Instr. I - M. Simon
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Plan - Théologie

ADDITION

 

ADDITION

PREMIÈRE  REMARQUE. Sur l'adoration des Mages.

IIe REMARQUE. Sur ces paroles de l'Evangile : Le Seigneur est maître du sabbat.

IIIe REMARQUE. Sur la traduction du passage de saint Jean : Vous ne pouvez rien sans moi, Jean, XV, 5.

IVe REMARQUE. Sur ces paroles de saint Paul : J'ai aimé Jacob, et j'ai haï Esaü. Rom., IX, 13.

Première question sur le texte de la version.

Seconde question : Si dans le fond haïr n'est que moins aimer.

Ve REMARQUE. SUR   LE   LATIN   DE   LA   VULGATE.

VIe ET DERNIÈRE REMARQUE. Sur trois erreurs de M. Simon dans ses justifications.

Première erreur : se croire à couvert de toute censure, lorsqu'il ne s'agit pas de la foi et des mœurs.

Seconde erreur de M. Simon dans ses justifications : se croire à couvert de toute correction en cherchant dans les versions approuvées, quelque catholique qui aura traduit comme lui.

Troisième erreur de M. Simon dans ses justifications, de se croire justifié par la publication de sa Remontrance.

 

 

Sur la Remontrance de M. Simon à Monseigneur le cardinal de Noailles.

 

J'ai averti le lecteur qu'après la fin de cette impression, on m'apporta la Remontrance de M. Simon, que ses amis débitaient avec un empressement extrême, et il ne me fut pas malaisé d'y reconnaître le caractère de cet auteur ; on y découvre partout le même esprit de singularité, avec les mêmes moyens d'éluder les traditions les plus évidentes. Comme elle contient beaucoup d'endroits qui ont rapport avec ces instructions et qu'on pourrait croire utiles à y répondre, il est à propos de faire voir que j'avais prévu les difficultés, et que j'ai donné par avance les principes pour les résoudre.

 

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PREMIÈRE  REMARQUE. Sur l'adoration des Mages.

 

Pour satisfaire à quelques parties de la censure du quinzième septembre 1702 touchant la divinité de Jésus-Christ, la Remontrance a observé (1) que le terme d'adoration en saint Matthieu, II, 2 et 11, ne marque pas que Jésus-Christ ait été adoré comme Dieu, et rend douteuse l'adoration qu'on lui a rendue. C'est aussi ce que l'auteur avait dit dans la Préface de la nouvelle version (2) et j'ai repris cet endroit dans mes remarques sur cette Préface (3).

C'est là que j'ai fondé l'adoration de Jésus-Christ comme Dieu, sur une tradition incontestable : elle est claire dans la Collecte du jour de l'Epiphanie, puisqu'on y lit ces paroles : « O Dieu, qui avez révélé aujourd'hui votre Fils unique aux gentils, sous la conduite d'une étoile : » qui dit Fils unique, dit un Dieu de même nature que son Père ; et Si M. Simon ne le veut pas croire, l'Eglise le confondra par la conclusion ordinaire de la Collecte, où il est porté « que ce môme Fils unique Jésus-Christ est un Dieu , qui vit et règne avec son Père dans l'unité du Saint-Esprit. » Cette Collecte est de la première antiquité , et se trouve dans les plus anciens sacramentaires. Nos critiques ne s'arrêtent pas à ces éruditions ecclésiastiques : elles ne sont pas assez savantes pour eux ; mais enfin l'Eglise ne changera pas pour l'amour de M. Simon la maxime de saint Augustin, qui assure que « la foi de l'Eglise se trouve dans ses prières ; » ni la règle inviolable du pape saint Célestin, « que la loi de prier établit celle de la foi. »

Ainsi l'adoration de Jésus-Christ comme Dieu est constante dans l'Eglise : elle la chante hautement dans l'hymne de l'Epiphanie; on y distingue les trois présents, dont le second, qui est l'encens, était offert à Jésus-Christ comme Dieu (4). Sédulius, qui est l'auteur de cette hymne, y avait dit expressément « que les Mages avaient confessé par leurs présents que Jésus-Christ était Dieu : » Deum fatentur munere. Il avait assuré la même chose dans son Poème pascal, dédié à l'empereur Théodose, petit-fils de Théodose

 

1 P. 20. — 2 préf., p. 15. — 3 IIe Passage. — 4 Matth., II, 11.

 

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le Grand (1) Le poète Juvencus, encore plus ancien que lui avait chanté semblablement la signification des trois présents, et nommément de l'encens consacré à Jésus-Christ comme Dieu ; et ses vers aussi élégants que remplis de piété, qui étaient à la bouche de tous les fidèles, avaient mérité d'être insérés par saint Jérôme dans son Commentaire sur saint Matthieu. Voilà sans doute un consentement assez unanime, et une assez belle antiquité.

Je remonterai à présent encore plus haut, et j'alléguerai saint Irénée, qui en citant l'Evangile de saint Matthieu, a rapporté « que les Mages témoignèrent par leurs présents qui était celui qu'ils adoraient : la myrrhe, dit-il, marquait sa mortalité et sa sépulture ; l'or marquait qu'il était un roi, dont le royaume n'aurait point de fin ; et l'encens, qu'il était ce Dieu qui était connu dans la Judée, et qui se manifestait à ceux qui ne le cherchaient pas (2), » c'est-à-dire aux gentils. Nous voilà à l'origine du christianisme, et aux premiers siècles de l'Eglise. Nous avons produit pour la même doctrine saint Chrysostome, saint Grégoire de Nazianze, saint Jérôme, saint Augustin, saint Léon, et avec eux tous les Pères, selon la règle de saint Augustin et de Vincent de Lérins.

La théologie nous favorise : Dieu qui appelait les Mages de si loin, et les éclairait d'une manière si miraculeuse plus encore au dedans qu'au dehors, ne leur laissa pas ignorer en présence de Jésus-Christ l'essence de son mystère, puisqu'ils sont les prémices des gentils ; ils furent chrétiens comme nous, et saint Léon a démontré qu'ils ne pouvaient pas être justifiés par la foi en un pur homme.

Nous avons vu que, pour éluder une tradition et une théologie si constante, M. Simon se contente de marquer pour l'adoration de Jésus-Christ comme Dieu, quelques anciens interprètes, comme s'il en avait d'autres qui ne fussent pas d'accord avec ceux-ci (3). C'est encore un manifeste affaiblissement de la véritable doctrine, d'avoir observé que les théologiens sont partagés sur ce point, encore qu'on voie que tous les Pères sont d'un côté , et le seul

 

1 Oper. Pasch., lib. II. — 2 Lib. III, cap. X. — 3 Préf., p. 35, etc.; Rem. sur la Préf., 2e pass., n. 2 et suiv.

 

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Grotius de l'autre avec les sociniens. Voilà les théologiens que M. Simon a consultés, et qu'il n'a pas craint d'opposer à la tradition des saints Pères.

