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Sainte Jeanne-Françoise Frémyot
de Chantal
sa vie et ses Œuvres

 

Index ; Bibliothèque

 

Tome Quatrième

Lettres I

 

Première édition
entièrement conforme aux originaux, enrichie d'environ six cents lettres inédites et de nombreuses notes historiques.

ÉDITION AUTHENTIQUE
PUBLIÉE PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DU PREMIER MONASTÈRE DE LA VISITATION SAINTE-MARIE d'ANNECY

L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de traduction et de reproduction à l'étranger.
Ce volume a été déposé au Ministère de l'intérieur (section de la librairie) en février 1877.

PARIS
TYPOGRAPHIE DE E. PLON ET Cie, 8, RUE GARANCIÈRE.

e. plon et cie imprimeurs-éditeurs
rue garancière, 10

1877

Tous droits réservés


PRÉFACE

Les Lettres de sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal vont couronner le monument que les mains filiales des Religieuses de la Visitation d'Annecy élèvent à la mémoire de leur immortelle Fondatrice. La Vie et les Œuvres de la Sainte, qui ont déjà paru, préparent à sa correspondance une faveur qui sera, nous l'espérons, pleinement justifiée.

Dans une approbation donnée par Charles-Auguste de Sales[1] à la première édition de ces Lettres, nous lisons : « Elles (les lettres de sainte de Chantal) sont sœurs des Épîtres du Bienheureux François de Sales, et une même légitime leur est due. »

Un des théologiens chargés par la Congrégation des Rites d'examiner les ouvrages de la Servante de Dieu, le Père Monsinat, s'exprime ainsi : « Je n'ai pas moins admiré ses Lettres que ses autres écrits. Je les ai trouvées à chaque page pleines de prudence, d'humilité, de charité, de zèle pour la maison de Dieu et le salut des âmes, de [vi] renoncement à soi-même, de confiance en Dieu, de pauvreté évangélique,, de patience, de courage invincible et de toutes les vertus chrétiennes. Chacun y trouvera de quoi guérir les blessures de son âme, ou s'avancer dans la perfection-, elles sont si pleines de suavité et si propres à inspirer la piété, que plus on s'en nourrira, plus on y trouvera un trésor caché, et des fruits inexprimables de délices spirituelles. »

Ces témoignages à la fois si autorisés et si magnifiques nous dispensent de tout autre éloge. Il suffira de faire connaître la nature de ces Lettres, les éditions qui en ont été données jusqu'à ce jour, et enfin le plan que le premier monastère d'Annecy a suivi dans celle qu'il offre présentement au public.

I - Les lettres et le reste des œuvres.

Il est à peine besoin de le faire remarquer, le lien le plus intime unit la Correspondance de sainte Jeanne-Françoise de Chantal à ses Œuvres diverses, ainsi qu'aux Mémoires écrits par sa fidèle secrétaire.

Ces Lettres, en effet, comblent des lacunes, éclairent des points demeurés obscurs dans la vie de la Sainte ; elles viennent s'ajouter à la biographie tracée par la Mère de Chaugy, les unes, comme des compléments indispensables, les autres, comme des pièces justificatives d'une valeur sans égale. En plus d'un endroit, la grande Fondatrice entre dans de curieux détails sur son propre compte, sur ses vues, sur [vii] ses entreprises ; elle cause, la plume à la main, de tout ce qui la concerne ; elle se peint au vrai ; elle se présente à nous comme dans un miroir.

D'autre part, bon nombre de ses Épîtres, celles surtout qui sont adressées aux Religieuses de la Visitation, ne diffèrent guère, que pour la forme, des Entretiens et des Instructions. Dans l'impossibilité de faire entendre sa voix, à tous les membres de sa famille monastique, la Sainte communiquait par écrit avec ses filles absentes ; elle leur envoyait des lettres, dépositaires de ses pensées, où elle versait des trésors de sagesse et de sollicitude maternelle. Au moyen de ces précieuses missives, elle faisait parvenir aux Sœurs les plus éloignées des avis et des conseils, des encouragements et des secours, et au besoin des réprimandes.

Des réprimandes ? Qui donc aurait droit de s'en étonner ? Ceux-là seuls qui ne sauraient par expérience combien lente, combien difficile est la transformation de notre nature sous l'action de la grâce ; car, pour les âmes même les plus privilégiées, sonnent des heures de détresse et de lutte, où parfois elles payent tribut à la fragilité humaine. Et certes, ce n'est pas un des moins beaux côtés du caractère de sainte de Chantal, où tout est grand, que cette prudence, cette énergie déployées dans la correction des défauts. C'est là surtout que nous pouvons admirer la douceur de sa force et la force de sa douceur. Après avoir laissé échapper des accents tels que ceux-ci : « Les moindres fautes me sont insupportables, » tout à coup son cœur perce à travers ces formes rigides, pour relever et soutenir, consoler et fortifier.

Toutefois, il est des circonstances où sainte [viii] Jeanne-Françoise paraît inexorable : son style s'anime, devient plus sévère ; les expressions les plus fortes abondent sous sa plume, la tendresse de la Mère fait place à la fermeté de la Fondatrice, c'est lorsqu'il s'agit de prévenir ou de stigmatiser les abus qui cherchaient à s'introduire dans son Ordre naissant. Alors les timides transactions de la prudence humaine viennent se briser contre « ce mur d'airain qui protège Israël ».

Ainsi la Fondatrice, la première Supérieure de la Visitation se retrouve tout entière dans sa correspondance ; elle vit, elle respire dans ces pages ; elle enseigne les autres monastères comme celui d'Annecy.

Quel genre d'intérêt s'attache à ce recueil épistolaire, il serait superflu de le faire ressortir longuement. Née de parents illustres, fille spirituelle du grand Évêque de Genève, associée avec lui pour l'établissement de la Visitation, Mère féconde d'une nombreuse famille de Vierges, type achevé de la femme forte, modèle parfait des plus sublimes vertus, tout se réunit en sainte Jeanne-Françoise pour recommander ses Lettres, non-seulement aux habitants du cloître, mais encore aux personnes qui vivent au milieu du monde ; car, pour goûter ces Épîtres, pour s'y attacher par l'esprit et par le cœur, il suffit d'avoir conservé, avec la foi, le sens chrétien, il suffit d'être sensible au spectacle de la grandeur morale.

D'abord, le côté historique de cette correspondance est de nature à piquer la curiosité du lecteur, quel qu'il soif. Effectivement, les intérêts multiples qui reposaient entre les mains de sainte de Chantal, et comme mère de famille, et [ix] comme fondatrice d'Ordre, les rapports qu'elle eut par la suite à entretenir avec des princes et des princesses, des évêques et des prêtres, des magistrats et des personnes de qualité, des religieux et des religieuses, communiquent à sa correspondance l'attrait d'une grande variété. On aime à parcourir les lettres échangées avec des personnages du plus haut rang. Or, avec ces correspondants, comme avec ceux de condition moins élevée, la Sainte prend toujours la note juste, et, chose remarquable, tout en se maintenant dans le ton que lui donne un tact parfait, elle ne paraît inférieure à aucun, pour la prudence, pour la sûreté du jugement, pour la perspicacité, pour la dextérité à manier les esprits, à conduire les affaires.

Il n'est pas moins intéressant de suivre sainte Jeanne-Françoise dans les courses qu'elle entreprend pour la fondation de nouveaux monastères, de l'accompagner dans les maisons qu'elle visite pour y surveiller la pratique des observances régulières, pour y affermir l'esprit de l'Institut, pour allumer et attiser dans tous les cœurs le feu de l'amour sacré. Partout elle inspire foi vive, confiance inébranlable en la divine Providence, mépris de tout ce qui passe, parce qu'elle ne voit, elle ne comprend, elle ne souhaite partout que l'accomplissement de la volonté de son Dieu.

Mais rien de plus émouvant, rien de plus instructif à la fois que la partie ascétique et mystique de sa correspondance. En écrivant aux premières Religieuses de la Visitation, sainte de Chantal s'ouvre pleinement à ses discrètes confidentes. Ces lettres nous donnent ainsi la clef de son âme, une des plus grandes qui furent jamais ; elles nous [x] introduisent dans ce cœur, fournaise ardente que consumaient les flammes de la plus pure charité. En parcourant ces Épîtres, nous assistons à de ravissants spectacles, à ces merveilles que le Seigneur opère ici-bas dans ses élus ; nous contemplons l'action puissante de la grâce sur une âme éminente, et la généreuse correspondance de celle-ci aux opérations divines ; nous admirons l'élaboration progressive des plus héroïques vertus, et leur exercice continuel au milieu des plus grandes épreuves. La Sainte nous fait elle-même l'aveu de ses peines, de ses ténèbres intérieures, de ses souffrances, de ses déchirements intimes, de ces croix que le divin Époux ne ménage pas à ses amantes. Tantôt nous l'entendons gémir comme la colombe, et tantôt nous la voyons prendre l'essor comme l'aigle, aller se reposer en Dieu, dans la privation de tout appui créé, dans cette nudité parfaite qui constitue le plus haut degré de la vie contemplative. La Providence avait ses desseins, en faisant passer la Fondatrice du nouvel Institut par ces alternatives. Choisie pour diriger les autres, elle devait être initiée par sa propre expérience à tous les secrets de la conduite de l'Esprit-Saint sur les âmes. Habituée du Calvaire et du Thabor, elle serait plus capable de guider ses filles spirituelles sur l'une et l'autre montagne, de leur apprendre à répéter sur la première comme sur la seconde : Seigneur, il nous est bon d'être ici !...

Mais où l'on peut étudier à fond, contempler dans tout son jour l'intérieur de sainte Jeanne-Françoise, c'est assurément dans les lettres qu'elle adressait à son Bienheureux Père, et dans celles qu'elle en recevait. Ces deux grandes âmes, [xi] si bien faites pour se comprendre et s'apprécier, éprouvaient l'une pour l'autre une estime qui revêtait, d'un côté, le caractère d'un dévouement paternel, de l'autre, celui d'une profonde vénération. Les lignes suivantes donneront une idée de l'espèce de culte que madame de Chantal avait voué au grand Évêque de Genève : » Dieu, dit-elle, m'en avait donné une si haute estime, que, s'il m'eût été possible, j'eusse voulu être la moindre de sa maison, pour avoir le bonheur de voir ses actions et ouïr ses saintes paroles ; car tout cela ne respirait que sainteté. Je l'avais en telle vénération, que, quand je recevais de ses lettres, je les ouvrais et lisais à genoux, et les baisais par révérence et dévotion, et recevais ce qu'il me disait comme provenant de l'esprit de Dieu. »

Aussi avait-elle recours en tout et partout à son incomparable Directeur ; aussi lui révélait-elle toute son âme avec la simplicité d'un enfant, avec l'abandon d'une confiance illimitée. De son côté, l'auguste Prélat faisait le plus grand cas de la Mère de Chantal. On en jugera par les paroles suivantes : « Je crois, disait-il un jour, que Dieu rendra tout à fait cette Mère une sainte Paule, une sainte Angèle, une sainte Catherine de Gènes, et telles saintes Veuves, qui, comme belles et odorantes violettes, ont été si agréables à Dieu, et ont embaumé le jardin sacré de l'Église, épouse de Jésus-Christ.[2] » Prédiction qui devait se réaliser un jour d'une manière admirable.

Une chose encore à signaler qui ne manquera pas de [xii] saisir profondément le lecteur, c'est le pieux attrait qui porte la Bienheureuse Fondatrice à parler souvent du Cœur adorable de Jésus. À la rencontre de ces nombreux passages, on ne peut se défendre de l'idée qu'elle a été initiée par avance aux mystérieux secrets d'amour, dont son petit Institut devait être un jour l'heureux dépositaire. Sans doute, elle ne s'exprime pas aussi nettement à cet égard, elle n'use pas de termes aussi clairs que l'aimable saint François de Sales, justement surnommé le Prophète du Sacré Cœur ; mais il n'en est pas moins vrai que, animée de son double esprit, elle nous renvoie les échos à peine affaiblis de la voix du doux Évêque, qu'elle puise à la même source de vie, qu'elle se plaît à conduire ses filles aux fontaines du Sauveur.

Pourquoi faut-il qu'à l'admiration provoquée par les lettres de sainte Jeanne-Françoise, vienne s'ajouter le regret inspiré par la destruction de sa correspondance avec le Guide vénéré de son âme ? On sait, en effet, que, mue par un sentiment d'humilité excessive, elle brûla les lettres qu'elle lui avait adressées, lettres qui étaient revenues dans ses mains, après la mort de ce sage Directeur. Voici comment la Mère de Chaugy raconte le fait : « M. Michel Favre (le confesseur du vénéré Prélat) nous a assuré que notre Bienheureux Père avait pris la peine de mettre à part les lettres de cette digne Mère, qui devaient servir pour sa vie, et en avait coté une partie de sa propre main, avec des petites marques et remarques, qu'il avait écrites en apostilles, espérant à son loisir, quand il serait déchargé de l'évêché, comme il désirait, écrire quelques mémoires [xiii] particuliers de ce qu'il savait de cette sainte âme. Dieu nous a frustrées de tous ces biens, qui feront une éternelle lacune dans la vie de cette grande Servante de Dieu... Il est vrai qu'il nous reste cette consolation que, par la date des lettres que ce Bienheureux écrivait en réponse aux siennes, nous voyons la suite de son état intérieur, et nous pouvons juger du mal par la médecine, et de la cause par l'effet. »

Quoi qu'il en soit, les quelques lettres de la Sainte à son grand Directeur qu'il a été possible de retrouver et de reproduire dans cette collection, sont de nature à faire regretter plus vivement encore celles qui ont été détruites.

Cet aperçu rapide suffit à marquer le caractère de la correspondance de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, l'attrait qu'elle offre à toutes les classes de lecteurs, avec les fruits qu'elle est appelée à produire dans les âmes. Comme on le voit, ces lettres constituent, avant tout, un trésor de haute spiritualité. De plus, elles nous offrent, avec l'autobiographie de la Sainte, une chronique de la Visitation, une peinture vivante de ses premiers temps, de son âge d'or. Enfin nous y trouvons un recueil admirable de principes pour le gouvernement et la direction des communautés religieuses, un commentaire sans égal des Règles et des Constitutions que le Bienheureux François de Sales a données à son Institut.

Le style n'est pas le grand côté de cette correspondance. Par le sérieux de son caractère, par la gravité de sa profession et des sujets qu'elle aborde, l'humble Fondatrice ne se met pas en frais pour orner ses lettres, pour les rendre [xiv] agréables ou piquantes. Tout entière aux avis qu'elle donne, aux instructions qu'elle adresse, aux faits qu'elle expose, elle écrit au grand courant de la plume, sans nul souci de la forme. Aussi bien, en matière de direction ou d'administration, qu'est-il besoin de se préoccuper de la grâce du tour, du bonheur de l'expression ? La Sainte écrit comme elle parle, avec le laisser-aller de la conversation, avec un abandon qui ne manque pas de charme ; sa diction, simple, claire, naturelle, est relevée par cette distinction spéciale que donne la vertu unie à la naissance. Que peut-on désirer de plus ?

Polir sa phrase, parer sa pensée, sainte de Chantal était placée trop haut, elle traitait des matières trop relevées pour descendre à ces détails. C'est dire assez que sa correspondance ne doit pas être jugée au point de vue littéraire. Il ne faut donc pas s'attendre à y trouver, au même degré, cette vivacité, cette finesse d'esprit, cette délicatesse de sentiments, cette grâce exquise, cette élégance de langage, qui devaient briller plus tard dans les lettres de sa petite-fille, la marquise de Sévigné. La grande, l'austère Religieuse ne nous offrira pas de ces beautés futiles et légères, dont tout l'effet est d'éblouir et de plaire. Elle nous donnera mieux : elle élèvera notre âme, elle lui communiquera lumière, force et chaleur, elle nous fera goûter des pensées et des sentiments d'un ordre tel, qu'ils gagnent peu de chose à la forme, que souvent même ils perdent aux ornements du langage et aux couleurs de l'imagination. [xv]

II - Les différentes éditions

Passons maintenant en revue les différentes éditions des Lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal. La première fut préparée et faite sous la direction de la Mère Marie-Aimée de Blonay[3] ; elle parut à Lyon, en 1644, deux ans et demi après la mort de la Sainte, en un volume petit in-4°. Cette collection épistolaire, bien que revêtue d'excellentes approbations, ne saurait être regardée comme une édition complète de la correspondance de la vénérable Fondatrice. Le but, en effet, de la Mère de Blonay était moins de faire paraître intégralement et d'une manière régulière les lettres en question, que d'en former un livre ascétique pour les Religieuses de son Ordre. C'est ce que donne suffisamment à entendre le titre d'Épîtres spirituelles,, sous lequel parut cette publication. Mais faire un choix dans une vaste correspondance, c'était se condamner à être incomplet, défaut relatif et qui n'est pas le seul que nous ayons à signaler. D'abord les adresses sont mises assez souvent d'une manière vague et générale, selon le sujet des lettres et sans désignation personnelle ; les dates font ordinairement défaut, et le petit nombre de celles qui ont été conservées sont pour le moins fort douteuses. De plus, une grande partie des Épîtres données par [xvi] la Mère de Blonay ne sont qu'une réunion de divers passages analogues, tirés parfois de cinq ou six autographes, et coordonnés ensemble suivant le but qui a présidé à la publication de ce recueil épistolaire.

Entre autres inconvénients qui résultent d'un tel mode de compilation, il arrive souvent, on le conçoit, que le commencement d'une lettre ne coïncide pas avec la fin, que, dans la même épître, nous trouvons rapprochés des faits qui se sont passés à des époques très-différentes. Enfin, une dernière cause d'obscurité est la division de l'ouvrage en trois livres : le premier contient les lettres adressées aux personnes constituées en dignité ; le second, celles qui renferment des avis utiles aux Religieuses de la Visitation ; le troisième, celles qui offrent des conseils tant pour la pratique des vertus que pour les divers états intérieurs et voies d'oraison. Ce classement ne contribue pas peu à multiplier l'inconvénient indiqué plus haut : ainsi telle lettre qui donne la conclusion d'une affaire précède souvent de loin celle qui en raconte les préambules, d'où il résulte qu'une foule de détails et d'observations deviennent inintelligibles. Si l'on ajoute à cela des répétitions, des suppressions regrettables, des sutures plus ou moins bien réussies, on conclura que l'édition donnée par la Mère de Blonay avait un caractère trop spécial pour constituer une œuvre définitive. Au reste, cette conclusion ressort pleinement de l'Épître dédicatoire placée entête de l'ouvrage. « Mes très-honorées Sœurs, dit la vénérée Supérieure, je vous assure en sincérité que ces Épîtres ont été recueillies avec toute la fidélité que nous devons à cette bénite Congrégation, et que c'est la pure et [xvii] naïve parole de notre digne Mère, sortie de sa plume, ou de sa bouche lorsqu'elle faisait écrire ; sur quoi je vous dirai qu'outre les ramas que l'on avait faits de longue main en cette maison, nous avons employé plus de sept mois à choisir et à ranger les lettres les plus utiles, à joindre les points plus conformes l'un à l'autre et à retrancher toutes les redites, car si l'on eût voulu imprimer toutes les Lettres que notre incomparable Mère a écrites, ainsi que l'on nous les a envoyées, je crois, sans exagérer, que le livre surmonterait en grosseur la Légende des Saints... Or, mes très-honorées Sœurs, on a taché de ne laisser en ce livre que ce qui est nécessaire ou utile, et qui peut être vu de tout le monde. Ce que je dis, parce que l'on a jugé à propos que nous nous contentassions de garder en manuscrit plusieurs lettres qui ne sont propres qu'en certaines rencontres fort rares, ou à être serrées dans le cabinet de la charité... » Ce passage de l'Épître dédicatoire nous édifie pleinement sur le but de la Mère de Blonay, but qu'elle a parfaitement atteint ; il nous explique en même temps l'obscurité qui règne dans sa collection. Des raisons qu'il nous est facile d'apprécier ne permettaient pas à la digne Supérieure de faire imprimer divers fragments trop personnels pour être livrés au public, non plus que de donner les adresses des lettres de la Sainte, puisque la plupart des destinataires vivaient encore à cette époque.

L'édition publiée en 1644 par la Mère de Blonay contenait trois cent soixante lettres ; elle fut reproduite en 1666 et en 1753, avec addition de quelques épîtres. L'édition de 1753 contient quatre cent trois lettres. [xviii]

La quatrième édition des Lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal est celle de Blaise, ainsi désignée parce qu'elle fut imprimée à Paris par un libraire de ce nom, en 1823, en deux volumes in-8°. Elle diffère peu des précédentes. Ce qui la distingue, c'est qu'elle est augmentée de quelques lettres, lesquelles portent le chiffre total à quatre cent dix-huit, augmentation qui ne l'empêche pas de demeurer encore fort incomplète.

Ce qui nous choque surtout dans la collection de Blaise, et avec nous les critiques les plus autorisés, c'est de voir l'éditeur imprimer et attribuer à sainte de Chantal plusieurs lettres que celle-ci aurait adressées à l'abbesse de Port-Royal, sans faire les réserves voulues sur l'authenticité de quelques-unes, et sans élaguer de quelques autres les interpolations habilement insérées par les jansénistes. La Sainte avait, de son vivant, et laissait après sa mort une réputation trop pure et trop grande, pour que ces novateurs ne s'efforçassent pas de s'en couvrir comme d'un voile. Avec l'astuce et l'audace qui les ont toujours caractérisés, ils firent subir à plusieurs de ces épîtres les falsifications les plus propres à autoriser leurs erreurs et à faire valoir leurs coryphées. C'est un fait bien constaté dans les annales de la Visitation, que plusieurs des lettres écrites par la Mère de Chantal à la trop célèbre abbesse ont été retouchées au point de devenir méconnaissables. Blaise aurait dû en tenir compte et ne pas admettre dans son édition des pièces tronquées.

Aussi, l'Ordre de la Visitation n'accepta jamais, que sous de grandes réserves, l'authenticité des Épîtres à Angélique Arnauld ; en maintes circonstances, il éleva la voix pour [xix] répudier plusieurs de ces pièces et les dénoncer comme apocryphes, notamment lorsqu'elles furent imprimées pour la première fois à Bruxelles, en 1698, à la suite de la quatrième édition de la Vie de sainte de Chantal, par Bussy-Rabutin, édition qui ne parut, il faut bien le remarquer, qu'après la mort de l'auteur.

Dès 1722, la Supérieure d'Annecy les désavouait et les traduisait elle-même au tribunal des notaires apostoliques. À l'apparition de l'édition Blaise, ce fut dans toutes les maisons de la Visitation un tolle général : des récriminations arrivèrent de toutes parts pour protester contre l'éditeur et cette partie de sa publication ; les deux monastères de Paris et de Venise (ce dernier n'est autre que celui de Lyon, transféré en Italie par suite de la révolution française) élevèrent à ce sujet de solennelles réclamations.

Autre fait capital dans la question qui nous occupe : les solliciteurs pour la canonisation de la Vénérable Mère de Chantal protestèrent, à leur tour, contre certaines lettres à l'abbesse Arnauld ; ils soutinrent qu'elles avaient été fabriquées, ou tout au moins falsifiées. La sacrée Congrégation des Rites s'arrêta longtemps à cet incident ; après mur examen, elle passa outre en déclarant que, vraies ou fausses, ces épîtres ne pouvaient, selon l'avis persistant des solliciteurs, infirmer en rien la réputation de sainteté dont jouissait la Servante de Dieu, ni ternir l'éclat de ses vertus héroïques.

D'ailleurs on sait assez que le jansénisme n'éclata et ne fut condamné qu'après la mort de la Sainte (1641), et que l'abbesse de Port-Royal jouissait alors d'une telle réputation [xx] de vertu que le Pape Innocent X lui adressa même, quelques années plus tard, un Bref, par lequel il accordait à son monastère de grands privilèges spirituels.

La cinquième édition des Lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal est due à M. de Barthélemy, auditeur au Conseil d'État, lequel entreprit cette œuvre pour la gloire de la Sainte, son illustre parente. Cette édition, imprimée à Paris, en 1860 (deux volumes in-8°), est supérieure aux précédentes pour la richesse ; elle renferme près de quatre cents lettres jusque-là inédites, avec le texte authentique. Mais on nous permettra de faire remarquer que la méthode suivie dans la distribution de ces pièces, méthode qui, d'ailleurs, a été adoptée pour les précédentes éditions, est peu conforme à l'ordre chronologique. En effet, les lettres nouvelles sont séparées des lettres anciennes, division qui reproduit les inconvénients signalés plus haut. En outre, ces lettres sont groupées suivant les diverses classes de correspondants.

Malgré tous les soins du respectable éditeur, les adresses font défaut aux trois quarts des lettres, et celles qu'il donne sont parfois hasardées ou douteuses. Toutefois, disons-le à sa décharge, si les noms propres sont inexacts, nous oserions presque en faire remonter la faute jusqu'aux secrétaires de la Sainte, à l'habitude qu'elles avaient, alors que l'Institut était encore peu répandu, de désigner les personnes par de simples initiales.

Faut-il ajouter que M. de Barthélemy n'a pu se garantir des écueils contre lesquels se sont fréquemment heurtés ses devanciers, savoir les répétitions doubles et parfois triples des mêmes pièces ? Près de quinze lettres du premier [xxi] volume reparaissent dans le second, sous des noms différents ; deux sont même répétées jusqu'à trois fois, avec des variantes de dates et d'adresses. La lettre CCCV du second volume, attribuée à sainte de Chantal, est d'une théologie si élevée sur les fausses révélations, qu'elle ferait reconnaître la main d'un docteur et l'inspiration du Bienheureux Évêque de Genève, même à ceux qui ne sauraient pas que cette lettre figure dans toutes les anciennes éditions des Épîtres de saint François de Sales.

De plus, M. de Barthélemy, non content d'adopter les lettres que, selon Blaise, sainte Jeanne-Françoise aurait écrites à l'abbesse de Port-Royal, substitue, dans trois autres lettres, l'adresse d'Angélique Arnauld à celle de la Mère de la Trinité (Religieuse Carmélite), qu'indiquaient les autographes. La méprise est d'autant plus manifeste qu'il est question dans ces trois lettres d'établir des moyens d'union entre la Visitation elle Carmel. Cette édition reproduit aussi le prétendu billet de l'illustre Fondatrice à Saint-Cyran, billet fort court du reste, et dont l'origine a toujours été contestée.

En 1862, un homme dont les travaux ont rendu le nom cher aux amis de la religion et de la science, M. l'abbé Migne, insérait la correspondance de la Sainte dans l'édition des Œuvres complètes de saint François de Sales et de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, en neuf volumes in-4°. Le tout avait été laborieusement préparé, pendant vingt ans de travail, par un respectable ecclésiastique du diocèse de Genève, M. l'abbé de Baudry. Ami généreux de la Visitation, dévoué sans mesure à l'extension du culte des saints [xxii] Fondateurs de cet Institut, ce digne Prêtre comptait pour rien les sacrifices de tous genres, dès qu'il s'agissait d'augmenter leur gloire.

Remettre en honneur leurs maximes, faire mieux connaître leur esprit, était, pour sa foi, rendre un éminent service à l'Église, réveiller la flamme à demi éteinte dans bien des cœurs sur lesquels avait passé le courant glacial des erreurs jansénistes. Qui pourra dire l'ardeur avec laquelle il poursuivit cette noble entreprise ? Les bibliothèques publiques et particulières furent fouillées à grands frais, quantité de lettres inédites en furent retirées et transcrites par ses soins. Il ne devait pas avoir la consolation de donner au public le fruit de ses patients labeurs. Le 2 avril 1854, la mort vint frapper ce vénérable ecclésiastique au moment où, après avoir doublé sa précieuse collection de Lettres, il se disposait à faire subir un minutieux examen aux matériaux rassemblés avec tant de peine et de sacrifices pécuniaires.

Cette vérification, aurait sans doute amené le judicieux écrivain à éliminer les lettres copiées à double sur les originaux qui avaient servi à la Mère de Blonay, à faire justice de la liberté avec laquelle les copistes s'étaient permis de retoucher les autographes, surtout ceux de sainte de Chantal. Corriger, rajeunir, moderniser le style, n'est-ce pas briser le moule de la pensée, dénaturer le langage, lui enlever son cachet ?

Au milieu des regrets qu'excitait la perte de M. de Baudry, nul ne songeait à continuer son œuvre interrompue. Tous ses manuscrits furent renfermés dans les archives du [xxiii] premier monastère de la Visitation, auquel il les avait légués. Mais, cinq ans plus tard, ils durent, par un arrêt sans appel de Mgr Rendu, évêque d'Annecy, être envoyés aux ateliers de M. l'abbé Migne, qui fit imprimer avec trop de confiance les fruits d'un travail demeuré inachevé. C'est ainsi que la correspondance garde le mode des précédentes éditions, c'est-à-dire qu'elle est divisée en Lettres anciennes et en Lettres nouvelles.

Il n'est donc pas étonnant de trouver dans celle de M. Migne des répétitions sans nombre parmi les Lettres dites nouvelles ; plus de cent sont reproduites deux fois, et dix jusqu'à trois fois. Quantité d'autres ne sont que des fragments de lettres entières que l'on voit à quelques pages de distance. Il y a d'ailleurs de nombreuses inexactitudes, de regrettables bévues, et bien peu d'ordre dans le classement.

De plus, on remarque encore dans cette édition plusieurs lettres de saint Vincent de Paul, de Mgr de Bourges, des princes et princesses de Savoie, du commandeur de Sillery, etc., etc., lesquelles ont leur numéro d'ordre, comme si elles étaient de sainte Jeanne-Françoise. Si l'on défalque les pièces étrangères à la correspondance de la Sainte, ainsi que les lettres répétées deux et même trois fois, on trouve que la collection Migne se réduit à mille trois cents lettres environ. [xxiv]

III - La présente édition.

Bien que supérieure à celles qui l'avaient précédée, l'édition Migne restait encore au-dessous de l'attente et des désirs légitimes du-public ; il y avait donc lieu d'y revenir. N'appartenait-il pas, ce semble, aux filles spirituelles de sainte de Chantal, à celles qui sont dépositaires de ses sacrées reliques et des monuments qui intéressent sa mémoire, de publier à nouveau la correspondance de leur glorieuse Mère ?

Disons-le tout d'abord, elles ont bénéficié pour ce travail de la position naturelle de tout éditeur qui vient le dernier. Ensuite, elles avaient, comme Religieuses de la Visitation, des avantages considérables : pleinement au courant de tout ce qui tient aux origines de leur Institut, elles sont, par là même, à l'abri de bien des erreurs ; d'un autre côté, l'abondance de documents inédits, recueillis, par les contemporaines de la Sainte, plaçait sous leurs mains des trésors inconnus à nos devanciers. À l'aide de ces ressources, elles espèrent donner une édition à la fois plus complète, plus exacte et mieux ordonnée que les précédentes.

Les archives du monastère d'Annecy et des autres maisons de l'Ordre, celles des familles dont les membres ont eu des rapports épistolaires avec sainte Jeanne-Françoise, ou avec les premières Mères de la Visitation, telles sont les [xxv] sources principales où elles ont puisé. Elles en ont tiré des autographes, des manuscrits précieux, de nombreux éléments de vérification et de contrôle. Au moyen de ces richesses, elles sont parvenues à former une collection bien plus volumineuse que celles qui ont été publiées jusqu'à ce jour. En effet, aucune n'a dépassé le chiffre de mille trois cents lettres, tandis que la présente édition donne environ six cents lettres complètement inédites. Cette augmentation seule lui assure une incontestable supériorité.

À la richesse de l'ensemble, les Religieuses d'Annecy ont eu à cœur de joindre l'exactitude dans les moindres détails. Pour cela, elles ont restitué le texte original, si malencontreusement défiguré par tous les éditeurs ; elles se sont fait une loi de reproduire scrupuleusement les lettres manuscrites de la Sainte, ou, à leur défaut, des copies authentiques prises sur les originaux. Enfin, elles ont recherché toutes les indications de temps et de personnes, afin de rectifier les noms, les adresses et les dates erronées. Les peines et les soins qu'il en a coûté pour arriver à ces améliorations ne pourront jamais s'apprécier à leur juste valeur. Il ne fallait rien moins qu'un nombre considérable de documents, la facilité des rapports avec tous les monastères de leur Institut, la parfaite connaissance des traditions primitives et de tout ce qui concerne leur glorieuse Fondatrice, pour être en mesure de corriger les erreurs des éditions précédentes. Cependant, malgré la persévérance et l'exactitude de leurs recherches, elles n'ont pu découvrir ni la date, ni l'adresse d'une centaine de lettres ; ces lettres seront réservées pour la fin du dernier volume. [xxvi]

Le monastère d'Annecy a cru faire chose également utile et agréable au lecteur, en plaçant au bas du texte des notes courtes, mais substantielles, sur les personnages marquants dont le nom figure dans cette publication.

Afin de remédier au désordre signalé plus haut, la méthode chronologique a été adoptée pour la distribution de toutes les lettres, sans distinction d’anciennes et de nouvelles. Présenter ces épîtres au lecteur, les faire passer sous ses yeux précisément dans l'ordre où elles se sont succédé sous la plume de sainte de Chantal, quoi de plus naturel, quoi de plus historique ? Ainsi classées, les épîtres de la Sainte forment un journal écrit de sa propre main, une biographie qui nous la fait suivre mois par mois, semaine par semaine, presque jour par jour, qui nous la représente dans le gouvernement extérieur de son Ordre comme dans sa vie intime, avec ses pensées et ses sentiments, ses desseins et ses luttes, ses joies et ses tristesses, avec les roses et les épines semées sur sa route par la main et le Cœur de son Dieu.

D'autre part, cette correspondance, qui embrasse une période de vingt-six ans (de 1615 à 1641), se déroule de manière à présenter aussi les Annales de la Visitation. Ce nid de colombes, bâti par saint François de Sales et son illustre Coopératrice au milieu des montagnes de la Savoie, sur les bords du lac d'Annecy, la tendresse dont ce Père et cette Mère incomparables entourent leurs filles spirituelles, les tempêtes affreuses que l'enfer déchaîne contre elles, la merveilleuse propagation de ce petit Institut, les vertus qui fleurissent dans ce jardin de l'Époux, voilà tout autant de spectacles qui nous sont représentés avec le charme pieux d'une conversation douce et pénétrante.

Cinq volumes seront nécessaires pour contenir la précieuse correspondance de sainte de Chantal. Les Religieuses de la Visitation et des autres Ordres, les personnes pieuses qui vivent dans le monde, applaudiront de concert à la richesse de ce recueil épistolaire. Quant à ceux qui pourraient y trouver surabondance, nous nous contenterons de leur répondre : Lorsqu'il est question d'éditer la correspondance d'un prince, d'un homme d'État, d'un grand écrivain, toutes les lettres de ce personnage sont recherchées, recueillies avec soin ; il n'est si mince billet, pourvu qu'il soit authentique, qui ne soit admis dans la collection. Eh bien ! le monastère d'Annecy a des motifs pareils et des raisons d'un ordre encore plus relevé, pour éditer jusqu'aux moindres lignes émanées de sa glorieuse Fondatrice. La sainteté n'est-elle pas le sommet le plus élevé de la vraie grandeur ? Quoi donc de plus précieux, sous tous les rapports, que les inspirations du cœur, de l'intelligence des Saints, de ces âmes qui semblent jeter partout un parfum du ciel, même lorsqu'elles traitent des choses de la terre ?

Et pourtant, si volumineuse que soit cette collection, elle ne représente qu'une bien minime partie de la correspondance de sainte Jeanne-Françoise. Deux faits aideront à évaluer la prodigieuse quantité de lettres sorties de sa plume ou dictées par elle : une de ses Religieuses, la Mère Hélène-Angélique Lhuillier, en reçut, à elle seule, près de trois cents. Le grand cataclysme de 1793, en détruisant le monastère de Chaillot, nous a privés de ce riche héritage. [xxviii] D'autre part, on lit dans les Annales de la Visitation que la Mère Françoise-Madeleine de Chaugy, malgré son étonnante activité, ne pouvait suffire à la correspondance de la Sainte, dont elle fut, pendant dix ans, la fidèle secrétaire ; ce qui lui fit adjoindre deux autres Sœurs pour cet emploi. De ces données, il résulte qu'un grand nombre de lettres devaient émaner chaque semaine de la Bienheureuse Fondatrice. Toutefois, en n'en supposant qu'une par jour, pendant les trente et une années que sainte de Chantal passa en Religion, le calcul fait sur ces bases donne un total de onze mille lettres. Qu'on juge par ce chiffre, bien au-dessous de la réalité, de l'étendue des pertes que nous avons à déplorer !

Une pensée vient adoucir nos regrets, c'est l'espoir que nombre de ces précieuses missives échappées aux ravages du temps et des révolutions sont gardées dans des archives publiques ou privées. Les meilleures bénédictions d'en haut, ainsi que la plus vive reconnaissance du public religieux, sont assurées aux possesseurs et aux conservateurs de ces précieux autographes, s'ils voulaient bien en faire parvenir des copies authentiques aux Religieuses de la Visitation d'Annecy, copies qui leur permettraient d'ajouter de nouveaux diamants à leur écrin de famille, d'enrichir et de compléter la collection des Lettres de leur héroïque Mère, sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal.

A. G.

REMARQUES

Afin de donner à leur œuvre son cachet d'authenticité, les Religieuses de la Visitation d'Annecy ont eu soin d'indiquer au bas des lettres dont elles ont pu découvrir l'autographe, le nom du monastère ou de la personne qui le possède.

Quand l'original leur a été confié, et qu'elles ont pu le reproduire en son intégrité, l'indication porte ces mots : Conforme à l'original gardé à...

Que si elles n'ont eu à leur disposition qu'une copie, la formule suivante le désigne : Conforme à la copie de l'original...

Les lettres extraites des anciennes éditions, et dont on n'a pu découvrir les autographes, ne portent aucune indication. Ces lettres, d'ailleurs, étant composées de plusieurs fragments, ainsi qu'il a été dit dans la Préface, force a été, pour éviter les répétitions, de retrancher les passages qui appartiennent aux lettres originales ; c'est pour cette raison que quelques-unes paraîtront fort courtes.

Par respect pour le texte de la Sainte, les mots que parfois il a fallu ajouter pour compléter le sens de la phrase ou pour remplacer ceux qui étaient illisibles, ont été mis entre crochets. Quelquefois aussi a été placée entre crochets la signification d'un terme vieilli qui ne serait plus compris aujourd'hui par un bon nombre de lecteurs.

Conformément aux avis de personnes éminentes, l'orthographe a été corrigée. Cette modification, nécessitée par la différence qui existe entre l'orthographe de la Sainte et celle d'aujourd'hui, est la seule qu'on se soit permise. Le style est intégralement reproduit.

On pourra remarquer que quelques lettres de sainte Jeanne-Françoise sont en désaccord avec des faits relatés dans les Mémoires de sa vie, par la Mère de Chaugy. Tout en constatant ces inexactitudes, le monastère [xxx] d'Annecy a voulu publier textuellement les Mémoires dus au talent de l'immortelle annaliste de la Visitation. Quant aux lettres dont les originaux sont conservés, il n'est pas possible de contester les faits qui y sont relatés.

Comme il existe plusieurs recueils de l’Histoire des Fondations de l'Ordre, lesquels offrent entre eux des divergences parfois assez considérables, il a semblé qu'un seul devait servir de guide, c'est celui qui se conserve aux Archives du premier monastère de la Visitation.

Enfin, le lecteur est prévenu que le mot Nessy, qui se retrouve souvent sous la plume de sainte de Chantal, n'est qu'une abréviation du nom Annecy.

LETTRES DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE FRÉMYOT DE CHANTAL

rangées par ordre chronologique

ANNÉES DE 1606 À 1615

LETTRE PREMIÈRE - À MONSIEUR LE CHANOINE DE SALES[4]

Témoignages d'estime et d'affection pour la famille de Sales.

Vers 1606.

Monsieur mon très-cher frère,

J'avais un peu d'envie de me fâcher contre vous de ce que vous ne m'écrivez point ; mais c'est grand cas que je ne saurais tenir mon cœur, ni l'empêcher de vous témoigner ses affections qui sont toutes pures, et toutes entières à vous souhaiter les chères bénédictions de notre bon Dieu. Mais, mon cher frère, [2] si vous pouviez voir ce que je dis, et de quel lieu cela part, et ce que m'apportent les bonnes nouvelles de ceux de votre nom, voyez-vous, cela est incomparable. Je souhaite ardemment que mon Dieu, mon Seigneur, nous unisse tous ensemble à Lui par le lien de son divin amour.

J'ai notre petite sœur[5] avec moi, je crois pour douze ou quinze jours ; pensez quel contentement ce m'est, et combien je voudrais que ce fût pour davantage ; mais il se faut accommoder à la volonté de Dieu et l'attendre. C'est une fille qui nous donnera à tous bien du contentement.

Je vous tiens maintenant pour être vers notre cher Évêque. Hé ! mon bon frère, que vous êtes heureux, et tous ceux qui voient les merveilles que Dieu fait en lui ! Oh ! Dieu, Dieu puissant et bon, nous le veuille conserver plein de ses plus chères grâces et d'une parfaite santé ! Mandez-moi de ses nouvelles. Je suis du tout, votre très-humble sœur et servante,

Frémyot.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DE MADAME DE BOISY À LA BARONNE DE CHANTAL

La lettre de madame de Boisy, demandant que sa fille fût élevée auprès de madame de Chantal, mérite d'être reproduite ici, en souvenir de cette vénérée mère de, saint François de Sales.

Vers 1606.

Madame ma très-chère Fille,

Ayant perdu l'espérance de vous revoir pour cette année, suivant ce que m'en a dit notre Évêque, mon fils, j'attendrai avec impatience d'avoir ce bonheur, la suivante ; et cependant, [3] puisque la petite que j'ai au Puy-d'Orbe n'est point portée à la Religion, je vous veux ramentevoir la prière que je vous fis de la retirer en ce cas-là, et vous supplie derechef de lui faire cet honneur et à moi, que de la recevoir. Je l'ai tenue pour bien confiée avec madame du Puy-d'Orbe, si elle eût voulu suivre la vocation religieuse ; je la tiens trop heureuse aussi d'être auprès de vous, voulant prendre cet autre chemin, auquel je prie Notre-Seigneur qu'il la veuille bien conduire, selon les bons exemples qu'elle verra.

Pardonnez-moi, madame ma très-chère fille, cette liberté avec laquelle je vous incommode de cette fille, qui ne pourra jamais, non plus que moi, correspondre à l'obligation qu'elle vous a. Notre-Seigneur vous en veuille récompenser, et je suis, madame ma très-chère fille, votre plus humble mère et. servante très-humble.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE II - À MADAME DE BOISY

Conclusion du mariage de Marie-Aimée de Chantal.

Monthelon. ce 16 avril 1608.

Madame ma très-bonne Mère,

Voilà Messieurs nos grands-pères qui parlent, lesquels, par la grâce de Dieu, ont un grand sentiment et désir de l'honneur de votre alliance.[6] Eh bien, ma chère mère, ne voilà-t-il pas, en votre désir et au mien, une assurance si assurée, qu'il n'y a plus rien à regarder, par la grâce de notre bon Dieu ? Que me [4] reste-t-il à faire pour maintenant, ma chère mère, sinon prier Dieu qu'il vous rende cette fille tout agréable, toute belle et vertueuse, et digne d'un si grand honneur que celui d'entrer en votre bénite maison ; être sœur d'hommes si précieux, oh ! quel bonheur ! Je ne me veux point laisser aller aux sentiments de ce contentement. Je supplie ce grand Dieu que cette œuvre soit à sa gloire, au salut et au repos de nos enfants, à votre consolation et à celle de tous les vôtres, lesquels, après vous, je salue tous du plus entier de mon cœur, duquel je suis et veux être éternellement, madame ma très-chère mère, votre très-humble et très-obéissante servante,

Frémyot.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE III - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Ardeur de la Sainte à se sacrifier au divin amour par la profession religieuse.

VIVE † JÉSUS !

Annecy. 1611

Quand viendra ce jour heureux, où je ferai et referai l'irrévocable offrande de moi-même à mon Dieu ? Sa bonté m'a remplie d'un sentiment si extraordinaire et puissant de la grâce qu'il y a d'être toute sienne, que, si le sentiment dure dans sa vigueur, il me consumera. Jamais je n'eus des désirs ni des affections si ardentes de la perfection évangélique ; il m'est impossible d'exprimer ce que je sens, ni la grandeur de la perfection où Dieu nous appelle. Hélas ! à mesure que je me résous d'être bien fidèle à l'amour de ce divin Sauveur, il me semble que c'est chose impossible de pouvoir correspondre à toute la grandeur de ce même amour. Oh ! que c'est chose pénible en l'amour, que cette barrière de notre impuissance ! [5] Mais qu'est-ce que je dis ? j'abaisse, ce me semble, le don de Dieu par mes paroles, et ne saurais exprimer ce sentiment d'amour qui me sollicite à vivre en pauvreté parfaite, en humble obéissance et en très-pure pureté.[7]

LETTRE IV - AU MÊME

Souvenir du pèlerinage de 1604, à Saint-Claude.

VIVE † JÉSUS !

Août 1611.

Monseigneur,

Priez fort [Dieu] pour moi, afin qu'il me retire de ces fâcheuses affaires. Ce qui me console parmi tant de travail, c'est que cela est pour la gloire de Dieu, et qu'enfin, après avoir bien travaillé, nous irons jouir du repos éternel, moyennant la grâce du divin Sauveur, lequel je prie soigneusement pour la perfection de notre cœur.

Je vous ressouviens, mon Père, qu'il y a aujourd'hui sept ans que Notre-Seigneur remplit votre esprit de mille saintes [6] affections pour le bonheur et perfection de ma pauvre âme. Je vous dirai que, dès hier, elle est demeurée remplie d'un sentiment si extraordinaire de la perfection que, si cela dure, il me consumera. Mon Dieu ! mon unique Père, rendez-moi, par vos prières et conduite, toute à ce Seigneur, que nous adorons, révérons et aimons parfaitement. Oh ! que je veux lui être fidèle ! il m'est impossible d'exprimer ce que je sens ; aussi ne ferais-je que l'amoindrir par mes paroles ; c'est un ouvrage fait de la main de Dieu. Nous voyons tous les jours clairement abonder ses miséricordes sur nous ; c'est pourquoi nous devons tous les jours nous rendre plus fidèles. Pour cela, je consacre de nouveau mon âme à votre volonté et obéissance. En ce désir, je vais recevoir mon Dieu, auquel je demeure, Monseigneur, votre, etc. [7]

LETTRE V - À LA SŒUR CLAUDE-FRANÇOISE ROGET

Au monastère d'annecy[8]

Il faut servir le Seigneur avec un cœur libre et joyeux.

VIVE † JÉSUS!

1611.

Eh bien ! ma chère petite Sœur, dites-moi un peu, ne faites-vous pas des merveilles ? Ne caressez-vous pas amoureusement notre bon Sauveur ? Je désire passionnément que vous rendiez votre âme tout amoureuse de ce divin Époux, qui nous a tant gratifiées que de nous avoir choisies pour être de ses plus particulières servantes. O Dieu ! quelle grâce, ma chère petite ! faisons-la bien valoir pour la sainte éternité ; tenez votre cœur (que j'aime bien) en grande liberté, afin que sans peine il soit toujours prêt à suivre et embrasser allègrement tout ce qui lui sera proposé ; soyez bien douce et joyeuse parmi nos chères Sœurs, au milieu desquelles je me souhaite continuellement.

Je prie Dieu qu'il répande sur ce petit troupeau, qui m'est si précieux, sa sainte bénédiction. Adieu, ma mie ; priez bien [8] pour votre sœur et servante. Mille saluts à ma grosse Sœur N. ; tenez-moi bien en ses bonnes grâces ; je salue aussi madame Guymer et dame Jeanne.[9]

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE VI - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Joie de savoir te Bienheureux Évêque occupé à la composition du Traité de l'Amour de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1612.]

Monseigneur et unique Père,

Je supplie mon Dieu de remplir votre âme de tout soi-même et de ses très-chères bénédictions, surtout de celle de l'amour très-pur de Jésus. Mais, afin que l'on ne vous donne l'alarme, je vous dirai moi-même que ce matin je me suis trouvée fort mal. Après dîner, il m'a pris des tremblements, je suis demeurée comme morte ; mais à présent je me trouve fort bien, Dieu merci ! N'en soyez point en peine, pour l'amour de ce grand Dieu que mon âme aime, adore, et désire servir avec un cœur uniquement unique et parfaitement pur. Mon Père, demain en tenant ce divin Sauveur, faites qu'il me donne sa grâce si abondamment qu'à jamais nous l'adorions, le servions et l'aimions parfaitement. Je sens une extrême consolation quand je sais que vous travaillez après ce divin ouvrage de l’Amour divin,[10] après lequel je soupire, mais d'une ardeur [9] véhémente. Hé, mon Dieu ! quand sera-ce que nous nous en verrons tous abîmés ?

J'ai vu la bonne tante ; oh ! que c'est une vénérable dame ! Croyez que je me porte bien : vous savez que je ne voudrais mentir à mon escient. Vive Jésus et sa très-sainte Mère ! Amen.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE VII (Inédite) - À MONSIEUR LEGROS

À Dijon

Réception de mademoiselle Leyros. — Assurances de religieuse estime.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 18 juin 1612.

Monsieur,

Nous avons reçu votre chère fille avec beaucoup de satisfaction.[11] Je crois que le grand Dieu aura cette offrande très-agréable, car elle lui est faite, et de votre part et de la sienne, avec beaucoup d'affection. Demeurez en repos et consolé de cette fille, car elle m'est et sera chère et précieuse. Mon Dieu m'oblige à un amour et soin extrême à l'endroit de toutes les âmes qu'il amène ici, et la bonté de votre cœur, en sa confiance en moi, me presse et me lie très-étroitement à elle.

Je n'ai pas le loisir de vous dire davantage ; mais, encore une fois, je vous dis : Demeurez en repos de cette chère petite âme, car elle a trouvé ici un père et une mère d'affection. Je vous suis extrêmement obligé du soin que vous avez de [10] l'affaire (mots illisibles). Pour Dieu, continuez, afin que nous partions de là, car les affaires de mon fils sont en telle disposition, que, s'il battait mal de ce côté, cela incommoderait grandement. Dieu vous remplisse de grâce, de consolation et de force, pour cheminer en la voie de ses divins commandements, et tous vos enfants que je salue avec vous de tout mon cœur. Nous avons fait alliance de sœur, la bonne madame Legros et moi. Je la chéris et estime fort, c'est une brave et généreuse femme ; Dieu la conduise à soi. Je suis pour jamais, Monsieur, votre très-humble servante,

Frémyot.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Ornans.

LETTRE VIII - AU DUC DE SAVOIE[12]

Remercîments à Son Altesse pour la bienveillance dont elle honore les Religieuses de la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, vers 1612.]

Monseigneur,

La bonté et piété de Votre Altesse ne pouvait jamais mieux se faire paraître, en aucune sorte d'action, qu'en recevant une troupe de pauvres filles assemblées au nom de Dieu, sous votre protection. Nous croyons très-assurément que Notre-Seigneur a eu fort agréable de voir la grandeur de Votre Altesse rabaissée jusque-là, et espérons que ce rabaissement vous élèvera toujours davantage devant les yeux de la divine majesté. C'est [11] un honneur pour nous si grand, Monseigneur, qu'il excède tout remerciment, de sorte que ce que nous pouvons faire, c'est d'offrir journellement à Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prospérité de Votre Altesse ; en quoi nous essayons, de correspondre à l'étroite obligation que nous y avons, et à vous témoigner avec toute révérence et fidélité, Monseigneur...

Conforme à une copie de l'original gardé aux Archives de la Société Florimontane d'Annecy.

LETTRE DU DUC DE SAVOIE À SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL

La Sainte avait demandé à Charles-Emmanuel que la duchesse de Mantoue, sa fille, fût protectrice de la Congrégation naissante. Bien que la lettre écrite pour ce sujet n'ait pas été conservée, les réponses des Souverains méritent d'être placées ici.

Trés-révérende, chère bien-aimée et dévote Oratrice,

Nous avons eu fort agréable l'élection que vous avez faite de l'infante duchesse de Mantoue, ma fille, pour votre mère et protectrice, et, louant fort votre piété, charité et dévotion, nous avons été très-aise que vous érigiez votre Congrégation en nos États, et avons-nous voulu vous assurer, par cette lettre, de vous vouloir avoir en particulière protection, et vous aider, favoriser, et assister en tout ce qui sera nécessaire, pour l'effet d'une si bonne œuvre, comme nous écrivons aussi de le faire au marquis de Lans, mon neveu, et à notre Sénat de Savoie, auquel vous pourrez recourir en toute occasion. La comtesse de Tournon a charge de l'Infante d'assister à la solennité que vous ferez, et de l'avertir de ce qu'elle pourra faire pour vous, que je prie d'avoir mémoire de nous en vos oraisons, et toute votre dévote troupe que je prie Dieu avoir en sa sainte garde.

Charles-Emmanuel, duc de Savoie.

Turin, ce 22 décembre 1613.

Conforme à une copie de l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [12]

LETTRE DE LA SÉRÉNISSIME INFANTE MARGUERITE DE SAVOIE

DUCHESSE DE MANTOUE

À SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL

Très-chère et dévote Oratrice,

La résolution que vous avez faite, de servir avec tant de zèle à Dieu et au prochain, nous a été très-agréable, et nous ne pouvions recevoir davantage de contentement que de l'élection que vous avez faite de nous, pour être mère et protectrice de votre dévote Compagnie, ce que nous avons accepté très-volontiers pour avoir part à une si bonne œuvre ; aussi avons-nous fait que Son Altesse Monseigneur et père vous ait particulièrement recommandée au marquis de Lans et au Sénat, auquel vous pouvez recourir pour toutes sortes d'occasions, comme aussi à nous qui ne manquerons pas de vous favoriser et assister de tout notre pouvoir, comme la comtesse de Tournon vous dira de bouche, à laquelle nous avons donné charge d'assister à notre nom, à la solennité que vous ferez. Il me reste donc à vous dire que, comme tous ces fléaux que nous souffrons viennent du courroux que justement Notre-Seigneur conçoit contre nos péchés, et qu'il ne se peut mieux apaiser que par les dévotes oraisons des âmes religieuses, nous avons jugé que les vôtres seraient très à propos pour faire souvenir sa divine majesté de sa miséricorde, et regarder de son œil de pitié nos afflictions publiques : voilà de quoi je vous conjure de prier sans intermission, afin que bientôt nous puissions voir quelque bout de tant de calamités ; ce que nous nous assurons que vous ferez volontiers. Je vous recommande de prier en particulier pour moi qui vous chéris bien fort.

Margarita, duchesse de Mantoue.

Turin, ce 22 décembre 1613.

Conforme à une copie de l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [13]

LETTRE IX (Inédite) - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

La Sainte s'excuse de n'avoir pas écrit une lettre. Réflexion sur la fête des Rois.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, janvier 1614 ]

Hélas ! mon très-cher Père, je n'ai point écrit à Celse-Bénigne,[13] car ce matin l'on m'est venu dire que vous me mandiez que j'écrivisse en Bourgogne, ce que j'ai fait. Or, il n'importe, j'écrirai bien une autre fois à cet enfant ; je lui écrivis dès Meximieux. Bonsoir, mon très-cher et tout uniquement très-cher Père, notre doux Jésus règne seul en notre cœur sans doute. Oh ! que ces Rois furent heureux de voir de leurs propres yeux le très-saint Enfant, et que nous sommes heureux aussi de le recevoir et voir journellement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE X - AU MÊME

Désirs d'aimer Dieu et d'accomplir sa volonté.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1614.]

MONSEIGNEUR,

Je prie Notre-Seigneur qu'il vive à jamais glorieux au milieu de votre cœur parmi ces fâcheuses affaires[14] ; ce que je crois qu'il fera sans doute, et qu'il vous portera à une excellente sainteté. Mon Dieu ! que nous avons d'occasions de mériter ! Je [14] suis puissamment mortifiée quand je sais que l'on vous détourne d'écrire au livre de l’Amour divin, amour que mon cœur désire toujours plus ardemment. Je suis tout accablée d'affaires, mais je crois que tout ira bien. J'ai un grand désir d'accomplir la volonté de Dieu, c'est pourquoi je vous prie derechef de me marquer tout ce qu'il faut que je fasse pour cela ; car j'ai des mouvements que je ne puis exprimer, et certaine joie qui dit à mon âme que ce grand Dieu me conduira, et rendra capable de son amour, encore que je voie l'inhabileté de mon âme. Priez-le qu'il me donne la force de faire ce qu'il requiert de moi. Je vous demande votre sainte bénédiction. Dieu vous conserve toujours dans son amour.

LETTRE XI - AU MÊME

Embarras suscités à propos de la construction du monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Vers le milieu de l'année 1614.]

Mon très-cher Seigneur,

M. Ruphy me vient mander qu'il avait appris de bonne part que l'on avait résolu de ne nous laisser que le tiers du canal ; si cela est leur plaisir, il nous sera à charge, et nous servira de fort peu ; car le moins que nous nous saurions passer, c'est de dix pieds et demi, et si Monsieur[15] ne nous fait cette [15] charité-là, il nous incommodera pour jamais, et nous le serons déjà grandement de nous réduire aux susdits dix pieds et demi. Au bout de là notre bon Dieu nous aidera, s'il lui plaît, et après que vous aurez fait votre pouvoir, nous demeurerons- contentes de sa sainte volonté, n'est-ce pas, mon très-cher Père ? et certes, moyennant sa grâce, plus humbles et plus fidèles à son très-saint amour, duquel je supplie sa bonté vouloir remplir notre cœur.

N'oubliez pas l'église, car ne sachant où employer promptement nos ouvriers, nous les y ferons travailler. Bonjour, mon très-cher Père, mon unique ; conservez-nous bien votre très-chère santé.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XII - AU MÊME

Nouvelles contradictions.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1614.]

Il est force, mon très-cher Père, et, il me fâche de vous donner ce déplaisir : les N. N. ont, à force de menaces, tellement épouvanté nos ouvriers,[16] qu'ils ont quitté besogne, et [16] leur ont dit qu'ils les chasseraient à coups de pierres, et que, s'ils travaillaient, ils les battraient fort bien où ils les trouveraient. Certes, ceci me déplaît bien, mon très-cher Père, et particulièrement pour vous ; enfin il faut avoir patience. Les N. font faire ces boutades par leurs jeunes [gens], mais la justice mettra ordre à tout. Je vous écris parce qu'on nous a dit que le Père prieur vous était allé trouver, et aussi pour savoir ce que nous ferons.

Mon pauvre très-cher Père, ceci passera bientôt, et la paix nous durera éternellement, s'il plaît à Dieu ; mais, je vous prie, mon très-cher Père, pensez un peu, je vous en supplie, qui nous pourrons offrir pour être caution, et il en faudra donner une.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [17]

LETTRE XIII - À MADAME D'AUXERRE

Fondatrice du monastère, de la Visitation de Lyon[17]

Cordiale assurance pour le projet de la fondation de Lyon. — Avantages de la direction de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1614.]

Madame ma plus chère et bien-aimée Sœur,

Que la paix de Notre-Seigneur soit en votre cœur. Il lui a plu de vous octroyer l'effet de votre demande ; c'est Lui seul qui vous en avait inspiré le désir ; Lui seul aussi a tiré toutes nos voix et nos affections pour vous les donner avec une générale satisfaction de toute cette petite Compagnie, laquelle avait communié et beaucoup prié à cette intention. Pour moi, je puis dire avec confiance à votre cœur que, lorsque je parlai à [18] Notre-Seigneur de cette affaire, il me sembla que sa divine bonté me montra comment c'était Lui-même qui vous avait conduite ici de sa propre main, dont je demeurai consolée et résolue de vous donner ce qu'il me commandait. Voilà répondre, ma bien très-chère Sœur, à ce que vous me demandez, simplement, mais véritablement. O Dieu ! que vous êtes heureuse d'avoir ainsi été appelée de Dieu pour un service si excellent ! Ayez un grand courage pour correspondre à tant de faveurs, et demeurez très-humble et très-fidèle à sa sainte volonté.

Il faut encore vous dire ce mot pour répondre aux sentiments que vous avez de la grâce que Dieu vous a faite, de vous donner un tel guide, un sien si grand et admirable Serviteur[18] ! Sachez, ma très-chère Sœur, que le même sentiment a été et est encore si puissant en mon âme, que journellement j'en ai fait, et fais encore une particulière action de grâces à Dieu ; et plus nous vivrons et tant plus nous le connaîtrons. Seigneur Jésus ! je me souviens à ce propos, ma très-chère Sœur, qu'un Capucin me dit une fois qu'il m'aimait davantage pour cette grâce, reconnaissant en icelle un particulier soin et amour de Dieu envers moi. On m'a donné mille autres joies sur ce sujet que nous dirons un jour à loisir ; et cependant demeurez en paix et en assurance, pleine d'actions de louanges, devoir et être assurée, autant qu'il se peut être en cette vie, que vous ferez, Dieu aidant, sa sainte volonté.

Nous le prierons continuellement pour vous. Toutes nos chères Sœurs, qui se tiennent avec moi pour une seule et même âme, vous saluent très-cordialement. Oui, ma très-chère et bien-aimée Sœur, tout ainsi que je tiens votre cœur pour le mien propre, ainsi faut-il, puisqu'il est vrai, que vous teniez mon cœur pour le vôtre propre en Celui qui en est l'unique amour. [19]

Adieu, ma très-chère Sœur ; à Dieu soyons-nous à jamais sans réserve et sans exception. Je suis, mais d'une incomparable affection, votre, etc.

LETTRE XIV - À MONSIEUR LE PREMIER PRÉSIDENT DE SAVOIE[19]

Affaires d'intérêts. — Annonce du départ de sa fille, Sœur Marie-Jacqueline.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], ce 8 novembre 1614.

Monsieur,

Nous avons reçu les deux cents florins par M. Roland. Pour le reste, il n'y a remède ; il faut bien s'accommoder avec les pauvres débiteurs, car ils ont prou de peine à recouvrer de l'argent. Je crois qu'ils feront leur devoir ; que s'ils y sont trop tardifs, nous vous avertirons ; je veux dire, Monsieur, que nos Sœurs qui demeurent ici vous le feront savoir ; car, quant à ma Sœur, votre chère fille [M.-Jacqueline], ma Sœur de Blonay et moi, nous espérons, Dieu aidant (après avoir reçu votre congé et votre bénédiction que nous vous demandons très humblement), de partir bientôt pour aller à Lyon et établir une petite Visitation, ainsi que je m'assure Mgr l'Évêque vous en aura donné avis. Assistez-nous de vos saintes prières, Monsieur, afin que la divine majesté nous fasse la grâce d'accomplir sa très-sainte volonté, et nous la supplierons continuellement de [20] répandre sur vous et toute votre chère famille l'abondance de ses bénédictions, demeurant pour jamais votre très-humble fille et servante en N.-S.

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE XV - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Épreuves de la Sainte ; son courage et son abandon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1614.]

Je vous écris et ne m'en puis empêcher, car je me trouve ce matin plus ennuyée de moi qu'à l'ordinaire. Je vois que je chancelle à tout propos dans l'angoisse de mon esprit, qui m'est causée par mon intérieure difformité, laquelle est bien si grande, je vous assure, mon bon Seigneur et très-unique Père, que je me perds quasi en cet abîme de misère.

La présence de mon Dieu, qui autrefois me donnait des contentements indicibles, me fait maintenant fort trembler et frissonner de crainte. Il m'est avis que cet œil divin, lequel j'adore de toute la soumission de mon cœur, outreperce mon âme et regarde avec indignation toutes mes œuvres, mes pensées et mes paroles ; ce qui me tient dans une telle détresse d'esprit, que la mort même ne me semble point si pénible à supporter, et me semble que toutes choses ont pouvoir de me nuire. Je crains tout, j'appréhende tout, non que je craigne que l'on nuise à moi, comme à moi, mais je crains de déplaire à mon Dieu.

Oh ! qu'il me semble que son assistance s'est éloignée de moi ! ce qui m'a fait passer cette nuit dans de grandes amertumes, et n'ai fait autre chose que dire : « Mon Dieu, mon Dieu, hélas ! pourquoi me délaissez-vous ? Je suis vôtre, faites de moi comme de chose vôtre. » [21]

Au point du jour, Dieu m'a fait goûter, mais presque imperceptiblement, une petite lumière en la très-haute suprême pointe de mon esprit ; tout le reste de mon âme et ses facultés n'en ont point joui ; mais elle n'a duré environ qu'un demi Ave, Maria, que mon trouble s'est rejeté à corps perdu sur moi, et m'a tenue tout offusquée et obscurcie.

Nonobstant la longueur de cette déréliction, mon très-cher Seigneur, j'ai dit, mais sans sentiment : « Oui, Seigneur, ce qui vous agréera, faites, je le veux ; anéantissez-moi, j'en suis contente ; accablez-moi, je le veux bien ; arrachez, coupez, brûlez tout ce qu'il vous plaira, oui, je suis à vous ! »

Dieu m'a appris qu'il ne fait pas grand état de la foi, quand on en a l'expérience par les sens et sentiments ; c'est pourquoi, contre mes contrariétés, je ne veux point de sentiment. Non, je n'en veux point, puisque mon Dieu me suffit. J'espère en lui nonobstant mon infinie misère ; j'espère qu'il me supportera encore, afin que sa volonté soit faite.

Voilà mon faible cœur entre vos mains, mon vrai Père et Seigneur ; vous lui donnerez, s'il vous plaît, la médecine qu'il doit prendre.

LETTRE XVI - AU MÊME

Demande de quelques papiers.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1614.]

MON TRÈS-CHER SEIGNEUR,

Nous envoyons prendre ces papiers que nous dîmes à soir,[20] pourvu qu'il ne vous coûte point de temps à les chercher ; ne vous plaira-t-il pas que nous les brûlions ? [22]

Bonjour, mon très-cher Père ; que la très-sainte Vierge vous tienne sous sa protection, et vous donne son cher Enfant pour l'unique amour de votre cœur et du mien. Amen.

Mon tout bon et très-cher Père, partez à bonne heure, je vous prie.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XVII - AU MÊME

Envoi d'un rochet.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1614.]

Ne voilà-t-il pas un bien brave rochet, mon très-cher Seigneur ? C'est encore de la toile de notre bonne Sœur [madame] de la Fléchère[21] ; mais nous l'avons fait, nous.

Madame la comtesse ne viendra que demain, comme je crois ; elle nous a tant envoyé de vivres et de perdrix qu'elles nous ennuieraient si nous n'avions d'espérance de les lui faire manger ; en voilà une couple.

Nous vous remercions de votre boite de confitures, mon [23] très-cher Père.[22] Nous nous portons prou bravement ce matin, ayant très-bien dormi, nonosbtant l'accablement que nous avions à soir. Bonjour, mon très-unique Père très-cher. Le doux Jésus remplisse notre cœur de son très-pur amour. Amen, amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XVIII - AU MÊME

Elle lui recommande madame de Loisey.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1614]

Mon très-cher Père,

Voilà la bonne madame de Loisey toute prête à se confesser, et n'avons su obtenir d'elle qu'elle différât de se confesser jusques après dîner, afin de communier demain ensemble. Elle veut tout faire ce matin et vitement, car elle craint de se trouver mal, si elle jeûne tard. Quand vous serez ici, ou que vous aurez mandé votre volonté, nous l'y ferons condescendre.

Bonjour, mon très-unique Père. Le doux Jésus soit le seul amour et entretien de notre cœur. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Brioude. [24]

ANNÉE 1615

LETTRE XIX - AUX SŒURS DU MONASTÈRE DE LA VISITATION D'ANNECY[23]

Affectueux encouragements à observer la Règle.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 16 février 1615.

Excusez-moi, je vous supplie, mes très-chères et très-bonnes Sœurs, si je ne réponds pas à chacune en particulier ; la faveur que vous m'avez faite le mérite bien, et mon affection le voudrait, mais ma tête ni mon loisir ne me le permettent ; aussi bien je ne vois aucune nécessité en pas une, dont je loue Dieu. Persévérez en vos bons désirs, croissez vos bonnes œuvres, et vous rendez tous les jours plus fidèles et affectionnées à l'observance de vos saintes Règles, et me croyez qu'en ceci seul vous devez avoir tout votre soin ; n'étendez donc [point] votre vue ailleurs, et soyez assurées que vous cheminerez assurément et ferez un bon et très-heureux voyage. Dieu, par son infinie miséricorde, vous visite et donne sa très-sainte bénédiction, pour parfaitement accomplir sa très-sainte volonté ! C'est ce que je vous désire de toute mon âme, qui vous chérit toutes en général, et chacune en particulier très-parfaitement, très-cordialement et plus chèrement que vous ne sauriez jamais [25] penser. Je dis de tout mon cœur à toutes, toutes généralement, autant à celles qui n'ont point écrit : Dieu vous bénisse, mes très-chères filles ! Dieu soit notre seul amour et prétention ! Amen. Priez, je vous supplie, pour les nécessités de votre pauvre Mère qui vous est très-affectionnée, et servante plus humble et indigne en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XX - À LA SŒUR JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY[24]

Souhaits ardents pour la perfection de ses filles. — Confiance sans bornes en la direction de saint François de Sales. — Avis pour une confession générale. — Recommandation d'écrire les Entretiens faits à la communauté d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 1615.

Que nous sommes heureuses, ma très-chère fille, de nous savoir si bien aimer en Dieu ! car assurez-vous que je corresponds sincèrement à votre affection, laquelle j'envie et chéris de tout temps, vous le savez ; et plût à la divine bonté que je pusse vous en rendre les témoignages que je désire et à toutes nos chères Sœurs, la perfection desquelles m'est plus précieuse [26] que mille mondes et mille vies, et, si je les avais, je les quitterais de tout mon cœur, si par ce moyen je pouvais leur acquérir un petit avancement au souverain amour de notre doux Sauveur.

Je suis très-aise de quoi mon bon et très-honoré Seigneur vous communique de nos nouvelles. Ne vous tenez point en peine, ma chère fille, je vous supplie, pour ce qui est de ma santé : elle va assez bien, grâce à Dieu ; et puis, assurez-vous que Notre-Seigneur ne me donnera pas plus de charge que je n'en pourrai porter. Hélas ! vous m'attendrissez quand vous me parlez de me revoir en notre pauvre petite retraite d'Annecy qui est mon lieu de suavité et de repos, puisqu'il possède l'unique trésor de mon cœur, voire, et je le puis dire à vous, tout mon bien spirituel en Jésus-Christ, en la personne de notre très-honoré Seigneur et Père. Néanmoins, je suis très-contente de demeurer ici, autant qu'il plaira à la divine majesté ; trop heureuse et honorée de pouvoir, par le moyen de sa sainte grâce, pâtir la privation d'un bien qui m'est précieux, comme lui seul sait, et pour le seul amour de sa très-sainte volonté, qui sera à jamais, s'il lui plaît, le grand et souverain amour de notre amour. Hé ! Dieu, ma fille, que nous serons heureuses en cette béatitude, où l'une des félicités qui m'a toujours été des plus amiables est cette perpétuelle société ! Mais ce n'est [27] pas pour cela que nous la désirerons, ni pour toutes ses autres excellences ; ains pour le très-pur amour du Sauveur, pour lequel que ne devons-nous pas entreprendre ? Au moins, humilions-nous très-profondément. Demandez instamment cette grâce pour moi, afin que je me puisse parfaitement anéantir.

Que je serai consolée, ma très-chère Sœur, quand vous aurez bien vidé votre cœur devant ce digne Père, par une confession générale ! Ayez un grand courage pour faire cette action ; j'espère de la bonté de Dieu qu'elle vous sera très-profitable : c'est peut-être la meilleure action que vous puissiez faire en cette vie. Nous vous assisterons de nos petites prières, et vous conjure qu'en ce temps-là vous priiez bien Notre-Seigneur pour nous ; car je crois qu'il vous donnera tout ce que vous lui demanderez. Mais savez-vous, ma fille, quand mon unique Père aura suffisamment parlé à toutes nos chères Sœurs en particulier, je vous prie, quand il vous viendra voir avec un peu de loisir, que vous le fassiez parler en commun,[25] si toutefois il l'a agréable, afin que nous puissions avoir quelques miettes de l'abondance de vos consolations.

Votre, etc.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère de Bréchard. Archives de la Visitation d'Annecy. [28]

LETTRE XXI - À LA MÊME

Vertus particulières à l'Institut. — Sollicitude pour les intérêts du monastère et le soulagement des ouvriers.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, 1615 ]

Ma très-chère Sœur,

Notre-Seigneur vous comble de sa très-sainte bénédiction, avec toutes nos très-chères Sœurs que je salue étroitement et très-amoureusement aux entrailles de notre doux Sauveur !

Je suis infiniment consolée du bon courage que je vous vois à toutes ; je vous conjure de persévérer et de croître en ce divin amour auquel nous sommes tant obligées. Sa bonté nous fasse connaître la grandeur de notre obligation, mais particulièrement celle de nous avoir rangées en l'état et au lieu où nous sommes.

Priez fort pour nous qui n'avons pas l'occasion d'une si grande tranquillité que vous ; mais nos Sœurs, par la grâce de Notre-Seigneur, font très-bien, et je leur vois un perpétuel désir de croître. Eh ! Seigneur Jésus, faites-nous croître en simplicité, douceur, humilité et cordiale charité les unes envers les autres. Mais, mon Dieu, je n'ai pas le loisir de suivre cette affection de mon cœur.

Je vous dis donc, ma très-chère Sœur, que votre faute n'est point faute, ainsi que vous l'avez faite ; mais sollicitez doucement afin que l'on vous rende votre prêt en temps à propos, et que l'on n'en reçoive de l'incommodité.

J'ai oublié de dire à mon très-cher Seigneur qu'il recommandât à M. Mingon que les matériaux ne manquent aux maçons que je salue, et auxquels, vu leur nombre, c'est assez de donner quelquefois, selon que vous en aurez la commodité ; car d'acheter, il ne le faut pas faire pour cela ; mais, de ce [29] qui sera à la maison, leur en faire part, selon la charité et commodité.

Je resalue de tout mon cœur nos très-chères Sœurs, et particulièrement celles qui m'ont écrit. Je leur ferai réponse quand je pourrai. Je salue aussi le bon Père dom Simplicien et sa sainte troupe,[26] M. Mingon,[27] mesdames de Lallée et Roget et nos autres amies. J'enverrai de l'étamine à la première commodité. Je salue notre cher M. Michel [Faure] et les dames de Sainte-Claire.

Sollicitez ceux qui doivent ; car les maçons détruiront beaucoup d'argent, et ne faut pas qu'il manque.

Adieu, ma très-chère Sœur. Je suis fort consolée de votre bon courage pour l'action que vous avez à faire. Elle vous sera utile, et je suis toute vôtre, ma mie, vous le savez, en Jésus.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXII - À LA MÊME

Détails pour la construction de l'église. — Commissions diverses.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, dimanche matin, 1615.

Ma bien-aimée et très-chère Sœur,

Je suis si pressée, que si votre lettre n'eût requis réponse, je ne vous écrirais pas. Je le fais pourtant de tout mon cœur qui chérit le vôtre uniquement, et toutes mes chères Sœurs, que je salue toujours de toute mon âme, je leur écrirai à loisir. [30]

Premièrement, je vais vous dire (c'est un souvenir) de faire une petite porte en la nef de l'église, du côté du lac, pour faire sortir les processions. Sachez de Monseigneur s'il est utile, et, s'il mande ou dit que oui, faites-le faire.

Il faut remettre cette petite fille jusqu'à notre retour, n'était que mon bon Seigneur jugeât qu'il fût nécessaire autrement ; car peut-être en mènerons-nous d'ici.

Nous avons envoyé par le sire Pierre des laines pour ma fille de Thorens ; je porterai des dentelles pour sa toilette, et en enverrai à Françoise[28] quand le sire Pierre reviendra ; ne lui en achetez point. Il ne donna point céans la boîte de Sainte-Claire, mais je crois qu'il la leur porta ; au moins ont-elles ici renvoyé une autre boîte pour nous la faire tenir, mais il faut attendre la commodité des marchands, cela veut dire après les fêtes.

Je n'ai pas le loisir de penser à ce que je voudrais vous dire, encore que ma Sœur Péronne-Marie [de Châtel] soit à mon oreille qui m'en dit prou ; mais je ne puis. O bon Sauveur ! remplissez de vous-même les cœurs de ces très-chères filles que vous avez assemblées et nous rendez uniquement une en vous, mon Dieu, notre vraie espérance et amour !

Je salue donc très-chèrement toutes ces chères filles, je dis toutes, petites et grandes, et notre cher M. Michel, mon bon fils, toutes nos amies et amis. Nos Sœurs vous saluent ; priez fort pour nous en ces grandes solennités.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [31]

LETTRE XXIII - À LA SŒUR MARIE-MARGUERITE MILLETOT

À Annecy[29]

Exhortation à profiter des enseignements du B. Fondateur. — Abandon à la volonté de Dieu et à celle des Supérieurs.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 1615.

Dieu soit béni et loué des merveilles qu'il fait pour les âmes qui ont été et sont encore toutes siennes ! Oh ! ma très-chère Sœur ma mie ! Dieu nous fasse la grâce à toutes de cheminer humblement et fidèlement en notre voie, et de suivre avec grand amour et sainte liberté les saints conseils qui nous sont donnés en particulier, par la bouche et les exemples de ce très-cher Père et Seigneur incomparable ! Ma chère Sœur, ce qu'il nous dit doit être gravé dans nos cœurs.

Je réponds à notre Sœur l'assistante [J.-Ch. de Bréchard] pour les affaires. Dieu veuille tout acheminer selon son bon plaisir.

Je vous assure aussi que je trouve mon séjour ici long ; mais je ne sais pas quand j'en partirai, sinon que je sais très-bien que ce sera quand Monseigneur le commandera ; et cependant je me tiens en paix, et espère bien que vers Pâques ou peu après nous aurons fait les choses plus nécessaires. Nous avons une peine très-grande de trouver une place commode pour nous loger ; priez pour cela, je vous prie, et dites à ma pauvre vieille Sœur Anne-Jacqueline [Coste] qu'elle ne pleure point et que je l'aime bien de tout mon cœur, et toutes ces autres chères [32] Sœurs. Je vous ressouviens des entes [greffes], et je finis, car nous donnons l'habit à une fille ; les parents commencent à venir.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXIV - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

À Annecy[30]

Tendre affection pour la Sœur Rosset. — L'obéissance est préférable aux austérités volontaires. — Il faut suivre simplement la direction des Supérieurs.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, 1615]

Certes, ma très-chère fille, si, fais-je bien, moi aussi ; je prends beaucoup de contentement à recevoir de vos lettres et de celles de toutes nos chères Sœurs, parce que je les vois pleines d'une bonne et sainte affection de leur avancement, dont je loue Dieu de toute mon âme, avec laquelle, ma très-chère fille, vous êtes assurée que je vous chéris très-amoureusement et tendrement en ce divin Sauveur. J'ai bien remarqué tout ce que vous me [33] dites par votre lettre, de votre cœur. Oh ! ma très-chère fille, il faut doucement travailler pour l'affranchir de cette si grande tendreté qu'il a à ressentir les contradictions ; car c'est trop, ma fille, pleurer tout un jour pour une légère correction ; mais ce n'était pas la correction que vous ressentiez tant, oui bien la suite du retranchement de l'abstinence et de la lecture. Eh ! mon enfant, encore que ce soient de bonnes actions, et une grande consolation de les faire, néanmoins la sainte soumission et l'amoureuse obéissance valent mieux que tout cela. Ne vous souvenez-vous pas, ma fille, de ce que notre très-digne Seigneur nous en dit au dernier entretien qu'il nous fit pendant que nous étions encore là ? N'ayez donc rien en si grande affection que la sainte obéissance.

Non, ma fille, ne vous mettez point en peine de tout ce que vous entendez dire de l'oraison ; cela ne se dit pas pour vous. Demeurez ferme en l'état où notre bon Dieu vous a mise et suivez simplement ce que notre très-cher Père vous dit en cela et en toute autre chose. Demandez hardiment à lui parler quand il vous surviendra quelque peine ou quelque chose de nouveau, et, quand vous le verrez, suppliez-le de vous donner sa sainte et bénite main, et la lui baisez révéremment et [34] très-amoureusement de ma part, l'assurant que je le fais en esprit d'une affection nonpareille.

Faites-moi le bien, ma fille, de saluer souvent Notre-Dame de ma part.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy

LETTRE XXV - À LA SŒUR JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY

La Sainte désire voir ses filles progresser dans l'amour divin et la perfection des vertus. — Détails de construction.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 14 avril 1615.

Enfin, il n'est pas croyable combien j'aime tendrement et fortement le cœur de cette pauvre Jeanne-Charlotte ; mais vous êtes faite d'une sorte que si j'en disais davantage, vos yeux en verseraient des larmes. Eh ! mon doux Sauveur, faites que toutes ces chères affections que j'ai pour cette fille et pour toutes ses chères Sœurs soient conservées dans le sein de votre paternelle dilection ! que ces cœurs que vous avez assemblés soient des lis en pureté, afin, mon Dieu, que vous y preniez vos délices, et qu'aidées de votre divine présence, nous puissions toutes ensemble, et tous les moments de notre vie, vous offrir les sacrés parfums d'une sainte humilité, mortification et parfaite obéissance.

Ma très-chère bien-aimée Sœur, voire, toutes mes chères Sœurs, puisque je vois l'impossibilité de vous pouvoir écrire particulièrement, comme en vérité je le désire, je l'avais résolu et m'y sens obligée, excusez-moi donc et recevez le salut très-cordial que vous offre votre pauvre très-indigne Mère, laquelle en vraie vérité vous chérit, aime et honore plus que [35] maternellement, et vous conjure de persévérer saintement, voire, décroître tant qu'il vous sera possible au très-saint amour de Celui qui nous a aimés jusqu'à donner sa propre vie afin que nous l'aimions. O Sauveur ! faites-nous un peu goûter quelque chose de cette tant profonde et incompréhensible charité, et si nous faites vivre et mourir en elle, pour elle et par elle, que nous serions heureuses !

Vous m'excuserez donc, mes très-chères Sœurs, pour cette fois ; et ne laissez de me consoler toujours de vos lettres, car certes elles me sont fort chères et agréables, vous n'en doutez pas, je m'en assure. Redoublez un peu vos prières à ces grands jours pour nous autres et pour ce petit dessein.

Or sus, que dirons-nous, nous deux ? Il faut revoir vos lettres. Non, ne vous peinez pas pour les Règles de la directrice, c'est une trop forte besogne pour vous maintenant, et puis nous avons ici la même traduction que celle de M. Michel. — Ne vous mettez point en peine, ma mie, de notre santé d'ici. Je me trouve bien forte, Dieu merci, et vous êtes en partie cause de quoi je n'écrirai pas davantage, parce qu'il approche midi, et il faut dîner afin d'être prête pour voir Mgr de Lyon[31] qui viendra tantôt. Sa venue, Dieu aidant, raccourcira ma demeure ici, car je m'en vais bander à faire tout ce qui est nécessaire pour l'établissement de cette maison.

Mon très-cher Seigneur vous dira toutes nos nouvelles, et vous continuerez à baiser sa chère bénite main que j'aime tant, toutes les fois qu'il ira chez vous. Hélas ! qu'est-ce qu'il y a au monde de comparable à ce tant digne Père ? Vous êtes [36] bien-heureuse de le voir de vos yeux, et je me console en ce bonheur, attendant que j'en jouisse moi-même. Je lui écris une petite raillerie ; car j'étais en joie en finissant ma lettre. Il faut finir, l'heure me presse.

Il est vrai qu'il y a de la peine d'entretenir le bon M. Mingon, mais il est si nécessaire que vous le saurez bien faire ; que si je puis, je lui écrirai un mot. Il est très-nécessaire d'amasser les matériaux qu'il faut, avant les œuvres, et de pourvoir au tout pour les voûtes. Je suis bien aise de quoi le fonds est encore bon pour les bâtiments.

Quand bien l'on s'accorderait avec M. le Fiscal, il ne faudrait pas toucher à cela ; cela s'entend si mon très-cher Seigneur ne le commandait.

M. Coulon me tient en tutelle, je n'ai point encore reçu l'argent de ce côté-là, ni les mémoires. Pour le coup ! des dentelles à Françoise. Je vous ai déjà mandé que nous en avions envoyé il y a longtemps !... Les laines que vous aviez encore demandées pour ma fille de Thorens, si elles sont perdues, renvoyez un autre mémoire.

Je suis fort aise de savoir que notre église s'avance. Je salue nos pauvres ouvriers et tous nos amis et amies, spécialement notre M. Michel, mon bon fils ; le Père dom Simplicien, je lui écrirai une autre fois ; le Père Blanc.[32] Faites mes honneurs et mes excuses partout. — Adieu, ma mie ma très-chère et bien-aimée Sœur ; mille saluts encore à toutes ces chères pauvres filles. Le doux Jésus soit l'honneur, l'amour et le cœur de votre cœur ! Amen.

Un mot à part à ma vieille Sœur Anne-Jacqueline [Coste[33]]. Je l'aime de tout mon cœur. [37]

Un salut tout à part à ma chère Agnès [Joly de la Roche], à la pauvre grosse,[34] à ma petite Marie-Avoye et à la bonne Sœur Marie-Madeleine [de Mouxy] ; je leur écrirai sans faillir.

Dieu soit béni à jamais ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXVI - À LA MÊME

Avis relatif aux constructions et aux provisions. — Haute estime de la direction de son Bienheureux Père. — Approbation d'un changement d'emploi et autres détails. — Désir d'avoir un recueil des Entretiens.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 28 avril 1615.

Mais comment vous écrire, ma très-chère et bien-aimée Sœur, puisque voilà que l'on vient de demander les lettres ? Je ne puis relire les trois vôtres, auxquelles je répondrai à la première occasion ; il me souvient pourtant que vous me demandiez si l'on fera des greniers sur l'église. Si cela n'accroît guère la dépense, il ne sera que bon, puisque l'on ne saurait avoir trop de vide en telle maison ; mais pour couvrir les parloirs du même toit de l'église et de notre chœur, je ne sais si ce sera à propos ; je trouverais les pentes difformes, [sans compter] le jour qu'on perdrait pour notre chœur ; mais je m'en rapporte à ceux qui entendent mieux cela que moi. M. de la Roche,[35] [38] M. Flocard[36] en pourront dire leur avis, après celui de mon très-honoré et très-cher Seigneur.

Quant aux pots ou autres instruments pour faire résonner les voix, ce n'est pas trop mon sentiment, sinon qu'il fût bien approuvé de Monseigneur.

Ma très-chère amie, je vais tous les jours plus découvrant l'incomparable grâce que Notre-Seigneur nous a faite de nous avoir rangées, soumises et remises à ce trésor de sainteté, mon très-digne, très-unique et très-aimé Père. Je vous prie, ne cessons jamais d'en remercier, louer et aimer cette souveraine bonté. Oh ! quelle grâce ! Dieu nous en fasse jouir longuement et saintement ! Vrai Dieu, ma mie ! comme je la ressens et l'estime ! mais aussi comme je chéris ce Seigneur ! qui le comprendra ?

Quant au vin, si la nécessité le requiert, il en faut acheter, sinon, comme je ne le pense pas, il faudra attendre le nouveau, qui, à mon avis, coûtera toujours moins, et il sera bien à propos de traiter avec les frères de la bonne Sœur Françoise-Gabrielle [Bally], doucement, et de faire les modérations que leur pouvoir et bon naturel désireront, plutôt que de traiter exactement.

Certes, ma mie, je suis bien touchée de ces deux petites et tant chères filles qui ont ainsi tant d'incommodités ; il faudra bien en avoir du soin, et faire tout ce qui se pourra pour leur soulagement.

Vous avez bien fait de retirer cette pauvre infirme du tracas de la sacristie, encore que ce soit une charge qui ne doit guère peser à l'assistante, la sacristine devant avoir un amour si soigneux et diligent, que son aide lui doit être quasi inutile, sinon autour des grandes fêtes ; mais, hélas ! cette chère sacristine, puisque nous parlons d'elle, il la faut un peu saluer tout à [39] part, car je l'aime bien. Si elle savait le désir que mon cœur a devoir le sien rempli de douceur, affabilité et humilité, elle ferait, je m'en assure, beaucoup de pratiques de ces saintes vertus afin de me donner consolation, car elle est grandement de mes amies.

Ne vous peinez pas pour faire ces recueils[37] ; ils me seraient très-utiles et agréables, mais je vous vois tant occupée que je vous plains ; ni ne pressez non plus mon très-cher tout bon Père de faire l'entretien, puisqu'il est tant accablé et que ce livre le presse si fort.[38]

Hélas ! mon enfant, vous avez là un portrait muet, et je suis ici une idole morte ; vous êtes bonne d'aimer tout cela. Faites par vos prières que mon Dieu nie rende digne de vos chères amitiés, que je chéris précieusement.

De vrai, l'ardent amour de votre cœur me tire comme à vous la larme des yeux. Eh ! Seigneur, faites que nous vous aimions parfaitement, et nous en vous, uniquement.

Nous avons eu plus de loisir que je ne pensais, mais il ne faut pas abuser de la courtoisie de cet honnête garçon qui est venu prendre mes lettres ; je finis donc en vous saluant toutes, mes très-chères et bien-aimées Sœurs, mais d'une affection la plus sincère et cordiale qu'il m'est possible, suppliant la divine bonté répandre sur vos cœurs l'abondance de ses suavités et grâces, afin que nos vertus soient des vertus véritables, cordiales, solides et constantes.

Adieu, mes très-chères Sœurs ; je vous embrasse toutes très-amoureusement. Je vais vous écrire tous les jours que j'en aurai le loisir, car j'y ai une grande consolation et à recevoir de vos lettres. Et vous, ma très-chère Sœur ma mie, je vous embrasse tout particulièrement, et suis d'une affection vraie et entière toute vôtre en Jésus. [40]

Mille saluts à tous nos amis et amies, et tout à part à M. Michel, mon cher fils.

Vive Jésus ! qu'il soit béni à jamais !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXVII - À LA MÊME

Bonheur insigne d'être sous la direction de saint François de Sales. Annonce de quatre sermons sur l'Oraison.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, 1615.]

Mais, oh ! mon Dieu, que je suis consolée de la plénitude de votre consolation ! Enfin vous avez trouvé que le cœur de mon Père est un cœur qui n'a point d'égal que soi-même en amour plus que paternel. Ne vous l'avais-je pas dit, que vous en sortiriez plus que consolée ? De vrai, ce Seigneur est tout admirable en sa bonté, en son humilité, en sa confiance ; mais, comme vous me dites, l'on ne peut écrire de ce sujet. Pensez, ma fille, combien il me doit tarder d'en parler avec vous, qui m'êtes infiniment plus chère maintenant que vous n'étiez auparavant, [parce que vous savez] quelque chose, de ce qui ne se peut savoir ni comprendre, de l'union que Dieu a faite entre ce saint cœur et le mien chétif. Notre Sauveur, qui nous favorise d'une si spéciale et désirable grâce et miséricorde, soit à jamais béni, honoré, servi et glorifié de cette unité incomparable. Je vous dis ceci, mon unique et très-aimée fille, de l'abondance de mon cœur. Prenez la bénédiction de mon Père pour moi, et priez plus que jamais notre cher Sauveur qu'il nous rende toutes siennes sans exception. Il me mande, ce cher Père, qu'il fera quatre sermons de l'Oraison : vous êtes bien heureuse [41] d'entendre les conceptions et affections de cet esprit rempli de l'Esprit très-saint et de voir cet homme tout plein de Dieu.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXVIII - À LA SŒUR MARIE-ADRIENNE FICHET

À ANNECY[39]

Exhortation à la pratique des vertus.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, 1615.]

Je crois, ma très-chère Sœur, que notre bon Dieu vous sollicite souvent d'avancer votre âme en son saint amour. Je vous ai toujours vue pleine de bonnes inspirations et de grandes affections, c'est ce qui me fait espérer que vous serez très-soigneuse de produire beaucoup de saintes actions, sans lesquelles nos désirs sont inutiles. Pratiquez fort la douceur, la simplicité à l'obéissance, et la mortification intérieure de vos petites passions ; c'est ce que nous avons résolu ensemble, n'est-ce pas, ma chère Sœur ? Priez fort pour moi, je vous supplie ; aimez-moi bien toujours, puisque je suis de toute affection,

Votre très-humble sœur et servante,

Frémyot.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [42]

LETTRE XXIX - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

À ANNECY

Maternels encouragements à la poursuite du divin amour.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, 1615]

C'est pour vous mortifier, ma petite chère fille, que vous ne m'avez point écrit, et moi, c'est pour me consoler que je vous fais ce petit salut à l'oreille de votre cœur, où je crois que Jésus repose, et je l’y adore de toute mon âme ; faites-lui la soumission pour moi, qui vous désire toute pure et toute sainte, et saluez souvent sa sainte Mère, ma très-honorée Dame, de ma part.

Bonjour, ma très-chère bien-aimée fille. Vivez toute en Dieu, pour Dieu et de Dieu, qui seul règne à jamais dans nos âmes. Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXX (Inédite) - À LA SŒUR JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY

Conseils pour la construction de l'église. — Recommandation de ne pas déranger saint François de Sales pendant qu'il travaille au Traité de l'Amour de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Lyon, 1615.]

Ma très-chère Sœur, je vous vais répondre selon le loisir que l'on me donne d'écrire, qui est fort court. Ce ne sera que bien fait d'accorder à la Sœur Françoise-Gabrielle [Bally] ce qu'elle désire, et il est à propos de le faire. Dieu soit béni du soin qu'il donne à notre bon M. Mingon de nos petites affaires, et [43] de ce que tout va bien au bâtiment. Si maître Jean trouve tant de difficultés à faire le confessionnal, il le faut laisser. Mais, si je ne me trompe, il ne ferait nul préjudice, parce que la chaire du prédicateur ne doit pas être de ce côté-là, ains de l'autre, vis-à-vis de notre balustre. Mais pour ces petites choses, il n'est pas besoin de donner la peine à mon très-cher Seigneur de venir ; au contraire, il le faut attirer le moins qu'il se pourra et lui laisser son temps pour son livre. Que si l'on fait ce confessionnal, il faudra qu'il soit petit. Je pense que, quand la fenêtre aura un pied de hauteur et un peu moins de largeur, ce sera prou. Mais il faudra quant et quant y poser un petit treillis de fer qui soit posé en maçonnant, en sorte qu'il ne se puisse ouvrir. Pour l'autre confessionnal de la sacristie, nous en parlerons une autre fois, et peut-être que Notre-Seigneur me ramènera là avant qu'il se fasse.

Voilà ce que je vois être pressé de vous dire ; c'est pourquoi je finirai en vous saluant de toute mon âme, ma très-chère Sœur, et toutes nos bonnes Sœurs, que je prie Dieu faire persévérer saintement et croître de jour à autre en humilité, simplicité et parfaite charité. Nos bonnes Sœurs d'ici vous saluent toutes étroitement. Adieu, ma chère Sœur. Jésus vous comble de son pur amour. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXXI - À LA MÊME

Réponse à quelques questions touchant les affaires temporelles.

VIVE † JÉSUS !

Lyon. juillet 1615.

Vous n'aurez que ce mot, puisque mon très-honoré et cher Seigneur vous dira de nos nouvelles,[40] et puisque, vous gardant [44] toujours pour la dernière, je n'ai point de loisir maintenant ; mais croyez que vous êtes ma très-chère et bien-aimée Sœur.

Il faut avoir patience avec moi qui ai le plus de douleur pour le retardement de mon retour, et faire cependant le mieux qu'il se pourra de toutes parts.

Il fallait envoyer les lettres de ma Sœur Françoise-Gabrielle pour son frère, et pour celui à qui la procure est faite. Réparez cette faute le plus tôt que vous pourrez, ma chère amie ; et je m'essayerai de leur persuader de faire tenir ici l'argent à la Saint-Barthélemy. J'envoie de l'étamine pour Francine.

Les espèces d'or que je vous ai envoyées sont selon le taux du Roi : ici la pistole [vaut] sept livres quatre sous ; le sequin, quatre livres ; le ducat, quatre livres ; et se met partout ; ainsi il y a trois cents livres en tout.

Il est bien force, ma mie, de faire faire les sacristies ; le prix fait n'en est pas donné ; mais ces bonnes gens travaillent fidèlement. Il faut aussi faire fermer la petite cour, suivant les fondements, et faire faire le portail, comme aussi faire tailler la porte pour entrer dans la maison ; car vous savez comme tout cela a été disposé. Cette besogne mènera bien loin nos ouvriers avec ce que l'on a à achever.

Peut-être pourrai-je être de retour dans ce temps-là, et voir ce qu'il sera bon à faire ; cependant, ma mie, faites faire la treille de notre chœur, et n'oubliez pas, dans les sacristies, la fenêtre du tour et du confessionnal que vous y ferez poser en la maçonnant, la treille de fer bien polie ; et, du côté de la rivière, il faut faire de petites choses pour vider l'eau. Il faudra rabattre aux maçons les deux fenêtres de taille qu'ils devaient faire en la nef, et le raccourcissement de l'église, qui a été raccourcie de deux pieds, mais il faut faire faire cela au bon M. Mingon.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [45]

LETTRE XXXII - À LA MÊME

Pressant désir de voir achever les Constitutions de la Visitation. — Tendre sollicitude pour la communauté d'Annecy. — Détails de construction et de provisions de ménage.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 9 juillet 1615.

Ma très-chère Sœur ma mie,

Vous jouissez maintenant de la consolation de cette chère présence de mon très-honoré Seigneur ; voilà donc votre peine levée. Il s'en est allé avec beaucoup de désir de travailler pour nos Règles,[41] qu'il rendra fort courtes selon le désir de Mgr l'archevêque [de Lyon]. Je crois qu'il passera encore à Annecy ces deux mois de juillet et d'août ; car il dit qu'aux grandes chaleurs il a plus de loisir pour être moins visité ; j'en serais bien aise, afin qu'il achevât ce béni livre tant désiré et attendu.

Je crois que mon terme de partir d'ici, et retourner à Annecy, sera après avoir remis à l'imprimeur ce trésor si précieux pour être communiqué au monde. Si vous avez donc tant de nécessité et de désir de ma présence, comme vous me le mandez, contribuez par vos prières et tout le soin et diligence qu'il vous sera possible, afin que ce bon et très-cher Seigneur de mon cœur ait beaucoup de temps pour achever cet ouvrage, puisque toutes les heures du jour qu'on lui laissera franches peuvent être employées à cela, la chose ne requérant pas maintenant une si grande attention. Le grand Dieu ne veuille permettre que la chose prenne plus long train ; toutefois, sa très-sainte volonté soit faite en tout et partout.

Cependant, ayez bon courage, ma très-chère Sœur, nous [46] serons tout étonnées quand nous nous trouverons au mois de septembre, et puis Dieu nous consolera. Vous pouvez penser le désir que j'ai de retourner ; il est certes incomparable, ma mie ; mais Monseigneur n'avait point entendu cette grande nécessité de ma présence de delà, comme vous me l'écrivez, de sorte qu'il a jugé plus utile, pour la satisfaction de certains esprits, que je demeurasse le temps susdit ici, que de retourner plus tôt par delà, et je fais bien nos petites affaires. J'espère en la bonté de Dieu, et au bon courage de cette si chère Sœur de mon cœur, que ce temps passera doucement. Je retournerai, Dieu aidant, en la vraie saison où il y aura plus d'affaires pour les nécessités de la maison, et alors je déchargerai de tout mon pouvoir ma pauvre petite Sœur ; elle n'aura plus rien à faire qu'à animer le cœur de ses chères novices au saint amour de leur Époux, et à caresser sa pauvre Mère qui l'aime tant. Mais n'oubliez [pas] les confitures pour les pauvres, les fruits secs en quantité tant qu'il se pourra, la provision de beurre et de fromage au mois de septembre ; ma Sœur Anne-Jacqueline [Coste] aidera en tout cela.

Je suis un peu étonnée de ce que vous me mandez qu'il n'y aura de blé que jusqu'à la fin de ce mois ; car la provision allait jusqu'en septembre ; vous n'avez peut-être pas fait payer celui qui était dû, ni remplacer ce que l'on avait avancé pour les maçons : oh ! quoi que ce soit, il en faudra acheter quand il en sera besoin, et plutôt du vieux que du nouveau pour ces deux premiers mois, après lesquels, voire plus tôt, mon fils, peut-être, vous en pourra secourir de celui qu'il doit, attendant le dequoi et la saison propre à faire les provisions.

Faites que ma Sœur Marie-Marguerite [Milletot] écrive que l'on nous fasse tenir ici sa pension, et qu'elle demande hardiment l'aiguière et la robe qu'on lui a tant promises ; [il] n'y aura point d'excuse pour le port, il est facile et aisé d'ici à Dijon. [47]

Il faut aller fort doucement avec ma pauvre Sœur Marie-Madeleine [de Mouxy] ; je crois qu'enfin elle pensera à ce qui lui est nécessaire.

Je vous écris fort à la hâte par Monseigneur. C'est une nécessité inévitable que de faire les sacristies, achever l'église, et faire la clôture de la petite cour ; car vous savez qu'il se faut élargir, et puis nous sommes à la fin. Pour ce qui est de la continuation des bâtiments, il faut attendre et voir ce que l'on pourra quand nous serons par delà. Si l'on achète les maisons, ainsi que Monseigneur me mande, et puis le jardin des Pères, ce sera prou de besogne à la fois.

Je salue de tout mon cœur mes très-chères et bien-aimées Sœurs ; Jésus soit leur tout, et leur tout soit Jésus ! Amen.

Je salue aussi le cher fils M. Michel [Favre], tous nos amis et ouvriers. J'envoie deux peignes pour mes filles, de la laine rouge, deux aunes d'étamine pour couvrir un corps de robe à Francine, et de l'étoffe laide et fort chère pour un corps de cotte et les manches, pour achever l'été, avec des couvre-cou ; je ne me fie plus à personne pour choisir ce qu'il lui faudra, j'emporterai, Dieu aidant, de quoi la vêtir.

Bonjour et bonnes vêpres, ma très-chère et bonne Sœur ; il est près de midi, nous sortons de table, car Mgr de Lyon, à son accoutumée, est venu à près de dix heures, et puis la bonne madame de Saint-Chamond. Priez fort pour moi, qui suis, certes, misérable. Le grand Dieu ne laisse pourtant d'accomplir sa très-sainte volonté en nous ! Amen.

Dieu soit béni à jamais ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [48]

LETTRE XXXIII - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DU SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION d'ANNECY[42]

Consolation de l'âme unie à Dieu. — Estime et éloge de quelques Religieuses.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 12 septembre 1615.

Mon très-cher fils,

J'écris à ces deux bonnes dames de Sainte-Claire pour obéir à votre désir et à mon devoir encore ; mais j'ai si peu de loisir qu'il me faut souvent excuser, et vous prie bien fort, mon bon fils, de ne cesser à me mander des nouvelles de Monseigneur, des vôtres et de celles de nos pauvres Sœurs ; vous savez comme cette petite troupe-là m'est chère. Maintenant que Monseigneur n'y est pas,[43] je les plains un peu ; mais le grand et souverain Consolateur ne nous manque jamais, quand volontiers et amoureusement nous nous contentons de lui seul.

Je vous remercie de l'avis que vous me donnez, lequel j'emploierai si dextrement, Dieu aidant, que l'on ne s'en apercevra point.

Je vous prie, mon très-cher fils, puisque vous me connaissez suffisamment pour avoir une pleine confiance en moi, parlez-moi toujours nettement et sans crainte, spécialement quand il y va du bien de cette pauvre petite troupe de filles, le repos et tranquillité desquelles m'est si cher. Bientôt Dieu nous [49] rassemblera, s'il lui plaît pour sa gloire, tout étant en fort bon train ici, Dieu merci. Ces trois professes sont des filles d'or, et toutes les novices de vraies petites colombes. Certes, il y a ici une aimable petite troupe, le grand Dieu en sera glorifié, s'il lui plaît. Ma Sœur Marie-Jacqueline [Favre] est une digne et très-sage fille, et qui conduit tout cela avec une grande douceur et prudence. Je vous dis ceci à vous, mon bon fils, pour votre consolation, afin que vous en remerciiez Notre-Seigneur et le suppliiez continuellement de les faire toutes persévérer. Je vous prie, mon fils, écrivez-moi amplement pendant l'absence de Monseigneur et confidemment. Faites bien tous mes honneurs vers M. le prévôt[44] et ces autres messieurs de Saint-Pierre,[45] et à tous nos autres amis et amies que vous jugerez à propos, mais tout à part au bon M. Mingon, à nos pauvres maîtres et à la chère Sœur Anne-Jacqueline [Coste], qui ne se souvient plus de me faire des recommandations ; elle se contente de me bien aimer sans le dire. Mon bon et cher fils, croyez que vous êtes toujours mon cher fils, et que je suis toute vôtre en Jésus et Marie.

Frémyot.

Par hasard ce bon prêtre nous a donné l'occasion d'envoyer vos lettres, desquelles nous ne savions que faire. Le frère Adrien est fort en souci de sire Pierre. Je vous conjure qu'au plus tôt je sache des nouvelles de Monseigneur, par Chambéry ou autrement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [50]

LETTRE XXXIV - AU MÊME

Inquiétude sur l'issue de la maladie d'une Religieuse. — Confiance en la bonté de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 18 septembre 1615.

Hélas ! mon très-cher fils, vous me mandez que ma bonne Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche] m'écrit pour me lever de la peine que vous aviez pu me donner en l'avis du mal de ma pauvre Sœur Jeanne-Charlotte ; elle m'y met bien plus que je n'y étais, car, ainsi qu'elle me le dépeint, j'en appréhende une fâcheuse issue. Néanmoins, j'espère en la bonté de Notre-Seigneur que tout ira bien, et je l'en supplie de tout mon cœur. Vous pouvez penser si cette nouvelle me touche ; c'est pourquoi je vous prie, mon fils, que j'en sache au plus tôt la nouvelle.

Notre-Seigneur pourvoira à toutes les affaires intérieures et extérieures, s'il lui plaît. Puisque mon bon et cher Seigneur est de retour, tout ira bien. Adieu, mon cher fils.[46]

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [51]

LETTRE XXXV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LION[47]

Encouragement à tout quitter pour Dieu. — Décision relative à la sainte communion.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1615.]

Nous sommes arrivées très-heureusement, grâce à Dieu, ma plus chère et bien-aimée Sœur, et me porte très-bien. Ma Sœur de Gouffier[48] vous dira toutes nos nouvelles ; caressez-la joyeusement ; elle ne fait que passer et s'en va absolument mettre fin à ses affaires. Oh ! mon Dieu ! ma très-unique Sœur, que j'ai de consolation, et que j'en ai donné à notre digne Père, [52] quand je lui ai dit votre conduite et l'espérance que j'ai du grand service que vous rendrez à Notre-Seigneur ! Ma très-chère Sœur, je ne vous souhaite rien que la persévérance, et que vous teniez votre esprit en douceur, force et joie ; faites-le, je vous en conjure, ma chère amie ; eh ! pour Dieu, rendez votre service fidèlement et joyeusement, notre Sauveur a besoin de cela.

Quel honneur, ma très-chère amie, quel bonheur de pouvoir dire en vérité à Notre-Seigneur : « Que veux-je en terre, et que prétends-je au ciel, sinon vous ? vous êtes ma portion, mon héritage éternellement ! » Oh ! ma fille, c'est en l'éternité des siècles où seront consolées les âmes qui auront tout quitté pour Dieu ; quelle consolation, quelle gloire elles y recevront ! Cette vie, passons-la comme nous pourrons, pourvu que nous parvenions à l'autre. Ma très-chère Sœur ma mie, je vous supplie et conjure d'obtenir de Notre-Seigneur que je meure ou que je ne vive plus que pour Lui, pour obéira ses saintes volontés.

Hélas ! je voudrais vous dire beaucoup plus, mais jugez si j'en ai le temps. On ne communiera plus les mardis, mais les professes, tantôt un jour, tantôt un autre, selon que vous le jugerez, vous leur pourrez concéder la sainte communion plus facilement. Eu égard à la lettre que M. Brûlart écrivait à Dijon, faites-la chercher, je vous prie, comme aussi la licence que Mgr l'archevêque me donna pour aller à Dijon.[49] Nous attendons ici mon dit seigneur [de Lyon] ; s'il revient, sollicitez-le d'expédier nos Règles ; puis, envoyez-nous-en promptement une copie, car nous n'en avons point. Prenez pour coutume de saluer de ma part tous ceux que vous jugerez à propos. Adieu, ma mie.

Je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE XXXVI - À LA SŒUR PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

À LYON[50]

La tristesse est incompatible avec la donation de soi-même à Dieu. — Se soutenir mutuellement dans la pratique de la perfection.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1615.]

Ma pauvre très-chère Sœur,

Je vous sais si bon gré de vos lettres, qui sont selon mon cœur, qui aime tant sa chère Péronne.

Il est vrai, mon enfant, c'est toujours à recommencer en cette vie ; mais si ce n'était cela, que ferions-nous ? Cet exercice nous est uniquement nécessaire pour notre humilité et confiance, qui sont les deux chères vertus que notre bon Dieu requiert de nous. Bon courage donc, ma chère amie, exercez-vous bien en cela et en l'observance. Soyez joyeuse et gardez-vous surtout du chagrin. Dieu est tout nôtre, ma fille, et nous ne voulons sinon être toutes siennes. À quoi donc se peiner de chose que ce soit ? Or sus à votre loisir, vous me direz des [54] nouvelles du cœur que j'aime bien, et que je connais fort bien, je dis fort bien, Dieu merci.

Je suis toute consolée de ce que vous me mandez que ma très-chère Sœur Marie-Jacqueline [Favre] fait si bien, je n'en ai jamais douté, et suis tout en repos de ce côté-là ; aidez-la bien à supporter sa charge, et soulagez-la en tout ce qui vous sera possible ; ayez soin de sa santé, je vous la recommande, et, à elle, de vous bien croire en cela.

Je vous prie, ma mie, servez de bon exemple aux autres ; évitez tout propos inutile ; ne vous retirez point des assemblées que pour des extrêmes nécessités ; faites des défis pour vous encourager l'une et l'autre à la vertu, et surtout au recueillement ; remettez-vous-y à bon escient, ce doit être notre grand exercice. Excitez-vous-y l'une l'autre, et surtout à chercher purement Notre-Seigneur et votre perfection.

J'ai reçu toutes vos lettres et hardes que [vous] avez envoyées par Chambéry, mais fort tard.

Ma très-chère fille, mon cœur vous dira ce que le vôtre désire pour sa consolation une autre fois ; maintenant j'ai froid et fort hâte. Enfin, humilité, bonne observance, et sainte confiance et joie en Dieu.

Le très-cher Père est tout vôtre à ce qu'il dit. Toutes nos [55] Sœurs vous saluent ; vous êtes enfin, ce disais-je l'autre jour, ma très-chère Péronne, que j'aime de tout mon cœur.

Quand M. Michel ira là, il vous dira force nouvelles ; ce ne sera pourtant pas encore si tôt. Toute vôtre en Jésus.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XXXVII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

L'humilité et la vigilance sont nécessaires à une Supérieure. — Utilité de sa présence au milieu de la communauté. — Conseils de direction pour plusieurs Sœurs. — Rien qui résultera de l'infime union formée entre saint François de Sales et Mgr de Marquemont.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1615.]

On me surprend, et c'est M. de Boisy qui me mande que si je veux écrire à ma très-chère fille, l'occasion s'en trouve bien bonne, qu'il part devant jour ; et devant jour aussi je fais ce billet sans loisir. Donc, je vous dis que toutes vos lettres me plaisent et me consolent extrêmement ; je vois que, grâce au bon Dieu, il vous conduit et tient de sa main paternelle, et que vous n'avez besoin que de le laisser faire, et vous bien attacher à lui, cheminant en la plus grande humilité et simplicité qu'il vous sera possible, sous sa sainte protection, faisant fidèlement avancer votre petite troupe ; car enfin c'est en cela que le grand Dieu veut le service de votre fidélité. Et à ces fins, je vous dis toujours, ma très-chère fille toute bien-aimée, que vous teniez votre temps le plus franc et libre de toute occupation, afin que, tant que les justes et nécessaires devoirs vous le permettront, vous puissiez demeurer au milieu de vos Sœurs, lorsqu'elles sont ensemble, afin de les éclairer et animer à leur devoir, tant par votre exemple que par vos paroles. Je [56] trouve le désir de nôtre tant bon et digne Mgr l'archevêque tout juste en ce sujet ; il a raison, ma fille, croyez-moi, il faut être Mère et maîtresse ; et néanmoins vous faites très-bien d'exercer l'esprit de notre Sœur ***[51] ; car il est bon, quoique un peu amoureux de se tenir chez soi, et encore un peu paresseux, et il y a du naturel ; mais j'espère en Dieu qu'elle profitera néanmoins tous les jours davantage à ces chères filles, et par son bon exemple, et par sa langue qu'elle déliera ; et toujours elle vous sera un grand soulagement, car enfin vous serez souvent tirée hors de la troupe.

Votre résolution pour la dame Raime est conforme à mon inclination ; retenez l'argent que coulent les raisins-damas sur celui que vous recevrez ; vous prendrez conseil avec M. de Médio[52] et M. Voullart comment vous le ferez tenir. Demeurez en repos avec la chère et bien-aimée Péronne-Marie ; je n'ai point pensé à ce que l'on vous a dit, mais ne laissez pour cela de faire dresser des filles pour le ménage ; car, en vérité, la charité nous commande de faire reposer cette bonne fille, après qu'elle aura fait et mis en bon ordre la maison, et qu'il y en aura de façonnées pour cela.

Hélas ! ma très-chère fille, j'ai bien de la compassion de ma pauvre Sœur *** ; certes, il y a bien de l'imagination en son fait ; il faut que notre bon Mgr l'archevêque aide à la guérir et encore le confesseur, méprisant fort et ravalant ce qu'elle estime tant en elle ; je lui écrirai comme à toutes les autres à mon premier loisir. Il faut avoir grand soin de la bonne Sœur *** ; il la faut tenir joyeuse tant qu'il se pourra et occupée, et avoir l'œil à la bien faire manger et dormir ; car à l'ordinaire la débilité du cerveau coopère fort à telles tentations d'imagination ; pour cela, ma chère fille, exercez une grande compassion, [57] charité et patience envers elle : Dieu et le temps feront voir ce que c'est que tout cela.

Le jour vient ; je ne sais rien qui presse à être répondu, sinon qu'en vérité, ma très-chère fille, Dieu vous a fait une grâce qui ne se peut jamais assez reconnaître, de vous avoir donné pour pères ces deux grands et très-dignes prélats,[53] dont la piété éclate et plaît à Dieu et aux hommes. Je ne vous saurais dire la consolation que je ressens de la grande union que Dieu a faite entre eux ; je crois qu'elle servira à la gloire de Notre-Seigneur plus que nos petits jugements ne le peuvent comprendre. Enfin j'en loue Dieu de tout mon cœur ; il m'a donné la consolation qu'en cela j'ai longuement désirée et demandée à sa honte, car je voyais clairement que l'utilité en serait grande, et particulièrement que notre très-bon seigneur l'archevêque en recevrait les contentements et consolations que sa piété mérite et requiert. Notre cher Seigneur d'ici se fond tout en charité pour ce prélat ; il l'a en singulier respect. J'écrirai tant qu'il me sera possible à ces chères filles à la première commodité ; maintenant je salue leur cœur de tout le mien et très-amoureusement. Le grand Jésus les remplisse de sa douceur, simplicité et innocence ! Je salue avec grande révérence, mais cordiale affection, Mgr l'archevêque ; je salue aussi le bon Père Philippe, M. de Saint-Nizier, M. l'aumônier, et tel autre qu'il vous plaira. Ne mandez plus à M. le président[54] que vous ne recevez pas de nos lettres ; car aussi bien ne manquons-nous pas d'écrire à toute occasion. Je salue tout à part vos deux chères compagnes, mes filles et Sœurs très-chères. Bonjour, ma mie. Jésus soit notre tout. Amen, amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [58]

LETTRE XXXVIII (Inédite) - À LA MÊME

Reconnaissance envers l'archevêque de Lyon. — Prudence nécessaire dans le choix des lectures. — Pieux témoignage d'affection. — Désir que la Mère Favre écrive la vie de madame d'Auxerre, fondatrice et première Religieuse de la Visitation de Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1615.]

Nous avons eu l'honneur et la consolation de posséder ici votre très-honoré et très-digne Mgr l'archevêque,[55] avec une joie et contentement extrêmes, et encore avec utilité et édification très-grande de tous. Ma très-chère, toute très-chère Sœur, quand il vous ira voir, faites-lui très-humble révérence de ma part, et l'assurez du singulier respect et honneur que je lui porte ; Dieu, par sa bonté, le conserve longuement pour sa gloire et le remplisse de sa très-sainte dilection : c'est le continuel souhait que je fais et ferai pour lui. Au reste, il a tant montré d'affection à mes filles, et surtout à Francine, qu'il trouve bien à son gré, que je m'en sens toute son obligée ; il vous aime et estime fort, et toute votre petite Compagnie de laquelle il espère très-bien.

Je crois que vous aurez reçu les deux lettres que je vous ai écrites depuis notre arrivée ; je vais répondre aux vôtres qui m'ont donné une joie que je ne puis exprimer : enfin, ma très-chère Sœur, ma très-chère amie, vous êtes capable de me donner un vrai contentement. Mon Dieu, que vous êtes heureuse de servir Notre-Seigneur et sa sainte Mère ! Mais faites-le, ma très-chère amie, le plus joyeusement et courageusement qu'il vous sera possible. Notre tant bon Père, que je n'ai quasi point vu encore, vous écrivit l'autre jour une bonne et belle [59] lettre.[56] Eh ! qu'heureuses sont les âmes qui se sont retirées dans le sein sacré du Sauveur, et qui prennent là toutes leurs délices !

Mais je vais répondre à vos lettres, car pensez que je vous écris pendant que nos Sœurs soupent ; n'ayant nul loisir, je n'ai su entretenir encore pas une d'elles. Tenez ferme au même langage que vous avez commencé à dire à M. de Saint-Nizier[57] ; il ne s'en est rien dit ici ; il est besoin que je réponde au Père Théodose ; c'est à vous à faire cela. — Il est vrai que j'avais dit à ma Sœur *** que vous lui donneriez un petit livre de la perfection ; mais il ne lui en faut point, à cause de sa tendre imagination à croire qu'elle a les biens qu'elle désire, et dont elle entend parler ; tenez-la doucement et cordialement humble, et croyez, ma mie, qu'elle fera fort bien s'il plaît à Dieu. Ma très-chère Sœur, je voudrais vous dire beaucoup de choses sur la vraie et sincère affection de notre cœur ; je parle ainsi, parce qu'il me semble que nous sommes plus unies que jamais, et cela est vrai ; et, si nous ne sommes point séparées, la communication par nos lettres nourrit notre suavité plus fort, ce me semble. O Dieu ! rendez cette affection éternelle, car, certes, [60] la vie de l'homme est trop courte pour jouir seulement d'un si grand bien !

Mais, mon Dieu, il nous faut répondre à vos petites demandes. Loué soit Notre-Seigneur du bon courage que prennent nos bonnes Sœurs, pour la sainte obéissance : oh ! la douce et très-agréable nouvelle pour moi, et le grand trésor pour elles ! Je les conjure, ces très-chères filles, que j'aime parfaitement, de vous donner toute la consolation qui leur sera possible par une sainte et fidèle poursuite de leur perfection. Oh ! mon Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, mourons ou aimons notre bon Sauveur ! Amen.

Monseigneur a fait répondre au désir de madame Colin, par celle qu'il écrivit à M. l'aumônier. Vous avez bien répondu à N***, et il ne me faut point remercier de tel paquet ; si je puis, j'écrirai à M. ***, sinon faites-le, vous, ma mie, car ce sont nos petites affaires. Croyez que l'on prie et priera bien pour vous, surtout les chers Père et Mère.

Je crois que c'est cinq écus qu'il doit pour les cierges, M. de Villars, et il est bien vrai pour le moins. Mon bon neveu de Boisy, j'ai eu prou peine à lui dire adieu ; car il est tant occupé ; mais Dieu sait si nous parlerons de la pauvre chère Sœur ***. Vous êtes bien plus brave en votre ornement noir que je ne voulais, enfin les enfants valent mieux que leur mère. J'ai fait déjà et ferai le reste de vos honneurs et recommandations ; faites bien là les miens, à mon petit et cher neveu surtout, et à nos pauvres chères professes, que j'aime tant et si parfaitement ; assurez-les-en bien, ma mie, je vous en prie, et toutes nos chères petites novices ; certes, il ne se peut dire combien tout cela m'est cher. Mais, mon Dieu, faisons bien, nous avons dix braves Règles [copiées]. Je ne sais si je vous ai point déjà dit comme toutes nos Sœurs vous saluent. Certes, nous ne parlons quasi que de vous ; pour moi, je ne m'en puis taire, et j'y ai une grande consolation ; si l'ont-elles bien toutes, [61] car elles vous aiment chèrement. Je voudrais que vous et M. l'aumônier écrivissiez la maladie et mort de votre pauvre défunte,[58] et nous l'envoyassiez.

La petite Austrain[59] m'a fort commandé de vous saluer.

Adieu, bonsoir, ma chère toute unique Sœur toute parfaitement aimée, ma petite. Bonsoir aussi, ma pauvre Péronne, et toute la chère bien-aimée troupe. J'écris un mot à ma Sœur de Gouffier ; si elle est partie, vous le garderez, si vous n'avez adresse pour le lui faire tenir jusqu'à ce que vous en ayez. Enquérez-vous quand le messager de Besançon viendra. Écrivez au Père Placide [Bally] que je vous ai priée de lui mander derechef qu'il nous envoie au moins les sept cents livres qu'ils ont de prêtes ; certes, cette maison est vide d'argent et de toute provision, et prou de dettes et d'affaires pour achever l'église. Toute vôtre, ma chère Sœur ; je vous supplie de faire tenir ce paquet à Dijon le plus tôt que vous pourrez.

Conforme à l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [62]

LETTRE XXXIX - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Admiration que lui inspire une lettre du Saint. — Traverses pour le bâtiment. Aimable plaisanterie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1615.]

Mon unique Père,

Je vous renvoie la lettre que vous daignâtes me communiquer hier. Certes, mon très-cher Père, il y a des traits dans cette lettre qui méritent d'être écrits en lettres d'or.

Dieu veuille que ce pauvre cher esprit, à qui elle s'adresse, puisse bien surtout se réduire à marcher par le milieu de ces sacrées et bénites vertus d'humilité et de simplicité. Je n'ose prendre le loisir de revoir partout cette lettre ; je vais la reporter là-bas et y verrai derechef ce que je pourrai. Mon tout unique très-cher Père, ce grand Dieu soit à jamais notre grand et unique amour, et notre cœur très-seul y soit sa demeure éternelle. Amen.

Mon vrai Père, si M. le Poivre va à Paris, recommandez-lui bien fort notre expédition.

Il me fâche bien de vous dire que nous avons de nouvelles traverses pour notre bâtiment. Il faudra que vous preniez la peine de venir pour apaiser cette nouvelle bourrasque, laquelle, j'espère, passera bientôt, et la paix nous demeurera, s'il plaît à Dieu, jusqu'à l'éternité.

Je ne puis finir ce billet sans vous dire, mon vrai cher Père, qu'il me semble que vous n'avez pas assez mortifié ma fille N.[60]. [63] Mais voyez-vous, voilà la coutume : les pères gâtent leurs filles, parce qu'ils en sont tendres et ont pour elles trop de douceur et d'indulgence. Je sais bien que vous me répondrez que aussi souvent les mères gâtent leurs garçons, parce qu'elles ont pour eux un cœur trop flexible et des paroles trop faibles ; mais après tout, mon vrai cher Père, rien ne sera gâté, Dieu aidant, parce que en tout la volonté divine sera suivie.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy

LETTRE XL - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

L'Époux divin prend ses délices dans les âmes humides et dépouillées de tout. Tendre souvenir conservé aux Sœurs de Lyon.

Annecy, 12 novembre 1615.

Je loue Dieu de tout ce que vous m'écrivez, ma plus chère et très-chère Sœur, que mon âme chérit uniquement. Je supplie cette infinie bonté de vous faire sentir sa douceur, et le plaisir qu'il prend de voir des âmes se dépouiller amoureusement et joyeusement, pour l'amour de lui. Mon Dieu, ma mie, ma très-chère Sœur, vivez bien joyeuse, je vous en conjure, pour l'amour et par l'amour indicible que je vous porte. Au reste, à mon accoutumée, j'écris sans loisir, je pèse que mon temps, [mots illisibles] Dieu veuille que je ne le perde point ; je ne répondrai point à votre dernière, car je ne l'ai pas, notre très-bon et digne Père l'a emportée à la Thuile, où ils allèrent hier tous pour le baptême du fils de M. [son frère].[61] Je me souviens pourtant [64]

1

 

64 LETTRES DE SAINTE CHANTAL.

de la représentation que vous m'y faites de l'esprit de ma bonne Sœur ***, elle est toujours excessive et admirable à exagérer. Mon Dieu, quelle fille ! je l'admire, grâce à Notre-Seigneur ; certes, nos Sœurs d'ici sont de bonnes filles, et qui désirent de devenir tous les jours meilleures ; [deux lignes illisibles]. N*** a grandes occasions de s'humilier et de louer Dieu pour ses bénéfices. Qui plus, qui moins, Dieu sait comme je les aime toutes ; mais en vérité ce qui m'est absent selon le corps m'est très-présent et intime selon l'esprit ; et mes délices, c'est d'en parler. Mais n'ai-je pas raison ? car enfin c'est ma grande très-chère ancienne "fille, ma pauvre Péronne [de Châtel], et ma chère petite Aimée [de Blonay], que j'aime uniquement. Tout ce qui est ici vous honore, estime et chérit : humilions-nous bien seulement, et que ces deux filles professes ne fassent [mots illisibles] ; qu'elles m'écrivent s'il leur plaît, et que pour cela elles n'attendent de réponse que quand il le faudra et que je le pourrai. Mille saluts à ma pauvre chère Jéronyme ; certes, je l'aime très-bien, et la pauvre Câlin et tout le reste ; mais je ne puis écrire. Tenez la main à l'affaire de Besançon, et très-humble révérence à votre bon seigneur l'archevêque, que j'honore tant, et à tous les autres, surtout à mon petit neveu. M. Voullart emporte procure pour recevoir l'argent.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [65]

LETTRE XLI - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Demande de prédication.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1615].

Il me semble, mon très-cher Père, que vous avez accoutumé de nous faire toujours quelque faveur extraordinaire à ces saints jours des fêtes de Notre-Dame. Si donc vous ne prêchez point à la ville, vous prêcherez volontiers, je m'en assure, à votre petite Visitation ; nous vous en supplions, si vous le pouvez, mon très-cher Père ; et, si nous n'avons la consolation de vous voir après dîner, nous vous renverrons ce soir les lettres pour Mgr de Lyon ; car l'homme est parti dès le grand matin.

Dieu bénisse vos pénitentes, mon très-cher Père, et remplisse votre cœur de son très-pur amour et de celui de sa très-sainte Mère. Amen.

Bonjour, mon très-cher Père, et de tout mon cœur très-chèrement bonjour.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XLII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Nouvelles du président Favre et de saint François de Sales. — Changement de cellule. — Désir de répondre à la confiance des Sœurs de Lyon. — Détails de ménage.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 10 décembre 1615.

Mais que pourrai-je dire à celle chère Sœur, la bien-aimée de mon cœur, car voici qu'il faut envoyer cette lettre à cause [66] de la nuit qui vient, et je ne l'ai pas encore commencée. Or ça, ma toute chère fille, je vous dirai ce qui me viendra, et premièrement que votre très-bon père se porte très-bien, grâce à Dieu. Il faut déjà faire ici une pose pour aller trouver M. de Foras ; nous parlerons un peu de ma pauvre grande novice,[62] toute chère et mignarde de sa Mère.

Je reviens, ma mie, et vous rapporte un cordial bonsoir de la part de ce cher père [le président], qui vous l'envoie ; je lui ai fait vos recommandations. Notre bon Père[63] revint hier seulement de La Roche ; je ne l'ai quasi point vu depuis trois semaines, il est tout occupé autour de Mgr de Maurienne qui l'est venu voir.

Il sera bon d'attendre une année pour tirer les cellules ; aussi bien n'avez-vous que des novices, à qui il les faut donner chacune selon leurs besoins et votre discrétion. Oui, certes, ma chère fille, nos Règles sont très-aimables, et je loue votre zèle de les faire observer ; j'en suis consolée. Il faut avoir patience avec ce bon Mgr l'archevêque, et encore ne sera-t-il pas mal à propos de commencer ces belles cérémonies un peu solennellement. Que plût au bon Dieu que ce fût pour madame de Grolée, que l'on me dît avant-hier qu'elle était entrée parmi nous.

Qu'il me tarde que je reçoive de vos nouvelles ; j'en suis déjà en appétit. Hélas ! je n'ai pas fait la réponse qu'attendait la pauvre Sœur Françoise-Jéronyme[64] ; accommodez un peu ce [67] manquement, je vous en ai déjà écrit, mais avec protestation que je fais de ne vouloir jamais manquer de servir toutes ces chères filles qui sont autour de vous, en tout ce qui me sera possible, et je vous en conjure, ma mie, de me le mander fort librement ; que si mes lettres leur sont utiles, ou les puissent consoler, ne faites que me le dire.

Je crois que vous avez reçu des nouvelles de Besançon ; je désire seulement que l'on change les écus de France en monnaie blanche, car ils ne valent pas tant ici. Si vous pouvez trouver commodité de si bien accommoder vos fruits secs, vous nous obligerez bien de nous en envoyer, car nous n'en avons point, et notre chère Sœur N*** à qui ferait grand bien d'en avoir un peu, et surtout de la Gray. Si vous les donnez à ce porteur, il faudrait les bien recommander et surtout les bien accommoder.

Or sus, certes, il faut finir en commençant pour ce coup, ma très-chère fille, puisque je n'ai pas plus de loisir ni pour vous ni pour les autres très-chères Sœurs, que je salue avec vous ; mais surtout je vous prie de saluer avec grand respect, amour et cordiale affection Mgr l'archevêque, certes, très-bon et digne prélat ; comme aussi saluez d'un salut parfait le bon Père Marcellin ; je n'ai [pas] moins de désir de le voir, je m'assure qu'il le croit. Mille saluts aussi à M. de Saint-Nizier, au Père Philippe et à M. l'aumônier ; je lui ferai réponse au premier jour, Dieu aidant. Adieu, ma fille ma mie. Je suis très-assurément toute vôtre, et prie Dieu que nous soyons toutes siennes. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [68]

LETTRE XLIII - À LA MÊME

Avis touchant les fondations demandées. — Annonce de plusieurs prétendantes et de deux professions à Annecy. — Conseils de direction pour madame la présidente Le Blanc. — Mépriser les inquiétudes qu'on a sur soi et sur autrui. — Affaires diverses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1615.]

Ma très-chère Sœur ma mie, tout premièrement, c'est la vérité que je suis toute vôtre, et puis, que ce n'est point faute de diligence que vous êtes si longtemps sans avoir de nos nouvelles ; car fort souvent nous avons envoyé chez les marchands savoir s'ils allaient à Lyon. Or, de cela, il ne faut point que vous doutiez que je n'y aie du soin et de l'affection, et ne sais comme est passé ce marchand que vous dites. Je prends vos lettres pour y répondre, ma très-chère fille, et vous écris fort à la hâte, je vous assure.

Nous envoyons nos heures. Nous avons reçu tout du carrossier, et la belle bougie dont je vous remercie, et surtout les crucifix.

Cela ira très-bien que les filles de Riom aillent à vous pour se dresser, Dieu vous donnera prou ce qui sera nécessaire. Nécessairement, il faut que les filles se viennent dresser ou à Lyon ou ici, car il est impossible de fournir des filles et d'en tirer de céans, d'un bon espace de temps. Oh Dieu ! ce n'est pas chose sitôt faite que des Supérieures.

M. le premier président de Toulouse a écrit à Monseigneur d'en mander [des Sœurs pour une fondation], et on lui répond qu'il en envoie [des sujets pour les former]. La maison de céans s'en va être une grande famille et de grand soin et peine.

Mademoiselle du Châlelard et mademoiselle d'Avisé étaient ici [69] la semaine passée, qui ont requis avec une grande humilité et ferveur que l’on tirât les voix pour être admises à la probation, de sorte qu'elles les ont eues et viendront commencer en ces fêtes prochaines ; [ce] sont deux âmes tout à fait à mon gré. Plusieurs autres demandent.

Nous ferons les professions de nos Sœurs M.-M. [de Mouxy] et Marie-Françoise [de Livron], le jour de la Saint-Jean [l'Évangéliste], comme nous espérons. Vous voyez, ma très-chère fille, s'il est nécessaire que nos deux professes et les novices se rendent de bonne observance pour l'exemple de celles qui viendront.

Certes, N*** a tort de nous engager à de grandes obligations vers la bonne madame la présidente Le Blanc[65] ; mais il la faut supporter avec charité, et employer le vert et le sec pour éloigner d'elle ses frères et sœurs, et puis lui faire retrancher le commerce des lettres, c'est son lien ; jamais elle ne s'affranchira bien de ce côté-là si elle n'est aidée. Dieu, par sa bonté, la prenne de sa bonne main, et la conduise hors de tout soin superflu. Mgr l'archevêque a prudemment fait de lui trancher court que sa sœur ne sera pas reçue ; il n'est pas expédient de faire autrement. Mille cordials saluts à la bonne madame la présidente Le Blanc : c'est une des femmes du monde que j'honore le plus. — Pour Dieu, ma très-chère fille ma mie, écrivez moi toujours tout naïvement vos petites affaires, et ne vous peinez point de les faire doubles, je veux dire d'écrire à part à notre bon Seigneur et à moi ; écrivez seulement à l'un ou à l'autre, il suffira. Aussi ne sommes-nous pas deux, par la grâce de Dieu, et je vois que tant écrire vous fait mal à la tête ; et puis cela mange votre temps. Tout le monde vous excusera bien, sinon quelquefois le cher frère de Boisy ; pour le reste, il faut qu'ils vous écrivent et qu'ils n'attendent point [70] de réponse, sinon quand vous le pourrez et voudrez pour vous récréer.

Je ne sais si je pourrai écrire à M. Austrain ; en tout cas, vous aurez soin de faire mes honneurs. Certes, leur petite est bien heureuse ! nous sommes trois qui en avons un soin tout particulier. Elle sera bien gentille, mais il faut toujours que M. et madame Austrain lui recommandent l'obéissance et qu'ils se tiennent en crainte ; je l'aime tendrement et toutes nos Sœurs aussi ; assurez-les-en, et du grand désir que j'ai de les servir et de les contenter en ceci.

Vous faites bien aussi pour les tendretés qui vous saisissent pour mon regard. Hélas ! ma très-chère fille, nous n'en sommes point exemptes ; mais il faut pourtant tenir l'esprit en grande générosité, et n'en guère parler, ni moins y penser ; le mieux est de les souffrir, et les sentir doucement sans faire semblant de les voir.

Que je serais consolée si M. D. se prenait au filet ! le bon Dieu lui ferait grande miséricorde. Je serai bien aise que vous nous mandiez les sentiments du Père général des Feuillants, et quelques nouvelles des affaires temporelles de feu notre bonne Sœur Marie-Renée [Trunel] ; le premier papier que ma Sœur P.-M. [de Châtel] envoya était un brouillon... Vous aurez reçu celle que nous vous écrivîmes par M. Voullart.

Pour Dieu, ma mie, faites tout ce qui se pourra, afin que l'argent de ma Sœur F.-A. nous soit bientôt apporté ; nous sommes nécessiteuses, personne ne veut payer. M. Voullart a la procure pour recevoir [deux lignes illisibles]. Notre bonne madame Voullart, que je salue de tout mon cœur, fera bien cette emplette.

Adieu, ma très-chère fille ma mie, que j'aime de tout mon cœur. Je me porte fort bravement et toute désireuse de bien faire quand j'aurai le loisir d'y penser ; et je prétends de me bien prévaloir de ma coadjutrice ; je ne sais qui choisir, sinon [71] ma Sœur N***. Notre Sœur P.-M. est excellente pour cela ; un jour, Dieu aidant, je la prendrai ; mais, cependant, je vous conseille de vous en servir.

À Dieu, derechef, soyons-nous à jamais.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [72]

ANNÉE 1616

LETTRE XLIV - À LA MÊME

Il faut mettre tout son contentement en Dieu. — Proposition de mariage pour Françoise de Chantal. — Difficultés suscitées contre les Règles de la Visitation. — Conseils pour la pratique de certaines mortifications extérieures.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 4 janvier 1616.

Un mot seulement, car, ma pauvre très-chère fille, il n'y a pas moyen d'écrire à souhait, il faut donner les lettres aussitôt qu'on sait qu'il faut écrire. Pour Dieu, ma chère amie, ne vous laissez point aller aux attendrissements, fichez votre esprit, votre amour et tout votre contentement en Dieu. Tenez votre cœur en force et générosité, et la joie intérieure vous retournera. Ma fille uniquement très-chère, nous ne sommes point séparées, tenez-vous en cette assurance, et vous accoutumez à penser et à parler de moi, quand il sera besoin, avec un esprit libre et joyeux, comme si je vous étais présente. Hé Dieu ! ma mie, que nous sommes heureuses de savoir que notre bon Dieu est partout et toujours prêt à nous servir de Père, de Mère, et d'Époux très-doux et suave ! Je suis bien aise que vous preniez madame de Chevrières pour mère.[66] [73] c'est une vertueuse et utile amie ; saluez-la très-humblement de notre part, car je l'aime bien.

Les Noëls de nos pauvres Sœurs aussi, je les trouve bien bons ; mon Dieu, que j'aime tous ces cœurs-là ! assurez-les-en bien, ma mie, je vous en prie. Si ce bon Père est encore à Lyon, ô Dieu ! saluez-le étroitement de notre part, et le Père recteur quand il sera venu, et les Pères Marcellin et Philippe, et tout premier Mgr l'archevêque. Plût à Dieu que cette sainte âme allât se [mot illisible] parmi nous !

Par votre première lettre, dites-moi bien comme vous vous portez, car je ne sais, mais je ne prendrais pas plaisir que vous devinssiez maigre. Ma fille [de Thorens] vous écrit [mots illisibles] parle du mariage de M. de Foras avec Françon. Je vous assure, ma chère amie, que la bonne madame a tort de me blâmer si Monseigneur ne lui a pas écrit ; je le vois fort peu et ne saurais dire le temps qu'il y a que je ne lui ai parlé, tant il est accablé d'affaires. Je lui dirai pourtant, si je le vois, qu'il lui écrive... Si je puis, je lui écrirai. Assurez-la souvent du grand amour que je lui porte, car, certes, je l'aime de tout mon cœur, mais tout de bon. Puis après, hélas ! certes, j'ai compassion du bon M. de Lyon et de ses règles, le pauvre homme en accablera ; et, vrai Dieu ! que ne pêche-t-il où il sait qu'il y a bonne eau et en abondance ! mais n'envoyez point les règlements qu'il nous fit faire sans nos Régles ; sachez, mais délicatement, son dessein et la cause de ce retardement.

Quant aux mortifications extérieures, il s'en fait ici de très-bonnes et avec grands sentiments... Vous en voyez, de vrai, prosternées au travers la porte, la face contre terre, d'autres en croix..., d'autres, la corde au col, demander pardon, détester leurs imperfections tout haut, demander l'aumône et semblables... Or, je les permets rarement, parce que, quand elles sont fréquentes, cela diminue leur valeur ; et faites ainsi, avec tant de sentiments, elles profitent et mortifient celles qui les font [74] et édifient les autres. Vous leur pouvez donc permettre, mais qu'elles n'en fassent jamais [outre les temps marqués] sans vous les demander, et que cela vienne d'elles [deux lignes illisibles].

On vient prendre les lettres. Ma très-chère fille, bonjour de tout mon cœur tout vôtre. Humilité en tout, ma très-chère fille, et mortification d'esprit. Vive Jésus !

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé au deuxième monastère de la Visitation de Paris.

LETTRE XLV - À LA MÊME

La vraie et solide vertu se forme dans les contradictions. — Tendre charité pour une Sœur éprouvée. — Nouvelles de saint François de Sales. — Détails pour affaires temporelles.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 12 janvier [1616].

Dieu vous bénisse et vous remplisse de son très-saint amour, au commencement de cette nouvelle année, ma très-chère fille mon enfant ! Je viens de recevoir vos lettres qui me plaisent toujours bien. Notre bon Seigneur et très-cher Père les voit toujours le premier, comme chose qui nous est commune. Je suis en peine de cette pauvre Sœur N***. Oui-da, si vous pensez que l'ôter pour quelque temps de la cuisine lui puisse profiter, il le faut faire ; mais, croyez-moi, éprouvez-la et l'exercez, car quelquefois il semble que nous devenions toute sainte, et c'est parce que nous ne sommes ni tentée, ni attaquée ; la bonne vertu se forme parmi les occasions et contradictions.

Voilà une bonne mortification, ma très-chère fille, que celle de la pauvre Sœur N*** ; elle est digne de grande compassion, [75] et vous faites bien de la soulager le plus doucement que vous pouvez ; je lui écris et à une partie de nos Sœurs. Croyez, ma très-chère fille, que j'ai bien peu de loisir. Monseigneur part d'ici ; il s'en est allé pour recevoir Mgr de Maurienne qui retourne le voir pour trois ou quatre jours ; il vous salue avec son cœur plus que paternel. Hélas ! ce très-bon Père, nous le voyons très-courtement et assez rarement, car il est toujours accablé d'affaires.

Ma fille ma mie, que l'on considère bien le lieu où l'on vous mettra, avant que de vous faire changer de logis, et ayez un peu de fonds pour cela, car tout va bien juste à Lyon ; mais vous avez de bons conseillers. Une très-humble révérence à Mgr l'archevêque, et dites-lui que mes deux filles[67] le saluent très-humblement, qu'elles vous ont écrit : tout cela est vrai. Je loue Dieu de ce qu'il vous a bien remise à notre première franchise avec la bonne Sœur de Gouffier ; ce sera un jour une brave fille. Notre-Seigneur la conduise et nous la ramène bientôt et heureusement.

Oui, certes, mon enfant, j'aime bien mon grand saint Jean, mais, ô bon Dieu, que j'ai besoin de sa mortification ! Le vôtre est par excellence, avec l'exercice qui vous est infiniment propre ; mais notre très-bon Père n'a pas trouvé le sien ; mandez-en le nom et la pratique de vertu.[68] Je suis, certes, bien en peine de ma pauvre chère Péronne,[69] et en peine de tout. Hélas ! ma mie, je sais bien que vous n'y épargnez rien ; mais il lé faut bien faire ainsi, Dieu le veut et cette bonne fille le mérite : vous verrez qu'elle vous servira et profitera en sa [76] charge de coadjutrice,[70] car elle est si sincère ; la mienne me promet d'être bien fidèle.

J'écris à M. Voullart, je ne sais que dire, sinon que ces marchands se jouent de nous ; car, depuis le temps que l'argent est là et qu'ils ont eu les lettres, ils pourraient bien s'assurer de ce qu'ils doivent faire ; cependant nous en avons grand besoin, mais Dieu soit béni ! Et, puisque nous sommes à parler d'argent, faites bien accomplir et payer le contenu du transport de feu ma pauvre Sœur Marie-Renée. Il y a cinquante écus pour Mgr l'archevêque qu'il prêta ; il les lui faut bien rendre, et retirer la sûreté que j'en fis à son fermier qui nous les apporta [deux lignes illisibles]. Mais ce n'est pas moi, ma chère fille, qui envoyai un paquet pour M. Héraud, c'était ma Sœur Marie-Madeleine ; elle est bien en peine, car il était d'assez bonne importance. Je ne ferai pas réponse pour le coup à ce cousin de ma Sœur Anne-Marie, je suis trop lasse.

Ma très-chère fille, faites bien tous mes honneurs et devoirs partout, surtout au grand Supérieur, et puis à tous les petits, entre lesquels j'honore tout particulièrement le bon M. de Saint-Nizier.

Et mon cher petit neveu, personne ne m'en dit rien ? Je lui écrivis encore le jour de Noël. Ma très-chère fille ma mie, que j'aime de tout mon cœur, soyez toujours brave et généreuse ; tenez-vous tant humble et douce qu'il vous sera possible, et toujours proche de notre cher Époux, que je supplie de verser abondamment ses bénédictions sur votre chère âme que j'aime de toute la mienne ; mais de cela je vous en assure. Enfin vous êtes ma fille aînée, très-aimée. Vive Jésus ! Dieu soit béni. [77]

Toutes nos bonnes Sœurs vous saluent de tout leur cœur. Voilà des graines de jardin.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE XLVI - À LA MÊME

Une Religieuse qui possède l'esprit de la Règle a, par là même, l'esprit de Dieu. Indisposition de madame de Charmoisy et de Françoise de Chantal.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 17 janvier 1616.

