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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XXI.LES DÉTAILS DE LA PASSION Dans le premier discours saint Augustin expose le sens des paroles de David relatives à la passion, les insultes des Juifs, le crucifiement, le partage des vêtements de Jésus-Christ; puis les effets de lEucharistie. Dans le second discours, il sapplique à démontrer contre les Donatistes le règne universel de Jésus-Christ, quils veulent scinder et restreindre à leur parti. POUR LA FIN, SUR LE SECOURS DU MATIN, PSAUME DE DAVID (Ps. XXI, 1). 1. Pour la fin, ou pour Jésus-Christ qui chante lui-même sa résurrection. Ce fut le matin du premier jour, après le sabbat, qu sopéra cette résurrection (Matt. XXVIII, 1 ), par laquelle il fut reçu dans la vie éternelle, « et soustrait ainsi à lempire de la mort (Rom. VI, 9 ) ». Tout le psaume sapplique à la personne du Crucifié car il commence par ces paroles que prononce le Sauveur, lorsque, du haut de la croix, il poussa un grand cri, représentant alors h vieil homme dont il avait revêtu la mortalité ; car notre vieil homme a été cloué à la croix avec lui (Id.6 ) : 2. « O Dieu, mon Dieu, jetez les yeux sur moi; pourquoi mavez-vous abandonné, bien loin de me secourir (Ps. XXI, 2)? » Vous navez garde de me secourir, puisque votre salut est loin des pécheurs (Id. CXVIII, 155 ). « Les cris de mes péchés vous implorent », car cette prière nest point celle dun juste, mais dun homme chargé de fautes. Celui qui prie à la croix, est en effet le vieil homme, qui ne sait pourquoi le Seigneur la délaissé. Ou bien encore : « Les rugissements de mes péchés vous empêchent de me secourir ». 3. « Seigneur, je vous invoquerai pendant le jour, et vous ne mexaucerez point (Id. XXI, 3 ). » O Dieu, dans les prospérités de cette vie, je vous demanderai quelles ne changent point, et vous ne mécouterez point, parce que cette prière sera celle de mes péchés. « Je vous invoquerai la nuit, et ce ne sera point une folie pour moi ». Si, dans les malheurs de cette vie, je vous demande le bonheur, vous ne mexaucerez pas non plus. Et vous en agirez ainsi, non pour me jeter dans la folie, mais pour mapprendre ce quil vous est agréable que je vous demande, non plus dans ces prières du péché qui désire la vie du temps, mais dans les supplications dune âme qui se tourne vers vous, pour avoir la vie éternelle. 4. « Mais vous habitez dans la sainteté, vous, la gloire dIsraël ». Vous habitez le Saint des saints, et de là vient que vous nécoutez point les prières défectueuses du péché. Vous êtes la gloire de celui qui vous contemple, et non de celui qui chercha sa propre gloire en goûtant le fruit défendu, en sorte que lei yeux de son corps furent ouverts, et quil voulut se dérober à votre présence et se cacher (Gen. III ). 5. « En vous ont espéré nos pères (Ps. XXI, 5 )». Tous ces justes, qui nont point cherché leur gloire, mais la vôtre. « Ils ont espéré, et vous les avez sauvés». 6. « Ils ont crié vers vous, et vous les avez délivrés (Id.6 ) ». Ils vous ont fait entendre, non la voix des péchés qui éloigne le salut, et cest pourquoi vous les avez délivrés. « Ils ont espéré en vous, et ils nont pas été confondus ». Vous navez pas trompé lespérance quils avaient mise en vous, parce quils ne comptaient point sur eux-mêmes. 7. « Pour moi, je suis un ver de terre et non plus un homme (Id. 5 )». Pour moi, qui ne parle plus en Adam, mais qui suis Jésus-Christ, sans aucun germe je suis né dans la chair, afin dêtre, eu lhomme, au-dessus des hommes; et de la sorte, lorgueil humain ne dédaignera plus mon abaissement. « Je suis lopprobre des hommes, le rebut de la populace ». Cet abaissement a fait de moi le rebut des hommes, au point que lon disait, (204) comme un outrage et une malédiction : « Pour toi, sois son disciple (Jean, IX, 28 )»; tant le peuple avait de mépris pour moi. 8. « Tous ceux qui me voyaient, minsultaient (Ps. XXI, 8 )». jétais la dérision de tous ceux qui me voyaient. « Ils parlaient des lèvres, et branlaient la tête ». Ils parlaient des lèvres, et non du coeur. 9. Car cest par dérision quils disaient, en branlant la tête: « Il a mis son espoir dans le Seigneur, que le Seigneur le délivre; quil le sauve, sil lui est cher (Id. 9) ». Tels étaient les paroles qui couraient sur leurs lèvres. 10. «Cest vous, Seigneur, qui mavez tiré des entrailles maternelles (Id. 10 ) ». Cest vous qui navez tiré, non-seulement du sein dune vierge, car telle est la condition de tout homme, de naître en sortant du sein de sa mère; mais vous mavez tiré du sein de cette nation juive où est encore enveloppé dans les ténèbres, sans arriver à la lumière du Christ, celui qui met son salut dans lobservation extérieure du sabbat, dans la circoncision, et autres cérémonies. «Vous êtes mon espérance dès la mamelle de ma mère ». Seigneur, vous êtes mon espoir, non-seulement depuis que jai sucé les mamelles de la Vierge, car vous létiez bien auparavant; mais depuis que vous mavez arraché aux mamelles, comme aux entrailles de la synagogue, afin de me soustraire au lait dune coutume charnelle. 11. « Vous êtes mon ferme appui dès le sein de ma mère (Id. 11 )». Dès le sein de cette synagogue qui ma rejeté au lieu de me porter, et si je ne suis point tombé, cest que vous mavez soutenu. « Dès le ventre de ma mère, vous êtes mon Dieu ». Oui, « dès le ventre de ma mère », car nonobstant cette enveloppe charnelle, je ne vous ai point oublié comme le petit enfant. 12. « Vous êtes mon Dieu ; ne vous éloignez pas de moi, parce que laffliction est proche (Id. 12 ) ». Puisque vous êtes mon Dieu, ne vous éloignez pas de moi, aux approches de la tribulation, qui est déjà dans ma chair. «Car il ny a personne qui me vienne en aide». Qui me soutiendra, si ce nest vous? 13. « Voilà quune foule de jeunes taureaux mont environné (Id. 13 ) ». Les attroupements dun peuple dissolu font cercle autour de moi. « Des taureaux puissants mont investi». Et les chefs de ce peuple, joyeux de mon oppression, mont assiégé à leur tour. 14. « Ils ont ouvert leur bouche contre moi (Ps. XXI, 14 ) ». Leur bouche a livré passage, non point aux paroles de vos saintes Ecritures, mais aux cris de leurs passions. « Tel un lion saisit sa proie et rugit ». La proie de ce lion, ce serait moi que lon saisit et que lon amène, et son rugissement: « Crucifiez-le, crucifiez-le (Jean, XIX, 26 ) 15. « Je me suis écoulé comme leau, tous e mes os se sont dispersés (Ps. XXI, 15 ) ». Je me suis écoulé comme leau, quand mes persécuteurs sont tombés ; et mes disciples qui faisaient la solidité de lEglise ou de mon corps, se sont dispersés par la crainte. « Mon coeur sest fondu comme la cire, au milieu de mes entrailles (Ibid. ) ». Ces paroles que la Sagesse a consignées à mon sujet dans les livres saints, demeuraient incomprises, comme des paroles dures et cachées; mais depuis quà la flamme de mes douleurs elles se sont comme liquéfiées, elles sont devenues évidentes, et se sont gravées dans la mémoire de mon Eglise. 