués] sans vous les demander, et que
cela vienne d'elles [deux lignes illisibles].
On vient prendre les lettres. Ma très-chère fille, bonjour de tout mon
cœur tout vôtre. Humilité en tout, ma très-chère fille, et mortification
d'esprit. Vive Jésus !
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé au deuxième
monastère de la Visitation de Paris.
La vraie et solide vertu se forme dans les contradictions.
— Tendre charité pour une Sœur éprouvée. — Nouvelles de saint François de
Sales. — Détails pour affaires temporelles.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 12 janvier [1616].
Dieu vous bénisse et vous remplisse de son très-saint amour, au
commencement de cette nouvelle année, ma très-chère fille mon enfant ! Je
viens de recevoir vos lettres qui me plaisent toujours bien. Notre bon Seigneur
et très-cher Père les voit toujours le premier, comme chose qui nous est
commune. Je suis en peine de cette pauvre Sœur N***. Oui-da, si vous pensez que
l'ôter pour quelque temps de la cuisine lui puisse profiter, il le faut
faire ; mais, croyez-moi, éprouvez-la et l'exercez, car quelquefois il
semble que nous devenions toute sainte, et c'est parce que nous ne sommes ni
tentée, ni attaquée ; la bonne vertu se forme parmi les occasions et
contradictions.
Voilà une bonne mortification, ma très-chère fille, que celle de la
pauvre Sœur N*** ; elle est digne de grande compassion, [75] et vous faites bien de la soulager le plus doucement que vous
pouvez ; je lui écris et à une partie de nos Sœurs. Croyez, ma très-chère
fille, que j'ai bien peu de loisir. Monseigneur part d'ici ; il s'en est
allé pour recevoir Mgr de Maurienne qui retourne le voir pour trois ou quatre
jours ; il vous salue avec son cœur plus que paternel. Hélas ! ce
très-bon Père, nous le voyons très-courtement et assez rarement, car il est
toujours accablé d'affaires.
Ma fille ma mie, que l'on considère bien le lieu où l'on vous mettra,
avant que de vous faire changer de logis, et ayez un peu de fonds pour cela,
car tout va bien juste à Lyon ; mais vous avez de bons conseillers. Une
très-humble révérence à Mgr l'archevêque, et dites-lui que mes deux filles le saluent très-humblement, qu'elles vous
ont écrit : tout cela est vrai. Je loue Dieu de ce qu'il vous a bien
remise à notre première franchise avec la bonne Sœur de Gouffier ; ce sera
un jour une brave fille. Notre-Seigneur la conduise et nous la ramène bientôt
et heureusement.
Oui, certes, mon enfant, j'aime bien mon grand saint Jean, mais, ô bon
Dieu, que j'ai besoin de sa mortification ! Le vôtre est par excellence,
avec l'exercice qui vous est infiniment propre ; mais notre très-bon Père
n'a pas trouvé le sien ; mandez-en le nom et la pratique de vertu. Je suis, certes, bien en peine de ma pauvre
chère Péronne, et en peine de tout. Hélas ! ma mie, je
sais bien que vous n'y épargnez rien ; mais il lé faut bien faire ainsi,
Dieu le veut et cette bonne fille le mérite : vous verrez qu'elle vous
servira et profitera en sa [76] charge de coadjutrice, car elle est si sincère ; la mienne me
promet d'être bien fidèle.
J'écris à M. Voullart, je ne sais que dire, sinon que ces marchands se
jouent de nous ; car, depuis le temps que l'argent est là et qu'ils ont eu
les lettres, ils pourraient bien s'assurer de ce qu'ils doivent faire ;
cependant nous en avons grand besoin, mais Dieu soit béni ! Et, puisque
nous sommes à parler d'argent, faites bien accomplir et payer le contenu du
transport de feu ma pauvre Sœur Marie-Renée. Il y a cinquante écus pour Mgr
l'archevêque qu'il prêta ; il les lui faut bien rendre, et retirer la
sûreté que j'en fis à son fermier qui nous les apporta [deux lignes
illisibles]. Mais ce n'est pas moi, ma chère fille, qui envoyai un
paquet pour M. Héraud, c'était ma Sœur Marie-Madeleine ; elle est bien en
peine, car il était d'assez bonne importance. Je ne ferai pas réponse pour le
coup à ce cousin de ma Sœur Anne-Marie, je suis trop lasse.
Ma très-chère fille, faites bien tous mes honneurs et devoirs partout,
surtout au grand Supérieur, et puis à tous les petits, entre lesquels j'honore
tout particulièrement le bon M. de Saint-Nizier.
Et mon cher petit neveu, personne ne m'en dit rien ? Je lui
écrivis encore le jour de Noël. Ma très-chère fille ma mie, que j'aime de tout
mon cœur, soyez toujours brave et généreuse ; tenez-vous tant humble et
douce qu'il vous sera possible, et toujours proche de notre cher Époux, que je
supplie de verser abondamment ses bénédictions sur votre chère âme que j'aime
de toute la mienne ; mais de cela je vous en assure. Enfin vous êtes ma
fille aînée, très-aimée. Vive Jésus ! Dieu soit béni. [77]
Toutes nos bonnes Sœurs vous saluent de tout leur cœur. Voilà des
graines de jardin.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Une Religieuse qui possède l'esprit de la Règle a, par là
même, l'esprit de Dieu. Indisposition de madame de Charmoisy et de Françoise de
Chantal.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 17 janvier 1616.
Mon enfant, je vous fais ce billet au milieu de la récréation, car j'ai
su cette commodité en allant à Complies. J'ai reçu toutes vos lettres, et
neveux vous rien dire, sinon que vous êtes et serez toujours ma très-chère
fille toute bien-aimée ; il me tarde déjà d'avoir de vos nouvelles, car il
me semble qu'il y a longtemps que nous n'en avons reçu. Mandez-nous le saint
que vous avez tiré pour Monseigneur, et faites bien fort et bien cordialement
mes remercîments à nos pauvres chères Sœurs de leurs Noëls ; certes, je
les ai trouvés beaux et bien à mon goût : ma Sœur Anne-Marie tient le haut
bout ; elle a fort bien rencontré. Je les salue toutes, ces très-chères
filles, avec mon cœur tout plein d'amour pour elles, je les en assure, et les
conjure de bien prendre l'esprit de nos Règles, qui est le vrai esprit de Dieu,
parce qu'il est d'une douce charité, et d'une humble et généreuse obéissance.
Hélas ! mon enfant ma très-chère fille, il y a quelques jours que nous
sommes exercées de l'appréhension de la mort de ma pauvre sœur, madame de
Charmoisy, laquelle, venant nous voir, est tombée
malade à [78] Samoëns ; je vous laisse à penser notre
peine. Notre bon Seigneur y va demain, car elle a désir extrême de le voir, et
le médecin croit que cette vue lui sera profitable ; le bon Dieu le
veuille. Ce me serait une très-grande douleur si elle mourait ; mais en
tout la très-sainte volonté de Notre-Seigneur soit faite. Amen. Françoise
a la petite vérole, mais M. Grandis, qui revint avant-hier, assure qu'il n'y a
nul péril ; je crains plus pour ma Marie-Aimée qui ne l'a point eue. Je
salue bien nos deux professes et surtout ma très-chère fille. Vive
Jésus ! Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À LYON
Encouragements à supporter une épreuve intérieure. — Éloge
de la Mère Favre — Devoir d'une coadjutrice.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, janvier 1616.]
Enfin, ma très-chère fille, je prends vos lettres pour y répondre tant
que je pourrai ; le bon Dieu me donne son Saint-Esprit pour dire chose qui
soit à sa gloire et à votre consolation.
Toutes vos répugnances à me parler, tous vos sentiments et aversion, et
toutes vos difficultés, aboutissent, selon mon jugement, à votre plus grand
bien, et si bien vous êtes obligée à ne pas faire ce que tels mouvements
désirent, et que tous les jours vous devez faire des résolutions de vous en
défendre et de les combattre, néanmoins quand vous tomberez, je dis cinquante
fois par jour, jamais, au grand jamais, vous ne devez vous en étonner ni
inquiéter, mais tout doucement reprendre votre cœur et le remettre au train de
la vertu contraire, et ne cessez non plus, ma très-chère Péronne, de dire à
Notre-Seigneur des [79] paroles d'amour et de confiance, aussi bien
après avoir fait mille fautes que si vous n'en aviez fait qu'une. Souvenez-vous
de ce que nous vous avons tant dit sur ce sujet, pratiquez-le pour l'amour de
Dieu, et soyez assurée que Dieu tirera sa gloire et votre perfection de cette
infirmité ; mais n'en doutez point, et supportez-vous avec douceur et
patience quoi qu'il arrive ; et si quelquefois vous vous trouvez sans
force, sans courage, sans sentiment de confiance, prenez-vous à dire des
paroles toutes contraires à votre sentiment et dites fermement : mon
Sauveur, mon tout, malgré mes misères et ma méfiance, je me fierai tout en
vous ; vous êtes la force des faibles, le refuge des misérables, la
richesse des pauvres, et enfin vous êtes mon Sauveur qui avez toujours aimé les
pécheurs. Mais ces paroles et autres semblables, ma très-chère fille, dites-les
sans vous attendrir ni pleurer, mais fermement, et puis passez outre à quelque
divertissement, car le Tout-Puissant ne vous laissera échapper de sa main qu'il
vous a trop bien prise ; et ne voyez-vous pas comme cette douce bonté
vient à votre secours et d'une façon remarquable et utile ?
Je vous prie, gardez soigneusement la mémoire des enseignements que
vous avez reçus autrefois, et les pratiquez en leur lieu et ès occasions qui se
présenteront. Écrivez-moi toujours selon que votre consolation le requerra, je
vous répondrai toujours avec mon cœur qui est tout vôtre, et promptement. Ayez
un grand soin de bien édifier, et pour cela vous savez qu'il faut être exacte à
l'observance et avoir grand soin de son extérieur, la bonne composition duquel
dépend de la présence de Dieu. Déchargez-vous tant qu'il se pourra tout
bellement des affaires du ménage. Je l'ai déjà mandé à ma Sœur, qui, à mon avis, le trouvera bon, car
autrement il ne le faudrait pas faire, et il ne sera qu'à propos de voir
marcher devant soi celles à qui l'on donnera les charges. [80]
Certes, ma mie, j'ai une grande consolation et satisfaction de votre
pauvre chère petite Mère qui est là, elle fait très-bien ; tout le monde
m'en rend témoignage, et ce que vous m'en écrivez me plaît tous les jours
davantage, car je sais que vous me parlez sincèrement. J'espère en Dieu que ce
sera un jour une grande et digne servante de Dieu et qui profitera à
plusieurs ; il faut toujours qu'elle s'approfondisse davantage en humilité
et résignation : aidez-la selon votre petit jugement, et lui dites
hardiment en sincérité ce qui vous semblera bon pour elle et pour la maison. Je
connais son cœur, et Dieu sait comme je l'aime parfaitement ; elle s'en
sentira votre obligée, et puis c'est qu'en votre conscience vous le devez
faire. Je sais bien le fruit et utilité que m'apporte ma coadjutrice ;
c'est un bien incomparable pour les Supérieures, lesquelles, pour la multitude
de leurs affaires, ne peuvent faire attention sur prou de petites choses
auxquelles il est pourtant nécessaire de remédier. Or, voyez-vous encore, ma pauvre
Péronne, je veux que vous ayez un grand soin de la réjouir, notre chère Sœur,
et ayez bien l'œil sur sa santé, ne l'importunez pas, mais dites-lui hardiment
ce qu'il sera nécessaire pour icelle, et le lui faites faire, car elle doit
vous condescendre en cela, comme aussi vous lui devez obéir bien simplement
lorsqu'elle vous commandera ce qui sera requis pour votre santé. Vous lui
pourrez remontrer humblement ce que vous pouvez ; mais soulagez-vous en
telle sorte qu'elle n'ait pas occasion d'avoir de la méfiance ni du
mécontentement ; il faut plutôt excéder en charité qu'en travail ;
et, pour Dieu, voyez-vous, ne vous laissez point accabler du mal, faites tout
ce qui se pourra pour guérir, car ce ne sont que vos nerfs. Je vais finir,
l'estomac commence à me faire mal ; mille millions de saluts à toutes nos
très-chères Sœurs ; certes, j'aime d'un cœur parfaitement cordial toute
cette chère petite troupe-là. Je souhaite qu'elles soient perpétuellement
attentives à leur Époux et qu'elles
[81] conversent autour de Lui
comme de pures, douces, simples et chastes colombes. Je les baise en esprit,
grandes et petites, toutes, amoureusement et tendrement, mais surtout ma pauvre
bien-aimée Péronne-Marie. Monseigneur vous salue et chérit tendrement. Vive
Jésus !
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.
ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À LYON
Il faut garder le silence sur les tentations passagères. —
Avantage d'une sincère ouverture de cœur. — Conseils pour la charge de
maîtresse des novices.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Ma très-chère fille,
Voilà vos deux lettres que j'envoie à Monseigneur afin qu'il contente
votre cœur. Je me contenterai de vous dire qu'il n'est pas besoin de parler de
la tentation dont vous m'écrivez et
[82] demandez, puisqu'elle passe
comme les autres. Au reste, je crois que ma Sœur Marie-Jacqueline [Favre] a une
si grande consolation de votre confiance, et vous en avez tant de lui avoir
bien ouvert votre cœur, que j'espère que vous trouverez bien du soulagement.
Déclarez-vous donc de toutes ces petites tricheries qui vous attaquent comme
mouches, et faites ainsi qu'elle vous dira, surtout pour le manger.
Mon Dieu ! ma très-chère petite, élargissez votre cœur à parler à
ces bonnes novices ; dites-leur simplement ce qui vous viendra. Demandant
secours à Dieu, dites-lui : Seigneur, je suis une enfant de trois ans,
mettez en ma bouche les paroles que vous voulez que je dise à vos servantes.
Leur confiance, ma chère fille, vous doit bien faire affranchir. Au bout de
tout, faites tout ce que vous pourrez par parole, par bon exemple, pour ce
service que Dieu veut de vous, et attendez tout de sa bonté, demeurant toujours
tranquille et attentive à Dieu ; surtout je vous recommande cela, ma fille
très-chère. Je vous écris à perte d'haleine. Mon cœur est tout vôtre, je vous
en assure. Vive Jésus ! Dites, s'il vous plaît, que ma Sœur de Gouffier
mette le dessus de cette lettre, qui est pour la mère des bonnes filles de
Billom.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [83]
SUPÉRIEURE À LYON
Rien ne peut ébranler une âme fondée en l'amour divin. —
La santé doit être méprisée en certaines occasions et soigneusement gardée en
d'autres. — Désir d'un parfait accord entre saint François de Sales et
l'archevêque de Lyon. — La mortification d'une inclination naturelle est
préférable aux pénitences corporelles.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 20 janvier 1616.
Ce bon Père nous est venu trouver ce soir, de sorte, ma très-chère
fille ma mie, que je ne vous écrirai pas si à souhait que je désirerais, mais
pourtant tout ce que je pourrai. Nous reçûmes à soir votre lettre du
quatorzième ; eh ! bon Dieu, ma mie, que les hommes sont
inconstants ! Que bienheureuses sont les âmes parfaitement fondées en
l'amour et volonté de Dieu ! Attachons-nous là, ma fille très-uniquement
aimée, afin que rien du tout ne nous ébranle. Ah ! non, ma fille, il ne
faut point se mettre en peine de tout ce que l'on dit par là, encore qu'il fâche un peu ; mais ne
laissez rien entrer de tout cela dans votre cœur, recommandez-le tout à la
Providence divine, et puis n'y pensez plus. Je suis plus en peine de votre
infirmité que de tout leur dire ; mais, mon Dieu, ma fille, il faut couper
chemin à cela par deux moyens et remèdes : le premier sera de rappeler la
joie dans votre cœur, quoiqu'il vous coûte un peu de peine et de
violence ; l'autre, de bien manger et de vous reposer. Mais, voyez-vous,
il faut faire ceci absolument et sans marchander ni différer ; car votre
santé est entièrement nécessaire au service de Notre-Seigneur pour
maintenant ; c'est pourquoi il la faut procurer et puis la conserver avec
soin. Je [84] parle tout de bon, sans mollesse ni tendreté,
et vous dis derechef, ma très-chère fille, que l'une des meilleures fidélités
que Notre-Seigneur requiert de vous maintenant, c'est celle de tenir votre
corps en bonne force pour faire le service qu'il requiert de vous en votre
charge. O ma fille très-chère ! notre corps et notre santé doivent être
méprisés en certaines occasions pour Dieu, et en d'autres ils doivent être
précieusement gardés et accrus ; faites-le donc fidèlement, et vous rendez
souple à votre coadjutrice à qui je vous recommande.
Je suis très-aise de ce que Mgr l'archevêque va voir nos Règles, afin
que la conclusion se fasse de tout, en sorte que l'on puisse en donner des
copies à ceux qui les désirent ; hâtez-le en cela tout doucement, mais
comme de vous-même, lui coulant pourtant que Monseigneur attend toujours ses sentiments,
et qu'il est expédient que la chose se fasse, afin de pouvoir envoyer des
copies desdites Règles à ces bonnes âmes qui les désirent, et cependant faites
que le Père Philippe console ces pauvres filles de Billom et qu'on leur donne espérance qu'on les
assistera. Si vous voulez, vous
leur pouvez écrire, même à ce bon M. Favre qui m'a écrit ; car je pense
que c'est pour ces filles de Riom ; mais j'en parlerai avec Monseigneur
et peut-être je lui écrirai moi-même.
Ma très-chère fille, quand ce bon Mgr l'archevêque vous parlera de la
clôture, ou de quelque autre point essentiel de nos Règles, ne lui répondez que
par votre modestie et égalité, avec un petit ris doucement joyeux ; s'il
faut ajouter quelques paroles, que ce soit seulement pour lui dire qu'ils
s'accorderont bien, lui et Monseigneur ; que de nous, nous sommes filles
d'obéissance, aimant parfaitement notre Institut, et cette [85] réponse soit pour tout. Dieu, par sa bonté, entretienne ce bon prélat
au sentiment qu'il emporta d'ici.
Ne vous peinez pas, mon enfant, d'écrire votre confession. Hélas !
je la sais sans l'avoir vue. Dieu, par son infinie bonté, vous rende tous les
jours plus sienne et plus entièrement dépendante de Lui seul, puisque en cela
consiste notre unique bonheur et félicité. Ne vous mettez pas en peine du livre
De l’amour de Dieu ; vous l'aurez bientôt avec notre bon M. Michel,
s'il plaît à Dieu.
Je crois que notre pauvre sœur [madame] de Charmoisy nous demeurera
[guérira]. Monseigneur n'a su éviter d'y aller, il en a été fort prié par M. de
Charmoisy ; il ne reviendra que dimanche.
Le bon Dieu conduira notre pauvre Sœur de Gouffier ; je suis bien
consolée de ce que ce bon Dieu vous a bien unies toutes deux ; mais y
aura-t-il adresse de lui écrire ? À-t-elle donné ordre pour cela ?
Une autre fois, je vous parlerai comme il faut conduire les
mortifications extérieures, afin qu'elles se fassent selon l'esprit de
Dieu ; cependant il les faut permettre rarement. Enfin, Monseigneur me
disait dernièrement qu'il aimerait mieux une petite inclination mortifiée que
tout cela, et que, depuis qu'on les avait choisies de soi-même, la nature s'y
complaisait ; néanmoins il nous les faut honorer, puisque les Saints l'ont
fait, et en permettre quelquefois. Certes, ma très-chère fille, je suis comme
vous, je n'ose point mortifier nos Sœurs ; et quand elles me demandent des
pénitences, je ne sais que leur dire ; quand il les faudra donner pour
leur bien, Notre-Seigneur me les inspirera.
Je ne vous puis répondre à propos pour ces confesseurs [86] extraordinaires que je n'aie parlé à Monseigneur ; car les gens de
delà sont si délicats, que, s'ils le savaient, cela les émouvrait bien fort.
Le gris qu'il faut, c'est pour faire des œillets sur du satin
cramoisi, et partant je crois qu'il ne le faut pas trop brun. Ne nous envoyez
point de verre pour les Agnus Dei, il s'en trouve à Chambéry.
J'écris en la récréation, ne l'ayant su faire ailleurs ; toutes
nos Sœurs vous saluent très-cordialement. Souvent vous êtes le sujet de nos
entretiens en nos récréations, car enfin vous êtes ma très-chère fille, et vos
deux compagnes aussi, que je salue de tout mon cœur. Je commence à faire les
grandes lettres que je leur ai promises, mais je ne puis les envoyer a ce coup.
Bonsoir, mon enfant ; Dieu vous comble de grâce. Je suis toute vôtre.
Dieu
soit béni !
De la main de la Sœur J.-C. de Bréchard. — Mille saluts à ma très-chère Sœur, à
laquelle notre Mère m'a commandé de dire que vous lui envoyiez le livre de
saint Jean Climacus et les poudriers qu'elle laissa sur la fenêtre. Elle salue
toutes nos Sœurs, vos chères novices, aussi fais-je de tout mon cœur, mais plus
fort les professes.
Notre Mère vous prie de lui faire savoir des nouvelles de M. de
Neuchèze.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [87]
LETTRE L (Inédite)
- AUX SŒURS PERONNE-MARIE DE CHATEL ET MARIE-AIMÉE DE BLONAY
À LYON
Souhaits de perfection. — Avantages de l'humilité ;
estime qu'en fait saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616].
Que mes deux pauvres très-chères Sœurs veuillent bien se contenter de
ce billet ; car, certes, mes chères enfants, mon chétif estomac est tant
las et faible, que c'est pitié. Hélas ! mais que dire à ces deux filles
que je chéris comme mon âme ? En un mot, mes filles : Vive
Jésus ! Je vous conjure que Jésus soit votre joie, votre paix, votre repos
et consolation en toutes choses. Toutes à Jésus, mes chères filles, sans
exception, sans si, sans vouloir, sinon que sa très-sainte volonté soit faite
au corps, à l'esprit, et sur tout ce qui est nôtre ; et avec cela aimons
bien nos pauvretés, nos abjections, nos faiblesses et nos infirmités ; car
Monseigneur (notre unique Père de nous autres) disait qu'il nous aimerait bien
mieux avec plus d'humilité et moins d'autre perfection qu'avec plus d'autre
perfection et moins d'humilité. Soyez à Dieu, mes plus que très-chères filles,
et laissons à ce Sauveur le soin de nous-mêmes.
Ma Péronne, voilà des graines pour votre jardin ; vous n'avez pas
envoyé tout le linge de la petite Austrain. Que ma petite cadette m'envoie une copie de la dernière lettre que Monseigneur lui a
écrite ; or sus, bonsoir. Ma très-chère fille Péronne, je vous recommande
de bien vous soulager en vos lassitudes, et de bien franchement et cordialement
faire la charité à votre petite Mère. Et bonsoir aussi, ma petite ; je
vous [88] embrasse toutes de cœur amoureusement. Mes
très-chères filles, ces petites lettres s'écrivent sans préjudice de la grande
réponse que M. Michel portera.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À LYON
Regret de ne pouvoir lui écrire, et désir de recevoir plus
souvent de ses nouvelles. Exhortation à un abandon sans mesure au divin
Sauveur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], ce 26 février 1616.
Je vous assure, ma très-chère fille mon enfant, que nous n'avons pas eu
moins de mortification que vous d'avoir tant arrêté sans vous écrire. Plusieurs
semaines se sont passées sans en trouver la commodité, et, pour nous
rafraîchir, nous allâmes donner nos lettres à madame de la Croix qui devait
partir du jour au lendemain, et je pense qu'elle est encore à Rumilly ;
elle vous les portera de bonne date. Ces petites mortifications viennent sans
[être] mandées ; elles n'en valent que mieux à un bon cœur.
Mais que faites-vous aussi, ma très-chère Sœur ? car il y a fort
longtemps que nous n'avons que de courtes et rares lettres de votre part ;
vous avez été malade : dame ! il se faut tenir sur ses gardes, et
faire en faveur de ces chères filles qui sont autour de vous ce que vous mandez
que nous fassions, et je vous assure, à propos de ces incommodités corporelles,
que nous nous portons assez bien. Il est vrai qu'il fâche à notre main
d'écrire, depuis ce dernier accident qui eut son effort sur le côté droit. De
cinq ou six lettres que nous devons écrire, nous avons commencé par ce billet,
et je vous assure, ma fille, qu'elle me fait déjà si mal, que nous appréhendons
de ne [89] pas faire ce à quoi la nécessité nous
oblige ; c'est pourquoi vous n'aurez pas grand discours ; mais
assurez-vous que nous ne laisserons passer aucune occasion sans vous dire un
mot, car n'êtes-vous pas la chère fille de mon cœur, que je chéris
parfaitement ? Oui, certes, et n'en faut jamais douter. Hé ! ma
très-chère fille, abandonnons-nous bien et sans réserve à notre doux Sauveur,
afin qu'il fasse de nous tout ce qu'il lui plaira ; je supplie sa bonté de
répandre sur vous l'abondance de ses bénédictions, et sur toute votre chère
Compagnie. Mandez-nous-en un peu des nouvelles ; je les salue
très-amoureusement toutes, mais un peu à part ma chère petite cadette. Elle
veut bien que je ne lui écrive pas pour ce coup ; je prie Dieu qu'il la
fasse cheminer doucement et joyeusement. Je salue aussi madame Colin et serait très-nécessaire de l'avoir
associée à votre communauté, espérant que Notre-Seigneur lui donnera l'esprit
d'humilité et de douceur. Je salue encore M. l'aumônier et tous les autres amis
et amies. Je vous prie, ma très-chère fille, envoyez-nous nos Règles ;
elles nous font grand'faute. Dieu soit votre tout, ma très-chère fille ;
je suis en Lui toute vôtre sans réserve.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
À LYON
La Sainte se réjouit de la victoire que cette Religieuse a
remportée dans une épreuve. Témoignages de confiance.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Enfin, ma pauvre très-chère Péronne, vous voilà hors du [90] combat, et, grâce à Dieu, avec la victoire ; la gloire en soit à
Celui sans lequel nous ne pouvons rien. La faveur dont vous m'écrivez est
très-grande et extraordinaire. Il faut, ma fille, produire des fruits
correspondants à une si particulière grâce, laquelle je crois que vous ferez
très-bien de dire à notre chère grande fille, même pour sa consolation
en sa charge. Quant à moi, je vous confesse, ma toute chère fille, que vos
lettres me sont à utilité particulière. Je vous prie de m'écrire bien au long
toutes vos pensées sur l'Institut, afin que, proposant tout à notre cher Père,
il range toutes choses pour le mieux. [91]
À LYON
L'amour parfait n'a plus de regard sur son propre
consentement.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616],
Ma pauvre très-chère Péronne, et ma petite fille, à toutes deux je vous
dis que vous êtes si très-avant dans mon cœur, qu'il ne se peut dire
davantage ; mais ne le croyez-vous pas ? Oh ! Dieu, vous me
dites oui de tout votre cœur, car vous savez bien qu'il est vrai. Mes chères
enfants, aimons Notre-Seigneur tant que nous pourrons ; mais aimons-le et
servons-le comme il veut, sans goût ni connaissance, s'il lui plaît, nous
contentant de vouloir à jamais être toutes siennes. Je ne peux vous dire que
ces trois mots ; agréez-les, mes chères amies, car ils partent du fond du
cœur de votre indigne sœur et servante en Notre-Seigneur.
Frémyot.
Conforme à l'original gardé aux archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE LIV (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON'
Prudence à garder au milieu des contradictions que l'on
suscite au monastère. Nouvelles de diverses personnes.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 14 mars [1616].
Enfin, le bon sire Pierre veut partir, ma pauvre très-chère
fille ; il a beaucoup tardé selon votre affection, si je ne me trompe.
Oui, j'ai reçu vos deux lettres de Chambéry, et vois [92] par elles toujours l'incertitude et irrésolution de plusieurs esprits.
Il faut demeurer, de notre part, moyennant la grâce de Dieu, fermes,
invariables et immobiles, surtout en la douceur et humilité, toujours prêtes à
obéir, soit pour persévérer, soit pour se retirer, quand on voudra nous
apprendre à faire ce que nous ne savons pas ; mais croyez, ma mie, et
espérons en Dieu qu'il achèvera l'œuvre qu'il a commencée. Travaillons de notre
côté, et n'oublions rien de tout ce qui sera en notre petit pouvoir, pour bien
servir à la gloire de notre doux Maître, et lui dresser ces chères âmes avec le
plus grand soin qu'il nous sera possible. Au reste, je ne vous dis rien
davantage sur ce sujet, car notre bon Seigneur me dit qu'il vous en avait écrit
une grande lettre. Tenez-vous bien sur vos gardes pour ne témoigner en façon
quelconque que vous doutiez de rien, comme aussi il ne faut pas que vous le
fassiez, parce qu'en toute bonne raison, il n'y a pas d'apparence que l'on
puisse faire une religion comme il pense : aussi ne le fait-il que penser,
ce bon Seigneur, et veut seulement avoir cette liberté, et cependant il ne nous
en doit chaloir, puisque, comme il l'a écrit à notre bon Père et qu'il nous l'a
dit, il veut que nos Règles soient observées là comme ici, ponctuellement. Il
faut que vous marchiez en cette affaire généreusement et fidèlement devant
Dieu, n'y prétendant que sa seule gloire. Mon Dieu, ma très-chère fille, que
nous serons heureuses, quand nous nous contenterons en toutes choses delà
très-sainte volonté de Dieu ! car bon gré, malgré les hommes, elle
s'accomplira. Or, notre bon Père ne peut mettre la main aux Règles qu'après Pâques ; mais il les fera
magnifiquement, et Dieu veut que cette œuvre soit toute sienne. Il a un grand
désir, mais je n'ose le presser, le voyant accablé d'ailleurs.
Non certes, ma fille, vous n'avez point fait de mal d'ouvrir [93] mes lettres, et je vous donne congé de le faire tout librement. Madame
de la Croix est toute glorieuse et contente de la lettre que vous lui avez
écrite. — Le Père dom Simplicien dit qu'il est toujours le même. Je fais tous
vos honneurs ; faites bien les miens à tous nos amis et amies fort
bravement et cordialement ; et bien grand merci de vos bonnes figues. —
Madame de Thorens vous prie de lui envoyer une pièce d'étamine de dix ou douze
livres ; payez-la, s'il vous plaît, et vous retiendrez l'argent quand on
vous livrera celui de Besançon, qui sera bientôt, Dieu aidant, ayant écrit par
voie sûre, qui est M. de Charmoisy. J'écris à M. Favre de Riom ; voyez la
lettre, et, conformément à icelle, écrivez quand il en sera besoin à ces bonnes
filles de Billom. — J'écris à la pauvre Sœur de Gouffier ; certes, j'ai
pitié d'elle ; elle tracassera longtemps. — Nous attendons Mgr de Bourges pour la grande semaine ou aux fêtes de
Pâques, et force dames en ce temps-là. Adieu, ma mie, ma fille très-uniquement
chère ; vous savez bien que je suis toute vôtre. Je finis afin d'avoir du
temps pour ces autres lettres que j'envoie. Très-humbles saluts à Mgr
l'archevêque, si vous le trouvez bon. Mon Dieu, notre bon Révérend Père recteur
n'est-il point venu ? il m'en tarde. Adieu, mon cher enfant, encore une
fois. Votre plus humble sœur et servante en Notre-Seigneur,
J.-Françoise Frémyot,
de la Visitation.
Dieu
soit béni !
Nos pauvres Sœurs vous saluent de grand cœur ; elles vous eussent
écrit, mais nous sommes empressées à la broderie de notre devant d'autel de
damas. Si mon neveu est là, je le salue comme mon enfant. Adieu derechef, ma
vraie unique très-chère fille. Dieu soit votre tout. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Difficultés pour la construction de l'église. —
Inquiétudes de la baronne de Thorens.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616].
Comme garderons-nous le bois de notre clocher, mon très-cher Seigneur,
que messieurs de la ville veulent prendre ; comme aussi toute notre chaux
et sable ? Et ils disent encore qu'ils nous feront refaire leur muraille.
Nous avions pensé de prier M. de Travernay d'aller trouver Son Excellence pour
cela, afin qu'elle nous garantît ; mais je désire, mon très-cher Père, de
savoir si vous l'agréerez, et comme nous pourrons mieux faire.
Notre Marie-Aimée a été bien troublée sur ces nouveaux bruits [de
guerre] et que son mari était de la partie. Nous l'avons consolée le mieux
qu'il nous a été possible. Enfin, mon très-bon et très-cher Père, bienheureux
sont les enfants de Dieu qui se sont retirés sous sa sainte Providence !
rien ne leur arrivera qui ne soit pour leur plus grand bien. Sa divine Majesté
convertisse toutes ces afflictions à sa gloire et au salut de son peuple !
Amen.
Mon tout unique Père, ah ! le doux Jésus fasse régner dans notre
cœur ce pur amour que nous y désirons si fort ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [95]
SUPÉRIEURE À LYON
Nécessité de bien éprouver les vocations. — Les caractères
mélancoliques sont peu propres à la vie religieuse. — La Sainte blâme une
prétendante qui veut mettre quelques conditions à son admission. — But vers
lequel doivent tendre les novices.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616].
Ma chère fille,
Votre lettre nous a certes bien touchée ! Dieu nous veuille donner
la vraie vertu d'humilité, douceur et soumission ; car jamais il n'y a en
cela de tromperie, et, où ces pièces manquent, il n'y a pas de fondement, mais
pour l'ordinaire de la déception. Il n'y a rien à consulter, il faut mettre
cette bonne femme dehors pour mille raisons, et gardez de vous laisser vaincre
d'aucune raison humaine des parents, sinon que Dieu vous donnât lumière du
contraire. Enfin, ma fille, il faut avaler le calice, et supporter le mépris
pour nous maintenir dans notre pure observance ; mais, je vous conjure,
agissez en ceci avec toute douceur et respect, sans rien dire qui puisse
troubler ni affliger cette bonne femme.
Quant à mademoiselle N., certes, nous ne savons qu'en dire ; car
nous craignons cette inégalité et mélancolie qui la rend sèche. Toutefois, vous
ne pouvez faillir à la recevoir au premier essai, et lui dire librement qu'il
faut qu'elle se laisse éprouver pour le moins quatre mois dans la maison, avant
d'y recevoir l'habit. Quant à la condition qu'elle veut se réserver, se faisant
Religieuse, d'être toujours avec vous, il n'en faut point parler. Le traité
qu'elle prétend faire en se faisant Religieuse n'est pas l'achat d'une
métairie, et par conséquent il ne faut point de glose ni de réserve en son
contrat. Tout ce qu'elle se peut réserver, c'est la résolution de ne jamais
faire sa [96] propre volonté, et de vivre doucement et
humblement dans la Congrégation. Je vous conjure, ma vraie fille, dans tout ce
tracas d'affaires, tenez votre cœur doux, humble, généreux et joyeux ; car
Dieu requiert cela de vous.
Vous dites la vérité, ma chère fille, nos Sœurs [de Châtel et de
Blonay] sont deux perles de vertu ; elles ne m'ont pas peu obligée de vous
avoir bien ouvert leurs cœurs ; je ne doutais point de cela, et je
m'assure que toujours plus vous en recevrez du support et de la consolation.
Encouragez doucement le cœur de la chère cadette à se bien élargir et
ouvrir avec les autres Sœurs, et de leur donner de la satisfaction ; elle
le peut si elle se surmonte avec humilité et en regardant Dieu, lequel je
supplie faire parvenir ses chères novices en l'amour de la correction, et leur
en fasse faire du profit. Elles doivent aspirer à une grande pureté de vie et à
se rendre familières autour de leur divin Époux. Je ne leur écris pas maintenant,
il suffit que nous nous entretenions nous deux que Dieu a si intimement unies
ensemble.
Dieu vous bénisse, mon cher enfant ! Je suis bien aise de voir
l'état de votre cœur ; tenez-le diverti de toute inutilité et dans son
unité avec Dieu, et vraie fidélité à sa règle ; car, ma vraie fille, Dieu
vous a commise pour notre secours, et pour porter avec nous la charge que
lui-même nous a imposée. Ne me dites pas que vous êtes sans consolation à cause
de notre séparation. Je vous proteste que je vous écris beaucoup plus que je ne
parle à nos Sœurs qui sont ici ; nous nous voyons, il est vrai, mais c'est
tout, et il me semble que ce peu d'absence corporelle vous rend plus présente à
nos esprits que si vous étiez ici. Au reste, ne faites jamais différence entre
vous et nos Sœurs de céans, sinon que vous êtes plus chérie et plus
soigneusement instruite. Or sus, ne vous plaignez donc plus d'être séparée,
puisque Jésus-Christ est notre unique lien.
Votre, etc. [97]
Obligation de bien former les sujets et de ne pas trop
multiplier les nouvelles fondations. — De quelle importance est le choix des
Supérieures.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 3 avril 1610]
Ma toute chère fille, à ce grand jour que le Seigneur a fait, je viens
vous faire ce billet entre l'exhortation et Complies ; vous savez que je
fais l'Office, et ne sais que vous dire, car, par empressement, je ne trouve
pas votre dernière lettre ; je n'en perds point pourtant de celles de ma
très-chère fille. Nous ne devons nullement payer les dettes de M. Condelot, et
ne le lui ai point promis. Quant au bon serviteur de feu ma pauvre Sœur
Marie-Renée (car je ne puis trouver son nom à présent ; ah ! il me
semble qu'il s'appelle Gervais), vous savez qu'il ne faut point de jardinier
chez Monseigneur ; certes, je voudrais pouvoir servir ce
bonhomme-là.
Je m'en viens d'aviser que j'ai beau chercher votre lettre, je l'ai
donnée hier à Monseigneur, lequel avec moi, nous sommes d'un même sentiment, et
m'a commandé, à la fin de son exhortation, de le vous mander, et vous dire de
sa part qu'il se faut bien garder de s'engager à donner des filles pour faire
des maisons, parce qu'en vérité nous ne le pouvons ; c'est pourquoi il
faut demeurer ferme, et dire que celles qui voudront se servir de nous viennent
se faire dresser à Lyon ou ici ; et puis après on les aidera de plus, si
l'on peut alors ; car pour maintenant, derechef je vous dis qu'il ne se
peut. Hélas ! pour moi, encore que je ne vaille rien, l'on juge que je ne
puis ni dois quitter cette maison maintenant, et quand il y en aurait une [98] pour tenir ma place, que serait-ce ? Toujours ne pourrais-je
servir qu'en un lieu, et on nous désire en plusieurs. Enfin, ma fille,
croyez-moi, en cinq ans et demi, l'on ne saurait faire tant de
Supérieures ; nous avons des filles de grande vertu, mais pour gouverner,
ô Dieu ! qu'il faut de choses ! Et nous aimons mieux peu embrasser et
mieux étreindre, que de faire des maisons à imperfection. Nos Règles ne seront
point épargnées à celles qui désireront les avoir, mais oui nos personnes. Vous
les aurez, ces chères Règles, sans faillir, Dieu aidant, à la première
commodité ; mais non pas polies, car notre bon Père n'en peut sitôt
prendre le loisir, et je pense encore pour nous reculer il lui vient un ouvrage
sur les bras du côté de Thonon. Il y mettra pourtant les choses nécessaires,
essentielles, selon le mémoire que vous avez vu. L'on demande ce billet,
l'obéissance m'appelle ; adieu, ma fille, ma fille très-chère et
très-chèrement aimée de mon cœur ; mille saluts à nos deux pauvres filles,
et à tout le reste ; j'écrirai au premier loisir. Ceux que vous saluez
vous resaluent. Vive Jésus. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Les personnes qui demandent des fondations doivent
connaître les Règles et le but de l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 14 avril 1616.
Ma plus que chère fille, ne voilà-t-il pas une chose étrange ! Je
vous écrivis hier avec la ci-jointe pour ma Sœur de Gouffier ;
aujourd'hui, ce matin, quand je suis partie de ma cellule, je laisse sur la
table cette lettre, et il est impossible de la retrouver ; personne
n'entre ici sans congé ; nulle ne l'a vue que moi ; ne voilà-t-il pas
qui est admirable ! car elle n'était point encore [99] fermée. Le vent l'aura emportée par-dessus le toit ; cependant, il
est plus de six heures ; je n'écris plus le soir, en ayant reçu une
obéissance absolue. Je ne sais ce que je vous disais, qui était des choses
utiles ; me voilà tout empêchée, ma très-chère fille ; mais je refais
ce billet sans loisir, et vous dis que j'ai toujours un extrême désir que vous
ayez beaucoup de santé, c'est pourquoi je vous conjure d'en avoir du
soin ; je sais de quelle importance cela est pour votre petite famille.
Voyez celle que j'écris à ma Sœur de Gouffier, puis fermez-la bien et
lui envoyez avec la Règle, que vous ferez pour cela copier en toute
diligence ; car enfin nous ne partirons plus sans que ceux des lieux qui
nous voudront ne sachent bien ce que nous sommes. Si donc ces gens d'Auvergne
vous la demandent, envoyez-la-leur avec conjuration qu'ils n'en fassent aucune
copie, à cause que la dernière main du maître n'y a pas passé ; mais rien
pourtant ne s'y changera de l'essentiel, ni de tous les exercices. À ceux qui
demanderont l'approbation, comme font ces dames de Billom, dites-leur qu'on
leur eût envoyé les bénédictions qu'il a plu au Pape de donner à notre
Congrégation, n'était que Monseigneur a renvoyé à Rome pour faire réformer
certains manquements qui ont été faits en l'expédition. Au reste, attendez voir
si nous demanderons à Mgr de Lyon la copie de la permission du roi et sa
permission pour nous établir à Moulins, parce qu'il administre le spirituel en
attendant que Mgr d'Autun soit en âge.
Que saurais-je plus vous dire, ma fille tout uniquement chère, prou de
choses, si j'avais le loisir. Le sire Pierre portera le reste, et à nos
très-chères Sœurs que je salue tout cordialement, et tout autre qu'il vous
plaira. Adieu, mon enfant ; Dieu soit notre tout. Amen.
Ma fille, encore ce mot : vous verrez par les ci-jointes comme
nous ne refusons point tout à plat d'aller à Moulins, espérant qu'il se passera
plusieurs mois avant que les choses soient en [100] l'état qu'il faut
pour nous faire partir ; car enfin, chat échaudé craint l'eau froide. Je vous dirai que la disposition de cette
maison requiert fort ma résidence, et vous ai dit la résolution de Monseigneur
par ma précédente ; mais je crois pourtant que s'il voyait tout disposé,
il donnerait des filles ; car enfin ma Sœur J.-Charlotte [de Bréchard] est
prou prête ; mais si vous pouvez, sans trop rien déclarer, tirer ces
filles d'Auvergne à faire leur noviciat à Lyon ou ici, cela irait grandement
bien, après quoi on leur donnerait des filles. Je vous écris sans
haleine ; car, nonobstant la nuit, je viens d'écrire au Père Philippe.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
La Mère Favre est priée de dire sa pensée sur la Sœur de
Châtel. — Ligne de conduite à tenir pour une Religieuse dont les ravissements
paraissent illusoires.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 30 avril 1616.
Ma très-chère fille,
Il n'y a remède, il faut boire doux comme lait cette mortification de
ne pouvoir écrire par le sire Pierre ; j'ai su par hasard qu'il allait
partir. Nous ne pouvons répondre à ces messieurs de Riom ; aussi ne
sais-je pas encore ce que Monseigneur aura résolu pour eux, car il y a huit
jours que je ne lui ai parlé ; je l'attends aujourd'hui pour cela, mais il
sera trop tard, patience en tout. Je vous prie, ma fille toute chère, dites-moi
un peu bien naïvement votre sentiment de notre Sœur Péronne-Marie ; vous
en pourriez-vous passer d'ici à quelque temps ? la pourrait-on retirer des
mains de Mgr de Lyon, sans le toucher ? pourrait-elle être Supérieure en
quelque maison [101] où tout fût bien tranquille et arrêté ?
Je lui trouve un cœur bon, ferme et absolument à Dieu, et un bon esprit ;
qu'en dites-vous ? Voyez-vous, j'aime et estime cette fille-là : que
m'en direz-vous, mon enfant ? car nous deux, nous ne devons avoir qu'un
cœur ; si l'on m'emploie jamais à aller par le monde faire des fondations,
il ne me semble pas que je me puisse passer d'elle, à cause de mes incommodités
corporelles, et je la trouve à Dieu partout ; car nous disons toutes
choses librement nous deux.
Or sus, je suis pressée, car cet homme va partir. Vous avez bien fait
avec ces bonnes filles de Billom, je les aime bien ; notre Péronne [Marie]
les irait bien servir six mois ou un an, car il ne leur faut que cela à elles.
Quant aux ravissements de ma Sœur N***, certes, pour dire selon mon
sentiment, je les soupçonne et crains, ou crois que c'est la nature, et qu'il y
a bien de l'imagination [sept lignes illisibles], ce qui me coûte
un peu à dire et que je vous prie de rayer quand vous l'aurez vu ; je la
doute un peu du côté de la naïveté et rondeur et vérité en ses actions.
Peut-être ne sait-elle pas encore que la sainte simplicité ravit le Cœur de Notre-Seigneur. Vous pouvez dire tout ce que je vous dis à
notre très-bon Père recteur, lequel j'honore parfaitement, assurez -l'en ;
mais ne dites rien à aucun autre. Et je pense, voire, que ce n'est pas une
maligne duplicité et hypocrisie, oh ! non, sans doute ; mais je vois
qu'elle se laisse un peu aller mollement, comme, par exemple : les bras
lui affaiblissent un peu, et au lieu de les tenir fermement, elle les laisse
aller mollement. [102] Enfin, ma fille toute chère, l'humilité et
mortification de sa propre volonté, à quoi vous la devez exercer doucement,
éprouvera quel esprit la conduit, et faut imperceptiblement la conduire à la
créance que cela vient de la nature et non pas du diable, car cela
l'épouvanterait, et aussi je ne le crois pas ; mais si elle ne se tient
humble, il s'en pourrait bien mêler. Faites-la marcher le train des autres tant
qu'il se pourra, et qu'elle aime et estime sur toutes choses les vraies et
vivantes vertus. Tout ce que je vous dis, ne le faites que par l'avis de ce
très-bon et très-digne Père recteur, et le lui dites ; car je n'en ai su
parler avec Monseigneur, ni n'ai eu le loisir de le pouvoir penser ni digérer.
Il faut finir, ma toute chère fille, en vous disant que vous preniez même avis
de ce bon Père pour ma Sœur Péronne-Marie. Mon enfant, je n'ai loisir davantage
ni de voir ce que vous me mandez ; mais je sais bien que je suis toute
vôtre en Jésus et Marie, l’unique amour de notre vie. Amen. Mille saluts
à tous et à Mgr de Lyon, s'il est à propos.
Ce dernier avril.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Impression du Traité de l'Amour de Dieu. — La
Sainte se prépare à faire une retraite. — Commissions pour le trousseau des
deux Sœurs Jeanne-Françoise et Françoise-Agathe de Sales, novices à la
Visitation d'Annecy. — Comment traiter avec Mgr de Marquemont.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], mai 1616.
Nous eussions bien voulu, ma toute chère fille, que le sire Pierre fût
venu avant le départ de notre bon M. Michel [Favre], qui s'en va enfin avec ce
béni livre qui est un grand trésor : j'ai dit à ce
fils qu'il vous dît bien toutes nos nouvelles, cela me [103] rendra courte, me remettant à lui. Oh ! qu'il va de bon cœur voir
ces trois chères Sœurs ! Si vous êtes contente de ce voyage, certes moi
aussi, car enfin vous m'êtes grandement chère. Je n'écris point à notre pauvre
Sœur de Gouffier ; je pense qu'elle sera allée à la poursuite de son
affaire, au moins je le désire. Je ne sais si nous répondrons à ces messieurs
de Riom, à cause de l'accablement d'affaires qu'a noire très-bon Seigneur et
Père. Certes, je voudrais qu'il ne se fit nulle fondation que les Règles ne
fussent imprimées, 'afin qu'il n'y eût plus rien à recommencer. Mais il faut
laisser gouverner notre grand et bon Sauveur, que je supplie très-humblement
par sa douce bonté d'accomplir en nous sa très-sainte volonté. Or sus, ma
pauvre fille, priez fort pour moi, car je désire, ces jours prochains, faire un
peu de retraite et revoir ma chétive âme devant notre bon Père, n'ayant su,
depuis mon retour, avoir la consolation de son assistance et entretien ;
pour cela encore, je crains bien que ce ne soit à ce coup ; le saint
vouloir de Notre-Seigneur soit fait.
Disons un mot de M. l'aumônier. Voyez, ma fille toute chère, il faut
que vous lui persuadiez bien doucement de ne faire ici guère de séjour ;
M. Michel ne pourra pas vous servir de confesseur, et faut craindre les
ombrages qu'un long séjour pourrait apporter, vous m'entendez !... Dix ou
quinze jours lui doivent bien suffire.
Si M. de Médio a la charge d'acheter la garniture de lit de nos Sœurs
de Sales, que ma Sœur Péronne-Marie prenne garde qu'il
faut sept aunes de grossière serge pour les tours de lit, et que les matelas et
couvertes, avec les tours de lit, ne montent qu'à cent francs les deux ;
encore faut-il réserver de [104]
quoi payer les bois des deux
lits, et les tables et la chaise, car vous savez que notre bon Seigneur n'a
pas trop d'argent. Je ne sais que vous dire autre chose, ma toute chère
fille ; l'Esprit très-saint veuille verser très-abondamment ses chères
faveurs sur vous et toute votre petite troupe. Amen. Ma fille, croyez
que vous tenez un maître rang au cœur de votre pauvre Mère ; aimez-la bien
hardiment.
Retirez les Règles des mains de Mgr l'archevêque, et, s'il se peut, que
le bon Père recteur les voie, et lui en parlez comme de vous-même, lui disant
comme Monseigneur avait trouvé bon de nous mettre sous la Règle de
Saint-Augustin, à telle fin que rien ne pût être changé de nos Constitutions,
et en tirez son sentiment ; et lui dites toutes les objections de Mgr
l'archevêque, car il fait maintenant celle du rejet des filles scandaleuses, et
ne se voudrait contenter de la clausure [clôture] telle qu'elle est au concile
de Trente. Il faut avoir une grande patience, car ce prélat est si bon que rien
plus. Que si jamais vous le voyez en propos de ce sujet, si vous osiez lui dire
que s'il eût embrassé cet Institut avec amour et sans témoigner son dégoût, la
maison de Lyon serait pleine : c'est la vérité, ma fille, que s'il
l'embrasse à bon escient, que Dieu en sera fort glorifié ; et je crois
qu'il le fera quand la chose sera arrêtée ; mais il a son esprit ainsi
infini en pensées et en réflexions. Ne lui témoignez rien de ce que je vous dis
qu'il propose en ces deux points, de la clausure et du rejet des filles
obstinées.
O Dieu ! ma vraie fille tout uniquement chère, je suis votre plus
humble sœur et indigne servante en Notre-Seigneur.
Sœur J.-F. Frémyot,
de la Visitation.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [105]
Elle leur recommande la parfaite indifférence dans tous
les états de la vie intérieure, et l'obéissance pour ce qui concerne le soin de
leur santé. — De quelle manière on peut communiquer les lumières reçues à
l'oraison. — Conseils pour l'état de sécheresse et d'impuissance.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1616.]
Ma très-chère fille,
Je commence à vous répondre par la vôtre dernière, puis je remonterai
autant qu'il me sera possible à la précédente. Dieu, s'il lui plaît, me donnera
ce qu'il lui plaira que je vous dise.
Et premièrement, ma chère fille, je vous dis ce que Notre-Seigneur
désire de vous et de nous toutes, c'est l'humble et tranquille soumission à sa
très-sainte volonté en toutes les choses qui nous arrivent sans exception, et
lesquelles infailliblement sa divine Providence nous envoie pour sa plus grande
gloire et notre utilité. Donc qu'il nous soit dorénavant indifférent d'être en
santé ou maladie, en consolation ou désolation, en jouissance ou privation de
ce qui nous est de plus cher, et que notre cœur n'ait plus qu'un seul désir,
qui est que la très-sainte volonté de Dieu se fasse en nous, de nous et sur
nous. Et partant ne philosophons point sur tout ce qui nous peut arriver ou aux
autres ; mais, comme j'ai déjà dit, demeurons douces, humbles et
tranquilles en l'état que Dieu nous mettra ; en la peine, patienter ;
en la souffrance, souffrir ; en l'action, agir, sans penser que nous
faisons des fautes en ceci ni en cela ; car ce n'est que l'amour-propre qui
fait telles réflexions. Au lieu de tout cela, regardez à Dieu, employant
fidèlement les occasions de pratiquer les diverses vertus selon qu'elles se
présenteront. Quand vous aurez manqué par lâcheté ou infidélité, point de
trouble, point de réflexion ; mais demeurez doucement [106] confuse et abaissée devant Dieu, vous relevant soudain par un acte de
courage et de sainte confiance.
Or sus, ma fille [Péronne-Marie], faites bien ainsi, et ma petite fille
[Marie-Aimée] aussi, car je sais que vos cœurs ne se cachent rien ; c'est
pourquoi cette lettre vous sera commune. Et dorénavant, à cause de mon peu de
loisir, je vous écrirai toujours ensemble, sinon que vous témoigniez désirer
que pour quelque chose particulière et extraordinaire je vous réponde à
part ; en ce cas-là, je le ferai de tout mon cœur, car je suis toute
vôtre, et croyez que je vous aime parfaitement, et que j'ai ma bonne part de la
mortification de votre absence, encore certes que vous m'êtes présentes selon
l'esprit plus que jamais. Ce grand Dieu fait cela, et en sa sainte volonté tout
nous est doux.
Vous, ma Péronne, et la petite Sœur, si l'occasion en vient,
rendez-vous extrêmement souples à recevoir les soulagements quand vous aurez
des incommodités corporelles, mais voyez-vous, soit pour le lever, coucher ou
manger, quoi que ce soit, soyez simples à obéir sans discourir.
Ma chère Péronne, marchez fermement votre ancien chemin pour
l'intérieur et l'extérieur, et quand l'on vous fera ces petites
questions : Quel point d'oraison [vous prenez] et semblables, dites hardiment
les choses que vous avez faites ou pensées autrefois en cette façon :
« J'ai pensé ou fait telle chose en l'oraison, en me promenant, étant dans
le lit, etc., » mais ne dites pas : « Aujourd'hui ou à telle
heure j'ai fait telle chose » ; car il n'est pas nécessaire de dire
le jour que l'on a fait telle action, mais simplement : « J'ai fait
cela, j'ai vu telle chose. » Et vous pouvez sans scrupule nommer oraisons
toutes vos bonnes pensées et élévations d'esprit ; car en effet c'est
oraison, et même toutes nos actions sont oraisons quand nous les faisons pour
Dieu. Il suffit de saluer notre bon Ange soir et matin, la sainte attention à
Dieu et à Notre-Dame comprend tout, car les [107] bienheureux
esprits sont enclos en cet abîme de divinité, et il est de plus grande
perfection d'aller simplement.
Quand une novice vous demande : « Que
pensez-vous ? » répondez en vérité : « Je pense à
Dieu », sans dire (si ce n'est pas) : « Je pensais à la
Passion » et semblables ; car sans doute, marquant particulièrement
un sujet, nous mentirions, s'il n'était pas ainsi. Vous édifierez toujours
assez de répondre simplement : « Je pense à Notre-Seigneur », et
ajoutez, par exemple : « Mon Dieu, qu'il serait heureux celui qui
aurait toujours cette sainte Passion ou Nativité devant les yeux ! »
Je ne vois plus rien à vous dire, mais oui bien encore un mot à ma petite.
Je vous prie, ma très-chère Sœur, ne vous mettez en souci de rien de ce que
vous sentez ou ne sentez pas, et ceci soit dit pour une fois. Servez
Notre-Seigneur comme il lui plaît, et tandis qu'il vous tiendra au désert,
servez-l'y de bon cœur ; il y tint bien ses chers Israélites pendant
quarante ans pour faire un voyage qu'ils pouvaient accomplir en quarante jours.
Soyez là de bon cœur, et vous contentez de dire et pouvoir dire, quoique sans
goût : « Je veux être toute à Dieu et ne jamais point
l'offenser » ; et quand il vous arrivera de chopper, comme il fera
sans doute (fût-ce cent fois le jour), relevez-vous par un acte de confiance.
De même pour le prochain, contentez-vous de le vouloir aimer et d'avoir le
désir de lui désirer et procurer tout le bien qui vous serait possible, et
faites doucement ce que vous pourrez autour de lui. Enfin cheminez hardiment au
chemin où Dieu vous conduit ; il est très-assuré, encore que vous n'y ayez
pas toutes les clartés et satisfactions que vous voudriez ; mais il est
temps de renoncer et quitter pour Notre-Seigneur toutes telles prétentions et
affections, et marcher comme aveugle dans cette divine Providence ; croyez
qu'elle vous conduira bien. Or sus, adieu, notre bon M. Michel [Favre] vous
dira de nos nouvelles. Dame ! savez-vous, je le vous recommande, car j,e
l'aime de tout mon cœur, c'est notre [108] cher frère et
enfant tout nôtre. Millions de saluts tout cordials à ces très-chères filles de
mon cœur, un peu en particulier à celles que vous savez, et à toutes, car
certes je les aime toutes sincèrement. Adieu, mes filles chèrement aimées.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D'ANNECY,
À LYON
Veiller à l'impression du Traité de l'Amour de Dieu, et
supporter courageusement les petites mortifications.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Rien que ce billet, et vous en contentez, s'il vous plaît, mon cher
fils, encore ne sais-je si l'on me donnera le loisir de l'achever.
La clef de l'armoire ne s'est point trouvée pour y prendre celle de
votre coffre, pour prendre les Agnus Dei.
Je n'ai nul loisir de parler à Monseigneur, mais sitôt que je le
pourrai, vous êtes assuré que je le persuaderai que vous ne bougiez de là que
ce cher livre ne soit imprimé ; et prenez patience, mon fils, vous rendant
grandement soigneux qu'il ne s'y fasse point de fautes. Au reste, je
m'essayerai cependant de disposer ici les esprits contrariant le vôtre ;
mais, voyez-vous, il ne faut plus être enfant, ains devenir brave et généreux,
souffrant les petites mortifications.
Je salue étroitement M. Rigaud et sa femme, je le remercie de son offre en
l'acceptant de tout mon cœur ; bientôt il aura le reste du livre, et je
lui écrirai. [109]
Il est force de finir, adieu. Vivons tant qu'il se pourra en l'amour et
volonté de ce Sauveur. Je suis en Lui votre humble fille et servante.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Elle lui demande des nouvelles de sa santé et exprime le
désir de prolonger de quelques jours sa retraite annuelle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616].
Comment vous portez-vous, mon pauvre très-unique Père ? Toujours
mieux moyennant la grâce de Dieu, n'est-ce pas ? Hé Dieu ! oui, s'il
vous plaît, mon bon Sauveur, et pour longtemps je vous prie que cette chère
santé de mon Père soit bien
[110] établie. Or bien nous en
parlerons de cela ; mais cependant, me pourrez-vous dire oui ou non
simplement et courtement de ce que je vous ai demandé ? Mes quatre
jours sont passés auxquels vous m'aviez marqué ce que je ferais, et je vous
rends compte en ces deux derniers petits feuillets de ce qui s'est passé ;
car les deux premiers, c'est ma confession en laquelle vous n'entendrez rien.
Pourrai-je encore demeurer quelques jours en ma chère solitude, y continuant
cette dernière affection ? J'y aurais bien de l'inclination pour un peu
bien accoiser mon esprit en Dieu ; car vraiment j'ai été un peu distraite
ces jours passés, et si bien votre mal ne m'a pas donné de l'inquiétude, il m'a
donné de la douleur et de la distraction ; à trois diverses [111] fois, l'on m'en parla assez pour me toucher jusqu'au fond. Quand l'on
me disait enfin qu'il était dangereux, pensez, mon très-cher Père, où cela
allait. Oh bien ! Notre-Seigneur m'assiste, qu'il soit béni !
Mon très-cher Père, un mot de vos nouvelles, et si je demeurerai ou non
en ma petite retraite ; car, pour le reste, il se fera à loisir. Je
demande ce mot pourvu qu'il n'incommode rien ; autrement ma Sœur Marie-J.
me le dirait bien. Bonjour, mon pauvre très-cher Père, le doux Jésus soit votre
tout !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
EN RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE
Ma très-chère Mère, je sais bien qu'il me faudra demeurer encore
aujourd'hui en solitude et silence, et peut-être demain ; si ce n'est, je
préparerai mon âme, comme la vôtre, ainsi que je vous dis. Je veux bien que
vous continuiez l'exercice du dépouillement de vous-même, vous délaissant à
Notre-Seigneur et à moi, Mais, ma très-chère Mère, entrejetez, je vous prie,
quelques actions de votre part, par manière d'oraisons jaculatoires, en
approbation du dépouillement, comme par exemple : Je le veux bien,
Seigneur ; tirez, tirez hardiment tout ce qui revêt mon cœur. O Seigneur,
non, je n'excepte rien, arrachez-moi à moi-même. O moi-même, je le quitte pour
jamais, jusqu'à ce que Monseigneur me commande de te reprendre. Cela doit être
doucement entrejeté, mais fortement.
Encore ne faut-il pas, s'il vous plaît, ma très-chère Mère, prendre
aucune nourrice : ains quitter celle néanmoins que vous aurez, et demeurer
comme une pauvre petite chétive créature devant le trône de la miséricorde
divine et demeurer toute nue, sans demander jamais ni action ni affection
quelconque pour [112] la créature ; et néanmoins vous rendre
indifférente à toutes celles qu'il lui plaira vous ordonner, sans vous amuser à
considérer que ce sera moi qui vous servirai de nourrice ; car autrement,
prenant une nourrice à votre gré, vous ne sortiriez pas de vous-même, ains
feriez-vous toujours votre compte, qui est néanmoins ce qu'il faut fuir sur
toutes choses.
Les renoncements sont admirables : de sa propre estime, même de ce
que l'on était selon le monde (ce qui n'était en vérité rien, sinon en
comparaison des misérables), de sa propre volonté, de sa complaisance en toutes
les créatures et en l'amour naturel, et en somme de tout soi-même, qu'il faut
ensevelir dans un éternel abandonnement, pour ne le voir ni savoir jamais plus,
comme nous l'avons vu et su ; ains seulement quand Dieu le nous ordonnera,
et selon qu'il le nous ordonnera.
Écrivez-moi comme vous trouverez bonne cette leçon. Dieu me veuille à
jamais posséder ; Amen, car je suis sien ici et là où je suis en
vous, comme vous savez, très-parfaitement ; car vous m'êtes indivisible,
hormis en l'exercice et pratique du renoncement de tout nous-mêmes pour Dieu.
François, Évêque de Genève.
Elle expose les dispositions de parfait abandon que
l'Esprit-Saint lui a données pendant la retraite.
[Annecy, 1616].
Hélas ! mon unique Père, que cette chère lettre me fait de
bien ! Béni soit Celui qui vous l'inspira ; béni soit aussi le cœur
de mon Père es siècles des siècles !
Certes, j'ai un extrême désir, et, ce me semble, une ferme résolution
de demeurer en ma nudité, moyennant la grâce de [113] mon Dieu, et j'espère
qu'il m'aidera. Je sens mon esprit tout libre, et avec je ne sais quelle
infinie et profonde consolation de se voir ainsi entre les mains de Dieu. 11
est vrai que tout le reste demeure fort étonné ; mais faisant bien ce que
vous me dictez, mon unique Père, comme je ferai sans doute, Dieu aidant, tout
ira toujours mieux.
Il faut que je vous dise ceci : mon cœur chercherait, si je le
voulais laisser faire, à se revêtir des affections et prétentions qu'il lui
semble que Notre-Seigneur lui donnera ; mais je ne le lui permets
nullement ; de sorte que ces propositions ne se voient que de loin ;
car enfin il me semble que je ne dois plus rien penser, désirer ni prétendre
que ce que Notre-Seigneur me fera penser, aimer et vouloir, ainsi que la partie
supérieure me l'ordonnera ; car, pour l'inférieure, je suis exacte à ne la
point regarder.
Mon Dieu nous veuille fortifier par sa douce bonté, et nous faire
accomplir parfaitement ce qu'il désire de nous, mon très-cher Père.
Que Jésus vous fasse un grand Saint ! et je le crois ainsi. Bénie
soit sa bonté de votre guérison et bon repos !
Bonjour, mon vrai Père. Ce soir je vous manderai de mes nouvelles.
EN RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE
O Jésus ! que de bénédictions et de consolations à mon âme de
savoir ma Mère toute dénuée devant Dieu ! Il y a longtemps que j'ai une
suavité nonpareille quand je chante ces Répons : Nu je suis sorti du
ventre de ma mère, et nu je retournerai là. Le Seigneur me l’a donné, le
Seigneur me l'a ôté, le nom du Seigneur soit béni.
Quel contentement à saint Joseph et à la glorieuse Vierge [114] allant en Égypte, lorsqu'en la plupart du chemin ils ne voient chose
quelconque, sinon le doux Jésus ! C'est la fin de la transfiguration, ma
très-chère Mère, de ne plus voir ni Moïse ni Élie, mais le seul Jésus-Christ.
C'est la gloire de la sacrée Sulamite de pouvoir être seule avec son seul Roi,
pour lui dire : Mon Bien-Aimé est à moi, et moi je suis à Lui. Il
faut donc demeurer à jamais toute nue, ma très-chère Mère, quant à l'affection,
bien qu'en effet nous nous revêtions ; car il faut avoir notre affection
si simplement et absolument unie à Dieu, que rien ne nous attache à nous.
Oh ! que bienheureux fut Joseph l'ancien, qui n'avait ni boutonné ni agrafé
sa robe, de sorte que, quand on voulut l'attraper par icelle, il la lâcha en un
moment !
J'admire avec suavité le Sauveur de nos âmes sorti nu du ventre et du
sein de sa Mère, et mourant tout nu sur la Croix, puis remis dans le giron de
sa Mère pour être enseveli. J'admire sa glorieuse Mère, qui naquit nue de
maternité, et fut dénuée de cette maternité au pied de la Croix, et pouvait
bien dire : Nue j'étais de mon plus grand bonheur quand mon Fils vint en
mes entrailles, et nue je suis, quand, mort, je le reçois dans mon sein. Le
Seigneur me l'a donné, le Seigneur me l'a ôté, le nom du Seigneur soit béni. Je
vous dis donc, ma chère Mère, que béni soit le Seigneur qui vous a dépouillée.
Oh ! que mon cœur est content de vous savoir en cet état si
désirable ! et je vous dis comme il fut dit à Isaïe : Marchez et
prophétisez toute nue, ces trois jours. Persévérez en cette nudité de
demeurer auprès de Notre-Seigneur. Il n'est plus besoin que vous fassiez des
actes, s'il ne vous vient au cœur, ains que seulement vous chantiez doucement,
si vous pouvez, le cantique de votre nudité : Nue je suis née du ventre
de ma mère, et ce qui s'ensuit.
Ne faites plus aucun effort ; mais, fondée sur la résolution
d'hier, allez, ma très-chère fille, et oyez et inclinez votre oreille : [115] oubliez toute la peuplade des autres affections et la maison de votre père, car le Roi a
convoité votre nudité et simplicité. Demeurez en repos là, en esprit de
très-simple confiance, sans seulement regarder où sont vos vêtements ; je
dis regarder avec attention ou soin quelconque.
Bonjour, ma très-chère Mère. Vive Jésus ! dénué de Père et de Mère
sur la Croix ! Vive sa très-sainte nudité ! Vive Marie ! dénuée
de Fils au pied de la Croix !
Faites doucement les insensibles acquiescements de votre nudité, ne
faites plus d'efforts, soulagez votre corps suavement. Vive Jésus ! Amen.
François, Évêque de Genève.
Sublime disposition de dénûment intérieur.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Mon cher Père,
M. Grandis m'a dit aujourd'hui que nous eussions encore
bien soin de vous, que vous ne deviez plus faire une si grande diète, qu'il
fallait bien vous tenir et contre-garder de près, à cause de la fluxion qu'il
faut craindre. Je suis bien aise de toutes ces ordonnances, et de ce que vous garderez
votre solitude, parce qu'elle sera encore employée au service de votre cher
esprit. Je n'ai pu dire notre, car il me semble n'y avoir plus de part,
tant je me trouve dénuée et dépouillée de tout ce qui m'était le plus précieux.
Mon Dieu ! mon vrai Père, que le rasoir a pénétré avant !
Pourrai-je demeurer longuement dans ce sentiment ? au moins [116] notre bon Dieu me tiendra dans les résolutions, s'il lui plaît, comme
je le désire. Hé ! que vos paroles ont donné une grande force à mon
âme ! que celles-ci m'ont touchée et consolée où vous me dites :
« Que de bénédictions et consolations votre âme a reçues, de me savoir
toute dénuée devant Dieu ! » Oh ! Jésus vous veuille
continuer cette consolation, et à moi ce bonheur !
Je suis pleine de bonne espérance et de courage, bien paisible et bien
tranquille. Grâce à Dieu, je ne suis pas pressée de regarder ce que j'ai
dévêtu ; je demeure assez simple, je le vois comme une chose éloignée,
mais il ne laisse pas de me venir toucher, soudain je me détourne. Que béni
soit Celui qui m'a dépouillée ! que sa bonté me confirme et fortifie à
l'exécution quand il la voudra. Quand Notre-Seigneur me donna cette douce
pensée, que je vous mandai mardi, de me laisser à Lui, hélas ! je ne
pensai point qu'il commencerait à me dépouiller par moi-même, me faisant ainsi
mettre la main à l'œuvre ; qu'il soit béni de tout et me veuille
fortifier !
Je ne vous disais pas que je suis avec peu de lumière et de consolation
intérieure ; je suis seulement paisible partout, et semble même que
Notre-Seigneur, tous ces jours passés, avait un peu retiré cette petite douceur
et suavité que donne le sentiment de sa chère présence. Aujourd'hui encore,
plus ou moins, il me reste fort peu de chose pour appuyer et reposer mon
esprit ; peut-être que ce bon Seigneur veut mettre sa sainte main par tous
les endroits de mon cœur pour y prendre tout et le dépouiller de tout ; sa
très-sainte volonté soit faite !
Hélas ! mon unique Père, il m'est venu aujourd'hui en la mémoire
qu'un jour vous me commandiez de me dépouiller ; je répondis :
« Je ne sais plus de quoi », et vous me dites : « Ne vous
l'avais-je pas bien dit, ma fille, que je vous dépouillerais de
tout ? » Oh Dieu ! qu'il est aisé de quitter ce qui est autour
de nous ! mais quitter sa peau, sa chair, ses os, et pénétrer dans [117] l'intime de la moelle, qui est, ce me semble, ce que nous avons fait,
c'est une chose grande, difficile et impossible, sinon à la grâce de Dieu. La
seule gloire donc lui est due et lui soit rendue à jamais.
Mon vrai Père, si ne me revêts-je point sans votre congé de cette
consolation que je prends à vous entretenir. Il me semble que je ne dois plus
rien faire, ni avoir pensée, ni affection, ni volonté, qu'ainsi qu'elles me
seront commandées.
Je finis donc en vous donnant mille bonsoirs, et vous disant ce qui
m'est venu en vue. Il me semble que je vois les deux portions de notre esprit
n'être qu'une, uniquement abandonnée et remise à Dieu. Ainsi soit-il, mon
très-cher Père, et que Jésus vive et règne à jamais ! Amen. Ne vous
avancez point de vous lever trop tôt ; je crains que cette sainte fête ne vous fasse faire un excès. Dieu vous
conduise en tout.
EN RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE
Tout cela va fort bien, ma très-chère Mère. C'est la vérité, il faut
demeurer dans cette sainte nudité, jusqu'à ce que Dieu vous revête. Demeurez
là, dit Notre-Seigneur à ses Apôtres, jusqu'à ce que d'en haut vous soyez
revêtus de vertu. Votre solitude ne doit point être interrompue jusqu'à demain
après la messe. Ma très-chère Mère, il est vrai, votre imagination a tort de
vous représenter que vous n'avez pas ôté et quitté le soin de vous-même, et
l'affection aux choses spirituelles ; car n'avez-vous pas tout quitté et
tout oublié ? Dites, ce soir, que vous renoncez à toutes les vertus, n'en
voulant qu'à mesure que Dieu vous les donnera ; ni ne voulant avoir aucun
soin de les acquérir, [118] qu'à mesure que sa bonté vous emploiera à
cela pour son bon plaisir.
Notre-Seigneur vous aime, ma Mère ; il vous veut toute
sienne ; n'ayez plus d'autre bras pour vous porter que le sien, ni d'autre
sein pour vous reposer que le sien et sa Providence. N'étendez votre vue
ailleurs et n'arrêtez votre esprit qu'en Lui seul. Tenez votre volonté si
simplement unie à la sienne, que rien ne soit entre deux. Ne pensez plus ni à
l'amitié, ni à l'unité que Dieu a faite entre nous, ni à vos enfants, ni à
votre cœur, ni à votre âme, enfin à chose quelconque ; car vous avez tout
remis à Dieu. Revêtez-vous de Notre-Seigneur crucifié, aimez-le en ses
souffrances et faites des oraisons jaculatoires là-dessus. Ce qu'il faut que
vous fassiez, ne le faites plus parce que c'est votre inclination, mais
purement parce que c'est la volonté de Dieu.
Je me porte fort bien, grâce à Dieu. Ce matin j'ai fait commencement à
ma revue, que j'achèverai demain. Je sens insensiblement, au fond de mon cœur,
une nouvelle confiance de mieux servir Dieu en sainteté et justice tous les
jours de ma vie, et je me trouve aussi nu, grâce à Celui qui est mort nu, pour
nous faire entreprendre de vivre nus. Oh ! ma Mère, qu'Adam et Eve étaient
heureux, tandis qu'ils n'eurent point d'habits ! Vivez tout heureusement
paisible, ma très-chère Mère, et soyez revêtue de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Amen.
François, Évêque de Genève.
SUPÉRIEURE ! À LYON
Quelques détails sur une indisposition de saint François
de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], ce 28 mai [I616].
Ce n'est pas pour vous écrire, ma très-chère fille, puisque le [119] départ de cet honnête homme me surprend ; ce n'est simplement que
pour vous donner le bonjour de très-grand matin avant que d'être habillée, et
vous assurer que notre très-bon et cher Seigneur se porte bien, autant
toutefois que le peut permettre le mal qu'il a eu, lequel fut court, mais
très-dangereux : c'était une grande inflammation de gosier dans lequel on
craignait qu'il se formât un apostème qui l'eût peut-être étranglé ; vous
pouvez penser, ma fille toute chère, si cela me fut une bonne mortification en
ma solitude. Oh ! Dieu soit béni, qui me maintint sa paix parmi tant de
douleurs ; Il nous l'a conservé et le conservera longues années, s'il lui
plaît. Je vous écrirai grandement à la première occasion, car j'y prends
plaisir quand je le puis faire. Cependant, que ce mot soit aussi pour réponse à
M. Michel, mon cher bon fils, auquel (et à celle chère âme que vous avez
nouvellement auprès de vous) je ne puis écrire, mais je les salue de toute
l'affection de mon cœur, avec vous et toutes nos chères Sœurs. Je suis toute
vôtre sans réserve. Vive Jésus ! Que mon fils envoie ces petits livres de l’Imitation de
Jésus.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [120]
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D’ANNECY
À LYON
Arrangements à prendre pour l'impression du Traité de
l'Amour de Dieu.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 30 mai 1616.
Vous me dites, mon très-cher Père, que l'on ne se peut persuader que,
sur les lettres que l'on m'a écrites, j'aie été trompée ; cela n'empêche
pas que cela ne soit la vérité, mais mes inconsidérations méritent plus de
blâme. Oh ! grâce à Dieu, Monseigneur s'est rendu à notre première
requête.
De retrancher rien des livres que nous demandons, nous ne le pouvons ni devons faire, me
semblant qu'il ne serait pas raisonnable que nous les achetassions. Donnez, mon
cher Père, adresse à ces deux billets, écrits avant la réception des vôtres,
car de voir leurs lettres, il n'y a moyen. Bonsoir, mon très-cher Père, mille
saluts à tous ; recommandez, s'il vous plaît, la lettre de M. Guichard au
Révérend Père de Villars. Je suis, par affection maternelle, votre
vraie mère, et votre fille très-humble en Notre-Seigneur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [121]
Crainte de nouveaux changements dans la récitation de
l'Office divin.
VIVE † JÉSUS!
[Annecy. 1616.]
Mon très-cher Père,
L'on vient de nous dire tout maintenant que demain matin il part
un homme pour Lyon ; si vous pouvez, écrivez, je vous supplie, un mot à
Mgr de Lyon, mais de bonne encre ; car il me semble que cette affaire est de si grande importance pour cette
maison, qu'elle mérite d'être pressée. Mon très-cher Père dira que je suis
toujours ardente ; oh ! certes, je le serais de bon cœur pour ceci,
si j'y pouvais quelque chose. Il me semble qu'il ne faut point témoigner à Mgr
de Lyon que l'on ait nulle sorte de doute de ne pas obtenir l'Office, et ne
sais pour cela si je lui en dois parler, ains seulement de nous faire avoir ces
dépêches, selon que le Père
a écrit qu'on l'avait accordé. Voilà ce que j'écris, car il faut aller souper.
Vous me manderez ce que je dirai de plus, s'il vous plaît, mon vrai et
très-cher Père. Que Dieu vous fasse très-parfaitement saint en toute votre âme.
Nos filles iront-elles demain vous
trouver, et à quelle heure ?
Bonsoir, mon pauvre très-cher Père.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [122]
SUPÉRIEURE À LYON
Saint François de Sales se résout à solliciter l'érection
de la Visitation en Ordre religieux. — Quelle estime faire de sa vocation. —
Joie que donne l'annonce d'un prochain voyage de la Mère Favre à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], juin 1616.
Ma très-chère fille ma mie,
Il faut que perpétuellement vous me pardonniez et toutes nos chères
Sœurs à qui je dois des lettres ; car n'ayant pas du loisir de reste pour
tenir mes lettres prêtes, je suis contrainte d'écrire sans haleine, puisque je
suis mal avertie. Je croyais que le sire Pierre ne partirait que demain, et
l'on me vient dire qu'il s'en va ; en tout il faut avoir patience ;
mais, si, avais-je à vous écrire beaucoup et grand désir d'écrire à mon fils,
M. Michel, et à nos Sœurs ; M. l'aumônier emportera tout cela.
Donc vous êtes maintenant assurée de la volonté de notre bon Seigneur
touchant la religion, je veux dire la conversion de notre Congrégation en
Religion, aux conditions qu'il nous a marquées, qui sont toutes saintes et dont
la résolution est invariable. Il y a longtemps que l'on a offert ce parti à Mgr
de Lyon et [il] ne voulait pas qu'on le sût, car, je vous prie, que nous
importera-t-il de faire nos vœux solennels ou publics comme nous les
faisons ; d'être appelée Religion ou Congrégation ? Certes,
cela ne nous importe ; au contraire, nous avons toujours témoigné de le
vouloir, mais toujours avec cette invariable réserve de ne rien changer de la
fin de notre Institut, ni des moyens de parvenir à cette fin, lesquels nous
avons tenus jusqu'à maintenant, grâce à Dieu, à sa gloire, à l'utilité du
prochain ; et qui ne nous voudra comme [123] cela, qu'on nous
laisse ; nous ne prions et ne recherchons personne de nous prendre, ains
nous serons très-contentes de demeurer humblement en notre petitesse, et plus
mille fois qu'autrement si la gloire de Notre-Seigneur ne nous en tirait. Voilà
donc, ma très-chère fille, votre esprit tout éclairci pour ce sujet, et vous
pourrez satisfaire ceux qui vous parleront. Oh ! je désiré bien fort que
notre cher et Révérend Père recteur sache bien tout et qu'il en die en charité
son sentiment à Monseigneur et sur tous les articles, car Monseigneur le
désire, d'autant que c'est un grand homme de bien et capable ; il m'a
semblé voir en la lettre qu'il m'a écrite la dernière, qu'il croyait tout le
contraire de ce qui est ci-dessus. Au reste, ma fille très-chère, s'il y a
moyen, faites que Mgr l'archevêque écrive à Monseigneur sa résolution sur sa
dernière lettre, parce qu'il nous importe pour l'affaire de Rome ; mais ne
lui témoignez pas cette particularité, ni même que nous ayons mandé de la
solliciter, voilà tout pour ce sujet.
Oh ! ma très-chère fille, qu'il nous faut, de vrai, avoir un grand
et ferme courage pour aimer et servir notre bon Dieu tout de bon, car nous y
sommes infiniment obligées. Oh Dieu ! quelle grâce il nous fit, il y a six
années, de nous appeler à cette manière de vie si propre, si convenable au
sexe, pour parvenir à la vraie perfection ; il soit béni à jamais ce divin
Sauveur. Je vous assure, ma vraie première et très-chère fille, que je tâche
aujourd'hui de fort renouveler mon cœur afin de vivre dorénavant selon la
très-sainte volonté de Dieu. Croyez-moi, ma fille, vous m'êtes grandement chère
et précieuse, et j'ai un désir incomparable que vous vous dépouilliez fort de
tout ce qui n'est point Dieu, et que, n'ayant qu'un seul cœur, vous le
conserviez tout entier pour le seul Sauveur qui a donné sa chère vie pour
obtenir notre amour et notre salut.
Voyez-vous, ma chère fille, je vous aime grandement et ces deux filles
qui sont auprès de vous, et toute la chère petite [124] troupe ;
vous m'êtes grandement présente, et j'ai autant de soin de vous servir en tout
ce qui me sera possible, que celles qui sont autour de moi ; ne le
croyez-vous pas ? il est bien vrai. Faites gaiement là votre petit
service ; rien ne se fait ici qui ne se fasse là.
Il est vrai, ma fille, j'ai un extrême désir que nous animions nos
Sœurs, afin que les prémices de l'esprit que Dieu répand ici et là soient bien
employées ; mais partant il faut aller toujours avec douceur et suavité,
supportant nos petites imbécillités et faiblesses, car nous ne sommes ni ne
serons jamais sans cela.
O Dieu ! ma toute chère fille, quelle joie se répandit hier dans
mon cœur, quand j'entrevis quelque espérance de vous revoir, et quel bruit et
émotion ne se fit-il pas dans notre récréation à la nouvelle que j'en donnai ! Certes, c'est chose admirable de
l'amour que vous portent toutes ces filles ; mais, voyez-vous, ne faut-il
pas que je laisse épancher mon cœur de ce côté-là, craignant la douleur si elle
n'arrivait pas ? Hélas ! notre pauvre Péronne, il faudra bien la
renvoyer à [Annecy] si le mal lui continue, qu'elle se rende là inutile, et que
le changement d'air lui soit propre. Dieu sait comme nous la recevrons de bon
cœur, mais je crains qu'elle ne fasse encore faute à votre petit ménage ;
toutefois, Dieu pourvoira à tout.
Je serais bien aise que vous ne donnassiez l'habit à la bonne N*** dès
qu'elle n'ait fait ses six semaines ; si l'on me donne le loisir, je lui
ferai un billet, sinon son humilité me supportera, et sa charité aura soin, je
l'en prie, de prier Dieu qu'il me donne la grâce d'être toute sienne.
Mille saluts, ma fille ma mie, à toute la chère troupe, un peu à part à
nos deux filles, au Révérend Père recteur, au cher neveu et à qui il vous
plaira. Mais, mon Dieu, j'admire ma Sœur de [125] Gouffier, nous
lui écrirons par le retour de M. l'aumônier, car enfin elle perd son temps, et
je suis étonnée de ce qu'elle ne nous écrit point. Oui, elle perd son temps.
Adieu, ma mie, ce jour saint de la fête de Saint-Claude. Votre, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
de Chambéry.
Difficultés suscitées pour l'achat des moulins du duc de
Nemours.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Bonjour de tout mon cœur, mon très-cher Père très-unique ; j'ai à
vous dire maintenant qu'avant-hier je parlai à M. Dufresne, par le conseil de
M. Flocard, pour les moulins de Monsieur ; il y trouve une grande difficulté,
mais non pas impossibilité ; c'est pourquoi la grande utilité que cela
apporterait à cette maison ne peut me permettre de quitter cette poursuite qu'à
l'extrémité. Il vous en parlera aujourd'hui, mon très-cher Père, à ce qu'il me
dit ; voyez bien, s'il vous plaît, tout ce qui s'en pourra espérer, car M.
Flocard ne doute point que la chose ne puisse réussir, en toutes les façons
qu'il se pourra.
Il faudra bien, mon très-cher Père, que je vous voie aujourd'hui
moi-même, car ma Sœur de Gouffier presse fort sa réponse pour l'affaire de
Moulins ; je lui ai déjà mandé votre absence,
mais le départ du sire Pierre à demain nous donnera sujet de lui répondre.
Cependant, mon très-unique Père, je vous donne derechef million de
bonjours. Le doux Jésus soit à jamais au milieu de notre cœur !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [126]
LETTRE LXXI (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Annonce de la réponse de saint François de Sales à
l'archevêque de Lyon. — Sage direction de la Mère Favre à ses filles. — Projet
pour un changement de maison. — Réponse au sujet de la communion. — Avis pour
une affaire d'intérêt.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 2 juillet 1616,
Ma pauvre chère fille,
J'ai su ce soir, en entrant à table, cette commodité de vous
écrire ; de la perdre, il n'y a pas moyen, et je viens d'écrire
premièrement ces quatre lettres ci-jointes que vous ferez tenir. Notre cher et
très-digne Père répond couramment et brièvement à Mgr l'archevêque, et je
m'assure qu'il vous mande que oui ; enfin il faut se sacrifier pour Dieu
et pour sa gloire, à laquelle très-assurément toute cette affaire réussira
grandement et n'en faut point douter. Mais il faut que ce bon prélat donne
promptement, s'il lui plaît, sa conclusion, parce que nous sommes persécutées
de gens qui demandent nos Règles, et de les leur donner qu'elles ne soient
conclues, il n'y a plus d'apparence. Ma fille mon enfant, ce bon prélat ne vous
dit rien qu'il ne m'eût dit, je vous assure ; or il faut que tout se passe
doucement et quasi imperceptiblement parmi les Sœurs.
Il ne sera que bon que toutes ces filles d'Auvergne fassent leur
noviciat vers vous, et ne doutez rien, Dieu fournira tout ce qu'il faudra. Je
crois que ces lettres que j'écris les arrêteront et accoiseront pour quelques
semaines. Quant à ma Sœur ***, vous la conduisez à mon goût, et ce qui est le
mieux, selon celui de Dieu, si je ne me trompe ; continuez et travaillez
pour la gagner à Notre-Seigneur, j'espère qu'il vous en consolera. Ce
coup de ma Sœur *** est admirable et fait voir la condition de son esprit.
Dieu, qui vous a assistée jusqu'ici, vous aidera toujours, et je pense qu'enfin
elle sera bonne fille, et je suis consolée de la savoir remise, et du bon
dessein de N***, Dieu l'y confirme.
Certes, mon cher enfant, je suis
bien aise qu'on vous fasse des charités ; saluez-la bien, notre bonne
mère,
de ma part ; je suis sa très-humble servante, et du Père Philippe bien
fort, et toutes nos amies ; enfin vous me faites un plaisir incroyable de
me mander ainsi toutes vos petites affaires. Au reste, ma fille, je n'avais pas
reçu de vos lettres il y avait huit jours, et vous me mandez que vous m'avez
tant écrit ; je n'ai pas reçu trop de lettres, mais ce n'est pas par reproche,
non. Je vous ai déjà écrit que la chère Sœur était guérie, grâce à Dieu.
Marie-Aimée se porte fort bien ; l'autre aussi
est bien enrôlée [en bon chemin].
Choisissez bien votre maison avant
que changer ; la maison verte est bien sèche et éveillée, si je ne me
trompe. Nous prierons pour cela ; mais priez aussi pour obtenir les places
qui nous sont nécessaires. Je n'ai encore rien vu de ce que les marchands ont
apporté ; leur balle se dépliera demain seulement. Mon Dieu ! que
j'aime tendrement ces filles qui sont autour de vous et qu'elles me sont
chères ! assurez-les-en bien. Que je leur souhaite de sainteté et de
pureté, mais surtout à leur pauvre petite Mère, que j'aime comme mon cœur, et à
qui je ne recommande rien, sinon qu'elle s'étreinsse [se plonge] bien en la
confiance de son Sauveur, et qu'elle se repose en Lui de toutes choses et se
tienne joyeuse et en santé. Et quant à la sainte communion, ô ma fille,
faites-la tant que vous voudrez par extraordinaire sans ordinaire, sinon qu'il
n'y a point de [128] doute qu'il la faut faire trois fois la
semaine, ce n'est pas trop pour vous. Il faut que je vous dise que si
quelquefois vous pouvez prendre la confiance de dire quelque chose à N***, je
pense que cela déchargerait un peu votre cœur.
L'impression du livre tire trop à la longue, Rigaud a tort. Au reste,
en confiance je vous dis qu'il faut que vous disposiez imperceptiblement M.
l'aumônier à ne demeurer ici que huit ou dix jours, quand il y viendra ;
je ne vous en dis pas davantage, vous devinerez prou. Faites bien qu'il
m'excuse si je ne lui écris. — Au reste, quant à cet argent de Lyon, pour Dieu
parlez au marchand, et lui dites qu'il fasse savoir à celui de Besançon qu'il y
a trois mois que la quittance est là, et qu'il ne nous tienne plus en longueur.
Je voudrais encore que vous écrivissiez au Père Placide (qui demeure au couvent
réformé de Saint-Benoît de Besançon) le tort que ces gens nous font, et que
pour Dieu il y mette ordre. Je n'en puis plus, mon enfant, c'est pourquoi je
finis, Dieu soit notre tout. Je suis toute vôtre d'une façon incomparable. Jour
de Notre Dame.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Comment se conduire à l'égard de Mgr de Marquemont, au
sujet des changements qu'il voulait introduire à la Visitation. — La dot des
Religieuses ne doit être reçue qu'après leur profession.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 13 juillet 1616.
Eh ! mon Dieu, ma très-chère fille, que je suis marrie de quoi le
sire Pierre nous surprend ainsi, car j'aurais grande envie de savoir de
Monseigneur s'il n'était point besoin de répliquer quelque chose à Mgr de Lyon,
sur ce que vous me dites qu'il vous mande. Il faut, je pense, toujours faire
entendre [129] doucement que les bons enfants ne se
divisent jamais de leur mère ; que telles que l'on sera ici nous serons
là-bas, et que vous vous assurez que Mgr de Lyon aura pour vous autant de temps
que l'on en a donné ici pour apprendre le grand Office, qui est sept ans ;
que pourvu qu'il se trouve des forces suffisantes aux filles, il se trouvera
assez de bonne volonté pour obéir... (sous-entend, dès que l'on convertit la
Congrégation en Religion). Enfin dites ce que Dieu vous inspirera ; car
d'entre-ci à sept ans il arrivera quelque chose, et l'on en pourra encore avoir
sept autres, voire plus. — Dieu m'aide, ma fille, car voilà
Monseigneur qui vient dire adieu à madame Rochette, et il m'a dit que vous
deviez écrire vous-même à Mgr de Lyon ; faites-le donc, mon enfant, encore
que je ne vous envoie point de copie, car je n'en ai pas le loisir, et parce
que le pauvre Père dom Juste n'avait pas la patience requise pour bien
faire mettre dans les expéditions tout ce qui était requis, Monseigneur veut
que vous conjuriez saintement Mgr de Lyon d'obtenir pour toutes les maisons que
l'on dira seulement le grand Office, ainsi que les prêtres le disent, sans être
obligées à l'Office des morts, à celui de Notre-Dame, aux sept psaumes que les
Religieux disent à certains temps et jours, lui remontrant que ce serait chose
impossible de s'obliger à cela ; qu'il verra, quand il sera de retour, ce
que c'est que de la force de ces filles, et ce que Dieu vous inspirera, et à M
de Saint-Nizier qu'il serait bon qu'il se joignit avec vous. Monseigneur ne
mettra dans les Constitutions que le seul grand Office, car la Règle de
Saint-Augustin n'en ordonne point, mais il sera toujours plus assuré [130] pour arrêter les chimères du monde qui fantaisie sur tout. Au reste, je
ne sais si c'est une Providence divine, que je me suis toujours oubliée de vous
dire, qu'il ne faut jamais rien prendre des dots des novices qu'elles n'aient
fait profession, car le saint Concile l'ordonne ainsi ; c'est à propos de
ma Sœur Élisabeth. Ma fille ma mie, je suis contrainte de finir. Adieu, à
toutes, mon enfant ; je suis vôtre du tout, du tout.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Ferme résolution de maintenir la liberté de l'Institut. —
Il n'y a que l'autorité du Saint-Siège qui puisse faire changer la Règle. —
Nouvelles diverses.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Ayant achevé de lire votre chère lettre que je viens de recevoir, ma
pauvre chère fille, je vous dis de tout mon cœur que je serais très-grandement
mortifiée, si l'on rompait le dessein de votre venue. Oh ! certes, il faut par-dessus tout
aimer la très-sainte volonté, et nous le voulons aussi, ma plus que très-chère
fille ; mais nous croyons que ce l'est bien aussi, et qu'elle recevrait de
la gloire en notre commune utilité. Il ne faut point se trop attendre à me voir
au mois d'octobre ; car, pour vous le dire ingénument, quoi que l'on vous
die, assurez-vous que nous ne partirons pas d'ici que tout ne soit bien assuré
pour continuer notre petite manière de vie aux lieux où l'on nous appellera, et
que, dans les permissions ou licences, rien n'y [131] soit obscur ni à
double entente. Je le vous dis clairement, ma chère fille, il n'y a que la
souveraine autorité du Saint-Siège qui nous fasse jamais rien changer ;
car ce qui est résolu est résolu, ainsi que vous savez. Mais quoi, le Pape n'a
garde de nous forcer à dire ce que nous ne savons pas et que nous ne saurions
jamais apprendre. En tout le très-saint vouloir de Dieu soit fait.
Je ne puis cesser d'admirer N*** [madame de Gouffier] ; elle a une
bonne intention que Dieu convertira à sa gloire, mais elle a pourtant tort de
se plaindre de nous, qui n'avons reçu de ses nouvelles, il y a quatre mois, et
sommes les dernières qui avons écrit ; je lui ferai un mot pourtant, si je
puis, car je l'aime grandement cette fille-là. Faites-moi réponse, quand vous
pourrez, du sentiment du Père recteur et du Père Grangier. M. l'aumônier n'a dit adieu à personne de céans, dont je
fus un peu mortifiée, car j'aime et honore grandement ce bon homme ; nous
ne l'avons vu ni parlé qu'à moitié nos dents, il m'en a été en mal : c'est
une vraie bonne âme, conservez-moi en la souvenance de ses prières ; j'y
ai confiance, je ne l'oublie jamais aux miennes petites. Faites-le bien prier
pour notre affaire de Rome, et faites que discrètement il s'enquière des
Ursulines, si celles de Paris disent le grand Office.
Je pensais vous écrire une longue lettre, mais les dames de
Sainte-Catherine m'ont pris tout mon temps. Il faut finir, ma toute chère
fille, et obtenir tout doucement de ce bon prélat [de Lyon] l'accomplissement
de notre désir. Il n'y a moyen de s'en dédire ; ma chère fille, dix ou
douze jours sont bientôt passés, Dieu ne nous éconduira pas. Ma fille, je ne
puis davantage écrire ; mille saluts à tous, à toutes nos très-chères
bien-aimées Sœurs. À notre bon M. Michel, point de billet pour ce coup, [132] mais de grands et cordials saluts. Très-humble révérence à Mgr
l'archevêque, au Père recteur, quand vous les verrez, et à tout autre. Adieu,
ma très-chère fille ma mie ; je suis votre plus humble sœur et servante
très-fidèle en Notre-Seigneur.
Jeanne-Françoise
Frémyot, de la Visitation.
Dieu soit béni !
Une autre main :
Notre chère Mère n'a pas le loisir de vous dire, chère Sœur, que vous
êtes d'une très-bonne conscience, comme sa grand'mère, et que vous fassiez un
mémoire exact de tout ce que vous envoyez, car elle ne veut en façon quelconque
vous être en rien redevable. Bonsoir, pauvre Sœur, venez vitement pour mon
contentement.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Maternelles inquiétudes. — Désir de connaître la pensée du
Père recteur des Jésuites sur les Règles de la Visitation.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 15 juillet 1616.
Que veut dire, ma très-chère fille ma mie, que vous nous tenez en si
longue attente de votre arrivée ? Nos Sœurs sont en perpétuelle émotion
dès que l'on sonne ou heurte un peu fort. Il faut bien qu'il vous soit arrivé
quelque chose, car M. Michel nous avait écrit que vous deviez partir le jeudi,
7 de ce mois ; or sus, il faut prendre patience. Je ne peux pourtant vous
écrire de rien, sinon que si d'aventure vous n'êtes partie, que vous tachiez de
savoir si les Ursulines de Paris disent le grand Office, et que vous fassiez
avertir madame de la Cluse qu'elle envoie [133] de la laine noire
pour tracer ses montants, et du fond pour ses chaises, et des soies si elle
veut qu'on les mette.
Sachez aussi de mon petit cher neveu, de ses nouvelles, pour me les
bien rapporter, s'il vous plaît, et ce qu'il sait de Mgr de Bourges et de mon
fils. Adieu, ma mie, ma très-chère fille ; nous vous attendons avec
extrême désir de vous voir, et votre pauvre compagne. Mon Dieu ! qu'il y
aura de joie ici ! Souvenez-vous d'apporter le sentiment du Père recteur
sur nos Règles, s'il se peut. Adieu, ma mie, à Dieu soyons-nous éternellement,
sans exception ni réserve. Oh ! qu'heureuses sont les âmes qui sont tout à
Dieu, et qui en vérité peuvent dire : Jésus est tout mon bien, et je suis toute
sienne ! Je vous ai fait ce billet sans loisir. Mille saluts à toute la
chère troupe. Je suis toute vôtre sans réserve en Celui qui s'est donné à nous.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Départ des Sœurs fondatrices de Moulins.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 17 juillet 1616.
Ce n'est pas pour vous écrire, ma très-chère fille, que je vous fais ce
billet ; car je laisse à Monseigneur de répondre à vos [134] lettres, et
puis pensez si nous sommes empressées autour de nos Sœurs de Lyon [Favre et de
Châtel] qui nous arrivèrent à soir. Dieu soit béni de tout ce que vous écrivez,
et que l'œuvre pour laquelle vous avez tant travaillé vous soit une couronne
précieuse ! Que la gloire du Sauveur en soit accrue, et notre consolation
augmentée en le servant !
Certes, ma chère fille, si cette gloire de Dieu et votre réputation
n'eussent été fort mêlées en cette occasion, nous n'eussions nullement fait le
coup que nous faisons de vous envoyer de nos Sœurs pour les raisons que ma Sœur
Jeanne-Charlotte vous dira, qui sont inflexibles, et l'eussent été pour tout
autre que pour vous maintenant ; car Lyon nous a appris comme il faut
marcher. Mais quel moyen de manquer au cœur et au désir de cette fille qui est
une partie de nous-même ? Dieu soit votre unique partage et le nôtre pour
l'éternité !
Ces filles que nous vous envoyons, car il est impossible que je quitte
pour maintenant cette maison, elles seront à Lyon, Dieu aidant, le 29 de ce
mois, et vous les pourrez aller prendre le 5 ou 6 août, mais non pas plus
tôt ; nous vous écrirons par elles derechef. Dieu soit notre amour, et
notre amour soit tout à Jésus éternellement !
Adieu, ma fille ; je vous embrasse en esprit de toutes les forces
de mon âme, de laquelle je suis entièrement vôtre ; mais ne nous engagez
plus au combat, jusqu'à ce que nous soyons [135] bien armées de toutes les
pièces requises. Il vaut mieux peu de maisons, et [les avoir] bonnes, que
beaucoup et mal accommodées.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
MAÎTRESSE DES NOVICES À LYON
Toutes nos actions sont mêlées d'imperfections ; ne
pas s'étonner de ses faiblesses ni s'en fâcher. — Éviter toute curiosité et
réflexion sur les voies de Dieu, et s'affectionner à la pratique des vertus
solides. — Conseils pour l'oraison.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Qui en doute, petite, que toutes nos actions ne soient mêlées de mille
imperfections ? Nous devons croire cela et nous en humilier, mais non
jamais nous en étonner ni s'en fâcher ; mais aussi ne s'y faut-il point
amuser, ains promptement s'en détourner, après avoir fait l'acte intérieur de
la très-sainte humilité. Ni aussi vous ne devez plus regarder à vos
sentiments ; mais, voyez-vous, que je ne vous entende plus parler de
cela ; employez-les tous au service de l'humilité et abaissement de
vous-même devant Dieu, vous tenant en sa présence comme un vrai rien, et ainsi
faisant, il n'y a nul mal, mais de la souffrance, à tous ces sentiments dont
vous me parlez. Voire, il en est de même de ce défaut de tendreté, mais
qu'importe-t-il, je vous prie, si vous êtes dure ou tendre ? Qui ne voit
que c'est le seul amour-propre qui voudrait ses satisfactions en cela ?
Pour Dieu, ne m'en parlez donc plus, et aimez votre abjection et la très-sainte
volonté de Dieu qui vous a donné ce naturel ; et puis, si vous êtes aimée
ou non, réservée ou large, tout doit être indifférent. [136]
Ne faites point l'ignorante, et essayez de parler à qui que ce soit en
la présence de Dieu, et selon qu'il vous l'inspirera. Si vous êtes satisfaite de ce que vous
direz, votre amour-propre sera bien aise ; si, moins, il y aura de quoi
pratiquer la sainte abjection.
Et enfin, mettez-vous au train de l'indifférence, et me retranchez,
mais très-absolument, ces réflexions et regards que vous faites sur
vous-même ; je vous ai déjà tant dit cela.
Je crois bien, dah ! que vous ne savez pas répondre à ces filles
qui demandent la différence qu'il y a entre union et contemplation. Oh !
vrai Dieu, et comment est-ce que ma Sœur [la Supérieure] leur souffre cela, et
vous, en son absence ? Bon Jésus ! où est l'humilité ? Il faut
donc leur retrancher cela, et leur donner les livres et entretiens qui traitent
de la pratique des vertus, et leur dire qu'il faut se mettre à faire, et puis
elles parleront de ces choses si relevées ; car, par l'exercice des vraies
et solides vertus, les clartés arrivent de la part de Celui qui est le Maître
des humbles, et qui se plaît avec les âmes simples et pures, et enfin quand
elles seront Anges, elles parleront angéliquement.
Pour ce qui est de l'oraison, demeurez en paix sans vous travailler d'y
vouloir faire autre chose sinon de demeurer là auprès de Notre-Seigneur ;
mais je vous l'ai déjà tant dit autrefois. Enfin, il faut être la sage statue,
ne voulant absolument que ce qu'il plaira à Dieu ; et quand sa bonté vous
donne cette lumière de ce que vous y devez faire, en faut-il perdre la mémoire,
et changer de posture quand les sentiments n'y sont plus ? Nullement, il
ne faut faire cela. Or enfin il faut avoir l'esprit de simplicité, et ne plus
tant se regarder, mais aller à la bonne foi. [137]
Vous avez bien satisfait votre amour-propre d'écrire tout ceci. Je ne
veux pas vous renvoyer votre papier, encore que je croie que vous en serez
mortifiée. Vivez toute à Dieu simplement.
J'aime fort notre Sœur Barbe-Marie ; soyez soigneuse de lui retrancher ce
soin superflu qui l'empresse sur son avancement et le salut du monde.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Aimable reproche sur son retard à écrire. — Bienveillance
du prince Victor-Amédée pour saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 15 août 1616.
Ce n'est que pour vous faire la correction, ma mie, que je vous écris
ce billet, et vous dire que vous ne nous traitiez point comme cela de laisser
passer les occasions d'écrire sans le faire. Certes, si je vous tenais, je vous
embrasserais bien serrée pour [138] vous mortifier. Oh ! bien, je pardonne tout le passé,
mais n'y retournez plus. Ne savez-vous pas que j'aime bien ma pauvre vieille
fille et ses lettres aussi ? De moi, je pense que vous êtes partie pour
Moulins, mais il me tarde bien que je sache comme tout est allé. Écrivez-nous
bien au long et de la chère et très-aimée Sœur de Gouffier. Je ne puis lui
écrire, je suis sans loisir ; ce n'est pas pourtant que la venue de M. le
prince [de Piémont] m'occupe, encore que je l'aime bien, parce que l'on dit qu'un jour il
sera saint, au moins s'il persévère.
Je crois, au moins je m'en doute, que Monseigneur n'écrira point. Il
est grandement occupé et ce prince l'aime grandement, et lui en est tout
amoureux. Dieu mette ici une bonne paix. Nous avons force malades ; le
reste est gaillard et de bonne volonté.
Adieu, ma très-chère Sœur ma mie, vous voyez que c'est à traits de
plume que j'écris. Je salue cordialement nos très-chères [139] Sœurs que j'aime
tendrement. Faites que toutes prient bien pour la santé de Monseigneur, pour la
perfection de cette manière de vie et pour mes misères. Adieu derechef. Jésus
soit notre unique amour et le Roi souverain de notre cœur. Je suis en Lui votre
plus humble servante.
Frémyot, de la Visitation.
Jour de l'Assomption Notre-Dame. Dieu soit
béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Sollicitude pour le voyage d'une prétendante.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Voilà qui va le mieux du monde, mon très-cher Père et Seigneur, car
ceux qui reviendront prendre la bonne madame Favrot viendront en assurance. Il faudra bien que
M. de la Thuile [Louis de Sales], mon très-cher frère, apporte enfin au moins
la réponse, parce que, sans cette commodité, ma Sœur Favrot se résolvait de
prendre ici des chevaux pour s'en aller. [140]
Eh ! bonjour, mon très-unique Père, voilà un bouquet. Que plût au
bon Dieu que la très-sainte charité et pureté régnassent parfaitement en ce
cœur qui est ici ! Jésus soit la vie de notre âme et son Roi
souverain ! Amen, mon très-cher Père.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Joie de sa guérison. — Avec quel désintéressement on doit
procéder pour la dot dans la réception des sujets. — Il faut témoigner peu
d'empressement pour les fondations.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], ce 4 septembre [1616.]
Hélas ! ma très-chère fille, que nous avons eu bon marché de votre
maladie ; je loue Dieu qui nous a mandé les nouvelles de la santé avec
celles de l'accroissement du mal ; car hier au matin nous reçûmes deux
paquets qui portaient l'une et l'autre nouvelles, comme aussi n'avons-nous
encore rien d'assuré de la maladie de notre pauvre Sœur Barbe-Marie [Le Blanc].
Dieu soit béni encore une fois de vous savoir toutes guéries. Sachez, ma fille,
que votre santé n'est pas vôtre ; laissez-la gouverner par ma Sœur
Marie-Aimée, et gouvernez la sienne en contre-échange, et celle des autres.
Avant-hier M. de Saint-Pierre nous vint trouver et nous dit la persévérance de
sa cousine ; je lui promis de vous écrire que vous la gratifiassiez en
tout ce qu'il vous serait possible, et je vous en prie.
Certes, il ne faut pas être si tenace, elle a sept cents écus, on
pourrait bien s'accommoder à cela, gardant deux mille francs pour sa dot et
deux cents francs pour le reste ; ce serait bien peu, mais je crois que la
mère donnera l'habit de la profession et quelques pièces de toile ; enfin,
si elle est brave fille, [141] il ne faut pas regarder de si près. Vrai
Dieu ! nous qui recevons des demoiselles qui n'ont que cent
ducatons ! Dieu bénit la charité que l'on fait à celles qui le
désirent ; faites votre pouvoir, ma fille, pour alentir ce désir que l'on
a tant aux choses temporelles. Au reste, je vous prie, [une ligne
illisible] j'en suis en peine ; Dieu, par sa toute bonté, les
gouverne ; elles auront prou d'affaires, ainsi que me mande N***, Si ceux de [Riom] persévèrent, sans doute,
Dieu aidant, nous leur enverrons des filles qui les serviront bien au mois de
mai, lesquelles seront : ma Sœur Marie-Madeleine [de Mouxy] avec la petite
Paule-Jéronyme [de Monthoux], et une brave novice, car ils en demandent une,
sinon il nous fera grand bien de demeurer [de les garder] pour quelque autre
ville. Si je n'y suis pas absolument nécessaire, je n'irai pas ; car je
crois que d'ici là nous aurons douze ou quinze novices, si la guerre ne les
retient, et des filles d'élite. Adieu, ma plus que très-chère fille ; je
suis uniquement toute vôtre. Vive Jésus !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [142]
Annonce d'une visite.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 8 septembre 1616.
Mon très-cher Père,
Voilà le marquis venu, il ne désire pas de voir cette pauvre femme
céans. Je lui ai fait mander qu'il y vînt ; et elle a ajouté qu'après
qu'elle lui aurait parlé ici, elle pourrait, s'il désirait, le voir en votre
logis. S'il vient, je l'assisterai, et lui dirai ce que Dieu me donnera.
Plaise à la très-sainte Vierge Notre-Dame de prendre notre cœur pour
son berceau ! O Dieu ! mon très-cher Père, le suave et précieux
trésor !
Bonjour, mon Père, plus que très-uniquement cher.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Inquiétudes pour la fondation de Moulins ;
prévoyances pour celle de Riom. — Sollicitude pour la santé de la Sœur de
Châtel. — Nouvelles de diverses personnes.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 17 septembre 1616.
Ma très-chère fille ma mie, je vous le dis confidemment, je suis bien
en peine de nos Sœurs [de Moulins]. L'esprit de ma Sœur*** est un terrible esprit ; je crains
qu'elle n'ait encore reçu celle que nous vous envoyâmes. Je vous conjure de
leur faire porter diligemment, mais très-sûrement, ce paquet ; [143] que
si vous ne trouvez bonne commodité, envoyez homme exprès, lui donnant de
l'argent pour la moitié de son voyage, et écrivez à ma Sœur [de Bréchard]
qu'elle lui donne pour s'en revenir ; nous payerons ce que vous donnerez.
Loué soit Dieu de tout, nous apprendrons à nos dépens.
Faites que vous sachiez dextrement si ceux de Riom continuent à nous
vouloir ; car si cela est, il faudra que M. l'aumônier aille jusque-là
pour voir les choses spirituelles et temporelles, si elles sont bien disposées
ainsi que nous l'espérions. Sachez si les filles de Sainte-Ursule disent le
petit Office de Notre-Dame au chœur ou en particulier, et ayez à reprendre
votre patience avec le bon Mgr l'archevêque qui vous exercera ; je le salue
en toute révérence. Ne doutez qu'aussitôt que nous pourrons, vous n'ayez des
nouvelles de Rome. Je ne puis écrire pour le coup à M. [Austrain] ; mais
disposez le selon que vous le jugerez à propos ; c'est une enfant terrible
que cette petite !
Dieu vous donne bonne fortune et accroisse votre nombre ; je suis
bien aise de cette brave prétendante. Je ne fais pas état de répondre à vos
lettres, je n'en ai pas le loisir ; car outre que ce porteur presse, il
est passé midi ; il faut aller dîner, car il me semble que je vois ma
fille toute tendre qui me dit : Ma pauvre chère Mère, il faut dîner et ne
point écrire à votre cadette ; et j'obéis simplement, encore que je
voudrais bien autrement.
Je ne sais ce qu'il en sera des lassitudes de la pauvre Sœur
Péronne-Marie [de Châtel], les médecins y perdent leur science ; j'en suis
bien marrie, car elle servirait bien, c'est un bon cœur. Je loue Dieu de ce que
tout va bien chez vous. Mille saluts à tous, et un mot de nouvelles de Mgr de
Bourges et du fils, si Mgr l'archevêque les a vus. Adieu, ma mie
ma fille [144] toute chère. Vive Jésus et sa sainte Mère ! Amen. Ce
17 septembre. Hélas ! ma fille, l'on défait le paquet, et la petite
Marie-Aimée, qui mange la dragée selon votre désir, ma
très-chère fille, vous salue bien doucement de tout son cœur : elle ne
savait point que l'on écrivît à ma très-chère fille. Que Dieu vous fasse toute
sainte. Je vous recommande derechef ce paquet de Moulins.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Motifs qui portent les saints Fondateurs à solliciter
l'exemption du grand Office pour la Visitation.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1616.]
Hélas ! mon pauvre très-cher Père, que le temps m'est long de ne
rien entendre de vous ! Il me semble, quand les petits billets ne viennent
pas, que vous êtes bien empêché ; mais je ne me plains ni ne veux me
plaindre, seulement je veux dire, mon très-cher Père, que si vous écrivez au
Père dom Juste, [145] vous le priiez de faire considérer
surtout la fin de notre Institut ; car si l'on nous donne ce grand Office,
les femmes et filles âgées et de débile vue, comment l'apprendront-elles ?
N'y a-t-il pas céans des Sœurs qui sont venues seulement pour cela ; et ne
faut-il pas que ceux qui tiennent le gouvernail de la sainte Eglise aient soin
de pourvoir de bergeries, aussi bien pour les agneaux que pour les brebis, et
que l'on ait soin des malades aussi bien que des saines ? Certes, si l'on
considère mûrement comme il faut ce point-ci, et que la charité se doit exercer
également sur les âmes qui ont des corps faibles, comme sur celles qui ont des
corps robustes, il sera impossible de rien rayer. Enfin, mon très-cher Père,
inculquez au Père que surtout il fasse comprendre la fin de cet Institut, et
que les moyens marqués pour y parvenir sont uniques. Je vous parle sans loisir
de penser ce que je vous dis, mais vous m'entendrez prou ; que si nous
eussions pu écrire au Père dom Juste, nous l'eussions fait et longuement. Il
est nuit ; bonsoir, mon très-cher Père, tout uniquement bon.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Recevoir avec simplicité les soulagements nécessaires à la
santé. — Nouvelles de la communauté d'Annecy et des poursuites faites à Rome
pour l'érection de la Visitation en Ordre religieux. — Fermeté déployée à
l'égard d'une enfant incorrigible.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 28 septembre 1616.
Ma très-chère fille,
Je viens de recevoir vos lettres, et premièrement je vous dis touchant
l'aversion que vous avez à recevoir les soulagements [146] que l'on désire,
qu'il la faut absolument surmonter, et user d'une douce condescendance ;
car enfin vous les édifierez mieux par là qu'en tracassant et faisant votre
propre volonté contentieusement. Il faut dire simplement, naïvement et
véritablement vos incommodités ; au partir de là, obéir ; et qu'elles
fassent de même en leurs incommodités, autrement vous leur apprendrez d'être
opiniâtres sous le prétexte d'un grand courage. Ne voilà-t-il pas dire
naïvement la vérité à ma très-chère fille ?
Dieu sait si je suis consolée de ce que notre petite cadette fait
si bien. Ma Sœur Péronne-Marie fait aussi sa charge avec un soin et utilité
nonpareils. Il fait bon prêcher avec les actions de
vertu, outre qu'elle dit fort bien ce qu'il faut ; mais elle ne peut
arracher cette impression de son insuffisance, laquelle se convertira en
confiance.