Mon enfant, je vous fais ce billet au milieu de la récréation, car j'ai su cette commodité en allant à Complies. J'ai reçu toutes vos lettres, et neveux vous rien dire, sinon que vous êtes et serez toujours ma très-chère fille toute bien-aimée ; il me tarde déjà d'avoir de vos nouvelles, car il me semble qu'il y a longtemps que nous n'en avons reçu. Mandez-nous le saint que vous avez tiré pour Monseigneur, et faites bien fort et bien cordialement mes remercîments à nos pauvres chères Sœurs de leurs Noëls ; certes, je les ai trouvés beaux et bien à mon goût : ma Sœur Anne-Marie tient le haut bout ; elle a fort bien rencontré. Je les salue toutes, ces très-chères filles, avec mon cœur tout plein d'amour pour elles, je les en assure, et les conjure de bien prendre l'esprit de nos Règles, qui est le vrai esprit de Dieu, parce qu'il est d'une douce charité, et d'une humble et généreuse obéissance. Hélas ! mon enfant ma très-chère fille, il y a quelques jours que nous sommes exercées de l'appréhension de la mort de ma pauvre sœur, madame de Charmoisy,[71] laquelle, venant nous voir, est tombée malade à [78] Samoëns ; je vous laisse à penser notre peine. Notre bon Seigneur y va demain, car elle a désir extrême de le voir, et le médecin croit que cette vue lui sera profitable ; le bon Dieu le veuille. Ce me serait une très-grande douleur si elle mourait ; mais en tout la très-sainte volonté de Notre-Seigneur soit faite. Amen. Françoise a la petite vérole, mais M. Grandis, qui revint avant-hier, assure qu'il n'y a nul péril ; je crains plus pour ma Marie-Aimée qui ne l'a point eue. Je salue bien nos deux professes et surtout ma très-chère fille. Vive Jésus ! Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE XLVII - À LA SŒUR PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

À LYON

Encouragements à supporter une épreuve intérieure. — Éloge de la Mère Favre — Devoir d'une coadjutrice.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, janvier 1616.]

Enfin, ma très-chère fille, je prends vos lettres pour y répondre tant que je pourrai ; le bon Dieu me donne son Saint-Esprit pour dire chose qui soit à sa gloire et à votre consolation.

Toutes vos répugnances à me parler, tous vos sentiments et aversion, et toutes vos difficultés, aboutissent, selon mon jugement, à votre plus grand bien, et si bien vous êtes obligée à ne pas faire ce que tels mouvements désirent, et que tous les jours vous devez faire des résolutions de vous en défendre et de les combattre, néanmoins quand vous tomberez, je dis cinquante fois par jour, jamais, au grand jamais, vous ne devez vous en étonner ni inquiéter, mais tout doucement reprendre votre cœur et le remettre au train de la vertu contraire, et ne cessez non plus, ma très-chère Péronne, de dire à Notre-Seigneur des [79] paroles d'amour et de confiance, aussi bien après avoir fait mille fautes que si vous n'en aviez fait qu'une. Souvenez-vous de ce que nous vous avons tant dit sur ce sujet, pratiquez-le pour l'amour de Dieu, et soyez assurée que Dieu tirera sa gloire et votre perfection de cette infirmité ; mais n'en doutez point, et supportez-vous avec douceur et patience quoi qu'il arrive ; et si quelquefois vous vous trouvez sans force, sans courage, sans sentiment de confiance, prenez-vous à dire des paroles toutes contraires à votre sentiment et dites fermement : mon Sauveur, mon tout, malgré mes misères et ma méfiance, je me fierai tout en vous ; vous êtes la force des faibles, le refuge des misérables, la richesse des pauvres, et enfin vous êtes mon Sauveur qui avez toujours aimé les pécheurs. Mais ces paroles et autres semblables, ma très-chère fille, dites-les sans vous attendrir ni pleurer, mais fermement, et puis passez outre à quelque divertissement, car le Tout-Puissant ne vous laissera échapper de sa main qu'il vous a trop bien prise ; et ne voyez-vous pas comme cette douce bonté vient à votre secours et d'une façon remarquable et utile ?

Je vous prie, gardez soigneusement la mémoire des enseignements que vous avez reçus autrefois, et les pratiquez en leur lieu et ès occasions qui se présenteront. Écrivez-moi toujours selon que votre consolation le requerra, je vous répondrai toujours avec mon cœur qui est tout vôtre, et promptement. Ayez un grand soin de bien édifier, et pour cela vous savez qu'il faut être exacte à l'observance et avoir grand soin de son extérieur, la bonne composition duquel dépend de la présence de Dieu. Déchargez-vous tant qu'il se pourra tout bellement des affaires du ménage. Je l'ai déjà mandé à ma Sœur,[72] qui, à mon avis, le trouvera bon, car autrement il ne le faudrait pas faire, et il ne sera qu'à propos de voir marcher devant soi celles à qui l'on donnera les charges. [80]

Certes, ma mie, j'ai une grande consolation et satisfaction de votre pauvre chère petite Mère qui est là, elle fait très-bien ; tout le monde m'en rend témoignage, et ce que vous m'en écrivez me plaît tous les jours davantage, car je sais que vous me parlez sincèrement. J'espère en Dieu que ce sera un jour une grande et digne servante de Dieu et qui profitera à plusieurs ; il faut toujours qu'elle s'approfondisse davantage en humilité et résignation : aidez-la selon votre petit jugement, et lui dites hardiment en sincérité ce qui vous semblera bon pour elle et pour la maison. Je connais son cœur, et Dieu sait comme je l'aime parfaitement ; elle s'en sentira votre obligée, et puis c'est qu'en votre conscience vous le devez faire. Je sais bien le fruit et utilité que m'apporte ma coadjutrice ; c'est un bien incomparable pour les Supérieures, lesquelles, pour la multitude de leurs affaires, ne peuvent faire attention sur prou de petites choses auxquelles il est pourtant nécessaire de remédier. Or, voyez-vous encore, ma pauvre Péronne, je veux que vous ayez un grand soin de la réjouir, notre chère Sœur, et ayez bien l'œil sur sa santé, ne l'importunez pas, mais dites-lui hardiment ce qu'il sera nécessaire pour icelle, et le lui faites faire, car elle doit vous condescendre en cela, comme aussi vous lui devez obéir bien simplement lorsqu'elle vous commandera ce qui sera requis pour votre santé. Vous lui pourrez remontrer humblement ce que vous pouvez ; mais soulagez-vous en telle sorte qu'elle n'ait pas occasion d'avoir de la méfiance ni du mécontentement ; il faut plutôt excéder en charité qu'en travail ; et, pour Dieu, voyez-vous, ne vous laissez point accabler du mal, faites tout ce qui se pourra pour guérir, car ce ne sont que vos nerfs. Je vais finir, l'estomac commence à me faire mal ; mille millions de saluts à toutes nos très-chères Sœurs ; certes, j'aime d'un cœur parfaitement cordial toute cette chère petite troupe-là. Je souhaite qu'elles soient perpétuellement attentives à leur Époux et qu'elles [81] conversent autour de Lui comme de pures, douces, simples et chastes colombes. Je les baise en esprit, grandes et petites, toutes, amoureusement et tendrement, mais surtout ma pauvre bien-aimée Péronne-Marie. Monseigneur vous salue et chérit tendrement. Vive Jésus !

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE XLVIII - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE ET MAÎTRESSE DES NOVICES À LYON[73]

Il faut garder le silence sur les tentations passagères. — Avantage d'une sincère ouverture de cœur. — Conseils pour la charge de maîtresse des novices.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Ma très-chère fille,

Voilà vos deux lettres que j'envoie à Monseigneur afin qu'il contente votre cœur. Je me contenterai de vous dire qu'il n'est pas besoin de parler de la tentation dont vous m'écrivez et [82] demandez, puisqu'elle passe comme les autres. Au reste, je crois que ma Sœur Marie-Jacqueline [Favre] a une si grande consolation de votre confiance, et vous en avez tant de lui avoir bien ouvert votre cœur, que j'espère que vous trouverez bien du soulagement. Déclarez-vous donc de toutes ces petites tricheries qui vous attaquent comme mouches, et faites ainsi qu'elle vous dira, surtout pour le manger.

Mon Dieu ! ma très-chère petite, élargissez votre cœur à parler à ces bonnes novices ; dites-leur simplement ce qui vous viendra. Demandant secours à Dieu, dites-lui : Seigneur, je suis une enfant de trois ans, mettez en ma bouche les paroles que vous voulez que je dise à vos servantes. Leur confiance, ma chère fille, vous doit bien faire affranchir. Au bout de tout, faites tout ce que vous pourrez par parole, par bon exemple, pour ce service que Dieu veut de vous, et attendez tout de sa bonté, demeurant toujours tranquille et attentive à Dieu ; surtout je vous recommande cela, ma fille très-chère. Je vous écris à perte d'haleine. Mon cœur est tout vôtre, je vous en assure. Vive Jésus ! Dites, s'il vous plaît, que ma Sœur de Gouffier mette le dessus de cette lettre, qui est pour la mère des bonnes filles de Billom.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [83]

LETTRE XLIX - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Rien ne peut ébranler une âme fondée en l'amour divin. — La santé doit être méprisée en certaines occasions et soigneusement gardée en d'autres. — Désir d'un parfait accord entre saint François de Sales et l'archevêque de Lyon. — La mortification d'une inclination naturelle est préférable aux pénitences corporelles.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 20 janvier 1616.

Ce bon Père nous est venu trouver ce soir, de sorte, ma très-chère fille ma mie, que je ne vous écrirai pas si à souhait que je désirerais, mais pourtant tout ce que je pourrai. Nous reçûmes à soir votre lettre du quatorzième ; eh ! bon Dieu, ma mie, que les hommes sont inconstants ! Que bienheureuses sont les âmes parfaitement fondées en l'amour et volonté de Dieu ! Attachons-nous là, ma fille très-uniquement aimée, afin que rien du tout ne nous ébranle. Ah ! non, ma fille, il ne faut point se mettre en peine de tout ce que l'on dit par là,[74] encore qu'il fâche un peu ; mais ne laissez rien entrer de tout cela dans votre cœur, recommandez-le tout à la Providence divine, et puis n'y pensez plus. Je suis plus en peine de votre infirmité que de tout leur dire ; mais, mon Dieu, ma fille, il faut couper chemin à cela par deux moyens et remèdes : le premier sera de rappeler la joie dans votre cœur, quoiqu'il vous coûte un peu de peine et de violence ; l'autre, de bien manger et de vous reposer. Mais, voyez-vous, il faut faire ceci absolument et sans marchander ni différer ; car votre santé est entièrement nécessaire au service de Notre-Seigneur pour maintenant ; c'est pourquoi il la faut procurer et puis la conserver avec soin. Je [84] parle tout de bon, sans mollesse ni tendreté, et vous dis derechef, ma très-chère fille, que l'une des meilleures fidélités que Notre-Seigneur requiert de vous maintenant, c'est celle de tenir votre corps en bonne force pour faire le service qu'il requiert de vous en votre charge. O ma fille très-chère ! notre corps et notre santé doivent être méprisés en certaines occasions pour Dieu, et en d'autres ils doivent être précieusement gardés et accrus ; faites-le donc fidèlement, et vous rendez souple à votre coadjutrice à qui je vous recommande.

Je suis très-aise de ce que Mgr l'archevêque va voir nos Règles, afin que la conclusion se fasse de tout, en sorte que l'on puisse en donner des copies à ceux qui les désirent ; hâtez-le en cela tout doucement, mais comme de vous-même, lui coulant pourtant que Monseigneur attend toujours ses sentiments, et qu'il est expédient que la chose se fasse, afin de pouvoir envoyer des copies desdites Règles à ces bonnes âmes qui les désirent, et cependant faites que le Père Philippe console ces pauvres filles de Billom[75] et qu'on leur donne espérance qu'on les assistera. Si vous voulez, vous leur pouvez écrire, même à ce bon M. Favre qui m'a écrit ; car je pense que c'est pour ces filles de Riom[76] ; mais j'en parlerai avec Monseigneur et peut-être je lui écrirai moi-même.

Ma très-chère fille, quand ce bon Mgr l'archevêque vous parlera de la clôture, ou de quelque autre point essentiel de nos Règles, ne lui répondez que par votre modestie et égalité, avec un petit ris doucement joyeux ; s'il faut ajouter quelques paroles, que ce soit seulement pour lui dire qu'ils s'accorderont bien, lui et Monseigneur ; que de nous, nous sommes filles d'obéissance, aimant parfaitement notre Institut, et cette [85] réponse soit pour tout. Dieu, par sa bonté, entretienne ce bon prélat au sentiment qu'il emporta d'ici.

Ne vous peinez pas, mon enfant, d'écrire votre confession. Hélas ! je la sais sans l'avoir vue. Dieu, par son infinie bonté, vous rende tous les jours plus sienne et plus entièrement dépendante de Lui seul, puisque en cela consiste notre unique bonheur et félicité. Ne vous mettez pas en peine du livre De l’amour de Dieu ; vous l'aurez bientôt avec notre bon M. Michel, s'il plaît à Dieu.[77]

Je crois que notre pauvre sœur [madame] de Charmoisy nous demeurera [guérira]. Monseigneur n'a su éviter d'y aller, il en a été fort prié par M. de Charmoisy ; il ne reviendra que dimanche.

Le bon Dieu conduira notre pauvre Sœur de Gouffier ; je suis bien consolée de ce que ce bon Dieu vous a bien unies toutes deux ; mais y aura-t-il adresse de lui écrire ? À-t-elle donné ordre pour cela ?

Une autre fois, je vous parlerai comme il faut conduire les mortifications extérieures, afin qu'elles se fassent selon l'esprit de Dieu ; cependant il les faut permettre rarement. Enfin, Monseigneur me disait dernièrement qu'il aimerait mieux une petite inclination mortifiée que tout cela, et que, depuis qu'on les avait choisies de soi-même, la nature s'y complaisait ; néanmoins il nous les faut honorer, puisque les Saints l'ont fait, et en permettre quelquefois. Certes, ma très-chère fille, je suis comme vous, je n'ose point mortifier nos Sœurs ; et quand elles me demandent des pénitences, je ne sais que leur dire ; quand il les faudra donner pour leur bien, Notre-Seigneur me les inspirera.

Je ne vous puis répondre à propos pour ces confesseurs [86] extraordinaires que je n'aie parlé à Monseigneur ; car les gens de delà sont si délicats, que, s'ils le savaient, cela les émouvrait bien fort.

Le gris qu'il faut,[78] c'est pour faire des œillets sur du satin cramoisi, et partant je crois qu'il ne le faut pas trop brun. Ne nous envoyez point de verre pour les Agnus Dei, il s'en trouve à Chambéry.

J'écris en la récréation, ne l'ayant su faire ailleurs ; toutes nos Sœurs vous saluent très-cordialement. Souvent vous êtes le sujet de nos entretiens en nos récréations, car enfin vous êtes ma très-chère fille, et vos deux compagnes aussi, que je salue de tout mon cœur. Je commence à faire les grandes lettres que je leur ai promises, mais je ne puis les envoyer a ce coup. Bonsoir, mon enfant ; Dieu vous comble de grâce. Je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

De la main de la Sœur J.-C. de Bréchard. — Mille saluts à ma très-chère Sœur, à laquelle notre Mère m'a commandé de dire que vous lui envoyiez le livre de saint Jean Climacus et les poudriers qu'elle laissa sur la fenêtre. Elle salue toutes nos Sœurs, vos chères novices, aussi fais-je de tout mon cœur, mais plus fort les professes.

Notre Mère vous prie de lui faire savoir des nouvelles de M. de Neuchèze.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [87]

LETTRE L (Inédite) - AUX SŒURS PERONNE-MARIE DE CHATEL ET MARIE-AIMÉE DE BLONAY

À LYON

Souhaits de perfection. — Avantages de l'humilité ; estime qu'en fait saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616].

Que mes deux pauvres très-chères Sœurs veuillent bien se contenter de ce billet ; car, certes, mes chères enfants, mon chétif estomac est tant las et faible, que c'est pitié. Hélas ! mais que dire à ces deux filles que je chéris comme mon âme ? En un mot, mes filles : Vive Jésus ! Je vous conjure que Jésus soit votre joie, votre paix, votre repos et consolation en toutes choses. Toutes à Jésus, mes chères filles, sans exception, sans si, sans vouloir, sinon que sa très-sainte volonté soit faite au corps, à l'esprit, et sur tout ce qui est nôtre ; et avec cela aimons bien nos pauvretés, nos abjections, nos faiblesses et nos infirmités ; car Monseigneur (notre unique Père de nous autres) disait qu'il nous aimerait bien mieux avec plus d'humilité et moins d'autre perfection qu'avec plus d'autre perfection et moins d'humilité. Soyez à Dieu, mes plus que très-chères filles, et laissons à ce Sauveur le soin de nous-mêmes.

Ma Péronne, voilà des graines pour votre jardin ; vous n'avez pas envoyé tout le linge de la petite Austrain. Que ma petite cadette[79] m'envoie une copie de la dernière lettre que Monseigneur lui a écrite ; or sus, bonsoir. Ma très-chère fille Péronne, je vous recommande de bien vous soulager en vos lassitudes, et de bien franchement et cordialement faire la charité à votre petite Mère. Et bonsoir aussi, ma petite ; je vous [88] embrasse toutes de cœur amoureusement. Mes très-chères filles, ces petites lettres s'écrivent sans préjudice de la grande réponse que M. Michel portera.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Regret de ne pouvoir lui écrire, et désir de recevoir plus souvent de ses nouvelles. Exhortation à un abandon sans mesure au divin Sauveur.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], ce 26 février 1616.

Je vous assure, ma très-chère fille mon enfant, que nous n'avons pas eu moins de mortification que vous d'avoir tant arrêté sans vous écrire. Plusieurs semaines se sont passées sans en trouver la commodité, et, pour nous rafraîchir, nous allâmes donner nos lettres à madame de la Croix qui devait partir du jour au lendemain, et je pense qu'elle est encore à Rumilly ; elle vous les portera de bonne date. Ces petites mortifications viennent sans [être] mandées ; elles n'en valent que mieux à un bon cœur.

Mais que faites-vous aussi, ma très-chère Sœur ? car il y a fort longtemps que nous n'avons que de courtes et rares lettres de votre part ; vous avez été malade : dame ! il se faut tenir sur ses gardes, et faire en faveur de ces chères filles qui sont autour de vous ce que vous mandez que nous fassions, et je vous assure, à propos de ces incommodités corporelles, que nous nous portons assez bien. Il est vrai qu'il fâche à notre main d'écrire, depuis ce dernier accident qui eut son effort sur le côté droit. De cinq ou six lettres que nous devons écrire, nous avons commencé par ce billet, et je vous assure, ma fille, qu'elle me fait déjà si mal, que nous appréhendons de ne [89] pas faire ce à quoi la nécessité nous oblige ; c'est pourquoi vous n'aurez pas grand discours ; mais assurez-vous que nous ne laisserons passer aucune occasion sans vous dire un mot, car n'êtes-vous pas la chère fille de mon cœur, que je chéris parfaitement ? Oui, certes, et n'en faut jamais douter. Hé ! ma très-chère fille, abandonnons-nous bien et sans réserve à notre doux Sauveur, afin qu'il fasse de nous tout ce qu'il lui plaira ; je supplie sa bonté de répandre sur vous l'abondance de ses bénédictions, et sur toute votre chère Compagnie. Mandez-nous-en un peu des nouvelles ; je les salue très-amoureusement toutes, mais un peu à part ma chère petite cadette. Elle veut bien que je ne lui écrive pas pour ce coup ; je prie Dieu qu'il la fasse cheminer doucement et joyeusement. Je salue aussi madame Colin[80] et serait très-nécessaire de l'avoir associée à votre communauté, espérant que Notre-Seigneur lui donnera l'esprit d'humilité et de douceur. Je salue encore M. l'aumônier et tous les autres amis et amies. Je vous prie, ma très-chère fille, envoyez-nous nos Règles ; elles nous font grand'faute. Dieu soit votre tout, ma très-chère fille ; je suis en Lui toute vôtre sans réserve.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LII - À LA SŒUR PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

À LYON

La Sainte se réjouit de la victoire que cette Religieuse a remportée dans une épreuve. Témoignages de confiance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Enfin, ma pauvre très-chère Péronne, vous voilà hors du [90] combat, et, grâce à Dieu, avec la victoire ; la gloire en soit à Celui sans lequel nous ne pouvons rien. La faveur dont vous m'écrivez est très-grande et extraordinaire.[81] Il faut, ma fille, produire des fruits correspondants à une si particulière grâce, laquelle je crois que vous ferez très-bien de dire à notre chère grande fille, même pour sa consolation en sa charge. Quant à moi, je vous confesse, ma toute chère fille, que vos lettres me sont à utilité particulière. Je vous prie de m'écrire bien au long toutes vos pensées sur l'Institut, afin que, proposant tout à notre cher Père, il range toutes choses pour le mieux. [91]

LETTRE LIII - AUX SŒURS PÉRONNE-MARIE DE CHATEL ET MARIE-AIMÉE DE BLONAY

À LYON

L'amour parfait n'a plus de regard sur son propre consentement.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616],

Ma pauvre très-chère Péronne, et ma petite fille, à toutes deux je vous dis que vous êtes si très-avant dans mon cœur, qu'il ne se peut dire davantage ; mais ne le croyez-vous pas ? Oh ! Dieu, vous me dites oui de tout votre cœur, car vous savez bien qu'il est vrai. Mes chères enfants, aimons Notre-Seigneur tant que nous pourrons ; mais aimons-le et servons-le comme il veut, sans goût ni connaissance, s'il lui plaît, nous contentant de vouloir à jamais être toutes siennes. Je ne peux vous dire que ces trois mots ; agréez-les, mes chères amies, car ils partent du fond du cœur de votre indigne sœur et servante en Notre-Seigneur.

Frémyot.

Conforme à l'original gardé aux archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON'

Prudence à garder au milieu des contradictions que l'on suscite au monastère. Nouvelles de diverses personnes.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 14 mars [1616].

Enfin, le bon sire Pierre veut partir, ma pauvre très-chère fille ; il a beaucoup tardé selon votre affection, si je ne me trompe. Oui, j'ai reçu vos deux lettres de Chambéry, et vois [92] par elles toujours l'incertitude et irrésolution de plusieurs esprits. Il faut demeurer, de notre part, moyennant la grâce de Dieu, fermes, invariables et immobiles, surtout en la douceur et humilité, toujours prêtes à obéir, soit pour persévérer, soit pour se retirer, quand on voudra nous apprendre à faire ce que nous ne savons pas ; mais croyez, ma mie, et espérons en Dieu qu'il achèvera l'œuvre qu'il a commencée. Travaillons de notre côté, et n'oublions rien de tout ce qui sera en notre petit pouvoir, pour bien servir à la gloire de notre doux Maître, et lui dresser ces chères âmes avec le plus grand soin qu'il nous sera possible. Au reste, je ne vous dis rien davantage sur ce sujet, car notre bon Seigneur me dit qu'il vous en avait écrit une grande lettre. Tenez-vous bien sur vos gardes pour ne témoigner en façon quelconque que vous doutiez de rien, comme aussi il ne faut pas que vous le fassiez, parce qu'en toute bonne raison, il n'y a pas d'apparence que l'on puisse faire une religion comme il pense : aussi ne le fait-il que penser, ce bon Seigneur, et veut seulement avoir cette liberté, et cependant il ne nous en doit chaloir, puisque, comme il l'a écrit à notre bon Père et qu'il nous l'a dit, il veut que nos Règles soient observées là comme ici, ponctuellement. Il faut que vous marchiez en cette affaire généreusement et fidèlement devant Dieu, n'y prétendant que sa seule gloire. Mon Dieu, ma très-chère fille, que nous serons heureuses, quand nous nous contenterons en toutes choses delà très-sainte volonté de Dieu ! car bon gré, malgré les hommes, elle s'accomplira. Or, notre bon Père ne peut mettre la main aux Règles[82] qu'après Pâques ; mais il les fera magnifiquement, et Dieu veut que cette œuvre soit toute sienne. Il a un grand désir, mais je n'ose le presser, le voyant accablé d'ailleurs.

Non certes, ma fille, vous n'avez point fait de mal d'ouvrir [93] mes lettres, et je vous donne congé de le faire tout librement. Madame de la Croix est toute glorieuse et contente de la lettre que vous lui avez écrite. — Le Père dom Simplicien dit qu'il est toujours le même. Je fais tous vos honneurs ; faites bien les miens à tous nos amis et amies fort bravement et cordialement ; et bien grand merci de vos bonnes figues. — Madame de Thorens vous prie de lui envoyer une pièce d'étamine de dix ou douze livres ; payez-la, s'il vous plaît, et vous retiendrez l'argent quand on vous livrera celui de Besançon, qui sera bientôt, Dieu aidant, ayant écrit par voie sûre, qui est M. de Charmoisy. J'écris à M. Favre de Riom ; voyez la lettre, et, conformément à icelle, écrivez quand il en sera besoin à ces bonnes filles de Billom. — J'écris à la pauvre Sœur de Gouffier ; certes, j'ai pitié d'elle ; elle tracassera longtemps. — Nous attendons Mgr de Bourges[83] pour la grande semaine ou aux fêtes de Pâques, et force dames en ce temps-là. Adieu, ma mie, ma fille très-uniquement chère ; vous savez bien que je suis toute vôtre. Je finis afin d'avoir du temps pour ces autres lettres que j'envoie. Très-humbles saluts à Mgr l'archevêque, si vous le trouvez bon. Mon Dieu, notre bon Révérend Père recteur n'est-il point venu ? il m'en tarde. Adieu, mon cher enfant, encore une fois. Votre plus humble sœur et servante en Notre-Seigneur,

J.-Françoise Frémyot, de la Visitation.

Dieu soit béni !

Nos pauvres Sœurs vous saluent de grand cœur ; elles vous eussent écrit, mais nous sommes empressées à la broderie de notre devant d'autel de damas. Si mon neveu est là, je le salue comme mon enfant. Adieu derechef, ma vraie unique très-chère fille. Dieu soit votre tout. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LV - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Difficultés pour la construction de l'église. — Inquiétudes de la baronne de Thorens.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616].

Comme garderons-nous le bois de notre clocher, mon très-cher Seigneur, que messieurs de la ville veulent prendre ; comme aussi toute notre chaux et sable ? Et ils disent encore qu'ils nous feront refaire leur muraille. Nous avions pensé de prier M. de Travernay d'aller trouver Son Excellence pour cela, afin qu'elle nous garantît ; mais je désire, mon très-cher Père, de savoir si vous l'agréerez, et comme nous pourrons mieux faire.

Notre Marie-Aimée a été bien troublée sur ces nouveaux bruits [de guerre] et que son mari était de la partie. Nous l'avons consolée le mieux qu'il nous a été possible. Enfin, mon très-bon et très-cher Père, bienheureux sont les enfants de Dieu qui se sont retirés sous sa sainte Providence ! rien ne leur arrivera qui ne soit pour leur plus grand bien. Sa divine Majesté convertisse toutes ces afflictions à sa gloire et au salut de son peuple ! Amen.

Mon tout unique Père, ah ! le doux Jésus fasse régner dans notre cœur ce pur amour que nous y désirons si fort ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [95]

LETTRE LVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Nécessité de bien éprouver les vocations. — Les caractères mélancoliques sont peu propres à la vie religieuse. — La Sainte blâme une prétendante qui veut mettre quelques conditions à son admission. — But vers lequel doivent tendre les novices.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616].

Ma chère fille,

Votre lettre nous a certes bien touchée ! Dieu nous veuille donner la vraie vertu d'humilité, douceur et soumission ; car jamais il n'y a en cela de tromperie, et, où ces pièces manquent, il n'y a pas de fondement, mais pour l'ordinaire de la déception. Il n'y a rien à consulter, il faut mettre cette bonne femme dehors pour mille raisons, et gardez de vous laisser vaincre d'aucune raison humaine des parents, sinon que Dieu vous donnât lumière du contraire. Enfin, ma fille, il faut avaler le calice, et supporter le mépris pour nous maintenir dans notre pure observance ; mais, je vous conjure, agissez en ceci avec toute douceur et respect, sans rien dire qui puisse troubler ni affliger cette bonne femme.

Quant à mademoiselle N., certes, nous ne savons qu'en dire ; car nous craignons cette inégalité et mélancolie qui la rend sèche. Toutefois, vous ne pouvez faillir à la recevoir au premier essai, et lui dire librement qu'il faut qu'elle se laisse éprouver pour le moins quatre mois dans la maison, avant d'y recevoir l'habit. Quant à la condition qu'elle veut se réserver, se faisant Religieuse, d'être toujours avec vous, il n'en faut point parler. Le traité qu'elle prétend faire en se faisant Religieuse n'est pas l'achat d'une métairie, et par conséquent il ne faut point de glose ni de réserve en son contrat. Tout ce qu'elle se peut réserver, c'est la résolution de ne jamais faire sa [96] propre volonté, et de vivre doucement et humblement dans la Congrégation. Je vous conjure, ma vraie fille, dans tout ce tracas d'affaires, tenez votre cœur doux, humble, généreux et joyeux ; car Dieu requiert cela de vous.

Vous dites la vérité, ma chère fille, nos Sœurs [de Châtel et de Blonay] sont deux perles de vertu ; elles ne m'ont pas peu obligée de vous avoir bien ouvert leurs cœurs ; je ne doutais point de cela, et je m'assure que toujours plus vous en recevrez du support et de la consolation. Encouragez doucement le cœur de la chère cadette à se bien élargir et ouvrir avec les autres Sœurs, et de leur donner de la satisfaction ; elle le peut si elle se surmonte avec humilité et en regardant Dieu, lequel je supplie faire parvenir ses chères novices en l'amour de la correction, et leur en fasse faire du profit. Elles doivent aspirer à une grande pureté de vie et à se rendre familières autour de leur divin Époux. Je ne leur écris pas maintenant, il suffit que nous nous entretenions nous deux que Dieu a si intimement unies ensemble.

Dieu vous bénisse, mon cher enfant ! Je suis bien aise de voir l'état de votre cœur ; tenez-le diverti de toute inutilité et dans son unité avec Dieu, et vraie fidélité à sa règle ; car, ma vraie fille, Dieu vous a commise pour notre secours, et pour porter avec nous la charge que lui-même nous a imposée. Ne me dites pas que vous êtes sans consolation à cause de notre séparation. Je vous proteste que je vous écris beaucoup plus que je ne parle à nos Sœurs qui sont ici ; nous nous voyons, il est vrai, mais c'est tout, et il me semble que ce peu d'absence corporelle vous rend plus présente à nos esprits que si vous étiez ici. Au reste, ne faites jamais différence entre vous et nos Sœurs de céans, sinon que vous êtes plus chérie et plus soigneusement instruite. Or sus, ne vous plaignez donc plus d'être séparée, puisque Jésus-Christ est notre unique lien.

Votre, etc. [97]

LETTRE LVII - À LA MÊME

Obligation de bien former les sujets et de ne pas trop multiplier les nouvelles fondations. — De quelle importance est le choix des Supérieures.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 3 avril 1610]

Ma toute chère fille, à ce grand jour que le Seigneur a fait, je viens vous faire ce billet entre l'exhortation et Complies ; vous savez que je fais l'Office, et ne sais que vous dire, car, par empressement, je ne trouve pas votre dernière lettre ; je n'en perds point pourtant de celles de ma très-chère fille. Nous ne devons nullement payer les dettes de M. Condelot, et ne le lui ai point promis. Quant au bon serviteur de feu ma pauvre Sœur Marie-Renée (car je ne puis trouver son nom à présent ; ah ! il me semble qu'il s'appelle Gervais), vous savez qu'il ne faut point de jardinier chez Monseigneur[84] ; certes, je voudrais pouvoir servir ce bonhomme-là.

Je m'en viens d'aviser que j'ai beau chercher votre lettre, je l'ai donnée hier à Monseigneur, lequel avec moi, nous sommes d'un même sentiment, et m'a commandé, à la fin de son exhortation, de le vous mander, et vous dire de sa part qu'il se faut bien garder de s'engager à donner des filles pour faire des maisons, parce qu'en vérité nous ne le pouvons ; c'est pourquoi il faut demeurer ferme, et dire que celles qui voudront se servir de nous viennent se faire dresser à Lyon ou ici ; et puis après on les aidera de plus, si l'on peut alors ; car pour maintenant, derechef je vous dis qu'il ne se peut. Hélas ! pour moi, encore que je ne vaille rien, l'on juge que je ne puis ni dois quitter cette maison maintenant, et quand il y en aurait une [98] pour tenir ma place, que serait-ce ? Toujours ne pourrais-je servir qu'en un lieu, et on nous désire en plusieurs. Enfin, ma fille, croyez-moi, en cinq ans et demi, l'on ne saurait faire tant de Supérieures ; nous avons des filles de grande vertu, mais pour gouverner, ô Dieu ! qu'il faut de choses ! Et nous aimons mieux peu embrasser et mieux étreindre, que de faire des maisons à imperfection. Nos Règles ne seront point épargnées à celles qui désireront les avoir, mais oui nos personnes. Vous les aurez, ces chères Règles, sans faillir, Dieu aidant, à la première commodité ; mais non pas polies, car notre bon Père n'en peut sitôt prendre le loisir, et je pense encore pour nous reculer il lui vient un ouvrage sur les bras du côté de Thonon. Il y mettra pourtant les choses nécessaires, essentielles, selon le mémoire que vous avez vu. L'on demande ce billet, l'obéissance m'appelle ; adieu, ma fille, ma fille très-chère et très-chèrement aimée de mon cœur ; mille saluts à nos deux pauvres filles, et à tout le reste ; j'écrirai au premier loisir. Ceux que vous saluez vous resaluent. Vive Jésus. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LVIII - À LA MÊME

Les personnes qui demandent des fondations doivent connaître les Règles et le but de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 14 avril 1616.

Ma plus que chère fille, ne voilà-t-il pas une chose étrange ! Je vous écrivis hier avec la ci-jointe pour ma Sœur de Gouffier ; aujourd'hui, ce matin, quand je suis partie de ma cellule, je laisse sur la table cette lettre, et il est impossible de la retrouver ; personne n'entre ici sans congé ; nulle ne l'a vue que moi ; ne voilà-t-il pas qui est admirable ! car elle n'était point encore [99] fermée. Le vent l'aura emportée par-dessus le toit ; cependant, il est plus de six heures ; je n'écris plus le soir, en ayant reçu une obéissance absolue. Je ne sais ce que je vous disais, qui était des choses utiles ; me voilà tout empêchée, ma très-chère fille ; mais je refais ce billet sans loisir, et vous dis que j'ai toujours un extrême désir que vous ayez beaucoup de santé, c'est pourquoi je vous conjure d'en avoir du soin ; je sais de quelle importance cela est pour votre petite famille.

Voyez celle que j'écris à ma Sœur de Gouffier, puis fermez-la bien et lui envoyez avec la Règle, que vous ferez pour cela copier en toute diligence ; car enfin nous ne partirons plus sans que ceux des lieux qui nous voudront ne sachent bien ce que nous sommes. Si donc ces gens d'Auvergne vous la demandent, envoyez-la-leur avec conjuration qu'ils n'en fassent aucune copie, à cause que la dernière main du maître n'y a pas passé ; mais rien pourtant ne s'y changera de l'essentiel, ni de tous les exercices. À ceux qui demanderont l'approbation, comme font ces dames de Billom, dites-leur qu'on leur eût envoyé les bénédictions qu'il a plu au Pape de donner à notre Congrégation, n'était que Monseigneur a renvoyé à Rome pour faire réformer certains manquements qui ont été faits en l'expédition. Au reste, attendez voir si nous demanderons à Mgr de Lyon la copie de la permission du roi et sa permission pour nous établir à Moulins, parce qu'il administre le spirituel en attendant que Mgr d'Autun soit en âge.

Que saurais-je plus vous dire, ma fille tout uniquement chère, prou de choses, si j'avais le loisir. Le sire Pierre portera le reste, et à nos très-chères Sœurs que je salue tout cordialement, et tout autre qu'il vous plaira. Adieu, mon enfant ; Dieu soit notre tout. Amen.

Ma fille, encore ce mot : vous verrez par les ci-jointes comme nous ne refusons point tout à plat d'aller à Moulins, espérant qu'il se passera plusieurs mois avant que les choses soient en [100] l'état qu'il faut pour nous faire partir ; car enfin, chat échaudé craint l'eau froide.[85] Je vous dirai que la disposition de cette maison requiert fort ma résidence, et vous ai dit la résolution de Monseigneur par ma précédente ; mais je crois pourtant que s'il voyait tout disposé, il donnerait des filles ; car enfin ma Sœur J.-Charlotte [de Bréchard] est prou prête ; mais si vous pouvez, sans trop rien déclarer, tirer ces filles d'Auvergne à faire leur noviciat à Lyon ou ici, cela irait grandement bien, après quoi on leur donnerait des filles. Je vous écris sans haleine ; car, nonobstant la nuit, je viens d'écrire au Père Philippe.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LIX - À LA MÊME

La Mère Favre est priée de dire sa pensée sur la Sœur de Châtel. — Ligne de conduite à tenir pour une Religieuse dont les ravissements paraissent illusoires.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 30 avril 1616.

Ma très-chère fille,

Il n'y a remède, il faut boire doux comme lait cette mortification de ne pouvoir écrire par le sire Pierre ; j'ai su par hasard qu'il allait partir. Nous ne pouvons répondre à ces messieurs de Riom ; aussi ne sais-je pas encore ce que Monseigneur aura résolu pour eux, car il y a huit jours que je ne lui ai parlé ; je l'attends aujourd'hui pour cela, mais il sera trop tard, patience en tout. Je vous prie, ma fille toute chère, dites-moi un peu bien naïvement votre sentiment de notre Sœur Péronne-Marie ; vous en pourriez-vous passer d'ici à quelque temps ? la pourrait-on retirer des mains de Mgr de Lyon, sans le toucher ? pourrait-elle être Supérieure en quelque maison [101] où tout fût bien tranquille et arrêté ? Je lui trouve un cœur bon, ferme et absolument à Dieu, et un bon esprit ; qu'en dites-vous ? Voyez-vous, j'aime et estime cette fille-là : que m'en direz-vous, mon enfant ? car nous deux, nous ne devons avoir qu'un cœur ; si l'on m'emploie jamais à aller par le monde faire des fondations, il ne me semble pas que je me puisse passer d'elle, à cause de mes incommodités corporelles, et je la trouve à Dieu partout ; car nous disons toutes choses librement nous deux.

Or sus, je suis pressée, car cet homme va partir. Vous avez bien fait avec ces bonnes filles de Billom, je les aime bien ; notre Péronne [Marie] les irait bien servir six mois ou un an, car il ne leur faut que cela à elles.

Quant aux ravissements de ma Sœur N***, certes, pour dire selon mon sentiment, je les soupçonne et crains, ou crois que c'est la nature, et qu'il y a bien de l'imagination [sept lignes illisibles], ce qui me coûte un peu à dire et que je vous prie de rayer quand vous l'aurez vu ; je la doute un peu du côté de la naïveté et rondeur et vérité en ses actions. Peut-être ne sait-elle pas encore que la sainte simplicité ravit le Cœur de Notre-Seigneur.[86] Vous pouvez dire tout ce que je vous dis à notre très-bon Père recteur, lequel j'honore parfaitement, assurez -l'en ; mais ne dites rien à aucun autre. Et je pense, voire, que ce n'est pas une maligne duplicité et hypocrisie, oh ! non, sans doute ; mais je vois qu'elle se laisse un peu aller mollement, comme, par exemple : les bras lui affaiblissent un peu, et au lieu de les tenir fermement, elle les laisse aller mollement. [102] Enfin, ma fille toute chère, l'humilité et mortification de sa propre volonté, à quoi vous la devez exercer doucement, éprouvera quel esprit la conduit, et faut imperceptiblement la conduire à la créance que cela vient de la nature et non pas du diable, car cela l'épouvanterait, et aussi je ne le crois pas ; mais si elle ne se tient humble, il s'en pourrait bien mêler. Faites-la marcher le train des autres tant qu'il se pourra, et qu'elle aime et estime sur toutes choses les vraies et vivantes vertus. Tout ce que je vous dis, ne le faites que par l'avis de ce très-bon et très-digne Père recteur, et le lui dites ; car je n'en ai su parler avec Monseigneur, ni n'ai eu le loisir de le pouvoir penser ni digérer. Il faut finir, ma toute chère fille, en vous disant que vous preniez même avis de ce bon Père pour ma Sœur Péronne-Marie. Mon enfant, je n'ai loisir davantage ni de voir ce que vous me mandez ; mais je sais bien que je suis toute vôtre en Jésus et Marie, l’unique amour de notre vie. Amen. Mille saluts à tous et à Mgr de Lyon, s'il est à propos.

Ce dernier avril.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LX - À LA MÊME

Impression du Traité de l'Amour de Dieu. — La Sainte se prépare à faire une retraite. — Commissions pour le trousseau des deux Sœurs Jeanne-Françoise et Françoise-Agathe de Sales, novices à la Visitation d'Annecy. — Comment traiter avec Mgr de Marquemont.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], mai 1616.

Nous eussions bien voulu, ma toute chère fille, que le sire Pierre fût venu avant le départ de notre bon M. Michel [Favre], qui s'en va enfin avec ce béni livre[87] qui est un grand trésor : j'ai dit à ce fils qu'il vous dît bien toutes nos nouvelles, cela me [103] rendra courte, me remettant à lui. Oh ! qu'il va de bon cœur voir ces trois chères Sœurs ! Si vous êtes contente de ce voyage, certes moi aussi, car enfin vous m'êtes grandement chère. Je n'écris point à notre pauvre Sœur de Gouffier ; je pense qu'elle sera allée à la poursuite de son affaire, au moins je le désire. Je ne sais si nous répondrons à ces messieurs de Riom, à cause de l'accablement d'affaires qu'a noire très-bon Seigneur et Père. Certes, je voudrais qu'il ne se fit nulle fondation que les Règles ne fussent imprimées, 'afin qu'il n'y eût plus rien à recommencer. Mais il faut laisser gouverner notre grand et bon Sauveur, que je supplie très-humblement par sa douce bonté d'accomplir en nous sa très-sainte volonté. Or sus, ma pauvre fille, priez fort pour moi, car je désire, ces jours prochains, faire un peu de retraite et revoir ma chétive âme devant notre bon Père, n'ayant su, depuis mon retour, avoir la consolation de son assistance et entretien ; pour cela encore, je crains bien que ce ne soit à ce coup ; le saint vouloir de Notre-Seigneur soit fait.

Disons un mot de M. l'aumônier. Voyez, ma fille toute chère, il faut que vous lui persuadiez bien doucement de ne faire ici guère de séjour ; M. Michel ne pourra pas vous servir de confesseur, et faut craindre les ombrages qu'un long séjour pourrait apporter, vous m'entendez !... Dix ou quinze jours lui doivent bien suffire.

Si M. de Médio a la charge d'acheter la garniture de lit de nos Sœurs de Sales,[88] que ma Sœur Péronne-Marie prenne garde qu'il faut sept aunes de grossière serge pour les tours de lit, et que les matelas et couvertes, avec les tours de lit, ne montent qu'à cent francs les deux ; encore faut-il réserver de [104] quoi payer les bois des deux lits, et les tables et la chaise,[89] car vous savez que notre bon Seigneur n'a pas trop d'argent. Je ne sais que vous dire autre chose, ma toute chère fille ; l'Esprit très-saint veuille verser très-abondamment ses chères faveurs sur vous et toute votre petite troupe. Amen. Ma fille, croyez que vous tenez un maître rang au cœur de votre pauvre Mère ; aimez-la bien hardiment.

Retirez les Règles des mains de Mgr l'archevêque, et, s'il se peut, que le bon Père recteur les voie, et lui en parlez comme de vous-même, lui disant comme Monseigneur avait trouvé bon de nous mettre sous la Règle de Saint-Augustin, à telle fin que rien ne pût être changé de nos Constitutions, et en tirez son sentiment ; et lui dites toutes les objections de Mgr l'archevêque, car il fait maintenant celle du rejet des filles scandaleuses, et ne se voudrait contenter de la clausure [clôture] telle qu'elle est au concile de Trente. Il faut avoir une grande patience, car ce prélat est si bon que rien plus. Que si jamais vous le voyez en propos de ce sujet, si vous osiez lui dire que s'il eût embrassé cet Institut avec amour et sans témoigner son dégoût, la maison de Lyon serait pleine : c'est la vérité, ma fille, que s'il l'embrasse à bon escient, que Dieu en sera fort glorifié ; et je crois qu'il le fera quand la chose sera arrêtée ; mais il a son esprit ainsi infini en pensées et en réflexions. Ne lui témoignez rien de ce que je vous dis qu'il propose en ces deux points, de la clausure et du rejet des filles obstinées.

O Dieu ! ma vraie fille tout uniquement chère, je suis votre plus humble sœur et indigne servante en Notre-Seigneur.

Sœur J.-F. Frémyot, de la Visitation.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [105]

LETTRE LXI - AUX SŒURS PÉRONNE-MARIE DE CHATEL ET MARIE-AIMÉE DU BLONAY

Elle leur recommande la parfaite indifférence dans tous les états de la vie intérieure, et l'obéissance pour ce qui concerne le soin de leur santé. — De quelle manière on peut communiquer les lumières reçues à l'oraison. — Conseils pour l'état de sécheresse et d'impuissance.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1616.]

Ma très-chère fille,

Je commence à vous répondre par la vôtre dernière, puis je remonterai autant qu'il me sera possible à la précédente. Dieu, s'il lui plaît, me donnera ce qu'il lui plaira que je vous dise.

Et premièrement, ma chère fille, je vous dis ce que Notre-Seigneur désire de vous et de nous toutes, c'est l'humble et tranquille soumission à sa très-sainte volonté en toutes les choses qui nous arrivent sans exception, et lesquelles infailliblement sa divine Providence nous envoie pour sa plus grande gloire et notre utilité. Donc qu'il nous soit dorénavant indifférent d'être en santé ou maladie, en consolation ou désolation, en jouissance ou privation de ce qui nous est de plus cher, et que notre cœur n'ait plus qu'un seul désir, qui est que la très-sainte volonté de Dieu se fasse en nous, de nous et sur nous. Et partant ne philosophons point sur tout ce qui nous peut arriver ou aux autres ; mais, comme j'ai déjà dit, demeurons douces, humbles et tranquilles en l'état que Dieu nous mettra ; en la peine, patienter ; en la souffrance, souffrir ; en l'action, agir, sans penser que nous faisons des fautes en ceci ni en cela ; car ce n'est que l'amour-propre qui fait telles réflexions. Au lieu de tout cela, regardez à Dieu, employant fidèlement les occasions de pratiquer les diverses vertus selon qu'elles se présenteront. Quand vous aurez manqué par lâcheté ou infidélité, point de trouble, point de réflexion ; mais demeurez doucement [106] confuse et abaissée devant Dieu, vous relevant soudain par un acte de courage et de sainte confiance.

Or sus, ma fille [Péronne-Marie], faites bien ainsi, et ma petite fille [Marie-Aimée] aussi, car je sais que vos cœurs ne se cachent rien ; c'est pourquoi cette lettre vous sera commune. Et dorénavant, à cause de mon peu de loisir, je vous écrirai toujours ensemble, sinon que vous témoigniez désirer que pour quelque chose particulière et extraordinaire je vous réponde à part ; en ce cas-là, je le ferai de tout mon cœur, car je suis toute vôtre, et croyez que je vous aime parfaitement, et que j'ai ma bonne part de la mortification de votre absence, encore certes que vous m'êtes présentes selon l'esprit plus que jamais. Ce grand Dieu fait cela, et en sa sainte volonté tout nous est doux.

Vous, ma Péronne, et la petite Sœur, si l'occasion en vient, rendez-vous extrêmement souples à recevoir les soulagements quand vous aurez des incommodités corporelles, mais voyez-vous, soit pour le lever, coucher ou manger, quoi que ce soit, soyez simples à obéir sans discourir.

Ma chère Péronne, marchez fermement votre ancien chemin pour l'intérieur et l'extérieur, et quand l'on vous fera ces petites questions : Quel point d'oraison [vous prenez] et semblables, dites hardiment les choses que vous avez faites ou pensées autrefois en cette façon : « J'ai pensé ou fait telle chose en l'oraison, en me promenant, étant dans le lit, etc., » mais ne dites pas : « Aujourd'hui ou à telle heure j'ai fait telle chose » ; car il n'est pas nécessaire de dire le jour que l'on a fait telle action, mais simplement : « J'ai fait cela, j'ai vu telle chose. » Et vous pouvez sans scrupule nommer oraisons toutes vos bonnes pensées et élévations d'esprit ; car en effet c'est oraison, et même toutes nos actions sont oraisons quand nous les faisons pour Dieu. Il suffit de saluer notre bon Ange soir et matin, la sainte attention à Dieu et à Notre-Dame comprend tout, car les [107] bienheureux esprits sont enclos en cet abîme de divinité, et il est de plus grande perfection d'aller simplement.

Quand une novice vous demande : « Que pensez-vous ? » répondez en vérité : « Je pense à Dieu », sans dire (si ce n'est pas) : « Je pensais à la Passion » et semblables ; car sans doute, marquant particulièrement un sujet, nous mentirions, s'il n'était pas ainsi. Vous édifierez toujours assez de répondre simplement : « Je pense à Notre-Seigneur », et ajoutez, par exemple : « Mon Dieu, qu'il serait heureux celui qui aurait toujours cette sainte Passion ou Nativité devant les yeux ! »

Je ne vois plus rien à vous dire, mais oui bien encore un mot à ma petite. Je vous prie, ma très-chère Sœur, ne vous mettez en souci de rien de ce que vous sentez ou ne sentez pas, et ceci soit dit pour une fois. Servez Notre-Seigneur comme il lui plaît, et tandis qu'il vous tiendra au désert, servez-l'y de bon cœur ; il y tint bien ses chers Israélites pendant quarante ans pour faire un voyage qu'ils pouvaient accomplir en quarante jours. Soyez là de bon cœur, et vous contentez de dire et pouvoir dire, quoique sans goût : « Je veux être toute à Dieu et ne jamais point l'offenser » ; et quand il vous arrivera de chopper, comme il fera sans doute (fût-ce cent fois le jour), relevez-vous par un acte de confiance. De même pour le prochain, contentez-vous de le vouloir aimer et d'avoir le désir de lui désirer et procurer tout le bien qui vous serait possible, et faites doucement ce que vous pourrez autour de lui. Enfin cheminez hardiment au chemin où Dieu vous conduit ; il est très-assuré, encore que vous n'y ayez pas toutes les clartés et satisfactions que vous voudriez ; mais il est temps de renoncer et quitter pour Notre-Seigneur toutes telles prétentions et affections, et marcher comme aveugle dans cette divine Providence ; croyez qu'elle vous conduira bien. Or sus, adieu, notre bon M. Michel [Favre] vous dira de nos nouvelles. Dame ! savez-vous, je le vous recommande, car j,e l'aime de tout mon cœur, c'est notre [108] cher frère et enfant tout nôtre. Millions de saluts tout cordials à ces très-chères filles de mon cœur, un peu en particulier à celles que vous savez, et à toutes, car certes je les aime toutes sincèrement. Adieu, mes filles chèrement aimées.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXII - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY,

À LYON

Veiller à l'impression du Traité de l'Amour de Dieu, et supporter courageusement les petites mortifications.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Rien que ce billet, et vous en contentez, s'il vous plaît, mon cher fils, encore ne sais-je si l'on me donnera le loisir de l'achever.

La clef de l'armoire ne s'est point trouvée pour y prendre celle de votre coffre, pour prendre les Agnus Dei.

Je n'ai nul loisir de parler à Monseigneur, mais sitôt que je le pourrai, vous êtes assuré que je le persuaderai que vous ne bougiez de là que ce cher livre ne soit imprimé ; et prenez patience, mon fils, vous rendant grandement soigneux qu'il ne s'y fasse point de fautes. Au reste, je m'essayerai cependant de disposer ici les esprits contrariant le vôtre ; mais, voyez-vous, il ne faut plus être enfant, ains devenir brave et généreux, souffrant les petites mortifications.

Je salue étroitement M. Rigaud[90] et sa femme, je le remercie de son offre en l'acceptant de tout mon cœur ; bientôt il aura le reste du livre, et je lui écrirai. [109]

Il est force de finir, adieu. Vivons tant qu'il se pourra en l'amour et volonté de ce Sauveur. Je suis en Lui votre humble fille et servante.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXIII - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Elle lui demande des nouvelles de sa santé et exprime le désir de prolonger de quelques jours sa retraite annuelle.[91]

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616].

Comment vous portez-vous, mon pauvre très-unique Père ? Toujours mieux moyennant la grâce de Dieu, n'est-ce pas ? Hé Dieu ! oui, s'il vous plaît, mon bon Sauveur, et pour longtemps je vous prie que cette chère santé de mon Père soit bien [110] établie. Or bien nous en parlerons de cela ; mais cependant, me pourrez-vous dire oui ou non simplement et courtement de ce que je vous ai demandé ? Mes quatre jours sont passés auxquels vous m'aviez marqué ce que je ferais, et je vous rends compte en ces deux derniers petits feuillets de ce qui s'est passé ; car les deux premiers, c'est ma confession en laquelle vous n'entendrez rien. Pourrai-je encore demeurer quelques jours en ma chère solitude, y continuant cette dernière affection ? J'y aurais bien de l'inclination pour un peu bien accoiser mon esprit en Dieu ; car vraiment j'ai été un peu distraite ces jours passés, et si bien votre mal ne m'a pas donné de l'inquiétude, il m'a donné de la douleur et de la distraction ; à trois diverses [111] fois, l'on m'en parla assez pour me toucher jusqu'au fond. Quand l'on me disait enfin qu'il était dangereux, pensez, mon très-cher Père, où cela allait. Oh bien ! Notre-Seigneur m'assiste, qu'il soit béni !

Mon très-cher Père, un mot de vos nouvelles, et si je demeurerai ou non en ma petite retraite ; car, pour le reste, il se fera à loisir. Je demande ce mot pourvu qu'il n'incommode rien ; autrement ma Sœur Marie-J. me le dirait bien. Bonjour, mon pauvre très-cher Père, le doux Jésus soit votre tout !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DE SAINT FRANÇOIS DE SALES À SAINTE DE CHANTAL

EN RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE

Ma très-chère Mère, je sais bien qu'il me faudra demeurer encore aujourd'hui en solitude et silence, et peut-être demain ; si ce n'est, je préparerai mon âme, comme la vôtre, ainsi que je vous dis. Je veux bien que vous continuiez l'exercice du dépouillement de vous-même, vous délaissant à Notre-Seigneur et à moi, Mais, ma très-chère Mère, entrejetez, je vous prie, quelques actions de votre part, par manière d'oraisons jaculatoires, en approbation du dépouillement, comme par exemple : Je le veux bien, Seigneur ; tirez, tirez hardiment tout ce qui revêt mon cœur. O Seigneur, non, je n'excepte rien, arrachez-moi à moi-même. O moi-même, je le quitte pour jamais, jusqu'à ce que Monseigneur me commande de te reprendre. Cela doit être doucement entrejeté, mais fortement.

Encore ne faut-il pas, s'il vous plaît, ma très-chère Mère, prendre aucune nourrice : ains quitter celle néanmoins que vous aurez, et demeurer comme une pauvre petite chétive créature devant le trône de la miséricorde divine et demeurer toute nue, sans demander jamais ni action ni affection quelconque pour [112] la créature ; et néanmoins vous rendre indifférente à toutes celles qu'il lui plaira vous ordonner, sans vous amuser à considérer que ce sera moi qui vous servirai de nourrice ; car autrement, prenant une nourrice à votre gré, vous ne sortiriez pas de vous-même, ains feriez-vous toujours votre compte, qui est néanmoins ce qu'il faut fuir sur toutes choses.

Les renoncements sont admirables : de sa propre estime, même de ce que l'on était selon le monde (ce qui n'était en vérité rien, sinon en comparaison des misérables), de sa propre volonté, de sa complaisance en toutes les créatures et en l'amour naturel, et en somme de tout soi-même, qu'il faut ensevelir dans un éternel abandonnement, pour ne le voir ni savoir jamais plus, comme nous l'avons vu et su ; ains seulement quand Dieu le nous ordonnera, et selon qu'il le nous ordonnera.

Écrivez-moi comme vous trouverez bonne cette leçon. Dieu me veuille à jamais posséder ; Amen, car je suis sien ici et là où je suis en vous, comme vous savez, très-parfaitement ; car vous m'êtes indivisible, hormis en l'exercice et pratique du renoncement de tout nous-mêmes pour Dieu.

François, Évêque de Genève.

LETTRE LXIV - AU MÊME

Elle expose les dispositions de parfait abandon que l'Esprit-Saint lui a données pendant la retraite.

[Annecy, 1616].

Hélas ! mon unique Père, que cette chère lettre me fait de bien ! Béni soit Celui qui vous l'inspira ; béni soit aussi le cœur de mon Père es siècles des siècles !

Certes, j'ai un extrême désir, et, ce me semble, une ferme résolution de demeurer en ma nudité, moyennant la grâce de [113] mon Dieu, et j'espère qu'il m'aidera. Je sens mon esprit tout libre, et avec je ne sais quelle infinie et profonde consolation de se voir ainsi entre les mains de Dieu. 11 est vrai que tout le reste demeure fort étonné ; mais faisant bien ce que vous me dictez, mon unique Père, comme je ferai sans doute, Dieu aidant, tout ira toujours mieux.

Il faut que je vous dise ceci : mon cœur chercherait, si je le voulais laisser faire, à se revêtir des affections et prétentions qu'il lui semble que Notre-Seigneur lui donnera ; mais je ne le lui permets nullement ; de sorte que ces propositions ne se voient que de loin ; car enfin il me semble que je ne dois plus rien penser, désirer ni prétendre que ce que Notre-Seigneur me fera penser, aimer et vouloir, ainsi que la partie supérieure me l'ordonnera ; car, pour l'inférieure, je suis exacte à ne la point regarder.

Mon Dieu nous veuille fortifier par sa douce bonté, et nous faire accomplir parfaitement ce qu'il désire de nous, mon très-cher Père.

Que Jésus vous fasse un grand Saint ! et je le crois ainsi. Bénie soit sa bonté de votre guérison et bon repos !

Bonjour, mon vrai Père. Ce soir je vous manderai de mes nouvelles.

LETTRE DE SAINT FRANÇOIS DE SALES À SAINTE DE CHANTAL

EN RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE

O Jésus ! que de bénédictions et de consolations à mon âme de savoir ma Mère toute dénuée devant Dieu ! Il y a longtemps que j'ai une suavité nonpareille quand je chante ces Répons : Nu je suis sorti du ventre de ma mère, et nu je retournerai là. Le Seigneur me l’a donné, le Seigneur me l'a ôté, le nom du Seigneur soit béni.

Quel contentement à saint Joseph et à la glorieuse Vierge [114] allant en Égypte, lorsqu'en la plupart du chemin ils ne voient chose quelconque, sinon le doux Jésus ! C'est la fin de la transfiguration, ma très-chère Mère, de ne plus voir ni Moïse ni Élie, mais le seul Jésus-Christ. C'est la gloire de la sacrée Sulamite de pouvoir être seule avec son seul Roi, pour lui dire : Mon Bien-Aimé est à moi, et moi je suis à Lui. Il faut donc demeurer à jamais toute nue, ma très-chère Mère, quant à l'affection, bien qu'en effet nous nous revêtions ; car il faut avoir notre affection si simplement et absolument unie à Dieu, que rien ne nous attache à nous. Oh ! que bienheureux fut Joseph l'ancien, qui n'avait ni boutonné ni agrafé sa robe, de sorte que, quand on voulut l'attraper par icelle, il la lâcha en un moment !

J'admire avec suavité le Sauveur de nos âmes sorti nu du ventre et du sein de sa Mère, et mourant tout nu sur la Croix, puis remis dans le giron de sa Mère pour être enseveli. J'admire sa glorieuse Mère, qui naquit nue de maternité, et fut dénuée de cette maternité au pied de la Croix, et pouvait bien dire : Nue j'étais de mon plus grand bonheur quand mon Fils vint en mes entrailles, et nue je suis, quand, mort, je le reçois dans mon sein. Le Seigneur me l'a donné, le Seigneur me l'a ôté, le nom du Seigneur soit béni. Je vous dis donc, ma chère Mère, que béni soit le Seigneur qui vous a dépouillée. Oh ! que mon cœur est content de vous savoir en cet état si désirable ! et je vous dis comme il fut dit à Isaïe : Marchez et prophétisez toute nue, ces trois jours. Persévérez en cette nudité de demeurer auprès de Notre-Seigneur. Il n'est plus besoin que vous fassiez des actes, s'il ne vous vient au cœur, ains que seulement vous chantiez doucement, si vous pouvez, le cantique de votre nudité : Nue je suis née du ventre de ma mère, et ce qui s'ensuit.

Ne faites plus aucun effort ; mais, fondée sur la résolution d'hier, allez, ma très-chère fille, et oyez et inclinez votre oreille : [115] oubliez toute la peuplade des autres affections et la maison de votre père, car le Roi a convoité votre nudité et simplicité. Demeurez en repos là, en esprit de très-simple confiance, sans seulement regarder où sont vos vêtements ; je dis regarder avec attention ou soin quelconque.

Bonjour, ma très-chère Mère. Vive Jésus ! dénué de Père et de Mère sur la Croix ! Vive sa très-sainte nudité ! Vive Marie ! dénuée de Fils au pied de la Croix !

Faites doucement les insensibles acquiescements de votre nudité, ne faites plus d'efforts, soulagez votre corps suavement. Vive Jésus ! Amen.

François, Évêque de Genève.

LETTRE LXV - AU MÊME

Sublime disposition de dénûment intérieur.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Mon cher Père,

M. Grandis[92] m'a dit aujourd'hui que nous eussions encore bien soin de vous, que vous ne deviez plus faire une si grande diète, qu'il fallait bien vous tenir et contre-garder de près, à cause de la fluxion qu'il faut craindre. Je suis bien aise de toutes ces ordonnances, et de ce que vous garderez votre solitude, parce qu'elle sera encore employée au service de votre cher esprit. Je n'ai pu dire notre, car il me semble n'y avoir plus de part, tant je me trouve dénuée et dépouillée de tout ce qui m'était le plus précieux.

Mon Dieu ! mon vrai Père, que le rasoir a pénétré avant ! Pourrai-je demeurer longuement dans ce sentiment ? au moins [116] notre bon Dieu me tiendra dans les résolutions, s'il lui plaît, comme je le désire. Hé ! que vos paroles ont donné une grande force à mon âme ! que celles-ci m'ont touchée et consolée où vous me dites : « Que de bénédictions et consolations votre âme a reçues, de me savoir toute dénuée devant Dieu ! » Oh ! Jésus vous veuille continuer cette consolation, et à moi ce bonheur !

Je suis pleine de bonne espérance et de courage, bien paisible et bien tranquille. Grâce à Dieu, je ne suis pas pressée de regarder ce que j'ai dévêtu ; je demeure assez simple, je le vois comme une chose éloignée, mais il ne laisse pas de me venir toucher, soudain je me détourne. Que béni soit Celui qui m'a dépouillée ! que sa bonté me confirme et fortifie à l'exécution quand il la voudra. Quand Notre-Seigneur me donna cette douce pensée, que je vous mandai mardi, de me laisser à Lui, hélas ! je ne pensai point qu'il commencerait à me dépouiller par moi-même, me faisant ainsi mettre la main à l'œuvre ; qu'il soit béni de tout et me veuille fortifier !

Je ne vous disais pas que je suis avec peu de lumière et de consolation intérieure ; je suis seulement paisible partout, et semble même que Notre-Seigneur, tous ces jours passés, avait un peu retiré cette petite douceur et suavité que donne le sentiment de sa chère présence. Aujourd'hui encore, plus ou moins, il me reste fort peu de chose pour appuyer et reposer mon esprit ; peut-être que ce bon Seigneur veut mettre sa sainte main par tous les endroits de mon cœur pour y prendre tout et le dépouiller de tout ; sa très-sainte volonté soit faite !

Hélas ! mon unique Père, il m'est venu aujourd'hui en la mémoire qu'un jour vous me commandiez de me dépouiller ; je répondis : « Je ne sais plus de quoi », et vous me dites : « Ne vous l'avais-je pas bien dit, ma fille, que je vous dépouillerais de tout ? » Oh Dieu ! qu'il est aisé de quitter ce qui est autour de nous ! mais quitter sa peau, sa chair, ses os, et pénétrer dans [117] l'intime de la moelle, qui est, ce me semble, ce que nous avons fait, c'est une chose grande, difficile et impossible, sinon à la grâce de Dieu. La seule gloire donc lui est due et lui soit rendue à jamais.

Mon vrai Père, si ne me revêts-je point sans votre congé de cette consolation que je prends à vous entretenir. Il me semble que je ne dois plus rien faire, ni avoir pensée, ni affection, ni volonté, qu'ainsi qu'elles me seront commandées.

Je finis donc en vous donnant mille bonsoirs, et vous disant ce qui m'est venu en vue. Il me semble que je vois les deux portions de notre esprit n'être qu'une, uniquement abandonnée et remise à Dieu. Ainsi soit-il, mon très-cher Père, et que Jésus vive et règne à jamais ! Amen. Ne vous avancez point de vous lever trop tôt ; je crains que cette sainte fête[93] ne vous fasse faire un excès. Dieu vous conduise en tout.

LETTRE DE SAINT FRANÇOIS DE SALES À SAINTE DE CHANTAL

EN RÉPONSE À LA PRÉCÉDENTE

Tout cela va fort bien, ma très-chère Mère. C'est la vérité, il faut demeurer dans cette sainte nudité, jusqu'à ce que Dieu vous revête. Demeurez là, dit Notre-Seigneur à ses Apôtres, jusqu'à ce que d'en haut vous soyez revêtus de vertu. Votre solitude ne doit point être interrompue jusqu'à demain après la messe. Ma très-chère Mère, il est vrai, votre imagination a tort de vous représenter que vous n'avez pas ôté et quitté le soin de vous-même, et l'affection aux choses spirituelles ; car n'avez-vous pas tout quitté et tout oublié ? Dites, ce soir, que vous renoncez à toutes les vertus, n'en voulant qu'à mesure que Dieu vous les donnera ; ni ne voulant avoir aucun soin de les acquérir, [118] qu'à mesure que sa bonté vous emploiera à cela pour son bon plaisir.

Notre-Seigneur vous aime, ma Mère ; il vous veut toute sienne ; n'ayez plus d'autre bras pour vous porter que le sien, ni d'autre sein pour vous reposer que le sien et sa Providence. N'étendez votre vue ailleurs et n'arrêtez votre esprit qu'en Lui seul. Tenez votre volonté si simplement unie à la sienne, que rien ne soit entre deux. Ne pensez plus ni à l'amitié, ni à l'unité que Dieu a faite entre nous, ni à vos enfants, ni à votre cœur, ni à votre âme, enfin à chose quelconque ; car vous avez tout remis à Dieu. Revêtez-vous de Notre-Seigneur crucifié, aimez-le en ses souffrances et faites des oraisons jaculatoires là-dessus. Ce qu'il faut que vous fassiez, ne le faites plus parce que c'est votre inclination, mais purement parce que c'est la volonté de Dieu.

Je me porte fort bien, grâce à Dieu. Ce matin j'ai fait commencement à ma revue, que j'achèverai demain. Je sens insensiblement, au fond de mon cœur, une nouvelle confiance de mieux servir Dieu en sainteté et justice tous les jours de ma vie, et je me trouve aussi nu, grâce à Celui qui est mort nu, pour nous faire entreprendre de vivre nus. Oh ! ma Mère, qu'Adam et Eve étaient heureux, tandis qu'ils n'eurent point d'habits ! Vivez tout heureusement paisible, ma très-chère Mère, et soyez revêtue de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Amen.

François, Évêque de Genève.

LETTRE LXVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE ! À LYON

Quelques détails sur une indisposition de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], ce 28 mai [I616].

Ce n'est pas pour vous écrire, ma très-chère fille, puisque le [119] départ de cet honnête homme me surprend ; ce n'est simplement que pour vous donner le bonjour de très-grand matin avant que d'être habillée, et vous assurer que notre très-bon et cher Seigneur se porte bien, autant toutefois que le peut permettre le mal qu'il a eu, lequel fut court, mais très-dangereux : c'était une grande inflammation de gosier dans lequel on craignait qu'il se formât un apostème qui l'eût peut-être étranglé ; vous pouvez penser, ma fille toute chère, si cela me fut une bonne mortification en ma solitude. Oh ! Dieu soit béni, qui me maintint sa paix parmi tant de douleurs ; Il nous l'a conservé et le conservera longues années, s'il lui plaît. Je vous écrirai grandement à la première occasion, car j'y prends plaisir quand je le puis faire. Cependant, que ce mot soit aussi pour réponse à M. Michel, mon cher bon fils, auquel (et à celle chère âme que vous avez nouvellement auprès de vous) je ne puis écrire, mais je les salue de toute l'affection de mon cœur, avec vous et toutes nos chères Sœurs. Je suis toute vôtre sans réserve. Vive Jésus ! Que mon fils[94] envoie ces petits livres de l’Imitation de Jésus.[95]

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [120]

LETTRE LXVII À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D’ANNECY

À LYON

Arrangements à prendre pour l'impression du Traité de l'Amour de Dieu.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 30 mai 1616.

Vous me dites, mon très-cher Père, que l'on ne se peut persuader que, sur les lettres que l'on m'a écrites, j'aie été trompée ; cela n'empêche pas que cela ne soit la vérité, mais mes inconsidérations méritent plus de blâme. Oh ! grâce à Dieu, Monseigneur s'est rendu à notre première requête.

De retrancher rien des livres que nous demandons,[96] nous ne le pouvons ni devons faire, me semblant qu'il ne serait pas raisonnable que nous les achetassions. Donnez, mon cher Père, adresse à ces deux billets, écrits avant la réception des vôtres, car de voir leurs lettres, il n'y a moyen. Bonsoir, mon très-cher Père, mille saluts à tous ; recommandez, s'il vous plaît, la lettre de M. Guichard au Révérend Père de Villars.[97] Je suis, par affection maternelle, votre vraie mère, et votre fille très-humble en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [121]

LETTRE LXVIII - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Crainte de nouveaux changements dans la récitation de l'Office divin.

VIVE † JÉSUS!

[Annecy. 1616.]

Mon très-cher Père,

L'on vient de nous dire tout maintenant que demain matin il part un homme pour Lyon ; si vous pouvez, écrivez, je vous supplie, un mot à Mgr de Lyon, mais de bonne encre ; car il me semble que cette affaire est de si grande importance pour cette maison, qu'elle mérite d'être pressée. Mon très-cher Père dira que je suis toujours ardente ; oh ! certes, je le serais de bon cœur pour ceci, si j'y pouvais quelque chose. Il me semble qu'il ne faut point témoigner à Mgr de Lyon que l'on ait nulle sorte de doute de ne pas obtenir l'Office, et ne sais pour cela si je lui en dois parler, ains seulement de nous faire avoir ces dépêches, selon que le Père[98] a écrit qu'on l'avait accordé. Voilà ce que j'écris, car il faut aller souper. Vous me manderez ce que je dirai de plus, s'il vous plaît, mon vrai et très-cher Père. Que Dieu vous fasse très-parfaitement saint en toute votre âme.

Nos filles iront-elles demain vous trouver, et à quelle heure ?

Bonsoir, mon pauvre très-cher Père.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [122]

LETTRE LXIX - À LA MÈRE JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Saint François de Sales se résout à solliciter l'érection de la Visitation en Ordre religieux. — Quelle estime faire de sa vocation. — Joie que donne l'annonce d'un prochain voyage de la Mère Favre à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], juin 1616.

Ma très-chère fille ma mie,

Il faut que perpétuellement vous me pardonniez et toutes nos chères Sœurs à qui je dois des lettres ; car n'ayant pas du loisir de reste pour tenir mes lettres prêtes, je suis contrainte d'écrire sans haleine, puisque je suis mal avertie. Je croyais que le sire Pierre ne partirait que demain, et l'on me vient dire qu'il s'en va ; en tout il faut avoir patience ; mais, si, avais-je à vous écrire beaucoup et grand désir d'écrire à mon fils, M. Michel, et à nos Sœurs ; M. l'aumônier emportera tout cela.

Donc vous êtes maintenant assurée de la volonté de notre bon Seigneur touchant la religion, je veux dire la conversion de notre Congrégation en Religion, aux conditions qu'il nous a marquées, qui sont toutes saintes et dont la résolution est invariable. Il y a longtemps que l'on a offert ce parti à Mgr de Lyon et [il] ne voulait pas qu'on le sût, car, je vous prie, que nous importera-t-il de faire nos vœux solennels ou publics comme nous les faisons ; d'être appelée Religion ou Congrégation ? Certes, cela ne nous importe ; au contraire, nous avons toujours témoigné de le vouloir, mais toujours avec cette invariable réserve de ne rien changer de la fin de notre Institut, ni des moyens de parvenir à cette fin, lesquels nous avons tenus jusqu'à maintenant, grâce à Dieu, à sa gloire, à l'utilité du prochain ; et qui ne nous voudra comme [123] cela, qu'on nous laisse ; nous ne prions et ne recherchons personne de nous prendre, ains nous serons très-contentes de demeurer humblement en notre petitesse, et plus mille fois qu'autrement si la gloire de Notre-Seigneur ne nous en tirait. Voilà donc, ma très-chère fille, votre esprit tout éclairci pour ce sujet, et vous pourrez satisfaire ceux qui vous parleront. Oh ! je désiré bien fort que notre cher et Révérend Père recteur sache bien tout et qu'il en die en charité son sentiment à Monseigneur et sur tous les articles, car Monseigneur le désire, d'autant que c'est un grand homme de bien et capable ; il m'a semblé voir en la lettre qu'il m'a écrite la dernière, qu'il croyait tout le contraire de ce qui est ci-dessus. Au reste, ma fille très-chère, s'il y a moyen, faites que Mgr l'archevêque écrive à Monseigneur sa résolution sur sa dernière lettre, parce qu'il nous importe pour l'affaire de Rome ; mais ne lui témoignez pas cette particularité, ni même que nous ayons mandé de la solliciter, voilà tout pour ce sujet.

Oh ! ma très-chère fille, qu'il nous faut, de vrai, avoir un grand et ferme courage pour aimer et servir notre bon Dieu tout de bon, car nous y sommes infiniment obligées. Oh Dieu ! quelle grâce il nous fit, il y a six années, de nous appeler à cette manière de vie si propre, si convenable au sexe, pour parvenir à la vraie perfection ; il soit béni à jamais ce divin Sauveur. Je vous assure, ma vraie première et très-chère fille, que je tâche aujourd'hui de fort renouveler mon cœur afin de vivre dorénavant selon la très-sainte volonté de Dieu. Croyez-moi, ma fille, vous m'êtes grandement chère et précieuse, et j'ai un désir incomparable que vous vous dépouilliez fort de tout ce qui n'est point Dieu, et que, n'ayant qu'un seul cœur, vous le conserviez tout entier pour le seul Sauveur qui a donné sa chère vie pour obtenir notre amour et notre salut.

Voyez-vous, ma chère fille, je vous aime grandement et ces deux filles qui sont auprès de vous, et toute la chère petite [124] troupe ; vous m'êtes grandement présente, et j'ai autant de soin de vous servir en tout ce qui me sera possible, que celles qui sont autour de moi ; ne le croyez-vous pas ? il est bien vrai. Faites gaiement là votre petit service ; rien ne se fait ici qui ne se fasse là.

Il est vrai, ma fille, j'ai un extrême désir que nous animions nos Sœurs, afin que les prémices de l'esprit que Dieu répand ici et là soient bien employées ; mais partant il faut aller toujours avec douceur et suavité, supportant nos petites imbécillités et faiblesses, car nous ne sommes ni ne serons jamais sans cela.

O Dieu ! ma toute chère fille, quelle joie se répandit hier dans mon cœur, quand j'entrevis quelque espérance de vous revoir, et quel bruit et émotion ne se fit-il pas dans notre récréation à la nouvelle que j'en donnai[99] ! Certes, c'est chose admirable de l'amour que vous portent toutes ces filles ; mais, voyez-vous, ne faut-il pas que je laisse épancher mon cœur de ce côté-là, craignant la douleur si elle n'arrivait pas ? Hélas ! notre pauvre Péronne, il faudra bien la renvoyer à [Annecy] si le mal lui continue, qu'elle se rende là inutile, et que le changement d'air lui soit propre. Dieu sait comme nous la recevrons de bon cœur, mais je crains qu'elle ne fasse encore faute à votre petit ménage ; toutefois, Dieu pourvoira à tout.

Je serais bien aise que vous ne donnassiez l'habit à la bonne N*** dès qu'elle n'ait fait ses six semaines ; si l'on me donne le loisir, je lui ferai un billet, sinon son humilité me supportera, et sa charité aura soin, je l'en prie, de prier Dieu qu'il me donne la grâce d'être toute sienne.

Mille saluts, ma fille ma mie, à toute la chère troupe, un peu à part à nos deux filles, au Révérend Père recteur, au cher neveu et à qui il vous plaira. Mais, mon Dieu, j'admire ma Sœur de [125] Gouffier, nous lui écrirons par le retour de M. l'aumônier, car enfin elle perd son temps, et je suis étonnée de ce qu'elle ne nous écrit point. Oui, elle perd son temps. Adieu, ma mie, ce jour saint de la fête de Saint-Claude. Votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation de Chambéry.

LETTRE LXX - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Difficultés suscitées pour l'achat des moulins du duc de Nemours.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Bonjour de tout mon cœur, mon très-cher Père très-unique ; j'ai à vous dire maintenant qu'avant-hier je parlai à M. Dufresne, par le conseil de M. Flocard, pour les moulins de Monsieur[100] ; il y trouve une grande difficulté, mais non pas impossibilité ; c'est pourquoi la grande utilité que cela apporterait à cette maison ne peut me permettre de quitter cette poursuite qu'à l'extrémité. Il vous en parlera aujourd'hui, mon très-cher Père, à ce qu'il me dit ; voyez bien, s'il vous plaît, tout ce qui s'en pourra espérer, car M. Flocard ne doute point que la chose ne puisse réussir, en toutes les façons qu'il se pourra.

Il faudra bien, mon très-cher Père, que je vous voie aujourd'hui moi-même, car ma Sœur de Gouffier presse fort sa réponse pour l'affaire de Moulins[101] ; je lui ai déjà mandé votre absence, mais le départ du sire Pierre à demain nous donnera sujet de lui répondre.

Cependant, mon très-unique Père, je vous donne derechef million de bonjours. Le doux Jésus soit à jamais au milieu de notre cœur !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [126]

LETTRE LXXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Annonce de la réponse de saint François de Sales à l'archevêque de Lyon. — Sage direction de la Mère Favre à ses filles. — Projet pour un changement de maison. — Réponse au sujet de la communion. — Avis pour une affaire d'intérêt.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 2 juillet 1616,

Ma pauvre chère fille,

J'ai su ce soir, en entrant à table, cette commodité de vous écrire ; de la perdre, il n'y a pas moyen, et je viens d'écrire premièrement ces quatre lettres ci-jointes que vous ferez tenir. Notre cher et très-digne Père répond couramment et brièvement à Mgr l'archevêque, et je m'assure qu'il vous mande que oui ; enfin il faut se sacrifier pour Dieu et pour sa gloire, à laquelle très-assurément toute cette affaire réussira grandement et n'en faut point douter.[102] Mais il faut que ce bon prélat donne promptement, s'il lui plaît, sa conclusion, parce que nous sommes persécutées de gens qui demandent nos Règles, et de les leur donner qu'elles ne soient conclues, il n'y a plus d'apparence. Ma fille mon enfant, ce bon prélat ne vous dit rien qu'il ne m'eût dit, je vous assure ; or il faut que tout se passe doucement et quasi imperceptiblement parmi les Sœurs.

Il ne sera que bon que toutes ces filles d'Auvergne fassent leur noviciat vers vous, et ne doutez rien, Dieu fournira tout ce qu'il faudra. Je crois que ces lettres que j'écris les arrêteront et accoiseront pour quelques semaines. Quant à ma Sœur ***, vous la conduisez à mon goût, et ce qui est le mieux, selon celui de Dieu, si je ne me trompe ; continuez et travaillez pour la gagner à Notre-Seigneur, j'espère qu'il vous en consolera. Ce coup de ma Sœur *** est admirable et fait voir la condition de son esprit. Dieu, qui vous a assistée jusqu'ici, vous aidera toujours, et je pense qu'enfin elle sera bonne fille, et je suis consolée de la savoir remise, et du bon dessein de N***, Dieu l'y confirme.

Certes, mon cher enfant, je suis bien aise qu'on vous fasse des charités ; saluez-la bien, notre bonne mère,[103] de ma part ; je suis sa très-humble servante, et du Père Philippe bien fort, et toutes nos amies ; enfin vous me faites un plaisir incroyable de me mander ainsi toutes vos petites affaires. Au reste, ma fille, je n'avais pas reçu de vos lettres il y avait huit jours, et vous me mandez que vous m'avez tant écrit ; je n'ai pas reçu trop de lettres, mais ce n'est pas par reproche, non. Je vous ai déjà écrit que la chère Sœur était guérie, grâce à Dieu. Marie-Aimée se porte fort bien ; l'autre aussi[104] est bien enrôlée [en bon chemin].

Choisissez bien votre maison avant que changer ; la maison verte est bien sèche et éveillée, si je ne me trompe. Nous prierons pour cela ; mais priez aussi pour obtenir les places qui nous sont nécessaires. Je n'ai encore rien vu de ce que les marchands ont apporté ; leur balle se dépliera demain seulement. Mon Dieu ! que j'aime tendrement ces filles qui sont autour de vous et qu'elles me sont chères ! assurez-les-en bien. Que je leur souhaite de sainteté et de pureté, mais surtout à leur pauvre petite Mère, que j'aime comme mon cœur, et à qui je ne recommande rien, sinon qu'elle s'étreinsse [se plonge] bien en la confiance de son Sauveur, et qu'elle se repose en Lui de toutes choses et se tienne joyeuse et en santé. Et quant à la sainte communion, ô ma fille, faites-la tant que vous voudrez par extraordinaire sans ordinaire, sinon qu'il n'y a point de [128] doute qu'il la faut faire trois fois la semaine, ce n'est pas trop pour vous. Il faut que je vous dise que si quelquefois vous pouvez prendre la confiance de dire quelque chose à N***, je pense que cela déchargerait un peu votre cœur.

L'impression du livre tire trop à la longue, Rigaud a tort. Au reste, en confiance je vous dis qu'il faut que vous disposiez imperceptiblement M. l'aumônier à ne demeurer ici que huit ou dix jours, quand il y viendra ; je ne vous en dis pas davantage, vous devinerez prou. Faites bien qu'il m'excuse si je ne lui écris. — Au reste, quant à cet argent de Lyon, pour Dieu parlez au marchand, et lui dites qu'il fasse savoir à celui de Besançon qu'il y a trois mois que la quittance est là, et qu'il ne nous tienne plus en longueur. Je voudrais encore que vous écrivissiez au Père Placide (qui demeure au couvent réformé de Saint-Benoît de Besançon) le tort que ces gens nous font, et que pour Dieu il y mette ordre. Je n'en puis plus, mon enfant, c'est pourquoi je finis, Dieu soit notre tout. Je suis toute vôtre d'une façon incomparable. Jour de Notre Dame.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LXXII (Inédite) - À LA MÊME

Comment se conduire à l'égard de Mgr de Marquemont, au sujet des changements qu'il voulait introduire à la Visitation. — La dot des Religieuses ne doit être reçue qu'après leur profession.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 13 juillet 1616.

Eh ! mon Dieu, ma très-chère fille, que je suis marrie de quoi le sire Pierre nous surprend ainsi, car j'aurais grande envie de savoir de Monseigneur s'il n'était point besoin de répliquer quelque chose à Mgr de Lyon, sur ce que vous me dites qu'il vous mande. Il faut, je pense, toujours faire entendre [129] doucement que les bons enfants ne se divisent jamais de leur mère ; que telles que l'on sera ici nous serons là-bas, et que vous vous assurez que Mgr de Lyon aura pour vous autant de temps que l'on en a donné ici pour apprendre le grand Office, qui est sept ans ; que pourvu qu'il se trouve des forces suffisantes aux filles, il se trouvera assez de bonne volonté pour obéir... (sous-entend, dès que l'on convertit la Congrégation en Religion). Enfin dites ce que Dieu vous inspirera ; car d'entre-ci à sept ans il arrivera quelque chose, et l'on en pourra encore avoir sept autres, voire plus.[105] — Dieu m'aide, ma fille, car voilà Monseigneur qui vient dire adieu à madame Rochette, et il m'a dit que vous deviez écrire vous-même à Mgr de Lyon ; faites-le donc, mon enfant, encore que je ne vous envoie point de copie, car je n'en ai pas le loisir, et parce que le pauvre Père dom Juste[106] n'avait pas la patience requise pour bien faire mettre dans les expéditions tout ce qui était requis, Monseigneur veut que vous conjuriez saintement Mgr de Lyon d'obtenir pour toutes les maisons que l'on dira seulement le grand Office, ainsi que les prêtres le disent, sans être obligées à l'Office des morts, à celui de Notre-Dame, aux sept psaumes que les Religieux disent à certains temps et jours, lui remontrant que ce serait chose impossible de s'obliger à cela ; qu'il verra, quand il sera de retour, ce que c'est que de la force de ces filles, et ce que Dieu vous inspirera, et à M de Saint-Nizier qu'il serait bon qu'il se joignit avec vous. Monseigneur ne mettra dans les Constitutions que le seul grand Office, car la Règle de Saint-Augustin n'en ordonne point, mais il sera toujours plus assuré [130] pour arrêter les chimères du monde qui fantaisie sur tout. Au reste, je ne sais si c'est une Providence divine, que je me suis toujours oubliée de vous dire, qu'il ne faut jamais rien prendre des dots des novices qu'elles n'aient fait profession, car le saint Concile l'ordonne ainsi ; c'est à propos de ma Sœur Élisabeth. Ma fille ma mie, je suis contrainte de finir. Adieu, à toutes, mon enfant ; je suis vôtre du tout, du tout.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LXXIII (Inédite) - À LA MÊME

Ferme résolution de maintenir la liberté de l'Institut. — Il n'y a que l'autorité du Saint-Siège qui puisse faire changer la Règle. — Nouvelles diverses.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Ayant achevé de lire votre chère lettre que je viens de recevoir, ma pauvre chère fille, je vous dis de tout mon cœur que je serais très-grandement mortifiée, si l'on rompait le dessein de votre venue.[107] Oh ! certes, il faut par-dessus tout aimer la très-sainte volonté, et nous le voulons aussi, ma plus que très-chère fille ; mais nous croyons que ce l'est bien aussi, et qu'elle recevrait de la gloire en notre commune utilité. Il ne faut point se trop attendre à me voir au mois d'octobre ; car, pour vous le dire ingénument, quoi que l'on vous die, assurez-vous que nous ne partirons pas d'ici que tout ne soit bien assuré pour continuer notre petite manière de vie aux lieux où l'on nous appellera, et que, dans les permissions ou licences, rien n'y [131] soit obscur ni à double entente. Je le vous dis clairement, ma chère fille, il n'y a que la souveraine autorité du Saint-Siège qui nous fasse jamais rien changer ; car ce qui est résolu est résolu, ainsi que vous savez. Mais quoi, le Pape n'a garde de nous forcer à dire ce que nous ne savons pas et que nous ne saurions jamais apprendre. En tout le très-saint vouloir de Dieu soit fait.

Je ne puis cesser d'admirer N*** [madame de Gouffier] ; elle a une bonne intention que Dieu convertira à sa gloire, mais elle a pourtant tort de se plaindre de nous, qui n'avons reçu de ses nouvelles, il y a quatre mois, et sommes les dernières qui avons écrit ; je lui ferai un mot pourtant, si je puis, car je l'aime grandement cette fille-là. Faites-moi réponse, quand vous pourrez, du sentiment du Père recteur et du Père Grangier. M. l'aumônier[108] n'a dit adieu à personne de céans, dont je fus un peu mortifiée, car j'aime et honore grandement ce bon homme ; nous ne l'avons vu ni parlé qu'à moitié nos dents, il m'en a été en mal : c'est une vraie bonne âme, conservez-moi en la souvenance de ses prières ; j'y ai confiance, je ne l'oublie jamais aux miennes petites. Faites-le bien prier pour notre affaire de Rome, et faites que discrètement il s'enquière des Ursulines, si celles de Paris disent le grand Office.

Je pensais vous écrire une longue lettre, mais les dames de Sainte-Catherine m'ont pris tout mon temps. Il faut finir, ma toute chère fille, et obtenir tout doucement de ce bon prélat [de Lyon] l'accomplissement de notre désir. Il n'y a moyen de s'en dédire ; ma chère fille, dix ou douze jours sont bientôt passés, Dieu ne nous éconduira pas. Ma fille, je ne puis davantage écrire ; mille saluts à tous, à toutes nos très-chères bien-aimées Sœurs. À notre bon M. Michel, point de billet pour ce coup, [132] mais de grands et cordials saluts. Très-humble révérence à Mgr l'archevêque, au Père recteur, quand vous les verrez, et à tout autre. Adieu, ma très-chère fille ma mie ; je suis votre plus humble sœur et servante très-fidèle en Notre-Seigneur.

Jeanne-Françoise Frémyot, de la Visitation.

Dieu soit béni !

Une autre main :

Notre chère Mère n'a pas le loisir de vous dire, chère Sœur, que vous êtes d'une très-bonne conscience, comme sa grand'mère, et que vous fassiez un mémoire exact de tout ce que vous envoyez, car elle ne veut en façon quelconque vous être en rien redevable. Bonsoir, pauvre Sœur, venez vitement pour mon contentement.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LXXIV (Inédite) - À LA MÊME

Maternelles inquiétudes. — Désir de connaître la pensée du Père recteur des Jésuites sur les Règles de la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 15 juillet 1616.

Que veut dire, ma très-chère fille ma mie, que vous nous tenez en si longue attente de votre arrivée ? Nos Sœurs sont en perpétuelle émotion dès que l'on sonne ou heurte un peu fort. Il faut bien qu'il vous soit arrivé quelque chose, car M. Michel nous avait écrit que vous deviez partir le jeudi, 7 de ce mois ; or sus, il faut prendre patience. Je ne peux pourtant vous écrire de rien, sinon que si d'aventure vous n'êtes partie, que vous tachiez de savoir si les Ursulines de Paris disent le grand Office, et que vous fassiez avertir madame de la Cluse qu'elle envoie [133] de la laine noire pour tracer ses montants, et du fond pour ses chaises, et des soies si elle veut qu'on les mette.

Sachez aussi de mon petit cher neveu, de ses nouvelles, pour me les bien rapporter, s'il vous plaît, et ce qu'il sait de Mgr de Bourges et de mon fils. Adieu, ma mie, ma très-chère fille ; nous vous attendons avec extrême désir de vous voir, et votre pauvre compagne. Mon Dieu ! qu'il y aura de joie ici ! Souvenez-vous d'apporter le sentiment du Père recteur sur nos Règles, s'il se peut. Adieu, ma mie, à Dieu soyons-nous éternellement, sans exception ni réserve. Oh ! qu'heureuses sont les âmes qui sont tout à Dieu, et qui en vérité peuvent dire : Jésus est tout mon bien, et je suis toute sienne ! Je vous ai fait ce billet sans loisir. Mille saluts à toute la chère troupe. Je suis toute vôtre sans réserve en Celui qui s'est donné à nous.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LXXV - À MADAME DE GOUFFIER[109]

Départ des Sœurs fondatrices de Moulins.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 17 juillet 1616.

Ce n'est pas pour vous écrire, ma très-chère fille, que je vous fais ce billet ; car je laisse à Monseigneur de répondre à vos [134] lettres, et puis pensez si nous sommes empressées autour de nos Sœurs de Lyon [Favre et de Châtel] qui nous arrivèrent à soir. Dieu soit béni de tout ce que vous écrivez, et que l'œuvre pour laquelle vous avez tant travaillé vous soit une couronne précieuse ! Que la gloire du Sauveur en soit accrue, et notre consolation augmentée en le servant !

Certes, ma chère fille, si cette gloire de Dieu et votre réputation n'eussent été fort mêlées en cette occasion, nous n'eussions nullement fait le coup que nous faisons de vous envoyer de nos Sœurs pour les raisons que ma Sœur Jeanne-Charlotte vous dira, qui sont inflexibles, et l'eussent été pour tout autre que pour vous maintenant ; car Lyon nous a appris comme il faut marcher. Mais quel moyen de manquer au cœur et au désir de cette fille qui est une partie de nous-même ? Dieu soit votre unique partage et le nôtre pour l'éternité !

Ces filles que nous vous envoyons, car il est impossible que je quitte pour maintenant cette maison, elles seront à Lyon, Dieu aidant, le 29 de ce mois, et vous les pourrez aller prendre le 5 ou 6 août, mais non pas plus tôt ; nous vous écrirons par elles derechef. Dieu soit notre amour, et notre amour soit tout à Jésus éternellement !

Adieu, ma fille ; je vous embrasse en esprit de toutes les forces de mon âme, de laquelle je suis entièrement vôtre ; mais ne nous engagez plus au combat, jusqu'à ce que nous soyons [135] bien armées de toutes les pièces requises. Il vaut mieux peu de maisons, et [les avoir] bonnes, que beaucoup et mal accommodées.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXVI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

MAÎTRESSE DES NOVICES À LYON

Toutes nos actions sont mêlées d'imperfections ; ne pas s'étonner de ses faiblesses ni s'en fâcher. — Éviter toute curiosité et réflexion sur les voies de Dieu, et s'affectionner à la pratique des vertus solides. — Conseils pour l'oraison.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Qui en doute, petite, que toutes nos actions ne soient mêlées de mille imperfections ? Nous devons croire cela et nous en humilier, mais non jamais nous en étonner ni s'en fâcher ; mais aussi ne s'y faut-il point amuser, ains promptement s'en détourner, après avoir fait l'acte intérieur de la très-sainte humilité. Ni aussi vous ne devez plus regarder à vos sentiments ; mais, voyez-vous, que je ne vous entende plus parler de cela ; employez-les tous au service de l'humilité et abaissement de vous-même devant Dieu, vous tenant en sa présence comme un vrai rien, et ainsi faisant, il n'y a nul mal, mais de la souffrance, à tous ces sentiments dont vous me parlez. Voire, il en est de même de ce défaut de tendreté, mais qu'importe-t-il, je vous prie, si vous êtes dure ou tendre ? Qui ne voit que c'est le seul amour-propre qui voudrait ses satisfactions en cela ? Pour Dieu, ne m'en parlez donc plus, et aimez votre abjection et la très-sainte volonté de Dieu qui vous a donné ce naturel ; et puis, si vous êtes aimée ou non, réservée ou large, tout doit être indifférent. [136]

Ne faites point l'ignorante, et essayez de parler à qui que ce soit en la présence de Dieu, et selon qu'il vous l'inspirera.[110] Si vous êtes satisfaite de ce que vous direz, votre amour-propre sera bien aise ; si, moins, il y aura de quoi pratiquer la sainte abjection.

Et enfin, mettez-vous au train de l'indifférence, et me retranchez, mais très-absolument, ces réflexions et regards que vous faites sur vous-même ; je vous ai déjà tant dit cela.

Je crois bien, dah ! que vous ne savez pas répondre à ces filles qui demandent la différence qu'il y a entre union et contemplation. Oh ! vrai Dieu, et comment est-ce que ma Sœur [la Supérieure] leur souffre cela, et vous, en son absence ? Bon Jésus ! où est l'humilité ? Il faut donc leur retrancher cela, et leur donner les livres et entretiens qui traitent de la pratique des vertus, et leur dire qu'il faut se mettre à faire, et puis elles parleront de ces choses si relevées ; car, par l'exercice des vraies et solides vertus, les clartés arrivent de la part de Celui qui est le Maître des humbles, et qui se plaît avec les âmes simples et pures, et enfin quand elles seront Anges, elles parleront angéliquement.

Pour ce qui est de l'oraison, demeurez en paix sans vous travailler d'y vouloir faire autre chose sinon de demeurer là auprès de Notre-Seigneur ; mais je vous l'ai déjà tant dit autrefois. Enfin, il faut être la sage statue, ne voulant absolument que ce qu'il plaira à Dieu ; et quand sa bonté vous donne cette lumière de ce que vous y devez faire, en faut-il perdre la mémoire, et changer de posture quand les sentiments n'y sont plus ? Nullement, il ne faut faire cela. Or enfin il faut avoir l'esprit de simplicité, et ne plus tant se regarder, mais aller à la bonne foi. [137]

Vous avez bien satisfait votre amour-propre d'écrire tout ceci. Je ne veux pas vous renvoyer votre papier, encore que je croie que vous en serez mortifiée. Vivez toute à Dieu simplement.

J'aime fort notre Sœur Barbe-Marie[111] ; soyez soigneuse de lui retrancher ce soin superflu qui l'empresse sur son avancement et le salut du monde.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Aimable reproche sur son retard à écrire. — Bienveillance du prince Victor-Amédée pour saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 15 août 1616.

Ce n'est que pour vous faire la correction, ma mie, que je vous écris ce billet, et vous dire que vous ne nous traitiez point comme cela de laisser passer les occasions d'écrire sans le faire. Certes, si je vous tenais, je vous embrasserais bien serrée pour [138] vous mortifier.[112] Oh ! bien, je pardonne tout le passé, mais n'y retournez plus. Ne savez-vous pas que j'aime bien ma pauvre vieille fille et ses lettres aussi ? De moi, je pense que vous êtes partie pour Moulins, mais il me tarde bien que je sache comme tout est allé. Écrivez-nous bien au long et de la chère et très-aimée Sœur de Gouffier. Je ne puis lui écrire, je suis sans loisir ; ce n'est pas pourtant que la venue de M. le prince [de Piémont][113] m'occupe, encore que je l'aime bien, parce que l'on dit qu'un jour il sera saint, au moins s'il persévère.

Je crois, au moins je m'en doute, que Monseigneur n'écrira point. Il est grandement occupé et ce prince l'aime grandement, et lui en est tout amoureux. Dieu mette ici une bonne paix. Nous avons force malades ; le reste est gaillard et de bonne volonté.

Adieu, ma très-chère Sœur ma mie, vous voyez que c'est à traits de plume que j'écris. Je salue cordialement nos très-chères [139] Sœurs que j'aime tendrement. Faites que toutes prient bien pour la santé de Monseigneur, pour la perfection de cette manière de vie et pour mes misères. Adieu derechef. Jésus soit notre unique amour et le Roi souverain de notre cœur. Je suis en Lui votre plus humble servante.

Frémyot, de la Visitation.

Jour de l'Assomption Notre-Dame. Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXVIII - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Sollicitude pour le voyage d'une prétendante.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Voilà qui va le mieux du monde, mon très-cher Père et Seigneur, car ceux qui reviendront prendre la bonne madame Favrot[114] viendront en assurance. Il faudra bien que M. de la Thuile [Louis de Sales], mon très-cher frère, apporte enfin au moins la réponse, parce que, sans cette commodité, ma Sœur Favrot se résolvait de prendre ici des chevaux pour s'en aller. [140]

Eh ! bonjour, mon très-unique Père, voilà un bouquet. Que plût au bon Dieu que la très-sainte charité et pureté régnassent parfaitement en ce cœur qui est ici ! Jésus soit la vie de notre âme et son Roi souverain ! Amen, mon très-cher Père.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXIX - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Joie de sa guérison. — Avec quel désintéressement on doit procéder pour la dot dans la réception des sujets. — Il faut témoigner peu d'empressement pour les fondations.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], ce 4 septembre [1616.]

Hélas ! ma très-chère fille, que nous avons eu bon marché de votre maladie ; je loue Dieu qui nous a mandé les nouvelles de la santé avec celles de l'accroissement du mal ; car hier au matin nous reçûmes deux paquets qui portaient l'une et l'autre nouvelles, comme aussi n'avons-nous encore rien d'assuré de la maladie de notre pauvre Sœur Barbe-Marie [Le Blanc]. Dieu soit béni encore une fois de vous savoir toutes guéries. Sachez, ma fille, que votre santé n'est pas vôtre ; laissez-la gouverner par ma Sœur Marie-Aimée, et gouvernez la sienne en contre-échange, et celle des autres. Avant-hier M. de Saint-Pierre nous vint trouver et nous dit la persévérance de sa cousine ; je lui promis de vous écrire que vous la gratifiassiez en tout ce qu'il vous serait possible, et je vous en prie.

Certes, il ne faut pas être si tenace, elle a sept cents écus, on pourrait bien s'accommoder à cela, gardant deux mille francs pour sa dot et deux cents francs pour le reste ; ce serait bien peu, mais je crois que la mère donnera l'habit de la profession et quelques pièces de toile ; enfin, si elle est brave fille, [141] il ne faut pas regarder de si près. Vrai Dieu ! nous qui recevons des demoiselles qui n'ont que cent ducatons ! Dieu bénit la charité que l'on fait à celles qui le désirent ; faites votre pouvoir, ma fille, pour alentir ce désir que l'on a tant aux choses temporelles.[115] Au reste, je vous prie, [une ligne illisible] j'en suis en peine ; Dieu, par sa toute bonté, les gouverne ; elles auront prou d'affaires, ainsi que me mande N***,[116] Si ceux de [Riom] persévèrent, sans doute, Dieu aidant, nous leur enverrons des filles qui les serviront bien au mois de mai, lesquelles seront : ma Sœur Marie-Madeleine [de Mouxy] avec la petite Paule-Jéronyme [de Monthoux], et une brave novice, car ils en demandent une, sinon il nous fera grand bien de demeurer [de les garder] pour quelque autre ville. Si je n'y suis pas absolument nécessaire, je n'irai pas ; car je crois que d'ici là nous aurons douze ou quinze novices, si la guerre ne les retient, et des filles d'élite. Adieu, ma plus que très-chère fille ; je suis uniquement toute vôtre. Vive Jésus !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [142]

LETTRE LXXX - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Annonce d'une visite.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 8 septembre 1616.

Mon très-cher Père,

Voilà le marquis venu, il ne désire pas de voir cette pauvre femme céans. Je lui ai fait mander qu'il y vînt ; et elle a ajouté qu'après qu'elle lui aurait parlé ici, elle pourrait, s'il désirait, le voir en votre logis. S'il vient, je l'assisterai, et lui dirai ce que Dieu me donnera.

Plaise à la très-sainte Vierge Notre-Dame de prendre notre cœur pour son berceau ! O Dieu ! mon très-cher Père, le suave et précieux trésor !

Bonjour, mon Père, plus que très-uniquement cher.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXXI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Inquiétudes pour la fondation de Moulins ; prévoyances pour celle de Riom. — Sollicitude pour la santé de la Sœur de Châtel. — Nouvelles de diverses personnes.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 17 septembre 1616.

Ma très-chère fille ma mie, je vous le dis confidemment, je suis bien en peine de nos Sœurs [de Moulins]. L'esprit de ma Sœur***[117] est un terrible esprit ; je crains qu'elle n'ait encore reçu celle que nous vous envoyâmes. Je vous conjure de leur faire porter diligemment, mais très-sûrement, ce paquet ; [143] que si vous ne trouvez bonne commodité, envoyez homme exprès, lui donnant de l'argent pour la moitié de son voyage, et écrivez à ma Sœur [de Bréchard] qu'elle lui donne pour s'en revenir ; nous payerons ce que vous donnerez. Loué soit Dieu de tout, nous apprendrons à nos dépens.

Faites que vous sachiez dextrement si ceux de Riom continuent à nous vouloir ; car si cela est, il faudra que M. l'aumônier aille jusque-là pour voir les choses spirituelles et temporelles, si elles sont bien disposées ainsi que nous l'espérions. Sachez si les filles de Sainte-Ursule disent le petit Office de Notre-Dame au chœur ou en particulier, et ayez à reprendre votre patience avec le bon Mgr l'archevêque qui vous exercera ; je le salue en toute révérence. Ne doutez qu'aussitôt que nous pourrons, vous n'ayez des nouvelles de Rome. Je ne puis écrire pour le coup à M. [Austrain] ; mais disposez le selon que vous le jugerez à propos ; c'est une enfant terrible que cette petite !

Dieu vous donne bonne fortune et accroisse votre nombre ; je suis bien aise de cette brave prétendante. Je ne fais pas état de répondre à vos lettres, je n'en ai pas le loisir ; car outre que ce porteur presse, il est passé midi ; il faut aller dîner, car il me semble que je vois ma fille toute tendre qui me dit : Ma pauvre chère Mère, il faut dîner et ne point écrire à votre cadette ; et j'obéis simplement, encore que je voudrais bien autrement.

Je ne sais ce qu'il en sera des lassitudes de la pauvre Sœur Péronne-Marie [de Châtel], les médecins y perdent leur science ; j'en suis bien marrie, car elle servirait bien, c'est un bon cœur. Je loue Dieu de ce que tout va bien chez vous. Mille saluts à tous, et un mot de nouvelles de Mgr de Bourges et du fils,[118] si Mgr l'archevêque les a vus. Adieu, ma mie ma fille [144] toute chère. Vive Jésus et sa sainte Mère ! Amen. Ce 17 septembre. Hélas ! ma fille, l'on défait le paquet, et la petite Marie-Aimée,[119] qui mange la dragée selon votre désir, ma très-chère fille, vous salue bien doucement de tout son cœur : elle ne savait point que l'on écrivît à ma très-chère fille. Que Dieu vous fasse toute sainte. Je vous recommande derechef ce paquet de Moulins.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LXXXII - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Motifs qui portent les saints Fondateurs à solliciter l'exemption du grand Office pour la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1616.]

Hélas ! mon pauvre très-cher Père, que le temps m'est long de ne rien entendre de vous ! Il me semble, quand les petits billets ne viennent pas, que vous êtes bien empêché ; mais je ne me plains ni ne veux me plaindre, seulement je veux dire, mon très-cher Père, que si vous écrivez au Père dom Juste,[120] [145] vous le priiez de faire considérer surtout la fin de notre Institut ; car si l'on nous donne ce grand Office, les femmes et filles âgées et de débile vue, comment l'apprendront-elles ? N'y a-t-il pas céans des Sœurs qui sont venues seulement pour cela ; et ne faut-il pas que ceux qui tiennent le gouvernail de la sainte Eglise aient soin de pourvoir de bergeries, aussi bien pour les agneaux que pour les brebis, et que l'on ait soin des malades aussi bien que des saines ? Certes, si l'on considère mûrement comme il faut ce point-ci, et que la charité se doit exercer également sur les âmes qui ont des corps faibles, comme sur celles qui ont des corps robustes, il sera impossible de rien rayer. Enfin, mon très-cher Père, inculquez au Père que surtout il fasse comprendre la fin de cet Institut, et que les moyens marqués pour y parvenir sont uniques. Je vous parle sans loisir de penser ce que je vous dis, mais vous m'entendrez prou ; que si nous eussions pu écrire au Père dom Juste, nous l'eussions fait et longuement. Il est nuit ; bonsoir, mon très-cher Père, tout uniquement bon.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXXIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Recevoir avec simplicité les soulagements nécessaires à la santé. — Nouvelles de la communauté d'Annecy et des poursuites faites à Rome pour l'érection de la Visitation en Ordre religieux. — Fermeté déployée à l'égard d'une enfant incorrigible.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 28 septembre 1616.

Ma très-chère fille,

Je viens de recevoir vos lettres, et premièrement je vous dis touchant l'aversion que vous avez à recevoir les soulagements [146] que l'on désire, qu'il la faut absolument surmonter, et user d'une douce condescendance ; car enfin vous les édifierez mieux par là qu'en tracassant et faisant votre propre volonté contentieusement. Il faut dire simplement, naïvement et véritablement vos incommodités ; au partir de là, obéir ; et qu'elles fassent de même en leurs incommodités, autrement vous leur apprendrez d'être opiniâtres sous le prétexte d'un grand courage. Ne voilà-t-il pas dire naïvement la vérité à ma très-chère fille ?

Dieu sait si je suis consolée de ce que notre petite cadette fait si bien. Ma Sœur Péronne-Marie fait aussi sa charge avec un soin et utilité nonpareils.[121] Il fait bon prêcher avec les actions de vertu, outre qu'elle dit fort bien ce qu'il faut ; mais elle ne peut arracher cette impression de son insuffisance, laquelle se convertira en confiance.

Si les troubles n'empêchent, nous aurons une douzaine de novices cette année. O Dieu ! que je désire qu'il nous vienne de braves esprits, et capables d'être dressés au gouvernement des autres ; car, voyez-vous, Notre-Seigneur étendra fort cette petite Congrégation. Quel honneur et quel bonheur d'être sacrifiées et consacrées au service de la gloire de ce divin Sauveur et de ses chères Épouses !

Ma fille, surtout l'humilité, la douce charité parmi les Sœurs, avec la bonne observance des Règles.

Nos affaires sont bien acheminées à Rome ; Dieu fera réussir heureusement cela, je l'espère de sa bonté, puisqu'il y a tant d'apparence que ce sera sa gloire.

Nous sommes toujours attendant des nouvelles de N.[122]. Hélas ! que j'en désire et qu'elles soient selon l'esprit de Dieu ! J'aurais grande peine si ces deux paquets, que nous vous avons [147] envoyés pour elles, n'étaient pas rendus sûrement. Il me tarde aussi de savoir quel esprit ce bon prélat aura rapporté pour nos Règles, et s'il sait quelque chose de Mgr de Bourges et de mon fils. Mandez-le-moi, et le saluez en toute révérence de notre part, l'assurant de l'honneur singulier que je lui porte.

La petite Austrain a des appétits qui seront tous les jours plus incorrigibles ; c'est chose effroyable à ouïr que ce que cette enfant dit ; ma fille de Thorens en est en grand étonnement. Elle dit qu'elle ne peut vivre céans, que l'on n'y parle que de Dieu, dont elle est si ennuyée, que quelquefois elle a envie de se désespérer. Je l'ai aujourd'hui fouettée moi-même, et la vais réentreprendre de nouveau ; tandis qu'on nous la laissera, nous ferons le mieux que nous pourrons. Nous souhaiterions bien qu'on l'envoyât quérir bientôt ; mais il ne faut pas presser, car ce bon M. Austrain est si bon, que nous avons bien de la douleur de n'avoir pu le servir en cela.

Je finis par où j'ai commencé. Pour Dieu, ma fille très-chère, rendez-vous douce et condescendante aux désirs de ces filles en vos incommodités, car autrement vous les troubleriez. Ne veuillez rien pour ce sujet, sinon ce qu'elles voudront. Enfin la santé et la force vous sont requises pour le service de Dieu.

Je ne sais que vous dire de cette montre ; rendez la vieille si vous pouvez. Notre réveil va maintenant, mais avec tant d'incertitude que volontiers nous le changerions encore, pourvu que ce soit avec une montre dont la bonté soit bien expérimentée. Adieu et bonsoir, ma très-chère fille ; je suis invariablement votre très-humble et indigne sœur et servante en Notre-Seigneur.

J. F Frémvot, de la Visitation.

Dieu soit béni !

Mille saluts à tous ceux qu'il vous plaira.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [148]

LETTRE LXXXIV - À LA MÊME

Il faut demeurer humblement soumise dans les épreuves. — Désir de voir retarder l'établissement du monastère de Riom. — Éloge de la Sœur de Châtel comme directrice. — Judicieuses réflexions pour développer les grandes et fortes vertus. — Conseils relatifs au gouvernement des choses temporelles. — Se défaire du parloir est un grand soulagement à une Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 2 octobre 1616.

Que votre cœur soit tout rempli de Jésus, ma très-chère unique fille !

Vous aurez reçu, il y a longtemps, la réponse pour Mgr l'archevêque ; je ne sais quel contentement il en aura reçu ; mais, en tous cas, il faut avoir grande patience et demeurer bien humble et soumise à Notre-Seigneur qui nous permet ces exercices et humiliations. Enfin, il nous exaltera si nous sommes fidèles en notre entreprise, et que sa seule gloire soit toujours notre unique prétention, comme nous l'en supplions très-humblement.

Vous aurez encore reçu par la voie susdite de M. Vilasca, d'autres lettres pour nos Sœurs de Moulins. Plût à Dieu qu'elles fussent ici ! Ma Sœur de Gouffier a fait là une entreprise difficile à faire réussir. Enfin, ma très-chère fille, il faut faire des coups d'apprentis, avant que d'être maîtres. Il est vrai que celui-là n'a pas été fait par notre choix ni volonté, la force nous y a contraintes.

Je ne serais pas marrie, mais très-aise que ceux de Riom se refroidissent ; nous leur mandâmes que, s'ils continuaient en leur dessein, ils nous avertissent promptement. S'ils ne le font, ils auront un refus tout court, et puis je ne pense pas que tout ce que nous désirons soit bien prêt. Il faut être convenablement logées et avoir assurance pour la nourriture de huit filles [149] pour le moins, et de l'entretien d'un bon et capable confesseur ; car d'aller servir leur ville aux dépens de cette maison, nous n'avons pas de quoi le faire ; et d'envoyer des filles qui soient accablées du soin des choses temporelles et de la pauvreté, il n'y a pas moyen. Aussi il est mieux de les tenir ici en paix que de les exposer à tant d'inquiétudes ; et ceci, ma très-chère fille, c'est chose résolue, et il n'y aura pas danger quand l'occasion se présentera, de le bien faire entendre. Ils aimeront peut-être bien d'envoyer instruire leurs filles à Moulins, et ils nous obligeraient grandement : voilà pour ce sujet.

Voici des lettres pour la bonne madame Favrot ; écrivez-lui un mot, et puis adressez le paquet à M. Béraud.

Il est vrai que notre maîtresse des novices fait parfaitement bien, et avec un soin tout charitable, sa charge ; rien ne lui manque aussi qu'un peu de l'humeur des nourrices enjouées autour de leurs enfants ; mais cela viendra quand Dieu connaîtra qu'il sera nécessaire ; car elle connaît ce manquement, et tâche de se rendre d'autant plus douce ; mais pour tout cela, ma très-chère fille, ne lui en donnez point de joie, car il faut aider à l'humilité, tant qu'il sera possible, puisqu'une seule once de cette bénite vertu vaut mieux que tous les trésors du monde. Elle a pourtant toujours ses lassitudes, qui ne sont point lassitudes, mais défaillance et accablement.

Or sus, ne me dites pas non plus qu'il n'y a que vous de misérable ; nous vous aimons bien ainsi avec toutes vos sécheresses, dégoûts et insensibilités de Dieu et de toutes choses bonnes. Vraiment, ma mie, n'êtes-vous pas bientôt assez grande et forte pour cheminer sans tous ces appuis-là ? Une seule chose est nécessaire, qui est d'avoir Dieu ; plus vous le posséderez nûment et simplement, plus vous serez forte. Contentez-vous donc de le posséder par les saintes et invariables résolu-lions d'être toute sienne, et de ne jamais l'offenser à votre escient, et travaillez avec la pointe de votre esprit, ainsi que [150] vous faites. O Dieu ! ma très-chère et unique Sœur, une seule action de vertu que vous faites en cet état, en vaut cent et plus de mille faites avec et par la suavité des sentiments de Dieu. Votre chemin est celui de la croix ; n'êtes-vous pas bienheureuse, ma chère âme, de cheminer avec votre saint Époux, la croix sur le dos, et, dans le cœur, le pur amour de sa sainte volonté ? Lisez bien les livres VIII, IX et X du Traité de l'Amour divin, et vous y trouverez de grandes consolations et lumières. Je supplie ce doux Sauveur de vous tenir nue de ce qui n'est point lui-même, et très-parfaitement unie à lui. Tenez-vous bien au-dessus de tous vos sentiments, et ils ne vous feront pas grand mal.

Je suis bien aise de ce que vous avez écrit à ces filles. J'ai donné la lettre de ma Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche] en présence de toutes sans y penser ; mais aussi ne désiré-je pas qu'elles soient si tendres ; certes, il ne faut point les nourrir comme cela. Il faut qu'elles aient une charité solide qui ne dépende point de tant de petites choses.

Vendez notre montre et gardez l'argent ; notre réveil qui est ici va fort bien maintenant, il nous suffit. Dieu nous pourvoira quelque jour d'une horloge ; nous n'avons pas moyen d'en acheter, puisqu'elles sont si chères.

J'ai remis à ma Sœur Péronne-Marie la petite [Austrain], afin qu'elle soit servie et soignée exactement ; si au bout de là elle ne fait pas mieux, il sera nécessaire pour notre repos de la faire retirer. Je chéris si fort M. [Austrain] et sa femme que j'aurais grand regret si je ne puis le leur témoigner en leur fille.

Je suis bien aise de votre amitié avec la Mère des Carmélites. Recommandez-nous un peu à leurs prières et de nos chères Sœurs que je salue cordialement. Il est bon aussi que M. d'Halincourt aime la maison.

Je suis bien en peine de ce que vous dites que les choses temporelles manquent ; mais confiez-vous bien en Dieu, et il [151] vous pourvoira. Je pense que vous êtes mal payée des pensions ; nous en sommes ici en nécessité. Dieu soit béni ! Les parents de nos Sœurs n'y pensent pas.

Je salue plus qu'amoureusement ma très-chère Sœur madame Le Blanc. Il faudra bien que, quand elle ira à Grenoble pour les Avents, vous l'instruisiez bravement, afin qu'on laisse à Monseigneur les matinées bien franches.[123]

Hélas ! vous êtes bonne, ma fille, de me demander dispense de ne plus déjeuner, je le veux donc bien ; mais prenez garde bien fort à votre santé, et d'avoir beaucoup de force. Je dis à Monseigneur votre lettre ; il trouve bon que vous fassiez un peu de retraite, mais cela selon l'utilité que vous en sentirez, et aussi la nécessité de votre maison ; vous la pourrez faire faire aussi comme vous jugerez aux deux autres professes. Mais ma Sœur Anne-Marie [Belle !] fait-elle bien ?

Mon Dieu ! que cela vous soulagera d'être défaite du parloir ! Grâce à Dieu, aussi je m'assure qu'une heure m'y suffit par semaine. Il est vrai que quand il vient de certains extraordinaires, comme en peut-on échapper ? Enfin il faut rouler avec-abandon à la volonté de Dieu.

Je vous prie, mon unique Sœur, d'être toujours brave, joyeuse et courageuse, c'est tout un. Quand vous le trouverez bon, saluez toujours avec honneur et amour Mgr l'archevêque, comme aussi notre bon Père recteur. Conservez-moi au souvenir de ses prières ; j'ai grande estime de ce Père-là. Je salue aussi M. l'aumônier, et tous les autres qu'il vous plaira.

Bonjour, ma très-chère Sœur ma mie, vous m'obligez étroitement à être tous les jours, si je pouvais, davantage vôtre. Je le suis sans réserve, et, ma très-chère Sœur, votre humble sœur et servante en Notre-Seigneur.

J.-F. Frémyot, de la Visitation. [152]

 [P. S.] Je ne puis écrire à M. Austrain ; mais je vous prie, ma très-chère fille, de le faire saluer de notre part, et assurer que nous ne perdrons point courage autour [de sa fille], car l'extrême désir que nous avons de le contenter nous porte à cela. J'espère que le soin de ma Sœur Péronne-Marie profitera. S'il vous donne de l'argent, serrez-le jusqu'à ce que vous trouviez commodité bien assurée, et vous payez devant toutes choses, de tout ce que vous avez fourni. Faites fort prier pour ces troubles.

Le pauvre M. de Travernay est mort ; l'on fera venir ici sa veuve pour lui donner cette nouvelle.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXXV (Inédite) - À LA MÊME

Difficultés qui se rencontrent dans l'établissement du monastère de Moulins. Résolution de différer le plus possible les fondations demandées.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 8 octobre [1616],

Certes, ma pauvre très-chère fille, je n'ai pas le loisir de revoir votre lettre, car il a fallu écrire de grandes lettres à ces filles [de Moulins] ; Dieu soit le maître, leurs aversions nous sont dures, parce qu'elles préjudicient au service de Dieu. Si ma Sœur de Gouffier passe vers vous, ne lui témoignez rien du tout que vous en sachiez quelque chose. Enfin je pense et crains qu'il ne faille renvoyer l'autre fille, la maladie de ma Sœur N*** nous servira de couverture et de prétexte. O Dieu ! [ne faisons] plus de fondation, qu'il n'y ait des personnes plus solidement capables de tout support. Plût à Dieu que ces messieurs ne voulussent plus penser à nous ! toutefois, s'ils le font, Dieu nous aidera ; mais si je rencontrais occasion propre, il faudrait toujours bien leur faire entendre que tout soit bien disposé, et [153] qu'il y ait de quoi vivre pour huit filles et un bon confesseur.

Je suis très-aise de ce que vous avez vu ces bonnes Carmélites,[124] cela vous fera grand bien. Mille saluts à tous ceux qu'il vous plaira et au bon M. de Médio. Je ne sais si vous aurez reçu le paquet dernier pour nos Sœurs [de Moulins], et si vous le leur aurez fait tenir sûrement. Je vous supplie, ma mie, que celle-ci leur soit portée assurément et promptement : vous pouvez juger de leur importance. Très-humble révérence à Mgr l'archevêque et à notre Révérend Père recteur ; je l'honore tous les jours davantage et suis toute vôtre en Notre-Seigneur.

Donnez un bon sauf-conduit à ce paquet de Moulins.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE LXXXVI - À MADAME DE GOUFFIER

Doux reproches de son long silence. — Impossibilité d'envoyer des sujets aux fondations et d'en accepter de nouvelles. — Nécessité d'une grande et cordiale union avec la Mère de Bréchard. — Admirable encouragement à se faire violence.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 30 octobre 1616.

...Enfin certes, ma très-chère fille, je m'ennuie de ne point savoir de vos nouvelles par vous-même ; changez-moi cette paresse. Eh ! je sais bien que votre cœur est toujours le même et tout mien ; mais je prendrais grand plaisir qu'il me le dît ; et je m'étonne qu'étant ce qu'il m'est, il puisse tant demeurer sans me parler. Or sus, si vous me voulez obliger, commencez à m'en dire des nouvelles, et n'en perdez plus [154] d'occasion, comme aussi dites-moi un peu bien si nos filles vous ont satisfaite, et celles qu'elles sont allées servir. Notre chère Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard, vous savez ce qu'elle est à mon cœur, combien nous l'estimons, et de quelle utilité et nécessité elle était ici. Certes, nous l'avons laissée choisir celles d'entre nous qui lui ont été les plus propres de celles qui se pouvaient mettre dehors ; car, ma très-chère fille, vous ne sauriez croire combien il s'en trouva peu de disposées pour cela : les unes manquant de voix, les autres de santé, et les autres encore embarrassées en affaires.

Enfin, je vous le mandai bien par ma première lettre, il ne nous est pas possible de recevoir toutes les maisons que l'on nous présente ; nous pourrons encore fournir Riom de deux professes et une novice, au mois de mars, s'ils continuent à nous en prier. Au bout de là, il se faut reposer deux ou trois ans pour le moins ; les premiers vont devant ; vous avez pris les deux meilleures que nous leur avions destinées, de sorte qu'il faut les retarder maintenant. Or je les vous recommande, ces pauvres Sœurs-là, ma très-chère fille ; c'est à vous et pour l'amour de vous que nous les avons envoyées. J'espère en la bonté de Dieu qu'elles feront bien et donneront bon exemple.

C'est un point d'absolue importance que votre esprit et celui de ma bonne Sœur Jeanne-Charlotte soient parfaitement unis, mais d'une union cordiale et confiante, pour bien faire le service auquel la gloire de Dieu vous emploie toutes deux ; il se faut bien garder l'une et l'autre de ne rien faire que selon le mouvement de la vraie charité et raison. Pourvu que vous n'ayez qu'un cœur, et qu'il n'arrive point d'ombrage, vous ferez des vrais fondements de piété en ce nouvel édifice ; car il importe beaucoup de bien commencer et donner de bonne impression des filles de ce commencement.

Ma fille uniquement chère, vous connaissez mon cœur, parce qu'il est vôtre, et je connais le vôtre, car il est mien ; nous [155] entendrons bien ce que nous voulons [dire], sacrifions nos inclinations, nos désirs et honneurs à la gloire de Dieu, n'ayons point d'autre but ; et quoiqu'il nous coûte, avançons chemin de ce côté-là, sans nous amuser à regarder les contradictions et mortifications qui arrivent à dextre et senestre. Oh ! je sais bien que le cœur de ma chère fille ne craint pas les grandes, elle les dévore ; mais la multitude des petites fâche quelquefois, et ce sont celles qu'il ne faut point voir.

Si j'avais le loisir, je vous dirais beaucoup de nos nouvelles ; mais sachez que c'est par un messager de Riom que je vous écris, lequel est arrivé environ l'heure de nos Tierces, et veut partir à midi, de sorte qu'il faut faire sa dépêche sans haleine.

Adieu, ma fille toute chère ; j'ai le cœur gros de tout plein de choses, mais je ne puis prendre le loisir de les écrire. Je vous recommande mes filles, je les aime chèrement, et vous, parfaitement. Bien fort de vos nouvelles à la première occasion. Je suis toute vôtre en Jésus.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE LXXXVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE, À MOULINS[125]

La Sainte lui recommande d'avoir une grande confiance au Révérend Père recteur des Jésuites, et promet d'envoyer une maîtresse des novices. Elle conseille à l'égard de madame de Gouffier une déférence cordiale.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy], 1er décembre 1610.

Je n'en pouvais quasi plus du grand désir que j'avais d'entendre de vos nouvelles, ma pauvre vieille très-chère fille ; que [156] bénite soyez-vous du Sauveur, lequel, comme j'espère, convertira nos petites angoisses en douceurs et suavités 1

Vous me consolez de votre courage, ma très-chère fille ; pour Dieu, persévérez à suivre entièrement les sages conseils de ce très-bon et prudent Père recteur, je dis en tout ; car, voyez-vous, outre qu'il a l'esprit de charité, il a aussi la connaissance et expérience des choses de delà. Si donc il trouve bon que vous donniez l'entrée à ces deux dames, faites-le ; je crois qu'il sera expédient en ces commencements, et que cela profitera. Quand Dieu aura résolu nos affaires, s'il se faut retrancher, on le fera, et personne ne s'en offensera.

L'on n'a pas encore l'expédition que nous poursuivons à Rome ; il faut grandement prier pour cela.

Faites un petit livre pour écrire vos reconfirmations.[126] Ma Sœur, ma très-chère fille, tenez toujours votre cœur en joie et en courage, cela aidera beaucoup votre santé. Je ne vous souhaiterais rien qu'une Sœur pour être maîtresse des novices, afin de vous soulager. Si après Pâques vous jugez qu'il soit nécessaire, mandez-nous laquelle vous désireriez' : ma Sœur Anne-Marie [Rossel], ma Sœur Paule-Jéronyme [de Monthoux], ma Sœur Marie-Adrienne [Fichet] feront bien l'affaire, mais Dieu nous donnera conseil d'ici là. Cependant, assurez-vous que notre cœur est toujours demeuré et demeurera à jamais en l'assurance qu'il doit avoir du vôtre, et en l'amour entier qu'il vous porte. Mais souffrez volontiers les traits de mon esprit sur de telles rencontres ; enfin, et en effet, il se faut vendre, briser et [157] anéantir pour la plus grande gloire de Dieu. Qui connaît mieux que moi votre cœur, et qui l'aime davantage ?

Or sus, il faut persévérer en cette parfaite soumission au Révérend Père et à l'entière condescendance à ma bonne et chère Sœur de Gouffier. Laissez-lui gouverner le temporel, tout ainsi que bon lui semblera. Pourvu que l'infirmité soit soulagée, n'importe si l'on ne mange que du bœuf ; c'est la viande ordinaire de céans. Il faut que nos pauvres Sœurs se montrent fort courageuses. Je les aime parfaitement, ces trois filles-là ; je ne puis leur écrire parce qu'il est nuit, et l'on demande réponse en donnant les lettres.

Tout se porte bien chez M. de la Ruaz et céans aussi, grâce à Dieu. Monseigneur est à Grenoble. Je vous prie, ma très-chère Sœur, écrivez-nous amplement toutes vos nouvelles, tant souvent que vous pourrez ; faites-le tout franchement et naïvement ; car vous êtes uniquement toute nôtre, et de même devez-vous demeurer assurée de notre part ; soyez bonne ménagère, ma très-chère fille, tandis que vous êtes parmi les occasions. Adieu.

Vive Jésus ! Dieu soit béni !

[P. S.] Nous souhaitons du fond de notre âme toute sorte de vrai bonheur à madame Verne.[127] O Dieu ! qu'elle sera heureuse e servir Notre-Seigneur en humilité et simplicité !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [158]

LETTRE LXXXVIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

User d'une humble et prudente douceur envers les personnes qui s'opposent à l'établissement de la Congrégation. — Dieu veut propager ce petit Institut. — Conseils de direction.

vive jésus !

Annecy, 25 décembre 1616.

Ma très-chère grande fille,

Je viens vous écrire le saint jour de Noël, tant que la célébrité du jour me le permettra. Je souhaite qu'en ce jour sacré, où reluit la douceur des douceurs, votre cœur et celui de toutes vos chères filles soient pour jamais remplis des plus aimables vertus de ce saint Enfant ; mais surtout la désirable soumission, simplicité et humilité. Mon Dieu ! que ces vertus sont nécessaires à celles de notre condition ! Je le dis avec un sentiment tout particulier, considérant votre dernière lettre ; car, ma chère fille, tout de bon Notre-Seigneur veut et requiert de nous une profonde et très-intime humilité intérieure et extérieure, et pour cela il a voulu que notre condition fût moins éclatante devant les yeux des hommes, et que leurs esprits nous éprouvassent par divers jugements et sentiments, tantôt nous élevant, aussitôt nous rabaissant ; et comme je crois, il y a toutes sortes de vraies apparences que cette divine Sagesse veut élever et grandement multiplier cette manière de vie pour sa gloire. Elle veut auparavant jeter des fondements si profonds et solides, que l'édifice soit ferme et perdurable ; vous savez pourquoi je vous dis ceci.

Tenez-vous donc toujours parmi ces personnes, avec qui il faut traiter, avec une extrême douceur et humble gravité en vos paroles et en toutes vos actions, afin que votre modestie et sagesse les tiennent en règle et nourrissent l'estime qu'ils ont de vous, laquelle est nécessaire pour la gloire de [159]

Notre-Seigneur, en cette maison qu'il vous a commise. Enfin, ne vous laissez toucher d'aucune chose ; ayez seulement un grand soin de vous rendre toujours plus fidèle à Notre-Seigneur, et de bien faire observer nos chères Règles. Mais je vous prie, ma chère enfant, reposez-vous toute en Dieu.

Cela va très-bien, que vous n'ayez pas le temps de réfléchir sur vous-même, puisque toutes les actions qui vous occupent sont pour Dieu. Mais ne serait-ce point une tentation ce que vous nous dites si souvent, que vous avez des grands remords de ne pas bien édifier vos filles, et que vous leur servez de scandale ? Or, voyez-vous, ne nous dites plus cela, car premièrement, je n'en crois rien ; secondement, croyez-moi bien en ceci, ayez un œil tout particulier sur votre conduite extérieure ; accompagnez la modestie et la douce gravité naturelle que Dieu vous a données, d'un amour tout céleste à cette vertu ; que toutes vos actions en soient parsemées ; et comme nous l'avons souvent résolu, faites toutes choses tranquillement et humblement. Mon Dieu ! oui, ma fille, je voudrais que toutes nos actions eussent ce bel atour de la sainte humilité : certes je l'aime uniquement, j'en suis toute vide.

Adieu, ma fille ; je suis plus à vous, et vous m'êtes plus chère que vous ne sauriez jamais penser. Jésus, par sa sainte Nativité, vous comble de toutes bénédictions. Votre, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [160]

ANNÉE 1617

LETTRE LXXXIX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Fruits opérés, à Grenoble, par saint François de Sales, qui y prêche l'Avent. — Estime que l'on fait à Rome des Règles de la Visitation. — Nécessité d'une mutuelle correspondance entre les monastères. — Premier projet d'une fondation à Turin. — Détails sur la communauté d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, le 1er de l'an 1617.

Que le Sauveur très-cher vive et règne à jamais dans nos cœurs, ma très-bonne et très-chère Sœur ! nous venons vous saluer un peu en ces saints jours pleins de douceurs et de délices éternelles, puisque notre Salut nous est né. Ah ! puissions-nous naître et vivre à jamais en son très-saint amour, par une parfaite soumission à sa très-sainte volonté !

Que faites-vous, ma très-chère amie, en cette nouvelle école, et parmi ces jeunes novices ? Comment est-ce aussi que vous vous êtes renouvelée,[128] et nos chères Sœurs qui sont auprès de vous ? Ici, grâce à Dieu, l'on a assez bien fait cette action ; au moins Monseigneur en était fort content. Il est encore à Grenoble, où il est admiré et honoré incroyablement pour ses prédications et conversations toutes saintes et vraiment apostoliques, à ce qu'ils disent, et que nous savons et croyons ici être ainsi, dont la seule mais très-grande gloire en soit rendue à Celui qui l'a fait de sa main. [161]

Nous n'avons point de nouvelles présentes pour vous écrire, n'ayant loisir de les chercher. Nous laissons à nos Sœurs de vous entretenir longuement ; nous les voyons disposées à cela. Nos affaires se remuent fort à Rome,[129] où notre manière de vie est très-approuvée et admirée, et tous disent que nous ferions mieux de demeurer ainsi pour la grande utilité qu'elle apporterait. Je ne sais à quoi Monseigneur se résoudra, ce sera à ce qu'il connaîtra être pour la plus grande gloire de Dieu, il n'en faut point douter ; mais cependant, ma très-chère fille, prions toutes fort pour cela, je vous en prie.

Nos pauvres Sœurs de Lyon sont toujours parmi la souffrance de cette ancienne persécution de leur chef, sur ce sujet-mais patience, il faut faire profit de cette humiliation, et suivre, le mieux qu'il nous sera possible, l'intention de Notre-Seigneur, qui veut que nous soyons humbles et basses.

Je crois qu'il vous serait utile, au moins pour la suavité de votre charité, de vous communiquer un peu plus avec nos Sœurs de Lyon, à cause de l'unité qu'il faut avoir un grand soin de nourrir ; mais prenez, je vous supplie, ce petit avis tout simplement, sans interprétation, ma pauvre très-chère fille. Enfin, ce que je désire, c'est que nous nous tenions toutes présentes et unies par cette continuelle communication de lettres ne la pouvant avoir autrement de quelques années. Eh Dieu ! ma très-bonne et chère Sœur, si vous saviez ce que ces absences font dans mon cœur, vous l'aimeriez bien. Bref, c'est la vérité que ce que Notre-Seigneur a uni ne reçoit point de déchet pour les absences ; il est vrai que par les lettres on reçoit certaines suavités désirables.

Or sus, nous avons repensé à ce que nous vous dîmes la dernière fois, pour vous envoyer encore une fille qui pût élever les [162] novices ; mais nous vous disons que si le Père recteur ne juge avec vous qu'il soit tout à fait nécessaire, que nous serons très-aise de n'en point envoyer, car tout nous fera besoin ici, où je prévois qu'on ne nous laissera [pas] longtemps en paix sans nous écarter.

Je crois que si la paix était en Piémont, il y faudrait passer plus tôt que nous ne voudrions. Il y a une brigade des plus signalées dames et filles de la cour, fort ébranlées, et qui sollicitent l'affaire vers le prince, lequel nous affectionne bien fort. Certes, si Notre-Seigneur le dispose ainsi pour sa gloire, moyennant sa très-sainte grâce, nous le servirons là et ailleurs où bon lui semblera, de tout notre cœur ; mais nous tirerons à la longue tant qu'il sera possible, pour nous rendre plus solides et capables de ces services si importants. En d'autres lieux nous serons bien demandées, mais patience partout.

Nous n'avons point de nouvelles de ce qui est dû de votre pension ; je vous prie, ma mie, sollicitez vos parents, car nous avons une extrême nécessité d'argent. Nous allons entrer aux bâtiments sans savoir bonnement où prendre de quoi y fournir. Dieu, par sa bonté, y veuille pourvoir, s'il lui plaît. Mandez que l'on vous fasse tenir là l'argent (je crois qu'il est dû près de cent écus), car vous l'enverrez bien à nos Sœurs de Lyon, qui nous le feront tenir. Mais, ma chère amie, je vous supplie, pressez un peu, cela est de justice, et notre grand besoin nous fait ressentir leur tardiveté trop grande.

Que vous dirai-je de plus ? Le bon M. le prévôt nous a fait de fort bous sermons cet Avent, et le dernier du grand saint Jean a été admirable. Oh ! Dieu nous fasse la grâce qu'abandonnées sans réserve à sa divine providence, nous le puissions servir humblement, fidèlement et utilement.

Nous avons écrit cette lettre à plusieurs reprises, et elle nous est demeurée faute de commodités. Monseigneur est arrivé cependant [de Grenoble] en très-bonne santé, grâce à Dieu. [163] Ce matin, nous avons eu l'honneur de lui faire toutes la révérence et recevoir sa bénédiction. Il nous a dit la sainte messe, et commencé les sacrifices de cette première année ; il est vrai que nos Sœurs n'y ont [pas] communié, à cause de la nouvelle messe que nous avons eue, en laquelle on a reçu Notre-Seigneur.

Il m'est avis, ma chère amie, que vous êtes fort réservée à nous écrire, et qu'il ne le faut point tant être ; nous n'avons [pas] reçu de vos nouvelles depuis l'homme de M. de Montaret. Il faut bien nourrir la sainte union, confiance et franchise avec toutes ; mais il me semble que nous l'avons déjà dit.

Je ne pensais pas vous tant écrire ; mais c'est notre coutume quand nous nous parlons, nous ne savons finir, aussi êtes-vous ma très-chère Sœur que j'aime uniquement. Le porteur nous surprend, et nous sommes nécessitées de beaucoup écrire. Il nous tarde de savoir de vos nouvelles. Notre Monseigneur nous a commandé de vous saluer étroitement de sa part, ne pouvant vous écrire.

Adieu, ma pauvre très-chère ; le doux Jésus soit au milieu de votre cœur, et y répande ses plus chères bénédictions et consolations. Nous sommes pour jamais votre plus humble Sœur et servante en Notre-Seigneur.

Jeanne Frèmyot, de la Visitation.

Dieu soit béni !

[P. S.] Mille saluts au Père recteur, mais cordials et pleins de respect ; et à nos chères Sœurs novices.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [164]

LETTRE XC - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Envoi de lettres pour Grenoble.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617.]

Notre bon Sauveur vous comble de ses très-douces bénédictions, je dis toute votre chère âme, mon tout bon et très-honoré Seigneur, que j'aime de toutes mes forces !

Voilà les lettres pour Grenoble. Celle à qui nous disons : ma très-chère demoiselle,[130] nous avions l'intention de parler à la demoiselle, nièce, ce me semble, d'une dame présidente. Eh Dieu ! mon très-cher Père, que les âmes que Dieu amène ici sont heureuses, pourvu qu'elles soient fidèles à suivre la direction !

S'il vous plaît que M. Michel copie les Règles, envoyez-nous-le aujourd'hui et nous les lui donnerons, et lui marquerons ce qu'il devra vous demander. Monseigneur de Bourges fait une décharge par l'entremise de M. de Neuchèze pour les avoir ; il faut voir ce que l'on répondra dimanche quand vous viendrez, mon très-unique Père.

Bonjour de tout mon cœur très-humblement. Jésus soit le seul amour de votre âme ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [165]

LETTRE XCI (Inédite) À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

La santé est un bienfait de Dieu qu'il faut ménager pour travailler à sa gloire. — Encouragement aux vertus de douceur, d'humilité et de modestie pour imiter saint François de Sales. — On ne peut pas faire de modifications extérieures sans permission. — Nouvelles de madame de Thorens.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, janvier 1617.]

Certes, ma toute chère fille ma mie, le temps m'était bien long de trouver occasion de vous écrire : il y aura demain trois semaines qu'il ne s'en était présenté ; or bien, il n'y a remède. Depuis les vôtres dernières, nous avons su que, grâce à Dieu, vous vous portiez bien. C'est M. de Médio, à mon avis, qui l'écrit à Monseigneur en lui envoyant les réponses de Mgr de Lyon ; il me tarde pourtant que j'aie encore des nouvelles ; car, outre que vous m'êtes très-chèrement chère, je sais la nécessité que l'on a de votre santé dans votre petite famille. Savez-vous, ma mie mon enfant, il en faut avoir dorénavant un plus grand soin, car elle n'est pas votre, vous l'avez toute dédiée à Dieu, au service de Dieu, et de ces chères âmes qui sont autour de vous. Une fois pour toutes donc, je vous la recommande, ma fille, pour vous parler simplement comme à vous.

Je n'ai point de souvenance de la lettre de madame de Travernay ; si vous m'en avez envoyé, ne laissez pas de la contenter d'un mot ; et la bonne madame de N. est morte !... Je suis bien aise de la bonne Sœur B. F. ; il la faut toujours mieux aider et les autres aussi, afin que la gloire de Dieu soit accrue en notre petite Congrégation, uniquement aimable ; je voulais vous écrire beaucoup sur ce sujet ; mais le peu de loisir (ayant été surprise), et surtout l'incertitude du messager, me fera différer jusqu'à nos marchands qui partiront cette semaine. Ma [166] très-chère fille, continuez en votre humilité et modestie, montrant néanmoins, quand l'occasion s'en présentera, l'estime et l'amour invariable que nous avons pour elle [la vocation], donnant aux filles, sans faire semblant de rien, la même affection, et ne leur découvrant rien de plus que les Règles ne soient imprimées.

Oui, certes, ma fille, nous avons un Père qui est admirable en son humilité, douceur et modestie ; imitons-le fidèlement. Le temps me presse, mais faut-il que je vous dise comme l'on a réduit les mortifications extérieures. Premièrement, il ne s'en fait point d'extraordinaires qu'on ne le demande à la Supérieure ; et ce congé, qu'il faut avoir, les règle bien et les mortifie plus que la mortification même, car chacun aime son invention, et c'est cela qu'il faut retrancher ; car, comme dit Monseigneur excellemment, « notre choix diminue fort le prix de nos vertus ». Quand donc l'on me vient demander une chose, j'en ordonne une autre ; par exemple : une de nos Sœurs me demanda, après avoir dit sa coulpe, de baiser les pieds des Sœurs ; je lui dis : « Non ; mais faites-leur baiser votre main » (laquelle était fort laide) ; cela ainsi fut une vraie mortification ; ainsi en d'autres. Mais voici qui est bien meilleur : la Supérieure ayant reconnu ou étant avertie de quelque faute, elle fait que la lectrice sur la chaire en dise tout haut la coulpe de la défaillante, avec l'imposition de la pénitence en cette sorte : « De la part de Dieu et de la sainte obéissance, je dis très-humblement la coulpe de ce que une telle Sœur parle en particulier, et pour pénitence elle mangera à terre. » La pauvrette, qui était déjà assise, sera sans doute plus mortifiée de se relever que si elle eût choisi de le faire, et voilà, ma mie, qui est, en cette sorte, selon le jugement et sentiment de vos Père et Mère, et par conséquent, il sera bien au vôtre, je m'en assure, car vous êtes notre propre cœur, et nous vous chérissons comme cela. [167]

Or sus, il faut finir, et ne pas écrire à pas une de nos très-chères filles, ce sera pour les premières ; mais, assurez-les toutes, en général et en particulier, qu'elles me sont chères et précieuses, comme les vraies filles de mon cœur. Je leur écrirai, car encore que j'aie peu de loisir, je ne m'en pourrai tenir ; je les aime parfaitement et tendrement. Mon enfant, ma vraie fille, je suis toute vôtre en Jésus et Marie.

Ma pauvre fille de Thorens est hors de tout péril, grâce à Dieu, mais extrêmement débile, dont nous ne sommes pas étonnés.[131] Notre chère Sœur de la Fléchère est une nouvelle veuve toute sainte. Mille saluts à mon neveu et à tous les autres, surtout au Père recteur ; mandez-moi s'il est remis. Je n'oublie pas le Père Marcel et le Père B...

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE XCII - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

MAÎTRESSE DES NOVICES, À LYON

Il faut avoir un confiant abandon à Dieu dans l'exercice de son emploi. — Les novices trouveront la paix et le bonheur si elles se dévouent à l'observance de la Règle.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, janvier 1617.]

Certes, ma très-chère petite, vous m'avez fait un singulier plaisir de m'écrire ainsi largement et naïvement ; faites toujours de la sorte. J'ai montré votre lettre à Monseigneur, lequel vous aime bien chèrement. Dieu sera avec vous, et tout ira bien. Ayez toujours un grand courage, et sans réserve demeurez abandonnée entre les mains de la divine Providence ; elle vous conduira et portera en tout, n'en doutez jamais, pourvu que [168] vous employiez fidèlement et doucement votre petit talent, il le saura bien accroître. Au reste, qu'avons-nous à faire de nous regarder, ni ce que nous sommes, ni comme nous ferons ce que l'on nous commande ! Mettons-nous à faire simplement, regardant à Dieu, et nous appuyant en sa bonté, et tout s'accomplira saintement.

Oh ! que je suis consolée de vous savoir de braves prétendantes ! Saluez-les tendrement de ma part ; mais votre dernière novice, offrez-lui, je vous prie, mon cœur que je veux lui dédier pour la servir et pour l'aimer parfaitement en Notre-Seigneur. Elle m'a déjà fait ressentir une grande consolation, quand je lus dans votre lettre qu'elle était exacte à l'observance.

O Sauveur de mon âme, qu'elle sera heureuse si elle persévère ! Je l'en conjure et toutes nos chères Sœurs novices, et qu'elles me croient, je les supplie, que leur paix sera parfaite si elles s'attachent invariablement à l'observance. Qu'elles s'oublient de toutes autres choses pour accomplir avec perfection celle-ci si importante. Oh ! qu'elles seront heureuses si elles marchent en ce chemin humblement et fidèlement[132] !

Le jour me manque, ma fille ; je suis toute à vous.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [169]

LETTRE XCIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Avec quelle prudence on doit ménager les intérêts et la réputation des novices. — Promesse d'une communion générale de la Communauté et témoignages d'affection maternelle.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 11 janvier 1617.

Nous venons de recevoir votre paquet et celui de nos pauvres Sœurs [de Moulins] ; nous espérons que M. de Médio aura celui que nous leur écrivions ; le sire Pierre dit l'y avoir remis. Nous n'avons su parler à Monseigneur pour cette pauvre Sœur M. T.[133] ; mais tout ainsi qu'il conclut sa soudaine sortie, sur ses actions de désespoir, et la crainte qu'elle ne perdit le jugement, de même je m'assure qu'il approuvera avec moi que l'on conduise cette affaire le plus doucement qu'il se pourra, pourvu qu'il n'y ait point de scandale à craindre pour ceux de dehors, et que son esprit demeure en repos. Voilà, ma très-chère fille, ce que le peu de loisir que nous avons nous permet de vous dire ; nous avons reçu toutes les lettres sûrement.