16. « Ma vigueur sest desséchée comme largile(Id. 16 ) ». Mes douleurs ont desséché mes forces, non comme lherbe, mais comme largile que le feu rend plus dure. « Ma langue sest attachée à mon palais ». Ceux par qui je devais parler ont gardé mes préceptes en eux-mêmes. « Vous mavez réduit à la poussière de la mort ». Vous mavez jeté entre les mains de ces impies destinés à la mort, et que le vent balayera de la surface de la terre. 17. « Des chiens sans nombre menvironnent (Id. 17) ». Voilà que jétais environné de gens qui aboyaient, non plus au nom de la vérité, mais au nom de la coutume. « Le conseil des méchants ma assiégé; ils ont percé mes mains et mes pieds ».Ils ont percé de clous mes mains et mes pieds. 18. « Ils ont compté tous mes os (Id. 18 ) »compter tous mes os étendus sur la croix. « Pour eux, ils mont regardé, ils mont considéré attentivement». Pour eux, cest-à-dire dans la même aversion, ils mont regardé et considéré. 19. « Ils se sont partagé mes vêtements, et ont tiré ma robe au sort (Id. 19 ) ». (205) 20. « Pour vous, Seigneur, néloignez pas de moi votre secours (Ps. XXI, 20 ) ». Mais vous, ô Dieu, ressuscitez-moi sans retard, et non point à la fin du monde, comme les autres hommes. « Pourvoyez à ma défense ». Veillez sur moi, afin que nul ne me nuise. 21. « Arrachez mon âme au glaive (Id. 21 ) »: préservez mon âme des langues schismatiques; « et mon unique à la puissance des chiens » : Délivrez mon Eglise de ce peuple qui aboie, au nom de ses coutumes. 22. « Sauvez-moi de la gueule du lion. » Sauvez-moi de cette bouche qui moffre un royaume temporel. « Epargnez à ma faiblesse la corne des rhinocéros (Id. 22 ) » : préservez mon humilité des hauteurs de ces orgueilleux qui sélèvent dune manière exclusive et ne souffrent aucun rival. 23. « Je redirai votre nom à mes frères (Id. 23)». Jannoncerai votre nom aux humbles, qui sont mes frères, et qui saiment réciproquement, comme je les ai aimés. « Je chanterai vos louanges au milieu de mon Eglise ». Cest avec joie que je publierai votre gloire dans mon Eglise. 24. « Bénissez le Seigneur, vous qui le craignez (Id. 24 )». Vous qui craignez le Seigneur, ne cherchez point votre gloire, mais louez le Seigneur. « Chantez sa gloire, vous tous, enfants de Jacob ». Glorifiez Dieu, vous tous enfants de celui que servit son aîné. 25. « Craignez-le tous, vous qui êtes enfants dIsraël ». Quils craignent le Seigneur, tous ceux qui sont régénérés dans une vie nouvelle, et préparés à la vision de Dieu. « Car il na point dédaigné, ni rejeté la prière du pauvre (Id. 25 ) ». Il na témoigné aucun mépris pour la prière, cette prière qui était celle du pauvre sans enflure, étranger aux pompes frivoles, et non celle du pécheur dont les vices crient vers Dieu, et qui ne voulait point quitter cette vie misérable. « Il na point détourné de moi son visage », comme il la fait pour celui qui disait : « Je crierai vers vous, et vous ne mécouterez point. Il ma exaucé, quand jai crié vers lui ». 26. « Cest vous que je veux louer (Id. 26 ) ». Car je ne recherche point la gloire pour moi, puisque je me glorifie en vous qui habitez le sanctuaire, et que vous, gloire dIsraël, vous écoutez le saint qui:vous invoque. « Cest dans votre Eglise si étendue que je publierai votre gloire ». Je vous bénirai dans cette Eglise répandue par toute la terre. Joffrirai mes voeux, en présence de ceux qui craignent mon Dieu. Joffrirai le sacrement de mon corps et de mon sang, devant ceux qui craignent le Seigneur. 27. « Les pauvres mangeront et seront rassasiés (Ps. XXI, 27 )». Ils mangeront, ceux qui sont humbles, qui méprisent le monde, et ils mimiteront, et de la sorte, ils ne désireront point les biens de ce monde, et ne craindront point la pauvreté. « Ceux qui cherchent le Seigneur, le béniront». Car cest de lâme quil rassasie, que déborde sa louange. « Leurs coeurs vivront dans léternité ». Car il est lui-même laliment de notre coeur. 28. « Les nations les plus reculées se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui (Id. 28 ) ». Elles sen souviendront; car Dieu était en oubli pour ces peuples nés dans la mort, et nayant de tendance que pour les biens extérieurs; et alors tous les confins de la terre se tourneront vers le Seigneur. «Tous les peuples de la terre se prosterneront en sa présence ». Tous les peuples de lunivers ladoreront damas leurs coeurs. 29. « Cest au Seigneur de régner, et il dominera les nations (Id. 29 ) ». Cest au Seigneur, et non aux hommes superbes quappartient lempire, et il dominera les nations. 30. « Tous les riches de la terre ont mangé, puis adoré ». Les riches de la terre ont mangé lhumble chair de leur maître, et, bien quils nen aient pas été rassasiés comme les pauvres, jusquà imiter Jésus-Christ, ils lont néanmoins adoré. « Ils tomberont en sa présence, tous ceux qui sabaissent sur la terre». Dieu seul voit la chute de tous ceux qui se las. sent de converser dans le ciel, et qui préfèrent étaler, ici-bas, lapparence du bonheur aux yeux des hommes qui ne voient pas leur ruine. 31. «Mon âme, à son tour, vivra pour lui (Id. 31 )». Et mon âme qui paraît morte aux yeux des hommes, parce quelle méprise le monde, soubliera, pour vivre en Dieu. « Et ma postérité le servira ». Mes oeuvres, ou ceux que je porterai à croire en lui, le serviront. 32. « Elle sera prédite pour le Seigneur, la génération à venir (Id. 32) ». Les fidèles du Nouveau Testament seront célébrés à la louange (206) du Seigneur. « Et les cieux publieront sa justice ». Les évangélistes annonceront sa justice. « Au peuple qui doit naître, et que le Seigneur a fait (Ps. XXI, 32 ) »; au peuple que la foi doit engendrer au Seigneur. DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXIDiscours prêché à la solennité de la Passion. 