Si les troubles n'empêchent, nous aurons une douzaine de novices cette
année. O Dieu ! que je désire qu'il nous vienne de braves esprits, et
capables d'être dressés au gouvernement des autres ; car, voyez-vous,
Notre-Seigneur étendra fort cette petite Congrégation. Quel honneur et quel
bonheur d'être sacrifiées et consacrées au service de la gloire de ce divin
Sauveur et de ses chères Épouses !
Ma fille, surtout l'humilité, la douce charité parmi les Sœurs, avec la
bonne observance des Règles.
Nos affaires sont bien acheminées à Rome ; Dieu fera réussir
heureusement cela, je l'espère de sa bonté, puisqu'il y a tant d'apparence que
ce sera sa gloire.
Nous sommes toujours attendant des nouvelles de N.. Hélas ! que j'en désire et qu'elles
soient selon l'esprit de Dieu ! J'aurais grande peine si ces deux paquets,
que nous vous avons [147] envoyés pour elles, n'étaient pas rendus sûrement. Il
me tarde aussi de savoir quel esprit ce bon prélat aura rapporté pour nos
Règles, et s'il sait quelque chose de Mgr de Bourges et de mon fils.
Mandez-le-moi, et le saluez en toute révérence de notre part, l'assurant de
l'honneur singulier que je lui porte.
La petite Austrain a des appétits qui seront tous les jours plus
incorrigibles ; c'est chose effroyable à ouïr que ce que cette enfant
dit ; ma fille de Thorens en est en grand étonnement. Elle dit qu'elle ne
peut vivre céans, que l'on n'y parle que de Dieu, dont elle est si ennuyée, que
quelquefois elle a envie de se désespérer. Je l'ai aujourd'hui fouettée
moi-même, et la vais réentreprendre de nouveau ; tandis qu'on nous
la laissera, nous ferons le mieux que nous pourrons. Nous souhaiterions bien
qu'on l'envoyât quérir bientôt ; mais il ne faut pas presser, car ce bon
M. Austrain est si bon, que nous avons bien de la douleur de n'avoir pu le
servir en cela.
Je finis par où j'ai commencé. Pour Dieu, ma fille très-chère,
rendez-vous douce et condescendante aux désirs de ces filles en vos
incommodités, car autrement vous les troubleriez. Ne veuillez rien pour ce
sujet, sinon ce qu'elles voudront. Enfin la santé et la force vous sont
requises pour le service de Dieu.
Je ne sais que vous dire de cette montre ; rendez la vieille si
vous pouvez. Notre réveil va maintenant, mais avec tant d'incertitude que
volontiers nous le changerions encore, pourvu que ce soit avec une montre dont
la bonté soit bien expérimentée. Adieu et bonsoir, ma très-chère fille ;
je suis invariablement votre très-humble et indigne sœur et servante en
Notre-Seigneur.
J. F Frémvot,
de la Visitation.
Dieu soit béni !
Mille saluts à tous ceux qu'il vous plaira.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [148]
Il faut demeurer humblement soumise dans les épreuves. —
Désir de voir retarder l'établissement du monastère de Riom. — Éloge de la Sœur
de Châtel comme directrice. — Judicieuses réflexions pour développer les
grandes et fortes vertus. — Conseils relatifs au gouvernement des choses
temporelles. — Se défaire du parloir est un grand soulagement à une Supérieure.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 2 octobre 1616.
Que votre cœur soit tout rempli de Jésus, ma très-chère unique
fille !
Vous aurez reçu, il y a longtemps, la réponse pour Mgr
l'archevêque ; je ne sais quel contentement il en aura reçu ; mais,
en tous cas, il faut avoir grande patience et demeurer bien humble et soumise à
Notre-Seigneur qui nous permet ces exercices et humiliations. Enfin, il nous
exaltera si nous sommes fidèles en notre entreprise, et que sa seule gloire
soit toujours notre unique prétention, comme nous l'en supplions
très-humblement.
Vous aurez encore reçu par la voie susdite de M. Vilasca, d'autres
lettres pour nos Sœurs de Moulins. Plût à Dieu qu'elles fussent ici ! Ma
Sœur de Gouffier a fait là une entreprise difficile à faire réussir. Enfin, ma
très-chère fille, il faut faire des coups d'apprentis, avant que d'être
maîtres. Il est vrai que celui-là n'a pas été fait par notre choix ni volonté,
la force nous y a contraintes.
Je ne serais pas marrie, mais très-aise que ceux de Riom se
refroidissent ; nous leur mandâmes que, s'ils continuaient en leur
dessein, ils nous avertissent promptement. S'ils ne le font, ils auront un
refus tout court, et puis je ne pense pas que tout ce que nous désirons soit
bien prêt. Il faut être convenablement logées et avoir assurance pour la
nourriture de huit filles [149] pour le moins, et de l'entretien d'un bon et
capable confesseur ; car d'aller servir leur ville aux dépens de cette
maison, nous n'avons pas de quoi le faire ; et d'envoyer des filles qui
soient accablées du soin des choses temporelles et de la pauvreté, il n'y a pas
moyen. Aussi il est mieux de les tenir ici en paix que de les exposer à tant
d'inquiétudes ; et ceci, ma très-chère fille, c'est chose résolue, et il
n'y aura pas danger quand l'occasion se présentera, de le bien faire entendre.
Ils aimeront peut-être bien d'envoyer instruire leurs filles à Moulins, et ils
nous obligeraient grandement : voilà pour ce sujet.
Voici des lettres pour la bonne madame Favrot ; écrivez-lui un
mot, et puis adressez le paquet à M. Béraud.
Il est vrai que notre maîtresse des novices fait parfaitement bien, et
avec un soin tout charitable, sa charge ; rien ne lui manque aussi qu'un
peu de l'humeur des nourrices enjouées autour de leurs enfants ; mais cela
viendra quand Dieu connaîtra qu'il sera nécessaire ; car elle connaît ce
manquement, et tâche de se rendre d'autant plus douce ; mais pour tout
cela, ma très-chère fille, ne lui en donnez point de joie, car il faut aider à
l'humilité, tant qu'il sera possible, puisqu'une seule once de cette bénite
vertu vaut mieux que tous les trésors du monde. Elle a pourtant toujours ses
lassitudes, qui ne sont point lassitudes, mais défaillance et accablement.
Or sus, ne me dites pas non plus qu'il n'y a que vous de
misérable ; nous vous aimons bien ainsi avec toutes vos sécheresses,
dégoûts et insensibilités de Dieu et de toutes choses bonnes. Vraiment, ma mie,
n'êtes-vous pas bientôt assez grande et forte pour cheminer sans tous ces
appuis-là ? Une seule chose est nécessaire, qui est d'avoir Dieu ;
plus vous le posséderez nûment et simplement, plus vous serez forte.
Contentez-vous donc de le posséder par les saintes et invariables résolu-lions
d'être toute sienne, et de ne jamais l'offenser à votre escient, et travaillez
avec la pointe de votre esprit, ainsi que [150] vous faites. O Dieu ! ma
très-chère et unique Sœur, une seule action de vertu que vous faites en cet
état, en vaut cent et plus de mille faites avec et par la suavité des
sentiments de Dieu. Votre chemin est celui de la croix ; n'êtes-vous pas
bienheureuse, ma chère âme, de cheminer avec votre saint Époux, la croix sur le
dos, et, dans le cœur, le pur amour de sa sainte volonté ? Lisez bien les
livres VIII, IX et X du Traité de l'Amour divin, et vous y trouverez de
grandes consolations et lumières. Je supplie ce doux Sauveur de vous tenir nue de
ce qui n'est point lui-même, et très-parfaitement unie à lui. Tenez-vous bien
au-dessus de tous vos sentiments, et ils ne vous feront pas grand mal.
Je suis bien aise de ce que vous avez écrit à ces filles. J'ai donné la
lettre de ma Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche] en présence de toutes sans y
penser ; mais aussi ne désiré-je pas qu'elles soient si tendres ;
certes, il ne faut point les nourrir comme cela. Il faut qu'elles aient une
charité solide qui ne dépende point de tant de petites choses.
Vendez notre montre et gardez l'argent ; notre réveil qui est ici
va fort bien maintenant, il nous suffit. Dieu nous pourvoira quelque jour d'une
horloge ; nous n'avons pas moyen d'en acheter, puisqu'elles sont si
chères.
J'ai remis à ma Sœur Péronne-Marie la petite [Austrain], afin qu'elle
soit servie et soignée exactement ; si au bout de là elle ne fait pas
mieux, il sera nécessaire pour notre repos de la faire retirer. Je chéris si
fort M. [Austrain] et sa femme que j'aurais grand regret si je ne puis le leur
témoigner en leur fille.
Je suis bien aise de votre amitié avec la Mère des Carmélites.
Recommandez-nous un peu à leurs prières et de nos chères Sœurs que je salue
cordialement. Il est bon aussi que M. d'Halincourt aime la maison.
Je suis bien en peine de ce que vous dites que les choses temporelles
manquent ; mais confiez-vous bien en Dieu, et il [151] vous pourvoira. Je
pense que vous êtes mal payée des pensions ; nous en sommes ici en
nécessité. Dieu soit béni ! Les parents de nos Sœurs n'y pensent pas.
Je salue plus qu'amoureusement ma très-chère Sœur madame Le Blanc. Il
faudra bien que, quand elle ira à Grenoble pour les Avents, vous l'instruisiez
bravement, afin qu'on laisse à Monseigneur les matinées bien franches.
Hélas ! vous êtes bonne, ma fille, de me demander dispense de ne
plus déjeuner, je le veux donc bien ; mais prenez garde bien fort à votre
santé, et d'avoir beaucoup de force. Je dis à Monseigneur votre lettre ;
il trouve bon que vous fassiez un peu de retraite, mais cela selon l'utilité que
vous en sentirez, et aussi la nécessité de votre maison ; vous la pourrez
faire faire aussi comme vous jugerez aux deux autres professes. Mais ma Sœur
Anne-Marie [Belle !] fait-elle bien ?
Mon Dieu ! que cela vous soulagera d'être défaite du
parloir ! Grâce à Dieu, aussi je m'assure qu'une heure m'y suffit par
semaine. Il est vrai que quand il vient de certains extraordinaires, comme en
peut-on échapper ? Enfin il faut rouler avec-abandon à la volonté de Dieu.
Je vous prie, mon unique Sœur, d'être toujours brave, joyeuse et
courageuse, c'est tout un. Quand vous le trouverez bon, saluez toujours avec
honneur et amour Mgr l'archevêque, comme aussi notre bon Père recteur.
Conservez-moi au souvenir de ses prières ; j'ai grande estime de ce
Père-là. Je salue aussi M. l'aumônier, et tous les autres qu'il vous plaira.
Bonjour, ma très-chère Sœur ma mie, vous m'obligez étroitement à être
tous les jours, si je pouvais, davantage vôtre. Je le suis sans réserve, et, ma
très-chère Sœur, votre humble sœur et servante en Notre-Seigneur.
J.-F. Frémyot,
de la Visitation. [152]
[P. S.] Je ne puis écrire à M. Austrain ; mais je vous prie, ma très-chère
fille, de le faire saluer de notre part, et assurer que nous ne perdrons point
courage autour [de sa fille], car l'extrême désir que nous avons de le
contenter nous porte à cela. J'espère que le soin de ma Sœur Péronne-Marie
profitera. S'il vous donne de l'argent, serrez-le jusqu'à ce que vous trouviez
commodité bien assurée, et vous payez devant toutes choses, de tout ce que vous
avez fourni. Faites fort prier pour ces troubles.
Le pauvre M. de Travernay est mort ; l'on fera venir ici sa veuve
pour lui donner cette nouvelle.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Difficultés qui se rencontrent dans l'établissement du
monastère de Moulins. Résolution de différer le plus possible les fondations
demandées.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 8 octobre [1616],
Certes, ma pauvre très-chère fille, je n'ai pas le loisir de revoir votre
lettre, car il a fallu écrire de grandes lettres à ces filles [de
Moulins] ; Dieu soit le maître, leurs aversions nous sont dures, parce
qu'elles préjudicient au service de Dieu. Si ma Sœur de Gouffier passe vers
vous, ne lui témoignez rien du tout que vous en sachiez quelque chose. Enfin je
pense et crains qu'il ne faille renvoyer l'autre fille, la maladie de ma Sœur
N*** nous servira de couverture et de prétexte. O Dieu ! [ne faisons] plus
de fondation, qu'il n'y ait des personnes plus solidement capables de tout
support. Plût à Dieu que ces messieurs ne voulussent plus penser à nous !
toutefois, s'ils le font, Dieu nous aidera ; mais si je rencontrais
occasion propre, il faudrait toujours bien leur faire entendre que tout soit
bien disposé, et [153] qu'il y ait de quoi vivre pour huit filles et un bon
confesseur.
Je suis très-aise de ce que vous avez vu ces bonnes Carmélites, cela vous fera grand bien. Mille saluts à
tous ceux qu'il vous plaira et au bon M. de Médio. Je ne sais si vous aurez
reçu le paquet dernier pour nos Sœurs [de Moulins], et si vous le leur aurez
fait tenir sûrement. Je vous supplie, ma mie, que celle-ci leur soit portée
assurément et promptement : vous pouvez juger de leur importance.
Très-humble révérence à Mgr l'archevêque et à notre Révérend Père
recteur ; je l'honore tous les jours davantage et suis toute vôtre en
Notre-Seigneur.
Donnez un bon sauf-conduit à ce paquet de Moulins.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Doux reproches de son long silence. — Impossibilité
d'envoyer des sujets aux fondations et d'en accepter de nouvelles. — Nécessité
d'une grande et cordiale union avec la Mère de Bréchard. — Admirable
encouragement à se faire violence.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 30 octobre 1616.
...Enfin certes, ma très-chère fille, je m'ennuie de ne point savoir de
vos nouvelles par vous-même ; changez-moi cette paresse. Eh ! je sais
bien que votre cœur est toujours le même et tout mien ; mais je prendrais
grand plaisir qu'il me le dît ; et je m'étonne qu'étant ce qu'il m'est, il
puisse tant demeurer sans me parler. Or sus, si vous me voulez obliger,
commencez à m'en dire des nouvelles, et n'en perdez plus [154] d'occasion,
comme aussi dites-moi un peu bien si nos filles vous ont satisfaite, et celles
qu'elles sont allées servir. Notre chère Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard,
vous savez ce qu'elle est à mon cœur, combien nous l'estimons, et de quelle
utilité et nécessité elle était ici. Certes, nous l'avons laissée choisir
celles d'entre nous qui lui ont été les plus propres de celles qui se pouvaient
mettre dehors ; car, ma très-chère fille, vous ne sauriez croire combien
il s'en trouva peu de disposées pour cela : les unes manquant de voix, les
autres de santé, et les autres encore embarrassées en affaires.
Enfin, je vous le mandai bien par ma première lettre, il ne nous est
pas possible de recevoir toutes les maisons que l'on nous présente ; nous
pourrons encore fournir Riom de deux professes et une novice, au mois de mars,
s'ils continuent à nous en prier. Au bout de là, il se faut reposer deux ou
trois ans pour le moins ; les premiers vont devant ; vous avez pris
les deux meilleures que nous leur avions destinées, de sorte qu'il faut les
retarder maintenant. Or je les vous recommande, ces pauvres Sœurs-là, ma
très-chère fille ; c'est à vous et pour l'amour de vous que nous les avons
envoyées. J'espère en la bonté de Dieu qu'elles feront bien et donneront bon
exemple.
C'est un point d'absolue importance que votre esprit et celui de ma
bonne Sœur Jeanne-Charlotte soient parfaitement unis, mais d'une union cordiale
et confiante, pour bien faire le service auquel la gloire de Dieu vous emploie
toutes deux ; il se faut bien garder l'une et l'autre de ne rien faire que
selon le mouvement de la vraie charité et raison. Pourvu que vous n'ayez qu'un
cœur, et qu'il n'arrive point d'ombrage, vous ferez des vrais fondements de
piété en ce nouvel édifice ; car il importe beaucoup de bien commencer et
donner de bonne impression des filles de ce commencement.
Ma fille uniquement chère, vous connaissez mon cœur, parce qu'il est
vôtre, et je connais le vôtre, car il est mien ; nous [155] entendrons
bien ce que nous voulons [dire], sacrifions nos inclinations, nos désirs et
honneurs à la gloire de Dieu, n'ayons point d'autre but ; et quoiqu'il
nous coûte, avançons chemin de ce côté-là, sans nous amuser à regarder les
contradictions et mortifications qui arrivent à dextre et senestre. Oh !
je sais bien que le cœur de ma chère fille ne craint pas les grandes, elle les
dévore ; mais la multitude des petites fâche quelquefois, et ce sont
celles qu'il ne faut point voir.
Si j'avais le loisir, je vous dirais beaucoup de nos nouvelles ;
mais sachez que c'est par un messager de Riom que je vous écris, lequel est
arrivé environ l'heure de nos Tierces, et veut partir à midi, de sorte
qu'il faut faire sa dépêche sans haleine.
Adieu, ma fille toute chère ; j'ai le cœur gros de tout plein de
choses, mais je ne puis prendre le loisir de les écrire. Je vous recommande mes
filles, je les aime chèrement, et vous, parfaitement. Bien fort de vos
nouvelles à la première occasion. Je suis toute vôtre en Jésus.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE, À MOULINS
La Sainte lui recommande d'avoir une grande confiance au
Révérend Père recteur des Jésuites, et promet d'envoyer une maîtresse des
novices. Elle conseille à l'égard de madame de Gouffier une déférence cordiale.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy], 1er décembre 1610.
Je n'en pouvais quasi plus du grand désir que j'avais d'entendre de vos
nouvelles, ma pauvre vieille très-chère fille ; que [156] bénite
soyez-vous du Sauveur, lequel, comme j'espère, convertira nos petites angoisses
en douceurs et suavités 1
Vous me consolez de votre courage, ma très-chère fille ; pour
Dieu, persévérez à suivre entièrement les sages conseils de ce très-bon et
prudent Père recteur, je dis en tout ; car, voyez-vous, outre qu'il a
l'esprit de charité, il a aussi la connaissance et expérience des choses de
delà. Si donc il trouve bon que vous donniez l'entrée à ces deux dames,
faites-le ; je crois qu'il sera expédient en ces commencements, et que
cela profitera. Quand Dieu aura résolu nos affaires, s'il se faut retrancher,
on le fera, et personne ne s'en offensera.
L'on n'a pas encore l'expédition que nous poursuivons à Rome ; il
faut grandement prier pour cela.
Faites un petit livre pour écrire vos reconfirmations. Ma Sœur, ma très-chère fille, tenez toujours
votre cœur en joie et en courage, cela aidera beaucoup votre santé. Je ne vous
souhaiterais rien qu'une Sœur pour être maîtresse des novices, afin de vous
soulager. Si après Pâques vous jugez qu'il soit nécessaire, mandez-nous
laquelle vous désireriez' : ma Sœur Anne-Marie [Rossel], ma Sœur
Paule-Jéronyme [de Monthoux], ma Sœur Marie-Adrienne [Fichet] feront bien
l'affaire, mais Dieu nous donnera conseil d'ici là. Cependant, assurez-vous que
notre cœur est toujours demeuré et demeurera à jamais en l'assurance qu'il doit
avoir du vôtre, et en l'amour entier qu'il vous porte. Mais souffrez volontiers
les traits de mon esprit sur de telles rencontres ; enfin, et en effet, il
se faut vendre, briser et [157] anéantir pour la plus grande gloire de Dieu. Qui
connaît mieux que moi votre cœur, et qui l'aime davantage ?
Or sus, il faut persévérer en cette parfaite soumission au Révérend
Père et à l'entière condescendance à ma bonne et chère Sœur de Gouffier.
Laissez-lui gouverner le temporel, tout ainsi que bon lui semblera. Pourvu que
l'infirmité soit soulagée, n'importe si l'on ne mange que du bœuf ; c'est
la viande ordinaire de céans. Il faut que nos pauvres Sœurs se montrent fort
courageuses. Je les aime parfaitement, ces trois filles-là ; je ne puis
leur écrire parce qu'il est nuit, et l'on demande réponse en donnant les
lettres.
Tout se porte bien chez M. de la Ruaz et céans aussi, grâce à Dieu.
Monseigneur est à Grenoble. Je vous prie, ma très-chère Sœur, écrivez-nous
amplement toutes vos nouvelles, tant souvent que vous pourrez ; faites-le
tout franchement et naïvement ; car vous êtes uniquement toute nôtre, et
de même devez-vous demeurer assurée de notre part ; soyez bonne ménagère,
ma très-chère fille, tandis que vous êtes parmi les occasions. Adieu.
Vive
Jésus ! Dieu soit béni !
[P. S.] Nous souhaitons du fond de notre âme toute
sorte de vrai bonheur à madame Verne. O Dieu ! qu'elle sera heureuse e servir
Notre-Seigneur en humilité et simplicité !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [158]
SUPÉRIEURE À LYON
User d'une humble et prudente douceur envers les personnes
qui s'opposent à l'établissement de la Congrégation. — Dieu veut propager ce
petit Institut. — Conseils de direction.
vive † jésus !
Annecy, 25 décembre 1616.
Ma
très-chère grande fille,
Je viens vous écrire le saint jour de Noël, tant que la célébrité du
jour me le permettra. Je souhaite qu'en ce jour sacré, où reluit la douceur des
douceurs, votre cœur et celui de toutes vos chères filles soient pour jamais
remplis des plus aimables vertus de ce saint Enfant ; mais surtout la
désirable soumission, simplicité et humilité. Mon Dieu ! que ces vertus
sont nécessaires à celles de notre condition ! Je le dis avec un sentiment
tout particulier, considérant votre dernière lettre ; car, ma chère fille,
tout de bon Notre-Seigneur veut et requiert de nous une profonde et très-intime
humilité intérieure et extérieure, et pour cela il a voulu que notre condition
fût moins éclatante devant les yeux des hommes, et que leurs esprits nous
éprouvassent par divers jugements et sentiments, tantôt nous élevant, aussitôt
nous rabaissant ; et comme je crois, il y a toutes sortes de vraies
apparences que cette divine Sagesse veut élever et grandement multiplier cette
manière de vie pour sa gloire. Elle veut auparavant jeter des fondements si
profonds et solides, que l'édifice soit ferme et perdurable ; vous savez
pourquoi je vous dis ceci.
Tenez-vous donc toujours parmi ces personnes, avec qui il faut traiter,
avec une extrême douceur et humble gravité en vos paroles et en toutes vos actions, afin que votre modestie et sagesse
les tiennent en règle et nourrissent l'estime qu'ils ont de vous, laquelle est
nécessaire pour la gloire de [159]
Notre-Seigneur, en cette maison qu'il vous a commise. Enfin, ne vous
laissez toucher d'aucune chose ; ayez seulement un grand soin de vous
rendre toujours plus fidèle à Notre-Seigneur, et de bien faire observer nos
chères Règles. Mais je vous prie, ma chère enfant, reposez-vous toute en Dieu.
Cela va très-bien, que vous n'ayez pas le temps de réfléchir sur
vous-même, puisque toutes les actions qui vous occupent sont pour Dieu. Mais ne
serait-ce point une tentation ce que vous nous dites si souvent, que vous avez
des grands remords de ne pas bien édifier vos filles, et que vous leur servez
de scandale ? Or, voyez-vous, ne nous dites plus cela, car premièrement,
je n'en crois rien ; secondement, croyez-moi bien en ceci, ayez un œil
tout particulier sur votre conduite extérieure ; accompagnez la modestie
et la douce gravité naturelle que Dieu vous a données, d'un amour tout céleste
à cette vertu ; que toutes vos actions en soient parsemées ; et comme
nous l'avons souvent résolu, faites toutes choses tranquillement et humblement.
Mon Dieu ! oui, ma fille, je voudrais que toutes nos actions eussent ce
bel atour de la sainte humilité : certes je l'aime uniquement, j'en suis
toute vide.
Adieu, ma fille ; je suis plus à vous, et vous m'êtes plus chère
que vous ne sauriez jamais penser. Jésus, par sa sainte Nativité, vous comble
de toutes bénédictions. Votre, etc.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [160]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Fruits opérés, à Grenoble, par saint François de Sales,
qui y prêche l'Avent. — Estime que l'on fait à Rome des Règles de la
Visitation. — Nécessité d'une mutuelle correspondance entre les monastères. —
Premier projet d'une fondation à Turin. — Détails sur la communauté d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, le 1er de l'an 1617.
Que le Sauveur très-cher vive et règne à jamais dans nos cœurs, ma
très-bonne et très-chère Sœur ! nous venons vous saluer un peu en ces
saints jours pleins de douceurs et de délices éternelles, puisque notre Salut
nous est né. Ah ! puissions-nous naître et vivre à jamais en son
très-saint amour, par une parfaite soumission à sa très-sainte volonté !
Que faites-vous, ma très-chère amie, en cette nouvelle école, et parmi
ces jeunes novices ? Comment est-ce aussi que vous vous êtes renouvelée, et nos chères Sœurs qui sont auprès de
vous ? Ici, grâce à Dieu, l'on a assez bien fait cette action ; au
moins Monseigneur en était fort content. Il est encore à Grenoble, où il est
admiré et honoré incroyablement pour ses prédications et conversations toutes
saintes et vraiment apostoliques, à ce qu'ils disent, et que nous savons et
croyons ici être ainsi, dont la seule mais très-grande gloire en soit rendue à
Celui qui l'a fait de sa main. [161]
Nous n'avons point de nouvelles présentes pour vous écrire, n'ayant
loisir de les chercher. Nous laissons à nos Sœurs de vous entretenir
longuement ; nous les voyons disposées à cela. Nos affaires se remuent
fort à Rome, où notre manière de vie est très-approuvée
et admirée, et tous disent que nous ferions mieux de demeurer ainsi pour la
grande utilité qu'elle apporterait. Je ne sais à quoi Monseigneur se résoudra,
ce sera à ce qu'il connaîtra être pour la plus grande gloire de Dieu, il n'en
faut point douter ; mais cependant, ma très-chère fille, prions toutes
fort pour cela, je vous en prie.
Nos pauvres Sœurs de Lyon sont toujours parmi la souffrance de cette
ancienne persécution de leur chef, sur ce sujet-mais patience, il faut faire
profit de cette humiliation, et suivre, le mieux qu'il nous sera possible,
l'intention de Notre-Seigneur, qui veut que nous soyons humbles et basses.
Je crois qu'il vous serait utile, au moins pour la suavité de votre
charité, de vous communiquer un peu plus avec nos Sœurs de Lyon, à cause de
l'unité qu'il faut avoir un grand soin de nourrir ; mais prenez, je vous
supplie, ce petit avis tout simplement, sans interprétation, ma pauvre
très-chère fille. Enfin, ce que je désire, c'est que nous nous tenions toutes
présentes et unies par cette continuelle communication de lettres ne la pouvant
avoir autrement de quelques années. Eh Dieu ! ma très-bonne et chère Sœur,
si vous saviez ce que ces absences font dans mon cœur, vous l'aimeriez bien.
Bref, c'est la vérité que ce que Notre-Seigneur a uni ne reçoit point de déchet
pour les absences ; il est vrai que par les lettres on reçoit certaines
suavités désirables.
Or sus, nous avons repensé à ce que nous vous dîmes la dernière fois,
pour vous envoyer encore une fille qui pût élever les [162] novices ; mais
nous vous disons que si le Père recteur ne juge avec vous qu'il soit tout à
fait nécessaire, que nous serons très-aise de n'en point envoyer, car tout nous
fera besoin ici, où je prévois qu'on ne nous laissera [pas] longtemps en paix
sans nous écarter.
Je crois que si la paix était en Piémont, il y faudrait passer plus tôt
que nous ne voudrions. Il y a une brigade des plus signalées dames et filles de
la cour, fort ébranlées, et qui sollicitent l'affaire vers le prince, lequel
nous affectionne bien fort. Certes, si Notre-Seigneur le dispose ainsi pour sa
gloire, moyennant sa très-sainte grâce, nous le servirons là et ailleurs où bon
lui semblera, de tout notre cœur ; mais nous tirerons à la longue tant
qu'il sera possible, pour nous rendre plus solides et capables de ces services
si importants. En d'autres lieux nous serons bien demandées, mais patience
partout.
Nous n'avons point de nouvelles de ce qui est dû de votre
pension ; je vous prie, ma mie, sollicitez vos parents, car nous avons une
extrême nécessité d'argent. Nous allons entrer aux bâtiments sans savoir
bonnement où prendre de quoi y fournir. Dieu, par sa bonté, y veuille pourvoir,
s'il lui plaît. Mandez que l'on vous fasse tenir là l'argent (je crois qu'il
est dû près de cent écus), car vous l'enverrez bien à nos Sœurs de Lyon, qui
nous le feront tenir. Mais, ma chère amie, je vous supplie, pressez un peu,
cela est de justice, et notre grand besoin nous fait ressentir leur tardiveté
trop grande.
Que vous dirai-je de plus ? Le bon M. le prévôt nous a fait de
fort bous sermons cet Avent, et le dernier du grand saint Jean a été admirable.
Oh ! Dieu nous fasse la grâce qu'abandonnées sans réserve à sa divine
providence, nous le puissions servir humblement, fidèlement et utilement.
Nous avons écrit cette lettre à plusieurs reprises, et elle nous est
demeurée faute de commodités. Monseigneur est arrivé cependant [de Grenoble] en
très-bonne santé, grâce à Dieu. [163] Ce matin, nous avons eu l'honneur de lui
faire toutes la révérence et recevoir sa bénédiction. Il nous a dit la sainte
messe, et commencé les sacrifices de cette première année ; il est vrai
que nos Sœurs n'y ont [pas] communié, à cause de la nouvelle messe que nous
avons eue, en laquelle on a reçu Notre-Seigneur.
Il m'est avis, ma chère amie, que vous êtes fort réservée à nous
écrire, et qu'il ne le faut point tant être ; nous n'avons [pas] reçu de
vos nouvelles depuis l'homme de M. de Montaret. Il faut bien nourrir la sainte
union, confiance et franchise avec toutes ; mais il me semble que nous
l'avons déjà dit.
Je ne pensais pas vous tant écrire ; mais c'est notre coutume
quand nous nous parlons, nous ne savons finir, aussi êtes-vous ma très-chère
Sœur que j'aime uniquement. Le porteur nous surprend, et nous sommes nécessitées
de beaucoup écrire. Il nous tarde de savoir de vos nouvelles. Notre Monseigneur
nous a commandé de vous saluer étroitement de sa part, ne pouvant vous écrire.
Adieu, ma pauvre très-chère ; le doux Jésus soit au milieu de
votre cœur, et y répande ses plus chères bénédictions et consolations. Nous
sommes pour jamais votre plus humble Sœur et servante en Notre-Seigneur.
Jeanne Frèmyot, de la Visitation.
Dieu
soit béni !
[P. S.] Mille saluts au Père recteur, mais cordials
et pleins de respect ; et à nos chères Sœurs novices.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [164]
Envoi de lettres pour Grenoble.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617.]
Notre bon Sauveur vous comble de ses très-douces bénédictions, je dis
toute votre chère âme, mon tout bon et très-honoré Seigneur, que j'aime de
toutes mes forces !
Voilà les lettres pour Grenoble. Celle à qui nous disons : ma
très-chère demoiselle, nous avions l'intention de parler à la demoiselle, nièce, ce me semble,
d'une dame présidente. Eh Dieu ! mon très-cher Père, que les âmes que Dieu
amène ici sont heureuses, pourvu qu'elles soient fidèles à suivre la
direction !
S'il vous plaît que M. Michel copie les Règles, envoyez-nous-le
aujourd'hui et nous les lui donnerons, et lui marquerons ce qu'il devra vous
demander. Monseigneur de Bourges fait une décharge par l'entremise de M. de
Neuchèze pour les avoir ; il faut voir ce que l'on répondra dimanche quand
vous viendrez, mon très-unique Père.
Bonjour de tout mon cœur très-humblement. Jésus soit le seul amour de
votre âme ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [165]
LETTRE XCI (Inédite)
À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
La santé est un bienfait de Dieu qu'il faut ménager pour
travailler à sa gloire. — Encouragement aux vertus de douceur, d'humilité et de
modestie pour imiter saint François de Sales. — On ne peut pas faire de
modifications extérieures sans permission. — Nouvelles de madame de Thorens.
VIVE †
JÉSUS !
[Annecy, janvier 1617.]
Certes, ma toute chère fille ma mie, le temps m'était bien long de
trouver occasion de vous écrire : il y aura demain trois semaines qu'il ne
s'en était présenté ; or bien, il n'y a remède. Depuis les vôtres
dernières, nous avons su que, grâce à Dieu, vous vous portiez bien. C'est M. de
Médio, à mon avis, qui l'écrit à Monseigneur en lui envoyant les réponses de
Mgr de Lyon ; il me tarde pourtant que j'aie encore des nouvelles ;
car, outre que vous m'êtes très-chèrement chère, je sais la nécessité que l'on
a de votre santé dans votre petite famille. Savez-vous, ma mie mon enfant, il
en faut avoir dorénavant un plus grand soin, car elle n'est pas votre, vous
l'avez toute dédiée à Dieu, au service de Dieu, et de ces chères âmes qui sont autour
de vous. Une fois pour toutes donc, je vous la recommande, ma fille, pour vous
parler simplement comme à vous.
Je n'ai point de souvenance de la lettre de madame de Travernay ;
si vous m'en avez envoyé, ne laissez pas de la contenter d'un mot ; et la bonne madame de N. est
morte !... Je suis bien aise de la bonne Sœur B. F. ; il la faut
toujours mieux aider et les autres aussi, afin que la gloire de Dieu soit
accrue en notre petite Congrégation, uniquement aimable ; je voulais vous
écrire beaucoup sur ce sujet ; mais le peu de loisir (ayant été surprise),
et surtout l'incertitude du messager, me fera différer jusqu'à nos marchands
qui partiront cette semaine. Ma [166] très-chère fille, continuez en votre
humilité et modestie, montrant néanmoins, quand l'occasion s'en présentera,
l'estime et l'amour invariable que nous avons pour elle [la vocation], donnant
aux filles, sans faire semblant de rien, la même affection, et ne leur
découvrant rien de plus que les Règles ne soient imprimées.
Oui, certes, ma fille, nous avons un Père qui est admirable en son
humilité, douceur et modestie ; imitons-le fidèlement. Le temps me presse,
mais faut-il que je vous dise comme l'on a réduit les mortifications
extérieures. Premièrement, il ne s'en fait point d'extraordinaires qu'on ne le
demande à la Supérieure ; et ce congé, qu'il faut avoir, les règle bien et
les mortifie plus que la mortification même, car chacun aime son invention, et
c'est cela qu'il faut retrancher ; car, comme dit Monseigneur excellemment,
« notre choix diminue fort le prix de nos vertus ». Quand donc l'on
me vient demander une chose, j'en ordonne une autre ; par exemple :
une de nos Sœurs me demanda, après avoir dit sa coulpe, de baiser les pieds des
Sœurs ; je lui dis : « Non ; mais faites-leur baiser votre
main » (laquelle était fort laide) ; cela ainsi fut une vraie
mortification ; ainsi en d'autres. Mais voici qui est bien meilleur :
la Supérieure ayant reconnu ou étant avertie de quelque faute, elle fait que la
lectrice sur la chaire en dise tout haut la coulpe de la défaillante, avec
l'imposition de la pénitence en cette sorte : « De la part de Dieu et
de la sainte obéissance, je dis très-humblement la coulpe de ce que une telle
Sœur parle en particulier, et pour pénitence elle mangera à terre. » La
pauvrette, qui était déjà assise, sera sans doute plus mortifiée de se relever
que si elle eût choisi de le faire, et voilà, ma mie, qui est, en cette sorte,
selon le jugement et sentiment de vos Père et Mère, et par conséquent, il sera
bien au vôtre, je m'en assure, car vous êtes notre propre cœur, et nous vous
chérissons comme cela. [167]
Or sus, il faut finir, et ne pas écrire à pas une de nos très-chères
filles, ce sera pour les premières ; mais, assurez-les toutes, en général
et en particulier, qu'elles me sont chères et précieuses, comme les vraies
filles de mon cœur. Je leur écrirai, car encore que j'aie peu de loisir, je ne
m'en pourrai tenir ; je les aime parfaitement et tendrement. Mon enfant,
ma vraie fille, je suis toute vôtre en Jésus et Marie.
Ma pauvre fille de Thorens est hors de tout péril, grâce à Dieu, mais
extrêmement débile, dont nous ne sommes pas étonnés. Notre chère Sœur de la Fléchère est une
nouvelle veuve toute sainte. Mille saluts à mon neveu et à tous les autres,
surtout au Père recteur ; mandez-moi s'il est remis. Je n'oublie pas le
Père Marcel et le Père B...
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
MAÎTRESSE DES NOVICES, À LYON
Il faut avoir un confiant abandon à Dieu dans l'exercice
de son emploi. — Les novices trouveront la paix et le bonheur si elles se
dévouent à l'observance de la Règle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, janvier 1617.]
Certes, ma très-chère petite, vous m'avez fait un singulier plaisir de
m'écrire ainsi largement et naïvement ; faites toujours de la sorte. J'ai
montré votre lettre à Monseigneur, lequel vous aime bien chèrement. Dieu sera
avec vous, et tout ira bien. Ayez toujours un grand courage, et sans réserve
demeurez abandonnée entre les mains de la divine Providence ; elle vous
conduira et portera en tout, n'en doutez jamais, pourvu que [168] vous
employiez fidèlement et doucement votre petit talent, il le saura bien
accroître. Au reste, qu'avons-nous à faire de nous regarder, ni ce que nous
sommes, ni comme nous ferons ce que l'on nous commande ! Mettons-nous à
faire simplement, regardant à Dieu, et nous appuyant en sa bonté, et tout
s'accomplira saintement.
Oh ! que je suis consolée de vous savoir de braves
prétendantes ! Saluez-les tendrement de ma part ; mais votre dernière
novice, offrez-lui, je vous prie, mon cœur que je veux lui dédier pour la
servir et pour l'aimer parfaitement en Notre-Seigneur. Elle m'a déjà fait
ressentir une grande consolation, quand je lus dans votre lettre qu'elle était
exacte à l'observance.
O Sauveur de mon âme, qu'elle sera heureuse si elle persévère ! Je
l'en conjure et toutes nos chères Sœurs novices, et qu'elles me croient, je les
supplie, que leur paix sera parfaite si elles s'attachent invariablement à
l'observance. Qu'elles s'oublient de toutes autres choses pour accomplir avec
perfection celle-ci si importante. Oh ! qu'elles seront heureuses si elles
marchent en ce chemin humblement et fidèlement !
Le jour me manque, ma fille ; je suis toute à vous.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [169]
LETTRE XCIII (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Avec quelle prudence on doit ménager les intérêts et la
réputation des novices. — Promesse d'une communion générale de la Communauté et
témoignages d'affection maternelle.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 11 janvier 1617.
Nous venons de recevoir votre paquet et celui de nos pauvres Sœurs [de
Moulins] ; nous espérons que M. de Médio aura celui que nous leur
écrivions ; le sire Pierre dit l'y avoir remis. Nous n'avons su parler à
Monseigneur pour cette pauvre Sœur M. T. ; mais tout ainsi qu'il conclut sa
soudaine sortie, sur ses actions de désespoir, et la crainte qu'elle ne perdit
le jugement, de même je m'assure qu'il approuvera avec moi que l'on conduise
cette affaire le plus doucement qu'il se pourra, pourvu qu'il n'y ait point de
scandale à craindre pour ceux de dehors, et que son esprit demeure en repos.
Voilà, ma très-chère fille, ce que le peu de loisir que nous avons nous permet
de vous dire ; nous avons reçu toutes les lettres sûrement.
Oh ! Dieu ! l'effroyable nouvelle que vous nous dites de
N*** ! mais j'espère en Dieu qu'il n'y aura rien de si mal, il l'en faut
prier. Jeudi dernier, l'on fit la communion générale pour votre [170]
maison ; jeudi prochain on la fera pour ma plus chère fille, que Dieu
fasse toute sainte. Amen.
Pour Dieu, ma mie, faites prier pour les nécessités particulières de ma
chétive personne ; nous en avons grand besoin. Mais encore ce mot,
n'êtes-vous pas fâcheuse de vous ressouvenir avec attendrissement du temps
passé ? Certes, vous ne nous fûtes jamais que chère, et le serez toujours
plus, croyez-le, ma fille, croyez-le bien, et je prie Dieu qu'il vous bénisse
de ses éternelles bénédictions. Amen. Je suis toute vôtre, vous le
savez. Ce jour de saint Antoine.
Nos Sœurs [de Moulins] ont ici envoyé vos lettres.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À MOULINS
La Sainte lui recommande de prendre souvent le conseil du
Père recteur des Jésuites et d'avoir aussi la haute main sur les affaires
temporelles. — Elle l'exhorte à supporter doucement quelques contrariétés et à
mettre toute sa confiance en Dieu. — Divers avis propres pour les commencements
de la fondation. — Ne pas se presser pour recevoir des sujets, et préférer ceux
qui ont bon esprit à ceux qui n'ont que des avantages temporels.
VIVE † JÉSUS !
Annecy. 15 février 1617.
Certes, ma très-chère fille ma mie, depuis le billet que nous vous
écrivîmes dernièrement, nous n'avons su en façon quelconque vous faire réponse,
partie un peu de traînasserie et de faiblesse, partie aussi à cause de
l'occupation que la bonne madame la comtesse de Tournon et ses filles nous ont
donnée, lesquelles nous espérons, Dieu aidant, qu'elles retireront de l'utilité
et consolation de leur séjour parmi nous.
Pendant qu'elles sont un peu allées à Sainte-Catherine, nous vous
écrivons, et je prends votre lettre en main, afin que nous [171] n'oubliions
rien de ce que vous désirez de nous. Et pour commencer, ma pauvre très-chère
Sœur, qui m'êtes très-chèrement chère, nous vous dirons que nous vous supplions
bien fort de vous tenir bien unie et soumise à la volonté et conseil du Révérend
Père recteur, car nous voyons que c'est un très-bon, sage
et expérimenté Père, et lequel vous aime et votre maison pour la gloire de
Dieu. Oh ! certes, l'on connaît par ses lettres qu'il marche en sincérité
et qu'il a l'esprit de Dieu. Donc, demeurez ferme là, soumettant même tout ce
que nous vous dirons à sa prudence et discrétion.
Vous nous avez fait un grand plaisir de nous mander toutes vos
affaires : ne craignez rien, vous nous connaissez ; nous ne gâterons
rien, et puis, il n'est pas expédient de rien remuer davantage. Notre-Seigneur
acheminera tout à sa gloire et à noire mieux ; mais il nous faut être bien
humbles et charitables à supporter dans le prochain ce qui est de son défaut et
qui nous est fâcheux ; car, ce qui y est de bon, nous serions trop
fâcheuses, si nous ne l'aimions. Encore ce mot, ma très-chère Sœur : ces
conditions, incommodités et manquement des choses utiles, voire nécessaires, ne
doivent être regardés qu'en la providence de Dieu, et non en la main de celle
qui nous les présente ou procure, et par ce moyen, ma très-chère fille,
croyez-moi, elles vous seront des suavités au lieu de contrariétés ; vous
m'entendez. Enfin, si bien Notre-Seigneur n'agrée pas ces choses en celle qui
les fait, il se plaira toutefois grandement de vous les voir souffrir comme des
tribulations et épreuves que sa divine bonté vous envoie pour vous avancer en
la perfection de son divin amour.
Nous écrivons à nos Sœurs, voyez les lettres, et si elles sont bonnes,
donnez-les ; si, moins, rompez-les. Ma très-chère Sœur ma mie, ayez tout
le soin qu'il vous sera possible pour les [172] tenir unies avec vous ; je
leur écris en sorte que si elles montrent leurs lettres, l'on ne s'ombrage
point.
Il faut laisser gouverner cette chère Sœur de Gouffier ; mais il faut essayer tout doucement,
avec l'aide du Révérend Père, que pour ces petites choses qui regardent le
dedans de la maison, vous les traitiez et disposiez selon que vous savez
qu'elles se font ici, comme : de l'ordre de la table, des meubles, habits,
Offices et semblables, lesquelles sont pour le bon ordre de la Communauté, et
pour maintenir l'égalité, afin que toutes ces choses se fassent selon la sainte
simplicité et pauvreté accoutumées. Ces grands châlits seront bien inutiles,
puisque la Règle ordonne que, tant qu'il se pourra, les filles aient chacune
leur petite chambre et couchent seules. Le bon Père pourra bien persuader ces
petites raisons à ma Sœur de Gouffier, s'il le juge nécessaire, comme je crois
qu'il fera ; comme aussi de s'élargir de logis, puisqu'il y en a de reste,
de faire fermer le tabernacle, et accoutrer ce qui est requis pour la cuisine,
car la petitesse de la dépense qu'il faut pour cela n'est pas considérable.
Comme nous avions écrit jusqu'ici, nous avons reçu vos dernières
lettres ; vous avez donc bien accommodé toutes ces petites affaires-là,
Dieu en soit béni ! Il faut bien, ma très-chère Sœur, essayer, avec l'aide
et prudence du Révérend Père, de gagner pied à pied tout le gouvernement qui
regarde le corps de la maison. Pour ce qui est du gros des affaires
temporelles, il faut la laisser faire ; mais pour les filles, je crois
qu'à ce commencement il est très-requis et nécessaire qu'ayant rencontré des
esprits propres pour [servir] Dieu en cette manière de vie, l'on ne se rende
pas si exacte pour le bien, pourvu qu'elles apportent de quoi s'entretenir,
selon la pauvreté et petitesse que nous tenons ici. Bon Dieu ! ce point
est très-considérable, [173] car qui prétendra d'avoir des filles d'argent,
n'en aura point d'or. Il est vrai qu'il faut tout faire avec
prudence ; mais il est expédient de former la maison de quelque petit
nombre, car tout en va mieux : puis, les richesses mêmes, jamais on ne
manquera de ce côté-là, si l'on vit en bonne union et observance. Nous sommes
un petit en peine de notre Sœur Marie-Avoye [Humbert] ; tâchez, je vous
prie, de la bien faire cheminer ; car je vois grande difficulté d'envoyer
si loin une autre fille, sinon que l'extrême nécessité le requière.
Il y a longtemps que le dessein de Riom est rompu, dont nous louons
Dieu ; l'on ne pouvait y satisfaire sans grande incommodité ; ces
grands éloignements sont fâcheux.
Nous ne voyons guère d'apparence de pouvoir vous aller secourir ;
nous le désirerions, certes, infiniment et de tout notre cœur, mais mon peu de
santé, nos bâtiments et la multitude des filles sont de grands obstacles, et
Monseigneur n'en veut point ouïr parler. Je crois que même il ne me sera plus
permis de retourner en Bourgogne : mon fils m'en avait fort priée, afin de
le mettre en son bien et rendre mes comptes ; mais s'il n'y a une absolue
nécessité, nous n'irons pas, de sorte, ma très-chère fille ma mie, que nous
voyons peu d'espérance de ce côté-là.
Prenez en cela un plus grand courage et espérance en Notre-Seigneur, et
croyez qu'après vous avoir éprouvée, il vous aidera et consolera, non-seulement
pour l'établissement de votre maison à sa gloire, mais encore pour votre repos
et consolation particulière, et cependant, vous faites très-bien d'acquiescer à
son bon plaisir et de l'attendre en patience. Ce m'est un grand repos de vous
sentir le secours et support de ce bon Père ; nous voyons qu'il vous aime.
Tenez-vous toujours bien [174] sur vos gardes contre votre vivacité naturelle,
car la gravité et modestie nous est du tout nécessaire, ma pauvre Sœur. Je vous
dis ceci ainsi simplement, comme il m'est venu ; et courage, mon enfant,
soyez joyeuse en ce service, et vous consolez en vous abandonnant tout à la
divine Providence ; un jour, nous serons bien aises d'avoir souffert toutes
ces choses pour Dieu.
Je reviens à votre grande lettre : il faut, dit Monseigneur,
retrancher ces offrandes à l'entrée des filles, et se garder de faire quelque
chose qui ressente l'avarice.
Je pense que vous ferez bien de ne pas vous charger de ces bonnes gens
du jardin, ce serait s'exposer aux murmures ; mais vous pouvez en tout
temps aller vous récréer dans le jardin, encore qu'ils y soient, pourvu que
vous soyez deux, et ne baissez le voile, sinon en approchant et parlant,
nonobstant la petite clôture ; l'on ne saurait que faire en ces
commencements, souvenez-vous des nôtres.
Pour cette fille idiote, vous pouvez la retirer par charité, comme vous
nous mandez, pourvu qu'elle soit simple et non brutale ou désespérée pour
troubler la maison.
Oui, vous pouvez aller au logis de ma Sœur de Gouffier, pourvu qu'il
n'y ait point d'hommes, et elle vous peut servir encore de compagne ;
mais, certes, puisque ce logis est dans le vôtre, et vôtre même, il faut
essayer de gagner qu'elle n'y reçoive personne ; le parloir doit suffire
pour les séculiers, sinon aux femmes qui entrent avec licence.
Et quant à la retraite que désirent ces bonnes femmes anciennes, vous
pouvez la leur donner ; mais nous avons déjà appris de Rome qu'il ne leur
sera permis qu'une seule sortie après leur entrée ; voilà votre lettre
répondue.
Il y a quinze jours pour le moins que cette lettre était écrite, [175]
attendant commodité de l'envoyer. Monseigneur n'a point encore écrit, mais il
vous écrira ; enfin on ne l'a quasi vu qu'en courant ; Dieu le
conserve et l'emploie tout, à sa gloire, et fasse en nous sa sainte volonté.
C'est notre chère madame de la Croix qui porte ces lettres ;
caressez-la bien, je vous prie, elle le mérite. Elle prétend que vous serez son
hôtesse, j'en serai bien aise.
Adieu, ma très-chère Sœur ma mie je suis un peu accablée et pressée,
mais je vous assure entièrement toute vôtre en Notre-Seigneur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE XCV (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Il faut du courage et de l'énergie pour entreprendre la
vie religieuse. — Nouvelles des instances qui se faisaient à Rome. —
Recommandations pour un envoi de lettres.
Vive † Jésus !
[Annecy], 6 mars 1617.
Ce bonhomme nous vient avertir quand il veut partir, de sorte, ma
très-chère amie, que vous n'aurez que ce mot pour lequel je quitte l'Office. Il
n'y aurait nulle apparence de retenir ici la bonne M... Nous l'y avons résolue,
elle est demeurée contente. Nous la garderons un peu et essayerons de lui fortifier
son corps et lui faire connaître que ce n'est pas tout ce qu'elle pense, de ces
grands sentiments de Dieu. J'ai aversion aux mollesses d'esprit et trop grande
tendreté ; enfin l'esprit de Dieu est joyeux et vigoureux et non tendre ni
languissant ; j'espère, en Dieu que nous l'affranchirons.
Éprouvez bien la Sœur N*** ; je crois qu'elle sera brave
fille ; son esprit me plut. Mais il leur faut faire croire cette [176]
vérité : que notre bon Dieu ne nous demande point des paroles ni des
sentiments, mais oui bien l'humilité et douceur de cœur, avec les œuvres que
ces chères vertus produisent où elles sont réellement. Certes, ma très-chère
fille, c'est de vrai une grande affliction aux parents de notre pauvre Sœur
N*** et une bonne mortification pour nous de la voir sortir, mais quel moyen de
ne pas le faire ? II ne faut pourtant rien précipiter, mais aller selon la
prudence et le conseil. C'est un grand bien que les Pères Jésuites la
connaissent ; Dieu conduira tout cela, vous le verrez :
Quand vous écrirez à notre très-chère Sœur Barbe-Marie, saluez-la
étroitement de notre part ; nous aimons son cœur de toute la force du
nôtre. Croyez, ma très-chère fille, que vraiment nous avons eu notre part de la
mortification de ne vous pas écrire à l'accoutumée, car vous m'êtes chère en un
degré que tout le monde ne sait pas. Vivez joyeuse, je vous prie, ma très-chère
fille, et toujours courageuse en ce service où Dieu vous tient pour sa gloire,
et croyez que sa bonté vous en saura gré et sa Sainte Mère.
Nous avons eu des nouvelles que nos affaires se poursuivent fort à
Rome ; nous ne savons encore ce qui en réussira. Chacun loue l'Institut,
et Mgr le cardinal Bellarmin en a écrit à Monseigneur. [Plusieurs lignes
illisibles.]
Ma chère fille, le paquet de madame Favrot est d'importance ; si
vous n'êtes bien assurée qu'elle le reçoive tôt, mandez-lui que je lui ai donné
jour pour venir et recevoir l'habit le 2 avril, et qu'elle en avertisse les
sœurs Clément. Il y a plusieurs autres choses d'importance, c'est pourquoi il serait
bien mal à propos si le paquet n'était donné sûrement et bientôt.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Reims. [177]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Moyens de rendre son cœur conforme au Cœur de Jésus. — Il faut porter les
Sœurs à se contenter de la direction de la Supérieure. — Sentiment du cardinal
Bellarmin sur l'Institut. — Dans quoi esprit faire les mortifications
extérieures. — On doit garder au chœur une posture recueillie et modeste. —
Regret de ne pouvoir aller à Moulins.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 16 mars 1617.
Le doux Jésus vous comble de son pur amour, ma très-chère Sœur ma
mie ! Nous avons reçu toutes vos lettres, et vous en aurez encore eu des
nôtres. Vous faites très-bien, ma chère fille, d'abaisser votre âme sous la
main de Dieu, et d'embrasser de bon cœur les humiliations et contradictions
comme choses vraiment convenables à notre petitesse et misère. Mon Dieu !
ma très-chère Sœur, tandis que vous avez les occasions, devenez vraiment
humble, douce et simple, je vous en prie, afin que par ce moyen votre pauvre
cher cœur, que j'aime très-tendrement, soit un vrai Cœur de Jésus. Amen. Hélas ! il faut que je
coure, car j'ai peu de loisir, et le bras et la main commencent à me lasser et
faire mal tout en commençant d'écrire, car je ne suis pas si brave que j'ai
été. Dieu soit béni de tout !
Puisque nos bonnes Sœurs ne rencontrent pas dehors ce que leur esprit
désire, ma chère Sœur, qu'elles se contentent et s'arrêtent à vous ; nous
trouvons partout que c'est le meilleur de s'arrêter à la conduite de l'esprit
de la maison ; elles savent tout ce qu'elles doivent faire ; et puis,
pour les nouvelles arrivées, vous les satisferez prou. Satisfaites donc, en
cela seulement, à la prudence ; vous saurez bien tirer ces esprits
nouveaux à la simplicité de confiance tant utile et nécessaire. L'expérience
nous l'apprend tous les jours, il faut que nos [178] Sœurs le soient si parfaitement [simples],
qu'elles attirent les jeunes par leur exemple.
Quant aux affaires de Rome, les deux points sont accordés ; il ne
reste que le troisième, qui est le principal : c'est l'Office. Nous en
attendons des nouvelles bientôt ; ils louent tous notre Règle, et Mgr le
cardinal Bellarmin a écrit à Monseigneur qu'il se pourrait contenter de
maintenir l'Institut comme il est, comme étant tout conforme aux anciennes
Religions. Monseigneur se résoudra sur les premières nouvelles, incontinent
après son retour [de Grenoble], qui ne sera que quinze jours après Pâques.
Vous faites bien de vous communiquer davantage à nos Sœurs ; cela
aide à maintenir la suavité de l'amour. Hélas ! ma chère fille, quand nous
vous dîmes qu'il suffirait que vous nous écrivissiez de mois en mois, ou de six
en six semaines, je parlais comme celle qui vous avait présente, et qui ne
sentait alors la peine qu'il y a d'être longtemps sans nouvelles de ce que l'on
aime chèrement ; car depuis votre absence, nous [179] avons trouvé quelquefois, et maintes fois,
les mois et les semaines bien longs ; il est vrai que puisque le port
coûte si cher, il faut se retrancher et employer seulement les occasions qui se
présenteront, sinon qu'il y eût quelque chose d'importance, et nous manderons à
ma Sœur (la Supérieure de Lyon) qu'elle prenne garde à chercher des occasions
favorables, sinon quand nous lui recommanderons particulièrement.
Ma chère fille, il ne faut point que vous fassiez de mortifications, ni
que vous disiez de coulpes ; mais il faut que nos professes en
fassent ; il nous semble leur en avoir dit un mot en leur dernière
lettre ; mais prenez bien garde qu'elles se fassent sincèrement, et les
ordonner toujours, plutôt que permettre qu'elles les choisissent, cela selon la
prudence. Ici, certes, il s'en fait de bonnes, mais rarement ; la règle témoigne
qu'elle les estime, et veut qu'elles soient continuées.
Oh Dieu ! non, il ne faut point jeûner du tout, et ne voilà-t-il
pas que le Père recteur vous le défend, et que l'expérience vous fait toucher
au doigt votre impuissance à cela ; il n'en faut plus jamais parler, non
plus que moi, à qui ils sont si absolument défendus que jamais nous n'avons la
hardiesse d'en demander. Il faut croire le Père en tout. Il est vrai qu'un peu
de discipline, et le lever et le coucher avec les autres, est de grand
exemple ; pourvu que vous le puissiez, vous ferez bien ; mais
s'entend toujours sans préjudice notable, car votre santé et votre force sont
si absolument nécessaires à toute la maison qu'il les faut maintenir.
Oh Dieu ! non, ma chère Sœur, il ne faut point souffrir ces postures
extravagantes, il faut que toutes les Sœurs se tournent modestement du côté de
l'autel pendant les prières, et surtout durant la très-sainte messe ; et
quelle impertinence de faire autrement, et ne pas regarder ce que nous croyons
être vraiment Dieu, et qui l'est en vérité ! Point de telles coutumes, je
vous prie, il ne faut point être singulières, et puisque les [180] distractions ne sont pas volontaires, il
suffit de temps en temps de s'accuser de la négligence que l'on peut avoir à
les rechasser.
Oui, il est très-bon de ne pas reprendre à chaque petite faute, cela
lasse l'esprit et l'accoutume, en sorte qu'il se rend insensible à la
correction ; et, si, faut-il un peu différer la correction quand il la
faut faire, et la faire à part cordialement.
Il ne faut permettre à personne, sous le prétexte de leur charge,
d'aller ainsi furetant par la maison : la Supérieure et l'économe ont ce
soin, il suffit ; mais surtout à ma pauvre Sœur N***, elle n'a pas besoin
de cette liberté ; il faut toutefois lui laisser achever son année, et la
tenir en courage ; car elle est fort tendre, et pourtant bonne fillette.
Plût à Dieu, ma très-chère, que nous fussions vers vous pour un mois ou
deux ! Certes, nous en avons un désir plus grand et plus pressant que nous
ne pouvons le dire ; mais pour maintenant, il n'y a pas apparence que j'en
sollicite Monseigneur, lequel n'en veut ouïr parler, tant à cause de ces
accidents où nous sommes retombée, que pour la multitude des affaires qui nous
pressent. Que si Dieu permet que nous ayons de la santé (comme nous en
prendrons grand soin), et que nous puissions un peu ébaucher nos affaires, je
vous assure, ma très-chère fille, que nous ferons tout ce que nous pourrons
pour obtenir congé sur la fin de l'été. En l'automne, il me semble que nous
pourrions le faire ; mais, voyez-vous, ma mie, je vous le dis simplement,
Monseigneur a grande aversion de nous voir partir d'ici. Néanmoins, si la
nécessité était extrême, nous ferions, je vous assure, tout notre pouvoir pour
l'y faire consentir. Regardez donc bien à ne pas le demander autrement, et à ne
pas le désirer trop ardemment ; car si ces accidents me poursuivent, le
voyage se trouverait bien long. Mais il faut aviser le moyen qu'il y pourra
avoir de faire venir ma chère Sœur de Gouffier ici, et je le désire, certes,
pour son soulagement ; car nous la servirions ici très-bien. Si elle
continue à [181] être malade,
elle serait aussi bien inutile là ; nous lui écrivons assez librement sous
le prétexte de son incommodité, et, certes, elle ne doit rien douter. J'espère
en Dieu que vous conduirez cette petite maison très-bien, et mieux que si elle
était présente cent fois, puisque le malheur est qu'elle n peut ajuster son
esprit.
Cette bonne damoiselle, qui est votre mère spirituelle, vous serait une
grande aide ; vous avez le bon Père recteur que vous pouvez consulter sur
ce qui se pourra et devra, car il ne faut pas effaroucher son esprit.
Hélas ! il est bien raisonnable que vous maniiez les pensions ; mais
il faut tout doucement s'introduire, et enfin je crois que c'est le mieux.
Madame Verne pourrait servir à cela ; mais vous êtes assez adroite pour
gagner ce qui se pourra peu à peu.
Nous sommes bien aises de M. de Chastellux, et que vous receviez de
braves filles.
Je pense qu'oui, il faut faire selon la Règle ; pour ce qui
regarde les contrats, vous ferez selon votre prudence, et comme vous
pourrez ; car nous voyons que l'on ne peut pas toujours ce que l'on veut
et qui se devrait.
Hélas ! le Révérend Père ne doit point s'ombrager si notre bon Seigneur
ne lui écrit ; certes, s'il voyait ses occupations, il ne s'en étonnerait
pas ; il le fera pourtant à son retour [de Grenoble] et à vous, il nous
l'a mandé.
Je finis, ma très-chère Sœur, ne pouvant davantage écrire, ni à nos
chères Sœurs, que nous saluons très-étroitement et cordialement avec vous. Nous
les conjurons toutes et les chères novices de servir Dieu amoureusement,
joyeusement, doucement et humblement, et avec une parfaite observance des
Règles.
Adieu, ma très-chère Sœur ; nous saluons le Révérend Père et
madame votre chère mère. Dieu les récompense tous de [182] leur charité qu'ils exercent envers vous.
Adieu, ma très-chère fille, que je chéris parfaitement et tendrement en notre
doux Sauveur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À MOULINS
Elle l'exhorte à avancer dans l'esprit d'humilité et de
confiance en sa Supérieure, et lui recommande de ne pas se troubler de ses
fautes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617.]
Je vois beaucoup de choses dans votre lettre, ma très-chère petite
fille, mais ne voulez-vous pas bien que je les ramasse et y réponde
ainsi :
Ma fille, au nom de notre doux Sauveur, je vous conjure et vous prie de
cheminer en esprit d'humilité et de simplicité, ne vous amusant point à
considérer beaucoup ce qui se passe en vous-même. Mais rendez-vous attentive à
faire et observer soigneusement les conseils que votre bonne Mère vous donne,
lui tenant votre cœur bien ouvert et obéissant ; car je sais que ses conseils
et sa direction vous ont été toujours très-utiles, et vous le savez.
Prenez donc, je vous prie, un nouveau courage pour avancer [183] votre âme au service de Dieu ; ne vous
attristez point pour vos chutes, mais relevez-vous-en promptement sans changer pour
cela d'humeur ; car ici, pour vous en dire un mot, l'on n'ose plus
témoigner ses répugnances. Faites de même, ma très-chère fille, et ne vivez
désormais que d'obéissance, et votre chère âme sera en paix. Je l'aime
chèrement, votre âme, ma chère fille ; mais, croyez-moi, et montrez bon
exemple à nos Sœurs. Je suis toute vôtre en Jésus.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
SUPÉRIEURE À LYON
Maternel encouragement. — Saint François de Sales est
retenu pour une nouvelle station de l'Avent à Grenoble. — Désir que M. de
Bérulle poursuive son voyage de Lyon à Annecy. — Conseils pour remplacement
d'un monastère. — Inquiétudes sur la fondation de Moulins.
VIVE †
JÉSUS !
Annecy, 3 avril 1617.
Ma très-chère fille, le doux Sauveur vous comble de lui-même. Nous
avons reçu vos deux dernières lettres, lesquelles, certes, me consolent
toujours infiniment ; mais ne me dites point de mal de ma très-chère
grande fille, je la connais mieux que vous, et
gouvernez-la-moi bien et joyeusement, car je l'aime parfaitement. À-t-elle pris
le..., ma pauvre grande fille ? Je crois qu'il lui fera grand bien.
Hélas ! vous n'aurez pas vu notre bon Seigneur, puisqu'on l'attend
aujourd'hui ; il est à Rumilly dès samedi ; le bon Dieu l'amène
heureusement ! Si Son Altesse le trouve bon, il retournera l'an prochain à
Grenoble, car ces messieurs du Parlement l'ont pressé d'une [184] manière si extraordinaire, qu'encore que ce
bon Seigneur était tout résolu, et que ses affaires et son devoir le tirassent
ici, il n'a su se défendre autrement que de remettre la chose à Son Altesse. Il
a fait un grand fruit là, grâce à Dieu, et ma Sœur Barbe-Marie (présidente Le
Blanc) l'a bien entretenu ; cette femme est tout aimable. Nous sommes tout
aise de ce que vous avez vu M. de Bérulle ; je crois que Mgr l'archevêque n'a pas
manqué de lui parler des Règles ; mais voilà qu'il sera bon que l'on ait
notre établissement du Parlement. Plût à Dieu que M. de Bérulle vînt voir
Monseigneur ! Si vous le voyez encore, recommandez-nous à ses saintes
prières ; et tous nos amis, saluez-les bien gros. Je crois, ma très-chère
fille, que vous ne devez plus douter de mettre dehors ma Sœur*** ; mais seulement, s'il se peut, la
conduire jusqu'au temps que... [mots
illisibles] nous a marqué.
Tenez bon, ma fille, pour être accommodée de logis ; c'est bien
vrai, ce me semble,, que vous êtes en très-bon air ; si vous pouviez avoir
de l'eau, vous ne pourriez être mieux ; mais il faut se résoudre pour commencer
à s'accommoder. Dites-nous un peu [quelque chose] des nouvelles filles, et si
elles seront [185] bien braves.
Madame Colin s'en retournera bientôt après qu'elle aura un peu parlé à
Monseigneur ; mais je ne sais quand ce pourra être, car son grand synode
et la multitude des affaires qui l'attendent l'occuperont bien.
Mon Dieu ! que nos pauvres Sœurs [de Moulins] ont de
l'exercice ! J'écris ce mot ; il y a deux mois et demi, voire trois,
qu'elles n'ont de nos nouvelles, si madame de la Croix ne leur a fait
maintenant tenir le paquet que nous lui donnâmes, dont elle a un peu de tort.
Adieu, ma fille, voici l'heure que le sire Pierre dit de partir ; nous
vous embrassons amoureusement, et toutes vos chères filles, mais ma petite
cadette tout particulièrement ; nous lui écrirons à la première
occasion. Je suis toujours tout uniquement vôtre, ma très-chère fille, que
Jésus remplisse de son très-pur amour. Amen. — 3 avril, à sept heures du
matin.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Regrets de ne pouvoir secourir le monastère de Moulins. —
Il faut recevoir les biens et les maux de la vie avec un cœur simple, et ne pas
s'abandonner aux sentiments de joie ou de tristesse.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 3 avril 1617.
Ma pauvre très-chère Sœur, mon cœur a une grande compassion de vous,
mais Dieu soit béni qui vous éprouve toutes ! Il faut avoir un grand
courage pour supporter et surmonter, moyennant l'aide divine, tout ce que sa
bonté permettra vous advenir ; il en saura bien tirer sa gloire et votre
utilité, ce bon Sauveur.
Croyez, ma mie, que nous ne manquons pas à prier [186] soigneusement pour vous, et pour celles de
Lyon qui ont bonne part de contradictions aussi. Quand Monseigneur sera de
retour, nous prendrons quelque résolution. Vous devriez écrire fort librement,
s'il y a de l'apparence que cette maison commencée puisse subsister ; si
l'on connaît qu'oui, il faut persévérer et faire ce que l'on pourra ; que,
si, moins, il aimerait mieux [Monseigneur] se retirer de la rive que du fond.
Le bon Père recteur écrit à Monseigneur que ma Sœur de Gouffier est en
une peine excessive pour payer la dame qui prêta l'argent pour payer la maison,
et que la maison de Lyon et celle-ci feraient un grand bien de fournir cet
argent-là. Hélas ! ma très-chère fille, s'il se pouvait, la raison et la
charité surtout nous y porteraient ; mais la pauvre maison de Lyon ne
saurait contribuer vingt écus sans s'incommoder, quand elle est toute
naissante, sans fonds, sans logis, et veillée et maniée par un Supérieur qui ne
permettrait jamais cela.
Pour les commodités de céans, vous les savez, ma très-chère
fille : depuis votre départ, il ne s'y est reçu que douze cents florins,
que le manseau a payés, ce qui fait environ mille ducatons, avec l'argent qui
était en réserve pour l'achat des maisons du fiscal qui sont toujours là, ne
les ayant pu avoir, mais nous nous en passerons encore un an ou deux ; car
de cet argent, nous en avons donné et devons donner quatre mille deux cents
florins à M. de la Roche, pour ses vignes, que nous achetâmes la semaine passée
quinze mille florins ; voyez ce qui nous demeure pour notre
bâtiment ; car nous sommes contraintes de faire une partie du corps de
logis cette année. Les filles qui nous viennent du pays n'ont point
d'argent : M. d'Avise n'a pas seulement donné un sou de la pension de sa
sœur, et [187] a deux ans de terme pour le principal. Si les filles de la Comté
viennent, leurs dots ne seront données que d'ici à un an, nous avons ainsi
accordé. Tout cela vous montre clairement l'impossibilité que cette maison a
maintenant de fournir huit cents ou mille écus.
Mais je vous dirai bien, ma très-chère fille, que si madame du
Châtelard vient, comme elle le dit toujours, et qu'elle apporte de l'argent, et
que la nécessité vous continue, je suis de ce sentiment que l'on aide de cette
partie ; car, puisque ce sont nos très-chères Sœurs qui sont là
maintenant, certes, il nous semble que nous le devons faire par la charité dont
Notre-Seigneur nous a liées ensemble. Mais, ma très-chère Sœur, ne dites rien
de ce que nous vous mandons ; cette affaire est d'importance, et partant
n'est pas en notre seul pouvoir, non plus que de vous dire que vous vous
serviez de l'argent que vos parents vous doivent ; essayez pourtant de le
tirer, et leur remontrez votre nécessité. Quand Monseigneur sera venu, nous lui
demanderons s'il trouvera bon que vous l'employiez à votre nourriture et
entretien ; car je crains que vous n'ayez de la nécessité ; vos
parents seront bien durs s'ils ne vous envoient une chose qu'ils doivent si
bien.
Vous voyez comme nous vous écrivons sans loisir de pouvoir penser quoi,
ni former nos lettres. Hier seulement nous reçûmes [188] la vôtre du 15 mars, nous fumes si lasse que
nous ne pûmes répondre. Ce matin, le marchand veut partir, et [je] ne peux
écrire à ma pauvre Sœur de Gouffier ; il y a deux paquets en chemin ;
madame de la Croix a tort de bon, elle est chez son beau-père. Nous avons écrit
que ma Sœur vînt ici, nous l'en prierons encore étroitement ; plût à Dieu
qu'elle y fût ! son corps et son esprit en vaudraient mieux. Adieu, ma
très-chère fille, que j'aime parfaitement. Dieu soit votre force !
Nous avons fait ce billet couramment à cette pauvre Sœur. Nous nous
oubliions quasi de vous dire que nous entendons que Dieu vous visite de ses
grâces et consolations ; nous en avons une grande joie, et bénie soit la
bonté de ce très-doux Sauveur ! Recevez bien simplement ce qui vous sera
donné sans vous amuser à regarder ce que c'est ; demeurez fort humble
devant Dieu, et ne vous abandonnez point aux sentiments ; tenez votre cœur
tant ferme que vous pourrez en Dieu. Quand vous nous écrivez, demandez
simplement à Notre-Seigneur qu'il vous donne ce qu'il veut que vous nous disiez
de cela, et regardant à lui, écrivez ce qui vous semblera être, tout
simplement.
Il faut finir. Ne vous alarmez point de moi, tout va prou bien, et [il]
n'est point arrivé de nouveaux accidents depuis que vous nous avez écrit.
Je salue toutes nos chères Sœurs ; nous les aimons, certes,
parfaitement, et surtout celles qui font le mieux. Tirez doucement la petite
Marie-Avoye et l'égayez en l'encourageant tant que vous pourrez ; la
misère humaine est grande. Vive Jésus !
Adieu, mon enfant ; je vous embrasse en esprit. Très-humble salut
au Révérend Père recteur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [189]
ANNÉE 1617.
189
LETTRE C (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Inquiétude que donne la santé du Bienheureux Fondateur ; ne lui
écrire que pour l'utilité spirituelle. — Désir d'une fondation à Grenoble, et
envoi d'une copie de la réponse du cardinal Bellarmin sur l'érection de la
Visitation en Ordre religieux.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 10 avril 1617.
Voilà enfin notre bonne Sœur *** que nous vous renvoyons, ma toute et
très-chère fille ; certes, il me semble que son cœur est en bon état et
bien disposé pour servir Dieu, et ne vois rien en elle qui mérite d'être
rejeté. Cette parole un peu sèche lui est naturelle ; je crois qu'elle y
pourra gagner quelque chose, elle le désire et d'être bien douce. Elle vous
contera toutes nos nouvelles, et comme elle a vu Monseigneur tant et si
extrêmement accablé d'affaires que je pense qu'il en est tout ennuyé. Grenoble
lui en donne de surcroît, par la multitude de lettres qu'il leur écrit et
faudra écrire, si les dames n'ont un peu de considération de ne l'employer, et
ne lui écrire que quand leur utilité et nécessité spirituelle le
requerra ; car je vous assure qu'il n’a pas besoin de cela. L'on nous a
dit que vous en devez voir quelques-unes ! Pour Dieu ! voyez si vous
pouvez discrètement éviter et détourner ce qui ne sera pas nécessaire, par leur
entremise. Vous connaissez la bonté de ce Seigneur, et qu'il ne manque jamais à
répondre ; cependant, l'on dit que s'il ne se retranche de tant écrire
comme il fait, qu'il en recevra un grand préjudice à sa santé et avancera ses
jours, lesquels il me semble que tout le monde doit tenir bien chers, et ne les
employer que pour la gloire de Dieu et pour l'utilité spirituelle. [190]
Mais je vais écrire à Dijon, à
Chambéry, à Sainte-Catherine, et partout où je pourrai, qu'on ne lui donne
point d'occasion d'écrire que pour l'utilité et nécessité ; car, de cela,
il ne peut pas l'éviter ni empêcher. Vous verrez bien que je suis un peu
alarmée, et il est vrai, ma pauvre chère fille, car ce matin l'on m'en a bien
dit tant de choses que cela m'a tout attendrie, et vous savez comme il nous est
chèrement précieux ; et, certes, il ne saurait l'être trop ; il
retournera l'an prochain à Grenoble ; plusieurs, et quasi tout son
diocèse, en sont marris, surtout M. de Boisy ; mais moi j'en suis bien
aise, car enfin cela ne pourra pas beaucoup préjudicier à l'évêché ; et
cependant il profitera grandement à la gloire de Dieu, et fera en ce second
voyage une double moisson, s'il plaît à Dieu. Il se loue grandement de la bonté
et piété des Grenoblois, et particulièrement des dames. Ma pauvre Sœur
Barbe-Marie arriva trop tard, mais elle doubla le pas ; Monseigneur l'a
toute gagnée. C'est un cœur tout aimable que celui de cette femme ; c'est
elle qui nous doit mener des dames, ce m'a-t-on dit ; encouragez-la bien
pour établir là une Visitation. C'est grand cas, on nous désire en tous lieux,
et nous n'avons point d'inclination que pour Grenoble. Il y a une assez bonne
disposition pour cela, et toutes les dames le désirent passionnément ;
mais quelqu'un détourne Mgr l'évêque ; recommandez l'affaire à
Notre-Seigneur, ma très-chère Sœur, car il me semble qu'elle serait à sa
gloire. Notre chère Sœur [Barbe-Marie] vous dira tout : elle nous a écrit
trois fois depuis le retour de Monseigneur ; nous lui en avons écrit
une ; c'est assez, car elle n'a pas tant d'affaires que nous ; elle
vous verra et vous affectionne passionnément.
Tenez main, je vous prie, à bien faire faire un encensoir de notre
belle coupe ; souvent nous en avons à faire, et nous incommodons nos
voisins. Faites vendre, je vous prie, mon [191] enfant, notre montre, pour aider à en payer la façon, et ce qu'il
faudra, car nous sommes fort courtes d'argent. La bonne madame Colin veut à
toute force que nous gardions sa montre : je ne le voudrais nullement,
sinon qu'elle en prît la valeur ; elle est prou juste et bonne, et nous en
avons bien besoin d'une telle.
Ma pauvre très-chère Sœur, j'aime chèrement votre cœur ; vivez
toute à Dieu, ma très-chère fille, par un entier abandonnement de vous-même en
sa sainte volonté, et le laisser faire. Certes, ma chère fille, nous avons un
extrême désir de faire le même, et je prie Dieu que je meure si je ne l'aime
désormais de toutes mes forces. Voilà le désir du chétif cœur de votre pauvre
Mère qui a mal aux dents, si, qu'il faut finir, jusqu'à ce qu'on ait résolu la
réponse pour Mgr de Bourges ; notre très-bon Seigneur doit venir ce soir
pour cela ; croyez que nous ne le voyons guère ; mais nous sommes
contentes et aimons mieux qu'il fasse ses affaires ; plût à Dieu que je
l'en pusse décharger !
Voilà donc la réponse pour Mgr de Bourges ; écrivez au petit
neveu, comme de vous-même, que si leur affaire presse, qu'à grand'peine
pourra-t-on donner des filles, n'en ayant pas de bien prêtes à ce que vous
pensez. Je crois que Monseigneur vous enverra la lettre du cardinal Bellarmin,
pour la faire voir premièrement au Père recteur, puis à Mgr de Lyon. Si N...
entendait cette langue, elle verrait que les vœux simples ont devant Dieu le
même mérite que les solennels : le Père recteur [192] la peut guérir de cette tentation, car il
sait cette vérité ; mais, ma très-chère fille, affermissez-la bien, avant
que de lui donner l'habit. Je saurai la tentation de la pauvre N...
Hélas ! sa pauvre Sœur s'est perdue, à ce que l'on dit ; je prie Dieu
qu'il la redresse.
Au reste, ma très-chère fille, prenez bien simplement ce que nous avons
dit des écritures de Monseigneur : il est vrai, je le fais avec sentiment,
car on dit que cela lui nuit fort, et hier je lui dis que j'allais écrire
partout que l'on se retranchât ; il me dit que je ne le fisse pas, et
qu'il accommoderait bien cela. Voyez-vous, ma très-chère fille, je ne m'adresse
nullement à vous, ni à aucune de nos Sœurs, car je ne voudrais pas, quand leur
utilité le requerra, qu'elles manquassent de lui écrire. Oh Dieu ! non, ni
aucune autre personne ; je crois que vous m'entendez bien sur ce sujet où
il faut de la discrétion. Adieu, ma fille toute chère, adieu ; je vous
embrasse en esprit de tout mon cœur, et suis toute vôtre en notre doux Sauveur Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Résignation au décès du baron de Thorens. — Espérances que
donne le monastère de Lyon. — Sollicitudes pour la réception de deux
postulantes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, mai 1617.]
Eh Dieu ! ma toute chère fille, que vous dire sur cette nouvelle
si douloureuse et qui m'a été si sensible, sinon que, de toutes les forces de
mon âme, j'acquiesce à cette divine et tout aimable volonté de mon Dieu, lui
remettant et l'âme de ce si [193] cher
enfant, et cette pauvre jeune veuve qui sans doute
renouvellera souvent ma douleur ? Nous lui allons tantôt dire cette
funeste nouvelle ; car elle l'attend déjà il y a deux ou trois jours. Béni
soit Celui qui nous touche ! car enfin nous voulons courageusement
embrasser cette croix et l'aimer. Oh ! ma fille, il se faut invariablement
attachera la très-sainte éternité en laquelle nous aurons le loisir de nous
voir.
Hélas ! ma fille, croyez-moi que j'ai eu de l'appréhension et de
la grande peine de la venue de M. de Rohier ici, pour le même sujet que Mgr
l'archevêque ; et ç'a été contre mon sentiment ; mais vous connaissez
notre cher Père et son cœur, lequel avait résisté à cette bonne fille et à ses
parents tout le long du carême et de l'avent, qu'ils l'avaient importuné pour
qu'elle fut reçue en cette maison. Les ayant refusés [mots illisibles], comme on n'y pensait plus, ceux qui traitaient l'affaire de
l'établissement à Grenoble et les parents demandèrent de la garder pour cette
maison-là, et ils se résolurent de ne la pas envoyer à Lyon, pensant que l'on
pourrait retirer [trois
lignes illisibles]. Nous leur dîmes que nous ne la prenions pas
pour cette maison, de sorte que vous l'aurez si la maison de Grenoble ne se
fait. [194]
Pour le regard de cette bonne damoiselle, votre parente, il faut
essayer de gagner Mgr l'archevêque, et lui dire que puisque nos affaires sont
résolues, il ne doit plus avoir tant de crainte, car nous augmenterons notre
soin ; et puis vous verrez que Dieu fera heureusement cette maison, et
qu'il faudra doucement persuader ce bon prélat de regarder plus aux esprits qui
seront propres, que non pas aux richesses, lesquelles Notre-Seigneur ne manque
jamais de donner ; vous verrez ce que je lui écris.
Je désire fort que nos Sœurs fassent profession et me soumets d'y aller ; mais voyez ce
nouvel accident et nos affaires, ne sera-t-il point plus à propos de
différer ? Il y a longtemps que nous désirions occasion de vous
écrire ; enfin, ma fille, vous m'êtes uniquement chère.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Arrangements pour la dot de la mère de Bréchard. —
Conseils de direction.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 29 mai 1617.
Dieu soit béni de l'heureux trépas de M. votre père. Il faut essayer de trouver quelque expédient
pour tirer le fonds, quand bien nous devrions en quitter quelque chose, afin
[195] d'en pouvoir secourir cette
maison ; et il faut faire cela le plus tôt qu'il se pourra. Il faut en
écrire à M. de la Curne pour savoir comme il faudra conduire l'affaire, car ces
deniers-là doivent appartenir à cette maison-ci, et être employés en celle-là,
si la nécessité y est ; et faudra pourtant que ce soit cette maison qui
les prête ; mais M. de la Curne vous dira comme il faudra faire. Tirez
cependant les pensions, mais ne montrez pas que c'est de vos parents, ains du
propre de cette maison-ci, comme il est en vérité ; nous vous enverrons
comme il faut que vous fassiez en cela.
Je trouve votre intérieur bien, mais suivez bien les petits avis
ci-dessus, et me croyez ; exercez en cet état une grande douceur, support
et extraordinaire charité et cordialité vers cette bonne fille, et embrassez courageusement les humiliations
et contradictions : Notre-Seigneur veut cela de vous.
Il faut que cette chère novice que Dieu caresse soit fort simple et
obéissante.
Pour la bonne madame Verne, il faut traiter son esprit tendrement, lui
donner toute la connaissance et tout le goût que vous pourrez de la vraie
perfection, laquelle n'est autre chose qu'un parfait dépouillement de soi-même
et soumission à Dieu ; car elle a besoin d'être dépouillée, mais
doucement.
Je parlerai à M. Roland de la Péronne. Madame la [196] comtesse de Tournon n'ira point là, mais
madame de la Croix la pourrait ramener. Elle ferait grande charité.
O Dieu ! ma très-chère fille, que vous dirai-je ? sinon la si
sensible et douloureuse affliction qui nous est arrivée en la mort de mon
pauvre très-cher fils de Thorens. Dieu nous fortifie ! Certes, il faut se
taire, car c'est la main de Dieu qui l'a fait. Soit à jamais son saint Nom béni
et sa volonté accomplie !
Tenez-vous fort douce et constante en cette occasion.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Elle fait l'éloge du baron de Thorens, et de la
résignation chrétienne de sa veuve. Envoi des règles et constitutions.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 2 juin 1617.
Dieu soit béni de toutes vos bonnes nouvelles, ma chère fille, et sa
bonté répande abondamment ses grâces sur vous et [197] sur la chère troupe, que j'aime
très-chèrement et tendrement ; la petite cadette verra un tour de
l'empressement et faute d'attention de ma Sœur N... ; il faut souffrir
cela de cette fille qui fait tout fort bonnement. Je la salue étroitement, cette
petite ; je l'aime fort, vous le savez, ma très-chère fille.
Hélas ! qui ne ressentirait jusqu'au fin fond la perte de tant de
douceur et de consolation que le cher enfant donnait ? Certes, ma fille, je n'eusse jamais
cru durant sa vie qu'il m'eût laissé la vingtième partie des douleurs que j'ai
reçues [par sa mort] ; mais, grâce à Dieu, nous avons en tout aimé et
aimerons toujours très-chèrement la volonté de notre bon Sauveur ; la
pauvre petite veuve est si douce et aimable en sa douleur, que ne se peut dire
davantage.
Voilà les règles : vous avez les nôtres, et nous demeurons sans
aucun mémorial [cérémonial] pour faire l'établissement, à l'habit, à la
profession ; c'est pourquoi nous vous supplions de les renvoyer
promptement. Mes très-humbles saluts à Mgr l'archevêque, à nos chères Sœurs,
aux amis, et particulièrement à la très-chère et bonne Sœur Barbe-Marie, et à
vous par-dessus toutes ; car toujours vous êtes la très-chère fille de mon
cœur. Dieu vous rende parfaitement sienne. Amen. Vive Jésus !
Dieu soit béni ! Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [198]
MAÎTRESSE DES NOVICES, À LYON
Dans quel esprit elle doit diriger les novices.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617].
Ma très-chère petite, quelque grande hâte que j'aie, si ne puis-je pas
m'empêcher de vous saluer et embrasser amoureusement avec toutes vos chères
novices, que mon cœur chérit parfaitement en Notre-Seigneur. Je vous les
recommande, ma très-chère fille ; faites-les avancer dans l'amour de leur
céleste Époux tant qu'il vous sera possible, mais avec un esprit de douceur, de
patience, de charité, lequel vous fasse supporter toutes les petites
faiblesses, négligences, tardivetés et manquements, sans témoigner jamais un
seul instant d'étonnement, afin que la parfaite confiance qu'elles vous doivent
avoir ne soit point altérée.
La leçon [du support] des prochains est la plus excellente leçon [que
nous devons tirer de la doctrine] des saints. Bienheureux ceux qui la pratiquent
parfaitement ; faites-le bien, ma très-chère petite fille.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Décision de la Sainte pour la réception des Sœurs
tourières et pour leur vêtement.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617].
Je répondrai brièvement à votre billet, ma très-chère Sœur,
[199] n'ayant le loisir de beaucoup
écrire ; j'en suis pourtant marrie, car je désirerais bien d'écrire à ma
Sœur de Gouffier et à nos Sœurs, mais il ne se peut : depuis quinze jours,
nous vous avons écrit deux fois.
Non, il ne faut faire aucune cérémonie en la réception des Sœurs
servantes, mais oui en la profession, ainsi que la
règle l'enseigne. Pour ce qui est de l'habit de la servante, il serait plus
modeste comme vous le désirez ; mais si l'on témoigne de ne le pas agréer,
je crois que vous ferez bien de différer pour éviter les pointilles ; la
chose étant quasi indifférente, il faut se mettre du côté de la
condescendance ; car enfin, ma très chère fille, une once de cette vertu
vaut mieux que cent livres de propre volonté ; je m'assure que vous serez
toujours bien aise de demeurer dans la vertu et laisser les autres en leur
volonté.
Il nous tarde grandement de savoir de vos nouvelles, et quel effet nos
dernières lettres auront produit. Dieu, par sa bonté, veuille qu'elles aient
été bien reçues !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CVI (Inédite)
- À SAINT FRANÇOIS DE SALES
Elle le prie d'écrire à Mgr de Bourges en faveur de Celse
Bénigne, et témoigne un grand désir d'être délivrée de toute affaire du monde.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617].
Vous le ferez, mon très-cher Seigneur, vous goûterez un peu, puisque je
vous en prie, et me manderez en vérité si le sirop [200] a bien profité ; j'aurais bien voulu que
vous eussiez vu mes lettres, mais elles sont trop longues et fâcheuses, et ne
sont encore achevées, n'ayant rien
écrit depuis dîner. Si vous pouviez écrire un mot de lettre à Mgr de Bourges en
témoignage du ressentiment que vous avez du bien qu'il promet pour l'avancement
de notre fils, je crois qu'il lui serait agréable et lui
profiterait. Oh ! mon vrai et cher tout bon Père ! que
d'embarrassements aux affaires du monde ! le bon Dieu m'en délivre. Je
serai toute guérie de cette secousse quand j'aurai le bonheur de vous voir
moi-même, mais non pas devant... Il est bien vrai que je n'en ai nul trouble
par la grâce de Dieu, mon très-bon Père. Le doux Jésus bénisse votre cœur et le
mien de son très-pur amour. Amen. Bonsoir, mon très-cher Père, tout
uniquement et chèrement bien-aimé. La petite chère Sœur n'en veut-elle
pas ?
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À LYON
Guérison de sœur Marie-Gasparde d'Avisé. — Charité de la
Sainte pour le salut d’une âme. — Désir de voir une fondation à Grenoble. —
Prévoyance pour le retour à Lyon d'une enfant qui lui avait été confiée. —
Nouvelles de sa santé, et de la communauté d'Annecy. — Achat d'une custode.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 3 juillet 1617].
J'ai envoyé vos lettres à Monseigneur, ma très-chère fille ; s'il
y a quelque chose d'importance, je crois qu'il vous répondra. Grâce à
Notre-Seigneur, toutes nos malades sont hors du péril de mort ; elles nous
ont fait belle peur, mais surtout la [201] pauvre Sœur Marie-Gasparde
[d'Avise] ; elle peut bien compter pour une !
J'avais deux choses ou trois à vous
dire, mais votre chétive Mère n'a mémoire qui vaille, ma très-chère fille ;
nous écrirons un mot à M. l'aumônier, en réponse de celle qu'il écrivit à
Monseigneur... Si cette pauvre créature veut, nous la retirerons ici, et lui
ferons de grand cœur l'assistance qui nous sera possible ; mais comme nous
vous avons déjà mandé, il n'y a moyen que vous lui donniez l'entrée à votre
maison de Lyon ; or, si elle ne cherche que Dieu, et sa réconciliation
avec sa Bonté, elle agréera de venir ici, sinon la divine Majesté se contentera
de notre bonne volonté.
N'est-il pas vrai, ma chère fille,
que M. [Austrain] doit venir quérir sa fille, et non pas nous laisser la charge
de la renvoyer ? Vraiment, nous le ferions de bon cœur, si nous en avions
la commodité ; mais il ne se faut pas attendre de la rencontrer.
Obligez-nous donc, ma très-chère fille, de leur faire savoir, et de leur
persuader dextrement de l'envoyer prendre : il ne faut pas tant de façon,
un homme à cheval l'emportera bravement devant lui. Or je vous recommande cela,
ma très-chère enfant, et de nous bien mander de vos nouvelles et de votre
famille ; car j'en suis un peu affamée. Tout va ici à l'ordinaire ;
mais je ne vous saurais dire ce que j'y fais, car nous avons tant d'affaires
que les unes poussent les autres dehors. Nos filles font prou bien, mais
surtout nos Sœurs novices se rendent soigneuses. La pauvre Sœur *** a toujours
ses passions vives ; mais je dis ceci à votre cœur, auquel je parle en
toute confiance. Nos comtoises prétendantes
et madame de Rohier sont de bonnes filles. Maintenant que notre chère Sœur
Barbe n'est plus à Grenoble, nous en savons rarement des nouvelles ; les
dernières pourtant que Monseigneur en eut [202] étaient que les affaires de la nouvelle Visitation étaient en bon
terme. Certes, ma chère fille, nous serions bien aises que le Seigneur nous établît
là pour sa gloire. Je ne puis écrire à cette très-chère Sœur Barbe-Marie ;
mais je vous prie, ma fille, assurez-la toujours fort de l'entière affection de
mon cœur pour le sien tout aimable en sa cordiale franchise. Eh ! Dieu
vous rende toute pleine de son très-saint amour !
M. le trésorier Bonfils a donné en aumône à notre église cent
ducatons ; nous les avons remis pour être employés en deux chandeliers et
une custode, dont nous envoyons le portrait pour montrer à peu près notre
intention ; non que nous ne laissions à la discrétion de [l'orfèvre] ce
qui est raisonnable. J'écris un mot à madame Voullart, pour qu'elle soit
entremetteuse en cette occasion. Je suis contrainte de finir ; depuis dix
ou quinze jours je ne me porte pas trop bien de ces accidents : j'en ai eu
un assez fort ; mais je me ravigorerai, s'il plaît à Dieu. Bonsoir, ma
fille toute chère, et à votre bénite troupe que j'embrasse en esprit de toutes
les forces de mon âme, sans oublier notre bonne Sœur Colin. Et, s'il vous plaît,
ma fille, recommandez-nous à la révérende Mère des carmélites. Je salue tout à
part ma chère cadette, et enfin tous. Je suis, mais de tout mon cœur, je suis
entièrement toute vôtre en cette immense Bonté, qui vive et règne à jamais dans
nos cœurs. Amen. Ce 3 juillet.
La petite Christine craint fort de retourner chez son père,
voyant qu'elle n'y est pas désirée, et plus encore à Sainte-Ursule ; elle
prie grandement M. son père de la faire mettre à Neuville. Il y a eu ici une
dame de là, et depuis elle a toujours désiré d'y être mise : aidez-nous,
je vous prie, à nous en décharger, mais doucement et bravement.
Ma mie, s'il fallait le pied de votre calice pour la custode,
[203] vous le donneriez ; je le
trouve beau, et me semble que s'il était bien redoré, il serait bien propre, et
que cela aiderait ; les 700 florins pourraient suffire bravement.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Nomination à Annecy de M. le président de la Valbonne. —
Une enfant est reçue au monastère par déférence pour le président Favre. —
Attente de madame l'abbesse du Puy-d'Orbe.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 8 juillet 1617].
... [Plusieurs lignes effacées.] Hélas ! ma
très-chère fille ma mie, le grand accident qui arriva à soir du pauvre M. le
président d'ici, qui se noya. Dieu lui fasse miséricorde, et nous console
de donner sa charge à M. de la Valbonne ; pensez, je vous prie, si je le
désire. Ces jours passés, M. votre père a, par d'extraordinaires prières,
obtenu de Monseigneur que la petite M. de B... serait prise céans ; elle
n'est qu'entrée en sa quatorzième année ; c'est une chose qui nous a un
peu mortifiées et que nous avions résolu de ne jamais faire, mais il a été
impossible de le refuser à ce bon seigneur M. le président, lequel nous avons
toujours honoré et regardé comme notre second père. Cette occasion, sans qu'il
en faille rien dire, nous fait grandement désirer que l'on envoie quérir la
petite [Austrain] ; l'on nous ferait grande charité que ce fût à la fin
[204] de ce mois, où les deux ans
qu'elle est avec nous finiront ; ma fille, faites tout ce que vous pourrez
pour cela, je vous en prie. Nous attendons madame du Puy-d'Orbe, avec un extrême désir de la voir et
servir ; l'on a su qu'elle avait été à Lyon, et cela me faisait craindre,
puisqu'elle tarde tant, qu'elle ne vienne pas... [Plusieurs lignes indéchiffrables.]
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Indisposition de la Sainte ; souhaits de fête à la
Mère Favre. — Projet d'un voyage à Lyon. — Elle annonce la construction d'un
nouveau corps de bâtiment pour achever le monastère, et l'envoi d'une lettre à
Mgr de Marquemont.
VIVE † JÉSUS !
Annecy. 25 juillet 1617.
Certes, ma très-chère fille, nous étions en peine d'être si longtemps
sans trouver commodité de vous écrire ; ce n'a pas été faute de les faire
chercher ; mais les eaux ont été si débordées qu'elles ont retenu beaucoup
de gens en leurs maisons. Hélas ! je ne puis sinon vous faire ce billet,
car je ne me porte rien trop bien. Depuis le départ de ma Sœur Colin, nous
avons été grandement travaillée de défluxions, et m'a fallu purger enfin ;
et, le même jour, il nous arriva un petit accident qui nous a laissée un peu
faible ; c'est la raison pourquoi nous attendons nos marchands qui vont
sur la fin de cette semaine à Lyon, pour écrire à Mgr l'archevêque et à ces
chères Sœurs qui nous ont écrit ; mais à ma pauvre très-chère grande
fille, il n'y a eu moyen de retarder. Ce jour saint ne s'est point passé sans avoir mémoire
très-particulière de vous, et sans la donner aux [205] autres. Hélas ! ma très-chère
vraie fille, ne croyez-vous pas que mon affection me porte à désirer de vous
voir, et servir votre petite maison en tout ce qu'il nous sera possible ?
Certes, je ne vous dirai que ce mot, car il me semble qu'il ne vous serait pas
possible d'en douter. Or, vous savez bien que c'est une résolution absolue de
ne point partir d'ici que nos affaires ne soient résolues [à Rome]. Mais quand
Dieu y aura mis une fin, si vous jugez que ma présence vous soit si entièrement
nécessaire que Mgr l'archevêque vous le témoigne, je pense que notre bon
Seigneur nous donnera bien congé pour un mois ; mais je vous assure, mon
enfant, que je ne vois pas comme l'on pourrait quitter maintenant cette maison
pour plus longtemps, car voilà les ouvriers qui commencent le bâtiment ;
et puis voici une si grande famille et qui grossit tous les jours, qu'il y aura
peine à la laisser ; mais cependant je suis toute à vous, pourvu que je
vous sois nécessaire. Considérez bien, pour prendre le temps à propos, que vos
affaires soient disposées, vous aurez du temps pour cela ; j'écris si à la
hâte que je ne sais ce que je dis ; mais je sais bien pourtant que vous
êtes toujours et serez ma très-chère grande fille.
Faites faire l'encensoir ;
nous le manierons doucement. Au reste, ma mie, s'il se peut trouver de la laine
prête à filer, comme vous savez que je la file, envoyez-m'en deux pièces ou
une, pour achever la pièce de serge qui est prête à faire, et qui demeure,
faute de n'en pouvoir recouvrer ici. J'écris donc à Mgr l'archevêque, car la
douceur de sa lettre mérite bien réponse, et à ma Sœur Colin, à la cadette, et
à nos Sœurs de Moulins ; faites toujours bien et priez pour nos affaires
de Rome. Adieu, ma très-chère amie ; vous savez que je suis toute vôtre.
Dieu soit béni ! Ce jour saint Jacques.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry [206]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Obligation de sauvegarder les intérêts de chaque
monastère. — Éloge de M. Grandis. — La Sainte compare le Bienheureux Évêque de
Genève aux anciens Pères de l'Eglise. — Commissions affectueuses pour les Sœurs
de Moulins.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 1er août 1617.
Vous pouvez penser, ma très-chère fille, si nous sommes consolées de
trouver cette occasion de vous écrire ; mêmement ayant appris par vos
dernières que vous n'avez point reçu toutes celles que nous vous avons écrites
en réponse des vôtres, n'ayant rien oublié de tout ce que vous me
demandez ; mais il n'y a moyen pour ce coup de rechercher vos lettres pour
y faire une nouvelle réponse.
Je redirai seulement ce que je sais être nécessaire touchant ce que vos
parents vous doivent : premièrement, que si vous êtes nécessitée, vous
pourrez prendre les pensions pour votre secours et entretien, comme aussi le
principal, si Dieu ne vous envoie d'autres secours, à la charge toutefois que
tout sera reconnu être des deniers de cette maison-ici, et que celle de Moulins
s'en obligera, et à le rendre dans quatre ans ou six ; et, pour cela,
selon que vous me manderez par le retour de ce porteur, nous vous enverrons une
procure pour recevoir ledit argent.
Certes, mon enfant, il n'y a pas grande apparence que nous puissions
vous aider que par cette voie-là ; les charges de cette maison sont
extrêmes, car nous sommes forcées de bâtir et d'acheter les places pour cela.
Priez Dieu qu'il nous assiste, car nous ne pouvons faire joindre M. le fiscal.
Il est vrai que pour cela nous en serons quittes pour de l'argent ; mais
le [207] jardin de
Saint-Dominique est notre grand fléau, j'espère pourtant que Dieu nous
assistera.
Ma sœur de Gouffier nous mande qu'elle s'en ira bientôt, et que cette
maison commence à s'accommoder. Dieu, par sa bonté, le veuille ! mais il
est bien difficile, sinon que le nombre des filles y croisse.
Monseigneur revint à soir ; il a dit ici la sainte messe, mais
incontinent multitude de gens l'ont emmené ; il se porte très-bien, grâce
à Dieu. Je ne vois pas que je le doive avertir de cette occasion ; je le
ferai pourtant parce qu'il ne pourrait écrire, car, outre les visites, la
Saint-Pierre [es liens] le tient trop attaché à l'église.
Je vous écrivis fort longuement environ la fêle du
Très-Saint-Sacrement, et cette fois-là nous vous mandâmes la grande affliction
dont Dieu nous avait visitées par la mort de mon pauvre fils de Thorens ;
sa chère petite est grosse, elle est ici auprès de nous. Sa sœur s'en va avec
madame de la Fléchère.
M. de Lespine et le très-bon M. Grandis sont morts, et encore M.
Desouches bien malade : voilà de grandes pertes pour le
collège de Saint-Pierre, mais surtout de M. Grandis, homme de parfaite sainteté
que chacun pleure et regrette pour l'extrême perte que l'Église a faite. Les
seigneurs de Genève même, forcés par sa rare vertu, le regrettent et disent que
c'était un ange du ciel ; certes, cette mort me toucha jusqu'au fond du
cœur. Monseigneur en a ressenti et ressent une douleur nonpareille. Encore ce
matin les larmes lui en venaient aux yeux ; il n'était [pas] ici quand il
mourut. Enfin les maladies sont grandes et dangereuses en cette ville.
J'eusse bien désiré que Monseigneur n'y fût retourné, au moins qu'après
la fin d'août ; mais Dieu en aura soin, s'il lui plaît, et nous le
conservera. Il a été six semaines par son [208] diocèse, où il a fait tant de bonnes œuvres, que c'est chose digne de
louer Dieu ; mais il travaille si extraordinairement qu'il ne pourrait
subsister sans l'aide particulière de Notre-Seigneur. Cette sainte âme va
toujours se sanctifiant et avançant du côté de la désirable éternité, et ne
s'arrêtera qu'il ne soit aux rangs de ces grands et anciens Pères et Prélats de
l'Église ; faites fort prier pour lui. Nous avons peu souvent la
consolation de le voir depuis un an ; mais j'en ressens tant plus de voir
son train. Dieu nous rende dignes filles d'un tel Père ! Il me semble que
tout ce qu'il nous a jamais dit et dira doit être parfaitement accompli.
Or sus, c'est pour votre consolation que je vous dis ceci, et que,
grâce à Dieu, nos Sœurs vivent avec la plus grande douceur et joie spirituelle
qu'il est possible, ayant un grand soin et désir pour l'entière observance.
Nous n'avons encore reçu la dépêche de Rome, l'on est toujours en
incertitude de quel côté Monseigneur ira pour l'avent et le carême. Dieu, par
sa bonté, fasse de lui et de nous toutes sa très-sainte et seule très-adorable
volonté !
Je vous prie que nos Sœurs m'excusent pour ce coup ; je leur ai
écrit il n'y a pas longtemps ; qu'elles relisent nos lettres, et fassent
bien ce que vous leur direz : enfin il faut toujours être attentives à la
sainte humilité, simplicité et parfaite obéissance. Dieu nous étant présent,
rien ne nous sera impossible. Je les salue toutes très cordialement, et tout
particulièrement ma bonne et très-chère Sœur Verne, que je souhaite toute douce
et innocente en l'école de Notre-Seigneur ; certes, je la chéris
cordialement pour la bonté de son cœur qui a voulu enfin se consacrer sans
réserve à l'amour et service de son Dieu, notre bon Sauveur ; mandez-nous
leurs noms.
Adieu, ma très-chère Sœur ma fille ; je prie Dieu qu'il vous
remplisse de ses saintes grâces, afin qu'en vraie humilité et douceur vous le
serviez en la personne de ses [209] chères épouses ; je ne peux oublier ma Sœur Gabrielle [Bally] que
j'aime tant. Je suis toute vôtre, ma mie, de tout mon cœur.
[P. S.] S'il y a moyen, ma très-chère Sœur, je vous
supplie de nous envoyer par ce porteur deux livres de laine pour achever de
fournir une robe [soutane] pour Monseigneur ; il ne s'en trouve ni à Lyon,
ni à Genève qui se puisse filer comme il faut ; nous payerons bien le port
et le prix, assurez-en le messager. M. de la Valbonne est président ici,
l'autre s'étant noyé.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Les âmes vraiment royales se dévouent au service de
Notre-Seigneur au milieu des difficultés. — Conseils pour la direction d'une
Sœur qui jouissait de grandes consolations spirituelles. — Avec quel courage on
doit surmonter les répugnances que donne une charge. — On ne saurait choisir
les prétendantes avec trop de soin. — La Mère Favre doit s'employer auprès de
Mgr de Marquemont pour les affaires de l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1611]
Je viens donc vous écrire tant que je pourrai en ces trois quarts
d'heure, pour ne perdre cette occasion, ma très-chère fille. Certes, vous
m'avez fait un singulier plaisir de nous dire un peu des nouvelles de votre
tant aimé cœur, et de vos chères filles ; loué soit Dieu de tout ce que
vous nous dites de l'un et de l'autre. Oh ! que vous serez heureuse, ma
très-chère fille ma mie, si vous persévérez de servir notre grand et doux
Rédempteur, avec la pointe de l'esprit, indifféremment, comme vous dites, en
tout ce qui se présentera : ce sont les âmes vraiment royales qui font
ainsi. La divine Majesté vous fasse la grâce de persévérer en fidélité. Vous
avez bien fait de ne pas continuer votre [210] retraite ; croyez-moi, ne l'entreprenez jamais en des grandes
chaleurs, à cause du grand assoupissement qu'elles causent. Enfin, si Dieu veut
que nous marchions comme aveugle et à tâtons, ne nous importe, car nous savons
qu'il est avec nous.
Je suis étonnée de ce que vous nous dites de Paris et de Châlons ; nous n'en savons autre chose. Ce nous
serait grand profit de ne nous séparer d'un an ; mais en tout la sainte
volonté de Dieu soit faite ! Nous sommes pressées par la grâce à cela. Que
si l'on m'envoie, il me fera grand bien de nous revoir.
Je ne sais bonnement que dire de ma Sœur***, écrivez-moi un peu plus
particulièrement ce que c'est, et les effets que tels sentiments lui laissent,
et en communiquez avec le révérend Père recteur, et lui faites parler
aussi ; certes, elle doit employer tout son courage pour couvrir cela et ne
s'y point abandonner. Faites-la bien dormir et manger, et l'éprouvez. Demandez
à Dieu la lumière pour le bien faire, car s'il y a de l'humilité et une
parfaite obéissance, il n'y a rien à craindre. Il lui faut grandement
recommander la naïve et sincère vérité et simplicité en toutes ses actions,
surtout quand elle aura ces consolations. Bref, si elle a les vertus, il n'y a
rien à craindre, quand bien ce serait de l'esprit malin ; mais de la
nature ou de l'imagination me semblerait plus dangereuse ; parlez-en, je
vous prie, et devant elle, au Père recteur.
Je vous assure que je suis consolée de vous savoir la petite
Orlandin ; mais cette autre petite Raton, que fait-elle ? Ma fille,
vous faites uniquement bien de ne retenir ces filles qui ne sont propres ;
tâchez de gagner que l'on nous laisse recevoir celles qui nous seront
agréables, encore qu'elles n'aient tant de biens. Mon Dieu, que c'est de grande
importance d'avoir de braves filles ! Je serai marrie si ma Sœur N... s'en
va ; car je pensais qu'elle se pourrait rendre propre pour être directrice
un jour, [211] pour soulager
cette fille qui vit en cette charge avec un esprit si ennuyé ; la
continuation de cette peine m'en donne. O ma fille ! c'est la vérité qu'il
faut être plus que femme pour servir Dieu au-dessus de toute humeur et
inclination naturelle ; mais quel bonheur aussi de renverser la nature
pour faire place à la grâce ! Sa divine bonté nous assiste pour cela, s'il
lui plaît, car il ne faut pas un moindre secours.
Je vais écrire un mot à M. Austrain, qui nous prie de garder sa fille
au moins jusqu'au mois de septembre ; nous le ferons volontiers pour
l'amour de lui, car je vous avoue, ma fille, qu'elle ne profite point.
Nous n'avons encore point de nouvelles de Rome ; je crois que Mgr
l'archevêque voudra aider à l'affaire ; si elle n'était expédiée,
priez-le, je vous prie, de la faire expédier, et que ce soit surtout avec les
privilèges que le Père procureur a mandé qu'il avait obtenus ; car enfin
il est impossible de se soumettre à autre chose. Je crois, ma fille, que vous
ferez bien de lui écrire une belle et honorable lettre de supplication sur ce
sujet ; car je crains que le Père procureur ne soit un peu long en ses
poursuites ; mais écrivez comme de vous-même. Mon enfant, il faut finir :
Dieu soit notre tout. Amen. Bénie soit sa bonté, et je suis sans réserve
vôtre, et à la Sœur Barbe-Marie, et à toutes vos filles. Vive Jésus !
Mon enfant, j'écris si à la hâte que j'oublie la moitié de ce que je
voudrais dire. Or sus, oui certes, et de bon cœur, nous vous ferons faire un
voile de calice ; mais il faut laisser passer les grandes chaleurs, car on
ne travaillerait pas proprement. Je ne sais si nous avons des soies, ma Sœur
Péronne-Marie nous a dit que non, mais elle vous écrira de cela. Ne faites voir
les lettres que les deux Sœurs s'écriront. Celle-ci n'est pas fort
touchée ; nous y ferons ce que nous pourrons.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [212]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Elle l'encourage dans les traverses suscitées par madame
de Gouffier, et la prie de résoudre quelque affaire d'après le conseil des
Pères jésuites, sans attendre son voyage ou celui de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 11 août 1617.
Ma très-chère fille ma mie, j'aime mieux que vous n'ayez que ce billet
que de perdre l'occasion de vous l'écrire. Oui certes, nous avons répondu à
toutes vos lettres et à toutes celles de nos Sœurs. Or, Dieu soit béni !
Je vous écrivis l'autre jour par un homme que l'on envoyait à M. de la Croix.
Croyez, ma très-chère Sœur, que Monseigneur et moi ne manquons pas de soin ni
d'affection pour votre maison ; mais nous ne savons bonnement comme
employer et l'un et l'autre, tant il faut ménager l'esprit de cette pauvre
Sœur, et encore son travail qu'elle a pris après
cette maison. Voilà un billet que je lui écris, qui est à cachet ouvert, et
Monseigneur un autre pour la persuader de venir ici. O Dieu ! que nous le
désirons ! mais nous ne l'espérons pas, non plus que vous ne devez pas
espérer que je puisse aller à vous cette année : l'impossibilité y est
toute claire.
Quant à Monseigneur, je pense que vous le verrez ; mais encore n'y
a-t-il rien d'assuré. C'est pourquoi il faut que vous preniez bien le conseil des
bons Pères jésuites, et celui des amis de delà avec poids et considération,
tant de la nécessité de la sortie de cette fille, que de la considération qu'il
en faut avoir, eu égard à ce qu'elle a fait, car jamais il ne faut demeurer en
ingratitude. Faites donc cela, et puis vous écrirez bien tout au [213] long et votre avis et sentiment de ce que
nous devrons faire ; car, étant sur les lieux, vous pourrez mieux juger
que nous. Que s'il faut exécuter quelque sortie pressante, il me semble encore
qu'il serait plus séant de la lui faire persuader par d'autres que par nous.
Enfin, nous ferons tout ce que nous pourrons qui sera selon Dieu, car qui peut
douter que cette maison-là ne nous soit très-chère ?
Vous ne nous mandez rien de l'affaire des Pères barnabites ; je le
désirerais pourtant, puisque sur ce que vous nous mandâtes, nous leur avons
parlé et ils ont désiré que l'on s'y employât. Il faut nécessairement finir. Je
suis de tout mon cœur toute vôtre, vous le savez, ma très-chère fille, et à
toute la chère troupe.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Acquisition d'une maison. — Estime spéciale pour M. de
Saint-Nizier. — Commissions pour diverses personnes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 15 août 1617].
Que pourrais-je vous dire dans ce moment, ma chère fille ? Je n'ai
rien de nouveau, sinon qu'enfin je pense qu'aujourd'hui nous aurons les maisons
de M. le fiscal avec sa fille, bonne, douce et de grande affection d'être ici.
Au reste, les filles de la ville commencent à s'échauffer maintenant que l'on
est en train de les faire patienter ; mais il va bien ainsi, n'est-ce pas,
ma fille ?
Or, voilà des lettres pour Mgr de Lyon, qu'il faut envoyer promptement,
car n'ayant point de dépêches ni nouvelles, [214] ainsi que le Père procureur des barnabites
avait promis, nous craignons qu'il ne s'oublie de nous ; c'est pourquoi
nous conjurons Mgr de Lyon de nous faire la charité. Notre bon M. de
Saint-Nizier fera bien l'office de les faire tenir sûrement : je le salue
avec cette ancienne et cordiale dilection que mon âme a vouée à la sienne, de
laquelle je ne veux ni ne peux jamais m'oublier ; assurez-l'en toujours,
ma très-chère fille, et le saluez souvent de ma part ; car soit que je le
nomme ou non, mon intention est toujours telle, l'honorant invariablement et de
tout mon cœur.
Au reste, ma fille toute chère, nous désirons bien fort d'avoir notre
custode et les chandeliers le plus tôt qu'il se pourra ; le mois que l'argentier
avait demandé à M. le trésorier est bien passé ; faites, je vous supplie,
qu'il soit sollicité. Adieu, il faut finir sans oublier cette très-chère sœur
Barbe-Marie, que j'aime tant. Mais je crains bien que ces messieurs de Grenoble
ne laissent échapper Monseigneur jusqu'à Paris.
Dieu sur tout et en tout soit glorifié, n'est-ce pas, ma fille toute
chère, que j'aime tout parfaitement et tout particulièrement ? Je suis
toute vôtre enfin et de tout mon cœur. Vive Jésus éternellement ! Ce jour
saint de Notre-Dame.
Conforme à l'original gardé à la Visitation de Chambéry.
Assurances de prières pour un ami de la communauté. —
Annonce du sacre de l'église. — Estime de la Sainte pour les contradictions. —
Elle parle de plusieurs bonnes prétendantes ; incertitude pour l'époque de
leur réception.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 26 août 1617].
Ma très-chère Fille,
Vous pouvez penser si nous avons prié pour le pauvre [215] M. [Austrain] que nous chérissons grandement
et particulièrement pour l'amitié qu'il porte à cette chère maison de
Lyon ; Dieu, par sa bonté, lui donne ce qui lui est nécessaire ! Nous
espérons que si Notre-Seigneur le laisse, il nous tiendra parole de retirer sa
petite d'ici au mois de septembre ; nous le désirons fort, car elle se
gâte avec nous qui ne pouvons rien gagner sur elle.
