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DISCOURS SUR LE PSAUME CXXXVII.SERMON AU PEUPLE EN LÀ FÊTE DE SAINTE CRISPINE.GLOIRE A DIEU.
Le psaume est une confession, non des péchés, mais des louanges, comme celle de Jésus-Christ dans lEvangile ; et confesser Dieu de tout son coeur, cest lui offrir un holocauste de louanges, ou le sacrifice parfait, qui est le chant avec les anges, ou du ce bonheur spirituel que lon peut goûter ici-bas, même au milieu des tourments, qui est offert à Dieu dans son temple ou dans lâme, et dans les biens quil nous a procurés. Nous confesserons la miséricorde qui prend le pécheur en pitié, et nous incline vers les pauvres, et la vérité par laquelle Dieu accomplit ses promesses, et que nous devons exercer dans nos jugements. Dieu a glorifié son saint nom en choisissant la race dAbraham, doù est issu le Christ qui a envoyé les apôtres prêcher lEvangile. Hâtez-vous de mexaucer, dit le Prophète qui sait ce quil doit demander à Dieu, qui demande, comme Crispine, les biens éternels. Il demande en effet la multiplication, non de la famille, ni des richesses, mais de son âme. Les vices sont dans lâme, et le Prophète veut être multiplié en vertu. Rois de la terre, confessez Dieu : cest ce quils font chaque jour ; quils shumilient parce quils ont entendu les oracles des Ecritures, aujourdhui prêchées sur toute la terre, comme le figurait à Gédéon laire trempée de rosée. Quils chantent, non leur gloire, mais celle de Dieu; quils soient humbles, parce que Dieu regarde favorablement les humbles, et ne voit les orgueilleux que de loin ou en séloignant deux. Marcher dans la tribulation, cest marcher en cette vie qui est pleine de tribulations, et la vie éternelle est au prix de notre patience. La main de Dieu ou bien sappesantit sur nous à cause du péché, ou bien nous venge de ceux qui nous insultaient et dont plusieurs ont embrassé la foi; sa droite nous sauve, parce que sa droite est la place des bonnes oeuvres, tandis que la gauche est celle des biens dici-bas que Dieu naccorde pas toujours à ses élus. Seigneur, vous rendrez pour moi, cest-à-dire vous me vengerez de mes ennemis, ou vous payerez ma dette envers le Seigneur, car le Christ qui ne devait rien à payé pour nous. La miséricorde du Seigneur est pour léternité et non pour un temps : puisse-t-il ne pas mépriser louvrage de ses mains!
1. Le titre de notre psaume est court et simple: il ne nous arrêtera point, car nous connaissons celui que figurait David, et même nous nous reconnaissons en lui, puisque nous sommes les membres de son corps. Reconnaissons donc ici la voix de lEglise et réjouissons-nous dêtre les enfants de celle que nous avons entendu chanter. Tout le titre du psaume est dans ces mots : « A David lui-même ». Voyons ce qui est dit à David. 2. « Je vous confesserai, Seigneur, dans toute leffusion de mon âme 1». Le titre dun psaume nous en indique ordinairement le sens intime : mais ici, comme il se borne à nous dire que cest un chant pour David, cest le premier verset qui nous indique le sujet de tout le psaume. « Je vous confesserai, Seigneur, dans toute leffusion de mon âme ». Ecoutons donc cette confession. Mais auparavant je vous rappelle que dans les saintes Ecritures, cette expression, confesser au Seigneur, sentend de deux manières, dune confession des péchés, et dune confession de louanges. Chacun connaît la confession des péchés, mais il en est peu pour connaître la confession de louanges. La première est tellement connue que quand nous rencontrons
1. Ps. CXXXVII, 1.
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dans les Ecritures ces paroles : « Je vous confesserai, Seigneur», ou « nous vous confesserons », la coutume de lentendre ainsi fait que nos mains cherchent à frapper nos poitrines, tant les hommes sont habitués àne voir dans la confession que celle des péchés. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ était- il un pécheur, lui qui dit dans lEvangile: « Je vous confesse, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre?» La suite nous montre ce quil confessera; et nous indique une confession de louanges, et non laveu des péchés. « Je vous confesse», dit-il, «ô mon Père, Dieu du ciel et de la terre, parce que vous avez dérobé ces choses aux sages et aux prudents, pour les révéler aux petits 1». Il a donc loué son Père, il a loué Dieu, qui ne méprise point les humbles, mais les superbes; et la confession que nous allons entendre dans notre psaume est une confession de louanges et dactions de grâces. « Seigneur », dit-il, «je vous confesserai de tout mon coeur ». Cest donc mon coeur tout entier que je mets sur lautel de votre confession, cest un holocauste de louanges que je viens vous offrir. Car on appelle holocauste ce sacrifice où tout est consumé; puisque olon, en grec, se traduit en latin par totum, tout entier. Or, vois comment il offre un holocauste spirituel celui qui dit : « Seigneur, je vous confesserai de tout mon coeur». Oui, que la flamme de votre amour embrase entièrement mon coeur; que rien de ce qui est à moi ne mappartienne plus, ni ne me fasse replier sur moi-même ; que tous mes désirs soient pour vous, toute mon ardeur pour vous, tout mon amour pour vous, que je sois embrasé de vous-même. « Seigneur, je vous confesserai de tout mon coeur, parce que vous avez entendu les paroles de ma bouche ». De quelle bouche, sinon de la bouche de mon coeur? Nos coeurs aussi ont une voix que Dieu entend, bien quelle narrive pas à loreille de lhomme. Ils criaient sans doute, les accusateurs de Suzanne, mais ils ne levaient pas les yeux au ciel : tandis que Suzanne silencieuse criait de tout son coeur. De là vient quelle mérita dêtre exaucée, eux dêtre châtiés 2. Nous avons donc une bouche intérieure; cest là que nous prions, et de là encore que nous prions. Et si nous avons préparé à Dieu un logis, une demeure, cest là que nous lui parlons, là
