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REMARQUES HISTORIQUES.

 

Nous avons parlé, dans le précédent volume, du Sixième et dernier avertissement aux protestants : il nous reste à parler ici des deux ouvrages qui ont pour sujet la communion.

 

I.

 

La communion sous une ou sous deux espèces ne présente aucune difficulté. Saint Paul dit : « Jésus-Christ ressuscité des morts ne meurt plus (1) : » donc le sang de Jésus-Christ ne peut plus être séparé de son corps : donc en recevant son divin corps, on reçoit a la fois son sang adorable. Le même Apôtre suppose manifestement cette doctrine, lorsqu'il dit encore : « Celui qui mange ce pain ou boit le calice du Seigneur indignement, est coupable du corps et du sang du Seigneur (2). » Dans les premiers siècles du christianisme, l'Eglise donnait souvent aux fidèles la communion sous une seule espèce; et plus tard, dans la crainte de l'effusion, elle refusa formellement aux laïques l'usage du vin consacré.

En attaquant l'Eglise Luther n'attaqua pas sa discipline dans l'administration de la sainte Cène; la communion sous une ou sous deux espèces lui paraissait de peu d'importance; il reléguait cette controverse parmi les choses de néant, et chargeait d'invectives Carlostadt qui mettait la réformation dans ces bagatelles. Son indifférence sur ce point,

 

1 Rom., VI, 9 — 2 I Cor., XI, 37.

 

II

 

tout ensemble et son entêtement contre l'Eglise, se révèle dans la singulière déclaration que voici : « Si un concile par hasard ordonnait ou permettait de sa propre autorité les deux espèces, nous ne voudrions pas les prendre; mais, en dépit du concile et de son ordonnance, nous n'en prendrions qu'une, ou nous ne prendrions ni l'une ni l'autre, et nous maudirions ceux qui prendraient les deux par l'autorité d'un tel

concile et d'un tel décret. »

Autre réformateur, autre inspiration du Saint-Esprit. On avait vu la controverse sur la communion agiter violemment, à la voix de Jean Huss, toute la Bohème ; Calvin, aussi rusé que peu délicat dans le choix des moyens, s'empara de cette misérable chicane comme d'un levier puissant pour soulever les masses; il réclama l'usage de la coupe pour les laïques ; il dit aux défenseurs de la foi de ses pères : En refusant aux fidèles une espèce eucharistique, vous leur refusez une partie essentielle du sacrement ; en séparant le pain et le vin dans la communion, vous séparez de nouveau le corps et le sang de Jésus-Christ; vous commettez un attentat sacrilège.

Dans le dix-septième siècle, la controverse religieuse porta la lumière sur une foule de questions; les explications des théologiens, les instructions des évêques , surtout les écrits de Bossuet éclairèrent les peuples séduits par des imputations calomnieuses ; les prédicats les plus emportés, craignant la censure de la conscience publique, retranchaient souvent de leur évangile les mots de superstition catholique, d'idolâtrie romaine, de Pape antéchrist. Vaincus sur ce terrain, en rendant les armes d'une main, les ministres saisirent de l'autre la machine du réformateur de Genève; ils remirent en avant la communion sous une seule espèce, criant plus haut que jamais à la mutilation du plus saint des divins mystères. Ces déclamations, qui montraient pour ainsi dire un objet sensible aux yeux de la multitude , frappèrent vivement les esprits grossiers dans la Réforme ; les simples protestants reprochaient aux défenseurs de l'Eglise, dans les discussions religieuses, le retranchement de la coupe (1), et ceux-là mêmes qui reconnaissaient la vérité catholique ne s'y soumettaient pas sans répugnance. Au milieu de ces plaintes et de ces clameurs, Jurieu renouvela dans un écrit sur l'Eucharistie, toutes les attaques de ses devanciers contre la communion sous une espèce. Alors Bossuet voulut arracher à la Réforme son arme la plus dangereuse; il publia le Traité de la Communion sous les deux espèces. C'est ici le commencement de ce long combat qui mit si souvent aux prises le plus zélé des évêques et l'hérétique le plus fougueux, la raison éclairée par la vérité divine et la passion surexcitée par l'erreur religieuse, le génie catholique et le fanatisme protestant.