Oh ! Dieu ! l'effroyable nouvelle que vous nous dites de N*** ! mais j'espère en Dieu qu'il n'y aura rien de si mal, il l'en faut prier. Jeudi dernier, l'on fit la communion générale pour votre [170] maison ; jeudi prochain on la fera pour ma plus chère fille, que Dieu fasse toute sainte. Amen.

Pour Dieu, ma mie, faites prier pour les nécessités particulières de ma chétive personne ; nous en avons grand besoin. Mais encore ce mot, n'êtes-vous pas fâcheuse de vous ressouvenir avec attendrissement du temps passé ? Certes, vous ne nous fûtes jamais que chère, et le serez toujours plus, croyez-le, ma fille, croyez-le bien, et je prie Dieu qu'il vous bénisse de ses éternelles bénédictions. Amen. Je suis toute vôtre, vous le savez. Ce jour de saint Antoine.

Nos Sœurs [de Moulins] ont ici envoyé vos lettres.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE XCIV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

La Sainte lui recommande de prendre souvent le conseil du Père recteur des Jésuites et d'avoir aussi la haute main sur les affaires temporelles. — Elle l'exhorte à supporter doucement quelques contrariétés et à mettre toute sa confiance en Dieu. — Divers avis propres pour les commencements de la fondation. — Ne pas se presser pour recevoir des sujets, et préférer ceux qui ont bon esprit à ceux qui n'ont que des avantages temporels.

VIVE † JÉSUS !

Annecy. 15 février 1617.

Certes, ma très-chère fille ma mie, depuis le billet que nous vous écrivîmes dernièrement, nous n'avons su en façon quelconque vous faire réponse, partie un peu de traînasserie et de faiblesse, partie aussi à cause de l'occupation que la bonne madame la comtesse de Tournon et ses filles nous ont donnée, lesquelles nous espérons, Dieu aidant, qu'elles retireront de l'utilité et consolation de leur séjour parmi nous.

Pendant qu'elles sont un peu allées à Sainte-Catherine, nous vous écrivons, et je prends votre lettre en main, afin que nous [171] n'oubliions rien de ce que vous désirez de nous. Et pour commencer, ma pauvre très-chère Sœur, qui m'êtes très-chèrement chère, nous vous dirons que nous vous supplions bien fort de vous tenir bien unie et soumise à la volonté et conseil du Révérend Père recteur,[134] car nous voyons que c'est un très-bon, sage et expérimenté Père, et lequel vous aime et votre maison pour la gloire de Dieu. Oh ! certes, l'on connaît par ses lettres qu'il marche en sincérité et qu'il a l'esprit de Dieu. Donc, demeurez ferme là, soumettant même tout ce que nous vous dirons à sa prudence et discrétion.

Vous nous avez fait un grand plaisir de nous mander toutes vos affaires : ne craignez rien, vous nous connaissez ; nous ne gâterons rien, et puis, il n'est pas expédient de rien remuer davantage. Notre-Seigneur acheminera tout à sa gloire et à noire mieux ; mais il nous faut être bien humbles et charitables à supporter dans le prochain ce qui est de son défaut et qui nous est fâcheux ; car, ce qui y est de bon, nous serions trop fâcheuses, si nous ne l'aimions. Encore ce mot, ma très-chère Sœur : ces conditions, incommodités et manquement des choses utiles, voire nécessaires, ne doivent être regardés qu'en la providence de Dieu, et non en la main de celle qui nous les présente ou procure, et par ce moyen, ma très-chère fille, croyez-moi, elles vous seront des suavités au lieu de contrariétés ; vous m'entendez. Enfin, si bien Notre-Seigneur n'agrée pas ces choses en celle qui les fait, il se plaira toutefois grandement de vous les voir souffrir comme des tribulations et épreuves que sa divine bonté vous envoie pour vous avancer en la perfection de son divin amour.

Nous écrivons à nos Sœurs, voyez les lettres, et si elles sont bonnes, donnez-les ; si, moins, rompez-les. Ma très-chère Sœur ma mie, ayez tout le soin qu'il vous sera possible pour les [172] tenir unies avec vous ; je leur écris en sorte que si elles montrent leurs lettres, l'on ne s'ombrage point.

Il faut laisser gouverner cette chère Sœur de Gouffier[135] ; mais il faut essayer tout doucement, avec l'aide du Révérend Père, que pour ces petites choses qui regardent le dedans de la maison, vous les traitiez et disposiez selon que vous savez qu'elles se font ici, comme : de l'ordre de la table, des meubles, habits, Offices et semblables, lesquelles sont pour le bon ordre de la Communauté, et pour maintenir l'égalité, afin que toutes ces choses se fassent selon la sainte simplicité et pauvreté accoutumées. Ces grands châlits seront bien inutiles, puisque la Règle ordonne que, tant qu'il se pourra, les filles aient chacune leur petite chambre et couchent seules. Le bon Père pourra bien persuader ces petites raisons à ma Sœur de Gouffier, s'il le juge nécessaire, comme je crois qu'il fera ; comme aussi de s'élargir de logis, puisqu'il y en a de reste, de faire fermer le tabernacle, et accoutrer ce qui est requis pour la cuisine, car la petitesse de la dépense qu'il faut pour cela n'est pas considérable.

Comme nous avions écrit jusqu'ici, nous avons reçu vos dernières lettres ; vous avez donc bien accommodé toutes ces petites affaires-là, Dieu en soit béni ! Il faut bien, ma très-chère Sœur, essayer, avec l'aide et prudence du Révérend Père, de gagner pied à pied tout le gouvernement qui regarde le corps de la maison. Pour ce qui est du gros des affaires temporelles, il faut la laisser faire ; mais pour les filles, je crois qu'à ce commencement il est très-requis et nécessaire qu'ayant rencontré des esprits propres pour [servir] Dieu en cette manière de vie, l'on ne se rende pas si exacte pour le bien, pourvu qu'elles apportent de quoi s'entretenir, selon la pauvreté et petitesse que nous tenons ici. Bon Dieu ! ce point est très-considérable, [173] car qui prétendra d'avoir des filles d'argent, n'en aura point d'or.[136] Il est vrai qu'il faut tout faire avec prudence ; mais il est expédient de former la maison de quelque petit nombre, car tout en va mieux : puis, les richesses mêmes, jamais on ne manquera de ce côté-là, si l'on vit en bonne union et observance. Nous sommes un petit en peine de notre Sœur Marie-Avoye [Humbert] ; tâchez, je vous prie, de la bien faire cheminer ; car je vois grande difficulté d'envoyer si loin une autre fille, sinon que l'extrême nécessité le requière.

Il y a longtemps que le dessein de Riom est rompu, dont nous louons Dieu ; l'on ne pouvait y satisfaire sans grande incommodité ; ces grands éloignements sont fâcheux.

Nous ne voyons guère d'apparence de pouvoir vous aller secourir ; nous le désirerions, certes, infiniment et de tout notre cœur, mais mon peu de santé, nos bâtiments et la multitude des filles sont de grands obstacles, et Monseigneur n'en veut point ouïr parler. Je crois que même il ne me sera plus permis de retourner en Bourgogne : mon fils m'en avait fort priée, afin de le mettre en son bien et rendre mes comptes ; mais s'il n'y a une absolue nécessité, nous n'irons pas, de sorte, ma très-chère fille ma mie, que nous voyons peu d'espérance de ce côté-là.

Prenez en cela un plus grand courage et espérance en Notre-Seigneur, et croyez qu'après vous avoir éprouvée, il vous aidera et consolera, non-seulement pour l'établissement de votre maison à sa gloire, mais encore pour votre repos et consolation particulière, et cependant, vous faites très-bien d'acquiescer à son bon plaisir et de l'attendre en patience. Ce m'est un grand repos de vous sentir le secours et support de ce bon Père ; nous voyons qu'il vous aime. Tenez-vous toujours bien [174] sur vos gardes contre votre vivacité naturelle, car la gravité et modestie nous est du tout nécessaire, ma pauvre Sœur. Je vous dis ceci ainsi simplement, comme il m'est venu ; et courage, mon enfant, soyez joyeuse en ce service, et vous consolez en vous abandonnant tout à la divine Providence ; un jour, nous serons bien aises d'avoir souffert toutes ces choses pour Dieu.

Je reviens à votre grande lettre : il faut, dit Monseigneur, retrancher ces offrandes à l'entrée des filles, et se garder de faire quelque chose qui ressente l'avarice.

Je pense que vous ferez bien de ne pas vous charger de ces bonnes gens du jardin, ce serait s'exposer aux murmures ; mais vous pouvez en tout temps aller vous récréer dans le jardin, encore qu'ils y soient, pourvu que vous soyez deux, et ne baissez le voile, sinon en approchant et parlant, nonobstant la petite clôture ; l'on ne saurait que faire en ces commencements, souvenez-vous des nôtres.

Pour cette fille idiote, vous pouvez la retirer par charité, comme vous nous mandez, pourvu qu'elle soit simple et non brutale ou désespérée pour troubler la maison.

Oui, vous pouvez aller au logis de ma Sœur de Gouffier, pourvu qu'il n'y ait point d'hommes, et elle vous peut servir encore de compagne ; mais, certes, puisque ce logis est dans le vôtre, et vôtre même, il faut essayer de gagner qu'elle n'y reçoive personne ; le parloir doit suffire pour les séculiers, sinon aux femmes qui entrent avec licence.[137]

Et quant à la retraite que désirent ces bonnes femmes anciennes, vous pouvez la leur donner ; mais nous avons déjà appris de Rome qu'il ne leur sera permis qu'une seule sortie après leur entrée ; voilà votre lettre répondue.

Il y a quinze jours pour le moins que cette lettre était écrite, [175] attendant commodité de l'envoyer. Monseigneur n'a point encore écrit, mais il vous écrira ; enfin on ne l'a quasi vu qu'en courant ; Dieu le conserve et l'emploie tout, à sa gloire, et fasse en nous sa sainte volonté.

C'est notre chère madame de la Croix qui porte ces lettres ; caressez-la bien, je vous prie, elle le mérite. Elle prétend que vous serez son hôtesse, j'en serai bien aise.

Adieu, ma très-chère Sœur ma mie je suis un peu accablée et pressée, mais je vous assure entièrement toute vôtre en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XCV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Il faut du courage et de l'énergie pour entreprendre la vie religieuse. — Nouvelles des instances qui se faisaient à Rome. — Recommandations pour un envoi de lettres.

Vive † Jésus !

[Annecy], 6 mars 1617.

Ce bonhomme nous vient avertir quand il veut partir, de sorte, ma très-chère amie, que vous n'aurez que ce mot pour lequel je quitte l'Office. Il n'y aurait nulle apparence de retenir ici la bonne M... Nous l'y avons résolue, elle est demeurée contente. Nous la garderons un peu et essayerons de lui fortifier son corps et lui faire connaître que ce n'est pas tout ce qu'elle pense, de ces grands sentiments de Dieu. J'ai aversion aux mollesses d'esprit et trop grande tendreté ; enfin l'esprit de Dieu est joyeux et vigoureux et non tendre ni languissant ; j'espère, en Dieu que nous l'affranchirons.

Éprouvez bien la Sœur N*** ; je crois qu'elle sera brave fille ; son esprit me plut. Mais il leur faut faire croire cette [176] vérité : que notre bon Dieu ne nous demande point des paroles ni des sentiments, mais oui bien l'humilité et douceur de cœur, avec les œuvres que ces chères vertus produisent où elles sont réellement. Certes, ma très-chère fille, c'est de vrai une grande affliction aux parents de notre pauvre Sœur N*** et une bonne mortification pour nous de la voir sortir, mais quel moyen de ne pas le faire ? II ne faut pourtant rien précipiter, mais aller selon la prudence et le conseil. C'est un grand bien que les Pères Jésuites la connaissent ; Dieu conduira tout cela, vous le verrez :

Quand vous écrirez à notre très-chère Sœur Barbe-Marie, saluez-la étroitement de notre part ; nous aimons son cœur de toute la force du nôtre. Croyez, ma très-chère fille, que vraiment nous avons eu notre part de la mortification de ne vous pas écrire à l'accoutumée, car vous m'êtes chère en un degré que tout le monde ne sait pas. Vivez joyeuse, je vous prie, ma très-chère fille, et toujours courageuse en ce service où Dieu vous tient pour sa gloire, et croyez que sa bonté vous en saura gré et sa Sainte Mère.

Nous avons eu des nouvelles que nos affaires se poursuivent fort à Rome ; nous ne savons encore ce qui en réussira. Chacun loue l'Institut, et Mgr le cardinal Bellarmin en a écrit à Monseigneur. [Plusieurs lignes illisibles.]

Ma chère fille, le paquet de madame Favrot est d'importance ; si vous n'êtes bien assurée qu'elle le reçoive tôt, mandez-lui que je lui ai donné jour pour venir et recevoir l'habit le 2 avril, et qu'elle en avertisse les sœurs Clément. Il y a plusieurs autres choses d'importance, c'est pourquoi il serait bien mal à propos si le paquet n'était donné sûrement et bientôt.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Reims. [177]

LETTRE XCVI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Moyens de rendre son cœur conforme au Cœur de Jésus. — Il faut porter les Sœurs à se contenter de la direction de la Supérieure. — Sentiment du cardinal Bellarmin sur l'Institut. — Dans quoi esprit faire les mortifications extérieures. — On doit garder au chœur une posture recueillie et modeste. — Regret de ne pouvoir aller à Moulins.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 16 mars 1617.

Le doux Jésus vous comble de son pur amour, ma très-chère Sœur ma mie ! Nous avons reçu toutes vos lettres, et vous en aurez encore eu des nôtres. Vous faites très-bien, ma chère fille, d'abaisser votre âme sous la main de Dieu, et d'embrasser de bon cœur les humiliations et contradictions comme choses vraiment convenables à notre petitesse et misère. Mon Dieu ! ma très-chère Sœur, tandis que vous avez les occasions, devenez vraiment humble, douce et simple, je vous en prie, afin que par ce moyen votre pauvre cher cœur, que j'aime très-tendrement, soit un vrai Cœur de Jésus. Amen. Hélas ! il faut que je coure, car j'ai peu de loisir, et le bras et la main commencent à me lasser et faire mal tout en commençant d'écrire, car je ne suis pas si brave que j'ai été. Dieu soit béni de tout !

Puisque nos bonnes Sœurs ne rencontrent pas dehors ce que leur esprit désire, ma chère Sœur, qu'elles se contentent et s'arrêtent à vous ; nous trouvons partout que c'est le meilleur de s'arrêter à la conduite de l'esprit de la maison ; elles savent tout ce qu'elles doivent faire ; et puis, pour les nouvelles arrivées, vous les satisferez prou. Satisfaites donc, en cela seulement, à la prudence ; vous saurez bien tirer ces esprits nouveaux à la simplicité de confiance tant utile et nécessaire. L'expérience nous l'apprend tous les jours, il faut que nos [178] Sœurs le soient si parfaitement [simples], qu'elles attirent les jeunes par leur exemple.

Quant aux affaires de Rome, les deux points sont accordés ; il ne reste que le troisième, qui est le principal : c'est l'Office. Nous en attendons des nouvelles bientôt ; ils louent tous notre Règle, et Mgr le cardinal Bellarmin a écrit à Monseigneur qu'il se pourrait contenter de maintenir l'Institut comme il est, comme étant tout conforme aux anciennes Religions. Monseigneur se résoudra sur les premières nouvelles, incontinent après son retour [de Grenoble], qui ne sera que quinze jours après Pâques.[138]

Vous faites bien de vous communiquer davantage à nos Sœurs ; cela aide à maintenir la suavité de l'amour. Hélas ! ma chère fille, quand nous vous dîmes qu'il suffirait que vous nous écrivissiez de mois en mois, ou de six en six semaines, je parlais comme celle qui vous avait présente, et qui ne sentait alors la peine qu'il y a d'être longtemps sans nouvelles de ce que l'on aime chèrement ; car depuis votre absence, nous [179] avons trouvé quelquefois, et maintes fois, les mois et les semaines bien longs ; il est vrai que puisque le port coûte si cher, il faut se retrancher et employer seulement les occasions qui se présenteront, sinon qu'il y eût quelque chose d'importance, et nous manderons à ma Sœur (la Supérieure de Lyon) qu'elle prenne garde à chercher des occasions favorables, sinon quand nous lui recommanderons particulièrement.

Ma chère fille, il ne faut point que vous fassiez de mortifications, ni que vous disiez de coulpes ; mais il faut que nos professes en fassent ; il nous semble leur en avoir dit un mot en leur dernière lettre ; mais prenez bien garde qu'elles se fassent sincèrement, et les ordonner toujours, plutôt que permettre qu'elles les choisissent, cela selon la prudence. Ici, certes, il s'en fait de bonnes, mais rarement ; la règle témoigne qu'elle les estime, et veut qu'elles soient continuées.

Oh Dieu ! non, il ne faut point jeûner du tout, et ne voilà-t-il pas que le Père recteur vous le défend, et que l'expérience vous fait toucher au doigt votre impuissance à cela ; il n'en faut plus jamais parler, non plus que moi, à qui ils sont si absolument défendus que jamais nous n'avons la hardiesse d'en demander. Il faut croire le Père en tout. Il est vrai qu'un peu de discipline, et le lever et le coucher avec les autres, est de grand exemple ; pourvu que vous le puissiez, vous ferez bien ; mais s'entend toujours sans préjudice notable, car votre santé et votre force sont si absolument nécessaires à toute la maison qu'il les faut maintenir.

Oh Dieu ! non, ma chère Sœur, il ne faut point souffrir ces postures extravagantes, il faut que toutes les Sœurs se tournent modestement du côté de l'autel pendant les prières, et surtout durant la très-sainte messe ; et quelle impertinence de faire autrement, et ne pas regarder ce que nous croyons être vraiment Dieu, et qui l'est en vérité ! Point de telles coutumes, je vous prie, il ne faut point être singulières, et puisque les [180] distractions ne sont pas volontaires, il suffit de temps en temps de s'accuser de la négligence que l'on peut avoir à les rechasser.

Oui, il est très-bon de ne pas reprendre à chaque petite faute, cela lasse l'esprit et l'accoutume, en sorte qu'il se rend insensible à la correction ; et, si, faut-il un peu différer la correction quand il la faut faire, et la faire à part cordialement.

Il ne faut permettre à personne, sous le prétexte de leur charge, d'aller ainsi furetant par la maison : la Supérieure et l'économe ont ce soin, il suffit ; mais surtout à ma pauvre Sœur N***, elle n'a pas besoin de cette liberté ; il faut toutefois lui laisser achever son année, et la tenir en courage ; car elle est fort tendre, et pourtant bonne fillette.

Plût à Dieu, ma très-chère, que nous fussions vers vous pour un mois ou deux ! Certes, nous en avons un désir plus grand et plus pressant que nous ne pouvons le dire ; mais pour maintenant, il n'y a pas apparence que j'en sollicite Monseigneur, lequel n'en veut ouïr parler, tant à cause de ces accidents où nous sommes retombée, que pour la multitude des affaires qui nous pressent. Que si Dieu permet que nous ayons de la santé (comme nous en prendrons grand soin), et que nous puissions un peu ébaucher nos affaires, je vous assure, ma très-chère fille, que nous ferons tout ce que nous pourrons pour obtenir congé sur la fin de l'été. En l'automne, il me semble que nous pourrions le faire ; mais, voyez-vous, ma mie, je vous le dis simplement, Monseigneur a grande aversion de nous voir partir d'ici. Néanmoins, si la nécessité était extrême, nous ferions, je vous assure, tout notre pouvoir pour l'y faire consentir. Regardez donc bien à ne pas le demander autrement, et à ne pas le désirer trop ardemment ; car si ces accidents me poursuivent, le voyage se trouverait bien long. Mais il faut aviser le moyen qu'il y pourra avoir de faire venir ma chère Sœur de Gouffier ici, et je le désire, certes, pour son soulagement ; car nous la servirions ici très-bien. Si elle continue à [181] être malade, elle serait aussi bien inutile là ; nous lui écrivons assez librement sous le prétexte de son incommodité, et, certes, elle ne doit rien douter. J'espère en Dieu que vous conduirez cette petite maison très-bien, et mieux que si elle était présente cent fois, puisque le malheur est qu'elle n peut ajuster son esprit.

Cette bonne damoiselle, qui est votre mère spirituelle, vous serait une grande aide ; vous avez le bon Père recteur que vous pouvez consulter sur ce qui se pourra et devra, car il ne faut pas effaroucher son esprit. Hélas ! il est bien raisonnable que vous maniiez les pensions ; mais il faut tout doucement s'introduire, et enfin je crois que c'est le mieux. Madame Verne pourrait servir à cela ; mais vous êtes assez adroite pour gagner ce qui se pourra peu à peu.

Nous sommes bien aises de M. de Chastellux, et que vous receviez de braves filles.

Je pense qu'oui, il faut faire selon la Règle ; pour ce qui regarde les contrats, vous ferez selon votre prudence, et comme vous pourrez ; car nous voyons que l'on ne peut pas toujours ce que l'on veut et qui se devrait.

Hélas ! le Révérend Père ne doit point s'ombrager si notre bon Seigneur ne lui écrit ; certes, s'il voyait ses occupations, il ne s'en étonnerait pas ; il le fera pourtant à son retour [de Grenoble] et à vous, il nous l'a mandé.

Je finis, ma très-chère Sœur, ne pouvant davantage écrire, ni à nos chères Sœurs, que nous saluons très-étroitement et cordialement avec vous. Nous les conjurons toutes et les chères novices de servir Dieu amoureusement, joyeusement, doucement et humblement, et avec une parfaite observance des Règles.

Adieu, ma très-chère Sœur ; nous saluons le Révérend Père et madame votre chère mère.[139] Dieu les récompense tous de [182] leur charité qu'ils exercent envers vous. Adieu, ma très-chère fille, que je chéris parfaitement et tendrement en notre doux Sauveur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE XCVII - À LA sœur MARIE-AVOYE HUMBERT

À MOULINS[140]

Elle l'exhorte à avancer dans l'esprit d'humilité et de confiance en sa Supérieure, et lui recommande de ne pas se troubler de ses fautes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617.]

Je vois beaucoup de choses dans votre lettre, ma très-chère petite fille, mais ne voulez-vous pas bien que je les ramasse et y réponde ainsi :

Ma fille, au nom de notre doux Sauveur, je vous conjure et vous prie de cheminer en esprit d'humilité et de simplicité, ne vous amusant point à considérer beaucoup ce qui se passe en vous-même. Mais rendez-vous attentive à faire et observer soigneusement les conseils que votre bonne Mère vous donne, lui tenant votre cœur bien ouvert et obéissant ; car je sais que ses conseils et sa direction vous ont été toujours très-utiles, et vous le savez.

Prenez donc, je vous prie, un nouveau courage pour avancer [183] votre âme au service de Dieu ; ne vous attristez point pour vos chutes, mais relevez-vous-en promptement sans changer pour cela d'humeur ; car ici, pour vous en dire un mot, l'on n'ose plus témoigner ses répugnances. Faites de même, ma très-chère fille, et ne vivez désormais que d'obéissance, et votre chère âme sera en paix. Je l'aime chèrement, votre âme, ma chère fille ; mais, croyez-moi, et montrez bon exemple à nos Sœurs. Je suis toute vôtre en Jésus.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE XCVIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Maternel encouragement. — Saint François de Sales est retenu pour une nouvelle station de l'Avent à Grenoble. — Désir que M. de Bérulle poursuive son voyage de Lyon à Annecy. — Conseils pour remplacement d'un monastère. — Inquiétudes sur la fondation de Moulins.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 3 avril 1617.

Ma très-chère fille, le doux Sauveur vous comble de lui-même. Nous avons reçu vos deux dernières lettres, lesquelles, certes, me consolent toujours infiniment ; mais ne me dites point de mal de ma très-chère grande fille,[141] je la connais mieux que vous, et gouvernez-la-moi bien et joyeusement, car je l'aime parfaitement. À-t-elle pris le..., ma pauvre grande fille ? Je crois qu'il lui fera grand bien. Hélas ! vous n'aurez pas vu notre bon Seigneur, puisqu'on l'attend aujourd'hui ; il est à Rumilly dès samedi ; le bon Dieu l'amène heureusement ! Si Son Altesse le trouve bon, il retournera l'an prochain à Grenoble, car ces messieurs du Parlement l'ont pressé d'une [184] manière si extraordinaire, qu'encore que ce bon Seigneur était tout résolu, et que ses affaires et son devoir le tirassent ici, il n'a su se défendre autrement que de remettre la chose à Son Altesse. Il a fait un grand fruit là, grâce à Dieu, et ma Sœur Barbe-Marie (présidente Le Blanc) l'a bien entretenu ; cette femme est tout aimable. Nous sommes tout aise de ce que vous avez vu M. de Bérulle[142] ; je crois que Mgr l'archevêque n'a pas manqué de lui parler des Règles ; mais voilà qu'il sera bon que l'on ait notre établissement du Parlement. Plût à Dieu que M. de Bérulle vînt voir Monseigneur ! Si vous le voyez encore, recommandez-nous à ses saintes prières ; et tous nos amis, saluez-les bien gros. Je crois, ma très-chère fille, que vous ne devez plus douter de mettre dehors ma Sœur***[143] ; mais seulement, s'il se peut, la conduire jusqu'au temps que... [mots illisibles] nous a marqué.

Tenez bon, ma fille, pour être accommodée de logis ; c'est bien vrai, ce me semble,, que vous êtes en très-bon air ; si vous pouviez avoir de l'eau, vous ne pourriez être mieux ; mais il faut se résoudre pour commencer à s'accommoder. Dites-nous un peu [quelque chose] des nouvelles filles, et si elles seront [185] bien braves. Madame Colin s'en retournera bientôt après qu'elle aura un peu parlé à Monseigneur ; mais je ne sais quand ce pourra être, car son grand synode et la multitude des affaires qui l'attendent l'occuperont bien.

Mon Dieu ! que nos pauvres Sœurs [de Moulins] ont de l'exercice ! J'écris ce mot ; il y a deux mois et demi, voire trois, qu'elles n'ont de nos nouvelles, si madame de la Croix ne leur a fait maintenant tenir le paquet que nous lui donnâmes, dont elle a un peu de tort. Adieu, ma fille, voici l'heure que le sire Pierre dit de partir ; nous vous embrassons amoureusement, et toutes vos chères filles, mais ma petite cadette tout particulièrement ; nous lui écrirons à la première occasion. Je suis toujours tout uniquement vôtre, ma très-chère fille, que Jésus remplisse de son très-pur amour. Amen. — 3 avril, à sept heures du matin.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE XCIX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Regrets de ne pouvoir secourir le monastère de Moulins. — Il faut recevoir les biens et les maux de la vie avec un cœur simple, et ne pas s'abandonner aux sentiments de joie ou de tristesse.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 3 avril 1617.

Ma pauvre très-chère Sœur, mon cœur a une grande compassion de vous, mais Dieu soit béni qui vous éprouve toutes ! Il faut avoir un grand courage pour supporter et surmonter, moyennant l'aide divine, tout ce que sa bonté permettra vous advenir ; il en saura bien tirer sa gloire et votre utilité, ce bon Sauveur.

Croyez, ma mie, que nous ne manquons pas à prier [186] soigneusement pour vous, et pour celles de Lyon qui ont bonne part de contradictions aussi. Quand Monseigneur sera de retour, nous prendrons quelque résolution. Vous devriez écrire fort librement, s'il y a de l'apparence que cette maison commencée puisse subsister ; si l'on connaît qu'oui, il faut persévérer et faire ce que l'on pourra ; que, si, moins, il aimerait mieux [Monseigneur] se retirer de la rive que du fond.

Le bon Père recteur écrit à Monseigneur que ma Sœur de Gouffier est en une peine excessive pour payer la dame qui prêta l'argent pour payer la maison, et que la maison de Lyon et celle-ci feraient un grand bien de fournir cet argent-là. Hélas ! ma très-chère fille, s'il se pouvait, la raison et la charité surtout nous y porteraient ; mais la pauvre maison de Lyon ne saurait contribuer vingt écus sans s'incommoder, quand elle est toute naissante, sans fonds, sans logis, et veillée et maniée par un Supérieur qui ne permettrait jamais cela.

Pour les commodités de céans, vous les savez, ma très-chère fille : depuis votre départ, il ne s'y est reçu que douze cents florins, que le manseau a payés, ce qui fait environ mille ducatons, avec l'argent qui était en réserve pour l'achat des maisons du fiscal qui sont toujours là, ne les ayant pu avoir, mais nous nous en passerons encore un an ou deux ; car de cet argent, nous en avons donné et devons donner quatre mille deux cents florins à M. de la Roche, pour ses vignes, que nous achetâmes la semaine passée quinze mille florins ; voyez ce qui nous demeure pour notre bâtiment ; car nous sommes contraintes de faire une partie du corps de logis cette année. Les filles qui nous viennent du pays n'ont point d'argent : M. d'Avise n'a pas seulement donné un sou de la pension de sa sœur,[144] et [187] a deux ans de terme pour le principal. Si les filles de la Comté viennent, leurs dots ne seront données que d'ici à un an, nous avons ainsi accordé. Tout cela vous montre clairement l'impossibilité que cette maison a maintenant de fournir huit cents ou mille écus.

Mais je vous dirai bien, ma très-chère fille, que si madame du Châtelard vient, comme elle le dit toujours, et qu'elle apporte de l'argent, et que la nécessité vous continue, je suis de ce sentiment que l'on aide de cette partie ; car, puisque ce sont nos très-chères Sœurs qui sont là maintenant, certes, il nous semble que nous le devons faire par la charité dont Notre-Seigneur nous a liées ensemble. Mais, ma très-chère Sœur, ne dites rien de ce que nous vous mandons ; cette affaire est d'importance, et partant n'est pas en notre seul pouvoir, non plus que de vous dire que vous vous serviez de l'argent que vos parents vous doivent ; essayez pourtant de le tirer, et leur remontrez votre nécessité. Quand Monseigneur sera venu, nous lui demanderons s'il trouvera bon que vous l'employiez à votre nourriture et entretien ; car je crains que vous n'ayez de la nécessité ; vos parents seront bien durs s'ils ne vous envoient une chose qu'ils doivent si bien.

Vous voyez comme nous vous écrivons sans loisir de pouvoir penser quoi, ni former nos lettres. Hier seulement nous reçûmes [188] la vôtre du 15 mars, nous fumes si lasse que nous ne pûmes répondre. Ce matin, le marchand veut partir, et [je] ne peux écrire à ma pauvre Sœur de Gouffier ; il y a deux paquets en chemin ; madame de la Croix a tort de bon, elle est chez son beau-père. Nous avons écrit que ma Sœur vînt ici, nous l'en prierons encore étroitement ; plût à Dieu qu'elle y fût ! son corps et son esprit en vaudraient mieux. Adieu, ma très-chère fille, que j'aime parfaitement. Dieu soit votre force !

Nous avons fait ce billet couramment à cette pauvre Sœur. Nous nous oubliions quasi de vous dire que nous entendons que Dieu vous visite de ses grâces et consolations ; nous en avons une grande joie, et bénie soit la bonté de ce très-doux Sauveur ! Recevez bien simplement ce qui vous sera donné sans vous amuser à regarder ce que c'est ; demeurez fort humble devant Dieu, et ne vous abandonnez point aux sentiments ; tenez votre cœur tant ferme que vous pourrez en Dieu. Quand vous nous écrivez, demandez simplement à Notre-Seigneur qu'il vous donne ce qu'il veut que vous nous disiez de cela, et regardant à lui, écrivez ce qui vous semblera être, tout simplement.

Il faut finir. Ne vous alarmez point de moi, tout va prou bien, et [il] n'est point arrivé de nouveaux accidents depuis que vous nous avez écrit.

Je salue toutes nos chères Sœurs ; nous les aimons, certes, parfaitement, et surtout celles qui font le mieux. Tirez doucement la petite Marie-Avoye et l'égayez en l'encourageant tant que vous pourrez ; la misère humaine est grande. Vive Jésus !

Adieu, mon enfant ; je vous embrasse en esprit. Très-humble salut au Révérend Père recteur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [189]

ANNÉE 1617. 189

LETTRE C (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Inquiétude que donne la santé du Bienheureux Fondateur ; ne lui écrire que pour l'utilité spirituelle. — Désir d'une fondation à Grenoble, et envoi d'une copie de la réponse du cardinal Bellarmin sur l'érection de la Visitation en Ordre religieux.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 10 avril 1617.

Voilà enfin notre bonne Sœur ***[145] que nous vous renvoyons, ma toute et très-chère fille ; certes, il me semble que son cœur est en bon état et bien disposé pour servir Dieu, et ne vois rien en elle qui mérite d'être rejeté. Cette parole un peu sèche lui est naturelle ; je crois qu'elle y pourra gagner quelque chose, elle le désire et d'être bien douce. Elle vous contera toutes nos nouvelles, et comme elle a vu Monseigneur tant et si extrêmement accablé d'affaires que je pense qu'il en est tout ennuyé. Grenoble lui en donne de surcroît, par la multitude de lettres qu'il leur écrit et faudra écrire, si les dames n'ont un peu de considération de ne l'employer, et ne lui écrire que quand leur utilité et nécessité spirituelle le requerra ; car je vous assure qu'il n’a pas besoin de cela. L'on nous a dit que vous en devez voir quelques-unes ! Pour Dieu ! voyez si vous pouvez discrètement éviter et détourner ce qui ne sera pas nécessaire, par leur entremise. Vous connaissez la bonté de ce Seigneur, et qu'il ne manque jamais à répondre ; cependant, l'on dit que s'il ne se retranche de tant écrire comme il fait, qu'il en recevra un grand préjudice à sa santé et avancera ses jours, lesquels il me semble que tout le monde doit tenir bien chers, et ne les employer que pour la gloire de Dieu et pour l'utilité spirituelle. [190] Mais je vais écrire à Dijon, à Chambéry, à Sainte-Catherine, et partout où je pourrai, qu'on ne lui donne point d'occasion d'écrire que pour l'utilité et nécessité ; car, de cela, il ne peut pas l'éviter ni empêcher. Vous verrez bien que je suis un peu alarmée, et il est vrai, ma pauvre chère fille, car ce matin l'on m'en a bien dit tant de choses que cela m'a tout attendrie, et vous savez comme il nous est chèrement précieux ; et, certes, il ne saurait l'être trop ; il retournera l'an prochain à Grenoble ; plusieurs, et quasi tout son diocèse, en sont marris, surtout M. de Boisy ; mais moi j'en suis bien aise, car enfin cela ne pourra pas beaucoup préjudicier à l'évêché ; et cependant il profitera grandement à la gloire de Dieu, et fera en ce second voyage une double moisson, s'il plaît à Dieu. Il se loue grandement de la bonté et piété des Grenoblois, et particulièrement des dames. Ma pauvre Sœur Barbe-Marie arriva trop tard, mais elle doubla le pas ; Monseigneur l'a toute gagnée. C'est un cœur tout aimable que celui de cette femme ; c'est elle qui nous doit mener des dames, ce m'a-t-on dit ; encouragez-la bien pour établir là une Visitation. C'est grand cas, on nous désire en tous lieux, et nous n'avons point d'inclination que pour Grenoble. Il y a une assez bonne disposition pour cela, et toutes les dames le désirent passionnément ; mais quelqu'un détourne Mgr l'évêque[146] ; recommandez l'affaire à Notre-Seigneur, ma très-chère Sœur, car il me semble qu'elle serait à sa gloire. Notre chère Sœur [Barbe-Marie] vous dira tout : elle nous a écrit trois fois depuis le retour de Monseigneur ; nous lui en avons écrit une ; c'est assez, car elle n'a pas tant d'affaires que nous ; elle vous verra et vous affectionne passionnément.

Tenez main, je vous prie, à bien faire faire un encensoir de notre belle coupe ; souvent nous en avons à faire, et nous incommodons nos voisins. Faites vendre, je vous prie, mon [191] enfant, notre montre, pour aider à en payer la façon, et ce qu'il faudra, car nous sommes fort courtes d'argent. La bonne madame Colin veut à toute force que nous gardions sa montre : je ne le voudrais nullement, sinon qu'elle en prît la valeur ; elle est prou juste et bonne, et nous en avons bien besoin d'une telle.

Ma pauvre très-chère Sœur, j'aime chèrement votre cœur ; vivez toute à Dieu, ma très-chère fille, par un entier abandonnement de vous-même en sa sainte volonté, et le laisser faire. Certes, ma chère fille, nous avons un extrême désir de faire le même, et je prie Dieu que je meure si je ne l'aime désormais de toutes mes forces. Voilà le désir du chétif cœur de votre pauvre Mère qui a mal aux dents, si, qu'il faut finir, jusqu'à ce qu'on ait résolu la réponse pour Mgr de Bourges ; notre très-bon Seigneur doit venir ce soir pour cela ; croyez que nous ne le voyons guère ; mais nous sommes contentes et aimons mieux qu'il fasse ses affaires ; plût à Dieu que je l'en pusse décharger !

Voilà donc la réponse pour Mgr de Bourges ; écrivez au petit neveu, comme de vous-même, que si leur affaire presse, qu'à grand'peine pourra-t-on donner des filles, n'en ayant pas de bien prêtes à ce que vous pensez. Je crois que Monseigneur vous enverra la lettre du cardinal Bellarmin, pour la faire voir premièrement au Père recteur, puis à Mgr de Lyon. Si N... entendait cette langue, elle verrait que les vœux simples ont devant Dieu le même mérite que les solennels[147] : le Père recteur [192] la peut guérir de cette tentation, car il sait cette vérité ; mais, ma très-chère fille, affermissez-la bien, avant que de lui donner l'habit. Je saurai la tentation de la pauvre N... Hélas ! sa pauvre Sœur s'est perdue, à ce que l'on dit ; je prie Dieu qu'il la redresse.

Au reste, ma très-chère fille, prenez bien simplement ce que nous avons dit des écritures de Monseigneur : il est vrai, je le fais avec sentiment, car on dit que cela lui nuit fort, et hier je lui dis que j'allais écrire partout que l'on se retranchât ; il me dit que je ne le fisse pas, et qu'il accommoderait bien cela. Voyez-vous, ma très-chère fille, je ne m'adresse nullement à vous, ni à aucune de nos Sœurs, car je ne voudrais pas, quand leur utilité le requerra, qu'elles manquassent de lui écrire. Oh Dieu ! non, ni aucune autre personne ; je crois que vous m'entendez bien sur ce sujet où il faut de la discrétion. Adieu, ma fille toute chère, adieu ; je vous embrasse en esprit de tout mon cœur, et suis toute vôtre en notre doux Sauveur Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CI - À LA MÊME

Résignation au décès du baron de Thorens. — Espérances que donne le monastère de Lyon. — Sollicitudes pour la réception de deux postulantes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, mai 1617.]

Eh Dieu ! ma toute chère fille, que vous dire sur cette nouvelle si douloureuse et qui m'a été si sensible, sinon que, de toutes les forces de mon âme, j'acquiesce à cette divine et tout aimable volonté de mon Dieu, lui remettant et l'âme de ce si [193] cher enfant,[148] et cette pauvre jeune veuve qui sans doute renouvellera souvent ma douleur ? Nous lui allons tantôt dire cette funeste nouvelle ; car elle l'attend déjà il y a deux ou trois jours. Béni soit Celui qui nous touche ! car enfin nous voulons courageusement embrasser cette croix et l'aimer. Oh ! ma fille, il se faut invariablement attachera la très-sainte éternité en laquelle nous aurons le loisir de nous voir.

Hélas ! ma fille, croyez-moi que j'ai eu de l'appréhension et de la grande peine de la venue de M. de Rohier ici, pour le même sujet que Mgr l'archevêque ; et ç'a été contre mon sentiment ; mais vous connaissez notre cher Père et son cœur, lequel avait résisté à cette bonne fille et à ses parents tout le long du carême et de l'avent, qu'ils l'avaient importuné pour qu'elle fut reçue en cette maison. Les ayant refusés [mots illisibles], comme on n'y pensait plus, ceux qui traitaient l'affaire de l'établissement à Grenoble et les parents demandèrent de la garder pour cette maison-là, et ils se résolurent de ne la pas envoyer à Lyon, pensant que l'on pourrait retirer [trois lignes illisibles]. Nous leur dîmes que nous ne la prenions pas pour cette maison, de sorte que vous l'aurez si la maison de Grenoble ne se fait. [194]

Pour le regard de cette bonne damoiselle, votre parente, il faut essayer de gagner Mgr l'archevêque, et lui dire que puisque nos affaires sont résolues, il ne doit plus avoir tant de crainte, car nous augmenterons notre soin ; et puis vous verrez que Dieu fera heureusement cette maison, et qu'il faudra doucement persuader ce bon prélat de regarder plus aux esprits qui seront propres, que non pas aux richesses, lesquelles Notre-Seigneur ne manque jamais de donner ; vous verrez ce que je lui écris.

Je désire fort que nos Sœurs fassent profession[149] et me soumets d'y aller ; mais voyez ce nouvel accident et nos affaires, ne sera-t-il point plus à propos de différer ? Il y a longtemps que nous désirions occasion de vous écrire ; enfin, ma fille, vous m'êtes uniquement chère.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Arrangements pour la dot de la mère de Bréchard. — Conseils de direction.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 29 mai 1617.

Dieu soit béni de l'heureux trépas de M. votre père.[150] Il faut essayer de trouver quelque expédient pour tirer le fonds, quand bien nous devrions en quitter quelque chose, afin [195] d'en pouvoir secourir cette maison ; et il faut faire cela le plus tôt qu'il se pourra. Il faut en écrire à M. de la Curne pour savoir comme il faudra conduire l'affaire, car ces deniers-là doivent appartenir à cette maison-ci, et être employés en celle-là, si la nécessité y est ; et faudra pourtant que ce soit cette maison qui les prête ; mais M. de la Curne vous dira comme il faudra faire. Tirez cependant les pensions, mais ne montrez pas que c'est de vos parents, ains du propre de cette maison-ci, comme il est en vérité ; nous vous enverrons comme il faut que vous fassiez en cela.

Je trouve votre intérieur bien, mais suivez bien les petits avis ci-dessus, et me croyez ; exercez en cet état une grande douceur, support et extraordinaire charité et cordialité vers cette bonne fille,[151] et embrassez courageusement les humiliations et contradictions : Notre-Seigneur veut cela de vous.

Il faut que cette chère novice que Dieu caresse soit fort simple et obéissante.

Pour la bonne madame Verne, il faut traiter son esprit tendrement, lui donner toute la connaissance et tout le goût que vous pourrez de la vraie perfection, laquelle n'est autre chose qu'un parfait dépouillement de soi-même et soumission à Dieu ; car elle a besoin d'être dépouillée, mais doucement.

Je parlerai à M. Roland de la Péronne.[152] Madame la [196] comtesse de Tournon n'ira point là, mais madame de la Croix la pourrait ramener. Elle ferait grande charité.

O Dieu ! ma très-chère fille, que vous dirai-je ? sinon la si sensible et douloureuse affliction qui nous est arrivée en la mort de mon pauvre très-cher fils de Thorens. Dieu nous fortifie ! Certes, il faut se taire, car c'est la main de Dieu qui l'a fait. Soit à jamais son saint Nom béni et sa volonté accomplie !

Tenez-vous fort douce et constante en cette occasion.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Elle fait l'éloge du baron de Thorens, et de la résignation chrétienne de sa veuve. Envoi des règles et constitutions.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 2 juin 1617.

Dieu soit béni de toutes vos bonnes nouvelles, ma chère fille, et sa bonté répande abondamment ses grâces sur vous et [197] sur la chère troupe, que j'aime très-chèrement et tendrement ; la petite cadette verra un tour de l'empressement et faute d'attention de ma Sœur N... ; il faut souffrir cela de cette fille qui fait tout fort bonnement. Je la salue étroitement, cette petite ; je l'aime fort, vous le savez, ma très-chère fille.

Hélas ! qui ne ressentirait jusqu'au fin fond la perte de tant de douceur et de consolation que le cher enfant donnait[153] ? Certes, ma fille, je n'eusse jamais cru durant sa vie qu'il m'eût laissé la vingtième partie des douleurs que j'ai reçues [par sa mort] ; mais, grâce à Dieu, nous avons en tout aimé et aimerons toujours très-chèrement la volonté de notre bon Sauveur ; la pauvre petite veuve est si douce et aimable en sa douleur, que ne se peut dire davantage.[154]

Voilà les règles : vous avez les nôtres, et nous demeurons sans aucun mémorial [cérémonial] pour faire l'établissement, à l'habit, à la profession ; c'est pourquoi nous vous supplions de les renvoyer promptement. Mes très-humbles saluts à Mgr l'archevêque, à nos chères Sœurs, aux amis, et particulièrement à la très-chère et bonne Sœur Barbe-Marie, et à vous par-dessus toutes ; car toujours vous êtes la très-chère fille de mon cœur. Dieu vous rende parfaitement sienne. Amen. Vive Jésus !

Dieu soit béni ! Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [198]

LETTRE CIV - À LA sœur MARIE-AIMÉE DE BLONAY

MAÎTRESSE DES NOVICES, À LYON

Dans quel esprit elle doit diriger les novices.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617].

Ma très-chère petite, quelque grande hâte que j'aie, si ne puis-je pas m'empêcher de vous saluer et embrasser amoureusement avec toutes vos chères novices, que mon cœur chérit parfaitement en Notre-Seigneur. Je vous les recommande, ma très-chère fille ; faites-les avancer dans l'amour de leur céleste Époux tant qu'il vous sera possible, mais avec un esprit de douceur, de patience, de charité, lequel vous fasse supporter toutes les petites faiblesses, négligences, tardivetés et manquements, sans témoigner jamais un seul instant d'étonnement, afin que la parfaite confiance qu'elles vous doivent avoir ne soit point altérée.

La leçon [du support] des prochains est la plus excellente leçon [que nous devons tirer de la doctrine] des saints. Bienheureux ceux qui la pratiquent parfaitement ; faites-le bien, ma très-chère petite fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Décision de la Sainte pour la réception des Sœurs tourières et pour leur vêtement.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617].

Je répondrai brièvement à votre billet, ma très-chère Sœur, [199] n'ayant le loisir de beaucoup écrire ; j'en suis pourtant marrie, car je désirerais bien d'écrire à ma Sœur de Gouffier et à nos Sœurs, mais il ne se peut : depuis quinze jours, nous vous avons écrit deux fois.

Non, il ne faut faire aucune cérémonie en la réception des Sœurs servantes,[155] mais oui en la profession, ainsi que la règle l'enseigne. Pour ce qui est de l'habit de la servante, il serait plus modeste comme vous le désirez ; mais si l'on témoigne de ne le pas agréer, je crois que vous ferez bien de différer pour éviter les pointilles ; la chose étant quasi indifférente, il faut se mettre du côté de la condescendance ; car enfin, ma très chère fille, une once de cette vertu vaut mieux que cent livres de propre volonté ; je m'assure que vous serez toujours bien aise de demeurer dans la vertu et laisser les autres en leur volonté.

Il nous tarde grandement de savoir de vos nouvelles, et quel effet nos dernières lettres auront produit. Dieu, par sa bonté, veuille qu'elles aient été bien reçues !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CVI (Inédite) - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Elle le prie d'écrire à Mgr de Bourges en faveur de Celse Bénigne, et témoigne un grand désir d'être délivrée de toute affaire du monde.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617].

Vous le ferez, mon très-cher Seigneur, vous goûterez un peu, puisque je vous en prie, et me manderez en vérité si le sirop [200] a bien profité ; j'aurais bien voulu que vous eussiez vu mes lettres, mais elles sont trop longues et fâcheuses, et ne sont encore achevées, n'ayant rien écrit depuis dîner. Si vous pouviez écrire un mot de lettre à Mgr de Bourges en témoignage du ressentiment que vous avez du bien qu'il promet pour l'avancement de notre fils,[156] je crois qu'il lui serait agréable et lui profiterait. Oh ! mon vrai et cher tout bon Père ! que d'embarrassements aux affaires du monde ! le bon Dieu m'en délivre. Je serai toute guérie de cette secousse quand j'aurai le bonheur de vous voir moi-même, mais non pas devant... Il est bien vrai que je n'en ai nul trouble par la grâce de Dieu, mon très-bon Père. Le doux Jésus bénisse votre cœur et le mien de son très-pur amour. Amen. Bonsoir, mon très-cher Père, tout uniquement et chèrement bien-aimé. La petite chère Sœur n'en veut-elle pas ?

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CVII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Guérison de sœur Marie-Gasparde d'Avisé. — Charité de la Sainte pour le salut d’une âme. — Désir de voir une fondation à Grenoble. — Prévoyance pour le retour à Lyon d'une enfant qui lui avait été confiée. — Nouvelles de sa santé, et de la communauté d'Annecy. — Achat d'une custode.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 3 juillet 1617].

J'ai envoyé vos lettres à Monseigneur, ma très-chère fille ; s'il y a quelque chose d'importance, je crois qu'il vous répondra. Grâce à Notre-Seigneur, toutes nos malades sont hors du péril de mort ; elles nous ont fait belle peur, mais surtout la [201] pauvre Sœur Marie-Gasparde [d'Avise] ; elle peut bien compter pour une !

J'avais deux choses ou trois à vous dire, mais votre chétive Mère n'a mémoire qui vaille, ma très-chère fille ; nous écrirons un mot à M. l'aumônier, en réponse de celle qu'il écrivit à Monseigneur... Si cette pauvre créature veut, nous la retirerons ici, et lui ferons de grand cœur l'assistance qui nous sera possible ; mais comme nous vous avons déjà mandé, il n'y a moyen que vous lui donniez l'entrée à votre maison de Lyon ; or, si elle ne cherche que Dieu, et sa réconciliation avec sa Bonté, elle agréera de venir ici, sinon la divine Majesté se contentera de notre bonne volonté.

N'est-il pas vrai, ma chère fille, que M. [Austrain] doit venir quérir sa fille, et non pas nous laisser la charge de la renvoyer ? Vraiment, nous le ferions de bon cœur, si nous en avions la commodité ; mais il ne se faut pas attendre de la rencontrer. Obligez-nous donc, ma très-chère fille, de leur faire savoir, et de leur persuader dextrement de l'envoyer prendre : il ne faut pas tant de façon, un homme à cheval l'emportera bravement devant lui. Or je vous recommande cela, ma très-chère enfant, et de nous bien mander de vos nouvelles et de votre famille ; car j'en suis un peu affamée. Tout va ici à l'ordinaire ; mais je ne vous saurais dire ce que j'y fais, car nous avons tant d'affaires que les unes poussent les autres dehors. Nos filles font prou bien, mais surtout nos Sœurs novices se rendent soigneuses. La pauvre Sœur *** a toujours ses passions vives ; mais je dis ceci à votre cœur, auquel je parle en toute confiance. Nos comtoises prétendantes[157] et madame de Rohier sont de bonnes filles. Maintenant que notre chère Sœur Barbe n'est plus à Grenoble, nous en savons rarement des nouvelles ; les dernières pourtant que Monseigneur en eut [202] étaient que les affaires de la nouvelle Visitation étaient en bon terme. Certes, ma chère fille, nous serions bien aises que le Seigneur nous établît là pour sa gloire. Je ne puis écrire à cette très-chère Sœur Barbe-Marie ; mais je vous prie, ma fille, assurez-la toujours fort de l'entière affection de mon cœur pour le sien tout aimable en sa cordiale franchise. Eh ! Dieu vous rende toute pleine de son très-saint amour !

M. le trésorier Bonfils a donné en aumône à notre église cent ducatons ; nous les avons remis pour être employés en deux chandeliers et une custode, dont nous envoyons le portrait pour montrer à peu près notre intention ; non que nous ne laissions à la discrétion de [l'orfèvre] ce qui est raisonnable. J'écris un mot à madame Voullart, pour qu'elle soit entremetteuse en cette occasion. Je suis contrainte de finir ; depuis dix ou quinze jours je ne me porte pas trop bien de ces accidents : j'en ai eu un assez fort ; mais je me ravigorerai, s'il plaît à Dieu. Bonsoir, ma fille toute chère, et à votre bénite troupe que j'embrasse en esprit de toutes les forces de mon âme, sans oublier notre bonne Sœur Colin. Et, s'il vous plaît, ma fille, recommandez-nous à la révérende Mère des carmélites. Je salue tout à part ma chère cadette, et enfin tous. Je suis, mais de tout mon cœur, je suis entièrement toute vôtre en cette immense Bonté, qui vive et règne à jamais dans nos cœurs. Amen. Ce 3 juillet.

La petite Christine[158] craint fort de retourner chez son père, voyant qu'elle n'y est pas désirée, et plus encore à Sainte-Ursule ; elle prie grandement M. son père de la faire mettre à Neuville. Il y a eu ici une dame de là, et depuis elle a toujours désiré d'y être mise : aidez-nous, je vous prie, à nous en décharger, mais doucement et bravement.

Ma mie, s'il fallait le pied de votre calice pour la custode, [203] vous le donneriez ; je le trouve beau, et me semble que s'il était bien redoré, il serait bien propre, et que cela aiderait ; les 700 florins pourraient suffire bravement.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CVIII - À LA MÊME

Nomination à Annecy de M. le président de la Valbonne. — Une enfant est reçue au monastère par déférence pour le président Favre. — Attente de madame l'abbesse du Puy-d'Orbe.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 8 juillet 1617].

... [Plusieurs lignes effacées.] Hélas ! ma très-chère fille ma mie, le grand accident qui arriva à soir du pauvre M. le président d'ici, qui se noya.[159] Dieu lui fasse miséricorde, et nous console de donner sa charge à M. de la Valbonne[160] ; pensez, je vous prie, si je le désire. Ces jours passés, M. votre père a, par d'extraordinaires prières, obtenu de Monseigneur que la petite M. de B... serait prise céans ; elle n'est qu'entrée en sa quatorzième année ; c'est une chose qui nous a un peu mortifiées et que nous avions résolu de ne jamais faire, mais il a été impossible de le refuser à ce bon seigneur M. le président, lequel nous avons toujours honoré et regardé comme notre second père. Cette occasion, sans qu'il en faille rien dire, nous fait grandement désirer que l'on envoie quérir la petite [Austrain] ; l'on nous ferait grande charité que ce fût à la fin [204] de ce mois, où les deux ans qu'elle est avec nous finiront ; ma fille, faites tout ce que vous pourrez pour cela, je vous en prie. Nous attendons madame du Puy-d'Orbe,[161] avec un extrême désir de la voir et servir ; l'on a su qu'elle avait été à Lyon, et cela me faisait craindre, puisqu'elle tarde tant, qu'elle ne vienne pas... [Plusieurs lignes indéchiffrables.]

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CIX - À LA MÊME

Indisposition de la Sainte ; souhaits de fête à la Mère Favre. — Projet d'un voyage à Lyon. — Elle annonce la construction d'un nouveau corps de bâtiment pour achever le monastère, et l'envoi d'une lettre à Mgr de Marquemont.

VIVE † JÉSUS !

Annecy. 25 juillet 1617.

Certes, ma très-chère fille, nous étions en peine d'être si longtemps sans trouver commodité de vous écrire ; ce n'a pas été faute de les faire chercher ; mais les eaux ont été si débordées qu'elles ont retenu beaucoup de gens en leurs maisons. Hélas ! je ne puis sinon vous faire ce billet, car je ne me porte rien trop bien. Depuis le départ de ma Sœur Colin, nous avons été grandement travaillée de défluxions, et m'a fallu purger enfin ; et, le même jour, il nous arriva un petit accident qui nous a laissée un peu faible ; c'est la raison pourquoi nous attendons nos marchands qui vont sur la fin de cette semaine à Lyon, pour écrire à Mgr l'archevêque et à ces chères Sœurs qui nous ont écrit ; mais à ma pauvre très-chère grande fille, il n'y a eu moyen de retarder. Ce jour saint[162] ne s'est point passé sans avoir mémoire très-particulière de vous, et sans la donner aux [205] autres. Hélas ! ma très-chère vraie fille, ne croyez-vous pas que mon affection me porte à désirer de vous voir, et servir votre petite maison en tout ce qu'il nous sera possible ? Certes, je ne vous dirai que ce mot, car il me semble qu'il ne vous serait pas possible d'en douter. Or, vous savez bien que c'est une résolution absolue de ne point partir d'ici que nos affaires ne soient résolues [à Rome]. Mais quand Dieu y aura mis une fin, si vous jugez que ma présence vous soit si entièrement nécessaire que Mgr l'archevêque vous le témoigne, je pense que notre bon Seigneur nous donnera bien congé pour un mois ; mais je vous assure, mon enfant, que je ne vois pas comme l'on pourrait quitter maintenant cette maison pour plus longtemps, car voilà les ouvriers qui commencent le bâtiment ; et puis voici une si grande famille et qui grossit tous les jours, qu'il y aura peine à la laisser ; mais cependant je suis toute à vous, pourvu que je vous sois nécessaire. Considérez bien, pour prendre le temps à propos, que vos affaires soient disposées, vous aurez du temps pour cela ; j'écris si à la hâte que je ne sais ce que je dis ; mais je sais bien pourtant que vous êtes toujours et serez ma très-chère grande fille.

Faites faire l'encensoir ; nous le manierons doucement. Au reste, ma mie, s'il se peut trouver de la laine prête à filer, comme vous savez que je la file, envoyez-m'en deux pièces ou une, pour achever la pièce de serge qui est prête à faire, et qui demeure, faute de n'en pouvoir recouvrer ici. J'écris donc à Mgr l'archevêque, car la douceur de sa lettre mérite bien réponse, et à ma Sœur Colin, à la cadette, et à nos Sœurs de Moulins ; faites toujours bien et priez pour nos affaires de Rome. Adieu, ma très-chère amie ; vous savez que je suis toute vôtre.

Dieu soit béni ! Ce jour saint Jacques.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry [206]

LETTRE CX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Obligation de sauvegarder les intérêts de chaque monastère. — Éloge de M. Grandis. — La Sainte compare le Bienheureux Évêque de Genève aux anciens Pères de l'Eglise. — Commissions affectueuses pour les Sœurs de Moulins.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1er août 1617.

Vous pouvez penser, ma très-chère fille, si nous sommes consolées de trouver cette occasion de vous écrire ; mêmement ayant appris par vos dernières que vous n'avez point reçu toutes celles que nous vous avons écrites en réponse des vôtres, n'ayant rien oublié de tout ce que vous me demandez ; mais il n'y a moyen pour ce coup de rechercher vos lettres pour y faire une nouvelle réponse.

Je redirai seulement ce que je sais être nécessaire touchant ce que vos parents vous doivent : premièrement, que si vous êtes nécessitée, vous pourrez prendre les pensions pour votre secours et entretien, comme aussi le principal, si Dieu ne vous envoie d'autres secours, à la charge toutefois que tout sera reconnu être des deniers de cette maison-ici, et que celle de Moulins s'en obligera, et à le rendre dans quatre ans ou six ; et, pour cela, selon que vous me manderez par le retour de ce porteur, nous vous enverrons une procure pour recevoir ledit argent.

Certes, mon enfant, il n'y a pas grande apparence que nous puissions vous aider que par cette voie-là ; les charges de cette maison sont extrêmes, car nous sommes forcées de bâtir et d'acheter les places pour cela. Priez Dieu qu'il nous assiste, car nous ne pouvons faire joindre M. le fiscal. Il est vrai que pour cela nous en serons quittes pour de l'argent ; mais le [207] jardin de Saint-Dominique est notre grand fléau, j'espère pourtant que Dieu nous assistera.

Ma sœur de Gouffier nous mande qu'elle s'en ira bientôt, et que cette maison commence à s'accommoder. Dieu, par sa bonté, le veuille ! mais il est bien difficile, sinon que le nombre des filles y croisse.

Monseigneur revint à soir ; il a dit ici la sainte messe, mais incontinent multitude de gens l'ont emmené ; il se porte très-bien, grâce à Dieu. Je ne vois pas que je le doive avertir de cette occasion ; je le ferai pourtant parce qu'il ne pourrait écrire, car, outre les visites, la Saint-Pierre [es liens] le tient trop attaché à l'église.

Je vous écrivis fort longuement environ la fêle du Très-Saint-Sacrement, et cette fois-là nous vous mandâmes la grande affliction dont Dieu nous avait visitées par la mort de mon pauvre fils de Thorens ; sa chère petite est grosse, elle est ici auprès de nous. Sa sœur s'en va avec madame de la Fléchère.

M. de Lespine et le très-bon M. Grandis sont morts, et encore M. Desouches bien malade[163] : voilà de grandes pertes pour le collège de Saint-Pierre, mais surtout de M. Grandis, homme de parfaite sainteté que chacun pleure et regrette pour l'extrême perte que l'Église a faite. Les seigneurs de Genève même, forcés par sa rare vertu, le regrettent et disent que c'était un ange du ciel ; certes, cette mort me toucha jusqu'au fond du cœur. Monseigneur en a ressenti et ressent une douleur nonpareille. Encore ce matin les larmes lui en venaient aux yeux ; il n'était [pas] ici quand il mourut. Enfin les maladies sont grandes et dangereuses en cette ville.

J'eusse bien désiré que Monseigneur n'y fût retourné, au moins qu'après la fin d'août ; mais Dieu en aura soin, s'il lui plaît, et nous le conservera. Il a été six semaines par son [208] diocèse, où il a fait tant de bonnes œuvres, que c'est chose digne de louer Dieu ; mais il travaille si extraordinairement qu'il ne pourrait subsister sans l'aide particulière de Notre-Seigneur. Cette sainte âme va toujours se sanctifiant et avançant du côté de la désirable éternité, et ne s'arrêtera qu'il ne soit aux rangs de ces grands et anciens Pères et Prélats de l'Église ; faites fort prier pour lui. Nous avons peu souvent la consolation de le voir depuis un an ; mais j'en ressens tant plus de voir son train. Dieu nous rende dignes filles d'un tel Père ! Il me semble que tout ce qu'il nous a jamais dit et dira doit être parfaitement accompli.

Or sus, c'est pour votre consolation que je vous dis ceci, et que, grâce à Dieu, nos Sœurs vivent avec la plus grande douceur et joie spirituelle qu'il est possible, ayant un grand soin et désir pour l'entière observance.

Nous n'avons encore reçu la dépêche de Rome, l'on est toujours en incertitude de quel côté Monseigneur ira pour l'avent et le carême. Dieu, par sa bonté, fasse de lui et de nous toutes sa très-sainte et seule très-adorable volonté !

Je vous prie que nos Sœurs m'excusent pour ce coup ; je leur ai écrit il n'y a pas longtemps ; qu'elles relisent nos lettres, et fassent bien ce que vous leur direz : enfin il faut toujours être attentives à la sainte humilité, simplicité et parfaite obéissance. Dieu nous étant présent, rien ne nous sera impossible. Je les salue toutes très cordialement, et tout particulièrement ma bonne et très-chère Sœur Verne, que je souhaite toute douce et innocente en l'école de Notre-Seigneur ; certes, je la chéris cordialement pour la bonté de son cœur qui a voulu enfin se consacrer sans réserve à l'amour et service de son Dieu, notre bon Sauveur ; mandez-nous leurs noms.

Adieu, ma très-chère Sœur ma fille ; je prie Dieu qu'il vous remplisse de ses saintes grâces, afin qu'en vraie humilité et douceur vous le serviez en la personne de ses [209] chères épouses ; je ne peux oublier ma Sœur Gabrielle [Bally] que j'aime tant. Je suis toute vôtre, ma mie, de tout mon cœur.

[P. S.] S'il y a moyen, ma très-chère Sœur, je vous supplie de nous envoyer par ce porteur deux livres de laine pour achever de fournir une robe [soutane] pour Monseigneur ; il ne s'en trouve ni à Lyon, ni à Genève qui se puisse filer comme il faut ; nous payerons bien le port et le prix, assurez-en le messager. M. de la Valbonne est président ici, l'autre s'étant noyé.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Les âmes vraiment royales se dévouent au service de Notre-Seigneur au milieu des difficultés. — Conseils pour la direction d'une Sœur qui jouissait de grandes consolations spirituelles. — Avec quel courage on doit surmonter les répugnances que donne une charge. — On ne saurait choisir les prétendantes avec trop de soin. — La Mère Favre doit s'employer auprès de Mgr de Marquemont pour les affaires de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1611]

Je viens donc vous écrire tant que je pourrai en ces trois quarts d'heure, pour ne perdre cette occasion, ma très-chère fille. Certes, vous m'avez fait un singulier plaisir de nous dire un peu des nouvelles de votre tant aimé cœur, et de vos chères filles ; loué soit Dieu de tout ce que vous nous dites de l'un et de l'autre. Oh ! que vous serez heureuse, ma très-chère fille ma mie, si vous persévérez de servir notre grand et doux Rédempteur, avec la pointe de l'esprit, indifféremment, comme vous dites, en tout ce qui se présentera : ce sont les âmes vraiment royales qui font ainsi. La divine Majesté vous fasse la grâce de persévérer en fidélité. Vous avez bien fait de ne pas continuer votre [210] retraite ; croyez-moi, ne l'entreprenez jamais en des grandes chaleurs, à cause du grand assoupissement qu'elles causent. Enfin, si Dieu veut que nous marchions comme aveugle et à tâtons, ne nous importe, car nous savons qu'il est avec nous.

Je suis étonnée de ce que vous nous dites de Paris et de Châlons[164] ; nous n'en savons autre chose. Ce nous serait grand profit de ne nous séparer d'un an ; mais en tout la sainte volonté de Dieu soit faite ! Nous sommes pressées par la grâce à cela. Que si l'on m'envoie, il me fera grand bien de nous revoir.

Je ne sais bonnement que dire de ma Sœur***, écrivez-moi un peu plus particulièrement ce que c'est, et les effets que tels sentiments lui laissent, et en communiquez avec le révérend Père recteur, et lui faites parler aussi ; certes, elle doit employer tout son courage pour couvrir cela et ne s'y point abandonner. Faites-la bien dormir et manger, et l'éprouvez. Demandez à Dieu la lumière pour le bien faire, car s'il y a de l'humilité et une parfaite obéissance, il n'y a rien à craindre. Il lui faut grandement recommander la naïve et sincère vérité et simplicité en toutes ses actions, surtout quand elle aura ces consolations. Bref, si elle a les vertus, il n'y a rien à craindre, quand bien ce serait de l'esprit malin ; mais de la nature ou de l'imagination me semblerait plus dangereuse ; parlez-en, je vous prie, et devant elle, au Père recteur.

Je vous assure que je suis consolée de vous savoir la petite Orlandin ; mais cette autre petite Raton, que fait-elle ? Ma fille, vous faites uniquement bien de ne retenir ces filles qui ne sont propres ; tâchez de gagner que l'on nous laisse recevoir celles qui nous seront agréables, encore qu'elles n'aient tant de biens. Mon Dieu, que c'est de grande importance d'avoir de braves filles ! Je serai marrie si ma Sœur N... s'en va ; car je pensais qu'elle se pourrait rendre propre pour être directrice un jour, [211] pour soulager cette fille qui vit en cette charge avec un esprit si ennuyé ; la continuation de cette peine m'en donne. O ma fille ! c'est la vérité qu'il faut être plus que femme pour servir Dieu au-dessus de toute humeur et inclination naturelle ; mais quel bonheur aussi de renverser la nature pour faire place à la grâce ! Sa divine bonté nous assiste pour cela, s'il lui plaît, car il ne faut pas un moindre secours.

Je vais écrire un mot à M. Austrain, qui nous prie de garder sa fille au moins jusqu'au mois de septembre ; nous le ferons volontiers pour l'amour de lui, car je vous avoue, ma fille, qu'elle ne profite point.

Nous n'avons encore point de nouvelles de Rome ; je crois que Mgr l'archevêque voudra aider à l'affaire ; si elle n'était expédiée, priez-le, je vous prie, de la faire expédier, et que ce soit surtout avec les privilèges que le Père procureur a mandé qu'il avait obtenus ; car enfin il est impossible de se soumettre à autre chose. Je crois, ma fille, que vous ferez bien de lui écrire une belle et honorable lettre de supplication sur ce sujet ; car je crains que le Père procureur ne soit un peu long en ses poursuites ; mais écrivez comme de vous-même. Mon enfant, il faut finir : Dieu soit notre tout. Amen. Bénie soit sa bonté, et je suis sans réserve vôtre, et à la Sœur Barbe-Marie, et à toutes vos filles. Vive Jésus !

Mon enfant, j'écris si à la hâte que j'oublie la moitié de ce que je voudrais dire. Or sus, oui certes, et de bon cœur, nous vous ferons faire un voile de calice ; mais il faut laisser passer les grandes chaleurs, car on ne travaillerait pas proprement. Je ne sais si nous avons des soies, ma Sœur Péronne-Marie nous a dit que non, mais elle vous écrira de cela. Ne faites voir les lettres que les deux Sœurs s'écriront. Celle-ci n'est pas fort touchée ; nous y ferons ce que nous pourrons.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [212]

LETTRE CXII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Elle l'encourage dans les traverses suscitées par madame de Gouffier, et la prie de résoudre quelque affaire d'après le conseil des Pères jésuites, sans attendre son voyage ou celui de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 11 août 1617.

Ma très-chère fille ma mie, j'aime mieux que vous n'ayez que ce billet que de perdre l'occasion de vous l'écrire. Oui certes, nous avons répondu à toutes vos lettres et à toutes celles de nos Sœurs. Or, Dieu soit béni ! Je vous écrivis l'autre jour par un homme que l'on envoyait à M. de la Croix. Croyez, ma très-chère Sœur, que Monseigneur et moi ne manquons pas de soin ni d'affection pour votre maison ; mais nous ne savons bonnement comme employer et l'un et l'autre, tant il faut ménager l'esprit de cette pauvre Sœur,[165] et encore son travail qu'elle a pris après cette maison. Voilà un billet que je lui écris, qui est à cachet ouvert, et Monseigneur un autre pour la persuader de venir ici. O Dieu ! que nous le désirons ! mais nous ne l'espérons pas, non plus que vous ne devez pas espérer que je puisse aller à vous cette année : l'impossibilité y est toute claire.

Quant à Monseigneur, je pense que vous le verrez ; mais encore n'y a-t-il rien d'assuré. C'est pourquoi il faut que vous preniez bien le conseil des bons Pères jésuites, et celui des amis de delà avec poids et considération, tant de la nécessité de la sortie de cette fille, que de la considération qu'il en faut avoir, eu égard à ce qu'elle a fait, car jamais il ne faut demeurer en ingratitude. Faites donc cela, et puis vous écrirez bien tout au [213] long et votre avis et sentiment de ce que nous devrons faire ; car, étant sur les lieux, vous pourrez mieux juger que nous. Que s'il faut exécuter quelque sortie pressante, il me semble encore qu'il serait plus séant de la lui faire persuader par d'autres que par nous. Enfin, nous ferons tout ce que nous pourrons qui sera selon Dieu, car qui peut douter que cette maison-là ne nous soit très-chère ?

Vous ne nous mandez rien de l'affaire des Pères barnabites ; je le désirerais pourtant, puisque sur ce que vous nous mandâtes, nous leur avons parlé et ils ont désiré que l'on s'y employât. Il faut nécessairement finir. Je suis de tout mon cœur toute vôtre, vous le savez, ma très-chère fille, et à toute la chère troupe.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Acquisition d'une maison. — Estime spéciale pour M. de Saint-Nizier. — Commissions pour diverses personnes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 15 août 1617].

Que pourrais-je vous dire dans ce moment, ma chère fille ? Je n'ai rien de nouveau, sinon qu'enfin je pense qu'aujourd'hui nous aurons les maisons de M. le fiscal avec sa fille, bonne, douce et de grande affection d'être ici. Au reste, les filles de la ville commencent à s'échauffer maintenant que l'on est en train de les faire patienter ; mais il va bien ainsi, n'est-ce pas, ma fille ?

Or, voilà des lettres pour Mgr de Lyon, qu'il faut envoyer promptement, car n'ayant point de dépêches ni nouvelles, [214] ainsi que le Père procureur des barnabites avait promis, nous craignons qu'il ne s'oublie de nous ; c'est pourquoi nous conjurons Mgr de Lyon de nous faire la charité. Notre bon M. de Saint-Nizier fera bien l'office de les faire tenir sûrement : je le salue avec cette ancienne et cordiale dilection que mon âme a vouée à la sienne, de laquelle je ne veux ni ne peux jamais m'oublier ; assurez-l'en toujours, ma très-chère fille, et le saluez souvent de ma part ; car soit que je le nomme ou non, mon intention est toujours telle, l'honorant invariablement et de tout mon cœur.

Au reste, ma fille toute chère, nous désirons bien fort d'avoir notre custode et les chandeliers le plus tôt qu'il se pourra ; le mois que l'argentier avait demandé à M. le trésorier est bien passé ; faites, je vous supplie, qu'il soit sollicité. Adieu, il faut finir sans oublier cette très-chère sœur Barbe-Marie, que j'aime tant. Mais je crains bien que ces messieurs de Grenoble ne laissent échapper Monseigneur jusqu'à Paris.[166]

Dieu sur tout et en tout soit glorifié, n'est-ce pas, ma fille toute chère, que j'aime tout parfaitement et tout particulièrement ? Je suis toute vôtre enfin et de tout mon cœur. Vive Jésus éternellement ! Ce jour saint de Notre-Dame.

Conforme à l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXIV - À LA MÊME

Assurances de prières pour un ami de la communauté. — Annonce du sacre de l'église. — Estime de la Sainte pour les contradictions. — Elle parle de plusieurs bonnes prétendantes ; incertitude pour l'époque de leur réception.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 26 août 1617].

Ma très-chère Fille,

Vous pouvez penser si nous avons prié pour le pauvre [215] M. [Austrain] que nous chérissons grandement et particulièrement pour l'amitié qu'il porte à cette chère maison de Lyon ; Dieu, par sa bonté, lui donne ce qui lui est nécessaire ! Nous espérons que si Notre-Seigneur le laisse, il nous tiendra parole de retirer sa petite d'ici au mois de septembre ; nous le désirons fort, car elle se gâte avec nous qui ne pouvons rien gagner sur elle.

Je ne sais, ma très-chère fille, si vous avez reçu toutes nos lettres, car nous avons souvent écrit. Je vous supplie de vous souvenir d'envoyer au plus tôt qu'il se pourra la custode. Le mois que l'argentier avait demandé est bien passé ; nous avons les prières [le Jubilé] la semaine prochaine ; plût à Dieu qu'elle vînt ! mais il n'y a point d'apparence. Nous espérons de faire sacrer notre oratoire le mois prochain, et je crois que nos chères dames les présidentes y seront ; pensez quel contentement ce nous sera.

Nous avons enfin les maisons et la fille,[167] laquelle me plaît bien ; mais les Pères de... nous veulent empêcher notre bâtiment, ce qu'ils ne pourront, mais oui bien nous donner de la peine. Dieu soit béni, il faut avoir des croix, et qui portera les plus grandes sera le plus heureux.

Nous avons toujours grande quantité de filles qui demandent, lesquelles la plupart me reviennent grandement ; mais toutes pauvres, excepté deux qui ont un peu de commodité. Quand nous pourrons voir Monseigneur avec un peu de loisir, car il est quasi accablé, et nous n'avons pu seulement être confessées de lui pour le Jubilé, excepté quelques professes ; quand, dis je, nous l'aurons avec loisir, nous tiendrons un petit conseil pour résoudre si nous croîtrons en nombre ou non, car s'il n'y a point d'apparence de fondation, il faudra prendre haleine, [216] parce que cette maison est grandement chargée et pleine. Madame la comtesse de Rossillon a été ici huit jours ; elle a fait sa confession générale ; c'est une brave femme ; sa demoiselle aussi l'a faite ; elle a un esprit bien fait, et ardente au désir d'être céans. Nous serons contraintes et forcées d'en recevoir au moins trois ou quatre, quoi qu'il arrive, et en outre une fille de prophétie, je veux dire, qui a été prophétisée dès le ventre de sa mère pour être religieuse, laquelle se convertit pendant qu'elle la portait ; mais je dirai le reste une autre fois, étant contrainte de finir. L'on dit que le sire Pierre part. J'aurais grande envie d'envoyer un billet au cœur de notre très-chère Sœur Barbe-Marie ; mais je ne pourrai. Adieu à toutes que j'embrasse très-amoureusement.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXV - À LA MÊME

Elle la félicite d'habiter un nouveau monastère. — Nécessité de renvoyer les prétendantes sans vocation. — Envoi d'une custode et de chandeliers pour le sacre de l'église.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, septembre 1617].

Certes, ma toute chère fille, pour ne perdre cette commodité, je fais une petite demi-désobéissance, car il m'est ordonné de n'écrire point après souper ; il est vrai que c'en est bien loin, puisque l'on va dire matines. Vous êtes bonne et brave d'avoir pris la peine de m'écrire tant au long de votre beau logis. Dieu soit béni, qui vous a si bien placées, et encore de ce qu'il vous a délivrées de la bonne Sœur N...[168] Vous verrez qu'elle sera humiliée comme il faut. Hélas ! ma fille [217] très-chère, qu'il y a peu de vraie dévotion ! Dieu vous donnera de bonnes et utiles filles, puisque vous êtes fidèle à ne vouloir garder celles qui ne nous sont propres. Je suis très-contente et consolée du bonheur de la bonne hôtesse de mon cher neveu. Au reste, mon enfant, je vous supplie de faire solliciter les chandeliers et la custode, car bientôt l'on sacrera l'église. Si j'avais le loisir, j'en eusse prié M. Voullart que j'aime de tout mon cœur ; faites-l'en prier, je vous supplie, ma fille, car M. le trésorier demande fort si l'on a des nouvelles : l'argentier avait promis que dans un mois ils seraient faits. L'argent qu'il faudra pour les achever et payer, qui sera à mon avis de 80 florins, vous le donnerez pour nous, s'il vous plaît, et incontinent nous vous le renverrons. Si toutefois M. Voullart avait charge de les donner, mon neveu dit qu'il les faudrait laisser faire ; mais certes, je n'ai nulle intention ni désir de rien dire ni faire pour les exciter à cela.

Dieu le sait, ma fille, si nous avons de la consolation d'avoir ici cette chère petite présidente [de la Valbonne]. Je pense qu'il ne faut pas lui donner notre Sœur de N... Nous en parlerons. Adieu, mon enfant. Je n'ai point parlé à Monseigneur ; il m'a mandé que demain il donnerait une heure et demie à ma sœur de la Tour pour sa confession ; cela ne monterait guère à la chère Sœur Barbe-Marie, à qui quatre heures ne sont rien. Il se porte très-bien, grâce à Dieu ; mais jamais il ne fut en un tel accablement ni moins de loisir.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [218]

LETTRE CXVI - À LA MÊME

Profonde affliction et admirable résignation de la Sainte à la mort de sa fille, la baronne de Thorens.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, septembre 1617].

Ma très-chère fille, je bénis, j'adore, j'aime, et me soumets de toutes les forces de mon âme à la très-sainte volonté et Providence céleste qui m'a ravi quasi imperceptiblement ma très-chère fille uniquement bien-aimée.[169] Oui, ma fille, c'était, et non sans vraies raisons, l'âme de notre cœur, du très-cher Père, et de moi misérable qui n'ai pas mérité la grâce de jouir plus longtemps d'une vertu si complète en un si bas âge. Je me fonds, ma fille, car cette privation m'a vivement touchée et ne puis vous en dire davantage. O Dieu, qui blessez mon cœur avec un mélange de si grande miséricorde et suavité, que je ne [219] peux jamais ni ne dois faire que vous bénir, faites-moi la grâce de suivre la vie et la mort de cette mienne vraie fille ! Je ne peux, ma très-chère fille, vous parler de cette vie ni de cette mort heureuse ; je crois que mon très-cher Père duquel c'était l'unique fille, et mon très-cher neveu, vous en écriront au long. Enfin, nous la croyons tous au ciel, où elle régnera avec le cher Époux de son âme, avec lequel elle voulut en sa vie et en sa fin se lier si étroitement.

Voilà, ma fille, un échantillon de ma douleur, qui me fait replier mon esprit plus fortement du côté du ciel et crier de toutes mes forces : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Voici mon âme qui se répand devant vous et ne veut plus jamais respirer ni aspirer que pour vous et en vous. Accomplissez en moi très-parfaitement votre très-sainte volonté. Ma fille, faites faire une communion à cette intention, afin que dorénavant je ne vive plus à moi, mais que mon Sauveur vive seul en moi. Je sais que vous ferez fort prier pour ma chère défunte. Je vous prie, ma fille, que cette lettre soit communiquée à ma Sœur Jeanne-Charlotte, car je ne puis écrire davantage et je désire qu'elle sache cette affliction pour faire faire des prières. Oh ! ma fille très-chère, il faut bien élargir notre cœur pour recevoir tout ce que cette divine Bonté y voudra mettre. J'embrasse amoureusement votre cœur et celui de toutes nos chères filles que je souhaite pures, simples, humbles et douces. Je suis, ma très-chère fille, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [220]

LETTRE CXVII - À LA MÊME

Même sujet. — Elle annonce la profession des Sœurs de Sales et d'Avise et la consécration de l'église du monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, septembre 1617],

Je le crois bien, ma très-chère Sœur ma mie, vous avez été touchée infiniment de notre affliction ; Dieu soit béni éternellement pour tant de miséricordes qu'il y a mêlées, et me fasse la grâce d'en faire mon profit, car, certes, je le désire bien, ma très-chère fille, et de savoir un peu de vos nouvelles et de celles de nos jeunes novices que je chéris cordialement. Je ne peux écrire à pas une de nos bonnes Sœurs, n'en ayant le loisir, car l'on vient de me dire cette occasion, et voilà qu'il faut aller dîner ; mais, certes, mon enfant, je ne saurais de bon cœur laisser passer l'occasion de vous dire un mot que je ne le fasse. Or, sachez que ma misère est si grande que, depuis ce dernier coup, je ne sus me remettre en ma joie ordinaire ; quoique, grâce à Dieu, j'aie mon esprit en repos et tranquillité, et content en l'ordre de la divine volonté que j'aime chèrement en cette douleur et privation de ma pauvre petite très-chèrement aimée.

Nous donnons le voile [noir] à nos deux Sœurs de Sales et d'Avise le jour de Saint-Michel, et le jour de Saint-Jérôme on consacre notre église.[170] L'on espère toujours que la Visitation sera établie à Grenoble. [Le reste n'est pas lisible.]

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [221]

LETTRE CXVIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Même sujet. — Éloge de la jeune baronne.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, septembre 1617].

Il est vrai, cette divine Bonté a percé et outre-percé mon cœur d'une extrême douleur à la mort de ma fille de Thorens ; mais que puis-je faire que baiser amoureusement la chère main qui m'a donné ce grand coup ? Bénie soit-elle éternellement ! Il est vrai, cette fille était la plus aimable et la plus sage qui se puisse trouver en son âge ; j'admirais son extrême vertu et j'avais une consolation incroyable de la voir résolue avec tant de fermeté de se dédier entièrement à Dieu. O bon Jésus ! je ne méritais pas une telle compagne, et peut-être qu'il n'était pas expédient pour elle et pour moi que nous jouissions en cette vie de tant de douceurs et contentements que nous en eussions pris l'une avec l'autre. Enfin elle jouit du souverain bien que je lui ai toujours souhaité, et Dieu a environné cette affliction de tant de miséricordes et de faveurs, que m'oubliant tant que je puis de ma juste douleur, je le bénis et le remercie de ce bénéfice que je tiens très-cher.[171] [Le reste a été coupé].

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [222]

LETTRE CXIX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

La Sainte sollicite l'entrée d'une nouvelle prétendante.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 17 septembre 1617].

Je vous fais seulement ce billet, ma très-chère Sœur ma mie, pour vous dire que madame Léotard, de Grenoble, désire se retirer en votre maison pour lui servir de passage au dessein qu'elle a de se consacrer à Dieu ; elle nous a instamment priée de lui faire avoir cette grâce ; c'est pourquoi Monseigneur et moi, nous vous en prions. Je vous fais ce billet sans jour ni loisir, et ne suis assurée par qui nous vous l'envoyons. Si c'est le révérend Père Raymond, assurez le que je suis toute sienne en Notre-Seigneur. Adieu, ma toute très-chère fille ; vous savez ce que je vous suis et à votre troupe.

Conforme à une copie de l’original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXX - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Elle exprime de nouveau sa douleur de la perte de la baronne de Thorens et parle d'une croix envoyée pour l'église par la duchesse de Mantoue, infante de Savoie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617].

La paix de Notre-Seigneur avec son éternelle bénédiction [223] soit pour jamais au milieu de votre cœur, mon vrai très-cher Père ! Certes, la médecine spirituelle que ce bon Sauveur nous adonnée a fait encore aujourd'hui son opération avec la corporelle ; mais l'une et l'autre avec tant de douceur, que je n'en ressens que fort peu de lassitude. Voire même, mon unique Père, je me sens soulagée de ces maux de cœur, et mon esprit reste tout plein de douceur et de suavité dans sa soumission et son amour en la divine volonté, laquelle j'ai toujours plus de désir de voir régner souverainement en notre sainte unité.

Mais, mon Dieu ! nonobstant cela, je vois et je sens combien cette fille était véritablement l'enfant parfaitement aimée de notre cœur ; elle le sera toujours, le méritant, ce me semble. Ce m'est un soulagement nonpareil dans cette douleur, de sentir cet amour où vous l'avez placé, comme une goutte d'eau précieuse dans un grand océan.

Je me soulage encore de vous dire ceci, mon unique et très-bon Père ; Dieu soit loué ! mais je le dis de toute mon âme, en paix, en douceur, et avec une très-grande connaissance et reconnaissance de la grâce que sa Bonté nous a faite de nous donner une telle enfant et de l'avoir attirée à soi si heureusement.

Vraiment, cette croix est très-précieuse, et celle de madame la duchesse[172] bien riche, et pour sa valeur, et pour l'honneur du témoignage de sa protection. Je le veux bien dire à tout le monde, car il nous vaudra.

Mais pour un peu de temps, il me semble que je devrais me retrancher de parler tant de feu notre pauvre petite ; car le contentement que j'y prends me laisse toujours de [224] l'attendrissement. Mon Père, mon unique Père, et tout ce que vous savez que vous m'êtes, ceci me sera un petit restaurant de vous avoir un peu parlé, car enfin tout ce qui est çà-bas de créé n'est maintenant rien du tout pour moi en comparaison de mon Père très-cher, Monseigneur, votre très-humble, etc.

LETTRE CXXI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Affaires de l'Institut. — La reconnaissance due à M. Austrain oblige à user de compassion envers sa fille.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, ce 10 octobre 1617].

Peut-être que ces lettres que je vous supplie d'envoyer à Moulins arriveront trop tard, et que ma Sœur de Gouffier sera déjà en chemin ; mais faisant ce que nous pouvons, il faut remettre tout entre les mains de la divine Providence. Mais, mon Dieu, ma très-chère fille, que nous fûmes consolée quand nous sûmes que mon cher neveu vous était allé voir, tant pour votre consolation que pour la nôtre ! car enfin il nous dira grandement de vos nouvelles, et il nous tarde fort d'en savoir bien amplement. N'en avez-vous point de Mgr l'archevêque [de Lyon], et n'y a-t-il moyen de savoir promptement par l'entremise de quelqu'un si nos affaires sont expédiées ou non ? car enfin nous sommes résolues d'y voir une fin, et d'envoyer un très-digne et très-affectionné solliciteur qui fera sans doute, avec la grâce de Dieu, bien et bientôt nos affaires. Or sus, nous n'avons le loisir que pour ce billet. Si ma Sœur de Gouffier passe à Lyon, faites-le savoir à madame Austrain, afin que, si elle veut, on lui renvoie [sa fille] par cette commodité, sinon nous la garderons jusqu'à Pâques. Elle fait un peu mieux [225] avec sa nouvelle maîtresse, ma Sœur Marie-Adrienne [Fichet] la tient bien court ; certes, nous avons tant de mémoire et d'affection pour le défunt, que nous faisons tout ce que nous pouvons. Mille saluts à nos très-chères Sœurs et qu'elles m'excusent ; mais elles sont trop bonnes pour user de ce mot. Adieu, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXXII (Inédite) - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Difficultés survenues à l'agrandissement du clos du monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 1617].

Mon pauvre très-cher Père, il ne faut laisser de manger de ces bonnes poires, encore que M. le prieur de... nous ait déclaré une prétention nouvelle toute contraire à la parole qu'il nous avait donnée de plein abord. Certes, j'ai été touchée de douleur de voir ce procédé ; mais je crois fermement que tout se convertira à notre bien, car Dieu est notre espérance et il nous fait la grâce de cheminer droitement et simplement. Il ne faut donc, mon très-cher Père, que nous déterminer à nous tourner du côté qui nous semblera être le plus selon Dieu, afin de commencer à faire ce qui sera besoin. Notre-Seigneur veut que nous ayons et souffrions doucement cette contradiction. Il nous aidera, s'il lui plaît, je l'en supplie.[173]

Conforme à une copie de l'original gardé au second monastère de la Visitation de Marseille. [226]

LETTRE CXXIII (Inédite) À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Madame de Gouffier quitte Moulins.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 26 octobre 1617.

Ma très-chère Sœur ma mie, nous venons de recevoir la vôtre du 15 de ce mois, et avons reçu les précédentes avec toutes celles de madame de Gouffier, qui nous promettait de partir le lendemain pour aller à Paris. Croyez-nous, ma très-chère Sœur, que nous la portons sur nos épaules, et n'est point besoin que vous vous mettiez en peine, ni personne, pour nous représenter son humeur, ni la nécessité qu'elle parte de là, nous le savons assez, il ne nous reste qu'à trouver le moyen de l'en faire partir, et Dieu y pourvoira. Elle doit bien juger par nos lettres que nous ne la désirons plus là. Monseigneur et nous [227] voulons lui écrire amplement. Nous la croyions déjà en chemin pour Paris, mais ce bon Seigneur n'est pas ici et ne reviendra que samedi, de sorte que si madame de Montaret est partie, comme elle mande qu'elle fera, nous enverrons nos lettres par Lyon ; aussi bien nous est-il impossible d'écrire tant, parce que le laquais attend ce billet au parloir, qu'aussi nous nous attendons à un accès de fièvre qui ne viendra pas, s'il plaît à Dieu, l'heure s'en allant passer.

Pour Dieu, faites ce renvoi le plus sagement qu'il se pourra, s'il n'est déjà fait. Enfin pourvu qu'elle soit dehors, j'espère que Dieu vous bénira, et aussitôt que vous en serez délivrée nous vous écrirons ce qu'il plaira à Dieu nous donner. Mais gardez-vous d'altérer son esprit et la provoquer à des éclats. Enfin, ma pauvre très-chère Sœur, la très-sainte humilité et patience n'est jamais abandonnée de Notre-Seigneur. Croyez et espérez, et ayez compassion de cette pauvre fille ; car ce ne sont que tentations, et nous savons qu'au fond elle a une très-bonne âme, et puis enfin Dieu s'est servi de son labeur pour cette petite Compagnie. Il faut toujours lui en montrer de la gratitude et la traiter avec honneur.

Nous n'avons point vu madame de la Croix, ni reçu de ses lettres, oui bien les vôtres. Si cette pauvre femme s'en va, je vous prie que nous le sachions incontinent ; si elle est là et qu'elle sache que nous vous avons fait ce billet, dites bien cette vérité que nous [ne] voulons lui écrire, la croyant à Paris, et que, pour ce coup, nous ne le pouvons pour les raisons ci-dessus. Nous écrirons à toutes une autre fois. — Bien en hâte.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [228]

LETTRE CXXIV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Souhaits de bénédictions.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617].

Mon doux Sauveur fasse de vous et sur vous sa très-sainte volonté.

Nous venons de recevoir les lettres de Mgr l'archevêque, écrites de Chambéry ; je crois que vous lui aurez recommandé l'expédition de vos affaires ; il écrit que vous avez des nouvelles professes qu'il a faites ; oh ! Jésus en soit béni et glorifié ! Je les conjure, ces chères filles, de se rendre tant plus simples, pures et parfaites en l'observance, afin que bientôt elles ravissent le Cœur de leur cher Époux. Mon Dieu ! ma fille, qu'il est heureux qui ne pense et ne travaille que pour acquérir ou accroître le souverain amour ! Certes, je désire de mourir ou de ne plus vivre que pour cela, mais je suis [le reste manque].

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXXV - À LA MÊME

La Sainte exhorte la Mère Favre à ne pas refuser obstinément les soins nécessaires à la conservation de ses forces, et prend occasion de lui dire qu'elle-même a failli en ce point.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617].

Vitement ce petit billet à ma très-chère fille, afin de lui donner un très-cordial bonjour avant que partir de notre cellule ; car à soir bien tard le bon Père nous dit qu'il allait à Lyon, et nous ne saurions laisser passer une occasion sans vous dire peu [229] ou prou, car enfin vous êtes la très-chère grande fille de mon cœur. Mon neveu est retourné tout consolé de votre visite, il nous en entretint une petite heure avec Monseigneur ; mais il nous avait promis de le faire encore bien plus amplement. Hélas ! il nous dit que vous alliez vous rendant fort maladive, cela nous tient fort en peine, car enfin la force et santé corporelle nous est nécessaire à nous autres, ma très-chère fille ; mais ne vous rendez pas obstinée comme j'ai fait autrefois. Pour l'amour de Dieu, laissez-vous gouverner, vous ne sauriez faire un meilleur service à nous, ni de meilleure édification à vos filles. Souvenez-vous du trouble que j'ai donné pour cela, et faites comme maintenant je fais, par la grâce de Dieu, qui m'a enfin fait connaître ma faute. Recevez fort simplement tout ce que l'on vous donnera, et faites ce que l'on voudra, je vous en conjure, ma très-chère fille, et ne faites pas le contraire sous quelque prétexte que ce soit. Bonjour, je n'ai pas le loisir.

Dieu soit béni !

Je ne sais si vous avez reçu un billet que nous vous avons écrit, où Monseigneur et moi vous priions de retirer madame Léotard, si elle vous en priait.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [230]

LETTRE CXXVI - À M. DE NEUCHÈZE

SON NEVEU[174]

Sur la mort de la baronne de Thorens. — Douleur de la Sainte en apprenant le péril que courait l'âme de son fils.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 6 novembre 1617.

Hélas ! mon très-cher neveu, je pensais bien, que vous saviez déjà la mort de ma chère défunte, car cinq jours après son décès nous en annonçâmes la nouvelle à Mgr de Bourges. Je vois et crains que les lettres ne soient perdues. Il est vrai, mon enfant, que ce m'a été et est encore une extrême douleur de me voir privée de la présence d'une si chère et aimable fille, mais j'adore et embrasse de tout mon cœur cette divine volonté qui me l'a donnée. Puis la sainte et heureuse mort de cette chère âme me donne une grande consolation, là où l'âme de votre cousin me donne une affliction de désolation, et en suis si infiniment touchée que je ne sais où me tourner, sinon du côté de la souveraine Providence, et là, abîmer toutes mes volontés, renonçant même entre ses mains le salut et l'honneur de cet enfant à demi perdu. Oh ! douleur et affliction incomparables, mon très-cher neveu ! il n'y en a quasi point d'égale. Si je n'étais arrêtée d'une violente fièvre quarte, je fusse déjà partie pour l'aller ôter de là où il est. Je lui mande qu'il me vienne trouver. S'il ne le fait, je conjure Mgr de Bourges de le faire aller à lui sous quelque prétexte, et le retenir jusqu'à ce qu'il vienne à Nantua. Hélas ! il le faut aider, mon très-cher [231] neveu, je vous conjure d'aider à cela. Je ne puis passer outre, tant les larmes m'aveuglent, et la douleur de toutes parts m'a saisie. Faites prier pour lui toutes ces bonnes âmes qui sont là et cheminent fermement en la crainte de Dieu. Mon très-cher neveu, je supplie sa Bonté vous combler de bénédictions et suis invariablement votre plus humble tante et servante en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Sœur J. F. Frémyot, de la Visitation.

Mille saluts à tous ceux de la maison.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Lyon.

LETTRE CXXVII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Se confier à la divine Providence dans les afflictions, les considérant moins que le Cœur de Celui qui les envoie. — Projet de départ de M. de Sainte-Catherine pour Rome, en qualité de solliciteur des affaires de l'Institut. — Grande importance que la Sainte met à l'étude du Catéchisme.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 25 novembre 1617.

Ce sont des fruits de la très-sainte croix, ma très-chère fille, que cette âpre mortification que ce bon... vous a faite ; eh ! Dieu nous fasse la grâce de faire profit de toutes les mortifications qu'il nous enverra. Ma chère fille, que vous êtes heureuse ! car voilà que le divin Sauveur vous donne charge sur charge ; sa Bonté vous donne sa sainte force ! Il le fera, ma fille, puisque de toute votre âme vous vous abandonnez entre les mains de sa divine Providence, et que vous n'avez point d'autres bras pour vous porter que les siens, et point d'autre sein pour vous reposer que le sien tout aimable. Demeurez là, ma très-chère fille, comme une douce colombe, toute simple et toute tranquille ; ne [232] regardez point vos afflictions, mais le Cœur de Celui qui vous les envoie. Certes, on a pleuré céans cette chère défunte, et a-t-on prié pour elle : j'en suis toutefois consolée, car quel plus grand bonheur à cette âme innocente et pure que d'aller trouver son Sauveur ? Aimez son repos, ma très-chère fille.

Je vous écris sans loisir de pouvoir revoir vos lettres, pour ne point perdre cette occasion ; croyez, ma fille, que si nous sommes fidèles à notre vocation, et que nous ne recherchions en nos petits services que la pure gloire de Dieu, que sa Majesté nous exaltera. Monseigneur veut que l'on fasse encore cette recharge avant que d'envoyer à Rome M. de Sainte-Catherine qui sera admirable solliciteur. Dieu nous aidera, ma fille ; mais il faut nous tenir humbles et patientes, et nous laisser fouler aux pieds. Monseigneur espère que cette recharge avec les règles et témoignages que l'on rend fera le coup. Si Mgr l'archevêque trouvait bon de faire de sa part une nouvelle recommandation à ce gentilhomme qui sollicite pour lui (afin qu'il se tînt uni au Père procureur des barnabites, en cette sollicitation), je pense que ce serait à propos, car de lui demander qu'il envoie les attestations de la maison de Lyon, comme l'on a fait de celle de deçà, je crois que ce serait temps perdu. M. le prince a eu des réponses que de son côté l'on poursuivra chaudement. Oh bien ! ce que nous pouvons est fait, et pour tout bien rencontrer le reste, il le faut laisser à la divine Providence, et la supplier continuellement de conduire et nouer cette besogne selon sa très-sainte volonté ; j'espère que dans peu de semaines nous en aurons des nouvelles.

Monseigneur partit hier,[175] et me manda de faire fort ses excuses vers vous de ce qu'il ne vous écrit point, il le fera dès Grenoble. Il ne s'est jamais ouï parler d'un tel accablement d'affaires ; nous parlâmes de notre vœu d'obéissance, et il [233] trouve que Dieu l'agréera ; il me demanda comment vous avez reçu cette rude mortification, mais je ne l'ai su dire, hélas !

Il est vrai, ma chère fille, nous lisons quatre fois la semaine le catéchisme à nos Sœurs[176] ; que si quelqu'une voulait savoir autre chose que ce qui est dans le livre, j'arrêterais son esprit, désirant qu'elle et moi assujettissions nos entendements à ce que nous lisons, sans passer outre ; et ainsi, je leur fais grand bien, car il y a bien de l'ignorance parmi nous autres.

Je vous remercie mille fois, ma très-chère fille, de vos belles bougies ; elle nous sont bien commodes, mais une suffit abondamment pour un an, nous n'avons point vu les grains bénits. Faites tenir promptement et sûrement le paquet de Dôle, s'il vous plaît. En voilà un de Mgr de Paris. Ma mie, je suis uniquement toute vôtre, et salut à tous. Ce jour de sainte Catherine.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXXVIII - À MADAME DE LA FLÉCHÈRE

Nous sommes trop peu de chose pour rendre des services à Dieu ; mais il faut lui laisser faire de nous selon son bon plaisir.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1617]

Oh ! qu'à jamais notre très-bon et doux Sauveur soit la force et la vie de votre chère âme, laquelle, en vérité, je chéris d'une [234] sorte si spéciale et particulière que personne ne va au delà. J'excepte ce que vous savez, qui ne reçoit point de comparaison. Mon Dieu, ma Sœur, hâtons-nous d'aimer par une très-fidèle obéissance ce très-aimable Sauveur. Non, nous ne saurions lui rendre du service, nous sommes trop peu de chose ; mais, au nom de sa Bonté, laissons-le faire de nous tout ce qui lui plaît ; dépendons si absolument de lui et de sa Providence, que nous ne nous attendions qu'à cela.

Je vous fais ce billet sans loisir, mais il a fallu, pour contenter mon cœur, saluer le vôtre. Adieu et bonjour, ma toute chère Sœur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [235]

ANNÉE 1618

LETTRE CXXIX - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Demande d'un court entretien pour l'arrangement d'une affaire temporelle.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Mon très-cher Père,

Si vous venez aujourd'hui, il faudra que vous me permettiez, s'il vous plaît, de vous dire une douzaine de paroles au parloir d'en bas ; et si vous trouvez bon que nous concluions l'affaire avec M. de Conflans, il faudrait que demain, après dîner, je les pusse voir, je veux dire M. de Conflans et M. Flocard, mais un peu de bonne heure, à cause de mon accès [de fièvre].

Bonjour, mon très-cher Père ; Dieu soit notre aide et notre force !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXXX - AU MÊME

Aimable et confiante réflexion. — Elle parle de quelques prétendantes de Grenoble qui arrivaient à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Monseigneur,

Jésus Notre-Seigneur comble votre cœur et le mien de ce très-pur amour que nous désirons tant ! Mais combien y a-t-il, [236] mon très-cher Père, que nous n'avions envoyé de petits billets par la sœur À. J. ! Enfin, nous devenons encore plus braves et bien mortifiées. Vous voyez que je suis en joie, et j'en dirais bien davantage, si cette Jacquement [Anne-Jacqueline Coste] ne voulait aller acheter du blé.

Voilà donc l'occasion qui nous a été favorable, et je crois que ces lettres sont de M. et de Mme de Bouqueron. Nous n'avons point vu ces chères Grenobloises,[177] nous les attendons ; mais voyez, mon très-cher Père, comme il vous plaira que nous voyions le bon M. Dulme[178] ; car de s'en passer, ce serait chose dure. Dites-nous donc s'il montera à nous, ou si nous descendrons à lui.

Et bonjour mille millions de fois, mon tout cher et très-unique Père. Jésus notre Sauveur veuille, par sa bonté, vous élever au rang de ses plus grands Saints ! Amen, mon Père, mais mon très-cher Père.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXXXI (Inédite) - AU MÊME

Achat de moulins.

vive jésus !

Annecy, 1618.

Mon très-cher Père,

Nous demeurâmes hier d'accord avec M. de Conflans pour le [237] rachat des moulins,[179] sauf la réserve que nous désirons, que l'achat courant qui se fera de nos deniers nous demeure spécialement hypothéqué ; il veut bien pour la première emplette, mais venant à le retirer et employer à autre chose, il veut faire librement et sans notre consentement, ce qu'il dit qu'il ne pourrait faire, si nous faisions la réserve générale ; je ne sais si vous m'entendez, car je ne dis guère bien. Il promet de faire ratifier sa maintenance à M. son père, à cause de leur substitution ; mandez-nous votre avis là-dessus, mon très-cher Père, s'il vous plaît, et nous donnez licence de faire entrer deux prud'hommes qui doivent venir visiter notre jardin et verger pour accorder des [mots illisibles] que l'on nous en demande. Certes, mon très-cher Père, je porte nos hôtes sur mes épaules, tant ils me fâchent ; mandez-moi si j'oserai dire absolument que l'on s'en aille quand le laquais sera venu. Bonjour, mon unique, mon très-cher Père. Jésus soit la seule vie de votre cœur et du mien.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXXXII - AU MÊME

Elle confie Celse-Bénigne à sa direction.

VIVE † JÉSUS !

Annecy, 1618.

Je ne pouvais quasi plus durer, mon très-cher Père, sans avoir un peu de vos nouvelles. Il ne faudrait pas traiter avec ce garçon maintenant,[180] autrement que vous le faites ; mais, Dieu [238] aidant, j'espère que son esprit se rassérénera, et qu'avant qu'il parte, il vous ouvrira le chemin d'une plus cordiale familiarité pour son utilité. Hier, je ne lui parlai qu'en commun ; aujourd'hui, je dois lui découvrir ses plaies. Mon très-cher Père, dites la sainte messe à cette intention, afin que Dieu m'assiste et lui touche le cœur ; je ne pourrai m'empêcher de vous mander ce qui se sera passé. Je serais bien aise que vous entreprissiez un peu ces autres messieurs en particulier.[181] J'espère que Dieu nous aidera, mon très-cher Père ; il faut que je vous dise que c'est la façon de ce garçon de se tenir réservé vers les personnes d'autorité et de respect ; néanmoins, je m'assure qu'il s'apprivoisera plus, avant qu’il parte.

Dieu soit notre aide et notre seul amour ; mon très-cher Père, il ne faut venir que samedi.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE DE LA SŒUR PÉRONNE-MARIE DE CHATEL À LA MÈRE J. CH. DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

[Cette lettre mérite d'être placée ici, vu les détails qu'elle renferme.]

Annecy, 1618.

Dieu soit à jamais notre tout, ma très-chère et bien-aimée Mère. Nous vous dirons un peu des nouvelles de notre très-chère Mère [de Chantal], car nous savons bien qu'une des plus grandes consolations que vous puissiez recevoir, c'est d'en avoir souvent. Nous voudrions bien les donner bonnes, pour votre consolation et pour la nôtre ; mais Notre-Seigneur ne le [239] veut pas encore, puisqu'il lui laisse cette fièvre quarte, laquelle l'abat fort, bien qu'elle ne soit pas trop violente. Sa défluxion l'a grandement travaillée ; elle lui donne des grandes douleurs de dents. Nous croyons qu'elle ne vous pourra pas écrire, parce que le messager nous a averties trop tard. Elle vous salue très-amoureusement comme sa chère première fille, qu'elle aime fort tendrement. Il nous semble que vous demeurez trop sans lui écrire, et sans nous faire un peu part de vos nouvelles. Nous attribuons ce silence à ce que vous nous écrivîtes la dernière fois, qui est, disiez-vous, que l'on vous avait annoncé que notre chère Mère avait défendu d'écrire plus de deux fois l'an. Nous ne savons qui a pu vous dire telle chose ; mais nous n'en avons pas ouï parler ; les supérieures ne sont pas comprises en cela ; mais vous le savez bien, ma très-chère Mère. Vous savez bien aussi que nous sommes toutes vôtres, et que nous vous chérissons de tout notre cœur, plus que nous ne vous pourrions exprimer. Nous oubliions de vous dire encore quelques particularités de notre chère Mère pour vous tenir plus en repos : c'est que depuis que sa fièvre quarte l'a reprise, elle ne laisse pas d'être à toutes les assemblées de nos Sœurs et d'aller à la messe, et de communier fort souvent et faire son ouvrage. M. le baron, son fils, est ici, qui l'est venu voir. Certes, il fait bon le voir ; il ressemble fort à feu M. de Thorens. Mademoiselle de Chantal ne est si en œuvre qu'elle ne le peut quitter.

Voilà tout ce que nous vous pouvons dire pour cette fois. Toutes nos chères Sœurs vous saluent, et nos chères novices tout particulièrement ; notre chère Mère trouve qu'elles font fort bien toutes ; c'est cela que nous désirons grandement pour la gloire de Dieu. Croirez-vous bien, ma chère Mère, que nous n'avons point de satisfaction en cet office [de directrice], sinon celle de l'obéissance ? et, certes, nous en avons bien le sujet, ce sont de bonnes filles. Il faut vous dire que ma Sœur Anne-Marie [Rosset] fait fort bien en sa charge d'assistante avec [240] une grande utilité, et ma Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche], en celle d'économe. Certes, toutes font fort bien, Dieu soit béni. Dites-nous un peu de la ferveur de vos chères novices, comme elles s'avancent en la perfection ; car nous croyons qu'elles font un grand chemin. Elles ne peuvent de moins, ayant une si bonne mère et maîtresse. Nous les saluons toutes de tout notre cœur et vous tout particulièrement, ma chère Mère, car nous sommes de tout notre cœur votre très-humble fille et servante,

P. M. de Chatel, de la Visitation.

Dieu soit béni !

Post-scriptum écrit de la main de la Sainte. — Mon Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, que nous avions bien résolu de vous écrire, au moins une bonne petite lettre ; mais, las ! nous sommes toujours infirme, et aujourd'hui nous nous sommes trouvée si mal de la défluxion que nous ne pouvons, sinon vous saluer et embrasser en esprit de tout notre cœur et toute votre chère troupe ; il nous tarde de la savoir augmentée. Dieu, par sa douce bonté, la multiplie à sa gloire. Nous vous envoyons tous les Entretiens que Monseigneur nous a faits depuis notre retour de Lyon ; celui sur la règle est admirable. Le doux Sauveur vous tienne sous sa protection et vous comble de bénédictions avec nos chères Sœurs. Adieu et bonsoir, ma toute chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [241]

LETTRE CXXXIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Souhaits affectueux pour des Sœurs malades. — Elle donne des nouvelles de sa santé et demande des prières pour son fils.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Vraiment, ma très-chère fille, à ce coup nous trouvons le temps long d'attendre de vos nouvelles, et de vos pauvres malades que nous supplions Notre-Seigneur de vouloir guérir, pour sa gloire et votre consolation. Hélas ! qu'elles sont heureuses de porter avec tant d'amour et de douceur la croix que le divin Sauveur leur a imposée ! De vrai, ma fille, ce sont de bonnes épreuves que les grosses maladies, et des occasions grandes pour s'enrichir et affermir aux vertus, quand l'on y est fidèle. Or nous ne disons point ceci, en vérité, pour avoir été assez longuement mal, car Notre-Seigneur nous traite en faible ; et puis, certes, nous n'avons rien profité, sinon à reconnaître notre grande misère, et avoir un peu plus de soin et de compassion des pauvres malades ; voilà que ce bon Dieu nous a encore garantie de notre fièvre quarte ; qu'il soit béni et nous fasse la grâce de le mieux servir avec le peu de santé qu'il me laisse.

Nous avons vu mon fils, et pensons qu'il sera passé vers vous, dès Grenoble, où il était ; mais nous ne savons encore ce qu'il en sera réussi. Dieu lui soit en aide ! nous le recommandons à vos prières, ma très-chère fille, et à celles de la chère troupe, que je prie Dieu de remplir de sa grâce ; je les salue toutes très-chèrement, mais à part notre pauvre petite cadette que j'aime bien, et ma très-chère grande fille plus que toutes.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [242]

LETTRE CXXXIV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Elle s'excuse de ne pouvoir écrire à quelques Sœurs, et les prie de chercher sa réponse dans la méditation de leurs saintes règles.

 [Annecy] 30 janvier 1618.

O vrai Dieu ! ma très-chère fille, que nous aurions grand désir de vous écrire longuement, et à ces chères âmes qui nous écrivirent il y a quelques mois ; mais c'est chose quasi hors de mon pouvoir, et qui ne nous serait pas permise. Or sus, pour toute réponse à toutes vos grandes lettres, nous vous renvoyons à nos chères règles qui doivent être notre sûr guide. Considérez tous les mots et syllabes, et vous trouverez plus que nous ne pourrions vous dire. Enfin, la très-sainte humilité, douceur et modestie doivent accompagner toutes nos paroles et actions, voire nos pensées.

Quand notre bon Dieu nous aura remise en santé, s'il lui plaît de nous la rétablir, croyez, ma très-chère Sœur ma mie, que nous ne manquerons pas de vous répondre distinctement ; car enfin vous êtes et serez toujours ma très-chère ancienne et bonne Sœur, que nous aimons de tout notre cœur. Faites bien nos excuses à ces bonnes filles qui nous avaient écrit et à M. de Mosdière ; c'est impossible d'écrire longuement à cette heure.

Monseigneur ne sait pas que nous vous écrivons ; il se porte très-bien, grâce à Dieu. Adieu, ma très-chère fille ; nous vous saluons et embrassons en esprit de fout notre cœur et toutes nos chères Sœurs.

Dieu soit notre tout !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [243]

LETTRE CXXXV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Désir d'une fondation à Grenoble. — Commissions pour différentes personnes.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy,] 15 février 1618.

Ma pauvre très-chère fille, il y a si longtemps que nous ne vous avons écrit, que j'en étais ennuyée, et faut que je le fasse maintenant tout en courant, pour vous dire que vous m'êtes très-uniquement chère, et que, puisque ces petits maux continuent, il faut acquiescer aux conseils du bon M. N..., et bien croire et suivre le gouvernement de votre petite directrice. Mais quant à nous, nous ne croirons pas, pour le coup, celui de Mgr de Lyon, de ne pas prendre une maison à Grenoble, si l'on nous en veut donner une ; mais il ne lui en faut rien dire car aussi n'est-ce pas chose si prête.

Je vous prie, ma chère amie, faites tenir sûrement ce paquet à Mgr de Bourges et celui de M. Favrot. Vous nous obligerez de nous renvoyer nos règles : faites-le, je vous prie, à la première occasion ; elles nous font faute. — À ma très-chère Sœur Barbe-Marie, je dis à l'oreille de son cœur que je la chéris de toute la force du mien. À la petite cadette de la chère mère et à toute la chère troupe, mille saluts. Certes, mon enfant, il faut finir : quand bien j'aurais du loisir pour écrire davantage, je ne le pourrais pas, mon bras ni ma main n'en pouvant plus. Je me porte bien du reste, nonobstant les accidents, et suis toujours toute amoureuse de ma grande chère fille. Promptement, je vous prie, faites que si M. Vaillascot n'a envoyé les contours pour notre tableau, qu'il les envoie ; M. le marquis le lui a commandé. Vive Jésus ! [244]

[P. S.] Saluez très-humblement de ma part le Père Marcellin et le Père Raymond, et ma Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette].

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXXXVI (Inédite) - À LA MÊME

Le bon esprit et la bonne réputation sont des conditions nécessaires pour être reçue dans un monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

[Les premières lignes manquent dans l'original.]

Il nous est impossible de recevoir cette bonne fille dont vous nous parlez, au moins maintenant ; car notre famille est trop grande, trop chargée de dettes et de pauvreté pour cette heure ; mais si je la vois en passant à Lyon et qu'elle nous revienne bien, nous la pourrons amener.

Quant à cette pauvre femme que son mari a quittée, je prie Dieu qu'il la touche et convertisse à lui ; nous voudrions bien lui faire la charité pour l'amour de Dieu, et particulièrement pour le respect de la bonne et vertueuse mademoiselle N..., que j'ai tant envie de servir, mais c'est chose impossible et qui ne nous serait permise, outre le tort que pourrait recevoir la maison, à cause que la chose est publique, il ne faut jamais parler de cela.

Oh ! ma fille, il me semble que j'ai tout répondu, tant à vos lettres qu'à celles de ma Sœur Barbe-Marie. Bientôt il est midi, c'est pourquoi je vais dîner, s'il plaît à Dieu, en attendant de vos nouvelles qui me tarderont, car j'aime, je chéris, et suis [245] tendre de votre cœur, comme de ma vraie grande fille. Adieu, je suis lasse et sans loisir.

Dieu soit béni !

Mille saluts à M. de Saint-Nizier. Il nous tarde de savoir des nouvelles de Rome. Oh ! Dieu nous aidera, s'il lui plaît, ma toute chère fille.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXXXVII - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Affaires de famille.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Vous demanderez donc les bagues à Mgr de Bourges, mon très-bon et très-cher Père, et encore, qu'il assure (au mieux qu'il pourra) la pension qu'il donne à son neveu ; car M. N... le désire bien fort. Certes, il nous fâche de vous savoir prendre cette peine, car, si je ne me trompe, vous êtes fort abattu et las. Mon pauvre très-cher Père, Dieu soit votre force ! Eh ! je supplie notre grand et très-bon Sauveur de remplir votre chère âme de l'amour de sa très-sainte Passion, et de la passion de son plus saint et très-pur amour.

Puisqu'il faut que vous ayez la peine d'écrire pour ce sujet, écrivez de bonne encre à Mgr de Bourges ; je vous en supplie, mon très-cher Père mon unique Seigneur. Jésus vous rende très-saint. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [246]

LETTRE CXXXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Elle lui annonce son départ pour la fondation de Grenoble.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 29 mars 1618.

Vraiment, je n'ai pas le cœur de refuser cette occasion de vous saluer très-cordialement, ma très-chère et toute bonne fille ; elle me prend dans le lit. Vous n'aurez donc que ce billet qui vous annoncera que nous nous portons toujours mieux et espérons en ce moment de mener nos Sœurs Cl.-Agnès, M.-Françoise et M.-Antoine à Grenoble.[182] Nous enverrons votre voile par le sire Pierre : il est fait quasi. Il y a force or de reste, que l'on vous payera par Monseigneur. Bonsoir derechef, ma chère fille, et à toute la chère troupe. Je me réjouis du soulagement des pauvres malades. Saluez le bon M. de Médio, et de Saint-Nizier. Toute vôtre en Jésus. Avez-vous reçu notre paquet pour Bourges ? je vous le recommande.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry [247]

LETTRE CXXXIX - À LA MÊME

Arrivée de la Sainte à Grenoble. — Elle nomme les Sœurs fondatrices qu'elle y laissera et prie la Mère Favre de l'avertir si son passage à Lyon est nécessaire. — Recommandations diverses.

VIVE † JÉSUS !

Grenoble, 20 avril 1618.

Nous voici donc, ma très-chère fille, en cette brave ville,[183] où sans doute les pauvres et les riches témoignent de la joie de nous voir. Je ne vous dis rien de la joie et empressement de notre pauvre très-chère Sœur Barbe-Marie ; c'est chose inexplicable, et des charités qu'elle fait à cette maison, qui ne vit que d'aumônes, tant l'on y en fait. J'espère que plusieurs bonnes âmes profiteront autour de nos Sœurs.

Nous laissons pour supérieure ma Sœur Péronne-Marie [de Châtel]. Ses aides seront : la petite et tout aimable Sœur Marie-Françoise [de Livron],et la grosse fille Marie-Marguerite [Milletot] ; ma Sœur Marie-Antoine Tiolier est pour la cuisine. Nous ramènerons ma Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche]. Écrivez, je vous prie, une bonne, cordiale et courageuse lettre à la chère Péronne ; car vous savez qu'elle est de naturel craintif ; mais c'est une fille toute d'or et digne de la charge qu'on lui donne. J'espère qu'elle fera ici une maison de solide vertu. Hélas ! ma très-chère fille, je vous écris sans loisir de bien penser à ce que je voudrais vous dire. Vous nous conjurez d'aller repasser vers vous. O Dieu ! quelle consolation serait-ce à mon âme de revoir un peu le cœur de ma très-chère grande fille que j'aime si uniquement, et celui de ses autres filles tant aimées ! Je vous [248] dis donc, ma très-chère fille, que si vous avez quelque notable nécessité de ma présence, nous vous verrons si vous le voulez ; car, quant à l'affection de notre part, elle est incomparable ; mais je vous parle ainsi, notre très-digne Père me l'ayant commandé, sur la considération qu'il fit de la nécessité des affaires de cette nouvelle maison, et de celle de Nessy, dans laquelle nous sommes nécessitée d'être pour l'Ascension, ou, au fin plus tard, le samedi matin d'après, pour des affaires qui seraient trop longues à vous dire. Voyez donc, ma très-chère fille, ce que vous voulez que je fasse, et me commander tout librement, je vous en supplie, en cette occasion ; mais faites-le, ma fille très-chère, je vous en conjure. Que si vous vous résolvez de nous voir, ne le faites savoir à personne du monde, afin que ces deux ou trois jours que nous pourrons être près de vous soient libres, et pour vous seule. Or, voilà parler comme je dois à ma très-chère fille ; reste que vous nous avertissiez de bonne heure de votre résolution. Que si vous délibérez que nous n'irons pas, écrivez-nous tout au long de votre novice dauphinoise, et nous vous répondrons ce que Dieu nous donnera, comme sur tout ce que vous nous manderez.

Si vous n'avez acheté les soies pour Nessy, et que vous vouliez que nous allions là, retardez encore, car nous les choisirions bien ; sinon, je vous en prie, que l'on suive bien les montres et le mémoire ; incontinent vous en aurez l'argent. Bonjour, ma très-chère fille, je ne puis écrire davantage. La chère petite cadette que j'aime tant m'excusera bien, et les autres filles. O Dieu ! j'oubliais de vous dire que si ma Sœur Anne-Marie,[184] en sortant, ne laisse 50 livres, ou au fin moins 40 sur sa pension, nous ne prendrons point sa sœur ; [249] car, certes, notre maison de Nessy est trop pauvre, et n'avons en ceci nulle obligation de le faire, que pour l'amour de ma très-chère Sœur Barbe-Marie ; mais je connais bien son cœur qui aimera toujours mieux l'utilité et contentement de notre maison, que la préférence d'une personne particulière. Bonjour, ma très-chère fille, de tout mon cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXL (Inédite) - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Commissions et souhaits.

VIVE † JÉSUS !

Grenoble, 1618.

Ma très-chère fille,

Dieu vous comble de bénédictions et toutes mes très-chères Sœurs, que j'aime avec vous parfaitement de tout mon cœur. Mandez-nous par le retour de ce porteur de vos nouvelles et du bâtiment. Je n'ai nul loisir, mais toute vôtre je suis pour jamais en Notre-Seigneur.

Dieu soit béni !

À ma très-chère Sœur de la Fléchère, à ma Françon et à toutes nos amies, mille saluts. Je n'oublie pas M. Michel, ni M. Roland, ni nos maîtres [ouvriers], non plus que ma pauvre Jacquement.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [250]

LETTRE CXLI - À LA SŒUR PAULE-JÉROMYME DE MONTHOUX

MAÎTRESSE DES NOVICES, À ANNECY[185]

Les Novices doivent en toute occasion s'adresser à leur maîtresse et suivre sa direction. — Exemple d'humilité et sollicitude de la Sainte à provoquer la pratique des vertus de douceur, de simplicité et de droiture.

VIVE † JÉSUS !

Grenoble, 1618.

J'ai reçu toutes vos lettres, ma pauvre très-chère fille, mais ç'a été en deux fois, et je vous ai fait réponse aux cinq premières ; maintenant, j'en tiens quatre pour vous y répondre ce qui sera requis. Il n'y a point de doute que les novices se doivent adresser pour tout à leur maîtresse ; la règle le dit, et ne sera que très à propos que, tant qu'il se pourra bonnement, notre Sœur assistante leur dise par votre entremise ce qu'elle jugera leur devoir être dit, autrement cela leur nuirait grandement. Oui, vous faites bien de me dire les choses principales ; mais faites fort mal de m'appeler sainte ; confessez-vous-en, et [251] n'usez jamais de ce mot. O grand Dieu ! je ne suis qu'un abîme de toutes misères. Vous faites bien de faire votre charge de directrice tant que vous pourrez ; la faiblesse humaine est grande ; ayez soin pourtant de ne rien faire qui nuise à votre santé. Dieu bénisse vos remèdes ; j'ai grand'peur qu'ils ne vous laissent malade, mais en tout il faudra être contente du bon plaisir de Dieu.

Vous vous pouvez bien tromper, ma fille, en l'opinion que la Sœur assistante n'en use pas assez franchement avec vous ; ne vous arrêtez pas en cela, et allez votre train à la bonne foi. Le bon M. le sénateur n'avait-il pas raison ? Saluez-le de ma part, mais avec tout le respect et affection que vous pourrez. Je vous vois fort malade, et certes, cela me tient en peine ; or il faut tout bien dire au médecin, et lui obéir sans réserve. Je le salue de grand cœur, le bon homme. Et votre infirmière ; mais d'où vient que je n'en ai point eu un brin de nouvelles ? O Dieu ! que je l'aime pourtant, et que je la conjure de grand cœur de prendre le dessus sur son cœur, afin qu'elle le conduise à une parfaite douceur et simple observance ; mais voilà que je vais le dire à cette chère fille Marie-Adrienne [Fichet].

Vous me faites plaisir d'employer la petite Sœur Françoise-Marguerite [Favrot] ; dressez-la bien, et qu'elle s'avance dans la parfaite modestie et observance. Si ces chères novices s'attachent toutes à cela et à ce que vous me marquez, elles iront bien loin, je les en conjure. Ne craignez point de m'écrire franchement, les lettres viennent tard, mais sûrement. Je voudrais que vous m'eussiez un peu plus particularisé les causes qui empêchent la capacité de supérieure, je les pensais plus extérieures qu'intérieures. O Dieu ! faut-il que notre négligence porte tant de préjudice au service de notre bon Dieu ! Écrivez franchement, et soyez fidèle à cheminer dans une très-extrême douceur, simplicité et droiture, et avec un support du [252] prochain incomparable. Regardez à Dieu en toutes choses et lui soyez fidèle. Il a ses yeux sur votre cœur ; parlez hardiment avec pleine confiance à notre bon M. Michel, c'est un bon homme et sincère. Adieu, ma fille ; le grand Jésus vous rende toute sienne. Amen.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CXLII - À LA MÊME

Recommandation de fuir la mélancolie et d'inspirer une sainte gaieté aux novices.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble, 1618].

Ma très-chère fille, tenez votre esprit en paix, détournez-le doucement de cette mauvaise humeur mélancolique, je vous en supplie, mais faites-le, et que votre dilection s'égaye autour de ces chères novices, agrandissant leur courage, pour les faire cheminer selon l'esprit de nos saintes règles ; tenez leur esprit gai et content, car c'est un grand moyen de bien avancer.

Monseigneur sera bientôt à vous. O Dieu ! ma fille, au nom de Jésus, chassez tous les ombrages de la mélancolie, ayez un cœur tout franc, tout doux et tendre vers la Sœur assistante ; elle a un bon fonds, mais il la faut tirer à vous, et vous unir, laissant passer le reste. Ma fille, vivez joyeuse et contente, mais surtout courageuse et douce. Adieu. Hélas ! que l'on prie pour nous et pour mes misères particulières.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [253]

LETTRE CXLIII - À M. MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY

Respect de la Sainte pour la parole divine. — Elle insinue les moyens à prendre pour corriger de la jalousie et de la mélancolie. — Quelle prudence doit avoir la supérieure dans la direction des novices.

 

[Grenoble, 1618].

Oh ! bon Dieu, mon bon Père et cher fils, que je voudrais avoir du loisir pour vous écrire selon mon cœur ! mais il m'est impossible. Ce même cœur vous assure qu'il vous chérit maternellement, et je suis fort consolée que vous lui rendiez le bon office de lui envoyer les volontés de son Dieu, qu'il a témoignées à ces chères âmes pour les faire fermement aspirera Lui, et reposer en son sein paternel ; car, me voyant toute jetée là, j'en sens une consolation incroyable, et souhaite le pain de ces divines paroles pour m'en nourrir ;.je dis ceci avec un sentiment de dilection. Je désire que vous me contentiez en cela, et que vous viviez de cette manne sacrée. Bon Dieu ! hé pourquoi, et comment chercher une autre retraite et assurance ?

Hélas ! mon cher Père, quelle pitié de notre infirmité et imperfection ! Je vois que ces deux bonnes Sœurs se regardent trop curieusement l'une l'autre ; elles ont cette condition naturelle. J'ai pensé que je ne devais pas leur dire moi-même ce défaut, craignant que la jalousie qu'elles ont de mon affection et de me contenter ne les troublât sur ce sujet ; mais vous, mon cher Père, faites-le-leur remarquer et les rendez plus simples, plus ouvertes et plus cordiales l'une envers l'autre. Il ne leur faut que cela pour les guérir ; car je vois bien que toutes deux craignent de mal faire. Il faut que notre Sœur l'assistante, qui a, ce semble, moins de coulpe en ceci, ait une grande compassion à supporter et à divertir l'esprit de ma Sœur N... Il m'est [254] avis que si elle se rendait familière, cordiale, confiante, un peu compagne, elle la tirerait de cette mélancolie. Si j'étais là, je ferais ainsi ; et souvent j'ai soulagé, voire guéri des âmes par ce moyen, échauffant leur cœur par confiance, leur montrant une grande franchise, et même leur parlant de plusieurs choses, et leur demandant leurs avis comme si j'en avais bien besoin, sans leur parler toutefois de leur mélancolie, ni de leurs difficultés, ni de choses sur quoi elles puissent philosopher, ou qui regardent le prochain, ou faire soupçonner. Enfin il y a un certain biais que la charité leur enseignera, si elles le demandent à Notre-Seigneur ; car, comme nous le disait hier notre très-cher Seigneur,[186] c'est cette divine Bonté qui donne la vraie science aux âmes humbles.

Mon Dieu ! que cela est bien hors de propos que les Sœurs novices connaissent que la conformité aux enseignements manque ! c'est chose d'importance ; ce point est trop important pour être manié à notre fantaisie. Il faut que la maîtresse conduise ses novices par les exercices ordinaires de la maison ; s'il arrive quelque occasion sur laquelle elle ne trouve pas à se résoudre dans les avis de la maison, elle en doit communiquer à la supérieure, pour apprendre ce qu'elle aura à faire ; mais pour ce qui est ordinaire, je voudrais que quand les Sœurs qui sont sous la charge de la maîtresse viennent parler à la supérieure de leur intérieur et de leurs difficultés, elle leur demandât, avant que de rien répondre, si elles n'ont pas parlé à leur maîtresse et qu'est-ce qu'elle leur a dit sur ce sujet. Si elle voit qu'elles sont bien enseignées, qu'elle les confirme et encourage à suivre cette direction ; si au contraire elle voit que la maîtresse les fourvoie, qu'elle n'en fasse rien connaître à la novice ; mais, la confortant, qu'elle la fasse retirer imperceptiblement ; puis qu'elle aille trouver la maîtresse, afin de [255] communiquer ensemble et la rendre éclairée et affectionnée pour le service des Sœurs ; me semblant qu'il est toujours mieux, voire nécessaire, de nourrir l'amour, l'estime et la confiance des novices envers leur maîtresse. Et tant qu'il se pourrait, je voudrais que la supérieure ne leur parlât guère que par cette entremise, excepté quand la règle l'ordonne. Mais j'ai déjà tant écrit cela, que j'espère qu'il se fera ; car, certes, je vois que notre Sœur l'assistante est d'un très-bon cœur. Il la faut grandement encourager à se quitter elle-même, et à rechercher avec grande simplicité et intégrité l'avancement, le repos et la consolation des Sœurs, et à ne point parler que pour cela ; car quelquefois en nous satisfaisant sur de certains mauvais petits retours que l'on fait, nous pressons et affligeons les esprits, quoique nous ne le voulussions pas faire, si nous prenions le temps de le considérer.

Je vous écris confidemment mon sentiment ; ménagez-le, mon très-cher Père, selon votre discrétion. Il me semble que de faire passer tout ceci par l'alambic de votre cœur, et étant dit comme de vous-même, il n'étonnera pas comme si je le disais moi-même. Certes, il y a bien de la mortification en cette vie ; c'est pourquoi il faut essayer de tenir le dessus, espérant une meilleure vie, en laquelle vous verrez clairement que je suis votre, etc.

LETTRE CXLIV - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Exhortation à suivre la sainte règle et à entretenir les liens de la plus étroite charité avec les monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble, 1618].

Vous serez toute consolée, ma très-chère Sœur, de voir [256]

Monseigneur[187] et d'entendre comme tout ce peuple ici espère de profiter au service de Notre-Seigneur par le moyen de cette maison. La divine bonté nous en fasse la grâce !

Nous sommes fort consolée que ma Sœur Paule-Jéronyme fait bien sa charge, qui est si importante. J'espère que toutes nos chères Sœurs iront tous les jours profitant en la voie de Notre-Seigneur, par une très-fidèle et très-stricte observance de nos saintes règles ; je les en supplie et les conjure au nom de notre très-doux Sauveur. Je les embrasse toutes en esprit, avec toute la dilection et sincérité que je puis. Qu'elles continuent à prier, ainsi que la règle nous enseigne, et tout extraordinairement pour la sainteté et santé de Monseigneur ; qu'elles ne nous oublient point, ni ces autres nouvelles et chères maisons, lesquelles, pour être plantées par-ci par-là de la main de Notre-Seigneur, nous doivent être précieuses et chères comme la nôtre même, car c'est le vouloir divin que nous demeurions en parfaite unité de cœur, comme nous le sommes, par sa grâce, d'exercices.

Vous pouvez faire communier une Sœur chaque jour, voire deux, si Monseigneur le trouve bon. Saluez ou faites saluer, ma très-chère Sœur, tous nos amis et amies, surtout notre chère madame la présidente [de la Valbonne], et ma Sœur de la Fléchère quand vous la verrez ; n'oubliez pas ma pauvre vieille Sœur Anne-Jacqueline, ni nos maîtres [ouvriers], car je les aime bien.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [257]

LETTRE CXLV - À LA SŒUR PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY

La simplicité et la candeur sont louées par la Sainte. — Conseils pour se conduire à l'égard de la Sœur assistante. — Décisions pour la maîtresse des novices.

VIVE † JÉSUS !

Grenoble, 26 avril 1618.

Ma pauvre Jéronyme, j'ai vu vos petites difficultés avec la bonne Sœur assistante. Vous étiez deux enfants, mais je vois par la vôtre dernière que vous l'êtes maintenant en simplicité et candeur ; voilà ce que j'aime et que je désire pour le cœur de ma très-chère petite Jéronyme. Il faut continuer ainsi et ne point faire réflexion sur le passé ; et puisqu'il vous fait grand bien de me dire bien toutes vos affaires, faites-le, ma fille, car je suis aussi bien aise de les savoir. Il faut être grandement généreuse à se supporter et supporter les autres. Oui, parlez hardiment avec la bonne Sœur assistante de tout ce qui vous semblera à propos, en esprit de charité et de confiance cordiale.

Dieu soit béni du bon train que vont nos chères novices. les faut toujours avancer, quoique doucement, et supporter ces petites mouches de fantaisie qui sont en quelques-unes. Oui, la maîtresse peut parler en cas de nécessité à l'assemblée, et envoyer une jeune professe quérir son ouvrage, et les lettres lui doivent être remises ; qui en doute ? Comme aussi de parler aux novices au grand silence ; mais il faut qu'il y ait de la nécessité. Si la quantité des novices qu'il faut satisfaire est considérable, faites en esprit de charité ce que vous penserez devoir en cela.

Vous êtes une enfant que j'aime bien chèrement. Oh ! non, il ne faut pas aller dire à l'assistante : « Notre Mère ne ferait [258] pas cela », si ce n'était en conseil, et avec la nécessité et le respect.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CXLVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Elle lui promet de passer à Lyon. — Détails touchant l'admission d'une prétendante à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble] 27 avril 1618.

Tout maintenant nous recevons vos lettres, ma très-chère fille et sans loisir nous vous faisons ce billet pour vous dire que de tout notre cœur nous sommes vôtre et désirons de vous voir- mais, ma très-chère fille, il y aura bien de la difficulté à cause du peu de temps ; néanmoins, nous ferons, Dieu aidant, selon que vous nous le manderez, sur celle que nous vous écrivîmes l'autre jour.

Quant à la Bellet,[188] c'est à la vérité que nous faisons le tour purement et premièrement pour Dieu, et parce que cette chère Sœur Barbe-Marie le désire passionnément, de sorte que nous l'emmènerons ainsi de là. Ce sera à la bonne volonté du chapitre de la recevoir, si elle est trouvée agréable ; mais que ma bonne Sœur Anne-Marie ne craigne pas de lui donner, l'année durant, 50 livres de pension, car il ne se peut moins, et je sais bien, ma très-chère fille, que cela ne sera assuré que durant la vie de ma dite Sœur Anne-Marie. Faites toutefois qu'au contrat, cela soit bien couché, et que lesdites 50 livres [259] nous demeureront entre les mains pour être employées à la nourriture [mots illisibles]. Pensez si nous avions besoin, en cette première maison d'Annecy, de cette charge avec trois autres qui n'ont quasi rien. Dieu nous aidera, car notre seule confiance est en sa bonté. Ma Sœur Barbe-Marie l'habillera, mais petitement. Nous attendons bien de vos nouvelles. Voici M. de la Mothe qui vient. Adieu, ma fille. Je ne puis plus, sinon être à jamais, sans réserve, toute vôtre. Dieu soit voire tout et de la petite cadette.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXLVII - À LA SŒUR PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY

Il faut faire régner la volonté de Dieu au-dessus de toutes nos inclinations.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble] 1er mai 1618.

O Dieu ! que vous serez heureuse, ma très-chère Sœur, si vous ne laissez plus prendre le dessus à vos inclinations, mais qu'au contraire vous fassiez avec celle générosité toute sainte régner puissamment la très-sainte volonté de Dieu ! Ne vous étonnez point d'avoir des étonnements, mais dévêtissez-vous-en tout doucement, et mettant humblement et profondément votre confiance en Dieu, faites avec une sainte hardiesse et une cordiale charité toutes les actions de votre charge, laquelle je vous supplie d'aimer parfaitement, et toutes ces chères âmes qui sont tant bonnes et tant aimables. Je les salue derechef avec vous, ma très-chère Sœur, avec un cœur tout plein d'amour pour elles. Ma chère Sœur Françoise-Marguerite saura de Monseigneur ce qu'elle devra écrire à M. H. pour son argent, et puis [260] elle nous l'écrira afin de faire ce qu'il faudra. Jésus vous comble de son très-pur amour. Amen.

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE CXLVIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Annonce de son arrivée à Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble] 3 mai [1618].

Ma fille très-chère, nous nous verrons donc, s'il plaît à Dieu, et que l'impossible ne nous en empêche ; mais tenez bien tout votre fait prêt, car je ne pourrai demeurer que deux jours. D. S. B. C'est sans loisir, mais avec grand amour que je suis toute vôtre en Notre-Seigneur.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXLIX - À LA SŒUR ANNE-MARIe ROSSET

ASSISTANTE À ANNECY

Recommandations pour une cérémonie de profession.

VIVE † JÉSUS !

[Grenoble] 5 mai 1618.

Ma très-chère Sœur,

Le très-bon Sauveur soit votre consolation et celle de toutes nos très-chères Sœurs, que je salue avec vous de toutes les affections de mon cœur ! Nous avons peu de loisir ici, mais il faut que je vous prie de faire écrire tout promptement notre [261]

Sœur M... à M. N..., son père, afin que, sans plus de remise, l'on fasse la profession de nos bonnes Sœurs le dimanche d'après l'Ascension. Il me semble vous avoir déjà écrit, afin que nos Sœurs H. M. et A. C.[189] avertissent les parents pour ce jour-là sans faillir, et avant notre départ nous dîmes à notre Sœur N... comme elle ferait les habits et voiles. Or sus, ma très-chère Sœur, je vous supplie que tout soit bien préparé, et surtout que nos bonnes Sœurs fassent leur retraite et confession le mieux elle plus utilement qu'il se pourra. O Dieu ! qu'elles seront heureuses de se lier et consacrer ainsi à l'amour du grand et très-bénin Sauveur de nos âmes ! Quelle pureté, quelle humilité et fidélité se doivent-elles proposer d'acquérir, afin d'être des vraies amantes et épouses de ce très-divin et très-amoureux Époux !

Mandez-nous si l'on vous a apporté une cloche de Genève pour mettre à la porte ; car si vous n'en avez, nous vous en porterons une.

Il faut finir, car je suis entièrement pressée. Mille saluts derechef à toute la troupe bien-aimée. Que ma Sœur N... nous mande la réponse de M. N... sitôt qu'elle l'aura, car je ne puis rien résoudre sans cela. Je n'oublie de saluer madame la présidente, tous nos amis et amies, notre pauvre vieille Jacquement et nos maîtres.

Je suis toute à vous en l'amour de notre très-bon Sauveur.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [262]

LETTRE CL (Inédite) - À LA MÈRE PÉRONNE-.MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Maternels enseignements pour l'exercice de la supériorité.

VIVE † JÉSUS !

Lyon, 1618.

Mon Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, qu'il me larde que je sache de vos nouvelles et qu'en vérité vous me disiez : « Ma Mère, tout ce que je craignais est évanoui. » O Dieu ! quelle consolation à mon âme, si j'entends jamais cela ! Donnez-la-moi donc, ma très-chère Sœur, je vous en conjure, et me croyez, car en sincérité il n'y a rien à craindre ni à désirer en vous, que la privation de cette ombrageuse opinion[190] ; mais je n'ai loisir de vous en dire davantage ; je vous en supplie, ma mie, que cela suffise. Au reste, plus je pratique votre bon et cher Père, M. Dulme,[191] plus je le trouve aimable et digne d'une parfaite confiance, pour lui voir une entière affection et sincérité envers vous, et une capacité même pour les affaires extérieures. Soulagez-vous donc avec lui pour tout ; car il vous aidera, et me croyez. Soyez autant franche, confiante et sincère qu'il vous sera possible, mais je sais que vous l'êtes.

Faites-moi le bien de faire très-humble révérence à Mgr de Chalcédoine[192] de notre part et un mille d'embrassements à toutes [263] nos chères Sœurs, un peu à part secrètement à celles que vous le jugerez à propos et à ma très-chère Sœur Barbe-Marie, comme vous savez que je le ferais, et à notre bonne Sœur madame de Granieu et à toutes celles que vous jugerez à propos. Pensez si je suis contente d'être ici, où certes je trouve de bonnes filles et une brave supérieure[193] ; de la maîtresse[194] je n'en dis rien, afin d'entretenir ma bonne coutume de vous mortifier. Je n'oublie M. de Lagrand, M. Clément ni tout ce que vous voudrez. Adieu, ma chère amie ; certes, en vérité je vous aime de tout mon cœur. Vivez toute à Dieu.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

La Sainte annonce son retour à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 30 mai [1618].

Certes, ma très-chère fille, je n'en peux plus, mais si, faut-il que je salue votre cœur plus qu'amoureusement, et toutes vos chères filles. Nous n'avons point reçu les soies. Pour Dieu, ma chère fille, envoyez-les ; quand j'aurai rendu compte à mon Père[195] de notre voyage, je vous dirai son sentiment, mais je ne l'ai su faire, ni lui en dire un mot. Adieu, ma fille, à Dieu soyons-nous à jamais, sans réserve. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [264]

LETTRE CLII (Inédite) À LA MÊME

Témoignages d'affection.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Il ne se peut que ce billet, car votre bon Père, M. Brun, veut partir toujours courant. Je ne peux dire un mot à Monseigneur de toute notre négociation, car il est environné de toute la chère famille de M. le président ; il est prou empressé. Ma très-chère fille, que de bénédictions je vous souhaite à votre chère troupe, tout aimable, certes ! Je n'ai apporté qu'une mortification de chez vous, qui est que je n'y ai pas demeuré assez longtemps à mon gré, ni par conséquent eu le loisir de caresser ces pauvres filles selon l'amour que je leur porte. Dieu soit béni, qui m'a donnée toute à ma chère fille, toute très-chère et très-aimée.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CLIII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Il faut porter joyeusement pour Dieu les peines et travaux qu'il nous envoie.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Je viens pour vous donner le bonjour, ma mie, et aussi me courroucer un peu de ce que vous vous laissez abattre et travailler par l'appréhension que vous donne la charge. Hé ! je vous prie, ne faites plus cela, le bon Dieu qui vous y a posée la fera pour vous, confiez-vous en Lui. Puisqu'il Lui a plu vous faire [265] souffrir quelques contradictions et travaux, portez-les joyeusement pour son amour, car cette vie ne se peut passer sans peine. Or sus, soyons de même en paix, et voyons combien nos travaux sont légers et petits en comparaison de ceux des autres. Dieu soit béni de tout et en tout. Priez-le bien pour les nécessités de tout le monde, et pour les miennes qui sont si grandes. Béni soit le saint Nom de Jésus et Marie. Amen. Toute vôtre.

LETTRE CLIV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Elle lui dit sa pensée sur une prétendante sans vocation.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 25 juin 1618.

Ma très-chère Sœur ma mie, je ne sais que vous dire, de plus que ce que je vous ai déjà dit, de madame Léotard ; aussi bien notre avis arriverait trop tard. Dieu vous aura conseillée, s'il lui plaît. Je crois fort qu'elle n'a point de disposition pour la vie religieuse, mais je vous prie de lui bien dire que je vous en avais parlé, comme en effet vous savez que je fis, et ce que vous me répondîtes, que je crains bien qui n'arrive. Dieu vous assistera, s'il lui plaît, et vous donnera force, convertissant tout à sa gloire. Certes, je serais bien aise que cette pauvre femme-là fut assistée et aidée, pourvu qu'il n'en arrive point de trouble et scandale à la maison. J'ai pour elle une lettre de Mgr de Bourges, qui ne veut pas que le mariage réussisse, si elle ne tient toute sa parole. Je la lui enverrai bientôt, maintenant je n'ai le loisir de lui écrire.

Envoyez-nous, je vous prie, du poivre blanc ; c'est pour en faire user à Monseigneur qui a son estomac tout détraqué. [266]

M. Bonfils m'a fait assurer de payer les 30 ducatons pour les chandeliers ; mandez-moi, je vous prie, s'il l'a fait ; et bonjour, ma très-chère fille et toute unique Sœur ; nous vous écrirons plus amplement bientôt. Je salue votre chère troupe ; Dieu la comble de grâces, et notre chère Sœur que j'aime parfaitement.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry

LETTRE CLV - À LA MÊME

Mgr de Bourges désire que la Mère Favre aille fonder dans sa ville épiscopale.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Je suis de même surpressée du départ de notre bon M. de Médio, comme vous le fûtes, ma très-chère fille, dont je suis mortifiée un peu ; car j'avais grande envie de répondre à Mgr de Bourges, sur le désir qu'il a que nous allions ensemble[196] ; mais je ne le peux que je n'aie parlé à Monseigneur.