1. Matth. XI, 23. 2. Dan. XIII, 34.
que nous sommes exaucés : car il nest pas éloigné de chacun de nous: « cest en lui que nous avons la vie, le mouvement et lêtre 1 ». Il ny a que le péché qui nous éloigne de Dieu. Renverse la muraille du péché qui sélève entre toi et Dieu, et tu seras avec celui que tu implores. « Vous avez entendu les paroles de ma bouche», dit le Prophète, «et je vous confesserai ». 3. « Je vous chanterai des hymnes en présence des anges ». Ce nest point en présence des hommes, cest en présence des anges que je vous chanterai des hymnes. Mon psaltérion, cest ma joie. La joie qui me vient des choses dici-bas est avec les hommes, celle qui me vient des choses den-haut est avec les anges. Car limpie ne connaît point la joie du juste. «Il ny a point, en effet, de joie pour limpie, a dit le Seigneur 2 ». Limpie trouve sa joie dans la taverne, le martyr dans sa chaîne. Quelle nétait pas la joie de cette Crispine dont nous célébrons aujourdhui la fête ? Sa joie était dêtre livrée aux persécuteurs, dêtre traînée devant les tribunaux, dêtre enfermée dans les cachots, dêtre exposée avec ses chaînes, dêtre élevée sur le chevalet, dêtre écoutée, dêtre condamnée: tout cela lui donnait de la joie, et quand ces misérables croyaient à sa misère, elle était dans la joie aux yeux des anges. 4. « Je vous adorerai dans votre saint temple 3 ». Quel est ce saint temple ? Celui où nous devons habiter, où flous devons adorer. Car nous courons pour adorer Dieu. Notre coeur gonflé veut enfanter, et cherche où il pourra le faire. Or, quel est ce lieu où il faut adorer Dieu? Quel est ce monde? Quel est cet édifice ? Quel est son trône dans le ciel, au milieu des étoiles? Nous le cherchons dans les saintes Ecritures et nous le trouvons dans la Sagesse: « Pour moi», dit-elle, « jétais avec lui, et chaque jour je faisais ses délices ». Puis elle chante les oeuvres de Dieu et nous indique son trône. Quel est-il? « Quand Dieu », dit-elle, « affermissait les nuées en haut, quand il établissait son trône au-dessus des vents 4 ». Mais son trône est aussi son temple. Où donc irons-nous? Est-ce pardessus les vents quil nous faudra ladorer? Sil faut ladorer par-dessus les vents, les oiseaux lemportent sur nous. Mais si nous
1. Act. XVII, 27, 28. 2. Isa. XLVIII, 22 ; LVII, 21. 3. Ps. CXXXVII, 2. 4. Prov. VIII, 27-30.
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appelons âmes les mêmes vents, cest-à-dire, si les vents sont une figure symbolique des âmes, selon cette expression dun autre psaume : « Il a volé sur les ailes des vents 1 »cest-à-dire sur les vertus des âmes, ce qui fait quun souffle de Dieu prend le nom de vent ou dâme ; non point quil nous faille entendre par là ce vent qui pousse notre corps et qui est sensible, mais quelque chose dinvisible qui échappe à la perspicacité de nos yeux, à la sensibilité de nos oreilles, au discernement de lodorat, à la perception du goût, au toucher des mains : mais une certaine vie, qui nous anime et que lon appelle âme; si, dis-je, nous entendons ainsi les vents, il nest pas nécessaire de chercher des ailes visibles, pour voler avec les oiseaux et adorer Dieu dans son temple; mais nous trouverons que Dieu est assis au-dessus de nous-mêmes, si nous voulons lui être fidèles. Voyez si tel nest point le sens de ces paroles de lApôtre : « Le temple de Dieu est saint et vous êtes ce temple 2 ». Il est certain néanmoins, il est évitent que Dieu habite dans les anges. Donc lorsque dans la joie qui nous vient des biens spirituels, et non des biens terrestres, nous chantons des hymnes à Dieu en présence des anges, cette congrégation des anges devient le temple de Dieu, et nous adorons le Seigneur dans son temple. Quant à lEglise de Dieu, elle est sur la terre et dans le ciel ; lEglise de la terre se compose de tous les fidèles, lEglise du ciel de tous les anges. Mais le Seigneur des anges est descendu vers lEglise dici-bas, et ses anges le servaient, lui qui était venu pour nous servir 3. «Car», nous dit-il, «ce nest point pour être servi, mais pour servir, que je suis venu 4 ». Que nous a-t-il servi, sinon ce qui fait aujourdhui notre nourriture et notre breuvage? Si donc le Maître des anges a bien voulu nous servir, ne désespérons pas dêtre un jour les égaux des anges. Celui qui est plus grand que les anges sest donc abaissé jusquà lhomme, le Créateur des anges sest revêtu de lhomme, le Maître des anges est mort pour lhomme. « Je vous adorerai dans votre saint temple » : cest-à-dire, dans ce temple qui nest pas fait de la main des hommes 5, mais que vous avez fait. 5. « Je confesserai votre nom dans votre