Il reste maintenant à considérer ce qu'il allègue dans la Remontrance pour affaiblir une doctrine si unanime des Pères : il allègue le seul Luc de Bruges, qui a écrit au siècle passé, « que le terme d'adorer ne suffisait pas pour établir seul la divinité de Jésus-Christ, à cause qu'il est douteux, et qu'il ne peut signifier qu'une simple vénération (1), » Je l'avoue, à regarder ce terme uniquement en lui-même ; mais la tradition si constante des saints Pères détermine à l'adoration souveraine. Ce commentateur explique lui-même (2), de quelle source la connaissance de Jésus-Christ comme Dieu avait pu venir aux Mages : c'est qu'étant Arabes, ils descendaient d'Abraham ; et que s'ils étaient Chaldéens, « une ancienne tradition célèbre parmi ces peuples leur faisait connaître qu'il y avait une sagesse éternellement engendrée de Dieu, » c'est-à-dire son Fils et son Verbe. Ils venaient donc, poursuit-il, « adorer le nouveau roi, persuadés que ceux-là seraient heureux, à qui sa divinité serait propice (3). »

Mais, dit-on, il a parlé trop faiblement de cette adoration, puisqu'il y met un « peut-être : » forte; ajoutant « qu'il est vraisemblable » que ces nouveaux adorateurs, venus d'Orient, « connurent Jésus-Christ comme Dieu (4). » Faut-il dire à un si grand critique que le peut-être n'est pas toujours un terme de doute, mais un terme de douce insinuation, de la nature de ces forsitan qu'on trouve souvent dans l'Evangile selon l'autorité de la Vulgate? Qui ne sait aussi qu'il y a des vraisemblances divines, qui sautant aux yeux tiennent lieu d'évidence? C'est pour cela que le même commentateur (5), après avoir dit que les Mages avaient adoré Jésus-Christ comme roi, se corrige lui-même en disant : « Ou plutôt ils l'adorèrent comme Dieu. » Il fortifie le peut-être, en assurant « qu'il n'est point douteux, non dubium est, qu'il ne sortit du visage de l'enfant une divine splendeur : » il prouve l'adoration de l'Eucharistie par celle qu'on rendit alors à Jésus-Christ ; et conclut enfin « que la foi des Mages eût été fausse et

 

1 In Matth., II, 11. — 2 Ibid. — 3 Ibid. — 4 Ibid. — 5 Ibid.

 

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défectueuse : » manca neque vera, s'ils ne l'eussent cru tout ensemble « et roi, et mortel, et Dieu; » qui est la démonstration de saint Léon.

Il ne faut pas oublier que, pour établir le vrai sens de l'adoration , il renvoie au chapitre IV de saint Matthieu, verset 10, où constamment il prend l'adoration pour une adoration souveraine (1).

Je demande ici à M. Simon si, malgré les prières de l'Eglise et après une tradition si constante et si unanime des saints Pères , dès l'origine du christianisme, il persiste encore à rendre douteuse l'adoration de Jésus-Christ comme Dieu, sans pouvoir montrer le moindre doute dans toute l'antiquité ? Mais comment accorderait-il ce sentiment avec la tradition, et avec la règle du concile, qui, « en matière de foi et de mœurs, défend d'interpréter l'Ecriture contre le sens que l'Eglise a tenu et tient, et contre le consentement unanime des Pères (2) ? » Dira-t-il que l'Eglise n'a pas tenu et ne tient pas ce qu'elle chante par tout l'univers depuis tant de siècles, et qu'elle déclare de tout temps dans ses prières? Dira-t-il que la question , si les Mages ont adoré Jésus-Christ comme Dieu et s'ils ont été justifiés en sa présence sans croire sa divinité, soit indifférente ou impertinente à la foi? Niera-t-il que le retranchement d'un culte si essentiel dans la personne des Mages ôte à l'Eglise une preuve de la divinité de Jésus-Christ, un grand exemple aux fidèles pour animer leur piété, une autorité très-expresse pour établir la plénitude de la foi qui nous justifie? C'est donc chose qui appartient à la foi, et qui tombe par conséquent dans le cas de la règle du concile.

Pour entendre cette règle , M. Simon nous renvoie au cardinal Palavicin, dont il rapporte ces paroles : « Le concile ne restreint point par une nouvelle loi le moyen d'entendre la parole de Dieu, mais seulement déclare illicite ce qui l'a toujours été. Ce cardinal ajoute, poursuit-il, que si l'on excepte les matières qui regardent la foi et les mœurs, les commentateurs ont toute liberté d'exercer leurs talents dans leurs explications ; ce qui se prouve par l'exemple de tous les commentateurs catholiques, qui ont publié leurs commentaires,

 

1 In Matth., II, 2. — 2 Sess. IV, Decr. de édit.

 

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depuis le concile de Trente, lesquels se sont rendus illustres tant par leurs nouvelles interprétations que par leur érudition. » D'où il tire cette conséquence : « C'est, dit-il, sur ce principe , que j'ai pris la liberté d'interpréter quelques endroits de l'Ecriture où il ne s'agissait ni de la foi, ni des mœurs, d'une autre manière que les Pères, lorsque j'ai cru que mes interprétations étaient plus littérales (1). »

On voit par là qu'il s'ouvre la voie à étendre la liberté de ses interprétations contre les Pères, même lorsque leur consentement sera unanime, sous prétexte qu'il ne s'agira ni de la foi, ni des mœurs, et que son sens lui paraîtra plus littéral : mais il faut découvrir son artifice.

Il n'y a pour cela qu'à lire les paroles du concile môme : « Pour réprimer les esprits insolents (petulantia ingenia), le concile ordonne que personne ne s'appuie sur sa prudence dans les matières de foi, et dans celles des mœurs qui regardent l'édification de la doctrine chrétienne, pour tourner les passages de l'Ecriture à ses propres sentiments, contre le sens qu'a tenu et tient notre Mère la sainte Eglise, à qui il appartient déjuger du vrai sens et de l'interprétation des mêmes Ecritures : ou pour oser interpréter la même Ecriture contre le consentement unanime des Pères : ce que le concile défend, quand même ces interprétations ne devraient jamais être publiées. Que si quelqu'un contrevient à cette ordonnance , les ordinaires le déclareront et le puniront des peines de droit. »

Il est question de bien entendre ce que veulent dire ces paroles : « En matière de foi et de mœurs qui regardent l'édification : » s'il les faut réduire aux questions déjà expressément décidées, ou si l'on y doit comprendre toutes les parties de la doctrine chrétienne. Selon la première interprétation, tout ce qui n'est point compris dans les symboles et dans les autres décrets de la foi, est laissé à la liberté des interprètes, ce qui étend la licence à un excès directement contraire à l'intention du concile : car son intention n'est pas seulement d'empêcher que les esprits pétulants, comme il les appelle, c'est-à-dire hardis, téméraires et licencieux, ne s'élèvent

 

1 Remont., p. 8; Pallavic, lib. VI, cap. XVIII.

 

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contre les choses déjà décidées, mais de les tenir en bride pour prévenir les erreurs ; en sorte que lorsqu'ils voudront s'abandonner à leur sens, la tradition de l'Eglise et l'autorité des saints Pères mettent des bornes à leur témérité, et les empêchent de s'appuyer sur leur fausse et présomptueuse prudence.

Que ce soit là l'intention du concile, tout le monde en est d'accord , et le cardinal Pallavicin l'a expressément démontré à l'endroit qu'on vient d'alléguer. Il faut entendre de même dans la matière des mœurs tout ce qui tend à édifier la doctrine chrétienne selon les propres termes du concile. Là est compris tout ce qui regarde « les dogmes et les mœurs, » ainsi que ce savant cardinal le répète deux et trois fois.

C'est pourquoi il a eu raison de dire que le concile ne fait pas ici de nouvelle loi, et ne restreint pas la liberté des interprètes, mais ne fait que retenir les esprits dans les bornes où l'Eglise est née, « et qui sont essentielles à notre foi, » puisque l'Eglise a toujours été obligée en ce qui regarde le dogme à entendre les Ecritures, selon le sens primitif qu'elle a reçu au commencement.

Pour les autres points, comme par exemple pour les curiosités de l'histoire ou des généalogies, ou pour celles des rits judaïques, qui peuvent servir à éclaircir l'Ecriture, ou enfin pour les autres choses de même nature, qui sont indifférentes à la religion et ne changent rien dans le fond, il est permis d'ajouter ce qu'on trouvera utile. J'en dis autant des passages obscurs et profonds, où les saints Pères se trouveront partagés, sans que l'Eglise ait pris de parti. Mais pour les points de dogme, d'édification et de mœurs , lorsque les Pères seront unanimes, leur seule unanimité , qui est la preuve de la certitude et de l'évidence, est une loi souveraine, aussi ancienne que l'Eglise, que les interprètes ne peuvent violer.

