9 martyrs d'Espagne (1934)

SS. Innocent de l'Immaculée CANOURA ARNAU et 8 compagnons

Béatification: 29.04.1990  à Rome  par Jean Paul II

Canonisation: 21.11.1999  à Rome  par Jean Paul II

Fête: 9 octobre

Note: Frères des Ecoles Chrétiennes, fusillés avec leur directeur spirituel, Inocencio de la Immaculada, passioniste, le 9 octobre 1934.

Réf. dans l’Osservatore Romano:  1990 n.19 - 1999 n.47 & 48

Réf. dans la Documentation Catholique: 1990 p.578 - 1999 n.22 p.1071s

Notice

Le Frère Cirilo Bertran et 7 autres Frères des Ecoles chrétiennes (de S. Jean-Baptiste de la Salle) ont commencé leur vie religieuse à Bujedo. A part l'un d'eux, empêché par la surdité, ils ont exercé l'enseignement en divers lieux d'Espagne avec succès, manifestant leur enthousiasme pour leur tâche et un grand sens du devoir. En 1933, au tout début de la Révolution espagnole, à cause de la sécularisation et de la dispersion, ils se sont tous retrouvés à Turon dans les Asturies, au collège 'Nostra Signora di Covadonga'. Ils sont arrêtés tandis qu'ils participaient à la messe avec leur aumônier, Inocencio de la Inmaculada, un Père Passioniste. C'était le 5 octobre 1934, un premier vendredi du mois. Ils sont fusillés le 9 octobre suivant.

Le 21 novembre 1999, Jean Paul II les a canonisés avec un autre Frère des Écoles chrétiennes, Jaume Hilari (Manuel) BARBAL COSAN  2 , tué en 1937 à Tarragone pendant la même guerre civile. Dans son homélie de canonisation, le Pape précise: "Ils ne furent pas les héros d'une guerre humaine à laquelle ils ne participèrent pas, mais des éducateurs de la jeunesse, se situant dans cette longue série d'éducateurs chrétiens qui ont consacré leur vie et leurs énergies à l'enseignement dans l'école catholique, engagés dans ce service irremplaçable que l'Eglise rend à la société. Par leur martyre, ils donnèrent leur dernière leçon de vie."

Voici la liste des 9 martyrs avec la date et le lieu de naissance. Ils ont chacun une fiche personnelle.

- 2  Inocencio de la Immaculada, passioniste. (10.03.1887, Valle de Oro (Lugo)

- 2  Cirilo Bertran (20.03.1888, Lemna (Burgos), Directeur de l'école "Nostra Signora di Covadonga" à Turon

- 2  Marciano José (15.11.1900, El Pedregal)

- 2  Julian Alfredo (24.12.1902, Cifuentes de Rueda)

- 2  Victoriano Pio (05.07.1905, S. Millan de Lara)

- 2  Benjamin Julian (27.10.1908, Jaramillo de la Fuente)

- 2  Augusto Andres (06.05.1910, Santander)

- 2  Benito de Jesus (31.10.1910, Buenos Aires)

- 2  Aniceto Adolfo (04.10.1912, Celadra Marlantes)

 

Cadre historique

Après une éphémère première République (1873-74), la royauté espagnole est à nouveau abolie en 1931 avec l’instauration de la seconde République. Elle commence sous de bonnes augures et beaucoup de catholiques s’y rallient, mais les hostilités avec la religion s’ouvrent en 1933 après des élections favorables à la gauche. C’est d’abord une politique de laïcité absolue qui tend à éradiquer le christianisme de la nation espagnole : interdiction aux religieux de faire “aucun commerce, aucune industrie, aucun enseignement”, suppression des jésuites, approbation du divorce, crucifix retirés des classes. Et déjà, on brûle des églises. La gauche républicaine a mal calculé. Il faudrait peu connaître le peuple espagnol pour penser qu’il accepte cette violence anti-religieuse sans réaction. Les élections de décembre 1933 ramènent au pouvoir une majorité de droite. Peut-être à ce moment-là, la crise aurait pu être terminée si des solutions inspirées du catholicisme social avaient été mises en œuvre : malheureusement il n’en est rien ; les conservateurs paralysent les plans de réforme. Durant l’été 1934, éclate une première "Révolution des Asturies"; des prêtres et des religieuses sont assassinés, notamment les martyrs de Turon. La gauche jusque là dispersée se regroupe et aux élections de février 1936, elle amène le "Frente popular" (Front populaire) au pouvoir. Composé de communistes, socialistes et anarchistes d’opinions souvent divergentes, il est essentiellement anti-clérical. Les évêques reconnaissent au début sa légitimité. Mais les violences éclatent déjà en juin 1936. Ce gouvernement (‘républicain’ de style révolutionnaire) lance une violente persécution sanglante qui, en quelques semaines, fait une foule de victimes. Tout le peuple ne suit pas. A la chambre, un député monarchiste proteste et le lendemain, 14 juillet 1936, il est assassiné. Les différents partis de droite, apeurés, se regroupent dans un parti unique : la ‘Phalange’. Désormais, tous les ingrédients sont prêts pour une guerre civile. Le général Francisco Franco se révolte et lance, le 18 Juillet, le "Mouvement national" (“Alziamento National”, littéralement, Soulèvement national). Il est suivi par une grande partie de l'armée.

C'est alors une terrible guerre civile de trente-deux mois (1936–1938) entre "Républicains" (Rouges), renforcés par des "Brigades internationales", et "Nationalistes" ou franquistes, aidés en finale par la Wehrmacht allemande et les fascistes italiens. (Cependant, Franco, durant la Seconde Guerre mondiale, refusera fermement de se lier avec les puissances de l’Axe.) Quant aux "Rouges", comme on les appelle, (à juste titre car leur but est de faire de l'Espagne un état satellite de la Russie), ils déchaînent la plus grande persécution religieuse qu'ait jamais connu l'Espagne. A cause de sa brièveté dans le temps et de son intensité, c'est un ouragan ‘révolutionnaire’ comparable à celui de la Révolution française, qui s'abat sur toutes les régions où domine leur influence politique. Sur la liste noire des personnes à abattre figurent en premier lieu tous les prêtres. Les exactions se multiplient : incendie de couvents, d'évêchés, d'églises, destruction du patrimoine artistique sacré, bref, de tout ce qui rappelle la religion catholique. Notons qu’il y eut des violences condamnables de part et d’autre. (Même un écrivain catholique comme Georges Bernanos a condamné dans “les Grands Cimetières sous la lune” les excès des franquistes, voire de certains ecclésiastiques).

Les républicains procèdent à des exécutions massives, accompagnées d'une férocité inouïe. Sont victimes: 13 évêques, 4'184 prêtres, 2'365 religieux, 283 religieuses, des milliers de laïcs. Ceux que l’Église béatifie sont vraiment martyrs car ils ont été tués "en haine de la foi", ce ne sont pas de simples "victimes de guerre", car ils sont pacifiques, comme le Pape a tenu à le préciser (11 mars 2001) : « Les bienheureux qui sont élevés à l’honneur des autels n’étaient pas impliqués dans des luttes politiques ou idéologiques, et ne voulaient pas y entrer. (…) Ils ont vécu en aimant et sont morts en pardonnant. » Conscients de mourir pour leur foi, beaucoup criaient comme les "Cristeros" du Mexique (1926-1929) : "Vive le Christ-Roi!"