1. Ps. XVII, 11. 2. I Cor. III, 17. 3. Matth. IV, 11. 4. Id. XX, 28. 5. Act. XVII, 24.
miséricorde et votre vérité ». Tels sont les deux attributs que nous voulons chanter, comme il est dit dans un autre psaume « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité 1 ». Tels sont, ô mon Dieu, les deux attributs que nous confessons. Votre miséricorde et votre vérité ; cest par la miséricorde que vous jetez sur le pécheur un regard favorable, et par la vérité que vous tenez à vos promesses. « Je vous confesserai dans votre miséricorde et dans votre vérité ». Et cest là ce que je veux vous rendre selon les forces que je tiens de vous, en exerçant la miséricorde et la vérité ; la miséricorde par laumône, la vérité dans mes jugements. Cest en cela que Dieu nous aide, en cela que nous méritons Dieu ; et dès lors, toutes les voies du Seigneur sont la miséricorde et la vérité ; il ne vient à nous par aucune autre voie, et nous navons aucune autre voie pour aller à lui. 6. « Car vous avez glorifié par-dessus tout votre saint nom ». Que signifie cette louange, mes frères? Dieu glorifia son saint nom sur Abraham : « Car Abraham crut en Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice 2». Les autres nations sacrifiaient aux idoles, et servaient les démons. DAbraham naquit Isaac, et Dieu fut glorifié en cette maison vint ensuite Jacob, et Dieu fut encore glorifié, et il nous dit : « Je suis le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob 3 ». De là naquirent les douze patriarches et le peuple dIsraël que Dieu délivra de lEgypte, le conduisant à travers la mer Rouge, lexerçant dans le désert, létablissant dans la terre promise après en avoir chassé les nations. Le nom du Seigneur fut donc glorifié en Israël. Cest de ce peuple encore que sortit la Vierge Marie; de là le Christ notre Seigneur, qui est mort pour nos péchés, qui est ressuscité pour notre justification 4, remplissant les fidèles du Saint-Esprit, et les envoyant prêcher à tous les peuples : « Faites pénitence, car le royaume des u cieux approche 5 ». Cest ainsi que Dieu glorifie son nom sur toutes choses. 7. « Au jour où je vous invoquerai, hâtez-vous de mexaucer 6 ». Pourquoi « hâtez-vous?» Cest que vous-même lavez dit: « Tu parleras encore, quand je dirai : Me voici 7 ».
1. Ps. XXIV, 10. 2. Gen. XV, 6; Rom. IV, 3. 3. Exod. III, 6. 4. Rom. IV, 25. 5. Matth. III, 2. 6. Ps. CXXXVII, 3. 7. Isa. LVIII, 9.
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Pourquoi « hâtez-vous?» Parce que je ne demande plus une félicité terrestre; mais le nouveau Testament mapprend à former de saints désirs. Je ne demande ni la terre, ni une fécondité charnelle, ni la santé passagère, ni lhumiliation de mes ennemis, ni les richesses, ni les honneurs; je ne veux rien de cela : « hâtez-vous donc de me secourir. » Donnez-moi ce que je demande, puisque vous mavez appris ce que je dois demander. Disons au Prophète : Est-ce là ce que vous demandez? Ecoutons à notre tour, quil dise de quoi son coeur est gros, et voyons ce quil demande apprenons de lui à demander, pour mériter de recevoir. Tu es venu à léglise aujourdhui faire je ne sais quelle demande ; de bonne foi, ques-tu venu demander? Tu avais dans le coeur je ne sais quel désir: puisse-t-il être innocent, bien que charnel ! Mais arrière ce qui est injuste, arrière ce qui est charnel! Apprends ce quil faut demander, ce que tu célèbres aujourdhui. Tu célèbres la mémoire dune sainte et bienheureuse femme, et tu aspires peut-être à une félicité terrestre. Embrasée du désir de la sainteté, elle renonça au bonheur quelle avait ici-bas: elle abandonna ses enfants qui pleuraient leur mère et laccusaient de cruauté, parce que, dans son impatience de recevoir la couronne céleste, elle sétait dépouillée en quelque sorte de toute pitié humaine. Or, ne savait-elle point ce quelle désirait, ce quelle foulait aux pieds? Loin de là, elle savait chanter devant les anges de Dieu, aspirer à leur société, à leur amitié chaste et pure, où elle ne connaîtrait plus la mort, mais le juge qui ne saurait être surpris par aucun mensonge. Une telle vie est-elle donc dénuée de tout bien? Au contraire, cest là quest le seul bien, le bien qui nest mélangé daucun mal, dont on jouit en toute sécurité, avec une entière avidité, sans que nul nous dise: Modérez-vous. Ici-bas il est fâcheux, il est même très-dangereux de nous réjouir de nos biens terrestres, de peur que cette complaisance ne devienne de lattachement, que cette joie immodérée ne soit notre perte. Pourquoi, en effet, Dieu prend-il soin de mêler aux joies de cette vie quelques tribulations, sinon afin que ces tribulations et ces amertumes nous apprennent à naspirer quaux délices éternelles ? 