Je ne sais, ma très-chère fille, si vous avez reçu toutes nos lettres,
car nous avons souvent écrit. Je vous supplie de vous souvenir d'envoyer au
plus tôt qu'il se pourra la custode. Le mois que l'argentier avait demandé est
bien passé ; nous avons les prières [le Jubilé] la semaine
prochaine ; plût à Dieu qu'elle vînt ! mais il n'y a point
d'apparence. Nous espérons de faire sacrer notre oratoire le mois prochain, et
je crois que nos chères dames les présidentes y seront ; pensez quel
contentement ce nous sera.
Nous avons enfin les maisons et la fille, laquelle me plaît bien ; mais les Pères
de... nous veulent empêcher notre bâtiment, ce qu'ils ne pourront, mais oui
bien nous donner de la peine. Dieu soit béni, il faut avoir des croix, et qui
portera les plus grandes sera le plus heureux.
Nous avons toujours grande quantité de filles qui demandent, lesquelles
la plupart me reviennent grandement ; mais toutes pauvres, excepté deux
qui ont un peu de commodité. Quand nous pourrons voir Monseigneur avec un peu
de loisir, car il est quasi accablé, et nous n'avons pu seulement être
confessées de lui pour le Jubilé, excepté quelques professes ; quand, dis
je, nous l'aurons avec loisir, nous tiendrons un petit conseil pour résoudre si
nous croîtrons en nombre ou non, car s'il n'y a point d'apparence de fondation,
il faudra prendre haleine, [216] parce
que cette maison est grandement chargée et pleine. Madame la comtesse de
Rossillon a été ici huit jours ; elle a fait sa confession générale ;
c'est une brave femme ; sa demoiselle aussi l'a faite ; elle a un
esprit bien fait, et ardente au désir d'être céans. Nous serons contraintes et
forcées d'en recevoir au moins trois ou quatre, quoi qu'il arrive, et en outre
une fille de prophétie, je veux dire, qui a été prophétisée dès le ventre de sa
mère pour être religieuse, laquelle se convertit pendant qu'elle la
portait ; mais je dirai le reste une autre fois, étant contrainte de
finir. L'on dit que le sire Pierre part. J'aurais grande envie d'envoyer un
billet au cœur de notre très-chère Sœur Barbe-Marie ; mais je ne pourrai.
Adieu à toutes que j'embrasse très-amoureusement.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Elle la félicite d'habiter un nouveau monastère. —
Nécessité de renvoyer les prétendantes sans vocation. — Envoi d'une custode et
de chandeliers pour le sacre de l'église.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, septembre 1617].
Certes, ma toute chère fille, pour ne perdre cette commodité, je fais
une petite demi-désobéissance, car il m'est ordonné de n'écrire point après
souper ; il est vrai que c'en est bien loin, puisque l'on va dire matines.
Vous êtes bonne et brave d'avoir pris la peine de m'écrire tant au long de
votre beau logis. Dieu soit béni, qui vous a si bien placées, et encore de ce
qu'il vous a délivrées de la bonne Sœur N... Vous verrez qu'elle sera humiliée comme il
faut. Hélas ! ma fille [217] très-chère, qu'il y a peu de vraie
dévotion ! Dieu vous donnera de bonnes et utiles filles, puisque vous êtes
fidèle à ne vouloir garder celles qui ne nous sont propres. Je suis
très-contente et consolée du bonheur de la bonne hôtesse de mon cher neveu. Au
reste, mon enfant, je vous supplie de faire solliciter les chandeliers et la
custode, car bientôt l'on sacrera l'église. Si j'avais le loisir, j'en eusse
prié M. Voullart que j'aime de tout mon cœur ; faites-l'en prier, je vous
supplie, ma fille, car M. le trésorier demande fort si l'on a des nouvelles :
l'argentier avait promis que dans un mois ils seraient faits. L'argent qu'il
faudra pour les achever et payer, qui sera à mon avis de 80 florins, vous le
donnerez pour nous, s'il vous plaît, et incontinent nous vous le renverrons. Si
toutefois M. Voullart avait charge de les donner, mon neveu dit qu'il les
faudrait laisser faire ; mais certes, je n'ai nulle intention ni désir de
rien dire ni faire pour les exciter à cela.
Dieu le sait, ma fille, si nous
avons de la consolation d'avoir ici cette chère petite présidente [de la
Valbonne]. Je pense qu'il ne faut pas lui donner notre Sœur de N... Nous en
parlerons. Adieu, mon enfant. Je n'ai point parlé à Monseigneur ; il m'a
mandé que demain il donnerait une heure et demie à ma sœur de la Tour pour sa
confession ; cela ne monterait guère à la chère Sœur Barbe-Marie, à qui
quatre heures ne sont rien. Il se porte très-bien, grâce à Dieu ; mais
jamais il ne fut en un tel accablement ni moins de loisir.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [218]
Profonde affliction et admirable résignation de la Sainte
à la mort de sa fille, la baronne de Thorens.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, septembre 1617].
Ma très-chère fille, je bénis, j'adore, j'aime, et me soumets de toutes
les forces de mon âme à la très-sainte volonté et Providence céleste qui m'a
ravi quasi imperceptiblement ma très-chère fille uniquement bien-aimée. Oui, ma fille, c'était, et non sans vraies
raisons, l'âme de notre cœur, du très-cher Père, et de moi misérable qui n'ai
pas mérité la grâce de jouir plus longtemps d'une vertu si complète en un si
bas âge. Je me fonds, ma fille, car cette privation m'a vivement touchée et ne
puis vous en dire davantage. O Dieu, qui blessez mon cœur avec un mélange de si
grande miséricorde et suavité, que je ne [219] peux jamais ni ne dois faire que vous bénir, faites-moi la grâce de
suivre la vie et la mort de cette mienne vraie fille ! Je ne peux, ma
très-chère fille, vous parler de cette vie ni de cette mort heureuse ; je
crois que mon très-cher Père duquel c'était l'unique fille, et mon très-cher
neveu, vous en écriront au long. Enfin, nous la croyons tous au ciel, où elle
régnera avec le cher Époux de son âme, avec lequel elle voulut en sa vie et en
sa fin se lier si étroitement.
Voilà, ma fille, un échantillon de ma douleur, qui me fait replier mon
esprit plus fortement du côté du ciel et crier de toutes mes forces :
Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Voici mon âme qui se répand
devant vous et ne veut plus jamais respirer ni aspirer que pour vous et en
vous. Accomplissez en moi très-parfaitement votre très-sainte volonté. Ma
fille, faites faire une communion à cette intention, afin que dorénavant je ne
vive plus à moi, mais que mon Sauveur vive seul en moi. Je sais que vous ferez
fort prier pour ma chère défunte. Je vous prie, ma fille, que cette lettre soit
communiquée à ma Sœur Jeanne-Charlotte, car je ne puis écrire davantage et je
désire qu'elle sache cette affliction pour faire faire des prières. Oh !
ma fille très-chère, il faut bien élargir notre cœur pour recevoir tout ce que
cette divine Bonté y voudra mettre. J'embrasse amoureusement votre cœur et
celui de toutes nos chères filles que je souhaite pures, simples, humbles et
douces. Je suis, ma très-chère fille, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [220]
Même sujet. — Elle annonce la profession des Sœurs de
Sales et d'Avise et la consécration de l'église du monastère.
VIVE †
JÉSUS !
[Annecy, septembre 1617],
Je le crois bien, ma très-chère Sœur ma mie, vous avez été touchée
infiniment de notre affliction ; Dieu soit béni éternellement pour tant de
miséricordes qu'il y a mêlées, et me fasse la grâce d'en faire mon profit, car,
certes, je le désire bien, ma très-chère fille, et de savoir un peu de vos
nouvelles et de celles de nos jeunes novices que je chéris cordialement. Je ne
peux écrire à pas une de nos bonnes Sœurs, n'en ayant le loisir, car l'on vient
de me dire cette occasion, et voilà qu'il faut aller dîner ; mais, certes,
mon enfant, je ne saurais de bon cœur laisser passer l'occasion de vous dire un
mot que je ne le fasse. Or, sachez que ma misère est si grande que, depuis ce
dernier coup, je ne sus me remettre en ma joie ordinaire ; quoique, grâce
à Dieu, j'aie mon esprit en repos et tranquillité, et content en l'ordre de la
divine volonté que j'aime chèrement en cette douleur et privation de ma pauvre
petite très-chèrement aimée.
Nous donnons le voile [noir] à nos deux Sœurs de Sales et d'Avise le
jour de Saint-Michel, et le jour de Saint-Jérôme on consacre notre église. L'on espère toujours que la Visitation sera
établie à Grenoble. [Le reste
n'est pas lisible.]
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [221]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Même sujet. — Éloge de la jeune baronne.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, septembre 1617].
Il est vrai, cette divine Bonté a percé et outre-percé mon cœur d'une
extrême douleur à la mort de ma fille de Thorens ; mais que puis-je faire
que baiser amoureusement la chère main qui m'a donné ce grand coup ? Bénie
soit-elle éternellement ! Il est vrai, cette fille était la plus aimable
et la plus sage qui se puisse trouver en son âge ; j'admirais son extrême
vertu et j'avais une consolation incroyable de la voir résolue avec tant de
fermeté de se dédier entièrement à Dieu. O bon Jésus ! je ne méritais pas
une telle compagne, et peut-être qu'il n'était pas expédient pour elle et pour moi
que nous jouissions en cette vie de tant de douceurs et contentements que nous
en eussions pris l'une avec l'autre. Enfin elle jouit du souverain bien que je
lui ai toujours souhaité, et Dieu a environné cette affliction de tant de
miséricordes et de faveurs, que m'oubliant tant que je puis de ma juste
douleur, je le bénis et le remercie de ce bénéfice que je tiens très-cher. [Le reste a été coupé].
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [222]
LETTRE CXIX (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
La Sainte sollicite l'entrée d'une nouvelle prétendante.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 17 septembre 1617].
Je vous fais seulement ce billet, ma très-chère Sœur ma mie, pour vous
dire que madame Léotard, de Grenoble, désire se retirer en votre maison pour
lui servir de passage au dessein qu'elle a de se consacrer à Dieu ; elle
nous a instamment priée de lui faire avoir cette grâce ; c'est pourquoi
Monseigneur et moi, nous vous en prions. Je vous fais ce billet sans jour ni
loisir, et ne suis assurée par qui nous vous l'envoyons. Si c'est le révérend
Père Raymond, assurez le que je suis toute sienne en Notre-Seigneur. Adieu, ma
toute très-chère fille ; vous savez ce que je vous suis et à votre troupe.
Conforme à une copie de l’original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Elle exprime de nouveau sa douleur de la perte de la
baronne de Thorens et parle d'une croix envoyée pour l'église par la duchesse
de Mantoue, infante de Savoie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617].
La paix de Notre-Seigneur avec son éternelle bénédiction [223] soit pour jamais au milieu de votre cœur,
mon vrai très-cher Père ! Certes, la médecine spirituelle que ce bon
Sauveur nous adonnée a fait encore aujourd'hui son opération avec la
corporelle ; mais l'une et l'autre avec tant de douceur, que je n'en
ressens que fort peu de lassitude. Voire même, mon unique Père, je me sens
soulagée de ces maux de cœur, et mon esprit reste tout plein de douceur et de
suavité dans sa soumission et son amour en la divine volonté, laquelle j'ai
toujours plus de désir de voir régner souverainement en notre sainte unité.
Mais, mon Dieu ! nonobstant cela, je vois et je sens combien cette
fille était véritablement l'enfant parfaitement aimée de notre cœur ; elle
le sera toujours, le méritant, ce me semble. Ce m'est un soulagement nonpareil
dans cette douleur, de sentir cet amour où vous l'avez placé, comme une goutte
d'eau précieuse dans un grand océan.
Je me soulage encore de vous dire ceci, mon unique et très-bon
Père ; Dieu soit loué ! mais je le dis de toute mon âme, en paix, en
douceur, et avec une très-grande connaissance et reconnaissance de la grâce que
sa Bonté nous a faite de nous donner une telle enfant et de l'avoir attirée à
soi si heureusement.
Vraiment, cette croix est très-précieuse, et celle de madame la
duchesse bien riche, et pour sa valeur, et pour
l'honneur du témoignage de sa protection. Je le veux bien dire à tout le monde,
car il nous vaudra.
Mais pour un peu de temps, il me semble que je devrais me retrancher de
parler tant de feu notre pauvre petite ; car le contentement que j'y
prends me laisse toujours de [224]
l'attendrissement. Mon Père, mon unique Père, et tout ce que vous savez que
vous m'êtes, ceci me sera un petit restaurant de vous avoir un peu parlé, car
enfin tout ce qui est çà-bas de créé n'est maintenant rien du tout pour moi en
comparaison de mon Père très-cher, Monseigneur, votre très-humble, etc.
SUPÉRIEURE À LYON
Affaires de l'Institut. — La reconnaissance due à M.
Austrain oblige à user de compassion envers sa fille.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, ce 10 octobre 1617].
Peut-être que ces lettres que je vous supplie d'envoyer à Moulins
arriveront trop tard, et que ma Sœur de Gouffier sera déjà en chemin ;
mais faisant ce que nous pouvons, il faut remettre tout entre les mains de la
divine Providence. Mais, mon Dieu, ma très-chère fille, que nous fûmes consolée
quand nous sûmes que mon cher neveu vous était allé voir, tant pour votre
consolation que pour la nôtre ! car enfin il nous dira grandement de vos
nouvelles, et il nous tarde fort d'en savoir bien amplement. N'en avez-vous
point de Mgr l'archevêque [de Lyon], et n'y a-t-il moyen de savoir promptement
par l'entremise de quelqu'un si nos affaires sont expédiées ou non ? car
enfin nous sommes résolues d'y voir une fin, et d'envoyer un très-digne et
très-affectionné solliciteur qui fera sans doute, avec la grâce de Dieu, bien
et bientôt nos affaires. Or sus, nous n'avons le loisir que pour ce billet. Si
ma Sœur de Gouffier passe à Lyon, faites-le savoir à madame Austrain, afin que,
si elle veut, on lui renvoie [sa fille] par cette commodité, sinon nous la
garderons jusqu'à Pâques. Elle fait un peu mieux [225] avec sa nouvelle maîtresse, ma Sœur
Marie-Adrienne [Fichet] la tient bien court ; certes, nous avons tant de
mémoire et d'affection pour le défunt, que nous faisons tout ce que nous
pouvons. Mille saluts à nos très-chères Sœurs et qu'elles m'excusent ;
mais elles sont trop bonnes pour user de ce mot. Adieu, ma très-chère fille.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
LETTRE CXXII (Inédite) - À
SAINT FRANÇOIS DE SALES
Difficultés survenues à l'agrandissement du clos du
monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 1617].
Mon pauvre très-cher Père, il ne faut laisser de manger de ces bonnes
poires, encore que M. le prieur de... nous ait déclaré une prétention nouvelle
toute contraire à la parole qu'il nous avait donnée de plein abord. Certes, j'ai
été touchée de douleur de voir ce procédé ; mais je crois fermement que
tout se convertira à notre bien, car Dieu est notre espérance et il nous fait
la grâce de cheminer droitement et simplement. Il ne faut donc, mon très-cher
Père, que nous déterminer à nous tourner du côté qui nous semblera être le plus
selon Dieu, afin de commencer à faire ce qui sera besoin. Notre-Seigneur veut
que nous ayons et souffrions doucement cette contradiction. Il nous aidera,
s'il lui plaît, je l'en supplie.
Conforme à une copie de l'original gardé au second
monastère de la Visitation de Marseille. [226]
LETTRE CXXIII (Inédite)
À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD
SUPÉRIEURE À MOULINS
Madame de Gouffier quitte Moulins.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 26 octobre 1617.
Ma très-chère Sœur ma mie, nous venons de recevoir la vôtre du 15 de ce
mois, et avons reçu les précédentes avec toutes celles de madame de Gouffier,
qui nous promettait de partir le lendemain pour aller à Paris. Croyez-nous, ma
très-chère Sœur, que nous la portons sur nos épaules, et n'est point besoin que
vous vous mettiez en peine, ni personne, pour nous représenter son humeur, ni
la nécessité qu'elle parte de là, nous le savons assez, il ne nous reste qu'à
trouver le moyen de l'en faire partir, et Dieu y pourvoira. Elle doit bien
juger par nos lettres que nous ne la désirons plus là. Monseigneur et nous
[227] voulons lui écrire amplement.
Nous la croyions déjà en chemin pour Paris, mais ce bon Seigneur n'est pas ici
et ne reviendra que samedi, de sorte que si madame de Montaret est partie,
comme elle mande qu'elle fera, nous enverrons nos lettres par Lyon ; aussi
bien nous est-il impossible d'écrire tant, parce que le laquais attend ce
billet au parloir, qu'aussi nous nous attendons à un accès de fièvre qui ne
viendra pas, s'il plaît à Dieu, l'heure s'en allant passer.
Pour Dieu, faites ce renvoi le plus sagement qu'il se pourra, s'il
n'est déjà fait. Enfin pourvu qu'elle soit dehors, j'espère que Dieu vous
bénira, et aussitôt que vous en serez délivrée nous vous écrirons ce qu'il
plaira à Dieu nous donner. Mais gardez-vous d'altérer son esprit et la
provoquer à des éclats. Enfin, ma pauvre très-chère Sœur, la très-sainte
humilité et patience n'est jamais abandonnée de Notre-Seigneur. Croyez et
espérez, et ayez compassion de cette pauvre fille ; car ce ne sont que
tentations, et nous savons qu'au fond elle a une très-bonne âme, et puis enfin
Dieu s'est servi de son labeur pour cette petite Compagnie. Il faut toujours
lui en montrer de la gratitude et la traiter avec honneur.
Nous n'avons point vu madame de la Croix, ni reçu de ses lettres, oui
bien les vôtres. Si cette pauvre femme s'en va, je vous prie que nous le
sachions incontinent ; si elle est là et qu'elle sache que nous vous avons
fait ce billet, dites bien cette vérité que nous [ne] voulons lui écrire, la
croyant à Paris, et que, pour ce coup, nous ne le pouvons pour les raisons
ci-dessus. Nous écrirons à toutes une autre fois. — Bien en hâte.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [228]
SUPÉRIEURE À LYON
Souhaits de bénédictions.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617].
Mon doux Sauveur fasse de vous et sur vous sa très-sainte volonté.
Nous venons de recevoir les lettres de Mgr l'archevêque, écrites de
Chambéry ; je crois que vous lui aurez recommandé l'expédition de vos
affaires ; il écrit que vous avez des nouvelles professes qu'il a
faites ; oh ! Jésus en soit béni et glorifié ! Je les conjure,
ces chères filles, de se rendre tant plus simples, pures et parfaites en
l'observance, afin que bientôt elles ravissent le Cœur de leur cher Époux. Mon Dieu ! ma fille, qu'il est
heureux qui ne pense et ne travaille que pour acquérir ou accroître le
souverain amour ! Certes, je désire de mourir ou de ne plus vivre que pour
cela, mais je suis [le reste
manque].
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
La Sainte exhorte la Mère Favre à ne pas refuser
obstinément les soins nécessaires à la conservation de ses forces, et prend
occasion de lui dire qu'elle-même a
failli en ce point.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617].
Vitement ce petit billet à ma très-chère fille, afin de lui donner un
très-cordial bonjour avant que partir de notre cellule ; car à soir bien
tard le bon Père nous dit qu'il allait à Lyon, et nous ne saurions laisser
passer une occasion sans vous dire peu [229] ou prou, car enfin vous êtes la très-chère grande fille de mon cœur.
Mon neveu est retourné tout consolé de votre visite, il nous en entretint une
petite heure avec Monseigneur ; mais il nous avait promis de le faire
encore bien plus amplement. Hélas ! il nous dit que vous alliez vous
rendant fort maladive, cela nous tient fort en peine, car enfin la force et
santé corporelle nous est nécessaire à nous autres, ma très-chère fille ;
mais ne vous rendez pas obstinée comme j'ai fait autrefois. Pour l'amour de
Dieu, laissez-vous gouverner, vous ne sauriez faire un meilleur service à nous,
ni de meilleure édification à vos filles. Souvenez-vous du trouble que j'ai
donné pour cela, et faites comme maintenant je fais, par la grâce de Dieu, qui
m'a enfin fait connaître ma faute. Recevez fort simplement tout ce que l'on
vous donnera, et faites ce que l'on voudra, je vous en conjure, ma très-chère
fille, et ne faites pas le contraire sous quelque prétexte que ce soit.
Bonjour, je n'ai pas le loisir.
Dieu
soit béni !
Je ne sais si vous avez reçu un billet que nous vous avons écrit, où
Monseigneur et moi vous priions de retirer madame Léotard, si elle vous en
priait.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [230]
SON NEVEU
Sur la mort de la baronne de Thorens. — Douleur de la
Sainte en apprenant le péril que courait l'âme de son fils.
VIVE †
JÉSUS !
[Annecy] 6 novembre 1617.
Hélas ! mon très-cher neveu, je pensais bien, que vous saviez déjà
la mort de ma chère défunte, car cinq jours après son décès nous en annonçâmes
la nouvelle à Mgr de Bourges. Je vois et crains que les lettres ne soient
perdues. Il est vrai, mon enfant, que ce m'a été et est encore une extrême
douleur de me voir privée de la présence d'une si chère et aimable fille, mais
j'adore et embrasse de tout mon cœur cette divine volonté qui me l'a donnée.
Puis la sainte et heureuse mort de cette chère âme me donne une grande
consolation, là où l'âme de votre cousin me donne une affliction de désolation,
et en suis si infiniment touchée que je ne sais où me tourner, sinon du côté de
la souveraine Providence, et là, abîmer toutes mes volontés, renonçant même
entre ses mains le salut et l'honneur de cet enfant à demi perdu. Oh !
douleur et affliction incomparables, mon très-cher neveu ! il n'y en a
quasi point d'égale. Si je n'étais arrêtée d'une violente fièvre quarte, je
fusse déjà partie pour l'aller ôter de là où il est. Je lui mande qu'il me
vienne trouver. S'il ne le fait, je conjure Mgr de Bourges de le faire aller à
lui sous quelque prétexte, et le retenir jusqu'à ce qu'il vienne à Nantua.
Hélas ! il le faut aider, mon très-cher [231] neveu, je vous conjure d'aider à cela. Je ne
puis passer outre, tant les larmes m'aveuglent, et la douleur de toutes parts
m'a saisie. Faites prier pour lui toutes ces bonnes âmes qui sont là et
cheminent fermement en la crainte de Dieu. Mon très-cher neveu, je supplie sa
Bonté vous combler de bénédictions et suis invariablement votre plus humble
tante et servante en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Sœur J. F. Frémyot,
de la Visitation.
Mille saluts à tous ceux de la maison.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Lyon.
SUPÉRIEURE À LYON
Se confier à la divine Providence dans les afflictions,
les considérant moins que le Cœur de
Celui qui les envoie. — Projet de départ de M. de Sainte-Catherine pour Rome,
en qualité de solliciteur des affaires de l'Institut. — Grande importance que
la Sainte met à l'étude du Catéchisme.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 25 novembre 1617.
Ce sont des fruits de la très-sainte croix, ma très-chère fille, que cette
âpre mortification que ce bon... vous a faite ; eh ! Dieu nous fasse
la grâce de faire profit de toutes les mortifications qu'il nous enverra. Ma
chère fille, que vous êtes heureuse ! car voilà que le divin Sauveur vous
donne charge sur charge ; sa Bonté vous donne sa sainte force ! Il le
fera, ma fille, puisque de toute votre âme vous vous abandonnez entre les mains
de sa divine Providence, et que vous n'avez point d'autres bras pour vous
porter que les siens, et point d'autre sein pour vous reposer que le sien tout
aimable. Demeurez là, ma très-chère fille, comme une douce colombe, toute
simple et toute tranquille ; ne [232] regardez point vos afflictions, mais le Cœur
de Celui qui vous les envoie. Certes, on a pleuré céans cette chère
défunte, et a-t-on prié pour elle : j'en suis toutefois consolée, car quel
plus grand bonheur à cette âme innocente et pure que d'aller trouver son
Sauveur ? Aimez son repos, ma très-chère fille.
Je vous écris sans loisir de pouvoir revoir vos lettres, pour ne point
perdre cette occasion ; croyez, ma fille, que si nous sommes fidèles à
notre vocation, et que nous ne recherchions en nos petits services que la pure
gloire de Dieu, que sa Majesté nous exaltera. Monseigneur veut que l'on fasse
encore cette recharge avant que d'envoyer à Rome M. de Sainte-Catherine qui
sera admirable solliciteur. Dieu nous aidera, ma fille ; mais il faut nous
tenir humbles et patientes, et nous laisser fouler aux pieds. Monseigneur
espère que cette recharge avec les règles et témoignages que l'on rend fera le
coup. Si Mgr l'archevêque trouvait bon de faire de sa part une nouvelle
recommandation à ce gentilhomme qui sollicite pour lui (afin qu'il se tînt uni
au Père procureur des barnabites, en cette sollicitation), je pense que ce
serait à propos, car de lui demander qu'il envoie les attestations de la maison
de Lyon, comme l'on a fait de celle de deçà, je crois que ce serait temps
perdu. M. le prince a eu des réponses que de son côté l'on poursuivra
chaudement. Oh bien ! ce que nous pouvons est fait, et pour tout bien
rencontrer le reste, il le faut laisser à la divine Providence, et la supplier
continuellement de conduire et nouer cette besogne selon sa très-sainte
volonté ; j'espère que dans peu de semaines nous en aurons des nouvelles.
Monseigneur partit hier, et me manda de faire fort ses excuses vers
vous de ce qu'il ne vous écrit point, il le fera dès Grenoble. Il ne s'est
jamais ouï parler d'un tel accablement d'affaires ; nous parlâmes de notre
vœu d'obéissance, et il [233]
trouve que Dieu l'agréera ; il me demanda comment vous avez reçu cette
rude mortification, mais je ne l'ai su dire, hélas !
Il est vrai, ma chère fille, nous lisons quatre fois la semaine le
catéchisme à nos Sœurs ; que si quelqu'une voulait savoir
autre chose que ce qui est dans le livre, j'arrêterais son esprit, désirant
qu'elle et moi assujettissions nos entendements à ce que nous lisons, sans
passer outre ; et ainsi, je leur fais grand bien, car il y a bien de
l'ignorance parmi nous autres.
Je vous remercie mille fois, ma très-chère fille, de vos belles
bougies ; elle nous sont bien commodes, mais une suffit abondamment pour
un an, nous n'avons point vu les grains bénits. Faites tenir promptement et
sûrement le paquet de Dôle, s'il vous plaît. En voilà un de Mgr de Paris. Ma
mie, je suis uniquement toute vôtre, et salut à tous. Ce jour de sainte
Catherine.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Nous sommes trop peu de chose pour rendre des services à
Dieu ; mais il faut lui laisser faire de nous selon son bon plaisir.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1617]
Oh ! qu'à jamais notre très-bon et doux Sauveur soit la force et
la vie de votre chère âme, laquelle, en vérité, je chéris d'une [234] sorte si spéciale et particulière que
personne ne va au delà. J'excepte ce que vous savez, qui ne reçoit point de
comparaison. Mon Dieu, ma Sœur, hâtons-nous d'aimer par une très-fidèle
obéissance ce très-aimable Sauveur. Non, nous ne saurions lui rendre du
service, nous sommes trop peu de chose ; mais, au nom de sa Bonté,
laissons-le faire de nous tout ce qui lui plaît ; dépendons si absolument
de lui et de sa Providence, que nous ne nous attendions qu'à cela.
Je vous fais ce billet sans loisir, mais il a fallu, pour contenter mon
cœur, saluer le vôtre. Adieu et bonjour, ma toute chère Sœur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [235]
Demande d'un court entretien pour l'arrangement d'une
affaire temporelle.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Mon très-cher Père,
Si vous venez aujourd'hui, il faudra que vous me permettiez, s'il vous
plaît, de vous dire une douzaine de paroles au parloir d'en bas ; et si
vous trouvez bon que nous concluions l'affaire avec M. de Conflans, il faudrait
que demain, après dîner, je les pusse voir, je veux dire M. de Conflans et M.
Flocard, mais un peu de bonne heure, à cause de mon accès [de fièvre].
Bonjour, mon très-cher Père ; Dieu soit notre aide et notre
force !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Aimable et confiante réflexion. — Elle parle de quelques
prétendantes de Grenoble qui arrivaient à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Monseigneur,
Jésus Notre-Seigneur comble votre cœur et le mien de ce très-pur amour
que nous désirons tant ! Mais combien y a-t-il, [236] mon très-cher Père, que nous n'avions envoyé
de petits billets par la sœur À. J. ! Enfin, nous devenons encore plus
braves et bien mortifiées. Vous voyez que je suis en joie, et j'en dirais bien
davantage, si cette Jacquement [Anne-Jacqueline Coste] ne voulait aller
acheter du blé.
Voilà donc l'occasion qui nous a été favorable, et je crois que ces
lettres sont de M. et de Mme de Bouqueron. Nous n'avons point vu ces
chères Grenobloises, nous les attendons ; mais voyez, mon
très-cher Père, comme il vous plaira que nous voyions le bon M. Dulme ; car de s'en passer, ce serait chose
dure. Dites-nous donc s'il montera à nous, ou si nous descendrons à lui.
Et bonjour mille millions de fois, mon tout cher et très-unique Père.
Jésus notre Sauveur veuille, par sa bonté, vous élever au rang de ses plus
grands Saints ! Amen, mon Père, mais mon très-cher Père.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Achat de moulins.
vive † jésus !
Annecy, 1618.
Mon très-cher Père,
Nous demeurâmes hier d'accord avec M. de Conflans pour le [237] rachat des moulins, sauf la réserve que nous désirons, que
l'achat courant qui se fera de nos deniers nous demeure spécialement
hypothéqué ; il veut bien pour la première emplette, mais venant à le
retirer et employer à autre chose, il veut faire librement et sans notre
consentement, ce qu'il dit qu'il ne pourrait faire, si nous faisions la réserve
générale ; je ne sais si vous m'entendez, car je ne dis guère bien. Il
promet de faire ratifier sa maintenance à M. son père, à cause de leur
substitution ; mandez-nous votre avis là-dessus, mon très-cher Père, s'il
vous plaît, et nous donnez licence de faire entrer deux prud'hommes qui doivent
venir visiter notre jardin et verger pour accorder des [mots illisibles] que l'on nous en demande. Certes, mon très-cher Père, je porte nos
hôtes sur mes épaules, tant ils me fâchent ; mandez-moi si j'oserai dire
absolument que l'on s'en aille quand le laquais sera venu. Bonjour, mon unique,
mon très-cher Père. Jésus soit la seule vie de votre cœur et du mien.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Elle confie Celse-Bénigne à sa direction.
VIVE † JÉSUS !
Annecy, 1618.
Je ne pouvais quasi plus durer, mon très-cher Père, sans avoir un peu
de vos nouvelles. Il ne faudrait pas traiter avec ce garçon maintenant, autrement que vous le faites ; mais,
Dieu [238] aidant, j'espère que
son esprit se rassérénera, et qu'avant qu'il parte, il vous ouvrira le chemin
d'une plus cordiale familiarité pour son utilité. Hier, je ne lui parlai qu'en
commun ; aujourd'hui, je dois lui découvrir ses plaies. Mon très-cher Père,
dites la sainte messe à cette intention, afin que Dieu m'assiste et lui touche
le cœur ; je ne pourrai m'empêcher de vous mander ce qui se sera passé. Je
serais bien aise que vous entreprissiez un peu ces autres messieurs en
particulier. J'espère que Dieu nous aidera, mon très-cher
Père ; il faut que je vous dise que c'est la façon de ce garçon de se
tenir réservé vers les personnes d'autorité et de respect ; néanmoins, je
m'assure qu'il s'apprivoisera plus, avant qu’il parte.
Dieu soit notre aide et notre seul amour ; mon très-cher Père, il
ne faut venir que samedi.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
[Cette lettre mérite d'être placée ici, vu les détails
qu'elle renferme.]
Annecy, 1618.
Dieu soit à jamais notre tout, ma très-chère et bien-aimée Mère. Nous
vous dirons un peu des nouvelles de notre très-chère Mère [de Chantal], car
nous savons bien qu'une des plus grandes consolations que vous puissiez
recevoir, c'est d'en avoir souvent. Nous voudrions bien les donner bonnes, pour
votre consolation et pour la nôtre ; mais Notre-Seigneur ne le
[239] veut pas encore, puisqu'il lui
laisse cette fièvre quarte, laquelle l'abat fort, bien qu'elle ne soit pas trop
violente. Sa défluxion l'a grandement travaillée ; elle lui donne des
grandes douleurs de dents. Nous croyons qu'elle ne vous pourra pas écrire,
parce que le messager nous a averties trop tard. Elle vous salue
très-amoureusement comme sa chère première fille, qu'elle aime fort tendrement.
Il nous semble que vous demeurez trop sans lui écrire, et sans nous faire un
peu part de vos nouvelles. Nous attribuons ce silence à ce que vous nous
écrivîtes la dernière fois, qui est, disiez-vous, que l'on vous avait annoncé
que notre chère Mère avait défendu d'écrire plus de deux fois l'an. Nous ne
savons qui a pu vous dire telle chose ; mais nous n'en avons pas ouï
parler ; les supérieures ne sont pas comprises en cela ; mais vous le
savez bien, ma très-chère Mère. Vous savez bien aussi que nous sommes toutes
vôtres, et que nous vous chérissons de tout notre cœur, plus que nous ne vous
pourrions exprimer. Nous oubliions de vous dire encore quelques particularités
de notre chère Mère pour vous tenir plus en repos : c'est que depuis que
sa fièvre quarte l'a reprise, elle ne laisse pas d'être à toutes les assemblées
de nos Sœurs et d'aller à la messe, et de communier fort souvent et faire son
ouvrage. M. le baron, son fils, est ici, qui l'est venu voir. Certes, il fait
bon le voir ; il ressemble fort à feu M. de Thorens. Mademoiselle de
Chantal ne est si en œuvre qu'elle ne le peut quitter.
Voilà tout ce que nous vous pouvons dire pour cette fois. Toutes nos
chères Sœurs vous saluent, et nos chères novices tout particulièrement ;
notre chère Mère trouve qu'elles font fort bien toutes ; c'est cela que
nous désirons grandement pour la gloire de Dieu. Croirez-vous bien, ma chère
Mère, que nous n'avons point de satisfaction en cet office [de directrice],
sinon celle de l'obéissance ? et, certes, nous en avons bien le sujet, ce
sont de bonnes filles. Il faut vous dire que ma Sœur Anne-Marie [Rosset] fait
fort bien en sa charge d'assistante avec [240] une grande utilité, et ma Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche], en
celle d'économe. Certes, toutes font fort bien, Dieu soit béni. Dites-nous un
peu de la ferveur de vos chères novices, comme elles s'avancent en la
perfection ; car nous croyons qu'elles font un grand chemin. Elles ne
peuvent de moins, ayant une si bonne mère et maîtresse. Nous les saluons toutes
de tout notre cœur et vous tout particulièrement, ma chère Mère, car nous
sommes de tout notre cœur votre très-humble fille et servante,
P. M. de
Chatel, de la Visitation.
Dieu
soit béni !
Post-scriptum écrit de la main de la Sainte. — Mon Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, que
nous avions bien résolu de vous écrire, au moins une bonne petite lettre ;
mais, las ! nous sommes toujours infirme, et aujourd'hui nous nous sommes
trouvée si mal de la défluxion que nous ne pouvons, sinon vous saluer et
embrasser en esprit de tout notre cœur et toute votre chère troupe ; il
nous tarde de la savoir augmentée. Dieu, par sa douce bonté, la multiplie à sa
gloire. Nous vous envoyons tous les Entretiens que Monseigneur nous a faits
depuis notre retour de Lyon ; celui sur la règle est admirable. Le doux
Sauveur vous tienne sous sa protection et vous comble de bénédictions avec nos
chères Sœurs. Adieu et bonsoir, ma toute chère fille.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [241]
SUPÉRIEURE À LYON
Souhaits affectueux pour des Sœurs malades. — Elle donne
des nouvelles de sa santé et demande des prières pour son fils.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Vraiment, ma très-chère fille, à ce coup nous trouvons le temps long
d'attendre de vos nouvelles, et de vos pauvres malades que nous supplions
Notre-Seigneur de vouloir guérir, pour sa gloire et votre consolation.
Hélas ! qu'elles sont heureuses de porter avec tant d'amour et de douceur
la croix que le divin Sauveur leur a imposée ! De vrai, ma fille, ce sont
de bonnes épreuves que les grosses maladies, et des occasions grandes pour
s'enrichir et affermir aux vertus, quand l'on y est fidèle. Or nous ne disons
point ceci, en vérité, pour avoir été assez longuement mal, car Notre-Seigneur
nous traite en faible ; et puis, certes, nous n'avons rien profité, sinon
à reconnaître notre grande misère, et avoir un peu plus de soin et de
compassion des pauvres malades ; voilà que ce bon Dieu nous a encore
garantie de notre fièvre quarte ; qu'il soit béni et nous fasse la grâce
de le mieux servir avec le peu de santé qu'il me laisse.
Nous avons vu mon fils, et pensons qu'il sera passé vers vous, dès
Grenoble, où il était ; mais nous ne savons encore ce qu'il en sera
réussi. Dieu lui soit en aide ! nous le recommandons à vos prières, ma
très-chère fille, et à celles de la chère troupe, que je prie Dieu de remplir
de sa grâce ; je les salue toutes très-chèrement, mais à part notre pauvre
petite cadette que j'aime bien, et ma très-chère grande fille plus que toutes.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [242]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Elle s'excuse de ne pouvoir écrire à quelques Sœurs, et
les prie de chercher sa réponse dans la méditation de leurs saintes règles.
[Annecy] 30
janvier 1618.
O vrai Dieu ! ma très-chère fille, que nous aurions grand désir de
vous écrire longuement, et à ces chères âmes qui nous écrivirent il y a
quelques mois ; mais c'est chose quasi hors de mon pouvoir, et qui ne nous
serait pas permise. Or sus, pour toute réponse à toutes vos grandes lettres,
nous vous renvoyons à nos chères règles qui doivent être notre sûr guide.
Considérez tous les mots et syllabes, et vous trouverez plus que nous ne
pourrions vous dire. Enfin, la très-sainte humilité, douceur et modestie
doivent accompagner toutes nos paroles et actions, voire nos pensées.
Quand notre bon Dieu nous aura remise en santé, s'il lui plaît de nous
la rétablir, croyez, ma très-chère Sœur ma mie, que nous ne manquerons pas de
vous répondre distinctement ; car enfin vous êtes et serez toujours ma
très-chère ancienne et bonne Sœur, que nous aimons de tout notre cœur. Faites
bien nos excuses à ces bonnes filles qui nous avaient écrit et à M. de
Mosdière ; c'est impossible d'écrire longuement à cette heure.
Monseigneur ne sait pas que nous vous écrivons ; il se porte
très-bien, grâce à Dieu. Adieu, ma très-chère fille ; nous vous saluons et
embrassons en esprit de fout notre cœur et toutes nos chères Sœurs.
Dieu
soit notre tout !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [243]
SUPÉRIEURE À LYON
Désir d'une fondation à Grenoble. — Commissions pour
différentes personnes.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy,] 15 février 1618.
Ma pauvre très-chère fille, il y a si longtemps que nous ne vous avons
écrit, que j'en étais ennuyée, et faut que je le fasse maintenant tout en
courant, pour vous dire que vous m'êtes très-uniquement chère, et que, puisque
ces petits maux continuent, il faut acquiescer aux conseils du bon M. N..., et
bien croire et suivre le gouvernement de votre petite directrice. Mais quant à
nous, nous ne croirons pas, pour le coup, celui de Mgr de Lyon, de ne pas
prendre une maison à Grenoble, si l'on nous en veut donner une ; mais il
ne lui en faut rien dire car aussi n'est-ce pas chose si prête.
Je vous prie, ma chère amie, faites tenir sûrement ce paquet à Mgr de
Bourges et celui de M. Favrot. Vous nous obligerez de nous renvoyer nos
règles : faites-le, je vous prie, à la première occasion ; elles nous
font faute. — À ma très-chère Sœur Barbe-Marie, je dis à l'oreille de son cœur
que je la chéris de toute la force du mien. À la petite cadette de la chère
mère et à toute la chère troupe, mille saluts. Certes, mon enfant, il faut
finir : quand bien j'aurais du loisir pour écrire davantage, je ne le
pourrais pas, mon bras ni ma main n'en pouvant plus. Je me porte bien du reste,
nonobstant les accidents, et suis toujours toute amoureuse de ma grande chère
fille. Promptement, je vous prie, faites que si M. Vaillascot n'a envoyé les
contours pour notre tableau, qu'il les envoie ; M. le marquis le lui a commandé.
Vive
Jésus ! [244]
[P. S.] Saluez très-humblement de ma part le Père
Marcellin et le Père Raymond, et ma Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette].
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Le bon esprit et la bonne réputation sont des conditions
nécessaires pour être reçue dans un monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
[Les premières lignes manquent dans l'original.]
Il nous est impossible de recevoir cette bonne fille dont vous nous parlez,
au moins maintenant ; car notre famille est trop grande, trop chargée de
dettes et de pauvreté pour cette heure ; mais si je la vois en passant à
Lyon et qu'elle nous revienne bien, nous la pourrons amener.
Quant à cette pauvre femme que son mari a quittée, je prie Dieu qu'il
la touche et convertisse à lui ; nous voudrions bien lui faire la charité
pour l'amour de Dieu, et particulièrement pour le respect de la bonne et
vertueuse mademoiselle N..., que j'ai tant envie de servir, mais c'est chose
impossible et qui ne nous serait permise, outre le tort que pourrait recevoir
la maison, à cause que la chose est publique, il ne faut jamais parler de cela.
Oh ! ma fille, il me semble que j'ai tout répondu, tant à vos
lettres qu'à celles de ma Sœur Barbe-Marie. Bientôt il est midi, c'est pourquoi
je vais dîner, s'il plaît à Dieu, en attendant de vos nouvelles qui me
tarderont, car j'aime, je chéris, et suis [245] tendre de votre cœur, comme de ma vraie grande fille. Adieu, je suis
lasse et sans loisir.
Dieu soit béni !
Mille saluts à M. de Saint-Nizier. Il nous tarde de savoir des
nouvelles de Rome. Oh ! Dieu nous aidera, s'il lui plaît, ma toute chère
fille.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Affaires de famille.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Vous demanderez donc les bagues à Mgr de Bourges, mon très-bon et
très-cher Père, et encore, qu'il assure (au mieux qu'il pourra) la pension
qu'il donne à son neveu ; car M. N... le désire bien fort. Certes, il nous fâche de vous savoir prendre cette
peine, car, si je ne me trompe, vous êtes fort abattu et las. Mon pauvre
très-cher Père, Dieu soit votre force ! Eh ! je supplie notre grand
et très-bon Sauveur de remplir votre chère âme de l'amour de sa très-sainte
Passion, et de la passion de son plus saint et très-pur amour.
Puisqu'il faut que vous ayez la peine d'écrire pour ce sujet, écrivez
de bonne encre à Mgr de Bourges ; je vous en supplie, mon très-cher Père
mon unique Seigneur. Jésus vous rende très-saint. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [246]
LETTRE CXXXVIII (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Elle lui annonce son départ pour la fondation de Grenoble.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 29 mars 1618.
Vraiment, je n'ai pas le cœur de refuser cette occasion de vous saluer
très-cordialement, ma très-chère et toute bonne fille ; elle me prend dans
le lit. Vous n'aurez donc que ce billet qui vous annoncera que nous nous
portons toujours mieux et espérons en ce moment de mener nos Sœurs Cl.-Agnès,
M.-Françoise et M.-Antoine à Grenoble. Nous enverrons votre voile par le sire
Pierre : il est fait quasi. Il y a force or de reste, que l'on vous payera
par Monseigneur. Bonsoir derechef, ma chère fille, et à toute la chère troupe.
Je me réjouis du soulagement des pauvres malades. Saluez le bon M. de Médio, et
de Saint-Nizier. Toute vôtre en Jésus. Avez-vous reçu notre paquet pour
Bourges ? je vous le recommande.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry [247]
Arrivée de la Sainte à Grenoble. — Elle nomme les Sœurs
fondatrices qu'elle y laissera et prie la Mère Favre de l'avertir si son
passage à Lyon est nécessaire. — Recommandations diverses.
VIVE † JÉSUS !
Grenoble, 20 avril 1618.
Nous voici donc, ma très-chère fille, en cette brave ville, où sans doute les pauvres et les riches
témoignent de la joie de nous voir. Je ne vous dis rien de la joie et
empressement de notre pauvre très-chère Sœur Barbe-Marie ; c'est chose
inexplicable, et des charités qu'elle fait à cette maison, qui ne vit que
d'aumônes, tant l'on y en fait. J'espère que plusieurs bonnes âmes profiteront
autour de nos Sœurs.
Nous laissons pour supérieure ma Sœur Péronne-Marie [de Châtel]. Ses
aides seront : la petite et tout aimable Sœur Marie-Françoise [de
Livron],et la grosse fille Marie-Marguerite [Milletot] ; ma Sœur
Marie-Antoine Tiolier est pour la cuisine. Nous ramènerons ma Sœur Claude-Agnès
[Joly de la Roche]. Écrivez, je vous prie, une bonne, cordiale et courageuse
lettre à la chère Péronne ; car vous savez qu'elle est de naturel
craintif ; mais c'est une fille toute d'or et digne de la charge qu'on lui
donne. J'espère qu'elle fera ici une maison de solide vertu. Hélas ! ma très-chère
fille, je vous écris sans loisir de bien penser à ce que je voudrais vous dire.
Vous nous conjurez d'aller repasser vers vous. O Dieu ! quelle consolation
serait-ce à mon âme de revoir un peu le cœur de ma très-chère grande fille que
j'aime si uniquement, et celui de ses autres filles tant aimées ! Je vous
[248] dis donc, ma très-chère fille,
que si vous avez quelque notable nécessité de ma présence, nous vous verrons si
vous le voulez ; car, quant à l'affection de notre part, elle est
incomparable ; mais je vous parle ainsi, notre très-digne Père me l'ayant
commandé, sur la considération qu'il fit de la nécessité des affaires de cette
nouvelle maison, et de celle de Nessy, dans laquelle nous sommes nécessitée
d'être pour l'Ascension, ou, au fin plus tard, le samedi matin d'après, pour
des affaires qui seraient trop longues à vous dire. Voyez donc, ma très-chère
fille, ce que vous voulez que je fasse, et me commander tout librement, je vous
en supplie, en cette occasion ; mais faites-le, ma fille très-chère, je
vous en conjure. Que si vous vous résolvez de nous voir, ne le faites savoir à
personne du monde, afin que ces deux ou trois jours que nous pourrons être près
de vous soient libres, et pour vous seule. Or, voilà parler comme je dois à ma
très-chère fille ; reste que vous nous avertissiez de bonne heure de votre
résolution. Que si vous délibérez que nous n'irons pas, écrivez-nous tout au
long de votre novice dauphinoise, et nous vous répondrons ce que Dieu nous
donnera, comme sur tout ce que vous nous manderez.
Si vous n'avez acheté les soies pour Nessy, et que vous vouliez que
nous allions là, retardez encore, car nous les choisirions bien ; sinon,
je vous en prie, que l'on suive bien les montres et le mémoire ;
incontinent vous en aurez l'argent. Bonjour, ma très-chère fille, je ne puis
écrire davantage. La chère petite cadette que j'aime tant m'excusera bien, et
les autres filles. O Dieu ! j'oubliais de vous dire que si ma Sœur
Anne-Marie, en sortant, ne laisse 50 livres, ou au fin
moins 40 sur sa pension, nous ne prendrons point sa sœur ; [249] car, certes, notre maison de Nessy est trop
pauvre, et n'avons en ceci nulle obligation de le faire, que pour l'amour de ma
très-chère Sœur Barbe-Marie ; mais je connais bien son cœur qui aimera
toujours mieux l'utilité et contentement de notre maison, que la préférence
d'une personne particulière. Bonjour, ma très-chère fille, de tout mon cœur.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CXL (Inédite)
- À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET
ASSISTANTE À ANNECY
Commissions et souhaits.
VIVE † JÉSUS !
Grenoble, 1618.
Ma très-chère fille,
Dieu vous comble de bénédictions et toutes mes très-chères Sœurs, que
j'aime avec vous parfaitement de tout mon cœur. Mandez-nous par le retour de ce
porteur de vos nouvelles et du bâtiment. Je n'ai nul loisir, mais toute vôtre
je suis pour jamais en Notre-Seigneur.
Dieu
soit béni !
À ma très-chère Sœur de la Fléchère, à ma Françon et à toutes nos
amies, mille saluts. Je n'oublie pas M. Michel, ni M. Roland, ni nos maîtres
[ouvriers], non plus que ma pauvre Jacquement.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [250]
MAÎTRESSE DES NOVICES, À ANNECY
Les Novices doivent en toute occasion s'adresser à leur
maîtresse et suivre sa direction. — Exemple d'humilité et sollicitude de la
Sainte à provoquer la pratique des vertus de douceur, de simplicité et de
droiture.
VIVE † JÉSUS !
Grenoble, 1618.
J'ai reçu toutes vos lettres, ma pauvre très-chère fille, mais ç'a été
en deux fois, et je vous ai fait réponse aux cinq premières ; maintenant,
j'en tiens quatre pour vous y répondre ce qui sera requis. Il n'y a point de
doute que les novices se doivent adresser pour tout à leur maîtresse ; la
règle le dit, et ne sera que très à propos que, tant qu'il se pourra bonnement,
notre Sœur assistante leur dise par votre entremise ce qu'elle jugera leur
devoir être dit, autrement cela leur nuirait grandement. Oui, vous faites bien
de me dire les choses principales ; mais faites fort mal de m'appeler sainte ;
confessez-vous-en, et [251] n'usez
jamais de ce mot. O grand Dieu ! je ne suis qu'un abîme de toutes misères.
Vous faites bien de faire votre charge de directrice tant que vous
pourrez ; la faiblesse humaine est grande ; ayez soin pourtant de ne
rien faire qui nuise à votre santé. Dieu bénisse vos remèdes ; j'ai
grand'peur qu'ils ne vous laissent malade, mais en tout il faudra être contente
du bon plaisir de Dieu.
Vous vous pouvez bien tromper, ma fille, en l'opinion que la Sœur
assistante n'en use pas assez franchement avec vous ; ne vous arrêtez pas
en cela, et allez votre train à la bonne foi. Le bon M. le sénateur n'avait-il
pas raison ? Saluez-le de ma part, mais avec tout le respect et affection
que vous pourrez. Je vous vois fort malade, et certes, cela me tient en
peine ; or il faut tout bien dire au médecin, et lui obéir sans réserve.
Je le salue de grand cœur, le bon homme. Et votre infirmière ; mais d'où
vient que je n'en ai point eu un brin de nouvelles ? O Dieu ! que je
l'aime pourtant, et que je la conjure de grand cœur de prendre le dessus sur
son cœur, afin qu'elle le conduise à une parfaite douceur et simple observance ;
mais voilà que je vais le dire à cette chère fille Marie-Adrienne [Fichet].
Vous me faites plaisir d'employer la petite Sœur Françoise-Marguerite
[Favrot] ; dressez-la bien, et qu'elle s'avance dans la parfaite modestie
et observance. Si ces chères novices s'attachent toutes à cela et à ce que vous
me marquez, elles iront bien loin, je les en conjure. Ne craignez point de
m'écrire franchement, les lettres viennent tard, mais sûrement. Je voudrais que
vous m'eussiez un peu plus particularisé les causes qui empêchent la capacité
de supérieure, je les pensais plus extérieures qu'intérieures. O Dieu !
faut-il que notre négligence porte tant de préjudice au service de notre bon
Dieu ! Écrivez franchement, et soyez fidèle à cheminer dans une
très-extrême douceur, simplicité et droiture, et avec un support du
[252] prochain incomparable. Regardez à
Dieu en toutes choses et lui soyez fidèle. Il a ses yeux sur votre cœur ;
parlez hardiment avec pleine confiance à notre bon M. Michel, c'est un bon
homme et sincère. Adieu, ma fille ; le grand Jésus vous rende toute
sienne. Amen.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
Recommandation de fuir la mélancolie et d'inspirer une
sainte gaieté aux novices.
VIVE † JÉSUS !
[Grenoble, 1618].
Ma très-chère fille, tenez votre esprit en paix, détournez-le doucement
de cette mauvaise humeur mélancolique, je vous en supplie, mais faites-le, et
que votre dilection s'égaye autour de ces chères novices, agrandissant leur
courage, pour les faire cheminer selon l'esprit de nos saintes règles ;
tenez leur esprit gai et content, car c'est un grand moyen de bien avancer.
Monseigneur sera bientôt à vous. O Dieu ! ma fille, au nom de
Jésus, chassez tous les ombrages de la mélancolie, ayez un cœur tout franc,
tout doux et tendre vers la Sœur assistante ; elle a un bon fonds, mais il
la faut tirer à vous, et vous unir, laissant passer le reste. Ma fille, vivez
joyeuse et contente, mais surtout courageuse et douce. Adieu. Hélas ! que
l'on prie pour nous et pour mes misères particulières.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [253]
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D'ANNECY
Respect de la Sainte pour la parole divine. — Elle insinue
les moyens à prendre pour corriger de la jalousie et de la mélancolie. — Quelle
prudence doit avoir la supérieure dans la direction des novices.
[Grenoble, 1618].
Oh ! bon Dieu, mon bon Père et cher fils, que je voudrais avoir du
loisir pour vous écrire selon mon cœur ! mais il m'est impossible. Ce même
cœur vous assure qu'il vous chérit maternellement, et je suis fort consolée que
vous lui rendiez le bon office de lui envoyer les volontés de son Dieu, qu'il a
témoignées à ces chères âmes pour les faire fermement aspirera Lui, et reposer
en son sein paternel ; car, me voyant toute jetée là, j'en sens une
consolation incroyable, et souhaite le pain de ces divines paroles pour m'en
nourrir ;.je dis ceci avec un sentiment de dilection. Je désire que vous
me contentiez en cela, et que vous viviez de cette manne sacrée. Bon
Dieu ! hé pourquoi, et comment chercher une autre retraite et
assurance ?
Hélas ! mon cher Père, quelle pitié de notre infirmité et
imperfection ! Je vois que ces deux bonnes Sœurs se regardent trop
curieusement l'une l'autre ; elles ont cette condition naturelle. J'ai
pensé que je ne devais pas leur dire moi-même ce défaut, craignant que la
jalousie qu'elles ont de mon affection et de me contenter ne les troublât sur
ce sujet ; mais vous, mon cher Père, faites-le-leur remarquer et les
rendez plus simples, plus ouvertes et plus cordiales l'une envers l'autre. Il
ne leur faut que cela pour les guérir ; car je vois bien que toutes deux
craignent de mal faire. Il faut que notre Sœur l'assistante, qui a, ce semble,
moins de coulpe en ceci, ait une grande compassion à supporter et à divertir
l'esprit de ma Sœur N... Il m'est [254] avis que si elle se rendait familière, cordiale, confiante, un peu
compagne, elle la tirerait de cette mélancolie. Si j'étais là, je ferais
ainsi ; et souvent j'ai soulagé, voire guéri des âmes par ce moyen,
échauffant leur cœur par confiance, leur montrant une grande franchise, et même
leur parlant de plusieurs choses, et leur demandant leurs avis comme si j'en
avais bien besoin, sans leur parler toutefois de leur mélancolie, ni de leurs
difficultés, ni de choses sur quoi elles puissent philosopher, ou qui regardent
le prochain, ou faire soupçonner. Enfin il y a un certain biais que la charité
leur enseignera, si elles le demandent à Notre-Seigneur ; car, comme nous
le disait hier notre très-cher Seigneur, c'est cette divine Bonté qui donne la vraie
science aux âmes humbles.
Mon Dieu ! que cela est bien hors de propos que les Sœurs novices
connaissent que la conformité aux enseignements manque ! c'est chose
d'importance ; ce point est trop important pour être manié à notre
fantaisie. Il faut que la maîtresse conduise ses novices par les exercices
ordinaires de la maison ; s'il arrive quelque occasion sur laquelle elle
ne trouve pas à se résoudre dans les avis de la maison, elle en doit
communiquer à la supérieure, pour apprendre ce qu'elle aura à faire ; mais
pour ce qui est ordinaire, je voudrais que quand les Sœurs qui sont sous la
charge de la maîtresse viennent parler à la supérieure de leur intérieur et de
leurs difficultés, elle leur demandât, avant que de rien répondre, si elles
n'ont pas parlé à leur maîtresse et qu'est-ce qu'elle leur a dit sur ce sujet.
Si elle voit qu'elles sont bien enseignées, qu'elle les confirme et encourage à
suivre cette direction ; si au contraire elle voit que la maîtresse les
fourvoie, qu'elle n'en fasse rien connaître à la novice ; mais, la
confortant, qu'elle la fasse retirer imperceptiblement ; puis qu'elle
aille trouver la maîtresse, afin de [255] communiquer ensemble et la rendre éclairée et affectionnée pour le
service des Sœurs ; me semblant qu'il est toujours mieux, voire
nécessaire, de nourrir l'amour, l'estime et la confiance des novices envers
leur maîtresse. Et tant qu'il se pourrait, je voudrais que la supérieure ne
leur parlât guère que par cette entremise, excepté quand la règle l'ordonne.
Mais j'ai déjà tant écrit cela, que j'espère qu'il se fera ; car, certes,
je vois que notre Sœur l'assistante est d'un très-bon cœur. Il la faut
grandement encourager à se quitter elle-même, et à rechercher avec grande
simplicité et intégrité l'avancement, le repos et la consolation des Sœurs, et
à ne point parler que pour cela ; car quelquefois en nous satisfaisant sur
de certains mauvais petits retours que l'on fait, nous pressons et affligeons
les esprits, quoique nous ne le voulussions pas faire, si nous prenions le
temps de le considérer.
Je vous écris confidemment mon sentiment ; ménagez-le, mon
très-cher Père, selon votre discrétion. Il me semble que de faire passer tout
ceci par l'alambic de votre cœur, et étant dit comme de vous-même, il
n'étonnera pas comme si je le disais moi-même. Certes, il y a bien de la
mortification en cette vie ; c'est pourquoi il faut essayer de tenir le
dessus, espérant une meilleure vie, en laquelle vous verrez clairement que je
suis votre, etc.
ASSISTANTE À ANNECY
Exhortation à suivre la sainte règle et à entretenir les
liens de la plus étroite charité avec les monastères.
VIVE † JÉSUS !
[Grenoble, 1618].
Vous serez toute consolée, ma très-chère Sœur, de voir [256]
Monseigneur et d'entendre comme tout ce peuple ici
espère de profiter au service de Notre-Seigneur par le moyen de cette maison. La
divine bonté nous en fasse la grâce !
Nous sommes fort consolée que ma Sœur Paule-Jéronyme fait bien sa
charge, qui est si importante. J'espère que toutes nos chères Sœurs iront tous
les jours profitant en la voie de Notre-Seigneur, par une très-fidèle et
très-stricte observance de nos saintes règles ; je les en supplie et les
conjure au nom de notre très-doux Sauveur. Je les embrasse toutes en esprit,
avec toute la dilection et sincérité que je puis. Qu'elles continuent à prier,
ainsi que la règle nous enseigne, et tout extraordinairement pour la sainteté
et santé de Monseigneur ; qu'elles ne nous oublient point, ni ces autres
nouvelles et chères maisons, lesquelles, pour être plantées par-ci par-là de la
main de Notre-Seigneur, nous doivent être précieuses et chères comme la nôtre
même, car c'est le vouloir divin que nous demeurions en parfaite unité de cœur,
comme nous le sommes, par sa grâce, d'exercices.
Vous pouvez faire communier une Sœur chaque jour, voire deux, si
Monseigneur le trouve bon. Saluez ou faites saluer, ma très-chère Sœur, tous
nos amis et amies, surtout notre chère madame la présidente [de la Valbonne],
et ma Sœur de la Fléchère quand vous la verrez ; n'oubliez pas ma pauvre
vieille Sœur Anne-Jacqueline, ni nos maîtres [ouvriers], car je les aime bien.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [257]
MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY
La simplicité et la candeur sont louées par la Sainte. —
Conseils pour se conduire à l'égard de la Sœur assistante. — Décisions pour la
maîtresse des novices.
VIVE † JÉSUS !
Grenoble, 26 avril 1618.
Ma pauvre Jéronyme, j'ai vu vos petites difficultés avec la bonne Sœur
assistante. Vous étiez deux enfants, mais je vois par la vôtre dernière que
vous l'êtes maintenant en simplicité et candeur ; voilà ce que j'aime et
que je désire pour le cœur de ma très-chère petite Jéronyme. Il faut continuer
ainsi et ne point faire réflexion sur le passé ; et puisqu'il vous fait
grand bien de me dire bien toutes vos affaires, faites-le, ma fille, car je
suis aussi bien aise de les savoir. Il faut être grandement généreuse à se
supporter et supporter les autres. Oui, parlez hardiment avec la bonne Sœur
assistante de tout ce qui vous semblera à propos, en esprit de charité et de
confiance cordiale.
Dieu soit béni du bon train que vont nos chères novices. les faut
toujours avancer, quoique doucement, et supporter ces petites mouches de
fantaisie qui sont en quelques-unes. Oui, la maîtresse peut parler en cas de
nécessité à l'assemblée, et envoyer une jeune professe quérir son ouvrage, et
les lettres lui doivent être remises ; qui en doute ? Comme aussi de
parler aux novices au grand silence ; mais il faut qu'il y ait de la
nécessité. Si la quantité des novices qu'il faut satisfaire est considérable,
faites en esprit de charité ce que vous penserez devoir en cela.
Vous êtes une enfant que j'aime bien chèrement. Oh ! non, il ne
faut pas aller dire à l'assistante : « Notre Mère ne ferait
[258] pas cela », si ce n'était en
conseil, et avec la nécessité et le respect.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
SUPÉRIEURE À LYON
Elle lui promet de passer à Lyon. — Détails touchant
l'admission d'une prétendante à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Grenoble] 27 avril 1618.
Tout maintenant nous recevons vos lettres, ma très-chère fille et sans
loisir nous vous faisons ce billet pour vous dire que de tout notre cœur nous
sommes vôtre et désirons de vous voir- mais, ma très-chère fille, il y aura
bien de la difficulté à cause du peu de temps ; néanmoins, nous ferons,
Dieu aidant, selon que vous nous le manderez, sur celle que nous vous écrivîmes
l'autre jour.
Quant à la Bellet, c'est à la vérité que nous faisons le tour
purement et premièrement pour Dieu, et parce que cette chère Sœur Barbe-Marie
le désire passionnément, de sorte que nous l'emmènerons ainsi de là. Ce sera à
la bonne volonté du chapitre de la recevoir, si elle est trouvée agréable ;
mais que ma bonne Sœur Anne-Marie ne craigne pas de lui donner, l'année durant,
50 livres de pension, car il ne se peut moins, et je sais bien, ma très-chère
fille, que cela ne sera assuré que durant la vie de ma dite Sœur Anne-Marie.
Faites toutefois qu'au contrat, cela soit bien couché, et que lesdites 50
livres [259] nous demeureront
entre les mains pour être employées à la nourriture [mots illisibles]. Pensez si nous avions besoin, en cette première maison d'Annecy, de
cette charge avec trois autres qui n'ont quasi rien. Dieu nous aidera, car
notre seule confiance est en sa bonté. Ma Sœur Barbe-Marie l'habillera, mais
petitement. Nous attendons bien de vos nouvelles. Voici M. de la Mothe qui
vient. Adieu, ma fille. Je ne puis plus, sinon être à jamais, sans réserve,
toute vôtre. Dieu soit voire tout et de la petite cadette.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY
Il faut faire régner la volonté de Dieu au-dessus de
toutes nos inclinations.
VIVE †
JÉSUS !
[Grenoble] 1er mai 1618.
O Dieu ! que vous serez heureuse, ma très-chère Sœur, si vous ne
laissez plus prendre le dessus à vos inclinations, mais qu'au contraire vous
fassiez avec celle générosité toute sainte régner puissamment la très-sainte
volonté de Dieu ! Ne vous étonnez point d'avoir des étonnements, mais
dévêtissez-vous-en tout doucement, et mettant humblement et profondément votre
confiance en Dieu, faites avec une sainte hardiesse et une cordiale charité
toutes les actions de votre charge, laquelle je vous supplie d'aimer
parfaitement, et toutes ces chères âmes qui sont tant bonnes et tant aimables.
Je les salue derechef avec vous, ma très-chère Sœur, avec un cœur tout plein d'amour
pour elles. Ma chère Sœur Françoise-Marguerite saura de Monseigneur ce qu'elle
devra écrire à M. H. pour son argent, et puis [260] elle nous l'écrira
afin de faire ce qu'il faudra. Jésus vous comble de son très-pur amour. Amen.
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.
SUPÉRIEURE À LYON
Annonce de son arrivée à Lyon.
VIVE † JÉSUS !
[Grenoble] 3 mai [1618].
Ma fille très-chère, nous nous
verrons donc, s'il plaît à Dieu, et que l'impossible ne nous en empêche ;
mais tenez bien tout votre fait prêt, car je ne pourrai demeurer que deux
jours. D. S. B. C'est sans loisir, mais avec grand amour que je suis toute
vôtre en Notre-Seigneur.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
ASSISTANTE À ANNECY
Recommandations pour une cérémonie de profession.
VIVE † JÉSUS !
[Grenoble] 5 mai 1618.
Ma
très-chère Sœur,
Le très-bon Sauveur soit votre
consolation et celle de toutes nos très-chères Sœurs, que je salue avec vous de
toutes les affections de mon cœur ! Nous avons peu de loisir ici, mais il
faut que je vous prie de faire écrire tout promptement notre [261]
Sœur M... à M. N..., son père, afin que, sans plus de remise, l'on
fasse la profession de nos bonnes Sœurs le dimanche d'après l'Ascension. Il me
semble vous avoir déjà écrit, afin que nos Sœurs H. M. et A. C. avertissent les parents pour ce jour-là sans
faillir, et avant notre départ nous dîmes à notre Sœur N... comme elle ferait
les habits et voiles. Or sus, ma très-chère Sœur, je vous supplie que tout soit
bien préparé, et surtout que nos bonnes Sœurs fassent leur retraite et
confession le mieux elle plus utilement qu'il se pourra. O Dieu ! qu'elles
seront heureuses de se lier et consacrer ainsi à l'amour du grand et très-bénin
Sauveur de nos âmes ! Quelle pureté, quelle humilité et fidélité se
doivent-elles proposer d'acquérir, afin d'être des vraies amantes et épouses de
ce très-divin et très-amoureux Époux !
Mandez-nous si l'on vous a apporté une cloche de Genève pour mettre à
la porte ; car si vous n'en avez, nous vous en porterons une.
Il faut finir, car je suis entièrement pressée. Mille saluts derechef à
toute la troupe bien-aimée. Que ma Sœur N... nous mande la réponse de M. N...
sitôt qu'elle l'aura, car je ne puis rien résoudre sans cela. Je n'oublie de
saluer madame la présidente, tous nos amis et amies, notre pauvre vieille
Jacquement et nos maîtres.
Je suis toute à vous en l'amour de notre très-bon Sauveur.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [262]
LETTRE CL (Inédite)
- À LA MÈRE PÉRONNE-.MARIE DE CHATEL
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Maternels enseignements pour l'exercice de la supériorité.
VIVE † JÉSUS !
Lyon, 1618.
Mon Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, qu'il me larde que je sache de vos
nouvelles et qu'en vérité vous me disiez : « Ma Mère, tout ce que je
craignais est évanoui. » O Dieu ! quelle consolation à mon âme, si
j'entends jamais cela ! Donnez-la-moi donc, ma très-chère Sœur, je vous en
conjure, et me croyez, car en sincérité il n'y a rien à craindre ni à désirer
en vous, que la privation de cette ombrageuse opinion ; mais je n'ai loisir de vous en dire
davantage ; je vous en supplie, ma mie, que cela suffise. Au reste, plus
je pratique votre bon et cher Père, M. Dulme, plus je le trouve aimable et digne d'une
parfaite confiance, pour lui voir une entière affection et sincérité envers
vous, et une capacité même pour les affaires extérieures. Soulagez-vous donc
avec lui pour tout ; car il vous aidera, et me croyez. Soyez autant
franche, confiante et sincère qu'il vous sera possible, mais je sais que vous
l'êtes.
Faites-moi le bien de faire très-humble révérence à Mgr de Chalcédoine de notre part et un mille d'embrassements à
toutes [263] nos chères Sœurs,
un peu à part secrètement à celles que vous le jugerez à propos et à ma
très-chère Sœur Barbe-Marie, comme vous savez que je le ferais, et à notre
bonne Sœur madame de Granieu et à toutes celles que vous jugerez à propos.
Pensez si je suis contente d'être ici, où certes je trouve de bonnes filles et
une brave supérieure ; de la maîtresse je n'en dis rien, afin d'entretenir ma bonne
coutume de vous mortifier. Je n'oublie M. de Lagrand, M. Clément ni tout ce que
vous voudrez. Adieu, ma chère amie ; certes, en vérité je vous aime de
tout mon cœur. Vivez toute à Dieu.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
La Sainte annonce son retour à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 30 mai [1618].
Certes, ma très-chère fille, je n'en peux plus, mais si, faut-il que je
salue votre cœur plus qu'amoureusement, et toutes vos chères filles. Nous
n'avons point reçu les soies. Pour Dieu, ma chère fille, envoyez-les ;
quand j'aurai rendu compte à mon Père de notre voyage, je vous dirai son
sentiment, mais je ne l'ai su faire, ni lui en dire un mot. Adieu, ma fille, à
Dieu soyons-nous à jamais, sans réserve. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [264]
Témoignages d'affection.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Il ne se peut que ce billet, car votre bon Père, M. Brun, veut partir
toujours courant. Je ne peux dire un mot à Monseigneur de toute notre
négociation, car il est environné de toute la chère famille de M. le
président ; il est prou empressé. Ma très-chère fille, que de bénédictions
je vous souhaite à votre chère troupe, tout aimable, certes ! Je n'ai
apporté qu'une mortification de chez vous, qui est que je n'y ai pas demeuré
assez longtemps à mon gré, ni par conséquent eu le loisir de caresser ces
pauvres filles selon l'amour que je leur porte. Dieu soit béni, qui m'a donnée
toute à ma chère fille, toute très-chère et très-aimée.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Il faut porter joyeusement pour Dieu les peines et travaux
qu'il nous envoie.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Je viens pour vous donner le bonjour, ma mie, et aussi me courroucer un
peu de ce que vous vous laissez abattre et travailler par l'appréhension que
vous donne la charge. Hé ! je vous prie, ne faites plus cela, le bon Dieu
qui vous y a posée la fera pour vous, confiez-vous en Lui. Puisqu'il Lui a plu
vous faire [265] souffrir
quelques contradictions et travaux, portez-les joyeusement pour son amour, car
cette vie ne se peut passer sans peine. Or sus, soyons de même en paix, et
voyons combien nos travaux sont légers et petits en comparaison de ceux des
autres. Dieu soit béni de tout et en tout. Priez-le bien pour les nécessités de
tout le monde, et pour les miennes qui sont si grandes. Béni soit le saint Nom
de Jésus et Marie. Amen. Toute vôtre.
LETTRE CLIV (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Elle lui dit sa pensée sur une prétendante sans vocation.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 25 juin 1618.
Ma très-chère Sœur ma mie, je ne sais que vous dire, de plus que ce que
je vous ai déjà dit, de madame Léotard ; aussi bien notre avis arriverait
trop tard. Dieu vous aura conseillée, s'il lui plaît. Je crois fort qu'elle n'a
point de disposition pour la vie religieuse, mais je vous prie de lui bien dire
que je vous en avais parlé, comme en effet vous savez que je fis, et ce que
vous me répondîtes, que je crains bien qui n'arrive. Dieu vous assistera, s'il
lui plaît, et vous donnera force, convertissant tout à sa gloire. Certes, je
serais bien aise que cette pauvre femme-là fut assistée et aidée, pourvu qu'il
n'en arrive point de trouble et scandale à la maison. J'ai pour elle une lettre
de Mgr de Bourges, qui ne veut pas que le mariage réussisse, si elle ne tient
toute sa parole. Je la lui enverrai bientôt, maintenant je n'ai le loisir de
lui écrire.
Envoyez-nous, je vous prie, du poivre blanc ; c'est pour en faire
user à Monseigneur qui a son estomac tout détraqué. [266]
M. Bonfils m'a fait assurer de payer les 30 ducatons pour les
chandeliers ; mandez-moi, je vous prie, s'il l'a fait ; et bonjour,
ma très-chère fille et toute unique Sœur ; nous vous écrirons plus
amplement bientôt. Je salue votre chère troupe ; Dieu la comble de grâces,
et notre chère Sœur que j'aime parfaitement.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry
Mgr de Bourges désire que la Mère Favre aille fonder dans
sa ville épiscopale.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Je suis de même surpressée du départ de notre bon M. de Médio, comme
vous le fûtes, ma très-chère fille, dont je suis mortifiée un peu ; car
j'avais grande envie de répondre à Mgr de Bourges, sur le désir qu'il a que
nous allions ensemble ; mais je ne le peux que je n'aie parlé
à Monseigneur.
J'avais bien résolu qu'il emporterait l'argent des soies et de votre
or ; mais, en aussi peu de temps, l'on ne saurait voir M. Roland : ce
sera pour le sire Pierre quand il retournera. Il me tarde déjà de savoir de vos
nouvelles et de vos chères filles. Bonjour, la mienne toute chère. M. Le Blanc
vient samedi ici.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [267]
La Sainte lui recommande de se décharger du gouvernement
de Lyon afin de commencer une autre fondation. — Elle l'engage a ne pas refuser
les prétendantes pauvres des biens temporels, pourvu qu'elles soient braves de
cœur et d'esprit. — Envoi de quelques Sermons et des Entretiens de saint
François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
C'est la vérité, ma très-chère fille, que ma pauvre Sœur Barbe-Marie me
donna l'alarme, et j'étais en peine de vous. Je loue Dieu de voir la
disposition de votre cœur à le servir indifféremment, selon son bon
plaisir ; croyez, ma très-chère fille, que vous nous êtes chère en un
très-particulier degré, et nous voudrions bien que la liberté nous fut donnée
pour vous employer selon notre désir ; néanmoins, puisque la divine
Providence en dispose ainsi, il faut croire que c'est sa plus grande gloire.
Cependant, nous désirons qu'avec sincérité vous recherchiez comme l'on pourra
faire pour vous déprendre de là, sans altérer Mgr de Lyon, ni faire tort à la
maison, à laquelle il me semble que, dans quelques mois, vous ne serez plus
absolument nécessaire, quoique utile ; mais, si je ne me trompe, la
cadette fera prou. Voyez donc comme vous ferez, et ce que nous devons faire de
notre côté ; et je loue Dieu de ce que les prétendantes
s'échauffent ; prenez-en, je vous prie, si elles sont braves, et ne doutez
point que Dieu n'assiste et ne pourvoie au temporel, pourvu que les filles
soient de bonne observance. — Quant à notre Sœur ***, certes, il ne serait bon
de lui faire changer d'air, et la faire venir ici ; il la faut disposer,
et tous ceux qui le doivent être ; cependant, si vous pouvez, ne lui
souffrez point tant ses impertinences.
Mon Dieu, qu'il me tarde de savoir ce que Mgr de Lyon fera [268]
pour ce privilège de l'Office ;
certes, c'est chose impossible de s'en passer. Nous avons reçu l'argent ;
ne donnez pas les robes pour les Sœurs, il vaut mieux les garder ; nous
déchargerons votre maison de quelques filles, tant qu'il se pourra. Voilà des Prédications et Entretiens que ma Sœur Barbe-Marie a demandés pour faire faire des copies ;
envoyez-les-y. Vous voyez comme je me hâte de vous parler, je n'ai nul loisir,
et c'est un accablement que les affaires de céans. Nous ferons tout ce qui se
pourra pour cette bonne demoiselle, mais de la loger céans, il ne se peut. Mon
Dieu ! il faut finir ; j'eusse bien voulu dire un mot à la cadette, mais
je ne puis.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Une supérieure doit avoir pleine confiance en l'assistance
divine.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618]
Ma très-chère Sœur, je désirerai toujours plus ardemment de vos
nouvelles, jusqu'à ce que vous me mandiez que vous tenez le dessus de toutes
les petites tricheries qui affligent votre esprit ; car enfin je sais que
cela ne peut que vous beaucoup nuire, et que ce n'est pas votre chemin de vous
amuser à cela, ains celui d'une sainte humilité et confiance en Dieu, lequel
prend plaisir de gouverner entièrement les âmes qui se reposent en Lui, et qui
ne désirent ni force, ni science, ni expérience [269] et capacité, sinon
celle que sa Bonté leur distribue à mesure qu'elles en ont besoin. Je ne
pensais pas que Monseigneur vous écrivit, mais il le fera ; c'est pitié de
voir son accablement parmi tant de gens qui sont logés chez lui. Je ne sus lui
parler de ma Sœur Jeanne-Marie ;
parlez-en avec M. Dulme, votre bon Père, et nous en mandez son sentiment, car
cela est d'importance. Au reste, ma très-chère Sœur ma mie, plus je vais
pratiquant ce bon Père, mieux je reconnais sa capacité, je dis même pour les
affaires ; c'est pourquoi vous ferez très-bien de lui communiquer de tout
et d'avoir une grande franchise et confiance avec lui, car il ne veut que cela
et il vous aidera grandement. Il faut que dorénavant vous le fassiez mettre
dans les contrats, il le mérite ; assurez-le fort de mon intime et
cordiale dilection envers lui, je ne puis lui écrire.
Je salue aussi, et toujours quand vous le trouverez bon, notre très-cher Père
M. de Lagrand ; remerciez-le étroitement de l'assistance qu'il nous a
donnée, et saluez aussi M. d'Aoste
et toutes les dames que vous savez, et quand vous connaîtrez qu'il sera à
propos ; mais surtout, pour cette fois, madame la vibaillive, la
remerciant de tant de faveurs que nous reçûmes en sa maison. Oh ! pour nos
chères Sœurs, je ne puis dire combien elles me sont chères, toutes, mais
surtout nos pauvres anciennes.
Il faut finir, on me presse ;
envoyez quérir M. Léotard et lui donnez ma lettre ; que l'on ne le voie
point, ni les autres. Bonjour, ma très-chère Sœur ma mie ; vous savez ce
que je vous suis.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Mieux vaut s'appliquer à la stricte observance que
s'inquiéter de ses tentations. Envoi des Entretiens.
[Annecy, 1618].
Je n'ai guère de loisir, ni guère de choses à vous dire ; aussi,
ma très-chère fille, il me tarde de savoir si notre bonne Sœur J.-Hélène aura
fait profession, et comme va de sa tentation. Vrai Dieu ! que si elle veut
un peu à bon escient la mépriser et s'appliquer fidèlement à l'observance de
nos chères règles, qu'elle serait heureuse ! Hélas ! ma très-chère
fille, il en faut avoir une grande compassion et lui élargir toujours son cœur,
tant qu'il vous sera possible.
Nos maçons iront voir votre dessein sur la fin du mois qui vient ;
si vous n'êtes bien résolue de les faire travailler, ne les faites pas aller
là, car il vous coûterait de l'argent inutilement. Pour votre première pierre,
Monseigneur dit qu'il faut que vous vous conseilliez de cela avec ces sages et
prudents amis de la maison, parce que ceux qui sont sur les lieux peuvent mieux
juger de cela que non pas nous. Nous avons été bien aises de voir la bonne
madame Maroz. [271]
Vous aurez tous les Entretiens que Monseigneur nous a faits, et
qu'il nous fera encore ; car, ma très-chère fille, tant qu'il me sera
possible, je lui veux faire employer le temps qu'il vient céans à cela, avant
notre départ, afin que toutes les maisons participent à ce trésor. Celles qui
sont ici auront toujours assez de temps pour lui parler, et puis, certes, nous
ne savons que trop ce que nous devons faire, nous n'avons besoin que de
pratique. Mille saluts à ces très-chères filles et à tous. Dieu soit notre
tout, ma très-chère Sœur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Affaires et plans de construction.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Je ne puis prendre le loisir de vous écrire, ma très-chère Sœur, outre
que je le fis hier. Nous prendrons le loisir de voir les plans, et puis ne
soyez pas en souci que l'on ne vous les renvoie assurément. Vous pouvez retirer
le coffre de la bonne madame Léotard. Je pense bien que ce mariage ne se fera
pas, car enfin on désire l'accomplissement de sa parole. Mille saluts à tous et
à toutes nos très-chères Sœurs. Vivez, je vous prie, contente, car vous en avez
l'occasion, et nos deux chères professes qui m'ont écrit me donneront bien un
peu de terme, et M. Clément aussi, que je salue. Je suis accablée de tant
d'écritures qu'il m'a fallu faire. Bonjour, ma très-chère et bonne Sœur ;
faites que M. Le Poivre retire les couteaux et autres choses que l'on vous a
envoyés, car c'est au chasse-marée qu'on les donna. Nous avons reçu vos
provisions. Grand merci, ma très-chère Sœur. — Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [272]
LETTRE CLX (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Arrangement pour la fondation de Bourges, annonce de celle
de Turin et du passage de la Sainte à Lyon.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618],
Je repense, ma très-chère fille, à ce que vous me dites, de remettre la
disposition de la venue de notre Sœur [F.-Jéronyme] au temps que nous serons
vers vous ; il me semble que, s'il se peut, j'aimerais bien mieux
l'envoyer devant, et nous remmènerions celle qui viendrait avec elle ; car
aussi bien prendrons-nous une de vos filles pour Bourges, voire même notre Sœur
A.-Françoise, si vous le trouvez bon, car l'on donnera bien une compagne à
notre Sœur Marie-Aimée, lorsqu'on vous prendra. Pensez donc voir un peu à cela,
et s'il ne serait point mieux ainsi que je dis. Pour ce qui regarde cette
fille, j'espère qu'il lui fera grand bien d'être ici, puisqu'elle est si [mots
illisibles].
Nous n'avons point de nouvelles de Paris, mais oui bien de Turin, où il
faudra aller au printemps. La signora Genevra, plus ardente qu'il ne se peut
dire, attend impatiemment ce temps-là ; l'on s'y promet des merveilles.
Monseigneur est en crainte de l'esprit de Mgr de Lyon ; mais il espère
pourtant que M. le président le gagnera. Il est grandement nécessaire de
penser, que l'on acheminera cela, voire de commencer à le faire ; car
c'est une chose absolument nécessaire, et je vois que vous ne l'êtes plus tant
à Lyon, car je trouve notre cadette brave, et la décharge que l'on fera de quelques
filles ouvrira la porte à d'autres, qui accommoderont le temporel, s'il plaît à
Dieu, que je supplie de tout mon cœur de vous en donner de bonnes. [273]
Voici une autre sorte d'affaire, ma très-chère fille : c'est que
nous avons ici 1,000 écus en espèces, contenus en ce bordereau, lesquels nous
ne pouvons trouver moyen d'envoyer chez vous, où je mandai à M. Coulon qu'il
les vînt prendre de nous le jour de Notre-Dame, ou le 10 septembre, en nous en
faisant une quittance ; et je vois bien qu'il faudra qu'il les vienne
prendre ici, sinon que vous puissiez, employant votre crédit, lui faire donner
selon que le bordereau le porte, en quoi vous me feriez un signalé plaisir, et
dont je vous conjure si vous le pouvez, vous assurant en toute vérité que j'ai
cette somme entre les mains, en mêmes espèces contenues au bordereau, et
laquelle je vous donnerai, Dieu aidant, moi-même, le 12 ou le 13 d'octobre que
nous serons vers vous ; certes, ma fille, si vous le pouvez,
je sais que vous le ferez ; si moins, il faudra que le bon M. Coulon
vienne ici. Il me tarde d'avoir de vos nouvelles, ma très-chère fille ;
vivez joyeuse et toute à Dieu, et vous assurez que mon cœur est tout vôtre.
Croyez-le.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
La Visitation est reconnue à Rome comme Ordre religieux.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Le départ de ces bons Pères se trouve sur une dépêche d'importance
qu'il me faut faire et qui est tout avancée ; car voici toujours nouvelle
affaire du côté de mes enfants, et un messager [274] exprès pour cela. Que dire donc, ma
très-chère fille, sinon que je me suis toute consolée de voir votre cœur
content ? Oh ! vrai Dieu, quel bonheur d'être bien dénuée de
nous-même et de ne se revêtir jamais que de Dieu ! Je pense que
Monseigneur écrira à M. Dulme, comme la N... peut entrer parmi nous en parfaite
assurance, outre que vous pouvez dire à Mgr de Chalcédoine que l'expédition est venue de Rome pour
convertir ceci [la Congrégation] en Religion, et que Monseigneur en a la
commission.
Nous attendons ce soir M. Le Blanc, et puis nous écrirons plus au long.
Bonjour, ma très-chère fille, et à toutes, et à la chèrement aimée Sœur de Granieu ;
je lui écrirai bientôt, et à M. Dulme.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
MAÎTRESSE DES NOVICES À LYON
Conseils de direction et encouragements.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Elles me plaisent grandement, ces nouvelles de votre noviciat
ma très-chère fille, Dieu en soit béni ! mais non pas tant quand vous me
faites des lamentations, me disant que ma pauvre fille va toujours de mal en
pis ; or sus, patience. Vous avez bien fait de décharger votre cœur au bon
Père recteur ; mais vous n'êtes point obligée ni ne le devez faire à M. le
supérieur ; car, quelque docte et bon qu'il soit, cela ne serait pas à
propos. Dieu vous confortera et fera régner enfin sa très-sainte volonté
[275] en vous. Dieu veut que vous le
serviez comme vous faites et en ce que vous faites ; n'ayez donc point de
scrupule, mais un grand courage.
La maison de Paris n'est pas encore résolue. Certes, je crains un peu
la jeunesse de cette petite Sœur A. L... ; c'est pourquoi il faut bien regarder
s'il n'y en aura point une autre plus propre ; car cela est trop
important. Adieu, ma fille ; vivez fortement toute en Dieu, et mille
saluts à ces chères filles.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CLXIII (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD
SUPÉRIEURE À MOULINS
Préférer, dans le choix des vocations, le bon esprit des
prétendantes aux avantages temporels. — Il faut agir prudemment avec une âme
peu propre à la perfection religieuse.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 1618].
Voilà, ma très-chère fille, que je viens de satisfaire à votre désir
pour ce qui regarde vos Sœurs, n'ayant compris votre intention que pour ces
cinq à qui j'écris. Je vous assure, ma fille, que j'ai peu de loisir et un
grand accablement d'affaires. MM. de Saint-Dominique nous travaillent
fort ; nous sommes en procès et en traité d'accord. Ils veulent absolument
1,200 écus d'or pour le morceau de place qui nous est nécessaire [pour agrandir
le jardin] ; pensez où nous en sommes. Je vous assure que c'est chose
impossible, ayant très-grande peine de trouver de quoi entretenir les ouvriers
et vivre. Nous en [276] devons plus de 200 d'emprunt, mais nous entreprendrons pourtant ce que
nos amis voudront. Dieu soit béni ; tout va assez bien au reste.
Oh ! mon Dieu, ma chère fille, plus je vais en avant, plus je vois
que tout le bonheur de ces maisons consiste au bon choix des filles, et ne
saurais souffrir que celles qui ont des commodités moyennes soient refusées,
quand elles ont les parties de l'esprit requises. Enfin les maisons où Dieu est
aimé et servi purement n'ont jamais faute de pain, je vous l'ai déjà tant
écrit, ce me semble. Prenez des filles qui vous plaisent, encore qu'elles ne
soient pas si riches, et même s'il s'en présentait quelque excellente qui n'eût
rien, je voudrais la prendre à deux mains, car Dieu pourvoirait. Je ne dis pas
pourtant qu'il en faille remplir la maison à ce commencement ; aussi ne
s'offriront-elles pas. Dame, je ne trouve pas que ce soit pauvreté quand elles
ont 400 ou 500 écus ; cela payera vos dettes si vous en recevez. Trois ou
quatre de ce prix feraient votre famille, et ne chargeraient guère votre
dépense. Et il me semble que le nombre [marqué] fait que l'observance est mieux
gardée ; elles n'ont pas tant de tracas. Dieu vous veuille bien fournir,
je le désire grandement, et que l'on soit fidèle à l'observance. Mais il faut
revenir aux filles. Hélas ! cette pauvre Sœur qui se travaille tant pour ses
fautes doit être grandement supportée, et ne faut pas exiger d'elle la
perfection, puisque son esprit en est incapable. Pourvu qu'elle observe la
règle aux choses extérieures, et qu'elle ne fasse pas des mutineries et
scandales, il faut tolérer le reste et ne faire pas semblant de le voir,
puisque vous l'avez reçue à profession. Ce sera assez qu'elle soit exempte du
péché mortel et qu'elle ne donne point de trouble à la maison ; il y faut
tenir son cœur fort large et content. Pour l'autre qui tombe en l'oraison, il
faut bien examiner si son imagination ne tient point le dessus, car la pauvre
fille, si elle a l'imagination forte, elle se trompera sans coulpe,
[277] toutefois il la faut faire manger
et dormir ; car je pense qu'il y a de la débilité en ces chutes, et
craindrais, si elle ne fait bon effort pour cela, que quelque tentation ne s'y
mêlât. Bref, la douceur, l'humilité et simplicité à l'obéissance tiennent
assurées toutes choses, pourvu que véritablement ces vertus règnent. Quant à la
Sœur servante, je pense qu'elle n'a pas fait profession ; c'est pourquoi
il lui faut faire savoir librement que si elle veut persévérer en ce service,
il faut qu'elle se résolve d'être toute douce et toute soumise. Pour les jeunes
filles, certes, je ne voudrais pas les donner à ma Sœur M.-Hélène, oui bien
plutôt à notre sœur Jeanne-Marie. [Quelques lignes illisibles.]
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Annonce de son passage à Lyon en se rendant à Bourges.
VIVE : † JÉSUS !
[Annecy] 27 septembre 1618.
Ma très-chère fille, il n'y a plus moyen de faire de grandes lettres,
puisque nous espérons nous voir si tôt, Dieu aidant ; et puis je vous
assure, ma pauvre amie, que nous n'avons nul loisir, vous le voyez à mon
écriture ; nous attendons de bon cœur notre cadette et la chère Sœur
Françoise-Péronne : nous vous en ramènerons deux, et faites bien tenir
notre Sœur A. Fr. prête, car nous la mènerons à Bourges avec nous. Adieu, ma très-chère fille. Dieu soit au
milieu de votre cœur. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [278]
LETTRE CLXV (Inédite)
- À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD
SUPÉRIEURE À MOULINS
La Sainte annonce son passage à Moulins.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 27 septembre 1618].
Ma pauvre très-chère Sœur, il n'y a moyen de refuser ce billet au bon
M. Jantel, qui nous assure de vous voir bientôt. Ce n'est que pour vous saluer,
attendant l'aimable jour de vous embrasser amoureusement et de tout mon cœur.
Nous nous tenons prêtes pour le 8 ou le 9 du mois prochain, ainsi que nous
avons écrit à notre bon Mgr de Bourges ; s'il était arrivé quelque chose
qui retardât de leur côté, nous serions bien aise de le savoir. Monseigneur
notre très-cher Père est de retour en bonne santé, Dieu merci. Adieu, ma
très-chère amie. Dieu soit au milieu de votre cœur. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE
CLXVI (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Maladie de Françoise de Chantal. — Saint François de Sales
attend l'arrivée du prince-cardinal de Savoie pour le suivre à Paris. —
Explication au sujet de la Bulle envoyée de Rome pour l'érection de la
Visitation en Ordre religieux. — La Sainte s'occupe de faire imprimer les
Règles.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy. 14 octobre 1618].
Ma très-chère fille, notre Françoise a toujours bien la fièvre
continue, c'est aujourd'hui son neuvième jour, mais cette mauvaise couleur et
défaillance lui est passée ; quoiqu'elle ait, [279] certes, bien la fièvre, si est-ce que M.
Grandis ni moi n'en avons nullement mauvaise opinion, et espérons, moyennant la
grâce de Dieu, qu'elle n'en craint rien pour ce coup. Ce sont ses excès à
manger du fruit, et surtout des pêches, qui lui ont causé cette fièvre.
Au reste, ma très-chère amie, il y a aussi peu de certitude au voyage
de notre très-cher Père qu'il se peut dire ; car tous les jours il y a des
remises à l'arrivée de Mgr le prince-cardinal, et enfin l'on craint que cela ne
s'en aille en fumée ; voilà comme les choses de cette vie sont
incertaines. O bon Dieu ! quel bonheur pour les âmes de n'y avoir aucune
attache, mais de colloquer tout leur bonheur et repos en la sainte
éternité !
Nous sommes aussi étonnée de ce que nous n'avons point de nouvelles de
Bourges, et je crains que Mgr l'archevêque ne soit en peine pour ce que je lui
avais écrit qu'il fallait qu'il envoyât à Rome pour obtenir un bref pour nous
établir en sa ville ; mais c'est chose qui ne sera point nécessaire, ains
inutile, puisque enfin Monseigneur s'est résolu de convertir [ériger] cette
maison en monastère, suivant sa commission du Pape, et par ainsi nous avons le
privilège de nous établir en toutes les villes où les évêques nous voudront
recevoir, avec même le privilège de notre petit Office ; et les seules
maisons qui sont déjà faites ont besoin de recourir à Rome. Mais Mgr de Lyon
n'a garde [de] s'oublier. Si j'avais le loisir, j'eusse pu écrire ceci à Mgr de
Bourges ; mais l'on me demanda cette lettre aussitôt que je sus le départ
de ces jeunes enfants. Voyez si vous trouvez occasion de le faire, ma
très-chère fille, à qui je suis si entièrement. Comme aussi je vous prie de
parler à Rigaud pour savoir si l'on voudra imprimer nos règles à la condition
qu'il nous avait promise, qui est de nous en donner mille exemplaires.
Peut-être le quitterions-nous bien à moins, il est vrai ; puisque
Monseigneur veut bien que tout le monde les voie, il y gagnerait prou.
Parlez-lui-en, ma fille, car nous en trouverons [280] bien un autre, s'il ne veut les imprimer. Il
est besoin, et Monseigneur le désire, que l'impression s'en fasse bientôt.
Elles sont toutes prêtes et achevées, grâce au grand Dieu, et ce sera un livre
admirable. Dieu nous donne la grâce de les bien observer ! Faites-nous
promptement réponse, ma vraie très-chère fille ; nous écrirons plus à
loisir par le sire Pierre et à la cadette. À Dieu soyons-nous éternellement, ma
plus que très-chère fille. Amen.
Dieu
soit, béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
PRIMAT D'AQUITAINE
Elle lui dit que la Bulle de Paul V pour l'érection de la
Visitation en Ordre religieux suffit à tous les monastères qui s'établissent,
sans qu'il soit besoin d'un nouveau recours à Rome.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy, 16 octobre 1618].
Monseigneur, Puisque j'ai cette digne occasion de pouvoir envoyer ce mot de lettre
jusqu'à Moulins, je l'emploie volontiers pour vous dire, [281] Monseigneur, que n'ayant point eu de vos nouvelles
depuis votre laquais, et voyant la saison propre à voyager si fort avancée,
j'ai pensé que ce qui vous retarde d'envoyer est que vous attendez de Rome ce
que nous vous avions mandé qu'il fallait obtenir, et dont il n'est nul besoin
maintenant, puisque enfin pour ôter cette peine aux prélats qui nous recevront
en leur diocèse, Monseigneur de Genève s'est résolu d'accomplir sa commission
avant que [de] nous laisser partir d'ici, et a réduit aujourd'hui notre petite
Congrégation en Religion formelle dont nous devons et rendons beaucoup de
grâces à notre bon Dieu, duquel nous espérons infailliblement le
bénéfice du petit Office.
Si quelque autre sujet avait diverti ou retardé le dessein de ces
bonnes âmes de votre ville, je vous supplie très-humblement, Monseigneur, de
nous le faire savoir le plus tôt que vous pourrez, afin de donner consolation à
nos filles de Dijon qui nous pressent, voire, importunent ; car allant à
vous, nous ne pouvons les servir sitôt qu'elles désirent. Cependant, si votre dessein
réussit, comme je l'espère, c'est une vraie providence de Dieu de ce peu de
retardement, et voudrais que l'on ne nous vint prendre de douze jours, parce
que votre pauvre nièce a la fièvre continue, il y a dix jours ; mais le
médecin n'y voit nulle apparence de péril, et ce matin elle était fort
diminuée. J'espère, Dieu aidant, de vous la mener heureusement. Que si vous
aviez déjà envoyé ici, ne vous mettez pas en peine si vous nous voyez un peu
retardées ; car croyez que nous irons le plus tôt qu'il se pourra.
[282]
L'on m'a donné trois ou quatre mois pour me décharger des affaires de
mes enfants. Dieu vous conserve, mon très-cher
seigneur ; je suis fort pressée, mais toujours toute vôtre, et votre
très-humble sœur, fille et servante en Notre-Seigneur.
Sœur Françoise
Frémyot, de la Visitation Sainte-Marie.
Dieu soit béni !
[P. S.] Je salue nos neveux de tout mon cœur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CLXVIII (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Annonce du passage de saint François de Sales à Lyon avec
la cour de Savoie. — Une supérieure doit gouverner le monastère par elle-même
et selon la règle. — Questions que la Mère Favre devra faire au Bienheureux
Évêque pour les Constitutions.
VIVE † JÉSUS !
[Annecy] 17 octobre 1618.
Ma pauvre très-chère amie, encore ce billet ; car le départ du
sire Pierre me surprend ; je désirais fort de vous envoyer les règles,
pour les faire imprimer, ainsi que je vous l'ai écrit par M. Roland ; car
enfin Mgr le prince-cardinal va, et vous aurez [283] ce cher contentement de voir notre cher Père.
Mon Dieu, faites qu'il dise un mot à M. de Saint-Nizier pour la réception de
ces filles. Qu'il vous laisse gouverner ! votre maison n'aime pas cette
conduite-là [mots illisibles]. Si vous aviez des filles qui fussent
braves, l'on en prendrait toujours pour les fondations, comme nous vous avons
mandé, et votre maison se ferait par ce moyen. Bon Dieu ! puisqu'ils n'ont
pas le soin de quoi vous vivez, qu'ils vous laissent gouverner. Enfin si cette
fille dont vous m'avez écrit est si brave, nous la prendrons ; il est vrai
que nous sommes déjà un grand nombre, et, certes, grandement chargées, même de
dettes, aussi bien que vous, mais non si grosses, car nous n'avons pris que
13,000 florins à rente à six et sept pour cent.
Au reste, ma très-chère fille, demandez à notre très-cher Père
Monseigneur s'il ne faut pas mettre un titre au fin [tout] premier chapitre de
nos Constitutions, De la fin pour laquelle elles ont été dressées, et comme
il le vous dira, nous l'y ferons mettre lorsque nous vous enverrons les règles.
Je suis tant pressée que rien plus ; mais voilà un billet pour M.
l'aumônier ; ma fille, vous savez qu'en vérité je suis toute vôtre ;
la petite cadette le sait aussi, et ma Sœur Barbe-Marie. Vivons toutes à Dieu,
et nous mandez bien des nouvelles de Monseigneur, et lui baisez sa chère main
de ma part. Adieu, ma fille, mais à Dieu soyons-nous à jamais. Amen. 17
octobre.
Voilà donc qu'il faut partir, mais non pas avant lundi, car Françoise a
toujours sa fièvre. N'envoyez pas, ma fille, les lettres que je vous mandai
pour Mgr de Bourges ; je les donne à M. Roland ; je ne vois pas qu'il
faille envoyer un carrosse : nous irons jusqu'à Lyon comme nous pourrons, et
ne sais encore ce que nous ferons de cette fille.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [284]
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Convalescence de Françoise de Chantal. — La Sainte permet
de communiquer les Règles et Constitutions à quelques personnages de haute
piété.
VIVE † JÉSUS !
Octobre 1618.
Ma très-chère fille, je vous écris parmi notre voyage que vous savez
déjà que nous faisons, au moins si vous avez reçu celle que je vous
écrivis jeudi dernier, que notre très-cher Seigneur et Père vous aura
donnée ; je vous ai tout écrit et ne sais plus rien à vous dire, mêmement
que notre bon M. Michel [Favre] vous dira prou toutes nos nouvelles, et comme
ma Françoise et moi aussi sommes mortifiées de ce qu'elle n'a su venir. Grâce à
Dieu, elle n'est en aucun danger, mais, comme vous savez, elle est sujette à
traînasser longtemps après ses [285] maladies ; c'est pourquoi nous n'avons su l'attendre, mais s'il
plaît à Dieu, M. de Vars l'amènera à Lyon sitôt qu'elle pourra être remise, et
de là nous la ferons conduire à Moulins, où nous l'enverrons prendre. Demeurez
bien en paix, ma très-chère fille, et avec toute votre chère troupe à laquelle
je voudrais pouvoir dire un mot par écrit, mais je n'en ai pas le loisir ;
je les embrasse toutes très-amoureusement avec vous, que je chéris tout
cordialement. Ne laissez pas de nous mander de vos nouvelles, encore que nous
soyons loin, car elles me feront toujours grand bien. Adieu, adieu, ma
très-chère fille.
Nous aurons, Dieu aidant, nos règles imprimées dans trois
semaines ; il faudra que vous y contribuiez votre part. J'ai dit qu'il
vous en fallait cinquante copies. Aux amis et amies très-confidents, vous en
pourrez donner, ou à quelque grand personnage de piété qui désirera les
voir ; elles coûteront 20 écus pour l'impression, et 10 écus pour la
reliure ; car nous retirons tout, et il y aura six cents copies. Nous
allons à la sainte messe pour partir. J'ajoute ce mot : je salue M.
Clément et tout le reste que vous savez.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [286]
ASSISTANTE À ANNECY
Haute estime de la Sainte pour la grâce de la vocation à
la vie religieuse.
VIVE † JÉSUS !
1618.
Je loue Dieu, ma très-bonne et très-chère Sœur, des bonnes nouvelles
que vous me mandez de toutes nos chères Sœurs, et de celles en particulier que
vous me dites de votre cœur, lequel j'aime si chèrement et si amoureusement.
Dieu le rende tout sien et tout saint, ce cher cœur de ma pauvre Agnès !
Ayez-en bien du soin, ma mie, car il est bon, mais il le faut bien conduire
fidèlement, doucement, humblement, et surtout le tenir encourage, afin qu'il
persévère. Hélas ! que nous sommes toutes heureuses, ma très-chère fille,
de n'être occupées, employées, ni dédiées qu'au service royal de notre céleste
Époux ! Eh ! que ne devons-nous pas faire pour ce bon [287] Sauveur, en reconnaissance de cette si
particulière grâce ? Certes, quand je la considère, je voudrais être
anéantie et fondue dans sa divine volonté, afin qu'il fît de moi tout à son
gré, puisque je n'ai la suffisance de le servir dignement.
Secourez-moi fort de vos prières, je vous en conjure, et toutes nos
chères Sœurs, et saluez quelquefois Notre-Dame pour moi, avec son glorieux
époux saint Joseph, et son cher fils adoptif, mon bon patron [saint Jean].
Je salue, mais très-cordialement, M. votre père, mon cher frère, et
madame votre mère, ma bonne sœur. Pour Dieu, qu'ils prient un peu pour moi,
afin que mon Dieu me faisant miséricorde, il me rende toute sienne.
De grâce, ma mie, quand mon très-cher Seigneur vous verra, baisez-lui
révéremment sa chère main de ma part ; mais, je vous en prie, je le fais
en esprit de grand cœur.
Adieu, ma mie. Baisez de ma part ma pauvre Sœur Anne-Jacqueline
[Coste]. Je l'aime bien et vous aussi, ma chère Agnès. Vive Jésus !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Peines de la Sainte concernant ses enfants. — Pauvreté de
la communauté de Bourges.
VIVE † JÉSUS !
Bourges, 20 novembre 1618.
Ma très-chère fille, je sais si peu de vos nouvelles et de celles de Nessy
que cela me donne des pensées qu'il ne soit arrivé quelque chose à Françoise ;
si elle n'arrive bientôt, l'hiver la combattra. Je trouve ici de bonnes et
poignantes épines, que si Dieu n'y met sa bonne main, elles me poindront
longuement, [288] parce que je
suis mère. Il est vrai que tant que je puis, je détourne ma pensée des choses
avenir, voire même des présentes, les remettant au soin et providence de mon
Dieu, auquel je me repose et confie.
Les neuf filles de 10,000 écus qui servaient de fondement à ce nouveau
monastère sont réduites à une ; et enfin on nous voulait, et j'espère que
de la multitude des filles qui demandent, qui sont pauvres ou petites en
commodités temporelles, nous en recevrons cinq ou six, après que nous les
aurons un peu examinées. Il ne s'était encore rien commencé de plus appuyé sur
la divine Providence, et c'est ce qui nous console.
Voilà pour cette pauvre nouvelle veuve qui me donne bien de la douleur
et compassion. Je n'ai moyen ni loisir d'écrire à Nessy, car le messager me
surprend, et si ces deux lettres n'eussent été prêtes, il n'y avait moyen.
Adieu, ma fille ; je sais que vous me croyez toute vôtre. Jésus soit notre
tout... et sera de bon cœur que vous lui manderez nos nécessités.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Témoignages d'affection. — Conseils pour la direction
d'une novice tentée.
VIVE † JÉSUS !
Bourges, 1618.
Ma pauvre très-aimée fille, mon esprit retourne à vous incessamment,
uni en la sacrée dilection du divin Sauveur, voulant [289] vous tenir toujours précieusement dans mon
cœur et toute votre chère famille, que j'aime avec une dilection très-tendre,
et les conjure toutes, ces chères âmes, de vivre allègrement et suavement
autour de leur bonne Mère ; et vous, ma fille, d'être toute paisible avec
notre bon Dieu, et toute douce, suave et franche avec vos chères filles.
Au reste, ne vous alarmez pas de cette novice tentée ; c'est une
chose qui est assez ordinaire, que telles attaques à ceux qui entreprennent le
service de Dieu. Et je vous supplie, ne faites ni disciplines, ni abstinences
extraordinaires pour elle : vous n'êtes pas assez forte, ni assez saine.
Il faut avoir patience, il la faut conforter, et lui faire voir que c'est une
tentation du malin, qui lui veut faire quitter Dieu, afin qu'ayant abandonné sa
bonté, qui dès si longtemps l'a attirée à soi, il la fasse tomber en désespoir
pour la damner éternellement. Il lui faut dire les malheurs qui sont arrivés à
ceux qui ont quitté leur vocation religieuse, et l'encourager doucement, comme
vous faites, et fort prier pour elle. Si vous l'eussiez fait parler au bon Père
dom Philippe, il lui eût bien fait appréhender sa tentation et lui en eût donné
horreur ; si elle lui dure avec violence, faites-le appeler. Cette fille
est bonne, et réussira bien, avec la grâce de Dieu ; le diable voit cela,
et la tente du côté qu'elle est déjà tentée par sa propre inclination. Enfin,
ma chère fille, vous n'avez aucune difficulté importante ; dès notre
commencement cela s'est trouvé en la vie spirituelle, qui est souvent mêlée
d'épines poignantes parmi les agréables roses. Dieu permet ceci pour notre
exercice, et nous fait marcher parmi les difficultés, aussi bien que parmi les
facilités. Ne nous étonnons de rien, mais faisons ce que nous pourrons avec
entière confiance que Dieu réduira tout à sa gloire et à notre mieux. J'en
supplie sa bonté. Amen. [290]
La Sainte exhorte ses filles à n'avoir que le seul désir
d'aimer Jésus, et de se conformer à son bon plaisir par une exacte observance
de la règle.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges, 1619].
Puisque la divine bonté de Notre-Seigneur a assemblé nos cœurs en un
seul cœur, permettez-moi, mes très-chères Sœurs, de vous saluer toutes en
général et en particulier ; car ce même Seigneur ne me permet pas de le
faire autrement. Mais quel salut ! Celui que Monseigneur, notre grand et
digne Père, nous a enseigné : Vive Jésus ! Oui, mes
très-chères Sœurs et mes vraies filles, je dis ce mot avec grand sentiment de
dilection : Vive Jésus en notre mémoire, en notre volonté et en
toutes nos actions ! N'ayez en vos cœurs que le seul désir de son saint
amour, et en vos œuvres que l'obéissance et soumission à son bon plaisir, par
une exacte observance de la règle, non-seulement pour les choses extérieures,
mais beaucoup plus pour les intérieures ; cette douce cordialité
les unes envers les autres le sacré recueillement de votre cœur autour de ce
divin Maître cette véritable sincérité et humilité qui nous rend simples,
souples et maniables comme des petites brebis, et enfin cette union amoureuse
de tous nos cœurs qui produit la sainte paix et donne les bénédictions qui se
peuvent souhaiter en la maison de Dieu et de sa sainte Mère. Je vous les
désire, mes très-chères filles, et vous recommande de croître en la sainte
dévotion de [291] Notre-Dame,
que je vous supplie de saluer quelquefois de ma part, et tous les jours de ma
vie je vous offrirai à sa bonté maternelle. Vivez joyeuses et contentes. Je
suis vôtre d'une entière affection, etc.
SUPÉRIEURE À LYON
Sollicitude de la Sainte pour sa fille et pour le
monastère d'Annecy. — Demande des Règles et des Sermons de saint François de
Sales. — La Supérieure doit par son zèle et son bon exemple, briller comme un
soleil au milieu de sa communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges] ce 8 janvier 1619.
Ma très-chère fille, Dieu comble votre cher cœur de son très-saint
amour au commencement de cette nouvelle année.
Je me fais accroire que vous aurez reçu toutes nos lettres, et
particulièrement un gros paquet que nous envoyâmes par nos Sœurs de Nessy, il y
a environ trois semaines ; je n'ai rien de nouveau à vous dire ; car
des nouvelles de Paris, vous en savez plus que moi, je m'assure. Je ne sais si
l'on sera déjà allé prendre Françoise, il m'en tarde, car elle ne peut que vous
incommoder là. Je suis étonnée de ce que nous ne recevons point de nouvelles de
Nessy, ni de Grenoble ; si, ne me veux-je pas dépiter pour cela ;
vous ne me le conseilleriez pas non plus, n'est-ce pas, ma très-chère fille ?
Oh ! mais, envoyez donc ces bénites Règles et notre
entretien ; et je vous prie encore que, sans plus tarder, notre bonne Sœur
Barbe-Marie nous envoie les Sermons ; certes, mais je le dis tout de bon,
car j'ai peur enfin qu'ils ne s'égarent. C'est par un marchand d'ici que nous
écrivons qui pourrait les apporter, et [292] de vos nouvelles. Or sus, je reçus dernièrement votre lettre du 2
décembre, où je vois que votre nombre s'accroît, Dieu en soit béni ; sa
bonté veut que votre maison éclate en piété. O ma très-chère fille, brillez
comme un soleil au milieu de cette petite troupe que Dieu vous a commise, et à
laquelle vous devez un parfait exemple et une entière sollicitude pour les
faire avancer en la perfection de l'observance ; ma fille, je meurs d'envie
de voir cela dans toutes nos maisons. Adieu, mon enfant ; je les salue,
ces chères filles, et ma Françon, si elle y est encore, et qu'elle
m'écrive.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Tenir son âme en tranquillité parmi les accidents de la
vie. — Rappel prochain de Sœur F. G. Bally. — C'est assez de garder trois
jeunes filles. — Conseils divers pour le gouvernement du monastère de Moulins.
— Prendre l'avis des Pères Jésuites. — Propositions de plusieurs prétendantes.
— Séjour de Françoise de Chantal à Lyon. — Envoi des Directoires.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges, vers le 20 janvier 1619.]
Il n'y a pas longtemps que je reçus votre lettre du 8 janvier ;
j'y vois l'accident arrivé à la pauvre Sœur Marie-Jeanne, et du depuis vous ne
m'en avez rien dit. Eh ! Dieu soit béni, ma très-chère Sœur ma mie, qui
tient nos âmes en la sainte tranquillité parmi tous les accidents ! Il
vous faut de plus en plus enfoncer en l'abîme de cette sagesse et providence
éternelle ; mon Dieu ! quel bonheur de vivre et mourir là !
Ces filles sont admirables avec leur désir de charges honorables ;
quelle impertinence ! Quant à noire Sœur N..., je sais [293] aussi peu ce qu'elle veut, et ce que je dois
faire d'elle, qu'avant sa lettre ; elle ne le sait pas elle-même ; et
je crois, ma très-chère fille, qu'il la faut un peu faire retirer [en solitude]
pour vaquer à elle-même, et puis prier le très-bon et très-sage Père recteur de
l'ouïr et lui donner de la fermeté, et, à vous, conseil. Or, en tout cas, il
faut qu'elle demeure là jusqu'à notre retour (je ne sais pas quand il sera,
puisqu'il y a beaucoup d'apparence que l'on ira à Paris), parce que retirant
notre bonne Sœur Françoise-Gabrielle, il me semble que cette jeune fille vous
sera nécessaire. Certes, ma très-chère fille, il me lâche bien de vous ôter
cette bonne Sœur, mais son expérience et sa solide vertu sont
plus nécessaires ici que vers vous. Maintenant vous connaissez notre petite
Supérieure [la Mère Rosset] et sa grande vertu et recueillement ; elle ne
pourrait pas être attentive aux affaires.
Si vous n'avez pas besoin de notre bonne Sœur Hélène-Marie [294] [Le Blanc], mandez-le-moi ; c'est une
vraie Israélite, bon esprit ; mais elle ne peut ni comprendre l'Office, ni
faire ici la seconde utilement, comme fera notre Sœur
Françoise-Gabrielle ; si vous vous en pouvez passer, ce sera autant de
déchargé.
Non, ma très-chère Sœur, il ne faut pas se charger de tant de jeunes
filles ; vous en avez trois, il me semble que c'est assez ; il faut
donner haleine aux autres ; en attendant, celles-là prendront l'habit.
Si cette fille que la Reine mère propose est digne pour notre vocation,
l'occasion serait bonne ; car cette princesse ne fera pas la charité à
moitié, et puis, c'est occasion de plus grande connaissance. Ne vous l'avais-je
pas mandé que la Reine avait si bien reçu nos lettres ? Dieu conduira bien
tout.
Oui, l'assistante doit donner ces menus congés en l'absence de la
Supérieure. Ne faites pas faire davantage de cachets, le nôtre suffit.