1. Je ne dois point garder sous silence, et vous devez écouter ce que le Seigneur na pas voulu taire dans ses saintes Ecritures. La passion de Notre-Seigneur est arrivée une fois, nous le savons; une seule fois le Christ est mort, linnocent pour les coupables (I Pier. III, 18 ). Nous le savons, nous en avons la certitude, nous croyons dune foi inébranlable, « que Jésus-Christ une fois ressuscité dentre les u morts ne meurt plus, et que la mort naura plus dempire sur lui (Rom. VI, 9) ». Ainsi la dit saint Paul : et de peur que nous ne venions à oublier ce-qui sest fait une fois, nous en célébrons chaque année la mémoire. Est-ce à dire que Jésus-Christ meurt chaque fois que nous célébrons la Pâque? Néanmoins ce souvenir annuel nous remet en quelque sorte sous les yeux ce qui sest fait une fois, et nous émeut aussi vivement que si nous voyions le Christ appendu à la croix, non pour lui insulter, mais pour croire en lui. Car à la croix il fut persillé, et on ladore aujourdhui quil est dans le ciel. Nest-il plus insulté aujourdhui, et avons-nous encore à nous indigner contre les Juifs qui lont tourné en dérision à la croix, et non dans son règne céleste? Et qui donc se moque aujourdhui du Christ? Plût à Dieu quil ny en eût quun seul, que deux, quon pût même les compter ! Toute la paille qui est dans son aire, se rit de lui, et le bon grain gémit de voir le Seigneur insulté. Je veux en gémir avec vous; car voici le temps des pleurs. Nous célébrons la Passion du Sauveur; cest le temps de gémir, le temps de pleurer, le temps de confesser nos fautes et den implorer le pardon. Et qui de nous pourrait verser autant de larmes quen méritent ses incomparables douleurs? Ecoutons le Prophète: « Qui donnera, dit-il, de leau à ma tête, et à mes yeux une source de larmes (Jérém. IX, 1)?» Non, une source de larmes, fût-elle réellement dans mes yeux, ne suffirait point, quand nous voyons le Christ persiflé lorsque la vérité est si claire, et quand nul ne peut dire : Je ne savais pas. Car cest à celui qui possède lunivers entier, que lon ose bien en offrir une partie; cest à celui qui est assis à la droite de son Père, que lon dit: Quy a-t-il ici qui vous appartienne? et au lieu de toute la terre, on ne lui montre que lAfrique. 2. Que deviennent, mes frères, les paroles que vous venez dentendre? Que ne pouvons-nous les écrire avec des larmes? Quelle est cette femme qui vint avec des parfums (Matt. XXVI, 7 )? De qui était-elle un symbole? Nest-ce point de lEglise? Que figurait le parfum quelle portait? Nest-ce point cette bonne odeur dont lApôtre a dit: Nous sommes en tous lieux la bonne odeur de Jésus-Christ (II Cor. II, 14 )? Et saint Paul nous désigne aussi lEglise; car en disant: « nous sommes», il sadresse aux fidèles. Et que leur dit-il? Nous sommes en tous lieux la bonne odeur de Jésus-Christ. Voilà donc saint Paul qui nous dit que les fidèles sont partout la bonne odeur de Jésus-Christ, et lon ose le contredire? on soutient que lAfrique seule est une bonne odeur, que le reste du monde na quune odeur fétide? Qui donc affirme que nous sommes en tous lieux la bonne odeur du Christ? LEglise. Cest cette bonne odeur que figurait ce vase de parfums répandu sur le Sauveur. Voyons si le Christ ne latteste pas lui-même. Quand des hommes zélés pour leurs intérêts, avares et voleurs, cest-à-dire quand Judas disait de ce parfum : « Pourquoi le perdre ainsi? on aurait pu (207) vendre ce parfum précieux et en faire le bien des pauvres (Matt. XXVI, 8) » . Quand il voulait vendre ainsi la bonne odeur de Jésus-Christ, que lui répond le Sauveur? « Pourquoi, dit-il, contristez-vous cette femme? Ce quelle a fait pour moi, est une bonne oeuvre (Id. 10 )».Quai-je à dire encore, quand le Sauveur ajoute : « Partout où sera prêché 1Evangile dans tout lunivers, on dira à la louange de cette femme ce quelle vient de faire (Id. 13 ) ». Que peut-on ajouter à ces paroles ou en retrancher? Comment prêter loreille à ces calomniateurs? Le Seigneur a-t-il menti ou sest-il trompé? Quils choisissent, et quils nous disent ou que la vérité a pu mentir, ou que la vérité a pu se tromper. « Partout où lEvangile sera prêché », dit Jésus-Christ. Et comme si on lui demandait : Où donc sera-t-il prêché? « Dans tout lunivers », répond-il. Ecoutons notre psaume, voyons sil parle dans le même sens. Ecoutons ce chant lugubre, et dautant plus digne de nos larmes que lon chante pour des sourds. Je serais étonné, -mes frères, que lon chantât ce psaume aujourdhui chez les Donatistes. Pardonnez-moi, mes frères, si je vous confesse mon étonnement, muais jatteste le Christ miséricordieux, que je regarde ces hommes comme des pierres, sils nentendent pas ces choses. Comment parler plus clairement, même à des sourds? On peut lire dans ce psaume la passion du j Christ aussi clairement que dans lEvangile, et toutefois, il a été composé je ne sais combien dannées avant que le Sauveur fût né de la vierge Marie : cétait le héraut qui annonçait le juge à venir. Lisons-le donc, autant que nous le permettra le peu de temps qui nous reste, non pas autant que le voudrait notre douleur , mais, ainsi que je lai dit, autant que nous le permettra lheure avancée. 3. « O Dieu, mon Dieu, regardez-moi : Pourquoi mabandonner ainsi ? » Ce sont les mêmes paroles que nous avons entendues à la croix, quand le Seigneur sest écrié : « Eli, Eli », cest-à-dire, mon Dieu, mon Dieu « Lama sabachtani? » Pourquoi mavez-vous abandonné? LEvangéliste a traduit ces paroles, et dit que le Seigneur sécria en hébreu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mabandonnez-vous? » Que voulait dire le Seigneur? Car Dieu ne lavait pas abandonné, puisque lui-même est Dieu, que le Fils de Dieu est Dieu, que le Verbe de Dieu est Dieu. Ecoutons dans son premier chapitre, cet Evangéliste qui répandait au dehors la surabondance quil avait puisée dans le coeur de Jésus(Jean, XXIII, 23 ); voyons si le Christ est Dieu. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Ce Verbe donc, qui était Dieu, « sest fait chair pour habiter parmi nous n. Cest ce Verbe qui était Dieu, et qui, sétant fait chair, disait pendant quil était cloué à la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, jetez les yeux sur moi , pourquoi mavez-vous abandonné? » A quoi bon parler de la sorte, sinon parce que nous étions là nous-mêmes, et que lEglise est le corps de Jésus-Christ (Eph. I, 23 )? Pourquoi dire : « Mon Dieu, mon Dieu, jetez les yeux sur moi, mauriez-vous donc abandonné? » sinon pour stimuler notre attention , et nous dire en quelque manière: « Cest de moi quil est parlé dans ce psaume? Les cris de mes péchés éloignent de moi le salut ». Quels péchés avait celui dont il est dit : « Quil na commis aucune faute, et que le mensonge ne sest point trouvé dans sa bouche (I Pier. II, 23 )? » Comment peut-il dire: «mes péchés n, sinon parce quil implore le pardon de nos fautes, et quil a voulu quelles devinssent ses fautes, afin que sa justice devînt notre justice? 