Nous ajouterons dans la suite des remarques très-nécessaires à l'intelligence de la règle du concile : mais pour faire l'application de ce qui vient d'être dit à la matière que nous traitons, il n'y a ( qu'à dire qu'elle regarde manifestement le dogme chrétien. Quand nous n'aurions pas tant de témoignages, n'est-ce pas à notre interprète une critique bien édifiante que d'empêcher les fidèles d'adorer avec les Mages leur Sauveur comme Dieu et homme, au

 

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saint jour de l'Epiphanie; de les faire douter des prières qu'ils offrent à Dieu avec toute l'Eglise, et des hymnes qu'ils chantent partout l'univers depuis tant de siècles? Quelle utilité trouve-t-on à vouloir ainsi affaiblir, non-seulement la dévotion publique, mais encore les preuves de tradition que nous avons rapportées? Les évêques le peuvent-ils souffrir, eux qui sont chargés par le concile de déclarer, c'est-à-dire de noter les contrevenants à sa règle, et même de les punir ? Supposons, si l'on veut, qu'un commentateur particulier du dernier siècle n'ait pas autant appuyé sur cette preuve que son importance le demandait ; ou qu'il soit échappé à quelque autre, plus nouveau encore et moins autorisé , quelques paroles trop faibles : croira-t-on pouvoir prescrire par ces petits mots contre le consentement unanime des Chrysostomes et des autres Pères, à commencer par saint Irénée? A Dieu ne plaise que la tradition soit abandonnée jusqu'à cet excès, et qu'une si vaine critique règne dans l'Eglise.

« Mais, dit l'auteur, l'Eglise n'a rien décidé sur le fait dont il s'agit (1). » Une songe pas qu'on n'a pas coutume de prononcer des décisions sur des vérités qui ne sont pas contestées, et qui passent de bonne foi dans le langage commun de tous les fidèles.

Mais quand il aurait conclu de là qu'on ne peut pas le condamner comme hérétique pour ce point, n'y a-t-il pas assez d'autres justes qualifications pour l'accabler, comme celles d'erronées, d'induisantes à hérésie, de périlleuses dans la foi, de contraires à la tradition et aux prières de l'Eglise, etc. ? Le fait dont il veut douter, n'est pas un fait de curiosité ; c'est un fait de tradition, qui doit affermir ou affaiblir le dogme de la foi, et sur lequel la variation est injurieuse à Jésus-Christ et à l'Eglise.

Au reste nous avons prévu qu'il chercherait le témoignage de quelques auteurs catholiques pour appuyer son sentiment : mais pour prévenir cette objection, nous avons fait voir qu'on n'est pas quitte envers les saints Pères de la soumission qui leur est due, pour avoir trouvé quelques catholiques modernes qui n'aient pas assez appuyé leurs sentiments : nous avons montré que s'il est permis de choisir dans les auteurs catholiques tout ce qu'on voudra,

 

1 Remontr., p. 21.

 

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sans avoir égard à la tradition, c'est ouvrir la porte à la licence et tendre un piège à la simplicité des fidèles : nous nous sommes opposés à un abus si manifeste, comme il paraît par les endroits cités à la note ' : qu'on les pèse, qu'on les relise, puisqu'on les a sous la main : il n'en faut pas davantage, pour autoriser les évêques à maintenir la règle du concile et à noter les contrevenants.

IIe REMARQUE. Sur ces paroles de l'Evangile : Le Seigneur est maître du sabbat.

 

Ce passage est traité dans la Remontrance ; et l'auteur y soutient sa note que le Fils de l'homme peut être tout homme indéfiniment , et que c'est même l'explication la plus véritable. La censure donnée à Paris reprend le sentiment de M. Simon, en ce qu'il veut que le Fils de l'homme puisse n'être pas Jésus-Christ. J'ai aussi repris cette explication, non-seulement comme étant tirée des sociniens et de Grotius, mais encore comme contraire à l'évidente parole de Dieu, à la dignité de Jésus-Christ, à la tradition de tous les siècles ; et voici les faits essentiels que j'ai posés (1).

Le premier, que parmi tant de passages de l'Evangile, où Jésus-Christ s'appelle le Fils de l'homme, on n'en peut montrer un seul où ce Fils de l'homme soit un autre que lui-même.

Le second fait, que les Juifs sont les seuls à ne vouloir pas le connaître sous ce titre, lorsqu'ils disent en saint Jean, en.XII, vers. 34 : « Qui est ce Fils de l'homme ? »

Le troisième fait que j'ai touché seulement, mais qu'il faut maintenant établir en peu de mots, est que la tradition qui prend ici le Fils de l'homme pour Jésus-Christ, est constante dès l'origine du christianisme, et que les Pères n'ont jamais varié sur ce sujet.

Le quatrième est, que M. Simon a tiré son explication de Grotius et des sociniens, et qu'il les a préférés aux saints Pères.

J'allègue d'abord saint Irénée, qui dit au livre troisième,

 

1 Ci-dess., Rem. sur l’ouvr. en gén., n. 25-28; Rem. sur la préf., 1er pass., n. 22 26, etc. —  2 Rem. sur l'ouvr. en gén., n. 2; Rem. sur Grot., n. 7.

 

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que « l'Evangile ne connaît point d'autre Fils de l'homme, que celui qui est né de Marie et qui a souffert pour nous. » Non alterum Filium hominis novit Evangelium, nisi hunc (1), etc. Voilà d'abord un principe général, qui démontre la vérité du premier fait, et nous donne pour règle dans l'Evangile qu'on n'y connaît point d'autre Fils de l'homme que Jésus-Christ.

Le même saint Irénée , aussi bien que Tertullien et les autres Pères, démontrent par cette dénomination de Fils de l'homme, que Jésus-Christ n'est pas un homme putatif et en apparence, mais qu'il l'est véritablement : ce qui est inculqué par saint Irénée , non-seulement au lieu allégué, mais encore dans les chapitres XXVI et XXXII, du même livre troisième.

J'allègue en second lieu Tertullien, qui cite formellement ce passage : « Le Fils de l'homme est maître du sabbat, pour montrer, dit-il, par ce terme de Fils de l'homme, de quelle substance il était sorti (2), » et que sa chair n'était pas fantastique, mais réelle et véritable.

Il prouve encore la même vérité contre Marcion par la dénomination de Fils de l'homme, et il marque trois ou quatre fois ce passage : « Le Fils de l'homme est maître du sabbat (3), » comme ne pouvant appartenir à autre qu'à Jésus-Christ.

Il confirme la règle de saint Irénée touchant l'intelligence de ce mot Fils de l'homme, lorsqu'il prononce en général : « Le Fils de l'homme, c'est-à-dire, Jésus-Christ (4). »

Il démontre contre le même Marcion la conformité de l'Ancien et du Nouveau Testament par ce même texte, lorsqu'il dit qu'en s'appelant maître du sabbat, Jésus-Christ soutenoit le sabbat « comme chose sienne, » et qui n'était pas d'un Dieu étranger, ainsi que le voulait cet hérésiarque : sabbatum ut rem suam tuebatur (5) : et un peu après encore plus expressément : « Il était maître, et du sabbat et de la loi, et de toutes les institutions de son Père : » Dominus et sabbati et legis et omnium paternarum dispositionum Christus (6).

 

1 Iren., lib. III, cap. XVIII, p. 277. — 2 De carne Christi, cap. XV. — 3 Adv. Marc., lib. IV, cap. X, XII, etc. — 4 Ibid., cap. XIV. — 5 Ibid., cap. XII.— 6 Ibid., cap. XVI.

