Bienheureux CHARLES DE HABSBOURG-LORRAINE
Nom:
CHARLES DE HABSBOURG-LORRAINE (Charles
dAutriche)
Prénom:
Charles
Pays:
Autriche - Hongrie
Naissance:
17.08 1887 à Persenbeug (Basse-Autriche)
Mort:
01.04.1922 à Funchal (Madère)
Etat:
Empereur
Note: Petit
neveu de lempereur François-Joseph, il lui succède en 1916. Il se distingue par
son action sociale et tente tout pour faire cesser la guerre. Exilé en 1918 dans
lîle de Madère, il y meurt dans la pauvreté.
Béatification:
03.10.2004 à Rome par Jean Paul II (Son ultime
béatification)
Canonisation: à
par
Fête: 1er
avril
Réf.
dans lOsservatore Romano: 2004 n.40 p.1-3.8.10
- n.41 p.4
Réf. dans
la Documentation Catholique: 2004 n.20 p.955-956
Le
bienheureux Charles dAutriche, petit-neveu de lempereur François-Joseph,
naît en 1887 et connaît une enfance pieuse et studieuse. Il se livre dabord à la
carrière militaire et, dans les deux premières années de la Guerre 1914-1918, il se
distingue par ses succès militaires tout en ayant un grand souci du soldat. Dans son
cur, cest surtout un ami de la paix ; de sorte que, lorsquil
succède à François-Joseph en 1916, son objectif primordial de chrétien et de roi est
darrêter ce fléau intolérable. Malheureusement ses initiatives de paix ne
rencontrent pas décho, notamment près du premier ministre français Ribot qui fait
échouer ses pourparlers secrets en 1917. A la fin de la guerre, il accepte de quitter le
gouvernement, sans renoncer toutefois à sa légitimité dempereur car tout
pouvoir vient den haut (cf. Jn 19,11) et non des hommes. Cest pourquoi
il fait deux tentatives pour reprendre son trône de Hongrie, que la trahison de
lamiral Horthy
fait échouer. Alors il senferme définitivement dans le silence et la souffrance.
Exilé sur lîle portugaise de Madère, il connaît avec sa nombreuse famille la
plus grande pauvreté. Sur son lit de mort, en 1922, il répète ce qui fut la devise de
toute sa vie : « Je mengage toujours, en toutes choses, à connaître le
plus clairement possible la volonté de Dieu et à la respecter, et cela de la manière la
plus parfaite. »
Notice développée
Charles
François Joseph Louis Hubert Georges Othon Marie de Habsbourg-Lorraine naît le 17 août
1887 en Autriche. Il est le petit-neveu de lempereur François-Joseph. Il est
élevé avec piété par ses parents et ses maîtres. Son premier professeur, le Père
Geggerle, dominicain, fait remarquer sa réceptivité aux valeurs religieuses à une
stigmatisée, la mère Vicentia, qui lui répond par ce commentaire inattendu :
« Oui, nous devons lenvelopper de nos prières, car il sera empereur et aura
à souffrir grandement. Il sera une cible pour le démon. » Le Père rapporte cette
prophétie au comte et à la comtesse Wallis chargés de léducation du jeune
garçon, lesquels constituent alors un petit groupe de prière, La Ligue,
recrutée dans le cercle des amis et des relations de Charles. Lenfant reçoit un
éducation soignée qui se poursuit par des études secondaires, chez les Bénédictins.
On linitie à la musique. Il apprend toutes les langues qui se parlent dans le vaste
empire austro-hongrois qui compte alors plus de 50 millions dâmes, connaissance
nécessaire pour celui qui est le troisième des successeurs potentiels de
lempereur. En outre, langlais, le français,
et le latin. Et pour finir,
des études de droit à Prague. Comme il na guère de chances de devenir empereur,
il se voue à une carrière militaire. Ayant reçu dès lâge de 16 ans le grade de
sous-lieutenant, il continue sa formation et accède par son mérite à des échelons
supérieurs. En 1910 il a 23 ans et lempereur François-Joseph lui dit que le temps
est venu de choisir une épouse. Choix déjà fait dans son cur, car il a été
séduit par la pieuse princesse Zita de Bourbon-Parme. Lui-même ne manque jamais la messe
quotidienne sauf nécessité. En 1911, il emmène la jeune fille au pèlerinage de
Mariazell où, devant le Saint-Sacrement, il la demande en mariage. Tous les deux se
mettent alors sous la protection de la sainte Vierge. La veille du mariage qui sera béni
par le Pape Pie X (2),
à Rome donc, Charles dit à sa fiancée : « Maintenant, nous devons nous aider
mutuellement à gagner le ciel. » Mariage célébré le 21 octobre 1911. Le pape lui
donne un chapelet en or dont il fera un usage intensif, (surtout dans les dangers de la
guerre, au point de luser complètement). Puis, au cours dune audience privée
accordée à Zita, le saint Pontife lui prédit que son époux deviendra empereur et que
ses vertus seront un exemple pour tous les peuples. Belle union, dun amour sans
faille et grandissant, qui sera bénie, en dix années de vie commune, par la naissance de
huit enfants.