Nous avons ici retenu cette bonne fille dont je vous ai écrit pour
servir ; elle n'est pas de taille plus forte que l'Antoinette ; mais
elle est vive, saine et courageuse ; elle a un grand désir, et il y a
longtemps qu'elle sert Notre-Seigneur ; elle n'a encore que vingt-cinq
ans, elle coud fort bien. Si vous voulez envoyer la vôtre, mandez-le-moi, et je
vous enverrai celle-ci. Nos Sœurs la trouvent fort à leur gré ; elle
servira trois ou quatre ans de tourière, puis elle sera Sœur blanche. Nous [en]
avons une environ de même taille et à même condition que nous ne changerions
pas pour une bien riche ; celle-ci est joliment vêtue et lingée, et a
environ cinquante écus. Mandez-nous votre commodité ; si vous la prendrez
et dans quel temps. Quant à celle de la Châtre, elle n'ira point à vous qu'elle
ne donne cinq cents écus au bout de l'an, et, à son entrée, sa pension de cent
francs et tous les meubles et habits ; c'est une fille qui se rendra
utile, mais ce qui me tient en peine, c'est ce mal qu'elle a eu. Revoyez ce que
je vous en écrivis, et en conférez avec le Père recteur ; [295] puis me mandez ce qui se résoudra. — Je ne
vois point de moyen de faire ici recevoir cette demoiselle ; il faudrait
avoir patience qu'il en fût venu ici qui apportassent à suffisance ; niais
cependant, ma très-chère fille, si elle a les conditions que vous me mandez, et
qu'elle n'ait point été participante du mal qui règne en cette mauvaise
compagnie, qu'en son particulier elle n'ait point été diffamée, je pense
[qu'il] ne peut y avoir intérêt de la recevoir ; mais je voudrais lui
faire faire l'essai de six mois, voire, d'une bonne année.
Vous voulez, ma très-chère fille, que je vous dise qui pourra porter les
charges de la bonne Sœur Françoise-Gabrielle. Voici mon sentiment : il
n'importe pas beaucoup que notre Sœur Marie-Hélène [de Chastellux] soit
directrice, et Jeanne-Marie [de la Croix de Fésigny] assistante et économe,
sous une Mère vigilante et qui se tient volontiers avec son petit troupeau,
cela me semble bien ; mais le bon et sage Père recteur doit être consulté,
et son avis suivi avec le vôtre ; je m'y soumets pour tout ce que je vous
dis, avec raison et de tout mon cœur.
J'ai été touchée du séjour de Françoise à Lyon ; je suis en la
saison des bonnes mortifications pour mes enfants ; mais, grâce à Dieu,
tout passe soudainement. Or, je lui écris que si elle est encore à Lyon, elle
trouve moyen de s'en venir ici, et j'accepte votre offre de l'envoyer prendre
en cas qu'elle vous en avertisse ; mais je lui manderai fort qu'elle
prenne commodité à Lyon ; mon neveu de Neuchèze l’ira prendre chez vous si
elle y vient. Voilà bien de la peine là qui eût été évitée, si l'on ne m'eût
divertie, car la pauvre fille montait dans le carrosse pour venir ici,
lorsqu'elle reçut la défense de le faire, pensez son sentiment. Or, je pense
que dès qu'elle sera arrêtée quelque part, le mariage se fera bientôt ;
elle sera heureuse avec ce gentilhomme si plein de vertu.
[296]
Il ne faut donc plus dire de paroles de tendresse à cette très-chère
fille, qui est pourtant aimée aussi tendrement et fermement qu'il se peut
désirer. Je le veux bien, et j'aime cela, et d'aimer néanmoins invariablement.
Adieu, car il me faut beaucoup écrire ; je salue le Révérend Père recteur,
tous les amis et amies, et par-dessus tout nos très-bonnes et chères Sœurs,
auxquelles je suis toute dévouée, et à la Mère plus qu'à toutes
incomparablement. Je souhaite à ce béni troupeau une sainte et ponctuelle
observance.
Dieu
soit béni !
[P. S.] Ma fille,
s'il se peut, envoyez par la poste ces lettres à Lyon, et y mettez un bon port,
encore que je pense que cette fille sera partie. Voilà déjà les
Directoires ; mais renvoyez-les promptement ; vous aurez bientôt les
Entretiens. Oh ! mais souvenez-vous dépolir et accoutrer le Directoire de
la maîtresse des novices, et n'y oubliez rien, et pour cela ramassez votre
esprit : il y est dit que le mercredi, quand elle tiendra le noviciat,
elle dira au commencement ce qu'elle aura à dire ; cependant elle ne le
fait qu'après que les avertissements et les coulpes sont dits ; aussi
est-il mieux.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CLXXVI - À LA
SŒUR MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX.
À MOULINS
Mépris qu'où doit faire de la tentation et du tentateur.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges, 1619.]
Ma très-chère fille, j'aurais plus de pitié que je n'ai de vos
[297] peines, si je ne les avais
moi-même expérimentées, et si je n'étais assurée qu'elles font plus de peur que
de mal aux âmes qui craignent d'offenser Dieu, comme je sais que vous faites,
par sa miséricorde.
Monseigneur de Genève, notre véritable Seigneur et Père, me recommanda
de ne point m'amuser à combattre avec cet ennemi, et me dit qu'il suffisait de
le mépriser, que le rebut est le plus sensible affront qu'on, lui puisse faire,
étant un esprit tout d'orgueil. Faites-le même, ma chère fille, et dites
souvent : « Je veux, je crois, j'espère mon Dieu, je veux mon Dieu,
oui, et rien autre au ciel ni en la terre, et j'espère uniquement en sa
bonté. » Après ces actes, faites de temps à autre des invocations dévotes
à la Sainte Vierge et à votre bon Ange, et soyez en repos sous leur protection.
SUPÉRIEURE À LYON
Recommandations maternelles pour sa fille. — Amour de la
Sainte pour la Règle, et son désir de la pratiquer avec toute la perfection
possible.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges, 1619].
Mais que veut dire cela, ma toute unique fille, je ne reçois
[298] point de vos nouvelles et de
celles de Nessy, j'ai peur qu'il ne soit arrive quelque chose à Françoise,
laquelle je veux envoyer prendre, le plus promptement qu'il sera possible, pour
la faire conduire droit à Dijon, car je ne veux point qu'elle aille à Paris, puisque
Mgr l'archevêque s'en va, et que mon fils ni mes neveux n'y sont pas. Je vous
supplie de la conjurer fort, cette chère fille, qu'elle ne laisse point
dissiper son cœur à la vanité. Je ne désire rien tant, sinon qu'elle excelle en
humilité, affabilité, et surtout en la crainte de Dieu ; si elle a soin de
cela, la divine Bonté la conduira bien. Tous nos parents se réjouissent fort de
la voir, et c'est à qui l'aura.
Au reste, ma fille, nos Règles sont attendues impatiemment, je vous
prie de nous en envoyer par ce messager, et nous mandez si vous en aurez envoyé
à Monseigneur. Nous avons grande consolation du jugement que tous les vrais
serviteurs de Dieu en font ; le Saint-Esprit les a composées, dit-on. O
Dieu, quand j'entends cela, je me voudrais fondre ! Ma fille, quelle
fidélité devons-nous apporter pour les observer, puisque c'est Dieu lui-même
qui de toute éternité nous a marquées et appelées pour cela ; quelle
bonté ! et combien la devons-nous aimer et servir fidèlement ! Je vous
conjure, avec toutes vos chères filles, de correspondre à cette miséricorde.
Oh ! qu'elles viennent donc, ces bénites Règles, et que je puisse
mourir, si je n'en embrasse la ponctuelle observance de tout mon pouvoir ;
mon Dieu me veuille bien aider pour cela, je l'en supplie très-humblement, par
l'infini amour qui l'a fait mourir sur la croix ; et ce souhait, je le
fais pour toutes, de tout mon cœur, dites-le à vos filles, et le mandez aux
autres encore.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [299]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Accord pour l'envoi des lettres. — Trésors qu'on acquiert
par la douceur dans les petites contrariétés domestiques. — Recommandation
d'écrire à saint François de Sales ; il n'approuve point le désir de
changer de monastère. — Proposition d'une fille pour être tourière.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges, 1619.]
À l'instant que nous eûmes reçu votre paquet, nous lui donnâmes la
meilleure conduite qu'il nous l'ut possible, ma très-chère fille, et l'homme de
M. de Palierne nous avait promis que dans six jours il nous
donnerait commodité de vous écrire, mais il ne s'en parle plus. Je vous
proteste, ma très-chère amie, que je sens de la peine de trouver si peu de
commodités de vous écrire, et je ne sais encore qui portera celle-ci. Mais,
savez-vous, dorénavant nous nous servirons du messager de Lyon, qui passe vers
vous et loge au Grand-Dauphin,
si j'ai bonne mémoire. Je crois que vous lui donnerez volontiers une couple de
sous pour son port, car autrement il ne vous porterait pas ma lettre, et il
pourra nous rapporter des vôtres.
Je vous compatis beaucoup, ma pauvre très-chère Sœur, de vous voir
environnée de tant de malades et attaquée de chagrin. Hélas ! mon Dieu, la
multitude de ces petites occasions sert de fortes tentations quelquefois ;
mais, ma pauvre très-chère Sœur, ne [vous] souvenez-vous point que notre
très-cher Père nous disait une fois que le miel le plus délicieux se cueillait
sur le thym, qui est petit et extrêmement amer ? Mon Dieu ! ma chère
amie, que de trésors, que de suavités s'acquièrent par la douceur de l'esprit,
parmi ces petites occasions domestiques ! Soyons donc bien douces, ne nous
fâchons de rien, puisque [300] aussi
bien cela n'empêche pas que le mal ne soit, quand il est arrivé. Voyez-vous, ma
très-chère fille, je désire que vous vous tourniez toute de ce côté-là ;
car enfin c'est l'esprit de notre Institut, et il nous faut reluire et éclater
en cette vertu.
Monseigneur se porte bien, il travaille sans fin. Il y a des
difficultés pour notre établissement [de Paris] ; mais enfin j'espère que
Notre-Seigneur le fera, si c'est pour sa gloire. Ne lui avez-vous point écrit,
à ce bon Père ? Il le faut faire quelquefois ; car je vois que ce
cœur-là aime tant ses enfants, qu'il est bien aise de recevoir quelquefois les
témoignages de leur amour. Nous n'avons aucune nouvelle de nos Sœurs de Nessy.
Françoise ne viendra pas ici, elle ira droit à Dijon.
Notre cher Père n'est point content du désir de notre Sœur Jeanne-Marie de changer de lieu ; je suis marrie
qu'elle ait cette fantaisie, qui marque une grande imperfection ; mais il
ne lui faut pas dire. Mandez-moi si elle s'en est déclarée à vous ; car je
voudrais qu'elle se mit en la sainte indifférence. Je vous écrivis longuement ;
je ne vois pas que vous ayez reçu ma lettre.
Il y a une jolie fille ici qui est bonne couturière ; elle s'offre
[301] de vous servir trois ans au tour,
à la charge qu'après on lui donnera [le voile] blanc ; voyez si cela vous
serait commode. Je suis contrainte de finir. Bonjour, ma très-chère Sœur, et à
toutes nos chères filles et à nos amies, et au Révérend Père recteur. Je suis
toute vôtre en Jésus ; qu'il soit béni !
[P. S.] Ce marchand
repassera ; que je sache de vos nouvelles. J'attends l'homme de M. de
Palierne pour lui récrire.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
La Sainte la rassure sur son état intérieur. — Prix des
actes d'humilité. — On ne doit pas regarder à la dot des filles, mais à la
bonne vocation.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges], 25 janvier 1619.
Mon Dieu ! ma très-chère fille, que j'ai de consolation à voir
votre cœur que votre lettre me représente si naïvement ! Que Dieu le
bénisse, ce cher cœur, et le fortifie contre tous les petits assauts qui ne
sont en vérité nullement dignes d'être regardés, oui bien d'être soufferts.
Bref, tout ce qui nous peut rendre un peu plus humble nous doit être
précieux ; ne visez qu'à cela, ma très-chère fille, et à la bonne
observance. Je sais votre chemin, qui est très-bon ; vous n'avez besoin
que de vous tenir en courage et en joie, aimant et caressant toutes sortes de
contradictions et d'abjections ; mais faites ceci, ma vraie très-chère
fille, que j'aime d'un amour incroyable. Je ne vous dis rien autre, car je vous
connais mieux que moi-même, et me fie plus en vous qu'en moi, et avec juste
raison. J'ai un désir grand que nous servions parfaitement notre bon Sauveur.
Tout va bien ici, mais tout bellement, n'y ayant encore rien
[302] d'assuré pour Paris. J'ai bien eu
des croix, ma fille, et de bien sensibles ; je me suis trouvée avoir le
cœur fort maternel, Dieu convertira tout à sa gloire. Vous voyez que je cours,
c'est parce que j'ai peu de loisir, et grande quantité de lettres et
d'affaires, car nous étions sans nouvelles de Nessy dès la Toussaint. Je ne
sais si je pourrai écrire à tous ; où je manquerai, suppléez, ma fille, je
vous en prie.
Je sais bon gré à vos filles de leur Noël, je les salue cordialement. Mais
pourquoi cette bonne demoiselle dit-elle que nous n'avons pas la clausure
[clôture] à Grenoble ? Elle y est et y sera comme aux autres maisons. Cela
ne la doit arrêter ; ni aussi vous ne devez [pas] tant regarder aux riches
dots des filles, pourvu qu'elles soient telles qu'elles méritent d'être
gratifiées ; car, ma fille, il n'est pas croyable le bien qu'apportent à
nos maisons les bonnes filles. Il y a une dame de Grenoble qui se signe :
de la Porte, je ne sais qui elle est ; mandez-le-moi, afin que je lui
réponde ; car sa lettre et son cœur le méritent.
Oh ! adieu, ma très-chère fille, à Dieu soyons-nous sans réserve.
Je salue cordialement nos chères Sœurs ; elles savent que je suis toute à
elles sans réserve. Je n'entends rien de la chère Sœur Barbe-Marie, mais je
l'aime bien de tout mon cœur. Je vous prie, ma fille, de nous envoyer notre
cachet, ou un tout semblable, car je le trouve fort bien fait ; mais
envoyez-le-moi bientôt, et m'aimez bien toujours.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [303]
LETTRE CLXXX (Inédite) - À
MADAME DE LA FLÉCHÈRE
Nouvelles de la fondation de Bourges, de Françoise de Chantal et de
Celse-Bénigne.
VIVE † JÉSUS !
Bourges, 2 février 1619.
Ce seul petit mot à ma très-chère Sœur que j'aime de toute mon âme, car
il n'y a pas longtemps que je vous ai écrit, et j'attends bien de vos
nouvelles ; les nôtres sont bonnes, grâce à Dieu ; notre petite
maison va faisant doucement son petit accroissement avec [bonne] odeur. De ce
qui est de mes enfants, je pense établir ma fille en Bourgogne, et que le
mariage se conclura bientôt avec M. de Foras. Mon fils m'a fait ressentir les plus
sensibles douleurs que peut souffrir une mère ; la cause, je vous la dirai
de bouche ; il est en cour, tout brave, tout
galant, ce dit-on, fort résolu de se bien conduire et de chercher
fortune ; je désirais qu'il la prît avec notre bon prince, je ne sais ce
qu'il fera, mon très-cher Père l'aidera. Accablée de lettres qu'il faut écrire
encore, je finis ; ô ma très-chère Sœur, le grand Jésus soit notre unique
amour. Amen.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [304]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Les Sœurs du voile noir ont voix au chapitre. — Une
prétendante à humeur bizarre ne peut être admise. — Il ne faut pas recevoir
beaucoup de jeunes filles qui ne sont point encore en âge de prendre l'habit. —
La Supérieure ne doit prêcher que la Règle et y être fidèle.
VIVE † JÉSUS !
Bourges, 16 février 1619.
Voilà une lettre de vieille date par laquelle je réponds quasi à tout
ce que vous me demandez derechef ; notre Sœur l'assistante fera le
surplus, je l'en ai priée. Oui, la Sœur qui a le voile noir aura voix au
chapitre. Si la Sœur Antoinette a les mêmes humeurs d'esprit qu'elle avait à
notre passage, je ne trouverais pas grande difficulté à la renvoyer ; car
comment l'admettre avec cette humeur ? Il faut néanmoins en conférer avec
Notre-Seigneur, le Révérend Père recteur et les Sœurs, et vous résoudre de
cette fille dont je vous écris, comme cela.
Je ne crois pas que vous dussiez prendre tant de jeunes filles qui ne
soient prêtes à prendre l'habit ; car vous avez de vrai peu de logis
maintenant ; par ce moyen, vous fermeriez la porte aux filles capables de
le recevoir ; puis, tant de jeunesse ensemble tout à coup accablerait la
maîtresse. Je m'en doutais bien que la pauvre Sœur Jeanne-Marie serait guérie
de ce remède ; mais quelle enfance ! Aussi, certes, toutes ses
actions montrent qu'elle l'est encore, et je voudrais qu'elle prît plus de
poids et de gravité ; enfin nous ne nous formons pas assez à notre modèle.
Oh bien ! maintenant qu'elles auront chacune leur petite règle, elles feront merveille, Dieu aidant ;
enfin, ma très-chère fille, il ne leur faut prêcher que cela, et nous-mêmes
être en [305] tout très-exactes,
je dis même pour ce qui est hors de nous. Dieu vous bénisse, mon enfant, de
vous être souvenue de votre pauvre Mère ! Hélas ! que je désirerais
de commencer à mieux vivre toute en Dieu ; priez bien pour moi, je vous
prie. Mille salutations à tous et à toutes ; adieu, ma pauvre très-chère
et très-aimée Sœur.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Bon état de la maison d'Annecy, où chaque Religieuse a un
livre des Règles et Constitutions. — Zèle de la Sainte pour maintenir la
récitation du petit Office. — Devoir de l'assistante des parloirs. — En quoi
consiste l'autorité du Supérieur. — Une Supérieure peut faire un grand bien par
sa fidélité à l'observance.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges, 1619.]
Je vous assure, ma très-chère fille, que le temps commence à me fort
durer de ne savoir de vos nouvelles ; Dieu soit béni de tout ce que vous
me mandez. O Dieu ! que de consolation de savoir tant de bonnes âmes
cheminer par une même voie avec tant de désirs de la perfection ! Nos
Sœurs d'Annecy font fort bien, à ce que m'écrit M. Michel, et ce petit livret
de leurs Règles, qu'elles possèdent chacune, leur donne grande aide et ferveur.
Vous avez fait avec grande prudence pour la clausure.
Il faut toujours demander le privilège de l'Office, parce [306] qu'enfin il n'y a moyen de se soumettre à l'autre, et faire que toutes
vos filles aspirent fermement à le demander et à l'obtenir ; car cela est
plus important pour conserver la fin de notre Institut qu'il ne se peut dire. —
Il faut, ma très-chère fille, introduire sans exception, que l'assistante du
parloir voie les Sœurs qui parlent à qui que ce soit, même au Supérieur, quoique, quand il lui plaira, il pourra la
faire retirer, en sorte qu'elle n'entende pas ; et, certes, même ne
faudrait-il pas attendre qu'on lui dise. Mais, quant à la veuve, la règle ne
fait point d'exception : cela étant, il faudra avoir patience ;
néanmoins, s'il vous semblait qu'il y eût de l'amusement, vous avez de grands
Supérieurs pour y faire mettre ordre. — Il est vrai que les filles sont encore
plus obligées au Supérieur qu'à la Mère, mais c'est en gardant et
observant la Règle, car il n'est Supérieur que pour cela, et l'on ne lui
doit pas l'obéissance pour des choses qui tirent de là ; mais le grand
Dieu ne permettra pas qu'il y en ait de mauvais. M. de Foras n'est point encore
venu ; nous n'avons pas encore reçu le commandement de partir pour
Paris ; nous irons, s'il plaît à Dieu, avec trois ou quatre filles
seulement ; nous en prendrons des nôtres de Moulins ; puis, à loisir,
nous verrons celles qu'il sera expédient de faire venir. Vous avez raison,
cette petite Sœur n'est point prête à être tirée. Certes, à Nessy, notre
Sœur*** ne l'était pas ; croyez, ma fille, qu'il faut des filles bien
ferrées pour commencer ces maisons. Nous mettrons encore ici notre Sœur
Françoise-Gabrielle [Bally] ; car vous ne sauriez croire combien cette
maison sera importante. Nous sommes fort regardées, et avec un peu de tentation
d'envie, ce dit notre cher Père. J'espère que nous laisserons ici avant que de
partir six ou sept bonnes filles avec les anciennes. [307]
Je n'en doute point, ma très-chère fille, qu'il ne faille que vous
passiez les monts. Dieu fasse de nous tout ce que bon lui
semble. Ma fille, jamais vos lettres ne me sont trop longues, et suis toute
consolée de voir vos nouvelles, surtout celles que vous me dites de votre cher
cœur. Croyez que Dieu veut de vous une très-exacte observance, car il vous
emploiera fort pour le service de cet Institut ; c'est pourquoi, ma fille,
il vous veut toute pour cela, et que votre esprit, vos affections et vos
prétentions y soient toutes renfermées. Quel honneur, ma fille, et quelle
grâce ! mais vous verrez quelles faveurs il vous fera, lui étant fidèle.
Je serais bien aise de savoir l'état de vos affaires temporelles et qu'elles
soient bien acheminées. Jamais il ne faut penser à tirer de là la petite Sœur
E.-Marie. Pour cette fille, qui est si brave, à ce que vous dites, on la pourra
recevoir, sinon, certes, il n'y a pas apparence de le faire, néanmoins
toutefois l'on verra si les fondations feront place à ces pauvres braves
filles.
Mon neveu de Neuchèze ne vous peut écrire. Je salue chèrement notre
petite chère Sœur Marie-Aimée ; je n'en peux plus, c'est pourquoi je me
dispense d'elle [de lui écrire]. Je salue M. de Saint-Nizier, car il s'en faut
bien entretenir ; il est en presse de son départ pour Bourgogne, et dit
néanmoins qu'il ne peut dire autre chose pour M. B.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [308]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Éprouver longtemps les esprits difficiles. — Choix des
Sœurs pour la fondation de Paris ; dispositions à prendre pour leur
voyage. — À quelle heure on doit sonner le silence en Carême.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges], 22 février 1619.
Vous aurez reçu, ma très-chère Sœur, réponse à toutes vos précédentes
lettres par le messager de Lyon, qui partit lundi dernier ; mais si cette
pauvre fille a trempé au mal, cela est bien fâcheux, et le serait tant plus si
le mal était connu et épanché ; néanmoins si la chose n'est venue en
scandale public, et qu'elle ait présentement bonne volonté, je pense qu'il la
faut aider [tout de] même, ayant les bonnes qualités que vous me dites ;
mais il la faut éprouver longuement, surtout en cas qu'il y ait eu du
mal ; voilà mon sentiment. Vous verrez ce que Monseigneur dira, à quoi il se faut tenir, voire même,
comme il est très-raisonnable, au jugement du sage Père recteur et au vôtre.
Non, ma très-chère fille ma mie, ne vous mettez jamais en peine de ma
santé ; je n'en ai besoin que pour le service de Notre-Seigneur, il
pourvoira donc à ce qui m'en sera nécessaire, et, certes, j'en ai abondamment
selon ma nécessité ordinaire ; mais vous, mon enfant, je vous prie, prenez
garde à la vôtre, et vivez à l'accoutumée, voire, s'il en est besoin, faites
tout ce qui sera requis pour vous tenir en force et servir cette chère troupe,
à laquelle vous êtes plus nécessaire que jamais, et d'autant plus que nous
allons vous lever vos aides au premier jour ; car voici que Monseigneur
nous mande que notre établissement de Paris est résolu par une autorité absolue
de Dieu, ayant [309] été
combattu plus qu'il ne se peut dire, et par quantité de personnes de grande
dévotion qui pensent que nos Sœurs étant là auront la vogue et diminueront
l'estime des autres ; grande misère que la prudence et fragilité humaine !
Hélas ! bon Dieu ! nous n'avons point ce dessein, ains de nous tenir
pour les plus petites !
Il me commande donc, ce bon Seigneur, de nous tenir prêtes pour aller
sitôt que les oppositions qui se faisaient seraient levées, dont il nous
avertira, et il ne veut pas que l'on prenne le temps d'aller prendre des filles
à Nessy, disant que l'on en fera venir à loisir, que je me secoure des filles
de votre maison ; il entend de notre Sœur, J.-Marie et de madame de
Gouffier, de la petite Sœur Marie-Anastase [Pavillon] de Paris, car, dit-il, on
l'a ainsi promis à ses parents. À l'abord, je vis prou de difficulté à vous
ôter tout à coup nos deux professes ; mais vous ayant bien considérée et
notre Sœur Marie-Hélène de Chastellux, avec le reste des filles, il m'a semblé
que tout le train ne laisserait pas d'être bien conduit, que notre Sœur
Hélène-Marie [Le Blanc] d'ici ne vous serait point nécessaire, et qu'enfin la
divine Providence, par cette décharge, voulait faire place à quelques autres,
et, de plus, que vous êtes notre très-chère fille toute à Dieu, et que la
nécessité n'a point de loi.
Je vous dirai que je pense que la Sœur Jeanne-Marie eût eu de la peine
à se tenir en quiétude ; car, par cette dernière occasion, elle m'a écrit
une lettre de quatre pages pleines du bonheur qu'elle a avec vous et en votre
maison ; mais enfin elle ne peut s'empêcher de témoigner le désir d'en
sortir et de venir quelque temps auprès de nous : esprit enfantin.
Dites-lui, ma très-chère fille, que je ne lui écris pas, puisque j'ai l'espérance
de la voir bientôt ; mais que je la conjure d'apporter ici une façon et
conduite qui soient modestes, graves, et ne ressentent point l'enfant. Il me
semble que notre Sœur Marie-Anastase n'est pas professe, mais il
n'importe ; vous ne laisserez pas de recevoir sa dot [310] [comme simple dépôt toutefois, car vous ne
pourrez l'employer qu'après ses vœux]. Enfin, ma très-chère fille, il faudra
faire ce dépouillement gaiement, doucement, sans quasi en parler ; car je
trouve qu'il est mieux de faire ainsi tout simplement. Faites, je vous supplie,
ma fille, que leur habit soit bon et honnête avec les manches larges, selon que
le Directoire marque, enfin comme vous savez qu'il les faut accommoder. Il
faudra encore, ma très-chère fille, s'il vous plait, que vous cherchiez
équipage commode à les envoyer avec un homme d'Eglise. Nous donnerons de
l'argent pour retourner l'équipage, et, s'il se trouve des commodités à Paris,
votre maison en aura sa part, Dieu aidant. Sitôt que nous aurons des nouvelles
de Monseigneur, nous vous enverrons un laquais, mais tenez bien tout prêt, je
vous prie.
Oui, l'on fait le silence dès Tierce, sinon que l'on avançât l'heure de
l'Office ; en ce cas, il ne se ferait qu'à dix heures ; que si pour s'accommoder au sermon,
l'on retarde l'Office jusqu'à neuf heures, on sonne toujours le silence à huit
heures et demie. L'on donne un demi-quart d'heure entre l'oraison et la
collation. Adieu, ma toute très-chère fille ; je prie nos Sœurs de
m'excuser, je ne puis écrire, mais n'importe, nous les verrons. Nous avons tout
reçu ce que vous nous avez envoyé, et grand merci, ma très-chère fille, de vos
cachets. Dieu soit notre Tout.
[P. S.] S'il vous semblait que vous eussiez affaire
d'une fille, il me le faudrait mander, afin d'en faire venir une de Nessy.
J'écrirai à M. le doyen quand l'on vous avertira pour envoyer les filles. Si
elles viennent à cheval, faites-les sortir de la ville dans un carrosse, et
donnez-leur charge que, quand elles seront à la dernière dînée, elles fassent
avancer le laquais que je [311] vous
aurai envoyé, afin qu'un carrosse les aille prendre proche d'ici. Ne dites
encore guère rien de ceci, sinon au Révérend Père et aux filles qu'il faut
envoyer ; il est vrai qu'il faut chercher l'équipage.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Recommandations pour le voyage des Sœurs fondatrices de
Paris. — État de la maison de Bourges. — Nouvelles de Celse-Bénigne et de
Françoise de Chantal. — Bien que fait saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges], 27 février 1619.
Je vous écrivis vendredi, ma très-chère Sœur ma mie, mais le petit
homme qui nous apporta vos dernières lettres ne vint [pas] prendre la
réponse ; néanmoins, hier au malin, un bon homme de votre ville assura
fort qu'il vous les rendrait le soir. Vous aurez donc vu que, selon le
commandement de Monseigneur et la nécessité de cette maison, nous sommes
contraintes de vous incommoder [priver] de trois de vos filles. Je vous
suppliais de les tenir prêtes avec leur habit, s'entend un seul, mais qui fût
fort bon et honnête, et les manches larges selon que sont les nôtres ;
mais vous aurez vu tout cela, car il me semble que je vous ai écrit assez
amplement, et vous savez que comme j'ai une parfaite confiance en vous, aussi
je m'assure que vous l'avez en moi pour me dire franchement votre besoin.
J'attends demain des nouvelles de Monseigneur. Si l'inconstance de toutes les
choses créées n'a rien changé en l'établissement de nos affaires, je crois
qu'il faudra partir bientôt, et Monseigneur me mandait que ce coup est si
important pour la gloire de Dieu et la ferme solidité de notre Institut, qu'il
ne se peut davantage, c'est pourquoi nous y contribuerons tant [312] plus courageusement [par] nos commodités et
incommodités. Nous vous avertirons à temps, mais il faut se tenir prêtes, sans
toutefois en faire bruit, à cause de ces grandes incertitudes du monde.
Nous reçûmes avant-hier la fille de M. Thibaut et deux ou trois autres
qui sont proches d'entrer ; Dieu bénisse ces petits commencements !
Au premier beau jour, nous irons visiter une place pour nous bâtir quand Dieu
aura donné de quoi. Je vous prie, mon enfant, envoyez-nous votre plan, s'il est
fait. Ces deux filles attendent fort votre réponse ; souvenez-vous de la
faire à la première commodité. Vous êtes trop brave de faire nos cachets
d'argent, mais combien coûtent-ils ? car il faut rembourser ; ils
sont du tout bien faits et gravés.
Vous ai-je dit que Françoise était à Dijon, et que tous les parents
s'accordent à son mariage ? mais M. de Foras est retenu par Monseigneur à
cause de quelque digne occasion qui regarde son bien. L'on me dit aussi que mon
fils prend le frein aux dents, et qu'il y a apparence que Dieu
l'assistera ; sa divine bonté le veuille.
Oh ! ma très-chère fille, que nous sommes obligées à notre divin
Sauveur d'avoir mis dans nos cœurs la très-sainte et unique prétention de lui
plaire ! Heureuses les âmes qui n'espèrent ni n'aiment que les choses
éternelles !
Notre très-cher Père rend de grands services à notre cher Maître et
Seigneur, tant en ses prédications qu'aux conférences ; mais il n'est pas
exempt de l'envie. O misère du cœur humain ! Je n'écris point à cette
bonne Sœur Jeanne-Marie parce que je l'espère voir ; que, sinon, je ne manquerai
pas, puisqu'elle le désire.
Adieu, ma pauvre vieille très-chère fille ; en vérité, je suis
toute vôtre. Dieu bénisse la chère troupe.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [313]
LETTRE CLXXXV (Inédite) - À
MADAME DE CHARMOISY
Consolations et conseils affectueux. — Détails sur le
monastère de Bourges. La Sainte annonce son départ pour Paris.
VIVE † JÉSUS !
Bourges, 15 mars 1619.
Mais, mon Dieu, j'apprends que ma pauvre très-chère Sœur est toujours
tout attendrie. Hélas ! et je crains que cela ne dure, en sorte qu'elle
s'en fasse habitude ; c'est pourquoi, ma vraie et très-chère amie, je vous
conjure, par l'Amour éternel de notre cœur, que vous ayez un grand soin de vous
divertir intérieurement et extérieurement. Je vous dis ce remède, n'en ayant
point trouvé en mes afflictions de si propre, après l'humble et amoureuse
soumission au très-saint vouloir de Dieu... outre que celui-ci nous est
ordinaire [qu'il est facile de se le procurer]. Courage, ma très-chère unique
Sœur ; je dis ceci avec un sentiment extrême, et, certes, avec la larme à
l'œil, tant je suis tendre de votre cher cœur ; mais courage
pourtant ; tenez le dessus à tous vos sentiments, et, avec une sainte
générosité et un cordial amour à la Providence, vivez avec une sainte joie et
une sainte espérance de la vie éternelle, en laquelle nous reverrons tous nos
chers amis, mais surtout le Souverain bien de nos amis et le nôtre, duquel nous
jouirons éternellement, sans interruption, moyennant sa divine miséricorde. Or
sus, demeurons tout accoisées. [314]
Monseigneur notre très-cher et très-bon Père vous retournera bientôt,
s'il plaît à Dieu, et j'en suis consolée pour l'amour de vous tout
particulièrement. Pour moi, je ne sais pas encore quand cela sera, car, si l'on
va à Paris, ce ne pourra pas être sitôt. Pour ce qui est de cette maison, grâce
à Dieu, dans la fin d'avril, je pourrai me retirer, et nous le ferons, si
Monseigneur ne commande le contraire. Nous laisserons, Dieu aidant,
demi-douzaine de novices et la maison assez accommodée. Je vous assure, ma
très-chère Sœur, qu'il m'en tarderait si la très-sainte volonté de Dieu ne nous
était plus chère que nos inclinations.
Je salue ma très-chère nièce et nos chères amies, mais surtout votre
bien-aimé cœur, auquel je suis toute dédiée par un amour singulier.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
d'Ornans.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Courage et confiance de la Sainte pour la fondation de
Paris, où elle prévoit de grandes difficultés. — Elle attend à Bourges les
trois fondatrices et Sœur Françoise-Gabrielle Bally.
VIVE † JÉSUS !
[Bourges, mars 1619.]
Ma très-chère Fille,
Mon Dieu ! quelle surprise, ma très-chère fille, avec un peu
d'empressement ; car à soir, à la nuit, j'ai reçu nouvelles de
Monseigneur, qui nous commande de partir le jeudi saint, ou enfin le lundi de
Pâques, et, pour ce dessein, d'établir [le nouveau monastère] avant son départ,
le jour duquel est incertain, et toutefois pressé. « Cette affaire,
dit-il, s'entreprend sous la seule Providence de Dieu ; c'est un coup de
hasard, dit-il encore, et plus que cela ; mais Dieu requiert qu'on le
fasse, et il vaut [315] mieux
n'être appuyé que sur sa très-sainte Providence que de se gouverner selon la
sagesse et prudence humaines. » Madame de Gouffier me dit que l'on nous
attend avec toute la petitesse et pauvreté que nous saurions imaginer, mais
avec très-grand contentement ; elle ne me détaille rien, ains seulement
que j'irai et verrai, et que je trouverai de quoi employer tout mon courage
pour Dieu. Sa divine bonté nous en veuille donner, et la grâce de l'employer
sans réserve au service de sa très-sainte gloire. Voilà comme nous avons
occasion de nous tenir toujours en notre petitesse et de prier fort
Notre-Seigneur qu'il soit glorifié en elle. Donc, ma fille toute chère, je vous
conjure que vos trois filles soient ici samedi, veille de Pâques, accommodées
comme vous savez qu'il faut, cela s'entend d'un bon habit et de linge
suffisant, car l'on est pauvre partout. Obtenez, en toutes les façons qu'il se
pourra, par l'aide de votre bon père, M. de Palierne, un honnête homme pour
amener nos filles ; car de prêtres il n'en faut espérer cette
semaine ; mais n'importe, donnez seulement de quoi défrayer tout
l'équipage dès Moulins jusqu'ici, et notre homme à son retour ; car, pour
tout le reste, nous le payerons.
Dieu sait si je suis occupée et un peu marrie de n'avoir que le jour de
Pâques pour voir et entretenir de tout notre chère Sœur Françoise-Gabrielle
[Bally], mais ce que je ne ferai maintenant sera pour notre retour. Écrivez-moi
incontinent à Paris de ce que vous aurez besoin de savoir de Monseigneur, afin
que si d'aventure il ne passe pas vers vous, vous ayez toutefois vos
résolutions. Ma fille, il faut finir ; mille saluts à tous et à toutes.
Dieu sait combien je suis vôtre.
[P. S.] La
Sœur Marie vous ira trouver ces fêtes.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [316]
SUPÉRIEURE À BOURGES
La soumission à la divine volonté console dans les
séparations et maintient la paix de l'âme.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 14 avril 1619.
Ma très-chère Sœur ma mie,
Il est bien difficile d'empêcher nos sentiments de se mouvoir sur les
occasions de telles absences ; néanmoins la volonté étant unie avec
Dieu ramène bientôt le reste en sa quiétude. Ce bon Dieu, auquel nous sommes
unies, nous conservera en sa sainte amitié et unité qu'il nous a données ;
sa bonté sait que rien ne saurait préjudicier à cela.
Je suis marrie de la faiblesse de la Sœur N… Vous faites bien de la
faire déclarer et d'user de charité ; mais, après l'avoir exercée, il
faudra se résoudre. Je vous écrirai par le Révérend Père recteur plus
amplement. Et de ce que vous me demandez, je vous répondrai aussi ; mais,
pour ce coup, je vous assure, ma pauvre chère Sœur, que je ne le saurais faire,
car j'ai une douleur de tête et de dents si grande, que rien plus. Ni de nos
affaires, je ne vous en dirai rien encore. Adieu, ma mie ; priez, et
faites fort prier nos Sœurs afin qu'en tout sa sainte volonté soit accomplie.
Je vous salue chèrement, et notre chère Sœur Françoise-Gabrielle, et les
autres. Je prie Votre Dilection de saluer le Père principal et les autres amis
et amies. À Dieu ! qu'il soit béni à jamais !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [317]
La Sainte lui dit que Sœur Françoise-Gabrielle Bally a été
envoyée à Bourses pour la décharger de l'administration des affaires
temporelles du monastère.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1619.
Ma très-chère fille, vous avez notre bonne Sœur Françoise-Gabrielle
Bally, que nous avons fait venir auprès de vous pour porter la charge de toutes
les affaires généralement. Je vous prie, ma chère amie, de vous en
reposer sur elle et de lui en laisser tout le soin et toute la conduite, je dis
même de traiter au parloir avec ceux du dehors. Il suffira que vous signiez et
approuviez ce qu'elle fera : laissez-lui faire les affaires avec les
séculiers et vous tenez dans votre recueillement, et vous soulagez enfin et de
corps et d'esprit sur cette bonne fille tant que vous pourrez, car elle est
forte pour cela ; au reste, mon enfant, ne soyez point fâchée ni ne vous
attendrissez point contre vos infirmités corporelles qui vous ôtent le moyen de
travailler beaucoup ; mais, au contraire, aimez-les, puisque c'est le
vouloir de Dieu, et bénissez cette éternelle bonté, qui par ce moyen vous rend
plus libre pour jouir de sa sainte présence et [318] vaquer à l'intérieur et profit spirituel de
vous et de vos filles, ce qui est le principal. Je sais une âme qui est
très-sainte qui fait son gouvernement comme cela ; c'est la Mère
Françoise, Supérieure des Ursulines de Lyon, laquelle, avec une Sœur Renée,
fait tout ainsi que je vous ai dit de faire avec notre Sœur F. G. ; aussi
est-elle grandement infirme de corps. [Plusieurs lignes illisibles. ]
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Établissement du premier monastère de Paris. — Mort de la
présidente Le Blanc.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 5 mai [1619].
Croyez-moi, ma fille, ce n'est pas petite mortification de vous écrire
si rarement et courtement ; mais, bon Dieu ! si vous saviez encore
parmi quel empressement il le faut faire, vous m'excuseriez bien. Dieu veuille
que quelqu'un vous écrive toutes nos nouvelles ; car je ne le puis,
[sinon] ce mot : nous sommes établies, grâce au grand Dieu ; toujours deux ou trois [319] Sœurs malades, aucune parfaitement, mais Dieu
est notre attente et notre pourvoyeur.
Dieu soit béni de ce que vos affaires se vont ainsi accommodant.
Voyez-vous, je vous dis que ce bon M. de Saint-Nizier nous force de l'aimer, de
l'honorer et de l'estimer ; je l'ai toujours fait, mais je le ferai
toujours davantage, si Dieu plaît ; assurez-l'en, je vous prie.
Notre Françoise a chancelé pour les commodités temporelles ;
j'attends demain sa résolution, il n'en faut rien dire. Oh ! ma fille, je
vous conjure de vivre avec une sainte générosité et observance. O Dieu !
si ce n'était sa sainte volonté, que l'on serait fâchée de la privation de la
présence de ma très-chère Sœur Barbe-Marie ; vraiment, je ressens ce coup
profondément. Dieu soit béni ! demeurez en paix ; écrivez-moi comme
cela est arrivé ; le Seigneur mette sa chère âme en son saint paradis. Je suis entièrement à vous, ma toute chère
unique fille.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [320]
Il faut supporter doucement et humblement les critiques du
monde.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 5 mai [1619].
Ce m'est une grande mortification de ne pouvoir vous écrire au long, ma
très-chère Mère ; voici la troisième fois, ô Dieu ! l'on est ici
accablé, et avons de plus deux ou trois malades. Je ne manquai, dès le vendredi
matin, d'envoyer à Mgr de Bourges nos Règles et une lettre pour le bon Père
Feuillant que je connais bien. Hélas ! il faut laisser parler ceux de
Bourges, ce n'est pas chose qui se puisse ni doive que de faire voir à tout le
monde les Règles des Instituts ; demandez-le voir au bon Père recteur,
lequel les a vues, et plusieurs autres personnes d'honneur, car on ne les
refuse point aux amis qui les demandent à voir. Ma très-chère Mère, nous sommes
pour souffrir telles et semblables censures ; Notre-Seigneur en a bien
souffert d'autres. Vraiment, nous ne nous étions jamais trouvées en une ville
où l'on fit tant de contrôlement qu'à Bourges ; or bien, nous les laisserons
dire, et nous irons notre petit train. Mais cela fâche ma très-chère bonne
Mère, qui voudrait que chacun aimât la Visitation comme elle ; c'est chose
impossible. Vous aurez déjà su que cette bonne dame n'a pas été bien avertie.
Dieu soit votre conduite, votre force et votre consolation parmi toutes vos
peines. Je suis, en Lui, toute vôtre, ma très-chère Mère.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [321]
SUPÉRIEURE À BOURGES
L'humilité, la patience et le discernement des esprits
sont nécessaires a une maîtresse des novices. — La maladie éprouve les Sœurs de
Paris. — À quel âge on peut entrer au noviciat.
VIVE † JÉSUS !
Paris, mai [1619].
Certes, ma très-chère Sœur ma mie, votre lettre me consola beaucoup
pour y voir beaucoup de traits de votre sage conduite en cette petite troupe.
Tenez-vous fort humble, ma très-chère fille, et croyez que la lumière de Dieu
ne vous manquera pas ; vous faites bien, grâce à Dieu, élargissez fort votre
courage et faites hardiment ce que Dieu vous inspirera. Il faut, de vrai,
retrancher les superfluités de notre Sœur N... Quand elle ne désirera plus
savoir, il la faudra enseigner. Ce sera charité de contenter cette pauvre Sœur
N..., car elle a un cœur bon et doux. Il faut avoir une grande patience avec
les novices, et faire tout ce que l'on pourra pour les affranchir ; mais
de les laisser nourrir dans la propre volonté, il ne le faut nullement. Il est
vrai que quelquefois, quand l'on peut prévoir ou que l'on voit qu'elles se
rendent dures, il faudrait acquiescer dextrement. Vous pouvez parler de cela
aux bons Pères Jésuites, et même à l'assistante, avec laquelle vous vous devez tenir fort
ouverte, lui communiquant toutes choses avec grande confiance, amour et
familiarité ; vous en serez consolée et soulagée, car elle est bonne et
fort sage fille. C'est tout ce que je puis vous dire.
Nous avons toujours notre Sœur A. C. [de Beaumont] malade, et, de plus,
la pauvre Sœur Jeanne-Marie avec une grosse fièvre continue ; croyez que
je ne suis pas sans occupation, cela m'empêche d'écrire à notre bon Mgr
l'archevêque, que je salue [322] avec
le cœur que Dieu m'a donné pour lui ; priez fort que Notre-Seigneur lui
donne abondance de bénédictions. Je salue aussi notre bonne et chère madame de
Jars ; tout à part nos bons Pères Jésuites ; mais cela de bonne
sorte, et tous nos autres amis.
Vous ne pouvez prendre de fille qui ne soit en la quinzième année et
qui ne veuille être Religieuse. — Envoyez l'argent de votre camelot rouge. Dieu
soit avec vous toutes, et bénisse la chère troupe que je salue, et n'oubliez
jamais madame Thibaut. Le Père André vous adresse les filles auxquelles il
écrit ; voyez si elles ont l'esprit propre, elles ne seront à négliger. Je
suis toute vôtre en Jésus ; mais que l'on prie pour nous et Monseigneur.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même, archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Affaires de madame la présidente Le Blanc. — Nouvelles de
la maison de Paris. — Ardeur de la Sainte à poursuivre l'œuvre de sa
perfection ; son assurance que tôt ou tard on vaincra l'opposition de Mgr
de Marquemont à la récitation du petit Office.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 20 mai [1619].
Ma très-chère grande fille, j'ai parlé ce matin à Monseigneur de
l'affaire dont vous m'écrivez, ne l'ayant vu plus tôt : il n'en sait que
dire, ne sachant ni l'état des affaires de M. Le Blanc, ni la façon avec
laquelle il s'adressera à vous. Il dit qu'il faut que vous vous conseilliez de
tout cela avec M. de Saint-Nizier, puisque déjà il sait que vous avez l'argent
de cette pauvre chère défunte, laquelle peut-être se sera mieux déclarée à sa
mort ; [323] voilà, mon
enfant, tout ce qu'il a dit, car on ne le voit que courtement et rarement. De
cette nouvelle maison, je n'ai rien d'extraordinaire à vous en dire : nous
sommes toujours sans logis, et, pour ce, en quête d'un. Dieu, par sa bonté,
nous y veuille aider ; car nécessairement il faut que nous sortions d'ici
à la Saint-Jean. Nous avons toujours force poursuivantes, et nous commencerons
à en recevoir la semaine prochaine, si Dieu plaît. Notre Sœur Anne-Catherine
[de Beaumont] se remet, Dieu merci, la fièvre tierce la quitte. Nous sommes
toujours fort visitées, et moi fort chargée d'écritures ; vous n'aurez
donc-que ce mot, ma chère fille, avec prière de nous envoyer un cent
d'exemplaires de nos Règles ; nous vous les payerons bien, mais avec un
peu de loisir.
O Dieu ! ma très-chère fille, je vous supplie et conjure de prier
pour nous et pour m'es nécessités particulières ; car j'ai un grand désir
de m'anéantir parfaitement, et de vivre en parfaite observance. Nous sommes
grandement obligées à cela, nous autres anciennes, afin de montrer le chemin aux
autres. Ma fille, nous voici à la fin de notre neuvième année ; eh !
bon Dieu, je n'ai pas commencé, quel compte rendrai-je à mon Dieu, et quelle
confusion recevrai-je, si je ne fais pas mieux ? Certes, ma fille, je veux
prendre un peu de bon courage, et ne m'en veux jamais dédire, moyennant la
très-sainte grâce de mon Dieu ; mais prions fort l'une pour l'autre, afin
que nous puissions être agréables à notre bon Dieu.
Monseigneur dit aussi qu'il ne faudra point faire de résistance à Mgr
de Lyon, mais que, s'il ne nous apporte pas le privilège du petit Office, il
faudra demander en toute humilité des années pour apprendre le grand, et que
cependant on l'obtiendra ; car, aussi bien, faudra-t-il que toutes les
maisons se joignent pour en obtenir la continuation ; nous l'emporterons,
ma fille, Dieu aidant. Adieu, et à toutes nos chères filles ; l'Esprit
très-saint vous confirme toutes de son très-saint amour. [324] Amen, ma toute chère fille. Envoyez-nous la date de votre établissement du
Roi et du Parlement, et priez Dieu pour moi, qui suis vôtre.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
MAÎTRESSE DES NOVICES, À LYON
Conseils pour la direction des novices.
VIVE- † JÉSUS !
[Paris. 1619].
Dieu soit béni, ma chère fille, au moins une fois je vous vois contente
de votre noviciat. Prenez garde que la tentation de liberté n'entre en
quelques-unes de vos filles. Il faut bien gagner leur cœur, ma chère fille, et
pour ces esprits un peu douillets et qui ont encore l'âme sur les contentements
du monde, c'est un bon remède que de leur tenir le cœur large, conférer avec
elles, leur témoigner de l'amour, de la confiance et de l'envie de leur
profiter, leur communiquant même les difficultés que l'on a eues, l'aide et le
secours de Dieu, bref, leur donner du contentement, et surtout prier et faire
souvent prier les Sœurs pour elles. Dieu par sa bonté vous fasse entendre ce
que nous devons pour le service et conduite de ces chères âmes.
Je salue toutes nos chères novices, cette petite colombine, la Sœur
Raton, et toutes les autres bonnes Sœurs qui, comme
[325] petites brebiettes, se laissent
conduire aux divins pâturages. Qu'elles sont heureuses ! Je les conjure de
se rendre tous les jours plus simples et fidèles à la direction qui leur est
baillée ; et vous, ma fille, ayez le courage grand pour persévérer à les
servir, attendez-les patiemment, supportez-les doucement et les excitez
amoureusement et cordialement. Ainsi soit-il. Priez toutes pour nous. Je suis vôtre
en Notre-Seigneur qui soit béni.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Venise.
Vertus que les novices doivent pratiquer pour mériter la
grâce d'être filles de Notre-Dame.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619].
La très-sainte paix de Notre-Seigneur soit au milieu de vos âmes, mes
chères filles ! C'est la bénédiction que je vous souhaite, par laquelle
l'unité de nos esprits, en une même vocation, sera perfectionnée. Oui, mes
chères filles, je désire que vous n'ayez qu'un cœur et qu'une seule âme. Vous
n'avez toutes qu'une seule prétention, qui est de vous unir à Dieu par
l'observation entière d'une même règle ; vous ne devez avoir qu'une seule
volonté et un seul jugement, qui est la volonté et le jugement de la
Supérieure, à laquelle vous vous devez laisser conduire sans résistance ;
et, si vous faites ainsi, vous serez très-heureuses, sinon vous témoignerez que
vous ne voulez point être filles de Notre-Dame ; mais je vous conjure, mes
chères filles, de ne point perdre la couronne qui vous est préparée. Employez
fidèlement la sainte mortification pour le retranchement de ce qui se trouvera
de contraire à votre entreprise, qui est la perfection religieuse ; que
chacune embrasse [326] généreusement
l'observation de la Règle, et, en particulier, ce qui lui est recommandé selon
sa nécessité. Je souhaite ma chère petite Marie-Louise toute douce et attachée à son Dieu. Ma
bien-aimée Sœur Marie-Françoise, je ne saurais changer mon désir sur elle ;
qu'elle soit à jamais, cette chère Sœur, une petite brebis, toute douce, toute
simple et maniable dans là bergerie du céleste Pasteur.
Je vous conjure, ma très-chère Sœur Anne-Marie, d'être fort fidèle à
l'obéissance, faisant reluire dans toutes vos actions une exacte
observance ; et, pour notre bonne Sœur Claude-Marie, que lui pourrais-je
souhaiter de plus nécessaire et utile que la très-sainte-humililé, pratiquée
dans l'exacte soumission de son jugement et volonté ? Enfin que toutes
ensemble, par une sainte émulation, marchent devant Dieu en simplicité et
innocence ; c'est ce que je vous souhaite, et que vous vous assuriez
toutes que je vous chéris avec une affection très-cordiale.
Priez, je vous conjure, pour celle qui est toute vôtre, etc.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
La Sainte sollicite des prières pour son fils.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 15 juin 1619.
Ce n'est que pour commencera rompre notre silence, ma très-chère fille,
et pour saluer très-amoureusement votre cher [327] cœur, remettant à notre Sœur Marie-Marguerite
à vous dire nos nouvelles ; c'est aussi pour vous prier et conjurer de
toute mon affection d'obtenir pour moi, de nos Sœurs, qu'elles prient fermement
et persévéramment pour mon fils. Faites que les plus unies à Dieu le prennent
en tâche, et vous particulièrement. Il est bon, et a de bons mouvements, mais
la jeunesse l'emporte. Je crois que Notre-Seigneur le prépare à quelques
grosses croix ; sa bonté lui fasse la grâce de les recevoir comme il faut.
Je salue très-chèrement M. votre bon Père Supérieur, notre très-chère
madame de Granieu, toutes nos chères Sœurs ; à part notre Sœur
Marie-Françoise [de Livron| et toutes nos amies.
Vous savez que sans réserve je suis vôtre.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Prière de recevoir madame du Tertre.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 9 juillet 1619.
Ma très-chère Fille,
Ce mot va vous avertir que Monseigneur et moi désirons que vous ayez
agréable de recevoir une bonne damoisellc qui a besoin de retraite et qui la
désire passionnément auprès de [328] nous ; ce que n'ayant su obtenir ici, nous vous l'envoyons, et je
vous supplierai plus à loisir de la recevoir cordialement et l'aimer et traiter
charitablement. C'est une damoiselle de qualité et qui portera bonne
pension : préparez-lui une petite chambre, un bon lit, bien net, bien
propre, et que tout soit de même chez vous ; vous l'aurez dans quinze
jours. Adieu ; elle vous portera le reste de
nos nouvelles. N'attendez pas Monseigneur pour donner l'habit ;
hélas ! ce bon et très-cher Père se trouve tout malade. Priez pour lui.
Adieu, je vous écrivis l'autre jour.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [329]
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Il faut demeurer calme et soumise dans les tentations,
être heureuse de vivre sans lumière ni sentiment. — Nouvelles de saint François
de Sales. — Quelques règles à suivre à l'égard du confesseur. — Conseils sur la
réception de deux novices d'un autre Ordre.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 22 juillet 1619.
Hélas ! que direz-vous, ma pauvre chère amie, de ce que je suis si
tardive à vous écrire. Certes, ce n'est pas faute d'affection ; mais il y
a ici un terrible tracas ; puis, nous avons changé de logis, fait une
professe et six novices ; tout cela nous a assez occupées, outre les
continuelles et journalières affaires et distractions qui sont ici en nombre
infini. Croyez-moi, que j'ai un grand contentement
quand je reçois de vos nouvelles. Oh ! combien êtes-vous la chère fille de
mon cœur !
Ne soyez point en peine de votre chemin ; je le vois et connais
mieux que vous, il est très-bon. Reposez-vous-en, je vous en supplie, en moi,
car Dieu m'en donne assez de lumières ; mais cette infinie bonté
n'est-elle pas notre unique prétention [330] et repos ? Quelle autre assurance est-il besoin d'avoir ? Mon
Dieu, ma très-chère fille, demeurons là, tout abîmées et anéanties ! Nous
serons bien heureuses de vivre aveugles, sans connaissance ni sentiment
aucun ; il nous suffit que Dieu est notre Dieu, notre espérance et notre
désir. Je suis bien aise que vous n'ayez guère à nous dire de vos fautes quand
vous nous verrez ; ayant aperçu celles que Dieu permet que nous
remarquions, et nous en étant humiliées bien profondément, il les faut oublier
et aller en avant. Nous vous connaissons assez bien, n'en douiez pas, je vous
prie, et persévérez à marcher avec la pointe de l'esprit, supportant le plus doucement
qu'il vous sera possible ces soulèvements de la partie inférieure ; comme
vous dites, c'est un tribut, et Dieu se plaît en cette souffrance. Croyez qu'il
n'est pas expédient d'être délivrée de ces assauts-là.
Cette vigne vous accommodera bien ; je suis bien aise que vous
l'ayez toute ; l'on ne saurait avoir là trop de vide pour faire un peu de
verger. Mgr de Grenoble me dit je ne sais quoi, que vous vouliez encore
avoir ; c'est un bon prélat, mais il ne l'agréait pas. Je suis bien aise
que votre nombre croisse un peu. Non, nous ne vous ôterons pas notre Sœur
Marie-Françoise [de Livron] ; nous vous enverrons la copie de la
profession.
Monseigneur se porte bien, grâce à Dieu ; nous le voyons
quelquefois ; mais on ne peut lui parler. Nos pauvres Sœurs n'ont encore
su avoir cette consolation, ni moi. Nous ne savons encore quand il s'en ira, et
moins encore moi. Je pense qu'il faudra faire l'annuel entier. Dieu fasse en
tout sa sainte volonté. Amen.
Je salue très-chèrement nos pauvres Sœurs ; je voudrais leur
écrire, mais, certes, je ne puis, ni à la petite très-chère Sœur, que j'aime
comme mon cœur. Assurez-l'en, mais sans faillir, car je ne puis davantage.
Saluez tous les amis et amies ; mais à part M. d'Aoste, que je vous
souhaiterais tout entier. En tout, [331] Dieu fasse de vous à son gré. Ma fille, vous savez que je suis toute
vôtre ; priez fort pour nous, même pour Monseigneur, car la peste menace.
Ceci était écrit justement (ce jour de sainte Madeleine) quand
j'ai reçu votre lettre. Il faut porter grand respect aux confesseurs, et faire
tout ce qui se peut pour les contenter, honorant Dieu en eux ; mais de
s'assujettir à eux pour ce qui est de prendre des prédicateurs, faire dire la
sainte messe, se communier de la main des personnes de respect, ou autre que
l'on voudrait quelquefois gratifier, se confesser à telles personnes quand vous
jugez que cela serait à propos, tout cela, il faut que vous le fassiez
très-librement, car il ne dépend que de vous. La Règle et nos coutumes sont
comme cela ; et tout ainsi qu'il faut user sagement et discrètement de la
sainte liberté qui nous est donnée, aussi faut-il la conserver soigneusement et
jalousement, quoique toujours avec humilité, rendant le respect qui se pourra,
et faisant entendre franchement notre sainte liberté. Enfin, je crois que quand
l'on ne se peinera pas tant de retenir ce bon homme, qu'il ne se rendra pas si
fâcheux. Que s'il se retire, et que vous ne puissiez avoir M. d'Aoste,
croyez-moi, prenez un bon simple prêtre, de bonne vie et exemple ; car ces
si braves voudront toujours gouverner, et, cependant, ce n'est pas ce qu'il
faut pour plusieurs saintes et utiles raisons. Enfin, j'en suis toujours là,
selon aussi le goût de notre règle, qu'il ne faut pas que les confesseurs
ordinaires se mêlent de nous gouverner, ains simplement de recevoir les
confessions ; et n'avoir hors de là grande familiarité avec eux.
Nous vous ferons rendre vos cent écus à propos, Dieu aidant. Vous
m'écrivîtes si court des dames Religieuses, que je ne sais qu'en répondre. Avant que les
envoyer, je dis l'une à Annecy, [332] je voudrais que vous jugeassiez et connussiez bien si elle sera propre
à notre Institut ; puis, que les parents donnassent de quoi les y nourrir
et entretenir ; car, certes, notre maison est pauvre ; il faut
conduire cela bravement. J'ai un si grand désir de voir et d'avoir des filles
capables pour prendre l'esprit de cette maison, que je suis tous les jours plus
résolue de ne jamais renvoyer celles qui se présenteront, encore qu'elles
soient pauvres. Bonjour, ma fille très-chère, je suis toute vôtre en Jésus. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
L'Esprit de Dieu ne manque pas d'assister une âme humble
et confiante. — La grâce seule peut donner aux novices la vocation et la
persévérance. — Quelle quantité de nourriture donner aux Sœurs. — Il ne faut
pas recevoir dans le monastère une enfant trop jeune. — La Supérieure doit
maintenir une sainte joie dans la communauté.
VIVE † JÉSUS !
Paris, août 1619.
Ma très-chère Sœur,
Je suis fort consolée de votre conduite. Je m'assure que si vous
continuez à vous tenir humble et confiante, l'esprit de Dieu ne vous manquera
point, cela est infaillible. Celles que la divine Providence a destinées pour
notre Institut, le monde ne les détournera pas ; que, s'il le fait, elles
ne persévéreront pas ailleurs. Enfin, demeurons humblement abandonnées au
gouvernement de ce divin Sauveur, et soyons fidèles à l'observance ; il
nous élèvera et multipliera quand il en sera temps. Je le pense, que ces bonnes
filles du Père André ne nous seraient pas propres. Ce sera hasard si la Sœur
N... fait profession ; il la faut grandement aider, et ne la point laisser
parler en particulier [333] avec
les autres Sœurs ; Dieu nous aidera, n'en doutons point.
Je me souviens de vous dire qu'il faut donner jusqu'à six onces de
viande aux Sœurs, nous le faisons ici. Je ne saurais penser que M. de Lissey se veuille altérer de ce que l'on ne recevra
maintenant sa petite fille, puisque c'est chose que la Règle ne nous
permet ; mais il est bien à propos de le lui dire fort doucement, et même,
s'il est requis, d'employer pour cela le bon Père recteur. Je ne puis écrire à
la petite Maurice ; je la salue ; si son père lui voulait donner
jusqu'à deux mille francs pour sa dot, et ses meubles un peu petitement, il n'y
aurait point de danger de la recevoir. Si je puis, nous vous déduirons
[conduirons] quelques filles d'ici ; il s'en présente de bonnes, et en très-grand
nombre ; mais la plus grande part ont fort peu de commodités. Vivez
contente et consolée, je vous en prie, ma mie, et ayez soin que les Sœurs
soient de même, car cela m'importe fort. Monseigneur se porte bien ; nous
le voyons quelquefois, mais nous ne lui pouvons quasi point parler.
Je salue chèrement notre bon Père P. et le Père principal et
Berthus ; je les chéris cordialement. Je vous prie, dites à l'oreille du
cœur de toutes vos novices et en secret que mon âme les chérit
très-cordialement, mais je les conjure d'aimer bien leur esprit. À la bonne madame Thibaut un mot cordial. Il
[334] faut supporter la bonne madame de
Jars et faire tout ce que vous pourrez pour la contenter. Je salue tous les
amis et amies et les gens de Mgr de Bourges. Sans loisir, j'écris à nos Sœurs.
Priez pour nous. Certes, ma mie, je suis toute vôtre en Jésus.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Encouragements à porter le faix de la supériorité.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619].
Seigneur Jésus ! ma pauvre très-chère fille ma mie, il s'en faut
bien garder d'arrêter votre pensée, et encore moins votre désir, à vouloir
sortir de la supériorité ; par la divine miséricorde, vous faites trop
bien et utilement votre charge. Oh ! non, ma fille, vous ne gâtez pas
tout, comme vous me dites, ains, assistée de la grâce de Dieu, vous ne gâtez
rien. Que plût à Dieu eussions-nous prou de semblables gâteuses ! Je vous
assure que ma conscience me permettrait bien de les mettre en charge. Arrêtez
votre esprit à l'avis de notre tout unique Père, et soumettez votre cœur au mal
et à la charge. Ne soyez pas si âpre à vous-même, et vous verrez que tout ira
bien. Vivez très-joyeuse et allègre, je vous en conjure, ma fille très-chère,
que j'aime comme ma propre âme. [335]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Charité et prudence dans la réception des infirmes. — Il
faut marcher hâtivement, humblement et fidèlement à la suite du Sauveur.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 25 août 1619.
Ce doux Jésus vous comble de bénédictions, ma très-chère Sœur ! Je
commence à me remettre de ce peu de fièvre que j'ai eue, grâce à
Notre-Seigneur.
Je me souviens de notre bonne Sœur Anne Tillier. Si son mal ne se prend point, et qu'elle
soit si bonne Religieuse que vous dites et que je l'espère, à la vérité, il
faut grandement peser son affaire, et avec charité et bon conseil des Pères
Jésuites, car je ne vous en puis dire autre chose, et il ne faut pas que les
Sœurs se rendent si douillettes. Où il n'y a point de péril, la charité
supporte tout ; mais vous voyez mon sentiment ; que l'on s'en
rapporte aux Pères.
Je crois que vous êtes sur le terme de vous loger ; Dieu soit
votre aide en tout ! Dites, je vous supplie, à l'oreille de vos chères
novices, que je salue amoureusement leurs cœurs, mais que je les conjure de
cheminer hâtivement, humblement, fidèlement, en la voie de la parfaite
observance et soumission. Eh ! mon Dieu ! quelle misère que la
nôtre ! voir Dieu qui est mort pour nous, et qui s'est rendu obéissant
jusqu'à la mort, et à la mort de la croix, qui veut dire toutes sortes de
travaux et d'abjections, et n'avoir pas la détermination de vivre selon sa
[336] sainte volonté en une parfaite
obéissance ! Je salue aussi chèrement nos chères professes et nos bons
Pères Jésuites. Je n'oublie jamais tous nos amis et amies, ni notre bonne Sœur
Jeanne, mais qu'elle prie pour moi !
Ma très-chère Sœur, je suis toute vôtre en Notre-Seigneur. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
L'extrémité de la pauvreté doit nous exciter à une plus
parfaite confiance en Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619].
Vous me demandez, ma chère fille si nous sommes pauvres ; oui, je
vous assure, et je n'y pense quasi point. Le ciel et la terre se peuvent
bouleverser, mais la parole de Dieu demeure éternellement pour le fondement de
notre espérance. Il a dit que si nous cherchons son royaume et sa justice, il
nous fournira du reste ; je le crois et m'y confie. L'extrémité de
la nécessité où nous nous trouvons quelquefois nous donne de hautes leçons de
la perfection de la sainte confiance en Dieu, et véritablement nous voyons déjà
combien il fait bon s'attacher à Dieu et espérer en Lui contre l'espérance
humaine, car notre établissement s'est fait par la divine grâce, mieux mille
fois que nous n'eussions osé l'espérer. [337]
CARMÉLITE
Témoignages d'estime et d'affection. — Humilité de la
Sainte. — Difficultés pour la réception d'une prétendante.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619].
Ma très-bonne et très-chère Mère, la paix de notre divin Sauveur soit
toujours au milieu de votre cœur. Je ressens une consolation profonde d'avoir
eu de vos nouvelles, et de voir que vous avez si bonne souvenance de la sainte
amitié par laquelle Notre Seigneur et Maître unit nos cœurs en sa sainte
dilection. Vraiment, ma très-chère Mère, il est très-vrai que ce que Dieu a
joint, rien du monde ne le peut séparer, et si je pouvais avoir un jour le
bonheur de vous voir, je vous ferais connaître mon amour, et ma confiance aussi
entière qu'elle fut jamais envers vous. Je pense que mon âme se fondrait en une
sainte suavité, si je recevais ce bonheur de traiter cœur à cœur avec vous de
la très-sainte suavité de l'amour de Notre-Seigneur Jésus. O ma Mère ! j'y
vois peu d'apparence, car au partir d'ici on parle de nous envoyer en Italie.
Le grand Dieu accomplisse en tout sa très-sainte volonté ; pourvu que je
le serve avec la profonde humilité et fidélité que je dois, tous lieux me sont
indifférents ; mais, ma très-chère Mère, c'est ce que je ne fais pas, je
suis toujours immortifiée, imprudente et lâche à ce divin service. Priez, je
vous supplie, pour mes nécessités, et faites prier vos chères filles ;
mais je dis doublement, puisque j'en ai une nécessité double, et une plus
grande que je ne vous saurais dire. [338]
N'est-ce pas chose admirable, ma très-chère Mère, que de voir une
créature indigne et incapable être employée à des services si dignes et de si
grande importance ? mais ç'a toujours été la façon de faire de notre bon
Dieu, d'employer les plus viles et abjectes créatures, afin de poser le trône
de sa miséricorde sur celui de notre misère. Bonté incomparable !
Oh ! je voudrais vous écrire longuement ; mais le loisir de celui qui
vient m'apporter votre lettre ne me le permet pas, ni le mien aussi pour ce
coup ; mais je ne manquerai de vous écrire et rendre compte de mes actions
avant que de partir de ces quartiers. Je m'étais déjà fort enquise de
vous ; mais comme personne ne m'en disait rien d'assuré, je voulais
envoyer vers les bonnes Mères de cette ville pour savoir de vos nouvelles.
J'entends à peu près la demoiselle dont vous m'écrivez ; car pour
les noms, je ne les retiens que difficilement. Je vous assure, ma très-chère
Mère, que Mgr de Genève et nous, avons un très-grand désir de la consoler, mais
le devoir que nous avons à cette maison fait que nous n'avons pas voulu aller à
l'encontre de ceux à qui Mgr le cardinal de N... l'avait remise, lesquels ont
déclaré qu'elle ne pouvait être reçue sans grand intérêt de cette maison, pour
plusieurs raisons qui sont marquées dans leur résultat ; de sorte qu'il
n'y a pas eu apparence de passer outre. Nous lui avons offert retraite en une
de nos autres maisons, mais elle ne l'a pas voulu accepter. Qu'est-ce que nous
ne ferions pas en votre considération, ma très-chère Mère ? mais vous
voyez l'impossible, ce qui fera changer votre désir, je m'en assure.
Je suis fort pressée de finir. Bonjour, ma Mère, ma très-chère, de tout
mon cœur. Tenez-moi invariable en la dilection sincère que je vous porte en
notre Sauveur et Maître. Priez fort pour mes nécessités, et pour tout notre
petit Institut. Je demeure, ma très-chère Mère, votre, etc. [339]
À LA VISITATION DE MOULINS
Une grande ouverture de cœur envers la Supérieure facilite
l'amendement et le progrès de l'âme.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 3 septembre 1619.
Ne vous l'avais-je pas assuré, ma très-chère Sœur, que vous trouveriez
là un esprit qui vous contenterait et consolerait entièrement ? Je prie
Dieu qu'il vous fasse la grâce et vous donne la force de profiter au divin
amour auprès de cette bonne Mère, à laquelle je vous conseille et vous en
prie, ma très-chère fille, de tenir votre cœur bien ouvert, afin qu'en
connaissant ses maladies, elle puisse y apporter les remèdes convenables ;
vous en recevrez mille douceurs et consolations, outre le profit de votre âme,
qui est ce que nous devons rechercher par-dessus toutes choses ; car, ma
fille, cette vie est courte et l'heure d'en partir bien incertaine. Travaillons
donc tandis que son jour dure, afin que nous puissions parvenir à la très-sainte
éternité ;. c'est ce que mon cœur désire au vôtre, que je chéris
cordialement, et suis entièrement, ma très-chère Sœur, votre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers. [340]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Saint François de Sales a quitté Paris ; on murmure
contre lui à l'occasion d'un mariage. — Acquiescement de la Sainte au bon
plaisir divin.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 11 septembre 1619.
Ma très-chère Sœur,
Voilà que l'on me demande si je vous veux écrire, et qu'il le faut
faire tout maintenant ; notre messe me presse, mais je ne saurais
m'empêcher de vous dire l'extrême ressentiment que j'ai du mal de cette pauvre
chère Sœur Marie-Catherine ; j'espère que notre bon Dieu en aura
soin ; il me tarde que j'en sache des nouvelles. Mais, ma très-chère Sœur
ma mie, conservez-vous parmi tout cela et ne vous étonnez, ni troublez
point ; il faut que nos cœurs soient fermes et disposés à recevoir toutes
les afflictions et tourments qu'il plaira à notre bon Dieu nous envoyer.
J'espère que vous verrez bientôt Monseigneur ; il partit dès jeudi, en bonne santé, grâce à Dieu. Il reçoit ici
une attaque pour un mariage dont plusieurs murmurent, et auquel il n'a
contribué que ce qu'il devait ; c'est un retour [341] digne du monde, et qui me toucherait
douloureusement, si je n'avais la confiance que Dieu le tient en sa spéciale
conduite et providence ; il faut acquiescer doucement au divin bon plaisir
de Notre-Seigneur et lui remettre cette affaire. Adieu, ma mie ma très-chère
Sœur ; vivez contente de tout, et vous tenez au-dessus de tous les
événements, vous reposant dans le sein de la divine Providence.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CCV (Inédite) - À
MADAME DE JARS
Témoignages d'honneur et de religieuse amitié. —
Félicitations du bonheur qu'elle aura de voir saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 23 septembre [1619].
Ma très-chère Mère, notre bon Dieu vous donne s'il lui plaît une santé
entière et console votre cœur de sa sainte consolation ! Je vous assure,
en vérité, ma très-chère Mère, que je ne savais pas que vous fussiez
malade ; seulement, lundi ou mardi je reçus une lettre de Mgr l'archevêque
qui me le mandait ; j'étais bien étonnée de ce que je ne recevais plus de
vos lettres, mais aussi je n'en ai guère reçu de Bourges, depuis que ce bon
pasteur s'en alla d'ici. Je ne demande pas, ma très-chère Mère, que vous me
disiez vous-même votre mal, mais je vous prie de m'en faire écrire ; j'en
suis en peine. Je supplie notre bon Dieu de vous y soulager selon qu'il connaît
vous être nécessaire, et vous donner abondance de toutes saintes bénédictions.
Ce sera le continuel souhait que mon cœur fera pour le vôtre, que je chéris
avec un honneur et un amour tout spéciaux. [342]
Je me réjouis de l'espérance que j'ai que vous verrez Mgr de Genève,
car l'on tient qu'ils passeront à Bourges, et je sais que vous en serez
consolée. Prenez courage, ma très-chère Mère, faites tout ce qu'il vous sera possible
pour votre soulagement, mais surtout ne laissez point abattre votre
esprit ; tenez-le joyeux et content de tout ce qu'il plaît à notre bon
Dieu qui vous arrive, car la soumission amoureuse à son bon plaisir est
l'unique et vrai remède de tous nos maux intérieurs et extérieurs.
Il me tarde que j'aie de vos nouvelles, et je vous assure, ma
très-chère Mère, que j'ai de la douleur de savoir que vous avez été si
longtemps malade sans que j'en aie rien su. J'en ferai redoubler les prières,
afin de regagner tant qu'il se pourra le temps qui s'est ainsi passé. Bonjour,
ma très-chère Mère ; je vous prie derechef et vous en conjure de tenir
votre esprit fort courageux et soumis à la très-sainte volonté de Dieu, auquel
je suis pour jamais de tout mon cœur, ma très-chère Mère, votre très-humble,
etc.
Très-humble salut à mesdames de Rhodes.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nantes.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Annonce du passage de saint François de Sales à Bourges. —
Tout doit se faire par l'autorité de la Supérieure.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619].
Ma très-chère fille,
J'ai si grande joie de ce que vous verrez Monseigneur, notre très-cher
et digne Père, que je ne sais que vous dire, sinon [343] que vous lui parliez de tout, et il vous
répondra pour moi. Ayez hardiment un esprit de sainte liberté, et croyez que je
n'ai nulle intention, sinon que tout se passe avec suavité, gardant et
employant selon votre discrétion et pour votre soulagement votre charge et son
autorité, sous laquelle il faut que tout se passe et se fasse saintement et
doucement.
Je n'ai pas le loisir de revoir votre lettre ; si Monseigneur n'y
fait réponse, je le ferai. Faites-lui tenir sûrement ce paquet ; il y a
des lettres d'importance. Je salue chèrement votre cœur et celui de vos filles,
particulièrement la petite brebiette [Sœur M. F. Thibaut] que j'aime
tendrement, et la souhaite toute douce et soumise.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Passage de saint François de Sales à Moulins. — Retrancher
à madame du Tertre la liberté de parler et d'envoyer des lettres à l'insu de la
Supérieure. — Il faut porter la croix amoureusement, paisiblement, et tout
attendre de Dieu et de son secours.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 26 septembre 1619.
Vous le ferez [ce que je vous ai conseillé], ma très-chère fille, vous
le verrez, ce tout bon et très-cher Père de nos cœurs. S'il est encore là, vous
lui donnerez cette lettre en le saluant [344] en la façon et suivant le cœur de votre Mère. Faites tous les jours
faire des prières particulières pour ce voyage qui est grand et fâcheux, ce me
semble, pour lui qui n'a pas accoutumé d'aller sur l'eau ; mais Dieu qui
l'a pris et fait pour l'enfant de son Cœur
en aura soin. Vous vous éclaircirez de vos difficultés, et il vous dira,
je m'en assure, qu'il faudra retrancher petit à petit, à cette damoiselle, la liberté de parler à part et donner des
lettres ; car cela sans doute nourrirait son esprit en ses humeurs, ce qui
n'est pas expédient. C'est bien fait, ma très-chère fille, de purger nos
maisons ; Dieu nous fasse la grâce d'accomplir en toute fidélité sa
très-sainte volonté. Hélas ! que je vous plains pour le trouble de cette
pauvre fille ! mais, ma très-chère Sœur, portez cette croix amoureusement,
tant qu'il vous sera possible, Notre-Seigneur vous y confortera ; ne vous
tourmentez pas autour d'elle, commettez-lui une Sœur des plus douces et
courageuses.
Si vous avez besoin de Sœurs blanches, je pourrais bien vous en envoyer
une bonne et qui a joliment de commodités. Certes, si je vous pouvais aider et
soulager en toutes façons, je le ferais de tout mon cœur. Croyez que nous
aurions ici une effroyable charge, si Dieu ne [me] donnait la confiance qu'il
la portera ; c'est pourquoi je n'en ai point de peine. Priez pour mes
nécessités particulières, croyez que je ne vous oublie pas, ni votre famille.
Écrivez-moi souvent, car ce m'est consolation de savoir de vos nouvelles. Nous
avons remis le velours à madame d'Asy, car elle a dit qu'elle avait une
marchande bien [345] assurée
pour le changer, parce que nous craignons à cause de cette peste. Bonjour, ma
très-chère Sœur ma mie, et à votre hôtesse, et à toute la chère troupe. Dieu
vous comble de bénédictions.
[P. S.] Je vous recommande, s'il vous plaît, ce
paquet ; car l'on m'a remis
des lettres que Monseigneur serait marri qu'elles fussent égarées. Si
Monseigneur n'est là, refaites un paquet. Je suis fort pressée.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Elle la félicite du bonheur qu'elle aura de pouvoir
entretenir saint François de Sales, arrivé à Lyon. — La peste est dans Paris. —
Admirable résignation de la Sainte. — Souhaits ardents pour la perfection de la
Mère Favre, et crainte de la voir sortir de Lyon avant que le monastère jouisse
des privilèges accordés par la Bulle de Paul V.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 29 septembre [1619].
Vous voilà bien consolée, ma très-chère fille, de voir et de jouir un peu
de notre très-cher Père ; je suis si soulagée de le sentir dehors de
Paris, où cette maladie est si forte, que cela [346] m'a rendu son départ plus doux. Ne craignez point pour nous, ma
très-chère fille, quoiqu'elle nous avoisine ; mais priez bien soigneusement
notre bon Dieu qu'il accomplisse sa très-sainte volonté en nous. J'ai cette
confiance qu'il ne nous arrivera rien que ce qui lui plaira, et ce qui lui
plaira nous plaira. Ainsi, s'il lui plaît, je vous écrirai souvent, et vous
adresserai toutes mes lettres pour Monseigneur, qui m'a commandé de lui bien
mander de nos nouvelles ; mais je voudrais que vous me donnassiez la
meilleure adresse pour vous faire tenir nos lettres, et me mandez aussi par
quelle voie vous me ferez tenir les vôtres. Quand M. Rousselet sera de retour
en cette ville, son entremise sera bonne, car il a aussi un frère à Lyon.
Ma chère fille, je ne vous dirai point de nouvelles, je laisse cette
commission à mon neveu de Boisy, et puis, certes, c'est une chose que je n'aime
guère : une seule aussi est nécessaire, qui est d'avoir Dieu : j'en
ai un grand désir, de cet unique bonheur ; tout le reste n'est que
fumée ; attachons-nous donc invariablement à cette sainte prétention.
Écrivez-moi de votre cœur ; voici le temps que vous le reverrez : mon
Dieu ! que je l'aime, ce cher cœur de ma très-grande chère fille !
Que je lui souhaite de générosité, de pureté, de perfection ; bref, une
sainte union avec le Cœur de son
Dieu très-aimable et adorable. Adieu, ma fille, je vous donne mille fois le
bonjour, et à toute votre chère troupe ; je ne sais si Mgr de Lyon est
retourné ; il voudra peut-être différer de réduire votre congrégation en
monastère, et toutefois il est expédient que cela soit fait avant que l'on vous
tire de là : Monseigneur vous en aura parlé. Il
faudra donc acheminer doucement cette affaire. Encore ce mot :
[347] éprouvez bien vos filles avant
que de leur donner la profession. Adieu, ma fille ; je suis toute vôtre en
Notre-Seigneur, vous le savez ; il soit béni. — Jour de saint Michel.
Conforme à une copie de l'original gardée à la Visitation
de Chambéry.
La Sainte le remercie de lui avoir donné des nouvelles de
saint François de Sales et de son arrivée à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619].
Monsieur,
C'est très à propos de me donner la joie de l'arrivée de Monseigneur le
révérendissime en cette ville [d'Annecy], car, à la vérité, c'est le plus grand
contentement qui me puisse arriver en cette vie que l'honneur et le bonheur de
sa présence. Nous l'avons peu retenu et rarement vu ; néanmoins nous
sommes contentes, puisqu'il plaît ainsi à Notre-Seigneur. Voilà donc, Monsieur,
comme vous n'aurez pas occasion de vous plaindre de nous, qui sitôt et si
librement vous le renvoyons. Dieu nous fasse la grâce à tous de jouir
longuement de sa vie, de sa santé et sainteté, tant utile à la gloire de notre
bon Dieu, que je supplie continuellement vous bénir de ses plus chères grâces,
avec madame votre femme et toute votre chère famille, que je salue humblement
et très-cordialement avec vous qui continuez d'obliger et favoriser cette
petite maison d'Annecy, en telle sorte que je ne saurais dignement vous en
remercier. J'en demeurerai à jamais, Monsieur, votre, etc.
Conforme à l'original gardé chez M. le comte de Thiollaz. [348]
LETTRE CCX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Nouvelles de la communauté de Paris. — Préservation de la
peste.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619.]
Ma très-chère fille, c'est sans haleine que je vous dis que, grâce à
Dieu, nous nous portons très-bien. Ne soyez point en peine, sa divine bonté
nous protège et garde ; la maison voisine n'a plus de malades ; j'en
écris un billet à Monseigneur pour l'ôter de peine ; faites-le-lui tenir
avec toutes ces autres lettres : c'est un paquet pour lui que l'on nous a
remis. Dieu soit notre amour, ma toute chère fille ; j'attends bientôt de
vos nouvelles, écrivez-moi du voyage de Monseigneur ; car il n'a pas
loisir de m'en parler. Jésus soit notre tout et soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Dieu ne laisse point sans secours une communauté où règne
l'observance. — Tout le bien des maisons dépend des Supérieures. — Il faut
retrancher à madame du Tertre les correspondances et les conversations
inutiles. — Demande de prières selon les intentions de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619.]
Je vous laisse à penser, ma très-chère Sœur ma mie, si je serais bien
aise que la charité que Monseigneur vous a concédée s'accomplît ! n'en
doutez nullement. Dieu ne laissera jamais sans pain la maison en laquelle il
est servi. Il est vrai, si je ne [349] me trompe, que je vous entends en ce que vous me dites que bienheureux
sont les humbles de cœur, touchant cette pauvre affligée d'esprit ; mais
dites-le-moi plus clairement, afin que cette occasion me serve, car
l'expérience est un grand maître.
Ce petit livre est très-bon ; faisons-en profit, je vous prie. O
Dieu ! ma fille, cela est si très-vrai que tout le bien de ces maisons
dépend des Supérieures, qu'elles ne sauraient assez être humbles et basses
devant Dieu, sans la conduite duquel elles ne peuvent s'acquitter [de leur
charge] ; mais aussi avec cette sainte conduite, [elles] peuvent tout
bien. Vous voyez que ce n'est qu'un billet écrit sans loisir.
L'on m'a dit que votre hôtesse avait écrit à certains amis ou amies, et les
priait de lui chercher une retraite en laquelle elle ne fût point sujette à ses
parents ; je pense qu'il la faut un peu considérer en ses lettres et
conversations avec les séculiers ; c'est une glose et un article sans
lequel nous ne l'eussions pas retirée. Il la faut conduire doucement et
l'observer.
Faites fort prier pour Monseigneur à ce que Dieu lui donne conseil en
une chose de très-grande importance. Les autres maisons disent un Veni
Creator le matin et font force communions pour cela. Priez aussi, je vous
prie, pour les besoins de cette maison et de mes enfants ; Dieu soit leur
conduite. Je salue. mademoiselle votre chère hôtesse, toutes nos bonnes et
chères Sœurs, et surtout votre cœur bien-aimé, que je chéris très-cordialement,
vous le savez ; je salue très-humblement le Révérend Père recteur et le
bon confesseur ; je me recommande à leurs prières et tous les amis.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [350]
À MOULINS
Il ne faut point trop réfléchir sur soi-même, mais
s'humilier devant Dieu de ses fautes d'inadvertance, et ne point s'en
tourmenter.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619 ]
Certes, ma très-chère petite fille ma mie, il faut que je vous dise que
j'ai reçu une fort grande consolation en lisant votre lettre, laquelle me
représente l'état de votre cœur avec une grande naïveté, sincérité et
cordialité dont vous m'avez fait un singulier plaisir ; car, voyez-vous,
ma très-chère petite, j'aime tendrement votre cœur, et voudrais souffrir
beaucoup pour sa perfection. Que si Dieu me fait la grâce de pouvoir obtenir
sur vous le retranchement de ces continuelles réflexions sur tout ce que vous
faites, lesquelles dissipent votre esprit, et, au lieu de cela, employer toutes
vos forces et pensées à la pratique des vertus selon les occasions qui s'en
présentent, mon Dieu ! ma fille, que vous seriez heureuse et moi
consolée. ! et je vous prie, ma mie, commencez dès maintenant à bon
escient à faire cela.
Pour toutes les fautes d'impertinences et semblables choses que vous commettrez, ne
faites qu'un simple abaissement d'esprit devant Dieu, et puis passez outre et
ne regardez plus ce que c'est. Ne le ferez-vous pas, ma mie ? Ah ! je
vous en prie, par le cœur et l'amour que vous porte votre pauvre Mère.
Au reste, écrivez-moi hardiment tout ce que vous pourrez, vos lettres
me consolent toujours, et ne vous mettez en peine de [351] chose quelconque. Je suis toute à vous, ma
mie, je vous en assure. Priez fort pour moi. Le doux Jésus accomplisse en vous
sa très-sainte volonté.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
Il faut ravir le Cœur
du divin Époux par l'amour de sa sainte volonté, l'exacte observance et
le support mutuel.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 3 octobre [1619].
Mes filles très-chères et bien-aimées, assurez-vous que mon affection à
vous servir et consoler n'a besoin d'aucune autre excitation que
d'elle-même ; car elle est infinie pour cela ; mais Dieu ne veut pas
que nous nous voyions pour ce coup, et de bon cœur nous soumettons nos désirs à
sa sainte volonté. Pendant qu'il en disposera les moyens, préparons-nous par
une très-exacte observance à profiter de cette entrevue, s'il nous la donne.
Surtout, mes chères filles, vivez, je vous en conjure, avec un extrême amour de
la divine volonté, et une douceur et support entre vous qui ravissent le Cœur de la souveraine Bonté ; car
notre bon Sauveur a dit qu'à cela l'on connaîtra que nous sommes ses
disciples, si nous nous aimons l'un l'autre. Je me recommande à vos
prières, n'ayant loisir d'en dire plus. Dieu habite éternellement au milieu de
vous pour vous combler de ses riches grâces ! Je suis en lui toute vôtre.
— Il soit béni.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers. [352]
À ANNECY
La stricte observance de la Règle est l'admirable chemin
de la perfection religieuse. Témoignages d'affection pour les amis du
monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619].
Dieu soit béni, ma très-chère fille, Dieu soit béni à jamais !
J'aime bien vos lettres et encore plus votre cœur ; faites
toujours le plus parfaitement que vous pourrez toutes vos actions et le plus
simplement. Oui, attachons-nous à une observance de nos saintes Règles qui soit
inflexible, c'est un chemin admirable ; le doux Jésus nous y fasse
cheminer fermement et fidèlement. Amen.
Je suis, certes, marrie de cette pauvre petite N... ; c'est la mélancolie ; il faut user de
divertissement, et ne pas faire semblant de voir le quart de tout ce qui se
passe. Je loue Dieu que notre assistante va si bien ; mais mon pauvre maître
[maçon], Jean, n'est-il pas bon ? Je l'aime, je vous assure chèrement, et
le vous recommande bien toujours. Faites-lui bien mes recommandations, et à
tous les maîtres ; je ne les verrai pas de cette année ; mais, s'il
plaît à Dieu, après Pâques nous les reverrons. Je vous assure, ma chère fille,
qu'il m'en tarde, mais je suis pourtant fort contente de la volonté de Dieu, et
puis il me semble que je vous vois toutes ; mais, il est vrai, vous m'êtes
grandement présentes, et ma pauvre vieille Sœur Anne-Jacqueline, vous ne
sauriez croire, ma mie, combien j'aime cette fille-là ; ayez-en bien soin,
et de toutes ; certes, elles me sont précieusement chères en
Notre-Seigneur. [353]
Faites bien mes recommandations à tout le monde, à M. Grandis en
particulier, aux Pères de Saint-Dominique, à M. Bouvard, à notre procureur, à
tous nos voisins et voisines. Je suis vôtre en Jésus.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CCXV (Inédite)
- À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD
SUPÉRIEURE À MOULINS
La Sainte annonce que saint François de Sales est nommé
grand aumônier de Son Altesse, et M. de Boisy, premier aumônier de Madame. —
Offre d'une prétendante.
VIVE †
JÉSUS !
Paris, 15 novembre 1619.
Vous aurez su maintenant, ma très-chère Sœur ma mie, comme tout est
venu à bon port, car je vous ai fait réponse par voie assurée. J'ai bien perdu
des lettres aussi bien que vous, et ce qui m'a plus fâchée, deux de celles de
Monseigneur ont été égarées ; mais Notre-Seigneur fait et permet
tout : il soit béni à jamais. J'ai reçu des nouvelles du 30 octobre de ce
bon Monseigneur, il était à Chambéry. Il me mandait qu'il était occupé à se
déprendre de la cour ; mais je pense qu'il faudra qu'il passe à Turin
Madame et Leurs Altesses l'ont fait grand aumônier, et M. de Boisy premier aumônier de Madame, de sorte qu'il
est engagé pour servir son quartier, et Monseigneur me mande que la charge de
grand aumônier l'engagera pour deux mois toutes les années à Turin. Dieu fasse
en tout sa sainte volonté.
Il y a ici une puissante fille qui est de vos quartiers, d'honnête
famille, qui désire d'être Sœur blanche ; elle est jeune et [354] forte. On m'attend. Elle prie pour savoir si
elle pourrait être reçue chez vous, [ce] que je n'ai su refuser de vous
demander, si vous le pouvez. J'écris sans loisir. Dieu soit tout nôtre. Je suis
toute à vous, vous le savez.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À MOULINS
Souhaits de bénédictions pour que les fruits d'une
retraite soient durables.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619.]
Je désire seulement que ces quatre lignes vous portent le souhait que
mon cœur fait pour le vôtre très-cher, de mille et mille bénédictions, que je
supplie le très-doux Sauveur de vous donner. Je participe au bonheur de
l'utilité et de la consolation que vous avez reçue dans votre exercice de
pénitence, que ma très-chère Sœur m'a mandé que vous avez fait. Oh ! bon
Dieu, ma très-chère fille, qu'il fait bon s'approcher de cette infinie
douceur ! Je la supplie très-humblement de vous fortifier et avancer en
l'exercice de son très-saint amour, auquel et par lequel je suis d'une entière
affection votre plus humble servante en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers. [355]
La Sainte conjure ses filles de vivre plus que jamais dans
l'exacte observance, l'humilité, la simplicité, l'obéissance et la charité.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 14 décembre 1619.
Mes très-chères filles, il faut que je vous fasse une prière, qui part
du plus profond de mon cœur ; et je vous conjure, par l'honneur et la
grâce que nous avons d'être filles de Notre-Dame, de me l'accorder. Je vous
supplie donc, de toutes les affections de mon âme, qu'en ce renouvellement
d'année vous fassiez de puissantes et efficaces résolutions de cheminer par la
voie de l'exacte observance en toute humilité, douceur et simplicité
d'obéissance. Au nom de Dieu, qu'on ne voie jamais parmi vous des suffisances,
ni désir de se procurer des charges et choses relevées ; mais un grand
amour des choses basses, des humiliations et abjections, de notre propre
faiblesse et misère. Que les paroles de désagrément ne paraissent jamais ;
mais que la sainte douceur, cordialité, union de cœur et affabilité,
accompagnent toutes vos paroles et actions. Que les répugnances ne se
rencontrent point chez vous : n'allez jamais regardant si l'on vous aime
plus ou moins que les autres : tuez ces petits renardeaux, je vous en
prie ; car ils ôtent la paix des cœurs. Nous ne devons jamais désirer
d'être aimées, mais croire que l'on nous aime autant que Dieu veut que nous le
soyons. N'examinez point à qui l'on donne les charges, ne les désirez peint :
la volonté divine doit être la règle de la nôtre, et nous doit suffire. Donnez,
mes chères Sœurs, ce contentement à la sainte Vierge, Notre-Dame, de servir son
cher Fils notre doux Maître, par la fidélité à ces petits conseils que je vous
donne en leur présence sacrée et de leur part ; je vous en conjure
derechef, par leur [356] infinie
bonté, que je supplie vous donner surabondance de grâces, avec leur éternelle
bénédiction. Amen.
SUPÉRIEURE À LYON
Il faut être libérale en ce qui concerne les soulagements
à donner aux Sœurs. — Comment former peu à peu les sujets qu'on juge capables
de la supériorité. — Conditions nécessaires pour une fondation.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 26 décembre 1619.
Bref, que les grandes lettres de cette si aimée grande fille me sont
grandement aimables et agréables ! je les dévore avec consolation ;
mais je n'ai pas le loisir de relire maintenant [la dernière]. Je loue Dieu, ma
fille très-chère, en la conduite de votre maison, vous avez un très-bon conseil
en ce Père. Avec cela vous pouvez demeurer en paix en vos déterminations.
Je trouve qu'il sera bon de ne pas retarder la petite Raton, sauf le
conseil. Il faut modérer la chicheté de notre Sœur N..., lui élargissant le
cœur et lui donnant une grande confiance ; vraiment, il faut avoir de la
prodigalité pour le secours et les nécessités des Sœurs ; il lui faut ôter
cela absolument ; jamais elle ne serait bonne Supérieure avec cette
étrécissure de cœur. O Jésus ! il faut épancher l'argent où il va du
soulagement des Sœurs. Ayez soin d'elle en cela, ma fille, et la donnez pour
assistante à la directrice, laquelle il ne faut pas faire portière, non,
mais vous ferez très-bien de la faire appeler au parloir quand il y aura des
gens de qualité ou d'Eglise, et que vous y traiterez d'affaires ; car il
faut qu'elle sache cela, voire même, il l'y faut envoyer souvent toute seule,
feignant que vous êtes occupée. [357] Je fais ainsi avec celles que je désire dresser pour être Supérieures.
Je ne vois pas qu'il y ait apparence d'envoyer à Montferrand pour trois
filles ; car quel moyen de commencer une maison avec cela, et trois mille
écus ? Il faut que madame des Roches tende ses filets de loin ; et
pour Clermont, [qu'il y] ait des filles prêtes et propres, avec un fonds
honnête pour commencer ; cinq professes pour le moins ; car autrement
l'on gâte les novices mêmes. J'ai fini d'écrire ces fêtes à ma cadette que
j'aime bien, et vous, très-chèrement. Bonjour, Jésus soit votre tout en
tout ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Aimer la livrée de Jésus-Christ (c'est-à-dire
l'humiliation) sur nos épaules et sur celles de nos amis. — Éviter les parloirs
comme la ruine des maisons religieuses. — Heureuses sont les âmes qui se
contentent de Dieu seul. — À la fin de l'année, on ne change pas à la
Supérieure les objets à son usage.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 1619.]
Ma toute chère fille, croyez qu'il y a bien ici de quoi se mortifier,
souffrir et se résigner en cette nouvelle persécution ; mais enfin il faut s'assurer que
notre bon Dieu tirera sa gloire de tout, et sortira son serviteur, notre unique
Père et cher Seigneur, de cette fournaise, plus reluisant qu'un soleil. Je
[358] confesse à ma très-chère fille
que j'ai un peu de douleur contre ceux qui avec trop d'ardeur et passion se
sont portés à cette affaire, et n'ont pas su prévoir ce qui en pouvait
arriver ; cependant, l'on ne parle point d'eux, et leur coulpe est jetée
sur l'innocent. Dieu soit béni, j'ai néanmoins, ma fille, conservé la sainte
paix, parmi tout ceci, grâce au bon Dieu. Je ressens vivement le trait que
l’on jette contre cette renommée plus
blanche que la neige, mais je ne laisse d'aimer la livrée du grand Sauveur sur
les épaules de son digne serviteur qui en est paré et honoré avec plus
d'honneur, que les rois ne sont avec leur manteau de pourpre. Écrivez-moi, je
vous conjure, toutes les nouvelles de cet unique Père.
L'on dit que votre parloir est fort fréquenté, aussi est
celui-ci ; mais je crois que c'est sans intérêt du recueillement et des
justes devoirs, autrement, où il y a tant de gens, et de toutes sortes, nous ne
subsisterons pas ; certes, j'ai un désir ardent de préférer Dieu et
l'observance à tout respect humain. Que vous dirai-je encore, mon unique fille,
sinon que bienheureuses sont les âmes qui se contentent de Dieu seul, et qui ne
désirent rien de toutes les choses créées que ce que la divine Providence et
les Supérieurs voudront ? Je vous proteste que voilà l'unique prétention
que je veux donner à mon cœur, que si je ne le fais pas, je prie Dieu qu'il
fasse miséricorde à ma faiblesse, et qu'il me tire de cette vie pour me loger
au purgatoire.
L'on ne change rien à la Supérieure au bout de l'an ; c'est
pourquoi, n'ayant rien de plus cher, je vous envoie en étrenne mon chapelet,
avec le congé de notre Congrégation, et, sans son congé, je veux dire, sans
l'avoir demandé, je vous envoie mon cœur, qui est tout vôtre, etc.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [359]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Comment la Supérieure doit agir avec la Sœur assistante et
avec les Sœurs professes.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1619.|
[Le commencement de la lettre manque].
.....J'ai aussi répondu à votre dernière lettre par celle que je vous
écrivis par Mgr l'archevêque. Rendez-vous toute familière avec vos professes,
surtout avec l'assistante, communiquant avec grande franchise, cordialité et
confiance. Cela est requis à une Supérieure, et encore que bien souvent je me
sois oubliée de le faire avec vous, je ne faisais pas bien en cela, et ce n'a
jamais été faute de volonté, mais d'attention, comme je le fais encore ici, où
ayant plus de divertissements [empêchements], j'ai moins de mémoire d'apporter
à la maison ce que j'apprends au parloir, et ce que je pense.
Je connais bien votre Sœur N..., c'est une bonne fille, Dieu lui
donnera un jour la lumière pour se retrancher. Je salue très-humblement Mgr
l'archevêque, etc.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [360]
SUPÉRIEURE À LYON
La Sainte attend la décision de saint François de Sales
pour entreprendre l'œuvre dite des Haudriettes, Dispositions à prendre
pour le voyage de plusieurs Sœurs.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 29 décembre 1619.
Vraiment, ma très-chère fille, votre cœur m'est bon et bien doux ;
je lui sais si bon gré de ce soin qu'il a eu de me faire savoir des nouvelles
de mon très-cher Père. Hélas ! il est vrai que cela est tout mon
bien : le grand Dieu me le conserve et continue ! Je reçus le jour
sacré de Noël de ses nouvelles ; ce sont les fêtes qui l'ont retardé. Or,
j'espère de vous écrire dans huit jours, car il faudra avertir Monseigneur de
ce qui aura été résolu des Haudriettes, lesquelles enfin l'on nous remettra ;
priez et faites prier Dieu pour la conduite de ces affaires. Au reste, il faut
que Monseigneur se détermine des filles qu'il faut renvoyer ici ; car il
faudra les avancer tant qu'il se pourra. Il faut, ma fille, que vous aidiez à
dresser l'équipage de Lyon : si l'on pouvait rencontrer quelque honnête
femme qui vînt par deçà, avec laquelle on prendrait un coche, cela irait
bien ; et encore pour la commodité entière, s'il y avait quelque honnête
ecclésiastique qui se disposât à venir ici, tout cela irait par [361] excellence. Enquérez-vous voir, ma fille, et
faites tout ce que vous pourrez pour bien dresser cet équipage-là ;
peut-être serez-vous le chef de cette compagnie : certes, vous y feriez
besoin ; mais il nous faut laisser gouverner par la divine Providence.
Nous vous ferons tenir de l'argent pour l'ouvrage quand il sera temps.
Notre Sœur de Gouffier veut que je vous prie de faire aller un sergent
bien fidèle donner assignation à M. son beau-frère ; vous le ferez prou.
M. de Foras est hors de prison, il y a déjà huit jours. Faites tenir cette
laine, s'il vous plaît, à M. de Boisy, lequel m'a écrit.
Adieu, bonsoir, ma très-chère fille. Dieu par sa grâce et sa bonté nous
fasse finir en toute perfection, et renaître à une meilleure et plus parfaite
vie. Amen.
[P. S.] Faites tenir
promptement ces lettres, et donnez à Monseigneur le moyen d'envoyer au plus tôt
la réponse. Je vous recommande celle de M. de Boisy.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DU SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D'ANNECY
Retour du saint Évêque auprès de ses filles d'Annecy. —
Recommandations pour qu'il ne prolonge pas les veilles de la nuit.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 1619.]
Vous n'aurez que ces lignes, mon cher Père, car maintenant que vous
voyez ce que votre cœur désire, les trop grandes lettres vous seraient sans
doute à dégoût. Je participe à votre contentement, et ne saurais dire la
consolation que j'ai de sentir Monseigneur et très-unique Père au milieu de son
petit peuple, [362] comme un roi
de bénédiction et un père très-tendre qui pourvoira à leurs nécessités, avec
une suavité et utilité toute sainte
pour le bien de leurs âmes. Que vous êtes heureux de voir continuellement les
actions de ce digne Père ! Faites-en bien votre profit, et ne vous
endormez pas dans les délices spirituelles de notre cher petit Annecy, que
j'aime mieux que toutes les grande s villes du monde qui n'ont pas tant de
piété.
Au reste, mon cher Père, ces veilles que Monseigneur fait tous les
soirs me seraient insupportables, si je n'avais confiance que notre bon Dieu a
un soin particulier de le conserver pour le service de sa plus grande gloire.
Il faut, tant que vous pourrez, mon cher Père, détourner les occasions, qui
occupent son temps le jour, car ce qui vient à lui, il n'y a remède ; son
incomparable douceur ne peut éconduire personne, et ne faut pas, je pense, le
presser importunément d'éconduire les petites gens, parce que ce lui serait
double charge par l'inclination qu'il a de donner du contentement et de la
satisfaction à tout le monde. C'est un prodige de vertu et de bonté que ce
très-digne Père. Priez Dieu que je le puisse imiter en quelque chose, et me
croyez votre, etc.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [363]
LETTRE CCXXIII (Inédite) - À LA
MÈRE ANNE-MARIE ROSSET
SUPÉRIEURE À BOURGES
Intérêt que Mgr de Bourges porte aux Religieuses
de la Visitation. — Sollicitude de la Sainte pour former les novices. — Bon
exemple que doivent donner les anciennes.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Ma très-chère Sœur ma mie, je vous fais ce seul billet, sans nul
loisir, parmi tant d'affaires et de malades dont il plaît à Dieu nous visiter.
Je vous envoie les papiers que vous désirez tant. Ne soyez en peine ;
notre bon Mgr l'archevêque de [Bourges], m'a fort témoigné d'affection envers
vous autres, et m'a obligée de m'accorder la réception des filles de sept à
huit cents écus, que je trouverai propres. Je crois que bientôt il vous en ira
une d'Orléans, qui s'appelle mademoiselle N... Elle a un bon esprit intérieur.
Nous vous en éprouverons ici encore des autres ; car nous les garderons
pour leur donner les commencements et connaître si elles seront propres.
Je conjure nos bonnes Sœurs de s'affermir en l'observance, douceur et
obéissance, afin qu'elles servent de bon exemple à ces filles que l'on
s'essayera de leur envoyer. Je vous assure que nous tenons de si près celles
qui sont ici, qu'elles me donnent bien de la consolation. Dieu, par sa douce
bonté, les fasse croître de mieux en mieux. Amen.
Je n'écris pas à Mgr l'archevêque. Je pense qu'il sera à Nevers.
Saluez-le quand il sera de retour, et l'assurez que je [364] ménagerai le mieux que je pourrai pour notre
petite maison de Bourges. — Je ne peux écrire davantage ; un jour que
j'aurai le loisir, j'écrirai à toutes ; cependant, je les salue
très-chèrement et particulièrement celles qui m'ont écrit. Nous ne pourrons si
promptement penser à loger la fille dont m'écrit notre Sœur Françoise-Gabrielle
[Bally].
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
La tranquillité et la simplicité d'esprit d'une
Supérieure, jointes à une maternelle vigilance, aident efficacement au progrès
spirituel d'une communauté. — Éloge d'un litre composé par une Mère Carmélite
espagnole. — Importance du monastère de Paris qui doit être une pépinière pour
la France. — L'indépendance de l'esprit nuit à la pratique des vertus
religieuses.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 16-20.]
Oh ! qu'à jamais soyons-nous toutes sans réserve à ce divin
Sauveur, ma toute chère fille.
Vos dernières lettres me furent données par l’agréable main du
très-cher frère de votre cœur ; pensez, ma fille, si je fus aise et
consolée de le voir et de l'assurer que je l'honorais d'une singulière et
particulière affection, comme le bien-aimé frère du cœur que j'aime chèrement.
Les nouvelles que vous m'en avez dites me consolent fort. Cette simplicité et
tranquillité de soumission vous est uniquement propre ; vous n'avez à
faire pour vous qu'à demeurer là, et veiller prudemment et charitablement sur votre
chère petite troupe, pour l'avancer, avec un extrême amour et douceur
maternelle, à la dilection sainte de notre doux Maître, par une totale et
ponctuelle observance de la Règle. [365]
Monseigneur m'envoya un livre que je trouve excellent ; je le ferai
transcrire pour vous l'envoyer, si plus tôt vous ne l'obtenez des
Carmélites ; car c'est une de leurs Mères espagnoles qui l'a fait
et l'adresse à une Supérieure ; il y a d'excellents documents pour les
Supérieures, et je désire fort que les nôtres l'aient et en fassent profit.
Je vous assure, ma fille, que nous ne savons encore qui l'on mettra
ici. Si la maison de Piémont ne nous bridait point et que facilement l'on vous
pût dégager de Lyon, sans doute, je pense que vous passeriez ici ; mais
entre ci et Pâques, l'on verra peut-être plus clair. Il n'y a point de doute
que, si je suis crue, on choisira et préférera-t-on cette maison [de Paris] à
toutes, à cause de sa grande importance, et que ce sera la pépinière pour la
France. O Dieu ! que je lui souhaite une bonne Mère (car, en fin finale,
le bonheur des maisons dépend d'elles [des Supérieures] après Dieu) : une
Mère douce, prudente, zélée et de parfaite observance et de mortification. Vous
ne sauriez croire comme notre Sœur Anne-Catherine [de Beau-mont] est sage et de
grand exemple. Nous avons ici de bonnes professes, niais
nous en avons besoin encore de deux ou trois pour le moins ; maintenant
que notre bon Seigneur est à Nessy, il verra, mais il faudra attendre le mois
de mars.
J'ai vu N..., qui m'a dit que la bonne Sœur *** était fort mal, et que
ce serait charité de la faire traiter par les médecins ; il me dit encore
ce qu'elle lui avait dit, qu'elle trouvai ! que les esprits étaient
grandement sujets [trop assujettis] et qu'elle avait grande difficulté à
s'accommoder à cela ; n'est-ce pas là une grande misère ? Notre bon
Dieu a voulu être attaché à la croix, et nous ne voulons pas nous assujettir
pour son amour à une manière de vie toute douce et toute sainte ! Or,
parce qu'il me semble que cette fille a bon esprit, je voudrais bien
[366] qu'elle persévérât. Il ne faut
pas faire semblant de savoir sa difficulté, mais il faut gagner son cœur, s'il
y a moyen, et essayer de l'affranchir de cette difficulté. Dieu accomplisse en
tout sa très-sainte volonté et nous comble de grâces, ma très-chère fille. Je
suis toute vôtre.
Dieu soit béni !
[P. S.] J'ai reçu vos lettres et les deux de
Monseigneur. Je me servirai toujours de cette voie et jamais de la poste. Je
vous prie, faites-le même, ma très-chère fille.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Il faut obéir simplement et gracieusement en tout ce qui
regarde le soulagement corporel, et se montrer toujours communicative, ouverte,
franche, cordiale et joyeuse.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620]
Je ne sais, ma très-chère fille, si vous aurez reçu ma dernière
lettre ; Dieu me la donna ainsi, et maintenant je vous dis encore de sa
part que vous obéissiez tout simplement, tout doucement, tout cordialement et
gracieusement à notre Sœur [Françoise-Gabrielle], en tout ce qui regarde le
soulagement de votre corps, sans y manquer, disant, naïvement comment vous vous
sentez, avec une douceur qui ne lui ôte pas la confiance de vous dire ce qui
lui semblera bon.
Je vous envoie ce livre ; si vous voulez, faites-le copier ;
il y a de très-bons points de grande utilité, voire, nécessaires pour celles
qui sont en charge. Enfin, il se faut faire tout à tous pour les gagner
tous.
J'espère de vous envoyer deux ou trois bons cœurs de filles
[367] ce Carême. Soyez grandement
communicative, ouverte, franche, cordiale et joyeuse. Souvenez-vous encore de
ce que je vous ai dit tant de fois : tâchez d'animer vos paroles tant
qu'il vous sera possible, afin qu'elles pénètrent mieux les cœurs de vos
filles. Dieu soit votre tout. Amen. Priez pour nous.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Dieu ne se plaît pas en nos maux, mais en notre patience à
les souffrir. Nouvelles du monastère de Paris. — Projets de fondations pour
Nevers et Orléans.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 13 janvier 1620.
Ma très-chère fille, je vous écrivis mardi dernier que Mgr de Lyon
avait répondu verbalement à mon neveu de Neuchèze, que vous fissiez vos novices
professes ; il dit de petites raisons, mais enfin
il conclut cela. Je prie Dieu qu'il ait soin de ces pauvres chères Sœurs
malades, et leur donne la force de porter leur mal utilement. Mon Dieu !
ma très-chère amie, que les tribulations nous devraient être précieuses !
mais toute l'importance est à les bien ménager ; car Dieu ne se plaît pas
en nos maux, mais en la patience avec laquelle nous les souffrons.
L'affaire des Haudriettes s'avance ; nous n'avons [point] encore
vu les articles que l'on dit qui sont fort à notre avantage ; certes, il
n'y avait pas moyen d'entreprendre cette affaire autrement. Nous sommes
toujours en peine d'une place pour nous arrêter ; faites prier pour cela,
je vous en prie. Au reste, l'on nous demande avec assez bonne enseigne à Nevers
et à Orléans ; nous n'avons besoin que de bonnes Supérieures ; Dieu
par sa toute [368] bonté nous en
veuille donner. Vous aurez bientôt le livre des Carmélites, car je le fais
transcrire. Bonsoir, ma fille, je suis lasse. Nous avons aujourd'hui donné
l'habit à une demoiselle de bon lieu, honnête et bonne fille ; c'est la treizième novice. Dieu y
donne sa sainte bénédiction. Je suis, vous le savez bien, ma fille, toute
très-vôtre, et Jésus soit tout votre bien. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Bel éloge de la Mère de Châtel par saint François de
Sales. — Avantages qu'il faut tirer des négligences involontaires. — Ne vouloir
que Dieu et ne chercher de consolation qu'en Lui seul.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 13 janvier 1620.
Eh ! comment, ma très-chère fille ma mie, pourquoi attendiez-vous
de moi une lettre sévère ? Certes, il faut que je vous dise franchement,
et la gloire en soit à Dieu, votre cœur est trop bon pour être gourmande, et
quand il serait mauvais, je ne voudrais pas le faire.
Monseigneur m'écrivit ainsi en me parlant de nos maisons qu'il avait
vues : « Il faut dire la vérité : à Grenoble, je trouve une,
mais une Supérieure toute selon mon cœur. » Or, pensez, ma fille, si
cela me fit grand bien ! Oui, certes, je vous aime très-chèrement, et je
ne saurais vous dire rien de mieux, sinon que vous cheminiez toujours fermement
en votre chemin qui est très-bon, et sans regarder ni à droite ni à gauche.
Vous êtes admirable à vous plaindre de vous-même. Or sus, s'il plaît à Dieu que
vous soyez ainsi si infidèle, je veux dire s'il permet [369] que nous ayons quelques petites négligences,
c'est afin que nous ayons toujours de quoi nous humilier. Quand Dieu vous consolera, recevez ses
consolations fort simplement, et enfin le bien et le mal également. Bref, ma
fille, il faut que nous nous unissions à Dieu en tout et de tout, et conduisez
vos filles à cela.
Il n'y a remède ; il faut avoir encore un peu de patience. Dieu
vous pourvoira d'un Père spirituel ; cependant, soyez toute chose à vos
filles, il va bien ainsi. J'ai bien de la consolation de ce que vous me mandez
qu'elles font bien. Eh ! Seigneur Jésus ! comblez cette bénie troupe
de votre sainte bénédiction.
Priez fort pour nous, nous avons une peine nonpareille à trouver bien
pour nous loger. Nous nous verrons cet été, je l'espère, cela dépend de
Monseigneur. Or enfin, ma fille, il ne faut vouloir que Dieu ; nous serons
très-heureuses s'il est notre seule consolation, et que nous n'en voulions
point d'autre. Pour l'amour de Dieu, tenons-nous à cela, et que tout le reste
ne nous soit rien. Adieu, ma mie ; priez et faites prier pour mes enfants,
je vous en prie. Croyez assurément que vous êtes la très-chère fille de mon
cœur.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [370]
Sentiment de diverses personnes sur la nomination projetée
de saint François de Sales à l'évêché de Paris. — L'affaire est remise au
Souverain Pontife. — Plaintes filiales de la Sainte touchant le silence que
garde son Bienheureux Père sur des questions qu'elle lui avait adressées.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1620.
Mon très-honoré Seigneur et unique Père, J'appris hier, par M. Vincent, qui vous honore et estime plus qu'il ne se
peut penser ni dire, tout le dessein que l'on a de vous attirer en France. Tous
les plus pieux et solides esprits d'ici considérant cette proposition, et
pesant de part et d'autre toutes les raisons, sont en grand suspens de ce qui
sera plus à la gloire de Dieu.