 

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On voit ici deux choses bien importantes : l'une, un principe général sur le titre de Fils de l'homme, et l'autre, une application formelle du sens qu'on lui doit donner au passage que nous traitons : ce qui enferme une démonstration complète.

Le témoignage de deux auteurs qui sont du second et du troisième siècle, fait voir de quel sens l'Eglise a été d'abord frappée, et combien il était essentiel, puisqu'ils s'en servent pour établir deux dogmes fondamentaux, dont l'un est la vérité de la chair de Jésus-Christ, et l'autre la conformité des deux Testaments.

La postérité n'a pas manqué d'embrasser cette tradition originelle : saint Hilaire qui suit de près ces deux grands auteurs, enseigne positivement, « que c'est Jésus-Christ qui est plus grand que le sabbat : » major ipse sabbato : et encore, a qu'il n'est pas tenu à l'observance du sabbat, puisqu'il en est le maître : » neque sabbati prœscripto dominum sabbati contineri (1).

Ajoutons à ces témoignages celui de saint Chrysostome et de son école : ajoutons qu'on ne nous produit aucun passage contraire : ainsi la tradition des Pères est unanime : il s'agit d'un dogme qui appartient à la religion, à la dignité de Jésus-Christ, à ses pouvoirs et à des dogmes fondamentaux, comme on a vu : tout le chapitre de saint Matthieu d'où ce passage est tiré, ne respire que la grandeur de Jésus-Christ : « Il est plus grand que Salomon, plus grand que Jonas, plus grand que le temple : » c'est donc lui, et non pas un autre qui est aussi plus grand que le sabbat, et la convenance des choses et des paroles le démontre.

On est donc encore ici dans le cas de la règle du concile ; l'auteur ne peut s'excuser de l'avoir évidemment méprisée, et ce qui est pis, d'avoir préféré les sociniens aux saints Pères.

Puisqu'il voulait avoir pour lui les hérétiques, il pouvait remonter plus haut : nous apprenons de saint Clément d'Alexandrie, « que Prodique et les faux gnostiques attribuaient à d'autres qu'à Jésus-Christ la qualité de maître du sabbat (2) : » et telle est la source de l'interprétation qu'on entreprend de mettre aujourd'hui entre les mains de tous les fidèles.

Il a senti combien odieuse était cette préférence, et il tâche de

 

1 In Matth., XII. — 2 Strom., 3.

 

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s'en excuser par ces paroles : « Ne croyez pas, Monseigneur, que la note vienne de l'école de Socin, comme quelqu'un le pourrait croire : de savant commentateurs, qui ont écrit longtemps avant que Socin fut au monde, ont encore été plus avant que le traducteur de Trévoux : le célèbre Tostat, qui est encore aujourd'hui l'admiration des savants, est de ce nombre (1). »

Il prouve ce qui n'est pas en question : jamais on ne lui a nié qu'on ne pût trouver quelque docteur catholique, qui ignorerait la tradition, ou qui n'y serait pas assez attentif : la question est de savoir si un seul docteur est suffisant pour éluder l'autorité de la tradition : et nous venons encore de démontrer le contraire.

En effet sans chercher à faire voir, ce qui me serait aisé, que Tostat n'est peut-être pas d'accord avec lui-même, il me suffit de dire en un mot que l'autorité d'un commentateur du quinzième siècle, quoique savant pour son temps et comme parle M. Simon, « plus que ceux qui l'avaient précédé au moins dans les siècles de barbarie (2), » bien certainement n'est pas préférable à celle des Pères les plus savants et de la première antiquité. Sa conjecture est abandonnée par tous les commentateurs catholiques. M. Simon lui cherche un frivole appui dans les notes de Robert Etienne, « qui est, dit-il, de ce même sentiment (3) : » faible autorité s'il en fut jamais, et d'un auteur trop peu versé dans la théologie, et d'une foi  d'ailleurs trop suspecte pour mériter qu'on l'écoute. Quoi qu'il en soit, voilà en un mot toute la tradition de M. Simon ; voilà ceux qu'il préfère aux Irénées, aux Tertulliens, aux Hilaires et aux Chrysostomes; ce qu'il n'aurait jamais fait, s'il n'avait voulu appuyer Grotius et les sociniens.

« Je puis, dit-il, assurer Votre Eminence, que je n'ai eu d'autre dessein dans cette note, que de concilier ensemble saint Matthieu, saint Marc et saint Luc (4). » Il voudrait nous faire imaginer de grands embarras entre ces trois Evangélistes, dont on ne pourrait sortir sans sa note. Mais d'abord il n'y a point de difficulté dans saint Matthieu , ni dans saint Luc ; voici celle qu'il veut trouver dans saint Marc : « Jésus leur disait : Le sabbat est fait pour

 

1 Remont., p. 26. — 2 Hist. crit. du Nouv. Test., chap. XXXV. — 3 Remont., p. 27. — 4 Remont., p. 26.

 

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l'homme, et non pas l'homme pour le sabbat : c'est pourquoi le Fils de l'homme est maître du sabbat même (1) ; » comme s'il disait : J'ai eu raison de m'en rendre maître pour sauver l'homme ; et ce serait déroger à mon empire souverain sur le sabbat, si le sabbat étant fait pour l'homme , je m'y laissais assujettir jusqu'au point de n'oser permettre à mes disciples de se soulager en arrachant quelques épis dans leur extrême besoin en ce saint jour. C'est aussi à quoi se rapportent ces paroles : « Il est plus grand que le temple, et plus grand que le sabbat : » ce qui montre que sa seule présence autorisait les disciples à faire ce qu'il leur permettait. Il n'y a rien de plus clair; et cependant plutôt que d'entendre une conséquence qui saute aux yeux, on aime mieux renverser toute l'économie de l'Evangile et toute l'analogie de la foi.

Au reste j'ai déjà remarqué (2) que ce sont encore les mêmes sociniens qui ont fourni à M. Simon ces embarras imaginaires dans le passage de saint Marc : nous verrons peut-être ailleurs les raisons de Grotius qui sont en vérité misérables ; mais il nous suffit ici d'avoir convaincu notre traducteur d'un manifeste mépris de la tradition et de la règle du concile, dans une matière dogmatique.

 

IIIe REMARQUE. Sur la traduction du passage de saint Jean : Vous ne pouvez rien sans moi, Jean, XV, 5.

 

M. Simon est repris fortement et avec raison dans la censure de Paris, d'avoir altéré ce passage de saint Jean, non-seulement dans sa note, mais encore dans son texte même, en traduisant « séparément d'avec moi, » au lieu de mettre « sans moi; » et je me suis conformé à cette juste répréhension. Voyons à présent les excuses de la Remontrance; elles consistent en trois points : « Mon dessein, dit-il, a été de marquer plus fortement la véritable signification de la particule qui est dans le grec (3) : » frivole excuse , puisque c'est une témérité insupportable de croire pouvoir mieux entendre la force de la particule, non-seulement que la Vulgate, qui traduit sans, sine, mais encore que tous les Pères latins sans

 

1 Marc., II, 27. — 2 Rem. sur l’ouvr. en gén., n. 3. — 3 Remont., p. 13.

 

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exception, que tous les conciles, que tout l'Occident, qui a traduit naturellement de la même sorte, sans que personne se soit avisé de les contredire. Quant on veut mieux dire que toute l'Eglise, on doit être assuré qu'on dira mal : ainsi la première excuse tombe d'elle-même.