8. Voyons donc ce que demande le Prophète, ce qui lui fait dire avec raison : « Hâtez-vous de mexaucer ». Que demandez-vous, ô Prophète, pour que Dieu vous exauce promptement ? « Vous me multiplierez ». Cette multiplication peut sentendre en bien des sens. Il y a multiplication dans la génération terrestre, selon cette première bénédiction donnée à notre nature, et que nous avons entendue : « Croissez et multipliez, emplissez la terre, et soumettez-la 1». Est-ce bien cette multiplication que voulait David quand il disait: «Hâtez-vous de mexaucer? » Il est vrai que cette multiplication a son avantage, et ne vient que de la bénédiction du Seigneur. Que dirai-je des autres sens de multiplier ? Chez lun, cest lor qui se multiplie; chez lautre, cest largent; ici cest le bétail, et là cest la famille; celui-ci voit ses terres se multiplier, celui-là tous ces biens à la fois. Il est plusieurs manières de se multiplier sur la terre; la plus heureuse est de voir ses enfants se multiplier : et toutefois, pour lhomme avare, cette fécondité même devient incommode; il redoute la pauvreté pour ceux qui naissent en grand nombre. Cette sollicitude en a poussé beaucoup à limpiété: oubliant quils étaient pères, ils se sont dépouillés de tout sentiment dhumanité, jusquà exposer leurs enfants, et en faire des étrangers; une mère rejette son fils que recueille celle qui nest pas mère, lune affectant le mépris, lautre lamour; lune vainement mère selon la chair, lautre plus véritablement mère par la charité. Si donc il y a tant de multiplications, tant de manières de multiplier, quelle est cette multiplication qui fait dire au Prophète : « Hâtez-vous de mexaucer ? Vous « me multiplierez » ,dit-il. Nous sommes impatients de savoir en quoi. Ecoutons alors: « Dans mon âme », dit-il. Non pas dans ma chair, mais dans mon âme: « cest dans lâme que je serai multiplié ». Peut-on rien ajouter, et la multiplication à légard de lâme serait-elle bien un bonheur sans retard? Cest dans lâme, en effet, que les soins se multiplient pour lhomme, et lon pourrait le croire encore multiplié dans son âme quand les vices y sont nombreux, Celui-ci nest quavare, celui-là quorgueilleux, cet autre que libertin ; mais tel autre est tout à la fois avare, et orgueilleux, et libertin; il y a donc multiplication dans son âme, et pour son malheur. Cette multiplication est plutôt la
1. Gen. I, 28
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pauvreté que labondance. Vous donc, ô saint Prophète, qui avez dit : « Hâtez-vous de me secourir », qui éloignez de vous tout ce qui est charnel, tout ce qui est terrestre, tout désir mondain, que voulez-vous dire à Dieu «Vous me multiplierez dans mon âme ? » Expliquez-nous votre désir. « Vous me multiplierez dans mon âme », dit-il, « par la vertu». Voilà clairement ce quil souhaite, voilà son désir sans aucune confusion. Sil disait simplement: « Vous me multiplierez », on pourrait sarrêter à quelque chose de terrestre; il ajoute « dans mon âme » ; et, pour éloigner toute pensée du vice dans lâme, il ajoute encore, « par la vertu ». Vous navez plus rien à désirer, si vous voulez dire à Dieu avec une sainte franchise : « Hâtez-vous de me secourir ». 9. « Que tous les rois de la terre vous confessent, ô mon Dieu ». Ainsi en sera-t-il, mes frères, ainsi en est-il, et en est-il tous les jours; cest ce qui nous montre que cette parole nest pas vaine, et que le Prophète lisait dans lavenir. « Que tous les rois de la terre vous confessent, ô mon Dieu 1 ». Mais que ces rois eux-mêmes, quand ils vous confessent, quand ils vous louent, ne vous demandent rien de terrestre. Que peuvent, en effet, désirer les rois de la terre ? Nont-ils pas le souverain pouvoir? Quelle que soit lambition dun homme sur la terre, elle ne dépasse point le pouvoir suprême. Coin ment sélever plus haut? Il faut sans doute un pouvoir suprême, et néanmoins plus elle est élevée, plus elle est dangereuse. Et dès lors, plus les rois sont élevés en dignité sur la terre, plus ils doivent shumilier devant Dieu. Pourquoi en agissent-ils de la sorte? « Parce quils ont entendu toutes les paroles de votre bouche». O mon Dieu, « toutes les paroles de votre bouche ! » La loi et les Prophètes étaient ensevelis chez je ne sais quelle nation, cétaient là «toutes les paroles de votre bouche»; mais on ne trouvait que chez le peuple juif «toutes ces paroles de votre bouche ». Cest en lhonneur de cette nation que lApôtre a dit: «Quel est donc lavantage des Juifs? ou de quoi sert la circoncision? Lavantage des Juifs est grand de toute manière, dabord parce que cest à eux que les oracles de Dieu ont été confiés 2 ». Cest là quétaient les paroles de Dieu. Mais voici Gédéon, saint