M. Vincent me le disait hier, ajoutant qu'il semblait que Dieu vous avait
mis comme un boulevard contre cette misérable Genève, et comme un mur
inexpugnable entre la France et l'Italie, pour empêcher l'hérésie d'y
entrer ; que l'on ne savait aussi si Dieu vous avait destiné pour être ici
comme sur le théâtre du monde, pour servir d'exemple et de lumière à tous les
prélats delà France ; qu'en une si grande vigne un tel ouvrier profiterait
grandement et plus qu'en un petit coin du monde. On dit que vous devez peser
vous-même cette affaire et sentir ce que Dieu désire de vous. On vous loue
extrêmement de ce que vous vous en rapporterez au Pape, pourvu, dit-on, que
vous lui exprimiez largement toute l'affaire. Enfin, mon très-unique Père, les
jugements des hommes veulent tout ménager ce qui est du leur et encore ce qui
est d'autrui ; mais dites-moi si je vous devais celer ceci ou si je fais
bien de vous le dire. J'aurais, ce [371] me semble, la conscience chargée de vous taire quelque chose, et il
faut que je vous dise une fois pour toutes que quand je regarde du côté où vous
êtes, je me sens fort inclinée à ce que vous y demeuriez ; mais si je
regarde de deçà et que je pense que peut-être Dieu vous y appelle pour sa plus
grande gloire, je demeure en indifférence, désirant
infiniment que Notre-Seigneur accomplisse sa très-sainte volonté en nous.
Vous m'obligez grandement de me dire ainsi des nouvelles de votre tout
bon et très-aimable cœur. Faites-le toujours, mon Père, je vous en prie, c'est
ma très-chère consolation. Mais ne vous dois-je pas dire en simplicité que par
deux ou trois fois il m'est venu un peu d'émotion en l'amour-propre, de ce que
vous ne me répondez rien à tout ce que je vous demande qui touche mon
particulier et sur mes plaintes ? Vous avez grand tort, mon cher Père, car
mon amour-propre en serait beaucoup satisfait. Hé Dieu ! que j'en ai
toujours mon plein sac de ce misérable amour-propre ! Dieu le veuille
anéantir !
Je vous remercie beaucoup de la charité que vous faites à mes
enfants ; j'avais besoin d'être soulagée et aidée dans cette charge, je me
contente de leur avoir acquis le bien et le trésor de votre sainte assistance
devant Dieu. Je ne quitterais pas cela pour aucune bonne fortune, etc.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [372]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Plan uniforme à suivre dans la construction des
monastères. — Conseils pour la fondation projetée de Nevers.— Avis sur les
rapports de la Visitation avec les Ordres religieux. — Les Sœurs fondatrices
doivent être des règles vivantes. — La Sainte presse saint François de Sales de
faire des entretiens aux Sœurs d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 12 février 1620.
Je viens tout maintenant de recevoir votre dernière lettre, ma
très-chère Sœur. Mais, pour répondre à la première, vos gens qui ont charge de
vos affaires ne nous en ont point parlé ; il faut bien qu'ils aient des
adresses suffisantes. Dieu, par sa bonté, vous assiste, afin que cette petite
maison subsiste à sa gloire.
J'eusse bien fort désiré de voir le plan de votre maison, car tant
qu'il se pourra, ma très-chère Sœur, il nous faut faire nos monastères
uniformes. Je vous prie donc de nous l'envoyer, parce que nous sommes occupées
à en faire faire un. Je serais bien aise qu'il y eût de la correspondance. Bien
donc, il faudra que Monseigneur pourvoie d'une Supérieure pour Nevers. Je trouvai bien la difficulté être grande de
vous tirer de là maintenant. Pour ce qui est de notre Sœur N..., je ne puis
savoir sa capacité, parce que je ne l'ai pas quasi vue depuis son départ de Nessy.
C'est bien mon sentiment ce que vous m'en mandez ; elle a eu un peu de
tentation en elle ; Monseigneur l'avertit ; elle m'a fait sa
décharge, et j'espère, Dieu aidant, que tout ira mieux et avec plus de largesse
de cœur. C'est une vraie bonne fille, mais la diversité des esprits éprouve. Je
vous dis ceci, parce qu'il me semble que vous m'en avez touché autrefois
[373] quelque chose ; et puis,
avec vous, ma très-chère fille, je me mets toujours au large. Puisque donc
votre maison ne peut pas donner de Supérieure, et qu'elle doit partir de la
maison de Nessy, que vous en êtes aussi, il me semble que c'est de la part de
Mgr de Genève qu'il faut traiter, et sous son bon plaisir. Néanmoins, voyez
voir ce que vous en dira le Père recteur.
Ce que je fais en ces quartiers, c'est en suite de mon obéissance qu'il
m'a baillée, qui note les lieux des établissements avec le pouvoir de tirer les
filles. Pour cela, je lui en écrirai à la première commodité. Cependant vous
aurez le conseil du Père recteur, et pourriez, sous de simples signatures,
accorder les conditions. Sous les conditions ci-dessus, je ferai parler à Mgr
de Lyon, et le ferai presser pour arrêter l'affaire. Il me semble, et il est
vrai, que vous m'avez mandé que le bon Père accommoderait le logis, attendant
que les filles en puissent acheter un... cela est bien requis. Quoi qu'il en
soit, je crois que Monseigneur sera bien aise d'accepter cette fondation,
car le lieu est désirable.
O ma chère fille, il faut être bien dextre pour s'entretenir avec les
Pères de *** sans s'y assujettir, car c'est un corps véritablement bon et qui
nous peut beaucoup aider, mais il faut éviter les attaches et dépendances, car
à la longue cela nous retrancherait notre liberté d'appeler qui bon nous
semble. Mais l'on verra comme cela se pourra accommoder ; cependant il
faut témoigner de la gratitude.
Je suis toute consolée de ce que vous me mandez de notre chère Sœur
M.-Hélène [de Chastellux]. J'ai toujours pensé que si cette fille prenait le
dessus, elle se rendrait utile. Dieu en soit béni ; mais donc il ne sera
plus requis de vous faire venir une maîtresse de novices ; il le faut
dire. Hélas ! ma très-chère [374] fille, prenez, je vous supplie, tout simplement, ce que je vous dis
simplement. Ce qui est propre à une chose n'en est-il pas bien capable ?
Il est vrai, j'aime et estime vos filles, et ce que je vous ai mandé qu'il
fallait qu'elles fussent une Règle vivante, cela est parti de ce grand désir
que j'ai que nous le soyons toutes, et surtout celles qui sont employées aux fondations,
parce qu'elles donnent la forme aux autres. Je crois que ce sera assez de
donner trois ou quatre filles professes avec les deux filles qui seront
novices, et s'il se peut, ma très-chère Sœur ma mie, attirez encore la fille de
ce gentilhomme ou quelque autre, car il ferait grand bien qu'elles fussent
trois ou quatre. Si vous ne prenez la fille dont je vous ai écrit, pour le
voile blanc, elle serait bonne pour Nevers ; elle est forte et aura
quelque chose ; cela serait autant.
Il faut avoir patience avec la pauvre madame de Gouffier ; si elle
se retire parmi nous autres, cela se passera doucement ; si moins, et
qu'elle veuille avoir quelque chose, il faudra essayer de retrancher sa
prétention et la faire prendre haleine. Je crois que tout se passera doucement
si l'on montre lui être obligées et que l'on use de prière. Nous sommes en la
même peine pour ce qui nous regarde de cette maison, avec moins de fondement.
Que faire là, sinon patienter et la tenir contente le mieux que l'on
pourra ?
Je suis bien pressée, ma très-chère fille ; si je ne puis écrire à
madame du Tertre, vous ferez mes excuses. Dieu vous comble de bénédictions, et
toute votre chère famille. Vous savez, et il est vrai, que je suis vôtre de
tout mon cœur.
Dieu
soit béni !
[P. S.] Ma très-chère
Sœur, au nom de Dieu, soulagez-vous et vous conservez- mais je vous en prie, ma
chère amie. J'ai eu ces quinze jours passés une assez bonne défluxion ;
cela est passé, Dieu merci. Monseigneur se porte bien ; il exhorte fort
[375] nos Sœurs [d'Annecy] ; c'est
pour l'utilité de toutes les maisons. Je l'ai fort prié de le faire tandis qu'il
est là, car l'on ne sait si ce sera pour longtemps. Il est besoin de prier et faire prier pour cela. Enfin, ma très-chère
fille, c'est notre unique Père, mais il s'en faut priver, puisque Dieu le veut.
Que nous serons heureuses quand ce divin Sauveur sera notre seule
consolation ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
À MOULINS
La pureté du cœur et le mépris du monde disposent l'âme à
recevoir abondamment les grâces du ciel.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 12 février 1620.
Oui, ma chère Sœur, je vous écrirai autant qu'il me sera possible,
puisque votre bonté le désire et que la communication que vous me faites de
votre cœur m'y oblige. Mais n'êtes-vous pas heureuse d'avoir ainsi vidé et
répandu toute votre âme devant Dieu ? Il faut que dorénavant vous soyez
extrêmement jalouse de sa pureté, et que, par votre sainte correspondance aux
grâces de Dieu, vous vous disposiez pour en recevoir une si abondante, qu'elle
vous joigne pour jamais à sa divine Bonté. Ma très-chère fille, qu'est-ce tout
le reste et tout ce que le monde estime ? n'est-ce pas un vrai
mensonge ! À quel propos donc s'y affectionner ? Bon Dieu ! nous
laisserons-nous toujours [376] tromper
comme de vrais enfants ? Oh ! certes, cela n'est plus
recevable ! Pardonnez-moi, je dis ceci à perte d'haleine ; je
souhaite toutefois que vous le fassiez, et je prie Dieu qu'il vous en fasse la
grâce.
Ma très-chère Sœur, vous êtes avec une âme que je chéris uniquement et qui est très-capable de vous bien servir.
Ne vous l'avais-je pas bien dit ? faites-en profit. Je vous sais bon gré
d'avoir soin de sa santé ; Dieu la conserve et vous donne ses plus saintes
bénédictions !
Je suis, ma très-chère Sœur, votre plus humble servante en
Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
SUPÉRIEURE À BOURGES
L'obéissance est due aux prélats. — Utilité de la
correction publique. Profession des Sœurs associées.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1620.
Ma très-chère Sœur,
Vous avez très-bien fait d'obéir simplement à Mgr l'archevêque ; c'est
chose que nous devons, et son désir que la fille soit gardée jusqu'à Pâques
n'apportera point de préjudice à la maison ; mais croyez qu'il n'a garde
de vous dire de la garder davantage, sinon que Dieu fasse un miracle et la
change visiblement d'ici là ; il ne se faut pas étonner de ce qui est
arrivé pour elle. Cet esprit-là n'avait nulle disposition pour recevoir le
saint habit ; Dieu a permis pourtant qu'elle l'ait reçu, afin que celles
qui viendront après elle soient mieux examinées, et que l'on y [377] voie les signes et marques que la Règle note,
avant que de les introduire.
Pardonnez-moi, ma fille, il ne fallait pas attendre d'être en
particulier pour corriger notre bonne Sœur N… Vous fîtes très-bien de la mortifier en présence des autres, devant
lesquelles elle avait manqué au respect et soumission qu'elle vous doit, car
elle les édifia mal, et méritait d'être corrigée sur-le-champ ; mais,
après, encore il lui faut dire fermement, quoique cordialement, qu'elle se
garde de faire telles échappées, et qu'elle suive ce que la Règle lui enseigne
en telle et en toute occasion. Il faut supporter toutes les infirmités
corporelles de notre bonne Sœur N..., mais il lui faut faire entendre fermement
qu'il faut qu'elle se soumette, et la faire souvent parler à quelqu'un qui lui
prêche cette leçon.
Peu de gens du monde sont désintéressés, ma chère fille. Vous aurez
réponse de Monseigneur. Il ne faut rien changer en la profession
pour être Sœur associée ; il n'y a que l'intention qui fait la différence
des rangs, et la Règle montre l'obligation de chacun.
Nous avons prié pour la bonne mademoiselle de Jars, elle est
bienheureuse ; mais comment se porte madame de Jars ? Je la salue
très-humblement, et tous nos amis et amies. Je salue mon neveu [de Neuchèze],
et de la part de M. de Boisy qui m'en prie, et de lui dire qu'il voudrait qu'il
eût la coadjutorerie de Bourges, comme il a celle de Genève. Dieu le veuille
ainsi, si c'est pour sa gloire ! Mais mille cordials saluts à nos pauvres
Sœurs que j'aime bien. Nous avons toujours nos deux filles ; nous sommes
embarrassées [de savoir] comme vous les envoyer.
Ma très-chère fille, je suis vôtre en Notre-Seigneur. Amen.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [378]
Visite de M. Deshayes et sentiments de hauts personnages
au sujet de la nomination de saint François de Sales à l'évêché de Paris. —
Admirable délicatesse de conscience de la Sainte qui lui montre comme faute
grave un manque de naïveté dans ses expressions. — Elle fait part des
arrangements pour la fondation de Nevers, prie le Saint d'écrire deux ou trois
fois par an aux Supérieures, et le félicite d'avoir Jean-François de Sales pour
coadjuteur.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 3 mars 1620.
Mon très-cher Père,
Hier soir, M. Deshayes me dit qu'il avait enfin trouvé l’occasion
de parler à Mgr le cardinal, auquel il avait dit comme il avait parlé au
Roi et à M. de Luynes de ce grand dessein ; qu'il avait trouvé l'un et l'autre
toujours en bonne volonté ; mais que ce n'était pas chose à quoi ils
voulussent penser maintenant ; que cette occasion étant retardée, s'il n'y
en avait une convenable à votre naissance et à votre qualité, il n'y aurait pas
apparence de vous tirer de là ; que si sa pensée n'était que de vous
laisser l'administration du diocèse et la charge des âmes sans l'assurance de
la succession à l'évêché, il n'était pas besoin de vous tirer pour cela ;
qu'il y avait ici plusieurs grands docteurs, comme M. d'Archides et M.
Courteau, et tant d'autres, qu'il pourrait employer à l'administration des
sacrements et autres fonctions épiscopales et tout plein d'autres choses
[379] semblables dont il ne me souvient
pas ; qu'il s'assurait que lui (Mgr le cardinal), qui vous aimait, s'il
désirait vous attirer ici, il pouvait vous procurer un emploi aussi digne de
vous ; que toute sa famille désirait avec passion et affection cordiale de
vous voir coadjuteur (il est vrai, spécialement M. le général, qui a une si parfaite estime de votre
probité, qu'ils seraient grandement consolés tous de voir cette pièce [place]
conservée pour leur fils, par ce moyen). Mgr le cardinal fit une réponse pleine
d'honneur et d'affection ; [il dit] que ce qui était de son pouvoir, il
l'emploierait sans réserve ; que sa maladie l'avait fait résoudre absolument ;
que l'effet de son désir dépendait du Roi et de M. de Luynes ; que, dans
quinze jours, il ferait son effort, puis qu'il avertirait. Voilà en substance
ce que le très-bon M. Deshayes me dit à soir, et m'ordonna de vous l'écrire,
attendant qu'il le fasse après la réponse et résolution du Roi.
Mon très-cher Père, prenez bien garde que l'entremise de M. Berger ne
détourne la conduite de cette affaire des mains de notre cher ami, lequel me
console de le voir tant vôtre. Le bon Père Binet vous salue très-cordialement ; il ne se
peut dire combien il vous chérit et estime ; il n'est pas du sentiment de
nos sages, il voudrait bien que vous vinssiez, pourvu que ce fût à bon titre.
Il m'est demeuré sur le cœur de ce que je ne le nommai pas. Tout ce que je vous
dis la dernière fois est de la bouche de M. Vincent ; mais, à mon avis, il
est très-probable que [380] c'était
le résultat du conseil de MM. Duval, de Montelon et Vincent, car ce sont trois
têtes dans un chapeau.
Or, il faut que je vous dise tout naïvement, mon très-cher Père, qu'en
ces deux dernières lettres j'avais une secrète inclination que vous
entendissiez les opinions, considérations et aversions dont je vous parlais,
être encore plus grandes que je ne vous le disais, car si bien je me suis
gardée exactement de mentir, j'ai connu néanmoins quelque manquement de
naïveté, mais j'étais si pressée la première fois, que je n'ai su le réparer
sur-le-champ. À la seconde lettre, quoique je m'en fusse avisée, néanmoins je
m'aperçus que je ne nommais pas les personnes ci-dessus, par cette même
inclination, et je me résolus de le faire en une autre rencontre, mais je
l'oubliai. Voilà qui me pesait que je ne vous l'eusse pas dit. O mon
Dieu ! ne permettez jamais que je manque à la naïve vérité et simplicité
que je dois avoir avec mon très-cher Père. Certes, ce n'est point ma volonté de
rien déguiser. Je vous ai déjà mandé comme je me trouve pour ce sujet.
Notre chère Mère de Port-Royal voudrait savoir si elle fera [381] retraite ce Carême et ce qu'elle y fera. Si
l'on n'a point de vos nouvelles, elle fera comme nous ; c'est une âme
puissante en Notre-Seigneur. Elle m'écrit avec une largesse de cœur nonpareille
et veut absolument que je voie toutes ses lettres ; je lui ai résisté,
mais il faut céder.
Je voudrais bien, mon très-cher Père, s'il vous plaît, que vous fissiez
la visite [canonique] et tinssiez le chapitre chez nous [à Annecy], avant le
départ de nos Sœurs, afin que cela nous servît de modèle pour les autres
maisons. Certes, nous ne demandons point de le faire tenir ici, que nous ne
sachions comme il ira de notre demeure.
L'on nous a mandé qu'il n'était pas besoin de procuration pour traiter
de la maison de Nevers. Notre Sœur Jeanne-Charlotte [de Bréchard] pourra faire
les petits accords, et il suffira que la Supérieure que vous y destinerez ait
votre obéissance, et l'on pense aussi qu'il ne sera pas besoin de presser Mgr
de Lyon d'exécuter sa commission, croyant que, la Supérieure étant de Nessy,
les autres filles que l'on tirera de Moulins passeront ainsi ; mais si vous
jugiez plus à propos que la commission fût exécutée avant que d'en tirer des
filles, on l'en ferait supplier. Je pense qu'il n'est pas besoin d'avancer la
venue de nos Sœurs pour les fondations, car cela peut se différer jusqu'à la
Saint-Jean. Je n'écrirai point davantage pour ce coup, mon très-cher Père. Je
salue chèrement, s'il vous plaît, nos très-chères amies, vous les connaissez,
et nos pauvres Sœurs et mon pauvre cher neveu, tous messieurs vos très-chers
frères. Jésus notre bon Dieu comble votre chère âme et l'anime de son très-pur
amour ! Nous allons un peu le voir au Très-Saint Sacrement, car nous
faisons comme les grands : ces trois jours il est exposé, nous avons tous
les jours sermon, le peuple y vient à la foule, Dieu soit béni, mon vrai et très-cher
Père !
[P. S.] Cette lettre
m'est demeurée jusqu'aujourd'hui. Cependant je reçus une lettre de notre Sœur
Claude-Agnès [Joly de la [382] Roche]
qui m'assure que vous vous portez très-bien, mon très-cher Père ; j'en
loue et bénis notre bon Dieu. Je pense que cette fille se fait fort bonne, je
le vois au travers de ses lettres. J'ai toujours pensé qu'elle ferait très-bien
avec l'autorité. Certes c'est chose bien difficile que faire entièrement mourir
le naturel. Souvenez-vous, s'il vous plaît, mon très-cher Père, de répondre à
la demande de notre petite Supérieure de Bourges, touchant cette fille. Je vous
assure, mon très-cher Père, qu'il faut, s'il vous plaît, que votre bonté se
communique quelquefois à ces pauvres Supérieures qui sont si éloignées de nous.
Hélas ! elles me font compassion ! Deux ou trois fois l'an,
écrivez-leur, mon très-cher Père, et à la pauvre madame de Gouffier, je vous en
supplie, mon très-cher Père. Mon Dieu ! je sais que vous abondez en amour
et dilection pour toutes ces chères âmes qui sont nôtres, et que vous ne
manquez que de temps, mais je sais bien que vous ne vous fâcherez pas que je
vous supplie de faire un petit effort en cela. Vous êtes tellement l'unique
Père, qu'un petit mot dilate et console les cœurs non pareillement, cela tient
de la nature, mais quel moyen de mourir toutes là ?
Voilà donc mon très-cher neveu [de Boisy] coadjuteur ; loué soit
Dieu ! C'est une affaire faite et bonne en tout événement. Il m'écrit un
billet où je vois qu'il en est tout joyeux. [Ne] faudra-t-il pas dorénavant lui
dire Monseigneur ? Oui ou non, s'il vous plaît, mon très-cher Père.
Oh ! que Dieu vous fasse très-saint en tout ce qui vous touche ! Amen.
Les chères filles d'ici sont tout affectionnées autour de
Notre-Seigneur au Très-Saint-Sacrement. Elles vous saluent très-humblement.
J'ai bien d'autres choses à vous dire, mais il faut finir, mon toujours plus
unique et très-cher Père.
Nous voici en notre récréation, mon très-cher Père, toutes ces filles
me crient de vous assurer qu'elles veulent être très-bonnes. La petite fille
Ronsin dit qu'elle ne veut avoir d'amour que pour Dieu et pour vous. Les deux à
qui vous donnâtes [383] l'habit
les dernières veulent être les chères filles. Elles voudraient être nommées
toutes, mais je leur ferme la bouche, car c'est à qui en dira le plus. Si la
lettre que vous recommandiez à M. de Serre... était pour madame de Jordre, elle
a bien été envoyée ; mais notre Sœur de Gouffier n'en sait rien, car je
lui cèle les lettres que vous lui écrivez [à madame de J.] ; car, si elle
les voyait, cela accroîtrait son opinion. Bonsoir, mon vrai Père ; toutes
vous demandent votre sainte bénédiction. Mardi soir, 3 mars.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CCXXXIII (Inédite) - À MADEMOISELLE
DE CHANTAL
SA FILLE
La Sainte lui annonce que M. de Toulonjon la demande en
mariage.
VIVE † JÉSUS !
Paris, mars 1620.
Dieu soit béni, ma très-chère fille, qui a soin des enfants qui se
confient en Lui ! Je pense que sa divine Providence vous aura adressé ce
qui vous sera convenable ; pour moi, je trouve n'y avoir rien à désirer de
plus raisonnable. Votre frère vous ira trouver pour vous dire qui est le
gentilhomme, lequel vous ne connaissez point, quoiqu'il
vous ait vue. Il est notre voisin de Monthelon, un fort honnête et brave
gentilhomme, riche aussi, bien accommodé chez lui, et qui vient avec tant
d'honneur faire cette recherche qui nous oblige extrêmement. Je vous en prie,
ma fille, me mandez promptement et franchement si vous n'êtes point préoccupée,
car si vous ne l'êtes et que vous teniez votre esprit dans la raison et
soumission que vous me promettiez dans [384] votre dernière lettre, vous serez plus heureuse que vous ni moi
n'eussions su penser. Pour Dieu, ma mie, remettez bien tout votre cœur entre
les mains de Dieu, et ne vous laissez préoccuper par aucune sorte de
niaiseries, ni vaines appréhensions et considérations ; laissez-nous
faire, car votre bonheur nous est plus cher qu'à vous-même.
S'il plait au grand Dieu d'acheminer cette affaire à bonne fin, mon
Dieu ! que vous serez contente et heureuse ; car ce gentilhomme ici
me plaît du tout. Je laisse à votre frère de vous dire le reste. N'en dites
rien à personne, mais priez Dieu et m'envoyez réponse au plus tôt, mais n'y faillez
pas ; écrivez-moi plutôt par deux voies ; j'enverrai au coche dans
quinze jours ; je vous prie, que j'aie réponse. Au reste, je vous ai déjà
mandé que vous pressassiez M. Coulon pour vendre Foretz. Je vous prie, tenez
main à cela, car il faut que les trois mille écus d'argent soient comptants, je
l'ai promis. Faites en sorte que M. Coulon vous fasse payer tout au moins dans
six mois ; mais tenez main à cela et le pressez, veillez-y et ne faites
point de dépense extraordinaire. Je vous écris fort empressement. Dieu vous
bénisse, mon enfant ; louez Dieu avec moi et le bénissez à jamais.
Je traiterai bien à votre avantage ; n'ayez soin de rien, ma
très-chère fille.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Reims. [385]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Dangers courus par Celse-Bénigne. — Annonce du mariage de
Françoise. — Sage prudence à garder dans le choix des prétendantes. — Achat du
terrain pour la fondation de Nevers. — M. de Boisy est nommé coadjuteur de
Genève.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 12 mars 1620.
Je le crois bien, ma très-chère Sœur, que vous avez grandement été
touchée sur la nouvelle de l'accident qui est arrivé à mon fils, car vous avez un cœur si abondant en
dilection pour moi, qu'il ressent tout ce qui me touche. Je ne vous en avais
rien dit en vous écrivant, parce que je n'y pensais plus, et que Dieu me fit la
grâce d'être fort peu émue de cet accident qui me fut dit assez crûment ;
mais, en effet, ce fut une rencontre inopinée, et en laquelle un plus sage que
lui n'eût dû refuser l'assistance et le secours à son ami maltraité ; mais
tout cela selon le monde. Il n'a pas laissé d'en être en peine, sans
incommodité toutefois, et tout cela est accordé. Le bon gentilhomme que les
sergents voulaient amener fut fort blessé, et n'est pas encore guéri ;
mais, grâce à Dieu, tout le reste est sur pied ; vos prières ne lui seront
[pas] inutiles ; il en a besoin.
Nous pensons marier ma fille avec M. de TouIonjon, frère de madame de
Poivrière ; c'est M. Dantesy qui nous l'a adressé. Mon neveu des Francs et
mon fils le connaissent fort, ils trouvent qu'elle sera fort bien logée, et
m'ont conseillé de ne pas refuser ce parti. Il s'est déclaré avec tant
d'honneur et de respect que rien plus ; il est bien brave homme et franc.
N'en dites rien [386] encore ;
mais, ma mie, priez pour cela, car je crains l'irrésolution de ma fille ;
cependant elle me sert d'épine. Notre M. Lefèvre n'est point venu ; si
vous m'eussiez dit où il est logé, je l'eusse mandé [et] prié de venir
jusqu'ici ; cependant M. le chancelier pourrait bien être avec le Roi.
La fille que je vous ai proposée pour le voile blanc est d'auprès de
Moulins ; mais si vous en avez de propres, toutes connues, il n'importe,
n'en soyez en souci. Je trouve votre pensée très-bonne de traiter avec les
filles pour la fondation de Nevers. On a fait ainsi à Orléans ; mais, ma
chère amie, prenez garde défaire vos affaires bien sûrement et de ne traiter
qu'avec de bonnes filles-, comme vous savez qu'il les faut. Au reste, faites
bien voir la place que l'on vous propose avant que [de] l'acheter. Que si l'on
pouvait faire comme à Orléans, acheter en cas qu'elle fût trouvée propre, et la
louer si elle n'était propre pour s'y arrêter du tout. Ce que vous me dites que
les Carmélites la prendront me fait bien douter ; car elles sont
grandement prudentes et assistées de personnes bien vigilantes, mais le bon
Père de nos Sœurs [Bonsidat] peut beaucoup avec l'avis des Pères Jésuites. Je
crois ou je crains que l'on ne soit bien aise de nous reculer, à cause de cette
nouvelle arrivée des bonnes dames Carmélites. Or, enfin, il faut mettre
l'affaire entre les mains de Dieu, et suivre bon conseil comme vous faites. Il
sera nécessaire d'être assurée du consentement de Messieurs de Nevers et de la
ville, avant que de faire venir les filles ; c'est pourquoi il faudra
qu'au moins à Pâques il puisse être obtenu, car il y a si loin jusqu'à Nessy,
et je pense qu'à la Pentecôte on fera venir celles qu'il faut pour Orléans.
À propos, vous ne m'avez pas dit si l'on vous fera venir une maîtresse
des novices. Puisque la chère Sœur Marie-Hélène [de Chastellux] fait si bien,
je crois qu'il suffit. Il est vrai, mon enfant, je crois qu'il suffira que la
Supérieure de Nevers soit de Nessy, et qu'il sera bon de laisser faire Mgr de
Lyon comme il [387] voudra, sans
le presser. Votre Père spirituel peut donner la licence pour tirer des filles.
Vous voyez que je vous écris à perte d'haleine. Nous sommes toujours
ici incomparablement occupées, mais c'est que je me trouve avec un grand rhume
pour lequel on me saigna hier. Vous savez combien je suis sujette à telle
incommodité ; il n'en faut pas avoir une ombre de peine. Plût à Dieu, ma
très-chère amie, que vous [vous] portassiez aussi bien que moi, et que l'on
vous soignât autant ! Cela me fait mal que vous n'ayez personne qui le
fasse comme il faut. Dieu y veuille pourvoir par sa bonté ! Faites de
votre part tout ce que vous pourrez, je vous en conjure.
Il y a longtemps que je n'ai eu nouvelles de Monseigneur, mais je sais
qu'il se porte bien, Dieu merci. Je pense qu'il ira bientôt en Piémont. M. de
Boisy est coadjuteur en l'évêché de Genève. Je cours à la fin, saluant votre
chère troupe et votre hôtesse. Je ne puis écrire davantage. Bonsoir, ma toute
très-chère et très-bonne Sœur, que j'aime uniquement ; pressez vos filles
tout doucement à cette sainte tranquillité et recueillement. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À LYON
Deux motifs qui permettent d'outre-passer, dans la
réception des sujets, le nombre marqué par la Règle.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 17 mars [1620].
O Dieu ! ma fille, ma très-chère fille, il faut vous dire en
courant que s'il se présente des filles bien capables, vous en pouvez recevoir
quelques-unes de plus que le nombre de [388] trente-trois, ainsi que la Règle nous le marque ; mais, de plus,
vous en pouvez et devez recevoir pour la fondation de Valence, laquelle vous
devez faire, et il serait dommage de perdre l'occasion que vous en avez ;
vous pouvez aussi adresser vos prétendantes à Grenoble, où elles en ont besoin.
Voilà, ma toute chère fille, ce que je vous dis en courant, n'ayant nul loisir.
J'aime et honore le cher père. Nous avons peu ici pour notre logement,
priez pour cela ; nous ferons prou, si nous pouvons fournir Orléans et
Nevers ; mais si l'on nous reçoit à Dijon, on les pourra faire différer
jusqu'à l'année prochaine. Ma vraie toute chère fille, je suis vôtre sans
réserve.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Le dégagement et le calme sont des moyens sûrs de
progresser dans la vie intérieure. — Toutes les prières de la Communauté
doivent être pour la sainte Eglise.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 21 mars 1620.
Bienheureux, ma très-chère fille, sont ceux qui cheminent à la bonne
foi au chemin du ciel, sans s'amuser à regarder s'ils avancent ou non. Allez
toujours en avant, ma fille, et ne réfléchissez point sur vous-même. Dieu vous
tient de sa main, assurez-vous que vous ferez un heureux voyage si vous
persévérez ; vivez joyeuse, je vous prie. Je suis bien consolée de voir
que vous l'êtes, et plus libre que de coutume ; vous avez besoin
[389] de cela, de tenir votre cœur au
large ; faites-le donc toujours. Toutes vos appréhensions n'étaient que
des tentations, aussi bien que l'opinion que vous ne feriez point de filles
solides. Allez en tout votre train, car il est bon, et ne craignez rien.
Dites-moi bien toujours tout votre cœur ; car je vous assure que ce m'est
une douce consolation que de vous ouïr parler ; plus je vais avant, plus
je vois que vous êtes ma très-chère fille.
Mais il est vrai que notre Sœur Anne-Catherine [de Beau-mont] est une
brave fille et capable ; on la goûte fort ici. Nous avons de bonnes
filles, mais je crois que nous en renverrons trois ; ce ne sera pas sans
mortifications de toutes sortes. Je voudrais bien que vous nous puissiez donner
voire première fille, que nous pensions emmènera Nessy, car j'ai envie d'en
avoir ici une de votre maison, mais il la faudrait bien faite, car l'on est ici
bien délicat. Sa chère Sœur se mettrait en sa place ;
je ne serais pas marrie qu'elle aille vers vous. Voyez si vous pouvez faire
cela et me le mandez ; elle ferait place à une autre.
Au reste, je pense que nous marierons Françoise, si elle veut, à un
très-bon et brave gentilhomme, riche, sage, et qui, je m'assure, sera très-bon
mari. Priez Dieu qu'il l'assiste.
Je vous prie, ma mie, faites que toutes les prières de vos filles
soient pour la sainte Église. Renouvelez aussi celles pour Monseigneur ;
car bientôt il se doit faire une résolution d'importance pour lui. Priez pour
cette maison ; que Dieu nous loge s'il lui plaît. Mille saluts à toute la
chère troupe et à votre cher bien-aimé cœur.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [390]
SA FILLE.
Saintes dispositions qu'elle doit apporter au mariage.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Tenez, ma chère fille, voilà M. de Toulonjon qui, se voyant huit ou dix
jours de libres, s'en va vous trouver en poste pour savoir de vous, dit-il, si
vous ne le trouverez point trop noir ; car, pour son humeur, il espère
qu'elle ne vous déplaira. Pour moi, je vous le dis en vérité, je ne trouve
non-seulement rien à redire à ce parti, mais je n'y trouve rien à
désirer ; et Notre-Seigneur me donne une telle satisfaction en cette
rencontre, que je ne me souviens pas d'en avoir eu de ma vie une pareille pour
les choses de la terre. La naissance et le bien que nous trouvons en sa
personne n'est pas ce qui me touche le plus, mais son esprit, son humeur, sa
franchise, sa sagesse, sa probité, sa réputation. Enfin, ma chère Françon,
bénissons Dieu d'une telle rencontre.
Mais, mon enfant, disposez-vous par reconnaissance à aimer et servir
Dieu, mieux que vous n'avez jamais fait, et que chose quelconque ne vous
empêche de continuer la fréquentation des [391] sacrements, et de vous exercer dans la pratique de l'humilité et de la
douceur. Ayez pour guide le livre de Philothée ; il vous conduira bien. Ne
vous amusez point à ces petites vanités de bagues et d'habits : vous allez
être dans l'abondance ; mais, ma chère fille, souvenez-vous toujours qu'il
faut user des biens que Dieu nous donne, sans s'y affectionner ; et c'est
comme cela qu'il faut regarder tout ce que le monde estime. Que dorénavant
votre ambition soit d'être parée d'honneur et de modestie, et d'une sage
conduite dans la condition où vous allez entrer.
Certes, je suis bien contente que ce soient vos parents et moi qui
ayons fait ce mariage sans vous ; c'est ainsi que se gouvernent les sages,
et que je veux, ma chère fille, être toujours de votre conseil. Au reste, votre
frère, qui a bon jugement, est ravi de cette alliance. M. de Toulonjon, il est
vrai, a quelque quinze ans plus que vous ; mais, mon enfant, vous serez
bien plus heureuse avec lui que d'avoir un jeune fou, étourdi, débauché, comme
le sont les jeunes gens d'aujourd'hui. Vous épouserez un homme qui n'est rien
de tout cela, qui n'est point joueur, qui a passé sa vie avec honneur à la cour
et à la guerre, qui a de grands appointements du Roi. Vous n'auriez pas le bon
jugement que je vous crois, si vous ne le receviez avec cordialité et
franchise. Je vous en prie, ma fille, faites-le de bonne grâce, et soyez
assurée que Dieu a pensé à vous et y pensera encore, si vous vous jetez
tendrement entre ses bras ; car il conduit ceux qui se confient en Lui.
[392]
À MOULINS
Reconnaissance des grâces que Dieu lui accorde. — Promesse
d'adhérer à ses désirs en lui laissant la Mère de Bréchard pour Supérieure
autant que la Règle et la Providence le permettront.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 24 mars [1620].
Je vous assure, ma très-chère Sœur ma mie, qu'en lisant votre lettre
les larmes me venaient aux yeux, tant j'étais attendrie de la douceur et bonté
avec laquelle notre bon Dieu vous traite ! Oh, quelle miséricorde !
mon Dieu ! ma Sœur, il me semble que vous devez être fondue en
reconnaissance et bénédiction envers ce grand Dieu qui ne dédaigne point votre
chétiveté, ains s'en veut servir pour l'accroissement de sa gloire. Ne laissez
jamais entrer dans votre entendement ni en votre volonté que des pensées de
paix, que des affections d'amour envers cette bonté infinie, lui consacrant
sans fin et sans cesse ce renoncement de toutes choses, qui n'est en vérité
rien, et par lequel néanmoins vous acquerrez la très-sainte et très-désirable
éternité. Que vous êtes heureuse, ma chère amie ! Eh ! que vous
pouvez bien dire : « La bonne main de Dieu m'a touchée, sa droite
me soutiendra ; qu'est-ce que je craindrai dorénavant ? » Gravez
en votre cœur la mémoire de cette miséricorde et des promesses que vous lui
avez faites, afin que toute bénédiction vous abonde. Pour cela, je prie et
prierai à jamais notre bon Dieu, je vous en assure, ma très-chère Sœur.
Or bien, puisque Nôtre-Seigneur vous a donné cette sainte inspiration
de vous dédier en son saint service avec tous vos biens en la maison qui
s'établira, s'il plaît à Dieu, à Nevers,
[393] mais à la charge toutefois que
notre très-chère Sœur J.-C. [de Bréchard] y sera toujours votre Mère ; ma
fille, ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute
l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années. Mais nous nous
assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs
années, vous fera aimer la conservation des Règles : mais assurez-vous
que, soit en qualité de Supérieure ou non, l'on vous la laissera tant que vous
serez contente ; je me tiens assurée de cela en la bonté de Monseigneur
notre bon Père, lequel saura bien tenir les moyens convenables pour faire
agréer ce changement à Mgr de Lyon. Oh bien ! le fallut-il faire dans
quelques années, Dieu conduira tout, ma très-chère fille ; c'est son
affaire, meshui, que les vôtres, puisque vous vous êtes si entièrement remise
et abandonnée à sa bonté, laquelle je supplie, mais de tout mon cœur, vous
confirmer en vos saintes résolutions. Plutôt mourir, ma fille, qu'en décliner
jamais d'un seul point !
Je suis vôtre d'une affection entière et pour jamais.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers. [394]
LETTRE CCXXXIX (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET
SUPÉRIEURE À BOURGES
Prudence que doit avoir la Supérieure pour gouverner un
esprit faible et timide. — Obligations des Sœurs associées. — Conseils pour le
retard de la profession dune novice. — Reproche à la communauté d'avoir trop
facilement donné l'habit à une postulante.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 7 avril 1620.
Ma très-chère Sœur,
Il est vrai, les fautes que commet notre bonne Sœur N... contre
l'obéissance ne sont nullement d'importance ; mais c'est à la discrétion
de la Supérieure de ne lui pas commander quelquefois les petites choses qu'elle
pourra prévoir que la fille ne fera pas ; car, hélas ! vous voyez
qu'il y a plus de timidité en ces choses-là que d'opiniâtreté. Or, la
discrétion vous conduira en cela comme aussi en ces pénitences pour les autres,
lesquelles étant faites fort rarement et avec esprit intérieur, pourront
profiter. Hélas ! la pauvre petite, il la faut du tout exempter du tracas
et lui élargir toujours le cœur du côté de l'obéissance ; c'est sa propre
vertu ; il la faut quelquefois faire parler à des personnes qui
l'encouragent à cela ; surtout madame sa mère peut beaucoup sur son
esprit ; j'espère qu'elle fera prou.
Non, il ne faut pas qu'elles [les Sœurs associées] disent l'Office de
Notre-Dame ; ne voyez-vous pas dans la Règle qu'elles doivent dire les Pater
comme les Sœurs domestiques ? les fêtes elles le pourront bien
dire ; mais prenez garde qu'elles ne s'y attachent.
La vérité et la raison est que notre Sœur *** soit retardée de sa
profession ; elle a si mal employé les premiers six mois de son noviciat,
que je ne sais comme les Sœurs pourraient lui donner maintenant leurs voix pour
la profession. Mais, me dit-on, elle fait bien depuis six mois et montre de la
soumission ; [395] je dis
qu'elle fait ce qu'elle doit, que si elle faisait autrement, il ne faudrait
plus parler de sa profession. Que si elle continue à bien observer la Règle, et
que, par sa persévérance à l'humilité et obéissance, elle témoigne en vérité
qu'elle veut tout de bon servir Dieu comme il faut, elle fera la sainte
profession dans quatre, cinq ou six mois, selon qu'elle témoignera sa vertu.
Oh ! certes, ma très-chère Sœur, c'est une chose de si grande importance
que de donner la profession à une Sœur, qu'il ne le faut jamais faire que l'on
n'y voie une vraie disposition, surtout il faut invoquer Dieu pour cela. Je
m'étonne comme nos bonnes Sœurs se laissent emporter à la compassion naturelle
en telles occasions ; je suis bien aise de les voir affectionnées ;
mais j'aimerais mieux qu'elles considérassent que le retardement ne peut nuire
à cette bonne fille, si elle a de la vraie vertu comme il faut, et que
l'acquiescement à son désir serait une précipitation contraire à la charité que
nous devons à notre maison, et à la prudence avec laquelle il s'y faut conduire
sur de telles occasions. Ne se souviennent-elles pas que l'on a accoutumé de
donner du temps à celles qui ne l'ont pas bien employé ?
Mais, ma pauvre chère Sœur, permettez-moi de dire encore à nos chères
Sœurs, sur ce propos, une chose qui m'a chargé le cœur ; c'est de ce
qu'elles donnèrent leurs voix pour la réception à l'habit à la Sœur N...,
puisque, selon que l'on m'a fait connaître, elle n'était en nulle disposition
pour cela. Certes, je repense cela souvent, et je les supplie de ne faire
jamais telle chose sans la mieux ajuster aux Règles. Notre mal vient de ce que
nous ne nous attachons pas assez à ce qu'elles nous enseignent ;
cependant, nous sommes obligées de le faire, c'est notre guide.
Pour Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, renvoyez et traitez toutes vos
affaires conformément à la Règle ; je veux dire qu'il faut prendre en
icelle les instructions nécessaires selon les [396] occasions, et, quand vous tenez vos
assemblées, laissez aux Sœurs une grande liberté de dire leurs avis, ainsi que
les articles de ce sujet l'enseignent, et je vous prie toutes, au nom de Dieu,
que tout se traite et se fasse avec grande cordialité et bonté, car c'est
l'esprit de notre Institut. Mandez-moi si vous avez besoin d'être déchargée de
quelques-unes de nos professes ; conférez-en avec notre Sœur
Françoise-Gabrielle Bally seulement, et laquelle vous voudriez donner, et cela
sans en dire mot, sinon entre vous deux, s'il vous plaît.
Voilà le soleil [ostensoir] qui est très-beau ; il revient environ
à cinquante-deux écus. Nous avons commandé l'encensoir, mais il ne peut être
envoyé pour Pâques, les filles vous le porteront. Je vous puis assurer que nous
vous enverrons trois aussi bons cœurs de filles, et aussi propres pour
l'Institut que j'en sache guère ; nous les avons gardées longuement. Priez
pour nous, je vous prie ; cette maison en a besoin et la pauvre Sœur
Marie-Anastase [Pavillon].
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE CCXL (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À LYON
Désir d'obtenir des indulgences plénières pour le peuple,
aux fêtes de la Présentation, de l'Incarnation et de la Visitation. — Prochain
mariage de Françoise de Chantal.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 7 avril [1620].
Dieu vous bénisse, mon cher enfant, de m'avoir mandé que notre
très-cher Père se portait bien ; cela suffit. Je suis toute aise de la
bonne humeur de Mgr de Lyon ; mais votre maison est-elle réduite en
Religion ? il faut obtenir de lui, si vous [397] pouvez, qu'il nous fasse venir pour toutes
nos maisons, et celles qui se feront, des Indulgences plénières pour le peuple,
les fêtes delà Présentation, Incarnation et Visitation : voyez ce que vous
en pourrez faire.
Mais, vous ai-je pas mandé que j'ai signé des articles de mariage pour
ma fille avec un fort brave et honnête gentilhomme, riche et accommodé ;
bref, une heureuse rencontre. Il l'est allé voir ; Dieu bénisse et
conduise l'affaire ; je vous en écrirai après Pâques ; priez pour
elle et pour cette maison, afin que Dieu nous aide à ce qui nous est
nécessaire. Bonjour, mon cher enfant ; je ne pensais pas écrire, mais il a
été nécessaire de le faire à Monseigneur pour notre pauvre Sœur de
Gouffier ; priez pour elle. Vous savez ce que je vous suis. Dieu bénisse
toute la chère famille. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
LETTRE CCXLI (Inédite)
- À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET
SUPÉRIEURE À BOURGES
Insistance sur le retard de la profession d'une novice. —
Comment la Supérieure doit gagner le cœur de ses filles. — En quoi consiste la
solennité des vœux et l'importance de la Règle.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1620.
Ma très-chère fille,
J'écris à nos Sœurs ; vous pourrez voir la lettre sans leur
témoigner que vous l'aurez vue, puis mouiller le pain à cacheter et la fermer,
et leur donner si vous le trouvez utile. Il faut avoir bon courage à supporter
ces petites fantaisies qui se passeront bientôt. Non, il n'y a nul intérêt de
garder encore la petite N… Au
contraire, il faut attendre qu'elle donne des nouvelles marques que son esprit
n'est pas propre, comme je [398] crois
qu'il ne le sera jamais. Or bien, Dieu a permis qu'on lui ait donné l'habit
sans qu'elle en eût la disposition. Cela nous servira d'expérience pour nous
empêcher, et les Sœurs aussi, d'admettre jamais des filles qui fassent les
moindres saillies que celle-là a faites. Vous ne sauriez faillir avec le
conseil et l'obéissance de Mgr l'archevêque, et vous faites fort bien de le
prendre aux choses importantes, ainsi que votre Règle le dit voire, en toutes
les choses que le Père recteur vous le dira auquel il faut demander avis, afin
de ne pas importuner Monseigneur pour des choses de peu. Ma très-chère Sœur,
ne vous conseillez qu'à ces deux-là tant que vous pourrez, afin que ce qui se
passe dans la maison ne sorte dehors ; car il serait préjudiciable que
l'on sût ces petites difficultés.
Pour l'amour de Dieu, rendez-vous cordiale, franche, confiante, ouverte
et communicative aux Sœurs, surtout à l'assistante ; et, quand vous leur
verrez quelque dissentiment du vôtre, prenez conseil naïvement, et puis les
faites joindre tout doucement, car il faut qu'elles plient là. Mais, pour Dieu,
mon enfant, gagnez leur soumission à force de bonté, de patience et d'enseignements,
leur faisant fort lire les Entretiens de Monseigneur, car l'amour gagne
tout. Renvoyez-les toujours là et à la Règle, qui enseigne si parfaitement ce
que les unes et les autres doivent faire.
Oui, ma fille, la vraie charité requiert que l'on oublie les fautes du
prochain pour ne lui vouloir mal, mais non pas pour hasarder le bien d'une
communauté qui dépend de la bonté et sagesse des esprits qui y seront associés.
Puisque cette fille sait qu'on la veut éprouver, cela fera qu'elle sera sur ses
gardes ; mais il est bien aisé à connaître si le fond de son esprit est
bon et si Dieu l'a changée ; car si cela n'est clair et prouvé
[399] par plus d'une année, il ne faut
nullement conniver ni parler de la profession, mais dire tout simplement à Mgr l'archevêque
et au Père recteur [ce qu'il en est], et ne faut point douter que leurs avis
soient contraires.
Le monde est admirable en ses sagesses. Quoi ! des Religieuses
formelles, sous la Règle de Saint-Augustin, qui font les trois vœux essentiels,
ne sont pas liées ? est-ce la façon de les prononcer qui les fait
solennels ? n'est-ce pas la déclaration qu'en a faite l'Église ? Et
puis, ne dit-on pas que l'on fait vœu à Dieu, de chasteté, d'obéissance et
pauvreté, selon les Règles et Constitutions de cette maison, lesquelles sont
toutes pleines de l'obéissance due aux Supérieurs. Mon Dieu ! que faire,
sinon demeurer en paix et les laisser dire.
Or sus, je crains fort que la bonne Sœur N... ne se tourmente tant sur
sa profession, qu'elle ne nous fasse connaître tout à fait son incapacité de la
faire, et les causes pourquoi on l'a retardée. Monseigneur dit en un mot tout
ce qui se peut dire sur ce sujet : Si elle est bonne Religieuse, il ne
lui fâchera pas d'attendre, et, il est vrai ; car on ne la retarde, sinon
pour connaître si elle a de l'humilité et soumission, et elle le témoignera, si
elle confesse qu'elle a mérité d'être retardée et se comporte doucement, se
confiant en Dieu et en la charité des Sœurs. J'espère que notre lettre fera
rentrer nos Sœurs en elles-mêmes et qu'elles se tiendront mieux dans les
limites de la Règle. Enfin, le bonheur de la Religion consiste en ce que les
Supérieures et les inférieures ne s'en départent point. Il les faut toujours
renvoyer là, remontrant doucement la superfluité des jugements particuliers.
Pour Dieu, ma mie, faites en sorte qu'il n'y ait qu'un cœur et qu'une volonté
chez vous, qui doit être celle de Dieu en nous, et cela suavement.
On m'appelle, il faut finir. Adieu à mon cher neveu, à qui [400] je voulais écrire, mais je ne puis. Mille saluts à tous et à madame de
Jars.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
À BOURGES
Devoir de la coadjutricc et humble confiance qui lui est
due. — Il faut avoir plus de sagesse que d'indulgence en la réception des
sujets.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Ma très-chère Sœur, je vous entends bien et ne doute nullement que
votre intention ne soit simple ; ne craignez point de me dire ce qui vous
semblera devoir être dit ; mais, ma mie, n'arrêtez guère votre esprit sur
ces choses-là, si elles ne sont bien apparentes, et les laissez à la
coadjutrice, laquelle doit faire son devoir en toute humilité et cordialité.
Dites-lui de nia part que je ferai tout ce qu'elle me mande, mais je ne puis
lui écrire pour ce coup. Pour Dieu, n'ayez toutes qu'un cœur et qu'une âme, et
vous aimez parfaitement en Notre-Seigneur, observant les Règles ponctuellement.
Je salue chèrement ma pauvre grosse Sœur M.-M. et la chère petite M.-Louise, je
les aime chèrement. Je souhaite tout bonheur aux deux chères filles
Marie-Françoise et Anne-Marie ; je prie Dieu qu'il leur donne la
très-sainte obéissance, et à toutes, comme la mère des vertus.
Voyez-vous, ma fille, dites à nos chères professes, que j'aime plus
cordialement qu'elles ne sauraient s'imaginer, que sur la réception à l'habit
de la Sœur ***, je connus qu'elles ne s'attachent pas assez à la Règle ;
car cette fille n'avait point les [401] conditions qu'elle marque, et pourquoi donc lui donna-t-on les
voix ? Jamais il ne faut faire cela sur l'espérance qu'elles
s'amenderont ; il faut voir l'amendement premier que donner l'habit. De
même aussi, de vouloir que ma Sœur C.-M. fasse profession au bout de son
an ; eh ! bon Dieu ! elle n'a vécu en novice que six mois, il la
faut donc retarder, ce me semble, pour voir si elle persévérera ; que si
elle reconnaît en vérité qu'elle ne mérite pas la profession, et qu'elle
demeure humble et soumise, remettant cela à la Supérieure et aux Sœurs,
continuant quelques mois en cette épreuve, l'on verra par là sa bonté et
disposition. Dieu, par sa bonté, nous donne à toutes son esprit et nous fasse
la grâce de bien peser toutes nos Règles, en sorte qu'elles soient observées et
suivies jusqu'à une syllabe, jusqu'à un iota ; en cela consiste
notre bonheur. Adieu, ma chère Sœur, et toutes nos chères professes ;
aimons Dieu et accomplissons sa volonté, je vous en prie, mes filles chèrement
aimées.
Dieu soit béni !
Conformes une copie de l'original gardé à la Visitation de
Poitiers.
SA FILLE
Conseils à l'occasion de son prochain mariage.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 13 avril [1620].
Ma très-chère fille,
Je bénis Dieu qui vous a bien et si heureusement conduite, en ce
commencement [du projet] de votre mariage ; j'espère que sa divine bonté
vous donnera un parfait repos. Je vous assure, ma mie, que plus je vais avant,
plus j'en suis satisfaite ; M. de Toulonjon est un homme le plus aimable
qu'il est [402] possible, à mon
jugement. Il est revenu si content que rien plus, et nous avons tous grand
sujet de l'être. Oh ! certes, ma chère Françon, vous m'avez bien obligée
en me témoignant une si entière confiance ; mais aussi, oh ! bon Dieu !
combien ai-je prié et désiré de vous voir heureusement logée, et combien plus
vos peines me seraient-elles sensibles que les miennes propres. De vrai, je
préférerai toujours votre contentement au mien particulier ; mais cela n'a
nul doute. Soyez assurée donc qu'en cette occasion, je m'y suis portée
d'affection, parce que je reconnus que c'était votre grand bien, et, certes,
nous en devrons tout à la bonté de Notre-Seigneur, qui a eu soin de vous et de
moi, et qui a ouï les prières que l'on a faites pour cela. Voyez encore, par
cette lettre, le désir qu'en avait Mgr de Bourges. Or bien, il faut demeurer
ferme ; et s'il vient des attaques d'appréhensions ou des fantaisies de
ceci et cela, il leur faut fermer la porte, et n'en recevoir aucune, sous
quelque prétexte que ce soit ; mais vous conduire en tout selon la raison
et mon petit conseil. Croyez-moi, mon enfant, qu'il est très-bon pour vous, et
que si vous continuez à le suivre, vous vous en trouverez bien. Écrivez-moi
bien (comme vous me le promettez) tous les sentiments de votre cœur ; et
si Dieu, comme je l'espère, a lié votre cœur à celui de M. de Toulonjon, car
c'est cela que je désire surtout, et que je me confie que Dieu vous aura donné
cette bénédiction à cette première [entrevue]. Pour moi, ma mie, je vous le dis
véritablement, je le trouve tout à mon gré, et selon que je vous l'ai déjà
écrit. Je l'aime le plus cordialement qu'il se peut dire. Au reste, tous nos
parents et amis qui le savent en sont si contents que rien plus.
Quant à vos bagues, M. de Toulonjon s'en empresse, et me veut faire
venir ici une grande partie des pierreries de Paris, pour vous acheter tout ce
que je voudrai, et je voudrais que vous n'en achetassiez point ; car je
vous dis simplement, ma très-chère fille, que les dames de qualité n'en portent
plus en [403] cette cour ;
cela est demeuré aux femmes de la ville ; puis, vous auriez choisi à votre
gré quand vous auriez été ici. Mais je ne saurais gagner cela sur M. de
Toulonjon qui me prie, qu'au moins pour ce commencement, il vous envoie des
perles, des pendants d'oreilles et une boîte de peinture couverte de diamants,
qui est tout ce que les dames portent maintenant devant leur robe. Seigneur
Dieu ! ma très-chère fille, il ne faudra pas laisser aller M. de Toulonjon
en l'achat de tant de choses, selon son inclination ; car il a un désir si
extrême de vous contenter en tout, que c'est chose qui ne se peut. Si jamais
femme fut parfaitement heureuse, c'est vous ; mais voyez-vous, comme il
faut que la discrétion soit de votre côté, et que vous le reteniez en cela. Ce
sera bien mieux de ménager un peu, et d'employer utilement votre argent, qu'à
tant de bagatelles et de vanité. Pour moi, je ne désire nullement que ma
Françon se laisse aller à cela. Il irait de ma réputation encore ; car, étant
ma fille, vous êtes plus obligée à la discrétion et modestie très-honnête, que
vous gouverniez sagement et utilement vos affaires.
Je vois bien que vous voilà dame, et maîtresse du cœur et des biens de
notre cher et très-aimable M. de Toulonjon ; c'est pourquoi ce sera à vous
de ménager discrètement et sagement. Il veut que vous envoyiez ici un
canevas ; faites-le, non que je permette que l'on vous envoie plus d'un
habit, car cela, entre toute autre chose, n'est nullement raisonnable. Vous
pouvez, si M. de Toulonjon vous veut aider, en faire faire un aussi ; mais
je voudrais qu'il vous envoyât l'argent ; nous le ferions faire selon la
mode qui court, et des étoffes qui se portent maintenant, et qui soient
portatives partout. Faites vendre Foretz. Au reste, il ne faut point faire de
robe de noce ; on se moque de cela, parmi les dames des champs et de la
cour ; et aussi je désire de tout mon cœur que vous vous épousiez sans
bruit ; mais en cela je veux être crue. M. de Toulonjon m'a dit [404] que
vous ne désiriez pas d'être épousée au mois de mai. Mon Dieu ! ne faites
point cela par scrupule, c'est une superstition. Je crois bien qu'il ne se
pourra pas aussi, quoiqu'il le désire grandement ; mais je vois au travers
de son désir qu'il veut vous contenter à quelque prix que ce soit, et moi je le
veux, pourvu que vous leviez votre scrupule. Il vous mande toute son histoire
de ne pouvoir être ici si promptement qu'il désirait ; mais il ne vous dit
comme il y vint. Ce fut que, comme il était attendant à la poste, un conseiller
d'État, de ses amis, passa dans son carrosse, dans lequel il se jeta sans épée,
sans avoir mangé, et s'en vint comme cela. Il fut mortifié de ne pouvoir vous
rien envoyer aujourd'hui ; mais ce sera pour jeudi. Enfin, plus je vois ce
gentilhomme plus je l'aime, et vois les grandes occasions que j'ai, et vous
aussi, de louer Dieu de cette si heureuse rencontre. Faites-lui une réponse
fort courtoise et cordiale, et traitez franchement et ouvertement avec lui, lui
témoignant une réciproque affection, car il n'est plus temps de faire des
cérémonies. Son homme attend là-bas ma lettre ; ma très-chère Françon, je
veux que vous aimiez ce promis, parfaitement.
Adieu, ma fille, toute chèrement bien-aimée ; écrivez-moi cœur
ouvert.
[P. S.] Mille saluts
à nos chers parents. Adieu encore un coup, ma chère Françon ; aimons
parfaitement celui que Dieu nous a donné.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Thonon.
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D’ANNECY.
À ANNECY
Pieux souhaits.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 18 avril 1620.
Dieu vous bénisse, mon cher fils, et vous fasse saintement ressusciter
pour vivre à jamais selon la sainte volonté de Dieu ! Je vous donne à
penser si ce que vous m'écrivez de mon très-digne et très-bon Père me console
pleinement. La divine majesté lui accroisse ses abondantes bénédictions, et
fasse persévérer ces chères âmes, qui se sont si heureusement laissé allécher
du saint désir de servir notre doux et bon Sauveur.
Voilà la mesure de notre autel avec celle de la crédence. Je n'ai su
vous l'envoyer plus tôt.
Bonjour, mon cher fils, vous savez et je vous assure que je suis de
cordiale affection,
Votre plus humble Mère et servante en
Notre-Seigneur, Sœur Jeanne-Françoise
Frémyot.
Ce Samedi saint.
[P. S.] Mille saluts
aux gens de Monseigneur ; faites mes intimes et très-affectionnées
recommandations à madame d'Aiguebelette.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [406]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Avantages temporels que la famille de madame du Tertre
offre au monastère pour lui obtenir le titre de bienfaitrice. — Crainte et
charité de la Sainte pour cette réception.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 28 avril 1620.
Ma très-chère fille,
La mère de madame du Tertre vint hier et assez matin céans ;
véritablement, elle témoigne de l'affection à sa fille et pense qu'elle a fait
ce qu'elle a pu vers M. son mari, lequel enfin et finale résolution donnera à
sa fille pour employer à son désir quatorze mille francs, moitié à l'entrée,
moitié à sa profession ; mille francs de pension sa vie durant, et après
son décès, six cents livres à la maison, rachetable de dix mille francs. À la vérité, vu qu'elle a des enfants, je
trouve qu'ils lui font un bon
parti, mais c'est à vous à considérer si cela sera battant pour commencer un
monastère ; si tout n'est fort cher à Nevers, il me semble qu'il suffira.
À la vérité, je ne sais pas les raisons pourquoi ils ont retranché ces deux
mille écus, mais je sais bien que nous prenons une grande charge de nous
obliger à laisser cette bonne damoiselle parmi nous avec les privilèges de
fondatrice. Toutefois, il ne se faut point départir de notre résolution,
espérant que Dieu en sera glorifié au salut de cette pauvre âme, et vous faut
essayer de la conduire et traiter le [407] plus doucement et cordialement qu'il vous sera possible avec Messieurs
ses parents qui promettent des grandes assistances et reconnaissances, comme je
pense qu'ils en feront. Vous savez, ma très-chère Sœur ma mie, comme il faut
manier délicatement cette bonne damoiselle pour ne point la laisser altérer et
la faire acquiescer doucement. J'ai vu, par une lettre qu'elle écrit à
mademoiselle d'Asy, le grand désir qu'elle a de faire ici un voyage, devant,
dit-elle, qu'elle s'enferme. Certes, je ne trouve nullement cela à propos
qu'elle vienne ici faire ces montres. Si vous pouvez détourner cela, je pense
que ce serait un grand bien. Néanmoins, il ne faut pas lui témoigner que l'on
se méfie d'elle, comme l'on ne fait pas aussi. Mademoiselle d'Asy lui en
écrit ; car tous ceux qu'elle désire voir l'iront plutôt trouver.
Je suis fort lasse d'écrire, et du grand tracas que nous avons en cette
maison. Hélas ! nous venons de mettre dehors la première et la plus riche
fille que nous eussions reçue ; mais plutôt mourir que de manquer de
fidélité à notre cher Institut, gardant des esprits qui ne lui sont pas
propres. Mon Dieu ! ma chère amie, priez bien pour nous, afin qu'en tout
et partout sa sainte volonté soit accomplie ! Amen. Je salue
chèrement la chère fille du Tertre, et toute la bénite troupe. Je prie Dieu
qu'il y répande ses bénédictions. Vous savez que je suis toute à vous en
Notre-Seigneur. Qu'il soit béni éternellement ! Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [408]
ASSISTANTE À LYON
Dieu fait toujours son œuvre dans une âme humble, simple
et confiante.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Dieu soit béni, ma très-chère fille, de ce que notre lettre vous a
donné quelque lumière ! À Dieu soit toute gloire et honneur. Amen. Faites
comme vous me dites, ne craignez rien, n'appréhendez rien, sinon le
péché ; faites simplement le mieux, le plus soigneusement que vous
pourrez, demandant toujours à Notre-Seigneur la lumière, et vous abaissant
devant Lui, avec confiance parfaite, qu'il fera en vous et par vous sa sainte
volonté.
Demandez à ma Sœur tout ce qu'il vous semblera devoir savoir
d'elle pour la conduite, surtout avec Mgr [de Lyon] ; mais, croyez-moi,
Dieu sera votre conduite et votre guide, si en tout vous vous tenez humble et
basse devant Lui, ayant un extrême support et douceur envers le prochain ;
car voilà le grand point.
Vous me dépeignez fort bien notre Sœur Jéronyme. Je crois que ces
esprits-là se purifient et s'humilient dans les charges, et pourvu qu'elle ait
reconnaissance de ses défauts, et volonté bonne avec désir de rendre quelque
service à Dieu, je pense qu'il lui serait utile de la relever sous une bonne et
judicieuse Mère ; elle l'a bien comme il lui faut ; mais, à cause des
impressions anciennes, je crois qu'une autre lui profiterait plus. Oh !
cela dépend de la Supérieure que l'on destinera ici. [409] Mandez-moi si elle fait grande estime de nos
Sœurs Claude-Agnès [de la Roche], et Anne-Catherine [de Beaumont], car l'une de
ces deux restera ici, et pour moi je crois que Monseigneur [de
Genève] m'y laissera encore bon espace de temps ; je lui en vais écrire,
afin qu'il le considère. Cependant, faites beaucoup prier pour cela.
À ma pauvre Sœur Anne-Françoise [Chardon] un très-cordial salut et à
notre Sœur Claude-Marie [de la Martinière] ; je l'aime et l'estime
grandement. Je crois qu'elle fera très-bien, Dieu sera leur conduite. Qui
ferez-vous maîtresse des novices ? Je suis grandement aise de notre Sœur
Anne-Louise [de Villars], je l'aime tendrement et toutes vos chères novices. Je
les salue chèrement, suppliant notre bon Dieu de les conduire de sa main
paternelle, en la voie où il les a mises, avec un esprit de parfaite
simplicité. Priez pour nous ; nous avons ici de bonnes filles aussi, et
d'autres qui sont fort médiocres. Que faire, sinon le mieux qu'il se
pourra ? Adieu, ma fille, notre grand Dieu vous rende toute sienne. Puisque
la lettre dernière que je vous ai écrite est selon votre esprit, lâchez de vous
la rendre utile, croyant que Dieu me l'a donnée pour votre consolation et
utilité.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [410]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Aux monastères qui observent bien la Règle, Dieu ne
laissera pas manquer du nécessaire. — Respect pour la clôture. — Ne point
recevoir d'enfants trop jeunes. — Caractères des vraies inspirations de la
grâce.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1620.
Ma
très-chère Sœur,
Dieu soit votre paix en toutes choses ! Il faut avoir un grand
courage pour aider cette pauvre fille et pour supporter tout ce qu'il plaît à
Dieu qu'il nous arrive. Enfin, si nous suivons bien notre Institut, ne doutons
point, Dieu ne nous laissera avoir faute de ce qui nous sera nécessaire. Il
permet que les contradictions et afflictions arrivent pour nous éprouver et
unir à Lui plus fortement. Or enfin, si cette fille continue, il faut prendre
l'avis du Père recteur, lequel en cela n'est pas trompé, car il a toujours cru
qu'elle ne persévérerait pas et plusieurs autres aussi ; la maison n'en
recevra point de tare.
À la vérité, je voudrais que madame de Jars entrât toute seule ;
mais il n'y a que le Père recteur qui puisse faire cela et gagner sur son
esprit qu'elle soit moins escortée. Je les resalue, tous ces bons Pères, et
très-chèrement.
Ma très-chère Sœur, ayez un grand courage ; remettez
continuellement et vous et cette chère petite famille entre les mains de Dieu. Les
commencements sont toujours difficiles ; n'avez-vous pas vu la maison de
Lyon et celle de Moulins ? mais enfin Dieu les exalte. Dites à toutes ces
très-chères filles que je les chéris très-cordialement, et les conjure de
cheminer fidèlement et simplement en leur voie, car elle est très-bonne.
Dites-leur quelquefois des paroles d'amour de ma part, et à nos chères
professes que j'aime bien ; faut qu'elles redoublent le pas, que
[411] l'on serve Dieu, Notre-Dame,
saint Joseph et saint Augustin. Pour la fille de M. de Lissay, en vérité, on
lui ferait tort de la mettre maintenant en notre maison ; si nous ouvrions
cette porte, ce ne serait jamais que pour elle, tant nous connaissons être
obligées à M. de Lissay et encore à cette bonne dame ! mais qu'il se contente
de notre bonne volonté ; les Pères Jésuites peuvent beaucoup en cela.
Enfin, il ne faut pas requérir de ses amis ce qu'ils ne doivent donner.
Ayez patience pour ce qui est de votre autel, Dieu y pourvoira, et à ce
qui sera requis pour votre nourriture. Souvenez-vous du premier document que le
bon Père recteur vous donna, de ne vous point plaindre de la nécessité. Il n'en
faut donc rien dire, si ce n'est quand elle pressera, que tout cordialement,
humblement et franchement, vous le direz aux chers amis, et secrètement. Enfin,
si Dieu veut que nous souffrions pour son amour et service, n'est-ce pas un
honneur trop précieux ? Agrandissez le courage de vos filles, et que la
chère Sœur Françoise-Gabrielle aide à cela, car je désire que nous soyons de
vraies amazones spirituelles : il faudrait être ici quelque chose de plus.
Oh ! quelle consolation de n'avoir appui quelconque, ni fondement, que la
seule Providence de Dieu !
[P. S.] Cette pauvre
fille est digne de compassion. O Dieu ! si
elle avait une véritable inspiration d'être Carmélite, elle ne serait pas
turbulente et pleine de censures, d'opiniâtretés et de propre jugement, ains
elle serait toute douce et aimerait le bien qui est en notre manière de vie, et
demanderait avec humilité et tranquillité celui auquel elle serait plus
attirée. Certes, si elle continue, je crois que le plus tôt sera le meilleur,
de la renvoyer, mais avec le conseil des Pères. Je salue madame Thibaut et nos
amis et amies.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset
elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [412]
Envoi de trois bonnes postulantes. — Il faut n'admettre à
la profession que les âmes humbles ou qui travaillent sérieusement à le
devenir. — Prudence que doit avoir la Supérieure dans ses rapports avec les
Sœurs.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Voilà donc enfin, ma très-chère Sœur, les trois filles que nous vous
avons destinées, à mon avis très-propres pour l'Institut. Certes, et je ne sais
quasi et sans quasi qu'y trouver à redire ; ce sont de bonnes âmes,
candides, franches, et qui désirent le bien, elles sont assez bien dressées aux
choses intérieures.
Celle qui est damoiselle est une fille qui entend la mortification et
qui est bonne à tout ; il y a huit mois qu'elle est céans, on ne lui a pas
vu faire une action répréhensible ; c'est un fort bon cœur. Je serais bien
aise qu'on l'employât à tous les offices pour la bien dresser : un peu
d'exercice lui sera bon. Dès maintenant, elle sera fort bonne lingère ;
mais vous conduirez cela selon votre discrétion. Notre Sœur Marie-Anastase a
dressé les deux autres qui sont, certes, bonnes et sincères ; la grande
fait quelquefois je ne sais quelque petite échappée d'enfant, mais cela ne
vient pas du cœur, ains de la nourriture qui est un peu grossière, mais cela
n'est rien, c'est un agneau qui se repent et remonte fort bien. La petite a bon
esprit, bon courage, est toute candide et de bonne volonté ; plût à Dieu
jamais de moindre. Traitez-les, je vous supplie, cordialement et toutes les
Sœurs ; je les aime grandement et crois qu'elles se rendront utiles et
bonnes servantes de Dieu. Vous leur [413] pourrez donner l'habit quand les habits seront faits, car leur essai a
été doublement fait.
Si l'on eût demandé le soleil azuré [ostensoir], on l'eût fait
faire ; mais je n'en ai point vu ici. Le nôtre est tout pareil à celui-là.
Voyez-vous, ma chère fille, comme notre bonne Sœur N*** ne manque pas
de montrer sa fierté ; certes, car qu'est-ce que cela, quand l'on dit que
l'on s'en ira de bon cœur ? Croyez-moi, éprouvez-la bien, et si elle ne
reconnaît et ne désire grandement le bonheur de la profession par une vraie
humilité, ne la lui donnez pas. Nous en mîmes avant-hier une dehors, et encore
une dans huit jours pour manque d'humilité. O vrai Dieu ! il faut être
humble et se reconnaître et soumettre comme servantes de toutes.
Vous me dites, ma chère fille, que je vous dise toujours ce que je
penserai utile à Votre Charité ; je le ferai avec confiance, et je vous
prie de bien attirer vos filles par une affection cordiale. La petite que nous
vous envoyons en aura un peu besoin au commencement ; mais ne faites rien
d'extraordinaire devant toutes les Sœurs, craignant que les caresses à
quelqu'une particulière ne servissent de tentation, d'envie aux autres, et faut
être grandement égale sur cela et supporter l'infirmité du sexe en cette
occasion. C'est un des bons avis qui soit dans la Règle de la Supérieure, de ne
pas reprendre les fautes sur-le-champ, sinon qu'elles fussent de telle
importance que la bonne édification des autres le requît ; et surtout il
faut supporter aux récréations, ne les y mortifiant que par nécessité.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [414]
MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY
Le blâme et le mépris sont précieux aux âmes désireuses de
leur perfection. — Il faut savoir supporter les défauts des prétendantes
lorsqu'ils sont occasionnés par le jeune âge.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1620.
Je le crois facilement, ma très-chère fille, que vous fûtes bien
touchée de la parole de notre Sœur N***, car qui ne le sentirait quand on
touche à l'estime ? O ma fille, que telles oc casions nous seraient
profitables, si nous étions bonnes ménagères ! Il le faut toujours devenir
davantage. Ne soyez pas en peine, elle n'est pas pour Turin, à mon avis. Je
suis très-aise de ce que votre petite Sœur Châtel fait bien. J'espère qu'elle sera fort bonne
fille. Ce n'est pas merveille que celles de son humeur et de son âge ne soient
pas si ponctuelles ; promptement elle le deviendra, s'il plaît à
Notre-Seigneur. Je les salue toutes, vos chères novices ; je prie Dieu
qu'il les bénisse et les rende selon son Cœur ;
je salue aussi très-chèrement toutes nos bonnes Sœurs professes. Et la
chère grosse madame de Monthoux la belle-sœur, et madame la sénatrice de
Monthoux, je les honore de tout mon cœur, leur souhaitant tout bonheur et
sainte consolation.
Je suis bien aise que votre cœur soit un peu plus au large avec notre
Sœur l'assistante. Croyez, ma chère fille, que Dieu a permis
tout ce qui s'est passé afin de vous rendre plus simple et plus forte contre
vos inclinations. Certes, je suis consolée de ce que Monseigneur est exact avec
les Sœurs. Adieu, vous savez ce que je vous suis.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [415]
À MOULINS
Conseils à l'occasion du contrat qui lui a donné le titre
de bienfaitrice religieuse.
VIVE † JÉSUS !
[Paris] 16 mai [1620].
Dieu soit béni, ma très-chère, et rende votre cœur toujours plus
sien ! La vérité est que je remarque dans votre dernière lettre, avec
consolation, des effets du changement que Dieu a fait en vous, dont je lui
rends grâces de toute mon affection.
Mon Dieu, que vous êtes heureuse, ma très-chère fille, et que vous le
serez toujours davantage à mesure que vous avancerez en ce seul très-adorable
et très-aimable amour ! Vraiment, nous vous en donnerons des communions
générales, et plus que vous n'en avez demandé. Dieu, par sa bonté, exauce vos
désirs, vous rendant parfaitement sienne ! J'écris au long votre accord à
la chère Mère que vous avez là ; je vous prie, ma fille, de l'approuver.
Tout cela s'est fait cordialement et franchement de la part des vôtres, quoique
je n'aie parlé à ce coup qu'à madame votre mère, qui s'est en vérité portée en
cette occasion avec grand témoignage d'affection et de désir de votre repos et
contentement. Elle désire d'aller à votre vêture, et que, pour l'amour de Dieu,
il ne se dise pas un mot de tout ce qui s'est passé : mais qu'il ne s'y
traite que de bienveillance et cordialité. Je crois qu'elle témoignera, par de
continuels effets, l'amitié qu'elle veut dorénavant vous porter. Enfin, cette
pauvre femme est si consolée de votre résolution que rien plus, et de vous
savoir en repos. O ma très-chère fille, il les faudra tous bien
contenter ; certes, vous en avez occasion, et je vous conjure de ne vous
plus ressouvenir du passé, et au moins de n'en plus rien témoigner ; au contraire,
de montrer de la gratitude et que [416] vous ne voulez plus, sinon leur témoigner de l'amitié et conserver la
leur.
Pour ce qui est de vos enfants, ils m'assurent qu'ils sont fort bien,
et qu'ils en auront soin comme ils doivent. Mademoiselle d'Asy vous écrira plus
au long. Ils trouvent à propos de faire dresser ici le contrat ; ce sera
par bon conseil ; puis on vous l'enverra pour y ajouter ou diminuer ce qui
vous plaira. Je leur ai dit qu'ils le dressassent, et puis nous le ferions voir
à personnes capables ; c'est afin que vous n'ayez, les uns ni les autres,
rien à démêler de fâcheux quand vous serez ensemble.
Ma très-chère fille, je prie Dieu qu'il remplisse votre sein de l'amour
sacré du sien très-paternel, afin que votre chère âme jouisse dès cette vie des
souveraines délices de l'éternité. Amen.
Vous serez donc notre très-chère et bien-aimée Marie-Aimée. Eh !
que je vous souhaite les vertus de celles qui ont porté et portent encore ce
nom. Je désire que vous les surpassiez toutes ; car je suis de toute mon
affection, ma très-chère fille, votre plus humble Sœur et servante en
Notre-Seigneur, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
SUPÉRIEURE À LYON
La Sainte l'engage à hâter son départ pour l'Auvergne et
lui parle des fondations projetées. — Comment faire accompagner les Sœurs
d'Annecy qui devaient passer à Lyon pour se rendre à Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, juin 1620.]
Mais, ma fille très-chère, si vous partez si tard pour l'Auvergne, vous
tarderez pour Turin, car Monseigneur me mande que dans la fin de juin il faudra
partir. Il faut aussi que nos filles viennent en deçà, et, certes, je ne sais
comment votre père [417] [le
président Favre] a gagné Monseigneur pour vous faire aller là, car j'avais bien
envie que vous fussiez ici, et il me semblait très à-propos, si l'on veut m'en
retirer, comme je le pense, quoique je ne sache nullement à quoi Monseigneur me
destine ; j'espère seulement d'être contente, Dieu aidant, partout où sa
volonté me tiendra.
Mais, ma très-chère fille, si vous pouvez, faites qu'il n'y ait rien à
faire quand vous sortirez tout à fait de Lyon, et instruisez notre Sœur
Marie-Aiméc [de Blonay]. Pour l'amour de Dieu, laissez-la votre héritière, tant
qu'il vous sera possible, surtout pour la fermeté à ne changer ni acquiescer à
aucun changement, nourrissant l'esprit de vos filles à une invariable
persévérance de la manière de vie que Dieu leur a donnée. Ma fille, inculquez
et gravez dans leur cœur cette résolution, je vous en prie. — Voyez sur votre
livre si l'on a rendu à la maison de Nessy ce que nous en apportâmes
d'argent ; s'il n'est payé, ordonnez, ma fille, qu'on le fasse quand la
maison de Lyon le pourra, et je pense que vous le devez faire avant de vous décharger,
et faire votre effort pour faire faire la visite [canonique] et élire la
Supérieure.
Au reste, quelque chose que notre Sœur Marie-Aimée dise, je crois qu'il
sera bon, quand vous irez à Nessy, de lui envoyer de là une compagne, si notre
Sœur Anne-Françoise [Chardon] va en Auvergne ; [faites] toutefois comme
vous le jugerez à propos.
Je suis bien aise de voir son sentiment sur le sujet de notre Sœur
F.-J. ; mais véritablement vos raisons sont puissantes, et je crois avec
vous que cette fille-là fera mieux en charge qu'autrement. Écrivez-en fort au
long à Monseigneur, afin qu'il juge en quel lieu et avec quelle Supérieure elle
serait le mieux, car il en faut une pour Nevers, une avec notre Sœur
Jeanne-Charlotte [pour Moulins], une avec notre Sœur Claude-Agnès [pour
Orléans], et une avec notre Sœur Anne-Catherine [pour Paris], [418] laquelle est une Religieuse très-parfaite à
mon gré, sage, judicieuse et bonne.
Je vous prie, ma mie, avisez comme l'on fera venir les filles depuis
Lyon ; lequel serait le mieux, ou par eau ou
dans un coche d'ordinaire : si vous trouviez là quelque femme honnête,
dont la rencontre de venir par deçà se puisse ajuster avec nos Sœurs ;
s'il se trouvait quelque honnête ecclésiastique de connaissance qui vînt deçà,
ou enfin quelqu'un qui pût les accompagner, qui voulût faire cette courtoisie
et charité, en le défrayant ; vous verrez mieux que nous ce qui se pourra
et devra ; elles seront au moins huit Religieuses.
Adieu, mon enfant, l'on m'appelle ; une autre fois je vous dirai
des nouvelles de cette maison, où je ne puis m'empêcher de vous désirer.
Je suis en peine des lettres que j'écrivis devant Pâques, le 6 ou 7
d'avril ; car Monseigneur ne les avait encore reçues le 4 mai.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D'ANNECY
Projet d'un voyage de saint François de Sales à Rome. —
Prière à M. Michel d'adresser des exhortations aux Sœurs d'Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Dieu vous bénisse, ô mon bon et cher Père, et vous donne, s'il lui
plaît, une force et industrie efficaces pour le soulagement [419] de Monseigneur, notre bon et digne Père.
Oh ! que sa vie est très-précieuse à l'Eglise de Dieu ! Il la lui
faut demander continuellement. Que vous êtes heureux au-dessus de tout le reste
du monde, de voir toujours les actions de ce vrai imitateur du Fils de Dieu,
notre Sauveur et souverain Maître ; mais faites-en bien votre profit.
Irez-vous à Rome ? que feraient ces pauvres filles ? O
Dieu ! ce voyage sera à sa très-grande gloire, mais que pesantes sont les
absences d'un si digne et véritable Père ! Fiat voluntas tua !
Pourtant, j'ai reçu
seulement ce matin votre billet de Pâques, et l'après-dînée le paquet du 14
mai. Certes, et pourquoi ne ferez-vous pas de petites exhortations à la chère
famille ? Vous leur porterez les miettes que vous recueillez de la table
de notre grand Père [saint François de Sales]. Ah ! que tout est bon et nourrissant !
c'est un pain de pur froment, qui nourrit et engraisse l'âme qui en mange.
Portez-leur-en tant que vous pourrez, ô mon cher fils, et si vous avez
l'incomparable bonheur de le suivre, ayez soin, je vous prie, de m'en mander
souvent des nouvelles et de le faire soulager tant que vous pourrez, le
conjurant par soi-même et par tout ce que Dieu a voulu que je lui sois, de
faire tout ce qui lui sera possible pour conserver sa santé ; mais nous
saurons plus particulièrement ce départ.
Je suis grandement obligée à M. le chevalier, mon très-cher fils, que
j'honore tendrement, et à tous nos chers amis et amies qui daignent se souvenir
de moi, et aux bons serviteurs de Monseigneur, je les nomme ainsi, estimant ce
titre très-honorable ; je les aime chèrement, et tous nos maîtres, et ma
pauvre vieille Sœur Jacquement ; mais je n'entends rien de nos tant
chères filles de N*** et de Vallon ; je les salue et vous de tout mon
cœur, à qui je suis très-humble mère et fille en Notre-Seigneur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [420]
À MOULINS
La correspondance à une grâce en attire d'autres. —
Souffrir avec patience les difficultés suscitées par sa famille.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1er juin 1620.
Oui, certes, ma très-chère fille, et je vous le dis derechef, que Dieu
vous tient de sa bonne main. Je le supplie, par son infinie douceur, de
parachever en vous ce qu'il a commencé. Correspondez fidèlement et suavement,
ma très-chère fille, et vous recevrez de si grandes faveurs, que votre âme se
fondra en bénédictions de douceur et d'amour, dont une once vaut mieux que tout
ce que des millions de mondes pourraient nous donner, amour qui dure
éternellement et qui est l'éternité et le Dieu de l'éternelle gloire. Je vous
souhaite ce bonheur, ma fille, et prie Dieu de toute mon affection d'en combler
votre cher cœur.
Vous voyez comme je cours et n'ai quasi le loisir de former mes
lettres ; c'est pour vous dire qu'il faut que vous ayez un peu de douce
patience pour votre affaire, en laquelle, certes, votre chère mère fait des merveilles à témoigner de
l'affection pour vous ; c'est elle qui amène tout à raison. La bonne femme
a été malade et l'est encore. Elle nous a envoyé ce matin un de messieurs vos
beaux-frères ; je ne me souviens pas de son nom ; il vous affectionne
fort, et m'a dit que je vous assurasse que madame votre mère était tellement
changée envers vous qu'il ne se pouvait dire davantage.
Ils font une assemblée de parents, et veulent qu'enfin ce contrat se
fasse ici dans cinq ou six jours, ou huit, si la bonne [421] fête [de la Pentecôte] ne se trouve parmi, en
laquelle on ne pourra y travailler. Ce sont des personnes qui font tant de
considérations, que j'eusse fort désiré que le contrat se fût fait vers vous.
Dieu, par sa bonté, y mettra sa bonne main. Cependant, ma très-chère fille,
demeurez bien en paix, assurée que nous avancerons l'affaire tant que nous
pourrons.
Dieu soit votre tout, ma très-chère fille. Je suis en Lui,
très-assurément,
Votre plus humble sœur et servante cordiale.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
SUPÉRIEURE À LYON
Religieuse exactitude et fermeté de la Sainte à ne pas
aller au parloir pendant l'Office ; agir ainsi, c'est édifier les
séculiers sans manquer aux égards qui leur sont dus.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 1620.]
Où êtes-vous mon enfant, car il y a déjà si longtemps que je n'ai eu de
vos nouvelles, trois semaines, ce me semble, et, quand je passe quinze jours,
le temps m'est long, quoique non pas ennuyeux. Êtes-vous déjà en votre nouvelle
ruche ? Il me tarde de [422] le savoir et comment la petite Supérieure
[Sœur M.-Aimée de Blonay] fera en votre absence.
Si Monseigneur est à Turin ou en chemin, adressez promptement mes
lettres à M. le président, afin qu'il les lui fasse tenir, car elles sont
d'importance. Je vis l'autre jour le très-cher frère qui meurt d'envie de vous
voir ; il est bon et brave ; il prit la peine de venir deux fois coup
sur coup, parce que la première fois j'étais à Vêpres, et, si ce n'est
quelque prélat ou Père de religion de grande importance, ou des princesses,
l'on dit que nous sommes à l'Office, et je n'en sors point, quoique je me fasse
avertir, afin de juger ce qu'il faut faire, si ce sont personnes de telle
qualité que l'on n'ose les faire attendre. Je vous dis ceci afin que vous en
fassiez de même, ma très-chère fille, et toutes les autres Supérieures ;
car, autrefois, je ne l'osais faire, j'avais tant de crainte de déplaire ;
mais nos Règles me lient, et je le leur dis ; c'est pourquoi, au lieu de
leur donner de l'ennui d'attendre, ils sont fort édifiés ; car enfin, si
l'on ne fait cela, on serait accablée, perdue et distraite, plus que si l'on
était séculière. Oh ! certes, je ne suis pas venue ici pour ne rien faire
de ce que je dois en ma condition, et si ce ne sont de ces personnes susdites
ou des affaires extrêmement nécessaires, quand l'Office sonne, je dis adieu, et
cela s'observe par toutes nos Sœurs encore mieux et exactement. Ne fais-je pas
bien, ma fille ? De vrai, je n'aurais aucun moyen de récollection
autrement.
Adieu, ma très-chère fille, je salue chèrement notre petite directrice
et toute la chère troupe, à qui je souhaite l'abondance des bénédictions.
[Sur l'adresse on lit ces lignes :] Pour la Sœur de Blonay. Ouvrez cette lettre, ma chère fille ma mie, si
notre Sœur n'y est pas, et faites tenir mon paquet sûrement, m'envoyant aussi
les autres que vous recevrez par la voie ordinaire.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [423]
Billet des dons du Saint-Esprit. — Projet d'un vœu.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 7 juin 1620.
Mon très-honoré Seigneur et unique Père,
Que cette fête est grande dans laquelle Dieu verse si abondamment ses
précieux dons sur ses fidèles ! Voilà celui de l’entendement que la divine Providence vous a marqué pour
cette année ; j'espère que vous l'emploierez
fidèlement. Il m'est échu celui de conseil. Dieu me fasse la grâce de
recevoir ceux que vous me donnerez de sa part, et de les bien accomplir !
Je vous supplie de fort prier cet Esprit très-saint et de recevoir le propos
d'un vœu que nous avons desseigné, et qu'il me donne une grâce abondante
pour l'accomplir parfaitement J'ai eu sur ce sujet certaines craintes et
représentations qui ont fait frémir ma chair, mais mon cœur demeure invariable
dans son désir et résolution de suivre la très-adorable volonté de Dieu.
Je vous ai déjà mandé les dispositions de notre établissement à Orléans
et Nevers ; mais, mon vrai Père, je m'oubliai de vous demander
l'obéissance pour traiter de ces fondations ; car la mienne ne porte que
Paris, Bourges et Dijon, et quoique je puisse dire sans scrupule que je ne fais
rien sans votre ordre, je suis pourtant bien aise de le montrer par écrit.
[Quelques lignes illisibles.]
Conforme à une copie gardée aux archives de la Visitation
d'Annecy. [424]
LETTRE CCLVI (Inédite)
- À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Affaires d'intérêts.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 9 juin 1620.
Ma très-chère Sœur, voilà la lettre de change pour recevoir les trois
cent vingt livres que nous avons données ici. C'est par des gens de Nessy que
je vous l'envoie. Dieu vous comble de son saint amour, ma très-chère fille, et
toute votre chère troupe. Amen. Je n'ai loisir que pour cela. Dieu soit
béni.
Envoyez-nous, s'il vous plaît, force petits livrets de nos Règles avec
nos Sœurs.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Difficultés relatives au contrat de madame du Tertre. —
Voyage des Sœurs destinées à l'établissement des maisons de Nevers et
d'Orléans.— Traverses pour le logement de la communauté de Paris. — Il faut
aider la nouvelle Supérieure de Moulins. — Divers embarras concernant des
novices et des prétendantes.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 9 juin [1620].
Ce n'est pas besogne faite, ma toute chère fille, que de traiter avec
des personnes du monde. Je me trouve très-empêchée à bien faire ce contrat
comme il faut selon Dieu, et je fais ce que je peux pour le faire passer vers
vous : car notre chère Sœur voulant être Religieuse absolue, comme ses
parents [425] le prétendent
aussi, il est malaisé et je dis très-malaisé d'y faire des conditions de
privilège par obligation, autres que celles que la charité permettra et
requerra, ou l'on fera toutefois ce qui se pourra pour la contenter. Ce n'est pas cela néanmoins qui retarde
l'affaire, et pressera-t-on tant qu'il se pourra. Ils veulent faire des grandes
assemblées de parents et de grands mystères ; je n'aime guère tant de
bruit, surtout en telles occasions.
Vous voyez, mon enfant, que nous aurons le loisir de faire venir les
filles, et puis si bien l'on presse à Nevers, c'est pour l'achat de la place ;
mais quand elle sera vôtre, vous irez à commodité. Je crois pourtant que nos
Sœurs [d'Annecy] arriveront, non pas à la fin de juin, mais au commencement de
juillet ; elles viendront dans le coche à cinquante écus, ce n'est pas
cher, et ce sera plus tôt fait ; vous en payerez votre part, s'il vous
plaît, ma très-chère fille. Il y aura trois filles pour vous, et cinq ou six,
tant pour Orléans que pour cette ville ; je crois qu'elles auront aussi un
conducteur. Nous leur faisons tenir cent écus à Lyon ; cela incommode un
peu cette petite maison, mais il n'y a remède. Dieu réparera tout. Je crois
bien que ce ne sera pas assez ; mais, passant vers vous, vous remplacerez,
s'il vous plaît, ma fille. O Dieu ! que de peine, que de travail, il ne se
peut dire pour nous loger et pour achever cet établissement [de [426] Paris] ! recommandez tout à Dieu de
bonne sorte, je vous prie, ô ma chère amie.
Puisque Dieu donne un si riche commencement à votre maison de Nevers,
pour Dieu, gardez et prenez la liberté de choisir les esprits. Je ne prendrai
point de fille que vous ne le mandiez, mais il y a ici de bons sujets.
Véritablement, je serai bien aise que l'on fasse quelque aide à Moulins ;
car je crains que la nouvelle Supérieure ne se trouve bien étonnée de voir si
grande charge et si peu de fonds ; mais vous la conforterez et
l'encouragerez bien, ma très-chère fille, et déchargerez tant que vous pourrez,
la maison de filles, afin qu'elle puisse rouler sous cette charge. Mon
assurance est invariable en Dieu, pourvu que nous fassions bien notre devoir.
N'avez-vous pas fait un contrat pour notre Sœur Marie-Marguerite [des
Serpents] ? Si ses parents n'y pourvoient, nous chercherons ici quelqu'un
qui ait encore le contrat de notre Sœur Marie-Anastase [Pavillon]. Elle a achevé
sa diète, et cependant n'est guère mieux. Certes, et moi aussi, j'en ris un peu
de ce que notre bonne Sœur M.-Avoye [Humberl] se fait craindre.
Je ne puis voir M. Lefèvre, mais il m'est venu en pensée un bon moyen
d'avancer, voire, d'assurer notre affaire : c'est qu'il y a une fille qui
voudrait être Religieuse, bonne fille et damoiselle, mais elle n'a que trois
cents écus ; sa sœur, par le moyen de son mari, qui est chez M. le
chancelier, pourrait faire l'affaire, si on lui offrait le parti de recevoir sa
sœur ; mandez-moi si nous tenterons cette voie, et, en ce cas, faites une
recherche à M. Lefèvre, afin qu'il me parle.
Monseigneur va à Rome, Dieu soit partout sa force ! Il y sera
utile à notre Institut. Je suis accablée d'affaires et d'écritures.
Dieu
soit béni ! [427]
[P. S.] Les parents de notre Sœur du Tertre me
prièrent de tenir ces lettres [prêtes], il y a longtemps, et me les ont
laissées là. Je crois qu'ils ont grand besoin d'être pressés et que, si on ne
le fait, l'affaire tirera de longue ; faites-le faire donc, car de nous il
ne serait à propos. M. Rousselet craint fort que l'on renvoie sa nièce ;
je l'ai assuré que pour le corps on ne le ferait pas, pourvu que l'esprit aille
bien.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy
Acheminement de la fondation de Nevers. — Conditions pour
le contrat de madame du Tertre. Il vaut mieux qu'elle prenne l'habit à Moulins.
— Maladie et prochain mariage de Françoise de Chantal
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 9 juin [1620].
Ma très-chère Sœur,
Voilà enfin le commencement de l'affaire acheminé en bon train ;
ce matin je vous avais écrit qu'il y avait de la tardiveté afin que vous les
fissiez presser, parce que M. Bonsidat pressait grandement M. de Château-Renaud.
Loué soit Dieu ! Il faut donc que la très-chère Sœur fasse ce que M. Aubry
désire, afin que la maison soit promptement achetée. J'espère que nos Sœurs
arriveront à point. Je ne trouve point qu'il y ait grand ni petit intérêt que
notre bonne Sœur [du Tertre] prenne l'habit à Moulins ; au contraire, je
pense qu'il serait mieux et avec moins de bruit. Le contrat enfin se passera
là, dont je me sens grandement soulagée ; car les Pères Jésuites vous
serviront de conseil ; enfin, selon celui d'ici, quand elle aura fait les
vœux, [428] elle doit pour lors
être comme les autres, mais vous en devez avoir un grand soin. Cela est
superflu de vous dire tout cela ; car enfin vous avez très-bons conseils
et personnes qui vous chérissent. C'est chose aimable de voir le soin, l'affection
et la diligence du très-bon M. de Château-Renaud ; certes, il nous oblige
grandement.
O ma très-chère fille ma mie, faites que la chère fille Marie-Aimée [du
Tertre] (ce nom m'est doux et aimable) signe cette quittance, afin que l'argent
se touche incontinent et que l'on expédie votre achat. Selon que je vois par
les lettres, vous serez fort bien logée. Adieu, ma mie, notre très-cher Père
ira à Rome bientôt, il se porte bien ; on parle toujours de le tirer deçà,
mais cela est lent et hors d'apparence.
Ma fille a pensé mourir ; ne voilà-t-il pas des traits du
monde ! elle se porte bien et épousera dans huit jours, s'il plaît à Dieu, [M. de Toulonjon].
Je vous prie que les parents de notre Sœur Marie-Marguerite vous
parlent comme il faut ; car nous ne pourrons pas la garder davantage avec
son voile blanc. Priez pour nous, ma vraie très-chère fille,
et vous assurez toujours de mon cœur qui est tout vôtre en Notre-Seigneur,
qu'il soit béni.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [429]
Avis au sujet du contrat de madame du Tertre. — Conseils
pour la bâtisse du monastère de Nevers. — Affaires de celui de Paris.
VIVE † JÉSUS :
[Paris], 21 juin 1620.
J'écris à votre chère Sœur Marie-Aimée (madame du Tertre) sur le
contrat d'entre elle et nous ; vous verrez, ma très-chère fille, ce que je
lui en dis. Il n'y a point d'apparence de faire autrement ; car quelle
inconvenance d'aller déclarer par là même qu'elle ne se lèvera pas le matin,
qu'elle aura une fille qui la servira, qu'elle sera bien traitée et
semblables ! Or, il est toutefois très-juste de lui donner quelque
assurance particulière pour cela ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, il
me semble que cette chère âme doit écrire à Monseigneur toutes ces petites
menues commodités qu'elle désire, ou bien vous, si elle n'ose le faire, et
Monseigneur lui permettra que cela lui soit donné, concédé et entretenu tant
qu'elle voudra, mais il faudra faire cette dépêche promptement, et la bien
recommander et en presser la réponse ; car véritablement il lui faut
donner tout le contentement et l'assurance qui se pourra en bonne conscience.
Ce contrat d'entre elle et vous ne se fera point ici, il est mieux qu'il se
passe là où elle prendra l'habit.
Notre pauvre Sœur de Gouffier veut absolument que vous la payiez ;
elle a son esprit si délicat que je n'ose dire le quart de ce que je voudrais.
Si vous pouviez lui donner les deux cents écus maintenant, nous nous essayerons
de la faire contenter. Au moins, certes, si elle ne le fait, je lui dirai ce
que vous m'avez écrit. Il est vrai que je ne sais si j'aurai le loisir de
rechercher votre lettre. Si vous le pouvez,, écrivez derechef. Je retiendrai
[430] donc deux cents écus qui
demeureront aux mains de mademoiselle d'Asy jusqu'à ce que vous lui ayez écrit
qu'elle me les donne, et que vous les rembourserez là, si vous ne faites que la
bonne madame du Tertre fasse cette aumône à la maison de Moulins. Ce qui m'a
fait chercher l'expédient de la faire écrire à Monseigneur, c'est le Père
Supérieur de Saint-Louis, Jésuite excellent, qui me dit court qu'on ne devait
rien mettre dans le contrat que ce qui est porté dans la lettre de Mgr de
Nevers ; mais elle ne se contente pas de cela ; car elle a écrit une
grande lettre à M. Aubry, avec mille raisons par lesquelles elle témoigne
vouloir fortement qu'on lui spécifie par le menu toutes les exemptions qu'elle
désire. Cependant cela ne se doit pas, puisqu'elle veut être Religieuse ;
mais il faut qu'elle déclare ce qu'elle désire, et je m'assure que Monseigneur
le lui accordera. Je crois que je vous l'ai déjà dit ; mais c'est que
j'écris à tant de reprises que je ne me souviens pas bien.
J'ai vu l'achat de votre place, et la lettre de ce bon marchand qui dit
qu'il n'a rien traité avec M. de Saint-Martin, afin que, quand vous serez sur
le lieu, vous preniez de la place ce qu'il vous en faudra. Mon Dieu ! ma
très-chère Sœur, n'épargnez pas un peu d'argent pour faire un grand lieu de
jardinage ; aidez-vous des bons Pères Jésuites pour juger cela, et vous en
servez en tout, je veux dire surtout pour le spirituel ; c'est le meilleur
et plus solide esprit. Au reste, quand vous aurez marqué les places qu'il vous
faut, si vous m'en envoyez le plan, je vous ferai faire dessus celui de notre maison
qui vous contentera ; et puis c'est que, tant qu'il se pourra, il faut
faire nos monastères semblables. J'écris un mot à madame la tante de notre Sœur
Marie-Marguerite, je vous prie de l'accompagner d'un mot, car c'est à vous à
qui elle a promis. Certes, nous sommes délibérées de ne pas faire faire la
profession à notre Sœur, qu'ils ne fassent ce qu'ils doivent.
Vous ai-je dit que Monseigneur s'en allait à Rome, peut-être
[431] pour deux ans ; mais c'est
l'utilité de notre Institut et la volonté de Dieu.
Nous avons toujours de grandes difficultés pour nous loger. Je ne sais
encore point de nouvelles du départ de nos Sœurs-mais elles arriveront à
temps ; car aussi ces messieurs de deçà ne sauraient aller à vous qu'à la
fin de juillet, à ce qu'ils disent. On m'a écrit que Monseigneur promettait à
ceux de Nessy que je m'en retournerais cet automne ; à quoi je ne vois
point d'apparence, et Dieu veuille que j'y puisse bien être d'ici à un
an ! Il me fâchera bien de ne vous pas trouver à Moulins, et je ne sais si
j'oserais passer à Nevers, si Monseigneur ne me le dit, à cause qu'il me semble
qu'il est fort écarté du chemin, mais il y a du temps d'ici là ; certes,
je ressentirais de la peine de me retirer sans vous voir. Or sus, priez Dieu
pour moi.
Nous avons de braves filles et qui commencent fort à me contenter, et
je suis un peu difficile. Notre chère Sœur Marie-Anastase commence à se lever
et à marcher avec le bâton. Sa cuisse est toujours ouverte, et son corps mal
fait, mais ce sera prou qu'elle puisse rouler ainsi. Quand je vous parle, je ne puis finir. Je
n'ai point vu cette lettre de M. de Gondras.
Je ne sais quelle Supérieure l'on vous donnera, ni quelle directrice,
car Monseigneur a tant d'affaires qu'il ne pense pas à dire la moitié de ce
qu'il faudrait. Je crois que vous aurez bientôt les filles. Dieu les bénisse et
fasse qu'elles rendent bien leurs devoirs. Vous savez ce que je vous suis,
toujours davantage, s'il se peut, toute vôtre en Notre-Seigneur ; qu'il
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [432]
À MOULINS
Une Religieuse fondatrice ne peut, par contrat, exiger
aucun privilège. Conseils à ce sujet.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, juin 1620.]
Il y a longtemps que l'on nous a envoyé la quittance, ma très-bonne et
chère fille, sitôt qu'elle sera de deçà l'on fera compter l'argent. Certes, il
m'a un peu fâché de voir tant de remises ; mais tout vient à point à qui
peut attendre.
Quant à ce qui est du contrat d'entre vous et nos Religieuses,
hélas ! ma très-chère fille, ne doutez point, je vous supplie, que la
balance s'y tienne juste ; mais, parce que vous voulez faire les vœux, il
ne nous est pas possible d'insérer dans le contrat autre chose que ce qui est
contenu dans la lettre de Mgr de Nevers ; non que ce soit ce bon prélat
qui nous lie les mains, mais c'est que les utilités de ce privilège de
fondatrice, en qualité de Religieuse, sont de menues choses qui regardent votre
soulagement, votre traitement et les services particuliers qui vous sont
nécessaires, choses qui ne se peuvent particulariser dans le contrat, et qui y
seraient inconvenantes ; car les privilèges ordinaires des fondatrices sont d'entrer et sortir du monastère quand
elles veulent, pourvu que l'heure ne soit pas indue, d'y être nourries,
couchées, servies, sans rien particulariser par le menu. Elles s'y font
enterrer, si elles veulent, portent l'habit quand elles sont dedans, chantent
au chœur si elles veulent, et semblables licences. Mais votre intention n'est
pas cela, ains d'être Religieuse, sans toutefois une si étroite [433] obligation aux exercices et [à notre] manière
de vie, en considération de votre faible et délicate complexion, chose qui est
raisonnable et qui ne vous sera jamais déniée.
Mais, pour votre plus grande satisfaction et contentement, il faut que
Monseigneur de Genève vous en fasse une promesse particulière, je le lui
écrivis mardi dernier, et que pour cela vous lui écririez et lui manderiez par
le menu toutes les exemptions que vous désireriez, afin qu'à jamais rien ne pût
être révoqué en doute ; car cela, joint à la licence abrégée que vous
donne Mgr de Nevers, sera invariablement conservé et maintenu par toutes nos
Religieuses. Je crois que vous ne doutez point de l'obéissance qu'elles doivent
à ce bon Monseigneur, et qu'elles aimeraient mieux mourir que d'y contrevenir.
Ainsi donc vous n'aurez rien à craindre, et je vous prie, ma très-chère fille,
de ne le pas faire, mais vous assurer que l'on ne voudrait nullement vous
manquer. Dieu sera notre caution, et nous fera accomplir sa sainte volonté, ma
très-chère fille ; je supplie son immense bonté de vous donner l'abondance
de ses saintes grâces, afin que fortifiée en son saint amour, vous le serviez
avec toute perfection, repos et plein contentement. Je suis en Lui, plus que
vous ne sauriez penser,
Votre plus humble et très-affectionnée.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers. [434]
LETTRE CCLXI (Inédite)
- LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE, À LYON
Préparatifs pour les fondations de Nevers et d'Orléans.
VIVE †
JÉSUS !
[Paris], 23 juin [1620].
Ma très-chère fille, je pensais que vous m'écririez par ce messager-ci,
car je suis toujours un peu en peine de la lettre de change que j'ai envoyée
pour recevoir les trois cent vingt livres. Oh ! bien, Notre-Seigneur
pourvoira à tout. Assurez-vous du coche à l'avantage ; il nous coûtera
cinquante écus, mais il n'y a remède, il le faut tout. Dès que vous saurez le
jour que nos Sœurs partiront de Lyon, faites-le nous savoir. Au reste, ma
fille, si Monseigneur veut qu'on prenne notre Sœur Françoise-Jéronyme [de
Villette], équipez-la bien pour son hiver et pour son été, et lui donnez aussi
un peu d'argent pour aider aux frais ; car cette maison a prou fait de
donner cent écus. Si cette fille vient, j'en serai bien aise pour votre
soulagement ; si elle ne vient pas, j'en serai bien aise pour le nôtre.
Adieu, ma fille, le glorieux saint Jean nous fasse part de sa force à
mépriser le monde et tout ce qui est créé, pour servir purement la très-sainte
volonté de notre bon Dieu. Amen. Je salue chèrement toutes vos bonnes
filles, et nos Sœurs quand elles seront là. Qu'elles viennent de bon cœur, nous
les attendons aussi joyeusement ; mais dites-leur qu'elles ne parlent
[435] point de Supérieure pour cette
maison, car c'est une corde qu'il faut manier bien doucement ; que, si on
la touchait maintenant, on se mettrait au hasard de tout rompre. À Dieu encore
une fois, ma très-chère fille.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À GRENOBLE
Inutilité et danger des réflexions sur soi-même. — Faire
lire souvent les Entretiens de saint François de Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. fin de juin 1620 ]
C'est la honte de votre cœur, ma très-chère fille, qui vous fait
trouver consolation en nos lettres ; mais Dieu soit béni qui se sert de
choses tant indignes, et de ce qu'il vous a délivrée de cet embarrassement
auquel jamais, ma très-chère fille, il ne faut retomber. Voire, qu'est-ce que
cela ? une fille de dix années [de religion] s'amuser aux réflexions, aux
petites insatisfactions, philosopher sur une parole ! O Sauveur de mon
âme ! il ne faut plus faire ainsi. Si Dieu permet qu'il nous arrive des
choses contre nos espérances, ou qu'il nous semble ceci et cela de quoi que ce
soit, encore que nous le sentions bien, ne le regardons point ; mais
jetons-nous simplement dans le sein de la divine Providence, acquiesçant
doucement à tout sans réserve, étant bien aise qu'elle nous dépouille.
Voyez-vous, vous attendiez de Monseigneur [saint François de Sales], pour la
satisfaction de votre amour-propre, des nouvelles approbations de la bonté de
votre chemin (duquel vous avez été déjà tant assurée, qu'il ne faudrait jamais
y repenser), et voilà [436] que
la divine Providence le confirme par cet esprit sacré, mais d'une façon trop
courte et qui ne satisfait pas pleinement le désir que vous aviez d'y être
satisfaite ; et je ne doute nullement que cela n'ait été le commencement
de votre embarras. Oh ! il ne faut plus ces choses-là ! Vous allez
[par] un chemin tout saint et assuré, il ne faut que le continuer, allant en
avant sans réflexion, jamais plus, je vous prie, et me croyez. Apprenez cela
hardiment à vos filles, et tant qu'il se pourra faites-les cheminer en cette
simplicité, sans retour.
Je crois que l'on vous envoie les Entretiens et Exhortations que fait
Monseigneur. Oh ! Dieu soit béni de la guérison de la bonne Sœur J.-Hélène ! Non, jamais il ne leur faut laisser
faire ces particularités. Faites fort lire l'Entretien des Règles et tout ce
que l'on a de Monseigneur. Je ne trouve rien de tel pour nourrir l'esprit de la
maison.
Dieu soit béni, ma très-chère fille, de la bonté de notre bonne Sœur. Je ne sais pas son nom, mais vous nous la
donnerez donc, nous en avons bon besoin ici. Dressez-la toujours mieux.
Personne n'entre plus par toutes nos maisons ; néanmoins, à cause
de la petitesse de l'église, cela est excusable ; mais, pour le dîner, il
n'y aurait point de danger de le retrancher. Toutefois, vous pourrez faire l'un
et l'autre quand vous changerez de maison. Si Mgr de Grenoble est là, il lui
faut demander l'obédience pour la fille.
Toutes nos Sœurs vous saluent cordialement ; je salue les nôtres
qui sont auprès de vous et la très-chère petite avec nos autres amies.
Bonjour, ma très-chère fille ; je suis ce que Dieu veut que je
vous sois. Amen. [437]
[P. S.] Vous ne me
dites rien de notre petite Sœur F.-Angélique et de sa compagne ; [ne]
font-elles pas fort bien ? Je le souhaite de tout mon cœur. Ne vous ai-je
pas mandé que nous avions marié ma fille fort heureusement, grâce à Dieu ?
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE CCLXIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Nouvelles dispositions pour le départ de quelques Sœurs.
L'assistance au saint Office doit être préférée aux exigences des séculiers.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 30 juin 1620.
Je viens d'écrire à notre Sœur
Claude-Agnès [Joly de la Roche], car je crois qu'elle est la capitainesse de
la petite troupe. J'envoie la lettre à Moulins, craignant qu'elle ne la trouve
pas à Lyon. Je ne sais si elle nous aura amené une compagne de Nessy. Il me
semble qu'il nous faut cela, ma très-chère fille, mais je m'en rapporte [à ce
qu'on décidera]. Si l'on ne vous écrit point, et que vous vouliez retenir notre
Sœur Marie-Françoise Bellet, vous pourrez nous envoyer en sa place cette chère
fille de la Grange ;
car je crois que Monseigneur le voudra bien, et un jour vous pourrez faire
passer notre Sœur Marie-Françoise en Auvergne, si l'on prend notre Sœur
Françoise-Jéronyme [deVillette] ; et enfin, si nos Sœurs ne sont passées,
saluez-les chèrement.
Donnez toute satisfaction à ceux de
dehors ; mais, petit à petit, sauvez les Offices, cela se doit, et
me croyez qu'enfin vous n'en serez point blâmée ; je l'expérimente
ici ; l'on fait état des Religieuses qui observent leur Règle. Je ne puis
[438] davantage. Si nos Sœurs ne sont
parties, hâtez-les, car elles devraient arriver pour Nevers.
Je mande à notre Sœur Claude-Agnès qu'elle laisse notre Sœur
Anne-Marguerite [Clément] pour directrice à Nevers, si Monseigneur n'y a
destiné notre Sœur Françoise-Jéronyme. Certes, je voudrais bien que vous
gardassiez la petite Bellet, si elles ne sont passées, et envoyassiez la Sœur
de la Grange. En ce cas, notre Sœur Marie-Michelle [de Nouvelles] demeurerait à
Moulins pour compagne de la Supérieure. Dieu soit béni ! Je n'en
puis plus, vous savez ce que je vous suis.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [439]
Presser le voyage des Sœurs fondatrices d'Orléans et de
Nevers.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 4 juillet 1620.
Ma fille, hâtez nos Sœurs, je vous supplie ; qu'elles ne
séjournent point à Lyon. Mais je m'avise que si elles vont passer à Lyon, elles
arriveront trop tard à Moulins ; car il faut que nos filles en partent le
10 pour aller à Nevers. Dieu soit la conduite de tout. Amen. Je ne puis
davantage. Je suis vôtre.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CCLXV (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
L'attachement que le public témoigne aux premières
Supérieures d'une fondation contrarie la Sainte. — Nouvelles des monastères de
Lyon et de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 17 juillet 1620.
Oh ! Dieu, ma fille ! que ceci est fâcheux, de ne savoir pas
où vous écrire ; si vous saviez les adresses et me les mandiez, vous me
feriez grand plaisir. Or ça, disons ce qu'il faut. Je vous écris que j'ai pris
médecine, c'est pourquoi il se faut hâter. — Dieu soit béni du bon accueil que
vous avez reçu. Je suis marrie de quoi le monde s'attache ainsi aux premières
Supérieures qu'il voit. — Je m'assure que vous saurez bien donner toutes les
connaissances et l'estime que vous pouvez à votre Supérieur ; je crois
qu'il ne faut point que vous parliez de votre départ, car cela ne fait que
roidir les esprits ; je suis contrainte de faire ainsi en cette ville ;
et puis je pense que la maison de Turin ne [440] se faisant pas, ou du moins étant retardée, il sera bon que vous
fassiez là tout le séjour qui sera requis pour le bien de la maison.
C'est pitié que d'avoir affaire à des esprits timides ; j'ai parlé
à la demoiselle dont vous m'écriviez, elle m'avait dit qu'elle vous écrirait.
Je n'ai pas tout dit ; mais j'ai assez dit pour vous décharger de cette
affaire, et ferez bien de ne vous en plus mêler. O Dieu, ma fille ! je
l'espère bien, moi, de vous revoir, moyennant la grâce de Dieu. Plût à Dieu
qu'avant de partir de Lyon, vous vous fussiez toute déchargée ; je ne
pense pas toutefois que vous y retourniez, au moins pour longtemps. Oh !
j'écrirai de cela à Monseigneur.
Notre Sœur Marie-Aimée [de Blonay] fait fort bien : tout va avec
suavité à l'accoutumée, et l'esprit de notre Sœur N*** s'accommode fort
bien ; nous attendons nos Sœurs, je ne sais qui vient. Nous sommes sur le
point d'acheter une maison toute bâtie, mais à force d'argent, sous la providence
de Dieu qui ne nous manquera pas, s'il lui plaît. Nous avons toujours force
filles, et le jour de ma fête nous en reçûmes une de grande qualité, des plus
renommées, qui donne quinze mille écus pour aider à la
fondation ; mais ce qui me plaît le plus, c'est qu'elle a un très-bon
cœur, et un esprit bien fait. Voilà le gros de nos nouvelles ; car, de
cette vérité, que vous êtes toujours ma très-chère unique grande fille, il n'y
a rien de nouveau, sinon que la persévérance sera éternelle. Je crois que nos Sœurs
arrivèrent à Nevers il y a huit jours.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [441]
TRÉSORIER DE FRANCE,
À MOULINS
Recours à l'autorité de M. de Palierne en faveur de la
maison de Nevers. Projets d'accommodement.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 22 juillet 1620.
Monsieur,
J'ai appris par l'aumônier de Monseigneur de Genève ce qui se passe à
Moulins contre le dessein de la fondation de l'une
de nos maisons à Nevers. Vrai Dieu ! Monsieur, que ces soulèvements ont
touché mon cœur ! Mais à qui mon recours, après Dieu et sa sainte Mère,
sinon à vous, Monsieur, pour vous conjurer, pour l'amour que vous portez au
Fils de Dieu et à sa sainte Mère, d'employer votre zèle, votre piété et toute
l'affection que vous avez jamais eue pour Monseigneur de Genève, et pour ce
petit Institut que Dieu a voulu former par la main de ce digne prélat, pour
pacifier et accoiser cette tourmente.