La seconde n'est pas meilleure : « N'être point séparé de Jésus-Christ, n'est autre chose en ce lieu-ci que d'être uni à lui... La comparaison de la vigne et de ses branches appuie mon interprétation : car tant que les branches ne sont point séparées du corps de la vigne, elles en reçoivent leur nourriture. »

Je l'avoue, si par n'être point séparé on entend ne l'être point dans l'intérieur et non pas ne l'être point extérieurement ; ce que l'auteur n'a pas voulu exprimer pour la raison que nous allons voir, et qui achèvera de démontrer que la seconde excuse est nulle.

Mais la troisième est insupportable : « C'est, dit-il, que Bèze, un des plus zélés défenseurs de la grâce efficace par elle-même, calviniste et qui par conséquent ne peut être suspect en ce lieu-ci, ne s'est pas contenté de traduire seorsim, etc., il a aussi repris dans sa note la Vulgate qui a traduit, sine me (1). » Voilà sans doute pour un prêtre catholique un bon garant que Bèze, un des chefs du calvinisme !

« Mais, dit-il, il n'est point suspect, puisqu'il est un des plus zélés défenseurs de la grâce efficace par elle-même, » à quoi il ne craint pas d'ajouter « que cette observation vient d'un homme qui entend la langue grecque, et est exercé dans les disputes de la grâce. »

Il ne sait pas que cet homme si exercé dans cette matière, y est tombé dans une infinité d'erreurs ; qu'il n'a soutenu la grâce que pour l'outrer, jusqu'à nier la coopération de l'homme; et qu'il a détruit le libre arbitre, jusqu'à faire Dieu auteur du péché.

M. Simon, qui ne veut pas qu'il soit suspect, ne sait pas que tout auteur si démesurément outré est toujours suspect, comme disposé à rejeter le bon sens; et que Bèze en particulier est suspect en cette occasion comme ennemi de l'Eglise et de la Vulgate qu'il a pris plaisir de reprendre dans sa note, comme notre auteur

 

1 Remont., p. 13, 14.

 

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le remarque. Il ajoute qu'il y a aussi repris Erasme de la même faute ; et on voit que Bèze a voulu s'élever au-dessus d'un homme plus sensé que lui, et qui ne savait pas moins la langue grecque. Voilà les auteurs non suspects que M. Simon appelle en témoignage contre la Vulgate, et contre toute la tradition.

Mais il nous cache son secret : il a trouvé moins odieux de citer Bèze, quoique calviniste, que Grotius et les sociniens, qui sont ses guides cachés. J'ai rapporté (1) l'interprétation d'un socinien et celle de Grotius, qu'il choisisse entre les deux : le premier réduit la séparation à celle de Y apostasie; l'autre la réduit « à se séparer des préceptes et des exemples de Jésus-Christ : » tous deux la mettent par conséquent dans quelque chose d'extérieur sans songer à l'influence intérieure de la grâce : voilà toute la finesse de la nouvelle version.

On n'a qu'à lire les paroles d'un socinien (2), et surtout celles de Grotius, comme je les ai rapportées, pour voir d'où la note de M. Simon a été prise. Grotius y est transcrit de mot à mot : et qui saura prendre l'esprit de M. Simon dans tout son livre, ne pourra douter de son dessein.

On peut voir encore ce qu'il cite de Gaigney (3) : « C'est que celui qui se sépare de Jésus-Christ par l'hérésie et par l'infidélité, comme un sarment inutile, ne peut recevoir le suc de la grâce, » etc. Voilà donc, encore un coup, à quoi se réduit la séparation d'avec Jésus-Christ; tout se rapporte à « l'hérésie et à l'infidélité, » comme si le péché mortel n'était rien : « et Gaigney, dit M. Simon, a très-bien exprimé le sens de ce verset de saint Jean dans ses scholies. » S'il a bien cité Gaigney, cet auteur se réfute lui-même et je n'ai point à m'en mettre en peine, puisqu'il est clair, quoi qu'il en soit, que M. Simon a composé, non-seulement sa note, mais encore son texte des paroles de deux hérétiques, qui sont Bèze et Grotius.

 

1 Ci-dessus, Rem. gen., n. 4; Rem. sur Grot., n. 7.  — 2 Ibid. — 3 Remont., p. 13, ibid.

 

460

 

IVe REMARQUE. Sur ces paroles de saint Paul : J'ai aimé Jacob, et j'ai haï Esaü. Rom., IX, 13.

 

On sait assez que M. Simon a mis dans son texte : « J'ai plus aimé Jacob qu'Esaü, » en supprimant hardiment la haine exprimée dans la Vulgate comme dans le grec : on a été étonné de cette hardiesse; la censure l'a sévèrement reprise; j'en ai parlé amplement en deux endroits « : il reste maintenant à examiner si j'ai prévenu les vaines défaites exposées dans la Remontrance (2).

Il y a ici deux questions : l'une sur le texte de la traduction, et l'autre sur la note.

 

Première question sur le texte de la version.

 

La première question est trop aisée à résoudre pour mériter un long discours. Il n'y a qu'à dire en un mot, que c'est une altération du texte que de mettre le commentaire à la place du texte même ; c'est le principe de l'auteur dans sa préface : or est-il que le même auteur est visiblement tombé dans ce défaut : tomber dans ce défaut selon lui-même, c'est faire parler l'homme à la place du Saint-Esprit : il est donc tombé dans le défaut de faire parler l'homme à la place du Saint-Esprit, qui est le plus grand et le plus énorme de tous les attentats.

J'entrerai encore en peu de mots dans une seconde considération. L'explication de saint Augustin et des Saints qui l'ont suivi dans la défense de la grâce contre Pelage, suppose en Dieu une haine véritable contre Esaü comme figure des réprouvés, à cause qu'elle y suppose le péché comme l'objet de cette haine, et du moins le péché originel.

Pour abréger la matière, on voudra bien se contenter d'entendre ici le concile des saints évêques bannis en Sardaigne pour la confession de la foi. "Voici comme ils parlent dans leur Epître synodique, que saint Fulgence a composée : « Vous dites, » ce sont les paroles de ce saint concile aux catholiques qui les consultaient,

 

1 Ci-dessus, Rem. gén., n. 6 et 7. — 8 Remont., p. 14 et suiv.

 

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« que vous assurez qu'avant la naissance d'Esaü et de Jacob, Jacob est élu par une miséricorde gratuite et qu'Esaü est haï par un juste jugement de Dieu, à cause du péché originel (1). »

Voilà donc d'abord l'explication des catholiques bien posée, et la haine de Dieu contre Esaü établie : c'est pourquoi ces saints confesseurs ajoutent que dans l'élection de Jacob, « les dons de Dieu sont aimés; » et qu'au contraire, « dans Esaü la malice de l'iniquité humaine est certainement condamnée. » S'il ne fallait que rapporter cinq cents passages de cette force de saint Augustin et des autres Saints, tout le monde sait qu'il serait aisé de le faire : d'où il faut conclure avec le saint concile de Sardaigne, « que c'est par la miséricorde que Jacob a été préparé à la gloire, et que par une juste colère (qui présuppose le péché) Esaü est justement préparé à la peine (2). » Voici donc en quoi le traducteur de Trévoux est inexcusable ; c'est qu'une interprétation si autorisée et si solennelle, qui est celle de saint Augustin, de tant de Saints et notamment d'un si grand nombre d'évêques bannis pour la foi de la Trinité, demeure exclue par le texte même, sans pouvoir seulement être écoutée.

Qui a donné cette liberté à un interprète particulier? Qu'il soit permis, si l'on veut, de disputer contre leur sentiment : mais que malgré la conformité du grec et du latin de la Vulgate, sans que jamais ni les Grecs, ni les Latins aient lu autrement, on ferme toute entrée à saint Augustin et à ce nombre infini de disciples qu'il a toujours eu dans l'Eglise, c'est soumettre le texte sacré à sa fantaisie, c'est le déterminer de sa propre autorité ; c'est une manifeste corruption de l'Ecriture et un attentat inouï jusqu'à présent parmi les fidèles.