Mais ce nest pas la même
sérénité dans le ciel international qui sassombrit tandis que des peuples, pour
la plupart chrétiens, sapprêtent à sentretuer. Pie X en est atterré,
surtout lorsquil songe à ses fils prêtres qui vont saffronter dans les deux
camps. Le fatal attentat de Sarajevo où périt larchiduc FrançoisFerdinand,
héritier présomptif du trône, est létincelle qui risque de mettre le feu aux
poudres. Aussitôt Pie X (2) écrit à Charles, devenu à son tour lhéritier
présomptif et le prie dexposer à lempereur François-Joseph son grand-oncle
les immenses malheurs quune guerre ne manquerait pas dentraîner pour
lAutriche et lEurope tout entière. Mais ceux qui militent en faveur de la
guerre ont vent de laffaire, et lenvoyé du Vatican chargé de transmettre
cette lettre est bloqué à la frontière italienne
Personnellement, Charles, pourtant
privé du message de Pie X, est hostile à cette guerre alors que tout le monde la
souhaite de part et dautre, à quelques exceptions près (comme Jean Jaurès
assassiné à la veille du conflit). Pourtant lorsquelle éclate, larchiduc
Charles, avec son grade de général, ne se dérobe pas et se distingue même sur le front
de lEst. Les victoires obtenues sur ce terrain dopération ou sur
dautres encore, sont dues en grande partie à lui. Il na pas peur daller
souvent au front et de parcourir les tranchées pour être près de tous, spécialement de
ceux qui souffrent. Cest ainsi quun jour il rencontre sur le terrain un
certain Wojtyla, officier polonais avec qui il a un bref contact. Celui-ci, qui le
vénère, donne le nom de Charles à son deuxième fils, lequel nest autre que Karol
Wojtila, le futur Jean-Paul II. Le 21 novembre 1916 meurt lempereur
François-Joseph, et notre archiduc Charles devient empereur dAutriche sous le nom
de Charles Ier, et le 30 décembre suivant il est couronné Roi de Hongrie dans
la cathédrale de Budapest avec le nom de Charles IV de Hongrie. Le jeune empereur a
compris quau point où en sont les choses, une victoire par les armes est
impossible. Il na dès lors quune idée : mettre fin à la guerre qui a
déjà fait des millions de morts et impose de tels sacrifices aux populations que
lAutriche ne sera plus en mesure de les supporter encore longtemps. Dans son
Manifeste dAccession au trône, il déclare : « Je veux faire tout ce qui
est en mon pouvoir pour mettre un terme, sans délai, aux horreurs et aux sacrifices de la
guerre, et donner à mes peuples les bienfaits de la paix. » Il est affligé de voir
la population civile souffrir des restrictions et du froid. Alors, au Palais, il se met,
lui et sa maison, au régime des rations militaires et, devant les officiers gênés, il
se contente de manger du pain noir. Ses célèbres beaux chevaux servent à porter du bois
de chauffage à ceux qui ont froid à Vienne. En août 1917, après une sanglante
bataille, il pleure à la vue des corps mutilés et défigurés. On lentend alors
murmurer : « Personne ne peut justifier cela devant Dieu. Je dois mettre fin à
cela le plus vite possible. » Il fait deux tentatives pour négocier la paix, et il
est le seul souverain ou chef détat à soutenir le Plan de paix proposé par le
Pape Benoît XV, mais ses projets échouent à cause de la volonté belliciste qui
prévaut dans les deux camps. Au moins cherche-t-il à humaniser cette guerre
autant
que cela est possible : prohibition du gaz moutarde, respect du patrimoine
historique, interdiction de bombarder les villes sans discernement. Il soppose à la
guerre totale et cherche de toutes ses forces à empêcher ses alliés allemands de lancer
la guerre sous-marine. En vain ; mal leur en a pris car cela provoque lentrée
en guerre des Etats-Unis. Il refuse, en vain aussi, de faire passer Lénine en Russie, car
il nourrit des craintes justifiées pour lavenir des pays de lEst si la Russie
sombrait dans le communisme, alors que son intérêt immédiat serait de voir imploser
cette Russie faisant partie du camp adverse.