Hélas ! ô Dieu, sa divine majesté sait que de toute mon âme je porte
à ses pieds tout notre intérêt particulier ; mais celui de sa gloire en la
bonne odeur que ces petits monastères ont accoutumé de rendre, oh ! Dieu
sait combien cela me touche, quoique paisiblement, grâces à la divine
bonté ; c'est pourquoi je [442] voudrais me fondre pour aider à réparer ce dommage ; et c'est
pourquoi je redouble mes conjurations à vous, Monsieur, qui nous avez toujours
fait l'honneur de nous aimer si chèrement vous suppliant, au nom de Dieu, et
avec toutes les affections de mon cœur, que vous mettiez la bonne main en cette
affaire. Quoi ! il n'est question que d'argent, et qu'est-ce que
cela ? Si madame du Tertre en veut plus donner à Moulins qu'à Nevers, au
nom de Dieu, soit-il ! cela nous est indifférent ; nous chérissons
nos maisons également, et la chère dame sait bien que c'est son pur mouvement
qui l'avait portée à Nevers. Si maintenant elle est persuadée par d'autres
raisons et inclinations, qu'elle les suive ; mais je vous supplie que ce
soit en sorte qu'il ne s'ensuive point de brouillerie ni de procès ; et me
permettez, Monsieur, que la confiance que j'ai en vous me fasse dire ce qui me
semble être d'équité, et que je désirerais que l'on fît : puisque madame
du Tertre a si bien et légitimement, et si librement donné dix mille francs à
la maison de Nevers, il me semble qu'elle les y doit laisser, à la charge
qu'elle y aura sa retraite et son entrée quand elle aurait besoin de changer
d'air ; et, pour les vingt mille francs, puisqu'elle a désir d'en
accommoder la maison de Moulins, elle pourra le faire. Voilà comme je pense que
les choses devraient être accommodées pour la gloire de Dieu et notre
consolation ; et je vous supplie très-humblement, Monsieur, de porter
votre main de paix à cette affaire. Vrai Dieu ! que de secousses les vrais
serviteurs et servantes de Dieu ont à supporter ! Quand les intérêts
particuliers se fourrent parmi nos affaires, ils nous font bien souffrir !
Mais gloire soit à Dieu, et sa souveraine volonté soit en tout et partout
accomplie, car en cela est notre paix.
Vous, Monsieur, que j'honore de tout mon cœur, ne me déniez pas ce que
j'attends de vous en cette occasion, et que votre bonté s'y emploie sans
réserve ; car je désire que vous soyez cru en cette affaire, afin qu'elle
soit bientôt étouffée. Ah ! [443] je me confie que vous le ferez ; car vous aimez Dieu, et aurez
mémoire de la douce affection de Monseigneur de Genève. Voyez aussi, je vous
supplie, s'il sera expédient de changer de Supérieure. Je crois qu'oui, puisque
l'on a été si aigri contre celle qui y est, et puis les obédiences doivent être
suivies, qui sont la volonté de Dieu. Celle qu'on vous a envoyée [la Sœur P.-J.
de Monthoux] est très-capable et vraie servante de Dieu. J'écris à madame la
maréchale quatre paroles, remettant à votre prudence de lui donner ou non [la
lettre] et à madame du Tertre aussi. Je ne répéterai point ce que je vous dis,
Monsieur, m'assurant que vous lui communiquerez cette lettre ; aussi que
je ne puis tant écrire, étant arrêtée de maladie. Or, me voilà soulagée, remettant
cette affaire entre les mains de Dieu et les vôtres. Oui, Monsieur, je vous la
remets, et de la part de Dieu et de sa très-sainte Mère à qui nous avons
l'honneur d'être. Je m'assure tant de votre grande bonté, qu'encore ferez-vous
quelque petite considération sur moi qui ne respire sinon que nous servions
Dieu, purement, humblement, doucement, et avec un singulier amour de la
pauvreté.
Jésus, notre bon Sauveur, vous comble de bénédictions, et vous conduise
en cette affaire. Je suis d'une affection entière, Monsieur,
Votre très-humble et obligée servante en Notre-Seigneur.
[P. S.] Obligez-moi,
Monsieur, de faire tenir ce paquet à nos Sœurs. Je vous écrivis dernièrement
pour vous conjurer d'être toujours le père de cette maison ; je le fais
encore très-humblement, saluant madame votre femme de qui je suis très-humble
servante, et de votre bonne mère, madame de Mosdière.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers. [444]
À MOULINS
Pressantes instances pour lui faire agréer les moyens de conciliation,
proposés par S. François de
Sales.
VIVE † JÉSUS !
[Paris,] 22 juillet 1620.
Eh bien ! ma très-chère Sœur ma fille, vous avez ouï et reçu des
raisons et persuasions qui vous ont été faites pour demeurer à Moulins. J'en
serais consolée si le tout se fût passé paisiblement ; car quel intérêt en
tout cela, pourvu que l'on aime ce qui regarde la gloire de Dieu en la bonne
odeur de ses servantes, qui doit être si précieuse aux âmes bien faites. Or donc,
ma fille toute chère, puisque vous trouvez bon d'arrêter à Moulins, faites-le
au nom de Dieu pour y vivre selon vos saintes prétentions, j'en serai bien
contente ; et vous assurez que Monseigneur de Genève ne dira pas que non,
car cela nous est indifférent, l'une des maisons nous est chère comme l'autre,
et nous ne demandons, sur toutes choses, que la paix pour vivre tranquillement
en nos petites observances. C'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous
conjure que, pour éviter les maux et embarrassements que je prévois, vous
laissiez à la maison de Nevers ce que vous lui avez donné irrévocablement, et
ce que vous ne pouvez lui ôter sans faire soulever de grandes mutineries en ce
lieu-là, chose qui nous serait insupportable et nous ferait tout quitter. Je
vous le dis franchement, ma très-chère fille, afin que vous le considériez
mûrement.
J'écris mon sentiment au bon M. de Palierne. S'il vous plait me
consoler en le suivant, vous m'obligerez, et je vous en conjure, ma fille, pour
la gloire de Dieu. Il restera assez à Moulins, et la Supérieure que Monseigneur
de Genève a [445] envoyée vous
donnera pleine satisfaction, n'en doutez point ; car je craindrais que les
choses passées ne donnassent sujet de quelque petite altération. Néanmoins,
j'écrirai un mot au Révérend Père recteur, afin que ceci se fasse par son
conseil. Si j'avais de la force, je vous écrirais davantage, mais que ceci
suffise à votre cœur, je vous en prie et conjure, et de me tenir toujours pour
toute vôtre en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
À MOULINS
Une Supérieure doit chercher en tout la gloire de Dieu et
gagner les cœurs par la douceur et l'affabilité.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Au nom du grand Dieu, ma très-chère fille, ne vous ébranlez pour rien,
ne vous étonnez de rien, traitez avec une profonde douceur et tranquillité avec
notre Sœur Jeanne-Charlotte ; passez tout, que l'union demeure.
Vrai Dieu ! gardons-nous de faire aucune chose qui préjudicie à la gloire
de Dieu et à noire Institut : ou vous demeurerez là, ou vous irez à Nevers
avec nos chères Sœurs Françoise-Gabrielle [Bally] et Françoise-Jacqueline [de
Musy], la fille de M. Bonsidat et encore une fille de Moulins, si vous jugez qu'elle
soit nécessaire, comme je le pense, mais plutôt il faudra demeurer à Moulins,
afin que l'on ne contrevienne aux obéissances. Ma très-chère fille, ma
très-chère âme, au nom de Dieu, tâchez de gagner tous les cœurs [446] par votre douceur, affabilité. Que rien ne
vous émeuve. Traitez toutes vos affaires en tranquillité et humilité, et vous
verrez combien Dieu vous bénira et consolera.
Écrivez-moi au long, au large ; je vous répondrai, n'en doutez
pas. Quand je saurai à quoi tout se résoudra, je vous écrirai. Gagnez madame du
Tertre ; imitez Jésus en sa douceur.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
TRÉSORIER DE FRANCE, À MOULINS
Prière de s'employer près de madame du Tertre pour qu'elle
maintienne ses promesses. — La gloire de Dieu et l'honneur des monastères sont
au-dessus de tout intérêt temporel.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 24 juillet 1620.
J'ai, ce me semble, par mes précédentes lettres, répondu à celle que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire sur le sujet de la demeure de madame du
Tertre à Moulins. Qu'ajouterai-je donc, Monsieur, sinon des supplications
très-humbles que l'affaire s'accommode selon l'inclination de cette bonne dame,
conservant tant qu'il se pourra la paix et la justice. Je vous ai dit rondement
ce que je pensais, qu'il était très-raisonnable de laisser à la maison de
Nevers les dix ou treize mille francs que l'on dit être déjà reçus, et qui en
effet le sont, et justement. Ce partage doit peu importer à la bonne madame du
Tertre, et c'est pourtant le seul moyen d'éviter tout embarras et débat que
ceux de Nevers pourraient faire ; car pour nous, je vous assure, Monsieur,
que nous ne voudrions pas y avoir pensé. [447]
Or, je m'assure que Monseigneur de Genève ne contredira point ce projet,
ains il l'approuvera, comme amateur de toute paix, et très-égal en ses
affections à nos maisons. Il y a de quoi faire bien à l'une et à l'autre. Ce
que je désire sur toute chose, est que cette chère dame persévère à vouloir
vivre parmi nous, selon ses premières intentions ; autrement il n'y a
point de bien au monde, ni de considération qui nous pût faire traiter avec
elle. Ce que je dis, Monsieur, simplement et confidemment, ayant tout sujet de
traiter avec vous de la sorte ; ensuite de quoi je vous dirai encore que
j'eusse grandement souhaité qu'elle n'eût bougé de notre maison, assuré que Ton
doit être que c'est un lieu où l'on ne force personne ; mais bien, puisque
Dieu a permis cela, patience.
Nous vous supplions toutefois que, puisqu'elle est résolue de continuer
sa bonne volonté, elle y retourne au plus tôt, tant pour notre considération
que pour celle de messieurs ses parents qui sont venus ici m'apporter leurs
lettres, et nous remettre cette affaire.
Il me semble, Monsieur, et je le remarque par quelques-unes des lettres
que l'on attribue à notre bonne Sœur la Supérieure de là, le dessein premier de
madame du Tertre est qu'elle a de grandes passions pour aller à Nevers, ce qui
n'est pas toutefois, je vous en assure, Monsieur. Et cette chère dame devrait
en dire franchement la vérité, afin que les esprits de delà ne demeurassent
point aigris par cette opinion non véritable ; et cela nous importe,
estimant incomparablement davantage la bonne odeur de nos petits monastères,
pour la gloire de Dieu, que toutes les choses de la terre.
Or, c'est assez vous dire, Monsieur, et je m'assure que votre prudence
et votre piété auront surtout égard à l'intérêt de Dieu et de ses servantes. Je
vous en supplie et vous en conjure, et de croire qu'invariablement je conserverai
en mon cœur [448] l'affection
pleine d'honneur et de piété que j'ai pour votre personne, et pour toute votre
famille, priant Dieu qu'il vous comble de toutes bénédictions.
Je vous supplie derechef de servir de père à notre petite
Supérieure ; vous lui trouverez un esprit capable, judicieux et zélé. Je
lui écris un billet, afin qu'elle prenne confiance entière avec vous ; car
c'est mon sentiment que toutes deux suivent leur obédience, se soumettant
toutefois, s'il est mieux jugé autrement, ce que j'aurais peine à croire ;
mais Dieu conduira tout.
Je suis, Monsieur, votre très-humble servante et obligée en
Notre-Seigneur.
[P. S.] Faites donner
sûrement ces billets à nos Sœurs, s'il vous plaît.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
À MOULINS
L'esprit d'humilité, de douceur et de prudence est
indispensable au bon gouvernement. — Il faut consulter et traiter avec
confiance les amis du monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Ma très-chère fille,
Je pense donc toujours que votre bonne Sœur la Supérieure doit
accomplir son obédience, et vous, la vôtre. Au nom de Dieu, conservez
jalousement en votre gouvernement l'esprit de la très-sainte humilité, douceur,
joie et suavité. Ne changez rien, conduisez la maison par son chemin. Si vous y
trouvez [449] quelque chose qui
ne vous semble pas selon Nessy, avertissez-moi, ma fille, avant que d'y
toucher. Ne soyez nullement impérieuse, mais traitez vos Sœurs comme vos
compagnes, avec amour et respect. Ma fille, il me faut croire, et je sais quel
est votre cœur ; mais il faut pardonner au mien, qui abonde au désir de la
gloire de Dieu dans nos maisons.
Soyez gracieuse, affable, patiente envers les séculiers. Ayez grand
soin de conserver les amis, surtout le bon M. de Palierne, auquel vous devez
beaucoup croire en la conduite des affaires ; c'est l'ami intime ;
montrez-lui grande confiance. Au reste, ma fille, attirez et tirez le cœur de
madame du Tertre par toutes les faveurs et charités qui vous seront
possibles ; servez fidèlement son âme ; ayez grand soin de son corps,
que rien ne lui manque, la maison est obligée à cela.
Tirez le cœur très-aimable de la chère Sœur Marie-Hélène [de
Chastellux], c'est une brave fille, je la salue chèrement ; dites-lui
qu'elle m'écrive, car je la veux bien servir, et toutes les autres, que je vous
recommande comme mon propre cœur. Croyez et obéissez à notre Sœur l'assistante
ou à Sœur F.-J. en ce qui concerne votre santé, et croyez que vous êtes ma
toute chère fille.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
du Mans. [450]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Devoir d'une Supérieure. — Ou ne doit désigner que les
Sœurs conseillères dans les contrats du monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Oui, ma très-chère Sœur, je vous prie, rendez-vous communicative tant
que vous pourrez, attrayante et gracieuse envers vos filles, leur parlant tant
que vous pourrez, ou les faisant parler à celles d'entre les professes qui
seront les plus propres pour cela ; enfin il faut qu'elles retrouvent en
nous ce qu'elles ont laissé, que nous leur soyons mère, amie, sœur ; bref,
toutes choses ; car si elles n'ont de l'amitié et cordialité de nous, et
les unes avec les autres, elles seront sans soutien extérieur ; or, cela
est le meilleur, mais peu sont capables de cela.
Eh ! le monde est admirable avec ses philosophies ; cette
pauvre chère Sœur a été délaissée si jeune orpheline et amenée en ces
quartiers, qu'à la vérité elle est bien excusable ; car je crois qu'elle
ne s'est jamais enquise de cela ; elle tenait pour son père et pour sa
mère ceux qui l'ont nourrie, après qu'il plut à Dieu qu'elle fût abandonnée et
délaissée orpheline, car elle n'avait que deux ans. Or sus, il n'y a point de
mal pour cela ; elle ne laisse d'être très-bonne et vertueuse fille.
Madame de Meignelay donnera le présent de l'église ; aussi ne
faut-il, ma fille, il ne faut nommer dans les contrats que les coadjutrices.
Vous ne sauriez faillir avec de si bons conseils, ayant recommandé l'affaire à
Dieu, et étant bien unies et de même sentiment pour cette profession.
Je salue nos chères Sœurs, tout à part les Sœurs Anne que [451] j'aime tendrement, et la petite. Elles m'ont
écrit, mais ne voyant point de besoin, je n'écris pas, étant accablée
d'ailleurs.
Vous savez ce que je vous suis.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE CCLXXII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Affaires d'intérêt.
VIVE † JÉSUS.'
[Paris, 1620.]
Ce n'est pas M. de la Ramilière qui nous a donné le paquet, car on nous
en a fait payer dix sous de port, écrit de même main sur le paquet. Dites à
votre faiseuse de paquet que c'eût été assez d'en écrire quatre sous. Or sus,
la pauvreté nous fait parler.
Je suis bien aise, ma très-chère fille, que Monseigneur et moi nous
nous soyons rencontrés en l'avis que vous désiriez. Ne craignez point, le
prélat est bon.
Je crois que nos Sœurs [d'Annecy] vous feront toucher environ douze
cents écus pour M. de Toulonjon, qui les enverra prendre. Oh ! ma fille,
je vous supplie si cela est, obligez-moi de faire changer l'or en monnaie
blanche tant qu'il se pourra, au moins celui qui aura son prix, aussi à Lyon, parce
qu'en Bourgogne il ne vaut pas tant. C'est une peine qu'il me fâche de vous
donner, parce qu'elle est temporelle.
Nos Sœurs sont encore ici, mais j'espère que bientôt elles iront à
Orléans, ou du moins notre bon M. Michel [Favre] s'en retournera. [452]
Adieu, ma fille, vous savez ce que je vous suis. Faites prier pour
nous, je vous prie ; mille saluts à nos chères Sœurs.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À NEVERS
Avis pour le gouvernement de la communauté. — Il faut
maintenir la liberté que donne la Règle au sujet des confesseurs et des
prédicateurs ; avoir surtout recours aux Pères de la Compagnie de Jésus. —
Union avec les Mères Carmélites. — Défenses faites par saint François de Sales
touchant les cellules.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
L'homme propose et Dieu dispose, ma très-chère fille ; sa bonté
soit à jamais bénie de l'heureux succès de votre établissement. Vous avez bien
fait de suivre le conseil du Père recteur et de M. le Supérieur de Moulins.
Courage, ma très-chère fille ; n'appréhendez rien ; jetez tout votre
souci en Dieu, ayez seulement celui de lui plaire, conduisant ses chères
épouses avec un extrême amour, respect, douceur et support dans la voie de la
sainte observance, et que l'humilité soit profonde et la confiance
parfaite ; ne déclinez ni à droite ni à gauche de vos Règles et coutumes
anciennes, et vous verrez comme Dieu vous bénira largement.
Je suis très-consolée de voir le zèle qu'a Mgr de Nevers ; il lui
faut donner tout contentement et rendre toute obéissance ; mais conservez
aussi humblement la liberté que vous donne la Règle pour communiquer, et
appeler franchement ceux que vous penserez les plus propres. Ce sont les bons Pères
Jésuites ; ayez-y votre principal recours et confiance ; ne laissez
d'appeler des prédicateurs des autres Ordres, et, envers tous, témoignez
respect, estime et charité. Entretenez-vous particulièrement [453] avec les Mères Carmélites, les faisant
visiter quelquefois, et témoignant un grand amour et estime à leur Ordre, et à
tous [les autres] aussi, ainsi que notre Constitution nous l'enseigne.
Gardez-vous bien d'être tranchante, ma très-chère fille, ni sèche, ni
trop courte, mais soyez suave avec tous. Mon Dieu, que je suis consolée que ce
soient les Pères Jésuites qui vous confessent à ce commencement ; ce sont
mes Pères, et tant que j'en puis avoir, je n'en cherche point d'autres ;
ce sont gens solides en piété et capacité ; ils aiment fort notre
Institut.
C'est la vérité que notre unique Père ne voulait point que l'on couchât
moins de trois dans une chambre, ni que l'on fit des caresses réitérées deux à
deux, ni que l'on entrât dans les cellules la nuit sans extrême nécessité.
Je loue Dieu du bon état de votre chère famille ; sa divine bonté
y accroisse ses très-saintes bénédictions, et surtout en votre chère âme.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
TRÉSORIER DE FRANCS, À MOULINS
Terminer au plus vite le différend survenu entre les
monastères de Moulins et de Nevers.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Monsieur, Il y a neuf jours que j'ai reçu une lettre de Monseigneur de Genève
qui me mandait vous avoir répondu par cette même voie, et que, puisque madame
du Tertre et vous, Monsieur, son cher conseiller, lui aviez remis l'entière
disposition du différend arrivé, il vous avait conseillé que l'on partageât
entre les deux maisons, afin d'assoupir ces mouvements avec égale satisfaction.
[454]
Je dois croire, Monsieur, et je l'espère de votre douceur et prudence,
que l'on ne renversera point le jugement et désir de ce bon prélat, et que le
tout s'accommodera paisiblement. Je vous en supplie et conjure très-humblement,
Monsieur. Si vous n'embrassez pas ce parti, il y aura de la brouillerie, mais
je me confie en votre bonté et piété que vous tiendrez la bonne main ;
autrement je m'assure que Monseigneur de Genève ne permettra jamais que nos
maisons se mêlent de ce différend. Seigneur Jésus ! l'on se résoudra plutôt
de tout quitter. Pour le temporel, il n'y aura pas grande difficulté à le
laisser, mais j'avoue que ce nous serait une douleur sensible de voir périr
tant de saintes affections que nous avons vues dans le cœur de cette chère dame
notre bonne Sœur, à laquelle, pour le coup, je n'écris point, étant trop
accablée. Mais permettez-moi, Monsieur, de la saluer chèrement, si je ne le
puis faire ; et donnez-nous un mot de vos nouvelles sur ce sujet, s'il
vous plaît. Cependant, je demeure toujours et à jamais, etc.
Conforme à une copie de l'original gardée à la Visitation
de Nevers.
SUPÉRIEURE À NEVERS.
Confiance et soumission qu'une Supérieure doit à son
évêque -, comment soutenir la Règle auprès de lui. — Délicatesse de procédés
envers un ami du monastère. — Décisions sur quelques points d'observance.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 9 août 1620.
Ma
très-chère fille,
Écrivez-moi par le messager de Lyon qui passe par Nevers le mardi, le
mercredi ou jeudi. Enfin, il faut savoir pour une fois son logis et le jour
qu'il passe, car il est fort sûr et de connaissance, et dorénavant je vous
écrirai par là ; pour deux sous ou [455] trois, il y portera un assez gros paquet,
chacun payera son port.
Vous avez très-bien fait de ne pas signer la procuration, et ne faut
rien faire d'importance sans le conseil de Mgr l'évêque ; et, en tout,
croire et voir ce que dit la Règle, car c'est notre loi. Vous êtes bien
heureuse d'avoir un tel prélat. Celez-lui toutefois tous les petits
empressements de notre Sœur Jeanne-Charlotte, si elle en témoigne, et faites
tout ce que vous pourrez pour ne pas donner sujet de continuer l'impression
qu'ils ont contre elle, sans sujet, à mon avis. En tout le reste, ma très-chère
Sœur, vous ne saurez mieux faire que de conférer de tout ce qui sera un peu de
conséquence avec ce bon prélat, vous conduisant envers lui avec un singulier
respect et soumission, déférant et suivant ses volontés en tout ce qui ne sera
pas contre nos Règles, lesquelles, je m'assure, il ne vous requerra jamais de
contrevenir ; et que, s'il le faisait, il se faudrait fondre en humilité
et prières pour l'en détourner. Ès autres choses, s'il est requis de lui
représenter vos considérations et raisons, vous lui en demanderez la licence en
toute humilité, et les lui direz simplement et doucement ; après quoi
soumettez-vous, ma fille, car enfin, ce sont nos Pères, Maîtres et Supérieurs
que Dieu nous a donnés ; il faut donc le regarder, l'honorer et obéir en
eux.
Laissez gouverner cette affaire de madame du Tertre à Mgr
l'évêque ; même je voudrais que l'on n'agît, s'il en est besoin, que
contre elle, et non contre la maison de Moulins. J'écris aussi à notre Sœur la
Supérieure que rien ne se fasse au nom de la maison, car il ne faut pas que nos
maisons aient aucune affaire l'une contre l'autre. O Jésus ! il s'en faut
bien garder. Observons bien nos Règles, ma très-chère fille, et Dieu nous
bénira.
Nous sommes tant obligées au bon M. Bonsidat, qu'il faut avoir un grand
soin de le contenter et de conserver sa bonne [456] volonté. Soyez bien dextre à cela, ma
très-chère fille, et, quand vous ne pourrez faire ce qu'il désirera, faites-lui
dire plutôt par votre bon Père spirituel, mais bien doucement, car il faut
conserver cet ami-là, et lui laisser un peu gouverner le ménage des ouvriers,
sans lui témoigner aucune méfiance, comme en vérité il n'en faut point avoir en
façon quelconque. O Jésus ! non, c'est un homme de bien et entendu, il n'y
a rien à craindre.
L'on peut prendre quelques filles à quatorze ans complets. Or enfin il
faut être grandement respectueuse, humble et soumise aux prélats. Je vous
enverrai une copie du contrat, afin qu'elle vous serve pour faire les vôtres
sur la forme. Traitez toutes vos affaires temporelles et spirituelles avec
extrême douceur, et gagnez les cœurs. Tenez-vous humblement ferme dans
l'observance en tout ; vous n'aurez guère de difficultés, qu'elle ne vous
montre ce que vous devez [faire]. Il se faut défendre de ce bâton tout
doucement. Supportez la fille scrupuleuse, petit à petit elle s'affranchira.
Ne changez guère de confesseur facilement, si vous ne les connaissez
bien ; demandez au Père recteur des Jésuites un Père pour confesseur
extraordinaire, selon la Règle, et à lui ou au Père Lallemand ayez votre
principal recours. Ne dites rien de ceux qui ne vous aimeront pas ; priez
pour eux.
Il faut lire la Règle tous les vendredis, à dîner ; cela se
peut. — Oui, tenez-vous à ce que Mgr l'évêque a écrit pour les médecins. — Il
faut suivre les coutumes de Nessy en attendant que tout soit écrit, et pour
l'Office aussi. — Il ne se faut point lever quand la Supérieure entre au chœur,
si l'on est à genoux ; oui bien, si l'on est assise.
Soulagez-vous, je vous prie, et croyez votre bonne Sœur M.-Hélène [de
Chastellux] ; c'est une brave fille qui vous secondera bien. Traitez avec
elle cordialement et chèrement ; il faut supporter ses petites tendretés
et la faire purger deux fois l'année, sinon que le mal pressât. [457]
Si cette fille n'est pas de garde, il la faudra renvoyer, mais il la
faut servir avec charité. Voilà votre lettre répondue bien en hâte. Certes, ma
très-chère fille, faites bien ce que je vous dis, car, à mon avis, c'est selon
Dieu ; il faut que l'humilité et la cordialité surnagent.
Je vous prie, ma fille, et me tenez pour toute vôtre en Jésus notre
Sauveur et en sa sainte Mère. Amen.
[P. S.] Si la Prieure
vient ici, je la détournerai.
9 août. — Je viens de recevoir votre lettre du 5 de ce mois. Ce
que je vous ai dit suffit quasi pour y répondre, avec ce que je vous ai déjà
écrit.
Mou Dieu ! ma très-chère fille, pourquoi vous étonnez-vous de
toutes les petites contradictions ? n'en ayez pas la moindre émotion du
monde. Nous sommes à Dieu, rien ne nous arrivera que selon son bon plaisir. Eh
bien ! quand l'on nous renverrait d'où [nous] sommes venues, s'en
faudrait-il troubler ?- Nullement, ma fille ; faites donc en paix vos
petites affaires, et ne vous troublez de rien, quand tout renverserait.
Seigneur Jésus ! ma fille, l'on nous a déjà tant prêché cette paix ; au
nom de Dieu, gardons-la, quoi qu'il puisse arriver.
Dieu accommodera l'affaire de madame du Tertre ; Monseigneur de
Genève en a écrit, patience, et gardez l'union, quoi qu'il arrive, avec nos
Sœurs.
Je vous dis derechef, gardez la coutume de Nessy. Vous aurez bientôt
tous les Directoires. Cependant, allez le train de Nessy. Pour les Litanies,
elles se chanteront les fêtes après Compiles, en toutes les maisons. — C'est
mal entendre la Règle de ne pas honorer l'assistante dans le chœur, où elle le
doit le plus être. Il [faut] très-simplement suivre ce que dit la Règle en
tout, ponctuellement.
Il faut faire patienter les jeunes filles. Mon Dieu ! Jésus, notre
Règle ! Et surtout prenez garde que les filles soient de [458] bonne condition en l'esprit. Confiez-vous en
Dieu, suivez vos Règles et vous verrez que tout vous abondera. N'êtes-vous pas
heureuse d'avoir un si bon Père spirituel ?
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.
À MOULINS
Vives remontrances sur les difficultés qu'elle a suscitées
entre les maisons de Moulins et de Nevers.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 11 août 1620.
Ma très-chère fille,
Puisque j'ai le temps de faire ce billet, c'est pour vous prier, au nom
de Dieu, qu'on accommode cette affaire selon que Monseigneur de Genève, auquel
vous vous en êtes rapportée, l'a mandé, ou du moins que ce qui est donné si
solidement à la maison de Nevers y demeure. Cela vous doit être indifférent, ma
très-chère fille, pourvu que vous ayez ce que vous désirez parmi nous ;
que vous doit-il soucier ce que nous ferons de ce que vous donnez, puisqu'il
demeure un fonds suffisant pour votre entretien ?
Au moins, ma très-chère fille, si vous désirez continuer en vos sacrés
desseins de vivre toute à Dieu parmi nous, il faut, s'il vous plaît, contenter
Monseigneur de Genève et le croire ; car pour nous, nous ne voulons avoir
ni débat, ni procès ; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que
vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix, avec la sainte
pauvreté, que tous les biens du monde avec le moindre trouble. Monseigneur de
Genève ne me désavouera point de ce que je vous dis, et je suis un peu étonnée
que, depuis que ses réponses sont venues, nous n'ayons aucune nouvelle, sinon
que l'on presse [459] fort nos
Sœurs de Nevers de rendre ce qui a été reçu, ainsi que me le mande Mgr de
Nevers.
Or sus donc, ma très-chère fille, si vous persévérez, comme je le
crois, qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez
le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis ; car nos pauvres Sœurs
des deux maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas
accoutumé d'ouïr ; elles estiment la paix au-dessus de tout. Donnez-la
leur donc, je vous en prie, et de me tenir toujours pour vôtre, etc.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
On ne peut contraindre les Religieuses de faire ce qui est
opposé à leur Règle et aux décisions de leur chapitre.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 11 août 1620.
Faites tenir sûrement ce billet à Monseigneur, ma très-chère petite. Je
vous écrivis l'autre jour par un courrier ou par le messager ce que je pensais.
Enfin l'on ne peut contraindre des Religieuses de faire contre [d'agir
contrairement à] ce qui est de leur chapitre et de leur Règle, et je m'assure
que ce très-bon prélat [de Lyon] ne le fera pas. Dieu soit votre conduite. Il y
a longtemps que nous n'avons eu nouvelles de notre Sœur M.-Jacqueline [Favre].
Ma fille, persévérez-en votre train, et Dieu vous bénira.
Je salue très-chèrement toutes nos Sœurs. Vous ai-je dit que nous avons
reçu une très-brave fille des plus grandes familles [460] de Paris, et qui donne céans quinze mille
écus ? J'aime mieux son cœur que son bien, car il est fort bon. Nos Sœurs
[les fondatrices d'Orléans] sont toujours ici.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
TRÉSORIER DE FRANCE À MOULINS.
Nouvelles instances pour obtenir que madame du Tertre
mette fin à ses prétentions.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 15 août 1620.
Monsieur,
Votre sainte affection à Monseigneur de Genève et à son petit Institut
a toujours égalé votre prudence en la conduite de notre maison de Moulins, et
j'espère que cette même affection vous fera trouver les moyens d'ajuster les
prétentions très-différentes de Mgr de Nevers et de madame du Tertre. Je vous
avoue, Monsieur, que vos raisons très-prégnantes me pressent ; celles
aussi de Mgr de Nevers font de même, et je trouve beaucoup à considérer de
l'une et l'autre part.
Néanmoins je vous dis, avec ma franchise, qu'il me semble (je dis
raisonnablement) que ce que la chère madame du Tertre a donné si franchement
doit demeurer en la maison de Nevers, puisqu'elle continue si fermement au
désir de vivre avec nous ; car autrement nous ne voudrions lui faire faire
de nécessité vertu. Ma raison fondamentale est que messieurs de Nevers n'ont
donné leur permission pour l'établissement des filles et du monastère, que sur
les prières de madame du Tertre, accompagnées des promesses d'une fondation de
dix mille écus, [461] promesse
suivie de fait, d'achat de place en son nom, et de payement du tiers de la
fondation, sur quoi les filles ont été reçues, et la prise de possession faite
par le prélat même, qui y a posé le Très-Saint Sacrement et la clôture, et
l'Office divin s'y fait depuis tous les jours ; de sorte que voilà le
monastère tout établi, et dessus ces premiers fondements temporels qu'a jetés
la bonne madame du Tertre. Comment pourrait-on maintenant retirer ces
fondements sans renverser l'édifice ? car l'un est attaché à l'autre,
ainsi que l'a mandé fort absolument Mgr de Nevers, par deux fois. Vous
semble-t-il, Monsieur, que cela se doive procurer, au moins de notre part, de
ruiner l'une de nos maisons, que la divine Providence a voulu être bâtie pour
sa gloire, pour donner de l'abondance à l'autre ?
Mais vous me direz, Monsieur, et permettez-moi que je vous dise, mon
très-cher frère, puisqu'en vous écrivant plusieurs fois, il m'est venu de vous
nommer ainsi, ce qui n'est point, à mon avis, hors de propos, puisque je
ressens en mon cœur une confiance et affection véritable de sœur envers vous,
que j'honore avec un sentiment de singulière obligation (ceci se dit simplement
et véritablement, quoique hors de propos) ; vous me permettrez, dis-je,
Monsieur mon très-cher frère, de vous dire que ce bien n'est pas nôtre, pour le
partager ainsi. Il est vrai que maintenant que madame du Tertre ayant changé de
dessein, ne voulant plus ce qu'elle a fait, ne peut être contrainte de laisser
ce qu'elle a donné. Je ne sais pas ce qu'en pourrait dire la justice ;
mais je crois très-assurément que n'entrant pas parmi nous, Monseigneur de
Genève ne voudrait nullement que l'on retînt un teston contre son gré.
Oh ! de cela il n'en faut pas douter. Mais entrant avec nous, et notre
maison de Moulins se contentant des vingt mille francs qu'elle y porte,
reconnaissant que cette somme est très-suffisante pour donner à cette chère
damoiselle tout ce qui lui sera requis, et qu'elle a désiré, pourquoi, la chose
regardant le bien de nos maisons, ne pourra-t-on pas approuver [462] l'avis que notre bon Monseigneur de Genève a
donné que l'on partageât les dix mille écus entre les deux maisons ? Au
moins que les dix mille francs demeurent à Nevers, afin que cette maison ne
soit pas renversée. Ç'a été par le conseil qu'on leur a donné à Moulins,
qu'elles sont allées là. Mon Dieu ! quelle apparence de donner sujet à Mgr
de Nevers de les renvoyer ! Mon très-cher frère, ne voyez-vous pas que
cela serait honteux et très-préjudiciable au service de notre bon Dieu, et
qu'enfin les maisons étant nôtres, nous y avons le principal intérêt ; que
cette chère damoiselle a de l'avantage en ce traité, car non-seulement elle possédera
à Moulins, avec sa dot de vingt mille francs, tout ce qu'elle pourrait espérer
de cinquante mille, mais encore elle pourra, quand sa nécessité ou utilité le
requerra, passer à Nevers, et y jouir, en vertu de son bienfait, des mêmes
droits qu'elle fera à Moulins.
Selon mon jugement, je trouve ce moyen d'accommodement très-juste, et
vous supplie très-humblement, mon très-cher frère, de l'embrasser et le faire
embrasser à ma très-chère Sœur du Tertre ; je l'en conjure par votre
entremise, pour l'honneur et gloire de Dieu et de sa très-sainte Mère, et pour
l'amour qu'elle porte à notre petit Institut. Elle a désiré connaître la
volonté de Monseigneur de Genève sur ce sujet ; il l'a déclarée ;
ainsi, qu'on s'accommode et qu'on demeure en paix. Je vous en supplie derechef,
au nom de Dieu, ne voyant point de moyen d'accommoder cette affaire
autrement ; et, confessant franchement que je ne puis rien obtenir
davantage de Mgr de Nevers, qui prétend à la somme totale, et m'en écrit fort
sèchement. À quoi je réponds ce que Dieu me donne, remettant tout entre ses
mains, résolue, moyennant sa grâce, de demeurer en paix et soumise à tout ce
que sa divine Providence en ordonnera.
Je prie nos Sœurs de Moulins de n'agir en façon quelconque par justice.
Seigneur Jésus ! que nous vissions plaider nos [463] maisons l'une contre l'autre ! O
Dieu ! cela n'arrivera jamais, plutôt mille fois nous laisserons-nous
accabler de honte et de pauvreté que d'en venir là.
Mon très-cher frère, si après toutes ces raisons et prières très-humbles,
madame du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle
fasse ce qu'il lui plaira ; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous
défendrons ; à Dieu ne plaise que nous le fassions ! Monseigneur de
Genève m'avouera, et plutôt, je m'assure, l'on quitterait tout d'une part et
d'autre.
Obligez-moi de le dire à notre Sœur la Supérieure de Moulins ; je
lui ai déjà écrit, mais si d'aventure elle n'avait pas reçu mes lettres. Cette
lettre pourra aussi servir pour la bonne madame du Tertre, étant toute lasse
d'écrire pour un peu d'indisposition où je me trouve quasi ordinairement.
Croyez, mon très-cher frère, que c'est notre désir que cette chère Sœur
soit traitée chèrement, doucement et cordialement, comme certes elle le mérite.
Je vous assure, par les témoignages et l'assurance que j'en ai, que ç'a été de
son propre mouvement, qu'elle avait choisi Nevers. Dieu sait tout ce qui s'est
passé pour cela ; j'en ai d'amples lettres d'elle.
Si notre pauvre Supérieure s'est témoignée un peu trop inflexible et
sensible sur la rupture de ce dessein, ô Dieu ! mon très-cher frère, il
faut, pour le respect de sa condition, couvrir ce défaut de faiblesse et
surprise sous le manteau de la très-sainte charité, qui supporte tout, qui
excuse tout, et couvre tous les défauts de ses enfants. Ces dernières lignes,
je les dis à l'oreille de votre cœur seulement, votre bonté et piété me donnant
confiance de le faire.
Mon très-cher frère, je finis en vous conjurant de vous employer
fortement en faveur de la paix et suavité, et de croire qu'en vérité tout m'est
indifférent en ce sujet, sinon la plus grande gloire de Dieu. [464]
Je suis, mais d'une affection entière, Monsieur mon très-cher frère,
votre très-humble et obligée sœur et servante en Notre-Seigneur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
À MOULINS
Grandeur et sainteté de la vocation à la vie religieuse.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, août 1620.]
Oh ! ma fille toute chère, ayez un grand courage et dites
fermement : Je puis tout en Celui qui me fortifie. Oui, ma fille,
Celui qui vous a donné les désirs de vous sacrifier à son amour éternel, aura
le soin de perfectionner son ouvrage ; mais il faut avoir une confiance
toute filiale et enfantine à ce très-bon Père céleste, qui vous a fait
l'honneur et la grâce de vous avoir tirée de l'enfer (je nomme ainsi le monde),
pour vous mettre en sa maison, en son jardin de délices, comme une plante
d'amour et de l'amour de son Cœur céleste,
pour, puis après, vous transplanter en son parterre sacré, et là, vous faire
jouir à l'éternité des délices de sa gloire. O ma fille ! que cette grâce
est précieuse ! Oui, je vous en prie, sacrifiez-vous à tous les travaux
que votre nature vous fait appréhender, et que peut-être elle vous fera
souffrir. Bienheureuse, ma fille, de rendre à notre Sauveur travaux pour
travaux, vie pour vie, amour pour amour, autant qu'il nous est possible, selon
notre petitesse. Oh ! courage donc, ma fille, et l'employez, ce courage, à
supporter encore la mortification de l'absence de vos proches à votre réception
à l'habit ; leur excuse est légitime, car les mouvements de guerre
effrayent tout. Que cela ne vous trouble [465] point, ma fille : Dieu et ses Anges sont nos parents, la
très-sainte Vierge, notre mère ; et puis nos Sœurs et votre bonne
Supérieure vous seront vraies mère et sœurs, et nous vous accompagnerons de nos
prières et de toute la cordiale dilection que vous pouvez et devez désirer,
étant, certes, vôtre sans réserve.
Dieu soit béni !
[P. S.] Je salue
très-cordialement et très-humblement madame ***, je viens de perdre son nom, la
fille de M. le gouverneur. Excusez ma mauvaise écriture, je n'ai loisir de
former mes lettres.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers.
NOVICE À MOULINS
Félicitations à l'occasion de sa prise d'habit. —
Assurance de dévouement et exhortation à l'oubli du passé.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, août 1620.]
Loué soit notre bon Dieu, ma très-chère fille ! vous voilà donc à
moitié mariée avec sa divine majesté. Eh ! Sauveur de mon âme, rendez ce
cœur conforme au Vôtre, et digne de son éternel amour. O ma fille !
puisque la chose est faite, il n'y a rien à dire, mais il faut persévérer
saintement et courageusement, par une fidèle correspondance, à Celui qui vous a
si doucement appelée ; je vous dédie derechef mon âme, pour vous
servir sans cesse, cordialement et franchement. Ma fille, assurez-vous de cela,
et ayez en moi votre ancienne confiance. À [466] l'égard de votre affaire, je suis marrie que tout ne se soit pas passé
à Nevers avec plus de douceur ; mais, croyez-moi, car j'ai le témoignage
de leurs cœurs, elles vont à la bonne foi ; n'ayez plus d'amertume de
cela, ma fille ; je m'assure que votre cœur approuvera la sentence donnée.
Dieu bénisse de sa très-grande bénédiction le très-cher cœur de ma fille
bien-aimée ! Je suis à jamais toute vôtre.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
TRÉSORIER DE FRANCE, À MOULINS
La Sainte se réjouit des bonnes dispositions de Sœur
Marie-Aimée, et justifie la Mère de Bréchard de quelques soupçons.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 24 août [1620].
Monsieur
et mon cher frère,
Dieu soit béni ! Je ne doute point que sa divine majesté ne tire
sa plus grande gloire de toutes les petites traverses qui se sont passées, et
que notre chère Sœur Marie-Aimée ne réussisse [à devenir] une très-bonne
servante de Dieu. J'avoue que j'en ai un grand désir, et la connaissance
qu'elle m'a donnée, par la communication qu'elle m'a faite, des grâces et
faveurs qu'elle a reçues de Dieu, me sollicitera continuellement à la conjurer
de correspondre fidèlement. Qu'elle sera heureuse, cette chère âme, si elle
persévère saintement !
Je suis grandement marrie que les premières lettres de notre bon Père,
Monseigneur de Genève, se soient égarées. Vous en aurez reçu maintenant
d'autres, ainsi qu'il me l'écrit par les siennes du neuvième de ce mois, où il
reconfirme qu'au moins les dix mille francs doivent demeurer à Nevers. Et je
vous dirai confidemment, mon très-cher frère, que j'ai été consolée de voir les
[467] raisons qu'il marque pour cela,
quasi (quoique plus saintement exprimées) semblables à celles que je vous ai
écrites. Or sus donc, je m'assure que la bonté de votre cœur vous fera tout
employer pour persuader cette chère Sœur, si elle en a besoin, afin que
doucement et cordialement elle acquiesce à l'inclination du très-digne Père et
de sa chétive très-indigne Mère.
Un mot de la pauvre Supérieure ; écrivez-moi franchement mon
très-cher frère, ce que vous en avez su. Ce cœur (et me croyez plus que le
monde), c'est un bon cœur, plein d'honneur et de piété. Si quelque petite
altération paraît, écrivez-le moi confidemment. Vous voyez si je vous tiens
pour mon cher frère ; et me croyez encore de ceci, que j'aperçois, il y a
longtemps, quelques esprits plus curieux que charitables ; mais je n'en
veux pas dire davantage. Jésus sait tout, il aura soin de ses servantes ;
je vous les recommande toujours, mon très-cher frère, soyez à jamais leur bon
Père, je vous en prie.
Je n'ai pas le loisir de bien former mes lettres, mais croyez que je
suis entièrement, Monsieur mon très-cher frère, Votre très-humble sœur et
servante en Notre-Seigneur.
[P. S.] L'on m'a fait
entendre que l'on croyait, à Moulins, que notre Sœur Jeanne-Charlotte désirait
ardemment que les dix mille francs, voire davantage, demeurassent à Nevers.
Croyez, en vérité, que cela n'est point, et je vous assure qu'au contraire elle
a poursuivi pour Moulins.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Nevers. [468]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Les difficultés des affaires temporelles ne doivent en
rien troubler la paix, le calme et l'union des cœurs.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 24 août 1620.
Dieu soit béni, ma très-chère fille ma mie, de tout ce que vous me
mandez, que tout est bien calme par delà. Au nom de Dieu, que la réunion des
cœurs soit faite entièrement, car sans cela il s'échappera toujours quelques
paroles qui ne seront pas d'édification. Prenez simplement ce que je vous dis,
ma très-chère amie, et en faites profit ; que vos paroles, que votre
visage, que voire cœur, que tout cela ne ressente que douceur, je vous en
conjure ; que les choses passées s'oublient parfaitement, et maniez le
cœur de cette chère Sœur Marie-Aimée [de Morville] comme autrefois ; que
tout ombrage soit levé, je vous en prie, ma très-chère Sœur. Vous devez,
derechef, avoir reçu des lettres de Monseigneur, qui m'écrit les raisons
raisonnantes pourquoi il faut laisser ceux de Nevers au pays ; j'en écris
à M. de Palierne et à la chère Sœur. Si la fille vient, nous la considérerons.
Je suis bien aise que notre chère Sœur F.-J. vous contente, c'est un bon et brave
cœur ; je ne sais si elle a reçu celle que je lui écrivis il y a quelque
temps.
Certes, vous devez procurer que la visite [canonique] se fasse ;
parlez un peu au Révérend Père Jésuite comme vous pourrez faire cela ; si
vous aviez là quelque brave ecclésiastique, il le faudrait appeler avec le
Supérieur. Faites tenir notre lettre à notre chère Sœur Marie-Jacqueline
[Favre]. Nos Sœurs sont [469] encore
ici, mais je crois qu'elles iront bientôt. Je suis sans loisir, ma très-chère
fille ; vous savez que suis vôtre, certes, je le suis sans réserve.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.'
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Désirs de se conformer en tout aux volontés divines. —
Prudence que doit avoir la Mère Favre pour préparer son départ.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Croyez-moi, ma très-chère grande fille, que vous tenez bien fort votre
rang dans mon cœur, et que, s'il vous fait grand bien de recevoir de mes
lettres, si fait-il, certes, bien à moi d'en recevoir des vôtres, mais surtout
de voir la détermination de votre cœur à suivre Dieu et sa divine disposition.
O ma fille ! demandez fermement cette grâce pour moi qui J'ai fort en
désir, mais qui me sens toutefois toujours penchant du côté du Père [saint F.
de Sales], quoique sans nulle impatience ni inquiétude. J'en suis à l'aventure
privée encore pour longtemps ; cependant, je dis de tout mon cœur :
Que la très-sainte volonté de Dieu soit faite ! Amen.
Il y a ici bien de la besogne. Nos Sœurs sont encore ici ; je crois que, sur le commencement du
mois, elles s'en iront. Notre Sœur Claude-Agnès [Joly de La Roche] est, certes,
brave fille ; je crois qu'elle fera fort bien là : elle emmènera,
s'il plaît à Dieu, une bonne troupe de filles prétendantes.
Vous faites bien de ne point parler de votre départ que quand
[470] il en sera temps ; mais,
cependant, poussez fort la future Supérieure dans les connaissances et
bienveillances, dedans et dehors. Oui, écrivez-moi quand il y aura espérance de
vous retirer sans rien gâter ; je crois que tout s'accoisera à Moulins et
à Nevers. Madame du Tertre a pris l'habit avec édification, [Dieu en soit
béni] ! Certes, si M. de Maussac vous va voir, il lui faut persuader que l'on
élise une Supérieure à Lyon... Dieu conduira tout. Ici, nous travaillons à nous
loger. Cette maison va prou bien, grâces à Dieu. Jésus y soit glorifié
éternellement !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D’ANNECY.
À ORLÉANS
Diverses choses a considérer pour le choix de
l'emplacement d'un monastère. — Éprouver soigneusement les postulantes. — Il
doit presser son retour à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 15 septembre [1620].
Mon bon et cher Père,
Il ne fallait rien moins espérer de la bonté de Notre-Seigneur, qu'une
heureuse issue en une affaire que sa providence avait conduite si avant ;
qu'il soit béni à jamais !
Il faut grandement considérer la place avant que de l'acheter ;
vous y marquez de très-bonnes qualités : grande, bon air, sans vue
étrangère et à bon marché. Le voisinage des menues gens est fâcheux, surtout au
temps des maladies ; l'éloignement des grandes maisons les prive de la
consolation des Offices sacrés ; mais l'on ne peut pas tout avoir. Il faut
prendre conseil de trois ou quatre amis solides d'esprit, du Père Binet, et se
résoudre au nom de Dieu ; mais il faut prendre garde d'acheter sûrement,
et aussi que la maison où elles sont maintenant ne leur demeure pas sur les
bras.
Les filles avec qui l'on a traité pour Orléans ne doivent pas être
refusées, puisque Dieu a voulu qu'elles aient servi de fonds temporel à cette
maison. Nous ferons pourtant ce que nous pourrons pour les conduire ailleurs.
Que l'on me croie, mon très-cher Père, que l'on éprouve bien les filles
d'Orléans avant de les recevoir, et qu'on se laisse importuner pour cela ;
il faut au moins, avant de se charger davantage, dresser celles qui sont reçues,
autrement nos pauvres Sœurs demeureraient sous le faix. Dites-le à notre
Supérieure, et qu'elle s'enquière bien des esprits et de leur condition ;
je n'ose écrire ce que l'on m'en a dit, c'est pourquoi je supplie derechef
qu'ils soient bien éprouvés et que l'on y voie de la douceur et persévérance,
car le bien des maisons dépend du choix des filles.
Je vais écrire un mot au très-bon Père Binet pour le supplier de faire
la charité à nos Sœurs, de les confesser ou faire confesser par quelqu'un de
leurs Pères, deux ou trois mois, attendant que Dieu les pourvoie de quelque
homme bon pour cela ; à Nevers et à Bourges nos Sœurs y ont reçu la même
charité. Et pour la messe, il faudra prendre quelque prêtre ordinaire à qui
l'on donnera selon la coutume d'Orléans ; nous avons fait ainsi longtemps.
Quand vous aurez aidé à cela, mon cher Père, vous pourrez vous retirer, car
Monseigneur étant toujours sur l'incertitude de ses voyages, je craindrais que
vous le trouvassiez parti ; j'en reçus, l'autre jour, des nouvelles ;
il me dit qu'il attendait sa résolution dans deux ou trois jours. Écrivez-moi,
le plus tôt que vous pourrez, le jour que vous partirez d'Orléans, afin que
j'envoie mes lettres à propos. Donnez, [472] s'il vous plaît, ces deux, aux Sœurs à qui elles s'adressent, et leur
parlez particulièrement. J'ai reçu des lettres de Mgr de Nevers, qui se
contente fort de nos Sœurs ; ils sont toujours après les dix mille
francs ; certes, je trouve que ceux de Moulins grossissent leurs
torts ; ils demandent conseil et puis ne le suivent pas ; ils ont
retenu des lettres de Monseigneur pour cela. Cette femme (madame du Tertre),
certes, elle demande des privilèges qui sont fort onéreux ; Dieu y mette
sa main !
Je ne vous dis pas encore adieu, mon cher Père, je vous prie de bien
voir nos Sœurs de Bourges, surtout les trois que nous leur avons envoyées, car
je les aime bien, spécialement notre Sœur Anne-Madeleine. Mon cher Père, vous
savez que je suis vôtre en Notre-Seigneur.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CCLXXXV (Inédite)
- À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD
SUPÉRIEURE À MOULINS
Désir d'arriver à un arrangement de famille pour ne plus
différer la profession d'une novice. — Exigences de madame de Gouffier.
vive † JÉSUS.'
[Paris], 20 septembre 1620.
J'oubliai de vous dire que nous sommes résolues de donner la profession
à notre Sœur Marie-Marguerite, mais avec une condition qui fâchera ses parents
et les intéressera, ce que je ne voudrais pas. Je vous prie, faites voir encore
un effort pour toute conclusion, car de différer, c'est une folie que leur
remise ; il faut conclure.
Caressez-bien madame de Meurle, c'est une vraie bonne et sage dame.
Notre Sœur de Gouffier demande cinq cents écus outre ce que vous lui aviez
fourni ; il y a un article de cinq [473] cents livres pour l'intérêt de son argent. Elle nous traite
rudement ; mais Dieu sait pourquoi il le permet. Jésus Notre-Seigneur
pauvre vous bénisse. Amen. Priez et faites fort prier pour notre Sœur
l'assistante qui est fort malade ; pensez si j'en
suis en peine.
Dieu
soit béni en tout !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CCLXXXVI (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Conseils pour le choix d'une directrice.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 20 septembre [1620].
J'attends des nouvelles pour vous en mander ; ce n'est qu'un
billet pour vous assurer que, grâce à Dieu, je me porte bien maintenant ;
mais notre pauvre Sœur l'assistante est bien fort malade, dont vous pouvez croire
si je suis en peine. Faites fort prier, afin qu'en tout Dieu fasse sa sainte
volonté. Caressez fort madame de N. *** quand vous la verrez ; c'est une
bonne dame qui vous aime fort.
Dressez le mieux que vous pourrez votre prétendue Supérieure. Il vous faudra
une maîtresse, car d'y mettre cette jeune fille, cela serait bien tendre ;
mais toutefois, c'est à vous à juger ; je n'ai le loisir de revoir votre
lettre. Vous savez, ma très-chère fille, ce que je vous suis et à toutes vos
chères filles. Je ne vois goutte.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [474]
LETTRE CCLXXXVII (Inédite) - LA
SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Projet d'une fondation à Valence. — La Sainte commence à
préparer son départ de Paris ; ses difficultés pour trouver un local
convenable à la communauté.
VIVE † JÉSUS !
[Paris,] 22 septembre [1620].
Ma très-chère fille, j'ai reçu trois de vos lettres ensemble, qui me
disent quasi la même chose. Je crois que la première chose qu'il faut faire,
c'est de savoir des Supérieurs de Lyon, s'ils trouveront bon que cette bonne
Sœur et sa nièce portent leurs commodités à
Valence, car je vois que cela est le fondement de toute l'affaire. Il leur en
faut donc parler franchement, et je crois que notre Sœur la novice en doit
elle-même dire son affection au Supérieur ; selon leurs réponses, il
faudra regarder si l'on a une Supérieure à Lyon ou à Nessy, et, pour cela, en
écrire à Monseigneur. Mais le principal est d'être assurée si l'on voudra laisser
à Valence la dot de notre Sœur, et quand on aura résolu d'aller, il faudrait
que celles qui sont là eussent un peu de patience, et cependant elles
pourraient aller à Grenoble ou à Lyon se dresser toujours. Mais, croyez-moi,
qu'il faut bien prendre garde aux filles que l'on reçoit.
Je ne sais encore quand je pourrai partir d'ici, ayant des difficultés
nonpareilles à trouver une maison ; puis on est attaché à moi ; il
faudra se déprendre doucement, crainte de gâter cette maison. Dieu bénisse
votre cœur, ma très-chère fille. Le temps accommode tout. Je vous ai déjà mandé
comme nos Sœurs sont à Orléans heureusement établies. Vous aurez, je crois, M.
Michel à l'autre ordinaire. Notre petite Sœur M.-Catherine de Saint-Bonnet est
toujours là. Le médecin commença hier à nous [475] faire espérer sa guérison. Bonjour, ma fille,
nous sommes accablées d'affaires. Je salue toutes nos chères Sœurs du fond de
mon cœur.
Dieu soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À NEVERS
Il faut habituer les Sœurs à ne rien demander et à ne
rien refuser, et congédier les postulantes qui ne veulent pas vivre selon
la Règle. — Dieu a soin du temporel et du spirituel d'une maison où règne la
parfaite observance. — Il importe pour le bonheur et le repos d'une communauté
de n'admettre que des filles capables de prendre l'esprit de l'Institut.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Hier, je vous écrivis, ma toute chère petite, et sans loisir je vous
conjure de persévérer à votre train ; il est très-bon, grâce à Dieu. Et
quoi de mieux que de s'attacher à ce divin bon plaisir et de s'humilier ?
Ferme là, ma très-chère petite. Certes, ces filles ont tort, qui veulent tant
de choses. Il faut essayer de leur graver [dans le cœur] le document de notre
Bienheureux Père : Ne rien demander et ne rien refuser.
Mon Dieu, ma fille, purgez votre maison de ces filles qui n'y veulent
pas être ; recevez leur offre et témoignage d'affection, cordialement, et
leur en rendez aussi et toutes les Sœurs, car il faut faire ainsi ; mais
mettez-les dehors, au nom de Dieu. Mon enfant, laissez dire tout ce que l'on
voudra dire contre vous ; ne vous en souciez pas, mais humiliez-vous, et
toutes les filles, pour suivre l'intention de Notre-Seigneur. Tâchez toutes, je
vous en conjure pour l'amour de Notre-Dame, de vivre en la plus grande douceur
et union d'esprit qui sera possible et en la parfaite observance des Règles, et
vous reposez en Dieu, [476]
assurées qu'il aura soin de tout, du temporel et spirituel. Dressez bien les
filles que vous avez ; vous n'en manquerez pas. Je ferai tout ce que je
pourrai pour vous en envoyer. Ici, celles qui ont des dots de mille et douze
cents écus ne veulent pas partir de la ville ; mais, si vous pouvez
obtenir de Mgr de Nevers que les filles qui se trouveront avec des bons talents
pour l'esprit, puissent être reçues pour six, sept ou huit cents écus, nous
pourrons vous en envoyer, avec un peu de loisir. Je désire bien fort, ma
très-chère fille, que cette permission vous soit donnée, afin que votre maison
se fasse et se remplisse de bons sujets ; car surtout il nous importe que
les filles soient propres à l'Institut, et je vous conjure, ma très-chère
fille, de tenir la main à cela, selon que nos Constitutions nous l'ordonnent.
Jamais notre bon Dieu ne nous manquera des choses temporelles, tandis que nous
serons fidèles à observer exactement [les Règles de] notre Institut.
Vous aurez bientôt le bon M. Michel ; si vous avez moyen,
faites-lui quelque petite reconnaissance pour la peine qu'il a eue de vous
amener ; nous lui avons donné trente écus pour s'en retourner, nos Sœurs
d'Orléans et nous. Il suffira pour vous que vous lui donniez quatre écus ou
cinq. Il me tarde de savoir de vos nouvelles, ma très-chère fille. Bon courage,
mon enfant ; Dieu a voulu que vous ayez commencé cette maison-là dans les
contradictions ; c'est une marque assurée que sa divine Providence sera
grandement servie, si les filles ont absolue confiance en son soin paternel et
fidèle observance en leur Institut.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
du Mans. [477]
LETTRE CCLXXXIX (Inédite) - À LA
SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Demande de prières.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Si M. Michel [Favre] est passé, faites tenir sûrement ces lettres, ma
chère fille, et faites, s'il est là, qu'il les ouvre, car il y en a une pour
lui. Je vous demande un secours nouveau de vos prières, quelques communions
générales pour mon renouvellement. Dites à notre bon M. Michel que j'ai oublié
de lui demander son secours et à nos Sœurs de Grenoble ; mais n'y faillez
pas, ma chère petite. Adieu, voilà tout. Les saints Anges soient notre
conduite ! Amen.
Payez les ports, car nous envoyons un petit paquet et un chapeau au bon
M. Michel.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
LETTRE CCXC (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Témoignages d'affection. — La Mère Favre après avoir fini
ses six ans de supériorité à Lyon doit aller servir Dieu ailleurs.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Je vous avoue, ma très-chère fille ma mie, que le temps me durait déjà
bien de ne point ouïr de vos nouvelles. Je vois bien que vous me tenez fort au
cœur, et, certes, il n'y a rien en moi qui ne veuille très-bien vous conserver
votre droit d'aînesse ; mais n'en ai-je pas les occasions et
obligations ? Or sus, Dieu [478] soit béni, vos lettres me consolent beaucoup ; nous ferons une
communion générale pour votre maison ; faites le même pour celle-ci,
surtout pour prier Dieu qu'il lui plaise nous loger. Nous avons maintenant
rencontré une certaine place, qu'il semble que Dieu nous l'ait réservée pour le
dessein que nous avons, lequel je vous écrirai quand elle sera assurée ;
je prie Dieu qu'il nous y assiste, puisque tout est pour sa gloire.
Je crois que Mgr de Lyon prétend toujours que vous retourniez là ;
si le cas échet, je crois que cela se pourra faire en passant, car aussi, en
toute façon, il vous en faut retirer ; n'avez-vous pas fait tantôt vos six
ans [de supériorité à Lyon] ? Il faut servir Dieu ailleurs. Je suis
grandement aise de ce que vous me dites, que vous pourrez être libre pour le
printemps ; n'en dites rien que vous n'ayez votre obéissance pour partir,
mais disposez bien tout. Loué soit Dieu du bon Père qu'il a donné à cette
petite maison et de tant d'amis. Ne pensez jamais, ma très-chère fille, je vous
prie, d'être dehors de charge ; il faut porter la croix de
Notre-Seigneur ; un jour, s'il lui plaît, on nous donnera un peu de repos
ensemble. O Dieu ! quelle douceur ce nous serait ! Dieu fasse en tout
sa très-sainte volonté. Amen, amen. [Plusieurs lignes inintelligibles.]
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [479]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Admirables pensées de foi pour se soutenir au milieu des
épreuves. — L'unique but de la vie religieuse est de mourir à soi pour établir
le règne de la grâce.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 1620.
Vraiment, ma très-chère Sœur, je ressens en moi-même vos peines et
difficultés parmi le tracas de vos affaires ; mais quand je vois que c'est
parmi telles occasions que les vertus se perfectionnent et se fortifient, je
dis que vous y demeuriez toujours, tant qu'il plaira à notre bon Dieu, avec une
plus douce et tranquille patience. Enfin, pourvu que celle divine volonté soit
servie et suivie, ce nous est assez.
Nous n'avançons pas nos affaires comme je le désirerais ; mais il
faut aller doucement et patiemment, puisqu'il plaît ainsi à Dieu ; nous
sommes toutefois sur le point de nous loger. Nous avons des bonnes filles, et
je crois que Dieu bénira grandement cet Institut. Il y a grande apparence de
l'établir en plusieurs des principales villes et provinces ; Dieu nous
fasse la grâce de nous bien établir en vertu ! J'espère d'être libre pour
m'en retourner après Pâques, si c'est la volonté de Dieu ; car, au péril
de toutes choses, je désire servir et suivre fidèlement cette volonté de mon
Dieu. Ma très-chère Sœur, il est vrai, cette vie est une continuelle mort, je
veux dire que continuellement nous sommes aux occasions de mourir à
nous-mêmes ; mais quand je vois que c'est pour faire vivre et régner la
grâce, je trouve que nous sommes grandement heureuses, et avons bien raison
d'aimer, louer et bénir le très-doux Sauveur qui nous met en des pratiques de
vertus si saintes.
Vous voyez que je cours et vous parle en passant ; il est vrai,
[480] ma très-chère Sœur, mais vous
savez que c'est toujours de tout mon cœur, vous protestant que mon âme vous
chérit uniquement, et souhaite souverainement que votre esprit et le mien
soient sans réserve à son Dieu, qu'ils ne tiennent qu'à cette immense bonté, et
qu'ils surnagent sur tout ce qui n'est point Dieu. Votre, etc.
LETTRE CCXCII (Inédite)
- À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Une sainte joie soutient le courage.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 12 octobre 1620.
Ma très-chère fille, je mande à M. de Toulonjon qu'il envoie prendre
son argent vers vous ; vous retirerez l'obligation et sa quittance.
Notre Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche] ne m'a point parlé de
l'autre fille dont vous m'écrivez ; je ne doute nullement que Dieu ne
bénisse votre conduite et ne l'approuve. Vivez joyeuse et courageuse.
Faites tenir très-sûrement ce paquet à Monseigneur, car toutes mes
affaires y sont. Quand vous le trouverez à propos, saluez en tout respect Mgr
l'archevêque, car je l'honore très-singulièrement et votre Supérieur aussi. Et
toutes nos Sœurs, je les salue chèrement. Je n'ai de loisir que pour cela.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'orignal gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [481]
LETTRE CCXCIII (Inédite) - À LA
MÈRE ANNE-MARIE ROSSET
SUPÉRIEURE À BOURGES
L'opinion du monde ne nous rend ni plus saint ni moins
vertueux. — Conduite à tenir avec deux dames amies du monastère. — Les Sœurs ne
doivent pas se reprendre mutuellement de leurs imperfections.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Il faut laisser dire le monde et bien faire, ma très-chère fille ;
cela s'évanouira ; vous n'êtes pas meilleure pour le bien que ces bonnes
gens disent de vous. Notre Sœur N*** n'est pas plus mauvaise pour le mal qu'ils
en disent aussi. Dieu soit béni de ce que mademoiselle de Puylaurens fait
bien ; elle sera bien heureuse si elle persévère en la maison de Dieu.
Vous avez raison d'être bien aise de ce que l'on n'entre plus chez
vous. J'écris à Mgr l'archevêque qu'il sera mieux de prendre une place. Il se
faut accommoder fort à l'humeur de madame N***, car c'est une amie utile,
quoique délicate. Il faut porter doucement la bonne madame de N*** en ses
attaques, et bien faire rendre raison, tout humblement et patienter.
Allez votre train, ma très-chère fille ; il y a si longtemps que
Dieu vous y conduit, qu'il n'y a rien à craindre pourvu que vous vous teniez
extrêmement humble, douce, cordiale et respectueuse vers tout le monde et vers
les Sœurs, et très-charitable, vous attachant à votre Règle. Voyez à mettre
quelqu'une des Sœurs pour aider à satisfaire aux novices, de celles qu'elles
agréeront le plus, car il leur faut beaucoup parler, et vous ne pouvez
satisfaire à cela, ni aux jeunes professes, à qui il faut parler aussi.
Notre Sœur N*** est bien tancée de cela, il la faut traiter
cordialement et ne point souffrir aux Sœurs de se dire l'une à l'autre aucune
chose qui marque les imperfections, comme : [482] « Vous êtes attachée à vos parents,
vous êtes tendre », et semblables, car il faut que les récréations se
fassent suavement comme la Règle dit.
Je suis lasse d'écrire, ma très-chère fille.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
La parfaite soumission, plus encore que les suavités,
prouve la présence et le règne de Dieu dans une âme.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 27 octobre [1620].
À jamais, ma fille, à jamais que ce doux Sauveur vive et règne dans nos
cœurs parmi les désolations et les ténèbres. Il est notre lumière ; Il
nous conduit, ne craignons rien, rien ne nous manquera jamais ; encore que
nous ne le voyions point, ni que nous ne le sentions point par les suavités de
sa sainte foi, n'importe, Il est avec nous. Et dessus ce fond sec et aride, il
faut bâtir la solide foi, la ferme confiance et l'amour efficace d'une parfaite
soumission. Tout sèchement, il lui faut dire : Je crois, j'espère, plus
fermement que si f abondais en lumière et suavité. Je me plais à n'en point
avoir, et à vous dire sans goût ni sentiment quelconque : Vous êtes mon
Dieu, je suis toute vôtre et demeure en paix. Je vous écris ce mot avec
impétuosité, sans loisir, mais de bon cœur.
Voyez-vous, la fondation de Valence dépend de savoir si l'on voudra que
la dot de cette bonne Sœur qui a l'habit soit employée à cela.
Je fis porter, il y a plus de trois semaines, le chapeau, un paquet et
force lettres au coche, les avez-vous reçus ? Sinon, [483] envoyez-y et les retirez. Dieu vous
bénisse ! Priez pour les nouvelles maisons. Je suis vôtre. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE LA VISITATION D’ANNECY, À ANNECY
Profonde estime pour les volontés de saint François de
Sales. — Nouvelles du monastère de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Hélas ! mon cher Père, le monde est fait d'une telle sorte que
quiconque entreprendra de le contenter n'en viendra pas à bout ; mais je
crois pourtant que les tètes bien laites ne répugneront point à ce que
Monseigneur aura considéré et résolu. Oh ! quoi que ce soit, il nous
surfit pour nous que ce soit lui, et l'esprit que Dieu lui a donné qui nous
trace notre chemin. Je supplie seulement noire bon Sauveur et sa très-sainte
Mère de lui en donner tout le loisir qui sera nécessaire ; je crois que
peu de jours peuvent suffire pourtant.
Toutes nos Sœurs d'ici vous chérissent et honorent grandement :
certes, si je ne me trompe, elles vont gaillardement bien, surtout en la
douceur et union d'esprit. Depuis votre départ, nous [en] avons reçu cinq ou
six qui sont bien appelées et tout aimables ; plusieurs poursuivent, mais
elles auront patience jusqu'à ce que nous ayons changé de logis. Je vous prie,
mon bon et cher Père, de m'aimer toujours très-bien, encore que je ne sois
point si brave ; et faites bien, s'il vous plaît, mes honneurs et mes
devoirs partout, et à sainte Catherine et à sainte Claire. Vous savez bien
comme vous m'êtes cher et que je suis toute vôtre en Notre-Seigneur.
[484]
[P. S.] Demandez,
s'il vous plaît, à Monseigneur, s'il jugera à propos que l'on fasse une ou deux
petites chapelles dans nos églises, à côté, comme faisant la cloison du grand
autel. Je salue en tout respect Mgr de Chalcédoine, s'il est venu, et le Père
dom Juste.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Espoir de la revoir bientôt. — Il faut mépriser les
attaques de l'envie et marcher avec humilité dans une fidèle observance. — La
détermination de travailler et souffrir pour Dieu, avec le soin de faire
avancer les âmes, est un grand trésor. — Incliner du côté de la médiocrité et
de la pauvreté pour les revenus et les bâtiments. — Annonce de l'impression des
Directoires.
VIVE † JÉSUS !
[Paris]. 6 novembre 1620.
N'en faites jamais conscience de m'écrire, ma très-chère fille ;
car, certes, ce m'est une douce consolation de vous ouïr un peu par vos
lettres. Et pour n'en point mentir, je serais mortifiée si vous me la retiriez,
tant vous êtes toujours davantage, ce me semble, ma très-chère grande fille,
mais cela, certes, d'une sorte très-spéciale, et je voudrais bien en avoir une
douzaine de semblables ; mais patience, il se faut contenter de ce que
Dieu nous donne. Nous espérons de voir ici Monseigneur avec M. le prince cardinal, et nous résoudrons ensemble de notre retour.
Pour moi, je fis hier une agréable imagination que je trouve fort à
propos : je pensais que je vous irais reprendre à votre Montferrand pour
vous ramener à Lyon, là faire élire la Supérieure, car vous le seriez déjà pour
Turin, [485] et partant il
faudrait changer de ton ; cela n'irait-il pas bien ? il me semble
qu'oui, ma très-chère fille. Oh ! si Dieu nous destine cette consolation,
je le supplie que ce soit à sa gloire. Amen.
S'il y a quelque esprit qui vous plaise fort, qui soit bien fait et
bonne vocation, prenez-le, je vous prie, et Dieu [vous] bénira pour cela.
Ah ! que voilà bien l'esprit de notre cher Père, de dissimuler ces petites
mouches que l'envie fait voler partout ; elles essayent de nous piquer, mais
n'y prenons pas garde, allons notre train avec une solide humilité et une
très-parfaite fidélité à nos observances ; Dieu sera pour nous.
Envoyez-moi la copie de cette lettre du digne Père. C'est beaucoup en peu, ma
fille, que l'accroissement de la détermination de faire et souffrir pour Dieu,
cela n'est pas tout seul ; cela, avec le soin d'avancer les filles, est un
grand trésor. Il est vrai, partout les Pères Jésuites nous obligent fort, je
désire que nos maisons en soient fort reconnaissantes.
Ma fille, nous avons un soleil [ostensoir] duquel je suis fort
contente, et n'en voudrais pas un plus grand, car je désire bien fort qu'en
tout, nous aimions la médiocrité ; et, en ce qui regarde les bâtiments et
revenus, j'incline plus du côté de la pauvreté que des richesses. Le soleil
coûte cinquante ou cinquante-deux écus, et un calice, [qui] sera fort beau avec
sa patène, pour quarante ou cinquante écus aussi ; enfin, pour
quatre-vingt-dix ou cent écus, vous aurez deux gentilles pièces, de quoi se
contenter ; mandez-moi ce que je ferai. — Ma fille, il faut mettre un
tronc en votre église, qui soit petit, et n'y mettez point de titre d'écrit
dessus, comme on fait en certains lieux. Oui, ma fille, faites tout ainsi que
les Directoires des cérémonies le marquent, la dernière main y est ; nous
les allons faire imprimer, et si l'on nous donne le loisir, je vous enverrai
les menues cérémonies. — Il faudra, à part, faire le vœu comme il est dressé,
entre Dieu et votre âme, et puis dire : Je renouvelle, et
[486] la suite, comme il se fait
maintenant, lorsque vous serez prête à communier ; mais je vous écrirai un
billet.
Il faut avoir patience pour Dijon ; mais ces bonnes gens sont
justement bien mortifiés. Certes, je vous porterais volontiers envie d'avoir
entretenu le bon Religieux de Saint-Charles ; mais ce sera notre entretien
en vous entretenant s'il plaît à Dieu. Le cœur me rit, ma fille, et j'espère
cette consolation. Toutes nos Sœurs vous saluent chèrement, et moi,
très-cordialement nos Sœurs Claude-Marie [de la Martinière] et Anne-Françoise
[Chardon]. Adieu, ma toute très-chère fille, que j'aime comme Sa vraie fille de
mon cœur. Dieu vous fasse la grâce de le servir sincèrement !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Indécision sur les privilèges que réclame la Sœur de
Morville comme fondatrice. — Encouragements et conseils pour la direction de
cette novice ; ne jamais la laisser au parloir sans assistante.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 27 novembre 1620.
Patience, ma pauvre vraie très-chère Sœur, tout vient à point à qui
veut attendre. Il est vrai, ses parents d'ici veulent aussi qu'elle ait les mêmes
privilèges à Nevers qu'elle a à Moulins, et que la mère et les sœurs entrent
dans ces monastères, tandis qu'elle y sera, lorsqu'elles iront la voir. J'ai
tout mandé à Monseigneur et l'ai fort prié de nous répondre, car ils font
instance là-dessus ; ils ratifieront le contrat incontinent que l'on aura
réponse, je tiendrai main à cela. [487]
J'écris derechef à notre petite Supérieure de Nevers, pour le payement
des trois mille francs et le renvoi des tapisseries et lacis [filet]. La pauvre
madame de Gouffier nous exerce ; je n'oserai certes lui dire que vous ne
lui donnez point d'argent, elle en a un besoin extrême ; faites un effort,
je vous prie, s'il y a moyen. Si nous avions moyen, croyez que nous ferions
l'avance de tout notre cœur, mais en vérité nous sommes fort courtes, et sur le
traité d'une petite maison de seize mille écus, sans la suite qui en exigera au
moins deux mille, comme je pense pour l'accommoder ; mais nous verrons si
nous aurons crédit, car il faut jouer d'emprunt à bon escient.
Non, ma très-chère Sœur, il ne faut plus le Veni, Creator, ni l’Ave,
maris Stella.
Certes, si cette veuve est un esprit bien fait et bien appelé,
prenez-la ; deux mille francs, n'est-ce pas honnêtement en ce
pays-là ? Au reste, nous avons remué tout ce que nous avons pu pour votre
affaire ; mais la fin est que les deniers que vous demandez sont dans
l'état des deniers ou de la recette, et en vain l'on demanderait. Je vous
assure, mon enfant, que je mériterais d'être un peu chapitrée. Mon Dieu !
que de douceur j'espère recevoir auprès de votre cher cœur, qui m'est en
véritable vérité si très-cher et si très-tendre que rien plus ! Or sus,
Dieu nous veuille donner celle consolation ; j'espère que ce sera parmi
cet été, s'il lui plaît, j'en ai bien envie. Vous fîtes grande charité à cette
pauvre petite [Mère] de Nevers ; je m'occupe à leur envoyer quelques
filles, mais avec mille peines à cause de l'éloignement, et s'ils n'ont pas
grand cas, il me tarde qu'elles soient soulagées des filles du bon M. Ronsidat.
Oh ! certes, c'est une grande compassion de voir les instabilités
de cette pauvre Sœur. Dieu, par sa bonté, la fortifie ! De
[488] montrer nos lettres, cela ne se
peut ; néanmoins, si cela lui devait profiter, il faudrait donc que nous
missions toujours un billet à part dedans. Mon Dieu ! que je vous plains,
ma très-chère fille, devenez sainte, je vous en prie, car vous en avez toute
occasion, et Dieu vous en fasse la grâce ! mais soyez au moins bien
paisible, tranquille et joyeuse parmi vos épines Dieu vous y fera trouver les
roses ; j'en supplie sa bonté par tout ce qu'il est puissant au ciel et en
terre. — Je ne voudrais nullement la laisser seule au parloir, si ce n'était
avec quelque bonne amie de la maison ou quelque Religieux ; mais encore
est-il meilleur que non, à cause que la Règle est exacte, il le faut être. Tout
ce que vous pouvez faire, c'est de lier son cœur au vôtre par une grande
franchise et cordialité ; elle témoigne par ses lettres de vous aimer et
estimer toujours grandement, et Dieu le veuille ! ce sera son bonheur.
Vous avez maintenant des lettres de Monseigneur ; l'on ne dit plus
rien de leur venue ; toutefois, si le roi passe ici l'hiver, il y a bien
de l'apparence. Il est tard, mon enfant, je suis lassé ; je lui vais
écrire un mot et à M. de Palierne. Dieu soit votre force, votre vertu, votre
paix et votre consolation ! Ainsi sera-t-il, je l'en supplie de toute mon âme, qui est
certes à vous sans réserve.
Dieu
soit béni !
[P. S.] J'ai reçu vos
trois lettres depuis quatre jours.
Un cordial et très-cher salut à notre très-chère fille Jéronyme [de
Villette] ; j'aime son cœur maternellement ; elle le sait bien et il
est vrai.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [489]
ASSISTANTE À ANNECY
Désirs de voir les Sœurs d'Annecy fidèles aux
enseignements de leur Bienheureux Père. — Éloge de la communauté de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Mon Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, que j'ai été consolée de voir ce
que m'écrit notre Sœur J.-Françoise ! Enfin, elle me dit qu'elle est toute
guérie, et, si [cela est] vrai, ce serait un vrai fruit des prières de notre
très-cher Père. Oh ! Dieu veuille qu'il soit ainsi et qu'elle
persévère ! Je vous assure que vous avez raison de dire qu'il faut occuper
notre Sœur M.-Madeleine [de Mouxy] ; elle a été assez longtemps sans rien
faire, et me semble qu'il n'est plus besoin de lui laisser tant suivre ses
inclinations. Quelques-unes de nos Sœurs m'écrivent, mais je ne puis leur
répondre. Nous sommes toujours toutes tracassées ; je prie Dieu qu'il leur
fasse la grâce de faire ce qu'elles savent. Certes, je crois qu'il n'y a
Religieuses au monde tant instruites que nous autres, surtout celles de Nessy ; nous serons
grandement responsables si nous ne faisons [pas bien] ; mais je loue Dieu
et le remercie, car il me semble que par toutes nos maisons tout y va assez
bien ; celles d'ici se rendent fort recommandables en la douceur d'esprit
les unes envers les autres, et en l'obéissance ; au moins, certes, l'on ne
me témoigne point de répugnances, grâce à Dieu.
Je savais déjà bien que la Sœur Marie serait brave fille ; je la
salue tout particulièrement, et certes, toutes en général et en particulier.
Avec un cœur tout maternel, je leur souhaite la [490] perfection de l'esprit de notre petit
Institut : la véritable humilité, la parfaite douceur, et cette sacrée
simplicité qui ne cherche et ne dépend que de son Dieu. J'espère, ma très-chère
amie, que Dieu vous aura soulagée de cette mélancolie à laquelle le
divertissement et la patience sont unique remède. Dieu soit votre force. Amen.
Je salue tous les amis et amies.
Certes, si l'assistante ne m'arrêtait ici, je voudrais bien être là.
Conforme à l’original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Sage prudence à garder dans le choix des directeurs. —
Conseils pour la distribution des emplois. — Comment la Supérieure doit
procéder avec les esprits difficiles et pourvoir aux nécessités spirituelles et
corporelles de ses filles.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Ma très-chère Sœur,
J'ai déjà bien entretenu Mgr l'archevêque [de Bourges], lequel, à la
vérité, est plein de bonté et d'une très-grande et sincère affection envers
votre maison et votre personne particulière ; il faut beaucoup et
soigneusement prier pour lui, nous y sommes obligées grandement. Je m'essayerai
de lui faire entendre nos maximes, et à mon cher neveu [de Neuchèze] tant que
je pourrai.
Il n'y a point de doute qu'il faut permettre aux Sœurs de parler
quelquefois, la Règle nous montre comment et à quelles personnes ; tant
qu'il se pourra toutefois, il se faut tenir aux Pères Jésuites. Si les filles
désirent, parler à quelques autres, il faut bien savoir s'ils ont l'esprit
universel, afin qu'ils [491]
nourrissent les filles dans l'esprit de leur propre Institut, car quelquefois
il se trouve de fort bons Religieux qui veulent mettre l'esprit de leur Ordre
en toutes les âmes qu'ils traitent et conseillent : chose qu'il faut
souverainement prévoir et éviter. Or j'espère que si vous prenez le loisir de
parler aux Sœurs, que cela leur retranchera fort cette affection de parler
dehors.
J'ai bien des occupations ; mais je vous assure, ma très-chère
fille, que je parle toutes les semaines une fois à toutes les filles que nous
avons reçues ici : le mercredi je parle à la moitié, le samedi, à
l'autre ; j'espère que vous pourrez faire ainsi quand vous serez déchargée
du noviciat.
Il faut donc, si vous le trouvez bon, à votre dernier chapitre du bout
de l'an, donner à noire Sœur Françoise-Gabrielle [Bally] la charge entière des
novices et celle de l'assistante ; car ces deux charges sont l'une dans
l'autre, et se peuvent porter sans peine ; l'économie pourra être faite
avec la dépense par notre Sœur Hélène-Marie [Le Blanc] ; ou bien, si notre
Sœur Anne-Françoise était capable de l'économie, qu'elle sût ce que c'est que
de ménage, comme il me semble qu'elle en avait la réputation, et qu'elle sût
bien écrire et jeter [compter], vous pourriez lui laisser la charge, encore que
peut-être pour une année il serait mieux de la laisser à notre Sœur
Hélène-Marie avec la dépense. Je voudrais donner l'infirmerie à notre Sœur
Marie-Marthe [Legros], et la faire surveillante ; la porte, à notre Sœur
Jeanne-Françoise, et, pendant les Offices, la commettre à notre Sœur Anne-Marie,
qui serait assistante de la porte et du parloir ; la sacristie, à notre
Sœur Marie-Louise, avec une assistante un peu forte pour balayer et faire les
choses les plus pénibles ; le réfectoire, à notre Sœur
Marie-Madeleine ; la roberie, à notre Sœur Claude-Marie, ou à l'une des
filles d'Orléans, si elles y sont plus propres. Mais si notre Sœur Claude-Marie
ne pouvait faire la roberie, il lui faudrait donner la lingerie, et la roberie
à notre Sœur Anne-Marie, [492] car
je crois que cette bonne Sœur sera propre à plusieurs bonnes charges. Il
faudrait donner à quelqu'une des Sœurs qui n'aurait point de charge, la
distribution des ouvrages, filet, aiguilles, épingles, dés, et semblables
petites choses nécessaires aux Sœurs et à leurs ouvrages. C'est pour décharger
l'économe, laquelle donne les choses susdites en gros à cette Sœur destinée,
qui les distribue après en détail, à mesure que les Sœurs en ont besoin ;
et, à elle, les Sœurs remettent leurs ouvrages, lesquels elle rend en gros à
l'économe quand ce sont des filasses ou linges neufs, enfin des choses qui lui
doivent être remises. Je pense aussi aux officières qui ont besoin
d'aide ; il leur en faut donner aussi, et faire en sorte que personne ne
soit surchargé de besogne à la maison, afin que l'esprit de la sainte douceur
et dévotion ne soit étouffé. Voilà, ma très-chère Sœur, ce qu'il me semble pour
l'ordre de votre maison ; conférez-en avec la Sœur assistante, et faites
ce qui vous semblera le mieux.
Je repense à ce que vous me dites de notre Sœur Claude-Marie ;
c'est la vérité que je crois que l'office de la dépense ou du réfectoire lui
serait propre, et voire, celui de la dépense tout à fait, pourvu qu'elle suive
le train ordinaire, et qu'elle se lie fort bien avec l'économe, qui de sa part
devra contribuer de la discrétion et douceur. La roberie, vous la donnerez à
une autre.
Je m'assure que vous ne laissâtes pas aux Sœurs l'opinion que notre
Sœur N*** était causeuse ; elles ont tort de dire telles paroles et avoir
telles impressions ; mais cette bonne Sœur-là a bien tort aussi de
prétendre à cette charge.
La Supérieure peut, de sa seule autorité, changer les offices ;
mais, certes, sinon que pour quelque grande utilité elle y soit portée, elle
fera toujours mieux d'en conférer premièrement avec l'assistante, et quelques
autres des plus capables et vertueuses pour voir ensemble ce qui sera le mieux,
puis en [493] conférer à
l'assemblée avec les conseillères, par manière de proposition. Que si elles
donnaient de solides raisons pour changer quelque chose de ce qui aurait été
jugé à propos en la petite conférence, je voudrais qu'il fut reçu, afin que
tout se passât plus suavement ; car, sur toutes choses, il faut avoir une
grande union, douceur et suavité ensemble ; autrement l'esprit vrai se dissipera.
Or, la douce, cordiale et franche communication est merveilleusement propre à
cela.
Puisque vous voyez que notre Sœur N*** ne profite pas de vos petites
mortifications, qu'au contraire cela l'inquiète et la trouble, je pense, ma
très-chère fille, que vous devez grandement lui condescendre, lui parlant
souvent, lui témoignant un grand amour et cordiale affection ; ne la
rebrouez plus, mais lâchez de lui donner de la force et du courage pour
surmonter ses mauvaises inclinations. Ce que vous ferez sans doute, lui
témoignant de l'amour et du zèle de sa perfection, et ne la reprenant qu'avec
ces témoignages ; car c'est un bon cœur pour les malades et infirmes. Il
vaut mieux excéder du côté de la charité que de la sévérité.
Si les filles montrent des tendretés en leurs incommodités, il ne faut
pas faire semblant de les voir tandis qu'elles souffrent ; mais, étant
guéries, il leur faut faire voir doucement, les encourageant, et enfin leur
témoigner en tout et partout un extrême amour, douceur, support et zèle de leur
avancement. Ayez grand soin de tous leurs besoins, les pourvoyant de tout,
autrement n'auront-elles pas raison d'en prendre. Si donc nous voulons que nos
Sœurs se reposent et confient en nous, et nous laissent le soin d'elles-mêmes,
tant spirituel que temporel, certes, ma très-chère fille, il faut le prendre,
et nous charger de tout ce qui les regarde ; c'est en cela surtout que
nous devons exercer notre maternité, et c'est pour cela que l'on nous commet la
charge des âmes. Je pense, ma fille, que vous trouverez bon que je vous parle
ainsi, et que vous aurez soin de [494] faire ce que je vous dis. Je vous assure, mon enfant, que c'est
l'unique moyen de tenir nos Sœurs tranquilles. Faites lire souvent les
Entretiens de Monseigneur, voire, même à table, et tenez main à ce que l'union
et douceur soient surtout conservées.
Il ne faut rien changer au maniement de vos affaires que Mgr
l'archevêque ne soit là. Certes, si M. de N*** et madame de N*** se pouvaient
unir, cela irait bien. Il faut les entretenir tous deux le mieux que vous
pourrez.
La pauvre Sœur N*** m'écrit bien toutes ses difficultés et
nettement ; c'est un esprit mélancolique qu'il faut soulager
grandement ; faites-la épargner aux avertissements et contradictions, et
lui tenez son cœur gai et content tant qu'il vous sera possible, et faites-le
même à toutes les autres. Je vous promets, ma très-chère fille, et vous assure
que c'est le plus grand moyen que vous leur sauriez donner pour leur
avancement. Je suis vôtre, ma fille.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
À BOURGES
Se livrer sans réserve à la pratique de la simplicité, de
l'observance des Règles et d'une sainte indifférence.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Votre grande lettre m'a singulièrement consolée, ma très-chère fille,
de voir votre candeur à découvrir votre pauvre cœur. J'espère, ma fille, que
Dieu qui vous a donné la lumière [495] de tous vos manquements, vous donnera la force et la grâce de n'y plus
retomber. Je vous souhaite souverainement la pratique exactement amoureuse de
nos saintes Règles, et que vous cheminiez devant Dieu avec grande simplicité,
ne chargeant votre esprit d'aucun soin, ni désir, ni prétention de chose
quelconque. Laissez-vous sans réserve entre les mains de Dieu et de
l'obéissance, sans jamais plus faire de réflexion. Mais, ma très-chère fille,
faites bien cela, et soyez aussi patiente sous votre ancienne croix. Aimez
cette abjection et vous tenez fidèle. Dieu aura soin [de vous] délivrer au
temps acceptable, comme aussi assurez-vous que j'aurai soin de votre
consolation sitôt que Dieu m'en ouvrira les moyens, mais n'amusez pas votre
esprit à cela, et croyez que, comme vous m'aimez d'une filiale et parfaite
affection, je vous chéris aussi d'un amour très-maternel ; croyez-le, n'en
douiez jamais, ma très-chère fille.
Je salue nos pauvres chères Sœurs, surtout celles que vous me nommez,
et en particulier ma chère et bonne Sœur Marie-H. Je lui ai fait réponse à sa
grande lettre ; je crois qu'elle l'aura reçue maintenant.
Bonsoir, ma très-chère fille, je suis entièrement vôtre.
Je salue tous les amis et amies, surtout M. votre confesseur.
Conforme à l’original gardé à la Visitation du Mans.
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Nécessité de faire élire une Supérieure à Lyon. — Il faut
s'oublier soi-même pour ne penser qu'à Dieu. — Affaires. — Sentiments de la
Sainte sur la capacité de quelques Sœurs.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 8 décembre 1620.
Ma très-chère fille,
J'ai eu l'honneur et la consolation de voir le bon et révérend
[496] Père Jésuite ; et depuis
j'ai reçu la vôtre dernière, sur laquelle je n'ai rien à dire, puisque Mgr de
Lyon ne veut point que nos Sœurs de nos autres maisons se mêlent avec les
siennes. Je suis certes marrie que l'on mette des différences et que l'on fasse
des tiens et miens, mais il n'y a remède ; pourvu que nous autres soyons
toujours très-unies en l'esprit, comme j'espère que nous serons, moyennant la
grâce de Dieu, il suffira pour le bien de l'Institut, qui nous doit être plus
cher que tous les biens du monde.
Quant à [ce qui] est de partir de Lyon sans l'obéissance particulière
de Monseigneur, vous ne le devez pas faire, et vous devez lui en écrire à
l'avantage et lui faire savoir le tout. Mon Dieu ! votre bon Père
spirituel de là ne saurait-il obtenir de Mgr de Lyon l'élection d'une
Supérieure chez vous ? Cela semble être nécessaire, car pour notre Sœur
Marie-Jacqueline [Favre], il ne faut pas s'y attendre, elle est destinée
ailleurs, et je ne pense pas que la maison de Lyon se pût passer de vous pour
encore.
Il est vrai que pour quelques mois cela n'est rien ; mais il
faudrait donc, auparavant de partir, vous faire élire ou celle que Dieu inspirerait
à la communauté. Or sus, soit ainsi que notre bon Dieu voudra, et qu'il sera
expédient pour sa plus grande gloire ; car, au péril de tout le reste,
moyennant sa grâce, nous n'aspirerons jamais qu'à cela. Louée soit sa bonté
infinie de vous avoir délivrée de la tyrannie de ces vaines craintes !
Ah ! ma très-chère fille, quand sera-ce que nous nous serons oubliées
parfaitement, et que nous ne verrons plus que Dieu ? C'est une grâce qui
dépend de sa seule miséricorde.
Je salue, mais très-chèrement, M. votre bon Père supérieur de là.
Assurez-le, je vous prie, que je l'honore et chéris, non selon son mérite, mais
de toute mon affection. Je salue aussi toutes nos très-chères Sœurs, un peu à
part nos très-chères [497] anciennes
M.-C. et A.-Louise. Mon Dieu ! que j'aime ces Sœurs-là, et
la bonne Sœur Colin, Raton, et une autre dont je ne me souviens pas le
surnom ! et toutes, certes, sont écrites au milieu de mon cœur, qui leur
souhaite abondance de toutes miséricordes et grâces.
Nous avons acheté une fort bonne et commode maison, mais je crois qu'il
ne s'en faudra pas la moitié qu'elle ne revienne à cinquante mille écus. Le
premier achat n'est que de seize mille écus. Bonsoir, ma très-chère
fille ; Dieu vous rende toute sienne ! Je ne sais quand nous retournerons
encore. Je vous enverrai un plan, car je suis après à eu faire faire un pour
toutes nos Sœurs qui se veulent bâtir. Veille de la très-sainte Conception de
Notre-Dame.
[P. S.] Mon
Dieu ! ma fille, je crois que la cousine de la Sœur Raton ne peut en façon
du monde être encore capable de lui commettre une maison ; elle ne peut
avoir pris en si peu de temps l'esprit de l'Institut, ou il faudrait qu'elle
eût travaillé comme un Ange, et je me souviens pourtant que notre Sœur M.-J.
m'en écrivit quelques difficultés. Une Supérieure met tout le bien et le mal
dans une maison. Pour moi, j'aimerais beaucoup mieux que l'on ne fit point de
maison ; mais si notre Sœur M.-Catherine [de Villars] a de la santé,
oh ! je crois qu'elle a de la vertu, et vous ne devez en façon quelconque
les proposer qu'on ne vous le demande, sur quoi vous direz simplement votre
sentiment. Je crois que Mgr de Lyon ou votre bon Supérieur doivent considérer
cela et faire l'élection avec [498] vous : vous êtes assez proche de Monseigneur pour prendre son
avis, s'il en est besoin. Jour de la Vierge.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Sagesse et prudence que doit avoir la Supérieure pour le
gouvernement de la communauté. — Il faut laisser aux Sœurs une certaine liberté
dans l'exercice de leur emploi. — Ne jamais permettre l'entrée du monastère
pour de simples visites, mais pour le seul motif d'une retraite sérieuse.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Ma très-chère Sœur, je n'ai loisir que pour ce billet. Si l'on vous
parle de la tille dont [vous] m'écrivez, nous la verrons et considérerons. Vous
avez raison de traiter doucement la petite Sœur Marie-Françoise
[Thibaut] ; vous pouvez dire toutes ces petites particularités aux bons
Pères Jésuites, qui vous conseilleront et aideront en la conduite de ces
filles ; ce sont gens sages et experts, j'en ferais ainsi. Allez ainsi que
Dieu vous inspirera. Si notre Sœur N. se rend trop sèche, il lui faut faire
connaître son défaut, car elle est capable d'être reprise et avertie. Continuez
en votre chemin, et le faites voir, comme vous nous l'écrivez, au Père
principal, si vous y avez confiance. J'écris au bon Père recteur pour voir si
l'on pourra remédier au mal que fait la dame dont vous m'écrivez. Parlez
hardiment au Père de sa conduite envers vous et vous en conseillez : pour
moi, c'est mon sentiment de la déprendre tout bellement de son gouvernement.
Et quant à ces choses de la maison, il les faut faire entre vous
autres, comme notre coutume porte. Si elle en dit quelque [499] chose, il lui faut répondre bien
doucement : « Madame, notre Mère même n'a pas accoutumé de nous lier
les mains ; elle laisse faire librement aux Sœurs ce qui est de leur
charge, afin qu'en forgeant elles deviennent orfèvres ; » mais cela,
si vous le trouvez bon. Prenez conseil du Père, et surtout de Notre-Seigneur et
des Sœurs, que je salue cordialement.
Non, il ne faut laisser entrer ni Religieuses ni autres pour des
simples visites ; mais si quelque femme voulait faire une absolue retraite
pour quelques jours, et que Mgr l'archevêque lui donnât licence d'entrer pour
cela, il serait bien fait de la recevoir ; autrement, point. Adieu, ma
bien chère fille.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même, archives de la Visitation d'Annecy.
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Concession d'une dot en faveur de la fondation de Valence.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1620.]
Cela va bien, ma très-chère fille, que Mgr de Lyon permette à la bonne
Sœur de laisser sa dot pour Valence ; je
serai bien aise que cette fondation se fasse et que l'on prenne quelques filles
à Nessy, où elles sont si extrêmement chargées, que c'est grande pitié. Je n'ai
loisir de voir ce que vous m'écrivez. Dieu vous bénisse ! Je suis toute
vôtre, comme vous savez.
Saluez toujours le Père spirituel de ma part le plus chèrement que vous
pourrez, je vous en supplie.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [500]
NOVICE À BOURGES
Moyens de persévérer et de se perfectionner dans sa sainte
vocation.
[Paris], 1620.
Ma très-chère fille, je vous conjure de n'oublier jamais la miséricorde
que vous avez reçue de Dieu par votre vocation et réception en cette Religion.
Soyez fidèlement invariable en la résolution d'y persévérer par une exacte
observance des Règles et de toutes les choses de l'Institut ; sevrez votre
esprit du souvenir de toutes les choses passées, et l'appliquez à Dieu par un
fréquent ressouvenir de sa toute présence et de sa bonté sur vous. Faites bien
soigneusement tous vos exercices spirituels avec attention à Dieu. Exercez-vous
en l'humilité, par la soumission de votre jugement et volonté en toutes choses,
comme [501] aussi par
l'obéissance et condescendance licite ; aimez les corrections,
avertissements et autres humiliations ; faites gaîment et de bon cœur les
choses basses et abjectes. Que la sainte humilité soit votre plus chère vertu
et la simplicité vos délices, et ainsi vous rendrez votre âme agréable à Celui
qui daigne la désirer pour épouse. Faites donc fidèlement cette pratique, et
Dieu vous bénira, ainsi que de tout mon cœur j'en supplie sa bonté. Amen.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers.
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Logement et entretien du confesseur. — Il faut avoir un
clerc pour le service de l'autel.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 22 décembre 1620.
Or sus, loué soit Dieu, ma très-chère fille ! Voilà votre cœur en
fort bon état ; il l'y faut maintenir, n'ayant soin que de contenter notre
très-bon Seigneur et Maître.
Il ne sera que bien que le confesseur soit logé près de vous, dans
l'enclos, pourvu que ce soit toutefois en lieu décent qui ne touche pas votre
logement ; mais faites voir le lieu au Révérend Père du noviciat, et il
vous dira bien s'il sera propre ou non. Il faut que les Sœurs tourières soient
logées aussi dans l'enclos joignant le tour. Quant à nourrir le confesseur,
cela est assez indifférent quand ils sont personnes faciles et aisées.
Néanmoins, je n'ai jamais eu inclination à cela, au contraire, l'ayant un peu
essayé, j'ai pensé qu'il était mieux qu'ils fissent leurs dépenses à part. Il
vous faut aussi nécessairement un clerc pour faire les choses requises autour
de l'autel, car [502]
Monseigneur ne veut pas que ce soient les tourières qui en approchent ;
ils demeureront ensemble, et il servira le confesseur.
Eh bien ! votre fondation de Valence, qui y sera Supérieure ?
Certes, je pense que la maison de Nessy l'eût aussi bien fournie, car il y a là
encore des bonnes filles et expérimentées. Mais il faut laisser gouverner Mgr
de Lyon, et bien remettre toutes choses entre les mains de Dieu ; car enfin
c'est sa bonté qui fait tout, et qui a tout le soin de pourvoir ces petites
maisons. Il soit béni éternellement ! Faites-le remercier du soin qu'il a
de nous. Saluez mes chères Sœurs ; je me recommande à leurs prières. Je
suis toute à vous.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [503]
À MOULINS
Le sentiment de sa propre faiblesse ne doit point diminuer
une entière confiance en Notre-Seigneur et en sa sainte Mère. — Nécessité de
l'oraison et du fréquent recours à Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, janvier 1621.]
Oh ! Dieu soit loué, ma très-chère fille, de ce que vous êtes un
peu soulagée et encouragée en vos exercices. Ayez confiance, ma fille, et
cheminez paisiblement tant qu'il vous sera possible, sous la protection du Fils
de Dieu Notre-Seigneur, et de sa très-sainte Mère. Assurez-vous qu'ils ne vous
abandonneront point, encore que vous soyez faible, et que vos pas ne soient si
grands ni si forts que vous désireriez et qu'il serait requis à votre
prétention. Ils regardent à notre bonne volonté, laquelle rendra enfin ses
fruits en temps et lieu. Je supplierai continuellement leur infinie bonté, car,
ma très-chère fille, vous ne sauriez croire combien votre cœur est avant dans
le mien, et l'espérance que j'ai qu'un jour, moyennant la divine grâce, il sera
selon le Cœur de Dieu. Vous n'êtes
point appelée à choses petites, ma fille, c'est pourquoi il faut que doucement,
mais généreusement, vous correspondiez. Il me semble que sur toutes choses, la
sainte oraison et les fréquents retours de l'esprit à Dieu vous sont
nécessaires et utiles ; car si une fois les sentiments du céleste amour
prennent le dessus dans votre cher cœur, oh ! tout le reste sera facile.
Et c'est cela [504]
particulièrement que je prie Dieu de vous donner et que je ferai demander pour
vous, par une communion générale, à toute notre communauté, le jour du grand
saint Antoine. Joignez-vous à nous, et votre chère Mère aussi, laquelle a un
véritable et ardent désir de votre bien. Au reste, ma fille, je suis bien
consolée de vous y voir cette confiance ; elle est juste et bien fondée.
Si la chère Sœur de Frouville peut, elle vous écrira ; c'est un bon cœur,
qui fait fort bien. Adieu, ma fille toute chère, l'infinie Bonté vous comble de
son saint amour. Amen. Vous savez qu'en Lui je suis toute vôtre. Que son
nom soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Riom.
LETTRE CCCVII (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Témoignages d'affectueuse estime. — Vertus qui doivent
spécialement reluire à la Visitation. — Projet d'une fondation à Turin. —
Inconvénients à recevoir des jeunes filles qui ne seraient pas appelées à la
vie religieuse.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, janvier 1621.]
Je vous assure, ma très-chère fille, qu'il n'y a que l'impossible qui
me puisse empêcher la consolation que je reçois en vous écrivant, surtout
voyant que votre très-cher aimable cœur en reçoit, par l'incomparable amour
qu'il me porte, quelque contentement. Véritablement, c'est le seul soulagement
des cœurs qui s'aiment en Dieu
parfaitement que cette communication ; surtout je reçois une édification
et suavité grande de voir toujours votre chère âme dans l'absolu abandonnement
à la divine Providence. Oh ! quel bonheur, ma très-chère fille, et quel
repos ! Demeurons là invariablement, et qu'elle nous porte et transporte
où elle voudra ; il faut grandement imprimer dans l'esprit de nos Sœurs
cette sainte affection. Je voudrais que surtout l'on vît dans notre Congrégation l'esprit d'une
foi vive, d'une [505] confiance
invariable et d'une dépendance totale de la divine Volonté et Providence, et
tout cela conservé et ménagé dans le sein d'une profonde et véritable humilité.
Dernièrement, je priais Monseigneur, qu'à la fin de nos Règles, il nous
inculquât cet esprit : sa lettre est admirable que vous m'avez
envoyée ; enfin cet esprit se va toujours fondant davantage en Dieu ;
sa divine bonté nous le conserve.
Nous vous connaissons fort bien, ma très-chère fille ; faites
seulement que l'observance soit ponctuellement gardée, et ne déclinez ni à
dextre ni à senestre ; nous ferons prou, au reste, regardant Dieu et
attendant de Lui tout ce qu'il nous faut, comme je sais que c'est votre
pratique.
J'ai reçu des lettres du Père dom Juste et [de] la signora Genevra. Ils
me mandent que M. le prince prend l'affaire plus à cœur, et que nous leur préparions des
filles, et qu'elle espère que nous irons ou qu'elle viendra ici faire son
noviciat ; cela va, comme je crois, à la fin de l'été. Dieu en dispose
selon son bon plaisir ; vous êtes pour cela, je le vois bien.
Pourvu que les barreaux soient bien près l'un de l'autre, il suffira
pour maintenant. Il est vrai, la Règle ne dit rien des filles ; mais les
jeunes filles, si elles ne sont grandement bien appelées, ne nous sont pas
utiles. Si toutefois celles-ci ont bonne vocation, je crois que vous ferez bien
de les recevoir à cause de l'obligation [due] aux parents, et bien faire
entendre la grande difficulté qu'il y a en cela ; je crois qu'à la revue
de la Règle, on en dira un mot. Toutes nos Sœurs vous saluent chèrement, et je
fais le même aux Sœurs qui sont avec vous. Tout à part à nos Sœurs C.-M. [de la
Martinière] et A.-F. [Chardon]. Bonjour, ma vraie très-chère et unique fille. Dieu
soit béni ! Je crois que Monseigneur ne viendra pas.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [506]
LETTRE CCCVIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET
SUPÉRIEURE À BOURGES
Termes à employer dans les lettres, selon la qualité des
personnes auxquelles on écrit ; éviter les répétitions inutiles.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Il est vrai, ma très-chère Sœur, il vous faut manger peu et souvent,
mais non pas si peu qu'il ne soit suffisant pour vous donner les forces
battantes.
J'ai vu ce que. vous écrivez à M. du N., et faut que je vous dise
confidemment qu'encore que nous devons toujours parler et écrire humblement,
néanmoins il y a des personnes à qui les termes de très-humble et d'honneur
ne doivent pas être employés comme à celui-ci qui est simple
marchand ; comme aussi celui de Dieu vous comble de son très-pur
amour ; il faut dire : Notre-Seigneur vous donne sa sainte
paix ou ses bénédictions, et Nous vous supplions humblement nous faire
le bien ou la charité, et semblables ; et prendre garde à être courte,
ne doublant point les paroles qui signifient une même chose, comme je donne et
distribue, si vous l'avez agréable et que la commodité permette,
laisser à la volonté et discrétion, et semblables qui ne disent rien
de plus. Ma fille, voilà comme votre bonté me donne liberté de vous dire tout,
etc.
Oh ! non, jamais il ne faut prendre de mère temporelle qui
entre ; l'on peut avoir quelque amie particulière qui assiste sans
cela ; aucune de nos maisons n'ont jamais fait cela. Je suis en peine de
la chère petite Sœur du Puylaurens. Dieu la bénisse et conserve, etc.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE CCCIX (Inédite)
- À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX
SUPÉRIEURE A NEVERS
Il ne faut pas se plaindre de la pauvreté, mais être
attentive à maintenir l'union entre les monastères.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Ce mot, ma très-chère fille, n'est que pour vous dire que M. le doyen
et un autre [personnage] de Moulins nous ont fait savoir les grandes plaintes
que vous leur fîtes contre nos Sœurs de Moulins pour ces mille écus, disant que
cette maison traitait cruellement la vôtre de lui vouloir faire payer cela, que
vous étiez tant pauvres que vous n'aviez pas de quoi vivre, et mille autres
choses semblables que ces bons messieurs ont pris prou à la bonne foi et le
rapportent assez simplement, au moins M. le doyen ; car [l'autre
personnage], qui n'a jamais aimé nos Sœurs, en fait ses contes. Je suis marrie
que tout cela se dise, ma très-chère fille, et je ne doute point qu'ils
n'exagèrent ; mais votre cœur m'est si bon qu'il veut que je l'avertisse
de tout, afin qu'il se rende enfin un cœur tout selon Dieu.
Or, ma fille, je vous dis donc que jamais il ne faut faire des plaintes
de nos pauvretés, car cela sent la quayemente, et est contraire à
l'esprit de notre Père, mais surtout, mon cher enfant, il ne faut, sous quelque
prétexte que ce soit, se plaindre de celles du même Institut. Vrai Dieu !
ma fille, quel préjudice cela apporterait à nos âmes, qui ne doivent être
qu'une seule très-unique, ainsi que dit la Règle, et la bonne odeur de
l'Institut, lequel sans doute recevrait tare de voir ce signe de division. Au
nom de Dieu donc, ma très-chère fille, que cela n'arrive jamais ; s'il
nous arrive quelque petite difficulté, adressons-nous à notre premier
Supérieur. Or, voici ce [508] qu'il
faut faire : premièrement que vous accoisiez votre chère âme et écriviez
cordialement à la Mère de Moulins que vous ferez, en ce qui regarde votre
consentement et celui des Religieuses, ce que Monseigneur ordonnera ; je
leur ai donné parole de votre absolue soumission au jugement de ce bon
Seigneur ; car je cautionne hardiment [pour vous].
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Heureuse influence que les Sœurs professes doivent exercer
sur les novices par leur bon exemple. — Nécessité de soumettre sa volonté et
son jugement à la Règle et aux Supérieurs.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 13 janvier 1621.
Ma très-chère Sœur,
Je suis certes marrie de voir dans votre lettre que l'on va toujours le
petit pas. Or sus, il n'y a remède : je pense que toutes, tant que nous
sommes, nous reprenons trop les défauts et pressons trop que l'on
s'avance ; cela fait qu'on s'y accoutume et qu'il ne pénètre pas le cœur.
Je voudrais, que les défauts se reprissent en particulier, fort cordialement et
avec prière, et qu'en général l'on recommandât fort l'amour à l'humilité,
parlant souvent de la bonté de Dieu, de ses bénéfices, de l'éternité, de l'exemple des vertus des
Saints, voire même de celles que l'on sait que nos Sœurs ont pratiquées, et
parler peu des autres Ordres ; et qu'enfin toutes les professes, par
œuvres et paroles, montrassent le chemin, et que l'on fût attentives à traiter
les unes envers les autres avec grand respect et douceur ; je crois que
cette voie profiterait. [509]
Ce que je dis ici à votre dilection, je le dis à toutes nos chères
Sœurs professes, et les conjure, au nom de Dieu, de marcher devant Dieu, et les
novices, avec un cœur large, sans pressure ni inquiétude, mais avec une sainte
et amoureuse confiance, qu'elles s'oublient d'elles-mêmes dorénavant pour
penser à servir la gloire de Notre-Seigneur, et qu'elles prient pour cela plus
que pour elles-mêmes. Combien pensent-elles qu'elles feront un agréable service
à Dieu si, par leurs exemples et prières, elles forment ces jeunes filles et
les rendent agréables à Dieu. Or sus, vivons donc dorénavant comme enfants, et
non plus comme mercenaires. Vous avez, ce me semble, un bon esprit en la Sœur
Élisabeth ; je souhaite toutes bénédictions à son cœur, et à toutes, pour
étrenne ; et courage, je vous prie, toutes.
Il faut parler et faire parler le Père Jérôme à la Sœur M. Françoise,
et enfin en tirer ce que l'on pourra ; surtout il lui faut faire entendre
qu'il faut se soumettre. Pour moi, je crois qu'il y a de la mélancolie et
tentation en ce qu'elle fait si peu ; écrivez-en clairement à Monseigneur ;
peut-être si elle se soumet qu'il l'emportera d'ailleurs, et pourra être des
Sœurs associées. Attendez Mgr de Bourges pour les affaires. Il n'y a point de
doute qu'il ne faille que les parents donnent les meubles et les habits à cette
bonne Sœur, je l'ai toujours mandé, c'est pourquoi il faut les tirer tout
doucement. Il faut dire à part à ma Sœur Claude-M., bien cordialement mais
fermement, qu'elle ne parle plus du grand Office, mais qu'elle aime et estime
le petit et tout le reste des Règles ; si elle ne le fait, elle n'est pas
propre pour nous.
Il faut absolument soumettre le jugement et volonté propre sous la
Règle et les Supérieurs. Dieu vous bénisse toutes ; priez pour cette
maison et pour mes enfants, ils en ont besoin. Il y a le maréchal de camp de M.
de Vitry, ce me semble, qui nous a parlé de sa fille unique ; voyez-la, et
si elle est propre [510] [à la
vie religieuse]. Je suis toute vôtre, vous le savez. Je salue, mais chèrement,
nos Pères Jésuites, nos amis et nos confesseurs.
Pardonnez-moi, le vœu n'est pas failli, et cette façon de parler
comprend les trois vœux.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Poitiers.
LETTRE CCCXI (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Difficultés temporelles pour la réception de la sœur H.-A.
Lhuillier. — La Mère Favre est choisie pour être Supérieure à Turin. —
Nouvelles de la communauté Je Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 7 février 1621.
Ma très-chère fille,
Je m'étais opiniâtrée à ne vous point écrire que je n'eusse la
résolution de votre logement, et encore celle de l'établissement céans de notre
bonne Sœur de Frouville, le contrat de laquelle fut hier passé, après millions
de contradictions, et encore ce matin que nous pensions à lui donner l'habit,
et voilà neuf heures qui sonnent et nous en sommes encore en l'incertitude de
la part de notre Supérieur, pour cérémonie humaine. Oh vrai Dieu ! ma
chère fille, que les choses de cette vie sont pleines de contradictions !
Mais notre bon Dieu, qui les permet pour notre exercice, veut que nous en
tirions grand profit, et certes nous le devons faire ainsi.
Je crois que vous savez que l'on a pris, au nom de notre Congrégation,
la possession du monastère pour Turin, avec douze cents écus d'or de
rente : vous y êtes destinée pour Supérieure ; mais Monseigneur me
mande que les princesses, et ces bonnes âmes qui désirent d'entrer, veulent
avoir la Madré ancienne pour quelques mois ; je ne sais à quoi il
se [511] résoudra ; mais si
l'on nous commet cette obéissance, je crois que ce nous sera grande consolation
de l'exécuter ensemble ; en tout la sainte volonté de Dieu soit faite. La
maison où vous êtes se pourra-t-elle bientôt passer de vous, car je crois qu'il
faudrait en partir autour de la Saint-Jean ; s'il n'y avait que la considération
de Lyon, il ne faudrait pas s'avancer pour cela.
O Jésus ! oui, ma très-chère fille, l'on peut prendre deux
fondatrices qui en pourraient même chacune joindre une autre à elles ; je
vous ai répondu au reste de votre lettre. Nous
attendions Monseigneur avec Mgr le
prince-cardinal ; mais, comme vous savez, l'incertitude de nos princes
nous en fait désespérer ; il a reçu les Règles, je les attends. Nous avons
toujours force bonnes filles qui prétendent et attendent notre logement pour se
retirer avec nous ; celles qui sont déjà font bien, et cela chemine avec
grande suavité, Dieu merci. Adieu et bonjour, ma toute chère fille, et à toute
votre troupe. Le froid me presse de finir, il est rude ici. Il me tarde que je
sache de vos nouvelles, nous n'en avons point eu depuis les fêtes ; enfin,
notre très-sainte Dame et Mère nous favorise toujours de l'issue de quelque
bonne affaire en ses octaves ; remerciez-en Dieu, il nous fasse la grâce
de la bien servir. Amen. Dieu soit béni. Ne vous ai-je pas dit que notre
Sœur de Gouffier n'était plus avec nous ?