J'avais bien résolu qu'il emporterait l'argent des soies et de votre or ; mais, en aussi peu de temps, l'on ne saurait voir M. Roland : ce sera pour le sire Pierre quand il retournera. Il me tarde déjà de savoir de vos nouvelles et de vos chères filles. Bonjour, la mienne toute chère. M. Le Blanc vient samedi ici.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [267]

LETTRE CLVI (Inédite) - À LA MÊME

La Sainte lui recommande de se décharger du gouvernement de Lyon afin de commencer une autre fondation. — Elle l'engage a ne pas refuser les prétendantes pauvres des biens temporels, pourvu qu'elles soient braves de cœur et d'esprit. — Envoi de quelques Sermons et des Entretiens de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

C'est la vérité, ma très-chère fille, que ma pauvre Sœur Barbe-Marie me donna l'alarme, et j'étais en peine de vous. Je loue Dieu de voir la disposition de votre cœur à le servir indifféremment, selon son bon plaisir ; croyez, ma très-chère fille, que vous nous êtes chère en un très-particulier degré, et nous voudrions bien que la liberté nous fut donnée pour vous employer selon notre désir ; néanmoins, puisque la divine Providence en dispose ainsi, il faut croire que c'est sa plus grande gloire. Cependant, nous désirons qu'avec sincérité vous recherchiez comme l'on pourra faire pour vous déprendre de là, sans altérer Mgr de Lyon, ni faire tort à la maison, à laquelle il me semble que, dans quelques mois, vous ne serez plus absolument nécessaire, quoique utile ; mais, si je ne me trompe, la cadette fera prou. Voyez donc comme vous ferez, et ce que nous devons faire de notre côté ; et je loue Dieu de ce que les prétendantes s'échauffent ; prenez-en, je vous prie, si elles sont braves, et ne doutez point que Dieu n'assiste et ne pourvoie au temporel, pourvu que les filles soient de bonne observance. — Quant à notre Sœur ***, certes, il ne serait bon de lui faire changer d'air, et la faire venir ici ; il la faut disposer, et tous ceux qui le doivent être ; cependant, si vous pouvez, ne lui souffrez point tant ses impertinences.

Mon Dieu, qu'il me tarde de savoir ce que Mgr de Lyon fera [268] pour ce privilège de l'Office ; certes, c'est chose impossible de s'en passer. Nous avons reçu l'argent ; ne donnez pas les robes pour les Sœurs, il vaut mieux les garder ; nous déchargerons votre maison de quelques filles, tant qu'il se pourra.[197] Voilà des Prédications et Entretiens[198] que ma Sœur Barbe-Marie a demandés pour faire faire des copies ; envoyez-les-y. Vous voyez comme je me hâte de vous parler, je n'ai nul loisir, et c'est un accablement que les affaires de céans. Nous ferons tout ce qui se pourra pour cette bonne demoiselle, mais de la loger céans, il ne se peut. Mon Dieu ! il faut finir ; j'eusse bien voulu dire un mot à la cadette, mais je ne puis.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CLVII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Une supérieure doit avoir pleine confiance en l'assistance divine.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618]

Ma très-chère Sœur, je désirerai toujours plus ardemment de vos nouvelles, jusqu'à ce que vous me mandiez que vous tenez le dessus de toutes les petites tricheries qui affligent votre esprit ; car enfin je sais que cela ne peut que vous beaucoup nuire, et que ce n'est pas votre chemin de vous amuser à cela, ains celui d'une sainte humilité et confiance en Dieu, lequel prend plaisir de gouverner entièrement les âmes qui se reposent en Lui, et qui ne désirent ni force, ni science, ni expérience [269] et capacité, sinon celle que sa Bonté leur distribue à mesure qu'elles en ont besoin. Je ne pensais pas que Monseigneur vous écrivit, mais il le fera ; c'est pitié de voir son accablement parmi tant de gens qui sont logés chez lui. Je ne sus lui parler de ma Sœur Jeanne-Marie[199] ; parlez-en avec M. Dulme, votre bon Père, et nous en mandez son sentiment, car cela est d'importance. Au reste, ma très-chère Sœur ma mie, plus je vais pratiquant ce bon Père, mieux je reconnais sa capacité, je dis même pour les affaires ; c'est pourquoi vous ferez très-bien de lui communiquer de tout et d'avoir une grande franchise et confiance avec lui, car il ne veut que cela et il vous aidera grandement. Il faut que dorénavant vous le fassiez mettre dans les contrats, il le mérite ; assurez-le fort de mon intime et cordiale dilection envers lui, je ne puis lui écrire.[200] Je salue aussi, et toujours quand vous le trouverez bon, notre très-cher Père M. de Lagrand ; remerciez-le étroitement de l'assistance qu'il nous a donnée, et saluez aussi M. d'Aoste[201] et toutes les dames que vous savez, et quand vous connaîtrez qu'il sera à propos ; mais surtout, pour cette fois, madame la vibaillive, la remerciant de tant de faveurs que nous reçûmes en sa maison. Oh ! pour nos chères Sœurs, je ne puis dire combien elles me sont chères, toutes, mais surtout nos pauvres anciennes.

Il faut finir, on me presse ; envoyez quérir M. Léotard et lui donnez ma lettre ; que l'on ne le voie point, ni les autres. Bonjour, ma très-chère Sœur ma mie ; vous savez ce que je vous suis.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLVIII - À LA MÊME

Mieux vaut s'appliquer à la stricte observance que s'inquiéter de ses tentations. Envoi des Entretiens.

 

[Annecy, 1618].

Je n'ai guère de loisir, ni guère de choses à vous dire ; aussi, ma très-chère fille, il me tarde de savoir si notre bonne Sœur J.-Hélène aura fait profession, et comme va de sa tentation. Vrai Dieu ! que si elle veut un peu à bon escient la mépriser et s'appliquer fidèlement à l'observance de nos chères règles, qu'elle serait heureuse ! Hélas ! ma très-chère fille, il en faut avoir une grande compassion et lui élargir toujours son cœur, tant qu'il vous sera possible.[202]

Nos maçons iront voir votre dessein sur la fin du mois qui vient ; si vous n'êtes bien résolue de les faire travailler, ne les faites pas aller là, car il vous coûterait de l'argent inutilement. Pour votre première pierre, Monseigneur dit qu'il faut que vous vous conseilliez de cela avec ces sages et prudents amis de la maison, parce que ceux qui sont sur les lieux peuvent mieux juger de cela que non pas nous. Nous avons été bien aises de voir la bonne madame Maroz. [271]

Vous aurez tous les Entretiens que Monseigneur nous a faits, et qu'il nous fera encore ; car, ma très-chère fille, tant qu'il me sera possible, je lui veux faire employer le temps qu'il vient céans à cela, avant notre départ, afin que toutes les maisons participent à ce trésor. Celles qui sont ici auront toujours assez de temps pour lui parler, et puis, certes, nous ne savons que trop ce que nous devons faire, nous n'avons besoin que de pratique. Mille saluts à ces très-chères filles et à tous. Dieu soit notre tout, ma très-chère Sœur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLIX (Inédite) - À LA MÊME

Affaires et plans de construction.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Je ne puis prendre le loisir de vous écrire, ma très-chère Sœur, outre que je le fis hier. Nous prendrons le loisir de voir les plans, et puis ne soyez pas en souci que l'on ne vous les renvoie assurément. Vous pouvez retirer le coffre de la bonne madame Léotard. Je pense bien que ce mariage ne se fera pas, car enfin on désire l'accomplissement de sa parole. Mille saluts à tous et à toutes nos très-chères Sœurs. Vivez, je vous prie, contente, car vous en avez l'occasion, et nos deux chères professes qui m'ont écrit me donneront bien un peu de terme, et M. Clément aussi, que je salue. Je suis accablée de tant d'écritures qu'il m'a fallu faire. Bonjour, ma très-chère et bonne Sœur ; faites que M. Le Poivre retire les couteaux et autres choses que l'on vous a envoyés, car c'est au chasse-marée qu'on les donna. Nous avons reçu vos provisions. Grand merci, ma très-chère Sœur. — Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [272]

LETTRE CLX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Arrangement pour la fondation de Bourges, annonce de celle de Turin et du passage de la Sainte à Lyon.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618],

Je repense, ma très-chère fille, à ce que vous me dites, de remettre la disposition de la venue de notre Sœur [F.-Jéronyme] au temps que nous serons vers vous ; il me semble que, s'il se peut, j'aimerais bien mieux l'envoyer devant, et nous remmènerions celle qui viendrait avec elle ; car aussi bien prendrons-nous une de vos filles pour Bourges, voire même notre Sœur A.-Françoise, si vous le trouvez bon, car l'on donnera bien une compagne à notre Sœur Marie-Aimée, lorsqu'on vous prendra. Pensez donc voir un peu à cela, et s'il ne serait point mieux ainsi que je dis. Pour ce qui regarde cette fille, j'espère qu'il lui fera grand bien d'être ici, puisqu'elle est si [mots illisibles].

Nous n'avons point de nouvelles de Paris, mais oui bien de Turin, où il faudra aller au printemps. La signora Genevra, plus ardente qu'il ne se peut dire, attend impatiemment ce temps-là ; l'on s'y promet des merveilles. Monseigneur est en crainte de l'esprit de Mgr de Lyon ; mais il espère pourtant que M. le président le gagnera. Il est grandement nécessaire de penser, que l'on acheminera cela, voire de commencer à le faire ; car c'est une chose absolument nécessaire, et je vois que vous ne l'êtes plus tant à Lyon, car je trouve notre cadette brave, et la décharge que l'on fera de quelques filles ouvrira la porte à d'autres, qui accommoderont le temporel, s'il plaît à Dieu, que je supplie de tout mon cœur de vous en donner de bonnes. [273]

Voici une autre sorte d'affaire, ma très-chère fille : c'est que nous avons ici 1,000 écus en espèces, contenus en ce bordereau, lesquels nous ne pouvons trouver moyen d'envoyer chez vous, où je mandai à M. Coulon qu'il les vînt prendre de nous le jour de Notre-Dame, ou le 10 septembre, en nous en faisant une quittance ; et je vois bien qu'il faudra qu'il les vienne prendre ici, sinon que vous puissiez, employant votre crédit, lui faire donner selon que le bordereau le porte, en quoi vous me feriez un signalé plaisir, et dont je vous conjure si vous le pouvez, vous assurant en toute vérité que j'ai cette somme entre les mains, en mêmes espèces contenues au bordereau, et laquelle je vous donnerai, Dieu aidant, moi-même, le 12 ou le 13 d'octobre que nous serons vers vous[203] ; certes, ma fille, si vous le pouvez, je sais que vous le ferez ; si moins, il faudra que le bon M. Coulon vienne ici. Il me tarde d'avoir de vos nouvelles, ma très-chère fille ; vivez joyeuse et toute à Dieu, et vous assurez que mon cœur est tout vôtre. Croyez-le.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CLXI (Inédite) - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

La Visitation est reconnue à Rome comme Ordre religieux.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Le départ de ces bons Pères se trouve sur une dépêche d'importance qu'il me faut faire et qui est tout avancée ; car voici toujours nouvelle affaire du côté de mes enfants, et un messager [274] exprès pour cela. Que dire donc, ma très-chère fille, sinon que je me suis toute consolée de voir votre cœur content ? Oh ! vrai Dieu, quel bonheur d'être bien dénuée de nous-même et de ne se revêtir jamais que de Dieu ! Je pense que Monseigneur écrira à M. Dulme, comme la N... peut entrer parmi nous en parfaite assurance, outre que vous pouvez dire à Mgr de Chalcédoine[204] que l'expédition est venue de Rome pour convertir ceci [la Congrégation] en Religion, et que Monseigneur en a la commission.

Nous attendons ce soir M. Le Blanc, et puis nous écrirons plus au long. Bonjour, ma très-chère fille, et à toutes, et à la chèrement aimée Sœur de Granieu ; je lui écrirai bientôt, et à M. Dulme.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXII - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

MAÎTRESSE DES NOVICES À LYON

Conseils de direction et encouragements.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Elles me plaisent grandement, ces nouvelles de votre noviciat ma très-chère fille, Dieu en soit béni ! mais non pas tant quand vous me faites des lamentations, me disant que ma pauvre fille va toujours de mal en pis ; or sus, patience. Vous avez bien fait de décharger votre cœur au bon Père recteur ; mais vous n'êtes point obligée ni ne le devez faire à M. le supérieur ; car, quelque docte et bon qu'il soit, cela ne serait pas à propos. Dieu vous confortera et fera régner enfin sa très-sainte volonté [275] en vous. Dieu veut que vous le serviez comme vous faites et en ce que vous faites ; n'ayez donc point de scrupule, mais un grand courage.

La maison de Paris n'est pas encore résolue. Certes, je crains un peu la jeunesse de cette petite Sœur A. L...[205] ; c'est pourquoi il faut bien regarder s'il n'y en aura point une autre plus propre ; car cela est trop important. Adieu, ma fille ; vivez fortement toute en Dieu, et mille saluts à ces chères filles.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXIII (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Préférer, dans le choix des vocations, le bon esprit des prétendantes aux avantages temporels. — Il faut agir prudemment avec une âme peu propre à la perfection religieuse.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 1618].

Voilà, ma très-chère fille, que je viens de satisfaire à votre désir pour ce qui regarde vos Sœurs, n'ayant compris votre intention que pour ces cinq à qui j'écris. Je vous assure, ma fille, que j'ai peu de loisir et un grand accablement d'affaires. MM. de Saint-Dominique nous travaillent fort ; nous sommes en procès et en traité d'accord. Ils veulent absolument 1,200 écus d'or pour le morceau de place qui nous est nécessaire [pour agrandir le jardin] ; pensez où nous en sommes. Je vous assure que c'est chose impossible, ayant très-grande peine de trouver de quoi entretenir les ouvriers et vivre.[206] Nous en [276] devons plus de 200 d'emprunt, mais nous entreprendrons pourtant ce que nos amis voudront. Dieu soit béni ; tout va assez bien au reste.

Oh ! mon Dieu, ma chère fille, plus je vais en avant, plus je vois que tout le bonheur de ces maisons consiste au bon choix des filles, et ne saurais souffrir que celles qui ont des commodités moyennes soient refusées, quand elles ont les parties de l'esprit requises. Enfin les maisons où Dieu est aimé et servi purement n'ont jamais faute de pain, je vous l'ai déjà tant écrit, ce me semble. Prenez des filles qui vous plaisent, encore qu'elles ne soient pas si riches, et même s'il s'en présentait quelque excellente qui n'eût rien, je voudrais la prendre à deux mains, car Dieu pourvoirait. Je ne dis pas pourtant qu'il en faille remplir la maison à ce commencement ; aussi ne s'offriront-elles pas. Dame, je ne trouve pas que ce soit pauvreté quand elles ont 400 ou 500 écus ; cela payera vos dettes si vous en recevez. Trois ou quatre de ce prix feraient votre famille, et ne chargeraient guère votre dépense. Et il me semble que le nombre [marqué] fait que l'observance est mieux gardée ; elles n'ont pas tant de tracas. Dieu vous veuille bien fournir, je le désire grandement, et que l'on soit fidèle à l'observance. Mais il faut revenir aux filles. Hélas ! cette pauvre Sœur qui se travaille tant pour ses fautes doit être grandement supportée, et ne faut pas exiger d'elle la perfection, puisque son esprit en est incapable. Pourvu qu'elle observe la règle aux choses extérieures, et qu'elle ne fasse pas des mutineries et scandales, il faut tolérer le reste et ne faire pas semblant de le voir, puisque vous l'avez reçue à profession. Ce sera assez qu'elle soit exempte du péché mortel et qu'elle ne donne point de trouble à la maison ; il y faut tenir son cœur fort large et content. Pour l'autre qui tombe en l'oraison, il faut bien examiner si son imagination ne tient point le dessus, car la pauvre fille, si elle a l'imagination forte, elle se trompera sans coulpe, [277] toutefois il la faut faire manger et dormir ; car je pense qu'il y a de la débilité en ces chutes, et craindrais, si elle ne fait bon effort pour cela, que quelque tentation ne s'y mêlât. Bref, la douceur, l'humilité et simplicité à l'obéissance tiennent assurées toutes choses, pourvu que véritablement ces vertus règnent. Quant à la Sœur servante, je pense qu'elle n'a pas fait profession ; c'est pourquoi il lui faut faire savoir librement que si elle veut persévérer en ce service, il faut qu'elle se résolve d'être toute douce et toute soumise. Pour les jeunes filles, certes, je ne voudrais pas les donner à ma Sœur M.-Hélène, oui bien plutôt à notre sœur Jeanne-Marie. [Quelques lignes illisibles.]

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXIV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Annonce de son passage à Lyon en se rendant à Bourges.

VIVE : † JÉSUS !

[Annecy] 27 septembre 1618.

Ma très-chère fille, il n'y a plus moyen de faire de grandes lettres, puisque nous espérons nous voir si tôt, Dieu aidant ; et puis je vous assure, ma pauvre amie, que nous n'avons nul loisir, vous le voyez à mon écriture ; nous attendons de bon cœur notre cadette et la chère Sœur Françoise-Péronne : nous vous en ramènerons deux, et faites bien tenir notre Sœur A. Fr. prête, car nous la mènerons à Bourges avec nous.[207] Adieu, ma très-chère fille. Dieu soit au milieu de votre cœur. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [278]

LETTRE CLXV (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

La Sainte annonce son passage à Moulins.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 27 septembre 1618].

Ma pauvre très-chère Sœur, il n'y a moyen de refuser ce billet au bon M. Jantel, qui nous assure de vous voir bientôt. Ce n'est que pour vous saluer, attendant l'aimable jour de vous embrasser amoureusement et de tout mon cœur. Nous nous tenons prêtes pour le 8 ou le 9 du mois prochain, ainsi que nous avons écrit à notre bon Mgr de Bourges ; s'il était arrivé quelque chose qui retardât de leur côté, nous serions bien aise de le savoir. Monseigneur notre très-cher Père est de retour en bonne santé, Dieu merci. Adieu, ma très-chère amie. Dieu soit au milieu de votre cœur. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Maladie de Françoise de Chantal. — Saint François de Sales attend l'arrivée du prince-cardinal de Savoie pour le suivre à Paris. — Explication au sujet de la Bulle envoyée de Rome pour l'érection de la Visitation en Ordre religieux. — La Sainte s'occupe de faire imprimer les Règles.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy. 14 octobre 1618].

Ma très-chère fille, notre Françoise a toujours bien la fièvre continue, c'est aujourd'hui son neuvième jour, mais cette mauvaise couleur et défaillance lui est passée ; quoiqu'elle ait, [279] certes, bien la fièvre, si est-ce que M. Grandis ni moi n'en avons nullement mauvaise opinion, et espérons, moyennant la grâce de Dieu, qu'elle n'en craint rien pour ce coup. Ce sont ses excès à manger du fruit, et surtout des pêches, qui lui ont causé cette fièvre.

Au reste, ma très-chère amie, il y a aussi peu de certitude au voyage de notre très-cher Père qu'il se peut dire ; car tous les jours il y a des remises à l'arrivée de Mgr le prince-cardinal, et enfin l'on craint que cela ne s'en aille en fumée ; voilà comme les choses de cette vie sont incertaines. O bon Dieu ! quel bonheur pour les âmes de n'y avoir aucune attache, mais de colloquer tout leur bonheur et repos en la sainte éternité !

Nous sommes aussi étonnée de ce que nous n'avons point de nouvelles de Bourges, et je crains que Mgr l'archevêque ne soit en peine pour ce que je lui avais écrit qu'il fallait qu'il envoyât à Rome pour obtenir un bref pour nous établir en sa ville ; mais c'est chose qui ne sera point nécessaire, ains inutile, puisque enfin Monseigneur s'est résolu de convertir [ériger] cette maison en monastère, suivant sa commission du Pape, et par ainsi nous avons le privilège de nous établir en toutes les villes où les évêques nous voudront recevoir, avec même le privilège de notre petit Office ; et les seules maisons qui sont déjà faites ont besoin de recourir à Rome. Mais Mgr de Lyon n'a garde [de] s'oublier. Si j'avais le loisir, j'eusse pu écrire ceci à Mgr de Bourges ; mais l'on me demanda cette lettre aussitôt que je sus le départ de ces jeunes enfants. Voyez si vous trouvez occasion de le faire, ma très-chère fille, à qui je suis si entièrement. Comme aussi je vous prie de parler à Rigaud pour savoir si l'on voudra imprimer nos règles à la condition qu'il nous avait promise, qui est de nous en donner mille exemplaires. Peut-être le quitterions-nous bien à moins, il est vrai ; puisque Monseigneur veut bien que tout le monde les voie, il y gagnerait prou. Parlez-lui-en, ma fille, car nous en trouverons [280] bien un autre, s'il ne veut les imprimer. Il est besoin, et Monseigneur le désire, que l'impression s'en fasse bientôt. Elles sont toutes prêtes et achevées, grâce au grand Dieu, et ce sera un livre admirable. Dieu nous donne la grâce de les bien observer ! Faites-nous promptement réponse, ma vraie très-chère fille ; nous écrirons plus à loisir par le sire Pierre et à la cadette. À Dieu soyons-nous éternellement, ma plus que très-chère fille. Amen.

Dieu soit, béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXVII - À MONSEIGNEUR L'ARCHEVÊQUE DE BOURGES

PRIMAT D'AQUITAINE[208]

Elle lui dit que la Bulle de Paul V pour l'érection de la Visitation en Ordre religieux suffit à tous les monastères qui s'établissent, sans qu'il soit besoin d'un nouveau recours à Rome.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy, 16 octobre 1618].

Monseigneur, Puisque j'ai cette digne occasion de pouvoir envoyer ce mot de lettre jusqu'à Moulins, je l'emploie volontiers pour vous dire, [281] Monseigneur, que n'ayant point eu de vos nouvelles depuis votre laquais, et voyant la saison propre à voyager si fort avancée, j'ai pensé que ce qui vous retarde d'envoyer est que vous attendez de Rome ce que nous vous avions mandé qu'il fallait obtenir, et dont il n'est nul besoin maintenant, puisque enfin pour ôter cette peine aux prélats qui nous recevront en leur diocèse, Monseigneur de Genève s'est résolu d'accomplir sa commission avant que [de] nous laisser partir d'ici, et a réduit aujourd'hui notre petite Congrégation en Religion formelle dont nous devons et rendons beaucoup de grâces à notre bon Dieu,[209] duquel nous espérons infailliblement le bénéfice du petit Office.

Si quelque autre sujet avait diverti ou retardé le dessein de ces bonnes âmes de votre ville, je vous supplie très-humblement, Monseigneur, de nous le faire savoir le plus tôt que vous pourrez, afin de donner consolation à nos filles de Dijon qui nous pressent, voire, importunent ; car allant à vous, nous ne pouvons les servir sitôt qu'elles désirent. Cependant, si votre dessein réussit, comme je l'espère, c'est une vraie providence de Dieu de ce peu de retardement, et voudrais que l'on ne nous vint prendre de douze jours, parce que votre pauvre nièce a la fièvre continue, il y a dix jours ; mais le médecin n'y voit nulle apparence de péril, et ce matin elle était fort diminuée. J'espère, Dieu aidant, de vous la mener heureusement. Que si vous aviez déjà envoyé ici, ne vous mettez pas en peine si vous nous voyez un peu retardées ; car croyez que nous irons le plus tôt qu'il se pourra. [282]

L'on m'a donné trois ou quatre mois pour me décharger des affaires de mes enfants.[210] Dieu vous conserve, mon très-cher seigneur ; je suis fort pressée, mais toujours toute vôtre, et votre très-humble sœur, fille et servante en Notre-Seigneur.

Sœur Françoise Frémyot, de la Visitation Sainte-Marie.

Dieu soit béni !

[P. S.] Je salue nos neveux[211] de tout mon cœur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXVIII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Annonce du passage de saint François de Sales à Lyon avec la cour de Savoie. — Une supérieure doit gouverner le monastère par elle-même et selon la règle. — Questions que la Mère Favre devra faire au Bienheureux Évêque pour les Constitutions.

VIVE † JÉSUS !

[Annecy] 17 octobre 1618.

Ma pauvre très-chère amie, encore ce billet ; car le départ du sire Pierre me surprend ; je désirais fort de vous envoyer les règles, pour les faire imprimer, ainsi que je vous l'ai écrit par M. Roland ; car enfin Mgr le prince-cardinal va,[212] et vous aurez [283] ce cher contentement de voir notre cher Père. Mon Dieu, faites qu'il dise un mot à M. de Saint-Nizier pour la réception de ces filles. Qu'il vous laisse gouverner ! votre maison n'aime pas cette conduite-là [mots illisibles]. Si vous aviez des filles qui fussent braves, l'on en prendrait toujours pour les fondations, comme nous vous avons mandé, et votre maison se ferait par ce moyen. Bon Dieu ! puisqu'ils n'ont pas le soin de quoi vous vivez, qu'ils vous laissent gouverner. Enfin si cette fille dont vous m'avez écrit est si brave, nous la prendrons ; il est vrai que nous sommes déjà un grand nombre, et, certes, grandement chargées, même de dettes, aussi bien que vous, mais non si grosses, car nous n'avons pris que 13,000 florins à rente à six et sept pour cent.

Au reste, ma très-chère fille, demandez à notre très-cher Père Monseigneur s'il ne faut pas mettre un titre au fin [tout] premier chapitre de nos Constitutions, De la fin pour laquelle elles ont été dressées, et comme il le vous dira, nous l'y ferons mettre lorsque nous vous enverrons les règles. Je suis tant pressée que rien plus ; mais voilà un billet pour M. l'aumônier ; ma fille, vous savez qu'en vérité je suis toute vôtre ; la petite cadette le sait aussi, et ma Sœur Barbe-Marie. Vivons toutes à Dieu, et nous mandez bien des nouvelles de Monseigneur, et lui baisez sa chère main de ma part. Adieu, ma fille, mais à Dieu soyons-nous à jamais. Amen. 17 octobre.

Voilà donc qu'il faut partir, mais non pas avant lundi, car Françoise a toujours sa fièvre. N'envoyez pas, ma fille, les lettres que je vous mandai pour Mgr de Bourges ; je les donne à M. Roland ; je ne vois pas qu'il faille envoyer un carrosse : nous irons jusqu'à Lyon comme nous pourrons, et ne sais encore ce que nous ferons de cette fille.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [284]

LETTRE CLXIX - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Convalescence de Françoise de Chantal. — La Sainte permet de communiquer les Règles et Constitutions à quelques personnages de haute piété.

VIVE † JÉSUS !

Octobre 1618.

Ma très-chère fille, je vous écris parmi notre voyage que vous savez déjà que nous faisons,[213] au moins si vous avez reçu celle que je vous écrivis jeudi dernier, que notre très-cher Seigneur et Père vous aura donnée ; je vous ai tout écrit et ne sais plus rien à vous dire, mêmement que notre bon M. Michel [Favre] vous dira prou toutes nos nouvelles, et comme ma Françoise et moi aussi sommes mortifiées de ce qu'elle n'a su venir. Grâce à Dieu, elle n'est en aucun danger, mais, comme vous savez, elle est sujette à traînasser longtemps après ses [285] maladies ; c'est pourquoi nous n'avons su l'attendre, mais s'il plaît à Dieu, M. de Vars l'amènera à Lyon sitôt qu'elle pourra être remise, et de là nous la ferons conduire à Moulins, où nous l'enverrons prendre. Demeurez bien en paix, ma très-chère fille, et avec toute votre chère troupe à laquelle je voudrais pouvoir dire un mot par écrit, mais je n'en ai pas le loisir ; je les embrasse toutes très-amoureusement avec vous, que je chéris tout cordialement. Ne laissez pas de nous mander de vos nouvelles, encore que nous soyons loin, car elles me feront toujours grand bien. Adieu, adieu, ma très-chère fille.

Nous aurons, Dieu aidant, nos règles imprimées dans trois semaines ; il faudra que vous y contribuiez votre part. J'ai dit qu'il vous en fallait cinquante copies.[214] Aux amis et amies très-confidents, vous en pourrez donner, ou à quelque grand personnage de piété qui désirera les voir ; elles coûteront 20 écus pour l'impression, et 10 écus pour la reliure ; car nous retirons tout, et il y aura six cents copies. Nous allons à la sainte messe pour partir. J'ajoute ce mot : je salue M. Clément et tout le reste que vous savez.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [286]

LETTRE CLXX - À LA sœur CLAUDE-AGnÈS JOLy DE LA ROCHE

ASSISTANTE À ANNECY[215]

Haute estime de la Sainte pour la grâce de la vocation à la vie religieuse.

VIVE † JÉSUS !

1618.

Je loue Dieu, ma très-bonne et très-chère Sœur, des bonnes nouvelles que vous me mandez de toutes nos chères Sœurs, et de celles en particulier que vous me dites de votre cœur, lequel j'aime si chèrement et si amoureusement. Dieu le rende tout sien et tout saint, ce cher cœur de ma pauvre Agnès ! Ayez-en bien du soin, ma mie, car il est bon, mais il le faut bien conduire fidèlement, doucement, humblement, et surtout le tenir encourage, afin qu'il persévère. Hélas ! que nous sommes toutes heureuses, ma très-chère fille, de n'être occupées, employées, ni dédiées qu'au service royal de notre céleste Époux ! Eh ! que ne devons-nous pas faire pour ce bon [287] Sauveur, en reconnaissance de cette si particulière grâce ? Certes, quand je la considère, je voudrais être anéantie et fondue dans sa divine volonté, afin qu'il fît de moi tout à son gré, puisque je n'ai la suffisance de le servir dignement.

Secourez-moi fort de vos prières, je vous en conjure, et toutes nos chères Sœurs, et saluez quelquefois Notre-Dame pour moi, avec son glorieux époux saint Joseph, et son cher fils adoptif, mon bon patron [saint Jean].

Je salue, mais très-cordialement, M. votre père, mon cher frère, et madame votre mère, ma bonne sœur. Pour Dieu, qu'ils prient un peu pour moi, afin que mon Dieu me faisant miséricorde, il me rende toute sienne.

De grâce, ma mie, quand mon très-cher Seigneur vous verra, baisez-lui révéremment sa chère main de ma part ; mais, je vous en prie, je le fais en esprit de grand cœur.

Adieu, ma mie. Baisez de ma part ma pauvre Sœur Anne-Jacqueline [Coste]. Je l'aime bien et vous aussi, ma chère Agnès. Vive Jésus !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXXI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Peines de la Sainte concernant ses enfants. — Pauvreté de la communauté de Bourges.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 20 novembre 1618.

Ma très-chère fille, je sais si peu de vos nouvelles et de celles de Nessy que cela me donne des pensées qu'il ne soit arrivé quelque chose à Françoise ; si elle n'arrive bientôt, l'hiver la combattra. Je trouve ici de bonnes et poignantes épines, que si Dieu n'y met sa bonne main, elles me poindront longuement, [288] parce que je suis mère. Il est vrai que tant que je puis, je détourne ma pensée des choses avenir, voire même des présentes, les remettant au soin et providence de mon Dieu, auquel je me repose et confie.

Les neuf filles de 10,000 écus qui servaient de fondement à ce nouveau monastère sont réduites à une ; et enfin on nous voulait, et j'espère que de la multitude des filles qui demandent, qui sont pauvres ou petites en commodités temporelles, nous en recevrons cinq ou six, après que nous les aurons un peu examinées. Il ne s'était encore rien commencé de plus appuyé sur la divine Providence, et c'est ce qui nous console.[216]

Voilà pour cette pauvre nouvelle veuve qui me donne bien de la douleur et compassion. Je n'ai moyen ni loisir d'écrire à Nessy, car le messager me surprend, et si ces deux lettres n'eussent été prêtes, il n'y avait moyen. Adieu, ma fille ; je sais que vous me croyez toute vôtre. Jésus soit notre tout... et sera de bon cœur que vous lui manderez nos nécessités.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXXII - À LA MÊME

Témoignages d'affection. — Conseils pour la direction d'une novice tentée.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 1618.

Ma pauvre très-aimée fille, mon esprit retourne à vous incessamment, uni en la sacrée dilection du divin Sauveur, voulant [289] vous tenir toujours précieusement dans mon cœur et toute votre chère famille, que j'aime avec une dilection très-tendre, et les conjure toutes, ces chères âmes, de vivre allègrement et suavement autour de leur bonne Mère ; et vous, ma fille, d'être toute paisible avec notre bon Dieu, et toute douce, suave et franche avec vos chères filles.

Au reste, ne vous alarmez pas de cette novice tentée ; c'est une chose qui est assez ordinaire, que telles attaques à ceux qui entreprennent le service de Dieu. Et je vous supplie, ne faites ni disciplines, ni abstinences extraordinaires pour elle : vous n'êtes pas assez forte, ni assez saine. Il faut avoir patience, il la faut conforter, et lui faire voir que c'est une tentation du malin, qui lui veut faire quitter Dieu, afin qu'ayant abandonné sa bonté, qui dès si longtemps l'a attirée à soi, il la fasse tomber en désespoir pour la damner éternellement. Il lui faut dire les malheurs qui sont arrivés à ceux qui ont quitté leur vocation religieuse, et l'encourager doucement, comme vous faites, et fort prier pour elle. Si vous l'eussiez fait parler au bon Père dom Philippe, il lui eût bien fait appréhender sa tentation et lui en eût donné horreur ; si elle lui dure avec violence, faites-le appeler. Cette fille est bonne, et réussira bien, avec la grâce de Dieu ; le diable voit cela, et la tente du côté qu'elle est déjà tentée par sa propre inclination. Enfin, ma chère fille, vous n'avez aucune difficulté importante ; dès notre commencement cela s'est trouvé en la vie spirituelle, qui est souvent mêlée d'épines poignantes parmi les agréables roses. Dieu permet ceci pour notre exercice, et nous fait marcher parmi les difficultés, aussi bien que parmi les facilités. Ne nous étonnons de rien, mais faisons ce que nous pourrons avec entière confiance que Dieu réduira tout à sa gloire et à notre mieux. J'en supplie sa bonté. Amen. [290]

ANNÉE 1619

LETTRE CLXXIII - AUX SŒURS DE LA VISITATION D'ANNECY

La Sainte exhorte ses filles à n'avoir que le seul désir d'aimer Jésus, et de se conformer à son bon plaisir par une exacte observance de la règle.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 1619].

Puisque la divine bonté de Notre-Seigneur a assemblé nos cœurs en un seul cœur, permettez-moi, mes très-chères Sœurs, de vous saluer toutes en général et en particulier ; car ce même Seigneur ne me permet pas de le faire autrement. Mais quel salut ! Celui que Monseigneur, notre grand et digne Père, nous a enseigné : Vive Jésus ! Oui, mes très-chères Sœurs et mes vraies filles, je dis ce mot avec grand sentiment de dilection : Vive Jésus en notre mémoire, en notre volonté et en toutes nos actions ! N'ayez en vos cœurs que le seul désir de son saint amour, et en vos œuvres que l'obéissance et soumission à son bon plaisir, par une exacte observance de la règle, non-seulement pour les choses extérieures, mais beaucoup plus pour les intérieures ; cette douce cordialité les unes envers les autres le sacré recueillement de votre cœur autour de ce divin Maître cette véritable sincérité et humilité qui nous rend simples, souples et maniables comme des petites brebis, et enfin cette union amoureuse de tous nos cœurs qui produit la sainte paix et donne les bénédictions qui se peuvent souhaiter en la maison de Dieu et de sa sainte Mère. Je vous les désire, mes très-chères filles, et vous recommande de croître en la sainte dévotion de [291] Notre-Dame, que je vous supplie de saluer quelquefois de ma part, et tous les jours de ma vie je vous offrirai à sa bonté maternelle. Vivez joyeuses et contentes. Je suis vôtre d'une entière affection, etc.

LETTRE CLXXIV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Sollicitude de la Sainte pour sa fille et pour le monastère d'Annecy. — Demande des Règles et des Sermons de saint François de Sales. — La Supérieure doit par son zèle et son bon exemple, briller comme un soleil au milieu de sa communauté.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges] ce 8 janvier 1619.

Ma très-chère fille, Dieu comble votre cher cœur de son très-saint amour au commencement de cette nouvelle année.

Je me fais accroire que vous aurez reçu toutes nos lettres, et particulièrement un gros paquet que nous envoyâmes par nos Sœurs de Nessy, il y a environ trois semaines ; je n'ai rien de nouveau à vous dire ; car des nouvelles de Paris, vous en savez plus que moi, je m'assure. Je ne sais si l'on sera déjà allé prendre Françoise, il m'en tarde, car elle ne peut que vous incommoder là. Je suis étonnée de ce que nous ne recevons point de nouvelles de Nessy, ni de Grenoble ; si, ne me veux-je pas dépiter pour cela ; vous ne me le conseilleriez pas non plus, n'est-ce pas, ma très-chère fille ?

Oh ! mais, envoyez donc ces bénites Règles et notre entretien ; et je vous prie encore que, sans plus tarder, notre bonne Sœur Barbe-Marie nous envoie les Sermons[217] ; certes, mais je le dis tout de bon, car j'ai peur enfin qu'ils ne s'égarent. C'est par un marchand d'ici que nous écrivons qui pourrait les apporter, et [292] de vos nouvelles. Or sus, je reçus dernièrement votre lettre du 2 décembre, où je vois que votre nombre s'accroît, Dieu en soit béni ; sa bonté veut que votre maison éclate en piété. O ma très-chère fille, brillez comme un soleil au milieu de cette petite troupe que Dieu vous a commise, et à laquelle vous devez un parfait exemple et une entière sollicitude pour les faire avancer en la perfection de l'observance ; ma fille, je meurs d'envie de voir cela dans toutes nos maisons. Adieu, mon enfant ; je les salue, ces chères filles, et ma Françon, si elle y est encore, et qu'elle m'écrive.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CLXXV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Tenir son âme en tranquillité parmi les accidents de la vie. — Rappel prochain de Sœur F. G. Bally. — C'est assez de garder trois jeunes filles. — Conseils divers pour le gouvernement du monastère de Moulins. — Prendre l'avis des Pères Jésuites. — Propositions de plusieurs prétendantes. — Séjour de Françoise de Chantal à Lyon. — Envoi des Directoires.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, vers le 20 janvier 1619.]

Il n'y a pas longtemps que je reçus votre lettre du 8 janvier ; j'y vois l'accident arrivé à la pauvre Sœur Marie-Jeanne, et du depuis vous ne m'en avez rien dit. Eh ! Dieu soit béni, ma très-chère Sœur ma mie, qui tient nos âmes en la sainte tranquillité parmi tous les accidents ! Il vous faut de plus en plus enfoncer en l'abîme de cette sagesse et providence éternelle ; mon Dieu ! quel bonheur de vivre et mourir là !

Ces filles sont admirables avec leur désir de charges honorables ; quelle impertinence ! Quant à noire Sœur N..., je sais [293] aussi peu ce qu'elle veut, et ce que je dois faire d'elle, qu'avant sa lettre ; elle ne le sait pas elle-même ; et je crois, ma très-chère fille, qu'il la faut un peu faire retirer [en solitude] pour vaquer à elle-même, et puis prier le très-bon et très-sage Père recteur de l'ouïr et lui donner de la fermeté, et, à vous, conseil. Or, en tout cas, il faut qu'elle demeure là jusqu'à notre retour (je ne sais pas quand il sera, puisqu'il y a beaucoup d'apparence que l'on ira à Paris), parce que retirant notre bonne Sœur Françoise-Gabrielle, il me semble que cette jeune fille vous sera nécessaire. Certes, ma très-chère fille, il me lâche bien de vous ôter cette bonne Sœur,[218] mais son expérience et sa solide vertu sont plus nécessaires ici que vers vous. Maintenant vous connaissez notre petite Supérieure [la Mère Rosset] et sa grande vertu et recueillement ; elle ne pourrait pas être attentive aux affaires.

Si vous n'avez pas besoin de notre bonne Sœur Hélène-Marie [294] [Le Blanc], mandez-le-moi ; c'est une vraie Israélite, bon esprit ; mais elle ne peut ni comprendre l'Office, ni faire ici la seconde utilement, comme fera notre Sœur Françoise-Gabrielle ; si vous vous en pouvez passer, ce sera autant de déchargé.

Non, ma très-chère Sœur, il ne faut pas se charger de tant de jeunes filles ; vous en avez trois, il me semble que c'est assez ; il faut donner haleine aux autres ; en attendant, celles-là prendront l'habit.

Si cette fille que la Reine mère propose est digne pour notre vocation, l'occasion serait bonne ; car cette princesse ne fera pas la charité à moitié, et puis, c'est occasion de plus grande connaissance. Ne vous l'avais-je pas mandé que la Reine avait si bien reçu nos lettres ? Dieu conduira bien tout.

Oui, l'assistante doit donner ces menus congés en l'absence de la Supérieure. Ne faites pas faire davantage de cachets, le nôtre suffit.

Nous avons ici retenu cette bonne fille dont je vous ai écrit pour servir ; elle n'est pas de taille plus forte que l'Antoinette ; mais elle est vive, saine et courageuse ; elle a un grand désir, et il y a longtemps qu'elle sert Notre-Seigneur ; elle n'a encore que vingt-cinq ans, elle coud fort bien. Si vous voulez envoyer la vôtre, mandez-le-moi, et je vous enverrai celle-ci. Nos Sœurs la trouvent fort à leur gré ; elle servira trois ou quatre ans de tourière, puis elle sera Sœur blanche. Nous [en] avons une environ de même taille et à même condition que nous ne changerions pas pour une bien riche ; celle-ci est joliment vêtue et lingée, et a environ cinquante écus. Mandez-nous votre commodité ; si vous la prendrez et dans quel temps. Quant à celle de la Châtre, elle n'ira point à vous qu'elle ne donne cinq cents écus au bout de l'an, et, à son entrée, sa pension de cent francs et tous les meubles et habits ; c'est une fille qui se rendra utile, mais ce qui me tient en peine, c'est ce mal qu'elle a eu. Revoyez ce que je vous en écrivis, et en conférez avec le Père recteur ; [295] puis me mandez ce qui se résoudra. — Je ne vois point de moyen de faire ici recevoir cette demoiselle ; il faudrait avoir patience qu'il en fût venu ici qui apportassent à suffisance ; niais cependant, ma très-chère fille, si elle a les conditions que vous me mandez, et qu'elle n'ait point été participante du mal qui règne en cette mauvaise compagnie, qu'en son particulier elle n'ait point été diffamée, je pense [qu'il] ne peut y avoir intérêt de la recevoir ; mais je voudrais lui faire faire l'essai de six mois, voire, d'une bonne année.

Vous voulez, ma très-chère fille, que je vous dise qui pourra porter les charges de la bonne Sœur Françoise-Gabrielle. Voici mon sentiment : il n'importe pas beaucoup que notre Sœur Marie-Hélène [de Chastellux] soit directrice, et Jeanne-Marie [de la Croix de Fésigny] assistante et économe, sous une Mère vigilante et qui se tient volontiers avec son petit troupeau, cela me semble bien ; mais le bon et sage Père recteur doit être consulté, et son avis suivi avec le vôtre ; je m'y soumets pour tout ce que je vous dis, avec raison et de tout mon cœur.

J'ai été touchée du séjour de Françoise à Lyon ; je suis en la saison des bonnes mortifications pour mes enfants ; mais, grâce à Dieu, tout passe soudainement. Or, je lui écris que si elle est encore à Lyon, elle trouve moyen de s'en venir ici, et j'accepte votre offre de l'envoyer prendre en cas qu'elle vous en avertisse ; mais je lui manderai fort qu'elle prenne commodité à Lyon ; mon neveu de Neuchèze l’ira prendre chez vous si elle y vient. Voilà bien de la peine là qui eût été évitée, si l'on ne m'eût divertie, car la pauvre fille montait dans le carrosse pour venir ici, lorsqu'elle reçut la défense de le faire, pensez son sentiment. Or, je pense que dès qu'elle sera arrêtée quelque part, le mariage se fera bientôt ; elle sera heureuse avec ce gentilhomme si plein de vertu.[219] [296]

Il ne faut donc plus dire de paroles de tendresse à cette très-chère fille, qui est pourtant aimée aussi tendrement et fermement qu'il se peut désirer. Je le veux bien, et j'aime cela, et d'aimer néanmoins invariablement. Adieu, car il me faut beaucoup écrire ; je salue le Révérend Père recteur, tous les amis et amies, et par-dessus tout nos très-bonnes et chères Sœurs, auxquelles je suis toute dévouée, et à la Mère plus qu'à toutes incomparablement. Je souhaite à ce béni troupeau une sainte et ponctuelle observance.

Dieu soit béni !

[P. S.] Ma fille, s'il se peut, envoyez par la poste ces lettres à Lyon, et y mettez un bon port, encore que je pense que cette fille sera partie. Voilà déjà les Directoires ; mais renvoyez-les promptement ; vous aurez bientôt les Entretiens. Oh ! mais souvenez-vous dépolir et accoutrer le Directoire de la maîtresse des novices, et n'y oubliez rien, et pour cela ramassez votre esprit : il y est dit que le mercredi, quand elle tiendra le noviciat, elle dira au commencement ce qu'elle aura à dire ; cependant elle ne le fait qu'après que les avertissements et les coulpes sont dits ; aussi est-il mieux.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXXVI - À LA SŒUR MARIE-HÉLÈNE DE CHASTELLUX.

À MOULINS[220]

Mépris qu'où doit faire de la tentation et du tentateur.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 1619.]

Ma très-chère fille, j'aurais plus de pitié que je n'ai de vos [297] peines, si je ne les avais moi-même expérimentées, et si je n'étais assurée qu'elles font plus de peur que de mal aux âmes qui craignent d'offenser Dieu, comme je sais que vous faites, par sa miséricorde.

Monseigneur de Genève, notre véritable Seigneur et Père, me recommanda de ne point m'amuser à combattre avec cet ennemi, et me dit qu'il suffisait de le mépriser, que le rebut est le plus sensible affront qu'on, lui puisse faire, étant un esprit tout d'orgueil. Faites-le même, ma chère fille, et dites souvent : « Je veux, je crois, j'espère mon Dieu, je veux mon Dieu, oui, et rien autre au ciel ni en la terre, et j'espère uniquement en sa bonté. » Après ces actes, faites de temps à autre des invocations dévotes à la Sainte Vierge et à votre bon Ange, et soyez en repos sous leur protection.

LETTRE CLXXVII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Recommandations maternelles pour sa fille. — Amour de la Sainte pour la Règle, et son désir de la pratiquer avec toute la perfection possible.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 1619].

Mais que veut dire cela, ma toute unique fille, je ne reçois [298] point de vos nouvelles et de celles de Nessy, j'ai peur qu'il ne soit arrive quelque chose à Françoise, laquelle je veux envoyer prendre, le plus promptement qu'il sera possible, pour la faire conduire droit à Dijon, car je ne veux point qu'elle aille à Paris, puisque Mgr l'archevêque s'en va, et que mon fils ni mes neveux n'y sont pas. Je vous supplie de la conjurer fort, cette chère fille, qu'elle ne laisse point dissiper son cœur à la vanité. Je ne désire rien tant, sinon qu'elle excelle en humilité, affabilité, et surtout en la crainte de Dieu ; si elle a soin de cela, la divine Bonté la conduira bien. Tous nos parents se réjouissent fort de la voir, et c'est à qui l'aura.

Au reste, ma fille, nos Règles sont attendues impatiemment, je vous prie de nous en envoyer par ce messager, et nous mandez si vous en aurez envoyé à Monseigneur. Nous avons grande consolation du jugement que tous les vrais serviteurs de Dieu en font ; le Saint-Esprit les a composées, dit-on. O Dieu, quand j'entends cela, je me voudrais fondre ! Ma fille, quelle fidélité devons-nous apporter pour les observer, puisque c'est Dieu lui-même qui de toute éternité nous a marquées et appelées pour cela ; quelle bonté ! et combien la devons-nous aimer et servir fidèlement ! Je vous conjure, avec toutes vos chères filles, de correspondre à cette miséricorde.

Oh ! qu'elles viennent donc, ces bénites Règles, et que je puisse mourir, si je n'en embrasse la ponctuelle observance de tout mon pouvoir ; mon Dieu me veuille bien aider pour cela, je l'en supplie très-humblement, par l'infini amour qui l'a fait mourir sur la croix ; et ce souhait, je le fais pour toutes, de tout mon cœur, dites-le à vos filles, et le mandez aux autres encore.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [299]

LETTRE CLXXVIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Accord pour l'envoi des lettres. — Trésors qu'on acquiert par la douceur dans les petites contrariétés domestiques. — Recommandation d'écrire à saint François de Sales ; il n'approuve point le désir de changer de monastère. — Proposition d'une fille pour être tourière.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 1619.]

À l'instant que nous eûmes reçu votre paquet, nous lui donnâmes la meilleure conduite qu'il nous l'ut possible, ma très-chère fille, et l'homme de M. de Palierne[221] nous avait promis que dans six jours il nous donnerait commodité de vous écrire, mais il ne s'en parle plus. Je vous proteste, ma très-chère amie, que je sens de la peine de trouver si peu de commodités de vous écrire, et je ne sais encore qui portera celle-ci. Mais, savez-vous, dorénavant nous nous servirons du messager de Lyon, qui passe vers vous et loge au Grand-Dauphin, si j'ai bonne mémoire. Je crois que vous lui donnerez volontiers une couple de sous pour son port, car autrement il ne vous porterait pas ma lettre, et il pourra nous rapporter des vôtres.

Je vous compatis beaucoup, ma pauvre très-chère Sœur, de vous voir environnée de tant de malades et attaquée de chagrin. Hélas ! mon Dieu, la multitude de ces petites occasions sert de fortes tentations quelquefois ; mais, ma pauvre très-chère Sœur, ne [vous] souvenez-vous point que notre très-cher Père nous disait une fois que le miel le plus délicieux se cueillait sur le thym, qui est petit et extrêmement amer ? Mon Dieu ! ma chère amie, que de trésors, que de suavités s'acquièrent par la douceur de l'esprit, parmi ces petites occasions domestiques ! Soyons donc bien douces, ne nous fâchons de rien, puisque [300] aussi bien cela n'empêche pas que le mal ne soit, quand il est arrivé. Voyez-vous, ma très-chère fille, je désire que vous vous tourniez toute de ce côté-là ; car enfin c'est l'esprit de notre Institut, et il nous faut reluire et éclater en cette vertu.

Monseigneur se porte bien, il travaille sans fin. Il y a des difficultés pour notre établissement [de Paris] ; mais enfin j'espère que Notre-Seigneur le fera, si c'est pour sa gloire. Ne lui avez-vous point écrit, à ce bon Père ? Il le faut faire quelquefois ; car je vois que ce cœur-là aime tant ses enfants, qu'il est bien aise de recevoir quelquefois les témoignages de leur amour. Nous n'avons aucune nouvelle de nos Sœurs de Nessy. Françoise ne viendra pas ici, elle ira droit à Dijon.

Notre cher Père n'est point content du désir de notre Sœur Jeanne-Marie[222] de changer de lieu ; je suis marrie qu'elle ait cette fantaisie, qui marque une grande imperfection ; mais il ne lui faut pas dire. Mandez-moi si elle s'en est déclarée à vous ; car je voudrais qu'elle se mit en la sainte indifférence. Je vous écrivis longuement ; je ne vois pas que vous ayez reçu ma lettre.

Il y a une jolie fille ici qui est bonne couturière ; elle s'offre [301] de vous servir trois ans au tour, à la charge qu'après on lui donnera [le voile] blanc ; voyez si cela vous serait commode. Je suis contrainte de finir. Bonjour, ma très-chère Sœur, et à toutes nos chères filles et à nos amies, et au Révérend Père recteur. Je suis toute vôtre en Jésus ; qu'il soit béni !

[P. S.] Ce marchand repassera ; que je sache de vos nouvelles. J'attends l'homme de M. de Palierne pour lui récrire.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXXIX - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

La Sainte la rassure sur son état intérieur. — Prix des actes d'humilité. — On ne doit pas regarder à la dot des filles, mais à la bonne vocation.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges], 25 janvier 1619.

Mon Dieu ! ma très-chère fille, que j'ai de consolation à voir votre cœur que votre lettre me représente si naïvement ! Que Dieu le bénisse, ce cher cœur, et le fortifie contre tous les petits assauts qui ne sont en vérité nullement dignes d'être regardés, oui bien d'être soufferts. Bref, tout ce qui nous peut rendre un peu plus humble nous doit être précieux ; ne visez qu'à cela, ma très-chère fille, et à la bonne observance. Je sais votre chemin, qui est très-bon ; vous n'avez besoin que de vous tenir en courage et en joie, aimant et caressant toutes sortes de contradictions et d'abjections ; mais faites ceci, ma vraie très-chère fille, que j'aime d'un amour incroyable. Je ne vous dis rien autre, car je vous connais mieux que moi-même, et me fie plus en vous qu'en moi, et avec juste raison. J'ai un désir grand que nous servions parfaitement notre bon Sauveur.

Tout va bien ici, mais tout bellement, n'y ayant encore rien [302] d'assuré pour Paris. J'ai bien eu des croix, ma fille, et de bien sensibles ; je me suis trouvée avoir le cœur fort maternel, Dieu convertira tout à sa gloire. Vous voyez que je cours, c'est parce que j'ai peu de loisir, et grande quantité de lettres et d'affaires, car nous étions sans nouvelles de Nessy dès la Toussaint. Je ne sais si je pourrai écrire à tous ; où je manquerai, suppléez, ma fille, je vous en prie.

Je sais bon gré à vos filles de leur Noël, je les salue cordialement. Mais pourquoi cette bonne demoiselle dit-elle que nous n'avons pas la clausure [clôture] à Grenoble ? Elle y est et y sera comme aux autres maisons. Cela ne la doit arrêter ; ni aussi vous ne devez [pas] tant regarder aux riches dots des filles, pourvu qu'elles soient telles qu'elles méritent d'être gratifiées ; car, ma fille, il n'est pas croyable le bien qu'apportent à nos maisons les bonnes filles. Il y a une dame de Grenoble qui se signe : de la Porte, je ne sais qui elle est ; mandez-le-moi, afin que je lui réponde ; car sa lettre et son cœur le méritent.

Oh ! adieu, ma très-chère fille, à Dieu soyons-nous sans réserve. Je salue cordialement nos chères Sœurs ; elles savent que je suis toute à elles sans réserve. Je n'entends rien de la chère Sœur Barbe-Marie, mais je l'aime bien de tout mon cœur. Je vous prie, ma fille, de nous envoyer notre cachet, ou un tout semblable, car je le trouve fort bien fait ; mais envoyez-le-moi bientôt, et m'aimez bien toujours.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [303]

LETTRE CLXXX (Inédite) - À MADAME DE LA FLÉCHÈRE

Nouvelles de la fondation de Bourges, de Françoise de Chantal et de Celse-Bénigne.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 2 février 1619.

Ce seul petit mot à ma très-chère Sœur que j'aime de toute mon âme, car il n'y a pas longtemps que je vous ai écrit, et j'attends bien de vos nouvelles ; les nôtres sont bonnes, grâce à Dieu ; notre petite maison va faisant doucement son petit accroissement avec [bonne] odeur. De ce qui est de mes enfants, je pense établir ma fille en Bourgogne, et que le mariage se conclura bientôt avec M. de Foras.[223] Mon fils m'a fait ressentir les plus sensibles douleurs que peut souffrir une mère ; la cause, je vous la dirai de bouche[224] ; il est en cour, tout brave, tout galant, ce dit-on, fort résolu de se bien conduire et de chercher fortune ; je désirais qu'il la prît avec notre bon prince, je ne sais ce qu'il fera, mon très-cher Père l'aidera. Accablée de lettres qu'il faut écrire encore, je finis ; ô ma très-chère Sœur, le grand Jésus soit notre unique amour. Amen.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [304]

LETTRE CLXXXI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Les Sœurs du voile noir ont voix au chapitre. — Une prétendante à humeur bizarre ne peut être admise. — Il ne faut pas recevoir beaucoup de jeunes filles qui ne sont point encore en âge de prendre l'habit. — La Supérieure ne doit prêcher que la Règle et y être fidèle.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 16 février 1619.

Voilà une lettre de vieille date par laquelle je réponds quasi à tout ce que vous me demandez derechef ; notre Sœur l'assistante fera le surplus, je l'en ai priée. Oui, la Sœur qui a le voile noir aura voix au chapitre. Si la Sœur Antoinette a les mêmes humeurs d'esprit qu'elle avait à notre passage, je ne trouverais pas grande difficulté à la renvoyer ; car comment l'admettre avec cette humeur ? Il faut néanmoins en conférer avec Notre-Seigneur, le Révérend Père recteur et les Sœurs, et vous résoudre de cette fille dont je vous écris, comme cela.

Je ne crois pas que vous dussiez prendre tant de jeunes filles qui ne soient prêtes à prendre l'habit ; car vous avez de vrai peu de logis maintenant ; par ce moyen, vous fermeriez la porte aux filles capables de le recevoir ; puis, tant de jeunesse ensemble tout à coup accablerait la maîtresse. Je m'en doutais bien que la pauvre Sœur Jeanne-Marie serait guérie de ce remède ; mais quelle enfance ! Aussi, certes, toutes ses actions montrent qu'elle l'est encore, et je voudrais qu'elle prît plus de poids et de gravité ; enfin nous ne nous formons pas assez à notre modèle. Oh bien ! maintenant qu'elles auront chacune leur petite règle,[225] elles feront merveille, Dieu aidant ; enfin, ma très-chère fille, il ne leur faut prêcher que cela, et nous-mêmes être en [305] tout très-exactes, je dis même pour ce qui est hors de nous. Dieu vous bénisse, mon enfant, de vous être souvenue de votre pauvre Mère ! Hélas ! que je désirerais de commencer à mieux vivre toute en Dieu ; priez bien pour moi, je vous prie. Mille salutations à tous et à toutes ; adieu, ma pauvre très-chère et très-aimée Sœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXXXII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Bon état de la maison d'Annecy, où chaque Religieuse a un livre des Règles et Constitutions. — Zèle de la Sainte pour maintenir la récitation du petit Office. — Devoir de l'assistante des parloirs. — En quoi consiste l'autorité du Supérieur. — Une Supérieure peut faire un grand bien par sa fidélité à l'observance.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, 1619.]

Je vous assure, ma très-chère fille, que le temps commence à me fort durer de ne savoir de vos nouvelles ; Dieu soit béni de tout ce que vous me mandez. O Dieu ! que de consolation de savoir tant de bonnes âmes cheminer par une même voie avec tant de désirs de la perfection ! Nos Sœurs d'Annecy font fort bien, à ce que m'écrit M. Michel, et ce petit livret de leurs Règles, qu'elles possèdent chacune, leur donne grande aide et ferveur. Vous avez fait avec grande prudence pour la clausure.

Il faut toujours demander le privilège de l'Office,[226] parce [306] qu'enfin il n'y a moyen de se soumettre à l'autre, et faire que toutes vos filles aspirent fermement à le demander et à l'obtenir ; car cela est plus important pour conserver la fin de notre Institut qu'il ne se peut dire. — Il faut, ma très-chère fille, introduire sans exception, que l'assistante du parloir voie les Sœurs qui parlent à qui que ce soit, même au Supérieur,[227] quoique, quand il lui plaira, il pourra la faire retirer, en sorte qu'elle n'entende pas ; et, certes, même ne faudrait-il pas attendre qu'on lui dise. Mais, quant à la veuve, la règle ne fait point d'exception : cela étant, il faudra avoir patience ; néanmoins, s'il vous semblait qu'il y eût de l'amusement, vous avez de grands Supérieurs pour y faire mettre ordre. — Il est vrai que les filles sont encore plus obligées au Supérieur qu'à la Mère, mais c'est en gardant et observant la Règle, car il n'est Supérieur que pour cela, et l'on ne lui doit pas l'obéissance pour des choses qui tirent de là ; mais le grand Dieu ne permettra pas qu'il y en ait de mauvais. M. de Foras n'est point encore venu ; nous n'avons pas encore reçu le commandement de partir pour Paris ; nous irons, s'il plaît à Dieu, avec trois ou quatre filles seulement ; nous en prendrons des nôtres de Moulins ; puis, à loisir, nous verrons celles qu'il sera expédient de faire venir. Vous avez raison, cette petite Sœur n'est point prête à être tirée. Certes, à Nessy, notre Sœur*** ne l'était pas ; croyez, ma fille, qu'il faut des filles bien ferrées pour commencer ces maisons. Nous mettrons encore ici notre Sœur Françoise-Gabrielle [Bally] ; car vous ne sauriez croire combien cette maison sera importante. Nous sommes fort regardées, et avec un peu de tentation d'envie, ce dit notre cher Père. J'espère que nous laisserons ici avant que de partir six ou sept bonnes filles avec les anciennes. [307]

Je n'en doute point, ma très-chère fille, qu'il ne faille que vous passiez les monts.[228] Dieu fasse de nous tout ce que bon lui semble. Ma fille, jamais vos lettres ne me sont trop longues, et suis toute consolée de voir vos nouvelles, surtout celles que vous me dites de votre cher cœur. Croyez que Dieu veut de vous une très-exacte observance, car il vous emploiera fort pour le service de cet Institut ; c'est pourquoi, ma fille, il vous veut toute pour cela, et que votre esprit, vos affections et vos prétentions y soient toutes renfermées. Quel honneur, ma fille, et quelle grâce ! mais vous verrez quelles faveurs il vous fera, lui étant fidèle. Je serais bien aise de savoir l'état de vos affaires temporelles et qu'elles soient bien acheminées. Jamais il ne faut penser à tirer de là la petite Sœur E.-Marie. Pour cette fille, qui est si brave, à ce que vous dites, on la pourra recevoir, sinon, certes, il n'y a pas apparence de le faire, néanmoins toutefois l'on verra si les fondations feront place à ces pauvres braves filles.

Mon neveu de Neuchèze ne vous peut écrire. Je salue chèrement notre petite chère Sœur Marie-Aimée ; je n'en peux plus, c'est pourquoi je me dispense d'elle [de lui écrire]. Je salue M. de Saint-Nizier, car il s'en faut bien entretenir ; il est en presse de son départ pour Bourgogne, et dit néanmoins qu'il ne peut dire autre chose pour M. B.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [308]

LETTRE CLXXXIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Éprouver longtemps les esprits difficiles. — Choix des Sœurs pour la fondation de Paris ; dispositions à prendre pour leur voyage. — À quelle heure on doit sonner le silence en Carême.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges], 22 février 1619.

Vous aurez reçu, ma très-chère Sœur, réponse à toutes vos précédentes lettres par le messager de Lyon, qui partit lundi dernier ; mais si cette pauvre fille a trempé au mal, cela est bien fâcheux, et le serait tant plus si le mal était connu et épanché ; néanmoins si la chose n'est venue en scandale public, et qu'elle ait présentement bonne volonté, je pense qu'il la faut aider [tout de] même, ayant les bonnes qualités que vous me dites ; mais il la faut éprouver longuement, surtout en cas qu'il y ait eu du mal ; voilà mon sentiment. Vous verrez ce que Monseigneur[229] dira, à quoi il se faut tenir, voire même, comme il est très-raisonnable, au jugement du sage Père recteur et au vôtre.

Non, ma très-chère fille ma mie, ne vous mettez jamais en peine de ma santé ; je n'en ai besoin que pour le service de Notre-Seigneur, il pourvoira donc à ce qui m'en sera nécessaire, et, certes, j'en ai abondamment selon ma nécessité ordinaire ; mais vous, mon enfant, je vous prie, prenez garde à la vôtre, et vivez à l'accoutumée, voire, s'il en est besoin, faites tout ce qui sera requis pour vous tenir en force et servir cette chère troupe, à laquelle vous êtes plus nécessaire que jamais, et d'autant plus que nous allons vous lever vos aides au premier jour ; car voici que Monseigneur nous mande que notre établissement de Paris est résolu par une autorité absolue de Dieu, ayant [309] été combattu plus qu'il ne se peut dire, et par quantité de personnes de grande dévotion qui pensent que nos Sœurs étant là auront la vogue et diminueront l'estime des autres ; grande misère que la prudence et fragilité humaine ! Hélas ! bon Dieu ! nous n'avons point ce dessein, ains de nous tenir pour les plus petites !

Il me commande donc, ce bon Seigneur, de nous tenir prêtes pour aller sitôt que les oppositions qui se faisaient seraient levées, dont il nous avertira, et il ne veut pas que l'on prenne le temps d'aller prendre des filles à Nessy, disant que l'on en fera venir à loisir, que je me secoure des filles de votre maison ; il entend de notre Sœur, J.-Marie et de madame de Gouffier, de la petite Sœur Marie-Anastase [Pavillon] de Paris, car, dit-il, on l'a ainsi promis à ses parents. À l'abord, je vis prou de difficulté à vous ôter tout à coup nos deux professes ; mais vous ayant bien considérée et notre Sœur Marie-Hélène de Chastellux, avec le reste des filles, il m'a semblé que tout le train ne laisserait pas d'être bien conduit, que notre Sœur Hélène-Marie [Le Blanc] d'ici ne vous serait point nécessaire, et qu'enfin la divine Providence, par cette décharge, voulait faire place à quelques autres, et, de plus, que vous êtes notre très-chère fille toute à Dieu, et que la nécessité n'a point de loi.

Je vous dirai que je pense que la Sœur Jeanne-Marie eût eu de la peine à se tenir en quiétude ; car, par cette dernière occasion, elle m'a écrit une lettre de quatre pages pleines du bonheur qu'elle a avec vous et en votre maison ; mais enfin elle ne peut s'empêcher de témoigner le désir d'en sortir et de venir quelque temps auprès de nous : esprit enfantin. Dites-lui, ma très-chère fille, que je ne lui écris pas, puisque j'ai l'espérance de la voir bientôt ; mais que je la conjure d'apporter ici une façon et conduite qui soient modestes, graves, et ne ressentent point l'enfant. Il me semble que notre Sœur Marie-Anastase n'est pas professe, mais il n'importe ; vous ne laisserez pas de recevoir sa dot [310] [comme simple dépôt toutefois, car vous ne pourrez l'employer qu'après ses vœux]. Enfin, ma très-chère fille, il faudra faire ce dépouillement gaiement, doucement, sans quasi en parler ; car je trouve qu'il est mieux de faire ainsi tout simplement. Faites, je vous supplie, ma fille, que leur habit soit bon et honnête avec les manches larges, selon que le Directoire marque, enfin comme vous savez qu'il les faut accommoder. Il faudra encore, ma très-chère fille, s'il vous plait, que vous cherchiez équipage commode à les envoyer avec un homme d'Eglise. Nous donnerons de l'argent pour retourner l'équipage, et, s'il se trouve des commodités à Paris, votre maison en aura sa part, Dieu aidant. Sitôt que nous aurons des nouvelles de Monseigneur, nous vous enverrons un laquais, mais tenez bien tout prêt, je vous prie.

Oui, l'on fait le silence dès Tierce, sinon que l'on avançât l'heure de l'Office ; en ce cas, il ne se ferait qu'à dix heures[230] ; que si pour s'accommoder au sermon, l'on retarde l'Office jusqu'à neuf heures, on sonne toujours le silence à huit heures et demie. L'on donne un demi-quart d'heure entre l'oraison et la collation. Adieu, ma toute très-chère fille ; je prie nos Sœurs de m'excuser, je ne puis écrire, mais n'importe, nous les verrons. Nous avons tout reçu ce que vous nous avez envoyé, et grand merci, ma très-chère fille, de vos cachets. Dieu soit notre Tout.

[P. S.] S'il vous semblait que vous eussiez affaire d'une fille, il me le faudrait mander, afin d'en faire venir une de Nessy. J'écrirai à M. le doyen quand l'on vous avertira pour envoyer les filles. Si elles viennent à cheval, faites-les sortir de la ville dans un carrosse, et donnez-leur charge que, quand elles seront à la dernière dînée, elles fassent avancer le laquais que je [311] vous aurai envoyé, afin qu'un carrosse les aille prendre proche d'ici. Ne dites encore guère rien de ceci, sinon au Révérend Père et aux filles qu'il faut envoyer ; il est vrai qu'il faut chercher l'équipage.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXXXIV - À LA MÊME

Recommandations pour le voyage des Sœurs fondatrices de Paris. — État de la maison de Bourges. — Nouvelles de Celse-Bénigne et de Françoise de Chantal. — Bien que fait saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges], 27 février 1619.

Je vous écrivis vendredi, ma très-chère Sœur ma mie, mais le petit homme qui nous apporta vos dernières lettres ne vint [pas] prendre la réponse ; néanmoins, hier au malin, un bon homme de votre ville assura fort qu'il vous les rendrait le soir. Vous aurez donc vu que, selon le commandement de Monseigneur et la nécessité de cette maison, nous sommes contraintes de vous incommoder [priver] de trois de vos filles. Je vous suppliais de les tenir prêtes avec leur habit, s'entend un seul, mais qui fût fort bon et honnête, et les manches larges selon que sont les nôtres ; mais vous aurez vu tout cela, car il me semble que je vous ai écrit assez amplement, et vous savez que comme j'ai une parfaite confiance en vous, aussi je m'assure que vous l'avez en moi pour me dire franchement votre besoin. J'attends demain des nouvelles de Monseigneur. Si l'inconstance de toutes les choses créées n'a rien changé en l'établissement de nos affaires, je crois qu'il faudra partir bientôt, et Monseigneur me mandait que ce coup est si important pour la gloire de Dieu et la ferme solidité de notre Institut, qu'il ne se peut davantage, c'est pourquoi nous y contribuerons tant [312] plus courageusement [par] nos commodités et incommodités. Nous vous avertirons à temps, mais il faut se tenir prêtes, sans toutefois en faire bruit, à cause de ces grandes incertitudes du monde.

Nous reçûmes avant-hier la fille de M. Thibaut et deux ou trois autres qui sont proches d'entrer ; Dieu bénisse ces petits commencements ! Au premier beau jour, nous irons visiter une place pour nous bâtir quand Dieu aura donné de quoi. Je vous prie, mon enfant, envoyez-nous votre plan, s'il est fait. Ces deux filles attendent fort votre réponse ; souvenez-vous de la faire à la première commodité. Vous êtes trop brave de faire nos cachets d'argent, mais combien coûtent-ils ? car il faut rembourser ; ils sont du tout bien faits et gravés.

Vous ai-je dit que Françoise était à Dijon, et que tous les parents s'accordent à son mariage ? mais M. de Foras est retenu par Monseigneur à cause de quelque digne occasion qui regarde son bien. L'on me dit aussi que mon fils prend le frein aux dents, et qu'il y a apparence que Dieu l'assistera ; sa divine bonté le veuille.

Oh ! ma très-chère fille, que nous sommes obligées à notre divin Sauveur d'avoir mis dans nos cœurs la très-sainte et unique prétention de lui plaire ! Heureuses les âmes qui n'espèrent ni n'aiment que les choses éternelles !

Notre très-cher Père rend de grands services à notre cher Maître et Seigneur, tant en ses prédications qu'aux conférences ; mais il n'est pas exempt de l'envie. O misère du cœur humain ! Je n'écris point à cette bonne Sœur Jeanne-Marie parce que je l'espère voir ; que, sinon, je ne manquerai pas, puisqu'elle le désire.

Adieu, ma pauvre vieille très-chère fille ; en vérité, je suis toute vôtre. Dieu bénisse la chère troupe.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [313]

LETTRE CLXXXV (Inédite) - À MADAME DE CHARMOISY[231]

Consolations et conseils affectueux. — Détails sur le monastère de Bourges. La Sainte annonce son départ pour Paris.

VIVE † JÉSUS !

Bourges, 15 mars 1619.

Mais, mon Dieu, j'apprends que ma pauvre très-chère Sœur est toujours tout attendrie. Hélas ! et je crains que cela ne dure, en sorte qu'elle s'en fasse habitude ; c'est pourquoi, ma vraie et très-chère amie, je vous conjure, par l'Amour éternel de notre cœur, que vous ayez un grand soin de vous divertir intérieurement et extérieurement. Je vous dis ce remède, n'en ayant point trouvé en mes afflictions de si propre, après l'humble et amoureuse soumission au très-saint vouloir de Dieu... outre que celui-ci nous est ordinaire [qu'il est facile de se le procurer]. Courage, ma très-chère unique Sœur ; je dis ceci avec un sentiment extrême, et, certes, avec la larme à l'œil, tant je suis tendre de votre cher cœur ; mais courage pourtant ; tenez le dessus à tous vos sentiments, et, avec une sainte générosité et un cordial amour à la Providence, vivez avec une sainte joie et une sainte espérance de la vie éternelle, en laquelle nous reverrons tous nos chers amis, mais surtout le Souverain bien de nos amis et le nôtre, duquel nous jouirons éternellement, sans interruption, moyennant sa divine miséricorde. Or sus, demeurons tout accoisées. [314]

Monseigneur notre très-cher et très-bon Père vous retournera bientôt, s'il plaît à Dieu, et j'en suis consolée pour l'amour de vous tout particulièrement. Pour moi, je ne sais pas encore quand cela sera, car, si l'on va à Paris, ce ne pourra pas être sitôt. Pour ce qui est de cette maison, grâce à Dieu, dans la fin d'avril, je pourrai me retirer, et nous le ferons, si Monseigneur ne commande le contraire. Nous laisserons, Dieu aidant, demi-douzaine de novices et la maison assez accommodée. Je vous assure, ma très-chère Sœur, qu'il m'en tarderait si la très-sainte volonté de Dieu ne nous était plus chère que nos inclinations.

Je salue ma très-chère nièce et nos chères amies, mais surtout votre bien-aimé cœur, auquel je suis toute dédiée par un amour singulier.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation d'Ornans.

LETTRE CLXXXVI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Courage et confiance de la Sainte pour la fondation de Paris, où elle prévoit de grandes difficultés. — Elle attend à Bourges les trois fondatrices et Sœur Françoise-Gabrielle Bally.

VIVE † JÉSUS !

[Bourges, mars 1619.]

Ma très-chère Fille,

Mon Dieu ! quelle surprise, ma très-chère fille, avec un peu d'empressement ; car à soir, à la nuit, j'ai reçu nouvelles de Monseigneur, qui nous commande de partir le jeudi saint, ou enfin le lundi de Pâques, et, pour ce dessein, d'établir [le nouveau monastère] avant son départ, le jour duquel est incertain, et toutefois pressé. « Cette affaire, dit-il, s'entreprend sous la seule Providence de Dieu ; c'est un coup de hasard, dit-il encore, et plus que cela ; mais Dieu requiert qu'on le fasse, et il vaut [315] mieux n'être appuyé que sur sa très-sainte Providence que de se gouverner selon la sagesse et prudence humaines. » Madame de Gouffier me dit que l'on nous attend avec toute la petitesse et pauvreté que nous saurions imaginer, mais avec très-grand contentement ; elle ne me détaille rien, ains seulement que j'irai et verrai, et que je trouverai de quoi employer tout mon courage pour Dieu. Sa divine bonté nous en veuille donner, et la grâce de l'employer sans réserve au service de sa très-sainte gloire. Voilà comme nous avons occasion de nous tenir toujours en notre petitesse et de prier fort Notre-Seigneur qu'il soit glorifié en elle. Donc, ma fille toute chère, je vous conjure que vos trois filles soient ici samedi, veille de Pâques, accommodées comme vous savez qu'il faut, cela s'entend d'un bon habit et de linge suffisant, car l'on est pauvre partout.[232] Obtenez, en toutes les façons qu'il se pourra, par l'aide de votre bon père, M. de Palierne, un honnête homme pour amener nos filles ; car de prêtres il n'en faut espérer cette semaine ; mais n'importe, donnez seulement de quoi défrayer tout l'équipage dès Moulins jusqu'ici, et notre homme à son retour ; car, pour tout le reste, nous le payerons.

Dieu sait si je suis occupée et un peu marrie de n'avoir que le jour de Pâques pour voir et entretenir de tout notre chère Sœur Françoise-Gabrielle [Bally], mais ce que je ne ferai maintenant sera pour notre retour. Écrivez-moi incontinent à Paris de ce que vous aurez besoin de savoir de Monseigneur, afin que si d'aventure il ne passe pas vers vous, vous ayez toutefois vos résolutions. Ma fille, il faut finir ; mille saluts à tous et à toutes. Dieu sait combien je suis vôtre.

[P. S.] La Sœur Marie[233] vous ira trouver ces fêtes.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [316]

LETTRE CLXXXVII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

La soumission à la divine volonté console dans les séparations et maintient la paix de l'âme.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 14 avril 1619.

Ma très-chère Sœur ma mie,

Il est bien difficile d'empêcher nos sentiments de se mouvoir sur les occasions de telles absences[234] ; néanmoins la volonté étant unie avec Dieu ramène bientôt le reste en sa quiétude. Ce bon Dieu, auquel nous sommes unies, nous conservera en sa sainte amitié et unité qu'il nous a données ; sa bonté sait que rien ne saurait préjudicier à cela.

Je suis marrie de la faiblesse de la Sœur N… Vous faites bien de la faire déclarer et d'user de charité ; mais, après l'avoir exercée, il faudra se résoudre. Je vous écrirai par le Révérend Père recteur plus amplement. Et de ce que vous me demandez, je vous répondrai aussi ; mais, pour ce coup, je vous assure, ma pauvre chère Sœur, que je ne le saurais faire, car j'ai une douleur de tête et de dents si grande, que rien plus. Ni de nos affaires, je ne vous en dirai rien encore. Adieu, ma mie ; priez, et faites fort prier nos Sœurs afin qu'en tout sa sainte volonté soit accomplie. Je vous salue chèrement, et notre chère Sœur Françoise-Gabrielle, et les autres. Je prie Votre Dilection de saluer le Père principal et les autres amis et amies. À Dieu ! qu'il soit béni à jamais !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [317]

LETTRE CLXXXVIII - À LA MÊME

La Sainte lui dit que Sœur Françoise-Gabrielle Bally a été envoyée à Bourses pour la décharger de l'administration des affaires temporelles du monastère.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1619.

Ma très-chère fille, vous avez notre bonne Sœur Françoise-Gabrielle Bally, que nous avons fait venir auprès de vous pour porter la charge de toutes les affaires généralement.[235] Je vous prie, ma chère amie, de vous en reposer sur elle et de lui en laisser tout le soin et toute la conduite, je dis même de traiter au parloir avec ceux du dehors. Il suffira que vous signiez et approuviez ce qu'elle fera : laissez-lui faire les affaires avec les séculiers et vous tenez dans votre recueillement, et vous soulagez enfin et de corps et d'esprit sur cette bonne fille tant que vous pourrez, car elle est forte pour cela ; au reste, mon enfant, ne soyez point fâchée ni ne vous attendrissez point contre vos infirmités corporelles qui vous ôtent le moyen de travailler beaucoup ; mais, au contraire, aimez-les, puisque c'est le vouloir de Dieu, et bénissez cette éternelle bonté, qui par ce moyen vous rend plus libre pour jouir de sa sainte présence et [318] vaquer à l'intérieur et profit spirituel de vous et de vos filles, ce qui est le principal. Je sais une âme qui est très-sainte qui fait son gouvernement comme cela ; c'est la Mère Françoise, Supérieure des Ursulines de Lyon, laquelle, avec une Sœur Renée, fait tout ainsi que je vous ai dit de faire avec notre Sœur F. G. ; aussi est-elle grandement infirme de corps. [Plusieurs lignes illisibles. ]

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CLXXXIX - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Établissement du premier monastère de Paris. — Mort de la présidente Le Blanc.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 5 mai [1619].

Croyez-moi, ma fille, ce n'est pas petite mortification de vous écrire si rarement et courtement ; mais, bon Dieu ! si vous saviez encore parmi quel empressement il le faut faire, vous m'excuseriez bien. Dieu veuille que quelqu'un vous écrive toutes nos nouvelles ; car je ne le puis, [sinon] ce mot : nous sommes établies, grâce au grand Dieu[236] ; toujours deux ou trois [319] Sœurs malades, aucune parfaitement, mais Dieu est notre attente et notre pourvoyeur.

Dieu soit béni de ce que vos affaires se vont ainsi accommodant. Voyez-vous, je vous dis que ce bon M. de Saint-Nizier nous force de l'aimer, de l'honorer et de l'estimer ; je l'ai toujours fait, mais je le ferai toujours davantage, si Dieu plaît ; assurez-l'en, je vous prie.

Notre Françoise a chancelé pour les commodités temporelles ; j'attends demain sa résolution, il n'en faut rien dire. Oh ! ma fille, je vous conjure de vivre avec une sainte générosité et observance. O Dieu ! si ce n'était sa sainte volonté, que l'on serait fâchée de la privation de la présence de ma très-chère Sœur Barbe-Marie ; vraiment, je ressens ce coup profondément. Dieu soit béni ! demeurez en paix ; écrivez-moi comme cela est arrivé ; le Seigneur mette sa chère âme en son saint paradis.[237] Je suis entièrement à vous, ma toute chère unique fille.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [320]

LETTRE CXC - À MADAME DE JARS[238]

Il faut supporter doucement et humblement les critiques du monde.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 5 mai [1619].

Ce m'est une grande mortification de ne pouvoir vous écrire au long, ma très-chère Mère ; voici la troisième fois, ô Dieu ! l'on est ici accablé, et avons de plus deux ou trois malades. Je ne manquai, dès le vendredi matin, d'envoyer à Mgr de Bourges nos Règles et une lettre pour le bon Père Feuillant que je connais bien. Hélas ! il faut laisser parler ceux de Bourges, ce n'est pas chose qui se puisse ni doive que de faire voir à tout le monde les Règles des Instituts ; demandez-le voir au bon Père recteur, lequel les a vues, et plusieurs autres personnes d'honneur, car on ne les refuse point aux amis qui les demandent à voir. Ma très-chère Mère, nous sommes pour souffrir telles et semblables censures ; Notre-Seigneur en a bien souffert d'autres. Vraiment, nous ne nous étions jamais trouvées en une ville où l'on fit tant de contrôlement qu'à Bourges ; or bien, nous les laisserons dire, et nous irons notre petit train. Mais cela fâche ma très-chère bonne Mère, qui voudrait que chacun aimât la Visitation comme elle ; c'est chose impossible. Vous aurez déjà su que cette bonne dame n'a pas été bien avertie. Dieu soit votre conduite, votre force et votre consolation parmi toutes vos peines. Je suis, en Lui, toute vôtre, ma très-chère Mère.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers. [321]

LETTRE CXCI - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

L'humilité, la patience et le discernement des esprits sont nécessaires a une maîtresse des novices. — La maladie éprouve les Sœurs de Paris. — À quel âge on peut entrer au noviciat.

VIVE † JÉSUS !

Paris, mai [1619].

Certes, ma très-chère Sœur ma mie, votre lettre me consola beaucoup pour y voir beaucoup de traits de votre sage conduite en cette petite troupe. Tenez-vous fort humble, ma très-chère fille, et croyez que la lumière de Dieu ne vous manquera pas ; vous faites bien, grâce à Dieu, élargissez fort votre courage et faites hardiment ce que Dieu vous inspirera. Il faut, de vrai, retrancher les superfluités de notre Sœur N... Quand elle ne désirera plus savoir, il la faudra enseigner. Ce sera charité de contenter cette pauvre Sœur N..., car elle a un cœur bon et doux. Il faut avoir une grande patience avec les novices, et faire tout ce que l'on pourra pour les affranchir ; mais de les laisser nourrir dans la propre volonté, il ne le faut nullement. Il est vrai que quelquefois, quand l'on peut prévoir ou que l'on voit qu'elles se rendent dures, il faudrait acquiescer dextrement. Vous pouvez parler de cela aux bons Pères Jésuites, et même à l'assistante,[239] avec laquelle vous vous devez tenir fort ouverte, lui communiquant toutes choses avec grande confiance, amour et familiarité ; vous en serez consolée et soulagée, car elle est bonne et fort sage fille. C'est tout ce que je puis vous dire.

Nous avons toujours notre Sœur A. C. [de Beaumont] malade, et, de plus, la pauvre Sœur Jeanne-Marie avec une grosse fièvre continue ; croyez que je ne suis pas sans occupation, cela m'empêche d'écrire à notre bon Mgr l'archevêque, que je salue [322] avec le cœur que Dieu m'a donné pour lui ; priez fort que Notre-Seigneur lui donne abondance de bénédictions. Je salue aussi notre bonne et chère madame de Jars ; tout à part nos bons Pères Jésuites ; mais cela de bonne sorte, et tous nos autres amis.

Vous ne pouvez prendre de fille qui ne soit en la quinzième année et qui ne veuille être Religieuse. — Envoyez l'argent de votre camelot rouge. Dieu soit avec vous toutes, et bénisse la chère troupe que je salue, et n'oubliez jamais madame Thibaut. Le Père André vous adresse les filles auxquelles il écrit ; voyez si elles ont l'esprit propre, elles ne seront à négliger. Je suis toute vôtre en Jésus ; mais que l'on prie pour nous et Monseigneur.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même, archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXCII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Affaires de madame la présidente Le Blanc. — Nouvelles de la maison de Paris. — Ardeur de la Sainte à poursuivre l'œuvre de sa perfection ; son assurance que tôt ou tard on vaincra l'opposition de Mgr de Marquemont à la récitation du petit Office.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 20 mai [1619].

Ma très-chère grande fille, j'ai parlé ce matin à Monseigneur de l'affaire dont vous m'écrivez, ne l'ayant vu plus tôt : il n'en sait que dire, ne sachant ni l'état des affaires de M. Le Blanc, ni la façon avec laquelle il s'adressera à vous. Il dit qu'il faut que vous vous conseilliez de tout cela avec M. de Saint-Nizier, puisque déjà il sait que vous avez l'argent de cette pauvre chère défunte, laquelle peut-être se sera mieux déclarée à sa mort ; [323] voilà, mon enfant, tout ce qu'il a dit, car on ne le voit que courtement et rarement. De cette nouvelle maison, je n'ai rien d'extraordinaire à vous en dire : nous sommes toujours sans logis, et, pour ce, en quête d'un. Dieu, par sa bonté, nous y veuille aider ; car nécessairement il faut que nous sortions d'ici à la Saint-Jean. Nous avons toujours force poursuivantes, et nous commencerons à en recevoir la semaine prochaine, si Dieu plaît. Notre Sœur Anne-Catherine [de Beaumont] se remet, Dieu merci, la fièvre tierce la quitte. Nous sommes toujours fort visitées, et moi fort chargée d'écritures ; vous n'aurez donc-que ce mot, ma chère fille, avec prière de nous envoyer un cent d'exemplaires de nos Règles ; nous vous les payerons bien, mais avec un peu de loisir.

O Dieu ! ma très-chère fille, je vous supplie et conjure de prier pour nous et pour m'es nécessités particulières ; car j'ai un grand désir de m'anéantir parfaitement, et de vivre en parfaite observance. Nous sommes grandement obligées à cela, nous autres anciennes, afin de montrer le chemin aux autres. Ma fille, nous voici à la fin de notre neuvième année ; eh ! bon Dieu, je n'ai pas commencé, quel compte rendrai-je à mon Dieu, et quelle confusion recevrai-je, si je ne fais pas mieux ? Certes, ma fille, je veux prendre un peu de bon courage, et ne m'en veux jamais dédire, moyennant la très-sainte grâce de mon Dieu ; mais prions fort l'une pour l'autre, afin que nous puissions être agréables à notre bon Dieu.

Monseigneur dit aussi qu'il ne faudra point faire de résistance à Mgr de Lyon, mais que, s'il ne nous apporte pas le privilège du petit Office, il faudra demander en toute humilité des années pour apprendre le grand, et que cependant on l'obtiendra ; car, aussi bien, faudra-t-il que toutes les maisons se joignent pour en obtenir la continuation ; nous l'emporterons, ma fille, Dieu aidant. Adieu, et à toutes nos chères filles ; l'Esprit très-saint vous confirme toutes de son très-saint amour. [324] Amen, ma toute chère fille. Envoyez-nous la date de votre établissement du Roi et du Parlement, et priez Dieu pour moi, qui suis vôtre.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CXCIII - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

MAÎTRESSE DES NOVICES, À LYON

Conseils pour la direction des novices.

VIVE- † JÉSUS !

[Paris. 1619].

Dieu soit béni, ma chère fille, au moins une fois je vous vois contente de votre noviciat. Prenez garde que la tentation de liberté n'entre en quelques-unes de vos filles. Il faut bien gagner leur cœur, ma chère fille, et pour ces esprits un peu douillets et qui ont encore l'âme sur les contentements du monde, c'est un bon remède que de leur tenir le cœur large, conférer avec elles, leur témoigner de l'amour, de la confiance et de l'envie de leur profiter, leur communiquant même les difficultés que l'on a eues, l'aide et le secours de Dieu, bref, leur donner du contentement, et surtout prier et faire souvent prier les Sœurs pour elles. Dieu par sa bonté vous fasse entendre ce que nous devons pour le service et conduite de ces chères âmes.

Je salue toutes nos chères novices, cette petite colombine, la Sœur Raton,[240] et toutes les autres bonnes Sœurs qui, comme [325] petites brebiettes, se laissent conduire aux divins pâturages. Qu'elles sont heureuses ! Je les conjure de se rendre tous les jours plus simples et fidèles à la direction qui leur est baillée ; et vous, ma fille, ayez le courage grand pour persévérer à les servir, attendez-les patiemment, supportez-les doucement et les excitez amoureusement et cordialement. Ainsi soit-il. Priez toutes pour nous. Je suis vôtre en Notre-Seigneur qui soit béni.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Venise.

LETTRE CXCIV - AUX NOVICES DE LA VISITATION DE BOURGES

Vertus que les novices doivent pratiquer pour mériter la grâce d'être filles de Notre-Dame.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619].

La très-sainte paix de Notre-Seigneur soit au milieu de vos âmes, mes chères filles ! C'est la bénédiction que je vous souhaite, par laquelle l'unité de nos esprits, en une même vocation, sera perfectionnée. Oui, mes chères filles, je désire que vous n'ayez qu'un cœur et qu'une seule âme. Vous n'avez toutes qu'une seule prétention, qui est de vous unir à Dieu par l'observation entière d'une même règle ; vous ne devez avoir qu'une seule volonté et un seul jugement, qui est la volonté et le jugement de la Supérieure, à laquelle vous vous devez laisser conduire sans résistance ; et, si vous faites ainsi, vous serez très-heureuses, sinon vous témoignerez que vous ne voulez point être filles de Notre-Dame ; mais je vous conjure, mes chères filles, de ne point perdre la couronne qui vous est préparée. Employez fidèlement la sainte mortification pour le retranchement de ce qui se trouvera de contraire à votre entreprise, qui est la perfection religieuse ; que chacune embrasse [326] généreusement l'observation de la Règle, et, en particulier, ce qui lui est recommandé selon sa nécessité. Je souhaite ma chère petite Marie-Louise[241] toute douce et attachée à son Dieu. Ma bien-aimée Sœur Marie-Françoise,[242] je ne saurais changer mon désir sur elle ; qu'elle soit à jamais, cette chère Sœur, une petite brebis, toute douce, toute simple et maniable dans là bergerie du céleste Pasteur.

Je vous conjure, ma très-chère Sœur Anne-Marie, d'être fort fidèle à l'obéissance, faisant reluire dans toutes vos actions une exacte observance ; et, pour notre bonne Sœur Claude-Marie, que lui pourrais-je souhaiter de plus nécessaire et utile que la très-sainte-humililé, pratiquée dans l'exacte soumission de son jugement et volonté ? Enfin que toutes ensemble, par une sainte émulation, marchent devant Dieu en simplicité et innocence ; c'est ce que je vous souhaite, et que vous vous assuriez toutes que je vous chéris avec une affection très-cordiale.

Priez, je vous conjure, pour celle qui est toute vôtre, etc.

LETTRE CXCV - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

La Sainte sollicite des prières pour son fils.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 15 juin 1619.

Ce n'est que pour commencera rompre notre silence, ma très-chère fille, et pour saluer très-amoureusement votre cher [327] cœur, remettant à notre Sœur Marie-Marguerite à vous dire nos nouvelles ; c'est aussi pour vous prier et conjurer de toute mon affection d'obtenir pour moi, de nos Sœurs, qu'elles prient fermement et persévéramment pour mon fils.[243] Faites que les plus unies à Dieu le prennent en tâche, et vous particulièrement. Il est bon, et a de bons mouvements, mais la jeunesse l'emporte. Je crois que Notre-Seigneur le prépare à quelques grosses croix ; sa bonté lui fasse la grâce de les recevoir comme il faut.

Je salue très-chèrement M. votre bon Père Supérieur, notre très-chère madame de Granieu, toutes nos chères Sœurs ; à part notre Sœur Marie-Françoise [de Livron| et toutes nos amies.

Vous savez que sans réserve je suis vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXCVI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Prière de recevoir madame du Tertre.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 9 juillet 1619.

Ma très-chère Fille,

Ce mot va vous avertir que Monseigneur et moi désirons que vous ayez agréable de recevoir une bonne damoisellc qui a besoin de retraite et qui la désire passionnément auprès de [328] nous ; ce que n'ayant su obtenir ici, nous vous l'envoyons, et je vous supplierai plus à loisir de la recevoir cordialement et l'aimer et traiter charitablement. C'est une damoiselle de qualité et qui portera bonne pension : préparez-lui une petite chambre, un bon lit, bien net, bien propre, et que tout soit de même chez vous ; vous l'aurez dans quinze jours.[244] Adieu ; elle vous portera le reste de nos nouvelles. N'attendez pas Monseigneur pour donner l'habit ; hélas ! ce bon et très-cher Père se trouve tout malade. Priez pour lui. Adieu, je vous écrivis l'autre jour.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [329]

LETTRE CXCVII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHÂTEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Il faut demeurer calme et soumise dans les tentations, être heureuse de vivre sans lumière ni sentiment. — Nouvelles de saint François de Sales. — Quelques règles à suivre à l'égard du confesseur. — Conseils sur la réception de deux novices d'un autre Ordre.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 22 juillet 1619.

Hélas ! que direz-vous, ma pauvre chère amie, de ce que je suis si tardive à vous écrire. Certes, ce n'est pas faute d'affection ; mais il y a ici un terrible tracas ; puis, nous avons changé de logis, fait une professe et six novices ; tout cela nous a assez occupées, outre les continuelles et journalières affaires et distractions qui sont ici en nombre infini.[245] Croyez-moi, que j'ai un grand contentement quand je reçois de vos nouvelles. Oh ! combien êtes-vous la chère fille de mon cœur !

Ne soyez point en peine de votre chemin ; je le vois et connais mieux que vous, il est très-bon. Reposez-vous-en, je vous en supplie, en moi, car Dieu m'en donne assez de lumières ; mais cette infinie bonté n'est-elle pas notre unique prétention [330] et repos ? Quelle autre assurance est-il besoin d'avoir ? Mon Dieu, ma très-chère fille, demeurons là, tout abîmées et anéanties ! Nous serons bien heureuses de vivre aveugles, sans connaissance ni sentiment aucun ; il nous suffit que Dieu est notre Dieu, notre espérance et notre désir. Je suis bien aise que vous n'ayez guère à nous dire de vos fautes quand vous nous verrez ; ayant aperçu celles que Dieu permet que nous remarquions, et nous en étant humiliées bien profondément, il les faut oublier et aller en avant. Nous vous connaissons assez bien, n'en douiez pas, je vous prie, et persévérez à marcher avec la pointe de l'esprit, supportant le plus doucement qu'il vous sera possible ces soulèvements de la partie inférieure ; comme vous dites, c'est un tribut, et Dieu se plaît en cette souffrance. Croyez qu'il n'est pas expédient d'être délivrée de ces assauts-là.

Cette vigne vous accommodera bien ; je suis bien aise que vous l'ayez toute ; l'on ne saurait avoir là trop de vide pour faire un peu de verger. Mgr de Grenoble me dit je ne sais quoi, que vous vouliez encore avoir ; c'est un bon prélat, mais il ne l'agréait pas. Je suis bien aise que votre nombre croisse un peu. Non, nous ne vous ôterons pas notre Sœur Marie-Françoise [de Livron] ; nous vous enverrons la copie de la profession.

Monseigneur se porte bien, grâce à Dieu ; nous le voyons quelquefois ; mais on ne peut lui parler. Nos pauvres Sœurs n'ont encore su avoir cette consolation, ni moi. Nous ne savons encore quand il s'en ira, et moins encore moi. Je pense qu'il faudra faire l'annuel entier. Dieu fasse en tout sa sainte volonté. Amen.

Je salue très-chèrement nos pauvres Sœurs ; je voudrais leur écrire, mais, certes, je ne puis, ni à la petite très-chère Sœur, que j'aime comme mon cœur. Assurez-l'en, mais sans faillir, car je ne puis davantage. Saluez tous les amis et amies ; mais à part M. d'Aoste, que je vous souhaiterais tout entier. En tout, [331] Dieu fasse de vous à son gré. Ma fille, vous savez que je suis toute vôtre ; priez fort pour nous, même pour Monseigneur, car la peste menace.

Ceci était écrit justement (ce jour de sainte Madeleine) quand j'ai reçu votre lettre. Il faut porter grand respect aux confesseurs, et faire tout ce qui se peut pour les contenter, honorant Dieu en eux ; mais de s'assujettir à eux pour ce qui est de prendre des prédicateurs, faire dire la sainte messe, se communier de la main des personnes de respect, ou autre que l'on voudrait quelquefois gratifier, se confesser à telles personnes quand vous jugez que cela serait à propos, tout cela, il faut que vous le fassiez très-librement, car il ne dépend que de vous. La Règle et nos coutumes sont comme cela ; et tout ainsi qu'il faut user sagement et discrètement de la sainte liberté qui nous est donnée, aussi faut-il la conserver soigneusement et jalousement, quoique toujours avec humilité, rendant le respect qui se pourra, et faisant entendre franchement notre sainte liberté. Enfin, je crois que quand l'on ne se peinera pas tant de retenir ce bon homme, qu'il ne se rendra pas si fâcheux. Que s'il se retire, et que vous ne puissiez avoir M. d'Aoste, croyez-moi, prenez un bon simple prêtre, de bonne vie et exemple ; car ces si braves voudront toujours gouverner, et, cependant, ce n'est pas ce qu'il faut pour plusieurs saintes et utiles raisons. Enfin, j'en suis toujours là, selon aussi le goût de notre règle, qu'il ne faut pas que les confesseurs ordinaires se mêlent de nous gouverner, ains simplement de recevoir les confessions ; et n'avoir hors de là grande familiarité avec eux.

Nous vous ferons rendre vos cent écus à propos, Dieu aidant. Vous m'écrivîtes si court des dames Religieuses,[246] que je ne sais qu'en répondre. Avant que les envoyer, je dis l'une à Annecy, [332] je voudrais que vous jugeassiez et connussiez bien si elle sera propre à notre Institut ; puis, que les parents donnassent de quoi les y nourrir et entretenir ; car, certes, notre maison est pauvre ; il faut conduire cela bravement. J'ai un si grand désir de voir et d'avoir des filles capables pour prendre l'esprit de cette maison, que je suis tous les jours plus résolue de ne jamais renvoyer celles qui se présenteront, encore qu'elles soient pauvres. Bonjour, ma fille très-chère, je suis toute vôtre en Jésus. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXCVIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

L'Esprit de Dieu ne manque pas d'assister une âme humble et confiante. — La grâce seule peut donner aux novices la vocation et la persévérance. — Quelle quantité de nourriture donner aux Sœurs. — Il ne faut pas recevoir dans le monastère une enfant trop jeune. — La Supérieure doit maintenir une sainte joie dans la communauté.

VIVE † JÉSUS !

Paris, août 1619.

Ma très-chère Sœur,

Je suis fort consolée de votre conduite. Je m'assure que si vous continuez à vous tenir humble et confiante, l'esprit de Dieu ne vous manquera point, cela est infaillible. Celles que la divine Providence a destinées pour notre Institut, le monde ne les détournera pas ; que, s'il le fait, elles ne persévéreront pas ailleurs. Enfin, demeurons humblement abandonnées au gouvernement de ce divin Sauveur, et soyons fidèles à l'observance ; il nous élèvera et multipliera quand il en sera temps. Je le pense, que ces bonnes filles du Père André ne nous seraient pas propres. Ce sera hasard si la Sœur N... fait profession ; il la faut grandement aider, et ne la point laisser parler en particulier [333] avec les autres Sœurs ; Dieu nous aidera, n'en doutons point.

Je me souviens de vous dire qu'il faut donner jusqu'à six onces de viande aux Sœurs, nous le faisons ici. Je ne saurais penser que M. de Lissey[247] se veuille altérer de ce que l'on ne recevra maintenant sa petite fille, puisque c'est chose que la Règle ne nous permet ; mais il est bien à propos de le lui dire fort doucement, et même, s'il est requis, d'employer pour cela le bon Père recteur. Je ne puis écrire à la petite Maurice ; je la salue ; si son père lui voulait donner jusqu'à deux mille francs pour sa dot, et ses meubles un peu petitement, il n'y aurait point de danger de la recevoir. Si je puis, nous vous déduirons [conduirons] quelques filles d'ici ; il s'en présente de bonnes, et en très-grand nombre ; mais la plus grande part ont fort peu de commodités. Vivez contente et consolée, je vous en prie, ma mie, et ayez soin que les Sœurs soient de même, car cela m'importe fort. Monseigneur se porte bien ; nous le voyons quelquefois, mais nous ne lui pouvons quasi point parler.[248]

Je salue chèrement notre bon Père P. et le Père principal et Berthus ; je les chéris cordialement. Je vous prie, dites à l'oreille du cœur de toutes vos novices et en secret que mon âme les chérit très-cordialement, mais je les conjure d'aimer bien leur esprit.[249] À la bonne madame Thibaut un mot cordial. Il [334] faut supporter la bonne madame de Jars et faire tout ce que vous pourrez pour la contenter. Je salue tous les amis et amies et les gens de Mgr de Bourges. Sans loisir, j'écris à nos Sœurs. Priez pour nous. Certes, ma mie, je suis toute vôtre en Jésus.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CXCIX - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Encouragements à porter le faix de la supériorité.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619].

Seigneur Jésus ! ma pauvre très-chère fille ma mie, il s'en faut bien garder d'arrêter votre pensée, et encore moins votre désir, à vouloir sortir de la supériorité ; par la divine miséricorde, vous faites trop bien et utilement votre charge.[250] Oh ! non, ma fille, vous ne gâtez pas tout, comme vous me dites, ains, assistée de la grâce de Dieu, vous ne gâtez rien. Que plût à Dieu eussions-nous prou de semblables gâteuses ! Je vous assure que ma conscience me permettrait bien de les mettre en charge. Arrêtez votre esprit à l'avis de notre tout unique Père, et soumettez votre cœur au mal et à la charge. Ne soyez pas si âpre à vous-même, et vous verrez que tout ira bien. Vivez très-joyeuse et allègre, je vous en conjure, ma fille très-chère, que j'aime comme ma propre âme. [335]

LETTRE CC - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Charité et prudence dans la réception des infirmes. — Il faut marcher hâtivement, humblement et fidèlement à la suite du Sauveur.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 25 août 1619.

Ce doux Jésus vous comble de bénédictions, ma très-chère Sœur ! Je commence à me remettre de ce peu de fièvre que j'ai eue, grâce à Notre-Seigneur.

Je me souviens de notre bonne Sœur Anne Tillier.[251] Si son mal ne se prend point, et qu'elle soit si bonne Religieuse que vous dites et que je l'espère, à la vérité, il faut grandement peser son affaire, et avec charité et bon conseil des Pères Jésuites, car je ne vous en puis dire autre chose, et il ne faut pas que les Sœurs se rendent si douillettes. Où il n'y a point de péril, la charité supporte tout ; mais vous voyez mon sentiment ; que l'on s'en rapporte aux Pères.

Je crois que vous êtes sur le terme de vous loger ; Dieu soit votre aide en tout ! Dites, je vous supplie, à l'oreille de vos chères novices, que je salue amoureusement leurs cœurs, mais que je les conjure de cheminer hâtivement, humblement, fidèlement, en la voie de la parfaite observance et soumission. Eh ! mon Dieu ! quelle misère que la nôtre ! voir Dieu qui est mort pour nous, et qui s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix, qui veut dire toutes sortes de travaux et d'abjections, et n'avoir pas la détermination de vivre selon sa [336] sainte volonté en une parfaite obéissance ! Je salue aussi chèrement nos chères professes et nos bons Pères Jésuites. Je n'oublie jamais tous nos amis et amies, ni notre bonne Sœur Jeanne, mais qu'elle prie pour moi !

Ma très-chère Sœur, je suis toute vôtre en Notre-Seigneur. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCI - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

L'extrémité de la pauvreté doit nous exciter à une plus parfaite confiance en Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619].

Vous me demandez, ma chère fille si nous sommes pauvres ; oui, je vous assure, et je n'y pense quasi point. Le ciel et la terre se peuvent bouleverser, mais la parole de Dieu demeure éternellement pour le fondement de notre espérance. Il a dit que si nous cherchons son royaume et sa justice, il nous fournira du reste ; je le crois et m'y confie. L'extrémité de la nécessité où nous nous trouvons quelquefois nous donne de hautes leçons de la perfection de la sainte confiance en Dieu, et véritablement nous voyons déjà combien il fait bon s'attacher à Dieu et espérer en Lui contre l'espérance humaine, car notre établissement s'est fait par la divine grâce, mieux mille fois que nous n'eussions osé l'espérer. [337]

LETTRE CCII - À LA RÉVÉRENDE MÈRE DE LA TRINITÉ

CARMÉLITE[252]

Témoignages d'estime et d'affection. — Humilité de la Sainte. — Difficultés pour la réception d'une prétendante.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619].

Ma très-bonne et très-chère Mère, la paix de notre divin Sauveur soit toujours au milieu de votre cœur. Je ressens une consolation profonde d'avoir eu de vos nouvelles, et de voir que vous avez si bonne souvenance de la sainte amitié par laquelle Notre Seigneur et Maître unit nos cœurs en sa sainte dilection. Vraiment, ma très-chère Mère, il est très-vrai que ce que Dieu a joint, rien du monde ne le peut séparer, et si je pouvais avoir un jour le bonheur de vous voir, je vous ferais connaître mon amour, et ma confiance aussi entière qu'elle fut jamais envers vous. Je pense que mon âme se fondrait en une sainte suavité, si je recevais ce bonheur de traiter cœur à cœur avec vous de la très-sainte suavité de l'amour de Notre-Seigneur Jésus. O ma Mère ! j'y vois peu d'apparence, car au partir d'ici on parle de nous envoyer en Italie. Le grand Dieu accomplisse en tout sa très-sainte volonté ; pourvu que je le serve avec la profonde humilité et fidélité que je dois, tous lieux me sont indifférents ; mais, ma très-chère Mère, c'est ce que je ne fais pas, je suis toujours immortifiée, imprudente et lâche à ce divin service. Priez, je vous supplie, pour mes nécessités, et faites prier vos chères filles ; mais je dis doublement, puisque j'en ai une nécessité double, et une plus grande que je ne vous saurais dire. [338]

N'est-ce pas chose admirable, ma très-chère Mère, que de voir une créature indigne et incapable être employée à des services si dignes et de si grande importance ? mais ç'a toujours été la façon de faire de notre bon Dieu, d'employer les plus viles et abjectes créatures, afin de poser le trône de sa miséricorde sur celui de notre misère. Bonté incomparable ! Oh ! je voudrais vous écrire longuement ; mais le loisir de celui qui vient m'apporter votre lettre ne me le permet pas, ni le mien aussi pour ce coup ; mais je ne manquerai de vous écrire et rendre compte de mes actions avant que de partir de ces quartiers. Je m'étais déjà fort enquise de vous ; mais comme personne ne m'en disait rien d'assuré, je voulais envoyer vers les bonnes Mères de cette ville pour savoir de vos nouvelles.

J'entends à peu près la demoiselle dont vous m'écrivez ; car pour les noms, je ne les retiens que difficilement. Je vous assure, ma très-chère Mère, que Mgr de Genève et nous, avons un très-grand désir de la consoler, mais le devoir que nous avons à cette maison fait que nous n'avons pas voulu aller à l'encontre de ceux à qui Mgr le cardinal de N... l'avait remise, lesquels ont déclaré qu'elle ne pouvait être reçue sans grand intérêt de cette maison, pour plusieurs raisons qui sont marquées dans leur résultat ; de sorte qu'il n'y a pas eu apparence de passer outre. Nous lui avons offert retraite en une de nos autres maisons, mais elle ne l'a pas voulu accepter. Qu'est-ce que nous ne ferions pas en votre considération, ma très-chère Mère ? mais vous voyez l'impossible, ce qui fera changer votre désir, je m'en assure.

Je suis fort pressée de finir. Bonjour, ma Mère, ma très-chère, de tout mon cœur. Tenez-moi invariable en la dilection sincère que je vous porte en notre Sauveur et Maître. Priez fort pour mes nécessités, et pour tout notre petit Institut. Je demeure, ma très-chère Mère, votre, etc. [339]

LETTRE CCIII - À MADAME DU TERTRE

À LA VISITATION DE MOULINS

Une grande ouverture de cœur envers la Supérieure facilite l'amendement et le progrès de l'âme.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 3 septembre 1619.

Ne vous l'avais-je pas assuré, ma très-chère Sœur, que vous trouveriez là un esprit qui vous contenterait et consolerait entièrement ? Je prie Dieu qu'il vous fasse la grâce et vous donne la force de profiter au divin amour auprès de cette bonne Mère,[253] à laquelle je vous conseille et vous en prie, ma très-chère fille, de tenir votre cœur bien ouvert, afin qu'en connaissant ses maladies, elle puisse y apporter les remèdes convenables ; vous en recevrez mille douceurs et consolations, outre le profit de votre âme, qui est ce que nous devons rechercher par-dessus toutes choses ; car, ma fille, cette vie est courte et l'heure d'en partir bien incertaine. Travaillons donc tandis que son jour dure, afin que nous puissions parvenir à la très-sainte éternité ;. c'est ce que mon cœur désire au vôtre, que je chéris cordialement, et suis entièrement, ma très-chère Sœur, votre, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [340]

LETTRE CCIV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Saint François de Sales a quitté Paris ; on murmure contre lui à l'occasion d'un mariage. — Acquiescement de la Sainte au bon plaisir divin.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 11 septembre 1619.

Ma très-chère Sœur,

Voilà que l'on me demande si je vous veux écrire, et qu'il le faut faire tout maintenant ; notre messe me presse, mais je ne saurais m'empêcher de vous dire l'extrême ressentiment que j'ai du mal de cette pauvre chère Sœur Marie-Catherine[254] ; j'espère que notre bon Dieu en aura soin ; il me tarde que j'en sache des nouvelles. Mais, ma très-chère Sœur ma mie, conservez-vous parmi tout cela et ne vous étonnez, ni troublez point ; il faut que nos cœurs soient fermes et disposés à recevoir toutes les afflictions et tourments qu'il plaira à notre bon Dieu nous envoyer. J'espère que vous verrez bientôt Monseigneur ; il partit dès jeudi,[255] en bonne santé, grâce à Dieu. Il reçoit ici une attaque pour un mariage dont plusieurs murmurent, et auquel il n'a contribué que ce qu'il devait ; c'est un retour [341] digne du monde, et qui me toucherait douloureusement, si je n'avais la confiance que Dieu le tient en sa spéciale conduite et providence ; il faut acquiescer doucement au divin bon plaisir de Notre-Seigneur et lui remettre cette affaire. Adieu, ma mie ma très-chère Sœur ; vivez contente de tout, et vous tenez au-dessus de tous les événements, vous reposant dans le sein de la divine Providence.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCV (Inédite) - À MADAME DE JARS

Témoignages d'honneur et de religieuse amitié. — Félicitations du bonheur qu'elle aura de voir saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 23 septembre [1619].

Ma très-chère Mère, notre bon Dieu vous donne s'il lui plaît une santé entière et console votre cœur de sa sainte consolation ! Je vous assure, en vérité, ma très-chère Mère, que je ne savais pas que vous fussiez malade ; seulement, lundi ou mardi je reçus une lettre de Mgr l'archevêque qui me le mandait ; j'étais bien étonnée de ce que je ne recevais plus de vos lettres, mais aussi je n'en ai guère reçu de Bourges, depuis que ce bon pasteur s'en alla d'ici. Je ne demande pas, ma très-chère Mère, que vous me disiez vous-même votre mal, mais je vous prie de m'en faire écrire ; j'en suis en peine. Je supplie notre bon Dieu de vous y soulager selon qu'il connaît vous être nécessaire, et vous donner abondance de toutes saintes bénédictions. Ce sera le continuel souhait que mon cœur fera pour le vôtre, que je chéris avec un honneur et un amour tout spéciaux. [342]

Je me réjouis de l'espérance que j'ai que vous verrez Mgr de Genève, car l'on tient qu'ils passeront à Bourges, et je sais que vous en serez consolée. Prenez courage, ma très-chère Mère, faites tout ce qu'il vous sera possible pour votre soulagement, mais surtout ne laissez point abattre votre esprit ; tenez-le joyeux et content de tout ce qu'il plaît à notre bon Dieu qui vous arrive, car la soumission amoureuse à son bon plaisir est l'unique et vrai remède de tous nos maux intérieurs et extérieurs.

Il me tarde que j'aie de vos nouvelles, et je vous assure, ma très-chère Mère, que j'ai de la douleur de savoir que vous avez été si longtemps malade sans que j'en aie rien su. J'en ferai redoubler les prières, afin de regagner tant qu'il se pourra le temps qui s'est ainsi passé. Bonjour, ma très-chère Mère ; je vous prie derechef et vous en conjure de tenir votre esprit fort courageux et soumis à la très-sainte volonté de Dieu, auquel je suis pour jamais de tout mon cœur, ma très-chère Mère, votre très-humble, etc.

Très-humble salut à mesdames de Rhodes.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nantes.

LETTRE CCVI - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Annonce du passage de saint François de Sales à Bourges. — Tout doit se faire par l'autorité de la Supérieure.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619].

Ma très-chère fille,

J'ai si grande joie de ce que vous verrez Monseigneur, notre très-cher et digne Père, que je ne sais que vous dire, sinon [343] que vous lui parliez de tout, et il vous répondra pour moi. Ayez hardiment un esprit de sainte liberté, et croyez que je n'ai nulle intention, sinon que tout se passe avec suavité, gardant et employant selon votre discrétion et pour votre soulagement votre charge et son autorité, sous laquelle il faut que tout se passe et se fasse saintement et doucement.

Je n'ai pas le loisir de revoir votre lettre ; si Monseigneur n'y fait réponse, je le ferai. Faites-lui tenir sûrement ce paquet ; il y a des lettres d'importance. Je salue chèrement votre cœur et celui de vos filles, particulièrement la petite brebiette [Sœur M. F. Thibaut] que j'aime tendrement, et la souhaite toute douce et soumise.[256]

LETTRE CCVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Passage de saint François de Sales à Moulins. — Retrancher à madame du Tertre la liberté de parler et d'envoyer des lettres à l'insu de la Supérieure. — Il faut porter la croix amoureusement, paisiblement, et tout attendre de Dieu et de son secours.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 26 septembre 1619.

Vous le ferez [ce que je vous ai conseillé], ma très-chère fille, vous le verrez, ce tout bon et très-cher Père de nos cœurs. S'il est encore là, vous lui donnerez cette lettre en le saluant [344] en la façon et suivant le cœur de votre Mère. Faites tous les jours faire des prières particulières pour ce voyage qui est grand et fâcheux, ce me semble, pour lui qui n'a pas accoutumé d'aller sur l'eau ; mais Dieu qui l'a pris et fait pour l'enfant de son Cœur en aura soin. Vous vous éclaircirez de vos difficultés, et il vous dira, je m'en assure, qu'il faudra retrancher petit à petit, à cette damoiselle,[257] la liberté de parler à part et donner des lettres ; car cela sans doute nourrirait son esprit en ses humeurs, ce qui n'est pas expédient. C'est bien fait, ma très-chère fille, de purger nos maisons ; Dieu nous fasse la grâce d'accomplir en toute fidélité sa très-sainte volonté. Hélas ! que je vous plains pour le trouble de cette pauvre fille ! mais, ma très-chère Sœur, portez cette croix amoureusement, tant qu'il vous sera possible, Notre-Seigneur vous y confortera ; ne vous tourmentez pas autour d'elle, commettez-lui une Sœur des plus douces et courageuses.

Si vous avez besoin de Sœurs blanches, je pourrais bien vous en envoyer une bonne et qui a joliment de commodités. Certes, si je vous pouvais aider et soulager en toutes façons, je le ferais de tout mon cœur. Croyez que nous aurions ici une effroyable charge, si Dieu ne [me] donnait la confiance qu'il la portera ; c'est pourquoi je n'en ai point de peine. Priez pour mes nécessités particulières, croyez que je ne vous oublie pas, ni votre famille. Écrivez-moi souvent, car ce m'est consolation de savoir de vos nouvelles. Nous avons remis le velours à madame d'Asy, car elle a dit qu'elle avait une marchande bien [345] assurée pour le changer, parce que nous craignons à cause de cette peste. Bonjour, ma très-chère Sœur ma mie, et à votre hôtesse, et à toute la chère troupe. Dieu vous comble de bénédictions.

[P. S.] Je vous recommande, s'il vous plaît, ce paquet ; car l'on m'a remis des lettres que Monseigneur serait marri qu'elles fussent égarées. Si Monseigneur n'est là, refaites un paquet. Je suis fort pressée.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCVIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Elle la félicite du bonheur qu'elle aura de pouvoir entretenir saint François de Sales, arrivé à Lyon. — La peste est dans Paris. — Admirable résignation de la Sainte. — Souhaits ardents pour la perfection de la Mère Favre, et crainte de la voir sortir de Lyon avant que le monastère jouisse des privilèges accordés par la Bulle de Paul V.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 29 septembre [1619].

Vous voilà bien consolée, ma très-chère fille, de voir et de jouir un peu de notre très-cher Père ; je suis si soulagée de le sentir dehors de Paris, où cette maladie est si forte,[258] que cela [346] m'a rendu son départ plus doux. Ne craignez point pour nous, ma très-chère fille, quoiqu'elle nous avoisine ; mais priez bien soigneusement notre bon Dieu qu'il accomplisse sa très-sainte volonté en nous. J'ai cette confiance qu'il ne nous arrivera rien que ce qui lui plaira, et ce qui lui plaira nous plaira. Ainsi, s'il lui plaît, je vous écrirai souvent, et vous adresserai toutes mes lettres pour Monseigneur, qui m'a commandé de lui bien mander de nos nouvelles ; mais je voudrais que vous me donnassiez la meilleure adresse pour vous faire tenir nos lettres, et me mandez aussi par quelle voie vous me ferez tenir les vôtres. Quand M. Rousselet sera de retour en cette ville, son entremise sera bonne, car il a aussi un frère à Lyon.

Ma chère fille, je ne vous dirai point de nouvelles, je laisse cette commission à mon neveu de Boisy, et puis, certes, c'est une chose que je n'aime guère : une seule aussi est nécessaire, qui est d'avoir Dieu : j'en ai un grand désir, de cet unique bonheur ; tout le reste n'est que fumée ; attachons-nous donc invariablement à cette sainte prétention. Écrivez-moi de votre cœur ; voici le temps que vous le reverrez : mon Dieu ! que je l'aime, ce cher cœur de ma très-grande chère fille ! Que je lui souhaite de générosité, de pureté, de perfection ; bref, une sainte union avec le Cœur de son Dieu très-aimable et adorable. Adieu, ma fille, je vous donne mille fois le bonjour, et à toute votre chère troupe ; je ne sais si Mgr de Lyon est retourné ; il voudra peut-être différer de réduire votre congrégation en monastère, et toutefois il est expédient que cela soit fait avant que l'on vous tire de là[259] : Monseigneur vous en aura parlé. Il faudra donc acheminer doucement cette affaire. Encore ce mot : [347] éprouvez bien vos filles avant que de leur donner la profession. Adieu, ma fille ; je suis toute vôtre en Notre-Seigneur, vous le savez ; il soit béni. — Jour de saint Michel.

Conforme à une copie de l'original gardée à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCIX - À M. LE COLLATÉRAL FLOCARD

La Sainte le remercie de lui avoir donné des nouvelles de saint François de Sales et de son arrivée à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619].

Monsieur,

C'est très à propos de me donner la joie de l'arrivée de Monseigneur le révérendissime en cette ville [d'Annecy], car, à la vérité, c'est le plus grand contentement qui me puisse arriver en cette vie que l'honneur et le bonheur de sa présence. Nous l'avons peu retenu et rarement vu ; néanmoins nous sommes contentes, puisqu'il plaît ainsi à Notre-Seigneur. Voilà donc, Monsieur, comme vous n'aurez pas occasion de vous plaindre de nous, qui sitôt et si librement vous le renvoyons. Dieu nous fasse la grâce à tous de jouir longuement de sa vie, de sa santé et sainteté, tant utile à la gloire de notre bon Dieu, que je supplie continuellement vous bénir de ses plus chères grâces, avec madame votre femme et toute votre chère famille, que je salue humblement et très-cordialement avec vous qui continuez d'obliger et favoriser cette petite maison d'Annecy, en telle sorte que je ne saurais dignement vous en remercier. J'en demeurerai à jamais, Monsieur, votre, etc.

Conforme à l'original gardé chez M. le comte de Thiollaz. [348]

LETTRE CCX (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Nouvelles de la communauté de Paris. — Préservation de la peste.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619.]

Ma très-chère fille, c'est sans haleine que je vous dis que, grâce à Dieu, nous nous portons très-bien. Ne soyez point en peine, sa divine bonté nous protège et garde ; la maison voisine n'a plus de malades ; j'en écris un billet à Monseigneur pour l'ôter de peine ; faites-le-lui tenir avec toutes ces autres lettres : c'est un paquet pour lui que l'on nous a remis. Dieu soit notre amour, ma toute chère fille ; j'attends bientôt de vos nouvelles, écrivez-moi du voyage de Monseigneur ; car il n'a pas loisir de m'en parler. Jésus soit notre tout et soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCXI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Dieu ne laisse point sans secours une communauté où règne l'observance. — Tout le bien des maisons dépend des Supérieures. — Il faut retrancher à madame du Tertre les correspondances et les conversations inutiles. — Demande de prières selon les intentions de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619.]

Je vous laisse à penser, ma très-chère Sœur ma mie, si je serais bien aise que la charité que Monseigneur vous a concédée s'accomplît ! n'en doutez nullement. Dieu ne laissera jamais sans pain la maison en laquelle il est servi. Il est vrai, si je ne [349] me trompe, que je vous entends en ce que vous me dites que bienheureux sont les humbles de cœur, touchant cette pauvre affligée d'esprit ; mais dites-le-moi plus clairement, afin que cette occasion me serve, car l'expérience est un grand maître.

Ce petit livre est très-bon ; faisons-en profit, je vous prie. O Dieu ! ma fille, cela est si très-vrai que tout le bien de ces maisons dépend des Supérieures, qu'elles ne sauraient assez être humbles et basses devant Dieu, sans la conduite duquel elles ne peuvent s'acquitter [de leur charge] ; mais aussi avec cette sainte conduite, [elles] peuvent tout bien. Vous voyez que ce n'est qu'un billet écrit sans loisir.

L'on m'a dit que votre hôtesse[260] avait écrit à certains amis ou amies, et les priait de lui chercher une retraite en laquelle elle ne fût point sujette à ses parents ; je pense qu'il la faut un peu considérer en ses lettres et conversations avec les séculiers ; c'est une glose et un article sans lequel nous ne l'eussions pas retirée. Il la faut conduire doucement et l'observer.

Faites fort prier pour Monseigneur à ce que Dieu lui donne conseil en une chose de très-grande importance. Les autres maisons disent un Veni Creator le matin et font force communions pour cela. Priez aussi, je vous prie, pour les besoins de cette maison et de mes enfants ; Dieu soit leur conduite. Je salue. mademoiselle votre chère hôtesse, toutes nos bonnes et chères Sœurs, et surtout votre cœur bien-aimé, que je chéris très-cordialement, vous le savez ; je salue très-humblement le Révérend Père recteur et le bon confesseur ; je me recommande à leurs prières et tous les amis.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [350]

LETTRE CCXII - À LA SŒUR MARIE-AVOYE HUMBERT

À MOULINS

Il ne faut point trop réfléchir sur soi-même, mais s'humilier devant Dieu de ses fautes d'inadvertance, et ne point s'en tourmenter.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619 ]

Certes, ma très-chère petite fille ma mie, il faut que je vous dise que j'ai reçu une fort grande consolation en lisant votre lettre, laquelle me représente l'état de votre cœur avec une grande naïveté, sincérité et cordialité dont vous m'avez fait un singulier plaisir ; car, voyez-vous, ma très-chère petite, j'aime tendrement votre cœur, et voudrais souffrir beaucoup pour sa perfection. Que si Dieu me fait la grâce de pouvoir obtenir sur vous le retranchement de ces continuelles réflexions sur tout ce que vous faites, lesquelles dissipent votre esprit, et, au lieu de cela, employer toutes vos forces et pensées à la pratique des vertus selon les occasions qui s'en présentent, mon Dieu ! ma fille, que vous seriez heureuse et moi consolée. ! et je vous prie, ma mie, commencez dès maintenant à bon escient à faire cela.

Pour toutes les fautes d'impertinences[261] et semblables choses que vous commettrez, ne faites qu'un simple abaissement d'esprit devant Dieu, et puis passez outre et ne regardez plus ce que c'est. Ne le ferez-vous pas, ma mie ? Ah ! je vous en prie, par le cœur et l'amour que vous porte votre pauvre Mère.

Au reste, écrivez-moi hardiment tout ce que vous pourrez, vos lettres me consolent toujours, et ne vous mettez en peine de [351] chose quelconque. Je suis toute à vous, ma mie, je vous en assure. Priez fort pour moi. Le doux Jésus accomplisse en vous sa très-sainte volonté.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCXIII - AUX SŒURS DE LA VISITATION DE BOURGES

Il faut ravir le Cœur du divin Époux par l'amour de sa sainte volonté, l'exacte observance et le support mutuel.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 3 octobre [1619].

Mes filles très-chères et bien-aimées, assurez-vous que mon affection à vous servir et consoler n'a besoin d'aucune autre excitation que d'elle-même ; car elle est infinie pour cela ; mais Dieu ne veut pas que nous nous voyions pour ce coup, et de bon cœur nous soumettons nos désirs à sa sainte volonté. Pendant qu'il en disposera les moyens, préparons-nous par une très-exacte observance à profiter de cette entrevue, s'il nous la donne. Surtout, mes chères filles, vivez, je vous en conjure, avec un extrême amour de la divine volonté, et une douceur et support entre vous qui ravissent le Cœur de la souveraine Bonté ; car notre bon Sauveur a dit qu'à cela l'on connaîtra que nous sommes ses disciples, si nous nous aimons l'un l'autre. Je me recommande à vos prières, n'ayant loisir d'en dire plus. Dieu habite éternellement au milieu de vous pour vous combler de ses riches grâces ! Je suis en lui toute vôtre. — Il soit béni.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers. [352]

LETTRE CCXIV - À LA SŒUR  FRANÇOISE-MARGUERITE FAVROT

À ANNECY[262]

La stricte observance de la Règle est l'admirable chemin de la perfection religieuse. Témoignages d'affection pour les amis du monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619].

Dieu soit béni, ma très-chère fille, Dieu soit béni à jamais !

J'aime bien vos lettres et encore plus votre cœur ; faites toujours le plus parfaitement que vous pourrez toutes vos actions et le plus simplement. Oui, attachons-nous à une observance de nos saintes Règles qui soit inflexible, c'est un chemin admirable ; le doux Jésus nous y fasse cheminer fermement et fidèlement. Amen.

Je suis, certes, marrie de cette pauvre petite N... ; c'est la mélancolie ; il faut user de divertissement, et ne pas faire semblant de voir le quart de tout ce qui se passe. Je loue Dieu que notre assistante[263] va si bien ; mais mon pauvre maître [maçon], Jean, n'est-il pas bon ? Je l'aime, je vous assure chèrement, et le vous recommande bien toujours. Faites-lui bien mes recommandations, et à tous les maîtres ; je ne les verrai pas de cette année ; mais, s'il plaît à Dieu, après Pâques nous les reverrons. Je vous assure, ma chère fille, qu'il m'en tarde, mais je suis pourtant fort contente de la volonté de Dieu, et puis il me semble que je vous vois toutes ; mais, il est vrai, vous m'êtes grandement présentes, et ma pauvre vieille Sœur Anne-Jacqueline, vous ne sauriez croire, ma mie, combien j'aime cette fille-là ; ayez-en bien soin, et de toutes ; certes, elles me sont précieusement chères en Notre-Seigneur. [353]

Faites bien mes recommandations à tout le monde, à M. Grandis en particulier, aux Pères de Saint-Dominique, à M. Bouvard, à notre procureur, à tous nos voisins et voisines. Je suis vôtre en Jésus.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXV (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

La Sainte annonce que saint François de Sales est nommé grand aumônier de Son Altesse, et M. de Boisy, premier aumônier de Madame. — Offre d'une prétendante.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 15 novembre 1619.

Vous aurez su maintenant, ma très-chère Sœur ma mie, comme tout est venu à bon port, car je vous ai fait réponse par voie assurée. J'ai bien perdu des lettres aussi bien que vous, et ce qui m'a plus fâchée, deux de celles de Monseigneur ont été égarées ; mais Notre-Seigneur fait et permet tout : il soit béni à jamais. J'ai reçu des nouvelles du 30 octobre de ce bon Monseigneur, il était à Chambéry. Il me mandait qu'il était occupé à se déprendre de la cour ; mais je pense qu'il faudra qu'il passe à Turin Madame et Leurs Altesses l'ont fait grand aumônier, et M. de Boisy[264] premier aumônier de Madame, de sorte qu'il est engagé pour servir son quartier, et Monseigneur me mande que la charge de grand aumônier l'engagera pour deux mois toutes les années à Turin. Dieu fasse en tout sa sainte volonté.

Il y a ici une puissante fille qui est de vos quartiers, d'honnête famille, qui désire d'être Sœur blanche[265] ; elle est jeune et [354] forte. On m'attend. Elle prie pour savoir si elle pourrait être reçue chez vous, [ce] que je n'ai su refuser de vous demander, si vous le pouvez. J'écris sans loisir. Dieu soit tout nôtre. Je suis toute à vous, vous le savez.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXVI - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

Souhaits de bénédictions pour que les fruits d'une retraite soient durables.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619.]

Je désire seulement que ces quatre lignes vous portent le souhait que mon cœur fait pour le vôtre très-cher, de mille et mille bénédictions, que je supplie le très-doux Sauveur de vous donner. Je participe au bonheur de l'utilité et de la consolation que vous avez reçue dans votre exercice de pénitence, que ma très-chère Sœur m'a mandé que vous avez fait. Oh ! bon Dieu, ma très-chère fille, qu'il fait bon s'approcher de cette infinie douceur ! Je la supplie très-humblement de vous fortifier et avancer en l'exercice de son très-saint amour, auquel et par lequel je suis d'une entière affection votre plus humble servante en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [355]

LETTRE CCXVII - AUX SŒURS DE LA VISITATION DE MOULINS

La Sainte conjure ses filles de vivre plus que jamais dans l'exacte observance, l'humilité, la simplicité, l'obéissance et la charité.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 14 décembre 1619.

Mes très-chères filles, il faut que je vous fasse une prière, qui part du plus profond de mon cœur ; et je vous conjure, par l'honneur et la grâce que nous avons d'être filles de Notre-Dame, de me l'accorder. Je vous supplie donc, de toutes les affections de mon âme, qu'en ce renouvellement d'année vous fassiez de puissantes et efficaces résolutions de cheminer par la voie de l'exacte observance en toute humilité, douceur et simplicité d'obéissance. Au nom de Dieu, qu'on ne voie jamais parmi vous des suffisances, ni désir de se procurer des charges et choses relevées ; mais un grand amour des choses basses, des humiliations et abjections, de notre propre faiblesse et misère. Que les paroles de désagrément ne paraissent jamais ; mais que la sainte douceur, cordialité, union de cœur et affabilité, accompagnent toutes vos paroles et actions. Que les répugnances ne se rencontrent point chez vous : n'allez jamais regardant si l'on vous aime plus ou moins que les autres : tuez ces petits renardeaux, je vous en prie ; car ils ôtent la paix des cœurs. Nous ne devons jamais désirer d'être aimées, mais croire que l'on nous aime autant que Dieu veut que nous le soyons. N'examinez point à qui l'on donne les charges, ne les désirez peint : la volonté divine doit être la règle de la nôtre, et nous doit suffire. Donnez, mes chères Sœurs, ce contentement à la sainte Vierge, Notre-Dame, de servir son cher Fils notre doux Maître, par la fidélité à ces petits conseils que je vous donne en leur présence sacrée et de leur part ; je vous en conjure derechef, par leur [356] infinie bonté, que je supplie vous donner surabondance de grâces, avec leur éternelle bénédiction. Amen.

LETTRE CCXVIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Il faut être libérale en ce qui concerne les soulagements à donner aux Sœurs. — Comment former peu à peu les sujets qu'on juge capables de la supériorité. — Conditions nécessaires pour une fondation.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 26 décembre 1619.

Bref, que les grandes lettres de cette si aimée grande fille me sont grandement aimables et agréables ! je les dévore avec consolation ; mais je n'ai pas le loisir de relire maintenant [la dernière]. Je loue Dieu, ma fille très-chère, en la conduite de votre maison, vous avez un très-bon conseil en ce Père. Avec cela vous pouvez demeurer en paix en vos déterminations.

Je trouve qu'il sera bon de ne pas retarder la petite Raton, sauf le conseil. Il faut modérer la chicheté de notre Sœur N..., lui élargissant le cœur et lui donnant une grande confiance ; vraiment, il faut avoir de la prodigalité pour le secours et les nécessités des Sœurs ; il lui faut ôter cela absolument ; jamais elle ne serait bonne Supérieure avec cette étrécissure de cœur. O Jésus ! il faut épancher l'argent où il va du soulagement des Sœurs. Ayez soin d'elle en cela, ma fille, et la donnez pour assistante à la directrice,[266] laquelle il ne faut pas faire portière, non, mais vous ferez très-bien de la faire appeler au parloir quand il y aura des gens de qualité ou d'Eglise, et que vous y traiterez d'affaires ; car il faut qu'elle sache cela, voire même, il l'y faut envoyer souvent toute seule, feignant que vous êtes occupée. [357] Je fais ainsi avec celles que je désire dresser pour être Supérieures.

Je ne vois pas qu'il y ait apparence d'envoyer à Montferrand pour trois filles ; car quel moyen de commencer une maison avec cela, et trois mille écus ? Il faut que madame des Roches tende ses filets de loin ; et pour Clermont, [qu'il y] ait des filles prêtes et propres, avec un fonds honnête pour commencer ; cinq professes pour le moins ; car autrement l'on gâte les novices mêmes. J'ai fini d'écrire ces fêtes à ma cadette que j'aime bien, et vous, très-chèrement. Bonjour, Jésus soit votre tout en tout ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXIX - À LA MÊME

Aimer la livrée de Jésus-Christ (c'est-à-dire l'humiliation) sur nos épaules et sur celles de nos amis. — Éviter les parloirs comme la ruine des maisons religieuses. — Heureuses sont les âmes qui se contentent de Dieu seul. — À la fin de l'année, on ne change pas à la Supérieure les objets à son usage.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. 1619.]

Ma toute chère fille, croyez qu'il y a bien ici de quoi se mortifier, souffrir et se résigner en cette nouvelle persécution[267] ; mais enfin il faut s'assurer que notre bon Dieu tirera sa gloire de tout, et sortira son serviteur, notre unique Père et cher Seigneur, de cette fournaise, plus reluisant qu'un soleil. Je [358] confesse à ma très-chère fille que j'ai un peu de douleur contre ceux qui avec trop d'ardeur et passion se sont portés à cette affaire, et n'ont pas su prévoir ce qui en pouvait arriver ; cependant, l'on ne parle point d'eux, et leur coulpe est jetée sur l'innocent. Dieu soit béni, j'ai néanmoins, ma fille, conservé la sainte paix, parmi tout ceci, grâce au bon Dieu. Je ressens vivement le trait que l’on jette contre cette renommée plus blanche que la neige, mais je ne laisse d'aimer la livrée du grand Sauveur sur les épaules de son digne serviteur qui en est paré et honoré avec plus d'honneur, que les rois ne sont avec leur manteau de pourpre. Écrivez-moi, je vous conjure, toutes les nouvelles de cet unique Père.

L'on dit que votre parloir est fort fréquenté, aussi est celui-ci ; mais je crois que c'est sans intérêt du recueillement et des justes devoirs, autrement, où il y a tant de gens, et de toutes sortes, nous ne subsisterons pas ; certes, j'ai un désir ardent de préférer Dieu et l'observance à tout respect humain. Que vous dirai-je encore, mon unique fille, sinon que bienheureuses sont les âmes qui se contentent de Dieu seul, et qui ne désirent rien de toutes les choses créées que ce que la divine Providence et les Supérieurs voudront ? Je vous proteste que voilà l'unique prétention que je veux donner à mon cœur, que si je ne le fais pas, je prie Dieu qu'il fasse miséricorde à ma faiblesse, et qu'il me tire de cette vie pour me loger au purgatoire.

L'on ne change rien à la Supérieure au bout de l'an ; c'est pourquoi, n'ayant rien de plus cher, je vous envoie en étrenne mon chapelet, avec le congé de notre Congrégation, et, sans son congé, je veux dire, sans l'avoir demandé, je vous envoie mon cœur, qui est tout vôtre, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [359]

LETTRE CCXX - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Comment la Supérieure doit agir avec la Sœur assistante et avec les Sœurs professes.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1619.|

[Le commencement de la lettre manque].

.....J'ai aussi répondu à votre dernière lettre par celle que je vous écrivis par Mgr l'archevêque. Rendez-vous toute familière avec vos professes, surtout avec l'assistante, communiquant avec grande franchise, cordialité et confiance. Cela est requis à une Supérieure, et encore que bien souvent je me sois oubliée de le faire avec vous, je ne faisais pas bien en cela, et ce n'a jamais été faute de volonté, mais d'attention, comme je le fais encore ici, où ayant plus de divertissements [empêchements], j'ai moins de mémoire d'apporter à la maison ce que j'apprends au parloir, et ce que je pense.

Je connais bien votre Sœur N..., c'est une bonne fille, Dieu lui donnera un jour la lumière pour se retrancher. Je salue très-humblement Mgr l'archevêque, etc.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [360]

LETTRE CCXXI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

La Sainte attend la décision de saint François de Sales pour entreprendre l'œuvre dite des Haudriettes, Dispositions à prendre pour le voyage de plusieurs Sœurs.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 29 décembre 1619.

Vraiment, ma très-chère fille, votre cœur m'est bon et bien doux ; je lui sais si bon gré de ce soin qu'il a eu de me faire savoir des nouvelles de mon très-cher Père. Hélas ! il est vrai que cela est tout mon bien : le grand Dieu me le conserve et continue ! Je reçus le jour sacré de Noël de ses nouvelles ; ce sont les fêtes qui l'ont retardé. Or, j'espère de vous écrire dans huit jours, car il faudra avertir Monseigneur de ce qui aura été résolu des Haudriettes,[268] lesquelles enfin l'on nous remettra ; priez et faites prier Dieu pour la conduite de ces affaires. Au reste, il faut que Monseigneur se détermine des filles qu'il faut renvoyer ici ; car il faudra les avancer tant qu'il se pourra. Il faut, ma fille, que vous aidiez à dresser l'équipage de Lyon : si l'on pouvait rencontrer quelque honnête femme qui vînt par deçà, avec laquelle on prendrait un coche, cela irait bien ; et encore pour la commodité entière, s'il y avait quelque honnête ecclésiastique qui se disposât à venir ici, tout cela irait par [361] excellence. Enquérez-vous voir, ma fille, et faites tout ce que vous pourrez pour bien dresser cet équipage-là ; peut-être serez-vous le chef de cette compagnie : certes, vous y feriez besoin ; mais il nous faut laisser gouverner par la divine Providence. Nous vous ferons tenir de l'argent pour l'ouvrage quand il sera temps.

Notre Sœur de Gouffier veut que je vous prie de faire aller un sergent bien fidèle donner assignation à M. son beau-frère ; vous le ferez prou. M. de Foras est hors de prison, il y a déjà huit jours. Faites tenir cette laine, s'il vous plaît, à M. de Boisy, lequel m'a écrit.

Adieu, bonsoir, ma très-chère fille. Dieu par sa grâce et sa bonté nous fasse finir en toute perfection, et renaître à une meilleure et plus parfaite vie. Amen.

[P. S.] Faites tenir promptement ces lettres, et donnez à Monseigneur le moyen d'envoyer au plus tôt la réponse. Je vous recommande celle de M. de Boisy.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCXXII - À M. MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DU SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY

Retour du saint Évêque auprès de ses filles d'Annecy. — Recommandations pour qu'il ne prolonge pas les veilles de la nuit.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. 1619.]

Vous n'aurez que ces lignes, mon cher Père, car maintenant que vous voyez ce que votre cœur désire, les trop grandes lettres vous seraient sans doute à dégoût. Je participe à votre contentement, et ne saurais dire la consolation que j'ai de sentir Monseigneur et très-unique Père au milieu de son petit peuple, [362] comme un roi de bénédiction et un père très-tendre qui pourvoira à leurs nécessités, avec une suavité et utilité toute sainte pour le bien de leurs âmes. Que vous êtes heureux de voir continuellement les actions de ce digne Père ! Faites-en bien votre profit, et ne vous endormez pas dans les délices spirituelles de notre cher petit Annecy, que j'aime mieux que toutes les grande s villes du monde qui n'ont pas tant de piété.

Au reste, mon cher Père, ces veilles que Monseigneur fait tous les soirs me seraient insupportables, si je n'avais confiance que notre bon Dieu a un soin particulier de le conserver pour le service de sa plus grande gloire. Il faut, tant que vous pourrez, mon cher Père, détourner les occasions, qui occupent son temps le jour, car ce qui vient à lui, il n'y a remède ; son incomparable douceur ne peut éconduire personne, et ne faut pas, je pense, le presser importunément d'éconduire les petites gens, parce que ce lui serait double charge par l'inclination qu'il a de donner du contentement et de la satisfaction à tout le monde. C'est un prodige de vertu et de bonté que ce très-digne Père. Priez Dieu que je le puisse imiter en quelque chose, et me croyez votre, etc.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [363]

ANNÉE 1620

LETTRE CCXXIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Intérêt que Mgr de Bourges porte aux Religieuses de la Visitation. — Sollicitude de la Sainte pour former les novices. — Bon exemple que doivent donner les anciennes.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Ma très-chère Sœur ma mie, je vous fais ce seul billet, sans nul loisir, parmi tant d'affaires et de malades dont il plaît à Dieu nous visiter. Je vous envoie les papiers que vous désirez tant. Ne soyez en peine ; notre bon Mgr l'archevêque de [Bourges], m'a fort témoigné d'affection envers vous autres, et m'a obligée de m'accorder la réception des filles de sept à huit cents écus, que je trouverai propres. Je crois que bientôt il vous en ira une d'Orléans, qui s'appelle mademoiselle N... Elle a un bon esprit intérieur. Nous vous en éprouverons ici encore des autres ; car nous les garderons pour leur donner les commencements et connaître si elles seront propres.

Je conjure nos bonnes Sœurs de s'affermir en l'observance, douceur et obéissance, afin qu'elles servent de bon exemple à ces filles que l'on s'essayera de leur envoyer. Je vous assure que nous tenons de si près celles qui sont ici, qu'elles me donnent bien de la consolation. Dieu, par sa douce bonté, les fasse croître de mieux en mieux. Amen.

Je n'écris pas à Mgr l'archevêque. Je pense qu'il sera à Nevers. Saluez-le quand il sera de retour, et l'assurez que je [364] ménagerai le mieux que je pourrai pour notre petite maison de Bourges. — Je ne peux écrire davantage ; un jour que j'aurai le loisir, j'écrirai à toutes ; cependant, je les salue très-chèrement et particulièrement celles qui m'ont écrit. Nous ne pourrons si promptement penser à loger la fille dont m'écrit notre Sœur Françoise-Gabrielle [Bally].

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXXIV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

La tranquillité et la simplicité d'esprit d'une Supérieure, jointes à une maternelle vigilance, aident efficacement au progrès spirituel d'une communauté. — Éloge d'un litre composé par une Mère Carmélite espagnole. — Importance du monastère de Paris qui doit être une pépinière pour la France. — L'indépendance de l'esprit nuit à la pratique des vertus religieuses.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 16-20.]

Oh ! qu'à jamais soyons-nous toutes sans réserve à ce divin Sauveur, ma toute chère fille.

Vos dernières lettres me furent données par l’agréable main du très-cher frère de votre cœur ; pensez, ma fille, si je fus aise et consolée de le voir et de l'assurer que je l'honorais d'une singulière et particulière affection, comme le bien-aimé frère du cœur que j'aime chèrement. Les nouvelles que vous m'en avez dites me consolent fort. Cette simplicité et tranquillité de soumission vous est uniquement propre ; vous n'avez à faire pour vous qu'à demeurer là, et veiller prudemment et charitablement sur votre chère petite troupe, pour l'avancer, avec un extrême amour et douceur maternelle, à la dilection sainte de notre doux Maître, par une totale et ponctuelle observance de la Règle. [365]

Monseigneur m'envoya un livre que je trouve excellent ; je le ferai transcrire pour vous l'envoyer, si plus tôt vous ne l'obtenez des Carmélites ; car c'est une de leurs Mères espagnoles qui l'a fait et l'adresse à une Supérieure ; il y a d'excellents documents pour les Supérieures, et je désire fort que les nôtres l'aient et en fassent profit.

Je vous assure, ma fille, que nous ne savons encore qui l'on mettra ici. Si la maison de Piémont ne nous bridait point et que facilement l'on vous pût dégager de Lyon, sans doute, je pense que vous passeriez ici ; mais entre ci et Pâques, l'on verra peut-être plus clair. Il n'y a point de doute que, si je suis crue, on choisira et préférera-t-on cette maison [de Paris] à toutes, à cause de sa grande importance, et que ce sera la pépinière pour la France. O Dieu ! que je lui souhaite une bonne Mère (car, en fin finale, le bonheur des maisons dépend d'elles [des Supérieures] après Dieu) : une Mère douce, prudente, zélée et de parfaite observance et de mortification. Vous ne sauriez croire comme notre Sœur Anne-Catherine [de Beau-mont] est sage et de grand exemple.[269] Nous avons ici de bonnes professes, niais nous en avons besoin encore de deux ou trois pour le moins ; maintenant que notre bon Seigneur est à Nessy, il verra, mais il faudra attendre le mois de mars.