4. « Mon Dieu, je crierai vers vous pendant le jour, et vous ne mexaucerez point; « pendant la nuit, et ce ne sera point une folie pour moi (Ps. XXI, 4 ) ». Ainsi parle-t-il de lui-même, de vous, de moi; car il parlait au nom de son corps mystique qui est lEglise. A moins peut-être, mes frères, que vous ne croyiez que le Seigneur craignait de mourir quand il disait : « Mon Père, sil est possible, que ce calice séloigne de moi (Matt. XXVI, 39 )». Le soldat nest jas plus valeureux que le général. « Il suffit au serviteur de ressembler au maître (Id. X, 25 ) ». Toutefois saint Paul , ce champion du roi Jésus, sécriait : « Je me sens pressé des deux côtés, jai le vif désir dêtre dégagé des liens du corps pour être avec Jésus-Christ (Phil. I, 23 ) ». Va-t-il désirer la mort pour être avec le Christ, quand ce même Christ craignait de mourir? Quest-ce donc, sinon quil portait en lui notre infirmité, et quil parlait de la sorte au nom des fidèles déjà établis en son corps mystique, (208) et qui pourraient encore craindre la mort ? De là vient que cette prière était la prière des membres, et non du chef. Il en est de même de ces paroles : « Jai crié vers vous le jour et la nuit, et vous ne mexaucerez point ». Beaucoup en appellent à Dieu dans laffliction et ne sont point exaucés; mais cest pour leur salut, et non parce quils sont insensés. Paul demanda dêtre délivré de laiguillon de la chair et ne lobtint point; il entendit cette réponse : « Ma grâce te suffit, car la vertu use perfectionne dans la faiblesse (II Cor. XII, 9 ) ». Dieu donc ne lexauça point; et ce refus, loin de laccuser de folie, devait le former à la sagesse ; car lhomme doit comprendre que Dieu est médecin, et que laffliction est un remède pour nous guérir et non un châtiment qui aboutisse à la damnation. Pour vous guérir, on brûle, on tranche, et vous criez; le médecin est sourd à vos désirs, il cherche uniquement à vous guérir. 5. « Pour vous, ô gloire dIsraël, vous habitez dans le sanctuaire (Ps. XXI, 4 ) ». Vous habitez en ceux que vous sanctifiez, et à qui vous faites comprendre que si vous repoussez des demandes, cest pour le bien de ceux qui supplient, et que vous en exaucez dautres pour leur propre perte. Ce fut pour lavantage de saint Paul que Dieu rejeta sa prière, et pour la confusion de Satan quil accueillit la sienne. Il avait demandé de tenter Job, ce qui lui fut accordé (Job. I, 11 ). Les démons demandèrent dentrer dans les pourceaux, et Jésus le leur permit (Matt. VIII, 31 ). Ainsi les démons sont exaucés, lApôtre ne lest pas : mais ils sont exaucés pour leur confusion ; et dans lintérêt de son salut, lApôtre ne le fut point. « Ce nest point pour me convaincre de folie. Vous êtes la gloire dIsraël et vous habitez dans vos saints». Pourquoi nexaucez-vous pas même ceux qui sont à vous? Mais pourquoi parler ainsi? Souvenez-vous de dire toujours: Grâces à Dieu, devant cette foule dassistants, et plusieurs sont venus qui ne viennent point dordinaire. Je dis donc pour tous que laffliction nest pour le chrétien quune épreuve, sil nabandonne pas le Seigneur. Quand lhomme est heureux au dehors, le chrétien est dans un délaissement intérieur. Le feu est mis à la fournaise, et cette fournaise de lorfèvre est le symbole dun grand mystère. Il y a là de lor, il y a de la paille, il y a du feu qui agit dans un lieu resserré. Le feu est le même, leffet en est bien différent; il réduit la paille en cendre et ôte à lor ses scories. Ceux en qui habite le Seigneur deviennent ainsi meilleurs par laffliction, ils sont éprouvés comme lor. Si donc le démon notre ennemi demande quelquun et quil lobtienne de Dieu, alors, soit dans les maladies corporelles, soit dans la perte des biens, soit dans la mort de ses proches , que le chrétien maintienne son coeur entre les mains de celui qui ne labandonne et qui ne paraît fermer loreille à sa douleur que pour écouter ensuite sa prière avec miséricorde. Lartisan qui nous a faits sait ce quil doit faire, il sait aussi comment nous réconforter. Cest un habile architecte qui a construit lédifice, il sait réparer ce qui a pu sen écrouler. 6. Ecoutez encore ce que dit le Prophète: « En vous ont espéré nos pères; ils ont espéré, et vous les avez délivrés (Ps. XXI, 5 ) ». Nous savons, pour lavoir lu dans les Ecritures, combien de nos pères Dieu a délivrés, parce quils espéraient en lui, Il a délivré de lEgypte tout le peuple dIsraël (Exod. XII, 51 ). Il a délivré les trois jeunes hommes des flammes de la fournaise; il a délivré Daniel de la fosse aux lions (Dan. III. ), et Susanne dune accusation mensongère (Id. XIV ): tous linvoquèrent, tous furent délivrés (Id. XIII). A-t-il fait défaut à son Fils, au point de ne point lexaucer sur la croix? Pourquoi donc nest-il pas délivré à linstant, celui qui a dit : « Nos pères ont espéré en vous, et vous les avez délivrés? » 7. « Pour moi, je suis un ver et non pas un homme (Ps. XXI, 7 ) ». Un ver et non pas un homme. Lhomme aussi est un ver, mais celui-ci est un ver et non pas un homme. Pourquoi pas un homme? Parce quil est Dieu. Pourquoi sest-il abaissé au point de se dire « un « ver? n Est-ce parce quun ver naît de la chair spontanément comme le Christ est né de la vierge Marie? Il est donc un ver? Et toutefois il nest pas un homme. Pourquoi un ver? Parce quil est mortel, parce quil est né de la chair, parce quil est né dune vierge et sans le concours daucun homme. Pourquoi nest-il pas un homme? Parce que le Verbe était au commencement, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu (Jean, I, 1 ). 8. « Je suis lopprobre des hommes, le (209) rebut de la populace (Ps. XXI, 7 ) ». Voyez combien il a souffert; et avant le récit de sa passion, afin de lécouter avec des gémissements plus sincères, voyez dabord les douleurs quil endure et ensuite voyez pourquoi. Quel est le fruit de sa passion? Voilà que nos pères ont espéré et ont été délivrés de lEgypte. Et, comme je lai dit, tant dautres lont invoqué, et sans aucun retard ont été délivrés dès cette vie, sans attendre la vie éternelle. Job lui-même, livré à Satan qui lavait demandé, en proie aux ulcères et aux vers (Job, I, 11 ), recouvra néanmoins la santé dès cette vie, et des richesses doubles de celles quil avait perdues (Id. XLII, 11). Pour le Sauveur, il est flagellé, et nul secours; il est couvert de crachats, et nul secours; il est souffleté, et nul, secours; il est élevé en croix, et nulle délivrance; il sécrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez-vous abandonné (Matt. XXVIII )? » et nul secours. Pourquoi donc , mes frères? Pourquoi tout cela? Quelle est la récompense de tant de. douleurs? Tout ce quil endure est une rançon. Que peut-il acheter au prix de tant de douleurs? Récitons le psaume et voyons ce quil contient. Cherchons dabord ce quil a souffert, et ensuite pourquoi : et comprenons combien sont ennemis du Christ ceux qui confessent les douleurs quil a endurées et qui lui en dérobent le prix. Ecoutons donc tout cela dans le psaume, et voyons ce quil a souffert et pour quel motif. Retenez ces deux points: qua-t-il souffert et pourquoi? Jexplique maintenant ce quil a souffert, sans trop my arrêter: les paroles du psaume vous lexpliqueront mieux que moi. Voyez, chrétiens, ce quendure le Seigneur; il est « lopprobre des hommes et le rebut de la populace ». 