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry. [512]
SUPÉRIEURE À BOURGES
La nourriture commune doit être saine et suffisante ;
retrancher toute plainte à ce sujet. — La Règle qui ordonne de rendre compte de
la conscience à la Supérieure et à la directrice n'impose pas l'obligation de
leur déclarer ses péchés.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Ma très-chère Sœur,
Notre bon Dieu vous conduise avec votre chère petite troupe que j'aime
singulièrement, et leurs noms me sont gravés dans le cœur, je vous, en assure.
Recevez humblement toutes les charités que Mgr l'archevêque vous fera ordonner.
Vous aurez donné l'habit à notre bonne Sœur Anne. Il me semblerait à propos, devant que de le
donner à l'autre, de la voir un peu persévérer en ses bonnes résolutions ;
néanmoins, je cède toujours aux conseils des bons Pères, et j'honore
singulièrement le Révérend Père principal ; saluez-le, et qu'il se souvienne
de mes misères, afin de m'impétrer l'aide de mon Dieu.
J'ai parlé au révérend Père recteur ; il faut bien que la plainte
du vivre vienne de cette bonne Sœur N. Je ne sais ; il me semble que
l'ordinaire allait assez bien pour les filles saines, vu qu'aux infirmes on
pourvoit selon leurs nécessités ; néanmoins il se faut soumettre aux
conseils, faire tout avec discrétion, puis souffrir patiemment les
caquetteries. Il faut pourtant témoigner que par toutes les maisons les Sœurs y
sont fort bien et contentes, et que jamais l'on n'y a ouï telles plaintes,
quoiqu'elles n'aient pas de meilleures portions ; que nous trouvons un peu
étrange d'ouïr tant parler de cela ; et enfin, faisant bien, il faut
souffrir les paroles, cela se passera. Il faut dire au Père qu'il le demande
aux Sœurs, et je m'assure qu'il les trouvera contentes, [513] excepté N. ; mais faites cela pour une
fois, et puis allez votre train, et dites hardiment que c'est une tentation et
qu'il faut suivre notre coutume ; que puisque la chose est bien, et que les
Sœurs sont contentes, et ont en leurs nécessités tout ce qui se peut souhaiter,
il faut demeurer en paix. Mais voyez aussi avec l'assistante et les
conseillères que la chose soit ainsi. Je vous prie, ma mie, communiquez de tout
avec elles, et faites ce qu'il vous semblera être bien selon la coutume et la
nécessité, et encore pour aider à la satisfaction, puis laissez dire.
Ce ne pouvait être de nous que ce bon Religieux parlait, car jamais
cela ne nous advint de contraindre les filles à dire leurs péchés ; il y a
longtemps que l'on le dit des Carmélites, mais elles le font aussi peu que
nous, et en ce point il me semble que nous gouvernons les unes comme les
autres. Vous ne devez point douter que notre méthode ne soit bonne, puisque
Monseigneur l'a approuvée, mais il est impossible que tous les esprits se
rencontrent ; l'expérience nous fait voir l'utilité de cette manière, et
combien de profit font celles qui se découvrent simplement. Il faut pourtant
aller avec grande retenue, avec les prétendantes, jusqu'à ce qu'elles soient
bien amorcées par l'amour, qui leur donne après la confiance. La bonne Mère
Carmélite n'avait garde de dire leurs méthodes, auxquelles je sais pourtant
qu'elles sont exactes. Enfin, ma très-chère Sœur, il faut toujours laisser les
Sœurs en pleine liberté de dire ou de ne pas dire leurs péchés ; et ce que
le Directoire dit qu'elles parleront pour se confesser, ce n'est sinon
pour leur apprendre la méthode et les éclairer, aider et instruire en la façon
qu'elles doivent s'accuser des choses qu'elles demandent, afin de les rendre
claires et courtes tant qu'il se pourra. Ce qu'elles ne voudront pas dire, il
ne leur faut pas demander. Or, si vous avez recours à la Constitution
vingt-quatrième, vous verrez que les Sœurs ne sont point exhortées de dire
leurs péchés secrets. Le Directoire est ou doit être conforme ; il
ne faut jamais [514] s'enquérir
de ce point, mais seulement les aider en ce qu'elles déclareront, et j'espère,
en la bonté de Notre-Seigneur, qu'elles auront des âmes si pures qu'elles
persévéreront en la simplicité et confiance qu'elles ont toujours eues, par
laquelle elles ont saintement avancé ; mais il les faut laisser, en ce qui
regarde le péché, dire ce qu'elles voudront, sans faire semblant que l'on en
connaît davantage, tâchant néanmoins de les aider discrètement.
Si cinq onces de viande ne suffisent, faites-en donner six ; mais
il ne faut pas passer cela ; il sera bon de donner le lundi et le
mercredi, à souper, du bouilli et du potage, comme le matin.
Pour Dieu, mon enfant, ne vous laissez point aller aux
attendrissements ; il faut laisser passer tous ces dits et aller notre
train ; grâce à Dieu, il est bon. Soyez joyeuse, courageuse, cordiale,
ouverte et veillante sur votre troupeau ; parlez hardiment de tout avec
notre Sœur Françoise-Gabrielle, et l'employez fort aux affaires et à votre
soulagement, bref, en tout, car c'est une bonne et sage fille. Mais, mon cher
enfant, soyez fort généreuse, ouverte et joyeuse. Dieu vous tienne de sa main.
J'aime chèrement nos Sœurs, mais un peu à part ma petite brebis. Dites-le à son cœur et à madame sa mère, et
à toutes nos amies mille saluts.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [515]
SUPÉRIEURE À MOULINS
Difficultés que les gens du monde font aux Religieuses
pour le règlement de leurs affaires temporelles. — Obligation pour la
Supérieure d'entretenir les Sœurs tous les mois, et de procurer leur avancement
dans la perfection. Elle-même doit faire avec soin ses exercices spirituels et
assister exactement aux récréations.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 16 février 1621.
Je suis marrie, ma très-chère Sœur ma mie, de ne vous pouvoir dire le
fait ou le failli de votre requête. Oh ! enfin les pauvres Religieuses ont
peu de crédit ; l'on m'a promis merveilles, mais l'on [ne] sait
quand, et l'on dit qu'il faut tenir des voies par lesquelles je prévois que
l'on s'égarerait. On ne m'a pas désespérée du tout, mais toutes ces difficultés
me font craindre ; si le bon M. de Feu vient, nous verrons à faire tout ce
qui se pourra, et aussi vers l'oncle de notre fille. Je vous assure que c'est
une misère nonpareille que d'avoir affaire avec le monde, et nous pourrons bien
faire ce que nous pourrons de notre part, sans rien attendre de lui. Dieu est
notre seule espérance.
Je ne sais que vous dire de vos petits chérubins ; j'aimerais [516] mieux
les laisser que de hasarder à faire contre l'intention de Monseigneur, il faudrait
lui demander à lui.
Mon Dieu ! ne renvoyez pas cette fille de la Reine mère, si elle
est propre ; ne lui donnez pas aussi l'habit, mais faites-la écrire à la
reine même, si elle l'aime, et à ses parents, mais toujours fort humblement et
doucement, en sorte que l'on ne voie point que nous soyons ardentes aux biens
du monde.
Certes, mon enfant, il faut parler aux Sœurs tous les mois. Commettez
une Sœur pour vous soulager au temporel, et travaillez surtout au
spirituel ; car nous sommes Supérieures spécialement pour cela, et ne
devons traiter les choses temporelles qu'en un esprit de grande paix et
indifférence.
De l'oraison du matin, vous pouvez n'en faire que demi-heure, mais je
la ferais absolument ce peu de temps si l'impossible n'empêchait. Il suffira que
vous lisiez les Constitutions jusqu'à votre Règle comprise ; mais il le
faut faire, et n'employez pourtant [pas] à cela le temps que vous devez aux
récréations et à parler aux Sœurs aussi, car il est force de se récréer un peu
l'esprit. Faites-vous soulager, je vous prie, tant qu'il vous sera possible, ma
pauvre très-chère Sœur, car c'est une mort de n'avoir pas le temps de faire les
exercices spirituels ; certes, il est impossible, quand cela manque, que
la pauvre âme ne s'en ressente.
Je n'ai point ouï dire que vous ayez écrit pour faire donner ces cinq
cents francs pour notre Sœur de Gouffier ; nous ferons ce que nous
pourrons pour la faire contenter. Elle demande aussi que cette mais..... on [deux lignes coupées].
Jamais je n'ai vu, que je sache, ni ouï parler de la fille dont vous
m'écrivez. J'ai écrit pour la fille de M. Bonsidat. Croyez, ma très-chère amie,
que surtout nous devons être fidèles à Dieu et à nos Règles en la réception des
filles ; tout le bien des maisons dépend de là.
Je crois que notre Sœur de Nevers vous aura répondu sur [517] les trois mille livres. Quand on aura ici
fait la visite, je vous écrirai sur ce sujet.
Adieu, ma très-chère et très-aimée Sœur ; Dieu sait ce que je vous
suis.
Conforme à L'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
ASSISTANTE À ANNECY
Prudence à garder dans la réception des sujets. — Comment
on doit faire les habits. — Conseils pour des réparations aux bâtiments. — Ne
pas dispenser les Sœurs de la récréation sans grande nécessité. — Désir de
revenir à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 1621.]
Vive Jésus ! que je supplie par son infinie douceur nous faire
part des fruits sacrés de sa très-sainte croix !
Vous nous enverrez, je m'en assure, l'entretien que Monseigneur vous a
fait, avec une prédication que vous nous aviez promise il y a longtemps. Oui,
certes, ma très-chère Sœur, c'est une action la plus importante qui se fasse
parmi nous, que la réception des filles. Dieu soit béni, qui a inspiré Monseigneur
de nous instruire sur ce sujet.
Je vous ai répondu mon sentiment pour ces deux bonnes Sœurs ;
notre bon Dieu en fasse connaître son saint vouloir. Oh ! quel mal que
d'établir en une maison religieuse une âme qui n'y est pas propre ! Je
doute fort, selon que vous me marquez, que notre Sœur N*** ne soit pas conduite du bon esprit ;
que la mélancolie avec l'amour-propre et la superbe inconnue ne dominent là
dedans. Il semble qu'elle soit inguérissable si Dieu n'y donne abondamment sa
lumière ; mais vous avez Monseigneur, par l'avis duquel on ne peut
broncher. Croyez-moi, que si durant le noviciat nous ne faisons bonne montre,
[518] difficilement la ferons-nous
jamais, et moins encore les bons effets ; c'est pourquoi il est très-bon
de purger les maisons aussi bien que les corps, tout s'en porte mieux. C'est
une chose que je ressens fort quand il la faut faire ; mais nous ne devons
[pas] nous arrêter pour cela. Ici nous en renvoyons quantité, et la maison en
va mieux, grâce à Dieu : qu'il soit béni !
Nous mettrons la pièce comme Monseigneur veut, et nous avons déjà
réformé les fentes de nos robes, qui ne sont qu'un doigt au-dessous de la
ceinture. Nous taillons les canevas, en sorte que la robe se met et ôte
facilement ; et, si, au droit du sein il joint le corps, mais dessous tout
est vague, de sorte que celles qui ont besoin de se vêtir ou dévêtir ne se
délacent pas, ains seulement décrochent leurs ceintures ; nous vous
enverrons un patron et comme nous faisons le reste. Que si Monseigneur continue
à vouloir que l’on porte des pièces, mandez-le-nous promptement, afin que nous
en mettions. L'on peut proposer simplement à Monseigneur ce que l'on veut, mais
en sorte que l'on ne tire pas son esprit à nos inclinations.
M. du Noiret est fort bon, mais je ne voudrais pas prendre à tant de
fois les payements, sinon que vous ayez occasion prête de remployer ou employer
utilement vos fonds. La demande de M. le président nous est onéreuse ; car
nous pouvons tirer de la partie qu'il demande sept pour cent, et ainsi [il] serait
bon de n'avoir rien à faire avec lui. Si Monseigneur le conseille, il le faut
pourtant faire. Mais si vous achetez la métairie de M. de Lespine, de quoi
payerez-vous ? avez-vous de quoi ? car je ne sais rien à cette heure
des affaires, sinon qu'après avoir dit et procuré doucement le plus utile pour
là, [il] faut conclure avec paix et le contentement de ceux avec qui l'on
traite, tant qu'il se peut, surtout quand il y a quelques devoirs, comme nous
en avons certes à M. le président, et surtout à sa très-bonne et vertueuse
femme. Je vous ai déjà dit ce que je puis sur l'achat de cette métairie. Pour
le bien de nos Sœurs de Nouvelles, il le [519] faut laisser à M. Flocard, puisqu'il l'a déjà tant gardé. Il sera enfin
bientôt au bout de son terme pour le payer ; mais il faut accomplir le
traité, et puis l'on ne vous importunera plus. C'est une chose qu'il faut
poursuivre que la ratification du contrat des moulins ; mais peut-être que
quand nous serons à Turin, il sera plus facile à l'obtenir, il faut s'en
conseiller.
Je crains que si l'on hausse le comble du parloir, qu'il ne gâte le
jour de notre chœur ; il faudrait voir si cela intéresserait beaucoup. Les
Sœurs [tourières] seraient là plus commodément pour répondre au parloir ;
mais, s'il ne se peut, il faudra faire leur chambre dans le vieux parloir,
faisant la porte auprès de la grande, et dessus on pourra faire la chambre du
prédicateur et le confessionnal que Monseigneur désire, et [qui] certes est
nécessaire. On ferait, pour y monter, un petit escalier dans le vieux parloir.
Il m'est avis que cela se peut bien faire, et qu'il serait grandement commode.
Faites-le considérer par quelqu'un qui l'entende ; ou bien, quand nous
serons là, nous en parlerons. Mais la muraille au bout du verger, pour parer
l'allée, ne la fera-t-on pas ? et rehausser les murailles ?
Tant qu'il se peut, il ne faut pas dispenser les Sœurs de la
récréation ; mais [s'il] est nécessaire, il leur faut laisser la liberté
de se récréer ensemble, et se garder de coupler, tant qu'il se pourra, celles
que l'on jugerait être libres de parler de ce qu'elles ne doivent pas.
Oh ! mon Dieu ! cela se fait-il ? et quand sera-ce qu'occupées
toutes en Dieu, nous ne verrons plus les défauts des autres ? au moins que
la charité couvre et supporte tout.
Je me console en l'espérance de voir tant de braves filles, que je n'ai
point encore vues, et de me reprendre un peu avec elles ; car je vous
assure, ma très-chère Sœur ma mie, que je suis bien tracassée. Il me fera grand
bien de trouver un peu d'aide pour me ramasser. Nous avons en toutes nos
affaires tant de difficultés, qu'il semble qu'elles naissent et renaissent sans
[520] fin ; mais après beaucoup de
peine, Dieu, par sa bonté, donne heureuse issue, et j'espère, avec son aide,
que tout sera comme il faut avant que nous partions, mais ce ne pourra être
précisément à la Pentecôte, car seulement nous espérons aller en la maison en
ce temps-là.
Il faut un peu croire la chère Sœur Jacquement, car elle est si
bonne et si affectionnée et entendue. Je la salue avec toutes nos très-chères
Sœurs et nos chères amies et nos maîtres [maçons].
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Avis relatifs à la construction du monastère. — Il faut
inspirer aux âmes une grande défiance d'elles-mêmes et une grande confiance en
Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Ma très-chère Sœur,
Je n'ai point vu M. Le Berche, mais déprendre sa rente il est
impossible, car, au contraire, il nous faudra emprunter de l'argent pour payer
notre maison ; il n'y aura point de mal de retarder sa sœur jusqu'à Quasimodo ;
il faut faire les affaires sûrement.
Voilà un plan, mais je viens de recevoir des nouvelles de Monseigneur,
qui m'en enverra bientôt un, car il y a encore quelque chose à redire en
celui-ci. Néanmoins, vous ne sauriez faillir en faisant jeter les fondements
selon qu'il est pour les deux logis qui ne tiennent pas à l'église ; mais
je fais tout entendre cela à Mgr l'archevêque, et leur faut laisser conduire
l'œuvre. Je suis pourtant d'avis, comme je dis à ce bon prélat, que vous
donniez la bourse des bâtiments à la Sœur du pays, je veux [521] dire qui soit de Bourges, laquelle paye les
ouvriers tous les samedis, et en tienne bon rôle, essayant aussi d'entendre la
valeur de mille petites choses qu'il faut acheter pour les bâtiments. M. Dormon
vous aidera bien en cela ; M. de Lissey ne laisse d'avoir l'intendance,
mais tenez votre bourse ; nous le faisons ainsi, dont nous nous trouvons
bien.
Certes, je suis consolée de voir notre Sœur Françoise-Gabrielle [Bally]
en la charge de maîtresse [des novices]. Pour Dieu, exerçons-nous fidèlement en
l'humilité, mortification et recueillement, et Dieu nous bénira ; mais
inculquons l'esprit de confiance en Dieu à nos Sœurs, afin que nous méfiant de
nous-mêmes et nous confiant en la divine Bonté, nous cheminions fermement et
fidèlement.
Adieu, mon enfant ; je salue le révérend Père recteur et les
autres Pères.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE CCCXVI (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Plusieurs personnes séculières peuvent contribuer ensemble
à la fondation d'un monastère ; privilèges qui leur sont accordés. — La
seule Bulle qu'a reçue Annecy suffit pour l'établissement d'autres maisons de
l'Ordre.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 4 avril 1621.
L'amour très-sacré de la croix remplisse votre bien-aimé cœur, ma
très-chère fille. Je viens de recevoir votre lettre tout maintenant, et je vous
dis, ma fille, que j'ai reçu toutes les précédentes et y ai répondu. Nous vous
avons dit nous-même que nous avions acheté une maison bien jolie et grande pour
être dans la ville. Il y a beaucoup de bénédictions en cela, dont [522] je loue Dieu ; mais elle ne sera prête pour
y mener les Religieuses de plus de deux mois ; cependant Monseigneur
m'écrit de Lyon que Turin attendra encore jusqu'à Pentecôte. Il faudra bien
aller par delà ; mais quand vous dit-on que vous partiez de là ? car
vous y êtes destinée, à ce que Monseigneur m'écrit encore, qui me mande aussi
que tout va là, à Lyon, exactement et suavement ; Dieu en soit béni.
Quelle consolation, ma très-chère fille, de savoir ces petites maisons pleines
de bénédictions !
Je vous l'ai déjà mandé, que vous pouviez associer à la première
fondatrice encore une autre de son consentement, pour aider à la fondation de
votre maison et subvenir aux frais de vos bâtiments. Au moins les dames
Carmélites le font ici, et crois qu'en bonne conscience vous le pouvez faire
avec la permission et de l'autorité du Supérieur, et par conséquent cette
demoiselle pourra demeurer en son habit séculier, voire sortir, quelquefois,
mais prenez garde de n'y introduire point d'esprit qui nuise à l'esprit
intérieur de la maison.
Oh ! non, il ne faut pas autant de Bulles que de maisons. L'on me
l'a dit ici aussi, mais je l'ai demandé à un grand Père Jésuite qui me dit que
non ; et, en effet, les dames Carmélites n'ont eu que la leur pour le
monastère de Paris. Mais vous ferez bien d'en écrire à Mgr de Lyon, et crois
que (pour arrêter tout discours) il serait bon d'en avoir une qui donnât
pouvoir à toutes les maisons, au moins aux deux premières, de s'établir et de
se multiplier. Oh ! je saurai encore cela plus particulièrement et vous le
manderai, s'il en est besoin.
Je crois que l'on nous attend toujours pour Valence. Pensez-vous point
que la maison de Lyon n'ait guère de fille là plus capable d'être en charge que
notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette] ? car nous l'amènerions bien.
Ne laisserez-vous pas notre Sœur Anne-Françoise [Chardon] à
Montferrand ? J'en serais bien aise, sinon qu'on la voulût à [523] Valence, car de la ramener à Nessy, elles
sont déjà quarante et je ne sais combien encore.
Ma fille très-chère, voici les jours de la grande miséricorde de Dieu, priez pour nous.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Romans.
LETTRE CCCXVII (Inédite) - À LA
MÈRE ANNE-MARIE ROSS ET
SUPÉRIEURE À BOURGES
Nouvelles recommandations sur la façon d'écrire et de
parler. — Madame de Touloujon n'a pas le droit d'entrer dans la clôture. —
Renvoi d'une novice.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Ce sont des petites considérations, ma très-chère fille, que celles du
monde. Il importe peu que l'on dise que nous ne saurions rien faire sans la
Mère des Carmélites. Mais, ma très-chère fille, il ne faut jamais dire que l'on
s'offre à nous servir, encore que le monde use de ce mot ;
mais de nous assister et aider, surtout quand ce sont personnes
de qualité qui parlent. De même, quand personnes de qualité, et surtout nos
Supérieurs nous conseillent quelque chose, il ne faut pas dire que nous y condescendons,
mais que nous y obéissons, et nous soumettons. Ce sont des
petites remarques de civilité et respect ; encore qu'elles soient humaines,
elles ne laissent d'être utiles aux servantes de Dieu. Prenez-y donc garde, ma
fille, et de ne pas multiplier les paroles, soit en écrivant ou parlant, ne
disant jamais, tant qu'il se pourra, plusieurs paroles qui ne disent et
signifient qu'une même chose. Vous voulez bien que je [524] vous dise ces petites choses, ma fille, et
que vous devez vous bien loger et au plus tôt.
Ma fille ne doit pas entrer chez vous. J'espère d'être à Bourges au
mois de mai, si, plus tôt ; alors nous verrons s'il faudra demander cette
licence.
Il n'y aurait nulle apparence de tirer les voix pour donner la
profession à cette bonne Sœur, [novice] depuis un an ; mais si l'on n'y
voit de la solidité et des actions correspondantes à une entière conversion, il
ne sera pas mauvais de tirer les voix pour la mettre dehors. Que si l'on se
résout à ce dernier, il faut que la chose soit exécutée avant qu'on le sache,
et n'en faut parler qu'à Monseigneur et au Père recteur, qui le devront tenir
secret jusqu'à ce qu'elle soit dehors.
Il faut supporter ces filles tendres. Je me contente, puisque la petite
brebis se rend maniable. Ce vous eût été un grand bien que l'on n'eût point
entrée chez vous, cela ne se fait en pas une de nos maisons ; mais puisque
cela est, il faut que vos filles soient sur leurs gardes pour bien édifier, et
que l'on voie reluire l'obéissance et le recueillement. La grande vertu pour
bien édifier, c'est la modestie ; surtout que nos professes donnent bon
exemple. Elles ne m'ont point écrit depuis ; je voudrais savoir si je les
ai offensées, afin que je répare ma faute.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [525]
LETTRE CCCXVIII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE
SUPÉRIEURE À ORLÉANS
Souhaits d'avancement en la perfection. — Éviter toute
louange exagérée en parlant de la Supérieure ou des Sœurs.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.|
Ma très-chère fille,
Cette bonne femme qui s'en retourna l'autre jour vous porta réponse de
bouche à vos deux demandes. Voilà la petite qui est une bonne enfant et de fort
gens de bien. Je n'ai donc rien à vous dire, sinon que ces grands jours je vous
ai grandement livrée entre les mains de Dieu, et avec une affection et désir
tout particuliers que vous devinssiez une grande servante de sa bonté. Mon
Dieu, ma fille, que je le désire ! car si vous le faites, j'espère que
vous servirez utilement à sa gloire et à notre petite Compagnie. Soumettez-vous
bien à Dieu et aux créatures, en tout ce qui ne sera point contre Dieu.
Je suis grandement consolée de ce que vous me mandez, que ma chère
petite maîtresse donne bien l'esprit à ses novices. Il faut
avoir un grand soin à cela, et à bien choisir les filles, car c'est tout le
bien des maisons ; vous-même y devez travailler. Mais, mon Dieu, ma fille,
je ne veux pas oublier de vous dire que notre Sœur Marie-Michelle [de
Nouvelles] me mande que l'on vous tient pour sainte. Elle est assez simple pour
le dire et écrire à d'autres. Pour Dieu, que cela ne se fasse point ; on
peut bien mander que nous contentons, que nous sommes aimées, que tout va
bien ; mais parler de sainteté, vous savez l'aversion juste que j'ai à ces
grands bruits-là. [526]
Voilà comme nous faisons nos tuniques d'hiver et d'été, quoique de
diverses étoffes, et que l'hiver l'on ait par-dessous une cotte.
Bonjour, ma fille. Faites prier pour mon fils, qui me donne des sujets
de grande douleur.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes.
LETTRE CCCXIX (Inédite)-
À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Élection d'une nouvelle Supérieure à Montferrand. —
Difficultés que rencontre la Vénérable Fondatrice à quitter Paris. — Éloge de
la Sœur Anne-Catherine de Beaumont. — Deux personnes peuvent s'unir pour fonder
un monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Ma très-chère fille,
Je viens d'écrire à vos messieurs de Montferrand, comme j'en avais eu
la pensée, avant que je reçusse la vôtre ; car je pense qu'il leur fallait
mettre en considération la volonté de monsieur votre père, comme à la vérité et
sans feinte, il serait tout à fait déraisonnable de ne pas faire ce qu'il
désire en cela. J'avais aussi pensé à notre Sœur N*** pour être la Supérieure, et quand je vis
votre lettre et le dessein de vos Supérieurs, j'en fus toute consolée, quoique
en vérité, si l'on m'en donnait le choix, je sais bien laquelle je
prendrais ; mais, comme vous dites, le monde se prend à l'écorce. Or,
j'espère que notre Sœur [plusieurs
mois effacés] ; mais
avez-vous quelque fille pour la seconder ? Je me souviens bien de nos
Sœurs M.-Élisabeth et Anne-Françoise, qui sont, certes, de bonnes filles. Or,
voilà qu'il ne faut donc qu'exécuter. Et l'autre jour, ma Sœur la Supérieure de
Moulins, sur ce que je lui demandais de notre Sœur F. J. [de Villette], me
manda qu'elle voyait bien qu'on ne [527] l'y lairrait plus guère, et certes, je ne voyais pas dans Lyon de fille
plus capable qu'elle pour être Supérieure, et je pensais qu'au moins nous la
ramènerions ; car aussi faut-il rendre ma Sœur Marie-Hélène de Chastellux
à Moulins, et en mener une à Nevers. S'il plaît à Dieu, je crois qu'il serait
bon que notre Sœur F. J. fût un peu là avec vous ; qu'en dites-vous, ma
très-chère fille ?
Et ce m'est avis que, si la fondation de Turin ne presse grandement,
que nous ne devrions nous en aller que vers la fin d'août. Que vous en semble,
ma fille ? mais il faut laisser gouverner nos maîtres. Je m'en vais écrire
à Monseigneur sur tout cela, et qu'il nous mande un peu franchement ce que nous
ferons ; car il ne me dit rien, sinon que la fondation de Turin ne
pressera qu'à la Pentecôte ; mais je lui mande que nous ne pouvons pas
sitôt partir, d'autant que nous n'irons dans notre maison qu'environ la
Saint-Jean, et il faut un peu de temps après. Certes, on fait bien du
grommellement pour ma retraite ; mais je dis, par le commandement de
Monseigneur, que je reviendrai, et que je ne suis pas encore prête à
partir ; enfin personne du monde ne goûte cela. Je ne dis mot, car je sais
bien que celle qui demeurera est très-sage et très-vertueuse ; elle est
grandement aimée et estimée ; nos Sœurs l'admirent et disent qu'elle n'est
pas imitable ; mais, nonobstant, c'est chose étrange combien elles
craignent mon départ. Pourvu que ma Sœur l'assistante ait soin de se rendre
attrayante et ouverte, elle fera des merveilles ; car elle est tout à fait
sage, vertueuse et judicieuse. Pour les affaires, elle n'y entend guère, mais
aussi nous n'en lairrons point de fâcheuses. Tout va bien, grâce à Dieu, avec
de très-bons amis, et surtout de braves et très-bonnes filles, et en grand
nombre, grâce à Dieu.
Quant à la fondatrice, je vous y ai déjà fait réponse, ma très-chère,
et tout aussitôt que j'eus reçu votre lettre ; et vous disais que vous la
pouviez encore recevoir ; car ici, les [528] Supérieurs des Carmélites ne font nulle difficulté d'en recevoir deux,
et voici comme ils ont fait pour le couvent de la ville : madame de
Longueville, monsieur son fils, madame sa belle-fille, sont les premiers
fondateurs ensemble ; M. de [plusieurs mois illisibles] ; ainsi voilà un exemple moderne sur lequel vous ne pouvez faillir. J'en
avais écrit à Monseigneur il y a longtemps, savoir si l'on pouvait en prendre
deux comme cela ; il ne m'a rien répondu ; c'est signe qu'oui, car je
lui ai demandé que dans ce qu'il approuverait il ne m'y fît réponse que par
silence. Tout ce que vous avez à regarder, c'est de traiter avec des esprits
qui soient bons et sociables, qui ne troublent rien. Pour la somme de dix mille
francs, en ces pays-là, c'est plus considérable que vingt mille ici.
Mais à propos de fondatrice, le père de la vôtre première, au moins je m'imagine, qu'il vint l'autre
jour céans pour me prier de vous écrire que vous ne détournassiez plus madame
sa fille de se ranger à sa volonté ; que madame sa femme lui avait écrit
qu'elle ne pouvait plus recevoir aucune assistance ni obéissance d'elle. Or,
ceci suffit pour vous donner à entendre le reste ; vous pouvez penser ce
que je lui répondis. Voyez, ma très-chère fille, si vous pouvez leur faire
donner quelque satisfaction par cette bonne dame.
Quoi plus à dire ? car en vérité, ma fille, nous avons bien des
affaires, mais pourtant, je m'offenserais volontiers de ce que vous m'ordonnez
de vous faire écrire par une autre main ; il me serait impossible, et Dieu
sait le rang que vous tenez dans mon cœur ; mais je pense que mes lettres
se perdent (car je vous ai tant écrit que nous avions une maison, et vous me
mandez que c'est M. de Mongelas qui vous l'a mandé) ; je ne serais pas
contente de cela. Oh ! certes, nous avons une maison qui reviendra à près
de vingt mille écus ; mais elle est [529] commode, et plus que tout, c'est que nous en avions une dont on
voulait avoir trente et quarante mille écus. Ma très-chère fille, Dieu habite
éternellement dans nos cœurs. Je vous recommande [plusieurs mots illisibles]. Je vous envoie nos lettres ouvertes, voyez si
elles ne gâteront rien ; si elles ne sont bien, ils ne connaissent pas
bien mon écriture, faites-les refaire, comme vous jugerez qu'elles seront
mieux, et mettez ou plutôt faites mettre le dessus comme il faut. Adieu, ma
très-chère fille, que j'aime de tout mon cœur, et à laquelle je suis sans
réserve aucune.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
LETTRE CCCXX (Inédite)
- À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Voyage du B. Évêque de Genève à Lyon. — Envoyer une copie
de la Bulle obtenue par Mgr de Marquemont.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 4 mai 1621.
Ma très-chère fille,
Dieu soit loué de la consolation qu'il vous a donnée de la venue de
notre unique Père. Plût à la bonté divine que la compagnie de céans eût reçu
cette même grâce ; j'espère qu'elles en feront profit. Or sus, je vous
écrirai à loisir un de ces jours ; maintenant je vous demande tout
promptement une copie des Bulles que Mgr l'archevêque a obtenues (pour
convertir la Congrégation en Religion), collationnée par un notaire,
mais je vous en prie et tout promptement. Dieu vous bénisse.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [530]
Désir de connaître les dispositions de saint François de
Sales pour son retour et celui de la Mère Favre à Annecy.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Vous ne me dites rien, ma très-chère fille, de nos Règles, de ce que
Monseigneur vous a dit, s'il n'a point parlé pour votre visite, qui sera
Supérieure à Valence, ou qui demeurera à Lyon pour mener les Religieuses ;
si l'on fera retourner bientôt notre Sœur M.-Jaqueline [Favre], ou si l'on
s'attend que nous retournerons ensemble, comme elle et moi en avons l'espérance
et le désir, si l'on nous laisse faire ? Mais ce ne pourra pas être devant
notre fête. Enfin, dites-moi voir un peu quels sont les pensées et les desseins
de tout cela en vos quartiers, car Monseigneur ne m'en dit rien du tout, sinon
qu'il faut que nous retournions toutes deux pour aller à Turin. Ma Sœur m'écrit
aussi qu'on ne lui mande rien de toutes ces dispositions-là, croyant, dit-elle,
qu'on se sera adressé à moi, et moi je crois que c'est Mgr l'archevêque qui ne
nous en résoud rien.
Pour cette fille, oui, retardez-la jusqu'au retour de ma Sœur et de
moi, sinon qu'elle arrive devant moi. Je crois que si Mgr l'archevêque ne veut
[pas] que notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette] aille ailleurs qu'à
Moulins, que nous vous la ramènerons à Lyon, parce qu'il faut que nous
ramenions notre Sœur de Moulins qui est à Nevers.
Je n'ai que cela à vous dire, sinon que vous recommandiez fort à nos
chères Sœurs de prier bien fort Notre-Seigneur pour mon fils et pour ma fille
qui est bien enceinte. Dieu vous [531] bénisse, ma très-chère fille. Vous savez bien que nous sommes toute
vôtre. Dieu soit béni.
[P. S.] Ce sont des
livres pour Monseigneur, envoyez-les très-sûrement.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Réserve à garder dans la communication des Règles.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 5 mai 1621.
...Pour Dieu, tenez votre esprit au large et libre, faisant ce qui vous
semblera le mieux avec votre conseil, auquel vous devez vous reposer, surtout
pour les affaires. Je ne saurais relire votre lettre, je ne pense pas qu'il y
ait rien d'importance à y répondre, car pour tout ce que le monde dit qu'y
saurait-on faire ? Quelle apparence, je vous prie, d'aller montrer les
Règles à messire chacun ? Ne suffit-il pas de les communiquer aux
amis qui les désirent voir, et à ceux qui les demanderont pour l'accroissement
du service de Dieu. Je ne puis passer outre.
Adieu, ma fille, Dieu soit votre conduite et de toutes nos Sœurs.
Celles d'ici se portent mieux, mais madame de Gouffier est tombée malade.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [532]
LETTRE CCCXXIII (Inédite)
- À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Incertitude de son départ de Paris. — Conseil pour le
choix des Supérieures de Valence et de Montferrand.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 11 mai 1621.
Je pensais bien, ma très-chère fille, recevoir de vos nouvelles par ce
dernier ordinaire ; mais me voilà, comme je crois, frustrée de mon
attente. Or sus, Dieu soit béni. Je n'ai eu nulle nouvelle de Monseigneur, dès
le 20 mars que vous m'envoyâtes une de ses lettres ; mais j'espère qu'il
se porte bien, s'il plaît au bon Dieu. De vous dire quand nous partirons d'ici,
je ne le sais pas, car Monseigneur n'a encore rien commandé d'exprès, et, si
rien ne presse de delà, ce serait le mieux pour ici que je pusse être un mois
ou deux en la maison de là, en laquelle nous ne passerons que pour la
Saint-Jean, et je crois aussi que ce serait le grand profit de la maison de
Montferrand, que ma Sœur n'en partît qu'environ ce temps-là, afin que sa
retraite se fit plus suavement et utilement ; car, autrement, la petite
nouvelle maison pourrait être intéressée. Il faudra enfin y faire aller notre
Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette], laquelle, comme je crois, y sera plus
goûtée, et notre Sœur Claude-Marie [de la Martinière] pour Valence. Ma Sœur m'a
écrit qu'on avait ainsi résolu à Lyon, mais qu'elle n'avait encore reçu nul
commandement exprès. Or, je crois qu'il est nécessaire qu'elle introduise cette
nouvelle Supérieure, la dresse un peu, et qu'elle fasse quelques professes
avant que partir.
Voilà ce que je vous puis dire, et de plus qu'avec l'aide et la
[533] grâce de Notre-Seigneur, nous
serons toujours prêtes d'obéir très-simplement et promptement. Certes, ma
très-chère fille, je serais bien aise de voir votre chère famille ; je
l'aime grandement. Je me recommande à leurs prières. Celle de céans est aussi
très-aimable, grâce à Dieu. Bonjour, ma très-chère fille, vous savez bien que
je suis toute vôtre. Certes, je salue de tout mon cœur M. de Maussac.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy,
À BOURGES
Avantages des maladies.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Ma pauvre très-chère fille,
Je viens de savoir votre incommodité corporelle. Dieu vous aime bien de
vous donner cette souffrance ; enrichissez votre cœur de toutes les
saintes vertus, car les bonnes maladies en donnent un bon sujet. Je prie Dieu
qu'il vous fortifie et vous rende selon son Cœur, et la santé telle que sa
bonté juge vous être utile.
Je suis de cœur toute vôtre ; mais ne m'oubliez point sur le lit de
votre croix, où je vous révère et chéris parfaitement.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [534]
SUPÉRIEURE À NEVERS
L'humilité, la générosité et l'exactitude d'une Supérieure
attirent l'Esprit de Dieu en elle. — La Sainte demande qu'on la nomme notre
Mère d'Annecy. — Obligation de renvoyer une novice sans vocation. — Bien
qu'apporte la confiance des Sœurs et de la Supérieure au confesseur. — Dieu
regarde à la ferveur et non pas au nombre des Religieuses.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Or sus, Dieu soit béni, que vous trouvez cette fille à votre gré !
Éprouvez-la bien avant que de lui donner l'habit. Dieu vous donnera son esprit,
n'en doutez pas, ma très-chère fille, afin de conduire cette maison saintement,
pourvu que vous soyez fidèle à bien observer nos Règles et Constitutions, et ne
vous en départir sous quelque prétexte que ce soit, mais tout cela avec une
sainte douceur, générosité et liberté. Regardez toujours à Dieu avant que de
rien faire ; et croyez, si vous êtes humble et confiante, qu'il vous
inspirera toutes ses volontés. Pour Dieu, témoignez ce que vous devez avoir
dans le cœur, un grand amour et estime envers la maison de Moulins. Ne soyez point
en souci pour l'affaire temporelle, Dieu l'accommodera ; mais témoignez
toujours que vous quitteriez plutôt tout, que de plaider contre notre Institut,
quand on vous parlera de cela ; car autrement n'en parlez point, ma
très-chère fille.
Certes, je crois que c'est chose utile de rendre la fille de N*** à ses
parents. Mon Dieu ! confiez-vous en Dieu ; ne regardez point au bien
ni au monde. Choisissez les filles comme la Règle dit, et soyez assurée que
vous ne manquerez pas ; mais, patience.
Nullement, ne donnez pas nos Règles aux N*** ; à quelques Pères
Jésuites, bon ; aux Minimes aussi, s'ils le désirent, mais [535] à condition qu'ils nous les rendront, disant
que Monseigneur les veut revoir, comme il est vrai. Dieu raccommodera l'affaire
des Carmélites ; il n'en faut point parler, ni craindre qu'elles vous
divertissent les filles que Dieu vous a destinées ; et il n'en faut point
vouloir d'autres.
Que l'on ne m'appelle point notre Mère de Chantal, mais de
Nessy. Ni aussi ne me nommez pas Monseigneur de Genève, j'entends
assez qui c'est quand on dit Monseigneur, car c'est celui que Dieu nous a donné
par-dessus tout autre ; mais c'est entre nous qu'il faut dire ainsi. Je
vous enverrai ses Entretiens le plus tôt qu'il se pourra.
Dieu
soit béni !
J'avais écrit ce billet quand je reçus la vôtre, ma très-chère fille.
Tout ce que cette bonne fille fait ou dit et la source d'où il part, qui est la
légèreté de son esprit, est très-mauvais, à mon jugement ; et, pour moi,
je ne lui donnerais nullement la profession, car elle n'a point les conditions
que la Règle marque ; et, quoi qu'elle puisse dire, vous devez lui
proposer fermement son retardement de six mois, pour son amendement. Si elle le
refuse, après l'avoir encouragée et remontrée, je la mettrais dehors avec le
consentement des Sœurs et le conseil du Père spirituel ; car, ma fille,
c'est en ces occasions où il faut montrer de la fermeté d'esprit, et de la
fidélité à Dieu et à la maison.
Au reste, je crois que les filles doivent avoir une grande confiance
avec le confesseur, et le confesseur et la Supérieure doivent être grandement
unis pour le bien des âmes ; car par ce moyen rien ne sortirait dehors, et
les âmes pourraient être fort aidées et soulagées. Oh ! ma fille, une
autre fois, nous en dirons davantage. Enfin peu et bon, car
ce n'est pas par le grand nombre de Religieuses que les maisons sont agréables
à Dieu, mais par leur bonté, vertu et fidèle observance ; et, pour cela,
il faut [536] bien choisir les
esprits et n'en admettre que des capables. Plutôt mourir que de faire
autrement ! Dieu vous comble de son esprit, ma très-chère fille, mon
enfant, et toute votre chère troupe. Amen.
Vous ne me dites plus rien comme l'union marche chez vous avec
N*** ; la garderez-vous ? Combien avez-vous de filles ? Si nous en
avions ici qui fussent fort bonnes, les voudriez-vous ? ou une Sœur
blanche [plusieurs mots
illisibles], mais qui est un
peu faible de corps, quoique fort affectionnée à cet office, et certes,
très-bonne âme. Dites-moi, car nous vous en pourrions mener. Mercredi nous
donnons l'habit à une [ligne
illisible] que nous désirons vous mener, si nous
pouvons ; et nous l'espérons.
Dieu soit béni !
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Bonheur des âmes obéissantes. — Une Religieuse aura
d'autant plus de capacité pour le gouvernement qu'elle sera plus animée de
l'esprit de Dieu. — Pensées sur quelques Sœurs capables de la supériorité.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 25 mai 1621.
Dieu soit béni, ma très-chère fille, qui vous fait jouir des fruits de
votre confiance et obéissance. O Dieu ! que les âmes qui cheminent par
cette sainte voie vont sûrement ! vous l'expérimentez, et ce m'est une
très-grande consolation de voir votre cœur tout détrempé en la reconnaissance
des douces miséricordes que notre bon Dieu répand sur vous et votre chère
famille, que j'aime très-parfaitement pour la savoir marcher fidèlement
[537] et suavement dans la sainte
observance. Je prie Dieu d'y continuer ses très-saintes bénédictions, et la
glorieuse Vierge, sa maternelle protection.
Je les remercie toutes [vos Sœurs] de la charité qu'elles ont faite à
mes enfants. Hélas ! ma très-chère fille, faites que quelquefois elles
aspirent pour leur salut éternel, car je ne leur souhaite que cela. Oh !
que j'aime ces chères âmes qui ont le zèle de la gloire de Dieu, en la
conservation de leur esprit ; bénies soient-elles éternellement !
Je n'ai garde sur votre résultat de dire que notre bonne Sœur N*** soit
propre ; car moi je ne la connais quasi point. Or je crois que là où il y
a plus de Dieu et de vertu, il y aura plus de bénédiction aussi et de capacité
pour le gouvernement, vu que la pièce maîtresse (pour ce qui est du naturel)
est grande : c'est le bon jugement, et je le crois. Même j'ai l'idée de
cette bonne Sœur en mon esprit, mais il faut grandement prier Dieu et
considérer devant lui si elle aura des forces et de l'expérience pour supporter
la charge de Supérieure, et pour cela j'en vais écrire à Monseigneur qui l'a vue
depuis peu, et qui pourra en donner un avis solide. Il faut bien regarder et
considérer tout avec loisir, car on le peut prendre, d'autant que notre Sœur
Marie-Jacqueline [Favre] sera à Montferrand jusqu'à la Saint-Michel, et pourvu
que la Supérieure que l'on y enverra y puisse être un mois ou six semaines
durant, afin que ma Sœur lui donne les connaissances et intelligences de tout,
il suffira.
Mgr l'archevêque veut-il bien que, s'il n'y a pas à Lyon de filles
propres, on en prenne à Nessy ? Mandez bien tout à Monseigneur.
Or, je pense que notre Sœur Marie-Claire [de la Balme],si elle marche
fermement le train que vous me marquez, fera prou, pourvu qu'elle soit secondée
de quelque bonne et sage Sœur qui l'aide à porter sa charge. [538]
Voilà Valence fourni, Dieu y répande ses bénédictions ; voilà
ce que je vous puis dire pour ce sujet. J'ai mandé aujourd'hui prier M. Jeantet
qu'il allât faire très-humble révérence de notre part à Mgr l'archevêque ;
je désire fort de le voir. Priez pour les affaires de cette maison, à ce qu'il
plaise à Dieu de les disposer selon sa sainte volonté.
Si vous résolvez de mettre notre Sœur Marie-Claire [de la Balme] à
Montferrand, donnez-lui dès maintenant la charge de vos novices pour voir un
peu de quel air elle s'y conduira. Notre bon Dieu soit au milieu de nous et
répande ses dons précieux avec abondance dans nos cœurs ! Amen. Je
salue, mais très-cordialement, votre bon Père spirituel. Eh ! plût à Dieu
que toutes nos maisons en eussent de tels ! Adieu, ma très-chère
petite ; vous savez bien que je suis vôtre tout entièrement. Dieu soit
béni.
[P. S.] Je pensais donner un paquet pour Monseigneur, mais
ma lettre n'est pas écrite, je l'enverrai demain par le messager ; gardez
cependant ce livre et le voyez, c'est d'une grande Sainte.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [539]
LETTRE CCCXXVII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET
SUPÉRIEURE À BOURGES
Affaires.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 1621.
Ma très-chère fille,
Je viens de parler à Mgr l'archevêque de trancher à ce qu'il juge le
mieux pour votre logement. Vous ne deviez jamais vous engager si fort avec
cette bonne femme qui est si tenante. Il n'y a remède. Recommandez bien tout à
Dieu, et il le conduira.
Je n'ai pas le loisir de voir ce que cette bonne Sœur m'écrit ;
vous ferez bien de la faire retirer ; mais il faut qu'elle sorte sans
l'habit, avant que d'en parler, sinon à Mgr [l'archevêque] et aux Pères
Jésuites. J'écris sans clarté ni loisir. Vous savez ce que je vous suis en
Notre-Seigneur. Qu'il soit béni à jamais.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Qualités nécessaires à une bonne Supérieure.— Questions
d'intérêt.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 6 juin 1621.]
Ma très-chère Sœur,
Sitôt que j'ai eu reçu vos lettres, j'ai envoyé le mémoire à M.
Thomassin, et lui ai écrit le mieux qu'il m'a été possible pour la conclusion
de votre affaire, afin de savoir ce que nous devons faire de notre part pour
les recommandations. Ne doutez point [540] que nous n'y apportions tout le soin et la diligence que nous
devons ; ayant fait cela, Dieu en disposera selon son bon plaisir.
Cela n'est point encore bien résolu si l'on enverra notre Sœur [mot illisible] pour Supérieure à Montferrand ; nous
attendons Mgr de Lyon pour savoir ce qui lui plaira.
Croyez-moi, ma très-chère fille, il ne faut point d'autre perfection
pour être bonne Supérieure que d'être fort humble et fidèlement ponctuelle à
suivre la Règle, les Constitutions, et tant de saints conseils que nous avons
en mille lieux, de notre très-cher Père. Si ma Sœur N*** est employée, on lui
donnera des filles les plus convenables selon le jugement des Supérieurs de
Lyon, auxquels il faut laisser disposer de cela, comme en étant fort capables.
Il faut avoir plus de simplicité que de prévoyance pour ces commencements, ne
suis-je pas bien sèche ? Il est vrai que notre Sœur Marie-Marguerite
pourrait bien être directrice ; elle a assez de capacité, mais il lui faut
encore des années ; puis, elle ne désire nullement retournera Moulins, et
il est requis qu'elle demeure ici ; mais, pour cela, ma très-chère Sœur,
vous ne manquerez pas quand nous saurons la résolution de Mgr de Lyon.
Je vous supplie de traiter avec ses parents pour cette rente, si elle
est bonne ; si l'on pouvait avoir de l'argent, il serait mieux ; mais
il en faut sortir, et le plus promptement sera le meilleur. Je vous prie
derechef de les presser, ou bien de recouvrer, s'il se peut, le contrat de
mariage de feu M. de Gondras ; car, si l'on a cette pièce, on pourrait se
passer d'eux ; néanmoins, j'aime beaucoup mieux que l'on traite
amiablement ; mais, au nom de Dieu, que l'on fasse ou défasse, car ces longueurs
sont insupportables. Proposez-leur de faire traiter avec nous M. Robin,
banquier d'ici ; car, s'ils n'ont pas de l'argent, nous recevrons une
constitution de lui ou obligation, et je crois que peut-être il serait plus
facile de traiter ici à cause que [541] la fille y est. Je remets cela à votre bon jugement, avec l'avis de M.
de Palierne ; car après nous aviserons comme l'on vendra cette
partie-ci ; mais, ma mie, terminez d'une façon ou d'autre. Au reste, M. de
Morville veut donner ses seize mille francs, aussi bien que ses quatre mille,
lorsque ma Sœur Marie-Aimée fera profession. Ils vous écriront si vous les
voudriez mettre sur certaines rentes de celles que l'on vend, vous vous en
conseillerez, car je n'entends rien à cela. Mais je pense que si vous aviez
quelque bonne occasion de loger cet argent-là proche de la maison, qu'il vous
serait bien commode. Avisez-y.
Le Père Supérieur de Saint-Louis est homme fort droit et
judicieux ; c'est lui qui traite notre affaire avec madame de Gouffier,
puis l'on en parlera à Mgr de Lyon. De plus, on ne peut trop acheter la paix.
Quelle apparence de vous renvoyer vos cinq cents livres. Hélas ! ma
très-chère Sœur, nous ferons bien tout ce qui nous sera possible ; mais au
bout, je crois qu'il est de charité et de justice encore de la satisfaire, ce
qui sera avisé. Je n'ai pas le loisir d'aller chercher ce que vous me demandez,
mais nous en parlerons, s'il plaît à Dieu [plusieurs mots illisibles]. Vous ferez très-bien de ne pas aller au logis neuf qu'il ne soit bien
sec.
Adieu, ma très-chère Sœur, nous sommes toujours ici accablées
d'affaires. Conservez-vous, je vous prie ; vous savez bien ce que je vous
suis. Mille saluts à toutes nos très-chères Sœurs.
Jour anniversaire de la très-adorable Trinité qui nous assembla, il y a
onze ans. Gloire en soit au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. Amen.
Notre Sœur l'assistante est malade ; il faut que j'aille voir le
médecin. Jour de la Sainte-Trinité.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [542]
LETTRE CCCXXIX (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE
SUPÉRIEURE À ORLÉANS
Il importe beaucoup pour la paix et le bonheur des
monastères de n'admettre que de bons sujets, et de ne pas recevoir trop
facilement ceux qui sont médiocres. — Témoignages d'estime pour les révérendes
Mères Carmélites. — Saint François de Sales travaille à faire une concordance
des quatre Évangiles.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 6 juin 1621.
Voilà mon très-cher neveu, caressez-le modestement, cordialement. Je me
porte bien, Dieu merci : il est vrai, j'ai eu une mauvaise toux ; il
m'a fallu tirer beaucoup de sang, car je l'avais tout corrompu et brûlé, et
cela à force de [mots
illisibles]. Priez
Dieu que je ne vive plus que pour le servir, car [mots illisibles] trop inutile le temps passé.
Oui-dà, si le Père spirituel le permet, vous pourrez tenir à l'essai
cette fille, 'et si elle est d'Orléans, éprouvez-la bien, et, en tout cas,
donnez-lui son congé de là si elle n'est jugée bien propre : le bien de
nos maisons ne consiste pas à avoir beaucoup de filles, mais à les avoir
bonnes. Oh ! mon Dieu, que notre petite Supérieure de Nevers a envie d'en
avoir un grand nombre, c'est une maladie. Au commencement des maisons, nous les
remplissons de tout ce que nous pouvons attraper, et puis les bonnes ne peuvent
avoir accès ; et, le pis de cela est la ruine des familles :
quelle cruauté d'étouffer un enfant en sa naissance ! Écrivez que je vous
ai mandé cela, mais non pour elle, car aussi je lui dirai bientôt. Il y a
longtemps que je n'ai eu de ses nouvelles.
Je suis contente que vous ayez vu les bonnes Carmélites ; vraiment
oui, je les verrai aussi, ou l'on me refusera. Or je salue la bonne Mère, que
j'aime plus qu'il ne se peut dire, et j'ai [543] un désir extrême d'aller honorer le tombeau de sa sainte Mère, à laquelle je désire d'être grandement
dévote. Mandez-lui qu'elle la prie pour moi. Monseigneur me mande qu'il lui a
écrit. Il a commencé à faire quelque chose sur les Évangiles, mais il me mande qu'on l'accable :
chacun ne veut dire qu'un mot, ne demande qu'un billet, et que tout son temps
s'en va là ; je voudrais bien que l'on le laissât en repos. Adieu. Jour
très-cher à notre Congrégation. Oh ! que nous avons une grande fille pour
le voile blanc !
Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère
de la Visitation de Paris. [544]
LETTRE CCCXXX (Inédite)
- À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET
SUPÉRIEURE À BOURGES
Maladie de quelques Sœurs. — Avantages de la liberté
d'esprit.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 7 juin 1621.]
Ma très-chère Sœur,
Je vous fais encore ce billet par notre bon Père recteur que je crains
qui ne soit déjà parti ; mais il nous fut impossible d'écrire hier, tant à
cause de notre fête que pour les malades ; car nos Sœurs Anne-Catherine et
M.-Marguerite ont la fièvre continue, et la pauvre Sœur Anne-Catherine bien
mal. J'espère toutefois que Notre-Seigneur nous la laissera. Je crains que la
lettre que je vous écrivis l'autre jour si empressément ne soit trouvée trop
courte ; c'est pourquoi je vous dis qu'en toutes les choses que je vous dis
et écris ainsi par forme d'avis, que vous demeuriez en pleine liberté de faire
toujours ce que selon Dieu il vous inspirera bon. Mais, voyez-vous, je vous dis
ceci absolument, car je sais que quand l'âme est en crainte, elle ne peut
suivre, si librement qu'il est requis, les lumières que Dieu lui donne. Enfin,
rejetez beaucoup sur notre Sœur F.-Gabrielle ; soulagez-vous et ayez un
esprit de sainte liberté.
J'ai parlé à Mgr l'archevêque. Il agréera l'entrée de cette
femme ; mais il faut pourtant attendre son retour, afin qu'il conduise
cette affaire.
Envoyez-nous promptement la forme et les cérémonies de l'établissement
à la profession, et les litanies du Saint-Esprit et du Saint-Sacrement ;
mais au plus tôt. Adieu, ma très-chère Sœur.
Dieu
soit béni !
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [545]
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Choix de la future Supérieure de Montferrand.
VIVE † JÉSUS !
Paris, 8 juin 1621,
La première fois que j'eus l'honneur de voir Mgr de Lyon, il fallut
dire que notre Sœur F.-Jéronyme [de Villette] serait Supérieure à
Montferrand ; mais, hier, je lui en reparlai et lui dis que le sentiment
de M. de Maussac, le vôtre et celui des autres filles était qu'on y envoyât
notre Sœur M.-Jacqueline [Compain], puisque notre Sœur la Supérieure qui y est,
n'était prête à retourner de quelques mois, [pendant] lesquels elle la pourrait
dresser. Il m'accorda que je vous mandasse qu'oui, et qu'il avait remis cela à
M. de Maussac et à vous. Or, il demeura en peine de la Sœur F.-Jéronyme. Je lui
dis qu'il nous la laissât en charge ; il me commanda donc de lui dire
qu'elle choisît où elle désirait être, en cas qu'elle ne fût contente où elle
est ; si elle voulait retourner à Lyon, que je l'y ramènerais, ou si elle
[préfère venir ici], à Montferrand, ou à Annecy, enfin qu'il la désirait
contenter. Elle recevra une épreuve de cette résolution ; car elle avait
espéré d'être Supérieure à Montferrand. Quelqu'un de là [le] lui avait mandé. [Une ligne illisible.]
Or, j'écrivis à notre Sœur M.-Jacqueline [Favre] sur ce que Mgr de Lyon
m'avait dit la première fois ; mais, comme j'avais une grande répugnance
et crainte de notre Sœur F.-J., je la suppliais de s'en résoudre encore avec
vous autres, qui connaissez les filles, et de considérer fort la chose devant
Dieu. Vous lui écrirez donc avec tout respect et sincérité notre sentiment, et
ferez que M. de Maussac se joigne avec vous par une lettre particulière où il
lui mandera ce qu'il trouve le mieux, [546] afin qu'au plus tôt qu'il se pourra, on lui envoie notre Sœur
M.-Jacqueline [Compain], car ce sera le meilleur...
Ma fille, j'ai pris médecine ce matin, je vous écris avec incommodité.
Je me porte bien, et salue très-chèrement M. de Maussac et toutes nos chères
Sœurs, que je désire ardemment de voir. Hé ! qu'elles sont heureuses, ces
chères âmes, de ne laisser vivre et régner en elles que le seul amour de Dieu.
Qu'elles persévèrent, je les en conjure, au nom de Celui qui les a gratifiées
de ce saint désir. Ma fille, ma chère petite, que l'humilité, simplicité et
unité surnagent sur tout. Priez pour nous et pour les affaires de l'Institut.
Ce jeune homme qui m'apporte quelquefois de vos lettres désire que nous
l'aidions à se loger. Est-il fidèle et de connaissance ? Dites-le-moi.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE CCCXXXII (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Même sujet.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 9 juin 1621.
Ma très-chère fille, j'ai vu Mgr de Lyon : il a peine à se
résoudre pour ma Sœur Françoise-Jéronyme, et pense que la Sœur M.-J. [Compain]
qui est à Lyon, sera plus solide pour demeurer aux charges à Montferrand, et
d'autant plus que vous y êtes encore pour quelques mois, où vous aurez loisir
de la reconnaître et dresser ; il s'en remet à M. de Maussac, à vous, et
aux Sœurs de Lyon qui connaissent les unes et les autres. Véritablement, pour
moi ne la connaissant point, je n'en puis donner conseil solide ; celle de
Lyon a peu d'années de Religion ; [547] mais cela fait peu ou rien s'il y a de la vertu. Il est vrai qu'il ne
faudrait pas que le monde de là, ni les nouvelles filles le sussent, cela est
aisé à celer. Avisez donc promptement à vous résoudre ensemble, et à exécuter
la résolution que vous ferez, et m'en donnez avis, s'il vous plaît, au plus
tôt, car Mgr de Lyon sachant que notre Sœur Françoise-Jéronyme ne se plaît pas
trop à Moulins m'a donné charge de lui mander de sa part qu'elle choisisse :
à demeurer là, à venir ici ou retournera Lyon, ou aller à Montferrand avec
vous, sans lui dire que ce serait pour être Supérieure ; car il faudra lui
conter cela dextrement, encore qu'il ne servira de guère, parce qu'on l'a
préoccupée de la Supériorité.
Dieu conduise tout. Ma très-chère fille, un mot de réponse au plus tôt.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Perte de plusieurs lettres. — Conseils pour le monastère
de Lyon. — Nouvelles de celui de Paris.
VIVE † JÉSUS !
[Paris,] 22 juin [1621.]
Mon Dieu, ma très-chère fille, que vous m'étonnez bien de dire que vous
n'avez reçu qu'une seule de mes lettres depuis Pâques, si vous ai-je souvent
écrit et quasi tous les quinze jours, ou au moins toutes les trois semaines, et
ai répondu à tout ce que vous m'avez demandé. Il y a aujourd'hui un mois que je
vous écrivis une grande lettre par le neveu d'un homme des [mot illisible] qui fait nos affaires ; je crois qu'il
les envoya par la poste ; il m'en a souvent apporté des vôtres. Il y a
quinze [548] jours que je vous
écrivis encore ; certes, ce me serait une mortification si ce paquet de la
poste était perdu, je ne m'y fierais plus ; l'autre est par le messager et
n'ai point de voie plus sûre pour vous.
Je savais, il y a dix jours, que nos Sœurs étaient allées à Valence,
car Mgr de Lyon qui vint dire notre messe (ce fut le dimanche de la
Sainte-Trinité ou celui d'après), me montra ce que vous lui en écriviez. Ma
fille, j'espère, Dieu aidant, partir d'ici au fin commencement d'octobre,
Monseigneur me l'ayant ainsi mandé ; mais vous ne
devez toutefois nous attendre pour renvoyer cette bonne fille, car, après tant
d'examens qu'elle n'est pas propre, ne faites nulle conscience de la renvoyer,
vous y êtes obligée.
De changer de maison cela est très-considérable ; si toutefois
vous trouvez mieux et moyen de tirer votre argent de la vôtre, je ne dirais pas
que non ; mais si vous la gardez, il faut de nécessité la faire accommoder
en monastère, et, pour cela, vous en devez faire tirer un plan et de toutes vos
places, puis le mettre entre les mains d'un bon architecte, avec un plan de nos
monastères, afin que l'on vous en dresse un. Je crois qu'il faudra
ruiner ; mais si vous m'en croyez, vous ne [ferez pas] toucher à votre
église que cela ne soit [achevé]. Quand le plan de vos places sera fait,
envoyez-moi une copie de tous les étages et des places [avec] les mesures
exactement. Vous pouvez mettre les [offices] et changer tout ainsi que vous
jugerez à propos. Ne parlez pas à Mgr de Lyon de changer de Supérieur ;
nous verrons cela, Dieu aidant, à notre passage. Je m'essayerai de faire
dextrement savoir qu'il faut retrancher tant de visites. Je vous prie,
recouvrez les paquets de il y a un mois. Bonjour à nos très-chères Sœurs, je
les aime et les salue de tout mon cœur. [549]
Or, voici une affaire d'importance : nous sommes engagées de
donner seize mille écus [pour la maison d'ici], nous espérons faire, Dieu
aidant. Mgr de Belley nous accommode de quelque [plusieurs lignes illisibles].
J'écrivis avant [hier] à soir à Monseigneur par un gentilhomme qui le
va trouver ; il me suffit de savoir qu'il se porte bien. Je me porte mieux
aussi, quoique non entièrement ; mais je crois qu'il ne faut plus espérer
de grande santé ; il suffit de pouvoir rouler avec les autres et suivre
les exercices, ce que je fais par la grâce de mon Dieu, dont je ne me sens pas
peu redevable à sa bonté. Ma fille, excusez-moi vers votre petite Sœur qui m'écrit ;
néanmoins, si la cloche ne me surprend, je lui ferai un billet. Au très-cher
Père spirituel, un salut très-cordial et très-humble, et derechef à toutes nos
très-chères filles, et à vous, ma fille bien-aimée, plus qu'il ne se peut dire.
Dieu soit béni.
Conforme à l'original gardé aux archives de la Visitation
d'Annecy.
Elle lui expose son état intérieur et le désir de le
revoir.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 29 juin 1621.]
J'ai plusieurs choses à vous dire, mon unique Père, mais je ne sais où
elles sont, tant mon chétif esprit est accablé et distrait par mille
tracas ! Ce saint jour toutefois me récrée, où je me représente que mon
unique Père recevra mille caresses de ces grands et saints Apôtres qu'il aime et
sert avec tant d'affection.
Certes, je suis gaie, et rien ne me fâche, grâce à Dieu, car je veux
bien tout ce qui lui plaît, ne sentant aucun désir en la pointe de l'esprit,
que celui de l'accomplissement de la [550] très-sainte volonté divine en toutes choses. À ce propos, mon
très-cher Père, je ne sens plus cet abandonnement et douce confiance, ni n'en
saurais faire aucun acte. Il me semble bien toutefois que ces vertus sont plus
solides et fermes que jamais. Mon esprit, en sa fine pointe, est dans une très-simple
unité ; il ne s'unit pas, car quand il veut faire des actes d'union, ce
qu'il ne veut que trop souvent essayer de faire en certaines occasions, il sent
de l'effort et voit clairement qu'il ne peut pas s'unir, mais demeurer uni.
L'âme ne voudrait bouger de là ; elle n'y pense pas, et elle ne fait autre
chose que de former au fond d'elle-même un certain enfoncement de désir, qui se
fait quasi imperceptiblement, que Dieu fasse d'elle et de toutes créatures et
en toutes choses tout ce qu'il lui plaira. Elle ne voudrait faire que cela pour
l'exercice du matin, pour celui de la sainte messe, pour préparation à la
sainte communion, pour action de grâces de tous les bénéfices ; enfin,
pour toutes choses, elle voudrait seulement demeurer en cette très-simple unité
d'esprit avec Dieu, sans étendre sa vue ailleurs, et en icelle dire quelquefois
vocalement le Pater, pour tout le monde, et pour les particuliers et
pour soi-même, sans divertir toutefois sa vue, ni regarder pourquoi ni pour qui
elle prie. Souvent, selon les occasions et la nécessité, ou l'affection qui
vient sans être cherchée, l'âme s'écoule en cette unité. Pour ce sujet, j'ai
bien la vue que cela suffit pour tout ; néanmoins, mon unique Père, fort
souvent il me vient des craintes, ce qui me fait grand'peine. Je me force de
faire des actes d'union, d'adoration, à l'exercice du matin, à la sainte messe,
à l'action de grâces. Que si je fais mal en cela, dites-le moi, s'il vous
plaît, et si cette simple unité suffit, et peut suffire à Dieu pour tous ces actes
que je viens de dire, auxquels nous sommes obligés ; voire aussi, si
durant les sécheresses, elle suffira quand l'âme n'a ni la vue, ni le sentiment
d'icelle, sinon quasi en l'extrémité de sa fine pointe. [551]
Je ne désire pas que vous me fassiez une longue réponse sur ce sujet,
car en douze paroles vous pouvez me dire tout, répétant ma demande, si vous
l'approuvez, et m'assurant que cette simple unité suffit pour toutes sortes de
choses, sans plus souffrir ni recevoir de craintes, ni de divertissements en
cela. Enfin, dites-moi ce qu'il vous plaira, et, cependant, je me rendrai plus
fidèle, Dieu aidant, à ne point faire d'acte, croyant que l'autre est le
meilleur, et qu'il suffit en attendant ce que vous me direz.
Mon unique Père, certes, je ne sais comme je vous ai dit tout ceci, car
je n'en avais nulle pensée quand j'ai pris le papier ; j'en suis toutefois
bien aise. Il faut encore dire tout ceci : c'est que cette unité n'empêche
pas que tout le reste de l'âme ressente quelquefois une inclination et penchement
du côté du retour vers vous ; et ne sens ni inclination et ni affection
qu'à cela ; toutefois, je ne m'y amuse nullement, ni n'en ai aucune
inquiétude, grâce à Dieu, à cause de cette unité en la pointe de l'esprit. Mais
quand, par manière d'élire, l'incomparable bonheur de me revoir à vos pieds et
recevoir votre sainte bénédiction se passe dans mon esprit, incontinent je
m'attendris et les larmes sont émues, me semblant que je fondrai en icelles
quand Dieu me fera cette miséricorde. Mais je me divertis tout promptement, et
il m'est impossible de rien souhaiter pour cela, laissant purement à Dieu et à
vous la disposition de tout ce qui me regarde. Je sens aussi de l'inclination,
de la tendresse et compassion pour nos pauvres Sœurs, qui attendent si
longtemps leur chétive Mère, qu'elles aiment toutefois tant.
Je ne saurais m'imaginer, mon unique Père, que j'aie besoin de me
justifier vers vous au sujet de l'affaire de N., car je sens que vous êtes
très-assuré que je ne vous cèle jamais ni mal ni bien que je fasse, étant
incomparablement votre très-humble, etc. [552]
SUPÉRIEURE À NEVERS
Ne pas regarder son incapacité, mais s'humilier sous la
volonté de Dieu et agir selon la Règle et les Entretiens. — Il faut éprouver
sérieusement la vocation des prétendantes et les faire examiner par quelques
Religieux avant de leur donner l'habit ; idem pour les novices,
avant la profession. — Mépriser toutes les considérations humaines quand il
s'agit du profit spirituel du monastère. — On peut recevoir une postulante
aveugle.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 5 juillet 1621.
Vraiment ! il est vrai, ma très-chère fille, que notre Sœur
F.-Élisabeth a tort, car jamais une Religieuse ne doit préférer un bien
particulier à ce qui est du général, et moins avoir des desseins, sous quelque
prétexte que ce soit, à l’insu de sa Supérieure ; mais, patience pour ce
coup ; il faut lui faire tirer profit de cette faute, afin que jamais elle
n'y retombe. Bien souvent Dieu permet telles choses pour nous en faire éviter
de plus importantes, et aussi, ma chère fille, pour nous donner expérience
qu'il faut bien éprouver et connaître la vocation des filles avant que de les
recevoir : voilà le fruit qu'il faut tirer, et non pas, ma fille, dire que
vous n'êtes pas capable de votre charge ; il ne faut point dire cela, mais
s'humilier sous la volonté de Dieu, et faire le bien dont il nous donne
lumière, selon que nous sommes instruites dans nos Règles, ès Entretiens et
semblable.
Or, pour les filles, avant que de les recevoir, je voudrais que vous
les fissiez examiner à quelque bon Religieux, s'il se pouvait, au Père Jésuite
qui vous confesse extraordinairement ; et sur toutes les actions de votre
charge, que vous fissiez celle-ci avec le plus de considération, comme [étant]
la plus imposante, car le bien des maisons en dépend. Faites donc examiner
cette [553] fille par quelque
personne spirituelle, par un Père Jésuite, car c'est le solide et le mieux pour
notre esprit. Dites-lui, auparavant qu'il lui parle, tout ce que vous en
savez ; et, après qu'il lui aura parlé, vous prendrez son conseil, sur
lequel vous ferez mieux votre résolution avec les Sœurs. Enfin, pour recevoir
[les filles], il faut voir [si elles ont une] volonté ferme et constante pour
la vocation. Si [vous me croyez, vous ferez] ce que je vous viens de dire avant
que de leur donner l'entrée, l'habit et la [profession], et vous vous en
trouverez bien ; je ne vous en puis dire autre chose, quoique je doive
ajouter en conscience, que, sur ce que vous m'en dites, je ne lui donnerais
nullement l'habit, et m'essayerais de savoir véritablement si elle a une vraie
intention de la Religion, et c'est à cela que le Père Jésuite aidera. Quant à
ma Sœur N***, c'est à voir, examiner et juger si l'union entre vous est
bonne ; et, si cela n'est pas, il n'y a considération humaine qui doive
empêcher le changement ; nous en trouverons un bon prétexte, parce que
notre Sœur F.-Jéronyme lui fera place, d'autant qu'on la veut ôter de Moulins.
Il faut négliger toutes les apparences humaines, quand il s'agit du profit
spirituel d'une maison. Je pense que celle que nous avions pensé de vous donner
conduirait mieux les novices selon l'esprit ; toutefois, ayant encore du
temps, vous la considérerez à loisir et selon les choses qui arriveront.
Pour l'affaire de Moulins, je savais tous ces contrats et ce que vous
ne savez pas ; mais avant que notre Sœur M.-Aimée fasse profession, on
affermira tout pour le repos des maisons. Le plus tôt que vous pourrez payer la
rente, vous le devez faire pour conserver la quiétude partout. Dieu soit béni
de ce que vous me dites de la fille d'Orléans. Au nom de Dieu, faites bon choix
des filles, et ne craignez nullement de les renvoyer si elles ne sont propres.
Ne vous mettez point en peine de la fille de M. Bonsidat, laissez-la en sa
liberté ; car, de la renvoyer contre [554] sa volonté et celle de ses parents, il ne le faut pas faire tandis
qu'elle vivra tranquillement en la maison ; mais aussi de lui donner la
profession, c'est à quoi il ne faut nullement [songer], si Dieu n'y fait un
miracle. Si l'aveugle a les conditions requises en son esprit, je ne lairrais
de la recevoir : pour une, cela n'est rien, et la maison se pourrait
obliger même de la garder avec l'habit, sans qu'elle fît profession, si son
aveuglement ne lui permettait.
Hélas ! mon enfant, ne vous étonnez pas de cela, que notre bon
Père ne vous [écrit pas ; il n'a] nul loisir. Ce que vous me demanderez,
que je saurai de sa part, les Sœurs s'y devront assurer, car il n'est pas besoin
de lui demander ce que je sais ; aussi bien n'y répondrait-il pas, ne
pouvant satisfaire à tant de choses. Il faudra ramener une couple des filles de
Moulins ; mais n'en dites rien. Je serai bien aise de savoir votre nombre
d'ici à deux mois ; car de se charger tout à coup de tant de filles, on ne
peut les bien former. Vraiment, nous n'en n'aurons garde de vous mener des
filles sans dot.
Ah ! vrai Dieu ! il faut trancher ces dire et redire, et
apprendre à ces filles de ne s'amuser point à telles niaiseries ; il les
faut porter à l'exacte obéissance. Gardez bien d'ouvrir la porte de votre
maison pour telles tricheries ; soyez humblement forte en cela. Ce Père
est très-bon, mais encore jeune et prompt. Il faut, s'il se peut, obtenir
l'assistance du Père recteur : ils sont toujours plus solides. Marchez, ma
très-chère fille, fermement, mais humblement dans le train où Dieu vous tire,
et où il vous a mise ; attachez-vous invariablement à la Règle, aux
conseils qui sont dans les Entretiens ; lisez-les fort et les faites lire
aux filles. Tous les mois j'en fais lire un ou deux à la table. Grâce à Dieu,
cette famille ici va bien. Je vous donne le bonsoir ; je vous prie, rendez
de ma part toutes sortes de profondes révérences et honneurs à Mgr l'évêque ;
je suis sa très-humble [555] servante,
et de votre bon Père spirituel. Je salue très-chèrement nos bonnes Sœurs avec
vous ; vous savez ce que je vous suis.
Dieu
soit béni !
Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Avis pour les affaires temporelles. — Il faut attendre
avec patience et charité l'amendement des âmes. — Les monastères doivent être
bâtis simplement et solidement.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 1621.]
Ma très-chère fille,
Je suis consolée des bonnes nouvelles que Mgr l'archevêque m'a dites de
votre petite maison, de laquelle Dieu aura soin, si l'observance et la sainte
paix y sont gardées. Je trouve que M. de Lissay sort tout à fait de l'assiette
qu'il doit avoir envers votre maison. Il doit donner deux mille écus à chacune
de ses filles, et leurs meubles ; j'aurais peine à traiter avec lui
autrement, vu qu'il n'a plus qu'un fils, que cela n'est pas ce qui appartient
aux filles. Il faut tenir un peu ferme et prier le Père recteur de le gagner
par raison. N'avez-vous point quelques amis ou amies qui fassent pour vous
entièrement en telle occasion ? Dieu soit votre conseil en cela ! Je
crois que le bon Père recteur ne vous manquera jamais ; l'avis de Mgr
l'archevêque est très-bon en ce sujet ; je loue Dieu des charités qu'il
vous a faites.
Pour Dieu, ma très-chère fille, attendez l'amendement de ces bonnes
Sœurs avec grande patience, et les supportez avec une extrême douceur. Traitez
tout cordialement leurs cœurs, leur [556] faisant voir leurs défauts sans passion, sentiment ni sécheresse, mais
en sorte qu'elles en demeurent encouragées pour se surmonter et tout amoureuses
de votre douceur maternelle ; car ce moyen est unique pour gagner les
âmes, et, à nous, très-propre.
Si la fondation de Dijon réussit, je voudrais bien y mener notre Sœur
N*** ; mais certes, je voudrais qu'elle devînt plus simple, moins
soigneuse d'elle et plus soumise. Je n'ai pas encore vu leurs lettres ; je
leur écrirai quand je pourrai.
Véritablement, je suis encore étonnée comme vous vous êtes chargée de
cette bonne dame ; tandis que vous l'avez, on ne doit point lui épargner
la charité, la douceur et le support ; mais je crois que vous devez
tâcher, avec l'avis du Père recteur, de vous en décharger. Dieu soit votre conseil
en tout !
À ce que l'on me dit, vous bâtissez à grands frais et pompeusement, je
veux dire à force pierres de taille ; je crois qu'il serait bon d'aller
solidement, mais simplement. Dieu fasse en tout sa sainte volonté ! Ma
très-chère fille, je suis..., et à toutes nos chères Sœurs.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [557]
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Une jeune Supérieure vertueuse est préférable à une plus
âgée ayant moins de vertu. — Les Œuvres de saint François de Sales doivent
suffire pour la direction des Religieuses de la Visitation.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 7 juillet 1621.
Il est vrai, ma très-chère fille, que l'une des plus grandes peines que
j'aie au monde, c'est la crainte d'une mauvaise Supérieure dans nos
maisons ; car je sais bien que le bonheur dépend de là. Néanmoins, je n'ai
pas condamné notre Sœur, parce que je ne sais pas [ce] qu'elle est. Maintenant
je crois bien, ma très-chère fille, que c'est la bonne Sœur Compain ; mais je ne savais pas qu'elle fût
avec vous. O Dieu ! que ce que vous m'en dites me contente ! Et [je]
crois véritablement que cela sera plus profitable à la maison que dix années de
Religion avec moins de vertu. Il sera toutefois fort à propos qu'on le
cèle ; car le monde, qui ne regarde que l’écorce, pourrait en amoindrir
l'estime, voire même les filles. Oh ! mandez donc que l'on vous envoie une
directrice, et puis dressez et conduisez cette bonne Sœur tout doucement à la
charge de Supérieure. Dieu la bénira, sans doute, si elle est humble et qu'elle
mette en sa bonté toute sa confiance, s'attachant fidèlement à l'observance de
ses Règles ; vous la pourrez aider jusqu'en l'automne, et peut-être [que] Notre-Seigneur
n'a pas permis que notre Sœur Françoise-Jéronyme ait été employée à
Montferrand, pour [qu'on puisse] s'en servir ailleurs ; car, ainsi que
nous [558] pensions, la
fondation de Dijon, toute ruinée qu'elle paraissait, s'est remise sur pied. Je
ne sais encore [ce] qu'il en sera ; dans un mois nous le saurons, Dieu
aidant ; cependant, j'écrirai cette espérance à notre Sœur F.-Jéronyme,
sans lui rien nommer ; car Mgr de Lyon me l'a laissée pour en faire ce que
nous jugerons le mieux, et qui soit à son contentement.
Nos Religieuses n'ont point tant besoin de secours spirituels de dehors
[comme] plusieurs autres ; car nous sommes tant pleines des instructions
de Monseigneur, qu'il ne saurait quasi rien arriver qu'il ne s'en trouve la
résolution dans les Entretiens. C'est notre grand bonheur de ne communiquer
guère avec ceux [de] dehors, pourvu que, quatre ou cinq fois l'année, on puisse
avoir des Pères Jésuites (car c'est le solide), ou quelque autre, c'est assez.
Vivons de notre pain, c'est le meilleur pour nous. Nous sommes à Paris où tout
abonde ; nos filles ne demandent point à parler dehors, hors les
confessions extraordinaires ; une seule, je pense, l'a fait une fois ou
deux. Tout va bien et tranquillement, grâce à Dieu.
Vous faites fort bien de ne rien témoigner à vos voisins. Mgr de Lyon
n'est pas ici ; il trouvera tout bon. Dieu bénisse votre maison, que
j'aime de tout mon cœur, et salue chèrement toutes vos Sœurs avec vous. Nos
Sœurs d'ici vous saluent très-affectionnément, surtout la Sœur assistante.
Adieu, ma fille, je suis toute vôtre, vous le savez.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [559]
SI FILLE
Félicitations à l'occasion de la naissance de son fils.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Dieu soit béni éternellement, ma très-chère fille. Votre cousin
m'assure que vous étiez accouchée heureusement d'un beau fils. J'en ai loué et remercié Notre-Seigneur de
tout mon cœur. Pensez un peu le mouvement de mon âme sur ce sujet. Or, nous
nous verrons, s'il plaît à Dieu, et en parlerons à souhait. Cependant, mille et
mille bénédictions veuillent arriver de la part de l'esprit de Dieu sur la mère
et sur l'enfant !
Conservez-vous, ma fille, et vous rendez tous les jours plus dévote et
agréable à Dieu, en la reconnaissance de tant de miséricordes ! Mandez-moi
bien de vos nouvelles ; il y a longtemps que je n'en ai su de vous. Je ne
sais si votre frère vous aura envoyé la lettre que je vous écrivais, par un de
ses laquais, et qu'il m'avait promis vous envoyer. Les voilà tous à ce siège ;
mais n'affligez pourtant votre cœur
pour cela, ma très-chère fille, votre mari en a bien vu d'autres. Priez bien
Dieu pour eux, et demeurez en patience et confiance.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [560]
SUPÉRIEURE À BOURGES
Recevoir les filles pauvres, pourvu qu'elles aient les
vraies richesses du cœur et de l'esprit. — Ne rien permettre de beau dans les
bâtiments du monastère, et ne pas faire des mortifications indiscrètes qui
ruinent la santé. — L'humble soumission est la pierre de touche et le fin or de
la perfection.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Le Seigneur tout miséricordieux soit notre tout ! Je vous écris
comme il n'est nullement en notre pouvoir de retirer cette bonne dame céans.
Vous savez que c'est aux Supérieurs à donner cette licence. Or, Mgr le cardinal
de Retz n'est pas ici, et, s'il y eût été, il n'eût nullement agréé cette
retraite ; les conséquences sont trop grandes ici. Nous aurons souvenance
de votre bonne mère [bienfaitrice], quand nous serons à Annecy, et tout ce qui
se pourra pour sa consolation, nous le ferons, vous n'en devez douter.
Dieu soit béni de l'accroissement de votre nombre ; croyez-moi,
que, s'il se présente quelque digne fille pour notre vocation, il ne la faut
pas refuser pour manque d'argent. Ce serait une très-pernicieuse maxime de
quitter les pauvres qui seraient propres, pour prendre les riches qui le
seraient moins ; Dieu ne bénirait point votre maison. Si ces braves
prétendantes ont le courage d'attendre mon passage vers vous, nous essayerons
de gagner les Supérieurs. Ma fille, il faut être plus ferme pour le spirituel
que pour le temporel, quoi que le monde sache dire. Jamais Notre-Seigneur [ne
laissera] en défaut ceux qui cherchent premièrement le royaume de Dieu, qui
sont les richesses spirituelles.
Non, ma chère fille, ne permettez rien de superbe ni d'inutile à votre
bâtiment ; ains soit solide, de bons matériaux, mais simple, sans faste,
comme ceux des Pères Capucins. [561]
Il faut prier votre mère de vous servir à votre gré, selon vos
commodités, et non selon la vanité, que vous n'avez pas de quoi satisfaire,
comme il est vrai. Nous avons rendu à Mgr de Bourges les treize cent soixante
dix-sept francs. Envoyez-nous une quittance de tout l'argent que nous avons
reçu, que nous vous avons fait tenir, et nous vous porterons tous les papiers
que nous avons de vous.
L'on m'a dit que vous êtes toujours fort faible, que vous prenez trop sur
vous et mangez trop peu. Pour Dieu, ne suivez point vos inclinations en
cela ; sous le prétexte de la vertu, nous faisons souvent notre propre
volonté. L'humble soumission est la pierre de touche et le fin or de la
perfection. Soumettez-vous donc sans regarder à qui, ni que c'est que l'on vous
présente ou ordonne pour votre soulagement, et ne vous le faites plus dire, ma
très-chère fille.
Dieu vous bénisse et votre chère troupe. Amen.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
LETTRE CCCXL (Inédite)
- À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Il faut marcher avec la pointe de l'esprit et ne
s'attacher qu'à Dieu seul. — C'est dans la solitude et la prière que l'âme
trouve sa force. — La mortification est la vraie préparation à l'oraison. — La
Sainte pense quitter Paris au mois d'octobre.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 13 juillet [1621].
Ma très-chère fille,
Ne vous étonnez point, je vous supplie, de ces refroidissements de
votre cœur. Je vous l'ai toujours dit : marchez avec la [562] pointe de l'esprit, et faites plus d'état de
ne vouloir aucune perfection que celle que Dieu voudra, que de toutes les
excellentes perfections que l'on peut avoir en cette vie. Ne vous attachez à
rien qu'à Dieu seul, et conduisez vos filles en ce chemin. Quand donc elles
auront trouvé Notre-Seigneur au premier point de l'exercice de la messe ou en
un autre, qu'elles ne passent point outre ; une seule chose est
nécessaire, qui est d'avoir Dieu ; quand nous l'avons donc, n'est-ce pas
le quitter que d'aller chercher un chemin pour le trouver ? Oh !
véritablement, je désire grandement que nos Sœurs aiment la solitude et
l'oraison ; c'est où l'âme prend sa force. Que serait-ce de notre vie, si
nous ne trouvions cette manne, qui est cachée en la sainte oraison ? O ma
fille, donnez-leur un grand courage pour cela, mais que la mortification
surnage en tout, car c'est la vraie préparation de la sainte oraison. Il me
semble que partout nos Sœurs aiment la retraite, au moins ici elles en sont
amies.
Nous avons reçu la lettre pour recevoir l'argent. Nous allons, si Dieu
plaît, cette semaine en notre maison ; nous espérons toujours, Dieu
aidant, de partir d'ici au commencement d'octobre. Or sus, je salue toutes nos
très-chères Sœurs et le bon Père spirituel. Mais, mon Dieu, faites-vous bien
toujours mes recommandations à votre ancien Père, M. de Saint-Nizier ?
Voyez-vous, ma fille, je ne saurais jamais m'oublier de ce personnage, ni des
obligations que nous lui avons. Pour Dieu, soyez-en toujours grandement
reconnaissante, l'honorant cordialement et avec grande confiance. Au reste,
toutes les fois que vous le verrez, saluez-le toujours de ma part, encore que
peut-être quelquefois je ne le nommerai pas ; assurez-le que mon âme
chérit et vénère la sienne saintement et cordialement, et que je ne cesserai
jamais de prier pour son bonheur, lui souhaitant le comble de toute
bénédiction ; mais ressouvenez-le aussi qu'il m'a promis de prier pour
moi, je m'y confie. [563]
Adieu et bonjour, ma fille. Je vous en prie, vivons toutes à Dieu.
Oh ! qu'heureuse est l'âme qui ne vit que de la seule volonté de son
Dieu ! Tenez le cœur de vos filles fort haut, tout abandonné à cette
divine volonté ; priez pour nous, afin que nous glorifiions Dieu bien
réellement. Amen. Il soit béni.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Dôle.
LETTRE CCCXLI (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Les Sœurs de Paris font des instances pour garder leur B.
Fondatrice pendant l'hiver. — Le monastère est transféré proche la rue
Saint-Antoine. —Espérance d'obtenir les permissions requises pour la récitation
du petit Office. — Mgr de Bourges quitte son archevêché.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 7 août [1621].
Ma très-chère fille,
Il y a déjà longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles ; que
faites-vous ? et votre nouvelle directrice se rendra-t-elle capable de la
charge à laquelle on la destine ? Nous voici dans notre nouvelle maison
avec un applaudissement général de tout notre voisinage ; toutes nos
affaires seront faites, et assez bien, grâce à Dieu, Je ne me tiens pas encore
assurée si nous nous en irons au mois d'octobre, parce que lundi il ira deux
hommes à Nessy chargés de lettres et de persuasions pour m'arrêter l'hiver ici ;
je n'en vois point de nécessité, ni grande ni utile, mais c'est l'opinion du monde. Je laisse tout
entre les mains de Dieu, désireuse, par sa grâce, que sa seule très-sainte
volonté soit faite. En quelque saison que ce soit, j'espère, Dieu aidant, que
nous retournerons ensemble pour la fondation de Turin ou Chambéry ; nous
emporterons la licence de Mgr de Grenoble pour cela. Hélas ! qu'on dise
même que je n'ai point de lettre de Monseigneur ; il est toujours tout
accablé, ce dit-on ; il se [564] porte très-bien, grâce à Dieu, et Mgr de Chalcédoine, lequel toutefois
a été malade.
Nous sommes logées au Petit-Bourbon, en la rue des Célestins, proche la
rue Saint-Antoine. M. Michel est de retour de Rome, mais l'expédition du petit
Office est demeurée, mais avec bonne espérance de l'obtenir.
Je crois que Mgr de Bourges quitte son archevêché ; pensez quelle
épreuve pour nos pauvres Sœurs ! Ma fille avait eu un fils qui est mort
après être baptisé. Le fils, le beau-fils et le neveu sont à cette guerre,
priez pour eux. Adieu, ma toute très-chère fille ; je salue chèrement
toutes vos filles. Dieu soit béni. Tout va bien ici.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Chambéry.
Prière de consoler Mgr de Bourges, obligé de se démettre
de son archevêché.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, août 1621.]
Mon très-unique Père,
Priez bien Dieu pour Mgr de Bourges, et faites prier nos Sœurs. Je
crois que cet orage se convertira à la gloire de Dieu ; cela n'est rien en
comparaison de la Passion de Notre-Seigneur. Je supplie la divine Majesté de lui donner
tout ce qui [565] sera à sa
gloire, à laquelle j'ai consacre tout moi-même. Son médecin demeura mort quand
on lui vint dire ce changement qu'on avait fait de l'archevêché de Mgr de
Bourges avec M. N... Il ne se peut dire l'affection que tous ceux de Bourges
portent à notre bon archevêque qui a ressenti ce coup, mais dans sa bonté
ordinaire. Vous le connaissez ; croyez que cela fera bien du tort aux
pauvres, et à beaucoup de maisons religieuses où il faisait de grandes
charités. Nos Sœurs en avaient leur bonne part, car il les aime fort et leur
faisait beaucoup de bien. Si vous pouvez lui écrire un mot sur ce sujet, cela
le consolera tout à fait. Le doux Jésus remplisse notre cœur de l'amour
très-pur du sien, et nous fasse éternellement reposer en lui. Amen.
SUPÉRIEURE À BOURGES
La Providence ne veut pas que nous ayons ici-bas autre
appui que sa seule bonté.— Il faut se réjouir d'être sans secours humain et
jeter toute sa confiance en l'amour paternel de notre bon Dieu.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], août 1621,
Hélas ! ma très-chère fille, que je ressens la douleur que vous et
vos chères Sœurs reçoivent du départ de notre très-cher archevêque. Mais
quoi ! la très-sainte Providence en dispose ainsi, et ne veut pas que nous
ayons en terre autre appui que sa seule bonté ; bénie soit-elle ! O
mon Dieu ! ma très-chère fille, que je désire grandement que toute votre
petite famille se réjouisse saintement d'être sans secours humain, et qu'elle
jette toute sa confiance en l'amoureuse Providence de ce Père éternel qui est
notre attente, et qui ne nous manquera point, si nous nous reposons et
contentons de son soin paternel. Oh ! [566] demeurez donc toutes en paix, et contentes de tout ce qui plaît et
plaira à jamais à ce divin Sauveur de nos âmes.
Je vous salue toutes très-chèrement, étant vôtre en la façon que Dieu
veut et fait ; sa bonté soit à jamais bénie ! Le messager vous porte
des lettres. Bonjour, ma très-chère Sœur, portez-vous bien.
Vous aurez un très-homme de bien pour archevêque et qui est de nos amis. Je lui ferai parler.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
Nouvelles du monastère. — Elle lui expose les raisons qui
la pressent de quitter Paris avant l'hiver, et abandonne à la Providence le
désir de conférer de son intérieur.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, août 1621.]
Seigneur Dieu ! mon unique Père, qu'il y a longtemps que je n'ai
reçu de vos nouvelles ! Est-ce pour me mortifier ? Oh ! mais je
me contente de tout ce qui vous plaît, car vous êtes mon vrai et très-cher
Père.
Enfin, nous voici dans notre nouveau ménage avec un applaudissement et
contentement de tout le quartier, grâce à Dieu ; mais croyez que ce
changement de lieu n'a pas été sans d'extrêmes difficultés de la part que nous
n'en attendions nullement. Trois ou quatre heures avant de partir nous ne
savions où nous étions, quoique Notre-Seigneur me donnât toujours confiance que
tout s'apaiserait, comme il arriva par sa grâce ; [567] car toutes ces passions n'avaient point de
fondement. Messieurs les grands vicaires ne nous connaissaient pas, et il
fallut montrer notre établissement et le pouvoir de M. le curé de
Saint-Jacques, que, par bonne fortune, nous avions par écrit et en bonne
forme ; car ici, il faut faire ses affaires d'une autre façon qu'ailleurs.
Véritablement, je n'avais jamais trouvé un tel monde. Grâce à Notre-Seigneur et
à sa très-sainte Mère, nous voici en paix avec tous ; notre maison payée
et accommodée, et toutes nos affaires heureusement faites.
Dans quinze jours j'espère remettre le gouvernement à l'assistante, afin de la voir un peu cheminer. Certes, la
gloire en soit à Dieu, cette maison va bien pour le spirituel et le
temporel ; elle est aimée grandement et estimée. On parle un peu de notre
départ, mais l'espérance d'un prompt retour accoise ce murmure. Toutefois,
madame la marquise de N*** dit que si je pouvais demeurer l'hiver qu'il serait
encore mieux. Quand je lui eus dit mes petites raisons, que je pensais qu'il
pouvait être nécessaire pour le bien de l'Institut que je fusse quelque temps
auprès de vous ; que toutes nos maisons désiraient ardemment notre retour,
croyant en recevoir quelque utilité ; qu'il y avait quelque apparence d'un
plus grand profit qu'ici, où demeurait une Supérieure plus capable et vertueuse
que moi ; qu'il y avait quelque fondation à faire, elle me dit :
« Voilà des raisons qui sont meilleures que les miennes, qui ne sont
fondées que sur la prudence, et la chose mérite bien que Monseigneur de Genève
la considère ; mandez-le lui. » [568]
Je le lui promis et le fais simplement, mon unique Père, quoique j'y
aie une grande répugnance, qui n'était toutefois qu'en la partie
inférieure ; car, par la grâce de Dieu, je veux, ce me semble, et d'une
volonté très-absolue, que ce qui est la plus grande gloire de Notre-Seigneur se
fasse, et ne me sens aucune répugnance en la raison pour cela. Que si je
sentais que Dieu me voulût davantage ici, je le dirais tout franchement ;
mais, véritablement, quand les raisons me sont présentées en l'entendement,
d'une part et d'autre, je ne me sens inclinée à rien qu'à ce que Dieu désirera
et à ce que vous me commanderez ; de sorte que, par sa grâce, me voici
prête à tout ce qu'il vous plaira. J’ai seulement à vous proposer simplement que je ne pense pas qu'il
faille faire grande difficulté de voyager en hiver, parce que nous nous
arrêterons souvent, et qu'il sera utile que nous séjournions deux ou trois
semaines à Bourges, à Nevers et à Moulins, surtout dans ces derniers lieux.
Peut-être est-ce présomption de penser pouvoir les servir ? Vous êtes mon
Père et mon juge, et, par la grâce de Dieu, vous pouvez faire tout ce qu'il
vous plaira ; vous me commanderez, s'il vous plaît.
Que bienheureux sont ces deux bons Israélites de voir mon seul, unique,
vrai et cher Père ! Certes, si je suis ici retardée, j'y demeurerai avec
d'autant meilleure affection que je ferai un grand sacrifice à Dieu, et plus
que vous ne sauriez penser ; car il me semble que, si nous mourions l'un
ou l'autre sans que je me confesse encore une fois à vous, je serais au hasard
de beaucoup de scrupules et d'inquiétudes. Mais j'ai déjà dit à [569] Notre-Seigneur tout tranquillement, que, pour
obéir à sa sainte volonté, je ne voulais avoir égard à chose quelconque qui me
regarde, et me confie en sa miséricorde qu'il me fera la grâce de faire encore
une bonne revue devant vous. Ce n'est pas que j'aie rien d'importance depuis
que vous êtes absent d'ici, et ne sais si ce n'est point une tentation ;
vous pouvez le juger, car je n'ai rien de nouveau, sinon pour ce qui regarde ma
charge, en laquelle je crois que je fais beaucoup de fautes par imprudence et
faute de charité, de zèle, de soin et de bon exemple ; et, cependant, je
ne me confesse et je ne pense à m'amender que des fautes particulières que je
connais. Cela, toutefois, ne me met point en peine ; mais j'espère un jour
de bien regarder tout cela avec vous, et de me tenir cependant en paix.
Vous n'avez point de nouvelles à m'écrire, dites-vous ? Eh !
n'avez-vous point quelques mots à tirer de votre cœur ? car il y a si
longtemps que vous ne m'en avez rien dit. Bon Jésus ! quelle consolation
d'en parler un jour cœur à cœur ! Ce divin Sauveur m'en fasse la grâce, et
cependant, mon unique Père, qu'il vous rende plus purement et simplement tout
sien !
Votre très-humble, etc.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Affaires temporelles.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 18 août 1621.
Ma très-chère Sœur,
On a envoyé votre arrêt à la cour pour le faire sceller, car M. le
garde des sceaux n'est pas ici ; quand nous l'aurons, nous le ferons
vérifier à la Chambre des comptes, Dieu aidant. [570]
Nous sommes engagées de parole, ici, quand votre affaire sera toute
faite, à une orpheline de père qui a été ruiné ; [ce sont] des gens
honnêtes, et la fille est digne de cette charité ; c'est pourquoi je ne
vois point de moyen de contenter notre bonne Sœur J.-Marie ; j'en suis
marrie, mais quel moyen de se dédire ? Au reste, je vous confesse
simplement ma faute ; je ne sais ce que j'ai fait de votre
quittance ; renvoyez-m'en une autre et des amples mémoires de tout ce que
vous désirez de cette bonne dame, de laquelle pourtant je ne promets rien,
sinon qu'elle n'aura pas de votre argent davantage, qu'elle ne donne quittance.
Dernièrement, je lui envoyai ce que nous lui donnons et vos cinq cents
livres ; elle les prit et puis n'envoya pas les quittances, mais manda
qu'elle les enverrait quand elle les aurait fait dresser par son conseil ;
il y a tantôt un mois, il ne s'en parle plus. J'attends le Révérend Père Binet
pour savoir comme nous nous y gouvernerons. Que nous serons heureuses quand
nous aurons achevé avec elle ! Elle nous a dit adieu pour jamais ;
faites prier pour elle et n'en parlez qu'avec honneur et témoignages
d'obligations.
Mgr de Lyon est du côté de la cour ; mais je ne sais où ;
quand il sera de retour, je lui parlerai de vos affaires. Il ne tiendra qu'à
vous et à notre Sœur M.-Aimée [de Morville] qu'elle ne fasse la sainte
profession ; je crois qu'elle ne doit pas différer, ni attendre ses
parents, sinon après la paix.
Je retiendrai les cinq cents [écus] jusqu'à ce que je sache que vous
ayez touché les quatre mille. Tenez main, je vous prie, ma chère Sœur, afin
d'achever pour finir l'affaire de notre Sœur M.-Marguerite ; cette
longueur ennuie. Ce serait une pernicieuse disposition à notre Sœur M.-Aimée si
elle était de cette volonté de vouloir remuer quelque chose pour troubler les
maisons, si elle en avait le pouvoir ; mon Dieu ! serait-il bien
possible qu'elle tînt encore de cet esprit-là ? Or bien, remarquez ce que
vous êtes obligée de faire dans ce contrat qui est [571] de la dédommager de treize mille francs vers
notre maison de Nevers ; pour moi, je cède au conseil, comme il est
très-raisonnable de le faire ; mais je pense que si toutes choses se
fussent dites naïvement comme elles se sont passées, il eût été mieux. Or bien,
j'espère que la divine Providence aura soin du repos de l'une et l'autre
maison ; il faut suivre le conseil que vous avez et demeurer en paix. Je
n'ai loisir d'écrire à notre Sœur J.-M., ni à notre Sœur F.-Jéronyme, qu'elle
demeure en paix ; nous la consolerons, Dieu aidant, à notre passage,
Bonjour, il faut finir. Hélas ! que de tracas en cette misérable
vie, ma très-chère fille ! Aspirons de tout notre cœur à l'éternelle, y
conduisant suavement les chères âmes que Dieu nous a commises pour cela.
Il est vrai, je fus touchée du changement de Mgr de Bourges, et pour
nos pauvres Sœurs surtout ; mais quoiqu'en tout, sans réserve, fiat
voluntas tua ! Amen. Ma très-chère bonne Sœur, vous savez bien que je
suis toute vôtre et à votre chère troupe, et au bon M. de Palierne.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À BOURGES
Dans les affaires importantes, prendre l'avis de la
communauté. — Comment diriger une àme qui se croit dans les voies extraordinaires.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621].
Ma très-chère Sœur,
Je vous écrivis par M. de Saint-Satur, un mot de [572] consolation sur le départ de Mgr
l'archevêque [de Bourges]. Il faut s'accommoder à tout ce que Notre-Seigneur
veut, et mettre toujours davantage notre confiance en Lui seul.
Si vous n'aviez retiré cette bonne dame avec bon conseil véritablement,
je vous dirais que vous ne le deviez pas faire-mais marchant avec le conseil du
Père recteur, de M. Perrote, et tant d'autres personnes d'honneur, Ton ne peut
faillir, et notre Sœur N*** aurait tort de s'en mettre en peine, sachant cela,
et encore plus de dire devant les Sœurs que vous faites tout de votre
tête ; car, quand cela serait, ce n'est pas à la communauté à qui il le
faudrait dire. En ces occasions si importantes, il faut consulter les Sœurs, et
ne faire rien contre leur consentement ; que si elles résistaient mal à
propos, il les faudrait faire rendre capables par ceux mêmes qui vous
conseillent, et cela tout doucement sans montrer aucune division
d'opinion ; et enfin elles doivent céder.
Pour cette fille de Vendôme, il faut que le temps et les épreuves vous
donnent une véritable connaissance de son esprit ; car souvent il y a
beaucoup de tromperies parmi tant d'excellences. Au reste, si ces attraits sont
de Dieu, l'exercice corporel ni la pratique et commerce nécessaire parmi les
personnes ne lui nuiront pas ; au contraire, ce sera un bon moyen pour
connaître si son esprit est bon. Conseillez-vous au Révérend Père
recteur ; mais, selon mon sentiment, je la mettrais tourière, et si elle
ne s'y veut accommoder, à cause de son grand recueillement, je craindrais aussi
qu'à la fin elle ne pût, pour cette même raison, travailler à la cuisine ni
ailleurs. Enfin, l'esprit de Dieu ne dépend point des retraites ; au
contraire, il fortifie et perfectionne tout. Qui a jamais été plus au monde et
parmi des affaires continuelles et de mille sortes que feue madame
Acarie ? et pour cela perdait-elle son recueillement ? folie que
toutes ces délicatesses d'esprit !
Je salue très-humblement madame la comtesse de Fiesque ;
[573] assurez-la que je suis sa
très-humble servante : c'est une vraie vertu. Je salue toutes nos Sœurs.
Adieu, ma très-chère Sœur.
Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère
Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.
SUPÉRIEURE À NEVERS.
La Supérieure doit traiter ses Sœurs avec respect, comme
des épouses du divin Sauveur, et imiter, pour la correction, les gouverneurs
des enfants des rois. — Comment conduire les âmes attirées au recueillement. —
Conseil pour l'amendement d'une novice.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
[Plusieurs lignes indéchiffrables]. Je vous en supplie, ma
très-chère fille, et de bien caresser la très-bonne madame N*** qui vous porte
cette lettre. C'est une femme de grande qualité, pleine de bons désirs et qui
nous aime grandement.
Venons à vous-même : votre compte me plaît assez, surtout en ce
que vous tenez votre âme paisible, et que vous remettez à faire la correction
que vous n'ayez plus de sentiment. Vous consolez les Sœurs par votre confiance,
familiarité, souplesse. Or, voyez-vous, ma très-chère fille, il faut absolument
et de toute nécessité traiter nos Sœurs, non comme nos inférieures, mais comme
les épouses et filles du souverain Roi ; et, pour cela, il nous faut
imiter les gouverneurs des enfants des rois : ils gouvernent ces petits
avec un singulier respect ; et, quand ils les corrigent et fouettent, ils
font cette action avec une si grande humilité et tant de douces remontrances si
pleines de respect et de raison, que les petits [princes] ne sauraient s'en
fâcher, et sont contraints d'avouer qu'ils sont grandement obligés et
[574] redevables à leur amitié et à
leur soin. Faisons ainsi, ma fille, si nous voulons que nos corrections et
mortifications nous profitent. Or, jamais il n'en faut faire qu'on ne voie
probablement l'espérance qu'elle sera bien reçue. Je vous prie, rendez-vous
aussi affable et suave envers les séculiers, quoique courte, avec discrétion.
Loué soit Dieu puisque tout va en s'amendant.
Si c'est par un vrai recueillement qu'on est abstrait, je ne voudrais
nullement conseiller de le divertir, ni n'en faut point faire la guerre ;
mais je trouve bien bon de donner à telles filles (quand elles sont fortifiées
en leur recueillement) quelque charge, afin de rendre leur retraite intérieure
plus solide. Je ne voudrais point souffrir d'affectation ni de mystère et trop
de contrainte, mais je voudrais corriger cela doucement.
Voilà un joli nombre, Dieu soit béni. Ce que vous me marquez de la
compagne de notre Sœur A.-B. ne sont pas des choses de grande importance ;
néanmoins, je trouverais à propos de lui dire que la Congrégation désire
qu'elle s'amende de cela, et qu'on l'en avertît maternellement, afin qu'elle se
fasse force avant le bout de son noviciat. Mais si elle témoigne une bonne
volonté de s'amender, je ne voudrais point la renvoyer pour cela, ayant tant de
bonnes qualités en son esprit. Qui est cette Sœur Anne-Bénigne ?
Payez-vous le principal des trois mille livres ? mon Dieu, que
j'en serais aise. N'appréhendez point la nécessité, Dieu vous assistera.
Avertissez les Sœurs de Moulins ; elles vous donneront quelque adresse
pour recevoir votre argent. Mandez-moi si vous croyez que notre Sœur H.-M.
puisse profiter avec vous. Oui, nous en ramènerons à Moulins, mais il n'en faut
rien dire. J'ai été assez malade, je me porte bien maintenant, mais
[575] notre chère Sœur l'assistante est
toujours fort mal dès trois semaines et demie.
Priez, et faites fort prier, je vous prie. Je salue toutes nos Sœurs et
M. Piochon. Adieu, mon enfant, vous savez ce que je vous suis. Dieu soit béni.
Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Charité et humilité envers la communauté de Moulins. — Il
n'est pas permis aux Sœurs de demander à changer de monastère.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 25 septembre 1621.
Ma très-chère Sœur,
Le désir que vous me témoignez que je vous réponde promptement, me fait
employer cette occasion par laquelle j'ai peu de loisir, et aussi ai-je peu à
vous dire, sinon confesser mon imperfection qui me donne sujet de vous demander
pardon. Je suis fort obligée à nos chères Sœurs, et certes, je n'ai jamais douté
de leur affection à laquelle j'ai une très-entière confiance ; mais je
voudrais bien que ce n'eût point été pour mon respect qu'elles consentissent
qu'en cette occasion la justice ne leur soit point rendue ; car, si la
justice était de leur côté, elles eussent fait un bon sacrifice à Dieu de la
quitter, ou pour mieux dire, de la convertir en la douceur de la charité pour
la charité même. Or bien, je crois que Notre-Seigneur bénira la douceur de leur
consentement.
Je laisse entièrement à votre prudence et jugement l'élection des
officières avec l'avis de vos conseillères ; car vous connaissez mieux les
filles que je ne puis faire. De même, [576] devez-vous disposer de notre Sœur M.-Marguerite d'Épineul, de
l'exemple de laquelle les autres doivent savoir qu'il n'est pas licite aux
filles de demander à changer, ni expédient aux monastères de leur concéder,
cela tirerait à trop grande conséquence ; mais les Supérieurs doivent
seuls juger et disposer de tel changement, selon qu'ils voient être à propos.
Sur l'occasion de la fondation de Riom, vous pouvez juger si elle fera mieux
avec vous, qu'avec celle qui sera élue.
Je crois qu'il faut plutôt [se] contenter de douze cents écus pour
mademoiselle D***, que d'en espérer deux mille par procès. Dieu nous garde de
telle voie !
Vous avez bien fait de ne [pas] laisser entrer ces dames ; elles
n'auront pas plus de crédit ailleurs, si les prélats ne commandent qu'après
nous avoir ouïes. Bonjour, ma très-chère, nous allons vêtir une fille, notre
parente. Dieu soit béni. Je suis entièrement vôtre.
[P. S.] Notre Sœur
Louise-Antoinette me dit que le Père Suffren lui a conseillé de m'écrire
qu'elle était travaillée d'une pensée qu'elle a besoin de changer d'air pour sa
santé ; ne voilà-t-il pas une misère ?
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Désir de remettre le gouvernement de la maison de Paris à
la Sœur de Beaumont. — Préparatifs pour la fondation de Dijon où la Mère Favre
est proposée comme Supérieure. — Troubles dans Paris. — Pieuse mort du comte de
Fiesque.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 28 septembre 1621.
J'attendais nos pèlerins pour vous écrire ; mais, mon très-cher
Père, ils sont trop longs à retourner, et je crains que [577] vous ne soyez en peine de nous, qui, grâce à
Dieu, nous portons toujours mieux, au moins moi, à qui il ne reste qu'un peu de
faiblesse de vue et de pâle figure ; de sorte, mon très-cher Père, que
vous me verrez avec des besicles, quoique je n'en aie besoin que la nuit. Le
bon Père Binet m'a donné les siennes. Il est tout joyeux de m'en voir
servir ; cela m'avertit qu'il faut que je me hâte d'observer ma chère
Règle pour en avoir la perfection, qui est la seule que je désire.
Notre pauvre Sœur l'assistante retomba en fièvre double tierce
continue : elle nous fit peur un soir. Je pense que ce fut pour me faire
faire la parfaite résignation ; ce que je fis, par la grâce de Dieu, fort
tranquillement, étant prête d'acquiescer à tout ce bon plaisir divin.
Maintenant, elle est tout à fait hors de fièvre et d'accès, et se remet
doucement ; mais il lui faudra bien le mois qui vient avant qu'elle soit
comme il faut pour prendre la charge que je lui remettrai, s'il plaît à Dieu,
afin de la voir cheminer, et me reposer aussi pour être plus forte au voyage,
et à ce qu'il vous plaira me commander, mon très-cher Père.
Madame de Boissieux vous aura, dit-on, écrit la disposition pour
l'établissement de Dijon, dont ces bonnes âmes qui sont là se tiennent si
assurées qu'elles préparent une maison et ce qui est requis pour recevoir les
Religieuses. La bonne madame la duchesse de Bellegarde voudrait nous loger avec
elle, et, pour cela, souhaite que M. son mari ne soit pas à Dijon quand les
Religieuses y arriveront. Enfin, elle témoigne une grande affection et désir
que j'y aille pour le commencement ; ce que je vous dis simplement, mon
très-cher Père, afin que vous m'ordonniez ce qu'il vous plaira. Je crois que la
grande fille sera fort propre là, attendant que Notre-Seigneur l'emploie
ailleurs. Il lui faut seulement une bonne seconde. Il lui faut pour le moins
cinq filles ; vous y penserez à loisir, mon très-cher Père. Nous aviserons
avec vous comment on les fera venir [578] pour nous rencontrer toutes ensemble, si vous commandez que j'y aille.
Certes, si vous y employez notre Sœur de Montferrand, j'y servirai de peu, si
ce n'est un peu à elle.
Tout va de bien en mieux en nos maisons de deçà, grâce à Dieu ;
elles se promettent merveille de notre passage. Dieu me rende digne et propre à
les servir selon sa sainte volonté ! J'en ai un grand désir.
Notre chère fille, madame de Port-Royal, a été vivement combattue par M. Duval et M.
le curé de Saint-Merry, mais non pas vaincue. Ils devaient aujourd'hui venir
ici pour m'en parler. Ils sont toujours sur cette assemblée ; j'ai bien
envie que le Révérend Père Binet la voie. Je crois qu'elle le mettra de son
côté, et si cela est, avec ce qu'elle a déjà, la bonne Mère sera vaincue. Il
devait aujourd'hui venir ici pour m'en parler, mais il est retenu par cette
dangereuse et chaude émotion qui est parmi le menu peuple de cette ville, qui
tuait hier à tort et à travers ce qui lui résistait. La mort de M. du Maine les a tellement animés contre les huguenots,
que messieurs de la ville ont grand'peine d'en empêcher le massacre. Vous savez
qu'en telles occasions le bon pâtit souvent pour le mauvais. Hier, ils
brûlèrent le temple de Charenton et plusieurs maisons ; les écoliers s'en
mêlent. Enfin, tous les gens de bien sont en grande peine. Dieu, par sa bonté,
y mette sa bonne main ! J'espère, avec sa grâce, que le plus fort est
fait ; il y a longtemps que cela se couve. Si le Roi entre dans
Montfaucon, comme on l'espère, dans la fin de ce mois, cela amortira
tout ; c'est pitié que telle affaire !
Hélas ! mais mon très-cher Père, notre pauvre M. de [579] Saint-Jacques mourut mardi ; certes,
cela nous a bien touchées. Dieu nous veuille bien pourvoir ! M. Le Blanc,
l'un des grands-vicaires, est un fort bon homme et qui témoigne de
l'affection ; peut-être le demanderons-nous.
Le pauvre M. le comte de Fiesque a été tué ; il est mort comme un
saint, et madame de Guise me disait l'autre jour que M. son mari lui avait
écrit qu'après qu'il fut passé, chacun s'efforçait de lui baiser les pieds, les
mains, lui couper sa chemise et avoir quelque chose qui eût touché son corps.
Voilà comme Notre-Seigneur honore les bons. Peu de jours avant sa mort, sa
chère veuve m'avait écrit et conjurée de la remettre entre les mains de Dieu et
tout ce qui lui appartenait, pour en disposer selon sa sainte volonté, Dieu la
disposant ainsi doucement par cette détermination ; on l'attend ici. Cette
pauvre veuve a un désir si extrême de se remettre entièrement à votre conduite
qu'il ne se peut dire. Je verrai si elle pourra se déclarer par lettres et par
mon entremise, car elle m'a grande confiance. Elle croit qu'il n'y a personne
pour sa conduite que notre esprit ; c'est une âme digne d'être servie.
Je reçus l'autre jour votre chère lettre, mon très-cher Père, que vous
m'écrivîtes par la voie de M. de Ballon ; de toutes saisons, elles me sont
extrêmement bonnes. Ce petit mot de votre cœur a grandement consolé celui-ci.
Oh ! combien je le relus !
Loué soit notre grand Dieu qui nous rendra toujours plus parfaitement
siens 1 Et béni soit-il aussi pour la continuation du petit Office, comme il
est marqué au Directoire. Je crois qu'il ne faudra rien changer, que nous ne
soyons auprès de vous, mon très-cher Père ; car, puisque les évêques ont
ce pouvoir de dresser les Offices, pourquoi ne conserverions-nous [pas] le
nôtre ? J'espère, mon vrai Père, que Notre-Seigneur confirmera tellement
ce pauvre petit Institut, et rendra les filles si exactes à l'observance, que
jamais rien ne s'y ébranlera ni [580] changera ; c'est toute mon ambition et mon désir, et ne saurais
recommander que cela.
La chère petite commère n'est pas ici ; la plupart sont aux
champs. Notre madame de Ville-Savin est toujours meilleure et incomparable en
son amour ; elle parle de vous avec une suavité toute sucrée, et vous
salue très-chèrement.