 

1 Mémoire de l'abbé Ledieu, 1682.

 

III

 

Dans son traité sur la communion, Bossuet parle du fait constant et de ses causes certaines, de la pratique de l'Eglise et des principes qui lui servent de fondement : d'où deux parties. Dans la première, il prouve que l'Eglise donnait, dès les premiers siècles, l'Eucharistie sous une ou sous deux espèces, sans qu'on ait jamais songé que la soustraction de l'une ou de l'autre nuisit à l'intégrité du sacrement. Quatre coutumes incontestables établissent cette vérité : la communion des malades , la communion des enfants, la communion domestique, la communion publique et solennelle. Voilà le fait constant. Dans la deuxième partie, venant aux principes, l'auteur montre qu'il n'y a d'indispensable dans les sacrements que ce qui tient à leur substance ; qu'ainsi l'on n'est pas obligé de faire en les administrant tout ce qu'a fait le Sauveur en les instituant. Les protestants reconnaissent eux-mêmes ces principes : c'est pour cela qu'ils ne plongent pas dans l’eau ceux qu'ils baptisent, quoique Jésus-Christ ait dit : Baptisez, c'est-à-dire plongez, et qu'il ait reçu le baptême par immersion ; c'est pour cette raison qu'ils ne donnent la Cène ni à table ni dans un souper, encore bien que Jésus-Christ l'ait donnée de cette manière. Pourquoi donc veulent-ils que cette parole : Buvez-en tous, commande rigoureusement l'usage du calice? On essaierait en vain de répondre à ces arguments. Les protestants de bonne foi rendirent hommage à la science, au talent, à la modération du théologien catholique : Le Traité de la Communion, dit Bayle, « m'a paru fort délicat, fort spirituel, et d'une honnêteté envers nous qui ne peut être assez louée ; serré, judicieux, il est déchargé de tout ce qui ne fait pas à la question. »

Jurieu avait donné son écrit contre la communion sous une espèce, en 1681 : Bossuet publia le Traité de la Communion sous les deux espèces en 1682, chez Marbre-Cramoisy, dans un petit volume in-12. La seconde édition, revue par l'auteur, parut en 1686, chez le même éditeur et sous le même format.

 

II.

 

Les ministres protestants ne voyaient pas sans alarme s'évanouir la dernière imputation calomnieuse qui éloignait leurs dupes de l'Eglise catholique. Deux répondirent au Traité de la Communion : l'un, pasteur à Rouen, nommé Laroque, qui avait déjà produit un ouvrage sur l'Eucharistie; l'autre, aident zélateur, folliculaire inconnu, qui est resté caché sous le voile de l'anonyme.

Les deux tenants du protestantisme outragent, chacun à sa façon, le défenseur du catholicisme. « Le premier, dit Bossuet, me traite avec beaucoup plus de civilité en apparence, et l'autre affecte au contraire je ne sais quoi de chagrin et de rigoureux. Mais il n'importe pour le fond; car enfin avec des tons différents, ni l'un ni l'autre ne m'épargnent. »

 

IV

 

Quant à la doctrine , ils prouvent fort bien ce que tous les catholiques reconnaissent d'une voix unanime, que l'on communiait ordinairement dans l'ancienne Eglise sous les deux espèces; mais qu'on ne communiât pas souvent sous une seule, qu'on crût nécessaire de les recevoir les deux pour recevoir tout le sacrement : voilà le fond de la controverse, et voilà ce que ne prouvent pas les ministres. Ils cherchent partout à fourvoyer le lecteur hors de la question.

Bossuet reprit la plume, et composa la Tradition défendue sur la matière de la communion sous une seule espèce. Il divisa cet ouvrage en trois pariies. Dana la première , il montre que les réformés, se trouvant dans l'impossibilité de déterminer par l'Evangile ce qui est essentiel à la communion, ne peuvent démêler cette matière que par l'autorité de l'Eglise et de la tradition; puis il fait voir dans la deuxième que la tradition de tous les siècles, dès l'origine du christianisme, établit la liberté d'user indifféremment d'une seule espèce ou des deux ensemble. En même temps qu'il fournit celte double démonstration, le redoutable polémiste poursuit ses adversaires dans tous leurs détours, il déjoue tous leurs stratagèmes et les force dans leur dernier retranchement.

Mais si la communion sous une ou sous deux espèces est indifférente, de quel droit l'Eglise ôte-t-elle aux fidèles une liberté qui leur est acquise par l'Evangile? Pour enlever aux protestants la possibilité de cette réponse, Bossuet voulait montrer que l'Eglise a le pouvoir de déterminer les choses indifférentes, et que sa discipline dans l'administration de l'Eucharistie repose clairement sur la parole de Dieu. Il annonça donc le dessein d'ajouter à son ouvrage une troisième partie; mais il vit changer les circonstances qui en faisaient l'opportunité; d'ailleurs il méditait déjà l'Histoire des Variations, et les gallicans lui demandaient la défense des quatre articles décrétés dans l'assemblée générale du clergé de France en 1882 : il n'écrivit point la dissertation sur le pouvoir et la pratique de l'Eglise dans l'administration de la sainte table. Cependant son ouvrage présente un tout complet.

Comme Bossuet n'avait pas terminé complètement la défense du Traité sur la Communion, de même il ne la donna pas au public. Son neveu, l'évêque de Troyes, toujours occupé dans le monde de mille soins divers, n'eut pas le temps de sortir cet ouvrage, non plus que plusieurs autres, des rayons de sa bibliothèque : c'est l'abbé Leroy qui le publia pour la première fois dans le troisième volume des Œuvres posthumes, en 1753.

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