 

Seconde question : Si dans le fond haïr n'est que moins aimer.

 

L'auteur, qui sent en lui-même que dans le fond il ne peut défendre sa note non plus que son texte, tâche dans sa Remontrance de se sauver comme il peut dans l'obscurité des opinions de l'Ecole sur la réprobation, qu'il prend mal et qu'il n'entend pas. Je serai donc contraint ici de démêler ces subtilités pour ne lui

 

1 Cap. VI. — 2 Cap. VII.

 

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laisser aucune réplique; et j'ai besoin d'un lecteur appliqué. Il prend grand soin de montrer que haïr se prend quelquefois dans l'Ecriture pour moins aimer : c'est ce qu'on ne lui a jamais contesté, et la censure de Paris porte expressément que « s'il s'était contenté de mettre dans ses notes son explication du mot de haïr et de haine, avec les précautions nécessaires, on pourrait ne le pas relever ; » ce qui montre la grande attention qu'on a apportée à parler correctement.

J'ai eu aussi la même prévoyance, et l'on a pu voir que bien éloigné d'exclure le moins aimer dans la réprobation, j'ai marqué les opinions de l'Ecole, où elle commence par là (1) : ainsi l'erreur de l'auteur n'est pas d'admettre un moins aimer, mais c'est d'y réduire toute la haine dans la réprobation d'Esaü.

Pour démontrer cette erreur, il ne faut qu'arranger quelques propositions en cette sorte.

Première proposition. Dans une opinion de l'Ecole, qui est la plus rigoureuse, la réprobation est d'abord et dans sa racine un moins aimer. La raison est que dans cette opinion la réprobation consiste en Dieu à préparer aux réprouvés par sa volonté souveraine, de moindres grâces qui les laissent tomber dans le péché et y mourir. C'est donc ici un moins aimer; mais il n'en est pas moins certain en toute opinion, et c'est même un point de foi, que la réprobation n'a d'exécution qu'en présupposant le péché qui est l'objet de la haine, avec la volonté de le punir. C'est là ma première proposition qui, comme on voit, a deux parties, qu'il faut soigneusement remarquer.

Seconde proposition. La réprobation ainsi regardée dans son entière exécution et dans son effet total, est celle qui est supposée par saint Paul depuis le vers. 13, où est marquée la haine pour Esaü, jusqu'à la fin du chapitre. C'est ce qui parait par ces paroles : « Dieu voulant montrer sa colère, » vers. 22 ; et encore dans celles-ci : « Dieu fait des vaisseaux d'honneur et des vaisseaux d'ignominie, » vers. 21. « Il fait des vaisseaux de colère préparés à la perdition, et des vaisseaux de miséricorde préparés à la globe, » vers. 22, 23; toutes expressions qui, en quelque manière

 

1 Ci-dessus, Rem. gén., n. 7.

 

 

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qu'on les prenne dans la destination de Dieu, ne peuvent avoir leur exécution ou comme nous avons parlé, leur effet total qu'en présupposant le péché comme l'objet de la haine. En un mot, il n'y a point de colère, il n'y a point de perdition, il n'y a point d'ignominie dans l'exécution, qu'en vue du péché permis de Dieu : et ainsi ces expressions, en les regardant dans l'exécution, ont un rapport nécessaire avec la haine marquée dans le verset 13.

Troisième proposition. Cette doctrine sur les réprouvés ne peut être universellement vérifiée, qu'en supposant le péché originel : la raison est qu'il y a des réprouvés parmi les petits enfants, qui par eux-mêmes n'ont fait ni bien ni mal. Sans ici examiner en particulier à quelles peines ils sont condamnés, c'est assez que le concile de Lyon et le concile de Florence aient défini : « Que les âmes de ceux qui meurent, tant dans le péché actuel que dans le seul péché originel, descendent incontinent dans l'enfer, pour y être inégalement punies (1). » Les voilà donc réprouvés à leur manière et réprouvés pour le seul péché originel, qui par conséquent entre dans les causes de leur réprobation à l'égard de son effet total. C'est aussi ce qui les rend par nature enfants de colère, comme parle le même saint Paul, c'est-à-dire enfants de vengeance et de perdition, ce qui n'est pas sans quelque haine : la haine entre donc aussi dans l'effet total de leur réprobation, et c'est là une vérité catholique.

Quatrième proposition. Quand on réduit absolument la réprobation à un simple moins aimer, comme fait M. Simon, même dans son texte, on exclut celle qui présuppose dans sa totale exécution le péché originel ; ce qui est l'hérésie formelle des pélagiens et des sociniens.

Disons donc pour abréger ce raisonnement, que selon la doctrine de M. Simon, il n'y a point de petits enfants qui soient réprouvés; que saint Paul ne les comprend pas parmi les vaisseaux dont Dieu fait ce qu'il lui plaît, et qu'ils n'ont point de péchés que Dieu résolve de punir : c'est là une hérésie manifeste; et ainsi l'explication qui réduit tous les effets de la réprobation à un moins aimer, est

 

1 Conc. Flor., Decr. union.

 

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hérétique. La démonstration est complète, et ne souffre aucune réplique.

Pour entendre à fond cette haine contre Esaü, il faut le considérer en deux manières : premièrement selon l'histoire ; secondement selon l'usage que saint Paul en fait et le personnage qu'il lui donne, qui est celui d'être la figure des réprouvés.

Selon la première considération, on peut dire avec beaucoup d'interprètes qu'Esaü a été haï, parce « qu'il a été moins aimé » et favorisé de moindres bienfaits : mais à le considérer selon le personnage prophétique que le Saint-Esprit lui attribue par saint Paul, c'est-à-dire comme la figure des réprouvés, il ne peut être qu'un objet delà vengeance divine; c'est-à-dire de la colère universelle de Dieu contre le genre humain, que les pélagiens et les sociniens ne veulent pas reconnaître.

Quand je dis qu'on peut penser que selon l'histoire être haï à Esaü, signifie être moins aimé, je ne dois pas oublier qu'on peut aussi penser le contraire avec beaucoup de raison ; car non content de ne pas donner à Esaü une terre aussi abondante qu'à Jacob, Dieu lui a donné une terre pierreuse, des déserts et des montagnes stériles.

Il n'a pas seulement privé sa postérité de l'empire dont devait jouir celle de Jacob, mais encore il l'a réduite à la servitude, et l'a mise sous le joug de la race de son cadet, conformément à l'oracle de la Genèse conçu en ces termes : « L'aîné sera soumis au cadet (1)» ce qui était dans l'ancienne loi la figure odieuse de la servitude du péché.

Les interprètes ramassent beaucoup d'autres circonstances, qui font voir qu'Esaü n'a pas été seulement moins favorisé dans sa postérité, mais encore qu'il a été traité durement, privé de l'alliance jurée à Abraham et livré finalement à l'idolâtrie, pour accomplir la figure des réprouvés qu'il portait en sa personne. Quoi qu'il en soit, il est bien certain qu'en le regardant comme figure des réprouvés, il est justement haï de Dieu à cause du péché, ou originel ou actuel, qui est inséparable de cet état.

Il est important de bien entendre ce personnage d'Esaü, comme

 

1 Genes., XXV, 23.

 

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figure des réprouvés; car en effet il est la figure tant de ceux qui sont rejetés pour le seul péché originel, que de ceux qui le sont pour les péchés actuels. Les Pères du concile de Sardaigne ont sagement remarqué « qu'Esaü, à le regarder dans sa personne, avait été purifié du péché originel par le sacrement de la circoncision : mais qu'ensuite il a persisté par la malice de son cœur dans les sentiments d'un homme charnel (1), » où il était retombé.