9. « Tous ceux qui me voyaient me persiflaient, ils parlaient des lèvres et branlaient la tête. Il a espéré en Dieu, que Dieu le délivre, que Dieu le sauve puisquil se plaît en lui n. Mais pourquoi les Juifs parlaient-ils ainsi? Cest parce que le Christ sétait fait homme, et quils le traitaient en homme. 10. « Parce que cest vous qui mavez tiré du sein maternel (Ps. XXI, 8, 9 ) ». Parleraient-ils ainsi contre ce Verbe qui était au commencement, ce Verbe qui était en Dieu? Mais ce Verbe, par qui tout a été fait, na été tiré des entrailles maternelles que parce que le Verbe a été fait chair et a habité parmi nous. « Parce que vous mavez tiré du sein de ma mère, vous êtes mon Dieu dès que jai sucé la mamelle (Ps. XXI, 10 ) ». Avant tous les siècles vous êtes mon Père, mais vous êtes mon Dieu depuis que jai sucé la mamelle. 11. « Du sein de ma mère, jai été reçu dans vos bras », afin que vous fussiez mon unique espérance; cest lhomme, et lhomme dans sa faiblesse, le Verbe fait chair, qui parle ainsi. « Dès le sein de ma mère, vous êtes mon Dieu (Id. 11) ». Non point mon Dieu par vous-même; par vous-même vous êtes mon Père; et mon Dieu seulement depuis que jai passé par le sein de ma mère. 12. « Ne vous éloignez pas de moi; car la tribulation est proche, et il ny a personne pour me secourir ( Id. 12 ) ». Voyez comme il est abandonné, et malheur à nous, sil nous abandonnait. « Il ny a personne pour nous secourir». 13. « De jeunes taureaux sans nombre, des taureaux puissants mont environné (Id. 13 ) ».Voilà le peuple et le prince, le peuple ou les jeunes taureaux sans nombre, les princes ou les taureaux puissants. 14. « Ils fondent surmoi, la gueule entrouverte, comme le lion qui déchire et qui rugit (Id. 14 ) ». Ecoutez ces rugissements dans l Evangile: « Crucifiez-le, crucifiez-le (Jean, XIX, 6 ) ». 15. « Je me suis répandu comme leau, et mes ossements ont été dispersés (Ps. XXI, 15 ) ». Il appelle ossements, les disciples les plus fermes, car les os sont la solidité des corps. Quand ces ossements furent-ils dispersés ? Quand il leur dit : « Voilà que je vous envoie, comme des brebis au milieu des loups (Matt. XI, 6 )». Il dispersa donc ses disciples les plus solides, et il se répandit comme leau. Leau répandue lave ou arrose; le Christ sest répandu comme leau, pour laver nos souillures et arroser nos âmes. « Mon coeur sest fondu comme une cire au milieu de mes entrailles ». Cest son Eglise quil appelle ses entrailles. Comment son coeur est-il devenu comme une cire ? Son coeur, cest lEcriture, ou plutôt la Sagesse renfermée dans-les saintes Ecritures. LEcriture était un livre fermé , que nul ne comprenait ; le Seigneur a été cloué à la croix, et alors elle est devenue claire comme la cire liquéfiée, et les plus faibles (210) esprits ont pu la comprendre. Cest de là que le voile du temple a été déchiré (Matt. XXVII, 51) et, ce qui était voilé, mis à découvert. 16. « Ma force a été durcie comme largile (Ps. XXI, 16 )». Admirable expression pour dire mon nom sest affermi par mes douleurs. De même que largile est molle avant de passer par le feu, et solide quand elle en sort ; de même le nom du Seigneur, méprisé avant la passion, en est sorti glorieux. « Ma langue sest attachée à mon palais ». Comme ce membre nest utile que pour-parler, le Sauveur appelle sa langue, les prédicateurs, et ils se sont attachés à son palais pour puiser la sagesse dans ses secrètes profondeurs. « Et vous mavez réduit à la poussière de la mort». 17. « Voilà quune meute de chiens menvironne, que le conseil des méchants massiége (Id. 17 ) ». Voyez encore lEvangile. « Ils ont percé mes mains et mes pieds ».Alors souvrirent ces plaies, dont un disciple incrédule toucha les cicatrices. Il avait dit: « Si je ne mets mon doigt dans la blessure des clous, je ne croirai point». Jésus lui dit alors : « Venez, mettez votre doigt, ô incrédule ». Et il y mit sa main, et il sécria « Mon Seigneur, et mon Dieu » . Et Jésus: Parce que tu mas vu, tu as cru; bienheureux ceux qui croient sans voir (XX, 25, 28). « Ils ont percé mes mains et mes pieds ». 18. « Ils ont compté tous mes os (Ps. XXI, 18 ) », quand il était étendu sur la croix. On ne peut mieux exprimer lextension du corps sur la croix, quen disant : « ils ont compté tous mes os». 19. « Ils mont regardé, ils mont considéré attentivement (Id. 19 ) ». Ils ont considéré, mais sans comprendre ; ils ont regardé, mais sans voir. Leurs yeux voyaient la chair, mais leur coeur ne sélevait pas jusquau Verbe. « Ils se sont partagé mes vêtements ». Ses vêtements sont les sacrements. Remarquez, mes frères, que ses vêtements ou ses sacrements ont bien pu être divisés par lhérésie; mais il y avait là une robe, que nul ne peut diviser. « ils ont tiré ma robe au sort ». « Il y avait là » ,dit lEvangéliste, «sa tunique tissue den haut (Jean, XIX, 27 ) ». Donc, tissue dans le ciel, tissue par le Père, tissue par lEsprit-Saint. Quelle est cette robe, sinon la charité que lon ne peut partager? Quelle est cette robe, sinon lunité ? On la tire au sort, parce que lon ne peut la diviser. Les hérétiques ont bien pu diviser les sacrements, mais non diviser la charité. Impuissants à la partager, ils se sont retirés, mais elle demeure dans son intégrité. Le sort la donnée à quelques-uns ; celui qui la possède, est en sûreté; car nul ne peut le jeter hors de lEglise catholique; et si lhomme du dehors commence à lavoir, on ly introduit, comme le rameau dolivier porté par la colombe (Gen. VIII, 11 ). 20. « Pour tous, ô mon Dieu, néloignez pas de moi votre secours (Ps. XXI, 20 )». Ainsi en fut-il, et Dieu le ressuscita le troisième jour. « Pourvoyez à ma défense ». 21. « Arrachez mon âme à la framée (Id. 21 ) » ; cest-à-dire à la mort. Une framée est un glaive, et par le glaive il a voulu entendre la mort. « Et mon unique à la main des chiens ». Cette âme, et cette unique, cest son âme et son corps; cest son Eglise quil appelle unique. « A la main », cest-à-dire au pouvoir des chiens. Qui sont les chiens? Ceux qui aboient commue des chiens, sans savoir à qui ils sen prennent. On ne leur fait rien, et néanmoins ils aboient. Que fait au chien un passant ? le chien laboie pourtant. Aboyer aveuglément, sans savoir ni contre qui, ni pour qui, cest là être chien. 22. « Sauvez-moi de la gueule du lion (Id. 22 ) ». Vous connaissez ce lion rugissant qui rôde autour de nous, cherchant quelquun à dévorer (I Pierre, V, 8 ). « Epargnez à mon humilité la corne du rhinocéros ». Il nappelle rhinocéros que les orgueilleux; aussi a-t-il ajouté : « Mon humilité ». 