J'ai vu N..., qui m'a dit que la bonne Sœur *** était fort mal, et que ce serait charité de la faire traiter par les médecins ; il me dit encore ce qu'elle lui avait dit, qu'elle trouvai ! que les esprits étaient grandement sujets [trop assujettis] et qu'elle avait grande difficulté à s'accommoder à cela ; n'est-ce pas là une grande misère ? Notre bon Dieu a voulu être attaché à la croix, et nous ne voulons pas nous assujettir pour son amour à une manière de vie toute douce et toute sainte ! Or, parce qu'il me semble que cette fille a bon esprit, je voudrais bien [366] qu'elle persévérât. Il ne faut pas faire semblant de savoir sa difficulté, mais il faut gagner son cœur, s'il y a moyen, et essayer de l'affranchir de cette difficulté. Dieu accomplisse en tout sa très-sainte volonté et nous comble de grâces, ma très-chère fille. Je suis toute vôtre.

Dieu soit béni !

[P. S.] J'ai reçu vos lettres et les deux de Monseigneur. Je me servirai toujours de cette voie et jamais de la poste. Je vous prie, faites-le même, ma très-chère fille.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXXV - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Il faut obéir simplement et gracieusement en tout ce qui regarde le soulagement corporel, et se montrer toujours communicative, ouverte, franche, cordiale et joyeuse.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620]

Je ne sais, ma très-chère fille, si vous aurez reçu ma dernière lettre ; Dieu me la donna ainsi, et maintenant je vous dis encore de sa part que vous obéissiez tout simplement, tout doucement, tout cordialement et gracieusement à notre Sœur [Françoise-Gabrielle], en tout ce qui regarde le soulagement de votre corps, sans y manquer, disant, naïvement comment vous vous sentez, avec une douceur qui ne lui ôte pas la confiance de vous dire ce qui lui semblera bon.

Je vous envoie ce livre ; si vous voulez, faites-le copier ; il y a de très-bons points de grande utilité, voire, nécessaires pour celles qui sont en charge. Enfin, il se faut faire tout à tous pour les gagner tous.

J'espère de vous envoyer deux ou trois bons cœurs de filles [367] ce Carême. Soyez grandement communicative, ouverte, franche, cordiale et joyeuse. Souvenez-vous encore de ce que je vous ai dit tant de fois : tâchez d'animer vos paroles tant qu'il vous sera possible, afin qu'elles pénètrent mieux les cœurs de vos filles. Dieu soit votre tout. Amen. Priez pour nous.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXXVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Dieu ne se plaît pas en nos maux, mais en notre patience à les souffrir. Nouvelles du monastère de Paris. — Projets de fondations pour Nevers et Orléans.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 13 janvier 1620.

Ma très-chère fille, je vous écrivis mardi dernier que Mgr de Lyon avait répondu verbalement à mon neveu de Neuchèze, que vous fissiez vos novices professes[270] ; il dit de petites raisons, mais enfin il conclut cela. Je prie Dieu qu'il ait soin de ces pauvres chères Sœurs malades, et leur donne la force de porter leur mal utilement. Mon Dieu ! ma très-chère amie, que les tribulations nous devraient être précieuses ! mais toute l'importance est à les bien ménager ; car Dieu ne se plaît pas en nos maux, mais en la patience avec laquelle nous les souffrons.

L'affaire des Haudriettes s'avance ; nous n'avons [point] encore vu les articles que l'on dit qui sont fort à notre avantage ; certes, il n'y avait pas moyen d'entreprendre cette affaire autrement. Nous sommes toujours en peine d'une place pour nous arrêter ; faites prier pour cela, je vous en prie. Au reste, l'on nous demande avec assez bonne enseigne à Nevers et à Orléans ; nous n'avons besoin que de bonnes Supérieures ; Dieu par sa toute [368] bonté nous en veuille donner. Vous aurez bientôt le livre des Carmélites, car je le fais transcrire. Bonsoir, ma fille, je suis lasse. Nous avons aujourd'hui donné l'habit à une demoiselle de bon lieu, honnête et bonne fille[271] ; c'est la treizième novice. Dieu y donne sa sainte bénédiction. Je suis, vous le savez bien, ma fille, toute très-vôtre, et Jésus soit tout votre bien. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXXVII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Bel éloge de la Mère de Châtel par saint François de Sales. — Avantages qu'il faut tirer des négligences involontaires. — Ne vouloir que Dieu et ne chercher de consolation qu'en Lui seul.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 13 janvier 1620.

Eh ! comment, ma très-chère fille ma mie, pourquoi attendiez-vous de moi une lettre sévère ? Certes, il faut que je vous dise franchement, et la gloire en soit à Dieu, votre cœur est trop bon pour être gourmande, et quand il serait mauvais, je ne voudrais pas le faire.

Monseigneur m'écrivit ainsi en me parlant de nos maisons qu'il avait vues : « Il faut dire la vérité : à Grenoble, je trouve une, mais une Supérieure toute selon mon cœur. » Or, pensez, ma fille, si cela me fit grand bien ! Oui, certes, je vous aime très-chèrement, et je ne saurais vous dire rien de mieux, sinon que vous cheminiez toujours fermement en votre chemin qui est très-bon, et sans regarder ni à droite ni à gauche. Vous êtes admirable à vous plaindre de vous-même. Or sus, s'il plaît à Dieu que vous soyez ainsi si infidèle, je veux dire s'il permet [369] que nous ayons quelques petites négligences, c'est afin que nous ayons toujours de quoi nous humilier.[272] Quand Dieu vous consolera, recevez ses consolations fort simplement, et enfin le bien et le mal également. Bref, ma fille, il faut que nous nous unissions à Dieu en tout et de tout, et conduisez vos filles à cela.

Il n'y a remède ; il faut avoir encore un peu de patience. Dieu vous pourvoira d'un Père spirituel ; cependant, soyez toute chose à vos filles, il va bien ainsi. J'ai bien de la consolation de ce que vous me mandez qu'elles font bien. Eh ! Seigneur Jésus ! comblez cette bénie troupe de votre sainte bénédiction.

Priez fort pour nous, nous avons une peine nonpareille à trouver bien pour nous loger. Nous nous verrons cet été, je l'espère, cela dépend de Monseigneur. Or enfin, ma fille, il ne faut vouloir que Dieu ; nous serons très-heureuses s'il est notre seule consolation, et que nous n'en voulions point d'autre. Pour l'amour de Dieu, tenons-nous à cela, et que tout le reste ne nous soit rien. Adieu, ma mie ; priez et faites prier pour mes enfants, je vous en prie. Croyez assurément que vous êtes la très-chère fille de mon cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [370]

LETTRE CCXXVIII - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Sentiment de diverses personnes sur la nomination projetée de saint François de Sales à l'évêché de Paris. — L'affaire est remise au Souverain Pontife. — Plaintes filiales de la Sainte touchant le silence que garde son Bienheureux Père sur des questions qu'elle lui avait adressées.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1620.

Mon très-honoré Seigneur et unique Père, J'appris hier, par M. Vincent,[273] qui vous honore et estime plus qu'il ne se peut penser ni dire, tout le dessein que l'on a de vous attirer en France. Tous les plus pieux et solides esprits d'ici considérant cette proposition, et pesant de part et d'autre toutes les raisons, sont en grand suspens de ce qui sera plus à la gloire de Dieu.

M. Vincent me le disait hier, ajoutant qu'il semblait que Dieu vous avait mis comme un boulevard contre cette misérable Genève, et comme un mur inexpugnable entre la France et l'Italie, pour empêcher l'hérésie d'y entrer ; que l'on ne savait aussi si Dieu vous avait destiné pour être ici comme sur le théâtre du monde, pour servir d'exemple et de lumière à tous les prélats delà France ; qu'en une si grande vigne un tel ouvrier profiterait grandement et plus qu'en un petit coin du monde. On dit que vous devez peser vous-même cette affaire et sentir ce que Dieu désire de vous. On vous loue extrêmement de ce que vous vous en rapporterez au Pape, pourvu, dit-on, que vous lui exprimiez largement toute l'affaire. Enfin, mon très-unique Père, les jugements des hommes veulent tout ménager ce qui est du leur et encore ce qui est d'autrui ; mais dites-moi si je vous devais celer ceci ou si je fais bien de vous le dire. J'aurais, ce [371] me semble, la conscience chargée de vous taire quelque chose, et il faut que je vous dise une fois pour toutes que quand je regarde du côté où vous êtes, je me sens fort inclinée à ce que vous y demeuriez ; mais si je regarde de deçà et que je pense que peut-être Dieu vous y appelle pour sa plus grande gloire,[274] je demeure en indifférence, désirant infiniment que Notre-Seigneur accomplisse sa très-sainte volonté en nous.

Vous m'obligez grandement de me dire ainsi des nouvelles de votre tout bon et très-aimable cœur. Faites-le toujours, mon Père, je vous en prie, c'est ma très-chère consolation. Mais ne vous dois-je pas dire en simplicité que par deux ou trois fois il m'est venu un peu d'émotion en l'amour-propre, de ce que vous ne me répondez rien à tout ce que je vous demande qui touche mon particulier et sur mes plaintes ? Vous avez grand tort, mon cher Père, car mon amour-propre en serait beaucoup satisfait. Hé Dieu ! que j'en ai toujours mon plein sac de ce misérable amour-propre ! Dieu le veuille anéantir !

Je vous remercie beaucoup de la charité que vous faites à mes enfants ; j'avais besoin d'être soulagée et aidée dans cette charge, je me contente de leur avoir acquis le bien et le trésor de votre sainte assistance devant Dieu. Je ne quitterais pas cela pour aucune bonne fortune, etc.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [372]

LETTRE CCXXIX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Plan uniforme à suivre dans la construction des monastères. — Conseils pour la fondation projetée de Nevers.— Avis sur les rapports de la Visitation avec les Ordres religieux. — Les Sœurs fondatrices doivent être des règles vivantes. — La Sainte presse saint François de Sales de faire des entretiens aux Sœurs d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 12 février 1620.

Je viens tout maintenant de recevoir votre dernière lettre, ma très-chère Sœur. Mais, pour répondre à la première, vos gens qui ont charge de vos affaires ne nous en ont point parlé ; il faut bien qu'ils aient des adresses suffisantes. Dieu, par sa bonté, vous assiste, afin que cette petite maison subsiste à sa gloire.

J'eusse bien fort désiré de voir le plan de votre maison, car tant qu'il se pourra, ma très-chère Sœur, il nous faut faire nos monastères uniformes. Je vous prie donc de nous l'envoyer, parce que nous sommes occupées à en faire faire un. Je serais bien aise qu'il y eût de la correspondance. Bien donc, il faudra que Monseigneur pourvoie d'une Supérieure pour Nevers.[275] Je trouvai bien la difficulté être grande de vous tirer de là maintenant. Pour ce qui est de notre Sœur N..., je ne puis savoir sa capacité, parce que je ne l'ai pas quasi vue depuis son départ de Nessy. C'est bien mon sentiment ce que vous m'en mandez ; elle a eu un peu de tentation en elle ; Monseigneur l'avertit ; elle m'a fait sa décharge, et j'espère, Dieu aidant, que tout ira mieux et avec plus de largesse de cœur. C'est une vraie bonne fille, mais la diversité des esprits éprouve. Je vous dis ceci, parce qu'il me semble que vous m'en avez touché autrefois [373] quelque chose ; et puis, avec vous, ma très-chère fille, je me mets toujours au large. Puisque donc votre maison ne peut pas donner de Supérieure, et qu'elle doit partir de la maison de Nessy, que vous en êtes aussi, il me semble que c'est de la part de Mgr de Genève qu'il faut traiter, et sous son bon plaisir. Néanmoins, voyez voir ce que vous en dira le Père recteur.

Ce que je fais en ces quartiers, c'est en suite de mon obéissance qu'il m'a baillée, qui note les lieux des établissements avec le pouvoir de tirer les filles. Pour cela, je lui en écrirai à la première commodité. Cependant vous aurez le conseil du Père recteur, et pourriez, sous de simples signatures, accorder les conditions. Sous les conditions ci-dessus, je ferai parler à Mgr de Lyon, et le ferai presser pour arrêter l'affaire. Il me semble, et il est vrai, que vous m'avez mandé que le bon Père accommoderait le logis, attendant que les filles en puissent acheter un... cela est bien requis. Quoi qu'il en soit, je crois que Monseigneur[276] sera bien aise d'accepter cette fondation, car le lieu est désirable.

O ma chère fille, il faut être bien dextre pour s'entretenir avec les Pères de *** sans s'y assujettir, car c'est un corps véritablement bon et qui nous peut beaucoup aider, mais il faut éviter les attaches et dépendances, car à la longue cela nous retrancherait notre liberté d'appeler qui bon nous semble. Mais l'on verra comme cela se pourra accommoder ; cependant il faut témoigner de la gratitude.

Je suis toute consolée de ce que vous me mandez de notre chère Sœur M.-Hélène [de Chastellux]. J'ai toujours pensé que si cette fille prenait le dessus, elle se rendrait utile. Dieu en soit béni ; mais donc il ne sera plus requis de vous faire venir une maîtresse de novices ; il le faut dire. Hélas ! ma très-chère [374] fille, prenez, je vous supplie, tout simplement, ce que je vous dis simplement. Ce qui est propre à une chose n'en est-il pas bien capable ? Il est vrai, j'aime et estime vos filles, et ce que je vous ai mandé qu'il fallait qu'elles fussent une Règle vivante, cela est parti de ce grand désir que j'ai que nous le soyons toutes, et surtout celles qui sont employées aux fondations, parce qu'elles donnent la forme aux autres. Je crois que ce sera assez de donner trois ou quatre filles professes avec les deux filles qui seront novices, et s'il se peut, ma très-chère Sœur ma mie, attirez encore la fille de ce gentilhomme ou quelque autre, car il ferait grand bien qu'elles fussent trois ou quatre. Si vous ne prenez la fille dont je vous ai écrit, pour le voile blanc, elle serait bonne pour Nevers ; elle est forte et aura quelque chose ; cela serait autant.

Il faut avoir patience avec la pauvre madame de Gouffier ; si elle se retire parmi nous autres, cela se passera doucement ; si moins, et qu'elle veuille avoir quelque chose, il faudra essayer de retrancher sa prétention et la faire prendre haleine. Je crois que tout se passera doucement si l'on montre lui être obligées et que l'on use de prière. Nous sommes en la même peine pour ce qui nous regarde de cette maison, avec moins de fondement. Que faire là, sinon patienter et la tenir contente le mieux que l'on pourra ?

Je suis bien pressée, ma très-chère fille ; si je ne puis écrire à madame du Tertre, vous ferez mes excuses. Dieu vous comble de bénédictions, et toute votre chère famille. Vous savez, et il est vrai, que je suis vôtre de tout mon cœur.

Dieu soit béni !

[P. S.] Ma très-chère Sœur, au nom de Dieu, soulagez-vous et vous conservez- mais je vous en prie, ma chère amie. J'ai eu ces quinze jours passés une assez bonne défluxion ; cela est passé, Dieu merci. Monseigneur se porte bien ; il exhorte fort [375] nos Sœurs [d'Annecy] ; c'est pour l'utilité de toutes les maisons.[277] Je l'ai fort prié de le faire tandis qu'il est là, car l'on ne sait si ce sera pour longtemps.[278] Il est besoin de prier et faire prier pour cela. Enfin, ma très-chère fille, c'est notre unique Père, mais il s'en faut priver, puisque Dieu le veut. Que nous serons heureuses quand ce divin Sauveur sera notre seule consolation ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXXX - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

La pureté du cœur et le mépris du monde disposent l'âme à recevoir abondamment les grâces du ciel.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 12 février 1620.

Oui, ma chère Sœur, je vous écrirai autant qu'il me sera possible, puisque votre bonté le désire et que la communication que vous me faites de votre cœur m'y oblige. Mais n'êtes-vous pas heureuse d'avoir ainsi vidé et répandu toute votre âme devant Dieu ? Il faut que dorénavant vous soyez extrêmement jalouse de sa pureté, et que, par votre sainte correspondance aux grâces de Dieu, vous vous disposiez pour en recevoir une si abondante, qu'elle vous joigne pour jamais à sa divine Bonté. Ma très-chère fille, qu'est-ce tout le reste et tout ce que le monde estime ? n'est-ce pas un vrai mensonge ! À quel propos donc s'y affectionner ? Bon Dieu ! nous laisserons-nous toujours [376] tromper comme de vrais enfants ? Oh ! certes, cela n'est plus recevable ! Pardonnez-moi, je dis ceci à perte d'haleine ; je souhaite toutefois que vous le fassiez, et je prie Dieu qu'il vous en fasse la grâce.

Ma très-chère Sœur, vous êtes avec une âme que je chéris uniquement[279] et qui est très-capable de vous bien servir. Ne vous l'avais-je pas bien dit ? faites-en profit. Je vous sais bon gré d'avoir soin de sa santé ; Dieu la conserve et vous donne ses plus saintes bénédictions !

Je suis, ma très-chère Sœur, votre plus humble servante en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCXXXI - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

L'obéissance est due aux prélats. — Utilité de la correction publique. Profession des Sœurs associées.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1620.

Ma très-chère Sœur,

Vous avez très-bien fait d'obéir simplement à Mgr l'archevêque ; c'est chose que nous devons, et son désir que la fille soit gardée jusqu'à Pâques n'apportera point de préjudice à la maison ; mais croyez qu'il n'a garde de vous dire de la garder davantage, sinon que Dieu fasse un miracle et la change visiblement d'ici là ; il ne se faut pas étonner de ce qui est arrivé pour elle. Cet esprit-là n'avait nulle disposition pour recevoir le saint habit ; Dieu a permis pourtant qu'elle l'ait reçu, afin que celles qui viendront après elle soient mieux examinées, et que l'on y [377] voie les signes et marques que la Règle note, avant que de les introduire.

Pardonnez-moi, ma fille, il ne fallait pas attendre d'être en particulier pour corriger notre bonne Sœur N Vous fîtes très-bien de la mortifier en présence des autres, devant lesquelles elle avait manqué au respect et soumission qu'elle vous doit, car elle les édifia mal, et méritait d'être corrigée sur-le-champ ; mais, après, encore il lui faut dire fermement, quoique cordialement, qu'elle se garde de faire telles échappées, et qu'elle suive ce que la Règle lui enseigne en telle et en toute occasion. Il faut supporter toutes les infirmités corporelles de notre bonne Sœur N..., mais il lui faut faire entendre fermement qu'il faut qu'elle se soumette, et la faire souvent parler à quelqu'un qui lui prêche cette leçon.

Peu de gens du monde sont désintéressés, ma chère fille. Vous aurez réponse de Monseigneur.[280] Il ne faut rien changer en la profession pour être Sœur associée ; il n'y a que l'intention qui fait la différence des rangs, et la Règle montre l'obligation de chacun.

Nous avons prié pour la bonne mademoiselle de Jars, elle est bienheureuse ; mais comment se porte madame de Jars ? Je la salue très-humblement, et tous nos amis et amies. Je salue mon neveu [de Neuchèze], et de la part de M. de Boisy qui m'en prie, et de lui dire qu'il voudrait qu'il eût la coadjutorerie de Bourges, comme il a celle de Genève. Dieu le veuille ainsi, si c'est pour sa gloire ! Mais mille cordials saluts à nos pauvres Sœurs que j'aime bien. Nous avons toujours nos deux filles ; nous sommes embarrassées [de savoir] comme vous les envoyer.

Ma très-chère fille, je suis vôtre en Notre-Seigneur. Amen.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [378]

LETTRE CCXXXII - À SAINT FRANÇOIS DU SALES

Visite de M. Deshayes et sentiments de hauts personnages au sujet de la nomination de saint François de Sales à l'évêché de Paris. — Admirable délicatesse de conscience de la Sainte qui lui montre comme faute grave un manque de naïveté dans ses expressions. — Elle fait part des arrangements pour la fondation de Nevers, prie le Saint d'écrire deux ou trois fois par an aux Supérieures, et le félicite d'avoir Jean-François de Sales pour coadjuteur.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 3 mars 1620.

Mon très-cher Père,

Hier soir, M. Deshayes[281] me dit qu'il avait enfin trouvé l’occasion de parler à Mgr le cardinal,[282] auquel il avait dit comme il avait parlé au Roi[283] et à M. de Luynes de ce grand dessein[284] ; qu'il avait trouvé l'un et l'autre toujours en bonne volonté ; mais que ce n'était pas chose à quoi ils voulussent penser maintenant ; que cette occasion étant retardée, s'il n'y en avait une convenable à votre naissance et à votre qualité, il n'y aurait pas apparence de vous tirer de là ; que si sa pensée n'était que de vous laisser l'administration du diocèse et la charge des âmes sans l'assurance de la succession à l'évêché, il n'était pas besoin de vous tirer pour cela ; qu'il y avait ici plusieurs grands docteurs, comme M. d'Archides et M. Courteau, et tant d'autres, qu'il pourrait employer à l'administration des sacrements et autres fonctions épiscopales et tout plein d'autres choses [379] semblables dont il ne me souvient pas ; qu'il s'assurait que lui (Mgr le cardinal), qui vous aimait, s'il désirait vous attirer ici, il pouvait vous procurer un emploi aussi digne de vous ; que toute sa famille désirait avec passion et affection cordiale de vous voir coadjuteur (il est vrai, spécialement M. le général,[285] qui a une si parfaite estime de votre probité, qu'ils seraient grandement consolés tous de voir cette pièce [place] conservée pour leur fils, par ce moyen). Mgr le cardinal fit une réponse pleine d'honneur et d'affection ; [il dit] que ce qui était de son pouvoir, il l'emploierait sans réserve ; que sa maladie l'avait fait résoudre absolument ; que l'effet de son désir dépendait du Roi et de M. de Luynes ; que, dans quinze jours, il ferait son effort, puis qu'il avertirait. Voilà en substance ce que le très-bon M. Deshayes me dit à soir, et m'ordonna de vous l'écrire, attendant qu'il le fasse après la réponse et résolution du Roi.

Mon très-cher Père, prenez bien garde que l'entremise de M. Berger ne détourne la conduite de cette affaire des mains de notre cher ami, lequel me console de le voir tant vôtre. Le bon Père Binet[286] vous salue très-cordialement ; il ne se peut dire combien il vous chérit et estime ; il n'est pas du sentiment de nos sages, il voudrait bien que vous vinssiez, pourvu que ce fût à bon titre. Il m'est demeuré sur le cœur de ce que je ne le nommai pas. Tout ce que je vous dis la dernière fois est de la bouche de M. Vincent ; mais, à mon avis, il est très-probable que [380] c'était le résultat du conseil de MM. Duval,[287] de Montelon et Vincent, car ce sont trois têtes dans un chapeau.

Or, il faut que je vous dise tout naïvement, mon très-cher Père, qu'en ces deux dernières lettres j'avais une secrète inclination que vous entendissiez les opinions, considérations et aversions dont je vous parlais, être encore plus grandes que je ne vous le disais, car si bien je me suis gardée exactement de mentir, j'ai connu néanmoins quelque manquement de naïveté, mais j'étais si pressée la première fois, que je n'ai su le réparer sur-le-champ. À la seconde lettre, quoique je m'en fusse avisée, néanmoins je m'aperçus que je ne nommais pas les personnes ci-dessus, par cette même inclination, et je me résolus de le faire en une autre rencontre, mais je l'oubliai. Voilà qui me pesait que je ne vous l'eusse pas dit. O mon Dieu ! ne permettez jamais que je manque à la naïve vérité et simplicité que je dois avoir avec mon très-cher Père. Certes, ce n'est point ma volonté de rien déguiser. Je vous ai déjà mandé comme je me trouve pour ce sujet.

Notre chère Mère de Port-Royal[288] voudrait savoir si elle fera [381] retraite ce Carême et ce qu'elle y fera. Si l'on n'a point de vos nouvelles, elle fera comme nous ; c'est une âme puissante en Notre-Seigneur. Elle m'écrit avec une largesse de cœur nonpareille et veut absolument que je voie toutes ses lettres ; je lui ai résisté, mais il faut céder.

Je voudrais bien, mon très-cher Père, s'il vous plaît, que vous fissiez la visite [canonique] et tinssiez le chapitre chez nous [à Annecy], avant le départ de nos Sœurs, afin que cela nous servît de modèle pour les autres maisons. Certes, nous ne demandons point de le faire tenir ici, que nous ne sachions comme il ira de notre demeure.

L'on nous a mandé qu'il n'était pas besoin de procuration pour traiter de la maison de Nevers. Notre Sœur Jeanne-Charlotte [de Bréchard] pourra faire les petits accords, et il suffira que la Supérieure que vous y destinerez ait votre obéissance, et l'on pense aussi qu'il ne sera pas besoin de presser Mgr de Lyon d'exécuter sa commission, croyant que, la Supérieure étant de Nessy, les autres filles que l'on tirera de Moulins passeront ainsi ; mais si vous jugiez plus à propos que la commission fût exécutée avant que d'en tirer des filles, on l'en ferait supplier. Je pense qu'il n'est pas besoin d'avancer la venue de nos Sœurs pour les fondations, car cela peut se différer jusqu'à la Saint-Jean. Je n'écrirai point davantage pour ce coup, mon très-cher Père. Je salue chèrement, s'il vous plaît, nos très-chères amies, vous les connaissez, et nos pauvres Sœurs et mon pauvre cher neveu, tous messieurs vos très-chers frères. Jésus notre bon Dieu comble votre chère âme et l'anime de son très-pur amour ! Nous allons un peu le voir au Très-Saint Sacrement, car nous faisons comme les grands : ces trois jours il est exposé, nous avons tous les jours sermon, le peuple y vient à la foule, Dieu soit béni, mon vrai et très-cher Père !

[P. S.] Cette lettre m'est demeurée jusqu'aujourd'hui. Cependant je reçus une lettre de notre Sœur Claude-Agnès [Joly de la [382] Roche] qui m'assure que vous vous portez très-bien, mon très-cher Père ; j'en loue et bénis notre bon Dieu. Je pense que cette fille se fait fort bonne, je le vois au travers de ses lettres. J'ai toujours pensé qu'elle ferait très-bien avec l'autorité. Certes c'est chose bien difficile que faire entièrement mourir le naturel. Souvenez-vous, s'il vous plaît, mon très-cher Père, de répondre à la demande de notre petite Supérieure de Bourges, touchant cette fille. Je vous assure, mon très-cher Père, qu'il faut, s'il vous plaît, que votre bonté se communique quelquefois à ces pauvres Supérieures qui sont si éloignées de nous. Hélas ! elles me font compassion ! Deux ou trois fois l'an, écrivez-leur, mon très-cher Père, et à la pauvre madame de Gouffier, je vous en supplie, mon très-cher Père. Mon Dieu ! je sais que vous abondez en amour et dilection pour toutes ces chères âmes qui sont nôtres, et que vous ne manquez que de temps, mais je sais bien que vous ne vous fâcherez pas que je vous supplie de faire un petit effort en cela. Vous êtes tellement l'unique Père, qu'un petit mot dilate et console les cœurs non pareillement, cela tient de la nature, mais quel moyen de mourir toutes là ?

Voilà donc mon très-cher neveu [de Boisy] coadjuteur ; loué soit Dieu ! C'est une affaire faite et bonne en tout événement. Il m'écrit un billet où je vois qu'il en est tout joyeux. [Ne] faudra-t-il pas dorénavant lui dire Monseigneur ? Oui ou non, s'il vous plaît, mon très-cher Père. Oh ! que Dieu vous fasse très-saint en tout ce qui vous touche ! Amen.

Les chères filles d'ici sont tout affectionnées autour de Notre-Seigneur au Très-Saint-Sacrement. Elles vous saluent très-humblement. J'ai bien d'autres choses à vous dire, mais il faut finir, mon toujours plus unique et très-cher Père.

Nous voici en notre récréation, mon très-cher Père, toutes ces filles me crient de vous assurer qu'elles veulent être très-bonnes. La petite fille Ronsin dit qu'elle ne veut avoir d'amour que pour Dieu et pour vous. Les deux à qui vous donnâtes [383] l'habit les dernières veulent être les chères filles. Elles voudraient être nommées toutes, mais je leur ferme la bouche, car c'est à qui en dira le plus. Si la lettre que vous recommandiez à M. de Serre... était pour madame de Jordre, elle a bien été envoyée ; mais notre Sœur de Gouffier n'en sait rien, car je lui cèle les lettres que vous lui écrivez [à madame de J.] ; car, si elle les voyait, cela accroîtrait son opinion. Bonsoir, mon vrai Père ; toutes vous demandent votre sainte bénédiction. Mardi soir, 3 mars.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXXXIII (Inédite) - À MADEMOISELLE DE CHANTAL

SA FILLE

La Sainte lui annonce que M. de Toulonjon la demande en mariage.

VIVE † JÉSUS !

Paris, mars 1620.

Dieu soit béni, ma très-chère fille, qui a soin des enfants qui se confient en Lui ! Je pense que sa divine Providence vous aura adressé ce qui vous sera convenable ; pour moi, je trouve n'y avoir rien à désirer de plus raisonnable. Votre frère vous ira trouver pour vous dire qui est le gentilhomme,[289] lequel vous ne connaissez point, quoiqu'il vous ait vue. Il est notre voisin de Monthelon, un fort honnête et brave gentilhomme, riche aussi, bien accommodé chez lui, et qui vient avec tant d'honneur faire cette recherche qui nous oblige extrêmement. Je vous en prie, ma fille, me mandez promptement et franchement si vous n'êtes point préoccupée, car si vous ne l'êtes et que vous teniez votre esprit dans la raison et soumission que vous me promettiez dans [384] votre dernière lettre, vous serez plus heureuse que vous ni moi n'eussions su penser. Pour Dieu, ma mie, remettez bien tout votre cœur entre les mains de Dieu, et ne vous laissez préoccuper par aucune sorte de niaiseries, ni vaines appréhensions et considérations ; laissez-nous faire, car votre bonheur nous est plus cher qu'à vous-même.

S'il plait au grand Dieu d'acheminer cette affaire à bonne fin, mon Dieu ! que vous serez contente et heureuse ; car ce gentilhomme ici me plaît du tout. Je laisse à votre frère de vous dire le reste. N'en dites rien à personne, mais priez Dieu et m'envoyez réponse au plus tôt, mais n'y faillez pas ; écrivez-moi plutôt par deux voies ; j'enverrai au coche dans quinze jours ; je vous prie, que j'aie réponse. Au reste, je vous ai déjà mandé que vous pressassiez M. Coulon pour vendre Foretz. Je vous prie, tenez main à cela, car il faut que les trois mille écus d'argent soient comptants, je l'ai promis. Faites en sorte que M. Coulon vous fasse payer tout au moins dans six mois ; mais tenez main à cela et le pressez, veillez-y et ne faites point de dépense extraordinaire. Je vous écris fort empressement. Dieu vous bénisse, mon enfant ; louez Dieu avec moi et le bénissez à jamais.

Je traiterai bien à votre avantage ; n'ayez soin de rien, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Reims. [385]

LETTRE CCXXXIV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Dangers courus par Celse-Bénigne. — Annonce du mariage de Françoise. — Sage prudence à garder dans le choix des prétendantes. — Achat du terrain pour la fondation de Nevers. — M. de Boisy est nommé coadjuteur de Genève.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 12 mars 1620.

Je le crois bien, ma très-chère Sœur, que vous avez grandement été touchée sur la nouvelle de l'accident qui est arrivé à mon fils,[290] car vous avez un cœur si abondant en dilection pour moi, qu'il ressent tout ce qui me touche. Je ne vous en avais rien dit en vous écrivant, parce que je n'y pensais plus, et que Dieu me fit la grâce d'être fort peu émue de cet accident qui me fut dit assez crûment ; mais, en effet, ce fut une rencontre inopinée, et en laquelle un plus sage que lui n'eût dû refuser l'assistance et le secours à son ami maltraité ; mais tout cela selon le monde. Il n'a pas laissé d'en être en peine, sans incommodité toutefois, et tout cela est accordé. Le bon gentilhomme que les sergents voulaient amener fut fort blessé, et n'est pas encore guéri ; mais, grâce à Dieu, tout le reste est sur pied ; vos prières ne lui seront [pas] inutiles ; il en a besoin.

Nous pensons marier ma fille avec M. de TouIonjon, frère de madame de Poivrière ; c'est M. Dantesy qui nous l'a adressé. Mon neveu des Francs et mon fils le connaissent fort, ils trouvent qu'elle sera fort bien logée, et m'ont conseillé de ne pas refuser ce parti. Il s'est déclaré avec tant d'honneur et de respect que rien plus ; il est bien brave homme et franc. N'en dites rien [386] encore ; mais, ma mie, priez pour cela, car je crains l'irrésolution de ma fille ; cependant elle me sert d'épine. Notre M. Lefèvre n'est point venu ; si vous m'eussiez dit où il est logé, je l'eusse mandé [et] prié de venir jusqu'ici ; cependant M. le chancelier pourrait bien être avec le Roi.

La fille que je vous ai proposée pour le voile blanc est d'auprès de Moulins ; mais si vous en avez de propres, toutes connues, il n'importe, n'en soyez en souci. Je trouve votre pensée très-bonne de traiter avec les filles pour la fondation de Nevers. On a fait ainsi à Orléans ; mais, ma chère amie, prenez garde défaire vos affaires bien sûrement et de ne traiter qu'avec de bonnes filles-, comme vous savez qu'il les faut. Au reste, faites bien voir la place que l'on vous propose avant que [de] l'acheter. Que si l'on pouvait faire comme à Orléans, acheter en cas qu'elle fût trouvée propre, et la louer si elle n'était propre pour s'y arrêter du tout. Ce que vous me dites que les Carmélites la prendront me fait bien douter ; car elles sont grandement prudentes et assistées de personnes bien vigilantes, mais le bon Père de nos Sœurs [Bonsidat] peut beaucoup avec l'avis des Pères Jésuites. Je crois ou je crains que l'on ne soit bien aise de nous reculer, à cause de cette nouvelle arrivée des bonnes dames Carmélites. Or, enfin, il faut mettre l'affaire entre les mains de Dieu, et suivre bon conseil comme vous faites. Il sera nécessaire d'être assurée du consentement de Messieurs de Nevers et de la ville, avant que de faire venir les filles ; c'est pourquoi il faudra qu'au moins à Pâques il puisse être obtenu, car il y a si loin jusqu'à Nessy, et je pense qu'à la Pentecôte on fera venir celles qu'il faut pour Orléans.

À propos, vous ne m'avez pas dit si l'on vous fera venir une maîtresse des novices. Puisque la chère Sœur Marie-Hélène [de Chastellux] fait si bien, je crois qu'il suffit. Il est vrai, mon enfant, je crois qu'il suffira que la Supérieure de Nevers soit de Nessy, et qu'il sera bon de laisser faire Mgr de Lyon comme il [387] voudra, sans le presser. Votre Père spirituel peut donner la licence pour tirer des filles.

Vous voyez que je vous écris à perte d'haleine. Nous sommes toujours ici incomparablement occupées, mais c'est que je me trouve avec un grand rhume pour lequel on me saigna hier. Vous savez combien je suis sujette à telle incommodité ; il n'en faut pas avoir une ombre de peine. Plût à Dieu, ma très-chère amie, que vous [vous] portassiez aussi bien que moi, et que l'on vous soignât autant ! Cela me fait mal que vous n'ayez personne qui le fasse comme il faut. Dieu y veuille pourvoir par sa bonté ! Faites de votre part tout ce que vous pourrez, je vous en conjure.

Il y a longtemps que je n'ai eu nouvelles de Monseigneur, mais je sais qu'il se porte bien, Dieu merci. Je pense qu'il ira bientôt en Piémont. M. de Boisy est coadjuteur en l'évêché de Genève. Je cours à la fin, saluant votre chère troupe et votre hôtesse. Je ne puis écrire davantage. Bonsoir, ma toute très-chère et très-bonne Sœur, que j'aime uniquement ; pressez vos filles tout doucement à cette sainte tranquillité et recueillement. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXXXV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Deux motifs qui permettent d'outre-passer, dans la réception des sujets, le nombre marqué par la Règle.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 17 mars [1620].

O Dieu ! ma fille, ma très-chère fille, il faut vous dire en courant que s'il se présente des filles bien capables, vous en pouvez recevoir quelques-unes de plus que le nombre de [388] trente-trois, ainsi que la Règle nous le marque ; mais, de plus, vous en pouvez et devez recevoir pour la fondation de Valence, laquelle vous devez faire, et il serait dommage de perdre l'occasion que vous en avez ; vous pouvez aussi adresser vos prétendantes à Grenoble, où elles en ont besoin. Voilà, ma toute chère fille, ce que je vous dis en courant, n'ayant nul loisir. J'aime et honore le cher père.[291] Nous avons peu ici pour notre logement, priez pour cela ; nous ferons prou, si nous pouvons fournir Orléans et Nevers ; mais si l'on nous reçoit à Dijon, on les pourra faire différer jusqu'à l'année prochaine. Ma vraie toute chère fille, je suis vôtre sans réserve.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCXXXVI - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Le dégagement et le calme sont des moyens sûrs de progresser dans la vie intérieure. — Toutes les prières de la Communauté doivent être pour la sainte Eglise.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 21 mars 1620.

Bienheureux, ma très-chère fille, sont ceux qui cheminent à la bonne foi au chemin du ciel, sans s'amuser à regarder s'ils avancent ou non. Allez toujours en avant, ma fille, et ne réfléchissez point sur vous-même. Dieu vous tient de sa main, assurez-vous que vous ferez un heureux voyage si vous persévérez ; vivez joyeuse, je vous prie. Je suis bien consolée de voir que vous l'êtes, et plus libre que de coutume ; vous avez besoin [389] de cela, de tenir votre cœur au large ; faites-le donc toujours. Toutes vos appréhensions n'étaient que des tentations, aussi bien que l'opinion que vous ne feriez point de filles solides. Allez en tout votre train, car il est bon, et ne craignez rien. Dites-moi bien toujours tout votre cœur ; car je vous assure que ce m'est une douce consolation que de vous ouïr parler ; plus je vais avant, plus je vois que vous êtes ma très-chère fille.

Mais il est vrai que notre Sœur Anne-Catherine [de Beau-mont] est une brave fille et capable ; on la goûte fort ici. Nous avons de bonnes filles, mais je crois que nous en renverrons trois ; ce ne sera pas sans mortifications de toutes sortes. Je voudrais bien que vous nous puissiez donner voire première fille, que nous pensions emmènera Nessy, car j'ai envie d'en avoir ici une de votre maison, mais il la faudrait bien faite, car l'on est ici bien délicat.[292] Sa chère Sœur se mettrait en sa place ; je ne serais pas marrie qu'elle aille vers vous. Voyez si vous pouvez faire cela et me le mandez ; elle ferait place à une autre.

Au reste, je pense que nous marierons Françoise, si elle veut, à un très-bon et brave gentilhomme, riche, sage, et qui, je m'assure, sera très-bon mari. Priez Dieu qu'il l'assiste.

Je vous prie, ma mie, faites que toutes les prières de vos filles soient pour la sainte Église. Renouvelez aussi celles pour Monseigneur ; car bientôt il se doit faire une résolution d'importance pour lui. Priez pour cette maison ; que Dieu nous loge s'il lui plaît. Mille saluts à toute la chère troupe et à votre cher bien-aimé cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [390]

LETTRE CCXXXVII - À MADEMOISELLE DE CHANTAL[293]

SA FILLE.

Saintes dispositions qu'elle doit apporter au mariage.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Tenez, ma chère fille, voilà M. de Toulonjon qui, se voyant huit ou dix jours de libres, s'en va vous trouver en poste pour savoir de vous, dit-il, si vous ne le trouverez point trop noir ; car, pour son humeur, il espère qu'elle ne vous déplaira. Pour moi, je vous le dis en vérité, je ne trouve non-seulement rien à redire à ce parti, mais je n'y trouve rien à désirer ; et Notre-Seigneur me donne une telle satisfaction en cette rencontre, que je ne me souviens pas d'en avoir eu de ma vie une pareille pour les choses de la terre. La naissance et le bien que nous trouvons en sa personne n'est pas ce qui me touche le plus, mais son esprit, son humeur, sa franchise, sa sagesse, sa probité, sa réputation. Enfin, ma chère Françon, bénissons Dieu d'une telle rencontre.

Mais, mon enfant, disposez-vous par reconnaissance à aimer et servir Dieu, mieux que vous n'avez jamais fait, et que chose quelconque ne vous empêche de continuer la fréquentation des [391] sacrements, et de vous exercer dans la pratique de l'humilité et de la douceur. Ayez pour guide le livre de Philothée ; il vous conduira bien. Ne vous amusez point à ces petites vanités de bagues et d'habits : vous allez être dans l'abondance ; mais, ma chère fille, souvenez-vous toujours qu'il faut user des biens que Dieu nous donne, sans s'y affectionner ; et c'est comme cela qu'il faut regarder tout ce que le monde estime. Que dorénavant votre ambition soit d'être parée d'honneur et de modestie, et d'une sage conduite dans la condition où vous allez entrer.

Certes, je suis bien contente que ce soient vos parents et moi qui ayons fait ce mariage sans vous ; c'est ainsi que se gouvernent les sages, et que je veux, ma chère fille, être toujours de votre conseil. Au reste, votre frère, qui a bon jugement, est ravi de cette alliance. M. de Toulonjon, il est vrai, a quelque quinze ans plus que vous ; mais, mon enfant, vous serez bien plus heureuse avec lui que d'avoir un jeune fou, étourdi, débauché, comme le sont les jeunes gens d'aujourd'hui. Vous épouserez un homme qui n'est rien de tout cela, qui n'est point joueur, qui a passé sa vie avec honneur à la cour et à la guerre, qui a de grands appointements du Roi. Vous n'auriez pas le bon jugement que je vous crois, si vous ne le receviez avec cordialité et franchise. Je vous en prie, ma fille, faites-le de bonne grâce, et soyez assurée que Dieu a pensé à vous et y pensera encore, si vous vous jetez tendrement entre ses bras ; car il conduit ceux qui se confient en Lui. [392]

LETTRE CCXXXVIII - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

Reconnaissance des grâces que Dieu lui accorde. — Promesse d'adhérer à ses désirs en lui laissant la Mère de Bréchard pour Supérieure autant que la Règle et la Providence le permettront.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 24 mars [1620].

Je vous assure, ma très-chère Sœur ma mie, qu'en lisant votre lettre les larmes me venaient aux yeux, tant j'étais attendrie de la douceur et bonté avec laquelle notre bon Dieu vous traite ! Oh, quelle miséricorde ! mon Dieu ! ma Sœur, il me semble que vous devez être fondue en reconnaissance et bénédiction envers ce grand Dieu qui ne dédaigne point votre chétiveté, ains s'en veut servir pour l'accroissement de sa gloire. Ne laissez jamais entrer dans votre entendement ni en votre volonté que des pensées de paix, que des affections d'amour envers cette bonté infinie, lui consacrant sans fin et sans cesse ce renoncement de toutes choses, qui n'est en vérité rien, et par lequel néanmoins vous acquerrez la très-sainte et très-désirable éternité. Que vous êtes heureuse, ma chère amie ! Eh ! que vous pouvez bien dire : « La bonne main de Dieu m'a touchée, sa droite me soutiendra ; qu'est-ce que je craindrai dorénavant ? » Gravez en votre cœur la mémoire de cette miséricorde et des promesses que vous lui avez faites, afin que toute bénédiction vous abonde. Pour cela, je prie et prierai à jamais notre bon Dieu, je vous en assure, ma très-chère Sœur.

Or bien, puisque Nôtre-Seigneur vous a donné cette sainte inspiration de vous dédier en son saint service avec tous vos biens en la maison qui s'établira, s'il plaît à Dieu, à Nevers,[294] [393] mais à la charge toutefois que notre très-chère Sœur J.-C. [de Bréchard] y sera toujours votre Mère ; ma fille, ne doutez point que notre bon Père[295] ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années. Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles : mais assurez-vous que, soit en qualité de Supérieure ou non, l'on vous la laissera tant que vous serez contente ; je me tiens assurée de cela en la bonté de Monseigneur notre bon Père, lequel saura bien tenir les moyens convenables pour faire agréer ce changement à Mgr de Lyon. Oh bien ! le fallut-il faire dans quelques années, Dieu conduira tout, ma très-chère fille ; c'est son affaire, meshui, que les vôtres, puisque vous vous êtes si entièrement remise et abandonnée à sa bonté, laquelle je supplie, mais de tout mon cœur, vous confirmer en vos saintes résolutions. Plutôt mourir, ma fille, qu'en décliner jamais d'un seul point !

Je suis vôtre d'une affection entière et pour jamais.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [394]

LETTRE CCXXXIX (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Prudence que doit avoir la Supérieure pour gouverner un esprit faible et timide. — Obligations des Sœurs associées. — Conseils pour le retard de la profession dune novice. — Reproche à la communauté d'avoir trop facilement donné l'habit à une postulante.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 7 avril 1620.

Ma très-chère Sœur,

Il est vrai, les fautes que commet notre bonne Sœur N... contre l'obéissance ne sont nullement d'importance ; mais c'est à la discrétion de la Supérieure de ne lui pas commander quelquefois les petites choses qu'elle pourra prévoir que la fille ne fera pas ; car, hélas ! vous voyez qu'il y a plus de timidité en ces choses-là que d'opiniâtreté. Or, la discrétion vous conduira en cela comme aussi en ces pénitences pour les autres, lesquelles étant faites fort rarement et avec esprit intérieur, pourront profiter. Hélas ! la pauvre petite, il la faut du tout exempter du tracas et lui élargir toujours le cœur du côté de l'obéissance ; c'est sa propre vertu ; il la faut quelquefois faire parler à des personnes qui l'encouragent à cela ; surtout madame sa mère peut beaucoup sur son esprit ; j'espère qu'elle fera prou.

Non, il ne faut pas qu'elles [les Sœurs associées] disent l'Office de Notre-Dame ; ne voyez-vous pas dans la Règle qu'elles doivent dire les Pater comme les Sœurs domestiques ? les fêtes elles le pourront bien dire ; mais prenez garde qu'elles ne s'y attachent.

La vérité et la raison est que notre Sœur *** soit retardée de sa profession ; elle a si mal employé les premiers six mois de son noviciat, que je ne sais comme les Sœurs pourraient lui donner maintenant leurs voix pour la profession. Mais, me dit-on, elle fait bien depuis six mois et montre de la soumission ; [395] je dis qu'elle fait ce qu'elle doit, que si elle faisait autrement, il ne faudrait plus parler de sa profession. Que si elle continue à bien observer la Règle, et que, par sa persévérance à l'humilité et obéissance, elle témoigne en vérité qu'elle veut tout de bon servir Dieu comme il faut, elle fera la sainte profession dans quatre, cinq ou six mois, selon qu'elle témoignera sa vertu. Oh ! certes, ma très-chère Sœur, c'est une chose de si grande importance que de donner la profession à une Sœur, qu'il ne le faut jamais faire que l'on n'y voie une vraie disposition, surtout il faut invoquer Dieu pour cela. Je m'étonne comme nos bonnes Sœurs se laissent emporter à la compassion naturelle en telles occasions ; je suis bien aise de les voir affectionnées ; mais j'aimerais mieux qu'elles considérassent que le retardement ne peut nuire à cette bonne fille, si elle a de la vraie vertu comme il faut, et que l'acquiescement à son désir serait une précipitation contraire à la charité que nous devons à notre maison, et à la prudence avec laquelle il s'y faut conduire sur de telles occasions. Ne se souviennent-elles pas que l'on a accoutumé de donner du temps à celles qui ne l'ont pas bien employé ?

Mais, ma pauvre chère Sœur, permettez-moi de dire encore à nos chères Sœurs, sur ce propos, une chose qui m'a chargé le cœur ; c'est de ce qu'elles donnèrent leurs voix pour la réception à l'habit à la Sœur N..., puisque, selon que l'on m'a fait connaître, elle n'était en nulle disposition pour cela. Certes, je repense cela souvent, et je les supplie de ne faire jamais telle chose sans la mieux ajuster aux Règles. Notre mal vient de ce que nous ne nous attachons pas assez à ce qu'elles nous enseignent ; cependant, nous sommes obligées de le faire, c'est notre guide.

Pour Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, renvoyez et traitez toutes vos affaires conformément à la Règle ; je veux dire qu'il faut prendre en icelle les instructions nécessaires selon les [396] occasions, et, quand vous tenez vos assemblées, laissez aux Sœurs une grande liberté de dire leurs avis, ainsi que les articles de ce sujet l'enseignent, et je vous prie toutes, au nom de Dieu, que tout se traite et se fasse avec grande cordialité et bonté, car c'est l'esprit de notre Institut. Mandez-moi si vous avez besoin d'être déchargée de quelques-unes de nos professes ; conférez-en avec notre Sœur Françoise-Gabrielle Bally seulement, et laquelle vous voudriez donner, et cela sans en dire mot, sinon entre vous deux, s'il vous plaît.

Voilà le soleil [ostensoir] qui est très-beau ; il revient environ à cinquante-deux écus. Nous avons commandé l'encensoir, mais il ne peut être envoyé pour Pâques, les filles vous le porteront. Je vous puis assurer que nous vous enverrons trois aussi bons cœurs de filles, et aussi propres pour l'Institut que j'en sache guère ; nous les avons gardées longuement. Priez pour nous, je vous prie ; cette maison en a besoin et la pauvre Sœur Marie-Anastase [Pavillon].

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXL (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Désir d'obtenir des indulgences plénières pour le peuple, aux fêtes de la Présentation, de l'Incarnation et de la Visitation. — Prochain mariage de Françoise de Chantal.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 7 avril [1620].

Dieu vous bénisse, mon cher enfant, de m'avoir mandé que notre très-cher Père se portait bien ; cela suffit. Je suis toute aise de la bonne humeur de Mgr de Lyon ; mais votre maison est-elle réduite en Religion ? il faut obtenir de lui, si vous [397] pouvez, qu'il nous fasse venir pour toutes nos maisons, et celles qui se feront, des Indulgences plénières pour le peuple, les fêtes delà Présentation, Incarnation et Visitation : voyez ce que vous en pourrez faire.

Mais, vous ai-je pas mandé que j'ai signé des articles de mariage pour ma fille avec un fort brave et honnête gentilhomme, riche et accommodé ; bref, une heureuse rencontre. Il l'est allé voir ; Dieu bénisse et conduise l'affaire ; je vous en écrirai après Pâques ; priez pour elle et pour cette maison, afin que Dieu nous aide à ce qui nous est nécessaire. Bonjour, mon cher enfant ; je ne pensais pas écrire, mais il a été nécessaire de le faire à Monseigneur pour notre pauvre Sœur de Gouffier ; priez pour elle. Vous savez ce que je vous suis. Dieu bénisse toute la chère famille. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCXLI (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Insistance sur le retard de la profession d'une novice. — Comment la Supérieure doit gagner le cœur de ses filles. — En quoi consiste la solennité des vœux et l'importance de la Règle.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1620.

Ma très-chère fille,

J'écris à nos Sœurs ; vous pourrez voir la lettre sans leur témoigner que vous l'aurez vue, puis mouiller le pain à cacheter et la fermer, et leur donner si vous le trouvez utile. Il faut avoir bon courage à supporter ces petites fantaisies qui se passeront bientôt. Non, il n'y a nul intérêt de garder encore la petite N Au contraire, il faut attendre qu'elle donne des nouvelles marques que son esprit n'est pas propre, comme je [398] crois qu'il ne le sera jamais. Or bien, Dieu a permis qu'on lui ait donné l'habit sans qu'elle en eût la disposition. Cela nous servira d'expérience pour nous empêcher, et les Sœurs aussi, d'admettre jamais des filles qui fassent les moindres saillies que celle-là a faites. Vous ne sauriez faillir avec le conseil et l'obéissance de Mgr l'archevêque, et vous faites fort bien de le prendre aux choses importantes, ainsi que votre Règle le dit voire, en toutes les choses que le Père recteur vous le dira auquel il faut demander avis, afin de ne pas importuner Monseigneur[296] pour des choses de peu. Ma très-chère Sœur, ne vous conseillez qu'à ces deux-là tant que vous pourrez, afin que ce qui se passe dans la maison ne sorte dehors ; car il serait préjudiciable que l'on sût ces petites difficultés.

Pour l'amour de Dieu, rendez-vous cordiale, franche, confiante, ouverte et communicative aux Sœurs, surtout à l'assistante ; et, quand vous leur verrez quelque dissentiment du vôtre, prenez conseil naïvement, et puis les faites joindre tout doucement, car il faut qu'elles plient là. Mais, pour Dieu, mon enfant, gagnez leur soumission à force de bonté, de patience et d'enseignements, leur faisant fort lire les Entretiens de Monseigneur, car l'amour gagne tout. Renvoyez-les toujours là et à la Règle, qui enseigne si parfaitement ce que les unes et les autres doivent faire.

Oui, ma fille, la vraie charité requiert que l'on oublie les fautes du prochain pour ne lui vouloir mal, mais non pas pour hasarder le bien d'une communauté qui dépend de la bonté et sagesse des esprits qui y seront associés. Puisque cette fille[297] sait qu'on la veut éprouver, cela fera qu'elle sera sur ses gardes ; mais il est bien aisé à connaître si le fond de son esprit est bon et si Dieu l'a changée ; car si cela n'est clair et prouvé [399] par plus d'une année, il ne faut nullement conniver ni parler de la profession, mais dire tout simplement à Mgr l'archevêque et au Père recteur [ce qu'il en est], et ne faut point douter que leurs avis soient contraires.

Le monde est admirable en ses sagesses. Quoi ! des Religieuses formelles, sous la Règle de Saint-Augustin, qui font les trois vœux essentiels, ne sont pas liées ? est-ce la façon de les prononcer qui les fait solennels ? n'est-ce pas la déclaration qu'en a faite l'Église ? Et puis, ne dit-on pas que l'on fait vœu à Dieu, de chasteté, d'obéissance et pauvreté, selon les Règles et Constitutions de cette maison, lesquelles sont toutes pleines de l'obéissance due aux Supérieurs. Mon Dieu ! que faire, sinon demeurer en paix et les laisser dire.

Or sus, je crains fort que la bonne Sœur N... ne se tourmente tant sur sa profession, qu'elle ne nous fasse connaître tout à fait son incapacité de la faire, et les causes pourquoi on l'a retardée. Monseigneur dit en un mot tout ce qui se peut dire sur ce sujet : Si elle est bonne Religieuse, il ne lui fâchera pas d'attendre, et, il est vrai ; car on ne la retarde, sinon pour connaître si elle a de l'humilité et soumission, et elle le témoignera, si elle confesse qu'elle a mérité d'être retardée et se comporte doucement, se confiant en Dieu et en la charité des Sœurs. J'espère que notre lettre fera rentrer nos Sœurs en elles-mêmes et qu'elles se tiendront mieux dans les limites de la Règle. Enfin, le bonheur de la Religion consiste en ce que les Supérieures et les inférieures ne s'en départent point. Il les faut toujours renvoyer là, remontrant doucement la superfluité des jugements particuliers. Pour Dieu, ma mie, faites en sorte qu'il n'y ait qu'un cœur et qu'une volonté chez vous, qui doit être celle de Dieu en nous, et cela suavement.

On m'appelle, il faut finir. Adieu à mon cher neveu,[298] à qui [400] je voulais écrire, mais je ne puis. Mille saluts à tous et à madame de Jars.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXLII - À LA SŒUR MARIE-MARTHE LEGROS.

À BOURGES

Devoir de la coadjutricc et humble confiance qui lui est due. — Il faut avoir plus de sagesse que d'indulgence en la réception des sujets.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Ma très-chère Sœur, je vous entends bien et ne doute nullement que votre intention ne soit simple ; ne craignez point de me dire ce qui vous semblera devoir être dit ; mais, ma mie, n'arrêtez guère votre esprit sur ces choses-là, si elles ne sont bien apparentes, et les laissez à la coadjutrice, laquelle doit faire son devoir en toute humilité et cordialité. Dites-lui de nia part que je ferai tout ce qu'elle me mande, mais je ne puis lui écrire pour ce coup. Pour Dieu, n'ayez toutes qu'un cœur et qu'une âme, et vous aimez parfaitement en Notre-Seigneur, observant les Règles ponctuellement. Je salue chèrement ma pauvre grosse Sœur M.-M. et la chère petite M.-Louise, je les aime chèrement. Je souhaite tout bonheur aux deux chères filles Marie-Françoise et Anne-Marie ; je prie Dieu qu'il leur donne la très-sainte obéissance, et à toutes, comme la mère des vertus.

Voyez-vous, ma fille, dites à nos chères professes, que j'aime plus cordialement qu'elles ne sauraient s'imaginer, que sur la réception à l'habit de la Sœur ***, je connus qu'elles ne s'attachent pas assez à la Règle ; car cette fille n'avait point les [401] conditions qu'elle marque, et pourquoi donc lui donna-t-on les voix ? Jamais il ne faut faire cela sur l'espérance qu'elles s'amenderont ; il faut voir l'amendement premier que donner l'habit. De même aussi, de vouloir que ma Sœur C.-M. fasse profession au bout de son an ; eh ! bon Dieu ! elle n'a vécu en novice que six mois, il la faut donc retarder, ce me semble, pour voir si elle persévérera ; que si elle reconnaît en vérité qu'elle ne mérite pas la profession, et qu'elle demeure humble et soumise, remettant cela à la Supérieure et aux Sœurs, continuant quelques mois en cette épreuve, l'on verra par là sa bonté et disposition. Dieu, par sa bonté, nous donne à toutes son esprit et nous fasse la grâce de bien peser toutes nos Règles, en sorte qu'elles soient observées et suivies jusqu'à une syllabe, jusqu'à un iota ; en cela consiste notre bonheur. Adieu, ma chère Sœur, et toutes nos chères professes ; aimons Dieu et accomplissons sa volonté, je vous en prie, mes filles chèrement aimées.

Dieu soit béni !

Conformes une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers.

LETTRE CCXLIII - À MADEMOISELLE DE CHANTAL

SA FILLE

Conseils à l'occasion de son prochain mariage.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 13 avril [1620].

Ma très-chère fille,

Je bénis Dieu qui vous a bien et si heureusement conduite, en ce commencement [du projet] de votre mariage ; j'espère que sa divine bonté vous donnera un parfait repos. Je vous assure, ma mie, que plus je vais avant, plus j'en suis satisfaite ; M. de Toulonjon est un homme le plus aimable qu'il est [402] possible, à mon jugement. Il est revenu si content que rien plus, et nous avons tous grand sujet de l'être. Oh ! certes, ma chère Françon, vous m'avez bien obligée en me témoignant une si entière confiance ; mais aussi, oh ! bon Dieu ! combien ai-je prié et désiré de vous voir heureusement logée, et combien plus vos peines me seraient-elles sensibles que les miennes propres. De vrai, je préférerai toujours votre contentement au mien particulier ; mais cela n'a nul doute. Soyez assurée donc qu'en cette occasion, je m'y suis portée d'affection, parce que je reconnus que c'était votre grand bien, et, certes, nous en devrons tout à la bonté de Notre-Seigneur, qui a eu soin de vous et de moi, et qui a ouï les prières que l'on a faites pour cela. Voyez encore, par cette lettre, le désir qu'en avait Mgr de Bourges. Or bien, il faut demeurer ferme ; et s'il vient des attaques d'appréhensions ou des fantaisies de ceci et cela, il leur faut fermer la porte, et n'en recevoir aucune, sous quelque prétexte que ce soit ; mais vous conduire en tout selon la raison et mon petit conseil. Croyez-moi, mon enfant, qu'il est très-bon pour vous, et que si vous continuez à le suivre, vous vous en trouverez bien. Écrivez-moi bien (comme vous me le promettez) tous les sentiments de votre cœur ; et si Dieu, comme je l'espère, a lié votre cœur à celui de M. de Toulonjon, car c'est cela que je désire surtout, et que je me confie que Dieu vous aura donné cette bénédiction à cette première [entrevue]. Pour moi, ma mie, je vous le dis véritablement, je le trouve tout à mon gré, et selon que je vous l'ai déjà écrit. Je l'aime le plus cordialement qu'il se peut dire. Au reste, tous nos parents et amis qui le savent en sont si contents que rien plus.

Quant à vos bagues, M. de Toulonjon s'en empresse, et me veut faire venir ici une grande partie des pierreries de Paris, pour vous acheter tout ce que je voudrai, et je voudrais que vous n'en achetassiez point ; car je vous dis simplement, ma très-chère fille, que les dames de qualité n'en portent plus en [403] cette cour ; cela est demeuré aux femmes de la ville ; puis, vous auriez choisi à votre gré quand vous auriez été ici.[299] Mais je ne saurais gagner cela sur M. de Toulonjon qui me prie, qu'au moins pour ce commencement, il vous envoie des perles, des pendants d'oreilles et une boîte de peinture couverte de diamants, qui est tout ce que les dames portent maintenant devant leur robe. Seigneur Dieu ! ma très-chère fille, il ne faudra pas laisser aller M. de Toulonjon en l'achat de tant de choses, selon son inclination ; car il a un désir si extrême de vous contenter en tout, que c'est chose qui ne se peut. Si jamais femme fut parfaitement heureuse, c'est vous ; mais voyez-vous, comme il faut que la discrétion soit de votre côté, et que vous le reteniez en cela. Ce sera bien mieux de ménager un peu, et d'employer utilement votre argent, qu'à tant de bagatelles et de vanité. Pour moi, je ne désire nullement que ma Françon se laisse aller à cela. Il irait de ma réputation encore ; car, étant ma fille, vous êtes plus obligée à la discrétion et modestie très-honnête, que vous gouverniez sagement et utilement vos affaires.

Je vois bien que vous voilà dame, et maîtresse du cœur et des biens de notre cher et très-aimable M. de Toulonjon ; c'est pourquoi ce sera à vous de ménager discrètement et sagement. Il veut que vous envoyiez ici un canevas ; faites-le, non que je permette que l'on vous envoie plus d'un habit, car cela, entre toute autre chose, n'est nullement raisonnable. Vous pouvez, si M. de Toulonjon vous veut aider, en faire faire un aussi ; mais je voudrais qu'il vous envoyât l'argent ; nous le ferions faire selon la mode qui court, et des étoffes qui se portent maintenant, et qui soient portatives partout. Faites vendre Foretz. Au reste, il ne faut point faire de robe de noce ; on se moque de cela, parmi les dames des champs et de la cour ; et aussi je désire de tout mon cœur que vous vous épousiez sans bruit ; mais en cela je veux être crue. M. de Toulonjon m'a dit [404] que vous ne désiriez pas d'être épousée au mois de mai. Mon Dieu ! ne faites point cela par scrupule, c'est une superstition. Je crois bien qu'il ne se pourra pas aussi, quoiqu'il le désire grandement ; mais je vois au travers de son désir qu'il veut vous contenter à quelque prix que ce soit, et moi je le veux, pourvu que vous leviez votre scrupule. Il vous mande toute son histoire de ne pouvoir être ici si promptement qu'il désirait ; mais il ne vous dit comme il y vint. Ce fut que, comme il était attendant à la poste, un conseiller d'État, de ses amis, passa dans son carrosse, dans lequel il se jeta sans épée, sans avoir mangé, et s'en vint comme cela. Il fut mortifié de ne pouvoir vous rien envoyer aujourd'hui ; mais ce sera pour jeudi. Enfin, plus je vois ce gentilhomme plus je l'aime, et vois les grandes occasions que j'ai, et vous aussi, de louer Dieu de cette si heureuse rencontre. Faites-lui une réponse fort courtoise et cordiale, et traitez franchement et ouvertement avec lui, lui témoignant une réciproque affection, car il n'est plus temps de faire des cérémonies. Son homme attend là-bas ma lettre ; ma très-chère Françon, je veux que vous aimiez ce promis, parfaitement.

Adieu, ma fille, toute chèrement bien-aimée ; écrivez-moi cœur ouvert.

[P. S.] Mille saluts à nos chers parents. Adieu encore un coup, ma chère Françon ; aimons parfaitement celui que Dieu nous a donné.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Thonon.

LETTRE CCXLIV - À M. MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D’ANNECY.

À ANNECY

Pieux souhaits.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 18 avril 1620.

Dieu vous bénisse, mon cher fils, et vous fasse saintement ressusciter pour vivre à jamais selon la sainte volonté de Dieu ! Je vous donne à penser si ce que vous m'écrivez de mon très-digne et très-bon Père me console pleinement. La divine majesté lui accroisse ses abondantes bénédictions, et fasse persévérer ces chères âmes, qui se sont si heureusement laissé allécher du saint désir de servir notre doux et bon Sauveur.

Voilà la mesure de notre autel avec celle de la crédence. Je n'ai su vous l'envoyer plus tôt.

Bonjour, mon cher fils, vous savez et je vous assure que je suis de cordiale affection,

Votre plus humble Mère et servante en Notre-Seigneur, Sœur Jeanne-Françoise Frémyot.

Ce Samedi saint.

[P. S.] Mille saluts aux gens de Monseigneur ; faites mes intimes et très-affectionnées recommandations à madame d'Aiguebelette.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [406]

LETTRE CCXLV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Avantages temporels que la famille de madame du Tertre offre au monastère pour lui obtenir le titre de bienfaitrice. — Crainte et charité de la Sainte pour cette réception.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 28 avril 1620.

Ma très-chère fille,

La mère de madame du Tertre vint hier et assez matin céans ; véritablement, elle témoigne de l'affection à sa fille et pense qu'elle a fait ce qu'elle a pu vers M. son mari, lequel enfin et finale résolution donnera à sa fille pour employer à son désir quatorze mille francs, moitié à l'entrée, moitié à sa profession ; mille francs de pension sa vie durant, et après son décès, six cents livres à la maison, rachetable de dix mille francs.[300] À la vérité, vu qu'elle a des enfants, je trouve qu'ils lui font un bon parti, mais c'est à vous à considérer si cela sera battant pour commencer un monastère ; si tout n'est fort cher à Nevers, il me semble qu'il suffira. À la vérité, je ne sais pas les raisons pourquoi ils ont retranché ces deux mille écus, mais je sais bien que nous prenons une grande charge de nous obliger à laisser cette bonne damoiselle parmi nous avec les privilèges de fondatrice. Toutefois, il ne se faut point départir de notre résolution, espérant que Dieu en sera glorifié au salut de cette pauvre âme, et vous faut essayer de la conduire et traiter le [407] plus doucement et cordialement qu'il vous sera possible avec Messieurs ses parents qui promettent des grandes assistances et reconnaissances, comme je pense qu'ils en feront. Vous savez, ma très-chère Sœur ma mie, comme il faut manier délicatement cette bonne damoiselle pour ne point la laisser altérer et la faire acquiescer doucement. J'ai vu, par une lettre qu'elle écrit à mademoiselle d'Asy, le grand désir qu'elle a de faire ici un voyage, devant, dit-elle, qu'elle s'enferme. Certes, je ne trouve nullement cela à propos qu'elle vienne ici faire ces montres. Si vous pouvez détourner cela, je pense que ce serait un grand bien. Néanmoins, il ne faut pas lui témoigner que l'on se méfie d'elle, comme l'on ne fait pas aussi. Mademoiselle d'Asy lui en écrit ; car tous ceux qu'elle désire voir l'iront plutôt trouver.

Je suis fort lasse d'écrire, et du grand tracas que nous avons en cette maison. Hélas ! nous venons de mettre dehors la première et la plus riche fille que nous eussions reçue ; mais plutôt mourir que de manquer de fidélité à notre cher Institut, gardant des esprits qui ne lui sont pas propres. Mon Dieu ! ma chère amie, priez bien pour nous, afin qu'en tout et partout sa sainte volonté soit accomplie ! Amen. Je salue chèrement la chère fille du Tertre, et toute la bénite troupe. Je prie Dieu qu'il y répande ses bénédictions. Vous savez que je suis toute à vous en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni éternellement ! Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [408]

LETTRE CCXLVI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE À LYON

Dieu fait toujours son œuvre dans une âme humble, simple et confiante.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Dieu soit béni, ma très-chère fille, de ce que notre lettre vous a donné quelque lumière ! À Dieu soit toute gloire et honneur. Amen. Faites comme vous me dites, ne craignez rien, n'appréhendez rien, sinon le péché ; faites simplement le mieux, le plus soigneusement que vous pourrez, demandant toujours à Notre-Seigneur la lumière, et vous abaissant devant Lui, avec confiance parfaite, qu'il fera en vous et par vous sa sainte volonté.

Demandez à ma Sœur[301] tout ce qu'il vous semblera devoir savoir d'elle pour la conduite, surtout avec Mgr [de Lyon] ; mais, croyez-moi, Dieu sera votre conduite et votre guide, si en tout vous vous tenez humble et basse devant Lui, ayant un extrême support et douceur envers le prochain ; car voilà le grand point.

Vous me dépeignez fort bien notre Sœur Jéronyme. Je crois que ces esprits-là se purifient et s'humilient dans les charges, et pourvu qu'elle ait reconnaissance de ses défauts, et volonté bonne avec désir de rendre quelque service à Dieu, je pense qu'il lui serait utile de la relever sous une bonne et judicieuse Mère ; elle l'a bien comme il lui faut ; mais, à cause des impressions anciennes, je crois qu'une autre lui profiterait plus. Oh ! cela dépend de la Supérieure que l'on destinera ici. [409] Mandez-moi si elle fait grande estime de nos Sœurs Claude-Agnès [de la Roche], et Anne-Catherine [de Beaumont], car l'une de ces deux restera ici,[302] et pour moi je crois que Monseigneur [de Genève] m'y laissera encore bon espace de temps ; je lui en vais écrire, afin qu'il le considère. Cependant, faites beaucoup prier pour cela.

À ma pauvre Sœur Anne-Françoise [Chardon] un très-cordial salut et à notre Sœur Claude-Marie [de la Martinière] ; je l'aime et l'estime grandement. Je crois qu'elle fera très-bien, Dieu sera leur conduite. Qui ferez-vous maîtresse des novices ? Je suis grandement aise de notre Sœur Anne-Louise [de Villars], je l'aime tendrement et toutes vos chères novices. Je les salue chèrement, suppliant notre bon Dieu de les conduire de sa main paternelle, en la voie où il les a mises, avec un esprit de parfaite simplicité. Priez pour nous ; nous avons ici de bonnes filles aussi, et d'autres qui sont fort médiocres. Que faire, sinon le mieux qu'il se pourra ? Adieu, ma fille, notre grand Dieu vous rende toute sienne. Puisque la lettre dernière que je vous ai écrite est selon votre esprit, lâchez de vous la rendre utile, croyant que Dieu me l'a donnée pour votre consolation et utilité.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [410]

LETTRE CCXLVII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Aux monastères qui observent bien la Règle, Dieu ne laissera pas manquer du nécessaire. — Respect pour la clôture. — Ne point recevoir d'enfants trop jeunes. — Caractères des vraies inspirations de la grâce.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1620.

Ma très-chère Sœur,

Dieu soit votre paix en toutes choses ! Il faut avoir un grand courage pour aider cette pauvre fille et pour supporter tout ce qu'il plaît à Dieu qu'il nous arrive. Enfin, si nous suivons bien notre Institut, ne doutons point, Dieu ne nous laissera avoir faute de ce qui nous sera nécessaire. Il permet que les contradictions et afflictions arrivent pour nous éprouver et unir à Lui plus fortement. Or enfin, si cette fille continue, il faut prendre l'avis du Père recteur, lequel en cela n'est pas trompé, car il a toujours cru qu'elle ne persévérerait pas et plusieurs autres aussi ; la maison n'en recevra point de tare.

À la vérité, je voudrais que madame de Jars entrât toute seule ; mais il n'y a que le Père recteur qui puisse faire cela et gagner sur son esprit qu'elle soit moins escortée. Je les resalue, tous ces bons Pères, et très-chèrement.

Ma très-chère Sœur, ayez un grand courage ; remettez continuellement et vous et cette chère petite famille entre les mains de Dieu. Les commencements sont toujours difficiles ; n'avez-vous pas vu la maison de Lyon et celle de Moulins ? mais enfin Dieu les exalte. Dites à toutes ces très-chères filles que je les chéris très-cordialement, et les conjure de cheminer fidèlement et simplement en leur voie, car elle est très-bonne. Dites-leur quelquefois des paroles d'amour de ma part, et à nos chères professes que j'aime bien ; faut qu'elles redoublent le pas, que [411] l'on serve Dieu, Notre-Dame, saint Joseph et saint Augustin. Pour la fille de M. de Lissay, en vérité, on lui ferait tort de la mettre maintenant en notre maison ; si nous ouvrions cette porte, ce ne serait jamais que pour elle, tant nous connaissons être obligées à M. de Lissay et encore à cette bonne dame ! mais qu'il se contente de notre bonne volonté ; les Pères Jésuites peuvent beaucoup en cela. Enfin, il ne faut pas requérir de ses amis ce qu'ils ne doivent donner.

Ayez patience pour ce qui est de votre autel, Dieu y pourvoira, et à ce qui sera requis pour votre nourriture. Souvenez-vous du premier document que le bon Père recteur vous donna, de ne vous point plaindre de la nécessité. Il n'en faut donc rien dire, si ce n'est quand elle pressera, que tout cordialement, humblement et franchement, vous le direz aux chers amis, et secrètement. Enfin, si Dieu veut que nous souffrions pour son amour et service, n'est-ce pas un honneur trop précieux ? Agrandissez le courage de vos filles, et que la chère Sœur Françoise-Gabrielle aide à cela, car je désire que nous soyons de vraies amazones spirituelles : il faudrait être ici quelque chose de plus. Oh ! quelle consolation de n'avoir appui quelconque, ni fondement, que la seule Providence de Dieu !

[P. S.] Cette pauvre fille[303] est digne de compassion. O Dieu ! si elle avait une véritable inspiration d'être Carmélite, elle ne serait pas turbulente et pleine de censures, d'opiniâtretés et de propre jugement, ains elle serait toute douce et aimerait le bien qui est en notre manière de vie, et demanderait avec humilité et tranquillité celui auquel elle serait plus attirée. Certes, si elle continue, je crois que le plus tôt sera le meilleur, de la renvoyer, mais avec le conseil des Pères. Je salue madame Thibaut et nos amis et amies.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [412]

LETTRE CCXLVIII - À LA MÊME

Envoi de trois bonnes postulantes. — Il faut n'admettre à la profession que les âmes humbles ou qui travaillent sérieusement à le devenir. — Prudence que doit avoir la Supérieure dans ses rapports avec les Sœurs.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Voilà donc enfin, ma très-chère Sœur, les trois filles que nous vous avons destinées, à mon avis très-propres pour l'Institut. Certes, et je ne sais quasi et sans quasi qu'y trouver à redire ; ce sont de bonnes âmes, candides, franches, et qui désirent le bien, elles sont assez bien dressées aux choses intérieures.

Celle qui est damoiselle[304] est une fille qui entend la mortification et qui est bonne à tout ; il y a huit mois qu'elle est céans, on ne lui a pas vu faire une action répréhensible ; c'est un fort bon cœur. Je serais bien aise qu'on l'employât à tous les offices pour la bien dresser : un peu d'exercice lui sera bon. Dès maintenant, elle sera fort bonne lingère ; mais vous conduirez cela selon votre discrétion. Notre Sœur Marie-Anastase a dressé les deux autres qui sont, certes, bonnes et sincères ; la grande fait quelquefois je ne sais quelque petite échappée d'enfant, mais cela ne vient pas du cœur, ains de la nourriture qui est un peu grossière, mais cela n'est rien, c'est un agneau qui se repent et remonte fort bien. La petite a bon esprit, bon courage, est toute candide et de bonne volonté ; plût à Dieu jamais de moindre. Traitez-les, je vous supplie, cordialement et toutes les Sœurs ; je les aime grandement et crois qu'elles se rendront utiles et bonnes servantes de Dieu. Vous leur [413] pourrez donner l'habit quand les habits seront faits, car leur essai a été doublement fait.

Si l'on eût demandé le soleil azuré [ostensoir], on l'eût fait faire ; mais je n'en ai point vu ici. Le nôtre est tout pareil à celui-là.

Voyez-vous, ma chère fille, comme notre bonne Sœur N*** ne manque pas de montrer sa fierté ; certes, car qu'est-ce que cela, quand l'on dit que l'on s'en ira de bon cœur ? Croyez-moi, éprouvez-la bien, et si elle ne reconnaît et ne désire grandement le bonheur de la profession par une vraie humilité, ne la lui donnez pas. Nous en mîmes avant-hier une dehors, et encore une dans huit jours pour manque d'humilité. O vrai Dieu ! il faut être humble et se reconnaître et soumettre comme servantes de toutes.

Vous me dites, ma chère fille, que je vous dise toujours ce que je penserai utile à Votre Charité ; je le ferai avec confiance, et je vous prie de bien attirer vos filles par une affection cordiale. La petite que nous vous envoyons en aura un peu besoin au commencement ; mais ne faites rien d'extraordinaire devant toutes les Sœurs, craignant que les caresses à quelqu'une particulière ne servissent de tentation, d'envie aux autres, et faut être grandement égale sur cela et supporter l'infirmité du sexe en cette occasion. C'est un des bons avis qui soit dans la Règle de la Supérieure, de ne pas reprendre les fautes sur-le-champ, sinon qu'elles fussent de telle importance que la bonne édification des autres le requît ; et surtout il faut supporter aux récréations, ne les y mortifiant que par nécessité.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [414]

LETTRE CCXLIX - À LA SŒUR PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

MAÎTRESSE DES NOVICES À ANNECY

Le blâme et le mépris sont précieux aux âmes désireuses de leur perfection. — Il faut savoir supporter les défauts des prétendantes lorsqu'ils sont occasionnés par le jeune âge.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1620.

Je le crois facilement, ma très-chère fille, que vous fûtes bien touchée de la parole de notre Sœur N***, car qui ne le sentirait quand on touche à l'estime ? O ma fille, que telles oc casions nous seraient profitables, si nous étions bonnes ménagères ! Il le faut toujours devenir davantage. Ne soyez pas en peine, elle n'est pas pour Turin, à mon avis. Je suis très-aise de ce que votre petite Sœur Châtel[305] fait bien. J'espère qu'elle sera fort bonne fille. Ce n'est pas merveille que celles de son humeur et de son âge ne soient pas si ponctuelles ; promptement elle le deviendra, s'il plaît à Notre-Seigneur. Je les salue toutes, vos chères novices ; je prie Dieu qu'il les bénisse et les rende selon son Cœur ; je salue aussi très-chèrement toutes nos bonnes Sœurs professes. Et la chère grosse madame de Monthoux la belle-sœur, et madame la sénatrice de Monthoux, je les honore de tout mon cœur, leur souhaitant tout bonheur et sainte consolation.

Je suis bien aise que votre cœur soit un peu plus au large avec notre Sœur l'assistante.[306] Croyez, ma chère fille, que Dieu a permis tout ce qui s'est passé afin de vous rendre plus simple et plus forte contre vos inclinations. Certes, je suis consolée de ce que Monseigneur est exact avec les Sœurs. Adieu, vous savez ce que je vous suis.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans. [415]

LETTRE CCL - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

Conseils à l'occasion du contrat qui lui a donné le titre de bienfaitrice religieuse.

VIVE † JÉSUS !

[Paris] 16 mai [1620].

Dieu soit béni, ma très-chère, et rende votre cœur toujours plus sien ! La vérité est que je remarque dans votre dernière lettre, avec consolation, des effets du changement que Dieu a fait en vous, dont je lui rends grâces de toute mon affection.

Mon Dieu, que vous êtes heureuse, ma très-chère fille, et que vous le serez toujours davantage à mesure que vous avancerez en ce seul très-adorable et très-aimable amour ! Vraiment, nous vous en donnerons des communions générales, et plus que vous n'en avez demandé. Dieu, par sa bonté, exauce vos désirs, vous rendant parfaitement sienne ! J'écris au long votre accord à la chère Mère que vous avez là ; je vous prie, ma fille, de l'approuver. Tout cela s'est fait cordialement et franchement de la part des vôtres, quoique je n'aie parlé à ce coup qu'à madame votre mère, qui s'est en vérité portée en cette occasion avec grand témoignage d'affection et de désir de votre repos et contentement. Elle désire d'aller à votre vêture, et que, pour l'amour de Dieu, il ne se dise pas un mot de tout ce qui s'est passé : mais qu'il ne s'y traite que de bienveillance et cordialité. Je crois qu'elle témoignera, par de continuels effets, l'amitié qu'elle veut dorénavant vous porter. Enfin, cette pauvre femme est si consolée de votre résolution que rien plus, et de vous savoir en repos. O ma très-chère fille, il les faudra tous bien contenter ; certes, vous en avez occasion, et je vous conjure de ne vous plus ressouvenir du passé, et au moins de n'en plus rien témoigner ; au contraire, de montrer de la gratitude et que [416] vous ne voulez plus, sinon leur témoigner de l'amitié et conserver la leur.

Pour ce qui est de vos enfants, ils m'assurent qu'ils sont fort bien, et qu'ils en auront soin comme ils doivent. Mademoiselle d'Asy vous écrira plus au long. Ils trouvent à propos de faire dresser ici le contrat ; ce sera par bon conseil ; puis on vous l'enverra pour y ajouter ou diminuer ce qui vous plaira. Je leur ai dit qu'ils le dressassent, et puis nous le ferions voir à personnes capables ; c'est afin que vous n'ayez, les uns ni les autres, rien à démêler de fâcheux quand vous serez ensemble.

Ma très-chère fille, je prie Dieu qu'il remplisse votre sein de l'amour sacré du sien très-paternel, afin que votre chère âme jouisse dès cette vie des souveraines délices de l'éternité. Amen.

Vous serez donc notre très-chère et bien-aimée Marie-Aimée. Eh ! que je vous souhaite les vertus de celles qui ont porté et portent encore ce nom. Je désire que vous les surpassiez toutes ; car je suis de toute mon affection, ma très-chère fille, votre plus humble Sœur et servante en Notre-Seigneur, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

La Sainte l'engage à hâter son départ pour l'Auvergne et lui parle des fondations projetées. — Comment faire accompagner les Sœurs d'Annecy qui devaient passer à Lyon pour se rendre à Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, juin 1620.]

Mais, ma fille très-chère, si vous partez si tard pour l'Auvergne, vous tarderez pour Turin, car Monseigneur me mande que dans la fin de juin il faudra partir. Il faut aussi que nos filles viennent en deçà, et, certes, je ne sais comment votre père [417] [le président Favre] a gagné Monseigneur pour vous faire aller là, car j'avais bien envie que vous fussiez ici, et il me semblait très à-propos, si l'on veut m'en retirer, comme je le pense, quoique je ne sache nullement à quoi Monseigneur me destine ; j'espère seulement d'être contente, Dieu aidant, partout où sa volonté me tiendra.

Mais, ma très-chère fille, si vous pouvez, faites qu'il n'y ait rien à faire quand vous sortirez tout à fait de Lyon, et instruisez notre Sœur Marie-Aiméc [de Blonay]. Pour l'amour de Dieu, laissez-la votre héritière, tant qu'il vous sera possible, surtout pour la fermeté à ne changer ni acquiescer à aucun changement, nourrissant l'esprit de vos filles à une invariable persévérance de la manière de vie que Dieu leur a donnée. Ma fille, inculquez et gravez dans leur cœur cette résolution, je vous en prie. — Voyez sur votre livre si l'on a rendu à la maison de Nessy ce que nous en apportâmes d'argent ; s'il n'est payé, ordonnez, ma fille, qu'on le fasse quand la maison de Lyon le pourra, et je pense que vous le devez faire avant de vous décharger, et faire votre effort pour faire faire la visite [canonique] et élire la Supérieure.

Au reste, quelque chose que notre Sœur Marie-Aimée dise, je crois qu'il sera bon, quand vous irez à Nessy, de lui envoyer de là une compagne, si notre Sœur Anne-Françoise [Chardon] va en Auvergne ; [faites] toutefois comme vous le jugerez à propos.

Je suis bien aise de voir son sentiment sur le sujet de notre Sœur F.-J. ; mais véritablement vos raisons sont puissantes, et je crois avec vous que cette fille-là fera mieux en charge qu'autrement. Écrivez-en fort au long à Monseigneur, afin qu'il juge en quel lieu et avec quelle Supérieure elle serait le mieux, car il en faut une pour Nevers, une avec notre Sœur Jeanne-Charlotte [pour Moulins], une avec notre Sœur Claude-Agnès [pour Orléans], et une avec notre Sœur Anne-Catherine [pour Paris], [418] laquelle est une Religieuse très-parfaite à mon gré, sage, judicieuse et bonne.

Je vous prie, ma mie, avisez comme l'on fera venir les filles depuis Lyon[307] ; lequel serait le mieux, ou par eau ou dans un coche d'ordinaire : si vous trouviez là quelque femme honnête, dont la rencontre de venir par deçà se puisse ajuster avec nos Sœurs ; s'il se trouvait quelque honnête ecclésiastique de connaissance qui vînt deçà, ou enfin quelqu'un qui pût les accompagner, qui voulût faire cette courtoisie et charité, en le défrayant ; vous verrez mieux que nous ce qui se pourra et devra ; elles seront au moins huit Religieuses.

Adieu, mon enfant, l'on m'appelle ; une autre fois je vous dirai des nouvelles de cette maison, où je ne puis m'empêcher de vous désirer.

Je suis en peine des lettres que j'écrivis devant Pâques, le 6 ou 7 d'avril ; car Monseigneur ne les avait encore reçues le 4 mai.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLII - À MONSIEUR MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY

Projet d'un voyage de saint François de Sales à Rome. — Prière à M. Michel d'adresser des exhortations aux Sœurs d'Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Dieu vous bénisse, ô mon bon et cher Père, et vous donne, s'il lui plaît, une force et industrie efficaces pour le soulagement [419] de Monseigneur, notre bon et digne Père. Oh ! que sa vie est très-précieuse à l'Eglise de Dieu ! Il la lui faut demander continuellement. Que vous êtes heureux au-dessus de tout le reste du monde, de voir toujours les actions de ce vrai imitateur du Fils de Dieu, notre Sauveur et souverain Maître ; mais faites-en bien votre profit.

Irez-vous à Rome ? que feraient ces pauvres filles ? O Dieu ! ce voyage sera à sa très-grande gloire, mais que pesantes sont les absences d'un si digne et véritable Père ! Fiat voluntas tua ! Pourtant, j'ai reçu seulement ce matin votre billet de Pâques, et l'après-dînée le paquet du 14 mai. Certes, et pourquoi ne ferez-vous pas de petites exhortations à la chère famille ? Vous leur porterez les miettes que vous recueillez de la table de notre grand Père [saint François de Sales]. Ah ! que tout est bon et nourrissant ! c'est un pain de pur froment, qui nourrit et engraisse l'âme qui en mange. Portez-leur-en tant que vous pourrez, ô mon cher fils, et si vous avez l'incomparable bonheur de le suivre, ayez soin, je vous prie, de m'en mander souvent des nouvelles et de le faire soulager tant que vous pourrez, le conjurant par soi-même et par tout ce que Dieu a voulu que je lui sois, de faire tout ce qui lui sera possible pour conserver sa santé ; mais nous saurons plus particulièrement ce départ.

Je suis grandement obligée à M. le chevalier, mon très-cher fils, que j'honore tendrement, et à tous nos chers amis et amies qui daignent se souvenir de moi, et aux bons serviteurs de Monseigneur, je les nomme ainsi, estimant ce titre très-honorable ; je les aime chèrement, et tous nos maîtres, et ma pauvre vieille Sœur Jacquement ; mais je n'entends rien de nos tant chères filles de N*** et de Vallon ; je les salue et vous de tout mon cœur, à qui je suis très-humble mère et fille en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [420]

LETTRE CCLIII - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

La correspondance à une grâce en attire d'autres. — Souffrir avec patience les difficultés suscitées par sa famille.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1er juin 1620.

Oui, certes, ma très-chère fille, et je vous le dis derechef, que Dieu vous tient de sa bonne main. Je le supplie, par son infinie douceur, de parachever en vous ce qu'il a commencé. Correspondez fidèlement et suavement, ma très-chère fille, et vous recevrez de si grandes faveurs, que votre âme se fondra en bénédictions de douceur et d'amour, dont une once vaut mieux que tout ce que des millions de mondes pourraient nous donner, amour qui dure éternellement et qui est l'éternité et le Dieu de l'éternelle gloire. Je vous souhaite ce bonheur, ma fille, et prie Dieu de toute mon affection d'en combler votre cher cœur.

Vous voyez comme je cours et n'ai quasi le loisir de former mes lettres ; c'est pour vous dire qu'il faut que vous ayez un peu de douce patience pour votre affaire, en laquelle, certes, votre chère mère[308] fait des merveilles à témoigner de l'affection pour vous ; c'est elle qui amène tout à raison. La bonne femme a été malade et l'est encore. Elle nous a envoyé ce matin un de messieurs vos beaux-frères ; je ne me souviens pas de son nom ; il vous affectionne fort, et m'a dit que je vous assurasse que madame votre mère était tellement changée envers vous qu'il ne se pouvait dire davantage.

Ils font une assemblée de parents, et veulent qu'enfin ce contrat se fasse ici dans cinq ou six jours, ou huit, si la bonne [421] fête [de la Pentecôte] ne se trouve parmi, en laquelle on ne pourra y travailler. Ce sont des personnes qui font tant de considérations, que j'eusse fort désiré que le contrat se fût fait vers vous. Dieu, par sa bonté, y mettra sa bonne main. Cependant, ma très-chère fille, demeurez bien en paix, assurée que nous avancerons l'affaire tant que nous pourrons.

Dieu soit votre tout, ma très-chère fille. Je suis en Lui, très-assurément,

Votre plus humble sœur et servante cordiale.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLIV - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À LYON

Religieuse exactitude et fermeté de la Sainte à ne pas aller au parloir pendant l'Office ; agir ainsi, c'est édifier les séculiers sans manquer aux égards qui leur sont dus.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. 1620.]

Où êtes-vous mon enfant, car il y a déjà si longtemps que je n'ai eu de vos nouvelles, trois semaines, ce me semble, et, quand je passe quinze jours, le temps m'est long, quoique non pas ennuyeux. Êtes-vous déjà en votre nouvelle ruche[309] ? Il me tarde de [422] le savoir et comment la petite Supérieure [Sœur M.-Aimée de Blonay] fera en votre absence.

Si Monseigneur est à Turin ou en chemin, adressez promptement mes lettres à M. le président, afin qu'il les lui fasse tenir, car elles sont d'importance. Je vis l'autre jour le très-cher frère qui meurt d'envie de vous voir ; il est bon et brave ; il prit la peine de venir deux fois coup sur coup, parce que la première fois j'étais à Vêpres, et, si ce n'est quelque prélat ou Père de religion de grande importance, ou des princesses, l'on dit que nous sommes à l'Office, et je n'en sors point, quoique je me fasse avertir, afin de juger ce qu'il faut faire, si ce sont personnes de telle qualité que l'on n'ose les faire attendre. Je vous dis ceci afin que vous en fassiez de même, ma très-chère fille, et toutes les autres Supérieures ; car, autrefois, je ne l'osais faire, j'avais tant de crainte de déplaire ; mais nos Règles me lient, et je le leur dis ; c'est pourquoi, au lieu de leur donner de l'ennui d'attendre, ils sont fort édifiés ; car enfin, si l'on ne fait cela, on serait accablée, perdue et distraite, plus que si l'on était séculière. Oh ! certes, je ne suis pas venue ici pour ne rien faire de ce que je dois en ma condition, et si ce ne sont de ces personnes susdites ou des affaires extrêmement nécessaires, quand l'Office sonne, je dis adieu, et cela s'observe par toutes nos Sœurs encore mieux et exactement. Ne fais-je pas bien, ma fille ? De vrai, je n'aurais aucun moyen de récollection autrement.

Adieu, ma très-chère fille, je salue chèrement notre petite directrice et toute la chère troupe, à qui je souhaite l'abondance des bénédictions.

[Sur l'adresse on lit ces lignes :] Pour la Sœur de Blonay. Ouvrez cette lettre, ma chère fille ma mie, si notre Sœur n'y est pas, et faites tenir mon paquet sûrement, m'envoyant aussi les autres que vous recevrez par la voie ordinaire.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [423]

LETTRE CCLV - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Billet des dons du Saint-Esprit. — Projet d'un vœu.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 7 juin 1620.

Mon très-honoré Seigneur et unique Père,

Que cette fête est grande dans laquelle Dieu verse si abondamment ses précieux dons sur ses fidèles ! Voilà celui de l’entendement que la divine Providence vous a marqué pour cette année[310] ; j'espère que vous l'emploierez fidèlement. Il m'est échu celui de conseil. Dieu me fasse la grâce de recevoir ceux que vous me donnerez de sa part, et de les bien accomplir ! Je vous supplie de fort prier cet Esprit très-saint et de recevoir le propos d'un vœu que nous avons desseigné, et qu'il me donne une grâce abondante pour l'accomplir parfaitement J'ai eu sur ce sujet certaines craintes et représentations qui ont fait frémir ma chair, mais mon cœur demeure invariable dans son désir et résolution de suivre la très-adorable volonté de Dieu.

Je vous ai déjà mandé les dispositions de notre établissement à Orléans et Nevers ; mais, mon vrai Père, je m'oubliai de vous demander l'obéissance pour traiter de ces fondations ; car la mienne ne porte que Paris, Bourges et Dijon, et quoique je puisse dire sans scrupule que je ne fais rien sans votre ordre, je suis pourtant bien aise de le montrer par écrit.

[Quelques lignes illisibles.]

Conforme à une copie gardée aux archives de la Visitation d'Annecy. [424]

LETTRE CCLVI (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Affaires d'intérêts.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 9 juin 1620.

Ma très-chère Sœur, voilà la lettre de change pour recevoir les trois cent vingt livres que nous avons données ici. C'est par des gens de Nessy que je vous l'envoie. Dieu vous comble de son saint amour, ma très-chère fille, et toute votre chère troupe. Amen. Je n'ai loisir que pour cela. Dieu soit béni.

Envoyez-nous, s'il vous plaît, force petits livrets de nos Règles avec nos Sœurs.[311]

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Difficultés relatives au contrat de madame du Tertre. — Voyage des Sœurs destinées à l'établissement des maisons de Nevers et d'Orléans.— Traverses pour le logement de la communauté de Paris. — Il faut aider la nouvelle Supérieure de Moulins. — Divers embarras concernant des novices et des prétendantes.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 9 juin [1620].

Ce n'est pas besogne faite, ma toute chère fille, que de traiter avec des personnes du monde. Je me trouve très-empêchée à bien faire ce contrat comme il faut selon Dieu, et je fais ce que je peux pour le faire passer vers vous : car notre chère Sœur voulant être Religieuse absolue, comme ses parents [425] le prétendent aussi, il est malaisé et je dis très-malaisé d'y faire des conditions de privilège par obligation, autres que celles que la charité permettra et requerra, ou l'on fera toutefois ce qui se pourra pour la contenter.[312] Ce n'est pas cela néanmoins qui retarde l'affaire, et pressera-t-on tant qu'il se pourra. Ils veulent faire des grandes assemblées de parents et de grands mystères ; je n'aime guère tant de bruit, surtout en telles occasions.

Vous voyez, mon enfant, que nous aurons le loisir de faire venir les filles, et puis si bien l'on presse à Nevers, c'est pour l'achat de la place ; mais quand elle sera vôtre, vous irez à commodité. Je crois pourtant que nos Sœurs [d'Annecy] arriveront, non pas à la fin de juin, mais au commencement de juillet ; elles viendront dans le coche à cinquante écus, ce n'est pas cher, et ce sera plus tôt fait ; vous en payerez votre part, s'il vous plaît, ma très-chère fille. Il y aura trois filles pour vous, et cinq ou six, tant pour Orléans que pour cette ville ; je crois qu'elles auront aussi un conducteur. Nous leur faisons tenir cent écus à Lyon ; cela incommode un peu cette petite maison, mais il n'y a remède. Dieu réparera tout. Je crois bien que ce ne sera pas assez ; mais, passant vers vous, vous remplacerez, s'il vous plaît, ma fille. O Dieu ! que de peine, que de travail, il ne se peut dire pour nous loger et pour achever cet établissement [de [426] Paris] ! recommandez tout à Dieu de bonne sorte, je vous prie, ô ma chère amie.

Puisque Dieu donne un si riche commencement à votre maison de Nevers, pour Dieu, gardez et prenez la liberté de choisir les esprits. Je ne prendrai point de fille que vous ne le mandiez, mais il y a ici de bons sujets. Véritablement, je serai bien aise que l'on fasse quelque aide à Moulins ; car je crains que la nouvelle Supérieure ne se trouve bien étonnée de voir si grande charge et si peu de fonds ; mais vous la conforterez et l'encouragerez bien, ma très-chère fille, et déchargerez tant que vous pourrez, la maison de filles, afin qu'elle puisse rouler sous cette charge. Mon assurance est invariable en Dieu, pourvu que nous fassions bien notre devoir.

N'avez-vous pas fait un contrat pour notre Sœur Marie-Marguerite [des Serpents] ? Si ses parents n'y pourvoient, nous chercherons ici quelqu'un qui ait encore le contrat de notre Sœur Marie-Anastase [Pavillon]. Elle a achevé sa diète, et cependant n'est guère mieux. Certes, et moi aussi, j'en ris un peu de ce que notre bonne Sœur M.-Avoye [Humberl] se fait craindre.

Je ne puis voir M. Lefèvre, mais il m'est venu en pensée un bon moyen d'avancer, voire, d'assurer notre affaire : c'est qu'il y a une fille qui voudrait être Religieuse, bonne fille et damoiselle, mais elle n'a que trois cents écus ; sa sœur, par le moyen de son mari, qui est chez M. le chancelier, pourrait faire l'affaire, si on lui offrait le parti de recevoir sa sœur ; mandez-moi si nous tenterons cette voie, et, en ce cas, faites une recherche à M. Lefèvre, afin qu'il me parle.

Monseigneur va à Rome,[313] Dieu soit partout sa force ! Il y sera utile à notre Institut. Je suis accablée d'affaires et d'écritures.

Dieu soit béni ! [427]

[P. S.] Les parents de notre Sœur du Tertre me prièrent de tenir ces lettres [prêtes], il y a longtemps, et me les ont laissées là. Je crois qu'ils ont grand besoin d'être pressés et que, si on ne le fait, l'affaire tirera de longue ; faites-le faire donc, car de nous il ne serait à propos. M. Rousselet craint fort que l'on renvoie sa nièce ; je l'ai assuré que pour le corps on ne le ferait pas, pourvu que l'esprit aille bien.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy

LETTRE CCLVIII - À LA MÊME

Acheminement de la fondation de Nevers. — Conditions pour le contrat de madame du Tertre. Il vaut mieux qu'elle prenne l'habit à Moulins. — Maladie et prochain mariage de Françoise de Chantal

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 9 juin [1620].

Ma très-chère Sœur,

Voilà enfin le commencement de l'affaire acheminé en bon train ; ce matin je vous avais écrit qu'il y avait de la tardiveté afin que vous les fissiez presser, parce que M. Bonsidat[314] pressait grandement M. de Château-Renaud. Loué soit Dieu ! Il faut donc que la très-chère Sœur fasse ce que M. Aubry désire, afin que la maison soit promptement achetée. J'espère que nos Sœurs arriveront à point. Je ne trouve point qu'il y ait grand ni petit intérêt que notre bonne Sœur [du Tertre] prenne l'habit à Moulins ; au contraire, je pense qu'il serait mieux et avec moins de bruit. Le contrat enfin se passera là, dont je me sens grandement soulagée ; car les Pères Jésuites vous serviront de conseil ; enfin, selon celui d'ici, quand elle aura fait les vœux, [428] elle doit pour lors être comme les autres, mais vous en devez avoir un grand soin. Cela est superflu de vous dire tout cela ; car enfin vous avez très-bons conseils et personnes qui vous chérissent. C'est chose aimable de voir le soin, l'affection et la diligence du très-bon M. de Château-Renaud ; certes, il nous oblige grandement.

O ma très-chère fille ma mie, faites que la chère fille Marie-Aimée [du Tertre] (ce nom m'est doux et aimable) signe cette quittance, afin que l'argent se touche incontinent et que l'on expédie votre achat. Selon que je vois par les lettres, vous serez fort bien logée. Adieu, ma mie, notre très-cher Père ira à Rome bientôt, il se porte bien ; on parle toujours de le tirer deçà, mais cela est lent et hors d'apparence.

Ma fille a pensé mourir ; ne voilà-t-il pas des traits du monde ! elle se porte bien et épousera dans huit jours, s'il plaît à Dieu,[315] [M. de Toulonjon].

Je vous prie que les parents de notre Sœur Marie-Marguerite vous parlent comme il faut ; car nous ne pourrons pas la garder davantage avec son voile blanc.[316] Priez pour nous, ma vraie très-chère fille, et vous assurez toujours de mon cœur qui est tout vôtre en Notre-Seigneur, qu'il soit béni.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [429]

LETTRE CCLIX (Inédite) - À LA MÊME

Avis au sujet du contrat de madame du Tertre. — Conseils pour la bâtisse du monastère de Nevers. — Affaires de celui de Paris.

VIVE † JÉSUS :

[Paris], 21 juin 1620.

J'écris à votre chère Sœur Marie-Aimée (madame du Tertre) sur le contrat d'entre elle et nous ; vous verrez, ma très-chère fille, ce que je lui en dis. Il n'y a point d'apparence de faire autrement ; car quelle inconvenance d'aller déclarer par là même qu'elle ne se lèvera pas le matin, qu'elle aura une fille qui la servira, qu'elle sera bien traitée et semblables ! Or, il est toutefois très-juste de lui donner quelque assurance particulière pour cela ; c'est pourquoi, ma très-chère fille, il me semble que cette chère âme doit écrire à Monseigneur toutes ces petites menues commodités qu'elle désire, ou bien vous, si elle n'ose le faire, et Monseigneur lui permettra que cela lui soit donné, concédé et entretenu tant qu'elle voudra, mais il faudra faire cette dépêche promptement, et la bien recommander et en presser la réponse ; car véritablement il lui faut donner tout le contentement et l'assurance qui se pourra en bonne conscience. Ce contrat d'entre elle et vous ne se fera point ici, il est mieux qu'il se passe là où elle prendra l'habit.

Notre pauvre Sœur de Gouffier veut absolument que vous la payiez ; elle a son esprit si délicat que je n'ose dire le quart de ce que je voudrais. Si vous pouviez lui donner les deux cents écus maintenant, nous nous essayerons de la faire contenter. Au moins, certes, si elle ne le fait, je lui dirai ce que vous m'avez écrit. Il est vrai que je ne sais si j'aurai le loisir de rechercher votre lettre. Si vous le pouvez,, écrivez derechef. Je retiendrai [430] donc deux cents écus qui demeureront aux mains de mademoiselle d'Asy jusqu'à ce que vous lui ayez écrit qu'elle me les donne, et que vous les rembourserez là, si vous ne faites que la bonne madame du Tertre fasse cette aumône à la maison de Moulins. Ce qui m'a fait chercher l'expédient de la faire écrire à Monseigneur, c'est le Père Supérieur de Saint-Louis, Jésuite excellent, qui me dit court qu'on ne devait rien mettre dans le contrat que ce qui est porté dans la lettre de Mgr de Nevers ; mais elle ne se contente pas de cela ; car elle a écrit une grande lettre à M. Aubry, avec mille raisons par lesquelles elle témoigne vouloir fortement qu'on lui spécifie par le menu toutes les exemptions qu'elle désire. Cependant cela ne se doit pas, puisqu'elle veut être Religieuse ; mais il faut qu'elle déclare ce qu'elle désire, et je m'assure que Monseigneur le lui accordera. Je crois que je vous l'ai déjà dit ; mais c'est que j'écris à tant de reprises que je ne me souviens pas bien.

J'ai vu l'achat de votre place, et la lettre de ce bon marchand qui dit qu'il n'a rien traité avec M. de Saint-Martin, afin que, quand vous serez sur le lieu, vous preniez de la place ce qu'il vous en faudra. Mon Dieu ! ma très-chère Sœur, n'épargnez pas un peu d'argent pour faire un grand lieu de jardinage ; aidez-vous des bons Pères Jésuites pour juger cela, et vous en servez en tout, je veux dire surtout pour le spirituel ; c'est le meilleur et plus solide esprit. Au reste, quand vous aurez marqué les places qu'il vous faut, si vous m'en envoyez le plan, je vous ferai faire dessus celui de notre maison qui vous contentera ; et puis c'est que, tant qu'il se pourra, il faut faire nos monastères semblables. J'écris un mot à madame la tante de notre Sœur Marie-Marguerite, je vous prie de l'accompagner d'un mot, car c'est à vous à qui elle a promis. Certes, nous sommes délibérées de ne pas faire faire la profession à notre Sœur, qu'ils ne fassent ce qu'ils doivent.

Vous ai-je dit que Monseigneur s'en allait à Rome, peut-être [431] pour deux ans ; mais c'est l'utilité de notre Institut et la volonté de Dieu.

Nous avons toujours de grandes difficultés pour nous loger. Je ne sais encore point de nouvelles du départ de nos Sœurs-mais elles arriveront à temps ; car aussi ces messieurs de deçà ne sauraient aller à vous qu'à la fin de juillet, à ce qu'ils disent. On m'a écrit que Monseigneur promettait à ceux de Nessy que je m'en retournerais cet automne ; à quoi je ne vois point d'apparence, et Dieu veuille que j'y puisse bien être d'ici à un an ! Il me fâchera bien de ne vous pas trouver à Moulins, et je ne sais si j'oserais passer à Nevers, si Monseigneur ne me le dit, à cause qu'il me semble qu'il est fort écarté du chemin, mais il y a du temps d'ici là ; certes, je ressentirais de la peine de me retirer sans vous voir. Or sus, priez Dieu pour moi.

Nous avons de braves filles et qui commencent fort à me contenter, et je suis un peu difficile. Notre chère Sœur Marie-Anastase commence à se lever et à marcher avec le bâton. Sa cuisse est toujours ouverte, et son corps mal fait, mais ce sera prou qu'elle puisse rouler ainsi.[317] Quand je vous parle, je ne puis finir. Je n'ai point vu cette lettre de M. de Gondras.

Je ne sais quelle Supérieure l'on vous donnera, ni quelle directrice, car Monseigneur a tant d'affaires qu'il ne pense pas à dire la moitié de ce qu'il faudrait. Je crois que vous aurez bientôt les filles. Dieu les bénisse et fasse qu'elles rendent bien leurs devoirs. Vous savez ce que je vous suis, toujours davantage, s'il se peut, toute vôtre en Notre-Seigneur ; qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [432]

LETTRE CCLX - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

Une Religieuse fondatrice ne peut, par contrat, exiger aucun privilège. Conseils à ce sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, juin 1620.]

Il y a longtemps que l'on nous a envoyé la quittance, ma très-bonne et chère fille, sitôt qu'elle sera de deçà l'on fera compter l'argent. Certes, il m'a un peu fâché de voir tant de remises ; mais tout vient à point à qui peut attendre.

Quant à ce qui est du contrat d'entre vous et nos Religieuses, hélas ! ma très-chère fille, ne doutez point, je vous supplie, que la balance s'y tienne juste ; mais, parce que vous voulez faire les vœux, il ne nous est pas possible d'insérer dans le contrat autre chose que ce qui est contenu dans la lettre de Mgr de Nevers ; non que ce soit ce bon prélat qui nous lie les mains, mais c'est que les utilités de ce privilège de fondatrice, en qualité de Religieuse, sont de menues choses qui regardent votre soulagement, votre traitement et les services particuliers qui vous sont nécessaires, choses qui ne se peuvent particulariser dans le contrat, et qui y seraient inconvenantes ; car les privilèges ordinaires des fondatrices[318] sont d'entrer et sortir du monastère quand elles veulent, pourvu que l'heure ne soit pas indue, d'y être nourries, couchées, servies, sans rien particulariser par le menu. Elles s'y font enterrer, si elles veulent, portent l'habit quand elles sont dedans, chantent au chœur si elles veulent, et semblables licences. Mais votre intention n'est pas cela, ains d'être Religieuse, sans toutefois une si étroite [433] obligation aux exercices et [à notre] manière de vie, en considération de votre faible et délicate complexion, chose qui est raisonnable et qui ne vous sera jamais déniée.

Mais, pour votre plus grande satisfaction et contentement, il faut que Monseigneur de Genève vous en fasse une promesse particulière, je le lui écrivis mardi dernier, et que pour cela vous lui écririez et lui manderiez par le menu toutes les exemptions que vous désireriez, afin qu'à jamais rien ne pût être révoqué en doute ; car cela, joint à la licence abrégée que vous donne Mgr de Nevers, sera invariablement conservé et maintenu par toutes nos Religieuses. Je crois que vous ne doutez point de l'obéissance qu'elles doivent à ce bon Monseigneur, et qu'elles aimeraient mieux mourir que d'y contrevenir. Ainsi donc vous n'aurez rien à craindre, et je vous prie, ma très-chère fille, de ne le pas faire, mais vous assurer que l'on ne voudrait nullement vous manquer. Dieu sera notre caution, et nous fera accomplir sa sainte volonté, ma très-chère fille ; je supplie son immense bonté de vous donner l'abondance de ses saintes grâces, afin que fortifiée en son saint amour, vous le serviez avec toute perfection, repos et plein contentement. Je suis en Lui, plus que vous ne sauriez penser,

Votre plus humble et très-affectionnée.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [434]

LETTRE CCLXI (Inédite) - LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE, À LYON[319]

Préparatifs pour les fondations de Nevers et d'Orléans.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 23 juin [1620].

Ma très-chère fille, je pensais que vous m'écririez par ce messager-ci, car je suis toujours un peu en peine de la lettre de change que j'ai envoyée pour recevoir les trois cent vingt livres. Oh ! bien, Notre-Seigneur pourvoira à tout. Assurez-vous du coche à l'avantage ; il nous coûtera cinquante écus, mais il n'y a remède, il le faut tout. Dès que vous saurez le jour que nos Sœurs partiront de Lyon, faites-le nous savoir. Au reste, ma fille, si Monseigneur veut qu'on prenne notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette], équipez-la bien pour son hiver et pour son été, et lui donnez aussi un peu d'argent pour aider aux frais ; car cette maison a prou fait de donner cent écus. Si cette fille vient, j'en serai bien aise pour votre soulagement ; si elle ne vient pas, j'en serai bien aise pour le nôtre.

Adieu, ma fille, le glorieux saint Jean nous fasse part de sa force à mépriser le monde et tout ce qui est créé, pour servir purement la très-sainte volonté de notre bon Dieu. Amen. Je salue chèrement toutes vos bonnes filles, et nos Sœurs quand elles seront là. Qu'elles viennent de bon cœur, nous les attendons aussi joyeusement ; mais dites-leur qu'elles ne parlent [435] point de Supérieure pour cette maison, car c'est une corde qu'il faut manier bien doucement ; que, si on la touchait maintenant, on se mettrait au hasard de tout rompre. À Dieu encore une fois, ma très-chère fille.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXII - À LA MÈRE PÉRONNE-MARIE DE CHATEL

SUPÉRIEURE À GRENOBLE

Inutilité et danger des réflexions sur soi-même. — Faire lire souvent les Entretiens de saint François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. fin de juin 1620 ]

C'est la honte de votre cœur, ma très-chère fille, qui vous fait trouver consolation en nos lettres ; mais Dieu soit béni qui se sert de choses tant indignes, et de ce qu'il vous a délivrée de cet embarrassement auquel jamais, ma très-chère fille, il ne faut retomber. Voire, qu'est-ce que cela ? une fille de dix années [de religion] s'amuser aux réflexions, aux petites insatisfactions, philosopher sur une parole ! O Sauveur de mon âme ! il ne faut plus faire ainsi. Si Dieu permet qu'il nous arrive des choses contre nos espérances, ou qu'il nous semble ceci et cela de quoi que ce soit, encore que nous le sentions bien, ne le regardons point ; mais jetons-nous simplement dans le sein de la divine Providence, acquiesçant doucement à tout sans réserve, étant bien aise qu'elle nous dépouille. Voyez-vous, vous attendiez de Monseigneur [saint François de Sales], pour la satisfaction de votre amour-propre, des nouvelles approbations de la bonté de votre chemin (duquel vous avez été déjà tant assurée, qu'il ne faudrait jamais y repenser), et voilà [436] que la divine Providence le confirme par cet esprit sacré, mais d'une façon trop courte et qui ne satisfait pas pleinement le désir que vous aviez d'y être satisfaite ; et je ne doute nullement que cela n'ait été le commencement de votre embarras. Oh ! il ne faut plus ces choses-là ! Vous allez [par] un chemin tout saint et assuré, il ne faut que le continuer, allant en avant sans réflexion, jamais plus, je vous prie, et me croyez. Apprenez cela hardiment à vos filles, et tant qu'il se pourra faites-les cheminer en cette simplicité, sans retour.

Je crois que l'on vous envoie les Entretiens et Exhortations que fait Monseigneur. Oh ! Dieu soit béni de la guérison de la bonne Sœur J.-Hélène[320] ! Non, jamais il ne leur faut laisser faire ces particularités. Faites fort lire l'Entretien des Règles et tout ce que l'on a de Monseigneur. Je ne trouve rien de tel pour nourrir l'esprit de la maison.

Dieu soit béni, ma très-chère fille, de la bonté de notre bonne Sœur.[321] Je ne sais pas son nom, mais vous nous la donnerez donc, nous en avons bon besoin ici. Dressez-la toujours mieux.

Personne n'entre plus par toutes nos maisons ; néanmoins, à cause de la petitesse de l'église, cela est excusable ; mais, pour le dîner, il n'y aurait point de danger de le retrancher. Toutefois, vous pourrez faire l'un et l'autre quand vous changerez de maison. Si Mgr de Grenoble est là, il lui faut demander l'obédience pour la fille.

Toutes nos Sœurs vous saluent cordialement ; je salue les nôtres qui sont auprès de vous et la très-chère petite avec nos autres amies.

Bonjour, ma très-chère fille ; je suis ce que Dieu veut que je vous sois. Amen. [437]

[P. S.] Vous ne me dites rien de notre petite Sœur F.-Angélique et de sa compagne ; [ne] font-elles pas fort bien ? Je le souhaite de tout mon cœur. Ne vous ai-je pas mandé que nous avions marié ma fille fort heureusement, grâce à Dieu ?

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Nouvelles dispositions pour le départ de quelques Sœurs. L'assistance au saint Office doit être préférée aux exigences des séculiers.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 30 juin 1620.

Je viens d'écrire à notre Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche], car je crois qu'elle est la capitainesse de la petite troupe. J'envoie la lettre à Moulins, craignant qu'elle ne la trouve pas à Lyon. Je ne sais si elle nous aura amené une compagne de Nessy. Il me semble qu'il nous faut cela, ma très-chère fille, mais je m'en rapporte [à ce qu'on décidera]. Si l'on ne vous écrit point, et que vous vouliez retenir notre Sœur Marie-Françoise Bellet, vous pourrez nous envoyer en sa place cette chère fille de la Grange[322] ; car je crois que Monseigneur le voudra bien, et un jour vous pourrez faire passer notre Sœur Marie-Françoise en Auvergne, si l'on prend notre Sœur Françoise-Jéronyme [deVillette] ; et enfin, si nos Sœurs ne sont passées, saluez-les chèrement.

Donnez toute satisfaction à ceux de dehors ; mais, petit à petit, sauvez les Offices, cela se doit, et me croyez qu'enfin vous n'en serez point blâmée ; je l'expérimente ici ; l'on fait état des Religieuses qui observent leur Règle. Je ne puis [438] davantage. Si nos Sœurs ne sont parties, hâtez-les, car elles devraient arriver pour Nevers.

Je mande à notre Sœur Claude-Agnès qu'elle laisse notre Sœur Anne-Marguerite [Clément] pour directrice à Nevers, si Monseigneur n'y a destiné notre Sœur Françoise-Jéronyme. Certes, je voudrais bien que vous gardassiez la petite Bellet, si elles ne sont passées, et envoyassiez la Sœur de la Grange. En ce cas, notre Sœur Marie-Michelle [de Nouvelles] demeurerait à Moulins pour compagne de la Supérieure. Dieu soit béni ! Je n'en puis plus, vous savez ce que je vous suis.[323]

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [439]

LETTRE CCLXIV (Inédite) - À LA MÊME

Presser le voyage des Sœurs fondatrices d'Orléans et de Nevers.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 4 juillet 1620.

Ma fille, hâtez nos Sœurs, je vous supplie ; qu'elles ne séjournent point à Lyon. Mais je m'avise que si elles vont passer à Lyon, elles arriveront trop tard à Moulins ; car il faut que nos filles en partent le 10 pour aller à Nevers. Dieu soit la conduite de tout. Amen. Je ne puis davantage. Je suis vôtre.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXV (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

L'attachement que le public témoigne aux premières Supérieures d'une fondation contrarie la Sainte. — Nouvelles des monastères de Lyon et de Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 17 juillet 1620.

Oh ! Dieu, ma fille ! que ceci est fâcheux, de ne savoir pas où vous écrire ; si vous saviez les adresses et me les mandiez, vous me feriez grand plaisir. Or ça, disons ce qu'il faut. Je vous écris que j'ai pris médecine, c'est pourquoi il se faut hâter. — Dieu soit béni du bon accueil que vous avez reçu. Je suis marrie de quoi le monde s'attache ainsi aux premières Supérieures qu'il voit. — Je m'assure que vous saurez bien donner toutes les connaissances et l'estime que vous pouvez à votre Supérieur ; je crois qu'il ne faut point que vous parliez de votre départ, car cela ne fait que roidir les esprits ; je suis contrainte de faire ainsi en cette ville ; et puis je pense que la maison de Turin ne [440] se faisant pas, ou du moins étant retardée, il sera bon que vous fassiez là tout le séjour qui sera requis pour le bien de la maison.

C'est pitié que d'avoir affaire à des esprits timides ; j'ai parlé à la demoiselle dont vous m'écriviez, elle m'avait dit qu'elle vous écrirait. Je n'ai pas tout dit ; mais j'ai assez dit pour vous décharger de cette affaire, et ferez bien de ne vous en plus mêler. O Dieu, ma fille ! je l'espère bien, moi, de vous revoir, moyennant la grâce de Dieu. Plût à Dieu qu'avant de partir de Lyon, vous vous fussiez toute déchargée ; je ne pense pas toutefois que vous y retourniez, au moins pour longtemps. Oh ! j'écrirai de cela à Monseigneur.

Notre Sœur Marie-Aimée [de Blonay] fait fort bien : tout va avec suavité à l'accoutumée, et l'esprit de notre Sœur N*** s'accommode fort bien ; nous attendons nos Sœurs, je ne sais qui vient. Nous sommes sur le point d'acheter une maison toute bâtie, mais à force d'argent, sous la providence de Dieu qui ne nous manquera pas, s'il lui plaît. Nous avons toujours force filles, et le jour de ma fête nous en reçûmes une de grande qualité, des plus renommées,[324] qui donne quinze mille écus pour aider à la fondation ; mais ce qui me plaît le plus, c'est qu'elle a un très-bon cœur, et un esprit bien fait. Voilà le gros de nos nouvelles ; car, de cette vérité, que vous êtes toujours ma très-chère unique grande fille, il n'y a rien de nouveau, sinon que la persévérance sera éternelle. Je crois que nos Sœurs arrivèrent à Nevers il y a huit jours.[325]

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [441]

LETTRE CCLXVI - À MONSIEUR DE PALIERNE

TRÉSORIER DE FRANCE, À MOULINS[326]

Recours à l'autorité de M. de Palierne en faveur de la maison de Nevers. Projets d'accommodement.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 22 juillet 1620.

Monsieur,

J'ai appris par l'aumônier de Monseigneur de Genève ce qui se passe à Moulins[327] contre le dessein de la fondation de l'une de nos maisons à Nevers. Vrai Dieu ! Monsieur, que ces soulèvements ont touché mon cœur ! Mais à qui mon recours, après Dieu et sa sainte Mère, sinon à vous, Monsieur, pour vous conjurer, pour l'amour que vous portez au Fils de Dieu et à sa sainte Mère, d'employer votre zèle, votre piété et toute l'affection que vous avez jamais eue pour Monseigneur de Genève, et pour ce petit Institut que Dieu a voulu former par la main de ce digne prélat, pour pacifier et accoiser cette tourmente.

Hélas ! ô Dieu, sa divine majesté sait que de toute mon âme je porte à ses pieds tout notre intérêt particulier ; mais celui de sa gloire en la bonne odeur que ces petits monastères ont accoutumé de rendre, oh ! Dieu sait combien cela me touche, quoique paisiblement, grâces à la divine bonté ; c'est pourquoi je [442] voudrais me fondre pour aider à réparer ce dommage ; et c'est pourquoi je redouble mes conjurations à vous, Monsieur, qui nous avez toujours fait l'honneur de nous aimer si chèrement vous suppliant, au nom de Dieu, et avec toutes les affections de mon cœur, que vous mettiez la bonne main en cette affaire. Quoi ! il n'est question que d'argent, et qu'est-ce que cela ? Si madame du Tertre en veut plus donner à Moulins qu'à Nevers, au nom de Dieu, soit-il ! cela nous est indifférent ; nous chérissons nos maisons également, et la chère dame sait bien que c'est son pur mouvement qui l'avait portée à Nevers. Si maintenant elle est persuadée par d'autres raisons et inclinations, qu'elle les suive ; mais je vous supplie que ce soit en sorte qu'il ne s'ensuive point de brouillerie ni de procès ; et me permettez, Monsieur, que la confiance que j'ai en vous me fasse dire ce qui me semble être d'équité, et que je désirerais que l'on fît : puisque madame du Tertre a si bien et légitimement, et si librement donné dix mille francs à la maison de Nevers, il me semble qu'elle les y doit laisser, à la charge qu'elle y aura sa retraite et son entrée quand elle aurait besoin de changer d'air ; et, pour les vingt mille francs, puisqu'elle a désir d'en accommoder la maison de Moulins, elle pourra le faire. Voilà comme je pense que les choses devraient être accommodées pour la gloire de Dieu et notre consolation ; et je vous supplie très-humblement, Monsieur, de porter votre main de paix à cette affaire. Vrai Dieu ! que de secousses les vrais serviteurs et servantes de Dieu ont à supporter ! Quand les intérêts particuliers se fourrent parmi nos affaires, ils nous font bien souffrir ! Mais gloire soit à Dieu, et sa souveraine volonté soit en tout et partout accomplie, car en cela est notre paix.

Vous, Monsieur, que j'honore de tout mon cœur, ne me déniez pas ce que j'attends de vous en cette occasion, et que votre bonté s'y emploie sans réserve ; car je désire que vous soyez cru en cette affaire, afin qu'elle soit bientôt étouffée. Ah ! [443] je me confie que vous le ferez ; car vous aimez Dieu, et aurez mémoire de la douce affection de Monseigneur de Genève. Voyez aussi, je vous supplie, s'il sera expédient de changer de Supérieure. Je crois qu'oui, puisque l'on a été si aigri contre celle qui y est, et puis les obédiences doivent être suivies, qui sont la volonté de Dieu. Celle qu'on vous a envoyée [la Sœur P.-J. de Monthoux] est très-capable et vraie servante de Dieu. J'écris à madame la maréchale quatre paroles, remettant à votre prudence de lui donner ou non [la lettre] et à madame du Tertre aussi. Je ne répéterai point ce que je vous dis, Monsieur, m'assurant que vous lui communiquerez cette lettre ; aussi que je ne puis tant écrire, étant arrêtée de maladie. Or, me voilà soulagée, remettant cette affaire entre les mains de Dieu et les vôtres. Oui, Monsieur, je vous la remets, et de la part de Dieu et de sa très-sainte Mère à qui nous avons l'honneur d'être. Je m'assure tant de votre grande bonté, qu'encore ferez-vous quelque petite considération sur moi qui ne respire sinon que nous servions Dieu, purement, humblement, doucement, et avec un singulier amour de la pauvreté.

Jésus, notre bon Sauveur, vous comble de bénédictions, et vous conduise en cette affaire. Je suis d'une affection entière, Monsieur,

Votre très-humble et obligée servante en Notre-Seigneur.

[P. S.] Obligez-moi, Monsieur, de faire tenir ce paquet à nos Sœurs. Je vous écrivis dernièrement pour vous conjurer d'être toujours le père de cette maison ; je le fais encore très-humblement, saluant madame votre femme de qui je suis très-humble servante, et de votre bonne mère, madame de Mosdière.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [444]

LETTRE CCLXVII - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

Pressantes instances pour lui faire agréer les moyens de conciliation, proposés par S. François de Sales.

VIVE † JÉSUS !

[Paris,] 22 juillet 1620.

Eh bien ! ma très-chère Sœur ma fille, vous avez ouï et reçu des raisons et persuasions qui vous ont été faites pour demeurer à Moulins. J'en serais consolée si le tout se fût passé paisiblement ; car quel intérêt en tout cela, pourvu que l'on aime ce qui regarde la gloire de Dieu en la bonne odeur de ses servantes, qui doit être si précieuse aux âmes bien faites. Or donc, ma fille toute chère, puisque vous trouvez bon d'arrêter à Moulins, faites-le au nom de Dieu pour y vivre selon vos saintes prétentions, j'en serai bien contente ; et vous assurez que Monseigneur de Genève ne dira pas que non, car cela nous est indifférent, l'une des maisons nous est chère comme l'autre, et nous ne demandons, sur toutes choses, que la paix pour vivre tranquillement en nos petites observances. C'est pourquoi, ma très-chère fille, je vous conjure que, pour éviter les maux et embarrassements que je prévois, vous laissiez à la maison de Nevers ce que vous lui avez donné irrévocablement, et ce que vous ne pouvez lui ôter sans faire soulever de grandes mutineries en ce lieu-là, chose qui nous serait insupportable et nous ferait tout quitter. Je vous le dis franchement, ma très-chère fille, afin que vous le considériez mûrement.

J'écris mon sentiment au bon M. de Palierne. S'il vous plait me consoler en le suivant, vous m'obligerez, et je vous en conjure, ma fille, pour la gloire de Dieu. Il restera assez à Moulins, et la Supérieure que Monseigneur de Genève a [445] envoyée vous donnera pleine satisfaction, n'en doutez point ; car je craindrais que les choses passées ne donnassent sujet de quelque petite altération. Néanmoins, j'écrirai un mot au Révérend Père recteur, afin que ceci se fasse par son conseil. Si j'avais de la force, je vous écrirais davantage, mais que ceci suffise à votre cœur, je vous en prie et conjure, et de me tenir toujours pour toute vôtre en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLXVIII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

À MOULINS

Une Supérieure doit chercher en tout la gloire de Dieu et gagner les cœurs par la douceur et l'affabilité.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Au nom du grand Dieu, ma très-chère fille, ne vous ébranlez pour rien, ne vous étonnez de rien, traitez avec une profonde douceur et tranquillité avec notre Sœur Jeanne-Charlotte[328] ; passez tout, que l'union demeure. Vrai Dieu ! gardons-nous de faire aucune chose qui préjudicie à la gloire de Dieu et à noire Institut : ou vous demeurerez là, ou vous irez à Nevers avec nos chères Sœurs Françoise-Gabrielle [Bally] et Françoise-Jacqueline [de Musy], la fille de M. Bonsidat et encore une fille de Moulins, si vous jugez qu'elle soit nécessaire, comme je le pense, mais plutôt il faudra demeurer à Moulins, afin que l'on ne contrevienne aux obéissances. Ma très-chère fille, ma très-chère âme, au nom de Dieu, tâchez de gagner tous les cœurs [446] par votre douceur, affabilité. Que rien ne vous émeuve. Traitez toutes vos affaires en tranquillité et humilité, et vous verrez combien Dieu vous bénira et consolera.

Écrivez-moi au long, au large ; je vous répondrai, n'en doutez pas. Quand je saurai à quoi tout se résoudra, je vous écrirai. Gagnez madame du Tertre ; imitez Jésus en sa douceur.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCLXIX - À MONSIEUR DE PALIERNE

TRÉSORIER DE FRANCE, À MOULINS

Prière de s'employer près de madame du Tertre pour qu'elle maintienne ses promesses. — La gloire de Dieu et l'honneur des monastères sont au-dessus de tout intérêt temporel.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 24 juillet 1620.

J'ai, ce me semble, par mes précédentes lettres, répondu à celle que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire sur le sujet de la demeure de madame du Tertre à Moulins. Qu'ajouterai-je donc, Monsieur, sinon des supplications très-humbles que l'affaire s'accommode selon l'inclination de cette bonne dame, conservant tant qu'il se pourra la paix et la justice. Je vous ai dit rondement ce que je pensais, qu'il était très-raisonnable de laisser à la maison de Nevers les dix ou treize mille francs que l'on dit être déjà reçus, et qui en effet le sont, et justement. Ce partage doit peu importer à la bonne madame du Tertre, et c'est pourtant le seul moyen d'éviter tout embarras et débat que ceux de Nevers pourraient faire ; car pour nous, je vous assure, Monsieur, que nous ne voudrions pas y avoir pensé. [447]

Or, je m'assure que Monseigneur de Genève ne contredira point ce projet, ains il l'approuvera, comme amateur de toute paix, et très-égal en ses affections à nos maisons. Il y a de quoi faire bien à l'une et à l'autre. Ce que je désire sur toute chose, est que cette chère dame persévère à vouloir vivre parmi nous, selon ses premières intentions ; autrement il n'y a point de bien au monde, ni de considération qui nous pût faire traiter avec elle. Ce que je dis, Monsieur, simplement et confidemment, ayant tout sujet de traiter avec vous de la sorte ; ensuite de quoi je vous dirai encore que j'eusse grandement souhaité qu'elle n'eût bougé de notre maison, assuré que Ton doit être que c'est un lieu où l'on ne force personne ; mais bien, puisque Dieu a permis cela, patience.

Nous vous supplions toutefois que, puisqu'elle est résolue de continuer sa bonne volonté, elle y retourne au plus tôt, tant pour notre considération que pour celle de messieurs ses parents qui sont venus ici m'apporter leurs lettres, et nous remettre cette affaire.

Il me semble, Monsieur, et je le remarque par quelques-unes des lettres que l'on attribue à notre bonne Sœur la Supérieure de là, le dessein premier de madame du Tertre est qu'elle a de grandes passions pour aller à Nevers, ce qui n'est pas toutefois, je vous en assure, Monsieur. Et cette chère dame devrait en dire franchement la vérité, afin que les esprits de delà ne demeurassent point aigris par cette opinion non véritable ; et cela nous importe, estimant incomparablement davantage la bonne odeur de nos petits monastères, pour la gloire de Dieu, que toutes les choses de la terre.

Or, c'est assez vous dire, Monsieur, et je m'assure que votre prudence et votre piété auront surtout égard à l'intérêt de Dieu et de ses servantes. Je vous en supplie et vous en conjure, et de croire qu'invariablement je conserverai en mon cœur [448] l'affection pleine d'honneur et de piété que j'ai pour votre personne, et pour toute votre famille, priant Dieu qu'il vous comble de toutes bénédictions.

Je vous supplie derechef de servir de père à notre petite Supérieure ; vous lui trouverez un esprit capable, judicieux et zélé. Je lui écris un billet, afin qu'elle prenne confiance entière avec vous ; car c'est mon sentiment que toutes deux suivent leur obédience, se soumettant toutefois, s'il est mieux jugé autrement, ce que j'aurais peine à croire ; mais Dieu conduira tout.

Je suis, Monsieur, votre très-humble servante et obligée en Notre-Seigneur.

[P. S.] Faites donner sûrement ces billets à nos Sœurs, s'il vous plaît.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLXX - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX.

À MOULINS

L'esprit d'humilité, de douceur et de prudence est indispensable au bon gouvernement. — Il faut consulter et traiter avec confiance les amis du monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Ma très-chère fille,

Je pense donc toujours que votre bonne Sœur la Supérieure doit accomplir son obédience, et vous, la vôtre. Au nom de Dieu, conservez jalousement en votre gouvernement l'esprit de la très-sainte humilité, douceur, joie et suavité. Ne changez rien, conduisez la maison par son chemin. Si vous y trouvez [449] quelque chose qui ne vous semble pas selon Nessy, avertissez-moi, ma fille, avant que d'y toucher. Ne soyez nullement impérieuse, mais traitez vos Sœurs comme vos compagnes, avec amour et respect. Ma fille, il me faut croire, et je sais quel est votre cœur ; mais il faut pardonner au mien, qui abonde au désir de la gloire de Dieu dans nos maisons.

Soyez gracieuse, affable, patiente envers les séculiers. Ayez grand soin de conserver les amis, surtout le bon M. de Palierne, auquel vous devez beaucoup croire en la conduite des affaires ; c'est l'ami intime ; montrez-lui grande confiance. Au reste, ma fille, attirez et tirez le cœur de madame du Tertre par toutes les faveurs et charités qui vous seront possibles ; servez fidèlement son âme ; ayez grand soin de son corps, que rien ne lui manque, la maison est obligée à cela.

Tirez le cœur très-aimable de la chère Sœur Marie-Hélène [de Chastellux], c'est une brave fille, je la salue chèrement ; dites-lui qu'elle m'écrive, car je la veux bien servir, et toutes les autres, que je vous recommande comme mon propre cœur. Croyez et obéissez à notre Sœur l'assistante ou à Sœur F.-J. en ce qui concerne votre santé, et croyez que vous êtes ma toute chère fille.[329]

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation du Mans. [450]

LETTRE CCLXXI - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Devoir d'une Supérieure. — Ou ne doit désigner que les Sœurs conseillères dans les contrats du monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Oui, ma très-chère Sœur, je vous prie, rendez-vous communicative tant que vous pourrez, attrayante et gracieuse envers vos filles, leur parlant tant que vous pourrez, ou les faisant parler à celles d'entre les professes qui seront les plus propres pour cela ; enfin il faut qu'elles retrouvent en nous ce qu'elles ont laissé, que nous leur soyons mère, amie, sœur ; bref, toutes choses ; car si elles n'ont de l'amitié et cordialité de nous, et les unes avec les autres, elles seront sans soutien extérieur ; or, cela est le meilleur, mais peu sont capables de cela.

Eh ! le monde est admirable avec ses philosophies ; cette pauvre chère Sœur a été délaissée si jeune orpheline et amenée en ces quartiers, qu'à la vérité elle est bien excusable ; car je crois qu'elle ne s'est jamais enquise de cela ; elle tenait pour son père et pour sa mère ceux qui l'ont nourrie, après qu'il plut à Dieu qu'elle fût abandonnée et délaissée orpheline, car elle n'avait que deux ans. Or sus, il n'y a point de mal pour cela ; elle ne laisse d'être très-bonne et vertueuse fille.

Madame de Meignelay donnera le présent de l'église ; aussi ne faut-il, ma fille, il ne faut nommer dans les contrats que les coadjutrices. Vous ne sauriez faillir avec de si bons conseils, ayant recommandé l'affaire à Dieu, et étant bien unies et de même sentiment pour cette profession.

Je salue nos chères Sœurs, tout à part les Sœurs Anne que [451] j'aime tendrement, et la petite. Elles m'ont écrit, mais ne voyant point de besoin, je n'écris pas, étant accablée d'ailleurs.

Vous savez ce que je vous suis.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Affaires d'intérêt.

VIVE † JÉSUS.'

[Paris, 1620.]

Ce n'est pas M. de la Ramilière qui nous a donné le paquet, car on nous en a fait payer dix sous de port, écrit de même main sur le paquet. Dites à votre faiseuse de paquet que c'eût été assez d'en écrire quatre sous. Or sus, la pauvreté nous fait parler.

Je suis bien aise, ma très-chère fille, que Monseigneur et moi nous nous soyons rencontrés en l'avis que vous désiriez. Ne craignez point, le prélat est bon.

Je crois que nos Sœurs [d'Annecy] vous feront toucher environ douze cents écus pour M. de Toulonjon, qui les enverra prendre. Oh ! ma fille, je vous supplie si cela est, obligez-moi de faire changer l'or en monnaie blanche tant qu'il se pourra, au moins celui qui aura son prix, aussi à Lyon, parce qu'en Bourgogne il ne vaut pas tant. C'est une peine qu'il me fâche de vous donner, parce qu'elle est temporelle.

Nos Sœurs sont encore ici, mais j'espère que bientôt elles iront à Orléans, ou du moins notre bon M. Michel [Favre] s'en retournera. [452]

Adieu, ma fille, vous savez ce que je vous suis. Faites prier pour nous, je vous prie ; mille saluts à nos chères Sœurs.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXIII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX.

SUPÉRIEURE À NEVERS

Avis pour le gouvernement de la communauté. — Il faut maintenir la liberté que donne la Règle au sujet des confesseurs et des prédicateurs ; avoir surtout recours aux Pères de la Compagnie de Jésus. — Union avec les Mères Carmélites. — Défenses faites par saint François de Sales touchant les cellules.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

L'homme propose et Dieu dispose, ma très-chère fille ; sa bonté soit à jamais bénie de l'heureux succès de votre établissement. Vous avez bien fait de suivre le conseil du Père recteur et de M. le Supérieur de Moulins. Courage, ma très-chère fille ; n'appréhendez rien ; jetez tout votre souci en Dieu, ayez seulement celui de lui plaire, conduisant ses chères épouses avec un extrême amour, respect, douceur et support dans la voie de la sainte observance, et que l'humilité soit profonde et la confiance parfaite ; ne déclinez ni à droite ni à gauche de vos Règles et coutumes anciennes, et vous verrez comme Dieu vous bénira largement.

Je suis très-consolée de voir le zèle qu'a Mgr de Nevers ; il lui faut donner tout contentement et rendre toute obéissance ; mais conservez aussi humblement la liberté que vous donne la Règle pour communiquer, et appeler franchement ceux que vous penserez les plus propres. Ce sont les bons Pères Jésuites ; ayez-y votre principal recours et confiance ; ne laissez d'appeler des prédicateurs des autres Ordres, et, envers tous, témoignez respect, estime et charité. Entretenez-vous particulièrement [453] avec les Mères Carmélites, les faisant visiter quelquefois, et témoignant un grand amour et estime à leur Ordre, et à tous [les autres] aussi, ainsi que notre Constitution nous l'enseigne.

Gardez-vous bien d'être tranchante, ma très-chère fille, ni sèche, ni trop courte, mais soyez suave avec tous. Mon Dieu, que je suis consolée que ce soient les Pères Jésuites qui vous confessent à ce commencement ; ce sont mes Pères, et tant que j'en puis avoir, je n'en cherche point d'autres ; ce sont gens solides en piété et capacité ; ils aiment fort notre Institut.

C'est la vérité que notre unique Père ne voulait point que l'on couchât moins de trois dans une chambre, ni que l'on fit des caresses réitérées deux à deux, ni que l'on entrât dans les cellules la nuit sans extrême nécessité.

Je loue Dieu du bon état de votre chère famille ; sa divine bonté y accroisse ses très-saintes bénédictions, et surtout en votre chère âme.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCLXXIV - À MONSIEUR DE PALIERNE

TRÉSORIER DE FRANCS, À MOULINS

Terminer au plus vite le différend survenu entre les monastères de Moulins et de Nevers.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Monsieur, Il y a neuf jours que j'ai reçu une lettre de Monseigneur de Genève qui me mandait vous avoir répondu par cette même voie, et que, puisque madame du Tertre et vous, Monsieur, son cher conseiller, lui aviez remis l'entière disposition du différend arrivé, il vous avait conseillé que l'on partageât entre les deux maisons, afin d'assoupir ces mouvements avec égale satisfaction. [454]

Je dois croire, Monsieur, et je l'espère de votre douceur et prudence, que l'on ne renversera point le jugement et désir de ce bon prélat, et que le tout s'accommodera paisiblement. Je vous en supplie et conjure très-humblement, Monsieur. Si vous n'embrassez pas ce parti, il y aura de la brouillerie, mais je me confie en votre bonté et piété que vous tiendrez la bonne main ; autrement je m'assure que Monseigneur de Genève ne permettra jamais que nos maisons se mêlent de ce différend. Seigneur Jésus ! l'on se résoudra plutôt de tout quitter. Pour le temporel, il n'y aura pas grande difficulté à le laisser, mais j'avoue que ce nous serait une douleur sensible de voir périr tant de saintes affections que nous avons vues dans le cœur de cette chère dame notre bonne Sœur, à laquelle, pour le coup, je n'écris point, étant trop accablée. Mais permettez-moi, Monsieur, de la saluer chèrement, si je ne le puis faire ; et donnez-nous un mot de vos nouvelles sur ce sujet, s'il vous plaît. Cependant, je demeure toujours et à jamais, etc.

Conforme à une copie de l'original gardée à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLXXV - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS.

Confiance et soumission qu'une Supérieure doit à son évêque -, comment soutenir la Règle auprès de lui. — Délicatesse de procédés envers un ami du monastère. — Décisions sur quelques points d'observance.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 9 août 1620.

Ma très-chère fille,

Écrivez-moi par le messager de Lyon qui passe par Nevers le mardi, le mercredi ou jeudi. Enfin, il faut savoir pour une fois son logis et le jour qu'il passe, car il est fort sûr et de connaissance, et dorénavant je vous écrirai par là ; pour deux sous ou [455] trois, il y portera un assez gros paquet, chacun payera son port.

Vous avez très-bien fait de ne pas signer la procuration, et ne faut rien faire d'importance sans le conseil de Mgr l'évêque ; et, en tout, croire et voir ce que dit la Règle, car c'est notre loi. Vous êtes bien heureuse d'avoir un tel prélat. Celez-lui toutefois tous les petits empressements de notre Sœur Jeanne-Charlotte, si elle en témoigne, et faites tout ce que vous pourrez pour ne pas donner sujet de continuer l'impression qu'ils ont contre elle, sans sujet, à mon avis. En tout le reste, ma très-chère Sœur, vous ne saurez mieux faire que de conférer de tout ce qui sera un peu de conséquence avec ce bon prélat, vous conduisant envers lui avec un singulier respect et soumission, déférant et suivant ses volontés en tout ce qui ne sera pas contre nos Règles, lesquelles, je m'assure, il ne vous requerra jamais de contrevenir ; et que, s'il le faisait, il se faudrait fondre en humilité et prières pour l'en détourner. Ès autres choses, s'il est requis de lui représenter vos considérations et raisons, vous lui en demanderez la licence en toute humilité, et les lui direz simplement et doucement ; après quoi soumettez-vous, ma fille, car enfin, ce sont nos Pères, Maîtres et Supérieurs que Dieu nous a donnés ; il faut donc le regarder, l'honorer et obéir en eux.

Laissez gouverner cette affaire de madame du Tertre à Mgr l'évêque ; même je voudrais que l'on n'agît, s'il en est besoin, que contre elle, et non contre la maison de Moulins. J'écris aussi à notre Sœur la Supérieure que rien ne se fasse au nom de la maison, car il ne faut pas que nos maisons aient aucune affaire l'une contre l'autre. O Jésus ! il s'en faut bien garder. Observons bien nos Règles, ma très-chère fille, et Dieu nous bénira.

Nous sommes tant obligées au bon M. Bonsidat, qu'il faut avoir un grand soin de le contenter et de conserver sa bonne [456] volonté. Soyez bien dextre à cela, ma très-chère fille, et, quand vous ne pourrez faire ce qu'il désirera, faites-lui dire plutôt par votre bon Père spirituel, mais bien doucement, car il faut conserver cet ami-là, et lui laisser un peu gouverner le ménage des ouvriers, sans lui témoigner aucune méfiance, comme en vérité il n'en faut point avoir en façon quelconque. O Jésus ! non, c'est un homme de bien et entendu, il n'y a rien à craindre.

L'on peut prendre quelques filles à quatorze ans complets. Or enfin il faut être grandement respectueuse, humble et soumise aux prélats. Je vous enverrai une copie du contrat, afin qu'elle vous serve pour faire les vôtres sur la forme. Traitez toutes vos affaires temporelles et spirituelles avec extrême douceur, et gagnez les cœurs. Tenez-vous humblement ferme dans l'observance en tout ; vous n'aurez guère de difficultés, qu'elle ne vous montre ce que vous devez [faire]. Il se faut défendre de ce bâton tout doucement. Supportez la fille scrupuleuse, petit à petit elle s'affranchira.

Ne changez guère de confesseur facilement, si vous ne les connaissez bien ; demandez au Père recteur des Jésuites un Père pour confesseur extraordinaire, selon la Règle, et à lui ou au Père Lallemand ayez votre principal recours. Ne dites rien de ceux qui ne vous aimeront pas ; priez pour eux.

Il faut lire la Règle tous les vendredis, à dîner ; cela se peut. — Oui, tenez-vous à ce que Mgr l'évêque a écrit pour les médecins. — Il faut suivre les coutumes de Nessy en attendant que tout soit écrit, et pour l'Office aussi. — Il ne se faut point lever quand la Supérieure entre au chœur, si l'on est à genoux ; oui bien, si l'on est assise.

Soulagez-vous, je vous prie, et croyez votre bonne Sœur M.-Hélène [de Chastellux] ; c'est une brave fille qui vous secondera bien. Traitez avec elle cordialement et chèrement ; il faut supporter ses petites tendretés et la faire purger deux fois l'année, sinon que le mal pressât. [457]

Si cette fille n'est pas de garde, il la faudra renvoyer, mais il la faut servir avec charité. Voilà votre lettre répondue bien en hâte. Certes, ma très-chère fille, faites bien ce que je vous dis, car, à mon avis, c'est selon Dieu ; il faut que l'humilité et la cordialité surnagent.

Je vous prie, ma fille, et me tenez pour toute vôtre en Jésus notre Sauveur et en sa sainte Mère. Amen.

[P. S.] Si la Prieure vient ici, je la détournerai.