1. Ps. CXXXVII, 4. 2. Rom. III, 1, 2.
personnage, au temps des Juges : voyez quel signe il demande au Seigneur : « Je mettrai une toison dans laire», dit-il : « que la toison soit baignée, et que laire demeure sèche 1». Ce qui fut accompli : laire demeura sèche, et la toison fut baignée. Puis il demanda un second signe, « que laire soit baignée complètement, et que la toison demeure sèche ». Ce qui fut accompli, laire fut trempée et la toison demeura sèche. Dabord la toison fut baignée, tandis que laire demeurait sèche, puis la toison demeura sèche, tandis que laire était baignée. Mais celte aire, que figurait-elle selon vous ? Nest-ce pas lunivers entier? Que signifie la toison ? La nation juive au milieu de lunivers; elle ales sources de la grâce, non point en évidence, mais sous le voile du mystère, la tenant cachée sous les symboles, comme la pluie dans la toison. Mais le temps vint où la pluie devait être visible dans laire ; elle y est manifestée sans aucun voile. Ainsi donc sest accomplie cette parole: « Seigneur, que tous les rois de la terre vous confessent ». Pourquoi, Israël, cacher cette précieuse rosée ? combien de temps la voulais-tu cacher? La toison est enfin pressée, et de toi est sortie la pluie. Il ny a que le Christ pour donner à la pluie sa douceur, et il ny a que le Christ que tu ne voies pas dans les Ecritures, quand les Ecritures sont faites pour lui seul. Mais, « que tous les rois de la terre vous confessent, ô mon Dieu, puisquils ont entendu toutes les paroles de votre bouche ». 10. « Quils chantent dans les voies du Seigneur, parce que la gloire du Seigneur est grande 2 ». Que les rois de la terre chantent dans les voies du Seigneur. Dans quelles voies ? Dans celles dont il est dit plus haut: « Dans votre miséricorde et dans votre vérité parce que toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité 3 ». Que les rois ne soient donc point orgueilleux, mais humbles ; quils chantent dans les voies du Seigneur, sils ont lhumilité ; quils aiment et ils chanteront. Nous voyons des voyageurs chanter; ils chantent et se hâtent darriver. Il est des chants criminels, cornue les chants du vieil homme; mais à lhomme nouveau appartient le chant nouveau. Que les rois de la terre marchent donc aussi dans vos voies, oui, dans vos voies, quils marchent
1. Juges, VI, 36-40. 2. Ps CXXXVII, 5. 3. Id. XXIV, 10.
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et quils chantent. Que doivent-ils chanter? Que cest la gloire du Seigneur qui est grande, et non celle des rois. 11. Considère de quelle manière le Prophète veut que tous les rois chantent dans les voies du Seigneur, en portant le Seigneur avec humilité, et sans sélever contre lui. Quarriverait-il, en effet, sils sélevaient ? « Car le Seigneur est le Très-Haut, et regarde les humbles 1 ». Les rois veulent-ils que Dieu les regarde ? Quils soient humbles. Mais en sélevant dans leur orgueil pourraient-ils échapper à ses regards? Bien que le Prophète ait dit que Dieu regarde les humbles, garde-toi de lorgueil, et ne dis point dans ton âme: Si Dieu regarde les humbles, voilà quil ne me verra point, et je ferai ce qui me plaira. Qui pourrait me voir? Ce ne sont point les hommes, et Dieu ne veut point me voir parce que je ne suis pas humble, et quil na des regards que pour lhumilité; je puis agir à mon gré. O insensé, tiendrais-tu ce langage si tu savais ce quil test bon daimer? Si Dieu ne veut point te voir, ny a-t-il pas de quoi trembler dans le dédain quil a pour toi? Si cet homme haut placé, ce grand du monde ne prend pas garde à ton salut, dans son attention pour un autre, quelle peine dans ton âme ! Et quand le Seigneur te dédaigne, tu te crois en sûreté? Si le Sauveur ne te voit point, le voleur tobserve. Et néanmoins le Seigneur te voit aussi. Ne timagine pas quil ne te voit point, prie, au contraire, afin de mériter dêtre vu par celui qui te voit. Car il est dit que « les yeux du Seigneur sont sur les justes». Mais écoutons encore : « Et ses oreilles attentives à leurs prières 2 ». Or, les hommes diniquité qui se croient en sûreté, parce que les yeux du Seigneur ne sont point sur eux, ne doivent-ils pas trembler quand le Seigneur na point doreilles pour leurs prières? Nest-il pas plus avantageux que ses yeux soient sur nous et ses oreilles attentives à nos prières? Mais dès lors que tu fais ce que tu ne voudrais pas que Dieu embrassât de ses regards, tu ne mérites pas quil prête loreille à tes prières et toutefois, en commettant le mal, tu ne détournes pas de toiles regards du Seigneur, Voyons en effet la suite du psaume: « Les yeux du Seigneur, sont sur ceux qui font le mal ». Pourquoi? « Afin deffacer de la terre jusquà leur mémoire ». Tu vois bien que