23. Vous avez entendu les douleurs que le Christ a endurées, et les prières quil a faites pour en être délivré: considérons, maintenant, pourquoi il a souffert. Mais voyez dabord, mes frères, à quoi bon porter le nom de chrétien, quand on nest point dans cet héritage pour lequel le Christ a souffert? Nous avons entendu ce quil a enduré; quon comptât ses os, quon le tournât en dérision, quon partageât ses vêtements, quon tirât sa robe au sort, quon dispersât ses ossements; cest ce que nous apprend le psaume, et ce que nous lisons dans 1Evangile. Voyons pourquoi. O Christ, Fils de Dieu, vous ne souffririez point, si vous ne le vouliez pas, montrez-nous doue le fruit de (211) votre passion. Ecoutez, nous dit-il, quel est ce fruit : je ne le cache point; mais lhomme est sourd à mes paroles. Ecoutez donc bien quel est ce fruit acheté par mes douleurs. « Jannoncerai votre nom à mes frères ». Voyons sil ne prêche le nom du Seigneur à ses frères, que dans une partie du monde. « Jannoncerai votre nom à mes frères, je vous chanterai au milieu de lEglise (Ps. XXI, 23)». Cest ce qui saccomplit maintenant. Mais voyons quelle est cette Eglise: « Je vous chanterai au milieu de lEglise ». Voyons donc lEglise pour laquelle il a souffert. 24. « Louez le Seigneur, vous qui le craignez (Id. 24 )». LEglise du Christ est donc partout où lon craint et où lon bénit Dieu. Or, voyez, mes frères, si dans ces jours il ny a point de sens dans le chant de lAmen, et de lAlléluia qui retentit par toute la terre. Est-ce que Dieu ny est pas craint? Est-ce que le Seigneur ny est pas béni ? Voilà que Donat sen vient nous dire : Il ny a plus de crainte, et le monde entier a péri, il a tort de dire le monde entier ; nen restera-t-il donc quune faible part en Afrique? Mais le Christ na-t-il donc pas une parole pour fermer la bouche à ces prédicateurs? Na-t-il pas une parole pour leur arracher la langue? Cherchions, nous la trouverons peut-être. Quand le Christ doit u bénir Dieu au milieu de lEglise », cest de notre Eglise quil parle. « Bénissez le Seigneur, « vous qui craignez Dieu n. Voyons si nos adversaires louent le Seigneur, afin de coin-prendre si cest bien deux quil parle, sil est béni dans leur Eglise. Comment bénissent-ils le Christ, ceux qui prêchent quil a perdu toute la terre, que le diable la conquise sur lui, quil ne lui en reste quune partie? Mais voyons encore, et que le psaume parle avec plus de clarté, quil sexplique avec plus dévidence; quil ny ait plus besoin dinterprétation, quil mie reste aucun doute. « Glorifiez-le, race entière de Jacob ». Peut-être diront-ils encore: Cest nous qui sommes la race de Jacob. Voyons sils sont en effet cette race, 25. « Quil soit craint de toute la postérité dIsraël (Id. 25 )». Quils disent encore quils sont la race dIsraël, nous leur permettons de le dire. « Car il na point méprisé ni rejeté la prière des pauvres ». De quels pauvres? de ceux qui ne présumaient point deux-mêmes. Jugeons par là sils sont pauvres , ceux qui disent : « Nous sommes justes », quand Jésus-Christ dit lui-même: « Les cris de mes péchés éloignent de moi le salut (Ps. XXI, 2 ) ». Mais quils disent encore ce quil leur plaira. «Il na point détourné de moi son visage, et quand je criais vers lui il ma exaucé (Id. 25 ) ». En quoi la-t-il exaucé, pour quel motif? 26. « Vous êtes lobjet de ma louange (Id. 26 )». Il met sa gloire en Dieu pour nous apprendre à ne point présumer de lhomme. Quils disent encore ce quils voudront. Déjà ils commencent à sentir leffet du feu qui sapproche: « Car nul ne peut se dérober à sa chaleur (Ps. XVIII, 7 ) ». Quils disent encore : Nous ne présumons pas non plus en nous-mêmes, et cest en Dieu que nous mettons notre gloire; quils disent même : « Je chanterai vos louanges dans une grande assemblée ». Il me semble quici le Christ les touche au coeur. Quest-ce, mes frères, quune grande Eglise ? Appellerait-on grande Eglise un coin de la terre? Une grande Eglise, cest lunivers entier. Quelquun voudrait-il contredire le Christ? Voici vos paroles, ô Christ : « Je chanterai vos louanges dans une grande Eglise » ; dites-nous donc quelle est cette Eglise ! Vous êtes resserré dans un coin de lAfrique; vous avez perdu le monde entier, vous avez versé votre sang pour tous; mais lennemi a envahi vos domaines. Si nous parlons ainsi, mes frères, cest comme pour linterroger, car nous savons ce quil y aurait à répondre. Supposons néanmoins que nous ignorons ce quil dit : sa réponse nest-elle point : Attendez, je vais parler de manière à lever tous les doutes? Ecoutons donc ce quil va dire. Pour moi, je voulais prononcer, et ne point laisser aux hommes la liberté dinterpréter cette parole du Christ : « Dans une grande Eglise ». Et tu viens me dire quil est resserré à lune des extrémités? Ils oseront encore nous dire : Notre assemblée est grande, que dites-vous de Bagaï et de Tamugade ? Si le Christ na plus un mot pour les confondre, ils diront que la Numidie seule est cette grande Eglise. 27. Voyons encore, écoutons Jésus-Christ. « Jaccomplirai mes voeux en présence de ceux qui le craignent (Ps. XXI, 26 ) ». Quels sont les voeux du Christ? le sacrifice quil offrit à Dieu. Savez-vous quel sacrifice ? Les fidèles savent les (212) voeux accomplis par le Christ en présence de ceux qui le craignaient. Car voici ce qui suit: « Les pauvres mangeront et seront rassasiés (Ps. XXI, 27 )». Bienheureux donc ces pauvres qui mangent ainsi pour être rassasiés ! Donc, les pauvres mangent. Quant aux riches, ils ne sont pas rassasiés, parce quils nont pas faim. Les pauvres mangeront. Il était un pauvre, ce Pierre le pêcheur, et Jean cet autre pêcheur, et Jacques son frère (Matt. IV, 18 ), et même le publicain Matthieu (Id. IX, 9 ). Ils étaient des pauvres, tous ces autres qui mangèrent et qui furent rassasiés, parce quils souffrirent comme la victime quils mangeaient. Car le Christ a donné ses douleurs comme il a donné ses festins; cest celui qui souffre comme lui, qui est rassasié. Les pauvres limitent, car ils souffrent pour suivre les traces de Jésus-Christ. « Ces pauvres mangeront ». Comment sont-ils pauvres? « Cest quils louent le Seigneur, ceux qui le recherchent (Id. IX, 9) ». Les riches se louent eux-mêmes, les pauvres louent le Seigneur. Comment donc sont-ils pauvres? Cest quils bénissent le Seigneur, quils recherchent le Seigneur, et que le Seigneur est le trésor des pauvres; doù vient que leur maison est dénuée, tandis que leur coeur est plein de richesses, Que le riche travaille à remplir ses coffres, le pauvre cherche à remplir son coeur : et quand leur coeur est enrichi, ils bénissent le Seigneur, ceux qui le recherchent. Voyez, mes frères, en quoi consiste la richesse de ces vrais pauvres; elle ne loge, ni dans les coffres, ni dans les greniers, ni dans tes celliers. « Leurs coeurs vivront dans léternité ». 