9 août. — Je viens de recevoir votre lettre du 5 de ce mois. Ce que je vous ai dit suffit quasi pour y répondre, avec ce que je vous ai déjà écrit.

Mou Dieu ! ma très-chère fille, pourquoi vous étonnez-vous de toutes les petites contradictions ? n'en ayez pas la moindre émotion du monde. Nous sommes à Dieu, rien ne nous arrivera que selon son bon plaisir. Eh bien ! quand l'on nous renverrait d'où [nous] sommes venues, s'en faudrait-il troubler ?- Nullement, ma fille ; faites donc en paix vos petites affaires, et ne vous troublez de rien, quand tout renverserait. Seigneur Jésus ! ma fille, l'on nous a déjà tant prêché cette paix ; au nom de Dieu, gardons-la, quoi qu'il puisse arriver.

Dieu accommodera l'affaire de madame du Tertre ; Monseigneur de Genève en a écrit, patience, et gardez l'union, quoi qu'il arrive, avec nos Sœurs.

Je vous dis derechef, gardez la coutume de Nessy. Vous aurez bientôt tous les Directoires. Cependant, allez le train de Nessy. Pour les Litanies, elles se chanteront les fêtes après Compiles, en toutes les maisons. — C'est mal entendre la Règle de ne pas honorer l'assistante dans le chœur, où elle le doit le plus être. Il [faut] très-simplement suivre ce que dit la Règle en tout, ponctuellement.

Il faut faire patienter les jeunes filles. Mon Dieu ! Jésus, notre Règle ! Et surtout prenez garde que les filles soient de [458] bonne condition en l'esprit. Confiez-vous en Dieu, suivez vos Règles et vous verrez que tout vous abondera. N'êtes-vous pas heureuse d'avoir un si bon Père spirituel ?

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE CCLXXVI - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

Vives remontrances sur les difficultés qu'elle a suscitées entre les maisons de Moulins et de Nevers.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 11 août 1620.

Ma très-chère fille,

Puisque j'ai le temps de faire ce billet, c'est pour vous prier, au nom de Dieu, qu'on accommode cette affaire selon que Monseigneur de Genève, auquel vous vous en êtes rapportée, l'a mandé, ou du moins que ce qui est donné si solidement à la maison de Nevers y demeure. Cela vous doit être indifférent, ma très-chère fille, pourvu que vous ayez ce que vous désirez parmi nous ; que vous doit-il soucier ce que nous ferons de ce que vous donnez, puisqu'il demeure un fonds suffisant pour votre entretien ?

Au moins, ma très-chère fille, si vous désirez continuer en vos sacrés desseins de vivre toute à Dieu parmi nous, il faut, s'il vous plaît, contenter Monseigneur de Genève et le croire ; car pour nous, nous ne voulons avoir ni débat, ni procès ; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix, avec la sainte pauvreté, que tous les biens du monde avec le moindre trouble. Monseigneur de Genève ne me désavouera point de ce que je vous dis, et je suis un peu étonnée que, depuis que ses réponses sont venues, nous n'ayons aucune nouvelle, sinon que l'on presse [459] fort nos Sœurs de Nevers de rendre ce qui a été reçu, ainsi que me le mande Mgr de Nevers.

Or sus donc, ma très-chère fille, si vous persévérez, comme je le crois, qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis ; car nos pauvres Sœurs des deux maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas accoutumé d'ouïr ; elles estiment la paix au-dessus de tout. Donnez-la leur donc, je vous en prie, et de me tenir toujours pour vôtre, etc.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLXXVII - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

On ne peut contraindre les Religieuses de faire ce qui est opposé à leur Règle et aux décisions de leur chapitre.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 11 août 1620.

Faites tenir sûrement ce billet à Monseigneur, ma très-chère petite. Je vous écrivis l'autre jour par un courrier ou par le messager ce que je pensais. Enfin l'on ne peut contraindre des Religieuses de faire contre [d'agir contrairement à] ce qui est de leur chapitre et de leur Règle, et je m'assure que ce très-bon prélat [de Lyon] ne le fera pas. Dieu soit votre conduite. Il y a longtemps que nous n'avons eu nouvelles de notre Sœur M.-Jacqueline [Favre]. Ma fille, persévérez-en votre train, et Dieu vous bénira.

Je salue très-chèrement toutes nos Sœurs. Vous ai-je dit que nous avons reçu une très-brave fille des plus grandes familles [460] de Paris, et qui donne céans quinze mille écus ? J'aime mieux son cœur que son bien, car il est fort bon. Nos Sœurs [les fondatrices d'Orléans] sont toujours ici.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXVIII - À MONSIEUR DE PALIERNE

TRÉSORIER DE FRANCE À MOULINS.

Nouvelles instances pour obtenir que madame du Tertre mette fin à ses prétentions.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 15 août 1620.

Monsieur,

Votre sainte affection à Monseigneur de Genève et à son petit Institut a toujours égalé votre prudence en la conduite de notre maison de Moulins, et j'espère que cette même affection vous fera trouver les moyens d'ajuster les prétentions très-différentes de Mgr de Nevers et de madame du Tertre. Je vous avoue, Monsieur, que vos raisons très-prégnantes me pressent ; celles aussi de Mgr de Nevers font de même, et je trouve beaucoup à considérer de l'une et l'autre part.

Néanmoins je vous dis, avec ma franchise, qu'il me semble (je dis raisonnablement) que ce que la chère madame du Tertre a donné si franchement doit demeurer en la maison de Nevers, puisqu'elle continue si fermement au désir de vivre avec nous ; car autrement nous ne voudrions lui faire faire de nécessité vertu. Ma raison fondamentale est que messieurs de Nevers n'ont donné leur permission pour l'établissement des filles et du monastère, que sur les prières de madame du Tertre, accompagnées des promesses d'une fondation de dix mille écus, [461] promesse suivie de fait, d'achat de place en son nom, et de payement du tiers de la fondation, sur quoi les filles ont été reçues, et la prise de possession faite par le prélat même, qui y a posé le Très-Saint Sacrement et la clôture, et l'Office divin s'y fait depuis tous les jours ; de sorte que voilà le monastère tout établi, et dessus ces premiers fondements temporels qu'a jetés la bonne madame du Tertre. Comment pourrait-on maintenant retirer ces fondements sans renverser l'édifice ? car l'un est attaché à l'autre, ainsi que l'a mandé fort absolument Mgr de Nevers, par deux fois. Vous semble-t-il, Monsieur, que cela se doive procurer, au moins de notre part, de ruiner l'une de nos maisons, que la divine Providence a voulu être bâtie pour sa gloire, pour donner de l'abondance à l'autre ?

Mais vous me direz, Monsieur, et permettez-moi que je vous dise, mon très-cher frère, puisqu'en vous écrivant plusieurs fois, il m'est venu de vous nommer ainsi, ce qui n'est point, à mon avis, hors de propos, puisque je ressens en mon cœur une confiance et affection véritable de sœur envers vous, que j'honore avec un sentiment de singulière obligation (ceci se dit simplement et véritablement, quoique hors de propos) ; vous me permettrez, dis-je, Monsieur mon très-cher frère, de vous dire que ce bien n'est pas nôtre, pour le partager ainsi. Il est vrai que maintenant que madame du Tertre ayant changé de dessein, ne voulant plus ce qu'elle a fait, ne peut être contrainte de laisser ce qu'elle a donné. Je ne sais pas ce qu'en pourrait dire la justice ; mais je crois très-assurément que n'entrant pas parmi nous, Monseigneur de Genève ne voudrait nullement que l'on retînt un teston contre son gré. Oh ! de cela il n'en faut pas douter. Mais entrant avec nous, et notre maison de Moulins se contentant des vingt mille francs qu'elle y porte, reconnaissant que cette somme est très-suffisante pour donner à cette chère damoiselle tout ce qui lui sera requis, et qu'elle a désiré, pourquoi, la chose regardant le bien de nos maisons, ne pourra-t-on pas approuver [462] l'avis que notre bon Monseigneur de Genève a donné que l'on partageât les dix mille écus entre les deux maisons ? Au moins que les dix mille francs demeurent à Nevers, afin que cette maison ne soit pas renversée. Ç'a été par le conseil qu'on leur a donné à Moulins, qu'elles sont allées là. Mon Dieu ! quelle apparence de donner sujet à Mgr de Nevers de les renvoyer ! Mon très-cher frère, ne voyez-vous pas que cela serait honteux et très-préjudiciable au service de notre bon Dieu, et qu'enfin les maisons étant nôtres, nous y avons le principal intérêt ; que cette chère damoiselle a de l'avantage en ce traité, car non-seulement elle possédera à Moulins, avec sa dot de vingt mille francs, tout ce qu'elle pourrait espérer de cinquante mille, mais encore elle pourra, quand sa nécessité ou utilité le requerra, passer à Nevers, et y jouir, en vertu de son bienfait, des mêmes droits qu'elle fera à Moulins.

Selon mon jugement, je trouve ce moyen d'accommodement très-juste, et vous supplie très-humblement, mon très-cher frère, de l'embrasser et le faire embrasser à ma très-chère Sœur du Tertre ; je l'en conjure par votre entremise, pour l'honneur et gloire de Dieu et de sa très-sainte Mère, et pour l'amour qu'elle porte à notre petit Institut. Elle a désiré connaître la volonté de Monseigneur de Genève sur ce sujet ; il l'a déclarée ; ainsi, qu'on s'accommode et qu'on demeure en paix. Je vous en supplie derechef, au nom de Dieu, ne voyant point de moyen d'accommoder cette affaire autrement ; et, confessant franchement que je ne puis rien obtenir davantage de Mgr de Nevers, qui prétend à la somme totale, et m'en écrit fort sèchement. À quoi je réponds ce que Dieu me donne, remettant tout entre ses mains, résolue, moyennant sa grâce, de demeurer en paix et soumise à tout ce que sa divine Providence en ordonnera.

Je prie nos Sœurs de Moulins de n'agir en façon quelconque par justice. Seigneur Jésus ! que nous vissions plaider nos [463] maisons l'une contre l'autre ! O Dieu ! cela n'arrivera jamais, plutôt mille fois nous laisserons-nous accabler de honte et de pauvreté que d'en venir là.

Mon très-cher frère, si après toutes ces raisons et prières très-humbles, madame du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle fasse ce qu'il lui plaira ; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous défendrons ; à Dieu ne plaise que nous le fassions ! Monseigneur de Genève m'avouera, et plutôt, je m'assure, l'on quitterait tout d'une part et d'autre.

Obligez-moi de le dire à notre Sœur la Supérieure de Moulins ; je lui ai déjà écrit, mais si d'aventure elle n'avait pas reçu mes lettres. Cette lettre pourra aussi servir pour la bonne madame du Tertre, étant toute lasse d'écrire pour un peu d'indisposition où je me trouve quasi ordinairement.

Croyez, mon très-cher frère, que c'est notre désir que cette chère Sœur soit traitée chèrement, doucement et cordialement, comme certes elle le mérite. Je vous assure, par les témoignages et l'assurance que j'en ai, que ç'a été de son propre mouvement, qu'elle avait choisi Nevers. Dieu sait tout ce qui s'est passé pour cela ; j'en ai d'amples lettres d'elle.

Si notre pauvre Supérieure s'est témoignée un peu trop inflexible et sensible sur la rupture de ce dessein, ô Dieu ! mon très-cher frère, il faut, pour le respect de sa condition, couvrir ce défaut de faiblesse et surprise sous le manteau de la très-sainte charité, qui supporte tout, qui excuse tout, et couvre tous les défauts de ses enfants. Ces dernières lignes, je les dis à l'oreille de votre cœur seulement, votre bonté et piété me donnant confiance de le faire.

Mon très-cher frère, je finis en vous conjurant de vous employer fortement en faveur de la paix et suavité, et de croire qu'en vérité tout m'est indifférent en ce sujet, sinon la plus grande gloire de Dieu. [464]

Je suis, mais d'une affection entière, Monsieur mon très-cher frère, votre très-humble et obligée sœur et servante en Notre-Seigneur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLXXIX - À MADAME DU TERTRE

À MOULINS

Grandeur et sainteté de la vocation à la vie religieuse.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, août 1620.]

Oh ! ma fille toute chère, ayez un grand courage et dites fermement : Je puis tout en Celui qui me fortifie. Oui, ma fille, Celui qui vous a donné les désirs de vous sacrifier à son amour éternel, aura le soin de perfectionner son ouvrage ; mais il faut avoir une confiance toute filiale et enfantine à ce très-bon Père céleste, qui vous a fait l'honneur et la grâce de vous avoir tirée de l'enfer (je nomme ainsi le monde), pour vous mettre en sa maison, en son jardin de délices, comme une plante d'amour et de l'amour de son Cœur céleste, pour, puis après, vous transplanter en son parterre sacré, et là, vous faire jouir à l'éternité des délices de sa gloire. O ma fille ! que cette grâce est précieuse ! Oui, je vous en prie, sacrifiez-vous à tous les travaux que votre nature vous fait appréhender, et que peut-être elle vous fera souffrir. Bienheureuse, ma fille, de rendre à notre Sauveur travaux pour travaux, vie pour vie, amour pour amour, autant qu'il nous est possible, selon notre petitesse. Oh ! courage donc, ma fille, et l'employez, ce courage, à supporter encore la mortification de l'absence de vos proches à votre réception à l'habit ; leur excuse est légitime, car les mouvements de guerre effrayent tout. Que cela ne vous trouble [465] point, ma fille : Dieu et ses Anges sont nos parents, la très-sainte Vierge, notre mère ; et puis nos Sœurs et votre bonne Supérieure vous seront vraies mère et sœurs, et nous vous accompagnerons de nos prières et de toute la cordiale dilection que vous pouvez et devez désirer, étant, certes, vôtre sans réserve.

Dieu soit béni !

[P. S.] Je salue très-cordialement et très-humblement madame ***, je viens de perdre son nom, la fille de M. le gouverneur. Excusez ma mauvaise écriture, je n'ai loisir de former mes lettres.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers.

LETTRE CCLXXX - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE MORVILLE

NOVICE À MOULINS[330]

Félicitations à l'occasion de sa prise d'habit. — Assurance de dévouement et exhortation à l'oubli du passé.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, août 1620.]

Loué soit notre bon Dieu, ma très-chère fille ! vous voilà donc à moitié mariée avec sa divine majesté. Eh ! Sauveur de mon âme, rendez ce cœur conforme au Vôtre, et digne de son éternel amour. O ma fille ! puisque la chose est faite, il n'y a rien à dire, mais il faut persévérer saintement et courageusement, par une fidèle correspondance, à Celui qui vous a si doucement appelée ; je vous dédie derechef mon âme, pour vous servir sans cesse, cordialement et franchement. Ma fille, assurez-vous de cela, et ayez en moi votre ancienne confiance. À [466] l'égard de votre affaire, je suis marrie que tout ne se soit pas passé à Nevers avec plus de douceur ; mais, croyez-moi, car j'ai le témoignage de leurs cœurs, elles vont à la bonne foi ; n'ayez plus d'amertume de cela, ma fille ; je m'assure que votre cœur approuvera la sentence donnée. Dieu bénisse de sa très-grande bénédiction le très-cher cœur de ma fille bien-aimée ! Je suis à jamais toute vôtre.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXXI - À -MONSIEUR DE PALIERNE

TRÉSORIER DE FRANCE, À MOULINS

La Sainte se réjouit des bonnes dispositions de Sœur Marie-Aimée, et justifie la Mère de Bréchard de quelques soupçons.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 24 août [1620].

Monsieur et mon cher frère,

Dieu soit béni ! Je ne doute point que sa divine majesté ne tire sa plus grande gloire de toutes les petites traverses qui se sont passées, et que notre chère Sœur Marie-Aimée ne réussisse [à devenir] une très-bonne servante de Dieu. J'avoue que j'en ai un grand désir, et la connaissance qu'elle m'a donnée, par la communication qu'elle m'a faite, des grâces et faveurs qu'elle a reçues de Dieu, me sollicitera continuellement à la conjurer de correspondre fidèlement. Qu'elle sera heureuse, cette chère âme, si elle persévère saintement !

Je suis grandement marrie que les premières lettres de notre bon Père, Monseigneur de Genève, se soient égarées. Vous en aurez reçu maintenant d'autres, ainsi qu'il me l'écrit par les siennes du neuvième de ce mois, où il reconfirme qu'au moins les dix mille francs doivent demeurer à Nevers. Et je vous dirai confidemment, mon très-cher frère, que j'ai été consolée de voir les [467] raisons qu'il marque pour cela, quasi (quoique plus saintement exprimées) semblables à celles que je vous ai écrites. Or sus donc, je m'assure que la bonté de votre cœur vous fera tout employer pour persuader cette chère Sœur, si elle en a besoin, afin que doucement et cordialement elle acquiesce à l'inclination du très-digne Père et de sa chétive très-indigne Mère.

Un mot de la pauvre Supérieure ; écrivez-moi franchement mon très-cher frère, ce que vous en avez su. Ce cœur (et me croyez plus que le monde), c'est un bon cœur, plein d'honneur et de piété. Si quelque petite altération paraît, écrivez-le moi confidemment. Vous voyez si je vous tiens pour mon cher frère ; et me croyez encore de ceci, que j'aperçois, il y a longtemps, quelques esprits plus curieux que charitables ; mais je n'en veux pas dire davantage. Jésus sait tout, il aura soin de ses servantes ; je vous les recommande toujours, mon très-cher frère, soyez à jamais leur bon Père, je vous en prie.

Je n'ai pas le loisir de bien former mes lettres, mais croyez que je suis entièrement, Monsieur mon très-cher frère, Votre très-humble sœur et servante en Notre-Seigneur.

[P. S.] L'on m'a fait entendre que l'on croyait, à Moulins, que notre Sœur Jeanne-Charlotte désirait ardemment que les dix mille francs, voire davantage, demeurassent à Nevers. Croyez, en vérité, que cela n'est point, et je vous assure qu'au contraire elle a poursuivi pour Moulins.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Nevers. [468]

LETTRE CCLXXXII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Les difficultés des affaires temporelles ne doivent en rien troubler la paix, le calme et l'union des cœurs.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 24 août 1620.

Dieu soit béni, ma très-chère fille ma mie, de tout ce que vous me mandez, que tout est bien calme par delà. Au nom de Dieu, que la réunion des cœurs soit faite entièrement, car sans cela il s'échappera toujours quelques paroles qui ne seront pas d'édification. Prenez simplement ce que je vous dis, ma très-chère amie, et en faites profit ; que vos paroles, que votre visage, que voire cœur, que tout cela ne ressente que douceur, je vous en conjure ; que les choses passées s'oublient parfaitement, et maniez le cœur de cette chère Sœur Marie-Aimée [de Morville] comme autrefois ; que tout ombrage soit levé, je vous en prie, ma très-chère Sœur. Vous devez, derechef, avoir reçu des lettres de Monseigneur, qui m'écrit les raisons raisonnantes pourquoi il faut laisser ceux de Nevers au pays ; j'en écris à M. de Palierne et à la chère Sœur. Si la fille vient, nous la considérerons. Je suis bien aise que notre chère Sœur F.-J.[331] vous contente, c'est un bon et brave cœur ; je ne sais si elle a reçu celle que je lui écrivis il y a quelque temps.

Certes, vous devez procurer que la visite [canonique] se fasse ; parlez un peu au Révérend Père Jésuite comme vous pourrez faire cela ; si vous aviez là quelque brave ecclésiastique, il le faudrait appeler avec le Supérieur. Faites tenir notre lettre à notre chère Sœur Marie-Jacqueline [Favre]. Nos Sœurs sont [469] encore ici, mais je crois qu'elles iront bientôt. Je suis sans loisir, ma très-chère fille ; vous savez que suis vôtre, certes, je le suis sans réserve.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.'

LETTRE CCLXXXIII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Désirs de se conformer en tout aux volontés divines. — Prudence que doit avoir la Mère Favre pour préparer son départ.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Croyez-moi, ma très-chère grande fille, que vous tenez bien fort votre rang dans mon cœur, et que, s'il vous fait grand bien de recevoir de mes lettres, si fait-il, certes, bien à moi d'en recevoir des vôtres, mais surtout de voir la détermination de votre cœur à suivre Dieu et sa divine disposition. O ma fille ! demandez fermement cette grâce pour moi qui J'ai fort en désir, mais qui me sens toutefois toujours penchant du côté du Père [saint F. de Sales], quoique sans nulle impatience ni inquiétude. J'en suis à l'aventure privée encore pour longtemps ; cependant, je dis de tout mon cœur : Que la très-sainte volonté de Dieu soit faite ! Amen.

Il y a ici bien de la besogne. Nos Sœurs sont encore ici[332] ; je crois que, sur le commencement du mois, elles s'en iront. Notre Sœur Claude-Agnès [Joly de La Roche] est, certes, brave fille ; je crois qu'elle fera fort bien là : elle emmènera, s'il plaît à Dieu, une bonne troupe de filles prétendantes.

Vous faites bien de ne point parler de votre départ que quand [470] il en sera temps ; mais, cependant, poussez fort la future Supérieure dans les connaissances et bienveillances, dedans et dehors. Oui, écrivez-moi quand il y aura espérance de vous retirer sans rien gâter ; je crois que tout s'accoisera à Moulins et à Nevers. Madame du Tertre a pris l'habit avec édification, [Dieu en soit béni] ! Certes, si M. de Maussac[333] vous va voir, il lui faut persuader que l'on élise une Supérieure à Lyon... Dieu conduira tout. Ici, nous travaillons à nous loger. Cette maison va prou bien, grâces à Dieu. Jésus y soit glorifié éternellement !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXXIV - À M. MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D’ANNECY.

À ORLÉANS[334]

Diverses choses a considérer pour le choix de l'emplacement d'un monastère. — Éprouver soigneusement les postulantes. — Il doit presser son retour à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 15 septembre [1620].

Mon bon et cher Père,

Il ne fallait rien moins espérer de la bonté de Notre-Seigneur, qu'une heureuse issue en une affaire que sa providence avait conduite si avant ; qu'il soit béni à jamais !

Il faut grandement considérer la place avant que de l'acheter ; vous y marquez de très-bonnes qualités : grande, bon air, sans vue étrangère et à bon marché. Le voisinage des menues gens est fâcheux, surtout au temps des maladies ; l'éloignement des grandes maisons les prive de la consolation des Offices sacrés ; mais l'on ne peut pas tout avoir. Il faut prendre conseil de trois ou quatre amis solides d'esprit, du Père Binet, et se résoudre au nom de Dieu ; mais il faut prendre garde d'acheter sûrement, et aussi que la maison où elles sont maintenant ne leur demeure pas sur les bras.

Les filles avec qui l'on a traité pour Orléans ne doivent pas être refusées, puisque Dieu a voulu qu'elles aient servi de fonds temporel à cette maison. Nous ferons pourtant ce que nous pourrons pour les conduire ailleurs. Que l'on me croie, mon très-cher Père, que l'on éprouve bien les filles d'Orléans avant de les recevoir, et qu'on se laisse importuner pour cela ; il faut au moins, avant de se charger davantage, dresser celles qui sont reçues, autrement nos pauvres Sœurs demeureraient sous le faix. Dites-le à notre Supérieure, et qu'elle s'enquière bien des esprits et de leur condition ; je n'ose écrire ce que l'on m'en a dit, c'est pourquoi je supplie derechef qu'ils soient bien éprouvés et que l'on y voie de la douceur et persévérance, car le bien des maisons dépend du choix des filles.

Je vais écrire un mot au très-bon Père Binet pour le supplier de faire la charité à nos Sœurs, de les confesser ou faire confesser par quelqu'un de leurs Pères, deux ou trois mois, attendant que Dieu les pourvoie de quelque homme bon pour cela ; à Nevers et à Bourges nos Sœurs y ont reçu la même charité. Et pour la messe, il faudra prendre quelque prêtre ordinaire à qui l'on donnera selon la coutume d'Orléans ; nous avons fait ainsi longtemps. Quand vous aurez aidé à cela, mon cher Père, vous pourrez vous retirer, car Monseigneur étant toujours sur l'incertitude de ses voyages, je craindrais que vous le trouvassiez parti ; j'en reçus, l'autre jour, des nouvelles ; il me dit qu'il attendait sa résolution dans deux ou trois jours. Écrivez-moi, le plus tôt que vous pourrez, le jour que vous partirez d'Orléans, afin que j'envoie mes lettres à propos. Donnez, [472] s'il vous plaît, ces deux, aux Sœurs à qui elles s'adressent, et leur parlez particulièrement. J'ai reçu des lettres de Mgr de Nevers, qui se contente fort de nos Sœurs ; ils sont toujours après les dix mille francs ; certes, je trouve que ceux de Moulins grossissent leurs torts ; ils demandent conseil et puis ne le suivent pas ; ils ont retenu des lettres de Monseigneur pour cela. Cette femme (madame du Tertre), certes, elle demande des privilèges qui sont fort onéreux ; Dieu y mette sa main !

Je ne vous dis pas encore adieu, mon cher Père, je vous prie de bien voir nos Sœurs de Bourges, surtout les trois que nous leur avons envoyées, car je les aime bien, spécialement notre Sœur Anne-Madeleine. Mon cher Père, vous savez que je suis vôtre en Notre-Seigneur.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXXV (Inédite) - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Désir d'arriver à un arrangement de famille pour ne plus différer la profession d'une novice. — Exigences de madame de Gouffier.

vive † JÉSUS.'

[Paris], 20 septembre 1620.

J'oubliai de vous dire que nous sommes résolues de donner la profession à notre Sœur Marie-Marguerite, mais avec une condition qui fâchera ses parents et les intéressera, ce que je ne voudrais pas. Je vous prie, faites voir encore un effort pour toute conclusion, car de différer, c'est une folie que leur remise ; il faut conclure.

Caressez-bien madame de Meurle, c'est une vraie bonne et sage dame. Notre Sœur de Gouffier demande cinq cents écus outre ce que vous lui aviez fourni ; il y a un article de cinq [473] cents livres pour l'intérêt de son argent. Elle nous traite rudement ; mais Dieu sait pourquoi il le permet. Jésus Notre-Seigneur pauvre vous bénisse. Amen. Priez et faites fort prier pour notre Sœur l'assistante[335] qui est fort malade ; pensez si j'en suis en peine.

Dieu soit béni en tout !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Conseils pour le choix d'une directrice.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 20 septembre [1620].

J'attends des nouvelles pour vous en mander ; ce n'est qu'un billet pour vous assurer que, grâce à Dieu, je me porte bien maintenant ; mais notre pauvre Sœur l'assistante est bien fort malade, dont vous pouvez croire si je suis en peine. Faites fort prier, afin qu'en tout Dieu fasse sa sainte volonté. Caressez fort madame de N. *** quand vous la verrez ; c'est une bonne dame qui vous aime fort.

Dressez le mieux que vous pourrez votre prétendue Supérieure. Il vous faudra une maîtresse, car d'y mettre cette jeune fille, cela serait bien tendre ; mais toutefois, c'est à vous à juger ; je n'ai le loisir de revoir votre lettre. Vous savez, ma très-chère fille, ce que je vous suis et à toutes vos chères filles. Je ne vois goutte.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [474]

LETTRE CCLXXXVII (Inédite) - LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Projet d'une fondation à Valence. — La Sainte commence à préparer son départ de Paris ; ses difficultés pour trouver un local convenable à la communauté.

VIVE † JÉSUS !

[Paris,] 22 septembre [1620].

Ma très-chère fille, j'ai reçu trois de vos lettres ensemble, qui me disent quasi la même chose. Je crois que la première chose qu'il faut faire, c'est de savoir des Supérieurs de Lyon, s'ils trouveront bon que cette bonne Sœur[336] et sa nièce portent leurs commodités à Valence, car je vois que cela est le fondement de toute l'affaire. Il leur en faut donc parler franchement, et je crois que notre Sœur la novice en doit elle-même dire son affection au Supérieur ; selon leurs réponses, il faudra regarder si l'on a une Supérieure à Lyon ou à Nessy, et, pour cela, en écrire à Monseigneur. Mais le principal est d'être assurée si l'on voudra laisser à Valence la dot de notre Sœur, et quand on aura résolu d'aller, il faudrait que celles qui sont là eussent un peu de patience, et cependant elles pourraient aller à Grenoble ou à Lyon se dresser toujours. Mais, croyez-moi, qu'il faut bien prendre garde aux filles que l'on reçoit.

Je ne sais encore quand je pourrai partir d'ici, ayant des difficultés nonpareilles à trouver une maison ; puis on est attaché à moi ; il faudra se déprendre doucement, crainte de gâter cette maison. Dieu bénisse votre cœur, ma très-chère fille. Le temps accommode tout. Je vous ai déjà mandé comme nos Sœurs sont à Orléans heureusement établies. Vous aurez, je crois, M. Michel à l'autre ordinaire. Notre petite Sœur M.-Catherine de Saint-Bonnet est toujours là. Le médecin commença hier à nous [475] faire espérer sa guérison. Bonjour, ma fille, nous sommes accablées d'affaires. Je salue toutes nos chères Sœurs du fond de mon cœur.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCLXXXVIII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX.

SUPÉRIEURE À NEVERS

Il faut habituer les Sœurs à ne rien demander et à ne rien refuser, et congédier les postulantes qui ne veulent pas vivre selon la Règle. — Dieu a soin du temporel et du spirituel d'une maison où règne la parfaite observance. — Il importe pour le bonheur et le repos d'une communauté de n'admettre que des filles capables de prendre l'esprit de l'Institut.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Hier, je vous écrivis, ma toute chère petite, et sans loisir je vous conjure de persévérer à votre train ; il est très-bon, grâce à Dieu. Et quoi de mieux que de s'attacher à ce divin bon plaisir et de s'humilier ? Ferme là, ma très-chère petite. Certes, ces filles ont tort, qui veulent tant de choses. Il faut essayer de leur graver [dans le cœur] le document de notre Bienheureux Père : Ne rien demander et ne rien refuser.

Mon Dieu, ma fille, purgez votre maison de ces filles qui n'y veulent pas être ; recevez leur offre et témoignage d'affection, cordialement, et leur en rendez aussi et toutes les Sœurs, car il faut faire ainsi ; mais mettez-les dehors, au nom de Dieu. Mon enfant, laissez dire tout ce que l'on voudra dire contre vous ; ne vous en souciez pas, mais humiliez-vous, et toutes les filles, pour suivre l'intention de Notre-Seigneur. Tâchez toutes, je vous en conjure pour l'amour de Notre-Dame, de vivre en la plus grande douceur et union d'esprit qui sera possible et en la parfaite observance des Règles, et vous reposez en Dieu, [476] assurées qu'il aura soin de tout, du temporel et spirituel. Dressez bien les filles que vous avez ; vous n'en manquerez pas. Je ferai tout ce que je pourrai pour vous en envoyer. Ici, celles qui ont des dots de mille et douze cents écus ne veulent pas partir de la ville ; mais, si vous pouvez obtenir de Mgr de Nevers que les filles qui se trouveront avec des bons talents pour l'esprit, puissent être reçues pour six, sept ou huit cents écus, nous pourrons vous en envoyer, avec un peu de loisir. Je désire bien fort, ma très-chère fille, que cette permission vous soit donnée, afin que votre maison se fasse et se remplisse de bons sujets ; car surtout il nous importe que les filles soient propres à l'Institut, et je vous conjure, ma très-chère fille, de tenir la main à cela, selon que nos Constitutions nous l'ordonnent. Jamais notre bon Dieu ne nous manquera des choses temporelles, tandis que nous serons fidèles à observer exactement [les Règles de] notre Institut.

Vous aurez bientôt le bon M. Michel ; si vous avez moyen, faites-lui quelque petite reconnaissance pour la peine qu'il a eue de vous amener ; nous lui avons donné trente écus pour s'en retourner, nos Sœurs d'Orléans et nous. Il suffira pour vous que vous lui donniez quatre écus ou cinq. Il me tarde de savoir de vos nouvelles, ma très-chère fille. Bon courage, mon enfant ; Dieu a voulu que vous ayez commencé cette maison-là dans les contradictions ; c'est une marque assurée que sa divine Providence sera grandement servie, si les filles ont absolue confiance en son soin paternel et fidèle observance en leur Institut.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation du Mans. [477]

LETTRE CCLXXXIX (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Demande de prières.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Si M. Michel [Favre] est passé, faites tenir sûrement ces lettres, ma chère fille, et faites, s'il est là, qu'il les ouvre, car il y en a une pour lui. Je vous demande un secours nouveau de vos prières, quelques communions générales pour mon renouvellement. Dites à notre bon M. Michel que j'ai oublié de lui demander son secours et à nos Sœurs de Grenoble ; mais n'y faillez pas, ma chère petite. Adieu, voilà tout. Les saints Anges soient notre conduite ! Amen.

Payez les ports, car nous envoyons un petit paquet et un chapeau au bon M. Michel.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXC (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Témoignages d'affection. — La Mère Favre après avoir fini ses six ans de supériorité à Lyon doit aller servir Dieu ailleurs.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Je vous avoue, ma très-chère fille ma mie, que le temps me durait déjà bien de ne point ouïr de vos nouvelles. Je vois bien que vous me tenez fort au cœur, et, certes, il n'y a rien en moi qui ne veuille très-bien vous conserver votre droit d'aînesse ; mais n'en ai-je pas les occasions et obligations ? Or sus, Dieu [478] soit béni, vos lettres me consolent beaucoup ; nous ferons une communion générale pour votre maison ; faites le même pour celle-ci, surtout pour prier Dieu qu'il lui plaise nous loger. Nous avons maintenant rencontré une certaine place, qu'il semble que Dieu nous l'ait réservée pour le dessein que nous avons, lequel je vous écrirai quand elle sera assurée ; je prie Dieu qu'il nous y assiste, puisque tout est pour sa gloire.

Je crois que Mgr de Lyon prétend toujours que vous retourniez là ; si le cas échet, je crois que cela se pourra faire en passant, car aussi, en toute façon, il vous en faut retirer ; n'avez-vous pas fait tantôt vos six ans [de supériorité à Lyon][337] ? Il faut servir Dieu ailleurs. Je suis grandement aise de ce que vous me dites, que vous pourrez être libre pour le printemps ; n'en dites rien que vous n'ayez votre obéissance pour partir, mais disposez bien tout. Loué soit Dieu du bon Père qu'il a donné à cette petite maison et de tant d'amis. Ne pensez jamais, ma très-chère fille, je vous prie, d'être dehors de charge ; il faut porter la croix de Notre-Seigneur ; un jour, s'il lui plaît, on nous donnera un peu de repos ensemble. O Dieu ! quelle douceur ce nous serait ! Dieu fasse en tout sa très-sainte volonté. Amen, amen. [Plusieurs lignes inintelligibles.]

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [479]

LETTRE CCXCI - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Admirables pensées de foi pour se soutenir au milieu des épreuves. — L'unique but de la vie religieuse est de mourir à soi pour établir le règne de la grâce.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 1620.

Vraiment, ma très-chère Sœur, je ressens en moi-même vos peines et difficultés parmi le tracas de vos affaires ; mais quand je vois que c'est parmi telles occasions que les vertus se perfectionnent et se fortifient, je dis que vous y demeuriez toujours, tant qu'il plaira à notre bon Dieu, avec une plus douce et tranquille patience. Enfin, pourvu que celle divine volonté soit servie et suivie, ce nous est assez.

Nous n'avançons pas nos affaires comme je le désirerais ; mais il faut aller doucement et patiemment, puisqu'il plaît ainsi à Dieu ; nous sommes toutefois sur le point de nous loger. Nous avons des bonnes filles, et je crois que Dieu bénira grandement cet Institut. Il y a grande apparence de l'établir en plusieurs des principales villes et provinces ; Dieu nous fasse la grâce de nous bien établir en vertu ! J'espère d'être libre pour m'en retourner après Pâques, si c'est la volonté de Dieu ; car, au péril de toutes choses, je désire servir et suivre fidèlement cette volonté de mon Dieu. Ma très-chère Sœur, il est vrai, cette vie est une continuelle mort, je veux dire que continuellement nous sommes aux occasions de mourir à nous-mêmes ; mais quand je vois que c'est pour faire vivre et régner la grâce, je trouve que nous sommes grandement heureuses, et avons bien raison d'aimer, louer et bénir le très-doux Sauveur qui nous met en des pratiques de vertus si saintes.

Vous voyez que je cours et vous parle en passant ; il est vrai, [480] ma très-chère Sœur, mais vous savez que c'est toujours de tout mon cœur, vous protestant que mon âme vous chérit uniquement, et souhaite souverainement que votre esprit et le mien soient sans réserve à son Dieu, qu'ils ne tiennent qu'à cette immense bonté, et qu'ils surnagent sur tout ce qui n'est point Dieu. Votre, etc.

LETTRE CCXCII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Une sainte joie soutient le courage.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 12 octobre 1620.

Ma très-chère fille, je mande à M. de Toulonjon qu'il envoie prendre son argent vers vous ; vous retirerez l'obligation et sa quittance.

Notre Sœur Claude-Agnès [Joly de la Roche] ne m'a point parlé de l'autre fille dont vous m'écrivez ; je ne doute nullement que Dieu ne bénisse votre conduite et ne l'approuve. Vivez joyeuse et courageuse.

Faites tenir très-sûrement ce paquet à Monseigneur, car toutes mes affaires y sont. Quand vous le trouverez à propos, saluez en tout respect Mgr l'archevêque, car je l'honore très-singulièrement et votre Supérieur aussi. Et toutes nos Sœurs, je les salue chèrement. Je n'ai de loisir que pour cela.

Dieu soit béni !

Conforme à l'orignal gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [481]

LETTRE CCXCIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

L'opinion du monde ne nous rend ni plus saint ni moins vertueux. — Conduite à tenir avec deux dames amies du monastère. — Les Sœurs ne doivent pas se reprendre mutuellement de leurs imperfections.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Il faut laisser dire le monde et bien faire, ma très-chère fille ; cela s'évanouira ; vous n'êtes pas meilleure pour le bien que ces bonnes gens disent de vous. Notre Sœur N*** n'est pas plus mauvaise pour le mal qu'ils en disent aussi. Dieu soit béni de ce que mademoiselle de Puylaurens fait bien ; elle sera bien heureuse si elle persévère en la maison de Dieu.

Vous avez raison d'être bien aise de ce que l'on n'entre plus chez vous. J'écris à Mgr l'archevêque qu'il sera mieux de prendre une place. Il se faut accommoder fort à l'humeur de madame N***, car c'est une amie utile, quoique délicate. Il faut porter doucement la bonne madame de N*** en ses attaques, et bien faire rendre raison, tout humblement et patienter.

Allez votre train, ma très-chère fille ; il y a si longtemps que Dieu vous y conduit, qu'il n'y a rien à craindre pourvu que vous vous teniez extrêmement humble, douce, cordiale et respectueuse vers tout le monde et vers les Sœurs, et très-charitable, vous attachant à votre Règle. Voyez à mettre quelqu'une des Sœurs pour aider à satisfaire aux novices, de celles qu'elles agréeront le plus, car il leur faut beaucoup parler, et vous ne pouvez satisfaire à cela, ni aux jeunes professes, à qui il faut parler aussi.

Notre Sœur N*** est bien tancée de cela, il la faut traiter cordialement et ne point souffrir aux Sœurs de se dire l'une à l'autre aucune chose qui marque les imperfections, comme : [482] « Vous êtes attachée à vos parents, vous êtes tendre », et semblables, car il faut que les récréations se fassent suavement comme la Règle dit.

Je suis lasse d'écrire, ma très-chère fille.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXCIV - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

La parfaite soumission, plus encore que les suavités, prouve la présence et le règne de Dieu dans une âme.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 27 octobre [1620].

À jamais, ma fille, à jamais que ce doux Sauveur vive et règne dans nos cœurs parmi les désolations et les ténèbres. Il est notre lumière ; Il nous conduit, ne craignons rien, rien ne nous manquera jamais ; encore que nous ne le voyions point, ni que nous ne le sentions point par les suavités de sa sainte foi, n'importe, Il est avec nous. Et dessus ce fond sec et aride, il faut bâtir la solide foi, la ferme confiance et l'amour efficace d'une parfaite soumission. Tout sèchement, il lui faut dire : Je crois, j'espère, plus fermement que si f abondais en lumière et suavité. Je me plais à n'en point avoir, et à vous dire sans goût ni sentiment quelconque : Vous êtes mon Dieu, je suis toute vôtre et demeure en paix. Je vous écris ce mot avec impétuosité, sans loisir, mais de bon cœur.

Voyez-vous, la fondation de Valence dépend de savoir si l'on voudra que la dot de cette bonne Sœur qui a l'habit soit employée à cela.

Je fis porter, il y a plus de trois semaines, le chapeau, un paquet et force lettres au coche, les avez-vous reçus ? Sinon, [483] envoyez-y et les retirez. Dieu vous bénisse ! Priez pour les nouvelles maisons. Je suis vôtre. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXCV - À M. MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D’ANNECY, À ANNECY

Profonde estime pour les volontés de saint François de Sales. — Nouvelles du monastère de Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Hélas ! mon cher Père, le monde est fait d'une telle sorte que quiconque entreprendra de le contenter n'en viendra pas à bout ; mais je crois pourtant que les tètes bien laites ne répugneront point à ce que Monseigneur aura considéré et résolu. Oh ! quoi que ce soit, il nous surfit pour nous que ce soit lui, et l'esprit que Dieu lui a donné qui nous trace notre chemin. Je supplie seulement noire bon Sauveur et sa très-sainte Mère de lui en donner tout le loisir qui sera nécessaire ; je crois que peu de jours peuvent suffire pourtant.

Toutes nos Sœurs d'ici vous chérissent et honorent grandement : certes, si je ne me trompe, elles vont gaillardement bien, surtout en la douceur et union d'esprit. Depuis votre départ, nous [en] avons reçu cinq ou six qui sont bien appelées et tout aimables ; plusieurs poursuivent, mais elles auront patience jusqu'à ce que nous ayons changé de logis. Je vous prie, mon bon et cher Père, de m'aimer toujours très-bien, encore que je ne sois point si brave ; et faites bien, s'il vous plaît, mes honneurs et mes devoirs partout, et à sainte Catherine et à sainte Claire. Vous savez bien comme vous m'êtes cher et que je suis toute vôtre en Notre-Seigneur. [484]

[P. S.] Demandez, s'il vous plaît, à Monseigneur, s'il jugera à propos que l'on fasse une ou deux petites chapelles dans nos églises, à côté, comme faisant la cloison du grand autel. Je salue en tout respect Mgr de Chalcédoine, s'il est venu, et le Père dom Juste.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXCVI - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Espoir de la revoir bientôt. — Il faut mépriser les attaques de l'envie et marcher avec humilité dans une fidèle observance. — La détermination de travailler et souffrir pour Dieu, avec le soin de faire avancer les âmes, est un grand trésor. — Incliner du côté de la médiocrité et de la pauvreté pour les revenus et les bâtiments. — Annonce de l'impression des Directoires.

VIVE † JÉSUS !

[Paris]. 6 novembre 1620.

N'en faites jamais conscience de m'écrire, ma très-chère fille ; car, certes, ce m'est une douce consolation de vous ouïr un peu par vos lettres. Et pour n'en point mentir, je serais mortifiée si vous me la retiriez, tant vous êtes toujours davantage, ce me semble, ma très-chère grande fille, mais cela, certes, d'une sorte très-spéciale, et je voudrais bien en avoir une douzaine de semblables ; mais patience, il se faut contenter de ce que Dieu nous donne. Nous espérons de voir ici Monseigneur avec M. le prince cardinal,[338] et nous résoudrons ensemble de notre retour. Pour moi, je fis hier une agréable imagination que je trouve fort à propos : je pensais que je vous irais reprendre à votre Montferrand pour vous ramener à Lyon, là faire élire la Supérieure, car vous le seriez déjà pour Turin, [485] et partant il faudrait changer de ton ; cela n'irait-il pas bien ? il me semble qu'oui, ma très-chère fille. Oh ! si Dieu nous destine cette consolation, je le supplie que ce soit à sa gloire. Amen.

S'il y a quelque esprit qui vous plaise fort, qui soit bien fait et bonne vocation, prenez-le, je vous prie, et Dieu [vous] bénira pour cela. Ah ! que voilà bien l'esprit de notre cher Père, de dissimuler ces petites mouches que l'envie fait voler partout ; elles essayent de nous piquer, mais n'y prenons pas garde, allons notre train avec une solide humilité et une très-parfaite fidélité à nos observances ; Dieu sera pour nous. Envoyez-moi la copie de cette lettre du digne Père. C'est beaucoup en peu, ma fille, que l'accroissement de la détermination de faire et souffrir pour Dieu, cela n'est pas tout seul ; cela, avec le soin d'avancer les filles, est un grand trésor. Il est vrai, partout les Pères Jésuites nous obligent fort, je désire que nos maisons en soient fort reconnaissantes.

Ma fille, nous avons un soleil [ostensoir] duquel je suis fort contente, et n'en voudrais pas un plus grand, car je désire bien fort qu'en tout, nous aimions la médiocrité ; et, en ce qui regarde les bâtiments et revenus, j'incline plus du côté de la pauvreté que des richesses. Le soleil coûte cinquante ou cinquante-deux écus, et un calice, [qui] sera fort beau avec sa patène, pour quarante ou cinquante écus aussi ; enfin, pour quatre-vingt-dix ou cent écus, vous aurez deux gentilles pièces, de quoi se contenter ; mandez-moi ce que je ferai. — Ma fille, il faut mettre un tronc en votre église, qui soit petit, et n'y mettez point de titre d'écrit dessus, comme on fait en certains lieux. Oui, ma fille, faites tout ainsi que les Directoires des cérémonies le marquent, la dernière main y est ; nous les allons faire imprimer, et si l'on nous donne le loisir, je vous enverrai les menues cérémonies. — Il faudra, à part, faire le vœu comme il est dressé, entre Dieu et votre âme, et puis dire : Je renouvelle, et [486] la suite, comme il se fait maintenant, lorsque vous serez prête à communier ; mais je vous écrirai un billet.

Il faut avoir patience pour Dijon ; mais ces bonnes gens sont justement bien mortifiés. Certes, je vous porterais volontiers envie d'avoir entretenu le bon Religieux de Saint-Charles ; mais ce sera notre entretien en vous entretenant s'il plaît à Dieu. Le cœur me rit, ma fille, et j'espère cette consolation. Toutes nos Sœurs vous saluent chèrement, et moi, très-cordialement nos Sœurs Claude-Marie [de la Martinière] et Anne-Françoise [Chardon]. Adieu, ma toute très-chère fille, que j'aime comme Sa vraie fille de mon cœur. Dieu vous fasse la grâce de le servir sincèrement !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXCVII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Indécision sur les privilèges que réclame la Sœur de Morville comme fondatrice. — Encouragements et conseils pour la direction de cette novice ; ne jamais la laisser au parloir sans assistante.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 27 novembre 1620.

Patience, ma pauvre vraie très-chère Sœur, tout vient à point à qui veut attendre. Il est vrai, ses parents d'ici[339] veulent aussi qu'elle ait les mêmes privilèges à Nevers qu'elle a à Moulins, et que la mère et les sœurs entrent dans ces monastères, tandis qu'elle y sera, lorsqu'elles iront la voir. J'ai tout mandé à Monseigneur et l'ai fort prié de nous répondre, car ils font instance là-dessus ; ils ratifieront le contrat incontinent que l'on aura réponse, je tiendrai main à cela. [487]

J'écris derechef à notre petite Supérieure de Nevers, pour le payement des trois mille francs et le renvoi des tapisseries et lacis [filet]. La pauvre madame de Gouffier nous exerce ; je n'oserai certes lui dire que vous ne lui donnez point d'argent, elle en a un besoin extrême ; faites un effort, je vous prie, s'il y a moyen. Si nous avions moyen, croyez que nous ferions l'avance de tout notre cœur, mais en vérité nous sommes fort courtes, et sur le traité d'une petite maison de seize mille écus, sans la suite qui en exigera au moins deux mille, comme je pense pour l'accommoder ; mais nous verrons si nous aurons crédit, car il faut jouer d'emprunt à bon escient.

Non, ma très-chère Sœur, il ne faut plus le Veni, Creator, ni l’Ave, maris Stella.

Certes, si cette veuve est un esprit bien fait et bien appelé, prenez-la ; deux mille francs, n'est-ce pas honnêtement en ce pays-là ? Au reste, nous avons remué tout ce que nous avons pu pour votre affaire ; mais la fin est que les deniers que vous demandez sont dans l'état des deniers ou de la recette, et en vain l'on demanderait. Je vous assure, mon enfant, que je mériterais d'être un peu chapitrée. Mon Dieu ! que de douceur j'espère recevoir auprès de votre cher cœur, qui m'est en véritable vérité si très-cher et si très-tendre que rien plus ! Or sus, Dieu nous veuille donner celle consolation ; j'espère que ce sera parmi cet été, s'il lui plaît, j'en ai bien envie. Vous fîtes grande charité à cette pauvre petite [Mère] de Nevers ; je m'occupe à leur envoyer quelques filles, mais avec mille peines à cause de l'éloignement, et s'ils n'ont pas grand cas, il me tarde qu'elles soient soulagées des filles du bon M. Ronsidat.[340]

Oh ! certes, c'est une grande compassion de voir les instabilités de cette pauvre Sœur.[341] Dieu, par sa bonté, la fortifie ! De [488] montrer nos lettres, cela ne se peut ; néanmoins, si cela lui devait profiter, il faudrait donc que nous missions toujours un billet à part dedans. Mon Dieu ! que je vous plains, ma très-chère fille, devenez sainte, je vous en prie, car vous en avez toute occasion, et Dieu vous en fasse la grâce ! mais soyez au moins bien paisible, tranquille et joyeuse parmi vos épines Dieu vous y fera trouver les roses ; j'en supplie sa bonté par tout ce qu'il est puissant au ciel et en terre. — Je ne voudrais nullement la laisser seule au parloir, si ce n'était avec quelque bonne amie de la maison ou quelque Religieux ; mais encore est-il meilleur que non, à cause que la Règle est exacte, il le faut être. Tout ce que vous pouvez faire, c'est de lier son cœur au vôtre par une grande franchise et cordialité ; elle témoigne par ses lettres de vous aimer et estimer toujours grandement, et Dieu le veuille ! ce sera son bonheur.

Vous avez maintenant des lettres de Monseigneur ; l'on ne dit plus rien de leur venue ; toutefois, si le roi passe ici l'hiver, il y a bien de l'apparence. Il est tard, mon enfant, je suis lassé ; je lui vais écrire un mot et à M. de Palierne. Dieu soit votre force, votre vertu, votre paix et votre consolation ! Ainsi sera-t-il,[342] je l'en supplie de toute mon âme, qui est certes à vous sans réserve.

Dieu soit béni !

[P. S.] J'ai reçu vos trois lettres depuis quatre jours.

Un cordial et très-cher salut à notre très-chère fille Jéronyme [de Villette] ; j'aime son cœur maternellement ; elle le sait bien et il est vrai.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [489]

LETTRE CCXCVIII - À LA SŒUR FRANÇOISE-MARGUERITE FAVROT

ASSISTANTE À ANNECY[343]

Désirs de voir les Sœurs d'Annecy fidèles aux enseignements de leur Bienheureux Père. — Éloge de la communauté de Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Mon Dieu, ma très-chère Sœur ma mie, que j'ai été consolée de voir ce que m'écrit notre Sœur J.-Françoise ! Enfin, elle me dit qu'elle est toute guérie, et, si [cela est] vrai, ce serait un vrai fruit des prières de notre très-cher Père. Oh ! Dieu veuille qu'il soit ainsi et qu'elle persévère ! Je vous assure que vous avez raison de dire qu'il faut occuper notre Sœur M.-Madeleine [de Mouxy] ; elle a été assez longtemps sans rien faire, et me semble qu'il n'est plus besoin de lui laisser tant suivre ses inclinations. Quelques-unes de nos Sœurs m'écrivent, mais je ne puis leur répondre. Nous sommes toujours toutes tracassées ; je prie Dieu qu'il leur fasse la grâce de faire ce qu'elles savent. Certes, je crois qu'il n'y a Religieuses au monde tant instruites que nous autres,[344] surtout celles de Nessy ; nous serons grandement responsables si nous ne faisons [pas bien] ; mais je loue Dieu et le remercie, car il me semble que par toutes nos maisons tout y va assez bien ; celles d'ici se rendent fort recommandables en la douceur d'esprit les unes envers les autres, et en l'obéissance ; au moins, certes, l'on ne me témoigne point de répugnances, grâce à Dieu.

Je savais déjà bien que la Sœur Marie serait brave fille ; je la salue tout particulièrement, et certes, toutes en général et en particulier. Avec un cœur tout maternel, je leur souhaite la [490] perfection de l'esprit de notre petit Institut : la véritable humilité, la parfaite douceur, et cette sacrée simplicité qui ne cherche et ne dépend que de son Dieu. J'espère, ma très-chère amie, que Dieu vous aura soulagée de cette mélancolie à laquelle le divertissement et la patience sont unique remède. Dieu soit votre force. Amen. Je salue tous les amis et amies.

Certes, si l'assistante ne m'arrêtait ici, je voudrais bien être là.

Conforme à l’original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCXCIX - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Sage prudence à garder dans le choix des directeurs. — Conseils pour la distribution des emplois. — Comment la Supérieure doit procéder avec les esprits difficiles et pourvoir aux nécessités spirituelles et corporelles de ses filles.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Ma très-chère Sœur,

J'ai déjà bien entretenu Mgr l'archevêque [de Bourges], lequel, à la vérité, est plein de bonté et d'une très-grande et sincère affection envers votre maison et votre personne particulière ; il faut beaucoup et soigneusement prier pour lui, nous y sommes obligées grandement. Je m'essayerai de lui faire entendre nos maximes, et à mon cher neveu [de Neuchèze] tant que je pourrai.

Il n'y a point de doute qu'il faut permettre aux Sœurs de parler quelquefois, la Règle nous montre comment et à quelles personnes ; tant qu'il se pourra toutefois, il se faut tenir aux Pères Jésuites. Si les filles désirent, parler à quelques autres, il faut bien savoir s'ils ont l'esprit universel, afin qu'ils [491] nourrissent les filles dans l'esprit de leur propre Institut, car quelquefois il se trouve de fort bons Religieux qui veulent mettre l'esprit de leur Ordre en toutes les âmes qu'ils traitent et conseillent : chose qu'il faut souverainement prévoir et éviter. Or j'espère que si vous prenez le loisir de parler aux Sœurs, que cela leur retranchera fort cette affection de parler dehors.

J'ai bien des occupations ; mais je vous assure, ma très-chère fille, que je parle toutes les semaines une fois à toutes les filles que nous avons reçues ici : le mercredi je parle à la moitié, le samedi, à l'autre ; j'espère que vous pourrez faire ainsi quand vous serez déchargée du noviciat.

Il faut donc, si vous le trouvez bon, à votre dernier chapitre du bout de l'an, donner à noire Sœur Françoise-Gabrielle [Bally] la charge entière des novices et celle de l'assistante ; car ces deux charges sont l'une dans l'autre, et se peuvent porter sans peine ; l'économie pourra être faite avec la dépense par notre Sœur Hélène-Marie [Le Blanc] ; ou bien, si notre Sœur Anne-Françoise était capable de l'économie, qu'elle sût ce que c'est que de ménage, comme il me semble qu'elle en avait la réputation, et qu'elle sût bien écrire et jeter [compter], vous pourriez lui laisser la charge, encore que peut-être pour une année il serait mieux de la laisser à notre Sœur Hélène-Marie avec la dépense. Je voudrais donner l'infirmerie à notre Sœur Marie-Marthe [Legros], et la faire surveillante ; la porte, à notre Sœur Jeanne-Françoise, et, pendant les Offices, la commettre à notre Sœur Anne-Marie, qui serait assistante de la porte et du parloir ; la sacristie, à notre Sœur Marie-Louise, avec une assistante un peu forte pour balayer et faire les choses les plus pénibles ; le réfectoire, à notre Sœur Marie-Madeleine ; la roberie, à notre Sœur Claude-Marie, ou à l'une des filles d'Orléans, si elles y sont plus propres. Mais si notre Sœur Claude-Marie ne pouvait faire la roberie, il lui faudrait donner la lingerie, et la roberie à notre Sœur Anne-Marie, [492] car je crois que cette bonne Sœur sera propre à plusieurs bonnes charges. Il faudrait donner à quelqu'une des Sœurs qui n'aurait point de charge, la distribution des ouvrages, filet, aiguilles, épingles, dés, et semblables petites choses nécessaires aux Sœurs et à leurs ouvrages. C'est pour décharger l'économe, laquelle donne les choses susdites en gros à cette Sœur destinée, qui les distribue après en détail, à mesure que les Sœurs en ont besoin ; et, à elle, les Sœurs remettent leurs ouvrages, lesquels elle rend en gros à l'économe quand ce sont des filasses ou linges neufs, enfin des choses qui lui doivent être remises. Je pense aussi aux officières qui ont besoin d'aide ; il leur en faut donner aussi, et faire en sorte que personne ne soit surchargé de besogne à la maison, afin que l'esprit de la sainte douceur et dévotion ne soit étouffé. Voilà, ma très-chère Sœur, ce qu'il me semble pour l'ordre de votre maison ; conférez-en avec la Sœur assistante, et faites ce qui vous semblera le mieux.

Je repense à ce que vous me dites de notre Sœur Claude-Marie ; c'est la vérité que je crois que l'office de la dépense ou du réfectoire lui serait propre, et voire, celui de la dépense tout à fait, pourvu qu'elle suive le train ordinaire, et qu'elle se lie fort bien avec l'économe, qui de sa part devra contribuer de la discrétion et douceur. La roberie, vous la donnerez à une autre.

Je m'assure que vous ne laissâtes pas aux Sœurs l'opinion que notre Sœur N*** était causeuse ; elles ont tort de dire telles paroles et avoir telles impressions ; mais cette bonne Sœur-là a bien tort aussi de prétendre à cette charge.

La Supérieure peut, de sa seule autorité, changer les offices ; mais, certes, sinon que pour quelque grande utilité elle y soit portée, elle fera toujours mieux d'en conférer premièrement avec l'assistante, et quelques autres des plus capables et vertueuses pour voir ensemble ce qui sera le mieux, puis en [493] conférer à l'assemblée avec les conseillères, par manière de proposition. Que si elles donnaient de solides raisons pour changer quelque chose de ce qui aurait été jugé à propos en la petite conférence, je voudrais qu'il fut reçu, afin que tout se passât plus suavement ; car, sur toutes choses, il faut avoir une grande union, douceur et suavité ensemble ; autrement l'esprit vrai se dissipera. Or, la douce, cordiale et franche communication est merveilleusement propre à cela.

Puisque vous voyez que notre Sœur N*** ne profite pas de vos petites mortifications, qu'au contraire cela l'inquiète et la trouble, je pense, ma très-chère fille, que vous devez grandement lui condescendre, lui parlant souvent, lui témoignant un grand amour et cordiale affection ; ne la rebrouez plus, mais lâchez de lui donner de la force et du courage pour surmonter ses mauvaises inclinations. Ce que vous ferez sans doute, lui témoignant de l'amour et du zèle de sa perfection, et ne la reprenant qu'avec ces témoignages ; car c'est un bon cœur pour les malades et infirmes. Il vaut mieux excéder du côté de la charité que de la sévérité.

Si les filles montrent des tendretés en leurs incommodités, il ne faut pas faire semblant de les voir tandis qu'elles souffrent ; mais, étant guéries, il leur faut faire voir doucement, les encourageant, et enfin leur témoigner en tout et partout un extrême amour, douceur, support et zèle de leur avancement. Ayez grand soin de tous leurs besoins, les pourvoyant de tout, autrement n'auront-elles pas raison d'en prendre. Si donc nous voulons que nos Sœurs se reposent et confient en nous, et nous laissent le soin d'elles-mêmes, tant spirituel que temporel, certes, ma très-chère fille, il faut le prendre, et nous charger de tout ce qui les regarde ; c'est en cela surtout que nous devons exercer notre maternité, et c'est pour cela que l'on nous commet la charge des âmes. Je pense, ma fille, que vous trouverez bon que je vous parle ainsi, et que vous aurez soin de [494] faire ce que je vous dis. Je vous assure, mon enfant, que c'est l'unique moyen de tenir nos Sœurs tranquilles. Faites lire souvent les Entretiens de Monseigneur, voire, même à table, et tenez main à ce que l'union et douceur soient surtout conservées.

Il ne faut rien changer au maniement de vos affaires que Mgr l'archevêque ne soit là. Certes, si M. de N*** et madame de N*** se pouvaient unir, cela irait bien. Il faut les entretenir tous deux le mieux que vous pourrez.

La pauvre Sœur N*** m'écrit bien toutes ses difficultés et nettement ; c'est un esprit mélancolique qu'il faut soulager grandement ; faites-la épargner aux avertissements et contradictions, et lui tenez son cœur gai et content tant qu'il vous sera possible, et faites-le même à toutes les autres. Je vous promets, ma très-chère fille, et vous assure que c'est le plus grand moyen que vous leur sauriez donner pour leur avancement. Je suis vôtre, ma fille.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCC - À LA SŒUR MARIE-MARTHE LEGROS.

À BOURGES

Se livrer sans réserve à la pratique de la simplicité, de l'observance des Règles et d'une sainte indifférence.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Votre grande lettre m'a singulièrement consolée, ma très-chère fille, de voir votre candeur à découvrir votre pauvre cœur. J'espère, ma fille, que Dieu qui vous a donné la lumière [495] de tous vos manquements, vous donnera la force et la grâce de n'y plus retomber. Je vous souhaite souverainement la pratique exactement amoureuse de nos saintes Règles, et que vous cheminiez devant Dieu avec grande simplicité, ne chargeant votre esprit d'aucun soin, ni désir, ni prétention de chose quelconque. Laissez-vous sans réserve entre les mains de Dieu et de l'obéissance, sans jamais plus faire de réflexion. Mais, ma très-chère fille, faites bien cela, et soyez aussi patiente sous votre ancienne croix. Aimez cette abjection et vous tenez fidèle. Dieu aura soin [de vous] délivrer au temps acceptable, comme aussi assurez-vous que j'aurai soin de votre consolation sitôt que Dieu m'en ouvrira les moyens, mais n'amusez pas votre esprit à cela, et croyez que, comme vous m'aimez d'une filiale et parfaite affection, je vous chéris aussi d'un amour très-maternel ; croyez-le, n'en douiez jamais, ma très-chère fille.

Je salue nos pauvres chères Sœurs, surtout celles que vous me nommez, et en particulier ma chère et bonne Sœur Marie-H. Je lui ai fait réponse à sa grande lettre ; je crois qu'elle l'aura reçue maintenant.

Bonsoir, ma très-chère fille, je suis entièrement vôtre.

Je salue tous les amis et amies, surtout M. votre confesseur.

Conforme à l’original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Nécessité de faire élire une Supérieure à Lyon. — Il faut s'oublier soi-même pour ne penser qu'à Dieu. — Affaires. — Sentiments de la Sainte sur la capacité de quelques Sœurs.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 8 décembre 1620.

Ma très-chère fille,

J'ai eu l'honneur et la consolation de voir le bon et révérend [496] Père Jésuite ; et depuis j'ai reçu la vôtre dernière, sur laquelle je n'ai rien à dire, puisque Mgr de Lyon ne veut point que nos Sœurs de nos autres maisons se mêlent avec les siennes. Je suis certes marrie que l'on mette des différences et que l'on fasse des tiens et miens, mais il n'y a remède ; pourvu que nous autres soyons toujours très-unies en l'esprit, comme j'espère que nous serons, moyennant la grâce de Dieu, il suffira pour le bien de l'Institut, qui nous doit être plus cher que tous les biens du monde.

Quant à [ce qui] est de partir de Lyon sans l'obéissance particulière de Monseigneur, vous ne le devez pas faire, et vous devez lui en écrire à l'avantage et lui faire savoir le tout. Mon Dieu ! votre bon Père spirituel de là ne saurait-il obtenir de Mgr de Lyon l'élection d'une Supérieure chez vous ? Cela semble être nécessaire, car pour notre Sœur Marie-Jacqueline [Favre], il ne faut pas s'y attendre, elle est destinée ailleurs, et je ne pense pas que la maison de Lyon se pût passer de vous pour encore.

Il est vrai que pour quelques mois cela n'est rien ; mais il faudrait donc, auparavant de partir, vous faire élire ou celle que Dieu inspirerait à la communauté. Or sus, soit ainsi que notre bon Dieu voudra, et qu'il sera expédient pour sa plus grande gloire ; car, au péril de tout le reste, moyennant sa grâce, nous n'aspirerons jamais qu'à cela. Louée soit sa bonté infinie de vous avoir délivrée de la tyrannie de ces vaines craintes ! Ah ! ma très-chère fille, quand sera-ce que nous nous serons oubliées parfaitement, et que nous ne verrons plus que Dieu ? C'est une grâce qui dépend de sa seule miséricorde.

Je salue, mais très-chèrement, M. votre bon Père supérieur de là. Assurez-le, je vous prie, que je l'honore et chéris, non selon son mérite, mais de toute mon affection. Je salue aussi toutes nos très-chères Sœurs, un peu à part nos très-chères [497] anciennes M.-C.[345] et A.-Louise.[346] Mon Dieu ! que j'aime ces Sœurs-là, et la bonne Sœur Colin, Raton, et une autre dont je ne me souviens pas le surnom ! et toutes, certes, sont écrites au milieu de mon cœur, qui leur souhaite abondance de toutes miséricordes et grâces.

Nous avons acheté une fort bonne et commode maison, mais je crois qu'il ne s'en faudra pas la moitié qu'elle ne revienne à cinquante mille écus. Le premier achat n'est que de seize mille écus. Bonsoir, ma très-chère fille ; Dieu vous rende toute sienne ! Je ne sais quand nous retournerons encore. Je vous enverrai un plan, car je suis après à eu faire faire un pour toutes nos Sœurs qui se veulent bâtir. Veille de la très-sainte Conception de Notre-Dame.

[P. S.] Mon Dieu ! ma fille, je crois que la cousine de la Sœur Raton ne peut en façon du monde être encore capable de lui commettre une maison ; elle ne peut avoir pris en si peu de temps l'esprit de l'Institut, ou il faudrait qu'elle eût travaillé comme un Ange, et je me souviens pourtant que notre Sœur M.-J. m'en écrivit quelques difficultés. Une Supérieure met tout le bien et le mal dans une maison. Pour moi, j'aimerais beaucoup mieux que l'on ne fit point de maison ; mais si notre Sœur M.-Catherine [de Villars] a de la santé, oh ! je crois qu'elle a de la vertu, et vous ne devez en façon quelconque les proposer qu'on ne vous le demande, sur quoi vous direz simplement votre sentiment. Je crois que Mgr de Lyon ou votre bon Supérieur doivent considérer cela et faire l'élection avec [498] vous : vous êtes assez proche de Monseigneur pour prendre son avis, s'il en est besoin. Jour de la Vierge.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET .

SUPÉRIEURE À BOURGES

Sagesse et prudence que doit avoir la Supérieure pour le gouvernement de la communauté. — Il faut laisser aux Sœurs une certaine liberté dans l'exercice de leur emploi. — Ne jamais permettre l'entrée du monastère pour de simples visites, mais pour le seul motif d'une retraite sérieuse.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Ma très-chère Sœur, je n'ai loisir que pour ce billet. Si l'on vous parle de la tille dont [vous] m'écrivez, nous la verrons et considérerons. Vous avez raison de traiter doucement la petite Sœur Marie-Françoise [Thibaut] ; vous pouvez dire toutes ces petites particularités aux bons Pères Jésuites, qui vous conseilleront et aideront en la conduite de ces filles ; ce sont gens sages et experts, j'en ferais ainsi. Allez ainsi que Dieu vous inspirera. Si notre Sœur N. se rend trop sèche, il lui faut faire connaître son défaut, car elle est capable d'être reprise et avertie. Continuez en votre chemin, et le faites voir, comme vous nous l'écrivez, au Père principal, si vous y avez confiance. J'écris au bon Père recteur pour voir si l'on pourra remédier au mal que fait la dame dont vous m'écrivez. Parlez hardiment au Père de sa conduite envers vous et vous en conseillez : pour moi, c'est mon sentiment de la déprendre tout bellement de son gouvernement.

Et quant à ces choses de la maison, il les faut faire entre vous autres, comme notre coutume porte. Si elle en dit quelque [499] chose, il lui faut répondre bien doucement : « Madame, notre Mère même n'a pas accoutumé de nous lier les mains ; elle laisse faire librement aux Sœurs ce qui est de leur charge, afin qu'en forgeant elles deviennent orfèvres ; » mais cela, si vous le trouvez bon. Prenez conseil du Père, et surtout de Notre-Seigneur et des Sœurs, que je salue cordialement.

Non, il ne faut laisser entrer ni Religieuses ni autres pour des simples visites ; mais si quelque femme voulait faire une absolue retraite pour quelques jours, et que Mgr l'archevêque lui donnât licence d'entrer pour cela, il serait bien fait de la recevoir ; autrement, point. Adieu, ma bien chère fille.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même, archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCIII - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Concession d'une dot en faveur de la fondation de Valence.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1620.]

Cela va bien, ma très-chère fille, que Mgr de Lyon permette à la bonne Sœur[347] de laisser sa dot pour Valence ; je serai bien aise que cette fondation se fasse et que l'on prenne quelques filles à Nessy, où elles sont si extrêmement chargées, que c'est grande pitié. Je n'ai loisir de voir ce que vous m'écrivez. Dieu vous bénisse ! Je suis toute vôtre, comme vous savez.

Saluez toujours le Père spirituel de ma part le plus chèrement que vous pourrez, je vous en supplie.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [500]

LETTRE CCCIV - À LA SŒUR ANNE-MARIE DE LAGE DE PUYLAURENS

NOVICE À BOURGES[348]

Moyens de persévérer et de se perfectionner dans sa sainte vocation.

[Paris], 1620.

Ma très-chère fille, je vous conjure de n'oublier jamais la miséricorde que vous avez reçue de Dieu par votre vocation et réception en cette Religion. Soyez fidèlement invariable en la résolution d'y persévérer par une exacte observance des Règles et de toutes les choses de l'Institut ; sevrez votre esprit du souvenir de toutes les choses passées, et l'appliquez à Dieu par un fréquent ressouvenir de sa toute présence et de sa bonté sur vous. Faites bien soigneusement tous vos exercices spirituels avec attention à Dieu. Exercez-vous en l'humilité, par la soumission de votre jugement et volonté en toutes choses, comme [501] aussi par l'obéissance et condescendance licite ; aimez les corrections, avertissements et autres humiliations ; faites gaîment et de bon cœur les choses basses et abjectes. Que la sainte humilité soit votre plus chère vertu et la simplicité vos délices, et ainsi vous rendrez votre âme agréable à Celui qui daigne la désirer pour épouse. Faites donc fidèlement cette pratique, et Dieu vous bénira, ainsi que de tout mon cœur j'en supplie sa bonté. Amen.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers.

LETTRE CCCV - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Logement et entretien du confesseur. — Il faut avoir un clerc pour le service de l'autel.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 22 décembre 1620.

Or sus, loué soit Dieu, ma très-chère fille ! Voilà votre cœur en fort bon état ; il l'y faut maintenir, n'ayant soin que de contenter notre très-bon Seigneur et Maître.

Il ne sera que bien que le confesseur soit logé près de vous, dans l'enclos, pourvu que ce soit toutefois en lieu décent qui ne touche pas votre logement ; mais faites voir le lieu au Révérend Père du noviciat, et il vous dira bien s'il sera propre ou non. Il faut que les Sœurs tourières soient logées aussi dans l'enclos joignant le tour. Quant à nourrir le confesseur, cela est assez indifférent quand ils sont personnes faciles et aisées. Néanmoins, je n'ai jamais eu inclination à cela, au contraire, l'ayant un peu essayé, j'ai pensé qu'il était mieux qu'ils fissent leurs dépenses à part. Il vous faut aussi nécessairement un clerc pour faire les choses requises autour de l'autel, car [502] Monseigneur ne veut pas que ce soient les tourières qui en approchent ; ils demeureront ensemble, et il servira le confesseur.

Eh bien ! votre fondation de Valence, qui y sera Supérieure ? Certes, je pense que la maison de Nessy l'eût aussi bien fournie, car il y a là encore des bonnes filles et expérimentées. Mais il faut laisser gouverner Mgr de Lyon, et bien remettre toutes choses entre les mains de Dieu ; car enfin c'est sa bonté qui fait tout, et qui a tout le soin de pourvoir ces petites maisons. Il soit béni éternellement ! Faites-le remercier du soin qu'il a de nous. Saluez mes chères Sœurs ; je me recommande à leurs prières. Je suis toute à vous.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [503]

ANNÉE 1621

LETTRE CCCVI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE MORVILLE

À MOULINS

Le sentiment de sa propre faiblesse ne doit point diminuer une entière confiance en Notre-Seigneur et en sa sainte Mère. — Nécessité de l'oraison et du fréquent recours à Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, janvier 1621.]

Oh ! Dieu soit loué, ma très-chère fille, de ce que vous êtes un peu soulagée et encouragée en vos exercices. Ayez confiance, ma fille, et cheminez paisiblement tant qu'il vous sera possible, sous la protection du Fils de Dieu Notre-Seigneur, et de sa très-sainte Mère. Assurez-vous qu'ils ne vous abandonneront point, encore que vous soyez faible, et que vos pas ne soient si grands ni si forts que vous désireriez et qu'il serait requis à votre prétention. Ils regardent à notre bonne volonté, laquelle rendra enfin ses fruits en temps et lieu. Je supplierai continuellement leur infinie bonté, car, ma très-chère fille, vous ne sauriez croire combien votre cœur est avant dans le mien, et l'espérance que j'ai qu'un jour, moyennant la divine grâce, il sera selon le Cœur de Dieu. Vous n'êtes point appelée à choses petites, ma fille, c'est pourquoi il faut que doucement, mais généreusement, vous correspondiez. Il me semble que sur toutes choses, la sainte oraison et les fréquents retours de l'esprit à Dieu vous sont nécessaires et utiles ; car si une fois les sentiments du céleste amour prennent le dessus dans votre cher cœur, oh ! tout le reste sera facile. Et c'est cela [504] particulièrement que je prie Dieu de vous donner et que je ferai demander pour vous, par une communion générale, à toute notre communauté, le jour du grand saint Antoine. Joignez-vous à nous, et votre chère Mère aussi, laquelle a un véritable et ardent désir de votre bien. Au reste, ma fille, je suis bien consolée de vous y voir cette confiance ; elle est juste et bien fondée. Si la chère Sœur de Frouville peut, elle vous écrira ; c'est un bon cœur, qui fait fort bien. Adieu, ma fille toute chère, l'infinie Bonté vous comble de son saint amour. Amen. Vous savez qu'en Lui je suis toute vôtre. Que son nom soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Riom.

LETTRE CCCVII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Témoignages d'affectueuse estime. — Vertus qui doivent spécialement reluire à la Visitation. — Projet d'une fondation à Turin. — Inconvénients à recevoir des jeunes filles qui ne seraient pas appelées à la vie religieuse.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, janvier 1621.]

Je vous assure, ma très-chère fille, qu'il n'y a que l'impossible qui me puisse empêcher la consolation que je reçois en vous écrivant, surtout voyant que votre très-cher aimable cœur en reçoit, par l'incomparable amour qu'il me porte, quelque contentement. Véritablement, c'est le seul soulagement des cœurs qui s'aiment en Dieu parfaitement que cette communication ; surtout je reçois une édification et suavité grande de voir toujours votre chère âme dans l'absolu abandonnement à la divine Providence. Oh ! quel bonheur, ma très-chère fille, et quel repos ! Demeurons là invariablement, et qu'elle nous porte et transporte où elle voudra ; il faut grandement imprimer dans l'esprit de nos Sœurs cette sainte affection. Je voudrais que surtout l'on vît dans notre Congrégation l'esprit d'une foi vive, d'une [505] confiance invariable et d'une dépendance totale de la divine Volonté et Providence, et tout cela conservé et ménagé dans le sein d'une profonde et véritable humilité. Dernièrement, je priais Monseigneur, qu'à la fin de nos Règles, il nous inculquât cet esprit : sa lettre est admirable que vous m'avez envoyée ; enfin cet esprit se va toujours fondant davantage en Dieu ; sa divine bonté nous le conserve.

Nous vous connaissons fort bien, ma très-chère fille ; faites seulement que l'observance soit ponctuellement gardée, et ne déclinez ni à dextre ni à senestre ; nous ferons prou, au reste, regardant Dieu et attendant de Lui tout ce qu'il nous faut, comme je sais que c'est votre pratique.

J'ai reçu des lettres du Père dom Juste et [de] la signora Genevra. Ils me mandent que M. le prince prend l'affaire[349] plus à cœur, et que nous leur préparions des filles, et qu'elle espère que nous irons ou qu'elle viendra ici faire son noviciat ; cela va, comme je crois, à la fin de l'été. Dieu en dispose selon son bon plaisir ; vous êtes pour cela, je le vois bien.

Pourvu que les barreaux soient bien près l'un de l'autre, il suffira pour maintenant. Il est vrai, la Règle ne dit rien des filles ; mais les jeunes filles, si elles ne sont grandement bien appelées, ne nous sont pas utiles. Si toutefois celles-ci ont bonne vocation, je crois que vous ferez bien de les recevoir à cause de l'obligation [due] aux parents, et bien faire entendre la grande difficulté qu'il y a en cela ; je crois qu'à la revue de la Règle, on en dira un mot. Toutes nos Sœurs vous saluent chèrement, et je fais le même aux Sœurs qui sont avec vous. Tout à part à nos Sœurs C.-M. [de la Martinière] et A.-F. [Chardon]. Bonjour, ma vraie très-chère et unique fille. Dieu soit béni ! Je crois que Monseigneur ne viendra pas.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [506]

LETTRE CCCVIII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Termes à employer dans les lettres, selon la qualité des personnes auxquelles on écrit ; éviter les répétitions inutiles.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Il est vrai, ma très-chère Sœur, il vous faut manger peu et souvent, mais non pas si peu qu'il ne soit suffisant pour vous donner les forces battantes.

J'ai vu ce que. vous écrivez à M. du N., et faut que je vous dise confidemment qu'encore que nous devons toujours parler et écrire humblement, néanmoins il y a des personnes à qui les termes de très-humble et d'honneur ne doivent pas être employés comme à celui-ci qui est simple marchand ; comme aussi celui de Dieu vous comble de son très-pur amour ; il faut dire : Notre-Seigneur vous donne sa sainte paix ou ses bénédictions, et Nous vous supplions humblement nous faire le bien ou la charité, et semblables ; et prendre garde à être courte, ne doublant point les paroles qui signifient une même chose, comme je donne et distribue, si vous l'avez agréable et que la commodité permette, laisser à la volonté et discrétion, et semblables qui ne disent rien de plus. Ma fille, voilà comme votre bonté me donne liberté de vous dire tout, etc.

Oh ! non, jamais il ne faut prendre de mère temporelle qui entre ; l'on peut avoir quelque amie particulière qui assiste sans cela ; aucune de nos maisons n'ont jamais fait cela. Je suis en peine de la chère petite Sœur du Puylaurens. Dieu la bénisse et conserve, etc.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCIX (Inédite) - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE A NEVERS

Il ne faut pas se plaindre de la pauvreté, mais être attentive à maintenir l'union entre les monastères.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Ce mot, ma très-chère fille, n'est que pour vous dire que M. le doyen et un autre [personnage] de Moulins nous ont fait savoir les grandes plaintes que vous leur fîtes contre nos Sœurs de Moulins pour ces mille écus, disant que cette maison traitait cruellement la vôtre de lui vouloir faire payer cela, que vous étiez tant pauvres que vous n'aviez pas de quoi vivre, et mille autres choses semblables que ces bons messieurs ont pris prou à la bonne foi et le rapportent assez simplement, au moins M. le doyen ; car [l'autre personnage], qui n'a jamais aimé nos Sœurs, en fait ses contes. Je suis marrie que tout cela se dise, ma très-chère fille, et je ne doute point qu'ils n'exagèrent ; mais votre cœur m'est si bon qu'il veut que je l'avertisse de tout, afin qu'il se rende enfin un cœur tout selon Dieu.

Or, ma fille, je vous dis donc que jamais il ne faut faire des plaintes de nos pauvretés, car cela sent la quayemente, et est contraire à l'esprit de notre Père, mais surtout, mon cher enfant, il ne faut, sous quelque prétexte que ce soit, se plaindre de celles du même Institut. Vrai Dieu ! ma fille, quel préjudice cela apporterait à nos âmes, qui ne doivent être qu'une seule très-unique, ainsi que dit la Règle, et la bonne odeur de l'Institut, lequel sans doute recevrait tare de voir ce signe de division. Au nom de Dieu donc, ma très-chère fille, que cela n'arrive jamais ; s'il nous arrive quelque petite difficulté, adressons-nous à notre premier Supérieur. Or, voici ce [508] qu'il faut faire : premièrement que vous accoisiez votre chère âme et écriviez cordialement à la Mère de Moulins que vous ferez, en ce qui regarde votre consentement et celui des Religieuses, ce que Monseigneur ordonnera ; je leur ai donné parole de votre absolue soumission au jugement de ce bon Seigneur ; car je cautionne hardiment [pour vous].

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCX - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Heureuse influence que les Sœurs professes doivent exercer sur les novices par leur bon exemple. — Nécessité de soumettre sa volonté et son jugement à la Règle et aux Supérieurs.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 13 janvier 1621.

Ma très-chère Sœur,

Je suis certes marrie de voir dans votre lettre que l'on va toujours le petit pas. Or sus, il n'y a remède : je pense que toutes, tant que nous sommes, nous reprenons trop les défauts et pressons trop que l'on s'avance ; cela fait qu'on s'y accoutume et qu'il ne pénètre pas le cœur. Je voudrais, que les défauts se reprissent en particulier, fort cordialement et avec prière, et qu'en général l'on recommandât fort l'amour à l'humilité, parlant souvent de la bonté de Dieu, de ses bénéfices, de l'éternité, de l'exemple des vertus des Saints, voire même de celles que l'on sait que nos Sœurs ont pratiquées, et parler peu des autres Ordres ; et qu'enfin toutes les professes, par œuvres et paroles, montrassent le chemin, et que l'on fût attentives à traiter les unes envers les autres avec grand respect et douceur ; je crois que cette voie profiterait. [509]

Ce que je dis ici à votre dilection, je le dis à toutes nos chères Sœurs professes, et les conjure, au nom de Dieu, de marcher devant Dieu, et les novices, avec un cœur large, sans pressure ni inquiétude, mais avec une sainte et amoureuse confiance, qu'elles s'oublient d'elles-mêmes dorénavant pour penser à servir la gloire de Notre-Seigneur, et qu'elles prient pour cela plus que pour elles-mêmes. Combien pensent-elles qu'elles feront un agréable service à Dieu si, par leurs exemples et prières, elles forment ces jeunes filles et les rendent agréables à Dieu. Or sus, vivons donc dorénavant comme enfants, et non plus comme mercenaires. Vous avez, ce me semble, un bon esprit en la Sœur Élisabeth ; je souhaite toutes bénédictions à son cœur, et à toutes, pour étrenne ; et courage, je vous prie, toutes.

Il faut parler et faire parler le Père Jérôme à la Sœur M. Françoise, et enfin en tirer ce que l'on pourra ; surtout il lui faut faire entendre qu'il faut se soumettre. Pour moi, je crois qu'il y a de la mélancolie et tentation en ce qu'elle fait si peu ; écrivez-en clairement à Monseigneur ; peut-être si elle se soumet qu'il l'emportera d'ailleurs, et pourra être des Sœurs associées. Attendez Mgr de Bourges pour les affaires. Il n'y a point de doute qu'il ne faille que les parents donnent les meubles et les habits à cette bonne Sœur, je l'ai toujours mandé, c'est pourquoi il faut les tirer tout doucement. Il faut dire à part à ma Sœur Claude-M., bien cordialement mais fermement, qu'elle ne parle plus du grand Office, mais qu'elle aime et estime le petit et tout le reste des Règles ; si elle ne le fait, elle n'est pas propre pour nous.

Il faut absolument soumettre le jugement et volonté propre sous la Règle et les Supérieurs. Dieu vous bénisse toutes ; priez pour cette maison et pour mes enfants, ils en ont besoin. Il y a le maréchal de camp de M. de Vitry, ce me semble, qui nous a parlé de sa fille unique ; voyez-la, et si elle est propre [510] [à la vie religieuse]. Je suis toute vôtre, vous le savez. Je salue, mais chèrement, nos Pères Jésuites, nos amis et nos confesseurs.

Pardonnez-moi, le vœu n'est pas failli, et cette façon de parler comprend les trois vœux.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Poitiers.

LETTRE CCCXI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Difficultés temporelles pour la réception de la sœur H.-A. Lhuillier. — La Mère Favre est choisie pour être Supérieure à Turin. — Nouvelles de la communauté Je Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 7 février 1621.

Ma très-chère fille,

Je m'étais opiniâtrée à ne vous point écrire que je n'eusse la résolution de votre logement, et encore celle de l'établissement céans de notre bonne Sœur de Frouville, le contrat de laquelle fut hier passé, après millions de contradictions, et encore ce matin que nous pensions à lui donner l'habit, et voilà neuf heures qui sonnent et nous en sommes encore en l'incertitude de la part de notre Supérieur, pour cérémonie humaine. Oh vrai Dieu ! ma chère fille, que les choses de cette vie sont pleines de contradictions ! Mais notre bon Dieu, qui les permet pour notre exercice, veut que nous en tirions grand profit, et certes nous le devons faire ainsi.

Je crois que vous savez que l'on a pris, au nom de notre Congrégation, la possession du monastère pour Turin, avec douze cents écus d'or de rente : vous y êtes destinée pour Supérieure ; mais Monseigneur me mande que les princesses, et ces bonnes âmes qui désirent d'entrer, veulent avoir la Madré ancienne pour quelques mois ; je ne sais à quoi il se [511] résoudra ; mais si l'on nous commet cette obéissance, je crois que ce nous sera grande consolation de l'exécuter ensemble ; en tout la sainte volonté de Dieu soit faite. La maison où vous êtes se pourra-t-elle bientôt passer de vous, car je crois qu'il faudrait en partir autour de la Saint-Jean ; s'il n'y avait que la considération de Lyon, il ne faudrait pas s'avancer pour cela.

O Jésus ! oui, ma très-chère fille, l'on peut prendre deux fondatrices qui en pourraient même chacune joindre une autre à elles ; je vous ai répondu au reste de votre lettre. Nous attendions Monseigneur avec Mgr le prince-cardinal ; mais, comme vous savez, l'incertitude de nos princes nous en fait désespérer ; il a reçu les Règles, je les attends. Nous avons toujours force bonnes filles qui prétendent et attendent notre logement pour se retirer avec nous ; celles qui sont déjà font bien, et cela chemine avec grande suavité, Dieu merci. Adieu et bonjour, ma toute chère fille, et à toute votre troupe. Le froid me presse de finir, il est rude ici. Il me tarde que je sache de vos nouvelles, nous n'en avons point eu depuis les fêtes ; enfin, notre très-sainte Dame et Mère nous favorise toujours de l'issue de quelque bonne affaire en ses octaves ; remerciez-en Dieu, il nous fasse la grâce de la bien servir. Amen. Dieu soit béni. Ne vous ai-je pas dit que notre Sœur de Gouffier n'était plus avec nous ?

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry. [512]

LETTRE CCCXII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

La nourriture commune doit être saine et suffisante ; retrancher toute plainte à ce sujet. — La Règle qui ordonne de rendre compte de la conscience à la Supérieure et à la directrice n'impose pas l'obligation de leur déclarer ses péchés.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Ma très-chère Sœur,

Notre bon Dieu vous conduise avec votre chère petite troupe que j'aime singulièrement, et leurs noms me sont gravés dans le cœur, je vous, en assure. Recevez humblement toutes les charités que Mgr l'archevêque vous fera ordonner. Vous aurez donné l'habit à notre bonne Sœur Anne.[350] Il me semblerait à propos, devant que de le donner à l'autre, de la voir un peu persévérer en ses bonnes résolutions ; néanmoins, je cède toujours aux conseils des bons Pères, et j'honore singulièrement le Révérend Père principal ; saluez-le, et qu'il se souvienne de mes misères, afin de m'impétrer l'aide de mon Dieu.

J'ai parlé au révérend Père recteur ; il faut bien que la plainte du vivre vienne de cette bonne Sœur N. Je ne sais ; il me semble que l'ordinaire allait assez bien pour les filles saines, vu qu'aux infirmes on pourvoit selon leurs nécessités ; néanmoins il se faut soumettre aux conseils, faire tout avec discrétion, puis souffrir patiemment les caquetteries. Il faut pourtant témoigner que par toutes les maisons les Sœurs y sont fort bien et contentes, et que jamais l'on n'y a ouï telles plaintes, quoiqu'elles n'aient pas de meilleures portions ; que nous trouvons un peu étrange d'ouïr tant parler de cela ; et enfin, faisant bien, il faut souffrir les paroles, cela se passera. Il faut dire au Père qu'il le demande aux Sœurs, et je m'assure qu'il les trouvera contentes, [513] excepté N. ; mais faites cela pour une fois, et puis allez votre train, et dites hardiment que c'est une tentation et qu'il faut suivre notre coutume ; que puisque la chose est bien, et que les Sœurs sont contentes, et ont en leurs nécessités tout ce qui se peut souhaiter, il faut demeurer en paix. Mais voyez aussi avec l'assistante et les conseillères que la chose soit ainsi. Je vous prie, ma mie, communiquez de tout avec elles, et faites ce qu'il vous semblera être bien selon la coutume et la nécessité, et encore pour aider à la satisfaction, puis laissez dire.

Ce ne pouvait être de nous que ce bon Religieux parlait, car jamais cela ne nous advint de contraindre les filles à dire leurs péchés ; il y a longtemps que l'on le dit des Carmélites, mais elles le font aussi peu que nous, et en ce point il me semble que nous gouvernons les unes comme les autres. Vous ne devez point douter que notre méthode ne soit bonne, puisque Monseigneur l'a approuvée, mais il est impossible que tous les esprits se rencontrent ; l'expérience nous fait voir l'utilité de cette manière, et combien de profit font celles qui se découvrent simplement. Il faut pourtant aller avec grande retenue, avec les prétendantes, jusqu'à ce qu'elles soient bien amorcées par l'amour, qui leur donne après la confiance. La bonne Mère Carmélite n'avait garde de dire leurs méthodes, auxquelles je sais pourtant qu'elles sont exactes. Enfin, ma très-chère Sœur, il faut toujours laisser les Sœurs en pleine liberté de dire ou de ne pas dire leurs péchés ; et ce que le Directoire dit qu'elles parleront pour se confesser, ce n'est sinon pour leur apprendre la méthode et les éclairer, aider et instruire en la façon qu'elles doivent s'accuser des choses qu'elles demandent, afin de les rendre claires et courtes tant qu'il se pourra. Ce qu'elles ne voudront pas dire, il ne leur faut pas demander. Or, si vous avez recours à la Constitution vingt-quatrième, vous verrez que les Sœurs ne sont point exhortées de dire leurs péchés secrets. Le Directoire est ou doit être conforme ; il ne faut jamais [514] s'enquérir de ce point, mais seulement les aider en ce qu'elles déclareront, et j'espère, en la bonté de Notre-Seigneur, qu'elles auront des âmes si pures qu'elles persévéreront en la simplicité et confiance qu'elles ont toujours eues, par laquelle elles ont saintement avancé ; mais il les faut laisser, en ce qui regarde le péché, dire ce qu'elles voudront, sans faire semblant que l'on en connaît davantage, tâchant néanmoins de les aider discrètement.

Si cinq onces de viande ne suffisent, faites-en donner six ; mais il ne faut pas passer cela ; il sera bon de donner le lundi et le mercredi, à souper, du bouilli et du potage, comme le matin.

Pour Dieu, mon enfant, ne vous laissez point aller aux attendrissements ; il faut laisser passer tous ces dits et aller notre train ; grâce à Dieu, il est bon. Soyez joyeuse, courageuse, cordiale, ouverte et veillante sur votre troupeau ; parlez hardiment de tout avec notre Sœur Françoise-Gabrielle, et l'employez fort aux affaires et à votre soulagement, bref, en tout, car c'est une bonne et sage fille. Mais, mon cher enfant, soyez fort généreuse, ouverte et joyeuse. Dieu vous tienne de sa main.

J'aime chèrement nos Sœurs, mais un peu à part ma petite brebis.[351] Dites-le à son cœur et à madame sa mère, et à toutes nos amies mille saluts.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [515]

LETTRE CCCXIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Difficultés que les gens du monde font aux Religieuses pour le règlement de leurs affaires temporelles. — Obligation pour la Supérieure d'entretenir les Sœurs tous les mois, et de procurer leur avancement dans la perfection. Elle-même doit faire avec soin ses exercices spirituels et assister exactement aux récréations.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 16 février 1621.

Je suis marrie, ma très-chère Sœur ma mie, de ne vous pouvoir dire le fait ou le failli de votre requête. Oh ! enfin les pauvres Religieuses ont peu de crédit ; l'on m'a promis merveilles, mais l'on [ne] sait quand, et l'on dit qu'il faut tenir des voies par lesquelles je prévois que l'on s'égarerait. On ne m'a pas désespérée du tout, mais toutes ces difficultés me font craindre ; si le bon M. de Feu vient, nous verrons à faire tout ce qui se pourra, et aussi vers l'oncle de notre fille. Je vous assure que c'est une misère nonpareille que d'avoir affaire avec le monde, et nous pourrons bien faire ce que nous pourrons de notre part, sans rien attendre de lui. Dieu est notre seule espérance.

Je ne sais que vous dire de vos petits chérubins[352] ; j'aimerais [516] mieux les laisser que de hasarder à faire contre l'intention de Monseigneur, il faudrait lui demander à lui.

Mon Dieu ! ne renvoyez pas cette fille de la Reine mère, si elle est propre ; ne lui donnez pas aussi l'habit, mais faites-la écrire à la reine même, si elle l'aime, et à ses parents, mais toujours fort humblement et doucement, en sorte que l'on ne voie point que nous soyons ardentes aux biens du monde.

Certes, mon enfant, il faut parler aux Sœurs tous les mois. Commettez une Sœur pour vous soulager au temporel, et travaillez surtout au spirituel ; car nous sommes Supérieures spécialement pour cela, et ne devons traiter les choses temporelles qu'en un esprit de grande paix et indifférence.

De l'oraison du matin, vous pouvez n'en faire que demi-heure, mais je la ferais absolument ce peu de temps si l'impossible n'empêchait. Il suffira que vous lisiez les Constitutions jusqu'à votre Règle comprise ; mais il le faut faire, et n'employez pourtant [pas] à cela le temps que vous devez aux récréations et à parler aux Sœurs aussi, car il est force de se récréer un peu l'esprit. Faites-vous soulager, je vous prie, tant qu'il vous sera possible, ma pauvre très-chère Sœur, car c'est une mort de n'avoir pas le temps de faire les exercices spirituels ; certes, il est impossible, quand cela manque, que la pauvre âme ne s'en ressente.

Je n'ai point ouï dire que vous ayez écrit pour faire donner ces cinq cents francs pour notre Sœur de Gouffier ; nous ferons ce que nous pourrons pour la faire contenter. Elle demande aussi que cette mais..... on [deux lignes coupées].

Jamais je n'ai vu, que je sache, ni ouï parler de la fille dont vous m'écrivez. J'ai écrit pour la fille de M. Bonsidat. Croyez, ma très-chère amie, que surtout nous devons être fidèles à Dieu et à nos Règles en la réception des filles ; tout le bien des maisons dépend de là.

Je crois que notre Sœur de Nevers vous aura répondu sur [517] les trois mille livres. Quand on aura ici fait la visite, je vous écrirai sur ce sujet.

Adieu, ma très-chère et très-aimée Sœur ; Dieu sait ce que je vous suis.

Conforme à L'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXIV - À LA SŒUR FRANÇOISE-MARGUERITE FAVROT

ASSISTANTE À ANNECY

Prudence à garder dans la réception des sujets. — Comment on doit faire les habits. — Conseils pour des réparations aux bâtiments. — Ne pas dispenser les Sœurs de la récréation sans grande nécessité. — Désir de revenir à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. 1621.]

Vive Jésus ! que je supplie par son infinie douceur nous faire part des fruits sacrés de sa très-sainte croix !

Vous nous enverrez, je m'en assure, l'entretien que Monseigneur vous a fait, avec une prédication que vous nous aviez promise il y a longtemps. Oui, certes, ma très-chère Sœur, c'est une action la plus importante qui se fasse parmi nous, que la réception des filles. Dieu soit béni, qui a inspiré Monseigneur de nous instruire sur ce sujet.

Je vous ai répondu mon sentiment pour ces deux bonnes Sœurs ; notre bon Dieu en fasse connaître son saint vouloir. Oh ! quel mal que d'établir en une maison religieuse une âme qui n'y est pas propre ! Je doute fort, selon que vous me marquez, que notre Sœur N*** ne soit pas conduite du bon esprit ; que la mélancolie avec l'amour-propre et la superbe inconnue ne dominent là dedans. Il semble qu'elle soit inguérissable si Dieu n'y donne abondamment sa lumière ; mais vous avez Monseigneur, par l'avis duquel on ne peut broncher. Croyez-moi, que si durant le noviciat nous ne faisons bonne montre, [518] difficilement la ferons-nous jamais, et moins encore les bons effets ; c'est pourquoi il est très-bon de purger les maisons aussi bien que les corps, tout s'en porte mieux. C'est une chose que je ressens fort quand il la faut faire ; mais nous ne devons [pas] nous arrêter pour cela. Ici nous en renvoyons quantité, et la maison en va mieux, grâce à Dieu : qu'il soit béni !

Nous mettrons la pièce comme Monseigneur veut, et nous avons déjà réformé les fentes de nos robes, qui ne sont qu'un doigt au-dessous de la ceinture. Nous taillons les canevas, en sorte que la robe se met et ôte facilement ; et, si, au droit du sein il joint le corps, mais dessous tout est vague, de sorte que celles qui ont besoin de se vêtir ou dévêtir ne se délacent pas, ains seulement décrochent leurs ceintures ; nous vous enverrons un patron et comme nous faisons le reste. Que si Monseigneur continue à vouloir que l’on porte des pièces, mandez-le-nous promptement, afin que nous en mettions. L'on peut proposer simplement à Monseigneur ce que l'on veut, mais en sorte que l'on ne tire pas son esprit à nos inclinations.

M. du Noiret est fort bon, mais je ne voudrais pas prendre à tant de fois les payements, sinon que vous ayez occasion prête de remployer ou employer utilement vos fonds. La demande de M. le président nous est onéreuse ; car nous pouvons tirer de la partie qu'il demande sept pour cent, et ainsi [il] serait bon de n'avoir rien à faire avec lui. Si Monseigneur le conseille, il le faut pourtant faire. Mais si vous achetez la métairie de M. de Lespine, de quoi payerez-vous ? avez-vous de quoi ? car je ne sais rien à cette heure des affaires, sinon qu'après avoir dit et procuré doucement le plus utile pour là, [il] faut conclure avec paix et le contentement de ceux avec qui l'on traite, tant qu'il se peut, surtout quand il y a quelques devoirs, comme nous en avons certes à M. le président, et surtout à sa très-bonne et vertueuse femme. Je vous ai déjà dit ce que je puis sur l'achat de cette métairie. Pour le bien de nos Sœurs de Nouvelles, il le [519] faut laisser à M. Flocard, puisqu'il l'a déjà tant gardé. Il sera enfin bientôt au bout de son terme pour le payer ; mais il faut accomplir le traité, et puis l'on ne vous importunera plus. C'est une chose qu'il faut poursuivre que la ratification du contrat des moulins ; mais peut-être que quand nous serons à Turin, il sera plus facile à l'obtenir, il faut s'en conseiller.

Je crains que si l'on hausse le comble du parloir, qu'il ne gâte le jour de notre chœur ; il faudrait voir si cela intéresserait beaucoup. Les Sœurs [tourières] seraient là plus commodément pour répondre au parloir ; mais, s'il ne se peut, il faudra faire leur chambre dans le vieux parloir, faisant la porte auprès de la grande, et dessus on pourra faire la chambre du prédicateur et le confessionnal que Monseigneur désire, et [qui] certes est nécessaire. On ferait, pour y monter, un petit escalier dans le vieux parloir. Il m'est avis que cela se peut bien faire, et qu'il serait grandement commode. Faites-le considérer par quelqu'un qui l'entende ; ou bien, quand nous serons là, nous en parlerons. Mais la muraille au bout du verger, pour parer l'allée, ne la fera-t-on pas ? et rehausser les murailles ?

Tant qu'il se peut, il ne faut pas dispenser les Sœurs de la récréation ; mais [s'il] est nécessaire, il leur faut laisser la liberté de se récréer ensemble, et se garder de coupler, tant qu'il se pourra, celles que l'on jugerait être libres de parler de ce qu'elles ne doivent pas. Oh ! mon Dieu ! cela se fait-il ? et quand sera-ce qu'occupées toutes en Dieu, nous ne verrons plus les défauts des autres ? au moins que la charité couvre et supporte tout.

Je me console en l'espérance de voir tant de braves filles, que je n'ai point encore vues, et de me reprendre un peu avec elles ; car je vous assure, ma très-chère Sœur ma mie, que je suis bien tracassée. Il me fera grand bien de trouver un peu d'aide pour me ramasser. Nous avons en toutes nos affaires tant de difficultés, qu'il semble qu'elles naissent et renaissent sans [520] fin ; mais après beaucoup de peine, Dieu, par sa bonté, donne heureuse issue, et j'espère, avec son aide, que tout sera comme il faut avant que nous partions, mais ce ne pourra être précisément à la Pentecôte, car seulement nous espérons aller en la maison en ce temps-là.

Il faut un peu croire la chère Sœur Jacquement, car elle est si bonne et si affectionnée et entendue. Je la salue avec toutes nos très-chères Sœurs et nos chères amies et nos maîtres [maçons].

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXV - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Avis relatifs à la construction du monastère. — Il faut inspirer aux âmes une grande défiance d'elles-mêmes et une grande confiance en Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Ma très-chère Sœur,

Je n'ai point vu M. Le Berche, mais déprendre sa rente il est impossible, car, au contraire, il nous faudra emprunter de l'argent pour payer notre maison ; il n'y aura point de mal de retarder sa sœur jusqu'à Quasimodo ; il faut faire les affaires sûrement.

Voilà un plan, mais je viens de recevoir des nouvelles de Monseigneur, qui m'en enverra bientôt un, car il y a encore quelque chose à redire en celui-ci. Néanmoins, vous ne sauriez faillir en faisant jeter les fondements selon qu'il est pour les deux logis qui ne tiennent pas à l'église ; mais je fais tout entendre cela à Mgr l'archevêque, et leur faut laisser conduire l'œuvre. Je suis pourtant d'avis, comme je dis à ce bon prélat, que vous donniez la bourse des bâtiments à la Sœur du pays, je veux [521] dire qui soit de Bourges, laquelle paye les ouvriers tous les samedis, et en tienne bon rôle, essayant aussi d'entendre la valeur de mille petites choses qu'il faut acheter pour les bâtiments. M. Dormon vous aidera bien en cela ; M. de Lissey ne laisse d'avoir l'intendance, mais tenez votre bourse ; nous le faisons ainsi, dont nous nous trouvons bien.

Certes, je suis consolée de voir notre Sœur Françoise-Gabrielle [Bally] en la charge de maîtresse [des novices]. Pour Dieu, exerçons-nous fidèlement en l'humilité, mortification et recueillement, et Dieu nous bénira ; mais inculquons l'esprit de confiance en Dieu à nos Sœurs, afin que nous méfiant de nous-mêmes et nous confiant en la divine Bonté, nous cheminions fermement et fidèlement.

Adieu, mon enfant ; je salue le révérend Père recteur et les autres Pères.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXVI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Plusieurs personnes séculières peuvent contribuer ensemble à la fondation d'un monastère ; privilèges qui leur sont accordés. — La seule Bulle qu'a reçue Annecy suffit pour l'établissement d'autres maisons de l'Ordre.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 4 avril 1621.

L'amour très-sacré de la croix remplisse votre bien-aimé cœur, ma très-chère fille. Je viens de recevoir votre lettre tout maintenant, et je vous dis, ma fille, que j'ai reçu toutes les précédentes et y ai répondu. Nous vous avons dit nous-même que nous avions acheté une maison bien jolie et grande pour être dans la ville. Il y a beaucoup de bénédictions en cela, dont [522] je loue Dieu ; mais elle ne sera prête pour y mener les Religieuses de plus de deux mois ; cependant Monseigneur m'écrit de Lyon que Turin attendra encore jusqu'à Pentecôte. Il faudra bien aller par delà ; mais quand vous dit-on que vous partiez de là ? car vous y êtes destinée, à ce que Monseigneur m'écrit encore, qui me mande aussi que tout va là, à Lyon, exactement et suavement ; Dieu en soit béni. Quelle consolation, ma très-chère fille, de savoir ces petites maisons pleines de bénédictions !

Je vous l'ai déjà mandé, que vous pouviez associer à la première fondatrice encore une autre de son consentement, pour aider à la fondation de votre maison et subvenir aux frais de vos bâtiments. Au moins les dames Carmélites le font ici, et crois qu'en bonne conscience vous le pouvez faire avec la permission et de l'autorité du Supérieur, et par conséquent cette demoiselle pourra demeurer en son habit séculier, voire sortir, quelquefois, mais prenez garde de n'y introduire point d'esprit qui nuise à l'esprit intérieur de la maison.

Oh ! non, il ne faut pas autant de Bulles que de maisons. L'on me l'a dit ici aussi, mais je l'ai demandé à un grand Père Jésuite qui me dit que non ; et, en effet, les dames Carmélites n'ont eu que la leur pour le monastère de Paris. Mais vous ferez bien d'en écrire à Mgr de Lyon, et crois que (pour arrêter tout discours) il serait bon d'en avoir une qui donnât pouvoir à toutes les maisons, au moins aux deux premières, de s'établir et de se multiplier. Oh ! je saurai encore cela plus particulièrement et vous le manderai, s'il en est besoin.

Je crois que l'on nous attend toujours pour Valence. Pensez-vous point que la maison de Lyon n'ait guère de fille là plus capable d'être en charge que notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette] ? car nous l'amènerions bien.

Ne laisserez-vous pas notre Sœur Anne-Françoise [Chardon] à Montferrand ? J'en serais bien aise, sinon qu'on la voulût à [523] Valence, car de la ramener à Nessy, elles sont déjà quarante et je ne sais combien encore.

Ma fille très-chère, voici les jours de la grande miséricorde de Dieu,[353] priez pour nous.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Romans.

LETTRE CCCXVII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSS ET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Nouvelles recommandations sur la façon d'écrire et de parler. — Madame de Touloujon n'a pas le droit d'entrer dans la clôture. — Renvoi d'une novice.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Ce sont des petites considérations, ma très-chère fille, que celles du monde. Il importe peu que l'on dise que nous ne saurions rien faire sans la Mère des Carmélites. Mais, ma très-chère fille, il ne faut jamais dire que l'on s'offre à nous servir, encore que le monde use de ce mot ; mais de nous assister et aider, surtout quand ce sont personnes de qualité qui parlent. De même, quand personnes de qualité, et surtout nos Supérieurs nous conseillent quelque chose, il ne faut pas dire que nous y condescendons, mais que nous y obéissons, et nous soumettons. Ce sont des petites remarques de civilité et respect ; encore qu'elles soient humaines, elles ne laissent d'être utiles aux servantes de Dieu. Prenez-y donc garde, ma fille, et de ne pas multiplier les paroles, soit en écrivant ou parlant, ne disant jamais, tant qu'il se pourra, plusieurs paroles qui ne disent et signifient qu'une même chose. Vous voulez bien que je [524] vous dise ces petites choses, ma fille, et que vous devez vous bien loger et au plus tôt.

Ma fille ne doit pas entrer chez vous. J'espère d'être à Bourges au mois de mai, si, plus tôt ; alors nous verrons s'il faudra demander cette licence.

Il n'y aurait nulle apparence de tirer les voix pour donner la profession à cette bonne Sœur, [novice] depuis un an ; mais si l'on n'y voit de la solidité et des actions correspondantes à une entière conversion, il ne sera pas mauvais de tirer les voix pour la mettre dehors. Que si l'on se résout à ce dernier, il faut que la chose soit exécutée avant qu'on le sache, et n'en faut parler qu'à Monseigneur et au Père recteur, qui le devront tenir secret jusqu'à ce qu'elle soit dehors.

Il faut supporter ces filles tendres. Je me contente, puisque la petite brebis se rend maniable. Ce vous eût été un grand bien que l'on n'eût point entrée chez vous, cela ne se fait en pas une de nos maisons ; mais puisque cela est, il faut que vos filles soient sur leurs gardes pour bien édifier, et que l'on voie reluire l'obéissance et le recueillement. La grande vertu pour bien édifier, c'est la modestie ; surtout que nos professes donnent bon exemple. Elles ne m'ont point écrit depuis ; je voudrais savoir si je les ai offensées, afin que je répare ma faute.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [525]

LETTRE CCCXVIII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Souhaits d'avancement en la perfection. — Éviter toute louange exagérée en parlant de la Supérieure ou des Sœurs.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.|

Ma très-chère fille,

Cette bonne femme qui s'en retourna l'autre jour vous porta réponse de bouche à vos deux demandes. Voilà la petite qui est une bonne enfant et de fort gens de bien. Je n'ai donc rien à vous dire, sinon que ces grands jours je vous ai grandement livrée entre les mains de Dieu, et avec une affection et désir tout particuliers que vous devinssiez une grande servante de sa bonté. Mon Dieu, ma fille, que je le désire ! car si vous le faites, j'espère que vous servirez utilement à sa gloire et à notre petite Compagnie. Soumettez-vous bien à Dieu et aux créatures, en tout ce qui ne sera point contre Dieu.

Je suis grandement consolée de ce que vous me mandez, que ma chère petite maîtresse[354] donne bien l'esprit à ses novices. Il faut avoir un grand soin à cela, et à bien choisir les filles, car c'est tout le bien des maisons ; vous-même y devez travailler. Mais, mon Dieu, ma fille, je ne veux pas oublier de vous dire que notre Sœur Marie-Michelle [de Nouvelles] me mande que l'on vous tient pour sainte. Elle est assez simple pour le dire et écrire à d'autres. Pour Dieu, que cela ne se fasse point ; on peut bien mander que nous contentons, que nous sommes aimées, que tout va bien ; mais parler de sainteté, vous savez l'aversion juste que j'ai à ces grands bruits-là. [526]

Voilà comme nous faisons nos tuniques d'hiver et d'été, quoique de diverses étoffes, et que l'hiver l'on ait par-dessous une cotte.

Bonjour, ma fille. Faites prier pour mon fils, qui me donne des sujets de grande douleur.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE CCCXIX (Inédite)- À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Élection d'une nouvelle Supérieure à Montferrand. — Difficultés que rencontre la Vénérable Fondatrice à quitter Paris. — Éloge de la Sœur Anne-Catherine de Beaumont. — Deux personnes peuvent s'unir pour fonder un monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Ma très-chère fille,

Je viens d'écrire à vos messieurs de Montferrand, comme j'en avais eu la pensée, avant que je reçusse la vôtre ; car je pense qu'il leur fallait mettre en considération la volonté de monsieur votre père, comme à la vérité et sans feinte, il serait tout à fait déraisonnable de ne pas faire ce qu'il désire en cela. J'avais aussi pensé à notre Sœur N*** pour être la Supérieure, et quand je vis votre lettre et le dessein de vos Supérieurs, j'en fus toute consolée, quoique en vérité, si l'on m'en donnait le choix, je sais bien laquelle je prendrais ; mais, comme vous dites, le monde se prend à l'écorce. Or, j'espère que notre Sœur [plusieurs mois effacés] ; mais avez-vous quelque fille pour la seconder ? Je me souviens bien de nos Sœurs M.-Élisabeth et Anne-Françoise, qui sont, certes, de bonnes filles. Or, voilà qu'il ne faut donc qu'exécuter. Et l'autre jour, ma Sœur la Supérieure de Moulins, sur ce que je lui demandais de notre Sœur F. J. [de Villette], me manda qu'elle voyait bien qu'on ne [527] l'y lairrait plus guère, et certes, je ne voyais pas dans Lyon de fille plus capable qu'elle pour être Supérieure, et je pensais qu'au moins nous la ramènerions ; car aussi faut-il rendre ma Sœur Marie-Hélène de Chastellux à Moulins, et en mener une à Nevers. S'il plaît à Dieu, je crois qu'il serait bon que notre Sœur F. J. fût un peu là avec vous ; qu'en dites-vous, ma très-chère fille ?

Et ce m'est avis que, si la fondation de Turin ne presse grandement, que nous ne devrions nous en aller que vers la fin d'août. Que vous en semble, ma fille ? mais il faut laisser gouverner nos maîtres. Je m'en vais écrire à Monseigneur sur tout cela, et qu'il nous mande un peu franchement ce que nous ferons ; car il ne me dit rien, sinon que la fondation de Turin ne pressera qu'à la Pentecôte ; mais je lui mande que nous ne pouvons pas sitôt partir, d'autant que nous n'irons dans notre maison qu'environ la Saint-Jean, et il faut un peu de temps après. Certes, on fait bien du grommellement pour ma retraite ; mais je dis, par le commandement de Monseigneur, que je reviendrai, et que je ne suis pas encore prête à partir ; enfin personne du monde ne goûte cela. Je ne dis mot, car je sais bien que celle qui demeurera est très-sage et très-vertueuse ; elle est grandement aimée et estimée ; nos Sœurs l'admirent et disent qu'elle n'est pas imitable ; mais, nonobstant, c'est chose étrange combien elles craignent mon départ. Pourvu que ma Sœur l'assistante ait soin de se rendre attrayante et ouverte, elle fera des merveilles ; car elle est tout à fait sage, vertueuse et judicieuse. Pour les affaires, elle n'y entend guère, mais aussi nous n'en lairrons point de fâcheuses. Tout va bien, grâce à Dieu, avec de très-bons amis, et surtout de braves et très-bonnes filles, et en grand nombre, grâce à Dieu.

Quant à la fondatrice, je vous y ai déjà fait réponse, ma très-chère, et tout aussitôt que j'eus reçu votre lettre ; et vous disais que vous la pouviez encore recevoir ; car ici, les [528] Supérieurs des Carmélites ne font nulle difficulté d'en recevoir deux, et voici comme ils ont fait pour le couvent de la ville : madame de Longueville, monsieur son fils, madame sa belle-fille, sont les premiers fondateurs ensemble ; M. de [plusieurs mois illisibles] ; ainsi voilà un exemple moderne sur lequel vous ne pouvez faillir. J'en avais écrit à Monseigneur il y a longtemps, savoir si l'on pouvait en prendre deux comme cela ; il ne m'a rien répondu ; c'est signe qu'oui, car je lui ai demandé que dans ce qu'il approuverait il ne m'y fît réponse que par silence. Tout ce que vous avez à regarder, c'est de traiter avec des esprits qui soient bons et sociables, qui ne troublent rien. Pour la somme de dix mille francs, en ces pays-là, c'est plus considérable que vingt mille ici.

Mais à propos de fondatrice, le père de la vôtre première,[355] au moins je m'imagine, qu'il vint l'autre jour céans pour me prier de vous écrire que vous ne détournassiez plus madame sa fille de se ranger à sa volonté ; que madame sa femme lui avait écrit qu'elle ne pouvait plus recevoir aucune assistance ni obéissance d'elle. Or, ceci suffit pour vous donner à entendre le reste ; vous pouvez penser ce que je lui répondis. Voyez, ma très-chère fille, si vous pouvez leur faire donner quelque satisfaction par cette bonne dame.

Quoi plus à dire ? car en vérité, ma fille, nous avons bien des affaires, mais pourtant, je m'offenserais volontiers de ce que vous m'ordonnez de vous faire écrire par une autre main ; il me serait impossible, et Dieu sait le rang que vous tenez dans mon cœur ; mais je pense que mes lettres se perdent (car je vous ai tant écrit que nous avions une maison, et vous me mandez que c'est M. de Mongelas qui vous l'a mandé) ; je ne serais pas contente de cela. Oh ! certes, nous avons une maison qui reviendra à près de vingt mille écus ; mais elle est [529] commode, et plus que tout, c'est que nous en avions une dont on voulait avoir trente et quarante mille écus. Ma très-chère fille, Dieu habite éternellement dans nos cœurs. Je vous recommande [plusieurs mots illisibles]. Je vous envoie nos lettres ouvertes, voyez si elles ne gâteront rien ; si elles ne sont bien, ils ne connaissent pas bien mon écriture, faites-les refaire, comme vous jugerez qu'elles seront mieux, et mettez ou plutôt faites mettre le dessus comme il faut. Adieu, ma très-chère fille, que j'aime de tout mon cœur, et à laquelle je suis sans réserve aucune.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCCXX (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Voyage du B. Évêque de Genève à Lyon. — Envoyer une copie de la Bulle obtenue par Mgr de Marquemont.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 4 mai 1621.

Ma très-chère fille,

Dieu soit loué de la consolation qu'il vous a donnée de la venue de notre unique Père. Plût à la bonté divine que la compagnie de céans eût reçu cette même grâce ; j'espère qu'elles en feront profit. Or sus, je vous écrirai à loisir un de ces jours ; maintenant je vous demande tout promptement une copie des Bulles que Mgr l'archevêque a obtenues (pour convertir la Congrégation en Religion), collationnée par un notaire, mais je vous en prie et tout promptement.[356] Dieu vous bénisse.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [530]

LETTRE CCCXXI (Inédite) - À LA MÊME

Désir de connaître les dispositions de saint François de Sales pour son retour et celui de la Mère Favre à Annecy.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Vous ne me dites rien, ma très-chère fille, de nos Règles, de ce que Monseigneur vous a dit, s'il n'a point parlé pour votre visite, qui sera Supérieure à Valence, ou qui demeurera à Lyon pour mener les Religieuses ; si l'on fera retourner bientôt notre Sœur M.-Jaqueline [Favre], ou si l'on s'attend que nous retournerons ensemble, comme elle et moi en avons l'espérance et le désir, si l'on nous laisse faire ? Mais ce ne pourra pas être devant notre fête. Enfin, dites-moi voir un peu quels sont les pensées et les desseins de tout cela en vos quartiers, car Monseigneur ne m'en dit rien du tout, sinon qu'il faut que nous retournions toutes deux pour aller à Turin. Ma Sœur m'écrit aussi qu'on ne lui mande rien de toutes ces dispositions-là, croyant, dit-elle, qu'on se sera adressé à moi, et moi je crois que c'est Mgr l'archevêque qui ne nous en résoud rien.

Pour cette fille, oui, retardez-la jusqu'au retour de ma Sœur et de moi, sinon qu'elle arrive devant moi. Je crois que si Mgr l'archevêque ne veut [pas] que notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette] aille ailleurs qu'à Moulins, que nous vous la ramènerons à Lyon, parce qu'il faut que nous ramenions notre Sœur de Moulins[357] qui est à Nevers.

Je n'ai que cela à vous dire, sinon que vous recommandiez fort à nos chères Sœurs de prier bien fort Notre-Seigneur pour mon fils et pour ma fille qui est bien enceinte. Dieu vous [531] bénisse, ma très-chère fille. Vous savez bien que nous sommes toute vôtre. Dieu soit béni.

[P. S.] Ce sont des livres pour Monseigneur, envoyez-les très-sûrement.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXXII - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Réserve à garder dans la communication des Règles.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 5 mai 1621.

...Pour Dieu, tenez votre esprit au large et libre, faisant ce qui vous semblera le mieux avec votre conseil, auquel vous devez vous reposer, surtout pour les affaires. Je ne saurais relire votre lettre, je ne pense pas qu'il y ait rien d'importance à y répondre, car pour tout ce que le monde dit qu'y saurait-on faire ? Quelle apparence, je vous prie, d'aller montrer les Règles à messire chacun ? Ne suffit-il pas de les communiquer aux amis qui les désirent voir, et à ceux qui les demanderont pour l'accroissement du service de Dieu. Je ne puis passer outre.

Adieu, ma fille, Dieu soit votre conduite et de toutes nos Sœurs. Celles d'ici se portent mieux, mais madame de Gouffier est tombée malade.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [532]

LETTRE CCCXXIII (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Incertitude de son départ de Paris. — Conseil pour le choix des Supérieures de Valence et de Montferrand.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 11 mai 1621.

Je pensais bien, ma très-chère fille, recevoir de vos nouvelles par ce dernier ordinaire ; mais me voilà, comme je crois, frustrée de mon attente. Or sus, Dieu soit béni. Je n'ai eu nulle nouvelle de Monseigneur, dès le 20 mars que vous m'envoyâtes une de ses lettres ; mais j'espère qu'il se porte bien, s'il plaît au bon Dieu. De vous dire quand nous partirons d'ici, je ne le sais pas, car Monseigneur n'a encore rien commandé d'exprès, et, si rien ne presse de delà, ce serait le mieux pour ici que je pusse être un mois ou deux en la maison de là,[358] en laquelle nous ne passerons que pour la Saint-Jean, et je crois aussi que ce serait le grand profit de la maison de Montferrand, que ma Sœur n'en partît qu'environ ce temps-là, afin que sa retraite se fit plus suavement et utilement ; car, autrement, la petite nouvelle maison pourrait être intéressée. Il faudra enfin y faire aller notre Sœur Françoise-Jéronyme [de Villette], laquelle, comme je crois, y sera plus goûtée, et notre Sœur Claude-Marie [de la Martinière] pour Valence. Ma Sœur m'a écrit qu'on avait ainsi résolu à Lyon, mais qu'elle n'avait encore reçu nul commandement exprès. Or, je crois qu'il est nécessaire qu'elle introduise cette nouvelle Supérieure, la dresse un peu, et qu'elle fasse quelques professes avant que partir.

Voilà ce que je vous puis dire, et de plus qu'avec l'aide et la [533] grâce de Notre-Seigneur, nous serons toujours prêtes d'obéir très-simplement et promptement. Certes, ma très-chère fille, je serais bien aise de voir votre chère famille ; je l'aime grandement. Je me recommande à leurs prières. Celle de céans est aussi très-aimable, grâce à Dieu. Bonjour, ma très-chère fille, vous savez bien que je suis toute vôtre. Certes, je salue de tout mon cœur M. de Maussac.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy,

LETTRE CCCXXIV - À LA SŒUR FRANÇOISE-GABRIELLE BALLY

À BOURGES

Avantages des maladies.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Ma pauvre très-chère fille,

Je viens de savoir votre incommodité corporelle. Dieu vous aime bien de vous donner cette souffrance ; enrichissez votre cœur de toutes les saintes vertus, car les bonnes maladies en donnent un bon sujet. Je prie Dieu qu'il vous fortifie et vous rende selon son Cœur, et la santé telle que sa bonté juge vous être utile.

Je suis de cœur toute vôtre ; mais ne m'oubliez point sur le lit de votre croix, où je vous révère et chéris parfaitement.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [534]

LETTRE CCCXXV - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX.

SUPÉRIEURE À NEVERS

L'humilité, la générosité et l'exactitude d'une Supérieure attirent l'Esprit de Dieu en elle. — La Sainte demande qu'on la nomme notre Mère d'Annecy. — Obligation de renvoyer une novice sans vocation. — Bien qu'apporte la confiance des Sœurs et de la Supérieure au confesseur. — Dieu regarde à la ferveur et non pas au nombre des Religieuses.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Or sus, Dieu soit béni, que vous trouvez cette fille à votre gré ! Éprouvez-la bien avant que de lui donner l'habit. Dieu vous donnera son esprit, n'en doutez pas, ma très-chère fille, afin de conduire cette maison saintement, pourvu que vous soyez fidèle à bien observer nos Règles et Constitutions, et ne vous en départir sous quelque prétexte que ce soit, mais tout cela avec une sainte douceur, générosité et liberté. Regardez toujours à Dieu avant que de rien faire ; et croyez, si vous êtes humble et confiante, qu'il vous inspirera toutes ses volontés. Pour Dieu, témoignez ce que vous devez avoir dans le cœur, un grand amour et estime envers la maison de Moulins. Ne soyez point en souci pour l'affaire temporelle, Dieu l'accommodera ; mais témoignez toujours que vous quitteriez plutôt tout, que de plaider contre notre Institut, quand on vous parlera de cela ; car autrement n'en parlez point, ma très-chère fille.

Certes, je crois que c'est chose utile de rendre la fille de N*** à ses parents. Mon Dieu ! confiez-vous en Dieu ; ne regardez point au bien ni au monde. Choisissez les filles comme la Règle dit, et soyez assurée que vous ne manquerez pas ; mais, patience.

Nullement, ne donnez pas nos Règles aux N*** ; à quelques Pères Jésuites, bon ; aux Minimes aussi, s'ils le désirent, mais [535] à condition qu'ils nous les rendront, disant que Monseigneur les veut revoir, comme il est vrai. Dieu raccommodera l'affaire des Carmélites ; il n'en faut point parler, ni craindre qu'elles vous divertissent les filles que Dieu vous a destinées ; et il n'en faut point vouloir d'autres.

Que l'on ne m'appelle point notre Mère de Chantal, mais de Nessy. Ni aussi ne me nommez pas Monseigneur de Genève, j'entends assez qui c'est quand on dit Monseigneur, car c'est celui que Dieu nous a donné par-dessus tout autre ; mais c'est entre nous qu'il faut dire ainsi. Je vous enverrai ses Entretiens le plus tôt qu'il se pourra.

Dieu soit béni !

J'avais écrit ce billet quand je reçus la vôtre, ma très-chère fille. Tout ce que cette bonne fille fait ou dit et la source d'où il part, qui est la légèreté de son esprit, est très-mauvais, à mon jugement ; et, pour moi, je ne lui donnerais nullement la profession, car elle n'a point les conditions que la Règle marque ; et, quoi qu'elle puisse dire, vous devez lui proposer fermement son retardement de six mois, pour son amendement. Si elle le refuse, après l'avoir encouragée et remontrée, je la mettrais dehors avec le consentement des Sœurs et le conseil du Père spirituel ; car, ma fille, c'est en ces occasions où il faut montrer de la fermeté d'esprit, et de la fidélité à Dieu et à la maison.

Au reste, je crois que les filles doivent avoir une grande confiance avec le confesseur, et le confesseur et la Supérieure doivent être grandement unis pour le bien des âmes ; car par ce moyen rien ne sortirait dehors, et les âmes pourraient être fort aidées et soulagées. Oh ! ma fille, une autre fois, nous en dirons davantage. Enfin peu et bon, car ce n'est pas par le grand nombre de Religieuses que les maisons sont agréables à Dieu, mais par leur bonté, vertu et fidèle observance ; et, pour cela, il faut [536] bien choisir les esprits et n'en admettre que des capables. Plutôt mourir que de faire autrement ! Dieu vous comble de son esprit, ma très-chère fille, mon enfant, et toute votre chère troupe. Amen.

Vous ne me dites plus rien comme l'union marche chez vous avec N*** ; la garderez-vous ? Combien avez-vous de filles ? Si nous en avions ici qui fussent fort bonnes, les voudriez-vous ? ou une Sœur blanche [plusieurs mots illisibles], mais qui est un peu faible de corps, quoique fort affectionnée à cet office, et certes, très-bonne âme. Dites-moi, car nous vous en pourrions mener. Mercredi nous donnons l'habit à une [ligne illisible] que nous désirons vous mener, si nous pouvons ; et nous l'espérons.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCXXVI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Bonheur des âmes obéissantes. — Une Religieuse aura d'autant plus de capacité pour le gouvernement qu'elle sera plus animée de l'esprit de Dieu. — Pensées sur quelques Sœurs capables de la supériorité.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 25 mai 1621.

Dieu soit béni, ma très-chère fille, qui vous fait jouir des fruits de votre confiance et obéissance. O Dieu ! que les âmes qui cheminent par cette sainte voie vont sûrement ! vous l'expérimentez, et ce m'est une très-grande consolation de voir votre cœur tout détrempé en la reconnaissance des douces miséricordes que notre bon Dieu répand sur vous et votre chère famille, que j'aime très-parfaitement pour la savoir marcher fidèlement [537] et suavement dans la sainte observance. Je prie Dieu d'y continuer ses très-saintes bénédictions, et la glorieuse Vierge, sa maternelle protection.

Je les remercie toutes [vos Sœurs] de la charité qu'elles ont faite à mes enfants. Hélas ! ma très-chère fille, faites que quelquefois elles aspirent pour leur salut éternel, car je ne leur souhaite que cela. Oh ! que j'aime ces chères âmes qui ont le zèle de la gloire de Dieu, en la conservation de leur esprit ; bénies soient-elles éternellement !

Je n'ai garde sur votre résultat de dire que notre bonne Sœur N*** soit propre ; car moi je ne la connais quasi point. Or je crois que là où il y a plus de Dieu et de vertu, il y aura plus de bénédiction aussi et de capacité pour le gouvernement, vu que la pièce maîtresse (pour ce qui est du naturel) est grande : c'est le bon jugement, et je le crois. Même j'ai l'idée de cette bonne Sœur en mon esprit, mais il faut grandement prier Dieu et considérer devant lui si elle aura des forces et de l'expérience pour supporter la charge de Supérieure, et pour cela j'en vais écrire à Monseigneur qui l'a vue depuis peu, et qui pourra en donner un avis solide. Il faut bien regarder et considérer tout avec loisir, car on le peut prendre, d'autant que notre Sœur Marie-Jacqueline [Favre] sera à Montferrand jusqu'à la Saint-Michel, et pourvu que la Supérieure que l'on y enverra y puisse être un mois ou six semaines durant, afin que ma Sœur lui donne les connaissances et intelligences de tout, il suffira.

Mgr l'archevêque veut-il bien que, s'il n'y a pas à Lyon de filles propres, on en prenne à Nessy ? Mandez bien tout à Monseigneur.

Or, je pense que notre Sœur Marie-Claire [de la Balme],si elle marche fermement le train que vous me marquez, fera prou, pourvu qu'elle soit secondée de quelque bonne et sage Sœur qui l'aide à porter sa charge. [538]

Voilà Valence fourni,[359] Dieu y répande ses bénédictions ; voilà ce que je vous puis dire pour ce sujet. J'ai mandé aujourd'hui prier M. Jeantet qu'il allât faire très-humble révérence de notre part à Mgr l'archevêque ; je désire fort de le voir. Priez pour les affaires de cette maison, à ce qu'il plaise à Dieu de les disposer selon sa sainte volonté.

Si vous résolvez de mettre notre Sœur Marie-Claire [de la Balme] à Montferrand, donnez-lui dès maintenant la charge de vos novices pour voir un peu de quel air elle s'y conduira. Notre bon Dieu soit au milieu de nous et répande ses dons précieux avec abondance dans nos cœurs ! Amen. Je salue, mais très-cordialement, votre bon Père spirituel. Eh ! plût à Dieu que toutes nos maisons en eussent de tels ! Adieu, ma très-chère petite ; vous savez bien que je suis vôtre tout entièrement. Dieu soit béni.

[P. S.] Je pensais donner un paquet pour Monseigneur, mais ma lettre n'est pas écrite, je l'enverrai demain par le messager ; gardez cependant ce livre et le voyez, c'est d'une grande Sainte.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [539]

LETTRE CCCXXVII (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Affaires.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 1621.

Ma très-chère fille,

Je viens de parler à Mgr l'archevêque de trancher à ce qu'il juge le mieux pour votre logement. Vous ne deviez jamais vous engager si fort avec cette bonne femme qui est si tenante. Il n'y a remède. Recommandez bien tout à Dieu, et il le conduira.

Je n'ai pas le loisir de voir ce que cette bonne Sœur m'écrit ; vous ferez bien de la faire retirer ; mais il faut qu'elle sorte sans l'habit, avant que d'en parler, sinon à Mgr [l'archevêque] et aux Pères Jésuites. J'écris sans clarté ni loisir. Vous savez ce que je vous suis en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni à jamais.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXXVIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Qualités nécessaires à une bonne Supérieure.— Questions d'intérêt.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. 6 juin 1621.]

Ma très-chère Sœur,

Sitôt que j'ai eu reçu vos lettres, j'ai envoyé le mémoire à M. Thomassin, et lui ai écrit le mieux qu'il m'a été possible pour la conclusion de votre affaire, afin de savoir ce que nous devons faire de notre part pour les recommandations. Ne doutez point [540] que nous n'y apportions tout le soin et la diligence que nous devons ; ayant fait cela, Dieu en disposera selon son bon plaisir.

Cela n'est point encore bien résolu si l'on enverra notre Sœur [mot illisible] pour Supérieure à Montferrand ; nous attendons Mgr de Lyon pour savoir ce qui lui plaira.

Croyez-moi, ma très-chère fille, il ne faut point d'autre perfection pour être bonne Supérieure que d'être fort humble et fidèlement ponctuelle à suivre la Règle, les Constitutions, et tant de saints conseils que nous avons en mille lieux, de notre très-cher Père. Si ma Sœur N*** est employée, on lui donnera des filles les plus convenables selon le jugement des Supérieurs de Lyon, auxquels il faut laisser disposer de cela, comme en étant fort capables. Il faut avoir plus de simplicité que de prévoyance pour ces commencements, ne suis-je pas bien sèche ? Il est vrai que notre Sœur Marie-Marguerite pourrait bien être directrice ; elle a assez de capacité, mais il lui faut encore des années ; puis, elle ne désire nullement retournera Moulins, et il est requis qu'elle demeure ici ; mais, pour cela, ma très-chère Sœur, vous ne manquerez pas quand nous saurons la résolution de Mgr de Lyon.

Je vous supplie de traiter avec ses parents pour cette rente, si elle est bonne ; si l'on pouvait avoir de l'argent, il serait mieux ; mais il en faut sortir, et le plus promptement sera le meilleur. Je vous prie derechef de les presser, ou bien de recouvrer, s'il se peut, le contrat de mariage de feu M. de Gondras ; car, si l'on a cette pièce, on pourrait se passer d'eux ; néanmoins, j'aime beaucoup mieux que l'on traite amiablement ; mais, au nom de Dieu, que l'on fasse ou défasse, car ces longueurs sont insupportables. Proposez-leur de faire traiter avec nous M. Robin, banquier d'ici ; car, s'ils n'ont pas de l'argent, nous recevrons une constitution de lui ou obligation, et je crois que peut-être il serait plus facile de traiter ici à cause que [541] la fille y est. Je remets cela à votre bon jugement, avec l'avis de M. de Palierne ; car après nous aviserons comme l'on vendra cette partie-ci ; mais, ma mie, terminez d'une façon ou d'autre. Au reste, M. de Morville veut donner ses seize mille francs, aussi bien que ses quatre mille, lorsque ma Sœur Marie-Aimée fera profession. Ils vous écriront si vous les voudriez mettre sur certaines rentes de celles que l'on vend, vous vous en conseillerez, car je n'entends rien à cela. Mais je pense que si vous aviez quelque bonne occasion de loger cet argent-là proche de la maison, qu'il vous serait bien commode. Avisez-y.

Le Père Supérieur de Saint-Louis est homme fort droit et judicieux ; c'est lui qui traite notre affaire avec madame de Gouffier, puis l'on en parlera à Mgr de Lyon. De plus, on ne peut trop acheter la paix. Quelle apparence de vous renvoyer vos cinq cents livres. Hélas ! ma très-chère Sœur, nous ferons bien tout ce qui nous sera possible ; mais au bout, je crois qu'il est de charité et de justice encore de la satisfaire, ce qui sera avisé. Je n'ai pas le loisir d'aller chercher ce que vous me demandez, mais nous en parlerons, s'il plaît à Dieu [plusieurs mots illisibles]. Vous ferez très-bien de ne pas aller au logis neuf qu'il ne soit bien sec.

Adieu, ma très-chère Sœur, nous sommes toujours ici accablées d'affaires. Conservez-vous, je vous prie ; vous savez bien ce que je vous suis. Mille saluts à toutes nos très-chères Sœurs.

Jour anniversaire de la très-adorable Trinité qui nous assembla, il y a onze ans. Gloire en soit au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. Amen.

Notre Sœur l'assistante est malade ; il faut que j'aille voir le médecin. Jour de la Sainte-Trinité.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [542]

LETTRE CCCXXIX (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Il importe beaucoup pour la paix et le bonheur des monastères de n'admettre que de bons sujets, et de ne pas recevoir trop facilement ceux qui sont médiocres. — Témoignages d'estime pour les révérendes Mères Carmélites. — Saint François de Sales travaille à faire une concordance des quatre Évangiles.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 6 juin 1621.

Voilà mon très-cher neveu, caressez-le modestement, cordialement. Je me porte bien, Dieu merci : il est vrai, j'ai eu une mauvaise toux ; il m'a fallu tirer beaucoup de sang, car je l'avais tout corrompu et brûlé, et cela à force de [mots illisibles]. Priez Dieu que je ne vive plus que pour le servir, car [mots illisibles] trop inutile le temps passé.

Oui-dà, si le Père spirituel le permet, vous pourrez tenir à l'essai cette fille, 'et si elle est d'Orléans, éprouvez-la bien, et, en tout cas, donnez-lui son congé de là si elle n'est jugée bien propre : le bien de nos maisons ne consiste pas à avoir beaucoup de filles, mais à les avoir bonnes. Oh ! mon Dieu, que notre petite Supérieure de Nevers a envie d'en avoir un grand nombre, c'est une maladie. Au commencement des maisons, nous les remplissons de tout ce que nous pouvons attraper, et puis les bonnes ne peuvent avoir accès ; et, le pis de cela est la ruine des familles : quelle cruauté d'étouffer un enfant en sa naissance ! Écrivez que je vous ai mandé cela, mais non pour elle, car aussi je lui dirai bientôt. Il y a longtemps que je n'ai eu de ses nouvelles.

Je suis contente que vous ayez vu les bonnes Carmélites ; vraiment oui, je les verrai aussi, ou l'on me refusera. Or je salue la bonne Mère, que j'aime plus qu'il ne se peut dire, et j'ai [543] un désir extrême d'aller honorer le tombeau de sa sainte Mère,[360] à laquelle je désire d'être grandement dévote. Mandez-lui qu'elle la prie pour moi. Monseigneur me mande qu'il lui a écrit. Il a commencé à faire quelque chose sur les Évangiles,[361] mais il me mande qu'on l'accable : chacun ne veut dire qu'un mot, ne demande qu'un billet, et que tout son temps s'en va là ; je voudrais bien que l'on le laissât en repos. Adieu. Jour très-cher à notre Congrégation. Oh ! que nous avons une grande fille pour le voile blanc !

Conforme à une copie de l'original gardé au premier monastère de la Visitation de Paris. [544]

LETTRE CCCXXX (Inédite) - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Maladie de quelques Sœurs. — Avantages de la liberté d'esprit.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 7 juin 1621.]

Ma très-chère Sœur,

Je vous fais encore ce billet par notre bon Père recteur que je crains qui ne soit déjà parti ; mais il nous fut impossible d'écrire hier, tant à cause de notre fête que pour les malades ; car nos Sœurs Anne-Catherine et M.-Marguerite ont la fièvre continue, et la pauvre Sœur Anne-Catherine bien mal. J'espère toutefois que Notre-Seigneur nous la laissera. Je crains que la lettre que je vous écrivis l'autre jour si empressément ne soit trouvée trop courte ; c'est pourquoi je vous dis qu'en toutes les choses que je vous dis et écris ainsi par forme d'avis, que vous demeuriez en pleine liberté de faire toujours ce que selon Dieu il vous inspirera bon. Mais, voyez-vous, je vous dis ceci absolument, car je sais que quand l'âme est en crainte, elle ne peut suivre, si librement qu'il est requis, les lumières que Dieu lui donne. Enfin, rejetez beaucoup sur notre Sœur F.-Gabrielle ; soulagez-vous et ayez un esprit de sainte liberté.

J'ai parlé à Mgr l'archevêque. Il agréera l'entrée de cette femme ; mais il faut pourtant attendre son retour, afin qu'il conduise cette affaire.

Envoyez-nous promptement la forme et les cérémonies de l'établissement à la profession, et les litanies du Saint-Esprit et du Saint-Sacrement ; mais au plus tôt. Adieu, ma très-chère Sœur.

Dieu soit béni !

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [545]

LETTRE CCCXXXI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Choix de la future Supérieure de Montferrand.

VIVE † JÉSUS !

Paris, 8 juin 1621,

La première fois que j'eus l'honneur de voir Mgr de Lyon, il fallut dire que notre Sœur F.-Jéronyme [de Villette] serait Supérieure à Montferrand ; mais, hier, je lui en reparlai et lui dis que le sentiment de M. de Maussac, le vôtre et celui des autres filles était qu'on y envoyât notre Sœur M.-Jacqueline [Compain], puisque notre Sœur la Supérieure qui y est, n'était prête à retourner de quelques mois, [pendant] lesquels elle la pourrait dresser. Il m'accorda que je vous mandasse qu'oui, et qu'il avait remis cela à M. de Maussac et à vous. Or, il demeura en peine de la Sœur F.-Jéronyme. Je lui dis qu'il nous la laissât en charge ; il me commanda donc de lui dire qu'elle choisît où elle désirait être, en cas qu'elle ne fût contente où elle est ; si elle voulait retourner à Lyon, que je l'y ramènerais, ou si elle [préfère venir ici], à Montferrand, ou à Annecy, enfin qu'il la désirait contenter. Elle recevra une épreuve de cette résolution ; car elle avait espéré d'être Supérieure à Montferrand. Quelqu'un de là [le] lui avait mandé. [Une ligne illisible.]

Or, j'écrivis à notre Sœur M.-Jacqueline [Favre] sur ce que Mgr de Lyon m'avait dit la première fois ; mais, comme j'avais une grande répugnance et crainte de notre Sœur F.-J., je la suppliais de s'en résoudre encore avec vous autres, qui connaissez les filles, et de considérer fort la chose devant Dieu. Vous lui écrirez donc avec tout respect et sincérité notre sentiment, et ferez que M. de Maussac se joigne avec vous par une lettre particulière où il lui mandera ce qu'il trouve le mieux, [546] afin qu'au plus tôt qu'il se pourra, on lui envoie notre Sœur M.-Jacqueline [Compain], car ce sera le meilleur...

Ma fille, j'ai pris médecine ce matin, je vous écris avec incommodité. Je me porte bien, et salue très-chèrement M. de Maussac et toutes nos chères Sœurs, que je désire ardemment de voir. Hé ! qu'elles sont heureuses, ces chères âmes, de ne laisser vivre et régner en elles que le seul amour de Dieu. Qu'elles persévèrent, je les en conjure, au nom de Celui qui les a gratifiées de ce saint désir. Ma fille, ma chère petite, que l'humilité, simplicité et unité surnagent sur tout. Priez pour nous et pour les affaires de l'Institut.

Ce jeune homme qui m'apporte quelquefois de vos lettres désire que nous l'aidions à se loger. Est-il fidèle et de connaissance ? Dites-le-moi.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXXXII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Même sujet.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 9 juin 1621.

Ma très-chère fille, j'ai vu Mgr de Lyon : il a peine à se résoudre pour ma Sœur Françoise-Jéronyme, et pense que la Sœur M.-J. [Compain] qui est à Lyon, sera plus solide pour demeurer aux charges à Montferrand, et d'autant plus que vous y êtes encore pour quelques mois, où vous aurez loisir de la reconnaître et dresser ; il s'en remet à M. de Maussac, à vous, et aux Sœurs de Lyon qui connaissent les unes et les autres. Véritablement, pour moi ne la connaissant point, je n'en puis donner conseil solide ; celle de Lyon a peu d'années de Religion ; [547] mais cela fait peu ou rien s'il y a de la vertu. Il est vrai qu'il ne faudrait pas que le monde de là, ni les nouvelles filles le sussent, cela est aisé à celer. Avisez donc promptement à vous résoudre ensemble, et à exécuter la résolution que vous ferez, et m'en donnez avis, s'il vous plaît, au plus tôt, car Mgr de Lyon sachant que notre Sœur Françoise-Jéronyme ne se plaît pas trop à Moulins m'a donné charge de lui mander de sa part qu'elle choisisse : à demeurer là, à venir ici ou retournera Lyon, ou aller à Montferrand avec vous, sans lui dire que ce serait pour être Supérieure ; car il faudra lui conter cela dextrement, encore qu'il ne servira de guère, parce qu'on l'a préoccupée de la Supériorité.

Dieu conduise tout. Ma très-chère fille, un mot de réponse au plus tôt.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCCXXXIII - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Perte de plusieurs lettres. — Conseils pour le monastère de Lyon. — Nouvelles de celui de Paris.

VIVE † JÉSUS !

[Paris,] 22 juin [1621.]

Mon Dieu, ma très-chère fille, que vous m'étonnez bien de dire que vous n'avez reçu qu'une seule de mes lettres depuis Pâques, si vous ai-je souvent écrit et quasi tous les quinze jours, ou au moins toutes les trois semaines, et ai répondu à tout ce que vous m'avez demandé. Il y a aujourd'hui un mois que je vous écrivis une grande lettre par le neveu d'un homme des [mot illisible] qui fait nos affaires ; je crois qu'il les envoya par la poste ; il m'en a souvent apporté des vôtres. Il y a quinze [548] jours que je vous écrivis encore ; certes, ce me serait une mortification si ce paquet de la poste était perdu, je ne m'y fierais plus ; l'autre est par le messager et n'ai point de voie plus sûre pour vous.

Je savais, il y a dix jours, que nos Sœurs étaient allées à Valence, car Mgr de Lyon qui vint dire notre messe (ce fut le dimanche de la Sainte-Trinité ou celui d'après), me montra ce que vous lui en écriviez. Ma fille, j'espère, Dieu aidant, partir d'ici au fin commencement d'octobre, Monseigneur[362] me l'ayant ainsi mandé ; mais vous ne devez toutefois nous attendre pour renvoyer cette bonne fille, car, après tant d'examens qu'elle n'est pas propre, ne faites nulle conscience de la renvoyer, vous y êtes obligée.