C'est aussi pour cette raison que dans l’Epitre aux Hébreux, saint Paul l'appelle « profane qui a vendu sa primogéniture, et qui a été réprouvé sans avoir trouvé lieu à la pénitence, encore qu'il demandât avec larmes la bénédiction de son père (2). »

Il n'importe pas qu'Estius ait rapporté à Isaac, et non pas à Dieu, cette « réprobation d'Esaü causée par ses démérites précédents (3). » Il suffit que ce soit là une image des réprouvés en la personne d'Esaü. Mais afin qu'elle soit complète, il faut encore qu'il soit l'image de ceux qui sont rejetés pour le seul péché originel; ce qui paraît dans saint Paul, lorsqu'il remarque, « que dès le ventre de la mère, et avant que Jacob et Esaü fussent nés, il était vrai qu'Esaü était né pour la servitude, et que Dieu le haïssait comme il aimait Jacob (4). »

Il est donc vrai qu'Esaü comme figure des réprouvés, est un personnage toujours odieux, en qui se trouve le péché, ou originel, ou actuel, ou tous les deux, à regarder sa réprobation dans son exécution et dans son effet total, qui est ce que nous avions à prouver.

Voyons maintenant les autorités qu'allègue M. Simon : il cite Tolet, il cite Estius, il cite Salmeron, et il prétend que ces trois auteurs concourent à prendre haïr pour moins aimer (5); mais d'abord il ne produit pour cette fin aucun passage de Tolet. Venons donc à Estius. Il en rapporte deux endroits : le premier, où il dit que le haïr s'entend des biens temporels dans son origine chez le prophète Malachie, et que c'est là le sens littéral de ce prophète ; ce qu'il répète dans la page suivante (6).

Je l'avoue, en regardant Esaü selon son personnage historique,

 

1 Cap. VII. — 2 Hebr., XII, 16, 17. — 3 Es.t, in Rom., IX, 13. — 4 Rom., IX 11, 13. — 5 Remont., p. 14. — 6 Remont., p. 15, 16.

 

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et non pas selon le personnage prophétique, comme figure des réprouvés, ainsi qu'il a été dit et qu'Estius le reconnaît.

Mais, ajoute-t-il, Estius avoue que c'est là un sens mystique et spirituel. Je l'accorde encore, à condition qu'on reconnaîtra avec le même Estius « que ce sens mystique et spirituel » est celui que le Saint-Esprit a eu principalement en vue : ce qui est certain par saint Paul.

L'autre passage qu'il cite est celui où Estius tient pour constant « qu'il ne s'agit point par toute la suite du discours de l'Apôtre, de cette masse corrompue par le péché originel, dans laquelle Esaü était compris. »

Il est vrai que ce commentateur veut une réprobation indépendante de cette masse et uniquement dépendante de la volonté absolue de Dieu, qui permet que les réprouvés tombent dans le péché, sans autre raison que son unique bon plaisir; mais il ne laisse pas de reconnaître, ce qui aussi est un point de foi, que la réprobation regardée dans son effet total, où la damnation est comprise, renferme le péché comme l'objet d'une juste haine et d'une juste vengeance, ainsi qu'il a été dit.

Il reconnaît même que la supposition « d'une masse corrompue et damnée, selon l'exposition de saint Augustin, a sa vérité dans le passage de l'Apôtre (1) : » ce qui ne peut avoir lieu qu'à l'égard des petits enfants morts sans baptême, et qui ne sont rejetés ni haïs qu'à cause du seul péché originel : il n'en faut pas davantage pour établir notre explication.

Au reste je ne trouve pas bien clairement dans Estius que le haïr de saint Paul soit un simple moins aimer : il joint au moins aimer et moins estimer, posthabere, un négliger, un ne s'en soucier pas, un mépriser, un rejeter; (2) ce qui en effet approche bien près de la haine ; et s'il allègue un passage de saint Thomas qui porte «que Dieu hait ceux à qui il ne veut pas donner ce grand bien qui est la vie éternelle, » il faut entendre qu'il ne le veut pas, non point de la volonté générale et antécédente, mais de la volonté absolue ou même de la volonté conséquente, qui toutes deux dans leur dernière exécution présupposent le péché.

 

1 In Rom., IX, 21. — 2 Ibid., 13.

 

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Puisque M. Simon cite Estius pour sa défense, nous le prierons de se souvenir de ce qu'il en a dit dans sa critique : c'est que « ce commentateur étant théologien, et ayant pris parti pour saint: Augustin et pour saint Thomas, on y trouve quelquefois plutôt la théologie de ces deux grands hommes que celle de saint Paul (1). » Voilà en passant de ces traits malins, où l'on connaît le caractère de M. Simon, qui d'un seul coup attaque saint Augustin, saint Thomas et Estius même, comme opposés à saint Paul, et attaque en même temps toute la théologie, puisqu'il nous donne selon sa coutume la qualité de théologien, comme affaiblissant dans Estius celle de commentateur.

Quand donc il semble défendre les « bons thomistes, » comme Estius, et vouloir se conformer à leurs sentiments, on voit bien qu'il n'y a rien là de sérieux, et que toute l'utilité qu'il en veut tirer est de défendre le moins aimer des sociniens, très-éloigné du moins aimer de ces bons thomistes (2).

Je n'aurai maintenant qu'un mot à dire de Salmeron : toute sa doctrine est renfermée dans cet unique passage : « Si on prend la réprobation comme plusieurs la prennent pour l'exclusion de la gloire, elle ne se fait pas sans des démérites précédents. Mais si on prend avec saint Thomas la prédestination pour la volonté éternelle de donner la grâce et la gloire et la réprobation pour la volonté de permettre le péché et de le punir : on doit assurer que sans aucun mérite ou démérite précédent et par la seule volonté de Dieu, l'un est élu ou aimé et l'autre rejeté ou haï, mais d'une haine ainsi appelée dans un sens métaphorique, selon la coutume de l'Ecriture, qui dit que celui-là est haï, à qui on préfère un autre (3). »

Il paraît par ces paroles qu'il n'y a ici qu'à s'entendre, et qu'on est d'accord dans le fond. Si on prend la réprobation pour la permission du péché, c'est un moins aimer : si on la prend pour l'exclusion de la gloire, elle se fait pour les démérites et c'est une haine véritable, puisque, comme dit le même auteur, « Dieu hait les pécheurs comme pécheurs, conformément à cette parole, que

 

1 Hist. crit. du Nouv. Test., chap. XLIII, p. 630.— 2 Remont., p. 27. — 3 Tom. XIII, disp. 27, in Rom., IX, 13, p. 610.

 

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Dieu hait l'impie et son impiété : ce qu'il étend dans le même lieu au péché originel, qui rend tout homme pécheur par lui-même et naturellement enfant de colère, c'est-à-dire ennemi capital de Dieu (1). »

Il suit du même principe et selon le même auteur, « que les vaisseaux de colère dont parle saint Paul, sont regardés par cet Apôtre comme étant dans le péché, à cause que la colère est la volonté d'en exiger la juste vengeance (2). »

Le même Salmeron prouve encore que l'endurcissement est la punition des péchés précédents, en sorte, dit-il, « que la dernière (et complète) réprobation présuppose les démérites (3), » et par conséquent une véritable haine ; ce qui est précisément notre explication.

Cessons donc de disputer des mots ; et pour abréger toute la doctrine précédente, disons, en une parole, qu'unir ensemble le moins aimer avec le haïr dans la totale réprobation, c'est un sentiment catholique : mais que réduire la réprobation à un simple moins aimer sans haine, c'est un sentiment hérétique et pélagien, puisque c'est nier la réprobation pour le seul péché originel.