28. Ecoutez-moi donc, mes frères. Le Christ a souffert, il a enduré tout ce que vous avez entendu; nous avons cherché le but de ses douleurs, et il sest mis à nous dire : « Jannoncerai votre nom à mes frères, je vous chanterai au milieu de lEglise ». Mais ils répliquent : Nous sommes cette Eglise. « Quil soit redouté dans la postérité dIsraël ». Et eux de dire : Nous sommes la postérité dIsraël. « Il na point rejeté ni dédaigné la «prière des pauvres ». Ils disent encore Nous sommes ces pauvres. « Il na pas détourné de moi son visage ». Jésus-Christ, notre Seigneur, na pas détourné sa face de lui-même, ou de son corps, qui est lEglise. «En vous est ma louange ». Et vous voulez vous louer vous-mêmes. Mais, nous répondront-ils, cest bien lui que nous chantons aussi. « Je remplirai mes voeux en présence de ceux qui le craignent». Les fidèles savent que cest un sacrifice de paix, un sacrifice de charité, le sacrifice de son corps: nous ne pouvons aujourdhui nous étendre à ce sujet. « Je remplirai mes voeux devant ceux qui me craignent ». Mangez, publicains, mangez pêcheurs, mangez, imitez le Seigneur, souffrez, et vous serez rassasiés. Le Seigneur lui-même est mort ; les pauvres meurent à leur tour, et la mort des disciples vient sajouter à la mort du maître. Pourquoi ? montrez-men lutilité. « Les extrémités de la terre se ressouviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui(Ps. XXI, 30 ) ». Hélas! mes frères, pourquoi nous demander ce que nous répondrons aux partisans de Donat? Ce psaume que nous lisons ici aujourdhui se ht encore aujourdhui chez eux. Gravons-le sur nos fronts, marchons avec lui, ne donnons aucun repos à notre langue, et répétons sans cesse : Le Christ a souffert, voilà que ce négociant divin nous montre ce quil vient dacheter, son sang quil a répandu en est le prix. Il portait ce prix dans une bourse divine; et cette bourse sest répandue sous le coup dune lance impie, et il en est sorti la rançon du monde entier. Que viens-tu me dire, ô hérétique ? Nest-ce point le prix de lunivers entier? lAfrique seule serait-elle rachetée? tu noserais le dire. Tout lunivers a été racheté, diras-tu, mais il a échappé au Christ. Quel ravisseur a donc. fait perdre au Christ ce qui lui appartenait? « Voilà que tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui ». Que ces paroles vous suffisent donc. Sil était dit: Les confins de la terre, et non, « tous les confins de la terre», ils pourraient nous répliquer: Nous avons en Mauritanie ces confins de la terre. Mais, ô hérétique, il a dit: « Tous les confins de la terre », oui, « tous » ; où donc pourras-tu fuir, pour éviter cette réponse? Nul moyen déchapper; il ne te reste que la porte pour entrer. 29. Toutefois, mes frères, je ne veux pas établir une dispute, de peur que lon attribue quelque valeur à mon discours. Ecoutez donc le psaume, et lisez-le. Voilà que le Christ a souffert, son sang est répandu; voilà dune part le Rédempteur, et dautre part la rançon. Quon me dise lobjet racheté. Mais pourquoi (213) le demander? puisquon pourrait me répondre O insensé, à quoi bon les questions? Tu as un livre, et dans ce livre le prix de la rançon, et lobjet racheté. Vous pouvez y lire : « Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui ». Oui, les confins de la terre sen souviendront. Mais les hérétiques lont oublié, aussi le leur lit-on chaque année. Croyez-vous quils prêtent loreille, quand le lecteur répète : « Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui? » Mais ce nest peut-être quun verset, et vous aviez lesprit distrait, ou vous parliez au voisin, quand on a lu ce passage; voyez pourtant comme il le répète, et force les sourds dentendre: « Toutes les nations de la terre se prosterneront pour ladorer ». Il est encore sourd, et nentend pas plus, frappons de nouveau. « Au Seigneur appartient lempire, et il dominera les nations ». Retenez bien, mes frères, ces trois versets. Aujourdhui on les chante aussi chez eux, à moins quils ne les aient effacés. Pour moi, mes frères, je suis tellement frappé, tellement hors de moi-même, quune telle surdité, une telle dureté de coeur me jette dans la stupeur, et je me prends à douter quelquefois sils ont ces passages dans leurs livres. Aujourdhui tous les fidèles accourent à lEglise, aujourdhui tous prêtent loreille attentivement à la lecture de ce psaume, tous demeurent en suspens à cette lecture. Mais fussent-ils inattentifs, ny a-t-il que ce seul verset : « Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur, et se tourneront vers lui ? » Vous vous éveillez, vous frottez encore vos yeux : « Et les peuples de la terre se prosterneront en sa présence ». Vous vous réveillez, vous êtes encore assoupis, écoutez : « Au Seigneur appartient lempire, et il dominera toutes les nations ». 30. Que pourraient-ils répliquer ? je ne sais ; quils sen prennent aux saintes Ecritures, et non plus à nous. Voilà le livre, quils le combattent. A quoi sert de dire: Cest nous qui avons sauvé les Ecritures, quon aurait brûlées? Elles sont sauvées pour te brûler, ô hérétique. A quoi bon les sauver? Ouvre-les donc pour les lire. Tu les a sauvées, et tu les combats. Pourquoi sauver de la flamme ce que tu effaces de la langue?Je nen crois rien, je ne puis croire que tu les aies sauvées; non, tu ne les as pas sauvées, je nen crois rien. Les nôtres, au contraire, ont raison de dire que tu les as livrées. il prouve sa trahison, celui qui refuse dexécuter un testament quon lui alu. On le lit devant moi, et je my rends; devant toi, et tu contestes. Quelle main la jeté au feu? Est-ce la main de celui qui laccepte et le suit, ou la main de celui qui est chagrin quil existe encore, et quon le puisse lire? Mais je ne veux plus connaître le sauveur de ce livre; peu importe de quelle manière et dans quelle caverne on lait trouvé, cest le testament de notre père; je ne connais ni les voleurs qui voulaient le soustraire, ni les persécuteurs qui le voulaient brûler: de quelque part quil nous vienne, il doit être lu. Pourquoi disputer? Nous sommes frères, à quoi bon plaider? Notre père nest point mont sans testament. Il en a fait un, et il est mort ; après sa mort, il est ressuscité. On dispute sur lhéritage dun défunt, tant que le testament nest pas devenu public : dès que le testament se produit en public, tous gardent le silence, afin quon louvre et quon le lise. Le juge lécoute avec attention, les avocats se taisent, les huissiers font faire silence, tout le peuple demeure en Suspens, pour laisser lire les paroles dun défunt, qui est sans mouvement dans le sépulcre. Cet homme est donc sans vie sous la pierre, mais ses paroles ont une valeur : et cest quand Jésus-Christ est assis dans le ciel, que lon conteste son testament? Ouvrez donc, et