De changer de maison cela est très-considérable ; si toutefois vous trouvez mieux et moyen de tirer votre argent de la vôtre, je ne dirais pas que non ; mais si vous la gardez, il faut de nécessité la faire accommoder en monastère, et, pour cela, vous en devez faire tirer un plan et de toutes vos places, puis le mettre entre les mains d'un bon architecte, avec un plan de nos monastères, afin que l'on vous en dresse un. Je crois qu'il faudra ruiner ; mais si vous m'en croyez, vous ne [ferez pas] toucher à votre église que cela ne soit [achevé]. Quand le plan de vos places sera fait, envoyez-moi une copie de tous les étages et des places [avec] les mesures exactement. Vous pouvez mettre les [offices] et changer tout ainsi que vous jugerez à propos. Ne parlez pas à Mgr de Lyon de changer de Supérieur ; nous verrons cela, Dieu aidant, à notre passage. Je m'essayerai de faire dextrement savoir qu'il faut retrancher tant de visites. Je vous prie, recouvrez les paquets de il y a un mois. Bonjour à nos très-chères Sœurs, je les aime et les salue de tout mon cœur. [549]

Or, voici une affaire d'importance : nous sommes engagées de donner seize mille écus [pour la maison d'ici], nous espérons faire, Dieu aidant. Mgr de Belley nous accommode de quelque [plusieurs lignes illisibles].

J'écrivis avant [hier] à soir à Monseigneur par un gentilhomme qui le va trouver ; il me suffit de savoir qu'il se porte bien. Je me porte mieux aussi, quoique non entièrement ; mais je crois qu'il ne faut plus espérer de grande santé ; il suffit de pouvoir rouler avec les autres et suivre les exercices, ce que je fais par la grâce de mon Dieu, dont je ne me sens pas peu redevable à sa bonté. Ma fille, excusez-moi vers votre petite Sœur qui m'écrit ; néanmoins, si la cloche ne me surprend, je lui ferai un billet. Au très-cher Père spirituel, un salut très-cordial et très-humble, et derechef à toutes nos très-chères filles, et à vous, ma fille bien-aimée, plus qu'il ne se peut dire. Dieu soit béni.

Conforme à l'original gardé aux archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXXXIV - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Elle lui expose son état intérieur et le désir de le revoir.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 29 juin 1621.]

J'ai plusieurs choses à vous dire, mon unique Père, mais je ne sais où elles sont, tant mon chétif esprit est accablé et distrait par mille tracas ! Ce saint jour toutefois me récrée, où je me représente que mon unique Père recevra mille caresses de ces grands et saints Apôtres qu'il aime et sert avec tant d'affection.

Certes, je suis gaie, et rien ne me fâche, grâce à Dieu, car je veux bien tout ce qui lui plaît, ne sentant aucun désir en la pointe de l'esprit, que celui de l'accomplissement de la [550] très-sainte volonté divine en toutes choses. À ce propos, mon très-cher Père, je ne sens plus cet abandonnement et douce confiance, ni n'en saurais faire aucun acte. Il me semble bien toutefois que ces vertus sont plus solides et fermes que jamais. Mon esprit, en sa fine pointe, est dans une très-simple unité ; il ne s'unit pas, car quand il veut faire des actes d'union, ce qu'il ne veut que trop souvent essayer de faire en certaines occasions, il sent de l'effort et voit clairement qu'il ne peut pas s'unir, mais demeurer uni. L'âme ne voudrait bouger de là ; elle n'y pense pas, et elle ne fait autre chose que de former au fond d'elle-même un certain enfoncement de désir, qui se fait quasi imperceptiblement, que Dieu fasse d'elle et de toutes créatures et en toutes choses tout ce qu'il lui plaira. Elle ne voudrait faire que cela pour l'exercice du matin, pour celui de la sainte messe, pour préparation à la sainte communion, pour action de grâces de tous les bénéfices ; enfin, pour toutes choses, elle voudrait seulement demeurer en cette très-simple unité d'esprit avec Dieu, sans étendre sa vue ailleurs, et en icelle dire quelquefois vocalement le Pater, pour tout le monde, et pour les particuliers et pour soi-même, sans divertir toutefois sa vue, ni regarder pourquoi ni pour qui elle prie. Souvent, selon les occasions et la nécessité, ou l'affection qui vient sans être cherchée, l'âme s'écoule en cette unité. Pour ce sujet, j'ai bien la vue que cela suffit pour tout ; néanmoins, mon unique Père, fort souvent il me vient des craintes, ce qui me fait grand'peine. Je me force de faire des actes d'union, d'adoration, à l'exercice du matin, à la sainte messe, à l'action de grâces. Que si je fais mal en cela, dites-le moi, s'il vous plaît, et si cette simple unité suffit, et peut suffire à Dieu pour tous ces actes que je viens de dire, auxquels nous sommes obligés ; voire aussi, si durant les sécheresses, elle suffira quand l'âme n'a ni la vue, ni le sentiment d'icelle, sinon quasi en l'extrémité de sa fine pointe. [551]

Je ne désire pas que vous me fassiez une longue réponse sur ce sujet, car en douze paroles vous pouvez me dire tout, répétant ma demande, si vous l'approuvez, et m'assurant que cette simple unité suffit pour toutes sortes de choses, sans plus souffrir ni recevoir de craintes, ni de divertissements en cela. Enfin, dites-moi ce qu'il vous plaira, et, cependant, je me rendrai plus fidèle, Dieu aidant, à ne point faire d'acte, croyant que l'autre est le meilleur, et qu'il suffit en attendant ce que vous me direz.

Mon unique Père, certes, je ne sais comme je vous ai dit tout ceci, car je n'en avais nulle pensée quand j'ai pris le papier ; j'en suis toutefois bien aise. Il faut encore dire tout ceci : c'est que cette unité n'empêche pas que tout le reste de l'âme ressente quelquefois une inclination et penchement du côté du retour vers vous ; et ne sens ni inclination et ni affection qu'à cela ; toutefois, je ne m'y amuse nullement, ni n'en ai aucune inquiétude, grâce à Dieu, à cause de cette unité en la pointe de l'esprit. Mais quand, par manière d'élire, l'incomparable bonheur de me revoir à vos pieds et recevoir votre sainte bénédiction se passe dans mon esprit, incontinent je m'attendris et les larmes sont émues, me semblant que je fondrai en icelles quand Dieu me fera cette miséricorde. Mais je me divertis tout promptement, et il m'est impossible de rien souhaiter pour cela, laissant purement à Dieu et à vous la disposition de tout ce qui me regarde. Je sens aussi de l'inclination, de la tendresse et compassion pour nos pauvres Sœurs, qui attendent si longtemps leur chétive Mère, qu'elles aiment toutefois tant.

Je ne saurais m'imaginer, mon unique Père, que j'aie besoin de me justifier vers vous au sujet de l'affaire de N., car je sens que vous êtes très-assuré que je ne vous cèle jamais ni mal ni bien que je fasse, étant incomparablement votre très-humble, etc. [552]

LETTRE CCCXXXV - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS

Ne pas regarder son incapacité, mais s'humilier sous la volonté de Dieu et agir selon la Règle et les Entretiens. — Il faut éprouver sérieusement la vocation des prétendantes et les faire examiner par quelques Religieux avant de leur donner l'habit ; idem pour les novices, avant la profession. — Mépriser toutes les considérations humaines quand il s'agit du profit spirituel du monastère. — On peut recevoir une postulante aveugle.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 5 juillet 1621.

Vraiment ! il est vrai, ma très-chère fille, que notre Sœur F.-Élisabeth a tort, car jamais une Religieuse ne doit préférer un bien particulier à ce qui est du général, et moins avoir des desseins, sous quelque prétexte que ce soit, à l’insu de sa Supérieure ; mais, patience pour ce coup ; il faut lui faire tirer profit de cette faute, afin que jamais elle n'y retombe. Bien souvent Dieu permet telles choses pour nous en faire éviter de plus importantes, et aussi, ma chère fille, pour nous donner expérience qu'il faut bien éprouver et connaître la vocation des filles avant que de les recevoir : voilà le fruit qu'il faut tirer, et non pas, ma fille, dire que vous n'êtes pas capable de votre charge ; il ne faut point dire cela, mais s'humilier sous la volonté de Dieu, et faire le bien dont il nous donne lumière, selon que nous sommes instruites dans nos Règles, ès Entretiens et semblable.

Or, pour les filles, avant que de les recevoir, je voudrais que vous les fissiez examiner à quelque bon Religieux, s'il se pouvait, au Père Jésuite qui vous confesse extraordinairement ; et sur toutes les actions de votre charge, que vous fissiez celle-ci avec le plus de considération, comme [étant] la plus imposante, car le bien des maisons en dépend. Faites donc examiner cette [553] fille par quelque personne spirituelle, par un Père Jésuite, car c'est le solide et le mieux pour notre esprit. Dites-lui, auparavant qu'il lui parle, tout ce que vous en savez ; et, après qu'il lui aura parlé, vous prendrez son conseil, sur lequel vous ferez mieux votre résolution avec les Sœurs. Enfin, pour recevoir [les filles], il faut voir [si elles ont une] volonté ferme et constante pour la vocation. Si [vous me croyez, vous ferez] ce que je vous viens de dire avant que de leur donner l'entrée, l'habit et la [profession], et vous vous en trouverez bien ; je ne vous en puis dire autre chose, quoique je doive ajouter en conscience, que, sur ce que vous m'en dites, je ne lui donnerais nullement l'habit, et m'essayerais de savoir véritablement si elle a une vraie intention de la Religion, et c'est à cela que le Père Jésuite aidera. Quant à ma Sœur N***, c'est à voir, examiner et juger si l'union entre vous est bonne ; et, si cela n'est pas, il n'y a considération humaine qui doive empêcher le changement ; nous en trouverons un bon prétexte, parce que notre Sœur F.-Jéronyme lui fera place, d'autant qu'on la veut ôter de Moulins. Il faut négliger toutes les apparences humaines, quand il s'agit du profit spirituel d'une maison. Je pense que celle que nous avions pensé de vous donner conduirait mieux les novices selon l'esprit ; toutefois, ayant encore du temps, vous la considérerez à loisir et selon les choses qui arriveront.

Pour l'affaire de Moulins, je savais tous ces contrats et ce que vous ne savez pas ; mais avant que notre Sœur M.-Aimée fasse profession, on affermira tout pour le repos des maisons. Le plus tôt que vous pourrez payer la rente, vous le devez faire pour conserver la quiétude partout. Dieu soit béni de ce que vous me dites de la fille d'Orléans. Au nom de Dieu, faites bon choix des filles, et ne craignez nullement de les renvoyer si elles ne sont propres. Ne vous mettez point en peine de la fille de M. Bonsidat, laissez-la en sa liberté ; car, de la renvoyer contre [554] sa volonté et celle de ses parents, il ne le faut pas faire tandis qu'elle vivra tranquillement en la maison ; mais aussi de lui donner la profession, c'est à quoi il ne faut nullement [songer], si Dieu n'y fait un miracle. Si l'aveugle a les conditions requises en son esprit, je ne lairrais de la recevoir : pour une, cela n'est rien, et la maison se pourrait obliger même de la garder avec l'habit, sans qu'elle fît profession, si son aveuglement ne lui permettait.

Hélas ! mon enfant, ne vous étonnez pas de cela, que notre bon Père ne vous [écrit pas ; il n'a] nul loisir. Ce que vous me demanderez, que je saurai de sa part, les Sœurs s'y devront assurer, car il n'est pas besoin de lui demander ce que je sais ; aussi bien n'y répondrait-il pas, ne pouvant satisfaire à tant de choses. Il faudra ramener une couple des filles de Moulins ; mais n'en dites rien. Je serai bien aise de savoir votre nombre d'ici à deux mois ; car de se charger tout à coup de tant de filles, on ne peut les bien former. Vraiment, nous n'en n'aurons garde de vous mener des filles sans dot.

Ah ! vrai Dieu ! il faut trancher ces dire et redire, et apprendre à ces filles de ne s'amuser point à telles niaiseries ; il les faut porter à l'exacte obéissance. Gardez bien d'ouvrir la porte de votre maison pour telles tricheries ; soyez humblement forte en cela. Ce Père est très-bon, mais encore jeune et prompt. Il faut, s'il se peut, obtenir l'assistance du Père recteur : ils sont toujours plus solides. Marchez, ma très-chère fille, fermement, mais humblement dans le train où Dieu vous tire, et où il vous a mise ; attachez-vous invariablement à la Règle, aux conseils qui sont dans les Entretiens ; lisez-les fort et les faites lire aux filles. Tous les mois j'en fais lire un ou deux à la table. Grâce à Dieu, cette famille ici va bien. Je vous donne le bonsoir ; je vous prie, rendez de ma part toutes sortes de profondes révérences et honneurs à Mgr l'évêque ; je suis sa très-humble [555] servante, et de votre bon Père spirituel. Je salue très-chèrement nos bonnes Sœurs avec vous ; vous savez ce que je vous suis.

Dieu soit béni !

Conforme à l'original gardé à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCXXXVI - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Avis pour les affaires temporelles. — Il faut attendre avec patience et charité l'amendement des âmes. — Les monastères doivent être bâtis simplement et solidement.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. 1621.]

Ma très-chère fille,

Je suis consolée des bonnes nouvelles que Mgr l'archevêque m'a dites de votre petite maison, de laquelle Dieu aura soin, si l'observance et la sainte paix y sont gardées. Je trouve que M. de Lissay sort tout à fait de l'assiette qu'il doit avoir envers votre maison. Il doit donner deux mille écus à chacune de ses filles, et leurs meubles ; j'aurais peine à traiter avec lui autrement, vu qu'il n'a plus qu'un fils, que cela n'est pas ce qui appartient aux filles. Il faut tenir un peu ferme et prier le Père recteur de le gagner par raison. N'avez-vous point quelques amis ou amies qui fassent pour vous entièrement en telle occasion ? Dieu soit votre conseil en cela ! Je crois que le bon Père recteur ne vous manquera jamais ; l'avis de Mgr l'archevêque est très-bon en ce sujet ; je loue Dieu des charités qu'il vous a faites.

Pour Dieu, ma très-chère fille, attendez l'amendement de ces bonnes Sœurs avec grande patience, et les supportez avec une extrême douceur. Traitez tout cordialement leurs cœurs, leur [556] faisant voir leurs défauts sans passion, sentiment ni sécheresse, mais en sorte qu'elles en demeurent encouragées pour se surmonter et tout amoureuses de votre douceur maternelle ; car ce moyen est unique pour gagner les âmes, et, à nous, très-propre.

Si la fondation de Dijon réussit, je voudrais bien y mener notre Sœur N*** ; mais certes, je voudrais qu'elle devînt plus simple, moins soigneuse d'elle et plus soumise. Je n'ai pas encore vu leurs lettres ; je leur écrirai quand je pourrai.

Véritablement, je suis encore étonnée comme vous vous êtes chargée de cette bonne dame ; tandis que vous l'avez, on ne doit point lui épargner la charité, la douceur et le support ; mais je crois que vous devez tâcher, avec l'avis du Père recteur, de vous en décharger. Dieu soit votre conseil en tout !

À ce que l'on me dit, vous bâtissez à grands frais et pompeusement, je veux dire à force pierres de taille ; je crois qu'il serait bon d'aller solidement, mais simplement. Dieu fasse en tout sa sainte volonté ! Ma très-chère fille, je suis..., et à toutes nos chères Sœurs.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy. [557]

LETTRE CCCXXXVII - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Une jeune Supérieure vertueuse est préférable à une plus âgée ayant moins de vertu. — Les Œuvres de saint François de Sales doivent suffire pour la direction des Religieuses de la Visitation.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 7 juillet 1621.

Il est vrai, ma très-chère fille, que l'une des plus grandes peines que j'aie au monde, c'est la crainte d'une mauvaise Supérieure dans nos maisons ; car je sais bien que le bonheur dépend de là. Néanmoins, je n'ai pas condamné notre Sœur, parce que je ne sais pas [ce] qu'elle est. Maintenant je crois bien, ma très-chère fille, que c'est la bonne Sœur Compain[363] ; mais je ne savais pas qu'elle fût avec vous. O Dieu ! que ce que vous m'en dites me contente ! Et [je] crois véritablement que cela sera plus profitable à la maison que dix années de Religion avec moins de vertu. Il sera toutefois fort à propos qu'on le cèle ; car le monde, qui ne regarde que l’écorce, pourrait en amoindrir l'estime, voire même les filles. Oh ! mandez donc que l'on vous envoie une directrice, et puis dressez et conduisez cette bonne Sœur tout doucement à la charge de Supérieure. Dieu la bénira, sans doute, si elle est humble et qu'elle mette en sa bonté toute sa confiance, s'attachant fidèlement à l'observance de ses Règles ; vous la pourrez aider jusqu'en l'automne, et peut-être [que] Notre-Seigneur n'a pas permis que notre Sœur Françoise-Jéronyme ait été employée à Montferrand, pour [qu'on puisse] s'en servir ailleurs ; car, ainsi que nous [558] pensions, la fondation de Dijon, toute ruinée qu'elle paraissait, s'est remise sur pied. Je ne sais encore [ce] qu'il en sera ; dans un mois nous le saurons, Dieu aidant ; cependant, j'écrirai cette espérance à notre Sœur F.-Jéronyme, sans lui rien nommer ; car Mgr de Lyon me l'a laissée pour en faire ce que nous jugerons le mieux, et qui soit à son contentement.

Nos Religieuses n'ont point tant besoin de secours spirituels de dehors [comme] plusieurs autres ; car nous sommes tant pleines des instructions de Monseigneur, qu'il ne saurait quasi rien arriver qu'il ne s'en trouve la résolution dans les Entretiens. C'est notre grand bonheur de ne communiquer guère avec ceux [de] dehors, pourvu que, quatre ou cinq fois l'année, on puisse avoir des Pères Jésuites (car c'est le solide), ou quelque autre, c'est assez. Vivons de notre pain, c'est le meilleur pour nous. Nous sommes à Paris où tout abonde ; nos filles ne demandent point à parler dehors, hors les confessions extraordinaires ; une seule, je pense, l'a fait une fois ou deux. Tout va bien et tranquillement, grâce à Dieu.

Vous faites fort bien de ne rien témoigner à vos voisins. Mgr de Lyon n'est pas ici ; il trouvera tout bon. Dieu bénisse votre maison, que j'aime de tout mon cœur, et salue chèrement toutes vos Sœurs avec vous. Nos Sœurs d'ici vous saluent très-affectionnément, surtout la Sœur assistante.

Adieu, ma fille, je suis toute vôtre, vous le savez.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [559]

LETTRE CCCXXXVIII - À MADAME DE TOULONJON

SI FILLE

Félicitations à l'occasion de la naissance de son fils.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Dieu soit béni éternellement, ma très-chère fille. Votre cousin m'assure que vous étiez accouchée heureusement d'un beau fils.[364] J'en ai loué et remercié Notre-Seigneur de tout mon cœur. Pensez un peu le mouvement de mon âme sur ce sujet. Or, nous nous verrons, s'il plaît à Dieu, et en parlerons à souhait. Cependant, mille et mille bénédictions veuillent arriver de la part de l'esprit de Dieu sur la mère et sur l'enfant !

Conservez-vous, ma fille, et vous rendez tous les jours plus dévote et agréable à Dieu, en la reconnaissance de tant de miséricordes ! Mandez-moi bien de vos nouvelles ; il y a longtemps que je n'en ai su de vous. Je ne sais si votre frère vous aura envoyé la lettre que je vous écrivais, par un de ses laquais, et qu'il m'avait promis vous envoyer. Les voilà tous à ce siège[365] ; mais n'affligez pourtant votre cœur pour cela, ma très-chère fille, votre mari en a bien vu d'autres. Priez bien Dieu pour eux, et demeurez en patience et confiance.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [560]

LETTRE CCCXXXIX - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Recevoir les filles pauvres, pourvu qu'elles aient les vraies richesses du cœur et de l'esprit. — Ne rien permettre de beau dans les bâtiments du monastère, et ne pas faire des mortifications indiscrètes qui ruinent la santé. — L'humble soumission est la pierre de touche et le fin or de la perfection.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Le Seigneur tout miséricordieux soit notre tout ! Je vous écris comme il n'est nullement en notre pouvoir de retirer cette bonne dame céans. Vous savez que c'est aux Supérieurs à donner cette licence. Or, Mgr le cardinal de Retz n'est pas ici, et, s'il y eût été, il n'eût nullement agréé cette retraite ; les conséquences sont trop grandes ici. Nous aurons souvenance de votre bonne mère [bienfaitrice], quand nous serons à Annecy, et tout ce qui se pourra pour sa consolation, nous le ferons, vous n'en devez douter.

Dieu soit béni de l'accroissement de votre nombre ; croyez-moi, que, s'il se présente quelque digne fille pour notre vocation, il ne la faut pas refuser pour manque d'argent. Ce serait une très-pernicieuse maxime de quitter les pauvres qui seraient propres, pour prendre les riches qui le seraient moins ; Dieu ne bénirait point votre maison. Si ces braves prétendantes ont le courage d'attendre mon passage vers vous, nous essayerons de gagner les Supérieurs. Ma fille, il faut être plus ferme pour le spirituel que pour le temporel, quoi que le monde sache dire. Jamais Notre-Seigneur [ne laissera] en défaut ceux qui cherchent premièrement le royaume de Dieu, qui sont les richesses spirituelles.

Non, ma chère fille, ne permettez rien de superbe ni d'inutile à votre bâtiment ; ains soit solide, de bons matériaux, mais simple, sans faste, comme ceux des Pères Capucins. [561]

Il faut prier votre mère[366] de vous servir à votre gré, selon vos commodités, et non selon la vanité, que vous n'avez pas de quoi satisfaire, comme il est vrai. Nous avons rendu à Mgr de Bourges les treize cent soixante dix-sept francs. Envoyez-nous une quittance de tout l'argent que nous avons reçu, que nous vous avons fait tenir, et nous vous porterons tous les papiers que nous avons de vous.

L'on m'a dit que vous êtes toujours fort faible, que vous prenez trop sur vous et mangez trop peu. Pour Dieu, ne suivez point vos inclinations en cela ; sous le prétexte de la vertu, nous faisons souvent notre propre volonté. L'humble soumission est la pierre de touche et le fin or de la perfection. Soumettez-vous donc sans regarder à qui, ni que c'est que l'on vous présente ou ordonne pour votre soulagement, et ne vous le faites plus dire, ma très-chère fille.

Dieu vous bénisse et votre chère troupe. Amen.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXL (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Il faut marcher avec la pointe de l'esprit et ne s'attacher qu'à Dieu seul. — C'est dans la solitude et la prière que l'âme trouve sa force. — La mortification est la vraie préparation à l'oraison. — La Sainte pense quitter Paris au mois d'octobre.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 13 juillet [1621].

Ma très-chère fille,

Ne vous étonnez point, je vous supplie, de ces refroidissements de votre cœur. Je vous l'ai toujours dit : marchez avec la [562] pointe de l'esprit, et faites plus d'état de ne vouloir aucune perfection que celle que Dieu voudra, que de toutes les excellentes perfections que l'on peut avoir en cette vie. Ne vous attachez à rien qu'à Dieu seul, et conduisez vos filles en ce chemin. Quand donc elles auront trouvé Notre-Seigneur au premier point de l'exercice de la messe ou en un autre, qu'elles ne passent point outre ; une seule chose est nécessaire, qui est d'avoir Dieu ; quand nous l'avons donc, n'est-ce pas le quitter que d'aller chercher un chemin pour le trouver ? Oh ! véritablement, je désire grandement que nos Sœurs aiment la solitude et l'oraison ; c'est où l'âme prend sa force. Que serait-ce de notre vie, si nous ne trouvions cette manne, qui est cachée en la sainte oraison ? O ma fille, donnez-leur un grand courage pour cela, mais que la mortification surnage en tout, car c'est la vraie préparation de la sainte oraison. Il me semble que partout nos Sœurs aiment la retraite, au moins ici elles en sont amies.

Nous avons reçu la lettre pour recevoir l'argent. Nous allons, si Dieu plaît, cette semaine en notre maison ; nous espérons toujours, Dieu aidant, de partir d'ici au commencement d'octobre. Or sus, je salue toutes nos très-chères Sœurs et le bon Père spirituel. Mais, mon Dieu, faites-vous bien toujours mes recommandations à votre ancien Père, M. de Saint-Nizier ? Voyez-vous, ma fille, je ne saurais jamais m'oublier de ce personnage, ni des obligations que nous lui avons. Pour Dieu, soyez-en toujours grandement reconnaissante, l'honorant cordialement et avec grande confiance. Au reste, toutes les fois que vous le verrez, saluez-le toujours de ma part, encore que peut-être quelquefois je ne le nommerai pas ; assurez-le que mon âme chérit et vénère la sienne saintement et cordialement, et que je ne cesserai jamais de prier pour son bonheur, lui souhaitant le comble de toute bénédiction ; mais ressouvenez-le aussi qu'il m'a promis de prier pour moi, je m'y confie. [563]

Adieu et bonjour, ma fille. Je vous en prie, vivons toutes à Dieu. Oh ! qu'heureuse est l'âme qui ne vit que de la seule volonté de son Dieu ! Tenez le cœur de vos filles fort haut, tout abandonné à cette divine volonté ; priez pour nous, afin que nous glorifiions Dieu bien réellement. Amen. Il soit béni.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Dôle.

LETTRE CCCXLI (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Les Sœurs de Paris font des instances pour garder leur B. Fondatrice pendant l'hiver. — Le monastère est transféré proche la rue Saint-Antoine. —Espérance d'obtenir les permissions requises pour la récitation du petit Office. — Mgr de Bourges quitte son archevêché.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 7 août [1621].

Ma très-chère fille,

Il y a déjà longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles ; que faites-vous ? et votre nouvelle directrice se rendra-t-elle capable de la charge à laquelle on la destine ? Nous voici dans notre nouvelle maison avec un applaudissement général de tout notre voisinage ; toutes nos affaires seront faites, et assez bien, grâce à Dieu, Je ne me tiens pas encore assurée si nous nous en irons au mois d'octobre, parce que lundi il ira deux hommes à Nessy chargés de lettres et de persuasions pour m'arrêter l'hiver ici ; je n'en vois point de nécessité, ni grande ni utile, mais c'est l'opinion du monde. Je laisse tout entre les mains de Dieu, désireuse, par sa grâce, que sa seule très-sainte volonté soit faite. En quelque saison que ce soit, j'espère, Dieu aidant, que nous retournerons ensemble pour la fondation de Turin ou Chambéry ; nous emporterons la licence de Mgr de Grenoble pour cela. Hélas ! qu'on dise même que je n'ai point de lettre de Monseigneur ; il est toujours tout accablé, ce dit-on ; il se [564] porte très-bien, grâce à Dieu, et Mgr de Chalcédoine, lequel toutefois a été malade.

Nous sommes logées au Petit-Bourbon, en la rue des Célestins, proche la rue Saint-Antoine. M. Michel est de retour de Rome, mais l'expédition du petit Office est demeurée, mais avec bonne espérance de l'obtenir.

Je crois que Mgr de Bourges quitte son archevêché ; pensez quelle épreuve pour nos pauvres Sœurs ! Ma fille avait eu un fils qui est mort après être baptisé. Le fils, le beau-fils et le neveu sont à cette guerre, priez pour eux. Adieu, ma toute très-chère fille ; je salue chèrement toutes vos filles. Dieu soit béni. Tout va bien ici.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Chambéry.

LETTRE CCCXLII - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Prière de consoler Mgr de Bourges, obligé de se démettre de son archevêché.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, août 1621.]

Mon très-unique Père,

Priez bien Dieu pour Mgr de Bourges, et faites prier nos Sœurs. Je crois que cet orage se convertira à la gloire de Dieu ; cela n'est rien en comparaison de la Passion de Notre-Seigneur.[367] Je supplie la divine Majesté de lui donner tout ce qui [565] sera à sa gloire, à laquelle j'ai consacre tout moi-même. Son médecin demeura mort quand on lui vint dire ce changement qu'on avait fait de l'archevêché de Mgr de Bourges avec M. N... Il ne se peut dire l'affection que tous ceux de Bourges portent à notre bon archevêque qui a ressenti ce coup, mais dans sa bonté ordinaire. Vous le connaissez ; croyez que cela fera bien du tort aux pauvres, et à beaucoup de maisons religieuses où il faisait de grandes charités. Nos Sœurs en avaient leur bonne part, car il les aime fort et leur faisait beaucoup de bien. Si vous pouvez lui écrire un mot sur ce sujet, cela le consolera tout à fait. Le doux Jésus remplisse notre cœur de l'amour très-pur du sien, et nous fasse éternellement reposer en lui. Amen.

LETTRE CCCXLIII - À LA MÈRE ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

La Providence ne veut pas que nous ayons ici-bas autre appui que sa seule bonté.— Il faut se réjouir d'être sans secours humain et jeter toute sa confiance en l'amour paternel de notre bon Dieu.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], août 1621,

Hélas ! ma très-chère fille, que je ressens la douleur que vous et vos chères Sœurs reçoivent du départ de notre très-cher archevêque. Mais quoi ! la très-sainte Providence en dispose ainsi, et ne veut pas que nous ayons en terre autre appui que sa seule bonté ; bénie soit-elle ! O mon Dieu ! ma très-chère fille, que je désire grandement que toute votre petite famille se réjouisse saintement d'être sans secours humain, et qu'elle jette toute sa confiance en l'amoureuse Providence de ce Père éternel qui est notre attente, et qui ne nous manquera point, si nous nous reposons et contentons de son soin paternel. Oh ! [566] demeurez donc toutes en paix, et contentes de tout ce qui plaît et plaira à jamais à ce divin Sauveur de nos âmes.

Je vous salue toutes très-chèrement, étant vôtre en la façon que Dieu veut et fait ; sa bonté soit à jamais bénie ! Le messager vous porte des lettres. Bonjour, ma très-chère Sœur, portez-vous bien.

Vous aurez un très-homme de bien pour archevêque[368] et qui est de nos amis. Je lui ferai parler.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXLIV - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Nouvelles du monastère. — Elle lui expose les raisons qui la pressent de quitter Paris avant l'hiver, et abandonne à la Providence le désir de conférer de son intérieur.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, août 1621.]

Seigneur Dieu ! mon unique Père, qu'il y a longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles ! Est-ce pour me mortifier ? Oh ! mais je me contente de tout ce qui vous plaît, car vous êtes mon vrai et très-cher Père.

Enfin, nous voici dans notre nouveau ménage avec un applaudissement et contentement de tout le quartier, grâce à Dieu ; mais croyez que ce changement de lieu n'a pas été sans d'extrêmes difficultés de la part que nous n'en attendions nullement. Trois ou quatre heures avant de partir nous ne savions où nous étions, quoique Notre-Seigneur me donnât toujours confiance que tout s'apaiserait, comme il arriva par sa grâce ; [567] car toutes ces passions n'avaient point de fondement. Messieurs les grands vicaires ne nous connaissaient pas, et il fallut montrer notre établissement et le pouvoir de M. le curé de Saint-Jacques, que, par bonne fortune, nous avions par écrit et en bonne forme ; car ici, il faut faire ses affaires d'une autre façon qu'ailleurs. Véritablement, je n'avais jamais trouvé un tel monde. Grâce à Notre-Seigneur et à sa très-sainte Mère, nous voici en paix avec tous ; notre maison payée et accommodée, et toutes nos affaires heureusement faites.

Dans quinze jours j'espère remettre le gouvernement à l'assistante,[369] afin de la voir un peu cheminer. Certes, la gloire en soit à Dieu, cette maison va bien pour le spirituel et le temporel ; elle est aimée grandement et estimée. On parle un peu de notre départ, mais l'espérance d'un prompt retour accoise ce murmure. Toutefois, madame la marquise de N*** dit que si je pouvais demeurer l'hiver qu'il serait encore mieux. Quand je lui eus dit mes petites raisons, que je pensais qu'il pouvait être nécessaire pour le bien de l'Institut que je fusse quelque temps auprès de vous ; que toutes nos maisons désiraient ardemment notre retour, croyant en recevoir quelque utilité ; qu'il y avait quelque apparence d'un plus grand profit qu'ici, où demeurait une Supérieure plus capable et vertueuse que moi ; qu'il y avait quelque fondation à faire, elle me dit : « Voilà des raisons qui sont meilleures que les miennes, qui ne sont fondées que sur la prudence, et la chose mérite bien que Monseigneur de Genève la considère ; mandez-le lui.[370] » [568]

Je le lui promis et le fais simplement, mon unique Père, quoique j'y aie une grande répugnance, qui n'était toutefois qu'en la partie inférieure ; car, par la grâce de Dieu, je veux, ce me semble, et d'une volonté très-absolue, que ce qui est la plus grande gloire de Notre-Seigneur se fasse, et ne me sens aucune répugnance en la raison pour cela. Que si je sentais que Dieu me voulût davantage ici, je le dirais tout franchement ; mais, véritablement, quand les raisons me sont présentées en l'entendement, d'une part et d'autre, je ne me sens inclinée à rien qu'à ce que Dieu désirera et à ce que vous me commanderez ; de sorte que, par sa grâce, me voici prête à tout ce qu'il vous plaira. Jai seulement à vous proposer simplement que je ne pense pas qu'il faille faire grande difficulté de voyager en hiver, parce que nous nous arrêterons souvent, et qu'il sera utile que nous séjournions deux ou trois semaines à Bourges, à Nevers et à Moulins, surtout dans ces derniers lieux. Peut-être est-ce présomption de penser pouvoir les servir ? Vous êtes mon Père et mon juge, et, par la grâce de Dieu, vous pouvez faire tout ce qu'il vous plaira ; vous me commanderez, s'il vous plaît.

Que bienheureux sont ces deux bons Israélites de voir mon seul, unique, vrai et cher Père ! Certes, si je suis ici retardée, j'y demeurerai avec d'autant meilleure affection que je ferai un grand sacrifice à Dieu, et plus que vous ne sauriez penser ; car il me semble que, si nous mourions l'un ou l'autre sans que je me confesse encore une fois à vous, je serais au hasard de beaucoup de scrupules et d'inquiétudes. Mais j'ai déjà dit à [569] Notre-Seigneur tout tranquillement, que, pour obéir à sa sainte volonté, je ne voulais avoir égard à chose quelconque qui me regarde, et me confie en sa miséricorde qu'il me fera la grâce de faire encore une bonne revue devant vous. Ce n'est pas que j'aie rien d'importance depuis que vous êtes absent d'ici, et ne sais si ce n'est point une tentation ; vous pouvez le juger, car je n'ai rien de nouveau, sinon pour ce qui regarde ma charge, en laquelle je crois que je fais beaucoup de fautes par imprudence et faute de charité, de zèle, de soin et de bon exemple ; et, cependant, je ne me confesse et je ne pense à m'amender que des fautes particulières que je connais. Cela, toutefois, ne me met point en peine ; mais j'espère un jour de bien regarder tout cela avec vous, et de me tenir cependant en paix.

Vous n'avez point de nouvelles à m'écrire, dites-vous ? Eh ! n'avez-vous point quelques mots à tirer de votre cœur ? car il y a si longtemps que vous ne m'en avez rien dit. Bon Jésus ! quelle consolation d'en parler un jour cœur à cœur ! Ce divin Sauveur m'en fasse la grâce, et cependant, mon unique Père, qu'il vous rende plus purement et simplement tout sien !

Votre très-humble, etc.

LETTRE CCCXLV - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Affaires temporelles.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 18 août 1621.

Ma très-chère Sœur,

On a envoyé votre arrêt à la cour pour le faire sceller, car M. le garde des sceaux n'est pas ici ; quand nous l'aurons, nous le ferons vérifier à la Chambre des comptes, Dieu aidant. [570]

Nous sommes engagées de parole, ici, quand votre affaire sera toute faite, à une orpheline de père qui a été ruiné ; [ce sont] des gens honnêtes, et la fille est digne de cette charité ; c'est pourquoi je ne vois point de moyen de contenter notre bonne Sœur J.-Marie ; j'en suis marrie, mais quel moyen de se dédire ? Au reste, je vous confesse simplement ma faute ; je ne sais ce que j'ai fait de votre quittance ; renvoyez-m'en une autre et des amples mémoires de tout ce que vous désirez de cette bonne dame, de laquelle pourtant je ne promets rien, sinon qu'elle n'aura pas de votre argent davantage, qu'elle ne donne quittance. Dernièrement, je lui envoyai ce que nous lui donnons et vos cinq cents livres ; elle les prit et puis n'envoya pas les quittances, mais manda qu'elle les enverrait quand elle les aurait fait dresser par son conseil ; il y a tantôt un mois, il ne s'en parle plus. J'attends le Révérend Père Binet pour savoir comme nous nous y gouvernerons. Que nous serons heureuses quand nous aurons achevé avec elle ! Elle nous a dit adieu pour jamais ; faites prier pour elle et n'en parlez qu'avec honneur et témoignages d'obligations.

Mgr de Lyon est du côté de la cour ; mais je ne sais où ; quand il sera de retour, je lui parlerai de vos affaires. Il ne tiendra qu'à vous et à notre Sœur M.-Aimée [de Morville] qu'elle ne fasse la sainte profession ; je crois qu'elle ne doit pas différer, ni attendre ses parents, sinon après la paix.

Je retiendrai les cinq cents [écus] jusqu'à ce que je sache que vous ayez touché les quatre mille. Tenez main, je vous prie, ma chère Sœur, afin d'achever pour finir l'affaire de notre Sœur M.-Marguerite ; cette longueur ennuie. Ce serait une pernicieuse disposition à notre Sœur M.-Aimée si elle était de cette volonté de vouloir remuer quelque chose pour troubler les maisons, si elle en avait le pouvoir ; mon Dieu ! serait-il bien possible qu'elle tînt encore de cet esprit-là ? Or bien, remarquez ce que vous êtes obligée de faire dans ce contrat qui est [571] de la dédommager de treize mille francs vers notre maison de Nevers ; pour moi, je cède au conseil, comme il est très-raisonnable de le faire ; mais je pense que si toutes choses se fussent dites naïvement comme elles se sont passées, il eût été mieux. Or bien, j'espère que la divine Providence aura soin du repos de l'une et l'autre maison ; il faut suivre le conseil que vous avez et demeurer en paix. Je n'ai loisir d'écrire à notre Sœur J.-M., ni à notre Sœur F.-Jéronyme, qu'elle demeure en paix ; nous la consolerons, Dieu aidant, à notre passage,

Bonjour, il faut finir. Hélas ! que de tracas en cette misérable vie, ma très-chère fille ! Aspirons de tout notre cœur à l'éternelle, y conduisant suavement les chères âmes que Dieu nous a commises pour cela.

Il est vrai, je fus touchée du changement de Mgr de Bourges, et pour nos pauvres Sœurs surtout ; mais quoiqu'en tout, sans réserve, fiat voluntas tua ! Amen. Ma très-chère bonne Sœur, vous savez bien que je suis toute vôtre et à votre chère troupe, et au bon M. de Palierne.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXLVI - À LA SŒUR ANNE-MARIE ROSSET

SUPÉRIEURE À BOURGES

Dans les affaires importantes, prendre l'avis de la communauté. — Comment diriger une àme qui se croit dans les voies extraordinaires.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621].

Ma très-chère Sœur,

Je vous écrivis par M. de Saint-Satur,[371] un mot de [572] consolation sur le départ de Mgr l'archevêque [de Bourges]. Il faut s'accommoder à tout ce que Notre-Seigneur veut, et mettre toujours davantage notre confiance en Lui seul.

Si vous n'aviez retiré cette bonne dame avec bon conseil véritablement, je vous dirais que vous ne le deviez pas faire-mais marchant avec le conseil du Père recteur, de M. Perrote, et tant d'autres personnes d'honneur, Ton ne peut faillir, et notre Sœur N*** aurait tort de s'en mettre en peine, sachant cela, et encore plus de dire devant les Sœurs que vous faites tout de votre tête ; car, quand cela serait, ce n'est pas à la communauté à qui il le faudrait dire. En ces occasions si importantes, il faut consulter les Sœurs, et ne faire rien contre leur consentement ; que si elles résistaient mal à propos, il les faudrait faire rendre capables par ceux mêmes qui vous conseillent, et cela tout doucement sans montrer aucune division d'opinion ; et enfin elles doivent céder.

Pour cette fille de Vendôme, il faut que le temps et les épreuves vous donnent une véritable connaissance de son esprit ; car souvent il y a beaucoup de tromperies parmi tant d'excellences. Au reste, si ces attraits sont de Dieu, l'exercice corporel ni la pratique et commerce nécessaire parmi les personnes ne lui nuiront pas ; au contraire, ce sera un bon moyen pour connaître si son esprit est bon. Conseillez-vous au Révérend Père recteur ; mais, selon mon sentiment, je la mettrais tourière, et si elle ne s'y veut accommoder, à cause de son grand recueillement, je craindrais aussi qu'à la fin elle ne pût, pour cette même raison, travailler à la cuisine ni ailleurs. Enfin, l'esprit de Dieu ne dépend point des retraites ; au contraire, il fortifie et perfectionne tout. Qui a jamais été plus au monde et parmi des affaires continuelles et de mille sortes que feue madame Acarie ? et pour cela perdait-elle son recueillement ? folie que toutes ces délicatesses d'esprit !

Je salue très-humblement madame la comtesse de Fiesque ; [573] assurez-la que je suis sa très-humble servante : c'est une vraie vertu. Je salue toutes nos Sœurs. Adieu, ma très-chère Sœur.

Conforme à une copie faite sur l'original par la Mère Rosset elle-même. Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXLVII - À LA MÈRE PAULE-JÉRONYME DE MONTHOUX

SUPÉRIEURE À NEVERS.

La Supérieure doit traiter ses Sœurs avec respect, comme des épouses du divin Sauveur, et imiter, pour la correction, les gouverneurs des enfants des rois. — Comment conduire les âmes attirées au recueillement. — Conseil pour l'amendement d'une novice.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

[Plusieurs lignes indéchiffrables]. Je vous en supplie, ma très-chère fille, et de bien caresser la très-bonne madame N*** qui vous porte cette lettre. C'est une femme de grande qualité, pleine de bons désirs et qui nous aime grandement.

Venons à vous-même : votre compte me plaît assez, surtout en ce que vous tenez votre âme paisible, et que vous remettez à faire la correction que vous n'ayez plus de sentiment. Vous consolez les Sœurs par votre confiance, familiarité, souplesse. Or, voyez-vous, ma très-chère fille, il faut absolument et de toute nécessité traiter nos Sœurs, non comme nos inférieures, mais comme les épouses et filles du souverain Roi ; et, pour cela, il nous faut imiter les gouverneurs des enfants des rois : ils gouvernent ces petits avec un singulier respect ; et, quand ils les corrigent et fouettent, ils font cette action avec une si grande humilité et tant de douces remontrances si pleines de respect et de raison, que les petits [princes] ne sauraient s'en fâcher, et sont contraints d'avouer qu'ils sont grandement obligés et [574] redevables à leur amitié et à leur soin. Faisons ainsi, ma fille, si nous voulons que nos corrections et mortifications nous profitent. Or, jamais il n'en faut faire qu'on ne voie probablement l'espérance qu'elle sera bien reçue. Je vous prie, rendez-vous aussi affable et suave envers les séculiers, quoique courte, avec discrétion. Loué soit Dieu puisque tout va en s'amendant.

Si c'est par un vrai recueillement qu'on est abstrait, je ne voudrais nullement conseiller de le divertir, ni n'en faut point faire la guerre ; mais je trouve bien bon de donner à telles filles (quand elles sont fortifiées en leur recueillement) quelque charge, afin de rendre leur retraite intérieure plus solide. Je ne voudrais point souffrir d'affectation ni de mystère et trop de contrainte, mais je voudrais corriger cela doucement.

Voilà un joli nombre, Dieu soit béni. Ce que vous me marquez de la compagne de notre Sœur A.-B. ne sont pas des choses de grande importance ; néanmoins, je trouverais à propos de lui dire que la Congrégation désire qu'elle s'amende de cela, et qu'on l'en avertît maternellement, afin qu'elle se fasse force avant le bout de son noviciat. Mais si elle témoigne une bonne volonté de s'amender, je ne voudrais point la renvoyer pour cela, ayant tant de bonnes qualités en son esprit. Qui est cette Sœur Anne-Bénigne[372] ?

Payez-vous le principal des trois mille livres ? mon Dieu, que j'en serais aise. N'appréhendez point la nécessité, Dieu vous assistera. Avertissez les Sœurs de Moulins ; elles vous donneront quelque adresse pour recevoir votre argent. Mandez-moi si vous croyez que notre Sœur H.-M. puisse profiter avec vous. Oui, nous en ramènerons à Moulins, mais il n'en faut rien dire. J'ai été assez malade, je me porte bien maintenant, mais [575] notre chère Sœur l'assistante est toujours fort mal dès trois semaines et demie.

Priez, et faites fort prier, je vous prie. Je salue toutes nos Sœurs et M. Piochon. Adieu, mon enfant, vous savez ce que je vous suis. Dieu soit béni.

Conforme à une copie gardée à la Visitation du Mans.

LETTRE CCCXLVIII - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Charité et humilité envers la communauté de Moulins. — Il n'est pas permis aux Sœurs de demander à changer de monastère.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 25 septembre 1621.

Ma très-chère Sœur,

Le désir que vous me témoignez que je vous réponde promptement, me fait employer cette occasion par laquelle j'ai peu de loisir, et aussi ai-je peu à vous dire, sinon confesser mon imperfection qui me donne sujet de vous demander pardon. Je suis fort obligée à nos chères Sœurs, et certes, je n'ai jamais douté de leur affection à laquelle j'ai une très-entière confiance ; mais je voudrais bien que ce n'eût point été pour mon respect qu'elles consentissent qu'en cette occasion la justice ne leur soit point rendue ; car, si la justice était de leur côté, elles eussent fait un bon sacrifice à Dieu de la quitter, ou pour mieux dire, de la convertir en la douceur de la charité pour la charité même. Or bien, je crois que Notre-Seigneur bénira la douceur de leur consentement.

Je laisse entièrement à votre prudence et jugement l'élection des officières avec l'avis de vos conseillères ; car vous connaissez mieux les filles que je ne puis faire. De même, [576] devez-vous disposer de notre Sœur M.-Marguerite d'Épineul, de l'exemple de laquelle les autres doivent savoir qu'il n'est pas licite aux filles de demander à changer, ni expédient aux monastères de leur concéder, cela tirerait à trop grande conséquence ; mais les Supérieurs doivent seuls juger et disposer de tel changement, selon qu'ils voient être à propos. Sur l'occasion de la fondation de Riom, vous pouvez juger si elle fera mieux avec vous, qu'avec celle qui sera élue.

Je crois qu'il faut plutôt [se] contenter de douze cents écus pour mademoiselle D***, que d'en espérer deux mille par procès. Dieu nous garde de telle voie !

Vous avez bien fait de ne [pas] laisser entrer ces dames ; elles n'auront pas plus de crédit ailleurs, si les prélats ne commandent qu'après nous avoir ouïes. Bonjour, ma très-chère, nous allons vêtir une fille, notre parente. Dieu soit béni. Je suis entièrement vôtre.

[P. S.] Notre Sœur Louise-Antoinette me dit que le Père Suffren lui a conseillé de m'écrire qu'elle était travaillée d'une pensée qu'elle a besoin de changer d'air pour sa santé ; ne voilà-t-il pas une misère ?

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCXLIX - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Désir de remettre le gouvernement de la maison de Paris à la Sœur de Beaumont. — Préparatifs pour la fondation de Dijon où la Mère Favre est proposée comme Supérieure. — Troubles dans Paris. — Pieuse mort du comte de Fiesque.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 28 septembre 1621.

J'attendais nos pèlerins pour vous écrire ; mais, mon très-cher Père, ils sont trop longs à retourner, et je crains que [577] vous ne soyez en peine de nous, qui, grâce à Dieu, nous portons toujours mieux, au moins moi, à qui il ne reste qu'un peu de faiblesse de vue et de pâle figure ; de sorte, mon très-cher Père, que vous me verrez avec des besicles, quoique je n'en aie besoin que la nuit. Le bon Père Binet m'a donné les siennes. Il est tout joyeux de m'en voir servir ; cela m'avertit qu'il faut que je me hâte d'observer ma chère Règle pour en avoir la perfection, qui est la seule que je désire.

Notre pauvre Sœur l'assistante retomba en fièvre double tierce continue : elle nous fit peur un soir. Je pense que ce fut pour me faire faire la parfaite résignation ; ce que je fis, par la grâce de Dieu, fort tranquillement, étant prête d'acquiescer à tout ce bon plaisir divin. Maintenant, elle est tout à fait hors de fièvre et d'accès, et se remet doucement ; mais il lui faudra bien le mois qui vient avant qu'elle soit comme il faut pour prendre la charge que je lui remettrai, s'il plaît à Dieu, afin de la voir cheminer, et me reposer aussi pour être plus forte au voyage, et à ce qu'il vous plaira me commander, mon très-cher Père.

Madame de Boissieux vous aura, dit-on, écrit la disposition pour l'établissement de Dijon, dont ces bonnes âmes qui sont là se tiennent si assurées qu'elles préparent une maison et ce qui est requis pour recevoir les Religieuses. La bonne madame la duchesse de Bellegarde voudrait nous loger avec elle, et, pour cela, souhaite que M. son mari ne soit pas à Dijon quand les Religieuses y arriveront. Enfin, elle témoigne une grande affection et désir que j'y aille pour le commencement ; ce que je vous dis simplement, mon très-cher Père, afin que vous m'ordonniez ce qu'il vous plaira. Je crois que la grande fille sera fort propre là, attendant que Notre-Seigneur l'emploie ailleurs. Il lui faut seulement une bonne seconde. Il lui faut pour le moins cinq filles ; vous y penserez à loisir, mon très-cher Père. Nous aviserons avec vous comment on les fera venir [578] pour nous rencontrer toutes ensemble, si vous commandez que j'y aille. Certes, si vous y employez notre Sœur de Montferrand, j'y servirai de peu, si ce n'est un peu à elle.

Tout va de bien en mieux en nos maisons de deçà, grâce à Dieu ; elles se promettent merveille de notre passage. Dieu me rende digne et propre à les servir selon sa sainte volonté ! J'en ai un grand désir.

Notre chère fille, madame de Port-Royal,[373] a été vivement combattue par M. Duval et M. le curé de Saint-Merry, mais non pas vaincue. Ils devaient aujourd'hui venir ici pour m'en parler. Ils sont toujours sur cette assemblée ; j'ai bien envie que le Révérend Père Binet la voie. Je crois qu'elle le mettra de son côté, et si cela est, avec ce qu'elle a déjà, la bonne Mère sera vaincue. Il devait aujourd'hui venir ici pour m'en parler, mais il est retenu par cette dangereuse et chaude émotion qui est parmi le menu peuple de cette ville, qui tuait hier à tort et à travers ce qui lui résistait. La mort de M. du Maine[374] les a tellement animés contre les huguenots, que messieurs de la ville ont grand'peine d'en empêcher le massacre. Vous savez qu'en telles occasions le bon pâtit souvent pour le mauvais. Hier, ils brûlèrent le temple de Charenton et plusieurs maisons ; les écoliers s'en mêlent. Enfin, tous les gens de bien sont en grande peine. Dieu, par sa bonté, y mette sa bonne main ! J'espère, avec sa grâce, que le plus fort est fait ; il y a longtemps que cela se couve. Si le Roi entre dans Montfaucon, comme on l'espère, dans la fin de ce mois, cela amortira tout ; c'est pitié que telle affaire !

Hélas ! mais mon très-cher Père, notre pauvre M. de [579] Saint-Jacques mourut mardi ; certes, cela nous a bien touchées. Dieu nous veuille bien pourvoir ! M. Le Blanc, l'un des grands-vicaires, est un fort bon homme et qui témoigne de l'affection ; peut-être le demanderons-nous.

Le pauvre M. le comte de Fiesque a été tué ; il est mort comme un saint, et madame de Guise me disait l'autre jour que M. son mari lui avait écrit qu'après qu'il fut passé, chacun s'efforçait de lui baiser les pieds, les mains, lui couper sa chemise et avoir quelque chose qui eût touché son corps. Voilà comme Notre-Seigneur honore les bons. Peu de jours avant sa mort, sa chère veuve m'avait écrit et conjurée de la remettre entre les mains de Dieu et tout ce qui lui appartenait, pour en disposer selon sa sainte volonté, Dieu la disposant ainsi doucement par cette détermination ; on l'attend ici. Cette pauvre veuve a un désir si extrême de se remettre entièrement à votre conduite qu'il ne se peut dire. Je verrai si elle pourra se déclarer par lettres et par mon entremise, car elle m'a grande confiance. Elle croit qu'il n'y a personne pour sa conduite que notre esprit ; c'est une âme digne d'être servie.

Je reçus l'autre jour votre chère lettre, mon très-cher Père, que vous m'écrivîtes par la voie de M. de Ballon ; de toutes saisons, elles me sont extrêmement bonnes. Ce petit mot de votre cœur a grandement consolé celui-ci. Oh ! combien je le relus !

Loué soit notre grand Dieu qui nous rendra toujours plus parfaitement siens 1 Et béni soit-il aussi pour la continuation du petit Office, comme il est marqué au Directoire. Je crois qu'il ne faudra rien changer, que nous ne soyons auprès de vous, mon très-cher Père ; car, puisque les évêques ont ce pouvoir de dresser les Offices, pourquoi ne conserverions-nous [pas] le nôtre ? J'espère, mon vrai Père, que Notre-Seigneur confirmera tellement ce pauvre petit Institut, et rendra les filles si exactes à l'observance, que jamais rien ne s'y ébranlera ni [580] changera ; c'est toute mon ambition et mon désir, et ne saurais recommander que cela.

La chère petite commère n'est pas ici ; la plupart sont aux champs. Notre madame de Ville-Savin est toujours meilleure et incomparable en son amour ; elle parle de vous avec une suavité toute sucrée, et vous salue très-chèrement.

La petite Sœur de Villeneuve[375] se porte mieux. Mon Dieu, que ce sont des esprits bien faits que ces deux Sœurs ! Cela est si parfaitement à nous que rien plus.

Voilà la pauvre Sœur assistante qui vous écrit, je ne sais pas quoi, ç'a été à mon insu ; j'eusse fait difficulté de lui permettre encore. C'est une âme toute vertueuse, une règle vivante ; certes, voici de bonnes âmes.

Mon Père, je salue très-chèrement Mgr de Chalcédoine, messieurs nos très-chers frères de Thorens[376] et !e chevalier,[377] nos Sœurs bien-aimées, mesdames de la Fléchère, Charmoisy et la présidente [Favre de la Valbonne] et les autres amies, s'il vous plaît, mon très-cher Père. Dieu seul soit l'éternel et unique amour de votre cœur. Amen.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [581]

LETTRE CCCL (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Les filles de la Visitation doivent aimer le mépris et s'estimer les moindres Religieuses qui soient en l'Église, — Ne point chercher de perfection hors de la parfaite observance.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 28 septembre 1621.

Dieu soit béni, ma très-chère fille, vous voilà donc déchargée de cette pauvre fille, Qu'importe si l'on parle un peu contre vous ! N'est-ce pas le dessein de Notre-Seigneur que nous soyons les plus petites et humbles Religieuses de son Eglise, et qui nous peut mieux servir à cela que les mépris et censures ? O ma fille, rien ne nous doit être plus cher que cela, n'est-ce pas notre esprit ? Pour Dieu, inculquez-le dans le cœur de vos filles avec la parfaite et ponctuelle observance. Ne cherchons point d'autre perfection, n'étendons pas nos désirs ailleurs, mais, je vous prie, ne laissons pas un iota qui ne soit en pratique.

Or sus, demeurez en paix et ne regrettez rien sur le prompt départ de notre M. Vincent ; il faut être souple à toutes les volontés et permissions de Dieu. Il faut toujours rendre tout honneur à notre Sœur [de Montferrand] et lui mander quelquefois comme tout va à la maison. Je crois que nous l'amènerons à Dijon. Elle m'a écrit que la Supérieure prétendue était fort étonnée aux charges et qu'elle avait besoin d'une bonne seconde. Je le crois ; voyez si vous pouvez lui en envoyer une.

Conforme à l'original gardé aux Archives de ]a Visitation d'Annecy. [582]

LETTRE CCCLI (Inédite) - À M. MICHEL FAVRE

CONFESSEUR DE SAINT FRANÇOIS DE SALES ET DES RELIGIEUSES DE M VISITATION D’ANNECY.

Félicitations sur son retour de Rome. — Désir d'obtenir des indulgences en faveur des séculiers.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Vous êtes donc le très-bien revenu, mon bon et cher Père, et loué soit Dieu du bon succès de votre voyage. Il faudra donc attendre en patience la grâce que Notre-Seigneur nous voudra faire pour l'Office. Nous acceptons pour cinquante chapelets l'offre que vous nous faites de vos Indulgences, et vous en remercions de tout notre cœur. Plût à Dieu que vous nous eussiez apporté des Indulgences pour notre fête, au profit des séculiers. Notre-Seigneur nous concédera un jour, s'il lui plaît, tout ce qui nous sera nécessaire. Cependant, faites-moi ce bien, de resaluer, s'il vous plaît, ces bons Pères qui ont souvenance de nous. J'aurais une confiance entière de vous voir au retour de ces bons voyageurs, n'était que je m'imagine que M. Crichant s'en va chargé de persuasions vers Monseigneur pour nous faire arrêter ici l'hiver ; c'est pourquoi je tiens mon espérance rangée et soumise au bon vouloir de Dieu, afin de recevoir tout paisiblement ce que Monseigneur me renverra et commandera. En tout cas, il ne faut nullement dire qu'où ne me renverra pas par deçà, car l'espérance et la croyance que l'on y a de mon retour, accoise tout à fait la fantaisie du monde ; que s'il croyait autrement, il y a de l'apparence que cela nuirait ; car voici un étrange monde, mais en trois mois on n'y pensera plus.

Mon cher Père, je suis toujours vôtre en Notre-Seigneur. Qu'il soit béni !

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy. [583]

LETTRE CCCLII (Inédite) - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Prudence à garder pour son départ de Montferrand. — La Sainte prolonge son séjour à Paris. — Il ne faut pas confier à une jeune Religieuse la charge de maîtresse des novices.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, novembre 1621.]

Je serais bien marrie si mes lettres étaient perdues, ma très-chère fille, car pour le moins je vous ai écrit deux fois et fait réponse à tout, et vous ai mandé ce que l'on espérait de la fondation de Dijon ; que si elle réussit, je crois qu'il vous faudra quitter Montferrand ; mais je crois qu'il se faut bien garder d'en parler, craignant que ces messieurs de Montferrand ne fassent difficulté de vous laisser sortir pour cela, et crois qu'il faudra toujours faire parler M. votre père ; mais pour cela nous vous avertirons à point, si les affaires le requièrent.

Pour moi, je pense que je suis encore ici pour trois mois, pour contenter l'opinion du monde et notre chère Sœur H.-Angélique (celle qui a donné ces quinze mille écus pour la fondation), qui a un désir incroyable que je la fasse professe avant mon départ. On en a écrit derechef à Monseigneur ; je crois qu'il acquiescera, autrement je crois bien qu'il y aurait du mécontentement de la part de messieurs ses parents, outre le sien. Or, je ne fais pourtant plus rien ici, car je remis lundi le gouvernement à notre Sœur l'assistante, quoique l'on n'ait pas voulu que ce soit avec titre de Supérieure pour encore ; mais cependant elle s'introduira aux affaires et connaissances, et je serai bien aise de la voir cheminer. Tout va bien ici, grâce à Dieu, et la maison est en grande estime.

Je crois que difficilement permettra-t-on à Lyon de sortir la petite Sœur novice, ni M.-Claire ; néanmoins j'en parlerai à [584] M. de Maussac, qui est ici. Mgr de Lyon s'en alla l'autre jour. Je vous avais écrit, ce me semble, que notre Sœur N***, de Bourges, était devenue une fort brave fille. Mgr de Bourges me disait encore l'autre jour mille biens d'elle, et entre autres, qu'elle attirait le cœur de tous ceux qui la voyaient ; et je sais que de très-braves filles, qui sont dans votre maison, ont été fort attirées par elle. Voyez si elle pourra servir, car je vous ai mandé que la petite [Sœur Marie-Michel] des Roches était trop jeune pour être directrice, encore qu'elle en fût capable, il ne le faut pas faire pour l'édification.

Adieu et bonjour, ma très-chère grande fille, et à toutes vos chères filles, que je salue très-cordialement. Monseigneur m'a écrit qu'à mon retour je passasse à Montferrand ; cela servira-t-il à quelque chose ? car il faudra bien se détourner ; mais rien n'est difficile, ains tout est facile pour servir Dieu et voir nos Sœurs, que j'aime toutes très-chèrement. Ma fille, je suis vôtre sans réserve.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Reims.

LETTRE CCCLIII (Inédite) - À LA MÈRE CLAUDE-AGNÈS JOLY DE LA ROCHE

SUPÉRIEURE À ORLÉANS

Taire les imperfections du prochain. — Les aspirantes à la vie religieuse doivent avant leur entrée être examinées par la Supérieure et quelques Sœurs. — Ne rien changer dans la façon des habits. — Quand les prétendantes peuvent aller au parloir.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 5 novembre 1621.

J'en serais bien marrie, ma très-chère fille, si la lettre que je vous ai écrite avant le départ de M. de Boissieux était perdue. Il s'en est beaucoup perdu d'autres, à ce que je vois par les vôtres. Bien, patience, il les faut mieux adresser. Je me souviens [585] de vous dire qu'il ne faut jamais rien dire qui fasse entendre les imperfections de nos Sœurs, sinon quand la nécessité ou utilité de la maison le requiert, et alors il le faut faire avec grande charité et considération. Non, il ne faut pas laisser entrer les prétendantes qu'elles ne soient bien reconnues, et que la Supérieure et quelques-unes des principales Sœurs ne les aient jugées propres pour l'Institut. Mon Dieu ! [plusieurs mots illisibles], nous devons prier et considérer avant que recevoir les filles.

Si l'on n'eût été sur le raccommodage des robes, vous eussiez sans doute mal fait d'en changer la façon ; car, jamais il ne faut toucher cette corde-là, de changer, ajouter ni diminuer rien des coutumes.

Passé les premiers huit jours, il faut empêcher les prétendantes d'aller au parloir, sinon pour les tout proches parents.

J'ai reçu toutes vos lettres pour cette fille. Je vous dis derechef, conférez-en avec le Révérend Père Binet, que je salue très-humblement, après avoir pris le sentiment des Sœurs, et faites, au nom de Dieu, ce qui semblera le mieux, ayant préalablement prié pour cela et fait une communion. — Ces ris me déplaisent, et même ne semblent nullement l'esprit de Dieu. Il faut travailler encore quelque temps autour de ces filles légères et peu dévotes, parce qu'elles sont jeunes, leur faisant entendre qu'il n'y aura point d'habit pour elles qu'elles ne s'en rendent capables.

Je parlerai comme il faut à M. Osmon. Je ne l'ai su faire encore, tant à cause des fêtes [qu'à cause] que j'ai un peu traînassé et me suis purgée, dont je me porte bien, Dieu merci. Il ne faut pas mécontenter madame la comtesse de Saint-Pol.[378] Je m'assure qu'elle ne mettra pas cette fille à la charge de la maison. Il le faut bien faire entendre à M. de Boissieux, voire, [586] même pour elle et pour sa fille, car il n'est nullement raisonnable qu'elles soient là deux personnes, si elles ne payent pension ; il le lui faut dire cordialement.

Monseigneur se porte bien, grâce à Dieu ; il est toujours en espérance de venir ici, dont je serai grandement consolée.

Donnez ce billet à M. de Boissieux. Je salue chèrement toutes nos Sœurs, mais surtout nos pauvres professes, que j'aime de tout mon cœur, et notre Sœur E.-Marie. Mais vous ne me dites point si la petite Sœur B.-Françoise... [mots illisibles]. Dieu nous bénisse toutes, ma très-chère fille. Vous savez bien que je suis vôtre sans réserve.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Rennes.

LETTRE CCCLIV - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

L'abbesse de Port-Royal désire entrer à la Visitation. — Estime de Mgr de Nantes pour saint François de Sales. — La communauté doit-elle se servir de cuillers d'argent ?

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Mon très-cher Seigneur et unique Père,

Que faites-vous et que fait-on en notre pauvre petit pays ? J'avoue que j'en suis bien en peine, et quelquefois il m'en prend d'étranges émotions. Notre bon Dieu vous conserve et réduise ses ennemis sous l'obéissance de sa divine volonté.

Voilà des lettres de cette chère fille de Port-Royal : véritablement elle est digne de compassion ; car ses désirs croissent parmi les contradictions, si entièrement qu'il ne se peut dire. Enfin, qu'on lui dise ce qu'on voudra, et que l'on fasse tel jugement qu'il plaira, cela ne sera que de l'huile jetée sur le feu de son ardent désir ; et s'il la faut faire départir de cette prétention, il n'y a que vous seul qui puissiez le faire ; car (comme [587] elle m'écrit encore), à votre seule parole elle quittera tout avec une entière paix ; mais tout le monde ensemble ne saurait faire cela. Elle me dit encore que, pour je ne sais quoi au delà de tout ce qu'elle peut penser, elle sent que Dieu l'appelle à la Visitation. J'ai ce même sentiment ; mais, pour Dieu, mon vrai Père, dites-moi franchement si c'est le vôtre ; car, pourvu que vous nous parliez bien clair, comme ayant seul l'autorité de le faire, puisque sans réserve elle s'est remise à vous, j'espère que l'on amènera tous les autres là. Dites-moi seulement si vous pense ? que ce soit la volonté de Dieu qu'elle sorte de là ; car pour les difficultés je n'en fais point d'état. On l'assure, et Mgr de Nantes me disait encore hier que ses vœux sont nuls ; elle peut donc en sortir en conscience. Il ne reste à savoir, sinon s'il sera plus utile à la gloire de Dieu qu'elle demeure là, contre tous ses sentiments et attraits intérieurs, et la croyance ferme qu'elle a de la nécessité du secours de l'obéissance (qui est ce que je trouve de plus important pour elle, et le plus considérable), ou qu'elle vienne ici où il y a mille apparences de profit particulier pour elle. Je ne me saurais tenir d'ajouter que Dieu lui ayant donné si fort l'esprit de cet Institut, je crois que c'est pour en tirer sa gloire au service de tout l'Institut. Même il a fallu contenter mon cœur à vous dire tout son sentiment encore cette fois ; et je vous supplie, mon vrai Père, que le plus tôt qu'il vous sera possible, l'on ait de vos nouvelles là-dessus.

Le très-bon Mgr de Nantes aime cet Institut parfaitement ; mais de vous, je n'oserais écrire ce qu'il en dit ; c'est sa douceur et ses délices que de parler de vous et de vous considérer, mais il le fait avec admiration. Il me témoigna un déplaisir de s'en aller sans vous avoir vu, et de n'avoir profité du temps, quand vous étiez ici la dernière fois ; mais en tout cela, il n'y a que de sa faute et manquement de se déterminer ; c'est une âme sainte et innocente.

Cette ville est toujours grandement affligée par les [588] continuelles pertes qui arrivent tous les jours des meilleurs, des plus braves et des plus gens de bien qu'elle eût, et de toutes condition : on ne voit que deuil. De crainte qu'on ne brûle la ville, ils mettent le meilleur ordre qu'ils peuvent, et l'on fait garde générale et continuelle en tous les quartiers ; et pour cela, l'on fait force prières partout, et j'espère que Dieu détournera ce malheur.

Je vous écris si empressement que je n'ai pas le loisir de penser à ce que j'avais à vous dire ; il me vient seulement en mémoire de vous demander si vous entendez que l'on se serve de cuillers d'argent à la communauté, ou si c'est seulement pour les malades ; car je le comprends ainsi, que ce n'est que pour l'infirmerie. Mon unique Père, Dieu comble votre chère âme et la mienne de son très-saint amour. Hé mon Dieu ! qu'il y a longtemps que vous ne m'en avez rien dit, de cette chère âme ! Je m'en vais, la semaine prochaine, revoir celle que vous avez ici : Notre-Seigneur en ait pitié, et me donne lumière et force pour le servir plus fidèlement et utilement. Je salue très-humblement Mgr de Chalcédoine, nos bonnes amies, que vous connaissez partout, et nos pauvres Sœurs. Mon très-cher Seigneur, vous savez ce que je vous suis, par la grâce de Dieu. Qu'il soit éternellement béni. Amen.

Conforme à une copie de I'original gardé au premier monastère de la Visitation de Madrid. [589]

LETTRE CCCLV (Inédite) - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Il ne faut pas recevoir facilement les Religieuses professes d'un autre Ordre. — Les officières qui s'attacheraient à leur emploi doivent être changées.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 7 décembre 1621.

Je n'ai point encore vu ceux qui ont apporté votre lettre, car ils vinrent pendant le sermon ; et je ne me souviens point, ma très-chère fille, qui est cette madame Desmoulins, mais je la salue très-chèrement ; ayant les conditions que vous me marquez, je l'honore de tout mon cœur.

Il est vrai, j'ai vu la lettre de cette bonne Religieuse ; elle ne peut entrer parmi nous, qu'avec dispense du Pape, et parce qu'elle a longtemps vécu dans une autre Religion [Ordre], elle en doit être davantage considérée ; car bien souvent on a grand'peine à changer ses habitudes et manières de vie Or, elle ne pourrait être reçue en cette ville parce que notre maison est pleine, et avons une quantité de filles qui prétendent. Certes, si j'avais le loisir, j'écrirais de tout mon cœur à votre cher Père, M. de Saint-Nizier, car je l'honore de toute mon affection et c'est un vrai serviteur de Dieu et auquel nous devons grandement.

Non, ma fille, je n'ai point parlé de vos affaires à Mgr l'archevêque, c'est un prélat qui ne donne pas toujours confiance ; mais Dieu vous aidera, et, si vous m'en croyez, vous vous con-tenterez de parler de vos affaires avec le très-bon M. de Saint-Nizier, sinon aux occasions qui renvoient à l'évêque. Laissez faire cette bonne madame de Boissieux, puisqu'elle ne vous veut pas croire ; car n'ayant pas des sujets capables pour le dessein, ainsi que m'a dit M. de Maussac, à quoi servirait notre entremise ? Je crois, Dieu aidant, partir d'ici environ le [590] commencement du carême, car jusque-là il faut patienter. Je crois que votre Sœur Anne-Louise de Villars fera prou, si on la veut donner pour Montferrand.

Qui en doute, ma très-chère fille, qu'il ne faille changer les officières, surtout quand on les voit attachées à leur charge ; oh ! il ne faut nullement nourrir ces faiblesses, tendretés, ni attaches. Je loue Dieu avec admiration de la souplesse des filles de cette maison. Croyez que je ne les nourris nullement tendrement, aussi on les tourne à toutes mains comme on veut. Écrivez hardiment et confidemment à M. Vincent. Adieu, ma fille, Dieu vous bénisse et votre chère troupe. Il soit à jamais béni. Amen.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLVI - À SAINT FRANÇOIS DE SALES

Affaires de la fondation de Dijon. — La Sainte tire copie des lettres de direction qu'écrit son Bienheureux Père. — Difficultés qui empêchent madame de Port-Royal de quitter son abbaye. — On demande l'établissement d'une Congrégation d'hommes à l'instar de la Visitation. — Questions concernant l'entrée des postulantes.

VIVE † JÉSUS !

[Paris], 7 décembre 1621.

Mon très-cher Père,

Le saint nom de Dieu soit béni de tout et particulièrement de ce qu'il plaît à sa bonté vous tenir en santé !

J'ai reçu votre chère lettre par M. de la Pesse, lequel je n'ai point revu depuis. Il n'y a encore rien d'achevé à Dijon, quoique les dernières lettres disent que l'on croit que tout sera résolu dans huit jours. Madame de Boissieux leur a écrit que vous vouliez envoyer notre Sœur [Marie-Jacqueline] Favre, parce que je ne pouvais bouger d'ici. Cela a bien fait du bruit, [591] mais notre cher archevêque apaisera cela. Si nous y allons, je ménagerai bien, Dieu aidant, votre avis, mon très-cher Père.

Pour ce qui regarde M. le premier président, mon Dieu ! qu'est-ce que de l'esprit humain ? Notre Mgr de Bourges s'attend bien que vous lui écrirez, mon très-cher Père, pour savoir de vous-même votre sentiment sur son changement de lieu. Si vous le pouvez, donnez-lui, je vous supplie, cette consolation et à Mgr de Langres aussi, lequel est si bon et vous honore avec tant de sincérité et d'amour.

Vous ne me faites mention, mon très-cher Père, que de l'entrée des femmes désolées. Mais celles qui voudraient un peu de retraite, pour préparer ou avancer leur âme au salut éternel, ne pourraient-elles pas l'avoir ? Il est vrai, il faut que le Directoire des réceptions soit à part. Nous ferons bien faire cela, Dieu aidant. Je ne sais si l'on m'apportera une Règle reliée pour vous l'envoyer, car il m'en tarde, mon très-cher Père.

La petite nièce de M. Duret n'est point goûtée des Sœurs, son retardement a été par mon conseil, et j'ai cordialement pensé, qu'infailliblement, si on l'eût prise plus tôt, elle eût été renvoyée. Je leur ai offert que nous la recevrions dans six mois ; trois sont passés. Ils ont tort de craindre de notre part ; car, comme je leur ai toujours dit, ils se doivent confier à ce que nous devons à votre recommandation, mon très-cher Père. Elle sera donc reçue infailliblement ; mais je ne sais si elle persévérera, car elle est stupide, et a peu de vocation, si Dieu avec l'âge ne la lui accroît ; et c'est la cause pourquoi je leur ai conseillé de la retarder.

Je n'ai garde de partir d'ici, mon très-cher Père, que je n'aie, si je peux, des copies de toutes les lettres que vous y avez écrites, qui sont d'instruction. La bonne madame Boudeau ne demeurait plus sur le Pont quand il fut brûlé ; de sorte qu'elle n'a point de part en cette affliction ; mais elle a été fort [592] malade de la fièvre pourpreuse qu'elle prit aux galériens avec notre pauvre Sœur de Gouffier. Je lui ai fait savoir votre soin paternel, mon très-cher Père.

Le Père Binet a très-bien reçu votre lettre, laquelle il m'envoya pour la voir, avec recommandation de la lui renvoyer bien promptement, ce que je fis ; car j'en avais déjà pris une copie. Il avait aussi revu notre chère madame de Port-Royal ; il est tout pour elle, et lui a promis de lui gagner les autres Pères. Je crains que son affaire à Rome ne soit empêchée de céans, mais je ne doute nullement que Dieu ne la lui fasse obtenir ; car tant de serviteurs de Dieu approuvent son dessein. Je crois que la bonne Mère et M. d'Andilly se laisseront aller, car déjà ils penchent, et M. son frère peut bien fort l'aider. Je lui ai conseillé de se servir de cette voie. Il a pensé mourir à l'armée, mais il est tout guéri, et la bonne mademoiselle Le Maistre, Dieu merci. Celui qui est à Rome leur a obtenu une licence perpétuelle pour entrer céans, tous les quinze jours une fois. Certes, ce sera à condition qu'elles attendront que la chère fille y soit, car si cela ne sert de prétexte, il y aurait de grands mécontentements en plusieurs de nos amies qui désirent le même, et conséquence à grande gêne dans Paris.

Il faudra donc, mon très-cher Père, donner le voile noir à cette chère Angélique [Lhuillier] qui le désire tant ; mais, au partir de là, je vous supplie très-humblement ne plus rien remettre à mon jugement, sinon toutefois qu'il vous plaise, car enfin c'est toujours obéir, et cette façon est meilleure, puisque j'y ai une très-grande aversion, et une suavité incomparable quand vous me commandez franchement. Mon Dieu ! s'il se peut, donnez-moi cette consolation, mon très-cher Père, pour le temps du départ d'ici. Notre fille fera la sainte profession le 12 février comme nous espérons ; après cela, il me semble qu'il n'y aura plus rien de légitime pour m'arrêter. Oh ! je prie Dieu me faire cette grâce et cet honneur, que sa [593] très-sainte volonté me soit toujours signifiée par vous, mon très-cher Père, et qu'elle soit toujours suivie et servie. Je le veux et le désire de tout mon cœur, sans réserve, ni sans si...

Or, voici le principal que j'ai à vous dire, mon très-cher Père : vous avez souvenance que feu notre pauvre Sœur de Gouffier vous écrivit de la part de M. Jocelin, lequel me vint derechef prier dernièrement de savoir de vous s'il n'y aurait moyen que vous voulussiez établir une Congrégation d'hommes, tout ainsi qu'est la nôtre ; que pour cela, il y a quantité de bons sujets ici et des commodités temporelles très-suffisantes. Ils voudraient observer nos mêmes Règles et Constitutions, et être Religieux. Je lui dis que je croyais que volontiers vous vous emploieriez à cela, mon très-cher Père ; mais que la grande difficulté était de votre éloignement, parce que le plus grand profit et utilité était de prendre votre esprit. Je n'osai pas, si j'ai mémoire, lui dire qu'il faudrait que vous vinssiez ici, ne sachant si vous le trouveriez bon ; mais je proposai que l'on vous envoyât des hommes les mieux disposés pour être dressés. Il me dit que plutôt il faudrait quelqu'un de votre part, qui eût été élevé avec vous, qui fut capable de gouverner les autres. Il me pria instamment de vous faire cette proposition, et je crois qu'il est un de ceux qui voudraient s'embarquer, car il est veuf depuis environ six mois. Or, si vous trouvez cette proposition recevable, vous me manderez, s'il vous plaît, mon très-cher Père, quoi et comment il faudrait s'acheminer, et tout ce qu'il vous plaira que je réponde. Je pense qu'avant de s'assembler il faudrait avoir des licences. Si cette pensée est de Dieu, il conduira tout.

Vous savez que le Père Arnoux n'est plus auprès du Roi[379] ; M. de Luynes y a fait aller en grande diligence le Père Séguiran, Jésuite. [594]

Mon très-cher Père, dites-moi, je vous supplie, si cette entrée des filles, dont vous parlez au premier chapitre de leur réception, doit être seulement pour les considérer avant que de leur donner assurance de leur réception, puis les remettre dehors jusqu'à ce que la Supérieure ait résolu, avec l'avis du Supérieur et des Sœurs, de son entrée finale. Je trouverais cela bon ainsi ; mais je désire savoir si vous l'entendez de cette sorte, d'autant qu'on les peut prendre pour ne les plus renvoyer, et cependant on les connaîtrait mieux en deux ou trois jours de séjour en la maison, qu'en trois mois au parloir. Dites-moi aussi, s'il vous plaît, s'il faut licence pour les faire entrer la première fois, voire, quand c'est pour les garder ; car bien souvent, ici, l'on ne peut parler de la réception des filles avec les Supérieurs ; et s'il faut licence pour faire entrer les Sœurs tourières, puisque la Règle l'ordonne.

Pardonnez-moi, mon très-cher Père, mais ne me répondez que par la main de M. Michel, quoiqu'il me tarde fort que je sache un peu des nouvelles de votre cher cœur. La très-sainte Vierge y fasse sa sainte conception et l'Enfant Jésus sa naissance. Amen. Très-cher Père, il me semble que tout cela est fait par la grâce infinie de ce doux Sauveur, que je supplie d'accroître en votre chère âme et la mienne, l'abondance de toutes bénédictions. Bonjour, mon très-cher Père. Veille de votre sacre. Dieu soit béni ! Amen.

[P. S.] Permettez-moi de saluer très-humblement Mgr de Chalcédoine, madame la présidente et ma très-chère sœur de Charmoisy, toutes nos dames, s'il vous plaît, mon très-cher Père.

Mon très-cher Père, je n'ai pu avoir la Règle ; elle n'est pas achevée de relier. Je crains qu'en l'attendant, le messager ne parte.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Dijon. [595]

LETTRE CCCLVII - À MADAME DE LA FLÉCHÈRE

À RUMILLY

Avantages des souffrances inconnues aux créatures. — Estime de la haute perfection de saint François de Sales. — Maternelles confidences.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621].

Madame,

Je prie Dieu qu'il soit toujours la force, l'amour et l'espérance de votre âme, que la mienne chétive aime incomparablement. Ma toute bonne et chère Sœur, hé ! que vos lettres me consolent, quoique, certes, je ressente l'exercice que vous avez par ces poignantes et inconnues douleurs ; mais quel bonheur de souffrir quelque chose, que le seul œil de notre bon Dieu voie ! Ah ! que notre mal doit grandement relever notre courage, voyant le moyen d'union secrète aux douleurs de notre doux Maître, car combien en a-t-il souffertes que les hommes ni les Anges n'ont jamais connues ! Soulagez-vous de cette pensée au fort de votre peine, laquelle néanmoins vous ne devez celer (je crois que vous ne le faites pas), à notre Bienheureux Père ; nous le pouvons, ce me semble, nommer comme cela. Il y a ici un digne ecclésiastique qui le nomme ainsi : le vrai Père. Je crois, ma très-chère Sœur, que tous les jours davantage il vaque à la plus haute perfection. Heureux ceux qui voient les exemples de ses rares vertus, mais très-heureux ceux qui l'imiteront ! Dieu nous fasse la grâce d'être de ce nombre et que ma faiblesse ne m'en empêche point ; j'aurais de quoi me contenter, si je le suivais de cent pas.

Je suis bien aise de ce que votre bonne sœur a la consolation d'être retirée chez vous, et que votre fils est bon. Dieu lui fasse la grâce de persévérer et d'arracher la vanité du cœur de vos filles ! La mienne est assez portée à l'excès des dépenses, et il [596] est bien besoin qu'elle ait trouvé un bon et sage mari comme est le sien. Je m'essayerai, en la voyant, de la réduire moyennant la grâce de Dieu. Je la recommande à vos prières. Mon fils dépense aussi excessivement ; mais il est au reste brave, aimé et estimé en cette cour, où le roi lui a donné une charge fort honorable à son âge ; tout cela n'est que vent ! J'estime plus le souvenir que vous avez d'eux devant Dieu que ces grandeurs. Il est ici ; je veux dire toujours avec la cour, ou en sa garnison. J'ai confiance aux prières de notre très-cher Père pour leur salut, qui est tout ce que je leur désire.

Adieu, ma très-chère Sœur.

LETTRE CCCLVIII - À MADAME DE TOULONJON

SA FILLE

Obligation pour une jeune femme de réprimer ses fantaisies et son goût pour la toilette.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621].

Ma très-chère fille, voilà un habit tout complet des plus beaux et des plus riches qui se puissent faire. Si votre frère était bien riche, il eût fort désiré d'accomplir [acquitter] votre mémoire, mais il vous supplie de vous contenter de sa bonne volonté, puisqu'il ne peut davantage. Contentez-vous fort aisément d'un habit complet fort honnête comme celui-ci ; mais vous l'avez tant désiré que l'on a voulu vous contenter. M. de Toulonjon m'écrit que vous n'avez pas un seul habit que celui que vous portez ; je m'en étonne, parce que, depuis dix-sept mois, vous en avez quatre de soie et la robe de l'habit à fleurs, que vous m'aviez écrit que vous avez. Mais, ma chère Françon, que faut-il croire, je vous en prie ? Oh ! Dieu vous bénisse, ma fille, soyez contente et témoignez [597] que vous êtes fille de père et de mère qui ont toujours grandement été raisonnables, paisibles et constants en leur parfaite amitié : c'est ce que je vous désire.

Je suis pressée. Mille saluts à vos chers parents. N'attendez point votre frère, il ne peut y aller et je ne le veux pas ; vous avez mon neveu. Courage, ma fille, et n'ayez point de fantaisies ni de niaiseries d'enfance, vous attachant et vous troublant pour des riens. Dites et priez instamment M. de Toulonjon de me tenir prêt l'argent d'un habit. Je crois que les parties monteront à près de cinq cents livres ; je ne puis les avoir maintenant pour les donner ; ce sera aux premiers jours, car je ne voudrais nullement demeurer ici engagée. Je suis fort pressée. Dieu vous bénisse, ma très-chère Françon.

Conforme à une copie de l'original gardé à la Visitation de Lyon.

LETTRE CCCLIX - À LA MÈRE JEANNE-CHARLOTTE DE BRÉCHARD

SUPÉRIEURE À MOULINS

Il faut exercer la supériorité avec un esprit de très-profonde humilité, et ne jamais recevoir un sujet dépourvu de la crainte de Dieu et de la souplesse de caractère.

vive jésus !

[Paris, 1621.]

Je suis touchée de votre touche ; mais il faut tout jeter au pied du crucifix, et me faut souffrir que je vous dise toujours (parlant en vérité à moi comme aux autres), qu'il faut exercer nos supériorités avec une très-profonde humilité, avec un esprit reposé, tranquille et non tranchant : voilà à quoi et vous et moi, ma très-chère fille, devons butter ; car, ne vous en déplaise, il y a longtemps que je crois que nous avons un peu le naturel conforme, quoique, en vérité, je dis que vous l'avez meilleur que moi. Avec cela, suivons nos Règles, et elles nous mèneront bien [598] loin et bien droit au ciel. Enfin, tant qu'il se pourra, il faut être indifférente et dépendre de la divine Providence, sans nous jamais troubler quand tout devrait renverser.

Ma très-chère fille, il nous faut être fermes pour n'admettre aucun esprit en qui l'on ne voie de la crainte de Dieu et de la souplesse. Dieu ne nous manquera pas quand nous ferons notre devoir avec pleine confiance en sa bonté. Cette fille de petit esprit, si elle est si bonne et qu'elle profite des enseignements, surtout si elle est obéissante, je la recevrais. (La copie porte ces mots : le reste a été coupé.)

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy.

LETTRE CCCLX - À LA MÈRE MARIE-JACQUELINE FAVRE

SUPÉRIEURE À MONTFERRAND

Conduite à tenir à l'égard d'une prétendante qui manque d'humilité et de mortification.

VIVE † JÉSUS !

[Paris. 1621.]

Dieu vous donnera son esprit, ma très-chère fille, et sera votre conseil pour le regard de cette bonne veuve. Mais, puisque vous désirez que je vous en dise mon sentiment, je prie Dieu qu'il me l'inspire.

Ma très-chère fille, il me vient [en l'esprit] que généralement nous ne devons point faire d'état de l'étonnement que nous reconnaîtrons aux âmes sur les difficultés de notre manière de vie. Certes, je ne sais personne si bien ferrée qui, voyant cette soumission et exactitude extérieure, n'en reçoive un peu d'ébranlement. Il faut que nous soyons fort adroites pour élargir les cœurs et leur donner un grand amour et estime des vertus, par le moyen desquelles nous imitons vraiment [599] notre doux Seigneur et Maître. Or, cette bonne veuve a, dites-vous, la volonté puissante et un grand soin de sa santé, et un esprit plein de raisons, et qui en veut savoir de toutes choses. O Dieu ! ma très-chère fille, elle a bien de la besogne ; c'est pourquoi, à mon avis, il la faut traiter par discours et essayer de la guérir, lui découvrant doucement ses maladies sans lui en donner de l'étonnement. Si vous m'en croyez, vous ne lui ferez pas connaître que cela vous dégoûte, ni qu'elle en doive entrer en découragement ; mais si, au contraire, elle reçoit bien la lumière que vous essayerez de lui donner, espérez de votre part, et lui faites espérer aussi en la bonté divine, que si elle entreprend de vouloir servir Dieu en vérité, par une parfaite observance de ces deux paroles de Notre-Seigneur : La douceur et humilité de cœur, qui sont répandues en toutes nos Règles, elle pourra [devenir] et deviendra une très-grande servante de Dieu et utile à sa gloire ; mais il faut qu'elle fasse une forte résolution, et qu'elle connaisse bien ses défauts, autrement elle serait troublée et troublerait la maison. Il vous la faut traiter fort cordialement, lui témoignant un grand désir et amour de son bien, et lui faisant goûter le bonheur des âmes humbles et soumises. Donnez-lui du temps suffisamment, et prenez l'avis du Père N... avec confiance.

Conforme à une copie gardée aux Archives de la Visitation d'Annecy. [600]

LETTRE CCCLXI - À LA SŒUR MARIE-AIMÉE DE BLONAY

ASSISTANTE-COMMISE À LYON

Décès de madame de Gouffier. — Les afflictions sont un effet de la divine miséricorde.

VIVE † JÉSUS !

[Paris, 1621.]

Ma très-chère fille,

Notre pauvre très-chère Sœur de Gouffier est allée à Dieu fort heureusement, après avoir souffert avec grande douceur, patience et résignation, une violente fièvre pourpreuse, l'espace de trois semaines. Priez, et faites faire les prières ordinaires des Sœurs pour le soulagement de cette chère âme, et en avertissez nos Sœurs de Valence. Certes, ma fille, cette mort a bien touché mon cœur ; mais voilà qui nous apprend à toujours mieux faire ce qui est de notre devoir envers Dieu.

Il n'y a remède, il faut souffrir doucement les contradictions des Supérieurs ; un jour, s'il plaît à Dieu, l'on pourra bien donner le voile noir à cette bonne Sœur N***. Je salue très-chèrement M. votre Supérieur, toutes nos Sœurs, et, à part, notre pauvre Sœur Jacqueline [-Élisabelh], laquelle je conjure derechef de tenir son âme en patience et en repos sous la volonté de Dieu, et qu'elle ne permette point à son pauvre esprit de discourir sur cet accident de sa fille,[380] ni penser qu'elle porte en ce mal le faix et la punition de ses péchés ; elle verra un [601] jour que cette affliction est un effet de la douce miséricorde de Dieu, qui fait souffrir cette âme innocente pour sa gloire, et le profit de ceux qui la servent pour Dieu. Qu'elle ne fasse point de chimère là-dessus, et qu'elle tienne son esprit soumis sans rechercher des raisons. Ma fille, je suis vôtre.

Conforme à l'original gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy.

FIN DU PREMIER VOLUME DE LA CORRESPONDANCE. [603]

TABLEAU DES PREMIÈRES RELIGIEUSES DE LA VISITATION.

Pour expliquer les contradictions qui existent entre quelques notes contenues dans ce volume et l'opinion de plusieurs écrivains, relativement au rang d'ancienneté assigné aux premières Religieuses de la Visitation, il a paru nécessaire de donner le tableau suivant, exactement conforme aux livres du Noviciat, du Chapitre et des Vœux. D'après ces trois livres, et d'autres Mémoires contemporains conservés au monastère d'Annecy, il ressort évidemment que les saints Fondateurs de l'Institut avaient coutume de faire dater l'ancienneté des premières Sœurs, non du jour de la vêture ou de la profession, mais de celui de l'entrée au monastère.[381] C'est en s'écartant de cet usage que divers historiens se sont fourvoyés. Il a été jugé opportun, dans la présente publication des Lettres de sainte Jeanne-Françoise, de suivre les coutumes primitives de l'Ordre.

 

LIVRE DU NOVICIAT.
prise d'habit.

LIVRE DES VOEUX.
profession.

Sainte Jeanne-Françoise de Chantal

6 juin 1610

6 juin 1611

Sœur Marie-Jacqueline Favre

6 juin 1610

6 juin 1611

Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard

6 juin 1610

6 juin 1611

Sœur Claude-Françoise Roget

22 juillet 1610

29 août 1611

Sœur Péronne-Marie de Chatel

26 juillet 1610

29 août 1611

Sœur Marie-Marguerite Milletot

14 août 1610

30 juillet 1612

Sœur Marie-Adrienne Fichet

6 janv. 1611

12 juin 1612

Sœur Claude-Marie Tiolier

6 juin 1611

12 juin 1612

Sœur Claude-Agnes Joly de la Roche

25 janv. 1612

10 févr. 1613

Sœur Marie-Aimée de Blonay

25 janv. 1612

10 févr. 1613

Sœur Marie-Marthe Legros

21 sept. 1612

29 sept. 1613

Sœur Marie-Avoye Humbert

11 sept. 1612

25 janv. 1614

Sœur Anne-Marie Rosset

27 sept. 1612

29 sept. 1613

Sœur Marie-Antoine Tiolier

21 nov. 1612

25 janv. 1614

Sœur Anne-Françoise Chardon

29 nov. 1612

25 janv. 1614

Sœur Marie-Madeleine de Mouxy

2 juillet 1614

27 déc. 1615

Sœur Françoise-Gabrielle Bally

2 juillet 1614

6 août 1615

Sœur Marie-Françoise de Livron

2 juillet 1614

24 mai 1616

Sœur Claude-Simplicienne Fardel

2 juillet 1614

6 août 1615

Sœur Paule-Jéronyme de Monthoux

27 déc. 1614

27 déc. 1615

[605]

TABLE DES MATIÈRES

Préface........................................................................................................... 2

I.......................................................................................................................... 2

II........................................................................................................................ 9

III..................................................................................................................... 16

Remarques.................................................................................................. 20

années de 1606 à 1615.

Lettre première. - À M. le chanoine de Sales. — Témoignage d'estime et d'affection pour la famille de Sales            22

Lettre de madame de Boisy à la baronne de Chantal. — La lettre de madame de Boisy, demandant que sa fille fût élevée auprès de madame de Chantal, mérite d'être reproduite ici, en souvenir de cette vénérée mère de- saint François de Sales        23

Lettre II. — À madame de Boisy. — Conclusion du mariage de Marie-Aimée de Chantal 24

Lettre III. — À saint François de Sales. — Ardeur de la Sainte à se sacrifier au divin amour par la profession religieuse..................................................................................................................... 24

Lettre IV. — Au même. — Souvenir du pèlerinage de 1604, à Saint-Claude          25

Lettre V. — À la Sœur C.-F. Roget, à Annecy. — Il faut servir le Seigneur avec un cœur libre et joyeux        26

Lettre VI. — À saint François de Sales. — Joie de savoir le Bienheureux Évêque occupé à la composition du Traité de l'amour de Dieu................................................................................................... 27

Lettre VII (Inédite). — À M. Legros, à Dijon. — Réception de mademoiselle Legros. — Assurance de religieuse estime.......................................................................................................................... 28

Lettre VIII. — Au duc de Savoie. — Remercîments à Son Altesse pour la bienveillance dont elle honore les Religieuses de la Visitation...................................................................................... 29

Lettre du duc de Savoie à sainte J.-F. de Chantal. — La Sainte avait demandé à Charles-Emmanuel que la duchesse de Mantoue, sa fille, fût protectrice de la Congrégation naissante. Bien que la lettre écrite pour ce sujet n'ait pas été conservée, les réponses des Souverains méritent d'être placées ici............................................ 30

[606]

Lettre de la SS. Infante Marguerite de Savoie, duchesse de Mantoue, à sainte J.-F. de Chantal           31

Lettre IX (Inédite).À saint François de Sales. — La Sainte s'excuse de n'avoir pas écrit une lettre. Réflexion sur la fête des Rois............................................................................................................... 32

Lettre X. — Au même. — Désirs d'aimer Dieu et d'accomplir sa volonté.              32

Lettre XI. — Au même. — Embarras suscités à propos de la construction du monastère  33

Lettre XII. — Au même. — Nouvelles contradictions........................ 34

Lettre XIII. — À madame d'Auxerre, fondatrice du monastère de la Visitation de Lyon. — Cordiale assurance pour le projet de la fondation de Lyon. — Avantages de la direction de saint François de Sales   35

Lettre XIV. — À M. le premier président de Savoie. — Affaire d'intérêts. — Annonce du départ de sa fille, Sœur Marie-Jacqueline....................................................................................................... 37

Lettre XV. — À saint François de Sales. —Épreuves de la Sainte ; son courage et son abandon   37

Lettre XVI. — Au même. — Demande de quelques papiers.............. 39

Lettre XVII. — Au même. — Envoi d'un rochet.................................. 39

Lettre XVIII. — Au même. — Elle lui recommande madame de Loisey 40

année 1615.

Lettre XIX. — Aux Sœurs du monastère de la Visitation d'Annecy. — Affectueux encouragements à observer la Règle............................................................................................................................ 41

Lettre XX. — À la Sœur J.-C. de Bréchard, à Annecy. — Souhaits ardents pour la perfection de ses filles. — Confiance sans bornes en la direction de saint François de Sales. —- Avis pour une confession générale. — Recommandation d'écrire les Entretiens faits à la communauté d'Annecy...................................... 42

Lettre XXI. — À la même. — Vertus particulières à l'Institut. — Sollicitude pour les intérêts du monastère et le soulagement des ouvriers........................................................................................ 44

Lettre XXII. — À la même. — Détails pour la construction de l'église. — Commissions diverses   45

Lettre XXIII. — À la Sœur M.-M. Milletot, à Annecy. — Exhortation à profiter des enseignements du B. Fondateur. — Abandon à la volonté de Dieu et a celle des Supérieurs............................... 47

Lettre XXIV. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. — Tendre affection pour la Sœur Rosset. — L'obéissance est préférable aux austérités volontaires. — Il faut suivre simplement la direction des Supérieurs          48

Lettre XXV. — À la Sœur J.-C. de Bréchard, à Annecy. — La Sainte désire voir ses filles progresser dans l'amour divin et la perfection des vertus. — Détails de construction............................. 49

Lettre XXVI. — À la même.Avis relatifs aux constructions et aux provisions. — Haute estime de la direction de son Bienheureux Père. — [607] Approbation d'un changement d'emploi et autres détails. — Désir d'avoir un recueil des Entretiens................................................................................................................... 52

Lettre XXVII. — À la même. — Bonheur insigne d'être sous la direction de saint François de Sales. Annonce de quatre sermons sur l'Oraison................................................................................... 55

Lettre XXVIII. — À la Sœur M.-À. Fichet, à Annecy. — Exhortation à la pratique des vertus         55

Lettre XXIX. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. —Maternels encouragements à la poursuite du divin amour    56

Lettre XXX (Inédite). — À la SœurJ.-C. de Bréchard, à Annecy. — Conseils pour la construction de l'église. — Recommandation de ne pas déranger saint François de Sales pendant qu'il travaille au Traité de l'Amour de Dieu     57

Lettre XXXI. — À la même. — Réponse à quelques questions touchant les affaires temporelles   58

Lettre XXXII. — À la même. — Pressant désir de voir achever les Constitutions de la Visitation. — Tendre sollicitude pour la communauté d'Annecy. — Détails de construction et de provisions de ménage                59

Lettre XXXIII. — À M. Michel Favre, confesseur de saint François de Sales et des Sœurs de la Visitation d'Annecy. — Consolation de l'âme unie à Dieu. — Estime et éloge de quelques Religieuses                62

Lettre XXXIV. — Au même. — Inquiétude sur l'issue de la maladie d'une Religieuse. — Confiance en la bonté de Dieu............................................................................................................................. 63

Lettre XXXV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Encouragement à tout quitter pour Dieu. — Décision relative à la sainte communion..................................................................................................... 64

Lettre XXXVI. — À la Sœur P.-M. de Châtel, à Lyon. — La tristesse est incompatible avec la donation de soi-même à Dieu. — Se soutenir mutuellement dans la pratique de la perfection................ 66

Lettre XXXVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — L'humilité et la vigilance sont nécessaires à une Supérieure. — Utilité de sa présence au milieu de la communauté. — Conseils de direction pour plusieurs Sœurs. — Bien qui résultera de l'intime union formée entre saint François de Sales et Mgr de Marquemont... 68

Lettre XXXVIII (Inédite). — À la même. — Reconnaissance envers l'archevêque de Lyon. — Prudence nécessaire dans le choix des lectures. — Pieux témoignage d'affection. — Désir que la Mère Favre écrive la vie de madame d'Auxerre, fondatrice et première Religieuse de la Visitation de Lyon................................. 70

Lettre XXXIX. — À saint François de Sales.—Admiration que lui inspire une lettre du Saint. —Traverses pour le bâtiment. —Aimable plaisanterie............................................................................ 74

Lettre XL. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — L'Époux divin prend ses délices dans les âmes humbles et dépouillées de tout. — Tendre souvenir conservé aux Sœurs de Lyon........... 75

Lettre XLI. — À saint François de Sales. — Demande de prédication 77

Lettre XLII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Nouvelles du [608] président Favre et de saint François de Sales. —Changement de cellule. — Désir de répondre à la confiance des Sœurs de Lyon. — Détails de ménage     77

Lettre XLIII. — À la même. — Avis touchant les fondations demandées. — Annonce de plusieurs prétendantes et de deux professions à Annecy. — Conseils de direction pour madame la présidente Le Blanc. — Mépriser les inquiétudes qu'on a sur soi et sur autrui. — Affaires diverses................................................ 79

année 1616.

Lettre XLIV. — À la même. — Il faut mettre tout son contentement en Dieu. — Proposition de mariage pour Françoise de Chantal. — Difficultés suscitées contre les Règles de la Visitation. — Conseils pour la pratique de certaines mortifications extérieures......................................................................................... 82

Lettre XLV. — À la même. — La vraie et solide vertu se forme dans les contradictions. — Tendre charité pour une Sœur éprouvée. — Nouvelles de saint François de Sales. — Détails pour affaires temporelles         84

Lettre XLVI. — À la même- — Une Religieuse qui possède l'esprit de la Règle a, par là même, l'esprit de Dieu. Indisposition de madame de Charmoisy et de Françoise de Chantal................ 87

Lettre XLVII. — À la Sœur P.-M. de Châtel, à Lyon. — Encouragement à supporter une épreuve intérieure. — Éloge de la Mère Favre. Devoir d'une coadjutrice........................................................... 88

Lettre XLVIII. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à lyon. — Il faut garder le silence sur les tentations passagères. — Avantage d'une sincère ouverture de cœur. — Conseils pour la charge de maîtresse des novices   90

Lettre XLIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Rien ne peut ébranler une âme fondée en l'amour divin. — La santé doit être méprisée en certaines occasions et soigneusement gardée en d'autres. — Désir d'un parfait accord entre saint François de Sales et l'archevêque de Lyon. — La mortification d'une inclination naturelle est préférable aux pénitences corporelles.................................................................................................................. 92

Lettre L (Inédite). — Aux Sœurs P.-M. de Châtel et M.-À. de Blonay, à lyon. — Souhaits de perfection. — Avantages de l'humilité ; estime qu'en fait saint François de Sales.................. 95

Lettre LI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Regret de ne pouvoir lui écrire, et désir de recevoir plus souvent de ses nouvelles. Exhortation à un abandon sans mesure au divin Sauveur........ 96

Lettre LII. — À la Sœur P.-M. de Châtel, à lyon. — La Sainte se réjouit de la victoire que cette Religieuse a remportée dans une épreuve. Témoignages de confiance.................................................... 98

Lettre LIII. — Aux Sœurs P.-M. de Châtel et M.-À. de Blonay, à Lyon. — L'amour parfait n'a plus de regard sur son propre contentement................................................................................................. 99

[609]

Lettre LIV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Prudence à garder au milieu des contradictions que l'on suscite au monastère. — Nouvelles de diverses personnes.............................. 99

Lettre LV. — À saint François de Sales. — Difficultés pour la construction de l'église. — Inquiétudes de la baronne de Thorens............................................................................................................... 101

Lettre LVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Nécessité de bien éprouver les vocations. — Les caractères mélancoliques sont peu propres à la vie religieuse. — La Sainte blâme une prétendante qui veut mettre quelques conditions à son admission. — But vers lequel doivent tendre les novices........................ 102

Lettre LVII. — À la même. — Obligation de bien former les sujets et de ne pas trop multiplier les nouvelles fondations. — De quelle importance est le choix des Supérieures.................. 104

Lettre LVIII. — À la même. — Les personnes qui demandent des fondations doivent connaître les Règles et le but de l'Institut..................................................................................................................... 105

Lettre LIX. — À la même. — La Mère Favre est priée de dire sa pensée sur la Sœur de Châtel. — Ligne de conduite à tenir pour une Religieuse dont les ravissements paraissent illusoires........... 107

Lettre LX. — À la même. — Impression du Traité de l'Amour de Dieu. — La Sainte se prépare à faire une retraite. — Commissions pour le trousseau des deux Sœurs Jeanne-Françoise et Françoise-Agathe de Sales, novices à la Visitation d'Annecy. — Comment traiter avec Mgr de Marquemont................................ 109

Lettre LXI. — Aux Sœurs P.-M. de Châtel et M.-A. de Blonay. — Elle leur recommande la parfaite indifférence dans tous les états de la vie intérieure, et l'obéissance pour ce qui concerne le soin de leur santé. — De quelle manière on peut communiquer les lumières reçues à l'oraison. — Conseils pour l'état de sécheresse et d'impuissance             111

Lettre LXII. — À M. Michel Favre, à Lyon. — Veiller à l'impression du Traité de l'Amour de Dieu, et supporter courageusement les petites mortifications.......................................................... 114

Lettre LXIII. — À saint François de Sales. — Elle lui demande des nouvelles de sa santé et exprime le désir de prolonger de quelques jours sa retraite annuelle............................................... 115

Lettre de saint François de Sales à sainte de Chantal en réponse à la précédente    117

Lettre LXIV. — Au même. — Elle expose les dispositions de parfait abandon que l'Esprit-Sainl lui a données pendant la retraite................................................................................................................... 118

Lettre de saint François de Sales à sainte de Chantal en réponse à la précédente    119

Lettre LXV. — Au même. — Sublime disposition de dénûment intérieur.             120

Lettre de saint François de Sales à sainte de Chantal en réponse à la précédente    122

Lettre LXVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Quelques détails sur une indisposition de saint François de Sales.................................................................................................................................... 124

[610]

Lettre LXVII. — À M. Michel Favre, à Lyon. — Arrangements à prendre pour l'impression du Traité de l'Amour de Dieu........................................................................................................................... 124

Lettre LXVIII.—À saint François de Sales. — Crainte de nouveaux changements dans la récitation de l'Office divin.................................................................................................................................... 125

Lettre LXIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Saint François de Sales se résout à solliciter l'érection de la Visitation en Ordre religieux. — Quelle estime faire de sa vocation. — Joie que donne l'annonce d'un prochain voyage de la Mère Favre à Annecy............................................................................................. 126

Lettre LXX. — À saint François de Sales. — Difficultés suscitées pour l'achat des moulins du duc de Nemours.................................................................................................................................... 129

Lettre LXXI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. —Annonce de la réponse de saint François de Sales à l'archevêque de Lyon. — Sage direction de la Mère Favre à ses filles. — Projet pour un changement de maison. — Réponse au sujet de la communion. — Avis pour une affaire d'intérêt................................ 130

Lettre LXXII (Inédite).À la même. — Comment se conduire à l'égard de Mgr de Marquemont, au sujet des changements qu'il voulait introduire à la Visitation. — La dot des Religieuses ne doit être reçue qu'après leur profession.................................................................................................................................... 132

Lettre LXXIII (Inédite). — À la même. — Ferme résolution de maintenir la liberté de l'Institut. — Il n'y a que l’autorité du Saint-Siège qui puisse faire changer la Règle. — Nouvelles diverses...... 134

Lettre LXXIV (Inédite). — À la même. — Maternelles inquiétudes. — Désir de connaître la pensée du Père recteur des Jésuites sur les Règles de la Visitation......................................................... 135

Lettre LXXV. —À Madame de Gouffier.—Départ des Sœurs fondatrices de Moulins       137

Lettre LXXVI. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Toutes nos actions sont mêlées d'imperfections ; ne pas s'étonner de ses faiblesses ni s'en fâcher. — Éviter toute curiosité et réflexion sur les voies de Dieu, et s'affectionner à la pratique des vertus solides. — Conseils pour l'oraison.................................... 138

Lettre LXXVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Aimable reproche sur son retard à écrire. — Bienveillance du prince Victor-Amédée pour saint François de Sales............ 140

Lettre LXXVIII. — À saint François de Sales. — Sollicitude pour le voyage d'une prétendante      141

Lettre LXXIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Joie de sa guérison. — Avec quel désintéressement on doit procéder pour la dot dans la réception des sujets. — Il faut témoigner peu d'empressement pour les fondations        142

Lettre LXXX. — À saint François de Sales. — Annonce d'une visite 143

Lettre LXXXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Inquiétudes pour la fondation de Moulins ; prévoyances pour celle de Riom. — Sollicitude pour la santé de la Sœur de Châtel. — Nouvelles de diverses personnes           144

[611]

Lettre LXXXII. — À saint François de Sales. — Motifs qui portent les saints Fondateurs à solliciter l'exemption du grand Office pour la Visitation.............................................................................. 146

Lettre LXXXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Recevoir avec simplicité les soulagements nécessaires à la santé. — Nouvelles de la communauté d'Annecy et des poursuites faites à Rome pour l'érection de la Visitation en Ordre religieux. — Fermeté déployée à l'égard d'une enfant incorrigible................... 147

Lettre LXXXIV. — À la même. — il faut demeurer humblement soumise dans les épreuves. — Désir de voir retarder l'établissement du monastère de Riom. — Éloge de la Sœur de Châtel comme directrice. — Judicieuses réflexions pour développer les grandes et fortes vertus. — Conseils relatifs au gouvernement des choses temporelles. — Se défaire du parloir est un grand soulagement a une Supérieure....................................................... 149

Lettre LXXXV (Inédite). — À la même. — Difficultés qui se rencontrent dans l'établissement du monastère de Moulins. Résolution de différer le plus possible les fondations demandées 153

Lettre LXXXVI. — À madame de Gouffier. — Doux reproches de son long silence. — Impossibilité d'envoyer des sujets aux fondations et d'en accepter de nouvelles. — Nécessité d'une grande et cordiale union avec la Mère de Bréchard. — Admirable encouragement à se faire violence.................................................... 154

Lettre LXXXVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — La Sainte lui recommande d'avoir une grande confiance au Révérend Père recteur des Jésuites, et promet d'envoyer une maîtresse des novices. — Elle conseille à l'égard de madame de Gouffier une déférence cordiale........................................................ 156

Lettre LXXXVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — User d'une humble et prudente douceur envers les personnes qui s'opposent à l'établissement de la Congrégation. — Dieu veut propager ce petit Institut. — Conseils de direction.................................................................................................................................... 158

année 1617.

Lettre LXXXIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Fruits opérés à Grenoble, par saint François de Sales, qui y prêche l'Avent. — Estime que l'on fait à Rome des Règles de la Visitation. — Nécessité d'une mutuelle correspondance entre les monastères. — Premier projet d'une fondation à Turin. — Détails sur la communauté d'Annecy     160

Lettre XC. — À saint François de Sales. — Envoi de lettres pour Grenoble         164

Lettre XCI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — La santé est un bienfait de Dieu qu'il faut ménager pour travailler à sa gloire. — Encouragement aux vertus de douceur, d'humilité et de modestie pour [612] imiter saint François de Sales. — On ne peut pas faire de mortifications extérieures sans permission. — Nouvelles de madame de Thorens    164

Lettre XCII. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Il faut avoir un confiant abandon à Dieu dans l'exercice de son emploi. — Les novices trouveront la paix et le bonheur si elles se dévouent à l'observance de la Règle         167

Lettre XC1II (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Avec quelle prudence on doit ménager les intérêts et la réputation des novices. — Promesse d'une communion générale de la Communauté et témoignages d'affection maternelle.................................................................................................................................... 168

Lettre XCIV. — À la Mère J. -C. de Bréchard, à Moulins. — La Sainte lui recommande de prendre souvent le conseil du Père recteur des Jésuites et d'avoir aussi la haute main sur les affaires temporelles. — Elle l'exhorte à supporter doucement quelques contrariétés et à mettre toute sa confiance en Dieu. — Divers avis propres pour les commencements de la fondation. — Ne pas se presser pour recevoir des sujets, et préférer ceux qui ont bon esprit à ceux qui n'ont que des avantages temporels.................................................................................................................................... 169

Lettre XCV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Il faut du courage et de l'énergie pour entreprendre la vie religieuse. — Nouvelles des instances qui se faisaient à Rome. — Recommandations pour un envoi de lettres           174

Lettre XCVI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Moyens de rendre son cœur conforme au Cœur de Jésus. — Il faut porter les Sœurs à se contenter de la direction de la Supérieure. — Sentiment du cardinal Bellarmin sur l'Institut. — Dans quel esprit faire les mortifications extérieures. — On doit garder au chœur une posture recueillie et modeste. — Regret de ne pouvoir aller à Moulins.............................................................. 175

Lettre XCVII. — À la Sœur M.-A. Humbert, à Moulins. — Elle l'exhorte à avancer dans l'esprit d'humilité et de confiance en sa Supérieure, et lui recommande de ne pas se troubler de ses fautes             180

Lettre XCVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Maternel encouragement. — Saint François de Sales est retenu pour une nouvelle station de l'Avent à Grenoble. — Désir que M. de Bérulle poursuive son voyage de Lyon à Annecy. — Conseils pour l'emplacement d'un monastère. — Inquiétudes sur la fondation de Moulins               181

Lettre XCIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Regrets de ne pouvoir secourir le monastère de Moulins. — Il faut recevoir les biens et les maux de la vie avec un cœur simple, et ne pas s'abandonner aux sentiments de joie ou de tristesse..................................................................................................................... 183

Lettre C (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Inquiétude que donne la santé du Bienheureux Fondateur ; ne lui écrire que pour l'utilité spirituelle. — Désir d'une fondation à Grenoble, et envoi d'une copie de la réponse du cardinal Bellarmin sur l'érection de la Visitation en Ordre religieux................................ 186

Lettre CI. — À la même. — Résignation au décès du baron de Thorens. [613] — Espérances que donne le monastère de Lyon. — Sollicitudes pour la réception de deux postulantes.. 189

Lettre CII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Arrangements pour la dot de la Mère de Bréchard. — Conseils de direction.............................................................................................. 191

Lettre CIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle fait l'éloge du baron de Thorens, et de la résignation chrétienne de sa veuve. — Envoi des règles et constitutions............................................. 192

Lettre CIV. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Dans quel esprit elle doit diriger les novices              193

Lettre CV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Décisions de la Sainte pour la réception des Sœurs tourières et pour leur vêtement.............................................................................................. 194

Lettre CVI (Inédite). — À saint François de Sales. — Elle le prie d'écrire à Mgr de Bourges en faveur de Celse-Bénigne, et témoigne un grand désir d'être délivrée de toute affaire du monde 195

Lettre CVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Guérison de Sœur Marie-Gasparde d'Avisé. — Charité de la Sainte pour le salut d’une âme. — Désir de voir une fondation à Grenoble. — Prévoyance pour le retour à Lyon d'une enfant qui lui avait été confiée. — Nouvelles de sa santé, et de la communauté d'Annecy. — Achat d'une custode            196

Lettre CVIII. — À la même. — Nomination à Annecy de M. le président de la Valbonne. — Une enfant est reçue au monastère par déférence pour le président Favre. — Attente de madame l'abbesse de Puy-d'Orbe  198

Lettre CIX. — À la même. — Indisposition de la Sainte ; souhaits de fête à la Mère Favre. — Projet d'un voyage à Lyon. — Elle annonce la construction d'un nouveau corps de bâtiment pour achever le monastère, et l'envoi d'une lettre à Mgr de Marquemont....................................................................................................... 199

Lettre CX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Obligation de sauvegarder les intérêts de chaque monastère. — Éloge de M. Grandis. — La Sainte compare le Bienheureux Évêque de Genève aux anciens Pères de l'Eglise. — Commissions affectueuses pour les Sœurs de Moulins.................................... 201

Lettre CXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Les âmes vraiment royales se dévouent au service de Notre-Seigneur au milieu des difficultés. — Conseils pour la direction d'une Sœur qui jouissait de grandes consolations spirituelles. — Avec quel courage on doit surmonter les répugnances que donne une charge. — On ne saurait choisir les prétendantes avec trop de soin. — La Mère Favre doit s'employer auprès de Mgr de Marquemont pour les affaires de l'Institut     204

Lettre CXII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Elle l'encourage dans les traverses suscitées par madame de Gouffier, et la prie de résoudre quelque affaire d'après le conseil des Pères Jésuites, sans attendre son voyage ou celui de saint François de Sales........................................................................................... 206

Lettre CXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Acquisition d'une maison. — Estime spéciale pour M. de Saint-Nizier. — Commissions pour diverses personnes.............................................. 208

Lettre CXIV. — À la même. — Assurances de prières pour un ami de la [614] communauté. — Annonce du sacre de l'église. — Estime de la Sainte pour les contradictions. — Elle parle de plusieurs bonnes prétendantes ; incertitude pour l'époque de leur réception...................................................................................... 209

Lettre CXV. — À la même. — Elle la félicite d'habiter un nouveau monastère. — Nécessité de renvoyer les prétendantes sans vocation. — Envoi d'une custode et de chandeliers pour le sacre de l'église      210

Lettre CXVI. — À la même. — Profonde affliction et admirable résignation de la Sainte à la mort de sa fille, la baronne de Thorens............................................................................................................... 212

Lettre CXVII. — À la même. — Même sujet. — Elle annonce la profession des Sœurs de Sales et d'Avisé et la consécration de l'église du monastère................................................................. 213

Lettre CXVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Même sujet. — Éloge de la jeune baronne      214

Lettre CXIX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. —La Sainte sollicite l'entrée d'une nouvelle prétendante.................................................................................................................................... 215

Lettre CXX. — À saint François de Sales. — Elle exprime de nouveau sa douleur de la perte de la baronne de Thorens et parle d'une croix envoyée pour l'église par la duchesse de Mantoue, infante de Savoie 215

Lettre CXXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. —Affaires de l'Institut. — La reconnaissance due à M. Austrain oblige à user de compassion envers sa fille........................................................ 217

Lettre CXXII (Inédite). — À saint François de Sales. — Difficultés survenues à l'agrandissement du clos du monastère................................................................................................................. 218

Lettre CXXIII (Inédite). — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. Madame de Gouffier quitte Moulins    219

Lettre CXXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Souhaits de bénédictions   220

Lettre CXXV. — À la même. — La Sainte exhorte la Mère Favre à ne pas refuser obstinément les soins nécessaires à la conservation de ses forces et prend occasion de lui dire qu'elle-même a failli en ce point              220

Lettre CXXVI. — À M. de Neuchèze. — Sur la mort de la baronne de Thorens. — Douleur de la Sainte en apprenant le péril que court l'âme de son fils......................................................................... 221

Lettre CXXVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Se confier à la divine Providence dans les afflictions, les considérant moins que le Cœur de Celui qui les envoie. — Projet de départ de M. de Sainte-Catherine pour Rome, en qualité de solliciteur des affaires de l'Institut. — Grande importance que la Sainte met à l'étude du Catéchisme         223

Lettre CXXVIII. — À madame de la Fléchère. — Nous sommes trop peu de chose pour rendre des services à Dieu ; mais il faut lui laisser faire de nous selon son bon plaisir................................. 225

[615]

année 1618.

Lettre CXXIX. — À saint François de Sales. — Demande d'un court entretien pour l'arrangement d'une affaire temporelle................................................................................................................. 225

Lettre CXXX. — Au même. — Aimable et confiante réflexion. — Elle parle de quelques prétendantes de Grenoble qui arrivent à Annecy.................................................................................................... 226

Lettre CXXXI (Inédite). — Au même. — Achat de moulins........... 227

Lettre CXXXII. — Au même. — Elle confie Celse-Bénigne à sa direction             227

Lettre de la Sœur P.-M. de Châtel à la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins  228

Lettre CXXXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Souhaits affectueux pour les Sœurs malades. — Elle donne des nouvelles de sa santé et demande des prières pour son fils............................ 230

Lettre CXXXIV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Elle s'excuse de ne pouvoir écrire à quelques Sœurs, et les prie de chercher sa réponse dans la méditation de leurs saintes Règles.. 231

Lettre CXXXV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Désir d'une fondation à Grenoble. — Commissions pour différentes personnes............................................................................................. 232

Lettre CXXXVI (Inédite). — À la même. — Le bon esprit et la bonne réputation sont des conditions nécessaires pour être reçue dans un monastère...................................................................... 233

Lettre CXXXVII. — À saint François de Sales. — Affaires de famille 234

Lettre CXXXVIII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle lui annonce son départ pour la fondation de Grenoble.................................................................................................................... 235

Lettre CXXXIX. — À la même. — Arrivée de la Sainte à Grenoble. — Elle nomme les Sœurs fondatrices qu'elle y laissera et prie la Mère Favre de l'avertir si son passage à Lyon est nécessaire. — Recommandations diverses           235

Lettre CXL (Inédite). —À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. — Commissions et souhaits               237

Lettre CXLI. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — Les Novices doivent en toute occasion s'adresser a leur maîtresse et suivre sa direction. — Exemple d'humilité et sollicitude de la Sainte à provoquer la pratique des vertus de douceur, de simplicité et de droiture..................................................................................... 238

Lettre CXLII. — À la même. — Recommandation de fuir la mélancolie et d'inspirer une sainte gaieté aux novices.................................................................................................................................... 240

Lettre CXLIII. — À M. Michel Favre. — Respect de la Sainte pour la parole divine. — Elle insinue les moyens à prendre pour corriger de la jalousie et de la mélancolie. — Quelle prudence doit avoir la Supérieure dans la direction des novices...................................................................................................................... 240

Lettre CXLIV. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. — Exhortation à suivre la sainte règle et à entretenir les liens de la plus étroite charité avec les monastères.......................................................... 243

[616]

LETTRE CXLV. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — La simplicité et la candeur sont louées par la Sainte. — Conseils pour se conduire à l'égard de la Sœur assistante. — Décisions pour la maîtresse des novices         244

Lettre CXLVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle lui promet de passer à Lyon. — Détails touchant l'admission d'une prétendante à Annecy................................................................................. 245

Lettre CXLVII. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — Il faut faire régner la volonté de Dieu au-dessus de toutes nos inclinations........................................................................................... 246

Lettre CXLVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Annonce de son arrivée à Lyon      247

Lettre CXLIX. — À la Sœur À.-M. Rosset, à Annecy. — Recommandations pour une cérémonie de profession.................................................................................................................................... 247

Lettre CL (Inédite). — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Maternels enseignements pour l'exercice de la supériorité................................................................................................................. 248

Lettre CLI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — La Sainte annonce son retour à Annecy               249

Lettre CLII (Inédite). — À la même. — Témoignages d'affection.. 250

Lettre CLIII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Il faut porter joyeusement pour Dieu les peines et travaux qu'il nous envoie..................................................................................................... 250

Lettre CLIV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle lui dit sa pensée sur une prétendante sans vocation.................................................................................................................................... 251

Lettre CLV. — À la même. — Mgr de Bourges désire que la Mère Favre aille fonder dans sa ville épiscopale.................................................................................................................................... 252

Lettre CLVI (Inédite). — À la même. — La Sainte lui recommande de se décharger du gouvernement de Lyon afin de commencer une autre fondation. — Elle l'engage à ne pas refuser les prétendantes pauvres des biens temporels, pourvu qu'elles soient braves de cœur et d'esprit. — Envoi de quelques Sermons et des Entretiens de saint François de Sales.................................................................................................................................... 253

Lettre CLVII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Une supérieure doit avoir pleine confiance en l'assistance divine......................................................................................................................... 254

Lettre CLVIII. — À la même. — Mieux vaut s'appliquer à la stricte observance que de s'inquiéter de ses tentations. — Envoi des Entretiens............................................................................................... 255

Lettre CLIX (Inédite). — À la même. —Affaires et plans de construction            256

Lettre CLX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Arrangements pour la fondation de Bourges, annonce de celle de Turin et du passage de la Sainte à Lyon............................................... 257

Lettre CLXI (Inédite). — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — La Visitation est reconnue à Rome comme Ordre religieux..................................................................................................................... 258

Lettre CLXII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, â Lyon. — Conseils de direction et encouragements                259

Lettre CLXIII (Inédite). — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. Préférer, dans le choix des vocations, le bon esprit des prétendantes aux avantages temporels. — Il faut agir prudemment avec une âme peu propre à la perfection religieuse.................................................................................................................................... 260

[617]

Lettre CLXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Annonce de son passage à Lyon en se rendant à Bourges.................................................................................................................................... 262

Lettre CLXV (Inédite). — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — La Sainte annonce son passage à Moulins.................................................................................................................................... 263

Lettre CLXVI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Maladie de Françoise de Chantal. — Saint François de Sales attend l'arrivée du prince-cardinal de Savoie pour le suivre à Paris. — Explication au sujet de la Bulle envoyée de Rome pour l'érection de la Visitation en Ordre religieux. — La Sainte s'occupe de faire imprimer les Règles              263

Lettre CLXVII. — À Mgr l'archevêque de Bourges. — Elle lui dit que la Bulle de Paul V pour l'érection de la Visitation eu Ordre religieux suffit à tous les monastères qui s'établissent, sans qu'il soit besoin d'un nouveau recours à Rome.................................................................................................................................... 265

Lettre CLXVIII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre à Lyon. 265— Annonce du passage de saint François de Sales à Lyon avec la cour de Savoie. — Une supérieure doit gouverner le monastère par elle-même et selon la Règle. — Questions que la Mère Favre devra faire au Bienheureux Évêque pour les Constitutions.... 266

Lettre CLXIX. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Convalescence de Françoise de Chantal. — La Sainte permet de communiquer les Règles et Constitutions à quelques personnages de haute piété           268

Lettre CLXX. — À la Sœur C.-A. Joly de la Roche, à Annecy. — Haute estime de la Sainte pour la grâce de la vocation à la vie religieuse..................................................................................... 270

Lettre CLXXI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Peines de la Sainte concernant ses enfants. — Pauvreté de la communauté de Bourges........................................................................................ 271

Lettre CLXXII. — À la même. — Témoignage d'affection. — Conseils pour la direction d'une novice tentée.................................................................................................................................... 272

année 1619.

Lettre CLXXIII. — Aux Sœurs de la Visitation d'Annecy. — La Sainte exhorte ses filles a n'avoir que le seul désir d'aimer Jésus, et de se conformer à son bon plaisir par une exacte observation de la Règle               273

Lettre CLXXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Sollicitude de la Sainte pour sa fille et pour le monastère d'Annecy. — Demande des Règles et des Sermons de saint François de Sales. — La Supérieure doit, par son zèle et son bon exemple, briller comme un soleil au milieu de sa communauté.......................... 274

Lettre CLXXV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Tenir son âme en tranquillité parmi les accidents de la vie. — Rappel prochain de Sœur F.-G. Bally. — C'est assez de garder trois jeunes filles. — Conseils divers pour le gouvernement du monastère de Moulins. — Prendre [618] l'avis des Pères Jésuites. — Propositions de plusieurs prétendantes. — Séjour de Françoise de Chantal à Lyon. — Envoi des Directoires            275

Lettre CLXXVI. — À la Sœur M -H. de Chastellux, à Moulins. — Mépris qu'on doit faire de la tentation et du tentateur.................................................................................................................... 279

Lettre CLXXVII. — À la Mère M -J. Favre, à Lyon. — Recommandations maternelles pour sa fille. — Amour de la Sainte pour la Règle, et son désir de la pratiquer avec toute la perfection possible              280

Lettre CLXXVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Accord pour l'envoi des lettres. — Trésors qu'on acquiert par la douceur dans les petites contrariétés domestiques. — Recommandation d'écrire à saint François de Sales ; il n'approuve point le désir de changer de monastère. — Proposition d'une fille pour être tourière     281

Lettre CLXXIX. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — La Sainte la rassuré sur son état intérieur. — Prix des actes d'humilité. — On ne doit pas regarder à la dot des filles, mais à la bonne vocation    283

Lettre CLXXX (Inédite). — À madame de la Fléchère. — Nouvelles de la fondation de Bourges, de Françoise de Chantal et de Celse-Bénigne.................................................................................. 284

Lettre CLXXXI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Les Sœurs du voile noir ont voix au chapitre. — Une prétendante à humeur bizarre ne peut être admise. — Il ne faut pas recevoir beaucoup de jeunes filles qui ne sont point encore en âge de prendre l'habit. — La Supérieure ne doit prêcher que la Règle et y être fidèle     285

Lettre CLXXXII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Bon état de la maison d'Annecy, où chaque Religieuse a un livre des Règles et Constitutions. — Zèle de la Sainte pour maintenir la récitation du petit Office. — Devoir de l'assistante des parloirs. — En quoi consiste l'autorité du Supérieur. — Une Supérieure peut faire un grand bien par sa fidélité à l'observance.................................................................................................................................... 286

Lettre CLXXXIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Éprouver longtemps les esprits difficiles. — Choix des Sœurs pour ia fondation de Paris ; dispositions à prendre pour leur voyage. — À quelle heure on doit sonner le silence en Carême....................................................................................................................... 289

Lettre CLXXXIV. — À la même. — Recommandations pour le voyage des Sœurs fondatrices de Paris. —État de la maison de Bourges. — Nouvelles de Celse-Bénigne et de Françoise de Chantal. — Bien que fait saint François de Sales.................................................................................................................................... 292

Lettre CLXXXV (Inédite). — À madame de Charmoisy. — Consolations et conseils affectueux. — Détails sur le monastère de Bourges. — La Sainte annonce son départ pour Paris............. 293

Lettre CLXXXVI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Courage et confiance de la Sainte pour la fondation de Paris, où elle prévoit de grandes difficultés. — Elle attend à Bourges les trois fondatrices et Sœur Françoise-Gabrielle Bally.................................................................................................................................... 295

Lettre CLXXXVII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — La [619] soumission à la divine volonté console dans les séparations et maintient la paix de l'âme........................................................ 296

Lettre CLXXXVIII. — À la même. — La Sainte lui dit que Sœur Françoise-Gabrielle Bally a été envoyée à Bourges pour la décharger de L'administration des affaires temporelles du monastère 297

Lettre CLXXXIX. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Établissement du premier monastère de Paris. — Mort de la présidente Le Blanc................................................................................................. 298

Lettre CXC. — À madame de Jars. — Il faut supporter doucement et humblement les critiques du monde   299

Lettre CXCI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — L'humilité, la patience et le discernement des esprits sont nécessaires à une maîtresse des novices. — La maladie éprouve les Sœurs de Paris. — À quel âge on peut entrer au noviciat.................................................................................................................................... 300

Lettre CXCII. — À la Mère M.-J. Favre, à lyon. —Affaires de madame la présidente Le Blanc. — Nouvelles de la maison de Paris. — Ardeur do la Sainte à poursuivre l'œuvre de sa perfection ; son assurance que tôt ou tard on vaincra l'opposition de Mgr de Marquemont à la récitation du petit Office................ 301

Lettre CXCIII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Conseils pour la direction des novices   303

Lettre CXCIV. — Aux novices de la Visitation de Bourges. — Vertus que les novices doivent pratiquer pour mériter la grâce d'être filles de Notre-Dame...................................................................... 304

Lettre CXCV. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — La Sainte sollicite des prières pour son fils        305

Lettre CXCVI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Prière de recevoir madame du Tertre 306

Lettre CXCVII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Il faut demeurer calme et soumise dans les tentations, être heureuse de vivre sans lumière ni sentiment. — Nouvelles de saint François de Sales. — Quelques règles à suivre à l'égard du confesseur. — Conseils sur la réception de deux novices d'un autre Ordre 307

Lettre CXCVIII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — L'Esprit de Dieu ne manque pas d'assister une âme humble et confiante. — La grâce. seule peut donner aux novices la vocation et la persévérance. — Quelle quantité de nourriture donner aux Sœurs. — Il ne faut pas recevoir dans le monastère une enfant trop jeune. — La Supérieure doit maintenir une sainte joie dans la communauté............................................................................ 310

Lettre CXCIX. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Encouragements à porter le faix de la supériorité.................................................................................................................................... 312

Lettre CC. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Charité et prudence dans la réception des infirmes. — Il faut marcher hâtivement, humblement et fidèlement à la suite du Sauveur............ 312

Lettre CCI. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — L'extrémité de la pauvreté doit nous exciter à une plus parfaite confiance en Dieu..................................................................................... 313

[620]

Lettre CCII. — À la R. Mère de la Trinité, Carmélite. — Témoignage d'estime et d'affection. — Humilité de la Sainte. — Difficultés pour la réception d'une prétendante............................................ 314

Lettre CCIII. — À madame du Tertre, à Moulins. — Une grande ouverture de cœur envers la Supérieure facilite l'amendement et le progrès de l'âme...................................................................... 316

Lettre CCIV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Saint François de Sales a quitté Paris ; on murmure contre lui à l'occasion d'un mariage. — Acquiescement de la Sainte au bon plaisir divin                316

Lettre CCV (Inédite). — À madame de Jars. — Témoignages d'honneur et de religieuse amitié. — Félicitations du bonheur qu'elle aura de voir saint François de Sales......................................... 317

Lettre CCVI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Annonce du passage de saint François de Sales à Bourges. — Tout doit se faire par l'autorité de la Supérieure............................................ 319

Lettre CCVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Passage de saint François de Sales à Moulins. — Retrancher à madame du Tertre la liberté de parler et d'envoyer des lettres à l'insu de la Supérieure. — Il faut porter la croix amoureusement, paisiblement, et tout attendre de Dieu et de son secours... 319

Lettre CCVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Elle la félicite du bonheur qu'elle aura de pouvoir entretenir saint François de Sales, arrivé a Lyon. — La peste est dans Paris. — Admirable résignation de la Sainte. — Souhaits ardents pour la perfection de la Mère Favre, et crainte de la voir sortir de Lyon avant que le monastère jouisse des privilèges accordés par la Bulle de Paul V......................................................................................................... 321

Lettre CCIX. — À M. le collatéral Flocard. — La Sainte le remercie de lui avoir donné des nouvelles de saint François de Sales et de son arrivée à Annecy.................................................................... 322

Lettre CCX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Nouvelles de la communauté de Paris. — Préservation de la peste...................................................................................................................... 323

Lettre CCXI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Dieu ne laisse point sans secours une communauté où règne l'observance. — Tout le bien des maisons dépend des Supérieures. — Il faut retrancher à madame du Tertre les correspondances et les conversations inutiles. — Demande de prières selon les intentions de saint François de Sales.................................................................................................................................... 324

Lettre CCXII. — À la Sœur M.-À. Humbert, à Moulins. — Il ne faut point trop réfléchir sur soi-même, mais s'humilier devant Dieu de ses fautes d'inadvertance, et ne point s'en tourmenter......... 325

Lettre CCXIII. — Aux Sœurs de la Visitation de Bourges. — Il faut ravir le Cœur du divin Époux par l'amour de sa sainte volonté, l'exacte observance et le support mutuel.................................. 326

LETTRE CCXIV. — À la Sœur P.-M. Favrot, à Annecy. — La stricte observance de la Règle est l'admirable chemin de la perfection religieuse. — Témoignages d'affection pour les amis du monastère 327

[621]

Lettre CCXV (Inédite). — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — La Sainte annonce que saint François de Sales est nommé grand aumônier de Son Altesse, et M. de Boisy, premier aumônier de Madame. — Offre d'une prétendante.................................................................................................................................... 328

Lettre CCXVI. — À madame du Tertre, à Moulins. — Souhaits de bénédictions pour que les fruits d une retraite soient durables........................................................................................................ 329

Lettre CCXVII. — Aux Sœurs de la Visitation de Moulins. — La Sainte conjure ses filles de vivre plus que jamais dans l'exacte observance, l'humilité, la simplicité, l'obéissance et la charité.. 329

Lettre CCXVIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Il faut être libérale en ce qui concerne les soulagements adonner aux Sœurs. — Comment former peu à peu les sujets qu'on juge capables de la supériorité. — Conditions nécessaires pour une fondation................................................................................................. 330

Lettre CCXIX. — À la même. — Aimer la livrée de Jésus-Christ (c'est-à-dire l'humiliation) sur nos épaules et sur celles de nos amis. — Éviter les parloirs comme la ruine des maisons religieuses. — Heureuses sont les âmes qui se contentent de Dieu seul. — À la fin de l'année, on ne change pas à la Supérieure les objets à son usage                331

Lettre CCXX. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Comment la Supérieure doit agir avec la Sœur assistante et avec les Sœurs professes....................................................................................... 333

Lettre CCXXI. — À la Mère M..J. Favre, à Lyon. — La Sainte attend la décision de saint François de Sales pour entreprendre l'œuvre dite des Haudriettes. — Dispositions à prendre pour le voyage de plusieurs Sœurs    333

Lettre CCXXII. — À. M. Favre. — Retour du saint Évêque auprès de ses filles d'Annecy. — Recommandations pour qu'il ne prolonge pas les veilles de la nuit........................................................... 335

année 1620.

Lettre CCXXIII (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Intérêts que Mgr de Bourges porte aux Religieuses de la Visitation. — Sollicitude de la Sainte pour former les novices. — Bon exemple que doivent donner les anciennes.................................................................................................................. 336

Lettre CCXXIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — La tranquillité et la simplicité d'esprit d'une Supérieure, jointes à une maternelle vigilance, aident efficacement au progrès spirituel d'une communauté. — Éloge d'un livre composé par une Mère Carmélite espagnole. — Importance du monastère de Paris, qui doit être une pépinière pour la France. — L'indépendance de l'esprit nuit à la pratique des vertus religieuses............................................ 337

Lettre CCXXV. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Il faut obéir simplement et gracieusement en tout ce qui regarde le soulagement [622] corporel, et se montrer toujours communicative, ouverte, franche, cordiale et joyeuse.................................................................................................................................... 339

LETTRÉ CCXXVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Dieu ne se plaît pas eu nos maux, mais en notre patience à les souffrir. — Nouvelles du monastère de Paris. — Projets de fondations pour Nevers et Orléans       340

Lettre CCXXVII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Bel éloge de la Mère de Châtel par saint François de Sales. — Avantages qu'il faut tirer des négligences involontaires. — Ne vouloir que Dieu et ne chercher de consolation qu'en Lui seul...................................................................................................................... 341

Lettre CCXXVIII. — À saint François de Sales. — Sentiment de diverses personnes sur la nomination projetée de saint François de Sales à l'évêché de Paris. — L'affaire est remise au Souverain Pontife. — Plaintes filiales de la Sainte louchant le silence que garde son Bienheureux Père sur des questions qu'elle lui avait adressées    342

Lettre CCXXIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Plan uniforme à suivre dans la construction des monastères. —Conseils pour la fondation projetée de Nevers. — Avis sur les rapports de la Visitation avec les Ordres religieux. — Les Sœurs fondatrices doivent être des règles vivantes. — La Sainte presse saint François de Sales de faire des entretiens aux Sœurs d'Annecy............................................................................. 344

Lettre CCXXX. — À madame du Tertre, à Moulins. — La pureté du cœur et le mépris du monde disposent l'âme à recevoir abondamment les grâces du ciel............................................................ 347

Lettre CCXXXI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — L'obéissance est due aux prélats. — Utilité de la correction publique. — Profession des Sœurs associées................................. 348

Lettre CCXXXII. — À saint François de Sales. — Visite de M. Deshayes et sentiments de hauts personnages au sujet de la nomination de saint François de Sales à l'évêché de Paris. — Admirable délicatesse de conscience de la Sainte, qui lui montre comme faute grave un manque de naïveté dans ses expressions. — Elle fait part des arrangements pour la fondation de Nevers, prie le Saint d'écrire deux ou trois fois par an aux Supérieures, et le félicite d'avoir Jean-François de Sales pour coadjuteur................................................................................................................. 349

Lettre CCXXXIII (Inédite). — À mademoiselle de Chantal, sa fille. — La Sainte lui annonce que M. de Toulonjon la demande en mariage................................................................................................ 354

Lettre CCXXXIV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Dangers courus par Celse-Bénigne. — Annonce du mariage de Françoise. — Sage prudence à garder dans le choix des prétendantes. — Achat du terrain pour la fondation de Nevers. — M. de Boisy est nommé coadjuteur de Genève.............................. 355

Lettre CCXXXV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Deux motifs qui permettent d'outre-passer, dans la réception des sujets, le nombre marqué par la Règle........................................................... 358

Lettre CCXXXVI. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Le dégagement et le calme sont des moyens sûrs de progresser dans la vie [623] intérieure. — Toutes les prières de la Communauté doivent être pour la sainte Église   358

Lettre CCXXXVII. — À mademoiselle de Chantal. — Saintes dispositions qu'elle doit apporter au mariage 360

Lettre CCXXXVIII. — À madame du Tertre, à Moulins. — Reconnaissance des grâces que Dieu lui accorde. — Promesse d'adhérer à ses désirs en lui laissant la Mère de Bréchard pour Supérieure autant que la Règle et la Providence le permettront............................................................................................................... 361

Lettre CCXXXIX (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Prudence que doit avoir la Supérieure pour gouverner un esprit faible et timide. — Obligations des Sœurs associées. — Conseils pour le retard de la profession d'une novice. — Reproche à la communauté d'avoir trop facilement donné l'habit à une postulante          363

Lettre CCXL (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Désir d'obtenir des indulgences plénières pour le peuple, aux fêtes de la Présentation, de l'Incarnation et de la Visitation. — Prochain mariage de Françoise de Chantal             365

Lettre CCXLI (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Insistance sur le retard de la profession d'une novice. — Comment la Supérieure doit gagner le cœur de ses filles. — En quoi consiste la solennité des vœux et l'importance de la Règle................................................................................................................ 366

Lettre CCXLII. — À la Sœur M -M. Legros, à Bourges. — Devoir de la coadjutrice et humble confiance qui lui est due. — Il faut avoir plus de sagesse que d'indulgence en la réception des sujets                369

Lettre CCXLIII. — À mademoiselle de Chantal. — Conseils à l'occasion de son prochain mariage 370

Lettre CCXLIV. — À M. Michel Favre, à Annecy. — Pieux souhaits 373

Lettre CCXLV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Avantages temporels que la famille de madame du Tertre offre au monastère pour lui obtenir le titre de bienfaitrice. — Crainte et charité de la Sainte pour cette réception.................................................................................................................................... 374

Lettre CCXLVI. — À la Sœur M -À. de Blonay, à Lyon. — Dieu fait toujours son œuvre dans une âme humble, simple et confiante............................................................................................................... 375

Lettre CCXLVII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Aux monastères qui observent bien la Règle, Dieu ne laissera pas manquer du nécessaire. — Respect pour la clôture. — Ne point recevoir d'enfants trop jeunes. — Caractère des vraies inspirations de la grâce............................................................................... 377

Lettre CCXLVIII. — À la même. — Envoi de trois bonnes postulantes. — Il faut n'admettre à la profession que les âmes humbles ou qui travaillent sérieusement à le devenir. — Prudence que doit avoir la Supérieure dans ses rapports avec les Sœurs......................................................................................................................... 379

Lettre CCXLIX. — À la Sœur P.-J. de Monthoux, à Annecy. — Le blâme et le mépris sont précieux aux âmes désireuses de leur perfection. — Il faut savoir supporter les défauts des prétendantes lorsqu'ils sont occasionnés par le jeune âge............................................................................................................................. 380

[624]

Lettre CCL. — À madame du Tertre, à Moulins. — Conseils à l'occasion du contrat qui lui a donné le titre de bienfaitrice religieuse.............................................................................................. 381

Lettre CCLI. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — La Sainte l'engage à hâter son départ pour l'Auvergne et lui parle des fondations projetées. — Comment faire accompagner les Sœurs d'Annecy qui devaient passer à Lyon pour se rendre à Paris........................................................................................................................... 383

Lettre CCLII. — À M. Michel Favre. — Projet d'un voyage de saint François de Sales à Rome. — Prière à M. Michel d'adresser des exhortations aux Sœurs d'Annecy.............................................. 385

Lettre CCLIII. — À madame du Tertre, à Moulins. — La correspondance à une grâce en attire d'autres. — Souffrir avec patience les difficultés suscitées par sa famille......................................... 386

Lettre CCLIV. — À la Mère M.-J. Favre, à Lyon. — Religieuse exactitude et fermeté de la Sainte à ne pas aller au parloir pendant l'Office ; agir ainsi, c'est édifier les séculiers sans manquer aux égards qui leur sont dus       387

Lettre CCLV. — À saint François de Sales. — Billet des dons du Saint-Esprit. — Projet d'un vœu 389

Lettre CCLVI (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Affaires d'intérêts       390

Lettre CCLVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Difficultés relatives au contrat de madame du Tertre. — Voyages des Sœurs destinées à l'établissement des maisons de Nevers et d'Orléans. — Traverses pour le logement de la communauté de Paris. — Il faut aider la nouvelle Supérieure de Moulins. — Divers embarras concernant des novices et des prétendantes............................................................................................................ 390

Lettre CCLVIII. — À la même. — Acheminement de la fondation de Nevers. — Conditions pour le contrat de madame du Tertre. Il vaut mieux qu'elle prenne l'habit à Moulins. — Maladie et prochain mariage de Françoise de Chantal      393

Lettre CCLIX (Inédite). — À la même. — Avis au sujet du contrat de madame du Tertre. — Conseils pour la bâtisse du monastère de Nevers. — Affaires de celui de Paris..................................... 394

Lettre CCLX. — À madame du Tertre, à Moulins. — Une Religieuse fondatrice ne peut, par contrat, exiger aucun privilège. — Conseils à ce sujet............................................................................ 397

Lettre CCLXI (Inédite). — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Préparatifs pour les fondations de Nevers et d'Orléans................................................................................................................... 398

Lettre CCLXII. — À la Mère P.-M. de Châtel, à Grenoble. — Inutilité et danger des réflexions sur soi-même. — Faire lire souvent les Entretiens de saint François de Sales....................................... 399

Lettre CCLXIII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Nouvelles dispositions pour le départ de quelques Sœurs. — L'assistance au saint Office doit être préférée aux exigences des séculiers        401

[625]

Lettre CCLXIV (Inédite). — À la même. — Presser le voyage des Sœurs fondatrices d'Orléans et de Nevers.................................................................................................................................... 403

Lettre CCLXV (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — L'attachement que le public témoigne aux premières Supérieures d'une fondation contrarie la Sainte. — Nouvelles des monastères de Lyon et de Paris              403

Lettre CCLXVI. — À M. de Palierne, à Moulins. — Recours à l'autorité de M. de Palierne en faveur de la maison de Nevers. Projets d'accommodement....................................................................... 405

Lettre CCLXVII. — À madame du Tertre, à Moulins. — Pressantes instances pour lui faire agréer les moyens de conciliation proposés par saint François de Sales............................................. 407

Lettre CCLXVIII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Moulins. — Une Supérieure doit chercher en tout la gloire de Dieu et gagner les cœurs par la douceur et l'affabilité....................................... 408

Lettre CCLXIX. — À M. de Palierne, à Moulins. — Prière de s'employer près de madame du Tertre pour qu'elle maintienne ses promesses. — La gloire de Dieu et l'honneur des monastères sont au-dessus de tout intérêt temporel.................................................................................................................................... 409

Lettre CCLXX. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Moulins. — L'esprit d'humilité, de douceur et de prudence est indispensable au bon gouvernement. — Il faut consulter et traiter avec confiance les amis du monastère     411

Lettre CCLXXI. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Devoir d'une Supérieure. — On ne doit désigner que les Sœurs conseillères dans les contrats du monastère.......................................... 412

Lettre CCLXXII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Affaires d'intérêt    413

Lettre CCLXXIII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. — Avis pour le gouvernement de la communauté. — Il faut maintenir la liberté que donne la Règle au sujet des confesseurs et des prédicateurs ; avoir surtout recours aux Pères de la Compagnie de Jésus. — Union avec les Mères Carmélites. — Défenses faites par saint François de Sales touchant les cellules.................................................................................................................................... 414

Lettre CCLXXIV. — À M. de Palierne, à Moulins. — Terminer au plus vite le différend survenu entre les monastères de Moulins et de Nevers........................................................................................ 416

Lettre CCLXXV. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. — Confiance et soumission qu'une Supérieure doit à son évêque ; comment soutenir la Règle auprès de lui. — Délicatesse de procédés envers un ami du monastère. — Décisions sur quelques points d'observance.............................................................................. 417

Lettre CCLXXVI. — À madame du Tertre, a Moulins. — Vives remontrances sur les difficultés qu'elle a suscitées entre les maisons de Moulins et de Nevers........................................................ 420

Lettre CCLXXVII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Ou ne [626] peut contraindre les Religieuses de faire ce qui est opposé à leur Règle et aux décisions de leur chapitre..................... 421

Lettre CCLXXVIII. — À M. de Palierne, à Moulins. — Nouvelles instances pour obtenir que madame du Tertre mette fin à ses prétentions................................................................................................ 422

Lettre CCLXXIX. — À madame du Tertre, à Moulins. — Grandeur et sainteté de la vocation à la vie religieuse.................................................................................................................................... 425

Lettre CCLXXX. — À la Sœur M.-À. de Morville, à Moulins. — Félicitations à l'occasion de sa prise d'habit. — Assurance de dévouement et exhortation à l'oubli du passé........................... 426

Lettre CCLXXXI. — À M. de Palierne, à Moulins. — La Sainte se réjouit des bonnes dispositions de Sœur Marie-Aimée, et justifie la Mère de Bréchard de quelques soupçons........................ 427

Lettre CCLXXXII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Les difficultés des affaires temporelles ne doivent en rien troubler la paix, le calme et l'union des cœurs.............................................. 429

Lettre CCLXXXIII. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Désirs de se conformer en tout aux volontés divines. — Prudence que doit avoir la Mère Favre pour préparer son départ.............. 430

Lettre CCLXXXIV. — À M. Michel Favre, à Orléans. — Diverses choses à considérer pour le choix de l'emplacement d'un monastère. — Éprouver soigneusement les postulantes. — Il doit presser son retour à Annecy            431

Lettre CCLXXXV (Inédite). — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Désir d'arriver à un arrangement de famille pour ne plus différer la profession d'une novice. — Exigences de madame de Gouffier       433

Lettre CCLXXXVI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Conseils pour le choix d'une directrice.................................................................................................................................... 434

Lettre CCLXXXVII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Projet d'une fondation à Valence. — La Sainte commence à préparer son départ de Paris ; ses difficultés pour trouver un local convenable à la communauté 434

Lettre CCLXXXVIII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. — Il faut habituer les Sœurs à ne rien demander et à ne rien refuser, et congédier les postulantes qui ne veulent pas vivre selon la Règle. — Dieu a soin du temporel et du spirituel d'une maison où règne la parfaite observance. — Il importe pour le bonheur et le repos d'une communauté de n'admettre que des filles capables de prendre l'esprit de l'Institut.............................................. 435

Lettre CCLXXXIX (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Demande de prières          437

Lettre CCXC (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Témoignages d'affection. — La Mère Favre, après avoir fini ses six ans de supériorité à Lyon, doit aller servir Dieu ailleurs 437

Lettre CCXCI. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Admirables pensées de foi pour se soutenir au milieu des épreuves.— L'unique [627] but de la vie religieuse est de mourir à soi pour établir le règne de la grâce               438

LETTRE CCXCII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Une sainte joie soutient le courage      440

LETTRE CCXCIII (Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — L'opinion du monde ne nous rend ni plus saint ni moins vertueux. — Conduite a tenir avec deux dames amies du monastère. — Les Sœurs ne doivent pas se reprendre mutuellement de leurs imperfections.................................................................... 440

Lettre CCXCIV. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — La parfaite soumission, plus encore que les suavités, prouve la présence et le règne de Dieu dans une âme....................................... 441

Lettre CCXCV. — À. M. Michel Favre, à Annecy. — Profonde estime pour les volontés de saint François de Sales. — Nouvelles du monastère de Paris.................................................................... 442

LETTRE CCXCVI. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Espoir de la revoir bientôt. — Il faut mépriser les attaques de l'envie et marcher avec humilité dans une fidèle observance. — La détermination de travailler et de souffrir pour Dieu, avec le soin de faire avancer les âmes, est un grand trésor. — Incliner du côté de la médiocrité et de la pauvreté pour les revenus et les bâtiments. — Annonce de l'impression des Directoires.......... 443

Lettre CCXCVII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Indécision sur les privilèges que réclame la Sœur de Morville comme fondatrice. — Encouragements et conseils pour la direction de cette novice ; ne jamais la laisser au parloir sans assistante........................................................................................................ 445

Lettre CCXCVIII. — À la Sœur F.-M. Favrot, à Annecy. — Désirs de voir les Sœurs d'Annecy fidèles aux enseignements de leur Bienheureux Père. — Éloge de la communauté de Paris 448

Lettre CCXCIX. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Sage prudence à garder dans le choix des directeurs. — Conseils pour la distribution des emplois. — Comment la Supérieure doit procéder avec les esprits difficiles et pourvoir aux nécessités spirituelles et corporelles de ses filles.............................................. 449

Lettre CCC. — À la Sœur M.-M. Legros, à Bourges. — Se livrer sans réserve à la pratique de la simplicité, de l'observance des Règles et d'une sainte indifférence........................................ 453

Lettre CCCI. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. —Nécessité de faire élire une Supérieure à Lyon. — Il faut s'oublier soi-même pour ne penser qu'à Dieu. — Affaires. — Sentiments de la Sainte sur la capacité de quelques Sœurs.................................................................................................................................... 454

Lettre CCCII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Sagesse et prudence que doit avoir la Supérieure pour le gouvernement de la communauté. — Il faut laisser aux Sœurs une certaine liberté dans l'exercice de leur emploi. — Ne jamais permettre l'entrée du monastère pour de simples visites, mais pour le seul motif d'une retraite sérieuse          456

[628]

Lettre CCCIII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Concession d'une dot en faveur de la fondation de Valence.................................................................................................................................... 457

LETTRE CCCIV. — À la Sœur À.-M. de Lage de Puylaurens, à Bourges. — Moyens de persévérer et de se perfectionner dans sa sainte vocation................................................................. 457

Lettre CCCV. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Logement et entretien du confesseur. — Il faut avoir un clerc pour le service de l’autel........................................................................................ 458

année 1621.