1. Ps. CXXXVII, 5. 2. Id. XXXIII, 16.
Dieu te voit, et tu ne saurais lui échapper. Si donc le Seigneur voit tes actions, pourquoi ne pas faire ce qui mériterait ses faveurs? Mais que dit encore le Prophète? « Parce que la gloire du Seigneur est grande, parce que le Seigneur est le Très-Haut, et quil regarde les humbles ». Il semble ne pas regarder ce qui est élevé. « Il regarde ce qui est en bas», dit le Prophète. Et « ce qui est élevé? Il le regarde de loin ». Que nous reviendra-t-il dès lors de notre orgueil? Dêtre vus de loin, mais non de nêtre point vus. Or, ne te rassure point, en pensant que le regard de Dieu est moins perçant, parce quil te voit de loin. Pour toi, sans doute, loeil est moins perspicace, quand tu vois de loin: mais Dieu te voit parfaitement, quoique de loin, et sans être avec toi, Tout se résume donc, non pas à être vu moins parfaitement, mais à nêtre point avec celui qui te voit, Que nous rapportera lhumilité, au contraire? « Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur contrit 1». Que lorgueilleux sélève tant quil voudra: Dieu habite les hauteurs, Dieu habite les cieux. Veux-tu quil sapproche de toi? Abaisse-toi. Car plus tu télèveras, plus il sera au-dessus de toi. « Il regarde de loin ce qui est élevé ». 12. « Si je marche au milieu de la tribulation, vous me donnerez la vie ». Cela est vrai, mes frères: quelles que soient vos tribulations, confessez le Seigneur, invoquez sa bonté, et il vous délivrera et vous donnera la vie. Toutefois il nous faut entendre ici quelque chose de plus intime qui nous rattache à Dieu et nous fasse dire : « Hâtez-vous de me secourir ». Le Prophète avait dit : « Il voit de loin ce qui est élevé » : or, ces hauteurs orgueilleuses ne connaissent point la tribulation. Non, dis-je, elles ne connaissent point cette affliction dont il est dit ailleurs : «Jai rencontré la tribulation et la douleur, et jai invoqué le nom du Seigneur 2 ». Est-il extraordinaire que la tribulation te vienne heurter? Si tu as quelque pouvoir, trouve toi-même la tribulation. Mais, diras-tu, où est lhomme qui trouve la tribulation? Où est même celui qui la cherche? Tu es au milieu de la tribulation, et tu ne le sais pas ? Cette vie est-elle donc une légère affliction? Si ce nest pas une tribulation, ce nest pas un exil; mais si cest un exil, ou tu naimes point la
1. Ps. XXXIII, 15 -18. 2. Id. CXIV, 3.
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patrie, ou tu es dans laffliction. Où est lhomme sans affliction, et qui ne désire être avec ce quil aime? Mais doù vient que tu ne trouves point là une affliction? Cest que tu es sans amour. Aime lautre vie, et tu verras que celle-ci nest que tribulation : quel quen soit léclat, de quelques délices quelle nous rassasie et nous fasse regorger; tant que nous ne goûterons pas cette joie qui nest mêlée daucune tentation et que Dieu nous réserve pour la fin, nous sommes dans la tribulation. Comprenons donc, mes frères, la douleur qui fait dire: e Si je marche au milieu de la tribulation, vous me donnerez la vie. Son langage ne signifie point r Sil marrivait quelque tribulation, vous men délivreriez. Que veut-il dire alors? « Si je marche au milieu de la tribulation, vous me donnerez la vie » : cest-à-dire, vous ne me donnerez la vie quà la condition que je marcherai au milieu de la tribulation. « Si je marche au milieu de la tribulation, vous me donnerez la vie. Malheur à celui qui rit, bienheureux ceux qui pleurent 1. Si je marche au milieu de la tribulation, vous me donnerez la vie ». 13. « Vous avez étendu votre main plus que mes ennemis furieux, et votre droite ma sauvé ». Que ces ennemis frémissent de rage, que peuvent-ils contre moi? Me voler, me dépouiller, me proscrire, menvoyer en exil, me faire passer par les tourments et par la douleur; et enfin, sil leur est permis, me donner la mort. Peuvent-ils aller plus loin ? Mais vous, Seigneur, « vous avez étendu votre main contre ces ennemis furieux » : cette main, vous lavez étendue au-delà de tout ce quils peuvent me faire. Ils ne peuvent en effet me séparer de vous; mais votre vengeance va plus loin, puisque vous me tenez encore éloigné: « Vous avez étendu votre main contre mes ennemis furieux». Que mon ennemi sarme de fureur, il ne me sépare point de mon Dieu. Mais vous, Seigneur,vous tardez encore de munir à vous; dans lexil, vous me châtiez encore, vous me sevrez encore de vos joies et de vos douceurs; vous ne menivrez pas encore de labondance de votre maison, et ne mabreuvez pas au torrent de vos délices. « Cest en vous quest la source de la vie, et cest à votre lumière que nous verrons la lumière 1». Mais voici que je vous ai consacré les prémices de mon esprit,