lisons. Nous sommes frères, pourquoi ces disputes? Soyons plus paisibles, notre père ne nous a pas laissés sans testament. Et celui qui a fait ce testament, vit dans léternité, il entend nos voix, il connaît celle qui est à lui. Lisons donc, à quoi bon disputer? Prenons possession de lhéritage, quand nous laurons trouvé. Ouvrez le testament, et lisez donc un des premiers psaumes : « Demande-moi e. Mais qui parle ainsi? Peut-être nest-ce pas Jésus-Christ. Vous avez encore au même endroit: « Le Seigneur ma dit: Vous êtes mon Fils, cest aujourdhui que je vous ai engendré (Ps. II, 7 )». Donc est-ce le Fils de Dieu qui parle, ou le Père qui parle à son Fils? Et que dit-il à ce Fils? « Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage, et ton empire embrassera tous les confins de la terre (Id. 8. ) ». Souvent, mes frères , quand on conteste au sujet dun champ, on senquiert des possesseurs qui (214) avoisinent, et entre tel ou tel voisin, on cherche lhéritier à qui il est échu ou qui en est lacheteur. Auprès de quels voisins sinformer? Auprès de ceux qui possèdent les propriétés environnantes. Mais celui qui na aucune borne à son héritage na aucun voisin, Or, de quelque part que vous vous tourniez, cest le Christ qui est possesseur. Tu as en héritage les confins de la terre, viens, possède avec moi la terre entière. Pourquoi mintenter un procès pour mappeler en partage? Viens ici, cest un avantage de perdre ton procès puisque tu auras le tout. Quel sujet pour toi de disputer? Jai lu le testament, et tu disputes encore? Viendras-tu nous objecter quil a dit: « Les confins de la terre, et non, tous les confins? Lisons donc alors. Quavons-nous lu? « Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui. Toutes les nations de la terre se prosterneront en sa présence. Lempire est au Seigneur, et il dominera les nations ». Cest donc à lui et non à vous quappartient la domination. Reconnaissez donc et le Seigneur votre maître, lhéritage du Seigneur. 31. Mais vous aussi, qui voulez avoir une possession à part, et non plus avec nous dans lunité du Christ, car vous voulez dominer sur la terre et non régner avec lui dans le ciel, vous possédez vos demeures. Nous sommes allés quelquefois les trouver, mes frères, et pour leur dire : Cherchons la vérité, trouvons la vérité. Et eux de nous répondre : Gardez ce que vous avez; tu as tes brebis, jai les miennes; laissez mes brebis en paix comme jy laisse les vôtres. Grâces à Dieu, jai mes brebis, et il a ses brebis, qua donc racheté le Christ? Ah! quelles ne soient ni à toi ni à moi, ces brebis, mais bien à celui qui les a rachetées, à celui qui les a marquées de son caractère ! « Ni celui qui plante nest rien, ni celui qui arrose, mais cest Dieu qui donne laccroissement ( I Cor. III, 7 ) ». Pourquoi donc avoir tes brebis et moi mes brebis? Si le Christ est avec toi, que mes brebis y aillent aussi, car elles ne sont pas à moi; et si le Christ est avec nous, que tes brebis y viennent aussi, puisquelles ne sont pas à toi. Quelles entrent dans leur héritage en nous baisant le front et les mains, et que les enfants étrangers disparaissent. Elles ne mappartiennent pas, dit-il. Quest-ce à dire? Voyons si elles ne vous appartiennent pas, voyons si vous nen avez pas revendiqué la possession. Je travaille au nom du Christ, toi au nom de Donat; car si cest pour le Christ, le Christ est partout. Tu dis « Le Christ est ici (Matt. XXIV, 23 ) », et moi je dis quil est partout. « Enfants, louez le Seigneur, bénissez le nom du Seigneur ».Doù viendra cette louange ? Et jusquoù ira-t-elle ? « De lOrient jusquau couchant, bénissez le nom du Seigneur (Ps. CXII, 1 ) ». Cest là lEglise que je vous montre, cest là ce qua acheté le Christ et ce quil a racheté, cest pour cela quil a donné son sang. Mais toi, que dis-tu? Cest aussi pour lui que je recueille. « Celui qui ne ramasse « point avec moi, te répond-il, celui-là disperse (Matt. XII, 30 ) ». Or, tu divises lunité, tu veux un domaine à part. Pourquoi donc avoir le nom du Christ? Cest parce que tu as prétendu que le nom fût comme un titre qui garantît ta possession. Nest-ce point là ce que font plusieurs à légard de leur maison? Pour la garantir contre lavidité dun larron puissant, le maître y place le titre dun autre homme puissant, titre mensonger. Il veut être possesseur de sa maison, et pour se lassurer, il met au frontispice un titre demprunt, afin quen lisant ce nom dun homme puissant dans le monde, un ravisseur soit saisi de frayeur et sabstienne de toute violence. Cest ce que firent nos hérétiques lorsquils condamnèrent les Maximianistes. Ils allèrent trouver les juges, et pour montrer des titres qui les fissent regarder comme évêques, ils récitèrent les canons de leur concile. Alors le juge demanda : Est-il ici quelque autre évêque du parti de Donat? Lassemblée répondit : Nous ne reconnaissons quAurèle qui est catholique. Dans la crainte des lois, ils nont parlé que dun seul évêque. Mais pour se faire écouter du juge, ils empruntaient le nom du Christ et couvraient de ses titres leur possession. Que le Seigneur le leur pardonne dans sa bonté, et quil revendique son héritage partout où il retrouve ses titres; sa miséricorde est assez grande pour leur faire cette grâce, et pour ramener dans son Eglise tous ceux quil rencontrera sous le nom du Christ. Voyez, mes frères, quand un prince trouve ses titres sur quelque domaine, na-t-il pas le soin de le revendiquer en disant : Sil nétait mon domaine, il ne porterait pas mes (215) titres? Jy trouve mon nom, le domaine est à moi; tout domaine mappartient quand il porte mon nom. Change-t-il jamais ses titres? Le titre dautrefois est le titre daujourdhui; lhéritage peut changer de maître et non de titre. De même, quand ceux qui ont reçu le baptême du Christ reviennent à lunité, nous ne changeons pas les titres, nous ne les effaçons point; mais nous reconnaissons les titres de notre roi, le nom de notre prince. Que disons-nous? Héritage infortuné, sois le domaine de celui dont tu portes les titres; tu portes le nom du Christ, ne sois donc pas lhéritage de Donat. 32. Cest beaucoup nous étendre ,
mes frères ; mais gardez-vous doublier ce que nous avons lu. Je vous le répète,
et il faut souvent le redire; au nom de ce jour sacré, ou plutôt, des mystères que
lon y célèbre, je vous en supplie, noubliez pas ces paroles: « Toutes les
nations de la terre se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui.Tous les peuples
de la terre se prosterneront en sa présence. Lempire est au Seigneur, et il
dominera les peuples ». En face dun titre si clair, si authentique de la possession
du Christ, fermez loreille aux paroles dun imposteur. Toute contradiction est
la parole dun homme, ceci est la parole de Dieu. |