La petite Sœur de Villeneuve se porte mieux. Mon Dieu, que ce sont des
esprits bien faits que ces deux Sœurs ! Cela est si parfaitement à nous
que rien plus.
Voilà la pauvre Sœur assistante qui vous écrit, je ne sais pas quoi,
ç'a été à mon insu ; j'eusse fait difficulté de lui permettre encore.
C'est une âme toute vertueuse, une règle vivante ; certes, voici de bonnes
âmes.
Mon Père, je salue très-chèrement Mgr de Chalcédoine, messieurs nos
très-chers frères de Thorens et !e chevalier, nos Sœurs bien-aimées, mesdames de la
Fléchère, Charmoisy et la présidente [Favre de la Valbonne] et les autres
amies, s'il vous plaît, mon très-cher Père. Dieu seul soit l'éternel et unique
amour de votre cœur. Amen.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [581]
LETTRE CCCL (Inédite)
- À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Les filles de la Visitation doivent aimer le mépris et
s'estimer les moindres Religieuses qui soient en l'Église, — Ne point chercher
de perfection hors de la parfaite observance.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 28 septembre 1621.
Dieu soit béni, ma très-chère fille, vous voilà donc déchargée de cette
pauvre fille, Qu'importe si l'on parle un peu contre vous ! N'est-ce pas
le dessein de Notre-Seigneur que nous soyons les plus petites et humbles
Religieuses de son Eglise, et qui nous peut mieux servir à cela que les mépris
et censures ? O ma fille, rien ne nous doit être plus cher que cela,
n'est-ce pas notre esprit ? Pour Dieu, inculquez-le dans le cœur de vos
filles avec la parfaite et ponctuelle observance. Ne cherchons point d'autre
perfection, n'étendons pas nos désirs ailleurs, mais, je vous prie, ne laissons
pas un iota qui ne soit en pratique.
Or sus, demeurez en paix et ne regrettez rien sur le prompt départ de
notre M. Vincent ; il faut être souple à toutes les volontés et
permissions de Dieu. Il faut toujours rendre tout honneur à notre Sœur [de
Montferrand] et lui mander quelquefois comme tout va à la maison. Je crois que
nous l'amènerons à Dijon. Elle m'a écrit que la Supérieure prétendue était fort
étonnée aux charges et qu'elle avait besoin d'une bonne seconde. Je le
crois ; voyez si vous pouvez lui en envoyer une.
Conforme à l'original gardé aux Archives de ]a Visitation
d'Annecy. [582]
LETTRE CCCLI (Inédite) - À M.
MICHEL FAVRE
CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES
DE M VISITATION D’ANNECY.
Félicitations sur son retour de Rome. — Désir d'obtenir
des indulgences en faveur des séculiers.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Vous êtes donc le très-bien revenu, mon bon et cher Père, et loué soit
Dieu du bon succès de votre voyage. Il faudra donc attendre en patience la
grâce que Notre-Seigneur nous voudra faire pour l'Office. Nous acceptons pour
cinquante chapelets l'offre que vous nous faites de vos Indulgences, et vous en
remercions de tout notre cœur. Plût à Dieu que vous nous eussiez apporté des
Indulgences pour notre fête, au profit des séculiers. Notre-Seigneur nous
concédera un jour, s'il lui plaît, tout ce qui nous sera nécessaire. Cependant,
faites-moi ce bien, de resaluer, s'il vous plaît, ces bons Pères qui ont
souvenance de nous. J'aurais une confiance entière de vous voir au retour de
ces bons voyageurs, n'était que je m'imagine que M. Crichant s'en va chargé de
persuasions vers Monseigneur pour nous faire arrêter ici l'hiver ; c'est
pourquoi je tiens mon espérance rangée et soumise au bon vouloir de Dieu, afin
de recevoir tout paisiblement ce que Monseigneur me renverra et commandera. En
tout cas, il ne faut nullement dire qu'où ne me renverra pas par deçà, car
l'espérance et la croyance que l'on y a de mon retour, accoise tout à fait la
fantaisie du monde ; que s'il croyait autrement, il y a de l'apparence que
cela nuirait ; car voici un étrange monde, mais en trois mois on n'y
pensera plus.
Mon cher Père, je suis toujours vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit
béni !
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [583]
LETTRE CCCLII (Inédite)
- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Prudence à garder pour son départ de Montferrand. — La
Sainte prolonge son séjour à Paris. — Il ne faut pas confier à une jeune
Religieuse la charge de maîtresse des novices.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, novembre 1621.]
Je serais bien marrie si mes lettres étaient perdues, ma très-chère
fille, car pour le moins je vous ai écrit deux fois et fait réponse à tout, et
vous ai mandé ce que l'on espérait de la fondation de Dijon ; que si elle
réussit, je crois qu'il vous faudra quitter Montferrand ; mais je crois
qu'il se faut bien garder d'en parler, craignant que ces messieurs de
Montferrand ne fassent difficulté de vous laisser sortir pour cela, et crois
qu'il faudra toujours faire parler M. votre père ; mais pour cela nous
vous avertirons à point, si les affaires le requièrent.
Pour moi, je pense que je suis encore ici pour trois mois, pour
contenter l'opinion du monde et notre chère Sœur H.-Angélique (celle qui a
donné ces quinze mille écus pour la fondation), qui a un désir incroyable que
je la fasse professe avant mon départ. On en a écrit derechef à
Monseigneur ; je crois qu'il acquiescera, autrement je crois bien qu'il y
aurait du mécontentement de la part de messieurs ses parents, outre le sien.
Or, je ne fais pourtant plus rien ici, car je remis lundi le gouvernement à
notre Sœur l'assistante, quoique l'on n'ait pas voulu que ce soit avec titre de
Supérieure pour encore ; mais cependant elle s'introduira aux affaires et
connaissances, et je serai bien aise de la voir cheminer. Tout va bien ici,
grâce à Dieu, et la maison est en grande estime.
Je crois que difficilement permettra-t-on à Lyon de sortir la petite
Sœur novice, ni M.-Claire ; néanmoins j'en parlerai à [584] M. de Maussac, qui est ici. Mgr de Lyon s'en
alla l'autre jour. Je vous avais écrit, ce me semble, que notre Sœur N***, de
Bourges, était devenue une fort brave fille. Mgr de Bourges me disait encore
l'autre jour mille biens d'elle, et entre autres, qu'elle attirait le cœur de
tous ceux qui la voyaient ; et je sais que de très-braves filles, qui sont
dans votre maison, ont été fort attirées par elle. Voyez si elle pourra servir,
car je vous ai mandé que la petite [Sœur Marie-Michel] des Roches était trop
jeune pour être directrice, encore qu'elle en fût capable, il ne le faut pas
faire pour l'édification.
Adieu et bonjour, ma très-chère grande fille, et à toutes vos chères
filles, que je salue très-cordialement. Monseigneur m'a écrit qu'à mon retour
je passasse à Montferrand ; cela servira-t-il à quelque chose ? car
il faudra bien se détourner ; mais rien n'est difficile, ains tout est
facile pour servir Dieu et voir nos Sœurs, que j'aime toutes très-chèrement. Ma
fille, je suis vôtre sans réserve.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Reims.
LETTRE CCCLIII (Inédite)
- À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE
SUPÉRIEURE À ORLÉANS
Taire les imperfections du prochain. — Les aspirantes à la
vie religieuse doivent avant leur entrée être examinées par la Supérieure et
quelques Sœurs. — Ne rien changer dans la façon des habits. — Quand les
prétendantes peuvent aller au parloir.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 5 novembre 1621.
J'en serais bien marrie, ma très-chère fille, si la lettre que je vous
ai écrite avant le départ de M. de Boissieux était perdue. Il s'en est beaucoup
perdu d'autres, à ce que je vois par les vôtres. Bien, patience, il les faut
mieux adresser. Je me souviens [585] de vous dire qu'il ne faut jamais rien dire qui fasse entendre les
imperfections de nos Sœurs, sinon quand la nécessité ou utilité de la maison le
requiert, et alors il le faut faire avec grande charité et considération. Non,
il ne faut pas laisser entrer les prétendantes qu'elles ne soient bien
reconnues, et que la Supérieure et quelques-unes des principales Sœurs ne les
aient jugées propres pour l'Institut. Mon Dieu ! [plusieurs mots illisibles], nous devons prier et considérer avant que
recevoir les filles.
Si l'on n'eût été sur le raccommodage des robes, vous eussiez sans
doute mal fait d'en changer la façon ; car, jamais il ne faut toucher
cette corde-là, de changer, ajouter ni diminuer rien des coutumes.
Passé les premiers huit jours, il faut empêcher les prétendantes
d'aller au parloir, sinon pour les tout proches parents.
J'ai reçu toutes vos lettres pour cette fille. Je vous dis derechef,
conférez-en avec le Révérend Père Binet, que je salue très-humblement, après
avoir pris le sentiment des Sœurs, et faites, au nom de Dieu, ce qui semblera
le mieux, ayant préalablement prié pour cela et fait une communion. — Ces ris
me déplaisent, et même ne semblent nullement l'esprit de Dieu. Il faut travailler
encore quelque temps autour de ces filles légères et peu dévotes, parce
qu'elles sont jeunes, leur faisant entendre qu'il n'y aura point d'habit pour
elles qu'elles ne s'en rendent capables.
Je parlerai comme il faut à M. Osmon. Je ne l'ai su faire encore, tant
à cause des fêtes [qu'à cause] que j'ai un peu traînassé et me suis purgée,
dont je me porte bien, Dieu merci. Il ne faut pas mécontenter madame la
comtesse de Saint-Pol. Je m'assure qu'elle ne mettra pas cette
fille à la charge de la maison. Il le faut bien faire entendre à M. de
Boissieux, voire, [586] même
pour elle et pour sa fille, car il n'est nullement raisonnable qu'elles soient
là deux personnes, si elles ne payent pension ; il le lui faut dire
cordialement.
Monseigneur se porte bien, grâce à Dieu ; il est toujours en
espérance de venir ici, dont je serai grandement consolée.
Donnez ce billet à M. de Boissieux. Je salue chèrement toutes nos
Sœurs, mais surtout nos pauvres professes, que j'aime de tout mon cœur, et
notre Sœur E.-Marie. Mais vous ne me dites point si la petite Sœur
B.-Françoise... [mots
illisibles]. Dieu nous
bénisse toutes, ma très-chère fille. Vous savez bien que je suis vôtre sans
réserve.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Rennes.
L'abbesse de Port-Royal désire entrer à la Visitation. —
Estime de Mgr de Nantes pour saint François de Sales. — La communauté doit-elle
se servir de cuillers d'argent ?
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Mon très-cher Seigneur et unique Père,
Que faites-vous et que fait-on en notre pauvre petit pays ?
J'avoue que j'en suis bien en peine, et quelquefois il m'en prend d'étranges
émotions. Notre bon Dieu vous conserve et réduise ses ennemis sous l'obéissance
de sa divine volonté.
Voilà des lettres de cette chère fille de Port-Royal :
véritablement elle est digne de compassion ; car ses désirs croissent
parmi les contradictions, si entièrement qu'il ne se peut dire. Enfin, qu'on
lui dise ce qu'on voudra, et que l'on fasse tel jugement qu'il plaira, cela ne
sera que de l'huile jetée sur le feu de son ardent désir ; et s'il la faut
faire départir de cette prétention, il n'y a que vous seul qui puissiez le
faire ; car (comme [587] elle
m'écrit encore), à votre seule parole elle quittera tout avec une entière
paix ; mais tout le monde ensemble ne saurait faire cela. Elle me dit
encore que, pour je ne sais quoi au delà de tout ce qu'elle peut penser, elle
sent que Dieu l'appelle à la Visitation. J'ai ce même sentiment ; mais,
pour Dieu, mon vrai Père, dites-moi franchement si c'est le vôtre ; car,
pourvu que vous nous parliez bien clair, comme ayant seul l'autorité de le
faire, puisque sans réserve elle s'est remise à vous, j'espère que l'on amènera
tous les autres là. Dites-moi seulement si vous pense ? que ce soit la
volonté de Dieu qu'elle sorte de là ; car pour les difficultés je n'en
fais point d'état. On l'assure, et Mgr de Nantes me disait encore hier que ses
vœux sont nuls ; elle peut donc en sortir en conscience. Il ne reste à
savoir, sinon s'il sera plus utile à la gloire de Dieu qu'elle demeure là,
contre tous ses sentiments et attraits intérieurs, et la croyance ferme qu'elle
a de la nécessité du secours de l'obéissance (qui est ce que je trouve de plus
important pour elle, et le plus considérable), ou qu'elle vienne ici où il y a
mille apparences de profit particulier pour elle. Je ne me saurais tenir
d'ajouter que Dieu lui ayant donné si fort l'esprit de cet Institut, je crois
que c'est pour en tirer sa gloire au service de tout l'Institut. Même il a
fallu contenter mon cœur à vous dire tout son sentiment encore cette
fois ; et je vous supplie, mon vrai Père, que le plus tôt qu'il vous sera
possible, l'on ait de vos nouvelles là-dessus.
Le très-bon Mgr de Nantes aime cet Institut parfaitement ; mais de
vous, je n'oserais écrire ce qu'il en dit ; c'est sa douceur et ses
délices que de parler de vous et de vous considérer, mais il le fait avec
admiration. Il me témoigna un déplaisir de s'en aller sans vous avoir vu, et de
n'avoir profité du temps, quand vous étiez ici la dernière fois ; mais en
tout cela, il n'y a que de sa faute et manquement de se déterminer ; c'est
une âme sainte et innocente.
Cette ville est toujours grandement affligée par les [588] continuelles pertes qui arrivent tous les
jours des meilleurs, des plus braves et des plus gens de bien qu'elle eût, et
de toutes condition : on ne voit que deuil. De crainte qu'on ne brûle la
ville, ils mettent le meilleur ordre qu'ils peuvent, et l'on fait garde
générale et continuelle en tous les quartiers ; et pour cela, l'on fait
force prières partout, et j'espère que Dieu détournera ce malheur.
Je vous écris si empressement que je n'ai pas le loisir de penser à ce
que j'avais à vous dire ; il me vient seulement en mémoire de vous demander
si vous entendez que l'on se serve de cuillers d'argent à la communauté, ou si
c'est seulement pour les malades ; car je le comprends ainsi, que ce n'est
que pour l'infirmerie. Mon unique Père, Dieu comble votre chère âme et la
mienne de son très-saint amour. Hé mon Dieu ! qu'il y a longtemps que vous
ne m'en avez rien dit, de cette chère âme ! Je m'en vais, la semaine
prochaine, revoir celle que vous avez ici : Notre-Seigneur en ait pitié,
et me donne lumière et force pour le servir plus fidèlement et utilement. Je
salue très-humblement Mgr de Chalcédoine, nos bonnes amies, que vous connaissez
partout, et nos pauvres Sœurs. Mon très-cher Seigneur, vous savez ce que je
vous suis, par la grâce de Dieu. Qu'il soit éternellement béni. Amen.
Conforme à une copie de I'original gardé au premier
monastère de la Visitation de Madrid. [589]
LETTRE CCCLV (Inédite)
- À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Il ne faut pas recevoir facilement les Religieuses
professes d'un autre Ordre. — Les officières qui s'attacheraient à leur emploi
doivent être changées.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 7 décembre 1621.
Je n'ai point encore vu ceux qui ont apporté votre lettre, car ils
vinrent pendant le sermon ; et je ne me souviens point, ma très-chère
fille, qui est cette madame Desmoulins, mais je la salue très-chèrement ;
ayant les conditions que vous me marquez, je l'honore de tout mon cœur.
Il est vrai, j'ai vu la lettre de cette bonne Religieuse ; elle ne
peut entrer parmi nous, qu'avec dispense du Pape, et parce qu'elle a longtemps
vécu dans une autre Religion [Ordre], elle en doit être davantage
considérée ; car bien souvent on a grand'peine à changer ses habitudes et
manières de vie Or, elle ne pourrait être reçue en cette ville parce que notre
maison est pleine, et avons une quantité de filles qui prétendent. Certes, si
j'avais le loisir, j'écrirais de tout mon cœur à votre cher Père, M. de
Saint-Nizier, car je l'honore de toute mon affection et c'est un vrai serviteur
de Dieu et auquel nous devons grandement.
Non, ma fille, je n'ai point parlé de vos affaires à Mgr l'archevêque,
c'est un prélat qui ne donne pas toujours confiance ; mais Dieu vous
aidera, et, si vous m'en croyez, vous vous con-tenterez de parler de vos
affaires avec le très-bon M. de Saint-Nizier, sinon aux occasions qui renvoient
à l'évêque. Laissez faire cette bonne madame de Boissieux, puisqu'elle ne vous
veut pas croire ; car n'ayant pas des sujets capables pour le dessein,
ainsi que m'a dit M. de Maussac, à quoi servirait notre entremise ? Je crois,
Dieu aidant, partir d'ici environ le [590] commencement du carême, car jusque-là il faut patienter. Je crois que
votre Sœur Anne-Louise de Villars fera prou, si on la veut donner pour
Montferrand.
Qui en doute, ma très-chère fille, qu'il ne faille changer les
officières, surtout quand on les voit attachées à leur charge ; oh !
il ne faut nullement nourrir ces faiblesses, tendretés, ni attaches. Je loue
Dieu avec admiration de la souplesse des filles de cette maison. Croyez que je
ne les nourris nullement tendrement, aussi on les tourne à toutes mains comme
on veut. Écrivez hardiment et confidemment à M. Vincent. Adieu, ma fille, Dieu
vous bénisse et votre chère troupe. Il soit à jamais béni. Amen.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
Affaires de la fondation de Dijon. — La Sainte tire copie
des lettres de direction qu'écrit son Bienheureux Père. — Difficultés qui
empêchent madame de Port-Royal de quitter son abbaye. — On demande l'établissement
d'une Congrégation d'hommes à l'instar de la Visitation. — Questions concernant
l'entrée des postulantes.
VIVE † JÉSUS !
[Paris], 7 décembre 1621.
Mon très-cher Père,
Le saint nom de Dieu soit béni de tout et particulièrement de ce qu'il
plaît à sa bonté vous tenir en santé !
J'ai reçu votre chère lettre par M. de la Pesse, lequel je n'ai point
revu depuis. Il n'y a encore rien d'achevé à Dijon, quoique les dernières
lettres disent que l'on croit que tout sera résolu dans huit jours. Madame de
Boissieux leur a écrit que vous vouliez envoyer notre Sœur [Marie-Jacqueline]
Favre, parce que je ne pouvais bouger d'ici. Cela a bien fait du bruit,
[591] mais notre cher archevêque
apaisera cela. Si nous y allons, je ménagerai bien, Dieu aidant, votre avis,
mon très-cher Père.
Pour ce qui regarde M. le premier président, mon Dieu ! qu'est-ce
que de l'esprit humain ? Notre Mgr de Bourges s'attend bien que vous lui
écrirez, mon très-cher Père, pour savoir de vous-même votre sentiment sur son
changement de lieu. Si vous le pouvez, donnez-lui, je vous supplie, cette
consolation et à Mgr de Langres aussi, lequel est si bon et vous honore avec
tant de sincérité et d'amour.
Vous ne me faites mention, mon très-cher Père, que de l'entrée des
femmes désolées. Mais celles qui voudraient un peu de retraite, pour préparer
ou avancer leur âme au salut éternel, ne pourraient-elles pas l'avoir ? Il
est vrai, il faut que le Directoire des réceptions soit à part. Nous ferons
bien faire cela, Dieu aidant. Je ne sais si l'on m'apportera une Règle reliée
pour vous l'envoyer, car il m'en tarde, mon très-cher Père.
La petite nièce de M. Duret n'est point goûtée des Sœurs, son
retardement a été par mon conseil, et j'ai cordialement pensé,
qu'infailliblement, si on l'eût prise plus tôt, elle eût été renvoyée. Je leur
ai offert que nous la recevrions dans six mois ; trois sont passés. Ils
ont tort de craindre de notre part ; car, comme je leur ai toujours dit,
ils se doivent confier à ce que nous devons à votre recommandation, mon très-cher
Père. Elle sera donc reçue infailliblement ; mais je ne sais si elle
persévérera, car elle est stupide, et a peu de vocation, si Dieu avec l'âge ne
la lui accroît ; et c'est la cause pourquoi je leur ai conseillé de la
retarder.
Je n'ai garde de partir d'ici, mon très-cher Père, que je n'aie, si je
peux, des copies de toutes les lettres que vous y avez écrites, qui sont
d'instruction. La bonne madame Boudeau ne demeurait plus sur le Pont quand il
fut brûlé ; de sorte qu'elle n'a point de part en cette affliction ;
mais elle a été fort [592] malade
de la fièvre pourpreuse qu'elle prit aux galériens avec notre pauvre Sœur de
Gouffier. Je lui ai fait savoir votre soin paternel, mon très-cher Père.
Le Père Binet a très-bien reçu votre lettre, laquelle il m'envoya pour
la voir, avec recommandation de la lui renvoyer bien promptement, ce que je
fis ; car j'en avais déjà pris une copie. Il avait aussi revu notre chère
madame de Port-Royal ; il est tout pour elle, et lui a promis de lui
gagner les autres Pères. Je crains que son affaire à Rome ne soit empêchée de
céans, mais je ne doute nullement que Dieu ne la lui fasse obtenir ; car
tant de serviteurs de Dieu approuvent son dessein. Je crois que la bonne Mère
et M. d'Andilly se laisseront aller, car déjà ils penchent, et M. son frère
peut bien fort l'aider. Je lui ai conseillé de se servir de cette voie. Il a
pensé mourir à l'armée, mais il est tout guéri, et la bonne mademoiselle Le
Maistre, Dieu merci. Celui qui est à Rome leur a obtenu une licence perpétuelle
pour entrer céans, tous les quinze jours une fois. Certes, ce sera à condition
qu'elles attendront que la chère fille y soit, car si cela ne sert de prétexte,
il y aurait de grands mécontentements en plusieurs de nos amies qui désirent le
même, et conséquence à grande gêne dans Paris.
Il faudra donc, mon très-cher Père, donner le voile noir à cette chère
Angélique [Lhuillier] qui le désire tant ; mais, au partir de là, je vous
supplie très-humblement ne plus rien remettre à mon jugement, sinon toutefois
qu'il vous plaise, car enfin c'est toujours obéir, et cette façon est
meilleure, puisque j'y ai une très-grande aversion, et une suavité incomparable
quand vous me commandez franchement. Mon Dieu ! s'il se peut, donnez-moi
cette consolation, mon très-cher Père, pour le temps du départ d'ici. Notre
fille fera la sainte profession le 12 février comme nous espérons ; après
cela, il me semble qu'il n'y aura plus rien de légitime pour m'arrêter.
Oh ! je prie Dieu me faire cette grâce et cet honneur, que sa [593] très-sainte volonté me soit toujours
signifiée par vous, mon très-cher Père, et qu'elle soit toujours suivie et
servie. Je le veux et le désire de tout mon cœur, sans réserve, ni sans si...
Or, voici le principal que j'ai à vous dire, mon très-cher Père :
vous avez souvenance que feu notre pauvre Sœur de Gouffier vous écrivit de la
part de M. Jocelin, lequel me vint derechef prier dernièrement de savoir de
vous s'il n'y aurait moyen que vous voulussiez établir une Congrégation
d'hommes, tout ainsi qu'est la nôtre ; que pour cela, il y a quantité de
bons sujets ici et des commodités temporelles très-suffisantes. Ils voudraient
observer nos mêmes Règles et Constitutions, et être Religieux. Je lui dis que
je croyais que volontiers vous vous emploieriez à cela, mon très-cher
Père ; mais que la grande difficulté était de votre éloignement, parce que
le plus grand profit et utilité était de prendre votre esprit. Je n'osai pas,
si j'ai mémoire, lui dire qu'il faudrait que vous vinssiez ici, ne sachant si
vous le trouveriez bon ; mais je proposai que l'on vous envoyât des hommes
les mieux disposés pour être dressés. Il me dit que plutôt il faudrait
quelqu'un de votre part, qui eût été élevé avec vous, qui fut capable de
gouverner les autres. Il me pria instamment de vous faire cette proposition, et
je crois qu'il est un de ceux qui voudraient s'embarquer, car il est veuf
depuis environ six mois. Or, si vous trouvez cette proposition recevable, vous
me manderez, s'il vous plaît, mon très-cher Père, quoi et comment il faudrait
s'acheminer, et tout ce qu'il vous plaira que je réponde. Je pense qu'avant de
s'assembler il faudrait avoir des licences. Si cette pensée est de Dieu, il
conduira tout.
Vous savez que le Père Arnoux n'est plus auprès du Roi ; M. de Luynes y a fait aller en grande
diligence le Père Séguiran, Jésuite. [594]
Mon très-cher Père, dites-moi, je vous supplie, si cette entrée des
filles, dont vous parlez au premier chapitre de leur réception, doit être
seulement pour les considérer avant que de leur donner assurance de leur
réception, puis les remettre dehors jusqu'à ce que la Supérieure ait résolu,
avec l'avis du Supérieur et des Sœurs, de son entrée finale. Je trouverais cela
bon ainsi ; mais je désire savoir si vous l'entendez de cette sorte, d'autant
qu'on les peut prendre pour ne les plus renvoyer, et cependant on les
connaîtrait mieux en deux ou trois jours de séjour en la maison, qu'en trois
mois au parloir. Dites-moi aussi, s'il vous plaît, s'il faut licence pour les
faire entrer la première fois, voire, quand c'est pour les garder ; car
bien souvent, ici, l'on ne peut parler de la réception des filles avec les
Supérieurs ; et s'il faut licence pour faire entrer les Sœurs tourières,
puisque la Règle l'ordonne.
Pardonnez-moi, mon très-cher Père, mais ne me répondez que par la main
de M. Michel, quoiqu'il me tarde fort que je sache un peu des nouvelles de
votre cher cœur. La très-sainte Vierge y fasse sa sainte conception et l'Enfant
Jésus sa naissance. Amen. Très-cher Père, il me semble que tout cela est
fait par la grâce infinie de ce doux Sauveur, que je supplie d'accroître en
votre chère âme et la mienne, l'abondance de toutes bénédictions. Bonjour, mon
très-cher Père. Veille de votre sacre. Dieu soit béni ! Amen.
[P. S.] Permettez-moi de saluer très-humblement Mgr
de Chalcédoine, madame la présidente et ma très-chère sœur de Charmoisy, toutes
nos dames, s'il vous plaît, mon très-cher Père.
Mon très-cher Père, je n'ai pu avoir la Règle ; elle n'est pas
achevée de relier. Je crains qu'en l'attendant, le messager ne parte.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Dijon. [595]
À RUMILLY
Avantages des souffrances inconnues aux créatures. —
Estime de la haute perfection de saint François de Sales. — Maternelles
confidences.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621].
Madame,
Je prie Dieu qu'il soit toujours la force, l'amour et l'espérance de
votre âme, que la mienne chétive aime incomparablement. Ma toute bonne et chère
Sœur, hé ! que vos lettres me consolent, quoique, certes, je ressente
l'exercice que vous avez par ces poignantes et inconnues douleurs ; mais
quel bonheur de souffrir quelque chose, que le seul œil de notre bon Dieu
voie ! Ah ! que notre mal doit grandement relever notre courage,
voyant le moyen d'union secrète aux douleurs de notre doux Maître, car combien
en a-t-il souffertes que les hommes ni les Anges n'ont jamais connues !
Soulagez-vous de cette pensée au fort de votre peine, laquelle néanmoins vous
ne devez celer (je crois que vous ne le faites pas), à notre Bienheureux
Père ; nous le pouvons, ce me semble, nommer comme cela. Il y a ici un
digne ecclésiastique qui le nomme ainsi : le vrai Père. Je crois,
ma très-chère Sœur, que tous les jours davantage il vaque à la plus haute
perfection. Heureux ceux qui voient les exemples de ses rares vertus, mais
très-heureux ceux qui l'imiteront ! Dieu nous fasse la grâce d'être de ce
nombre et que ma faiblesse ne m'en empêche point ; j'aurais de quoi me
contenter, si je le suivais de cent pas.
Je suis bien aise de ce que votre bonne sœur a la consolation d'être
retirée chez vous, et que votre fils est bon. Dieu lui fasse la grâce de
persévérer et d'arracher la vanité du cœur de vos filles ! La mienne est
assez portée à l'excès des dépenses, et il [596] est bien besoin qu'elle ait trouvé un bon et sage mari comme est le
sien. Je m'essayerai, en la voyant, de la réduire moyennant la grâce de Dieu.
Je la recommande à vos prières. Mon fils dépense aussi excessivement ;
mais il est au reste brave, aimé et estimé en cette cour, où le roi lui a donné
une charge fort honorable à son âge ; tout cela n'est que vent !
J'estime plus le souvenir que vous avez d'eux devant Dieu que ces grandeurs. Il
est ici ; je veux dire toujours avec la cour, ou en sa garnison. J'ai confiance
aux prières de notre très-cher Père pour leur salut, qui est tout ce que je
leur désire.
Adieu, ma très-chère Sœur.
SA FILLE
Obligation pour une jeune femme de réprimer ses fantaisies
et son goût pour la toilette.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621].
Ma très-chère fille, voilà un habit tout complet des plus beaux et des
plus riches qui se puissent faire. Si votre frère était bien riche, il eût fort
désiré d'accomplir [acquitter] votre mémoire, mais il vous supplie de vous
contenter de sa bonne volonté, puisqu'il ne peut davantage. Contentez-vous fort
aisément d'un habit complet fort honnête comme celui-ci ; mais vous l'avez
tant désiré que l'on a voulu vous contenter. M. de Toulonjon m'écrit que vous
n'avez pas un seul habit que celui que vous portez ; je m'en étonne, parce
que, depuis dix-sept mois, vous en avez quatre de soie et la robe de l'habit à
fleurs, que vous m'aviez écrit que vous avez. Mais, ma chère Françon, que
faut-il croire, je vous en prie ? Oh ! Dieu vous bénisse, ma fille,
soyez contente et témoignez [597] que
vous êtes fille de père et de mère qui ont toujours grandement été
raisonnables, paisibles et constants en leur parfaite amitié : c'est ce
que je vous désire.
Je suis pressée. Mille saluts à vos chers parents. N'attendez point
votre frère, il ne peut y aller et je ne le veux pas ; vous avez mon
neveu. Courage, ma fille, et n'ayez point de fantaisies ni de niaiseries
d'enfance, vous attachant et vous troublant pour des riens. Dites et priez
instamment M. de Toulonjon de me tenir prêt l'argent d'un habit. Je crois que
les parties monteront à près de cinq cents livres ; je ne puis les avoir
maintenant pour les donner ; ce sera aux premiers jours, car je ne
voudrais nullement demeurer ici engagée. Je suis fort pressée. Dieu vous
bénisse, ma très-chère Françon.
Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation
de Lyon.
SUPÉRIEURE À MOULINS
Il faut exercer la supériorité avec un esprit de très-profonde
humilité, et ne jamais recevoir un sujet dépourvu de la crainte de Dieu et de
la souplesse de caractère.
vive † jésus !
[Paris, 1621.]
Je suis touchée de votre touche ; mais il faut tout jeter au pied
du crucifix, et me faut souffrir que je vous dise toujours (parlant en vérité à
moi comme aux autres), qu'il faut exercer nos supériorités avec une
très-profonde humilité, avec un esprit reposé, tranquille et non
tranchant : voilà à quoi et vous et moi, ma très-chère fille, devons
butter ; car, ne vous en déplaise, il y a longtemps que je crois que nous
avons un peu le naturel conforme, quoique, en vérité, je dis que vous l'avez
meilleur que moi. Avec cela, suivons nos Règles, et elles nous mèneront bien
[598] loin et bien droit au ciel.
Enfin, tant qu'il se pourra, il faut être indifférente et dépendre de la divine
Providence, sans nous jamais troubler quand tout devrait renverser.
Ma très-chère fille, il nous faut être fermes pour n'admettre aucun
esprit en qui l'on ne voie de la crainte de Dieu et de la souplesse. Dieu ne
nous manquera pas quand nous ferons notre devoir avec pleine confiance en sa
bonté. Cette fille de petit esprit, si elle est si bonne et qu'elle profite des
enseignements, surtout si elle est obéissante, je la recevrais. (La copie porte
ces mots : le reste a été coupé.)
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
SUPÉRIEURE À MONTFERRAND
Conduite à tenir à l'égard d'une prétendante qui manque
d'humilité et de mortification.
VIVE † JÉSUS !
[Paris. 1621.]
Dieu vous donnera son esprit, ma très-chère fille, et sera votre
conseil pour le regard de cette bonne veuve. Mais, puisque vous désirez que je
vous en dise mon sentiment, je prie Dieu qu'il me l'inspire.
Ma très-chère fille, il me vient [en l'esprit] que généralement nous ne
devons point faire d'état de l'étonnement que nous reconnaîtrons aux âmes sur
les difficultés de notre manière de vie. Certes, je ne sais personne si bien
ferrée qui, voyant cette soumission et exactitude extérieure, n'en reçoive un
peu d'ébranlement. Il faut que nous soyons fort adroites pour élargir les cœurs
et leur donner un grand amour et estime des vertus, par le moyen desquelles
nous imitons vraiment [599] notre
doux Seigneur et Maître. Or, cette bonne veuve a, dites-vous, la volonté
puissante et un grand soin de sa santé, et un esprit plein de raisons, et qui
en veut savoir de toutes choses. O Dieu ! ma très-chère fille, elle a bien
de la besogne ; c'est pourquoi, à mon avis, il la faut traiter par
discours et essayer de la guérir, lui découvrant doucement ses maladies sans
lui en donner de l'étonnement. Si vous m'en croyez, vous ne lui ferez pas
connaître que cela vous dégoûte, ni qu'elle en doive entrer en
découragement ; mais si, au contraire, elle reçoit bien la lumière que
vous essayerez de lui donner, espérez de votre part, et lui faites espérer
aussi en la bonté divine, que si elle entreprend de vouloir servir Dieu en
vérité, par une parfaite observance de ces deux paroles de Notre-Seigneur :
La douceur et humilité de cœur, qui sont répandues en toutes nos Règles,
elle pourra [devenir] et deviendra une très-grande servante de Dieu et utile à
sa gloire ; mais il faut qu'elle fasse une forte résolution, et qu'elle
connaisse bien ses défauts, autrement elle serait troublée et troublerait la
maison. Il vous la faut traiter fort cordialement, lui témoignant un grand
désir et amour de son bien, et lui faisant goûter le bonheur des âmes humbles
et soumises. Donnez-lui du temps suffisamment, et prenez l'avis du Père N...
avec confiance.
Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation
d'Annecy. [600]
ASSISTANTE-COMMISE À LYON
Décès de madame de Gouffier. — Les afflictions sont un
effet de la divine miséricorde.
VIVE † JÉSUS !
[Paris, 1621.]
Ma très-chère fille,
Notre pauvre très-chère Sœur de Gouffier est allée à Dieu fort
heureusement, après avoir souffert avec grande douceur, patience et
résignation, une violente fièvre pourpreuse, l'espace de trois semaines. Priez,
et faites faire les prières ordinaires des Sœurs pour le soulagement de cette
chère âme, et en avertissez nos Sœurs de Valence. Certes, ma fille, cette mort
a bien touché mon cœur ; mais voilà qui nous apprend à toujours mieux
faire ce qui est de notre devoir envers Dieu.
Il n'y a remède, il faut souffrir doucement les contradictions des
Supérieurs ; un jour, s'il plaît à Dieu, l'on pourra bien donner le voile
noir à cette bonne Sœur N***. Je salue très-chèrement M. votre Supérieur,
toutes nos Sœurs, et, à part, notre pauvre Sœur Jacqueline [-Élisabelh],
laquelle je conjure derechef de tenir son âme en patience et en repos sous la
volonté de Dieu, et qu'elle ne permette point à son pauvre esprit de discourir
sur cet accident de sa fille, ni penser qu'elle porte en ce mal le faix et
la punition de ses péchés ; elle verra un [601] jour que cette affliction est un effet de la
douce miséricorde de Dieu, qui fait souffrir cette âme innocente pour sa
gloire, et le profit de ceux qui la servent pour Dieu. Qu'elle ne fasse point
de chimère là-dessus, et qu'elle tienne son esprit soumis sans rechercher des
raisons. Ma fille, je suis vôtre.
Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation
d'Annecy.
FIN DU PREMIER VOLUME DE LA CORRESPONDANCE.
[603]
Pour expliquer les contradictions qui existent entre quelques notes
contenues dans ce volume et l'opinion de plusieurs écrivains, relativement au
rang d'ancienneté assigné aux premières Religieuses de la Visitation, il a paru
nécessaire de donner le tableau suivant, exactement conforme aux livres du
Noviciat, du Chapitre et des Vœux. D'après ces trois livres, et d'autres
Mémoires contemporains conservés au monastère d'Annecy, il ressort évidemment
que les saints Fondateurs de l'Institut avaient coutume de faire dater
l'ancienneté des premières Sœurs, non du jour de la vêture ou de la profession,
mais de celui de l'entrée au monastère. C'est en s'écartant de cet usage que divers
historiens se sont fourvoyés. Il a été jugé opportun, dans la présente
publication des Lettres de sainte Jeanne-Françoise, de suivre les coutumes
primitives de l'Ordre.
|
LIVRE DU NOVICIAT.
prise d'habit.
|
LIVRE DES VOEUX.
profession.
|
Sainte Jeanne-Françoise de Chantal
|
6 juin 1610
|
6 juin 1611
|
Sœur Marie-Jacqueline Favre
|
6 juin 1610
|
6 juin 1611
|
Sœur Jeanne-Charlotte de
Bréchard
|
6 juin 1610
|
6 juin 1611
|
Sœur Claude-Françoise Roget
|
22 juillet 1610
|
29 août 1611
|
Sœur Péronne-Marie de Chatel
|
26 juillet 1610
|
29 août 1611
|
Sœur Marie-Marguerite Milletot
|
14 août 1610
|
30 juillet 1612
|
Sœur Marie-Adrienne Fichet
|
6 janv. 1611
|
12 juin 1612
|
Sœur Claude-Marie Tiolier
|
6 juin 1611
|
12 juin 1612
|
Sœur Claude-Agnes Joly de la
Roche
|
25 janv. 1612
|
10 févr. 1613
|
Sœur Marie-Aimée de Blonay
|
25 janv. 1612
|
10 févr. 1613
|
Sœur Marie-Marthe Legros
|
21 sept. 1612
|
29 sept. 1613
|
Sœur Marie-Avoye Humbert
|
11 sept. 1612
|
25 janv. 1614
|
Sœur Anne-Marie Rosset
|
27 sept. 1612
|
29 sept. 1613
|
Sœur Marie-Antoine Tiolier
|
21 nov. 1612
|
25 janv. 1614
|
Sœur Anne-Françoise Chardon
|
29 nov. 1612
|
25 janv. 1614
|
Sœur Marie-Madeleine de Mouxy
|
2 juillet 1614
|
27 déc. 1615
|
Sœur Françoise-Gabrielle Bally
|
2 juillet 1614
|
6 août 1615
|
Sœur Marie-Françoise de Livron
|
2 juillet 1614
|
24 mai 1616
|
Sœur Claude-Simplicienne Fardel
|
2 juillet 1614
|
6 août 1615
|
Sœur Paule-Jéronyme de Monthoux
|
27 déc. 1614
|
27 déc. 1615
|
[605]
Préface........................................................................................................... 2
I.......................................................................................................................... 2
II........................................................................................................................ 9
III..................................................................................................................... 16
Remarques.................................................................................................. 20
années de 1606 à 1615.
Lettre première. - À M. le chanoine de Sales. — Témoignage d'estime et
d'affection pour la famille de Sales 22
Lettre
de madame de Boisy à la baronne de Chantal. — La lettre de madame de Boisy,
demandant que sa fille fût élevée auprès de madame de Chantal, mérite d'être
reproduite ici, en souvenir de cette vénérée mère de- saint François de Sales 23
Lettre II. — À madame de Boisy. — Conclusion du mariage de Marie-Aimée de
Chantal 24
Lettre III. — À saint François de Sales. — Ardeur de la
Sainte à se sacrifier au divin amour par la profession religieuse..................................................................................................................... 24
Lettre IV. — Au même. — Souvenir du pèlerinage de 1604, à
Saint-Claude 25
Lettre V. — À la Sœur C.-F. Roget, à Annecy. — Il faut
servir le Seigneur avec un cœur libre et joyeux 26
Lettre VI. — À saint François de Sales. — Joie de savoir le
Bienheureux Évêque occupé à la composition du Traité de l'amour de Dieu................................................................................................... 27
Lettre VII (Inédite). — À M. Legros, à Dijon. —
Réception de mademoiselle Legros. — Assurance de religieuse estime.......................................................................................................................... 28
Lettre VIII. — Au duc de Savoie. — Remercîments à Son
Altesse pour la bienveillance dont elle honore les Religieuses de la Visitation...................................................................................... 29
Lettre
du duc de Savoie à sainte J.-F. de Chantal. — La Sainte avait demandé à
Charles-Emmanuel que la duchesse de Mantoue, sa fille, fût protectrice de la
Congrégation naissante. Bien que la lettre écrite pour ce sujet n'ait pas été
conservée, les réponses des Souverains méritent d'être placées ici............................................ 30
[606]
Lettre
de la SS. Infante Marguerite de Savoie, duchesse de Mantoue, à sainte J.-F. de
Chantal 31
Lettre IX (Inédite). — À
saint François de Sales. — La Sainte s'excuse de n'avoir pas écrit une lettre.
Réflexion sur la fête des Rois............................................................................................................... 32
Lettre X. — Au même. — Désirs d'aimer Dieu et d'accomplir sa
volonté. 32
Lettre XI. — Au même. — Embarras suscités à propos de la
construction du monastère 33
Lettre XII. — Au même. — Nouvelles contradictions........................ 34
Lettre XIII. — À madame d'Auxerre, fondatrice du monastère
de la Visitation de Lyon. — Cordiale assurance pour le projet de la fondation
de Lyon. — Avantages de la direction de saint François de Sales 35
Lettre XIV. — À M. le premier président de Savoie. — Affaire
d'intérêts. — Annonce du départ de sa fille, Sœur Marie-Jacqueline....................................................................................................... 37
Lettre XV. — À saint François de Sales. —Épreuves de la
Sainte ; son courage et son abandon 37
Lettre XVI. — Au même. — Demande de quelques papiers.............. 39
Lettre XVII. — Au même. — Envoi d'un rochet.................................. 39
Lettre XVIII. — Au même. — Elle lui recommande madame de
Loisey 40
année 1615.
Lettre XIX. — Aux Sœurs du monastère de la Visitation
d'Annecy. — Affectueux encouragements à observer la Règle............................................................................................................................ 41
Lettre XX. — À la Sœur J.-C. de Bréchard, à Annecy. —
Souhaits ardents pour la perfection de ses filles. — Confiance sans bornes en
la direction de saint François de Sales. —- Avis pour une confession générale.
— Recommandation d'écrire les Entretiens faits à la communauté d'Annecy...................................... 42
Lettre XXI. — À la même. — Vertus particulières à
l'Institut. — Sollicitude pour les intérêts du monastère et le soulagement des
ouvriers........................................................................................ 44
Lettre XXII. — À la même. — Détails pour la construction de
l'église. — Commissions diverses 45
Lettre XXIII. — À la Sœur M.-M. Milletot, à Annecy. —
Exhortation à profiter des enseignements du B. Fondateur. — Abandon à la
volonté de Dieu et a celle des Supérieurs............................... 47
Lettre XXIV. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. — Tendre
affection pour la Sœur Rosset. — L'obéissance est préférable aux austérités
volontaires. — Il faut suivre simplement la direction des Supérieurs 48
Lettre XXV. — À la Sœur J.-C. de Bréchard, à Annecy. — La
Sainte désire voir ses filles progresser dans l'amour divin et la perfection
des vertus. — Détails de construction............................. 49
Lettre XXVI. — À la même. — Avis relatifs aux constructions et aux provisions. — Haute estime de la
direction de son Bienheureux Père. — [607] Approbation d'un changement d'emploi et autres
détails. — Désir d'avoir un recueil des Entretiens................................................................................................................... 52
Lettre XXVII. — À la même. — Bonheur insigne d'être sous la
direction de saint François de Sales. Annonce de quatre sermons sur l'Oraison................................................................................... 55
Lettre XXVIII. — À la Sœur M.-À. Fichet, à Annecy. —
Exhortation à la pratique des vertus 55
Lettre XXIX. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. —Maternels
encouragements à la poursuite du divin amour 56
Lettre XXX (Inédite). — À la SœurJ.-C. de Bréchard, à Annecy. — Conseils
pour la construction de l'église. — Recommandation de ne pas déranger saint
François de Sales pendant qu'il travaille au Traité de l'Amour de Dieu 57
Lettre XXXI. — À la même. — Réponse à quelques questions
touchant les affaires temporelles 58
Lettre XXXII. — À la même. — Pressant désir de voir achever
les Constitutions de la Visitation. — Tendre sollicitude pour la communauté
d'Annecy. — Détails de construction et de provisions de ménage 59
Lettre XXXIII. — À M. Michel Favre, confesseur de saint François de Sales et
des Sœurs de la Visitation d'Annecy. — Consolation de l'âme unie à Dieu. —
Estime et éloge de quelques Religieuses 62
Lettre XXXIV. — Au même. — Inquiétude sur l'issue de la
maladie d'une Religieuse. — Confiance en la bonté de Dieu............................................................................................................................. 63
Lettre XXXV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. —
Encouragement à tout quitter pour Dieu. — Décision relative à la sainte
communion..................................................................................................... 64
Lettre XXXVI. — À la Sœur P.-M. de Châtel, à Lyon. — La
tristesse est incompatible avec la donation de soi-même à Dieu. — Se soutenir
mutuellement dans la pratique de la perfection................ 66
Lettre XXXVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — L'humilité
et la vigilance sont nécessaires à une Supérieure. — Utilité de sa présence au
milieu de la communauté. — Conseils de direction pour plusieurs Sœurs. — Bien
qui résultera de l'intime union formée entre saint François de Sales et Mgr de
Marquemont... 68
Lettre XXXVIII (Inédite). — À la même. —
Reconnaissance envers l'archevêque de Lyon. — Prudence nécessaire dans le choix
des lectures. — Pieux témoignage d'affection. — Désir que la Mère Favre écrive
la vie de madame d'Auxerre, fondatrice et première Religieuse de la Visitation
de Lyon................................. 70
Lettre XXXIX. — À saint François de Sales.—Admiration que
lui inspire une lettre du Saint. —Traverses pour le bâtiment. —Aimable
plaisanterie............................................................................ 74
Lettre XL. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — L'Époux divin
prend ses délices dans les âmes humbles et dépouillées de tout. — Tendre
souvenir conservé aux Sœurs de Lyon........... 75
Lettre XLI. — À saint François de Sales. — Demande de
prédication 77
Lettre XLII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Nouvelles du
[608] président Favre
et de saint François de Sales. —Changement de cellule. — Désir de répondre à la
confiance des Sœurs de Lyon. — Détails de ménage 77
Lettre XLIII. — À la même. — Avis touchant les fondations
demandées. — Annonce de plusieurs prétendantes et de deux professions à Annecy.
— Conseils de direction pour madame la présidente Le Blanc. — Mépriser les
inquiétudes qu'on a sur soi et sur autrui. — Affaires diverses................................................ 79
année 1616.
Lettre XLIV. — À la même. — Il faut mettre tout son
contentement en Dieu. — Proposition de mariage pour Françoise de Chantal. —
Difficultés suscitées contre les Règles de la Visitation. — Conseils pour la
pratique de certaines mortifications extérieures......................................................................................... 82
Lettre XLV. — À la même. — La vraie et solide vertu se forme
dans les contradictions. — Tendre charité pour une Sœur éprouvée. — Nouvelles
de saint François de Sales. — Détails pour affaires temporelles 84
Lettre XLVI. — À la même- — Une Religieuse qui possède
l'esprit de la Règle a, par là même, l'esprit de Dieu. Indisposition de madame
de Charmoisy et de Françoise de Chantal................ 87
Lettre XLVII. — À la Sœur P.-M. de Châtel, à Lyon. —
Encouragement à supporter une épreuve intérieure. — Éloge de la Mère Favre.
Devoir d'une coadjutrice........................................................... 88
Lettre XLVIII. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à lyon. — Il
faut garder le silence sur les tentations passagères. — Avantage d'une sincère
ouverture de cœur. — Conseils pour la charge de maîtresse des novices 90
Lettre XLIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Rien ne peut
ébranler une âme fondée en l'amour divin. — La santé doit être méprisée en
certaines occasions et soigneusement gardée en d'autres. — Désir d'un parfait
accord entre saint François de Sales et l'archevêque de Lyon. — La
mortification d'une inclination naturelle est préférable aux pénitences
corporelles.................................................................................................................. 92
Lettre L (Inédite). — Aux Sœurs P.-M. de Châtel et
M.-À. de Blonay, à lyon. — Souhaits de perfection. — Avantages de
l'humilité ; estime qu'en fait saint François de Sales.................. 95
Lettre LI. — À la
Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Regret de ne pouvoir lui écrire, et désir de
recevoir plus souvent de ses nouvelles. Exhortation à un abandon sans mesure au
divin Sauveur........ 96
Lettre LII. — À la Sœur P.-M. de Châtel, à lyon. — La Sainte
se réjouit de la victoire que cette Religieuse a remportée dans une épreuve.
Témoignages de confiance.................................................... 98
Lettre LIII. — Aux Sœurs P.-M. de Châtel et M.-À. de Blonay,
à Lyon. — L'amour parfait n'a plus de regard sur son propre contentement................................................................................................. 99
[609]
Lettre LIV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Prudence à garder au milieu des contradictions que l'on suscite au monastère. — Nouvelles de diverses personnes.............................. 99
Lettre LV. — À saint François de Sales. —
Difficultés pour la construction de l'église. — Inquiétudes de la baronne de
Thorens............................................................................................................... 101
Lettre LVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Nécessité de
bien éprouver les vocations. — Les caractères mélancoliques sont peu propres à
la vie religieuse. — La Sainte blâme une prétendante qui veut mettre quelques
conditions à son admission. — But vers lequel doivent tendre les novices........................ 102
Lettre LVII. — À la même. — Obligation de bien former les
sujets et de ne pas trop multiplier les nouvelles fondations. — De quelle
importance est le choix des Supérieures.................. 104
Lettre LVIII. — À la même. — Les personnes qui demandent des
fondations doivent connaître les Règles et le but de l'Institut..................................................................................................................... 105
Lettre LIX. — À la même. — La Mère Favre est priée de dire
sa pensée sur la Sœur de Châtel. — Ligne de conduite à tenir pour une
Religieuse dont les ravissements paraissent illusoires........... 107
Lettre LX. — À la même. — Impression du Traité de l'Amour
de Dieu. —
La Sainte se prépare à faire une retraite. — Commissions pour le trousseau des
deux Sœurs Jeanne-Françoise et Françoise-Agathe de Sales, novices à la
Visitation d'Annecy. — Comment traiter avec Mgr de Marquemont................................ 109
Lettre LXI. — Aux Sœurs P.-M. de Châtel et M.-A. de Blonay.
— Elle leur recommande la parfaite indifférence dans tous les états de la vie
intérieure, et l'obéissance pour ce qui concerne le soin de leur santé. — De
quelle manière on peut communiquer les lumières reçues à l'oraison. — Conseils
pour l'état de sécheresse et d'impuissance 111
Lettre LXII. — À M. Michel Favre, à Lyon. — Veiller à
l'impression du Traité de l'Amour de Dieu, et supporter courageusement
les petites mortifications.......................................................... 114
Lettre LXIII. — À saint François de Sales. — Elle lui
demande des nouvelles de sa santé et exprime le désir de prolonger de quelques
jours sa retraite annuelle............................................... 115
Lettre
de saint François de Sales à sainte de Chantal en réponse à la précédente 117
Lettre LXIV. — Au même. — Elle expose les dispositions de
parfait abandon que l'Esprit-Sainl lui a données pendant la retraite................................................................................................................... 118
Lettre
de saint François de Sales à sainte de Chantal en réponse à la précédente 119
Lettre LXV. — Au même. — Sublime disposition de dénûment
intérieur. 120
Lettre
de saint François de Sales à sainte de Chantal en réponse à la précédente 122
Lettre LXVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Quelques
détails sur une indisposition de saint François de Sales.................................................................................................................................... 124
[610]
Lettre LXVII. — À M. Michel Favre, à Lyon. — Arrangements à
prendre pour l'impression du Traité de l'Amour de Dieu........................................................................................................................... 124
Lettre LXVIII.—À saint François de Sales. — Crainte de
nouveaux changements dans la récitation de l'Office divin.................................................................................................................................... 125
Lettre LXIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Saint
François de Sales se résout à solliciter l'érection de la Visitation en Ordre
religieux. — Quelle estime faire de sa vocation. — Joie que donne l'annonce
d'un prochain voyage de la Mère Favre à Annecy............................................................................................. 126
Lettre LXX. — À saint François de Sales. — Difficultés
suscitées pour l'achat des moulins du duc de Nemours.................................................................................................................................... 129
Lettre LXXI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon.
—Annonce de la réponse de saint François de Sales à l'archevêque de Lyon. —
Sage direction de la Mère Favre à ses filles. — Projet pour un changement de
maison. — Réponse au sujet de la communion. — Avis pour une affaire d'intérêt................................ 130
Lettre LXXII (Inédite). — À la
même. — Comment se conduire à l'égard de Mgr de Marquemont, au sujet des
changements qu'il voulait introduire à la Visitation. — La dot des Religieuses
ne doit être reçue qu'après leur profession.................................................................................................................................... 132
Lettre LXXIII (Inédite). — À la même. — Ferme
résolution de maintenir la liberté de l'Institut. — Il n'y a que l’autorité du
Saint-Siège qui puisse faire changer la Règle. — Nouvelles diverses...... 134
Lettre LXXIV (Inédite). — À la même. — Maternelles
inquiétudes. — Désir de connaître la pensée du Père recteur des Jésuites sur
les Règles de la Visitation......................................................... 135
Lettre LXXV. —À Madame de Gouffier.—Départ des Sœurs
fondatrices de Moulins 137
Lettre LXXVI. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Toutes
nos actions sont mêlées d'imperfections ; ne pas s'étonner de ses
faiblesses ni s'en fâcher. — Éviter toute curiosité et réflexion sur les voies
de Dieu, et s'affectionner à la pratique des vertus solides. — Conseils pour
l'oraison.................................... 138
Lettre LXXVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Aimable reproche sur son retard à écrire. — Bienveillance du prince
Victor-Amédée pour saint François de Sales............ 140
Lettre LXXVIII. — À saint François de Sales. — Sollicitude
pour le voyage d'une prétendante 141
Lettre LXXIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Joie de sa
guérison. — Avec quel désintéressement on doit procéder pour la dot dans la
réception des sujets. — Il faut témoigner peu d'empressement pour les
fondations 142
Lettre LXXX. — À saint François de Sales. — Annonce d'une
visite 143
Lettre LXXXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Inquiétudes
pour la fondation de Moulins ; prévoyances pour celle de Riom. —
Sollicitude pour la santé de la Sœur de Châtel. — Nouvelles de diverses
personnes 144
[611]
Lettre LXXXII. — À saint François de Sales. — Motifs qui
portent les saints Fondateurs à solliciter l'exemption du grand Office pour la
Visitation.............................................................................. 146
Lettre LXXXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Recevoir
avec simplicité les soulagements nécessaires à la santé. — Nouvelles de la
communauté d'Annecy et des poursuites faites à Rome pour l'érection de la
Visitation en Ordre religieux. — Fermeté déployée à l'égard d'une enfant
incorrigible................... 147
Lettre LXXXIV. — À la
même. — il faut demeurer humblement soumise dans les épreuves. — Désir de voir
retarder l'établissement du monastère de Riom. — Éloge de la Sœur de Châtel
comme directrice. — Judicieuses réflexions pour développer les grandes et
fortes vertus. — Conseils relatifs au gouvernement des choses temporelles. — Se
défaire du parloir est un grand soulagement a une Supérieure....................................................... 149
Lettre LXXXV (Inédite). — À la même. — Difficultés
qui se rencontrent dans l'établissement du monastère de Moulins. Résolution de
différer le plus possible les fondations demandées 153
Lettre LXXXVI. — À madame de Gouffier. — Doux reproches de
son long silence. — Impossibilité d'envoyer des sujets aux fondations et d'en
accepter de nouvelles. — Nécessité d'une grande et cordiale union avec la Mère
de Bréchard. — Admirable encouragement à se faire violence.................................................... 154
Lettre LXXXVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
La Sainte lui recommande d'avoir une grande confiance au Révérend Père recteur
des Jésuites, et promet d'envoyer une maîtresse des novices. — Elle conseille à
l'égard de madame de Gouffier une déférence cordiale........................................................ 156
Lettre LXXXVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — User
d'une humble et prudente douceur envers les personnes qui s'opposent à
l'établissement de la Congrégation. — Dieu veut propager ce petit Institut. —
Conseils de direction.................................................................................................................................... 158
année 1617.
Lettre LXXXIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Fruits opérés à Grenoble, par saint François de Sales, qui y prêche l'Avent. —
Estime que l'on fait à Rome des Règles de la Visitation. — Nécessité d'une
mutuelle correspondance entre les monastères. — Premier projet d'une fondation
à Turin. — Détails sur la communauté d'Annecy 160
Lettre XC. — À saint François de Sales. — Envoi de lettres
pour Grenoble 164
Lettre XCI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — La santé est un bienfait de Dieu qu'il faut ménager pour travailler à
sa gloire. — Encouragement aux vertus de douceur, d'humilité et de modestie
pour [612]
imiter saint François de Sales. — On ne peut pas faire de mortifications extérieures
sans permission. — Nouvelles de madame de Thorens 164
Lettre XCII. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Il faut
avoir un confiant abandon à Dieu dans l'exercice de son emploi. — Les novices
trouveront la paix et le bonheur si elles se dévouent à l'observance de la
Règle 167
Lettre XC1II (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Avec quelle prudence on doit ménager les intérêts et la réputation des
novices. — Promesse d'une communion générale de la Communauté et témoignages
d'affection maternelle.................................................................................................................................... 168
Lettre XCIV. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — La
Sainte lui recommande de prendre souvent le conseil du Père recteur des
Jésuites et d'avoir aussi la haute main sur les affaires temporelles. — Elle
l'exhorte à supporter doucement quelques contrariétés et à mettre toute sa
confiance en Dieu. — Divers avis propres pour les commencements de la
fondation. — Ne pas se presser pour recevoir des sujets, et préférer ceux qui
ont bon esprit à ceux qui n'ont que des avantages temporels.................................................................................................................................... 169
Lettre XCV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Il faut du courage et de l'énergie pour entreprendre la vie religieuse.
— Nouvelles des instances qui se faisaient à Rome. — Recommandations pour un
envoi de lettres 174
Lettre XCVI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Moyens de rendre son cœur conforme au Cœur
de Jésus. — Il faut porter les Sœurs à se contenter de la direction de
la Supérieure. — Sentiment du cardinal Bellarmin sur l'Institut. — Dans quel
esprit faire les mortifications extérieures. — On doit garder au chœur une
posture recueillie et modeste. — Regret de ne pouvoir aller à Moulins.............................................................. 175
Lettre XCVII. — À la Sœur M.-A. Humbert, à Moulins. — Elle
l'exhorte à avancer dans l'esprit d'humilité et de confiance en sa Supérieure,
et lui recommande de ne pas se troubler de ses fautes 180
Lettre XCVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Maternel
encouragement. — Saint François de Sales est retenu pour une nouvelle station
de l'Avent à Grenoble. — Désir que M. de Bérulle poursuive son voyage de Lyon à
Annecy. — Conseils pour l'emplacement d'un monastère. — Inquiétudes sur la
fondation de Moulins 181
Lettre XCIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Regrets de ne pouvoir secourir le monastère de Moulins. — Il faut recevoir les
biens et les maux de la vie avec un cœur simple, et ne pas s'abandonner aux
sentiments de joie ou de tristesse..................................................................................................................... 183
Lettre C (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon.
— Inquiétude que donne la santé du Bienheureux Fondateur ; ne lui écrire
que pour l'utilité spirituelle. — Désir d'une fondation à Grenoble, et envoi
d'une copie de la réponse du cardinal Bellarmin sur l'érection de la Visitation
en Ordre religieux................................ 186
Lettre CI. — À la même. — Résignation au décès du baron de Thorens.
[613] — Espérances que
donne le monastère de Lyon. — Sollicitudes pour la réception de deux
postulantes.. 189
Lettre CII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Arrangements pour la dot de la Mère de Bréchard. — Conseils de direction.............................................................................................. 191
Lettre CIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle fait
l'éloge du baron de Thorens, et de la résignation chrétienne de sa veuve. —
Envoi des règles et constitutions............................................. 192
Lettre CIV. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Dans quel
esprit elle doit diriger les novices 193
Lettre CV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Décisions de la Sainte pour la réception des Sœurs tourières et pour leur
vêtement.............................................................................................. 194
Lettre CVI (Inédite). — À saint François de Sales. —
Elle le prie d'écrire à Mgr de Bourges en faveur de Celse-Bénigne, et témoigne
un grand désir d'être délivrée de toute affaire du monde 195
Lettre CVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Guérison de
Sœur Marie-Gasparde d'Avisé. — Charité de la Sainte pour le salut d’une âme. —
Désir de voir une fondation à Grenoble. — Prévoyance pour le retour à Lyon
d'une enfant qui lui avait été confiée. — Nouvelles de sa santé, et de la
communauté d'Annecy. — Achat d'une custode 196
Lettre CVIII. — À la même. — Nomination à Annecy de M. le
président de la Valbonne. — Une enfant est reçue au monastère par déférence
pour le président Favre. — Attente de madame l'abbesse de Puy-d'Orbe 198
Lettre CIX. — À la même. — Indisposition de la Sainte ;
souhaits de fête à la Mère Favre. — Projet d'un voyage à Lyon. — Elle annonce
la construction d'un nouveau corps de bâtiment pour achever le monastère, et
l'envoi d'une lettre à Mgr de Marquemont....................................................................................................... 199
Lettre CX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Obligation de sauvegarder les intérêts de chaque monastère. — Éloge de M. Grandis.
— La Sainte compare le Bienheureux Évêque de Genève aux anciens Pères de
l'Eglise. — Commissions affectueuses pour les Sœurs de Moulins.................................... 201
Lettre CXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Les âmes
vraiment royales se dévouent au service de Notre-Seigneur au milieu des
difficultés. — Conseils pour la direction d'une Sœur qui jouissait de grandes
consolations spirituelles. — Avec quel courage on doit surmonter les
répugnances que donne une charge. — On ne saurait choisir les prétendantes avec
trop de soin. — La Mère Favre doit s'employer auprès de Mgr de Marquemont pour
les affaires de l'Institut 204
Lettre CXII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Elle l'encourage dans les traverses suscitées par madame de Gouffier, et la
prie de résoudre quelque affaire d'après le conseil des Pères Jésuites, sans
attendre son voyage ou celui de saint François de Sales........................................................................................... 206
Lettre CXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Acquisition
d'une maison. — Estime spéciale pour M. de Saint-Nizier. — Commissions pour
diverses personnes.............................................. 208
Lettre CXIV. — À la même. — Assurances de prières pour un
ami de la [614] communauté.
— Annonce du sacre de l'église. — Estime de la Sainte pour les contradictions.
— Elle parle de plusieurs bonnes prétendantes ; incertitude pour l'époque
de leur réception...................................................................................... 209
Lettre CXV. — À la même. — Elle la félicite d'habiter un
nouveau monastère. — Nécessité de renvoyer les prétendantes sans vocation. —
Envoi d'une custode et de chandeliers pour le sacre de l'église 210
Lettre CXVI. — À la même. — Profonde affliction et admirable
résignation de la Sainte à la mort de sa fille, la baronne de Thorens............................................................................................................... 212
Lettre CXVII. — À la même. — Même sujet. — Elle annonce la
profession des Sœurs de Sales et d'Avisé et la consécration de l'église du
monastère................................................................. 213
Lettre CXVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Même sujet. — Éloge de la jeune baronne 214
Lettre CXIX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. —La Sainte sollicite l'entrée d'une nouvelle prétendante.................................................................................................................................... 215
Lettre CXX. — À saint François de Sales. — Elle exprime de
nouveau sa douleur de la perte de la baronne de Thorens et parle d'une croix
envoyée pour l'église par la duchesse de Mantoue, infante de Savoie 215
Lettre CXXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. —Affaires de
l'Institut. — La reconnaissance due à M. Austrain oblige à user de compassion
envers sa fille........................................................ 217
Lettre CXXII (Inédite). — À saint François de Sales.
— Difficultés survenues à l'agrandissement du clos du monastère................................................................................................................. 218
Lettre CXXIII (Inédite). — À la Mère J.-C. de
Bréchard, à Moulins. Madame de Gouffier quitte Moulins 219
Lettre CXXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Souhaits de
bénédictions 220
Lettre CXXV. — À la même. — La Sainte exhorte la Mère Favre
à ne pas refuser obstinément les soins nécessaires à la conservation de ses
forces et prend occasion de lui dire qu'elle-même a failli en ce point 220
Lettre CXXVI. — À M. de Neuchèze. — Sur la mort de la
baronne de Thorens. — Douleur de la Sainte en apprenant le péril que court
l'âme de son fils......................................................................... 221
Lettre CXXVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Se confier
à la divine Providence dans les afflictions, les considérant moins que le Cœur de Celui qui les envoie. — Projet
de départ de M. de Sainte-Catherine pour Rome, en qualité de solliciteur des
affaires de l'Institut. — Grande importance que la Sainte met à l'étude du
Catéchisme 223
Lettre CXXVIII. — À madame de la Fléchère. — Nous sommes
trop peu de chose pour rendre des services à Dieu ; mais il faut lui
laisser faire de nous selon son bon plaisir................................. 225
[615]
année 1618.
Lettre CXXIX. — À saint François de Sales. — Demande d'un
court entretien pour l'arrangement d'une affaire temporelle................................................................................................................. 225
Lettre CXXX. — Au même. — Aimable et confiante réflexion. —
Elle parle de quelques prétendantes de Grenoble qui arrivent à Annecy.................................................................................................... 226
Lettre CXXXI (Inédite). — Au même. — Achat de moulins........... 227
Lettre CXXXII. — Au même. — Elle confie Celse-Bénigne à sa
direction 227
Lettre
de la Sœur P.-M. de Châtel à la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins 228
Lettre CXXXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Souhaits
affectueux pour les Sœurs malades. — Elle donne des nouvelles de sa santé et
demande des prières pour son fils............................ 230
Lettre CXXXIV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Elle s'excuse de ne pouvoir écrire à quelques Sœurs, et les prie de chercher sa
réponse dans la méditation de leurs saintes Règles.. 231
Lettre CXXXV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Désir d'une
fondation à Grenoble. — Commissions pour différentes personnes............................................................................................. 232
Lettre CXXXVI (Inédite). — À la même. — Le bon esprit
et la bonne réputation sont des conditions nécessaires pour être reçue dans un
monastère...................................................................... 233
Lettre CXXXVII. — À saint François de Sales. — Affaires de
famille 234
Lettre CXXXVIII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Elle lui annonce son départ pour la fondation de Grenoble.................................................................................................................... 235
Lettre CXXXIX. — À la même. — Arrivée de la Sainte à
Grenoble. — Elle nomme les Sœurs fondatrices qu'elle y laissera et prie la Mère
Favre de l'avertir si son passage à Lyon est nécessaire. — Recommandations
diverses 235
Lettre CXL (Inédite). —À la Sœur À.-M. Rosset, à
Annecy. — Commissions et souhaits 237
Lettre CXLI. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — Les
Novices doivent en toute occasion s'adresser a leur maîtresse et suivre sa
direction. — Exemple d'humilité et sollicitude de la Sainte à provoquer la
pratique des vertus de douceur, de simplicité et de droiture..................................................................................... 238
Lettre CXLII. — À la même. — Recommandation de fuir la
mélancolie et d'inspirer une sainte gaieté aux novices.................................................................................................................................... 240
Lettre CXLIII. — À M. Michel Favre. — Respect de la Sainte
pour la parole divine. — Elle insinue les moyens à prendre pour corriger de la
jalousie et de la mélancolie. — Quelle prudence doit avoir la Supérieure dans
la direction des novices...................................................................................................................... 240
Lettre CXLIV. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. —
Exhortation à suivre la sainte règle et à entretenir les liens de la plus
étroite charité avec les monastères.......................................................... 243
[616]
LETTRE
CXLV. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — La simplicité et la candeur
sont louées par la Sainte. — Conseils pour se conduire à l'égard de la Sœur
assistante. — Décisions pour la maîtresse des novices 244
Lettre CXLVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle lui
promet de passer à Lyon. — Détails touchant l'admission d'une prétendante à Annecy................................................................................. 245
Lettre CXLVII. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — Il
faut faire régner la volonté de Dieu au-dessus de toutes nos inclinations........................................................................................... 246
Lettre CXLVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Annonce
de son arrivée à Lyon 247
Lettre CXLIX. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. —
Recommandations pour une cérémonie de profession.................................................................................................................................... 247
Lettre CL (Inédite). — À la Mère P.-M. de Châtel, à
Grenoble. — Maternels enseignements pour l'exercice de la supériorité................................................................................................................. 248
Lettre CLI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — La Sainte
annonce son retour à Annecy 249
Lettre CLII (Inédite). — À la même. — Témoignages
d'affection.. 250
Lettre CLIII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Il
faut porter joyeusement pour Dieu les peines et travaux qu'il nous envoie..................................................................................................... 250
Lettre CLIV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Elle lui dit sa pensée sur une prétendante sans vocation.................................................................................................................................... 251
Lettre CLV. — À la même. — Mgr de Bourges désire que la Mère
Favre aille fonder dans sa ville épiscopale.................................................................................................................................... 252
Lettre CLVI (Inédite). — À la même. — La Sainte lui
recommande de se décharger du gouvernement de Lyon afin de commencer une autre
fondation. — Elle l'engage à ne pas refuser les prétendantes pauvres des biens
temporels, pourvu qu'elles soient braves de cœur et d'esprit. — Envoi de
quelques Sermons et des Entretiens de saint François de Sales.................................................................................................................................... 253
Lettre CLVII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Une
supérieure doit avoir pleine confiance en l'assistance divine......................................................................................................................... 254
Lettre CLVIII. — À la même. — Mieux vaut s'appliquer à la
stricte observance que de s'inquiéter de ses tentations. — Envoi des Entretiens............................................................................................... 255
Lettre CLIX (Inédite). — À la même. —Affaires et
plans de construction 256
Lettre CLX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Arrangements pour la fondation de Bourges, annonce de celle de Turin et
du passage de la Sainte à Lyon............................................... 257
Lettre CLXI (Inédite). — À la Mère P.-M. de Châtel, à
Grenoble. — La Visitation est reconnue à Rome comme Ordre religieux..................................................................................................................... 258
Lettre CLXII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, â Lyon. —
Conseils de direction et encouragements 259
Lettre CLXIII (Inédite). — À la Mère J.-C. de
Bréchard, à Moulins. Préférer, dans le choix des vocations, le bon esprit des
prétendantes aux avantages temporels. — Il faut agir prudemment avec une âme peu
propre à la perfection religieuse.................................................................................................................................... 260
[617]
Lettre CLXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Annonce de
son passage à Lyon en se rendant à Bourges.................................................................................................................................... 262
Lettre CLXV (Inédite). — À la Mère J.-C. de Bréchard,
à Moulins. — La Sainte annonce son passage à Moulins.................................................................................................................................... 263
Lettre CLXVI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Maladie de Françoise de Chantal. — Saint François de Sales attend
l'arrivée du prince-cardinal de Savoie pour le suivre à Paris. — Explication au
sujet de la Bulle envoyée de Rome pour l'érection de la Visitation en Ordre
religieux. — La Sainte s'occupe de faire imprimer les Règles 263
Lettre CLXVII. — À Mgr l'archevêque de Bourges. — Elle lui
dit que la Bulle de Paul V pour l'érection de la Visitation eu Ordre religieux
suffit à tous les monastères qui s'établissent, sans qu'il soit besoin d'un
nouveau recours à Rome.................................................................................................................................... 265
Lettre CLXVIII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre à
Lyon. 265— Annonce du passage de saint François de Sales à Lyon
avec la cour de Savoie. — Une supérieure doit gouverner le monastère par
elle-même et selon la Règle. — Questions que la Mère Favre devra faire au
Bienheureux Évêque pour les Constitutions.... 266
Lettre CLXIX. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. —
Convalescence de Françoise de Chantal. — La Sainte permet de communiquer les
Règles et Constitutions à quelques personnages de haute piété 268
Lettre CLXX. — À la Sœur C.-A. Joly de la Roche, à Annecy. —
Haute estime de la Sainte pour la grâce de la vocation à la vie religieuse..................................................................................... 270
Lettre CLXXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Peines de
la Sainte concernant ses enfants. — Pauvreté de la communauté de Bourges........................................................................................ 271
Lettre CLXXII. — À la même. — Témoignage d'affection. —
Conseils pour la direction d'une novice tentée.................................................................................................................................... 272
année 1619.
Lettre CLXXIII. — Aux Sœurs de la Visitation d'Annecy. — La
Sainte exhorte ses filles a n'avoir que le seul désir d'aimer Jésus, et de se
conformer à son bon plaisir par une exacte observation de la Règle 273
Lettre CLXXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. —
Sollicitude de la Sainte pour sa fille et pour le monastère d'Annecy. — Demande
des Règles et des Sermons de saint François de Sales. — La Supérieure doit, par
son zèle et son bon exemple, briller comme un soleil au milieu de sa communauté.......................... 274
Lettre CLXXV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Tenir son âme en tranquillité parmi les accidents de la vie. — Rappel prochain
de Sœur F.-G. Bally. — C'est assez de garder trois jeunes filles. — Conseils
divers pour le gouvernement du monastère de Moulins. — Prendre [618] l'avis des Pères Jésuites. —
Propositions de plusieurs prétendantes. — Séjour de Françoise de Chantal à
Lyon. — Envoi des Directoires 275
Lettre CLXXVI. — À la Sœur M -H. de Chastellux, à Moulins. —
Mépris qu'on doit faire de la tentation et du tentateur.................................................................................................................... 279
Lettre CLXXVII. — À la Mère M -J. Favre, à Lyon. —
Recommandations maternelles pour sa fille. — Amour de la Sainte pour la Règle,
et son désir de la pratiquer avec toute la perfection possible 280
Lettre CLXXVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Accord pour l'envoi des lettres. — Trésors qu'on acquiert par la douceur dans
les petites contrariétés domestiques. — Recommandation d'écrire à saint
François de Sales ; il n'approuve point le désir de changer de monastère.
— Proposition d'une fille pour être tourière 281
Lettre CLXXIX. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — La
Sainte la rassuré sur son état intérieur. — Prix des actes d'humilité. — On ne
doit pas regarder à la dot des filles, mais à la bonne vocation 283
Lettre CLXXX (Inédite). — À madame de la Fléchère. —
Nouvelles de la fondation de Bourges, de Françoise de Chantal et de
Celse-Bénigne.................................................................................. 284
Lettre CLXXXI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Les Sœurs du voile noir ont voix au chapitre. — Une prétendante à humeur
bizarre ne peut être admise. — Il ne faut pas recevoir beaucoup de jeunes
filles qui ne sont point encore en âge de prendre l'habit. — La Supérieure ne
doit prêcher que la Règle et y être fidèle 285
Lettre CLXXXII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Bon état
de la maison d'Annecy, où chaque Religieuse a un livre des Règles et
Constitutions. — Zèle de la Sainte pour maintenir la récitation du petit
Office. — Devoir de l'assistante des parloirs. — En quoi consiste l'autorité du
Supérieur. — Une Supérieure peut faire un grand bien par sa fidélité à
l'observance.................................................................................................................................... 286
Lettre CLXXXIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Éprouver longtemps les esprits difficiles. — Choix des Sœurs pour ia fondation
de Paris ; dispositions à prendre pour leur voyage. — À quelle heure on
doit sonner le silence en Carême....................................................................................................................... 289
Lettre CLXXXIV. — À la même. — Recommandations pour le
voyage des Sœurs fondatrices de Paris. —État de la maison de Bourges. —
Nouvelles de Celse-Bénigne et de Françoise de Chantal. — Bien que fait saint
François de Sales.................................................................................................................................... 292
Lettre CLXXXV (Inédite). — À madame de Charmoisy. —
Consolations et conseils affectueux. — Détails sur le monastère de Bourges. —
La Sainte annonce son départ pour Paris............. 293
Lettre CLXXXVI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Courage et confiance de la Sainte pour la fondation de Paris, où elle prévoit
de grandes difficultés. — Elle attend à Bourges les trois fondatrices et Sœur
Françoise-Gabrielle Bally.................................................................................................................................... 295
Lettre CLXXXVII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — La
[619] soumission à la
divine volonté console dans les séparations et maintient la paix de l'âme........................................................ 296
Lettre CLXXXVIII. — À la même. — La Sainte lui dit que Sœur
Françoise-Gabrielle Bally a été envoyée à Bourges pour la décharger de
L'administration des affaires temporelles du monastère 297
Lettre CLXXXIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. —
Établissement du premier monastère de Paris. — Mort de la présidente Le Blanc................................................................................................. 298
Lettre CXC. — À madame de Jars. — Il faut supporter doucement
et humblement les critiques du monde 299
Lettre CXCI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. —
L'humilité, la patience et le discernement des esprits sont nécessaires à une
maîtresse des novices. — La maladie éprouve les Sœurs de Paris. — À quel âge on
peut entrer au noviciat.................................................................................................................................... 300
Lettre CXCII. — À la Mère M.-J. Favre, à lyon. —Affaires de
madame la présidente Le Blanc. — Nouvelles de la maison de Paris. — Ardeur do
la Sainte à poursuivre l'œuvre de sa perfection ; son assurance que tôt ou
tard on vaincra l'opposition de Mgr de Marquemont à la récitation du petit
Office................ 301
Lettre CXCIII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. —
Conseils pour la direction des novices 303
Lettre CXCIV. — Aux novices de la Visitation de Bourges. —
Vertus que les novices doivent pratiquer pour mériter la grâce d'être filles de
Notre-Dame...................................................................... 304
Lettre CXCV. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — La
Sainte sollicite des prières pour son fils 305
Lettre CXCVI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Prière de recevoir madame du Tertre 306
Lettre CXCVII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Il
faut demeurer calme et soumise dans les tentations, être heureuse de vivre sans
lumière ni sentiment. — Nouvelles de saint François de Sales. — Quelques règles
à suivre à l'égard du confesseur. — Conseils sur la réception de deux novices
d'un autre Ordre 307
Lettre CXCVIII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. —
L'Esprit de Dieu ne manque pas d'assister une âme humble et confiante. — La
grâce. seule peut donner aux novices la vocation et la persévérance. — Quelle
quantité de nourriture donner aux Sœurs. — Il ne faut pas recevoir dans le
monastère une enfant trop jeune. — La Supérieure doit maintenir une sainte joie
dans la communauté............................................................................ 310
Lettre CXCIX. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. —
Encouragements à porter le faix de la supériorité.................................................................................................................................... 312
Lettre CC. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Charité et
prudence dans la réception des infirmes. — Il faut marcher hâtivement,
humblement et fidèlement à la suite du Sauveur............ 312
Lettre CCI. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. —
L'extrémité de la pauvreté doit nous exciter à une plus parfaite confiance en
Dieu..................................................................................... 313
[620]
Lettre CCII. — À la R. Mère de la Trinité, Carmélite. —
Témoignage d'estime et d'affection. — Humilité de la Sainte. — Difficultés pour
la réception d'une prétendante............................................ 314
Lettre CCIII. — À madame du Tertre, à Moulins. — Une grande
ouverture de cœur envers la Supérieure facilite l'amendement et le progrès de
l'âme...................................................................... 316
Lettre CCIV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Saint François de Sales a quitté Paris ; on murmure contre lui à
l'occasion d'un mariage. — Acquiescement de la Sainte au bon plaisir divin 316
Lettre CCV (Inédite). — À madame de Jars. —
Témoignages d'honneur et de religieuse amitié. — Félicitations du bonheur
qu'elle aura de voir saint François de Sales......................................... 317
Lettre CCVI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Annonce
du passage de saint François de Sales à Bourges. — Tout doit se faire par
l'autorité de la Supérieure............................................ 319
Lettre CCVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Passage de saint François de Sales à Moulins. — Retrancher à madame du Tertre
la liberté de parler et d'envoyer des lettres à l'insu de la Supérieure. — Il
faut porter la croix amoureusement, paisiblement, et tout attendre de Dieu et de
son secours... 319
Lettre CCVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle la
félicite du bonheur qu'elle aura de pouvoir entretenir saint François de Sales,
arrivé a Lyon. — La peste est dans Paris. — Admirable résignation de la Sainte.
— Souhaits ardents pour la perfection de la Mère Favre, et crainte de la voir
sortir de Lyon avant que le monastère jouisse des privilèges accordés par la
Bulle de Paul V......................................................................................................... 321
Lettre CCIX. — À M. le collatéral Flocard. — La Sainte le
remercie de lui avoir donné des nouvelles de saint François de Sales et de son
arrivée à Annecy.................................................................... 322
Lettre CCX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Nouvelles de la communauté de Paris. — Préservation de la peste...................................................................................................................... 323
Lettre CCXI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Dieu ne laisse point sans secours une communauté où règne l'observance. — Tout
le bien des maisons dépend des Supérieures. — Il faut retrancher à madame du
Tertre les correspondances et les conversations inutiles. — Demande de prières
selon les intentions de saint François de Sales.................................................................................................................................... 324
Lettre CCXII. — À la Sœur M.-À. Humbert, à Moulins. — Il ne
faut point trop réfléchir sur soi-même, mais s'humilier devant Dieu de ses
fautes d'inadvertance, et ne point s'en tourmenter......... 325
Lettre CCXIII. — Aux Sœurs de la Visitation de Bourges. — Il
faut ravir le Cœur du divin Époux
par l'amour de sa sainte volonté, l'exacte observance et le support mutuel.................................. 326
LETTRE
CCXIV. — À la Sœur P.-M. Favrot, à Annecy. — La stricte observance de la Règle
est l'admirable chemin de la perfection religieuse. — Témoignages d'affection
pour les amis du monastère 327
[621]
Lettre CCXV (Inédite). — À la Mère J.-C. de Bréchard,
à Moulins. — La Sainte annonce que saint François de Sales est nommé grand
aumônier de Son Altesse, et M. de Boisy, premier aumônier de Madame. — Offre
d'une prétendante.................................................................................................................................... 328
Lettre CCXVI. — À madame du Tertre, à Moulins. — Souhaits de
bénédictions pour que les fruits d une retraite soient durables........................................................................................................ 329
Lettre CCXVII. — Aux Sœurs de la Visitation de Moulins. — La
Sainte conjure ses filles de vivre plus que jamais dans l'exacte observance,
l'humilité, la simplicité, l'obéissance et la charité.. 329
Lettre CCXVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Il faut
être libérale en ce qui concerne les soulagements adonner aux Sœurs. — Comment
former peu à peu les sujets qu'on juge capables de la supériorité. — Conditions
nécessaires pour une fondation................................................................................................. 330
Lettre CCXIX. — À la même. — Aimer la livrée de Jésus-Christ
(c'est-à-dire l'humiliation) sur nos épaules et sur celles de nos amis. —
Éviter les parloirs comme la ruine des maisons religieuses. — Heureuses sont
les âmes qui se contentent de Dieu seul. — À la fin de l'année, on ne change
pas à la Supérieure les objets à son usage 331
Lettre CCXX. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Comment
la Supérieure doit agir avec la Sœur assistante et avec les Sœurs professes....................................................................................... 333
Lettre CCXXI. — À la Mère M..J. Favre, à Lyon. — La Sainte
attend la décision de saint François de Sales pour entreprendre l'œuvre dite
des Haudriettes. — Dispositions à prendre pour le voyage de plusieurs
Sœurs 333
Lettre CCXXII. — À. M. Favre. — Retour du saint Évêque
auprès de ses filles d'Annecy. — Recommandations pour qu'il ne prolonge pas les
veilles de la nuit........................................................... 335
année 1620.
Lettre CCXXIII (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à
Bourges. — Intérêts que Mgr de Bourges porte aux Religieuses de la Visitation.
— Sollicitude de la Sainte pour former les novices. — Bon exemple que doivent
donner les anciennes.................................................................................................................. 336
Lettre CCXXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — La
tranquillité et la simplicité d'esprit d'une Supérieure, jointes à une
maternelle vigilance, aident efficacement au progrès spirituel d'une
communauté. — Éloge d'un livre composé par une Mère Carmélite espagnole. —
Importance du monastère de Paris, qui doit être une pépinière pour la France. —
L'indépendance de l'esprit nuit à la pratique des vertus religieuses............................................ 337
Lettre CCXXV. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Il faut
obéir simplement et gracieusement en tout ce qui regarde le soulagement
[622] corporel, et se
montrer toujours communicative, ouverte, franche, cordiale et joyeuse.................................................................................................................................... 339
LETTRÉ
CCXXVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Dieu ne se plaît pas eu nos maux,
mais en notre patience à les souffrir. — Nouvelles du monastère de Paris. —
Projets de fondations pour Nevers et Orléans 340
Lettre CCXXVII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. —
Bel éloge de la Mère de Châtel par saint François de Sales. — Avantages qu'il
faut tirer des négligences involontaires. — Ne vouloir que Dieu et ne chercher
de consolation qu'en Lui seul...................................................................................................................... 341
Lettre CCXXVIII. — À saint François de Sales. — Sentiment de
diverses personnes sur la nomination projetée de saint François de Sales à
l'évêché de Paris. — L'affaire est remise au Souverain Pontife. — Plaintes
filiales de la Sainte louchant le silence que garde son Bienheureux Père sur
des questions qu'elle lui avait adressées 342
Lettre CCXXIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Plan uniforme à suivre dans la construction des monastères. —Conseils pour la
fondation projetée de Nevers. — Avis sur les rapports de la Visitation avec les
Ordres religieux. — Les Sœurs fondatrices doivent être des règles vivantes. —
La Sainte presse saint François de Sales de faire des entretiens aux Sœurs
d'Annecy............................................................................. 344
Lettre CCXXX. — À madame du Tertre, à Moulins. — La pureté
du cœur et le mépris du monde disposent l'âme à recevoir abondamment les grâces
du ciel............................................................ 347
Lettre CCXXXI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. —
L'obéissance est due aux prélats. — Utilité de la correction publique. —
Profession des Sœurs associées................................. 348
Lettre CCXXXII. — À saint François de Sales. — Visite de M.
Deshayes et sentiments de hauts personnages au sujet de la nomination de saint
François de Sales à l'évêché de Paris. — Admirable délicatesse de conscience de
la Sainte, qui lui montre comme faute grave un manque de naïveté dans ses
expressions. — Elle fait part des arrangements pour la fondation de Nevers,
prie le Saint d'écrire deux ou trois fois par an aux Supérieures, et le
félicite d'avoir Jean-François de Sales pour coadjuteur................................................................................................................. 349
Lettre CCXXXIII (Inédite). — À mademoiselle de
Chantal, sa fille. — La Sainte lui annonce que M. de Toulonjon la demande en
mariage................................................................................................ 354
Lettre CCXXXIV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Dangers courus par Celse-Bénigne. — Annonce du mariage de Françoise. — Sage
prudence à garder dans le choix des prétendantes. — Achat du terrain pour la
fondation de Nevers. — M. de Boisy est nommé coadjuteur de Genève.............................. 355
Lettre CCXXXV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Deux
motifs qui permettent d'outre-passer, dans la réception des sujets, le nombre
marqué par la Règle........................................................... 358
Lettre CCXXXVI. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. —
Le dégagement et le calme sont des moyens sûrs de progresser dans la vie [623]
intérieure. — Toutes
les prières de la Communauté doivent être pour la sainte Église 358
Lettre CCXXXVII. — À mademoiselle de Chantal. — Saintes
dispositions qu'elle doit apporter au mariage 360
Lettre CCXXXVIII. — À madame du Tertre, à Moulins. —
Reconnaissance des grâces que Dieu lui accorde. — Promesse d'adhérer à ses
désirs en lui laissant la Mère de Bréchard pour Supérieure autant que la Règle
et la Providence le permettront............................................................................................................... 361
Lettre CCXXXIX (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à
Bourges. — Prudence que doit avoir la Supérieure pour gouverner un esprit
faible et timide. — Obligations des Sœurs associées. — Conseils pour le retard
de la profession d'une novice. — Reproche à la communauté d'avoir trop
facilement donné l'habit à une postulante 363
Lettre CCXL (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Lyon. — Désir d'obtenir des indulgences plénières pour le peuple, aux fêtes de
la Présentation, de l'Incarnation et de la Visitation. — Prochain mariage de
Françoise de Chantal 365
Lettre CCXLI (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à
Bourges. — Insistance sur le retard de la profession d'une novice. — Comment la
Supérieure doit gagner le cœur de ses filles. — En quoi consiste la solennité
des vœux et l'importance de la Règle................................................................................................................ 366
Lettre CCXLII. — À la Sœur M -M. Legros, à Bourges. — Devoir
de la coadjutrice et humble confiance qui lui est due. — Il faut avoir plus de
sagesse que d'indulgence en la réception des sujets 369
Lettre CCXLIII. — À mademoiselle de Chantal. — Conseils à
l'occasion de son prochain mariage 370
Lettre CCXLIV. — À M. Michel Favre, à Annecy. — Pieux
souhaits 373
Lettre CCXLV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Avantages temporels que la famille de madame du Tertre offre au monastère pour
lui obtenir le titre de bienfaitrice. — Crainte et charité de la Sainte pour
cette réception.................................................................................................................................... 374
Lettre CCXLVI. — À la Sœur M -À. de Blonay, à Lyon. — Dieu
fait toujours son œuvre dans une âme humble, simple et confiante............................................................................................................... 375
Lettre CCXLVII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Aux
monastères qui observent bien la Règle, Dieu ne laissera pas manquer du
nécessaire. — Respect pour la clôture. — Ne point recevoir d'enfants trop
jeunes. — Caractère des vraies inspirations de la grâce............................................................................... 377
Lettre CCXLVIII. — À la même. — Envoi de trois bonnes
postulantes. — Il faut n'admettre à la profession que les âmes humbles ou qui
travaillent sérieusement à le devenir. — Prudence que doit avoir la Supérieure
dans ses rapports avec les Sœurs......................................................................................................................... 379
Lettre CCXLIX. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — Le
blâme et le mépris sont précieux aux âmes désireuses de leur perfection. — Il
faut savoir supporter les défauts des prétendantes lorsqu'ils sont occasionnés
par le jeune âge............................................................................................................................. 380
[624]
Lettre CCL. — À madame du Tertre, à Moulins. — Conseils à
l'occasion du contrat qui lui a donné le titre de bienfaitrice religieuse.............................................................................................. 381
Lettre CCLI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — La Sainte
l'engage à hâter son départ pour l'Auvergne et lui parle des fondations
projetées. — Comment faire accompagner les Sœurs d'Annecy qui devaient passer à
Lyon pour se rendre à Paris........................................................................................................................... 383
Lettre CCLII. — À M. Michel Favre. — Projet d'un voyage de
saint François de Sales à Rome. — Prière à M. Michel d'adresser des
exhortations aux Sœurs d'Annecy.............................................. 385
Lettre CCLIII. — À madame du Tertre, à Moulins. — La
correspondance à une grâce en attire d'autres. — Souffrir avec patience les
difficultés suscitées par sa famille......................................... 386
Lettre CCLIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Religieuse
exactitude et fermeté de la Sainte à ne pas aller au parloir pendant
l'Office ; agir ainsi, c'est édifier les séculiers sans manquer aux égards
qui leur sont dus 387
Lettre CCLV. — À saint François de Sales. — Billet des dons
du Saint-Esprit. — Projet d'un vœu 389
Lettre CCLVI (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay,
à Lyon. — Affaires d'intérêts 390
Lettre CCLVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Difficultés relatives au contrat de madame du Tertre. — Voyages des Sœurs
destinées à l'établissement des maisons de Nevers et d'Orléans. — Traverses
pour le logement de la communauté de Paris. — Il faut aider la nouvelle
Supérieure de Moulins. — Divers embarras concernant des novices et des
prétendantes............................................................................................................ 390
Lettre CCLVIII. — À la même. — Acheminement de la fondation
de Nevers. — Conditions pour le contrat de madame du Tertre. Il vaut mieux
qu'elle prenne l'habit à Moulins. — Maladie et prochain mariage de Françoise de
Chantal 393
Lettre CCLIX (Inédite). — À la même. — Avis au sujet
du contrat de madame du Tertre. — Conseils pour la bâtisse du monastère de
Nevers. — Affaires de celui de Paris..................................... 394
Lettre CCLX. — À madame du Tertre, à Moulins. — Une
Religieuse fondatrice ne peut, par contrat, exiger aucun privilège. — Conseils
à ce sujet............................................................................ 397
Lettre CCLXI (Inédite). — À la Sœur M.-À. de Blonay,
à Lyon. — Préparatifs pour les fondations de Nevers et d'Orléans................................................................................................................... 398
Lettre CCLXII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. —
Inutilité et danger des réflexions sur soi-même. — Faire lire souvent les
Entretiens de saint François de Sales....................................... 399
Lettre CCLXIII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de
Blonay, à Lyon. — Nouvelles dispositions pour le départ de quelques Sœurs. —
L'assistance au saint Office doit être préférée aux exigences des séculiers 401
[625]
Lettre CCLXIV (Inédite). — À la même. — Presser le
voyage des Sœurs fondatrices d'Orléans et de Nevers.................................................................................................................................... 403
Lettre CCLXV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — L'attachement que le public témoigne aux premières Supérieures
d'une fondation contrarie la Sainte. — Nouvelles des monastères de Lyon et de
Paris 403
Lettre CCLXVI. — À M. de Palierne, à Moulins. — Recours à
l'autorité de M. de Palierne en faveur de la maison de Nevers. Projets
d'accommodement....................................................................... 405
Lettre CCLXVII. — À madame du Tertre, à Moulins. —
Pressantes instances pour lui faire agréer les moyens de conciliation proposés
par saint François de Sales............................................. 407
Lettre CCLXVIII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Moulins. —
Une Supérieure doit chercher en tout la gloire de Dieu et gagner les cœurs par
la douceur et l'affabilité....................................... 408
Lettre CCLXIX. — À M. de Palierne, à Moulins. — Prière de
s'employer près de madame du Tertre pour qu'elle maintienne ses promesses. — La
gloire de Dieu et l'honneur des monastères sont au-dessus de tout intérêt
temporel.................................................................................................................................... 409
Lettre CCLXX. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Moulins. —
L'esprit d'humilité, de douceur et de prudence est indispensable au bon
gouvernement. — Il faut consulter et traiter avec confiance les amis du
monastère 411
Lettre CCLXXI. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Devoir
d'une Supérieure. — On ne doit désigner que les Sœurs conseillères dans les
contrats du monastère.......................................... 412
Lettre CCLXXII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de
Blonay, à Lyon. — Affaires d'intérêt 413
Lettre CCLXXIII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. —
Avis pour le gouvernement de la communauté. — Il faut maintenir la liberté que
donne la Règle au sujet des confesseurs et des prédicateurs ; avoir
surtout recours aux Pères de la Compagnie de Jésus. — Union avec les Mères
Carmélites. — Défenses faites par saint François de Sales touchant les cellules.................................................................................................................................... 414
Lettre CCLXXIV. — À M. de Palierne, à Moulins. — Terminer au
plus vite le différend survenu entre les monastères de Moulins et de Nevers........................................................................................ 416
Lettre CCLXXV. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. —
Confiance et soumission qu'une Supérieure doit à son évêque ; comment
soutenir la Règle auprès de lui. — Délicatesse de procédés envers un ami du
monastère. — Décisions sur quelques points d'observance.............................................................................. 417
Lettre CCLXXVI. — À madame du Tertre, a Moulins. — Vives
remontrances sur les difficultés qu'elle a suscitées entre les maisons de
Moulins et de Nevers........................................................ 420
Lettre CCLXXVII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Ou
ne [626] peut
contraindre les Religieuses de faire ce qui est opposé à leur Règle et aux
décisions de leur chapitre..................... 421
Lettre CCLXXVIII. — À M. de Palierne, à Moulins. — Nouvelles
instances pour obtenir que madame du Tertre mette fin à ses prétentions................................................................................................ 422
Lettre CCLXXIX. — À madame du Tertre, à Moulins. — Grandeur
et sainteté de la vocation à la vie religieuse.................................................................................................................................... 425
Lettre CCLXXX. — À la Sœur M.-À. de Morville, à Moulins. —
Félicitations à l'occasion de sa prise d'habit. — Assurance de dévouement et
exhortation à l'oubli du passé........................... 426
Lettre CCLXXXI. — À M. de Palierne, à Moulins. — La Sainte
se réjouit des bonnes dispositions de Sœur Marie-Aimée, et justifie la Mère de
Bréchard de quelques soupçons........................ 427
Lettre CCLXXXII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Les difficultés des affaires temporelles ne doivent en rien troubler la paix,
le calme et l'union des cœurs.............................................. 429
Lettre CCLXXXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. —
Désirs de se conformer en tout aux volontés divines. — Prudence que doit avoir
la Mère Favre pour préparer son départ.............. 430
Lettre CCLXXXIV. — À M. Michel Favre, à Orléans. — Diverses
choses à considérer pour le choix de l'emplacement d'un monastère. — Éprouver
soigneusement les postulantes. — Il doit presser son retour à Annecy 431
Lettre CCLXXXV (Inédite). — À la Mère J.-C. de
Bréchard, à Moulins. — Désir d'arriver à un arrangement de famille pour ne plus
différer la profession d'une novice. — Exigences de madame de Gouffier 433
Lettre CCLXXXVI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Conseils pour le choix d'une directrice.................................................................................................................................... 434
Lettre CCLXXXVII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de
Blonay, à Lyon. — Projet d'une fondation à Valence. — La Sainte commence à
préparer son départ de Paris ; ses difficultés pour trouver un local
convenable à la communauté 434
Lettre CCLXXXVIII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers.
— Il faut habituer les Sœurs à ne rien demander et à ne rien refuser, et
congédier les postulantes qui ne veulent pas vivre selon la Règle. — Dieu a
soin du temporel et du spirituel d'une maison où règne la parfaite observance.
— Il importe pour le bonheur et le repos d'une communauté de n'admettre que des
filles capables de prendre l'esprit de l'Institut.............................................. 435
Lettre CCLXXXIX (Inédite). — À la Sœur M.-A. de
Blonay, à Lyon. — Demande de prières 437
Lettre CCXC (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Témoignages d'affection. — La Mère Favre, après avoir fini ses
six ans de supériorité à Lyon, doit aller servir Dieu ailleurs 437
Lettre CCXCI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Admirables
pensées de foi pour se soutenir au milieu des épreuves.— L'unique [627] but de la vie religieuse est
de mourir à soi pour établir le règne de la grâce 438
LETTRE
CCXCII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Une sainte joie
soutient le courage 440
LETTRE
CCXCIII (Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — L'opinion du
monde ne nous rend ni plus saint ni moins vertueux. — Conduite a tenir avec
deux dames amies du monastère. — Les Sœurs ne doivent pas se reprendre
mutuellement de leurs imperfections.................................................................... 440
Lettre CCXCIV. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — La
parfaite soumission, plus encore que les suavités, prouve la présence et le
règne de Dieu dans une âme....................................... 441
Lettre CCXCV. — À. M. Michel Favre, à Annecy. — Profonde
estime pour les volontés de saint François de Sales. — Nouvelles du monastère
de Paris.................................................................... 442
LETTRE
CCXCVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Espoir de la revoir bientôt.
— Il faut mépriser les attaques de l'envie et marcher avec humilité dans une
fidèle observance. — La détermination de travailler et de souffrir pour Dieu,
avec le soin de faire avancer les âmes, est un grand trésor. — Incliner du côté
de la médiocrité et de la pauvreté pour les revenus et les bâtiments. — Annonce
de l'impression des Directoires.......... 443
Lettre CCXCVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Indécision sur les privilèges que réclame la Sœur de Morville comme fondatrice.
— Encouragements et conseils pour la direction de cette novice ; ne jamais
la laisser au parloir sans assistante........................................................................................................ 445
Lettre CCXCVIII. — À la Sœur F.-M. Favrot, à Annecy. —
Désirs de voir les Sœurs d'Annecy fidèles aux enseignements de leur Bienheureux
Père. — Éloge de la communauté de Paris 448
Lettre CCXCIX. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Sage
prudence à garder dans le choix des directeurs. — Conseils pour la distribution
des emplois. — Comment la Supérieure doit procéder avec les esprits difficiles
et pourvoir aux nécessités spirituelles et corporelles de ses filles.............................................. 449
Lettre CCC. — À la Sœur M.-M. Legros, à Bourges. — Se livrer
sans réserve à la pratique de la simplicité, de l'observance des Règles et
d'une sainte indifférence........................................ 453
Lettre CCCI. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. —Nécessité
de faire élire une Supérieure à Lyon. — Il faut s'oublier soi-même pour ne
penser qu'à Dieu. — Affaires. — Sentiments de la Sainte sur la capacité de
quelques Sœurs.................................................................................................................................... 454
Lettre CCCII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Sagesse
et prudence que doit avoir la Supérieure pour le gouvernement de la communauté.
— Il faut laisser aux Sœurs une certaine liberté dans l'exercice de leur
emploi. — Ne jamais permettre l'entrée du monastère pour de simples visites,
mais pour le seul motif d'une retraite sérieuse 456
[628]
Lettre CCCIII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. —
Concession d'une dot en faveur de la fondation de Valence.................................................................................................................................... 457
LETTRE
CCCIV. — À la Sœur À.-M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Moyens de
persévérer et de se perfectionner dans sa sainte vocation................................................................. 457
Lettre CCCV. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Logement
et entretien du confesseur. — Il faut avoir un clerc pour le service de l’autel........................................................................................ 458
année 1621.
Lettre CCCVI. — À la Sœur M.-A. de Morville, à Moulins. — Le
sentiment de notre propre-faiblesse ne doit point diminuer une entière
confiance en Notre-Seigneur et en sa sainte Mère. — Nécessité de l'oraison et
du fréquent recours à Dieu.................................................................................................................................... 459
Lettre CCCVII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Témoignages d'affectueuse estime. — Vertus qui doivent
spécialement reluire à la Visitation. — Projet d'une fondation a Turin. —
Inconvénients à recevoir des jeunes filles qui ne seraient pas appelées à la
vie religieuse.................................................. 460
Lettre CCCVIII (Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset, à
Bourges. — Termes à employer dans les lettres, selon la qualité des personnes
auxquelles on écrit ; éviter les répétitions inutiles..... 462
Lettre CCCIX (Inédite). — À la Mère P.-J. de
Monthoux, à Nevers. — Il ne faut pas se plaindre de la pauvreté, mais être
attentive à maintenir l'union entre les monastères...................................... 463
Lettre CCCX. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Heureuse
influence que les Sœurs professes doivent exercer sur les novices par leur bon
exemple. — Nécessité de soumettre sa volonté et son jugement à la Règle et aux
Supérieurs.................................................................................................................................... 464
Lettre CCCXI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Difficultés temporelles pour la réception de la Sœur H.-A.
Lhuillier. — La Mère Favre est choisie pour être Supérieure à Turin. —
Nouvelles de la communauté de Paris.................................................................................................................................... 466
Lettre CCCXII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — La
nourriture commune doit être saine et suffisante : retrancher toute
plainte à ce sujet. — La Règle qui ordonne de rendre compte de la conscience à
la Supérieure et à la directrice n'impose pas l'obligation de leur déclarer ses
péchés....................................... 467
Lettre CCCXIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Difficultés que les yens du monde font aux Religieuses pour le règlement de
leurs affaires temporelles. — Obligation pour la Supérieure d'entretenir les
Sœurs tous les mois, et de procurer leur avancement dans la perfection.
[629] Elle-même doit
faire avec soin ses exercices spirituels et assister exactement aux récréations.................................................................................... 470
Lettre CCCXIV. — À la sœur F.-M. Favrot, à Annecy. —
Prudence à garder dans la réception des sujets. — Comment on doit faire les
habits. — Conseils pour des réparations aux bâtiments. — Ne pas dispenser les
Sœurs de la récréation sans grande nécessité. — Désir de revenir à Annecy................................................ 472
Lettre CCCXV. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Avis
relatifs à la construction du monastère. — Il faut inspirer aux âmes une grande
défiance d'elles-mêmes et une grande confiance en Dieu 475
Lettre CCCXVI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre,
à Montferrand. — Plusieurs personnes séculières peuvent contribuer ensemble à
la fondation d'un monastère ; privilèges qui leur sont accordés. — La
seule Bulle qu'a reçue Annecy suffit pour l'établissement d'autres maisons de
l'Ordre..................................... 476
Lettre CCCXVII (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à
Bourges. — Nouvelles recommandations sur la façon d'écrire et de parler. —
Madame de Toulonjon n'a pas le droit d'entrer dans la clôture. — Renvoi d'une
novice 478
Lettre CCCXVIII (Inédite). — À la Mère C.-A. Joly de
la Roche, à Orléans. — Souhaits d'avancement en la perfection. — Éviter toute
louange exagérée en parlant de la Supérieure ou des Sœurs 479
Lettre CCCXIX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Élection d'une nouvelle Supérieure à Montferrand. — Difficultés
que rencontre la Vénérable Fondatrice à quitter Paris. — Éloge de la Sœur
Anne-Catherine de Beaumont. — Deux personnes peuvent s'unir pour fonder un
monastère.... 480
Lettre CCCXX (Inédite). — À la Sœur M.-À. de Blonay,
à Lyon. — Voyage du B. Évêque de Genève à Lyon. — Envoyer une copie de la Bulle
obtenue par Mgr de Marquemont................... 483
Lettre CCCXXI (Inédite). — À la même. — Désir de
connaître les dispositions de saint François de Sales pour son retour et celui
de la Mère Favre à Annecy.......................................................... 484
Lettre CCCXXII. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. —
Réserve à garder dans la communication des Règles.................................................................................................................................... 485
LETTRE
CCCXXIII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Incertitude
de son départ de Paris. — Conseils pour le choix des Supérieures de Valence et
de Montferrand.......................... 485
Lettre CCCXXIV. — À la Sœur F.-G. Bally, à Bourges. —
Avantages des maladies 487
Lettre CCCXXV. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. —
L'humilité, la générosité et l'exactitude d'une Supérieure attirent l'Esprit de
Dieu en elle. — La Sainte demande qu'on la nomme notre Mère d'Annecy. —
Obligation de renvoyer une novice sans vocation. — Bien qu'apporte la confiance
des Sœurs et de la Supérieure au confesseur. — Dieu regarde à la ferveur et non
pas au nombre des Religieuses.............................. 487
[630]
Lettre CCCXXVI. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. —
Bonheur des âmes obéissantes. — Une Religieuse aura d'autant plus de capacité
pour le gouvernement qu'elle sera plus animée de l'esprit de Dieu. — Pensées
sur quelques Sœurs capables de la supériorité....................................................................................... 489
Lettre CCCXXVII {Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset,
à Bourges. — Affaires 491
LETTRE
CCCXXVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Qualités nécessaires à
une bonne Supérieure. — Questions d'intérêt.................................................................................................. 492
Lettre CCCXXIX (Inédite). — À la Mère C.-A. Joly de
la Roche, à Orléans. — Il importe beaucoup pour la paix et le bonheur des
monastères de n'admettre que de bons sujets, et de ne pas recevoir trop
facilement ceux qui sont médiocres. — Témoignages d'estime pour les Révérendes
Mères Carmélites. — Saint François de Sales travaille à faire une concordance
des quatre Évangiles...................................................................................................... 494
Lettre CCCXXX (Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset, à
Bourges. — Maladie de quelques Sœurs, — Avantages de la liberté d'esprit....................................................................................................... 496
Lettre CCCXXXI. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Choix
de la future Supérieure de Montferrand.................................................................................................................................... 497
Lettre CCCXXXII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Même sujet 498
Lettre CCCXXXIII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. —
Perte de plusieurs lettres. — Conseils pour le monastère de Lyon. — Nouvelles
de celui de Paris........................................... 499
Lettre CCCXXXIV. —À saint François de Sales. — Elle lui
expose son état intérieur et le désir de le revoir 501
Lettre CCCXXXV. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. —
Ne pas regarder son incapacité, mais s'humilier sous la volonté de Dieu, et
agir selon la Règle et les Entretiens. — Il faut éprouver sérieusement la
vocation des prétendantes et les faire examiner par quelques Religieux avant de
leur donner l'habit ; idem pour les novices, avant la profession. —
Mépriser toutes les considérations humaines quand il s'agit du profit spirituel
du monastère. — On peut recevoir une postulante aveugle...................................................................................................................... 503
Lettre CCCXXXVI. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Avis
pour les affaires temporelles. — Il faut attendre avec patience et charité
l'amendement des âmes. — Les monastères doivent être bâtis simplement et
solidement 506
Lettre CCCXXXVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. —
Une jeune Supérieure vertueuse est préférable à une plus âgée ayant moins de
vertu. — Les Œuvres de saint François de Sales doivent suffire pour la
direction des Religieuses de la Visitation............................................................................................................... 507
Lettre CCCXXXVIII. — À madame de Toulonjon. — Félicitations
à l'occasion de la naissance de son fils 509
Lettre CCCXXXIX. —À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. —
Recevoir les filles pauvres, pourvu qu'elles aient les vraies richesses du cœur
et de l'esprit. — Ne rien permettre de beau dans les bâtiments du monastère, et
[631] ne pas
faire des mortifications indiscrètes qui ruinent la santé. — L'humble
soumission est la pierre de touche et le fin or de la perfection.................................................................................................................................... 510
Lettre CCCXL (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay,
à Lyon. — Il faut marcher avec la pointe de l'esprit et ne s'attacher qu'a Dieu
seul. — C'est dans la solitude et la prière que l'âme trouve sa force. — La
mortification est la vraie préparation à l'oraison. — La Sainte pense quitter
Paris au mois d'octobre.. 511
Lettre CCCXLI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Les Sœurs de Paris font des instances pour garder leur B.
Fondatrice pendant l'hiver. — Le monastère est transféré proche de la rue
Saint-Antoine. — Espérance d'obtenir les permissions requises pour la
récitation du petit Office. — Mgr de Bourges quitte son archevêché 513
Lettre CCCXLII. — À saint François de Sales. — Prière de
consoler Mgr de Bourges, obligé de se démettre de son archevêché............................................................................................................... 514
Lettre CCCXLIII. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — La
Providence ne veut pas que nous ayons ici-bas autre appui que sa seule bonté. —
Il faut se réjouir d'être sans secours humain et jeter toute sa confiance en
l'amour paternel de notre bon Dieu......................................................................................................... 515
Lettre CCCXLIV. — À saint François de Sales. — Nouvelles du
monastère. Elle lui expose les raisons qui la pressent de quitter Paris avant
l'hiver, et abandonne à la Providence le désir de conférer de son intérieur 516
Lettre CCCXLV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Affaires temporelles 518
Lettre CCCXLVI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Dans
les affaires importantes, prendre l'avis de la communauté. — Comment diriger
une âme qui se croit dans les voies extraordinaires 520
Lettre CCCXLVII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. —
La Supérieure doit traiter ses Sœurs avec respect, comme des épouses du divin
Sauveur, et imiter, pour la correction, les gouverneurs des enfants des rois. —
Comment conduire les âmes attirées au recueillement. — Conseil pour
l'amendement dune novice 522
LETTRE
CCCXLVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Charité et humilité
envers la communauté de Moulins. — Il n'est pas permis aux Sœurs de demander à
changer de monastère 524
LETTRE
CCCXLIX. — À saint François de Sales. — Désir de remettre le gouvernement de la
maison de Paris à la Sœur de Beaumont. — Préparatifs pour la fondation de
Dijon, où la Mère Favre est proposée comme Supérieure. — Troubles dans Paris. —
Pieuse mort du comte de Fiesque......................................................... 525
LETTRE
CCCL (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Les filles de la
Visitation doivent aimer le mépris et s'estimer les moindres Religieuses qui
soient en l'Église. — Ne point chercher de perfection hors de la parfaite
observance.................................................................................................................................... 529
Lettre CCCLI (Inédite). — À M. Michel Favre. —
Félicitations sur son retour de Rome. — Désir d'obtenir des indulgences en
faveur des séculiers.................................................................... 530
[632]
Lettre CCCLII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à
Montferrand. — Prudence à garder pour son départ de Montferrand. — La Sainte
prolonge son séjour à Paris. — Il ne faut pas confier à une jeune Religieuse la
charge de maîtresse des novices.............................................................................................................. 531
Lettre CCCLIII (Inédite). — À la Mère C.-A. Joly de
la Roche, à Orléans. — Taire les imperfections du prochain. — Les aspirantes à
la vie religieuse doivent avant leur entrée être examinées par la Supérieure et
quelques Sœurs. — Ne rien changer dans la façon des habits. — Quand les
prétendantes peuvent aller au parloir 532
Lettre CCCLIV. — À saint François de Sales. — L'abbesse de
Port-Royal désire entrer à la Visitation. — Estime de Mgr de Nantes pour saint
François de Sales. — La communauté doit-elle se servir de cuillers
d'argent ? 534
Lettre CCCLV (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay,
à Lyon. — Il ne faut pas recevoir facilement les Religieuses professes d'un
autre Ordre. — Les officières qui s'attacheraient à leur emploi doivent être
changées 536
Lettre CCCLVI. — À saint François de Sales. — Affaires de la
fondation de Dijon. — La Sainte tire copie des lettres de direction qu'écrit
son Bienheureux Père. — Difficultés qui empêchent madame de Port-Royal de
quitter son abbaye. — On demande l'établissement d'une Congrégation d'hommes à
l'instar de la Visitation. — Questions concernant l'entrée des postulantes............................................................................................................... 537
Lettre CCCLVII. — À madame de la Fléchère, à Rumilly. —
Avantages des souffrances inconnues aux créatures. — Estime de la haute
perfection de saint François de Sales. — Maternelles confidences 541
Lettre CCCLVIII. —
À madame de Toulonjon. — Obligation pour une jeune femme de réprimer ses
fantaisies et son goût pour la toilette................................................................................................. 543
Lettre CCCLIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. —
Il faut exercer la supériorité avec un esprit de très-profonde humilité, et ne
jamais recevoir un sujet dépourvu de crainte de Dieu et de souplesse de
caractère 544
Lettre CCCLX. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. —
Conduite à tenir à l'égard d'une prétendante qui manque d'humilité et de
mortification.................................................................................. 544
Lettre CCCLXI. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Décès
de. madame de Goufficr. — Les afflictions sont un effet de la divine
miséricorde................................................................................. 546
Tableau
des premières religieuses de la Visitation................................ 548
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES
paris.
— typographie de e. plon et cie, 8, rue garancière