1. Luc, VI, 21, 21. 2. Ps. XXXV, 9, 10.
je crois en vous, et suis soumis par lesprit à la loi de Dieu 1 : cependant nous gémissons encore intérieurement, dans lattente de ladoption qui sera la délivrance de notre corps 2. A nous pécheurs, Dieu a donné cette vie dans laquelle Adam doit être accablé, travailler à la sueur de son front, tandis que la terre ne produit que des chardons et des épines 3. Quel ennemi eût pu nous accabler davantage? « Votre main, ô mon Dieu, sest donc étendue sur moi, plus encore que la colère de mes ennemis », non toutefois jusquà me pousser au désespoir, car nous lisons ensuite : « Et votre droite ma sauvé ». 14. On pourrait comprendre toutefois: « Vous avez étendu votre main sur la colère de mes ennemis », en ce sens que mes ennemis sirritaient, et que votre main ma vengé de leur colère. « Le pécheur verra et frémira, il grincera des dents et sèchera de dépit 4». Où sont-ils ceux qui criaient: Plus de chrétiens sur la terre, périsse leur nom ! Ils sont morts ou convertis. Donc, « vous avez u étendu votre main contre la colère de mes ennemis», pendant que, selon la parole du Psalmiste, « ces ennemis maccablaient doutrages. Quand mourra-t-il? Quand périra « son nom 5 ? » Quand le nom chrétien disparaîtra-t-il de la terre? Ainsi disaient-ils, et déjà une partie a embrassé la foi, une partie a disparu; le peu qui reste est dans la crainte. Quelle nétait point la colère de nos ennemis quand le sang des martyrs coulait de toutes parts? Comme ils se promettaient alors dexterminer de la terre jusquau nom des chrétiens ! « Vous avez étendu votre main contre la colère de mes ennemis, et votre droite ma sauvé ». Voilà que les persécuteurs des martyrs senquièrent aujourdhui des fêtes des martyrs, ou pour y adorer Dieu, ou pour sy enivrer; mais ils les recherchent. « Vous avez étendu la main contre la colère de mes ennemis, et votre droite ma sauvé». Elle ma procuré le salut que je désirais. Il y a un salut qui appartient à la droite du Seigneur, comme il y a un salut qui appartient à la gauche. Cest dans la gauche quest le salut temporel et charnel, et dans la droite le salut éternel avec les anges: aussi est-il dit que le Christ est assis à la droite de Dieu 6, maintenant quil est immortel. Sans doute il
1. Rom. VII, 25. 2. Id. VIII, 23. 3. Gen. III, 18, 19. 4. Ps. CXI, 10. 5. Id. XL, 6. 6. Marc, XVI, 19.
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ny a en Dieu ni droite ni gauche ; mais la droite de Dieu sentend de ce bonheur suprême, ainsi nommé parce quon ne saurait le montrer aux yeux. Telle est la droite qui ma donné le salut, mais non un salut temporel. Crispine fut mise à mort, mais Dieu lavait-il donc abandonnée? Il ne la sauva point de sa gauche, ruais il la sauva de sa droite. Quels ne furent point les tourments des Machabées 1 ! Les trois enfants au contraire bénissaient Dieu en marchant au milieu des flammes 2. Aux uns le salut vint de la droite de Dieu, aux autres de la gauche. Quelquefois donc il naccorde pas à ses saints le salut de la gauche, mais toujours celui de la droite; quant aux impies, il leur accorde parfois le salut de la gauche, mais non celui de la droite. Les bourreaux de Crispine avaient la santé du corps ; elle mourut et ils vivent. A eux le salut de la gauche, à Crispine le salut de la droite. « Et votre droite ma sauvé». 15. « Seigneur, vous rendrez, et non moi 3 ». Ce nest point moi qui rendrai, mais vous. Que mes ennemis se livrent à leur fureur, vous leur rendrez ce que je ne puis leur rendre. « Cest vous, Seigneur, qui rendrez pour moi ». Jetez les yeux sur notre chef, qui nous a donné lexemple afin que nous suivions ses traces. « Lui qui na point commis le péché, et dans la bouche de qui ne sest point trouvé le mensonge : quand on le maudissait, il ne répondait point par la malédiction, il disait : Seigneur, vous leur rendrez pour moi ; quand on le jugeait, il ne menaçait point, mais il sabandonnait à celui qui le jugeait avec injustice 4». Que signifie: « Seigneur, vous leur rendrez pour moi? Pour moi », répond-il, « je ne cherche point ma gloire, il est quelquun qui la cherche et qui juge 5. Mes bien-aimés», dit lApôtre, « ne cherchez point à vous venger, mais laissez passer la colère ; car il est écrit : La vengeance est à moi, cest moi qui la ferai, dit le Seigneur 6.Seigneur, vous me vengerez, et non pas moi ». 16. Il est un autre sens quil ne faut pas négliger, qui est peut-être même préférable: « Seigneur Jésus-Christ, vous rendrez, et non pas moi ». Car si je rends, jai pris; mais vous, Seigneur, vous avez payé sans avoir pris. « Seigneur, vous rendrez à ma place ».