En politique intérieure, il
voudrait des réformes sociales. Cest le premier des gouvernants à créer un
Ministère des Affaires sociales qui soccupe notamment du logement et prévoit des
indemnités de chômage, lequel sévit en ce temps de guerre. On lappelle
lempereur du peuple ; les socialistes eux-mêmes reconnaissent
quon peut parler avec lui comme avec un frère. Plus large desprit que les
hommes politiques de son entourage, il voudrait tenir compte de la diversité des peuples
de son vaste empire en créant un gouvernement de type fédéraliste qui accorderait une
large autonomie aux États membres, notamment aux Slaves et à la Pologne dont
lAutriche détient une partie. Au lieu de cela, après la guerre, lempire
autrichien sera complètement démantelé et les petits États isolés nauront pas
la cohésion nécessaire pour faire face à limpérialisme soviétique.
A la fin de cette guerre, étant
dans le camp des vaincus, et la république étant proclamée par les socialistes, il
renonce à lexercice du gouvernement pour éviter des souffrances supplémentaires
à la population avec une guerre civile, mais sans abdiquer toutefois (et là-dessus,
Zita, inflexible, lencourage). Daprès leur fils aîné, Otto, interviewé au
moment de la béatification, cette idée de droit divin quon lui a
reprochée, loin de constituer une prétention à labsolutisme, permettait au
contraire déviter la tyrannie dun pouvoir méconnaissant le droit supérieur
de Dieu, car cest Lui qui donne den haut lautorité à ceux
qui gouvernent, comme Jésus le dit à Pilate.
Question : Quelle est selon
vous la leçon politique la plus importante de votre père ?
Otto de Habsbourg : Certainement la leçon la plus importante est quil
faut reconnaître quil y a une limitation du pouvoir. Ni un monarque ni un dictateur
ni une majorité nont le droit de légiférer contre les droits inaliénables que
lhomme à limage du créateur possède. Dans ce sens il peut être un exemple
pour les hommes politiques qui de plus en plus séloignent de cette idée et croient
que dès quils ont une justification par une majorité, cela leur permet de violer
les droits de lhomme.
Charles plie donc devant la
nécessité et séloigne du gouvernement. Dabord relégué dans un petit
château en Autriche, il vit ensuite hors frontières à Prangins en Suisse, mais beaucoup
lui sont restés fidèles et, en Hongrie, on réclame son retour. Il y fait deux essais de
restauration (sans aucun emploi de la force dailleurs), la deuxième fois sur la
demande de Benoît XV qui craignait, à juste titre, la mainmise du communisme sur ce
pays. Mais lamiral Horthy, par ambition, le dessert et finalement le trahit. Il est
alors exilé sur lîle de Madère au Portugal, où il est bientôt rejoint par sa
chère famille. La population de Funchal, la capitale de lîle, lui est vite
conquise. Lévêque du lieu témoigne : « Aucune mission na jamais
contribué aussi efficacement à raviver la foi de mon diocèse que lexemple que
lempereur nous a donné dans sa maladie et dans sa mort. » Il loge dans une
villa qui nest pas faite pour y passer lhiver. La maison est humide. La
famille est pauvre et souffre du froid et de la faim. Charles attrape une pleurésie, mais
il ne veut pas appeler le médecin par manque dargent car il faudrait prendre sur la
nourriture de ses enfants. Quand il sy résous enfin, cest trop tard. Il fait
appeler son fils larchiduc Otto à son chevet (son fils aîné qui pourrait
prétendre à la royauté) afin quil voie comment un catholique et un empereur
doit se conduire quand il meurt. Il offre sa vie pour que ses peuples soient réunis
(anticipation prophétique de ce qui se réalisera au sein de lUnion
Européenne
). Sa femme le soutient dans ses bras ; il lui déclare une
dernière fois son grand amour. Dans son agonie, le pauvre exilé lui murmure ces mots:
« Je voudrais tant rentrer chez moi. Pourquoi ne me laissent-ils pas
rentrer ? » Il regarde le Saint Sacrement exposé dans sa chambre. Sa dernière
parole est : « Jésus ». Il meurt la conscience en paix le 1er
avril 1922. Il na pas encore 35 ans. Toute lîle se presse à son enterrement.
Jean-Paul II a résumé sa conduite
en ces termes : « Charles dAutriche voulut toujours être au service de
la volonté de Dieu. La foi fut le critère de sa responsabilité de souverain et de père
de famille. » Quant à La Ligue de prière (cf. ci-dessus), elle existe
toujours ; elle sest transformée en 1964 en Ligue de prière de
lempereur Charles pour la paix entre les peuples.