Lettre CCCVI. — À la Sœur M.-A. de Morville, à Moulins. — Le sentiment de notre propre-faiblesse ne doit point diminuer une entière confiance en Notre-Seigneur et en sa sainte Mère. — Nécessité de l'oraison et du fréquent recours à Dieu.................................................................................................................................... 459

Lettre CCCVII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Témoignages d'affectueuse estime. — Vertus qui doivent spécialement reluire à la Visitation. — Projet d'une fondation a Turin. — Inconvénients à recevoir des jeunes filles qui ne seraient pas appelées à la vie religieuse.................................................. 460

Lettre CCCVIII (Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Termes à employer dans les lettres, selon la qualité des personnes auxquelles on écrit ; éviter les répétitions inutiles..... 462

Lettre CCCIX (Inédite). — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. — Il ne faut pas se plaindre de la pauvreté, mais être attentive à maintenir l'union entre les monastères...................................... 463

Lettre CCCX. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Heureuse influence que les Sœurs professes doivent exercer sur les novices par leur bon exemple. — Nécessité de soumettre sa volonté et son jugement à la Règle et aux Supérieurs.................................................................................................................................... 464

Lettre CCCXI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Difficultés temporelles pour la réception de la Sœur H.-A. Lhuillier. — La Mère Favre est choisie pour être Supérieure à Turin. — Nouvelles de la communauté de Paris.................................................................................................................................... 466

Lettre CCCXII. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — La nourriture commune doit être saine et suffisante : retrancher toute plainte à ce sujet. — La Règle qui ordonne de rendre compte de la conscience à la Supérieure et à la directrice n'impose pas l'obligation de leur déclarer ses péchés....................................... 467

Lettre CCCXIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Difficultés que les yens du monde font aux Religieuses pour le règlement de leurs affaires temporelles. — Obligation pour la Supérieure d'entretenir les Sœurs tous les mois, et de procurer leur avancement dans la perfection. [629] Elle-même doit faire avec soin ses exercices spirituels et assister exactement aux récréations.................................................................................... 470

Lettre CCCXIV. — À la sœur F.-M. Favrot, à Annecy. — Prudence à garder dans la réception des sujets. — Comment on doit faire les habits. — Conseils pour des réparations aux bâtiments. — Ne pas dispenser les Sœurs de la récréation sans grande nécessité. — Désir de revenir à Annecy................................................ 472

Lettre CCCXV. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Avis relatifs à la construction du monastère. — Il faut inspirer aux âmes une grande défiance d'elles-mêmes et une grande confiance en Dieu      475

Lettre CCCXVI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Plusieurs personnes séculières peuvent contribuer ensemble à la fondation d'un monastère ; privilèges qui leur sont accordés. — La seule Bulle qu'a reçue Annecy suffit pour l'établissement d'autres maisons de l'Ordre..................................... 476

Lettre CCCXVII (Inédite). — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Nouvelles recommandations sur la façon d'écrire et de parler. — Madame de Toulonjon n'a pas le droit d'entrer dans la clôture. — Renvoi d'une novice           478

Lettre CCCXVIII (Inédite). — À la Mère C.-A. Joly de la Roche, à Orléans. — Souhaits d'avancement en la perfection. — Éviter toute louange exagérée en parlant de la Supérieure ou des Sœurs      479

Lettre CCCXIX (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Élection d'une nouvelle Supérieure à Montferrand. — Difficultés que rencontre la Vénérable Fondatrice à quitter Paris. — Éloge de la Sœur Anne-Catherine de Beaumont. — Deux personnes peuvent s'unir pour fonder un monastère.... 480

Lettre CCCXX (Inédite). — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Voyage du B. Évêque de Genève à Lyon. — Envoyer une copie de la Bulle obtenue par Mgr de Marquemont................... 483

Lettre CCCXXI (Inédite). — À la même. — Désir de connaître les dispositions de saint François de Sales pour son retour et celui de la Mère Favre à Annecy.......................................................... 484

Lettre CCCXXII. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Réserve à garder dans la communication des Règles.................................................................................................................................... 485

LETTRE CCCXXIII (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Incertitude de son départ de Paris. — Conseils pour le choix des Supérieures de Valence et de Montferrand.......................... 485

Lettre CCCXXIV. — À la Sœur F.-G. Bally, à Bourges. — Avantages des maladies           487

Lettre CCCXXV. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. — L'humilité, la générosité et l'exactitude d'une Supérieure attirent l'Esprit de Dieu en elle. — La Sainte demande qu'on la nomme notre Mère d'Annecy. — Obligation de renvoyer une novice sans vocation. — Bien qu'apporte la confiance des Sœurs et de la Supérieure au confesseur. — Dieu regarde à la ferveur et non pas au nombre des Religieuses.............................. 487

[630]

Lettre CCCXXVI. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Bonheur des âmes obéissantes. — Une Religieuse aura d'autant plus de capacité pour le gouvernement qu'elle sera plus animée de l'esprit de Dieu. — Pensées sur quelques Sœurs capables de la supériorité....................................................................................... 489

Lettre CCCXXVII {Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Affaires 491

LETTRE CCCXXVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Qualités nécessaires à une bonne Supérieure. — Questions d'intérêt.................................................................................................. 492

Lettre CCCXXIX (Inédite). — À la Mère C.-A. Joly de la Roche, à Orléans. — Il importe beaucoup pour la paix et le bonheur des monastères de n'admettre que de bons sujets, et de ne pas recevoir trop facilement ceux qui sont médiocres. — Témoignages d'estime pour les Révérendes Mères Carmélites. — Saint François de Sales travaille à faire une concordance des quatre Évangiles...................................................................................................... 494

Lettre CCCXXX (Inédite). — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Maladie de quelques Sœurs, — Avantages de la liberté d'esprit....................................................................................................... 496

Lettre CCCXXXI. — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Choix de la future Supérieure de Montferrand.................................................................................................................................... 497

Lettre CCCXXXII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Même sujet      498

Lettre CCCXXXIII. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Perte de plusieurs lettres. — Conseils pour le monastère de Lyon. — Nouvelles de celui de Paris........................................... 499

Lettre CCCXXXIV. —À saint François de Sales. — Elle lui expose son état intérieur et le désir de le revoir 501

Lettre CCCXXXV. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. — Ne pas regarder son incapacité, mais s'humilier sous la volonté de Dieu, et agir selon la Règle et les Entretiens. — Il faut éprouver sérieusement la vocation des prétendantes et les faire examiner par quelques Religieux avant de leur donner l'habit ; idem pour les novices, avant la profession. — Mépriser toutes les considérations humaines quand il s'agit du profit spirituel du monastère. — On peut recevoir une postulante aveugle...................................................................................................................... 503

Lettre CCCXXXVI. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Avis pour les affaires temporelles. — Il faut attendre avec patience et charité l'amendement des âmes. — Les monastères doivent être bâtis simplement et solidement       506

Lettre CCCXXXVII. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Une jeune Supérieure vertueuse est préférable à une plus âgée ayant moins de vertu. — Les Œuvres de saint François de Sales doivent suffire pour la direction des Religieuses de la Visitation............................................................................................................... 507

Lettre CCCXXXVIII. — À madame de Toulonjon. — Félicitations à l'occasion de la naissance de son fils   509

Lettre CCCXXXIX. —À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — Recevoir les filles pauvres, pourvu qu'elles aient les vraies richesses du cœur et de l'esprit. — Ne rien permettre de beau dans les bâtiments du monastère, et [631] ne pas faire des mortifications indiscrètes qui ruinent la santé. — L'humble soumission est la pierre de touche et le fin or de la perfection.................................................................................................................................... 510

Lettre CCCXL (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Il faut marcher avec la pointe de l'esprit et ne s'attacher qu'a Dieu seul. — C'est dans la solitude et la prière que l'âme trouve sa force. — La mortification est la vraie préparation à l'oraison. — La Sainte pense quitter Paris au mois d'octobre.. 511

Lettre CCCXLI (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Les Sœurs de Paris font des instances pour garder leur B. Fondatrice pendant l'hiver. — Le monastère est transféré proche de la rue Saint-Antoine. — Espérance d'obtenir les permissions requises pour la récitation du petit Office. — Mgr de Bourges quitte son archevêché           513

Lettre CCCXLII. — À saint François de Sales. — Prière de consoler Mgr de Bourges, obligé de se démettre de son archevêché............................................................................................................... 514

Lettre CCCXLIII. — À la Mère A.-M. Rosset, à Bourges. — La Providence ne veut pas que nous ayons ici-bas autre appui que sa seule bonté. — Il faut se réjouir d'être sans secours humain et jeter toute sa confiance en l'amour paternel de notre bon Dieu......................................................................................................... 515

Lettre CCCXLIV. — À saint François de Sales. — Nouvelles du monastère. Elle lui expose les raisons qui la pressent de quitter Paris avant l'hiver, et abandonne à la Providence le désir de conférer de son intérieur     516

Lettre CCCXLV. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Affaires temporelles         518

Lettre CCCXLVI. — À la Mère À.-M. Rosset, à Bourges. — Dans les affaires importantes, prendre l'avis de la communauté. — Comment diriger une âme qui se croit dans les voies extraordinaires        520

Lettre CCCXLVII. — À la Mère P.-J. de Monthoux, à Nevers. — La Supérieure doit traiter ses Sœurs avec respect, comme des épouses du divin Sauveur, et imiter, pour la correction, les gouverneurs des enfants des rois. — Comment conduire les âmes attirées au recueillement. — Conseil pour l'amendement dune novice   522

LETTRE CCCXLVIII. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Charité et humilité envers la communauté de Moulins. — Il n'est pas permis aux Sœurs de demander à changer de monastère 524

LETTRE CCCXLIX. — À saint François de Sales. — Désir de remettre le gouvernement de la maison de Paris à la Sœur de Beaumont. — Préparatifs pour la fondation de Dijon, où la Mère Favre est proposée comme Supérieure. — Troubles dans Paris. — Pieuse mort du comte de Fiesque......................................................... 525

LETTRE CCCL (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Les filles de la Visitation doivent aimer le mépris et s'estimer les moindres Religieuses qui soient en l'Église. — Ne point chercher de perfection hors de la parfaite observance.................................................................................................................................... 529

Lettre CCCLI (Inédite). — À M. Michel Favre. — Félicitations sur son retour de Rome. — Désir d'obtenir des indulgences en faveur des séculiers.................................................................... 530

[632]

Lettre CCCLII (Inédite). — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Prudence à garder pour son départ de Montferrand. — La Sainte prolonge son séjour à Paris. — Il ne faut pas confier à une jeune Religieuse la charge de maîtresse des novices.............................................................................................................. 531

Lettre CCCLIII (Inédite). — À la Mère C.-A. Joly de la Roche, à Orléans. — Taire les imperfections du prochain. — Les aspirantes à la vie religieuse doivent avant leur entrée être examinées par la Supérieure et quelques Sœurs. — Ne rien changer dans la façon des habits. — Quand les prétendantes peuvent aller au parloir       532

Lettre CCCLIV. — À saint François de Sales. — L'abbesse de Port-Royal désire entrer à la Visitation. — Estime de Mgr de Nantes pour saint François de Sales. — La communauté doit-elle se servir de cuillers d'argent ?      534

Lettre CCCLV (Inédite). — À la Sœur M.-A. de Blonay, à Lyon. — Il ne faut pas recevoir facilement les Religieuses professes d'un autre Ordre. — Les officières qui s'attacheraient à leur emploi doivent être changées             536

Lettre CCCLVI. — À saint François de Sales. — Affaires de la fondation de Dijon. — La Sainte tire copie des lettres de direction qu'écrit son Bienheureux Père. — Difficultés qui empêchent madame de Port-Royal de quitter son abbaye. — On demande l'établissement d'une Congrégation d'hommes à l'instar de la Visitation. — Questions concernant l'entrée des postulantes............................................................................................................... 537

Lettre CCCLVII. — À madame de la Fléchère, à Rumilly. — Avantages des souffrances inconnues aux créatures. — Estime de la haute perfection de saint François de Sales. — Maternelles confidences        541

Lettre CCCLVIII. — À madame de Toulonjon. — Obligation pour une jeune femme de réprimer ses fantaisies et son goût pour la toilette................................................................................................. 543

Lettre CCCLIX. — À la Mère J.-C. de Bréchard, à Moulins. — Il faut exercer la supériorité avec un esprit de très-profonde humilité, et ne jamais recevoir un sujet dépourvu de crainte de Dieu et de souplesse de caractère 544

Lettre CCCLX. — À la Mère M.-J. Favre, à Montferrand. — Conduite à tenir à l'égard d'une prétendante qui manque d'humilité et de mortification.................................................................................. 544

Lettre CCCLXI. — À la Sœur M.-À. de Blonay, à Lyon. — Décès de. madame de Goufficr. — Les afflictions sont un effet de la divine miséricorde................................................................................. 546

Tableau des premières religieuses de la Visitation................................ 548

FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES

paris. — typographie de e. plon et cie, 8, rue garancière



[1] Neveu de saint François de Sales et son troisième successeur à l'évêché de Genève.

[2] Histoire inédite de la fondation du premier monastère de la Visitation d'Annecy.

[3] Dixième Religieuse de la Visitation, qui succéda à sainte de Chantal dans le gouvernement du premier monastère d'Annecy.

[4] Jean-François de Boisy, troisième frère de saint François de Sales. Il avait essayé de la vie religieuse dans l'Ordre des Capucins ; mais, n'ayant pu supporter les austérités de la règle, il entra dans le clergé séculier, devint chanoine, vicaire général de l'évêché de Genève, et enfin coadjuteur de son saint Frère, auquel il succéda en 1622. Héritier de son zèle apostolique, aussi bien que de son inépuisable charité, Mgr Jean-François se montra le type achevé du bon Pasteur, surtout pendant la peste qui fit, en 1630, d'effrayants ravages à Annecy. Il mourut le 8 juin 1635, après avoir, au témoignage des contemporains, retracé les vertus de saint François de Sales. (Maison naturelle, historique et chronologique de saint François de Sales, évêque et prince de Genève).

[5] Jeanne, la plus jeune sœur de saint François de Sales, avait été placée en 1605 à l'abbaye de Puy-d'Orbe, en Bourgogne ; mais bientôt elle en fut retirée selon le désir de madame de Boisy, sa mère, et confiée à la baronne de Chantal pour être élevée avec ses trois filles.

[6] Madame de Boisy désirait vivement obtenir la main de Marie-Aimée, fille aînée de madame de Chantal, pour son fils Bernard de Sales, baron de Thorens : ce mariage fut béni le 13 octobre 1609.

[7] Le divin Sauveur répondit avec une magnificence digne de son amour, aux brûlantes aspirations de l'humble Fondatrice, en découvrant à saint François de Sales le dessein providentiel par lequel il voulait faire des Religieuses de la Visitation les adoratrices et les imitatrices de son Sacré Cœur. Voici la lettre du 10 juin 1611, par laquelle le Bienheureux Évêque confiait à sainte J.-F. de Chantal cette admirable révélation : Bonjour, ma très-chère fille. Un accommodement, qu'il me faut faire ce matin entre deux de nos pasteurs de Gex, me prive de la consolation d'aller voir mes plus chères brebis, et de les repaître moi-même du Pain de vie. Voilà M. Roland qui va suppléer à mon défaut : toutefois, il n'est pas assez bon messager pour vous porter la pensée que Dieu m'a donnée cette nuit, que notre maison de la Visitation est, par sa grâce, assez noble et assez considérable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes. J'ai donc pensé, ma chère Mère, si vous en êtes d'accord, qu'il nous faut prendre pour armes un unique Cœur percé de deux flèches, enfermé dans une couronne d'épines, ce pauvre Cœur servant dans l'enclavure à une croix qui le surmontera, et sera gravé des sacrés noms de Jésus et de Marie. Ma fille, je vous dirai à notre première vue mille petites pensées qui me sont venues à ce sujet, car vraiment notre petite Congrégation est un ouvrage du Cœur de Jésus et de Marie. Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son Sacré Cœur. Il est donc bien juste que notre cœur demeure, par une soigneuse mortification, toujours environné de la couronne d'épines qui demeura sur la tête de notre Chef, tandis que l'amour le tint attaché sur le trône de ses mortelles douleurs. Bonjour encore, ma fille ; j'aperçois entrer nos plaideurs qui viennent interrompre la paix de mes pensées. »

[8] Sœur Claude-Françoise Roget, quatrième Religieuse de la Visitation, s'y consacra au Seigneur dès l'âge de seize ans ; peu après, elle s'envolait au ciel recevoir la récompense promise aux cœurs purs. Saint François de Sales fit son éloge en ces termes : « Madame de Chantal confia samedi à la terre (15 juin 1613) le corps de la chère petite Sœur Roget, fille très-aimable, très-vertueuse et très-aimée dans sa Congrégation, et l'esprit de laquelle, comme je crois, fut retiré au ciel le jour même, car c'était une âme toute pure. Je lui conférai les derniers sacrements, mais je n'eus pas la consolation de la voir expirer. Et, certes, c'eût été avec suavité que j'eusse reçu les derniers soupirs de cette première de mes filles qui est allée voir au ciel ce que Dieu réserve et prépare aux autres. Je vous prie de prier pour elle, encore que je croie qu'elle prie pour nous. »

(Histoire inédite de la fondation du premier monastère d'Annecy)

[9] Cette lettre fut écrite de Bourgogne, où sainte Jeanne-Françoise de Chantal s'était rendue à la fin d'août 1611, pour régler les affaires de ses enfants, après la mort du président Frémyot, son père.

[10] Le Traité de l'Amour de Dieu, commencé avant 1610, comme on peut s'en convaincre par une lettre écrite à madame de Chantal, le 5 février de cette même année.

[11] Sœur Marie-Marthe Legros, qui avait connu la sainte baronne de Chantal à Dijon, s'était empressée de la suivre à Annecy, où elle fut la onzième professe de la Visitation. Peu après sa vêture (21 septembre 1612),la petite communauté quitta la maison dite de la Galerie, pour une plus commode, située proche le port du lac. Celle-ci devenant à son tour trop étroite, on commença, en 1614, à bâtir, sur un terrain contigu, le premier monastère de l'Ordre, qui subsista jusqu'à la révolution de 1793.

[12] Charles-Emmanuel Ier se montra très-zélé pour la propagation de la foi catholique, lors de la mission du Chablais. Il témoigna toujours une haute confiance à saint François de Sales, et un pieux intérêt à la Visitation naissante. Vers 1617, de concert avec le Bienheureux Évêque, il adressa une supplique au Souverain Pontife, Paul V, pour obtenir que cette Congrégation fût érigée en Ordre religieux.

[13] Fils unique de la Sainte.

[14] On refusait au B. Prélat un emplacement nécessaire à la construction du premier monastère de la Visitation.

[15] C'est le titre qu'on donnait alors au duc de Nemours.

« Le 20 août 1614 (dit la Mère de Chaugy, dans l’Histoire de la fondation du 1er monastère d'Annecy), Mgr Henri de Savoie, duc de Nemours, voyant la peine qu'on avait d'avoir place pour bâtir le monastère, poussé d'un vent favorable du Saint-Esprit, fut inspiré d'assister les servantes de Dieu, et dépêcha de son château d'Annecy une patente par laquelle il permit que l'on bâtît au long du canal qui coule du lac, et que le monastère s'appropriât l'usage particulier d'une partie de ladite eau. »

[16] Ces contradictions eurent lieu au sujet de la bâtisse de l'église et du monastère.

On lit dans l'Histoire de la fondation du 1er monastère d'Annecy : « Le bâtiment s'avançait avec beaucoup de bénédictions, mais non sans de bonnes incommodités. Ayant été fait refus à notre Bienheureux Père de certaine place, on lui en fit des excuses, auxquelles il fit cette sainte réponse : « Quant au jardin, mon très-cher Père, je n'y pense plus, non que je voie bien que le projet fait n'incommodait pas N., ains l'accommodait par le moyen de la récompense que nous eussions donnée ; mais, par la grâce de Dieu, je n'eus jamais envie de me rendre contentieux, ni de blesser l'esprit de personne. Nos filles de la Visitation feront leur bâtiment avec incommodité, mais elles s'en contenteront très-volontiers ; ains, je puis dire : elles en seront très-contentes, puisque il ne se peut mieux. Et puis, elles savent qu'il n'est pas hors de propos que les fidèles Épouses de Celui qui n'eut jamais ni logis, ni où reposer son chef en ce monde, ne soient pas logées à leur commodité. Comme vous savez, mon cher Père, la Mère qui gouverne cette nouvelle troupe a si bien appris à loger au mont du Calvaire, que tout autre logis terrestre lui semble encore trop beau ; elle n'a donc nul sentiment du refus, sachant bien que les pèlerines qui devront avoir retraite en ce logis, n'y devant habiter que la nuit de cette petite vie, seront, Dieu aidant, si attentives à tirer pays dans le beau séjour de leur cité permanente, que le reste leur sera indifférent. Et enfin, mon très-cher Père, nous sommes enfants de la Providence céleste : Dieu aura soin de ses servantes selon son bon. plaisir ; il faut avoir patience : Qui seminant in lacrymis, in exultatione metent. Ainsi les rosiers produisent premièrement les épines, ensuite viennent les roses. »

La patience du saint Évêque triompha de tous les obstacles : le 18 septembre de cette année 1614, il put bénir et poser la première pierre de l'église et du monastère.

[17] Cette pieuse veuve avait fait un voyage à Annecy en 1613, ainsi que deux autres dames qui désiraient comme elle se placer sous la direction de saint François de Sales. De retour à Lyon, toutes trois sollicitèrent l'établissement d'un monastère de la Visitation dans cette ville ; mais Mgr de Marquemont, qui en était archevêque, avant d'accéder à leurs désirs, voulut connaître le but que s'était proposé le Fondateur de cette nouvelle Congrégation. Le Saint lui répondit par cet admirable exposé : « C'est pour donner à Dieu des filles d'oraison et des âmes si intérieures, qu'elles soient trouvées dignes de servir sa Majesté infinie et de l'adorer en esprit et en vérité. Laissant les grands Ordres déjà établis dans l'Eglise honorer Notre-Seigneur par d'excellents exercices et des vertus éclatantes, je veux que mes filles n'aient autre prétention que de le glorifier par leur abaissement ; que ce petit Institut de la Visitation soit comme un pauvre colombier d'innocentes colombes, dont le soin et l'emploi sont de méditer la loi du Seigneur sans se faire voir ni entendre dans le monde ; qu'elles demeurent cachées dans le trou de la pierre et dans le secret des masures, pour y donner à leur Bien-Aimé vivant et mourant des preuves de la douleur et de l'amour de leurs cœurs, par leurs bas et humbles gémissements. » (Extrait de l’ Exhortation IXe de sainte J.-F. de Chantal. Voir au 1er volume des Œuvres diverses de la Sainte, page 186.)

[18] Saint François de Sales.

[19] Antoine Favre, d'abord avocat au sénat de Chambéry, puis sénateur, et enfin président du sénat, fut estimé l'un des plus grands magistrats des temps modernes. Il n'avait pas moins de piété que de science : dès son jeune âge, il se confessait et communiait tous les huit jours, et conserva jusqu'à la mort cette salutaire pratique. Saint François de Sales disait que « c était l'une des plus riches âmes et des mieux faites que son siècle ait portées ».Aussi s'était-il formé entre eux une amitié si intime qu'ils vécurent ensemble comme deux frères, et s'appelaient de ce doux nom dans leur active correspondance et dans leurs conversations privées.

[20] L'expression à soir s'employait alors pour : hier au soir.

[21] Madeleine de la Forest, veuve du comte de la Fléchère. Saint François de Sales, son directeur, en fit ce bel éloge : « Quand je n'aurais que cette parfaite brebis en mon bercail, je ne peux me fâcher d'être le pasteur de cet affligé diocèse. Après notre madame de Chantal, je ne sais si j'ai fait rencontre d'une âme plus forte en un corps féminin, d'un esprit plus raisonnable et d'une humilité plus profonde. » Madame de la Fléchère fonda dans la suite un monastère de la Visitation à Rumilly, et, si elle ne put pas s'y consacrer à Dieu, ses rares vertus lui méritèrent du moins la faveur de prononcer les vœux sacrés au moment de la mort, 17 août 1632. Selon son désir, elle fut inhumée dans la sépulture des Religieuses.

(Vie de la Sœur de la Fléchère, par la Mère de Chaugy.)

[22] Le Saint l'envoyait pour les malades de la ville, que les Sœurs visitèrent jusqu'en 1618, époque où la Congrégation fut érigée en Ordre religieux.

[23] Sainte Jeanne-Françoise de Chantal avait quitté Annecy le 26 janvier 1615, pour aller fonder le monastère de Lyon, accompagnée des Sœurs Marie-Jacqueline Favre, Péronne-Marie de Chatel et Marie-Aimée de Blonay. Pendant son absence, Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard gouverna le monastère d'Annecy en qualité d'assistante.

[24] La Vénérable Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard, troisième Religieuse de la Visitation, descendait de deux nobles familles de Bourgogne, les Bréchard et les Macheco ; mais cette âme, destinée à honorer les abaissements du Verbe incarné, ne connut jamais l'éclat des grandeurs mondaines. Du berceau à la tombe, fidèle compagne de Jésus-Christ, elle participa à l'indigence de la crèche, aux privations et à la dépendance de Nazareth, aux persécutions et aux calomnies de la vie publique, et enfin aux humiliations et à la mort du Calvaire. Cette vénérable Mère fonda les monastères de Moulins et de Riom, au milieu des plus rudes traverses : mais toujours elle fut supérieure aux épreuves, par sa soumission ; aux travaux, par son courage ; aux difficultés, par sa constance ; aux infirmités, par son amoureux abandon au divin bon plaisir. « Dieu a conduit cette âme, (écrivait sainte de Chantal), par des voies de grandes et extrêmes souffrances intérieures et extérieures, et par plusieurs autres afflictions qu'elle reçut toujours humblement, religieusement et héroïquement de la main et du Cœur de son bon Père céleste ; car, à ce grand et très-rare esprit que Notre-Seigneur lui avait donné, elle avait, avec la divine grâce, joint la très-sainte humilité, en sorte que l'on peut dire : C'était une vraie humble de cœur, qui ne présumait rien de soi, mais attendait tout de Dieu ; aussi Dieu ne lui a-t-il pas manqué, puisqu'elle est parvenue à une perfection vraiment rare et admirable, » Elle décéda à Riom le 18 novembre 1637, en grande odeur de sainteté.

[25] Les Religieuses d'Annecy recueillirent soigneusement les exhortations que leur faisait le B. Évêque ; telle fut l'origine de l'admirable livre intitulé : Entretiens de saint François de Sales.

[26] Dom Simplicien Frégore, Barnabite.

[27] Architecte ou maître maçon qui travaillait à la construction du monastère.

[28] Françoise ou Françon, seconde fille de la Sainte, était élevée auprès d'elle, à Annecy.

[29] Sœur Marie-Marguerite Milletot, fille d'un conseiller au parlement de Dijon, que le B. Évêque de Genève honorait d'une particulière amitié, fut la sixième professe de la Visitation. Cette Religieuse, dont sainte de Chantal rendait le témoignage, « qu'elle était très-fidèle à Dieu et à sa Règle, » aida beaucoup aux fondations de Grenoble et de Dijon.

[30] La Mère Anne-Marie Rosset, native de Saint-Claude, en Franche-Comté, treizième Religieuse de la Visitation, fut privilégiée dès le berceau. Bénie dans son enfance par saint François de Sales, elle entra au monastère d'Annecy en l'année 1612, et parut comme un séraphin au milieu de ses ferventes compagnes. Vers la fin de 1614, elle fut gratifiée d'un privilège insigne : « Notre Sœur Anne-Marie (disent les anciens Mémoires) fut la première fille de la Visitation à qui le divin Maître découvrit les trésors de son Cœur adorable. Un jour, passant devant l'oratoire du noviciat, comme elle s'arrêtait à baiser les pieds d'un grand crucifix, il lui sembla que le Christ se baissait de lui-même, et elle se trouva les lèvres collées sur la plaie du sacré côté, avec un tel transport de son cœur dans le Cœur de Jésus qu'elle tomba en défaillance, et dans un ravissement des plus élevés qu'elle ait eus en sa vie : « Il me serait impossible de dire, (assura-t-elle plus tard par obéissance), ce qui se passa en moi dans cet emportement de mon cœur et de mon esprit dans le Cœur de mon Jésus. Il me semblait que ce Cœur divin disait au mien chétif : Nous ne nous séparerons jamais ; nous nous aimerons éternellement Cœur à cœur ; je te reçois pour ma fille et pour mon épouse, j'aurai toujours soin de toi. » (Archives de la Visitation d'Annecy.)

Cette vénérable Mère Anne-Marie eut toujours un grand attrait pour la vie humble, cachée et crucifiée : assistante à Annecy, Supérieure à Bourges, directrice à Dijon, de nouveau Supérieure à Crémieux, partout elle récolta la myrrhe de l'humiliation, qu'elle sut unir à l'encens d'une oraison continuelle et à l'or de la plus pure charité.

Sa longue carrière, qui ne se termina qu'en 1667, fut la réalisation de la parole prophétique de saint François de Sales : « Notre Sœur Anne-Marie Rosset est une véritable épouse de Jésus-Christ, qui fera en toutes ses actions la perfection de sa profession. »

[31] Denys de Marquemont, archevêque de Lyon, suscita bien des embarras à l'Institut naissant, par les changements qu'il voulait y introduire. Saint François de Sales, avec sa bénignité accoutumée, sacrifia ses plus chères intentions, telles que la visite des pauvres, le titre de simple Congrégation, mais il tint ferme en ce qui concernait le but essentiel qu'il s'était proposé, celui de faciliter la réception des personnes faibles et âgées.

[32] Dominicain d'Annecy, ami de saint François de Sales.

[33] Anne-Jacqueline Coste fut la première Sœur tourière de la Visitation. Ainsi qu'on le verra, elle était fort aimée de sa B. Fondatrice. Saint François de Sales, qui l'avait connue à Genève lorsqu'elle servait dans une hôtellerie, appréciait beaucoup cette âme naïve, d'une foi et d'une énergie peu communes, « Que ma Sœur Anne-Jacqueline ne croie pas que je puisse la mettre en oubli, écrivait-il un jour ; ah ! non, vraiment, elle est trop ma fille et la favorite de mon bon Ange. »

[34] Sœur M.-M. Milletot, que la Sainte nommait ainsi par affection.

[35] Gouverneur du château d'Annecy, père de la Sœur Claude-Agnès Joly de la Roche.

[36] Président au conseil du Genevois à Annecy. Saint François de Sales l'aimait spécialement.

[37] Recueil des Entretiens et Instructions de saint François de Sales.

[38] Le Traité de l’Amour de Dieu, qui fut imprimé l'année suivante, 1616.

[39] Sœur Marie-Adrienne Fichet, née dans les montagnes de la Savoie et baptisée par saint François de Sales, entra en 1611 à la Visitation d'Annecy, dont elle fut la septième professe. Après avoir exercé pendant quelque temps la charge d'assistante à Chambéry, elle fut envoyée en qualité de Supérieure aux fondations de Rumilly et de Crémieux. Rappelée à Annecy, elle s'y montra plus que jamais un exemplaire vivant de la perfection religieuse, et, semblable à un écho fidèle, transmit jusqu'en l'année 1681 les paroles et les enseignements des saints Fondateurs.

On doit à la Mère Fichet les naïfs et touchants récits sur l'origine de la Visitation, connus sous le titre d'Histoire de la Galerie.

[40] Saint François de Sales était alors à Lyon.

[41] La Sainte donne ce nom aux Constitutions.

[42] Pieux ecclésiastique auquel saint François de Sales avait confie le soin de sa conscience, et que, dans la suite, il donna pour confesseur à ses filles. M. Michel exerça cette charge pendant vingt-trois ans, avec une sagesse, une humilité et un dévouement admirables. Sainte de Chantal l'honorait fort ; et lui, de son côté, la vénérait comme sa mère et avait même obtenu qu'elle le nommât son fils.

[43] Le B. Évêque était à Thonon pour y installer les Révérends Pères Barnabites.

[44] Louis de Sales, cousin germain du saint Évêque, et son collaborateur dans les missions du Chablais.

[45] Les chanoines de la cathédrale de Genève, résidant à Annecy.

[46] Après neuf mois de séjour à Lyon, sainte de Chantal, laissant la Mère Favre Supérieure du nouveau monastère, revint à Annecy sur le commandement de saint François de Sales, qui était sollicité par les villes de Moulins, de Grenoble et de Bourges pour avoir de ses filles. « L'esprit humain » (écrivit-il gracieusement) ne peut comprendre comment nos basses et petites violettes sont désirées en plusieurs jardins. Revenez donc, ma chère Mère, pour tirer d'ici ces plantes de bénédiction, et les transplanter ailleurs, à la gloire de notre doux Jésus que je supplie de vous bénir. » (Fondation inédite du 1er monastère d'Annecy.)

[47] La Mère Marie-Jacqueline, fille du célèbre jurisconsulte Antoine Favre, premier président du sénat de Savoie, « posséda avec grande dignité (dit saint François de Sales) le rang de deuxième Mère de l’Institut, » où Dieu la rendit admirablement utile dans la fondation des monastères de Lyon, Montferrand, Dijon, Bourg-en-Bresse, et dans le gouvernement du 2e de Paris. Elle travailla non moins efficacement à la réforme de l'abbaye de Tart (Bourgogne), et à celle d'une Congrégation religieuse de Troyes qui fut incorporée à l'Ordre de la Visitation.

« Dans ces divers apostolats (dit la Mère de Chaugy), cette âme magnanime justifia le titre de grande que lui avait donné notre Bienheureux Père, dès le commencement de l'Institut. Dans la suite et la fin de sa vie, la Mère Favre a été grande en humilité, par les bas sentiments qu'elle avait d'elle-même, au milieu de la profusion des grâces dont Dieu l'avait gratifiée ; grande en obéissance, puisque, au rapport de notre digne Mère de Chantal, elle avait cette vertu dans toute la perfection possible à une Religieuse ; grande en dévotion et religion, par le vœu qu'elle fit de n'arrêter jamais sa pensée qu'en Dieu ; grande en pénitence, car elle n'accorda jamais aucune satisfaction à ses sens ; grande en amour de Dieu et du prochain, comme le prouva son zèle pour le salut des âmes. Bref, cette vraie grande fille de notre glorieux Père et Fondateur, a laissé un grand modèle de perfection à toutes celles qui la suivront et un grand sujet de bénir et glorifier Celui qui a fait en elle de si grandes choses. » La Mère Favre était Supérieure à Chambéry quand elle termina sa sainte carrière, 14 juin 1637.

[48] Voir la note sur madame de Gouffier, lettre lxxv, page 66.

[49] L'histoire de la fondation de Lyon prouve qu'en cette année 1615 la Sainte alla de cette ville en Bourgogne pour régler les affaires de ses enfants ; Sœur Marie-Aimée de Blonay l'y accompagna.

[50] La Mère Péronne-Marie de Châtel, fille d'un gentilhomme savoisien, fut la cinquième Religieuse de la Visitation. Véritable Sulamite, comblée des faveurs divines, elle embauma de ses douces vertus le jardin mystique de saint François de Sales, en même temps qu'elle sut le cultiver et l'embellir à la gloire du divin Maître. D'abord employée à la fondation de Lyon, elle gouverna ensuite les monastères de Grenoble et d'Aix en Provence, visita ceux du Midi, au nom de la Bienheureuse Fondatrice, et, après trois ans de supériorité à Annecy, fut élue à Chambéry, d'où elle contribua à l'établissement des maisons du Val-d'Aoste et de Grasse. Partout cette digne Mère fit briller la régularité, partout elle implanta l'esprit d'oraison, élément vital de son Institut, et partout elle vit les âmes qui lui étaient confiées s'avancer à grands pas dans les étroits sentiers de la perfection.

Réélue à Annecy, en 1635, elle eut une seconde fois l'honneur d'être Supérieure de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, et sut en profiter pour lui arracher les précieux secrets de son intérieur, secrets dont la manifestation devait être si glorieuse à Dieu et si avantageuse à la sanctification des âmes.

Ce fut entre les bras de cette grande Servante de Dieu que la Mère de Châtel rendit son dernier soupir, le 22 octobre 1637. La sagesse de sa conduite lui mérita le témoignage suivant, consigné par la Sainte dans le Livre des Vœux du 1er  monastère d'Annecy : « Elle était une des plus éminentes Supérieures qu'on eût jamais pu souhaiter ; très-remarquable en la charité, ne parlant, se taisant, n'agissant que par charité, ou pour la charité ; enfin c'était, une Mère toute de charité, mais d'une charité universelle, toute de douceur et d'humilité ; d'une conduite, discrétion et prudence très-rare, dépouillée de tout propre intérêt, toute donnée et abandonnée au service de la gloire de Dieu et de la religion. »

[51] Sœur Marie-Aimée de Blonay venait d'être nommée directrice, charge qu'elle avait beaucoup appréhendée.

[52] Chanoine de Lyon.

[53] Saint François de Sales et Mgr de Marquemont.

[54] Antoine Favre, père de la Mère Marie-Jacqueline.

[55] Mgr de Marquemont arriva à Annecy sur la fin d'octobre 1615.

[56] Après l'avoir consolée du départ de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, le Bienheureux lui dit ces douces paroles : « Jamais nous ne pouvons nous quitter, nous que le propre sang de Notre-Seigneur, je veux dire son amour, par le mérite de son sang, tient collés et unis ensemble. Certes, pour moi, je suis en vérité si parfaitement vôtre qu'à mesure que ces deux ou trois journées de distance semblent nous séparer corporellement, de plus fort et avec plus d'affection je me joins spirituellement à vous comme à ma fille très-chère. Vous serez la première auprès de notre Mère [sainte de Chantal] en mes prières et en mes soucis ; soucis pourtant bien doux pour l'extrême confiance que j'ai en ce soin céleste de la divine Providence sur votre âme. » (Vies manuscrites des premières Mères, par la Mère de Chaugy.)

[57] M. Mesnard, sacristain de Saint-Nizier, Père spirituel du monastère de Lyon.

[58] Madame d'Auxerre, fondatrice et première Religieuse du monastère de Lyon, sous le nom de Sœur Marie-Renée, se rendit particulièrement remarquable par sa profonde humilité ; aussi sainte de Chantal assurait que jamais elle ne la voyait sans éprouver le besoin de s'anéantir devant Dieu. Cette novice semblait être, en effet, une traduction vivante de la parole de I'Imitation : Aimez à être inconnu et compté pour rien. On l'entendit souvent dire à ses compagnes : « Avancez-vous, mes Sœurs, tant qu'il vous plaira dans le Cœur du Sauveur, et recevez ses caresses, cela est dû à la grandeur de votre amour ; pour moi, misérable pécheresse, je serai trop heureuse de baiser ses pieds sacrés et de les arroser des larmes de contrition et de pénitence. » L'édifiante veuve ne porta l'habit religieux que neuf mois, après lesquels, ayant prononcé les vœux, elle expira doucement dans le baiser du Seigneur, assistée par sainte de Chantal, qui l'honora de ses regrets. (Histoire de la fondation de Lyon.)

[59] En retournant à Annecy, la Sainte avait amené avec elle cette enfant, dont le père obligeait le monastère de Lyon. On verra dans les lettres suivantes qu'elle ne répondit point aux bontés des Religieuses et qu'on fut obligé de la congédier.

[60] Il est question de Françoise de Chantal, qui dès son enfance aimait trop les parures et les fêtes mondaines. Saint François de Sales prit de cette jeune fille un soin tout paternel, et lui insinua doucement le mépris de la vanité. La sagesse et la prudence de sa direction opérèrent dans cette âme droite un changement qu'on n'eût pu obtenir par une conduite plus ferme et plus sévère.

[61] Louis, comte de Sales, seigneur de la Thuile, second frère de saint François de Sales, nous ne dirons pas le plus chéri de tous, mais le plus sympathique au Bienheureux Évêque.

De son premier mariage avec mademoiselle de Pingon-Cusy, Louis de Sales n'eut qu'un fils, Charles-Auguste, plus tard prévôt de la cathédrale, et enfin évêque de Genève. De son second mariage avec mademoiselle de Rouer, le comte eut plusieurs enfants : l'aîné, dont il est ici question, perpétua la branche directe de la famille de Sales, qui s'éteignit en 1850 en la personne de Paul-François, lieutenant général des armées sardes, ancien ambassadeur et ministre d'État.

[62] Titre d'affection donné à la Mère Favre elle-même.

[63] Saint François de Sales.

[64] Sœur Françoise-Jéronyme de Villette appartenait à l'ancienne noblesse de Savoie. Première professe du monastère de Lyon, elle fut élevée par la Mère Favre et se montra digne de ses soins. Toutefois, elle n'hérita pas de la mansuétude de cette digne Supérieure, car, au dire des contemporaines, « elle est venue dans la force et la vertu d'Élie, assurant par la vigueur de sa conduite le règne de la douceur et de l'humilité dans l'Institut. » Pendant de longues années, cette ardente Religieuse eut de pénibles luttes à soutenir contre sa nature, et ce ne fut qu'au prix de nombreux sacrifices qu'elle put savourer le fruit de l'arbre de vie, promis aux triomphateurs d'eux-mêmes. La Mère de Villette, d'abord employée comme assistante et directrice à Moulins, gouverna ensuite les monastères de Dijon, premier de Rouen, Melun, fonda ceux de Saint-Étienne, Beaune, Semur et Châlon. Ce fut dans ce dernier qu'elle termina sa laborieuse carrière, l'année 1665. (Année Sainte, VIIIe volume).

[65] Voir la note de la lettre LXXVII, p. 139.

[66] Il était fort en usage à cette époque de contracter des alliances spirituelles en témoignage d'honneur, de respect, de reconnaissance ou d'affection ; c'est le sens de cette approbation donnée ici par sainte Jeanne-Françoise de Chantal au sujet de madame de Chevrières, amie très-vertueuse et dévouée du monastère de Lyon.

[67] La baronne de Thorens et Françoise de Chantal.

[68] Selon qu'il se pratique à la Visitation à la fin de l'année, la Vénérable Fondatrice avait tiré au sort un saint protecteur, et saint Jean lui était échu. Elle réclamait aussi le protecteur de son Bienheureux Père.

[69] Sœur Péronne-Marie de Châtel. Son état maladif hâta son rappel à Annecy.

[70] À la Visitation, on appelle coadjutrice la Sœur que la Supérieure a choisie pour l'avertir charitablement de ses fautes ou manquements, « afin, dit la constitution XXXV, que la Supérieure, qui doit aider et corriger toutes les autres, ne demeure pas, elle seule, privée du bien d'être aidée et corrigée ».

[71] Voir la note sur madame de Charmoisy, lettre clxxxv, p. 140.

[72] La Mère Marie-Jacqueline Favre.

[73] La Mère Marie-Aimée de Blonay, issue d'une noble famille du Chablais (Savoie), fut, selon l'expression de saint François de Sales, « une vraie colombe, véritablement aimée de Dieu, des Anges et des hommes. » Dixième Religieuse de la Visitation, elle servit l'Institut avec un dévouement admirable au monastère de Lyon, où, en 1622, elle entendit son B. Père lui dire ces prophétiques paroles : « Ma fille, je vous laisse mon esprit et mon cœur. » Non contente d'avoir déjà contribué aux fondations de Valence et de Saint-Etienne, la Mère de Blonay s'enflamma d'un nouveau zèle pour le salut des âmes : Marseille, Avignon, Paray-le-Monial, Mâcon, Ville-franche, Le Puy, Condrieu, Bordeaux, etc., etc., possédèrent bientôt des maisons de la Visitation fondées par ses conseils ou affermies par ses aumônes. Lyon lui dut aussi un deuxième monastère de l'Ordre. Mais aux joies du Thabor succédèrent promptement les amertumes du Calvaire : une lance, des épines, un manteau d'ignominie furent présentés à cette Mère si angéliquement suave, par les mains qui auraient dû la caresser. À toutes sortes d'outrages elle n'opposa que paix, silence et charité, prouvant à ses calomniateurs qu'elle était digne héritière du cœur et de l'esprit de saint François de Sales. Rappelée à Annecy après son triennal de Bourg en Bresse, la Mère Marie-Aimée succéda à sainte Jeanne-Françoise de Chantal en 1641. Bientôt elle eut la douleur de lui rendre les honneurs funèbres et la consolation de voir son tombeau glorieux. Puis, tout en recueillant d'une main les premiers témoignages rendus aux vertus héroïques de sa Vénérable Fondatrice, elle travaillait de l'autre au procès de canonisation de son Bienheureux Père. En même temps, elle faisait bâtir la belle église destinée à servir de reliquaire aux dépouilles sacrées de ces deux grands Saints. Enfin, le 15 juin 1649, cette infatigable Supérieure fut conviée au repos éternel, et manifesta son crédit auprès de Dieu en obtenant des grâces très-particulières aux personnes qui recouraient à son intercession. (Vie de la Mère de Blonay, par Charles-Auguste de Sales, évêque de Genève.)

[74] L'archevêque de Lyon commençait à manifester l'intention de donner au monastère de cette ville des lois nouvelles et contraires à celles du Bienheureux Fondateur.

[75] Pieuses personnes qui désiraient dans leur ville l'établissement d'un monastère de la Visitation ; il ne se fit qu'en 1650.

[76] On poursuivait à Riom pour obtenir une fondation ; elle n'eut lieu qu'en 1623.

[77] Au printemps de 1616, M. Michel porta, en effet, ce précieux livre à Lyon, pour le faire approuver et imprimer.

[78] Sainte de Chantal occupait ses filles à des broderies pour la sacristie, et même pour le dehors.

[79] Les deux saints Fondateurs nommaient ainsi par amitié la Sœur Marie-Aimée de Blonay.

[80] Pieuse veuve qui, après avoir beaucoup contribué à la fondation de Lyon, entra plus tard au monastère et y vécut saintement, sous le nom de Sœur Jacqueline-Elisabeth Daniel. (Année Sainte, VIIIe volume.)

[81] Voici en quels termes la Mère de Chaugy rend compte de cette faveur : « Comme le Fils de Dieu souffrit trois rudes assauts et trois fortes tentations qui comprenaient toutes les autres, il voulut que cette chère âme souffrit aussi trois violentes atteintes, et permit qu'à la troisième, se trouvant presque réduite au néant, elle n'eût plus d'autre recours que de s'aller jeter aux pieds d'une image de la sainte Vierge, à qui elle fit cette petite harangue d'un cœur contrit et tout brisé de douleur : « Ma très-sainte Mère, étant absente de mon doux Jésus qui m'a laissée, parce que je n'ai pas su chérir dignement l'honneur de sa divine présence, je n'ai su m'adresser qu'à vous pour le trouver. Permettez-moi donc de vous dire que vous, qui avez une charité si grande, ne manquez pas de faire aux autres ce que vous voudriez qu'on vous fit, et que si votre Bien-Aimé vous avait laissée, vous voudriez qu'on vous le rendit. Vous avez été dolente pour l'avoir perdu l'espace de trois jours, et il y a si longtemps que je le cherche, sans en apprendre de nouvelles. Or, très-sainte Vierge, il faut que je vous fasse éprouver en figure s'il fait bon en être séparé. » Sur cela, prenant des ciseaux, elle coupa l'image du petit Jésus que la sainte Vierge tenait entre ses bras ; puis, peu après, saisie d'un sentiment de compassion, elle ajouta : « À la vérité, glorieuse Mère, je n'ai pas le courage de vous laisser sans votre précieux joyau », et tout soudain elle colla l'image du petit Jésus au lieu d'où elle l'avait coupée. S'étant mise en oraison, la sainte Vierge lui fit connaître que tout est permis à l'innocence, et l'honora d'une faveur si rare que de lui remettre son cher Fils entre les bras de son cœur, en lui disant : « Voilà mon fils, fais ce qu'il te dira. » Et tout à l'instant elle ressentit la présence douce et sensible de son Bien-Aimé. »

[82] C'est-à-dire aux Constitutions de la Visitation.

[83] Mgr André Frémyot, archevêque de Bourges, unique frère de sainte de Chantal.

[84] Saint François de Sales, on le sait, habitait à Annecy une maison que lui avait prêtée le président Favre ; il n'avait pas même l'agrément d'un jardin.

[85] Allusion aux embarras qu'eurent à surmonter les Sœurs de Lyon ; la Sainte voulait, dans sa maternelle prévoyance, épargner de semblables difficultés aux fondations nouvelles.

[86] La Vénérable Mère de Chantal, introduite dans le Cœur de Jésus par la direction de saint François de Sales, ne sortit plus de cette sacrée demeure, et y apprit de merveilleux secrets d'amour qu'elle ne cessa dès lors de découvrir à ses filles. Nous pouvons citer, à l'appui de cette assertion, la méditation dix-huitième de la Solitude annuelle, ayant pour titre : Par quel moyen l'âme religieuse ravit le Cœur de son Bien-Aimé. (Voir au deuxième volume des Œuvres diverses, page 42.)

[87] Le Traité de l'Amour de Dieu.

[88] Le 24 mai, saint François de Sales donna l'habit de la Visitation à deux de ses parentes, filles, l'une de son frère Gallois, et l'autre de son cousin Gaspard de Sales. On voit, d'après cette lettre, que le B. Prélat s'était chargé des frais de trousseau.

[89] Si la Sainte parle d'une chaise pour l'ameublement de la cellule, c'est que le Coutumier n'avait pas encore décidé que l'on aurait un siège, c'est-à-dire un simple tabouret de bois.

[90] Éditeur du Traité de l'Amour de Dieu.

[91] Plusieurs historiens de sainte de Chantal ont avancé qu'elle fit cette retraite à Paris en 1619, date évidemment supposée, comme il est facile de le prouver par les raisons suivantes : 1° l'original de cette lettre LXIIIe, la première concernant la retraite (lequel original est conservé aux Archives de la Visitation d'Annecy), ne porte aucune indication de jour ni d'année ; 2° les annales du 1er monastère de Paris, annales où sont relatées les principales actions de la Sainte pendant son séjour dans cette ville, ne font aucune mention d'une retraite en 1619, mais oui bien des mille difficultés qui s'opposaient à l'établissement du monastère, et des accablants travaux de saint François de Sales, lesquels ne lui permettaient même pas de s'occuper de ses chères filles, ainsi que le prouvent plusieurs lettres de cette époque. À deux diverses reprises, la Mère de Chantal écrit : « Monseigneur se porte bien ; nous le voyons quelquefois, mais nous ne lui pouvons quasi point parler. » (Voir les lettres CXCVII et CXCVIII).

S'il parait évident que la retraite en question n'a point eu lieu en 1619, des raisons convaincantes indiquent la date de mai 1616 comme la seule vraie : 1° dans la lettre LX (page 109), sainte de Chantal parle de sa préparation à une prochaine solitude, où elle reverra son âme devant son Bienheureux Père. Or, cette lettre et les suivantes ont incontestablement été écrites en mai 1616, puisqu'il y est question de l'impression du Traité de l'Amour de Dieu, lequel, comme on sait, parut pour la première fois à cette époque ; 2° à la fin du même mois, dans la lettre LXVI, adressée à la Mère Favre, la Sainte fait encore allusion à cette retraite. Bien que cette lettre, simplement datée du 28 mai, ne porte aucune désignation d'année, nul doute qu'elle ne soit de 1616, puisqu'elle renferme des recommandations pour M. Michel Favre, lequel fit alors à Lyon un séjour de quelques mois, pour surveiller l'impression du Traité de l'Amour de Dieu. Au besoin, l'épître LXII, adressée à M. Favre lui-même, viendrait encore corroborer ces témoignages ; 3° pendant cette retraite, où les deux Saints échangèrent des lettres si admirables, saint François de Sales souffrit d'une indisposition qui donna de grandes inquiétudes à sa fille spirituelle, ainsi que les billets de celle-ci en font foi. Or, le 28 mai 1616, la B. Fondatrice écrit à la Mère Favre toutes les angoisses qu'elle éprouva, sachant son incomparable Directeur atteint d'un mal qui, selon son expression, fut court, mais très-dangereux.

S'il est hors de doute que sainte de Chantal a fait une retraite en 1616, il n'est pas moins prouvé que c'est en cette circonstance qu'elle s'éleva à la pratique du plus parfait dénûment, ainsi qu'elle le certifie elle-même par les paroles suivantes, que nous retrouvons dans ses Papiers intimes : « Je reconfirme les vœux que j'ai faits à la sainte Trinité entre les mains de ce mien Père (saint François de Sales) et l'entier dépouillement de moi-même, ainsi que je le fis sans aucune réserve le mercredi devant la fête du Saint-Esprit [18 mai] 1616. » (Œuvres diverses, 1er volume, page 51.) D'autres preuves pourraient encore être produites, toutefois celles-ci nous paraissent suffisantes pour lever tous les doutes.

[92] Médecin de saint François de Sales et de la Visitation d'Annecy.

[93] De la Pentecôte, qui se rencontrait, cette année-là, le 22 mai.

[94] M. Michel Favre.

[95] Chaque Religieuse de la Visitation peut garder en sou particulier le livre de l’Imitation de Jésus-Christ ou le Combat spirituel, ou encore les Points d'humilité, par dom Sens de Sainte-Catherine.

[96] Un certain nombre d'exemplaires du Traité de l'Amour de Dieu. La Vénérable Mère de Chantal avait d'autant plus le droit de poser cette condition à l'éditeur, que jamais saint François de Sales ne voulut tirer aucun bénéfice de l'impression ou de la vente de ses ouvrages.

[97] Jésuite de Dijon.

[98] Dom Juste Guérin, Barnabite.

[99] Sainte de Chantal songeait à rappeler à Annecy Sœur P.-M. de Châtel, qui était toujours souffrante, et désirait que la Mère Favre la ramenât elle-même, ce qui eut lieu en effet peu après.

[100] Le duc de Nemours, qu'on désignait ainsi.

[101] C'est-à-dire d'une fondation dans cette ville.

[102] Au sujet de l'érection de la Visitation en Ordre religieux.

[103] Madame de Chevrières, à qui l'on a vu que la Mère Favre donnait ce nom par affection.

[104] Marie-Aimée, baronne de Thorens, et Françoise de Chantal.

[105] Sainte Jeanne-Françoise de Chantal, en demandant du temps pour s'habituer au grand Office que voulait imposer l'archevêque de Lyon, espérait qu'on obtiendrait de Rome l'approbation du petit Office de la Sainte Vierge, ainsi qu'il arriva en effet.

[106] Dom Juste Guérin, Barnabite, chargé de négocier à Rome plusieurs affaires du diocèse de Genève. Voir la note de la lettre LXXXII, page 140.

[107] On a vu, dans une lettre précédente, que la Mère Favre devait reconduire à Annecy la Sœur Péronne-Marie de Châtel.

[108] Le confesseur des Sœurs de Lyon était venu faire une visite à Annecy tandis que M. Michel Favre était à Lyon.

[109] Madame de Gouffier, Religieuse du Paraclet, gagnée à la piété par la lecture de l'Introduction à la vie dévote, était venue du fond de la Saintonge à Annecy pour conférer avec saint François de Sales et « épier saintement (selon le mot de la Mère de Chaugy) si sa Congrégation naissante n'était point la terre promise que Dieu lui voulait donner, et en laquelle elle espérait trouver des ruisseaux de lait et de miel ».

Pénétrée d'estime pour le nouvel Institut, madame de Gouffier eût voulu s'y engager pour toujours ; mais des obstacles insurmontables s'opposant à son dessein, on lui permit seulement de porter l'habit religieux dans l’intérieur du monastère, où on ne la désigna plus que sous le nom de Sœur Marie-Élisabeth. Infatigable ouvrière dans la vigne du Seigneur, après avoir contribué à la fondation de Lyon, elle aida encore à l'établissement des maisons de Moulins et de Paris, où nous la retrouverons successivement, cherchant toujours à se rendre utile aux Religieuses de la Visitation ; et toujours, sans le vouloir, elle fit briller les vertus de sainte de Chantal et de ses premières filles, sous les pas desquelles elle sema plus d'épines que de roses. Vers la fin de l'année 1621, riche de travaux et de mérites, madame de Gouffier quitta l'exil pour aller savourer les délices de la véritable terre promise.

[110] Pendant le voyage et le séjour de la Mère Favre à Annecy, Sœur Marie-Aimée de Blonay exerça à Lyon les fonctions de Supérieure.

[111] La présidente Le Blanc. Cette dame avait été fort adonnée à la vanité et aux pompeuses misères de ce monde ; mais elle n'eut pas plus tôt entretenu saint François de Sales, lors de son séjour à Lyon en 1615, qu'elle s'arracha du cœur toutes ces ronces de mondanité, et s'adonna à la dévotion avec tant d'ardeur qu'elle en devint un exemplaire. Amie et bienfaitrice dévouée de la Visitation, elle allait souvent retremper son unie auprès de la Mère Favre, et faisait de fréquents séjours au monastère de Lyon, où elle vivait comme une Religieuse, et ne voulait être appelée que Sœur Barbe-Marie. Elle s'employa avec zèle à procurer la fondation d'un monastère à Grenoble, et le combla de ses bienfaits ; peu d'années après cet établissement, fruit de ses soins, elle décéda saintement. Le B. Évêque fit de cette vertueuse dame l'éloge suivant, dans une lettre à la Mère de Châtel : « Vous n'avez donc plus parmi vous madame la présidente Le Blanc ; je crois qu'elle est parmi les Anges. C'était une femme rare, grande servante de Dieu. Grenoble perd en elle un grand exemple de vertu. « (Tiré de l'Histoire inédite de la fondation de Grenoble.)

[112] La Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard et ses fidèles coopératrices, les Sœurs Françoise-Gabrielle Bally, Marie-Avoye Humbert et Jeanne-Marie de la Croix, avaient quitté Annecy le 24 juillet 1616, munies de la bénédiction de leur Bienheureux Père et de ses saints conseils. À la Mère de Bréchard il dit ces douces et prophétiques paroles : « Qui peut conserver la douceur emmi les douleurs et allangourissements, et la paix entre les tracas et multiplicité d'affaires, il est presque parfait ; et bien qu'il se trouve peu de gens, ès religions mêmes, qui aient atteint à ce degré de bonheur, si est-ce qu'il y en a, partant il faut aspirer à ce haut point. Allez donc, ma chère fille, à l'œuvre à laquelle Dieu vous a élue ; il sera à votre dextre, afin que nulle difficulté ne vous ébranle. L'amour et la paix et consolation du Saint-Esprit soient à jamais en votre âme. Amen. À vous, ma fille, et d'une dilection paternelle, je vous donne la sainte bénédiction de Dieu. Bénie soyez-vous en allant, en demeurant, en servant Dieu, en servant le prochain, en vous humiliant jusque dans votre néant, en vous relevant jusque dans votre Tout, et Dieu soit uniquement votre Tout, ma très-chère fille. Amen. » (Histoire inédite de la fondation d'Annecy.)

[113] Il succéda en 1630 à son père Charles-Emmanuel Ier, sous le nom de Victor-Amédée Ier.

[114] Pieuse veuve de la Franche-Comté, « qui (au rapport de la Mère de Chaugy) avait vécu longues années dans la ville de Poligny comme Judith dans celle de Béthulie, faisant les mêmes exercices et les mêmes abstinences que cette veuve triomphante et si fameuse dans l'Écriture faisait dans sa maison avec ses filles... La renommée des miracles qu'il plaisait au Ciel de faire par la direction de Notre B. Père, en l'esprit duquel Dieu semblait avoir épuisé la plénitude de ses dons pour la conduite des âmes, toucha madame Favrot d'un très-ardent désir de venir puiser à cette source sacrée les eaux de salut. Après un fervent essai de vie religieuse à Annecy, force lui fut de retourner en son pays pour mettre ordre à ses affaires. Ses parents dressèrent des montagnes d'obstacles pour retarder son contentement ; mais elle brisa tous ses liens et reprit son vol vers l'arche sainte pour y consommer son sacrifice en 1618. » On retrouvera plus tard madame Favrot sous le nom de Sœur Françoise-Marguerite.

[115] Les Supérieurs ecclésiastiques du monastère de Lyon tenaient à n'admettre que des sujets dont la fortune fût une ressource pour la communauté naissante ; les deux saints Fondateurs, au contraire, ne considéraient ce point que comme très-accessoire.

[116] Il s'agit des Sœurs de Moulins, qui éprouvèrent beaucoup de difficultés.

[117] Madame de Gouffier.

[118] Le jeune baron de Chantal.

[119] La baronne de Thorens.

[120] Dom Juste Guérin, originaire du Bugey, entra chez les Barnabites, et contribua à établir des maisons de son Ordre à Turin, à Annecy et à Thonon. Son rare mérite le fit nommer confesseur des princesses de Savoie, qui lui offrirent plusieurs évêchés, sans pouvoir fléchir ses humbles résistances. Délégué en 1627 pour commencer les informations juridiques sur les vertus de saint François de Sales, il fut obligé, en 1639, par un commandement exprès d'Urbain VIII, de s'asseoir sur le siège épiscopal qu'avait illustré ce modèle des Pasteurs. Rempli de zèle apostolique, Mgr dom Juste Guérin appela dans son diocèse les prêtres de Saint-Lazare, et leur confia la direction du grand Séminaire ainsi que la charge de donner des missions au peuple de la campagne. Il mourut à Rumilly, le 3 novembre 1645, à l'âge de soixante-sept ans. (Mémoires de l'abbé Besson.)

[121] Depuis son retour à Annecy, Sœur Péronne-Marie de Châtel était maîtresse des novices.

[122] La Communauté de Moulins.

[123] Saint François de Sales devait aller prêcher l'Avent à Grenoble.

[124] Les Révérendes Mères Carmélites, appelées à Lyon par Charles d'Halincourt, marquis de Villeroy, vinrent s'y établir en 1616 et passèrent quelques instants à la Visitation avant d'entrer dans leur monastère.

[125] La Vénérable Mère J.-C. de Bréchard et ses coopératrices n'arrivèrent à Moulins qu'un mois après leur départ d'Annecy, le 24 août 1616. « Dès le lendemain, l'établissement se fit avec beaucoup d'applaudissements. Mais on peut dire que le divin Époux les attendait en ce lieu comme leur unique trésor, avec les trois compagnes inséparables de sa vie mortelle : la pauvreté, le mépris et les souffrances, qui ne les abandonnèrent pas. Peu après, la Vénérable Mère de Bréchard fut sérieusement malade pendant deux mois, tandis que de toutes parts les contradictions et travaux pleuvaient à flots sur les chères fondatrices. » (Histoire inédite de la fondation de Moulins.)

[126] C'est-à-dire le renouvellement des vœux.

[127] Veuve d'un trésorier de France, femme de grande vertu et charité. Après avoir favorisé de tout son pouvoir l'établissement du monastère de Moulins, elle s'y fit Religieuse et y mourut saintement.

[128] La Sainte fait allusion à la cérémonie du renouvellement des vœux, qui se fait tous les ans à la Visitation, le 21 novembre, fête de la Présentation de la Sainte Vierge.

[129] Saint François de Sales avait écrit au cardinal Bellarmin, et dont Juste Guérin travaillait à Rome, de son côté, pour obtenir la dispense du grand Office.

[130] Jeanne-Hélène de Gérard, nièce de M. de Bouqueron, président du parlement de Grenoble. Attirée par les enseignements et la suavité du Saint, qui prêchait alors dans cette ville, elle lui avait demandé une place à la Visitation d'Annecy. Ce Bienheureux la lui accorda, dans la pensée qu'elle serait une des premières pierres de la fondation qui se préparait pour Grenoble. Cette fervente prétendante arriva au 1er monastère à la fin de mai 1617.

[131] C'était sa troisième couche ; l'enfant était mort une heure après son baptême.

[132] La vertueuse Sœur Marie-Aimée de Blonay, est-il dit dans l’Histoire de la fondation d'Annecy, exerçait la charge de directrice avec grande soumission et respect. Tout justifiait en elle ce beau nom de Règle vivante qu'on lui donnait d'ordinaire : aussi ses actions et ses enseignements n'étaient-ils qu'une répétition fidèle des choses qu'elle avait apprises des saints Fondateurs, inculquant souvent cette doctrine, qui doit être la base et le soutien de tout l'Ordre : « Que les maximes particulières de la Visitation d'Annecy devaient être communes à tout l'Institut, lors même qu'il y aurait mille millions de monastères, tout ainsi que l'Evangile de Jésus-Christ est, et doit être toujours le fondement universel de notre créance et de notre obéissance, lors même qu'il y aurait un million de nouveaux mondes. »

Cet ingénieux rapprochement de la Règle au saint Évangile ayant été communiqué à saint François de Sales, il en fut touché, et ordonna que, quand on ferait de nouveaux établissements, on insérerait dans les permissions et dans les premiers actes des fondations : Que les Sœur allaient s'établir pour vivre selon les Règles, Constitutions et coutumes du monastère d'Annecy, et répondant à la lettre de sa chère cadette, il lui dit : « Ma fille, faites que cette lumière vous serve pour toute votre vie : dites ce que vous avez vu, enseignez ce que vous avez ouï à Annecy. Hélas ! cette racine est petite, basse et profonde, mais la branche qui s'en séparera périra, et ne sera bonne que pour être coupée et jetée au feu. »

[133] Novice qui n'était pas propre à la vie religieuse.

[134] Aignan Moreau.

[135] Voir la note sur madame de Gouffier, lettre LXXX., page 137.

[136] Sainte de Chantal fait ici allusion à la vertu, qu'elle estimait plus que l'or et les pierreries.

[137] En ces commencements la clôture était peu sévère, les Constitutions ne l'ayant pas encore fixée suivant les prescriptions du Concile de Trente.

[138] Saint François de Sales prêchait alors son premier Carême à Grenoble ; au milieu des occupations incessantes de son zèle, il n'oubliait point ses chères filles d'Annecy. Le quatrième dimanche de Carême, il leur adressa une lettre d'une suavité nonpareille, où, après les avoir comparées aux abeilles, il ajoute : « Vivez joyeuses, mes très-chères filles, entre vos saintes occupations. Quand l'air vous sera nébuleux entre les sécheresses et aridités, travaillez au dedans de votre cœur par la pratique de la sainte humilité et abjection ; quand il sera beau, clair et serein, allez, faites vos spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion et de Thabor. De la montagne déserte où Notre-Seigneur repaît sa troupe aujourd'hui (dimanche de Lœtare), volez jusqu'au sommet de la montagne du ciel, et voyez les immortelles délices qui y sont préparées pour vos cœurs. »

« Hé ! qu'ils sont heureux, ces cœurs bien-aimés de mes filles, d'avoir quitté quelques années de la fausse liberté du monde, pour jouir éternellement de ce désirable esclavage, auquel nulle liberté n'est ôtée, que celle qui nous empêche d'être vraiment libres ! »

[139] Madame Verne bienfaitrice de la communauté de Moulins.

[140] Sœur Marie-Avoye Humbert, native de Dijon, et douzième Religieuse d'Annecy, fut envoyée à la fondation de Moulins, où elle décéda en 1657, avec de grands sentiments d'humilité et de confiance en Dieu. Une constante fidélité à la grâce de sa vocation lui mérita cet éloge de sainte Jeanne-Françoise de Chantal : « Si les règles et coutumes de l'Ordre étaient perdues, on les retrouverait facilement en examinant la conduite de notre Sœur Marie-Avoye. » (Livre des Vœux du 1er monastère d'Annecy.)

[141] C'est de la Mère Favre elle-même que la Sainte parle si agréablement et avec tant d'affection.

[142] Pierre de Bérulle, plus tard cardinal et fondateur de l'Oratoire en France, dont saint François de Sales faisait ce magnifique éloge : « M. de Bérulle est tout tel que je saurais désirer d'être moi-même ; je n'ai guère vu d'esprit qui me revienne comme celui-là, ains je n'en ai pas vu ni rencontré. » Un sentiment de réciproque vénération unit aussi M. de Bérulle à sainte J. F. de Chantal, dont il avait, dès 1604, prédit les sublimes destinées. Quinze ans plus tard, la retrouvant à Paris, on l'entendit s'écrier : « La Mère de Chantal est une des plus grandes amantes que Dieu ait sur la terre. »

[143] Sœur Jeanne-Marie Cotton, propre sœur du Père Cotton, confesseur de Henri IV, laquelle ne pouvait renoncer à la communion journalière. Ce point, qui dénotait un grand attachement à ses habitudes et à ses vues personnelles, fit craindre qu'elle ne fût pas propre pour l'Institut ; elle sortit du monastère, et se sanctifia dans le monde par une vie toute consacrée aux bonnes œuvres.

[144] Sœur Marie-Gasparde d'Avise appartenait à une noble famille de Savoie, « À vingt ans, dit la Mère de Chaugy, elle se voyait estimée de tous pour sa vertu, et des mondains pour sa beauté ; aussi il ne tint qu'à elle de devenir belle-sœur de saint François de Sales, mais une vive foi lui fit préférer le bonheur d'être sa fille. « Après l'avoir communiée à l'église de la Visitation, le Saint dit à notre Mère de Chantal : « Notre-Seigneur m'a donné en communiant notre chère Gasparde, mademoiselle d'Avise. » Celle-ci, en effet, le même jour, demanda son entrée au monastère, 1616. Après un noviciat exemplaire, elle fut jugée digne d'accompagner la Vénérable Fondatrice en plusieurs de ses voyages, et la suivit à la fondation de Chambéry, où elle fut élue Supérieure au départ de la Sainte. » De retour à Annecy (disent les anciens Mémoires), elle fut toute de cœur pour suivre la vie commune, dans laquelle elle a persévéré avec une grande piété, et selon l'esprit de simplicité, d'humilité et de confiance qui caractérise les vraies filles delà Visitation. » Elle décéda le 15 janvier 1649.

[145] Madame Colin.

[146] Mgr Jean de la Croix de Chevrières.

[147] La pensée de sainte J. F. de Chantal est conforme à l'enseignement théologique, d'après lequel le désir de faire les vœux solennels et le soin de les observer dans sa conduite (bien qu'on ne soit lié que par des vœux simples) peuvent compenser, devant Dieu, le mérite propre des vœux solennels. La Sainte calme ainsi les regrets d'une âme agitée, et lui fait entrevoir le moyen d'arriver à un degré de perfection auquel elle ne saurait atteindre par le seul mérite des vœux simples.

[148] Le baron de Thorens, colonel de 1,200 hommes, après avoir pris une part active aux différentes campagnes des années précédentes, repassait en hâte les Alpes avec ses soldais, pour attaquer les Espagnols, qui allaient investir Verceil ; cependant il ne devait pas avoir la gloire de combattre : à peine arrivé au camp, il fut saisi d'une fièvre pestilentielle. Son frère, Janus de Sales, et ses amis le firent transporter à Turin, espérant l'arracher à cette terrible maladie ; mais lui, « dès qu'il se sentit frappé, se jugea perdu, et ne songea plus qu'à mourir en chrétien ». En effet, le 23 mai 1617, le baron de Thorens décéda à l'âge de trente-quatre ans, « comme un saint entre les soldats », dit saint François de Sales. Il fut assisté dans ses derniers moments par le Père dom Juste Guérin, barnabite, et fut regretté de tous : des princes, de l'armée, de ses amis et surtout de sa famille : « C'était (disent les anciens Mémoires) un vaillant homme de guerre, un parfait gentilhomme, un excellent chrétien. »

[149] Jusqu'à cette époque, aucune des novices de Lyon n'avait pu faire les vœux, l'archevêque ne voulant pas le permettre avant que les affaires qui se traitaient à Rome fussent décidées. La première cérémonie de profession eut lieu le 18 juin 1617.

[150] La vénérable Mère de Bréchard s'était offerte à Dieu en victime, pour obtenir la conversion de son père. (Vie de la V. Mère, par la Mère de Chaugy.)

[151] Madame de Gouffier.

[152] Péronne de Benno, nièce de M. Roland, aumônier de saint François de Sales, entra au monastère en 1618. « Ce fut en cette année (dit la Mère de Chaugy) que nos saints Fondateurs réglèrent les trois rangs des Sœurs de la manière qu'il se pratique maintenant dans l'Institut. Notre Sœur M. Michel de Nouvelles fut la première Sœur associée ; notre chère Sœur Péronne de Benno, qui était forte et de bonne complexion, fut Sœur domestique, et la première qui ait gardé le voile blanc à la profession ; jusqu'alors on n'avait point fait de distinction de rang. Or, cette chère Sœur de Benno était demoiselle des familles des plus nobles du pays, mais si humble que, dès qu'elle sut qu'elle était destinée pour ce rang, elle en marqua une joie sensible. M. Roland, aumônier du Bienheureux, chanoine de la cathédrale et oncle de notre chère Sœur, ne fut point de ce sentiment, trouvant que cet emploi était trop pénible pour sa nièce. Notre saint Fondateur était sur le point de lui donner le voile noir, mais cette vertueuse fille tint ferme pour garder l'humble rang qui lui avait été destiné. Par ses sages et prudentes raisons, elle gagna l'esprit de son oncle et de plusieurs de ses proches, qui s'y opposaient aussi très-fortement ; elle leur disait que les prémices ayant toujours une bénédiction particulière du Ciel, elle espérait qu'étant la première de ce rang, elle aurait toutes les bénédictions et grâces que Dieu, dans la suite, répandrait avec abondance sur celles qui suivraient Jésus-Christ dans sa vie humble et laborieuse, et qui seraient exactes, dans cet emploi bas aux yeux humains, à tenir leurs cœurs élevés en Dieu et fidèles à la règle. Toutefois le bon M. Roland était peu satisfait : c'est pourquoi nos saints Fondateurs, en l'année 1622, choisirent cette chère Sœur pour aller donner commencement à notre monastère de Dijon, où elle vécut saintement jusqu'en 1666. »

[153] Le baron de Thorens.

[154] La baronne de Thorens était auprès de sa sainte Mère, lorsqu'elle reçut la nouvelle du trépas de son mari ; elle ne voulut plus quitter le monastère. C'est là qu'elle attendit, avec une paix et une douleur nonpareilles, le moment qui devait la réunir dans le ciel à celui qu'elle avait perdu.

[155] La Sainte parle ici des Sœurs tourières, c'est-à-dire des filles qui servent la communauté à l'extérieur, et ne sont pas obligées à la clôture.

[156] Celse-Bénigne.

[157] Les vénérables Sœurs Clément et les Sœurs Françoise-Marguerite Favrot et Claude-Thérèse d'Albamey.

[158] La petite Austrain, que l'on était obligé de congédier, comme il a été dit plus haut.

[159] On lit dans les registres mortuaires de la paroisse de Saint-Maurice d'Annecy : « Le 9 juillet 1617, fut enterré à Saint-Dominique respectable Charles du Coudreys, président du Génevois, qui se noya en se baignant près de Menthon. »

[160] René Favre de la Valbonne, frère de la Mère M. J. Favre, obtint en effet cette charge et l'exerça jusqu'à sa mort.

[161] Rose Bourgeois de Crépy, abbesse du Puy-d'Orbe, qui, aidée des conseils de saint François de Sales, travaillait à réformer son abbaye.

[162] La fête de saint Jacques, alors chômée, était la fête de la Mère Favre.

[163] Tous trois chanoines de la cathédrale.

[164] Projets de fondations en ces villes.

[165] Madame de Gouffier.

[166] Après le prochain Avent que le Saint devait prêcher à Grenoble.

[167] Les maisons de M. le fiscal. Sa fille vécut saintement au monastère d'Annecy, sous le nom de Sœur Marie-Louise Barfelly.

[168] Novice qu'on avait congédiée.

[169] L'aimable et vertueuse baronne de Thorens mourut le 7 septembre 1617, trois mois et demi seulement après son mari ; mais en ce peu de temps elle atteignit un rare degré de perfection. Voici en quels termes saint François de Sales fit l'éloge de cette chère défunte : « Il est vrai, dit-il, Dieu a affligé notre maison en la mort de mon frère et de ma sœur de Thorens ; mais sa main divinement paternelle nous force d'adorer sa suave bonté, qui ne nous a touchés que doucement, puisque mon frère est mort saint entre les soldats, où il se trouve si peu de saints ; et ma sœur, sa chère épouse et mon unique fille, est morte sainte entre les servantes de Dieu, et dans le cloître, qui est ordinairement un séminaire de sainteté. Elle a fait profession, et est enterrée dans l'habit de la Visitation. Les médecins qui la servaient en sa dernière maladie disaient que si les Anges pouvaient mourir, ils voudraient mourir de la sorte, et m'ont demandé congé de l'invoquer. » (Histoire inédite de la fondation d'Annecy, par la Mère de Chaugy.)

L'auteur de l'excellent ouvrage les Filles de sainte Chantal a reproduit textuellement le touchant récit des contemporaines sur la mort édifiante de la baronne de Thorens.

[170] Là consécration de l'église du monastère eut lieu, en effet, le 30 septembre de cette année 1617.

[171] Il semblait, dit la Mère de Chaugy, que cette bénite défunte (la baronne de Thorens) obtint de Dieu que grand nombre de filles vinssent posséder la chère vocation qu'elle avait tant aimée ; car de tous côtés l'on demandait des établissements de la Visitation ; ce qui fit écrire à notre Bienheureux Père les paroles suivantes à la Mère de Bréchard : « Mon Dieu, ma chère fille, que vous autres, qui êtes les premières Mères et comme les colonnes de cette petite Congrégation, devez être grandement humbles, vertueuses et vouées à l'esprit de Dieu, puisque vous voyez que de toutes parts l'on vous désire ! Partout l'on cherche des greffes et plants de vos pépinières, car voilà Grenoble, Turin, Montpellier, Valence, Clermont, le Mans. En somme, partout il semble que l'on vous veuille à l'envi, sans que nul artifice se montre dans ces recherches. » (Histoire inédite de la fondation du monastère d'Annecy.)

[172] La duchesse de Mantoue, Marguerite, infante de Savoie, qui avait accepté en 1614 le titre de Protectrice de la Visitation, avait fait don au monastère d'une belle et grande croix de cristal enrichie de pierreries, en souvenir de la bénédiction de la première pierre de l'église. La duchesse s'était fait représenter à la cérémonie par la comtesse de Tournon.

[173] Ce dégagement et cette modération de la Sainte, au milieu des contrariétés, ont été fort loués par saint François de Sales, qui, à cette occasion, écrivait à un de ses amis, en septembre 1617 : « ... Mais qui vous a pu dire que nos bonnes Sœurs de la Visitation aient été traversées pour leurs places et bâtiments ? Oh ! mon cher frère, Dominus refugium factus est nobis ; Notre-Seigneur est le refuge de leur esprit ; ne sont-elles pas trop heureuses ? Et comme notre bonne Mère, toute vigoureusement languissante, me dit hier : Si les Sœurs de notre Congrégation sont bien humbles et fidèles à Dieu, elles auront le Cœur de Jésus, leur Époux crucifié, pour demeure et séjour en ce monde, et son palais céleste pour habitation éternelle. Il faut que je die à l'oreille de votre cœur, si amoureusement aimé du mien, que j'ai une suavité d'esprit inexplicable de voir la modération de cette chère Mère, et le dégagement total des choses de la terre qu'elle a témoigné pour toutes ces petites traverses. Je dis ceci à votre cœur seulement ; car j'ai fait résolution de ne rien dire de celle qui a entendu la voix du Dieu d'Abraham : Egredere, etc. En vérité, elle le fait, et plus que cela. Or, il me reste de la recommander à vos prières, parce que les fréquents assauts de ses maladies nous donnent souvent des assauts d'appréhensions, bien que je ne cesse d'espérer que le Dieu de nos pères multipliera sa dévote semence, comme les étoiles du ciel et le sablon qui se voit sur l'arène des mers. »

[174] M. de Neuchèze, fils de Marguerite Frémyot, baronne des Francs ou d'Effrans, sœur aînée de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, avait embrassé la carrière ecclésiastique et s'était attaché à l'archevêque son oncle, qui le fit grand vicaire et chancelier de l'Église de Bourges.

[175] Pour aller prêcher l'Avent à Grenoble.

[176] Cet avis de sainte de Chantal, au sujet du catéchisme et de l'aveugle soumission à l'enseignement de l'Eglise, sans mélange d'aucune curiosité, était des plus opportuns à l'époque où l'on se trouvait alors, car, aux erreurs du protestantisme, commençaient à s'ajouter les subtilités et l'orgueil du jansénisme. On vit peu après, en effet, comment les femmes elles-mêmes, guidées par les maîtres de la secte, s'érigèrent en docteurs, croyant en savoir plus que le souverain Pontife et que l'Église tout entière.

[177] Trois jeunes filles de qualité qui venaient à Annecy, encouragées par l'exemple de mademoiselle de Gérard, et surtout par la direction que leur avait donnée le Bienheureux Évêque durant l'Avent qu'il prêcha à Grenoble en 1617. Elles arrivèrent au premier monastère quelques jours après les Rois, 1618, afin d'y commencer leur noviciat, en attendant la fondation projetée dans leur ville natale.

[178] Promoteur de la fondation de Grenoble.

[179] D'après les anciens livres de compte du premier monastère de la Visitation d'Annecy, ces moulins furent achetés en 1618, pour le prix de 15,666 florins.

[180] La Sainte parle de son fils, Celse-Bénigne, qui venait d'arriver à Annecy, Il avait alors vingt et un ans « et était très-adonné au monde, où il était fort goûté » ; mais sa sainte Mère lui désirait une autre fortune, et souhaitait vivement qu'il profitât des entretiens de saint-François de Sales pour se ranger à la dévotion.

[181] Les amis de Celse-Bénigne, qui l'avaient accompagné à Annecy.

[182] Pendant le Carême qu'il prêchait à Grenoble en 1618, saint François de Sales, voyant que tout était prêt pour la fondation qu'on lui demandait dans cette ville, manda à sainte de Chantal de venir le rejoindre. « Je vous prie, ma chère Mère, lui écrivait-il, de préparer doucement nos petites avettes pour faire une sortie au premier beau temps, et venir travailler dans la nouvelle ruche pour laquelle le Seigneur prépare bien de la rosée... » La sainte Fondatrice partit en effet le 5 avril, accompagnée des Sœurs Péronne-Marie de Châtel, Marie-Françoise de Livron, Marie-Marguerite Milletot, Marie-Antoine Tiolier (cette dernière du rang des Sœurs domestiques), et des quatre novices de Grenoble qui avaient pris l'habit à Annecy.

[183] Sainte Jeanne-Françoise de Chantal et ses filles arrivèrent à Grenoble le 7 avril, et furent reçues par les autorités civiles et religieuses avec de grands témoignages de satisfaction et de bienveillance.

[184] Une des fondatrices du monastère de Lyon. M. Chaudon, son mari, entra chez les capucins, tandis qu'elle était reçue elle-même au noviciat de la Visitation ; mais elle fut bientôt obligée de le quitter, M. Chaudon n'ayant pas persévéré dans sa vocation.

[185] Sœur Paule-Jéronyme de Monthoux d'Annemasse, d'une très-ancienne noblesse de Savoie, fit profession au monastère d'Annecy le 27 décembre 1615. En 1620, elle fut envoyée comme supérieure à la fondation de Nevers, et en 1625 à celle de Blois. « Cette grande religieuse (dit la Mère de Chaugy) fut des premières reçues dans la Congrégation par nos Bienheureux Père et Mère ; elle en porta les premiers travaux et les premiers emplois dans les fondations, et en conserva le premier esprit jusqu'au dernier soupir de sa vie. Elle travailla tellement à bien établir les vertus de simplicité, de pauvreté et d'humilité dans les maisons qu'elle fonda, que l'on peut dire en vérité : L'ouvrière est reconnaissable à la perfection de son travail. Elle décéda à Blois le 3 septembre 1661, et sa mémoire y demeura en si grande bénédiction, qu'on lui éleva un tombeau dans l'église de la Visitation. Il était partie du côté des religieuses, partie du côté des séculiers, qui avaient une extrême dévotion à cette grande servante de Dieu. » (Livre des vœux du premier monastère d'Annecy.)

[186] Saint François de Sales.

[187] Saint François de Sales quitta Grenoble et revint à Annecy aussitôt après le dimanche de Quasimodo.

[188] Sœur de madame Chaudon. Elle entra à la Visitation d'Annecy et y fit profession sous le nom de Sœur M.-Françoise ; peu après, elle fut envoyée à la fondation d'Orléans, puis à celle de Montargis.

[189] Les Sœurs Hélène-Marie Le Blanc et Anne-Catherine de Beaumont-Carra firent, en effet, la sainte profession le 27 mai 1618.

[190] Après avoir passé six semaines à Grenoble, sainte Jeanne-Françoise de Chantal s'arrêta quelques jours à Lyon, à la prière de la Mère M. J. Favre ; c'est de là qu'elle écrivit à la Mère Péronne-Marie de Châtel cette lettre si maternelle, où elle l'encourage à se garder d'une trop grande défiance d'elle-même et de son éloignement naturel pour la charge de supérieure.

[191] Frère de Mgr l'archevêque d'Embrun et confesseur de la Visitation de Grenoble, estimé pour un très-vertueux et dévot ecclésiastique. (Histoire inédite de la fondation de Grenoble, par la mère de Chaugy).

[192] Mgr Alphonse de la Croix de Chevrières, coadjuteur de son père, l'évêque de Grenoble.

[193] La mère Jacqueline Favre.

[194] La sœur Marie-Aimée de Blonay.

[195] Saint François de Sales.

[196] Faire la fondation de Bourges. Ce projet ne réussit pas ; sainte de Chantal y alla sans la Mère Favre.

[197] La Sainte pensait en conduire quelques-unes à la fondation de Bourges, qui allait s'effectuer.

[198] Les Entretiens de saint François de Sales, que les Sœurs d'Annecy avaient recueillis.

[199] Sœur Jeanne-Marie de la Bastie, une des novices fondatrices de Grenoble.

[200] On retrouve dans ce paragraphe un conseil qui fut déjà donné dans une lettre précédente et presque dans les mêmes termes ; mais cette répétition est bien de la Sainte, puisque les deux originaux conservés aux Archives de la Visitation d'Annecy reproduisent ces phrases textuellement.

[201] Il fut plus tard évêque de Gap.

[202] Sœur Jeanne-Hélène de Gérard, première religieuse du monastère de Grenoble, avait commencé son noviciat à Annecy. Cette âme fervente était attirée à l'austérité de vie et aux pénitences corporelles. À ce sujet, saint François de Sales lui écrivit une lettre dans laquelle il assure que le perpétuel assujettissement de l'esprit est bien préférable aux macérations de la chair : « Quelle plus grande austérité peut-il y avoir (dit le B. Évêque), que de tenir sa volonté sujette et continuellement obéissante ? Quelle meilleure pénitence peut faire un cœur que de souffrir, subir une croix continuelle et une perpétuelle abnégation de son amour-propre ? »

Les avis du sage Directeur éclairèrent cette âme trop ardente, et la tentation céda devant l'obéissance. (Histoire inédite de la fondation de Grenoble.)

[203] En allant à la fondation de Bourges.

[204] Coadjuteur de Grenoble.

[205] Sœur Anne-Louise de Villars.

[206] On voit dans les anciens livres de compte du premier monastère de la Visitation d'Annecy que ce procès fut entrepris en 1618 et terminé sur la fin de cette même année.

[207] D'après le premier livre du chapitre du monastère d'Annecy, on voit que la Sœur Anne-Françoise ne fut pas une des fondatrices de Bourges, mais que la Sainte prit, en passant à Lyon, Sœur Jeanne-Françoise Étienne.

[208] André Frémyot, frère de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, naquit à Dijon en 1573. Formé à l'école du président Frémyot, son père, il se fit remarquer par une jeunesse irréprochable, studieuse et couronnée de brillants succès. À vingt-six ans, il était reçu conseiller au parlement de Dijon et conseiller du roi ; mais bientôt renonçant à la fortune séculière, il embrassa la carrière ecclésiastique. Nommé archevêque de Bourges avant même d'être promu au sacerdoce, le jeune prélat eut le bonheur d'entendre et de connaître saint François de Sales pendant le Carême de 1604 ; il se plaça sous la direction du Saint, et dès ce moment, sa vie, d'honnête et réglée qu'elle était, devint véritablement sacerdotale. Il célébra sa première messe le jeudi saint de cette même année 1604, assisté à l'autel parle B. Évêque de Genève, qu'il ne considéra plus que comme son père et son modèle.

[209] Cette érection avait été ordonnée par une Bulle du pape Paul V, en date du 23 avril de celle, année 1618. Par cette Bulle, Sa Sainteté munissait saint François de Sales de son autorité apostolique pour établir et instituer la Visitation en Ordre religieux. Dés ce jour, la clôture fut établie et toutes les lois de la solennité des Vœux, comme dans les grands Ordres de l'Église.

[210] Sainte de Chantal, avant de faire le vœu solennel de pauvreté, avait obtenu un délai de quelques mois pour terminer entièrement ses affaires temporelles.

[211] MM. de Neuchèze.

[212] Le prince-cardinal de Savoie allait à Paris pour négocier le mariage du prince de Piémont, Victor-Amédée, avec Christine de France, sœur de Louis XIII ; saint François de Sales, par ordre du duc de Savoie, fit partie de cette ambassade. On voit, par cette lettre, que son départ devait précéder celui de sainte de Chantal ; mais des circonstances imprévues dérangèrent tous les projets. Ce ne fut que vers la fin du mois qu'il se mit en route avec toute la suite du prince-cardinal ; et après avoir passé par Lyon, il arriva à Paris environ le 10 novembre 1618.

[213] On lit dans le premier livre du chapitre du monastère d'Annecy : « Notre digne Mère de Chantal partit pour Bourges le 22 octobre, emmenant avec elle les Sœurs Anne-Marie Rosset, Marie-Marthe Legros, Hélène-Marie Le Blanc et Anne-Catherine de Beaumont. »

Saint François de Sales, toujours occupé du bien spirituel de ses chères filles, leur donna en cette occasion de précieux avis. La Mère Anne-Marie Rosset, en qualité de supérieure de la petite colonie, reçut le billet suivant :

« Ma très-chère fille, les armes qu'il faut porter pour aller en fondation ne sont autres que la sainte humilité ; mais de celle-ci il en faut être toute couverte : car l'humilité est toute généreuse, et nous fait entreprendre avec un courage indicible tout ce qui regarde le service de Dieu et l'agrandissement de sa gloire ; et moins nous sentons de capacité en nous pour ce faire, d'autant plus nous devons nous serrer et attacher à Dieu, nous confiant totalement en son assistance, laquelle il ne manquera pas de nous donner, pour nous acquitter de notre devoir, si nous sommes remplie de défiance de nous-même ; car il est tout assuré que nous ne pouvons chose quelconque de nous ; mais c'est la vérité, qu'en Dieu toutes choses nous sont possibles. Nous ne sommes pas économe, ni supérieure des talents que Dieu a mis en nous, mais seulement dépensière, pour les distribuer aux autres, portant l'esprit de la Visitation, afin de le répandre au prochain, tâchant de purifier, polir et former les esprits de celles que Dieu nous commettra, qui se trouveront fort divers, èsquels il faudra que nous exercions une grande douceur, support et patience, pour les voir cheminer le petit pas, et toujours commettre des imperfections ; inculquant à ces âmes-là la vraie douceur, humilité et générosité, qui est le vrai esprit de nos règles ; afin que par ce moyen elles parviennent à la perfection de l'amour sacré et à l'union de leurs âmes avec Dieu, qui est la fin pour laquelle il les a appelées à la religion. »

Dans toutes les éditions des Lettres de sainte de Chantal qui ont paru jusqu'à ce jour, ce billet a figuré comme étant de la Sainte ; mais la Mère Rosset, dans un recueil qu'elle a fait elle-même des Lettres de ses deux saints Fondateurs (lequel recueil est aux Archives du premier monastère de la Visitation d'Annecy), assure que ces avis lui ont été donnés par saint François de Sales.

[214] Ce mot veut toujours dire exemplaires.

[215] La Mère Claude-Agnès Joly de la Roche, issue d'une très-honorable famille d'Annecy, fut la neuvième religieuse de la Visitation, et l'une des âmes les plus favorisées de Dieu. « Chargée d'enseigner à chanter l'Office divin aux novices ses compagnes, dit la Mère de Chaugy, elle leur enseignait en même temps par son exemple la solide vertu et leur apprenait à lire dans le Cœur de Jésus mourant sur la croix, qui est le livre des sept sceaux, écrit dedans et dehors et qui n'a été ouvert qu'à l'ouverture de son sacré côté. » En 1618, Sœur Claude-Agnès tint au monastère d'Annecy, comme assistante, la place de sainte de Chantal, qui dut s'absenter pour les fondations de Bourges et de Paris. En 1620, elle fut envoyée elle-même à Orléans comme supérieure de cette nouvelle maison, et en 1628 elle fonda le monastère de Rennes, où elle décéda saintement le 30 décembre 1630. « Le chemin de la Croix, soit intérieur, soit extérieur (disait-elle souvent), est le plus assuré, le plus court, le plus désirable, pourvu que l'on ait du courage et de l'amour. » (Vies des quatre premières Mères de la Visitation.)

[216] L'arrivée des fondatrices à Bourges avait eu lieu le 14 novembre. « L'Archevêque était allé au-devant de sa digne Sœur, qui fut reçue avec applaudissement, non-seulement parce qu'elle était sœur d'un prélat fort considéré, mais encore pour rendre hommage à son propre mérite, chacun la regardant comme une Sainte. » (Histoire de la fondation de Bourges.)

[217] De saint François de Sales.

[218] Sœur Françoise-Gabrielle Bally, professe du monastère d'Annecy, dès l'année 1615, reluisit toujours en dévotion et excella dans la pratique de toutes les vertus. Saint François de Sales en rend ainsi témoignage, écrivant au Père dom Placide, Religieux de Saint-Benoît, son frère : « Mon très-cher Père, je puis vous assurer que notre très-chère fille F. G. Bally, votre sœur, m'est aussi chère que si elle était la mienne propre, sa piété m'y ayant convié. Je loue Dieu de ce qu'elle donne et reçoit beaucoup de consolation en la Congrégation de nos chères Sœurs. Notre Mère de Chantal l'aime parfaitement, et nous voyons que c'est un vase bien poli et toujours ouvert pour recevoir les grâces célestes, une âme droite et un esprit vide et dénué de tous les désirs de ce monde, et qui n'a pensée et dessein que pour son Dieu. » Cette édifiante Religieuse fut envoyée à la fondation de Moulins, « où Dieu la gratifia (dit la Mère de Chaugy) d'une grande maladie, durant quelques mois. Sa divine bonté lui départit des faveurs si extraordinaires, que notre digne Mère de Chantal assure qu'elles ne sont pas moins considérables que celles dont l'Amant céleste a honoré sainte Catherine de Gênes. » Appelée à la fondation de Bourges pour y exercer les charges d'assistante et d'économe, elle y fut ensuite élue Supérieure, et, après avoir fidèlement accompli l'œuvre de Dieu, elle y mourut eu odeur de sainteté, 21 mars 1634.

[219] Il s'agit ici de Françoise de Chantal et d'un projet de mariage avec M. de Foras.

[220] La Mère Marie-Hélène de Chastellux fut une des plus vives lumières et l'un des plus fermes appuis de l'Institut. Issue d'une noble famille encore florissante en Bourgogne, elle apporta au monastère de Moulins, outre les avantages estimés par le monde, les avantages plus précieux de l'ordre surnaturel : un cœur grand et généreux, une âme déjà enrichie des dons de la grâce et merveilleusement avide de les accroître chaque jour ; aussi les fit-elle valoir comme une fidèle dispensatrice. Supérieure à Moulins, Autun, Bourg en Bresse, Saint-Amour, Semur, Châlon et Avallon, partout elle justifia la prophétie qu'avait faite saint François de Sales, en 1622, lors de sa première élection : « Je vous assure que cette chère Mère est toute selon mon cœur ; mais que dis-je ? je crois fermement qu'elle est entièrement selon le Cœur de Jésus, duquel j'espère qu'elle recevra tant de bénédictions, qu'elle sera elle-même une Mère de bénédictions dans notre cher Institut. » Ce fut à Avallon que la Mère de Chastellux termina sa sainte carrière, en 1663.

[221] Trésorier du roi à Moulins.

[222] Sœur Jeanne-Marie de la Croix de Fésigny, parente de saint François de Sales, venait de faire profession à Annecy, à l'âge de seize ans, lorsqu'elle fut choisie pour la fondation de Moulins. Au moment du départ, le Bienheureux Évêque lui dit en la bénissant : « Ma très-chère fille, ma nièce, vous êtes employée bien jeune à de grandes œuvres, cela doit vous faire humilier profondément et vous faire résoudre à fidèlement obéir aux Règles et à votre Supérieure, car c'est pour ce service qu'on vous a choisie, afin que, comme d'autres serviront de bons exemples aux filles plus avancées en Age, qui se rangeront a la Congrégation, vous serviez aussi de patron aux plus jeunes, ce qui est extrêmement important, car Dieu aime très-particulièrement les prémices des années, et désire qu'elles lui soient consacrées. Allez donc bien sagement, ma chère fille, faites que votre humilité, obéissance, douceur et modestie servent de miroir aux plus jeunes et de consolation aux autres. Dieu soit à jamais avec vous et vous veuille bénir de sa dextre. Amen ! Vive Jésus ! » (Histoire inédite du premier monastère d'Annecy.)

[223] Ce mariage n'aboutit point, malgré les désirs de sainte de Chantal ; Françoise ne put s'y résoudre.

[224] Celse-Bénigne, la joie et le tourment de sa Mère par ses qualités et ses défauts, lui brisait le cœur chaque fois qu'il exposait son âme et sa vie dans ces malheureux duels où il était si souvent engagé. La Sainte, pour le soustraire aux séductions de Paris et à la dangereuse influence de ses amis, aurait désiré l'attacher à la cour de Savoie ; mais ce projet ne souriait point au jeune baron.

[225] Les saintes Règles et Constitutions de la Visitation venaient d'être imprimées pour la première fois.

[226] Le privilège de réciter le petit Office de la Sainte Vierge avait été accordé [pour sept ans] à saint François de Sales, par la Bulle de Paul V, datée du 23 avril 1618 ; mais le monastère de Lyon ne pouvait jouir de la concession de Rome, attendu que Mgr de Marquemont insistait toujours pour que les Religieuses de la Visitation récitassent le grand Office canonial. Saint François de Sales refusa constamment de souscrire aux instances du prélat, afin de ne pas nuire à un des buts de sa Congrégation, la réception des infirmes.

[227] Sainte de Chantal n'avait pas alors donné ses Réponses sur la Règle et les Constitutions, où elle dit que la Supérieure peut parler seule au Supérieur, et que les Sœurs peuvent user de la même liberté, pourvu que ce soit rarement.

[228] Pour la fondation de Turin, à laquelle on destinait la Mère Marie-Jacqueline Favre.

[229] Saint François de Sales.

[230] Ce point d'observance fut plus tard modifié par le Coutumier, qui enjoint de toujours sonner le silence à huit heures et demie, en hiver, les jours de jeûne.

[231] Louise Duchâtel, d'origine normande, première dame d'honneur de la princesse douairière de Guise, épousa à Paris Claude de Vidonne de Chaumont, seigneur de Charmoisy (Chablais, Savoie), gentilhomme attaché à la maison du duc de Nemours. Dès que madame de Charmoisy eut connu saint François de Sales, elle se plaça sous sa direction et devint le modèle de la piété la plus sage et la plus éclairée. Le B. Évêque lui adressa de précieuses lettres qui furent comme l'esquisse de l’Introduction à la vie dévote.

[232] La Mère de Bréchard obéit si promptement que ses filles arrivèrent à Bourges le jeudi saint, 28 mars.

[233] Prétendante pour le voile blanc.

[234] Sainte de Chantal arriva à Paris le dimanche de Quasimodo, 7 avril 1619, accompagnée de Sœur Anne-Catherine de Beaumont, et des trois fondatrices demandées à Moulins, auxquelles on avait joint une novice, Sœur M.-Marguerite des Serpens de Gondras de la Guiche.

[235] « À peine la Mère Anne-Marie Rossct eut-elle commencé à exercer la charge de Supérieure (dit la Mère de Chaugy), que nos saints Fondateurs connurent qu'elle n'avait pas reçu de Dieu le cinquième talent, celui de la conduite pour les autres, mais qu'elle avait reçu de sa Bonté ce plus grand don, duquel l'Apôtre nous permet la convoitise, à savoir : la parfaite humilité et l'union intime avec toutes les volontés de Dieu et de l'obéissance. Ils la connaissaient si bien établie dans ces saintes vertus, que, sans la consulter, ils lui envoyèrent notre très-honorée Sœur Françoise-Gabrielle Bally pour surveiller les affaires temporelles du monastère. Cet ordre, un peu mortifiant et humiliant, fut reçu de la bonne Mère comme les humbles reçoivent les humiliations et les obéissances. » (Vie manuscrite de la Mère Anne-Marie Rosset, par la Mère de Chaugy. Archives de la Visitation d'Annecy.)

[236] L'établissement de Paris ne se fit pas sans de grandes difficultés : pendant un mois, sainte Jeanne-Françoise de Chantal et ses filles eurent à endurer, avec les privations les plus cruelles de la pauvreté, les contradictions les plus étranges. « Il semble que l'apparition de cet humble Institut dévoué à la vie cachée, à l'obéissance et à l'esprit intérieur de Nazareth, était comme un épouvantait au milieu de cette société si enthousiaste de grandeur et de bruit. Les gens de bien eux-mêmes, les ecclésiastiques, les Religieux voulaient imposer à sainte de Chantal des œuvres extérieures, entre autres la conduite d'une maison de repenties, dite de la Madeleine ; mais saint François de Sales, sans rejeter entièrement ce projet, s'était contenté de répondre : « Il n'est pas encore temps de travailler à cet ouvrage, » le fruit n'est pas assez mûr ; quand il le sera, alors nos filles y travailleront. » Ces paroles eurent leur accomplissement dix ans plus lard. Cependant, tous les obstacles s'aplanirent comme par miracle, et la nouvelle communauté n'eut pas d'amis plus dévoués que ceux qui jusque-là avaient été ses adversaires. L'établissement eut lieu le 1er mai. Saint François de Sales fit lui-même la cérémonie avec un grand concours de monde et d'universels témoignages de satisfaction. » (Histoire de la fondation du premier monastère de Paris.)

[237] Madame la présidente Le Blanc, qui se faisait appeler Sœur Barbe-Marie, venait de décéder saintement. (Voir la note de la page 140.)

[238] Anne de Monceaux, veuve de François de Rochechouart, chevalier gentilhomme de la chambre du Roi, seigneur de Jars, en Berry, et autres lieux, fut une des plus grandes bienfaitrices du monastère de Bourges, dont elle avait procuré l'établissement, et auquel elle laissa par testament une somme considérable pour aider au payement des constructions.

[239] Sœur Françoise-Gabrielle Bally.

[240] Sœur Marie-Françoise Raton fit profession au premier monastère de Lyon en 1620. Employée dans la suite à la fondation de Saint-Étienne, elle y fut Supérieure, et termina, en 1644, sa vertueuse carrière au troisième monastère de la Visitation de Lyon. « C'était une âme dénuée des choses de la terre et attachée uniquement au Cœur de l'adorable Jésus, qui a fortement épuré sa fidélité dans la fournaise de la souffrance. » (Livre des Vœux du premier monastère de Lyon.)

[241] Sœur Marie-Louise Bretagne, professe à dix-sept ans, languit six ans en proie à de cruelles infirmités qui n'altérèrent jamais sa douceur, sa modestie et sa fidélité à Dieu et à la Règle.

[242] Sœur Marie-Françoise Thibaut, dont, le père et la mère étaient bienfaiteurs du monastère.

[243] À son retour de Savoie, le jeune baron de Chantal avait reparu à la cour ; là, cédant aux usages du monde, il dissipait sa vie dans les entraînements du plaisir, dans les fêtes brillantes, et surtout dans ces malheureux duels si fréquents à cette époque. Sainte de Chantal ne cessait de recommander ce fils si cher aux prières de ses Religieuses.

[244] Cette personne si charitablement recommandée à la Mère de Bréchard était mademoiselle de Morville, dame du Tertre. Demeurée veuve à vingt-deux ans, elle était engagée fort avant dans les vanités et les fêtes du monde. Désireux de sauvegarder son honneur et l'avenir de ses deux enfants, les parents de madame du Tertre lui procurèrent la connaissance de saint François de Sales, alors à Paris. À peine le Saint eut-il fait pénétrer la lumière divine dans cette âme, qu'elle renonça aux vaines joies du siècle, et confiant ses enfants à la sollicitude de ses parents, elle demanda à se retirer au monastère de la Visitation, non comme Religieuse, mais en qualité de bienfaitrice séculière. Saint François de Sales jugea qu'il fallait éloigner de Paris cette âme trop faible pour respirer encore, quoique de loin, l'air contagieux d'un monde où elle avait failli se perdre ; de concert avec sainte de Chantal et la famille de madame du Tertre, il l'adressa à la Mère de Bréchard. Nous verrons comment cette jeune veuve répondit mal aux intentions des saints Fondateurs et comment elle accabla d'amertume les bienfaitrices de son âme. (Histoire de la fondation du monastère de Moulins.)

[245] La Sainte avait loué pour ses filles une maison plus convenable que celles qu'elles occupèrent au début. La communauté s'y transporta vers la fête de la Visitation de cette année 1619, et le jour de l'octave saint François de Sales vint y exposer le Saint-Sacrement, dit la messe, fit le sermon, reçut les vœux de Sœur M.-Anastase Pavillon et donna le voile à six novices. (Histoire inédite de la fondation du premier monastère de la Visitation de Paris.)

Peu après, le B. Évêque donna à ses chères filles un Supérieur selon le Cœur de Jésus, en la personne de saint Vincent de Paul, qui gouverna durant près de quarante ans le premier monastère de Paris avec une sagesse que l'Église a honorée d'un illustre témoignage dans l'office liturgique de ce Saint.

[246] Il s'agit des Sœurs de Rajat, novices d'un Ordre non réformé et qui demandaient à entrer dans celui de la Visitation.

[247] Il avait travaillé à l'établissement du monastère.

[248] La confiance qu'inspirait saint François de Sales multipliait ses travaux et ses rapports avec les plus hauts personnages ; il ne pouvait se défendre de leurs pieux empressements. On lit même dans les Annales inédites de la Visitation « que Mgr de l'Aubespine, évêque d'Orléans, voulut le posséder dans sa ville épiscopale pour lui voir exercer toutes les fonctions pastorales. Ce fut alors que madame la comtesse de Saint-Paul, princesse de la maison de Longueville, personne d'une éminente piété, exprima au B. Prélat le désir de contribuer à l'établissement d'un monastère de la Visitation dans la ville d'Orléans, dont M. le comte, son fils, était gouverneur. Le Saint lui répondit agréablement : « Oui, madame, vous aurez de mes filles dans votre belle ville d'Orléans. »

[249] L'esprit de leur vocation.

[250] La Mère de Châtel avait toujours redouté la charge de Supérieure, et venait de demander comme une grâce d'en être déchargée.

[251] C'est la fille humble et courageuse dont parle saint François de Sales dans son quatorzième Entretien. Reçue à sa considération, malgré une infirmité fort abjecte, elle fut guérie miraculeusement peu après le trépas du B. Évêque et par son intercession. (Année Sainte, 1er volume.)

[252] La Révérende Mère Marie de la Trinité d'Hanivel fut la première professe du Carmel en France. Sainte de Chantal, étant encore séculière, l'honorait déjà comme une grande servante de Dieu. Cette digne Religieuse mourut à Troyes, l'année 1647, en odeur de sainteté.

[253] La Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard.

[254] Sœur Marie-Catherine Chariel fut l'une des premières professes de Moulins ; en 1623, elle accompagna la Mère de Bréchard à Riom, et, après avoir gouverné ce monastère, elle entreprit la fondation de Metz. Bientôt après, les guerres de Lorraine l'obligèrent à transférer sa communauté à Guéret, et de là à Périgueux, où elle termina sa vertueuse carrière, en 1642. (Année Sainte, VIIIe volume.)

[255] Saint François de Sales, après avoir quitté Paris, suivit à Angoulême le prince de Piémont, qui voulut y aller rendre ses hommages à Marie de Médicis, dont il venait d'épouser la fille, Christine de France ; puis étant revenu à Amboise, où était la cour, il reprit le chemin de la Savoie en passant par Bourges, Moulins et Lyon.

[256] Après son passage à Bourges, le Bienheureux Évêque écrivit les lignes suivantes à sainte de Chantal : « ...Mais, à vous dire vrai, j'ai trouvé la pauvre petite Mère Rosset si affaiblie de corps et si déchue, que je crois qu'il la faudra retirer de dessous le fardeau. Cette pure colombe est bien plus propre à demeurer avec son Bien-Aimé dans le trou de la masure d'une cellule qu'à converser avec les hommes. Chacun admire sa vertu et bien peu goûtent sa conduite. O ma Mère, il ne faut pas s'étonner de cela ; les âmes n'ont pas toutes la grâce de joindre l'actif au passif et de passer sans préjudice intérieur de l'un à l'autre. »

[257] Madame du Tertre, dont il est ici question, n'avait pas tardé à mettre le trouble dans le monastère qui l'avait accueillie ; mais l'indulgence et la débonnaireté de saint François de Sales ne lui permirent pas de congédier cette pauvre âme. Il recommanda plutôt à la Mère de Bréchard de la traiter avec bonté et douceur, afin de la gagner à Dieu par les attraits d'une charité toute suave ; c'est ce que fit cette vénérable Mère avec une affection conforme au respect qu'elle portait à son Bienheureux Père. (Histoire de la fondation de Moulins).

[258] On lit dans la Fondation inédite du premier monastère de Paris : « En ces années 1619 et 1620, Dieu permit qu'une peste furieuse s'allumât dans Paris. La crainte du danger en éloigna non-seulement la cour, mais presque tout le monde, en sorte que l'herbe croissait dans les rues de cette grande ville, chacun ne pensant qu'à sauver sa vie et se mettre en sûreté. Il est aisé de comprendre que, dans une telle calamité, les aumônes qui faisaient subsister notre communauté naissante cessèrent entièrement, et, pour comble de disgrâces, nous étions environnées de maisons de pestiférés, et nous entendions tous les jours la clochette du chariot des morts qui passait devant notre porte et sous nos fenêtres. »

[259] Mgr de Marquemont, qui le premier avait désiré pour la Visitation la clôture et les vœux solennels, fut cependant le dernier à mettre en vigueur la Bulle qui érigeait la Congrégation en Ordre religieux. L'espérance de faire adopter à la maison de Lyon le grand Office canonial motivait ce retard aux yeux de l'archevêque.

[260] Madame du Tertre.

[261] La Sainte emploie souvent ce mot comme synonyme d'inadvertance, de chose légère.

[262] Voir la note de la lettre LXXVIII (p. 142.

[263] Sœur Claude-Agnès Joly de la Roche.

[264] Jean-François, frère du Saint.

[265] C'est-à-dire Sœur domestique.

[266] Sœur Marie-Aimée de Blonay.

[267] M. de Foras, après le refus de Françoise de Rabutin-Chantal, avait épousé mademoiselle Le Beau. Ce mariage ayant déplu aux parents, on s'en prit à saint François de Sales, comme s'il l'eût négocié et conclu : de là des blâmes sévères, des censures mordantes et des invectives furieuses contre l'homme de Dieu. C'est à ces calomnies que la Sainte fait ici allusion.

[268] Ces Religieuses, fondées par Etienne Haudry, secrétaire de saint Louis, et approuvées par plusieurs Souverains Pontifes, vécurent longtemps avec beaucoup d'édification ; mais elles tombèrent ensuite dans un tel relâchement qu'on pensa confier la direction de leur monastère aux Religieuses de la Visitation. Ce projet cependant n'entrait pas dans les plans de la divine Providence : les Haudriettes durent leur réforme au cardinal de la Rochefoucauld, qui obtint de Grégoire XV, élu Pape en 1621, l'autorisation d'agréger cette Communauté à l'Ordre de Saint-Augustin.

[269] Voir la note de la lettre CCCLXXII. (Dans le volume 5.)

[270] Il y eut en effet quatre professions à Lyon le 9 février 1620.

[271] Sœur Catherine-Thérèse de Saint-Germain.

[272] Pendant que l'humilité de la Mère de Châtel lui dérobait le grand bien que Dieu opérait par son entremise, (elle était la réputation de ferveur du monastère de Grenoble que de célèbres Religieux, entre autres le P. Cotton et le P. Isnard, de la Compagnie de Jésus, ne craignaient pas de l'appeler : une fournaise d'oraison, une école de vertus.

[273] Saint Vincent de Paul.

[274] En 1619, saint François de Sales avait refusé l'abbaye de Sainte-Geneviève et la coadjutorerie de Paris avec future succession ; en 1620, les instances redoublèrent : Louis XIII, comme autrefois Henri IV, cherchait à attirer le Saint dans son royaume, en lui confiant un poste plus honorable, plus riche et moins laborieux que l'évêché de Genève. Sainte de Chantal, que saint Vincent de Paul tenait au courant des desseins de la cour, en informait fidèlement son Bienheureux Père.

[275] On projetait alors la fondation de Nevers.

[276] Saint François de Sales.

[277] Ces exhortations dont parle sainte de Chantal ont été fidèlement recueillies, et forment, comme on l’a dit, le livre incomparable des Entretiens.

[278] On croyait que saint François de Sales accompagnerait à Rome le prince-cardinal, fils du duc de Savoie. Ce voyage n'eut pas lieu.

[279] La Mère de Bréchard.

[280] Saint François de Sales.

[281] M. Deshayes, ami de saint François de Sales dès l'année 1602. Étant secrétaire de Henri IV, il avoua un jour très-ingénument au monarque qu'il aimait mieux l'Évêque de Genève que Sa Majesté. « Je n'en suis pas fâché, reprit le bon Roi, mais dites-lui de ma part que je désire faire le troisième en cette amitié. »

[282] Le cardinal Henri de Gondi, évêque de Paris.

[283] Louis XIII.

[284] D'attirer saint François de Sales en France.

[285] Emmanuel de Gondi, général des galères et chevalier des ordres du Roi. Son fils, le cardinal de Retz, fut en effet archevêque de Paris.

[286] Le Père Etienne Binet, Jésuite, né à Dijon en 1569, fut successivement recteur à Rouen, à Paris, provincial de Champagne, de Lyon et de France. Pendant quarante ans, il n'y eut à Paris et dans presque toute la France aucune bonne œuvre, à laquelle il ne prit part et qu'il n'encourageât de ses conseils. Saint François de Sales, dont il avait été le condisciple, entretenait avec lui des rapports intimes et le consultait souvent. Sainte J. F. de Chantal l'honorait aussi de sa confiance, ses lettres en sont une preuve évidente.

[287] L'abbé Duval, doyen de la Faculté de théologie de Paris.

[288] La Mère Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal. Cette Religieuse, d'un mérite incontestable, avait, dès l'âge de dix-sept ans, mis la réforme dans sa communauté déchue, et venait d'entreprendre, à vingt-huit ans, une autre réforme plus difficile encore, celle de l'abbaye de Maubuisson. Le B. Évêque de Genève, prié de visiter cette maison, fut frappé des qualités remarquables de la jeune abbesse, applaudit à son dessein, et y resta plusieurs jours pour l'aider de ses prédications et de ses conseils. La Mère Angélique se plaça sous la direction du Saint, et songea même à quitter son titre et sa crosse pour entrer à la Visitation ; mais il n'y voulut jamais consentir. Ne pouvant suivre l'homme de Dieu, elle voulut au moins, par une active correspondance, demeurer sous sa conduite tant qu'il vécut ; heureuse si elle eût toujours marché à la faveur de cette pure lumière, et ne fût pas tombée, dans la suite, entre les mains d'un guide devenu tristement célèbre, l'abbé de Saint-Cyran, qui la conduisit dans les sentiers de l'erreur et du schisme.

[289] M. de Toulonjon.

[290] Le jeune baron de Chaulai venait d'être compromis, non dans un duel, mais dans une de ces attaques imprévues, comme il y en avait tant à cette époque, et où il ne fit d'ailleurs que défendre un de ses amis maltraité.

[291] Le président Favre.

[292] La Mère de Châtel donna la Sœur M.-Constance de Bressand.

[293] Françoise de Chantal se trouvait à Dijon, au milieu de ses parents, quand elle reçut le message de sa mère et la visite de celui qui en était l'objet. Antoine de Toulonjon, seigneur d'Alonne, Trésy et autres lieux, appartenait à une famille illustre, qui a donné à la Bourgogne trois chevaliers de la Toison-d'Or, des gouverneurs et des maréchaux, des ducs et des ambassadeurs. Très-avantageusement connu à la cour et à l'armée, « cet homme de grand mérite fût allé bien loin sur le chemin de la fortune (dit Bussy-Rabutin), s'il eût vécu un peu davantage. » Les éloges que sainte de Chantal donne à ce seigneur et l'amitié qu'elle lui témoigna dès lors, prouvent qu'il était aussi bon chrétien que parfait gentilhomme.

[294] Madame du Tertre, après avoir passé quelques mois à la Visitation de Moulins, fut tellement édifiée des vertus de la Mère de Bréchard, qu'elle voulut embrasser la vie religieuse sous sa direction. Et comme on projetait alors l'établissement d'un monastère à Nevers, elle offrit d'y consacrer sa personne et ses biens, à la seule condition que la Mère de Bréchard en serait nommée Supérieure et qu'elle la suivrait dans cette nouvelle maison.

[295] Saint François de Sales.

[296] Saint François de Sales.

[297] Il s'agit d'une novice.

[298] M. l'abbé de Neuchèze.

[300] Madame du Tertre poursuivant son projet d'aller à Nevers, ses parents lui accordèrent tous les avantages temporels qu'elle pouvait désirer, pour la faire jouir dans le monastère des privilèges de fondatrice. Sainte de Chantal pressentait, on le voit, combien la réception d'un tel sujet serait onéreuse à l'Institut ; mais, fidèle aux intentions de son Bienheureux Père, qui lui avait recommandé de prendre un soin tout spécial de cette pauvre âme, elle fit un acte d'héroïque abnégation, en priant la Mère de Bréchard de l'admettre dans sa communauté.

[301] La Mère Marie-Jacqueline Favre devait aller faire la fondation de Montferrand et laisser Sœur Marie-Aimée de Blonay Supérieure à Lyon.

[302] On voit que la Sainte était encore indécise sur le choix a faire d'une Supérieure pour Paris.

[303] Il s'agit d'une novice.

[304] On sait qu'autrefois ce mot de damoiselle avait la même signification qu'a aujourd'hui celui de madame.

[305] Sœur Claude-Cécile de Châtel, propre sœur de la Mère Péronne-Marie.

[306] Sœur Claude-Agnès Joly de la Roche.

[307] Saint François de Sales devait envoyer en France plusieurs Sœurs d'Annecy pour les fondations de Nevers et de Moulins.

[308] La mère de madame du Tertre.

[309] « La fondation de Montferrand fut procurée par la pieuse comtesse de Dalet, qui, restée veuve fort jeune et animée d'un ardent désir de se consacrer à Dieu, voulut se ménager une retraite pour s'y retirer, aussitôt qu'elle aurait pourvu à l'éducation de ses enfants. La Mère Marie-Jacqueline Favre arriva à Montferrand le 6 juin 1620, avec ses coopératrices : les Sœurs Anne-Françoise Chardon, (professe d'Annecy), Claude-Marie de la Marlinière, Marguerite-Elisabeth Sauzion et Anne-Marie Chevalier, professes de Lyon. Le lendemain, l'établissement se fit avec grande consolation et édification de la ville et des Religieuses. » (Fondation de Montferrand.)

[310] C'est une coutume à la Visitation de tirer au sort, la veille de la Pentecôte, des billets sur lesquels sont écrits les dons du Saint-Esprit. Sainte de Chantal n'oubliait point d'envoyer à son Bienheureux Père le don qui lui était échu en partage.

[311] Les Sœurs d'Annecy qui devaient s'arrêter à Lyon en se rendant à Paris.

[312] « Les principaux privilèges des fondatrices religieuses (dit le Coutumier de la Visitation) étant d'être les plus humbles et soumises de toutes », il répugnait extrêmement à sainte de Chantal d'accorder à madame du Tertre les exemptions et les licences que réclamait sa faiblesse. Mais, habituée à pénétrer les secrets d'en haut, la Sainte avait sans doute deviné les inscrutables desseins de la divine Miséricorde sur cette âme, et compris qu'elle ne pourrait la sauver qu'en s'exposant à de grandes tribulations. D'après les conseils de son Bienheureux Père, elle n'hésita pas à seconder les vues de la Providence, et pour soustraire cette jeune veuve aux périls que lui offrait le monde, elle sacrifia ce qui lui était plus cher que la vie : la paix et le repos de sa petite Congrégation.

[313] Saint François de Sales ne fit pas ce voyage.

[314] Un des plus actifs à procurer la fondation de Nevers, où ses deux filles voulaient se faire Religieuses.

[315] Le mariage de Françoise eut lieu le 12 juin de cette année 1620 ; il se fit à Paris, où sainte de Chantal se trouvait depuis les fêtes de Pâques de 1619.

[316] Sœur Marie-Marguerite des Serpents de Gondras de la Guiche, novice de Moulins, envoyée à la fondation de Paris ; des affaires de famille retardèrent sa profession, qui n'eut lieu que vers la fin de l'année 1621.

[317] C'est à l'occasion des pressantes infirmités de cette Religieuse, réduite à marcher trois ans avec des béquilles, que saint François de Sales écrivait : « Cette petite Jacobite, que le Seigneur a touchée, ira plus droit au ciel avec ses mauvaises jambes, que si elle eût été parfaitement saine. »

[318] Des fondatrices séculières, ce qui ne concernait point madame du Tertre, qui voulait y être Religieuse.

[319] Les Supérieurs ecclésiastiques du monastère de Lyon n'avaient consenti au départ de la Mère Favre pour Montferrand qu'à la condition de la voir revenir au bout de quelques mois ; aussi ne permirent-ils pas à la Communauté de faire une nouvelle élection ; c'est ce qui explique comment Sœur Marie-Aimée de Blonay gouverna en qualité d'assistante-commise.

[320] Sœur Jeanne-Hélène de Gérard avait préféré à l'obéissance le jeûne fait par sa propre volonté.

[321] Sœur M.-Constance de Bressand, prêtée bientôt après au monastère de Paris.

[322] Sœur Catherine-Charlotte de Crémaux de la Grange.

[323] La fondation d'Orléans eut en effet pour première Supérieure la digne Mère Claude-Agnès Joly de la Roche. En outre de ses trois coopératrices, les Sœurs Anne-Marguerite Clément, Marie-Michelle de Nouvelles et Marie-Françoise Bellet, on lui adjoignit pour le voyage quatre autres Religieuses, dont deux pour le monastère de Moulins : les Sœurs Paule-Jéronyme de Monthoux et Françoise-Jacqueline de Musy. Deux autres pour celui de Paris : les Sœurs Marie-Constance de Bressand et Marie-Gasparde d'Avisé (cette dernière devait servir de compagne à la Vénérable Mère de Chantal quand elle retournerait à Annecy). — Pour dernier adieu à ses filles, saint François de Sales fit l'admirable Entretien de l’Espérance, que la Mère Claude-Agnès recueillit fidèlement, ainsi qu'elle l'avait déjà fait de la plupart des autres. Ces huit ferventes Religieuses sortirent le 6 juillet 1620 du monastère d'Annecy, après avoir reçu la bénédiction de leur Bienheureux Père, qui, au moment de leur départ, monta sur une petite éminence et les suivit des yeux aussi loin qu'il lui fut possible, puis les bénit encore une dernière fois.

La Mère Claude-Agnès emporta comme une précieuse relique les lignes suivantes que lui écrivit son saint Fondateur :

« Allez, ma très-chère fille, Dieu vous sera propice. Trois vertus vous sont chèrement recommandées : la débonnaireté très-humble, l'humilité très-courageuse, la parfaite confiance en la providence de Dieu ; car, quant à l'égalité de l'esprit et même du maintien extérieur, ce n'est pas une vertu particulière, mais l'ornement intérieur et extérieur de l'Épouse du Sauveur. Vivez donc ainsi toute en Dieu et pour Dieu, et que sa bonté soit à jamais votre repos. Amen. François, évêque de Genève. — Faites cela, ma très-chère fille. » (Histoire de la fondation d'Annecy.)

[324] Mademoiselle Lhuillier, si connue dans l'Institut sous le nom de Sœur Hélène-Angélique.

[325] En effet, les Sœurs destinées aux monastères de Nevers et de Moulins se rendirent directement en cette dernière ville, et celles qui devaient faite la fondation d'Orléans prirent la route de Paris.

[326] M. de Palierne, trésorier général de France, grand protecteur et bienfaiteur de la communauté de Moulins.

[327] Les amis de ce monastère s'opposaient absolument au départ de la Mère de Bréchard pour Nevers, où elle était envoyée par saint François de Sales : madame du Tertre revint alors sur la promesse qu'elle avait faite en faveur de cette fondation et voulut recouvrer la somme qu'elle avait donnée, afin de la transférer à la maison de Moulins, où elle désirait s'assurer les privilèges de fondatrice ; de là grande discussion entre les protecteurs des deux monastères.

[328] Sœur Paule-Jéronyme de Monthoux avait été envoyée à Moulins pour remplacer la Vénérable Mère de Bréchard, que son obédience destinait à la fondation de Nevers.

[329] Sainte de Chantal, en écrivant cette lettre et les quatre précédentes ignorait encore la décision prise au sujet de la fondation de Nevers : saint François de Sales, averti de ce qui se passait à Moulins, et désirant concilier les esprits, avait envoyé à la Mère de Bréchard une nouvelle obédience par laquelle il lui enjoignait de demeurer dans ce monastère, et à la Sœur de Monthoux d'aller à Nevers. L'humble Religieuse partit immédiatement avec ses coopératrices, les Sœurs Marie-Hélène de Chastellux, Marie-Péronne de Gerbais, Marie-Marthe Bachelier, Jeanne-Élisabeth de Brugerat, toutes quatre professes de Moulins, et Sœur Françoise-Jacqueline de Musy, professe d'Annecy. L'établissement du monastère de Nevers se fit (dit l’Histoire de la fondation) le 23 juillet 1620.

[330] Madame du Tertre, au moment de sa prise d'habit, reprit son premier nom : de Morville, sous lequel elle sera désignée désormais.

[331] Sœur Françoise-Jéronyme de Villette, professe de Lyon, prêtée à Moulins. (Voir la note de la lettre XLII, p. 78.)

[332] Les Sœurs destinées à la fondation d'Orléans.

[333] Père spirituel du monastère de Lyon.

[334] M. Michel Favre avait accompagné jusqu'à Orléans les Sœurs destinées à cette fondation, et y séjourna quelques semaines pour aider la Supérieure dans les premières difficultés de l'établissement.

[335] Sœur Anne-Catherine de Beaumont-Carra.

[336] Sœur Claude-Cécile Meissonnier.

[337] Mgr l'archevêque considérant toujours la Mère Favre comme Supérieure du monastère de Lyon, ne voulut jamais permettre qu'on fit une autre élection avant 1622, malgré les sollicitations de la sainte Fondatrice, unies à celles de la communauté.

[338] Le prince cardinal de Savoie. Ce voyage à Paris n'eut pas lieu.

[339] Les parents de Sœur Marie-Aimée de Morville.

[340] Elles sortirent enfin, n'ayant pas de vocation.

[341] Sœur Marie-Aimée de Morville.

[343] Voir la note de la lettre LXXVIII, page 142.

[344] C'est-à-dire qui aient reçu autant de saints enseignements.

[345] Sœur Marie-Catherine de Villars, seconde novice de la Visitation de Lyon. Elle fut Supérieure à Avignon et décéda saintement à sa maison de profession, en 1655.

[346] Sœur Anne-Louise de Villars, cadette de la précédente, gratifiée de la vocation religieuse dès l'âge de sept ans, vécut en grande innocence et ferveur au monastère de Lyon, et y décéda jeune encore, en l'année 1628.

[347] Sœur Claude-Cécile Meissonnier.

[348] Sœur Anne-Marie de Lage de Puylaurens, une des gloires les plus pures de la Visitation, entra au monastère de Bourges en 1620. La réception d'un tel sujet causa tant de joie à sainte Jeanne-Françoise de Chantal qu'elle lui écrivit pour l'exhorter à correspondre fidèlement aux miséricordes de Dieu, et lui prédit qu'elle serait plus tard une ferme colonne de son Ordre. La sagesse et les vertus de cette jeune Sœur brillèrent d'un si vif éclat qu'un an après sa profession elle fut nommée directrice, peu après assistante, et enfin Supérieure en 1628. Le témoignage suivant que lui rendit la Sainte vaut à lui seul les plus magnifiques éloges : « Il n'y a pas dans tout l'Institut trois Supérieures qui aient plus l'esprit de notre Bienheureux Père que la Mère de Lage. » En 1633, elle fit la fondation de Poitiers, où elle fut réélue jusqu'à six fois. Fortement attachée à la doctrine de l'Eglise catholique, la Mère Anne-Marie ne trempa jamais dans les erreurs du jansénisme, malgré les efforts du trop fameux abbé de Saint-Cyran, qui essaya vainement d'entraîner la communauté de Poitiers dans ses routes égarées. Pour donner une preuve irrécusable de sa foi, la digne Supérieure signa avec toutes ses filles le Formulaire prescrit à cette époque de trouble. Elle décéda saintement en 1663. (Année sainte, VIIIe volume.)

[349] La fondation de Turin.

[350] Sœur Anne-Marie de Lage de Puylaurens.

[351] Sœur Marie-Françoise Thibaut.

[352] La Mère de Bréchard avait un talent remarquable pour les décorations : un jeudi saint, étant encore à Annecy, elle avait organisé un gracieux reposoir, où une multitude d'Anges attiraient l'admiration : « Je vois, dit le dévot saint François de Sales, on regarde tant les Anges qu'on en oublie le Seigneur des Anges ; nous y mettrons bon ordre ; et, écrivit-il dans la constitution : « On ne fera point de poupées dans toute la maison, et moins en mettra-t-on sur l'autel pour représenter Notre-Seigneur, Notre-Dame, ni les Anges. » Il parait que plusieurs années après, la Mère de Bréchard avait encore peine à renoncer à ces décorations, fort au goût de l'époque, puisque sainte Jeanne-Françoise de Chantal lui rappelle à ce sujet les intentions de son Bienheureux Père.

[353] La semaine sainte.

[354] La Sœur Anne-Marguerite Clément. Il sera parlé longuement de cette sainte Religieuse aux années 1629 et 1630.

[355] La comtesse de Dalet.

[356] Dans la persuasion que la Bulle, obtenue par saint François de Sales, en date du 23 avril 1618, ne concernait que la Visitation d'Annecy, Mgr de Marquemont en sollicita une seconde pour le monastère de Lyon.

[357] Sœur Marie-Hélène de Chastellux.

[358] La maison qu'on préparait pour loger la communauté de Paris.

[359] L'établissement du monastère de Valence se fit le 8 juin 1621, d'après les sollicitations de la dévote Sœur Marie (Teysonnier) surnommée de Valence, que les plus grands personnages de l'époque n'ont pas craint de comparer à sainte Thérèse pour l'éminence de ses dons. Le Bienheureux Évêque de Genève l'appelait « une âme toute sainte ».

Les pierres fondamentales de ce nouvel édifice furent les Sœurs Claude-Marie de la Martinière, M.-Marguerite de la Balme Montchalain, Claude-Cécile Meissonnier, M.-Constance Orlandin, Anne-Marie Chevalier, M.-Françoise Gelas, Hélène-Marie Guérin et M.-Agathe Michelard ; cette dernière n'était encore que novice.

[360] Selon son désir, sainte de Chantal put aller à Ponloise prier sur le tombeau de la Vénérable Mère Marie de l'Incarnation, Religieuse Carmélite, décédée le 18 avril 1618 en odeur de sainteté, et qui fut proclamée Bienheureuse par Pie VI, le 24 mai 1791. Cette grande servante de Dieu, le conseil et l'oracle d'une foule d'âmes d'élite, eut le bonheur de jouir quelque temps de la direction de saint François de Sales, qui lui rendit ce beau témoignage : « Je ne la regarde pas comme ma pénitente, mais comme un vaisseau que le Saint-Esprit a consacré à son usage. »

[361] Voici comment le saint Évêque expliquait lui-même à dom Jean de saint François, général des Feuillants, le plan qu'il avait conçu touchant l'explication du saint Evangile et l'Histoire de l'Eglise :

« Si Dieu me prête vie, je ferai d'abord une traduction simple, claire et en langue vulgaire, des quatre Évangiles, liés ensemble par une concordance exacte des temps et des faits, de manière à former une Vie de Notre-Seigneur ; ensuite, j'établirai la vérité de la foi catholique, et je réfuterai en même temps les erreurs des prétendus réformés, par un extrait fidèle des paroles de Notre-Seigneur dans le saint Evangile, sur tous les points qui sont un objet de controverse. Enfin, j'extrairai de l'Evangile une suite de maximes qui feront un cours d'instructions pour la perfection chrétienne. Ces trois ouvrages de dogme, de controverse et de morale, seront complétés par un cours d'histoire sur la primitive Eglise, extrait en entier des Actes des Apôtres et des écrits de saint Paul. Je ferai paraître ces quatre volumes réunis sous le nom d'Œuvre théandrique, ou Manifestation de l’Homme-Dieu. J'ai encore le dessein de faire un autre ouvrage : ce serait un Traité des quatre amours, c'est-à-dire de la manière dont nous devons aimer Dieu, nous-même, nos amis, et enfin nos ennemis. »

[362] Saint François de Sales.

[363] Sœur Marie-Jacqueline Compain, professe de Lyon, gouverna les monastères de Montferrand, de Paray-le-Monial et plusieurs autres ; elle décéda en celui de Lyon en 1670. C'était une âme humble, douce, et uniquement désireuse de plaire à Dieu.

[364] Cet enfant mourut aussitôt après sa naissante. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal l'ignorait encore, lorsqu'elle écrivait à sa fille cette lettre de félicitations.

[365] Le baron de Chantal, M. de Toulonjon et le baron des Francs, frère du coadjuteur de Châlon, prirent une part active à la campagne de 1621 contre les huguenots.

[366] Madame de Jars, bienfaitrice temporelle.

[367] L'archevêque de Bourges ayant surpris, de concert avec d'autres seigneurs, d'ambitieux complots tramés par Condé, gouverneur du Berry, celui-ci fut arrêté en septembre 1616. Rentré en grâce après plusieurs années de détention, le prince fit peser son ressentiment sur ses dénonciateurs, et obligea Mgr Frémyot à résigner son archevêché, en compensation duquel on lui assigna les abbayes de Ferrières et de Breteuil, ainsi que le prieuré de Nogent-le-Rotrou.

[368] Roland Hubert, du diocèse de Beauvais, fut successivement docteur de Sorbonne, curé de Saint-Côme, à Paris, pénitencier, chanoine de Notre-Dame ; puis, le 16 mai 1622, sacré archevêque de Bourges ; il décéda en cette ville le 21 juin 1638, en odeur de sainteté.

[369] Sœur Anne-Catherine de Beaumont.

[370] La Sainte ne quitta point Paris sans difficultés ; grand nombre de personnes de marque voulaient la retenir, et ses filles ne la voyaient partir qu'avec un extrême regret. Sœur Anne-Catherine de Beaumont se fit leur interprète auprès de saint François de Sales, le suppliant de permettre une prolongation de séjour que l'on désirait si vivement. Le B. Fondateur lui lit cette gracieuse réponse ; « Ah ! si Dieu avait disposé que nous fussions toujours ensemble, que ce serait une chose suave ! mais quel moyen ? nos montagnes gâteraient Paris et empêcheraient le cours de la Seine si elles y étaient, et Paris affamerait nos vallées, s'il était parmi nos montagnes. Un jour, ou plutôt en la sainte éternité où nous aspirons, nous serons toujours présents les uns aux autres, si nous vivons en ce lieu de passage suivant la volonté de Dieu. » (Histoire inédite de la fondation du premier monastère de la Visitation de Paris.)

[371] Claude de Toulonjon, beau-frère de Françoise de Chantal, était à la fois abbé commendataire de Saint-Satur, au diocèse de Bourges, et prieur de Mesvre, au diocèse d'Autun.

[372] Anne-Bénigne Joquet. Cette novice, en faisant profession et en prononçant à haute voix les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, en fit un quatrième dans son cœur, celui de s'humilier en toutes choses. (Année sainte, volume XII).

[373] La Mère Angélique Arnauld pensait alors à résigner son titre d'abbesse pour entrer à la Visitation.

[374] Le duc de Mayenne, fils du chef de la Ligue, qui fut tué au siège de Montauban. Son nom était chéri du peuple ; à la nouvelle de sa mort, l'émeute gronda dans Paris.

[375] Marie Lhuillier, veuve de Claude Marcel, seigneur de Villeneuve-le-Roi, et sœur de la Mère Hélène-Angélique, fut dirigée quelque temps par saint François de Sales. D'après son conseil, elle fonda les Filles de la Croix, pour l'instruction de la jeunesse, et en 1643, donna sa maison de Vaugirard à M. Olier pour y commencer le séminaire de Saint-Sulpice. Elle décéda saintement en 1650.

[376] Louis de Sales portait ce titre depuis la mort de son frère Bernard.

[377] Janus, autre frère de saint François de Sales, et chevalier de Malte.

[378] Cette dame avait beaucoup travaillé pour faire réussir la fondation d'Orléans.

[379] Le Père Arnoux, confesseur de Louis XIII, avait été éloigné par le duc de Luynes, auquel ce saint Religieux était devenu suspect.

[380] Sœur Jacqueline-Elisabeth Daniel, veuve Colin, avait obtenu, en entrant au monastère de Lyon, d'y faire élever sa fille. « Cette enfant (disent les anciens Mémoires) était un petit ange si sage et si modeste, que la digne Mère de Chantal la prenait souvent pour son assistante du parloir. Aussitôt l'âge requis, cette petite privilégiée reçut avec le voile de novice le nom de Sœur Anne-Claude. Les épreuves intérieures devinrent son partage pendant plusieurs années. En 1623, elle fut employée à la fondation d'Avignon, et, en 1641, à celle de Tarascon, où elle termina saintement une vie de soixante-quinze ans de fidélité à Dieu et à la Règle. » (Année Sainte, XIIe volume.)

[381] On pourra remarquer a l'appui : 1° que les Sœurs M.-Ad. Fichet et Cl.-M. Tiolier, qui firent profession avant la Sœur M.-Marg. Milletot, ne sont pourtant placées qu'après celle-ci qui les avait précédées dans le monastère ; 2° bien que la Sœur M.-M. Legros n'ait reçu l'habit religieux que dit jours après la Sœur M.-Av. Humbert, elle est néanmoins toujours nommée la première, son entrée (ainsi que le prouve la lettre VIIe de ce volume) ayant précédé celle de la Sœur Humbert, qui ne la rejoignit qu'en automne.