1. II Macch. VII, 3 et seq. 2. Dan. III, 24. 3. Ps. CXXXVII, 8. 4. I Pierre, II, 21-23. 5. Jean, VIII, 50. 6. Rom. XII, 19.
Voyez comme il rend pour nous; on vient réclamer le tribut, et on exigeait le didrachme, ou deux drachmes pour tout homme ; on vient donc réclamer le tribut au Sauveur, ou plutôt, non point à lui, mais à ses disciples, et on leur dit: « Votre maître ne paye-t-il point le tribut? » Ils lallèrent dire au Sauveur; et celui-ci : « De qui les rois de la terre exigent-ils le tribut? de leurs enfants ou des étrangers? Des étrangers », répondirent-ils. « Donc les enfants sont libres » , dit le Sauveur. « Toutefois, afin de ne point les scandaliser, allez », dit-il à Pierre, « et jetez votre hameçon à la mer, et au premier poisson qui sortira de leau ouvrez la bouche , vous y trouverez un statère » cest-à-dire deux didrachmes ; car le statère est une pièce de monnaie qui vaut quatre drachmes. « Vous le trouverez là et vous le donnerez pour moi et pour vous 1. Seigneur vous rendrez à ma place ». Il est donc heureux pour nous davoir le premier poisson pris à lhameçon, saisi à lhameçon, le premier sorti de la mer, le premier-né dentre les morts. Cest dans sa bouche que nous trouvons deux didrachmes, ou quatre drachmes, cest-à-dire que dans sa bouche nous trouvons les quatre Evangiles. Or, ces quatre drachmes nous délivrent de toute exaction de la part du monde : car au moyen des quatre Evangiles nous ne sommes plus en dette, puisque tous nos péchés nous sont remis. Le Christ a donc payé pour nous; rendons grâces à sa miséricorde. Il ne devait rien, et dès lors il na point payé pour lui, mais pour nous. « Voilà», dit-il, « que vient le prince du monde, et il ne trouvera rien en moi ».Quest-ce à dire, « il ne trouvera rien en moi?»Il ne trouvera en moi aucun péché, il na aucun motif de menvoyer à la mort. Mais afin », dit-il, « que tous comprennent que je fais la volonté de mon Père, levez-vous, sortons dici 2». En quel sens, « levez-vous, sortons dici ?» cest-à-dire, ce nest point par nécessité, mais volontairement que je souffre, rendant ce que je ne dois point. « Seigneur, vous rendrez pour moi ». 17. « Seigneur, votre miséricorde est pour léternité ». Que désirer? Non pas le jour de lhomme. « Je nai éprouvé aucune peine à vous suivre, Seigneur, et je nai point désiré le jour de lhomme, vous le savez 3». Si la bienheureuse Crispine, votre témoin,
1. Matth. XVII, 23-26. 2. Jean, XIV, 30, 31. 3. Jérém. XVII, 16.
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avait désiré le jour de lhomme, elle eût renié le Christ; elle eût vécu plus longtemps ici-bas, mais elle ne vivrait point éternellement. Elle a préféré la vie éternelle à une vie quelque peu prolongée sur la terre. Enfin « votre miséricorde, Seigneur, est pour léternité », et je rie veux pas être délivrée pour un temps. « Elle est éternelle, cette miséricorde qui vous a fait délivrer les martyrs, en les retirant promptement de cette vie. « Seigneur, votre miséricorde est éternelle». 18. « Ne méprisez pas les oeuvres de vos mains ». Je ne vous demande point, Seigneur, de ne pas mépriser loeuvre de mes mains ; ces oeuvres ne me donnent point dorgueil. « Sans doute mes mains ont cherché le Seigneur pendant la nuit et je nai pas été trompé 1 » ; et toutefois, je ne vante pas loeuvre de mes mains; je crains quen
1. Ps. LXXVI, 3.
les examinant, vous ny trouviez plus de fautes que doeuvres méritoires. « Ne méprisez donc pas loeuvre de vos mains », voyez en moi votre ouvrage et non le mien; voir le mien, cest le condamner, le vôtre, cest le couronner. Tout ce quil y a de bien en moi me vient de vous, et dès lors vous appartient plus quà moi. Jentends en effet lApôtre : « Cest par la grâce que vous êtes sauvés au moyen de la foi ; et cela ne vient pas de vous, cest un don de Dieu : cela ne vient point de vos oeuvres, afin que nul ne se glorifie. Car nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christ, dans les bonnes uvres 1 ». Soit donc, ô mon Dieu, que vous nous regardiez comme des hommes, soit que vous nous considériez comme sortis de limpiété pour devenir des justes, « ne méprisez pas, ô mon Dieu, louvrage de vos mains ».
1. Ephés. II, 8 -10.
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