Personne sans doute ne niera jamais que la haine de son père, de sa mère et celle de sa propre vie ou de sa propre personne ne soit figurée : mais si c'est une raison suffisante de la changer, comme a fait l'auteur dans le texte d'une version, il en faudra retrancher beaucoup d'autres choses : il faudra effacer le feu que Jésus-Christ est venu allumer sur la terre, la croix qu'il nous ordonne de porter tous les jours et enfin tant d'autres passages, qu'il ne resterait rien d'entier dans l'Evangile : mais au contraire plus ces figures sont fortes et expressives, plus il les faut conserver comme un monument précieux des sentiments de Jésus-Christ. Ce n'est pas assez de les retenir dans le texte, il faut que les explications se ressentent de la force des paroles : c'est-à-dire qu'il ne faut pas se contenter de donner à Jésus-Christ une simple préférence sur ses parents et sur soi-même; il faut que le chrétien

 

1 Tom. XIII, disp. 3, p. 76. — 2 Tom. XIII, disp. 4. — 3 Tom. XIII, disp. 18, 28, p. 614, 615.

 

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entende qu'il doit ici employer une espèce de violence pour détruire à fond tout ce qui s'oppose à notre salut, en quelque endroit qu'il se trouve, fût-ce dans nous-mêmes. Saint Augustin nous en a donné l'exemple dans sa belle épître à Létus (1). C'est ainsi que s'accomplit le précepte de l'Evangile : « Le royaume des cieux se prend par force, et les violents l'emportent : » toute courte qu'est cette réflexion, elle convaincra le traducteur de l'attentat qu'il a commis, non-seulement en changeant le texte, mais encore en affaiblissant le sens de l'Evangile, comme je l'ai remarqué (2).

 

Ve REMARQUE. SUR   LE   LATIN   DE   LA   VULGATE.

 

Préface de la version, p. 18.

 

La censure a repris l'auteur de ses paroles inconsidérées sur ce sujet (3) ; j'en ai parlé dans les Remarques sur la préface (4). L'auteur se défend contre la censure dans la Remontrance (5), et prétend qu'on lui fait accuser la Vulgate dans un endroit où il la justifie : mais s'il ne voulait que justifier la Vulgate, pourquoi se servir de ces paroles : « Le latin de notre Vulgate a jeté dans l'erreur, non-seulement quelques-uns de nos traducteurs, mais encore quelques protestants (6) ? » Est-il permis de rejeter sur la Vulgate l'erreur de ceux qui la prennent mal par ignorance ou par malice, et n'est-ce pas délibérément vouloir faire soupçonner qu'elle est en faute ? Qu'il apprenne donc à parler respectueusement d'une version si vénérable et si authentique, et qu'il cesse de la rendre suspecte par des expressions ambiguës.

 

VIe ET DERNIÈRE REMARQUE. Sur trois erreurs de M. Simon dans ses justifications.

Première erreur : se croire à couvert de toute censure, lorsqu'il ne s'agit pas de la foi et des mœurs.

 

Nous avons déjà relevé le passage de la Remontrance où l'auteur avoue qu'il se donne la liberté, lorsqu'il ne s'agit ni de la

 

1 Epist. XXXV. — 2 Rem. sur l'ouv. en gén., n. 7. — 3 Cens., p. 7. — 4 Rem. sur la préf., 4e pass. — 5 Remont., p. 4, 6. — 6 Préf., p. 18, 19.

 

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foi, ni des mœurs, d'interpréter l'Ecriture d'une autre manière que les Pères (1).

Et parce qu'il présuppose en un autre endroit de la Remontrance (2) que l'Eglise n'a rien décidé sur le point de l'adoration des Mages, il conclut qu'il en peut dire tout ce qu'il lui plaît.

Je ne répéterai pas ce qui a été dit sur ce sujet; c'est qu'il y a une tradition qui doit précéder les décisions de l'Eglise, et qui fait la loi aux interprètes. Nous avons encore prouvé qu'outre ce qui est directement hérétique ou erroné, ou contre la foi, il y a ce qui l'obscurcit, ce qui l'affaiblit dans ses preuves, ce qui la blesse dans ses conséquences, et tout cela est matière de censure. M. Simon ne veut pas entendre une vérité si constante et si nécessaire, il s'en tient rigoureusement à la foi et aux décisions; et plût à Dieu du moins qu'il n'y donnât aucune atteinte !

Il se plaint que je ne sais qui, qu'il a en vue, « paraît souvent trop décisif en matière de religion (3). » Il devait donc expliquer ce que c'est d'être trop décisif: mais il jette ce mot en l'air sans s'expliquer, pour insinuer qu'en matière de religion les sentiments les plus libres sont en même temps les plus favorables : c'est ce qui lui a fait mépriser tant de traditions authentiques; « On est, dit-il, trop décisif : » il oublie que c'est un autre défaut de ne l'être pas assez, et d'être un observateur peu exact de la tradition des Pères.

Passons outre ; et sans parler davantage de ce qui regarde précisément la foi et les mœurs, montrons à M. Simon qu'il s'égare visiblement dans les deux cas que je vais marquer en deux propositions : la première, « que sans attaquer la foi et les mœurs, on est condamnable dans la version et explication de l'Ecriture, lorsqu'on y affecte des nouveautés et des singularités. » Je comprends sous ces paroles des curiosités vaines et des hardiesses à introduire ses propres pensées, ou dans l'explication, ou même dans la version de l'Ecriture; car c'est là précisément se donner un air de savant aux dépens de l'Evangile, et vouloir se faire un nom dans l'Eglise, plutôt en contentant les curieux qu'en édifiant les fidèles.

 

1 Remont., p. 8; ci-dessus, Addit., Ire Remarq., n. 7 et 9.— 2 Ibid., p. 21.— 3 Ibid.

 

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La suite de ces instructions fera paraître que l'ouvrage de M. Simon est rempli à toutes les pages de ces dangereuses affectations : j'en rapporterai un exemple qui me vient en ce moment dans l'esprit. Quand sur ces paroles de saint Jean, XV, verset 20 : « S'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre, » il allègue comme probable la version « d'épier leur parole, » au lieu de « la garder, » il n'y a rien là sans doute contre la foi ; mais l'affectation d'une traduction si bizarre et si inouïe, montre un désir de se distinguer par des nouveautés, qui scandalise le lecteur. Si l'on veut encore un autre exemple, il n'y a rien non plus contre la foi de mettre dans les Actes, VI, 7 : « Les sacrificateurs du commun, » au lieu « d'un grand nombre de sacrificateurs. » Mais cet endroit bien loin d'édifier, excite le mépris d'une version téméraire et qui veut faire la savante si mal à propos. C'en est assez, et quant à présent je me contente d'avoir démontré que les erreurs contre la foi et les mœurs ne sont pas les seules qu'on est obligé de reprendre. Mais voici quelque chose de plus important, qu'il faudra développer avec plus de soin.

Seconde proposition : « C'est un caractère dangereux dans un interprète d'être porté à suivre les hérétiques, quand même il ne s'agit point de leurs erreurs. » J'en ai apporté plusieurs exemples dans cet écrit (1) : mais celui-ci me paraît très-important. Sur ces paroles de la IIe aux Corinthiens, I, 9, au lieu « d'une réponse » ou « d'une sentence de mort, » M. Simon met au contraire dans le texte même « une assurance de ne point mourir. » Saint Chrysostome est contre lui, comme tous les Grecs et tous les autres interprètes. La censure a condamné son explication, et la Remontrance se justifie par ces paroles : « Je ne suis point l'auteur de cette interprétation, elle se trouve appuyée et expliquée fort au long par Heinsius, qui a été un des plus sa vans critiques du dernier siècle; ainsi ce n'est point une nouveauté (2). »

Telle est donc la nouveauté qu'il veut éviter : quoique son interprétation soit née en nos jours, elle ne lui paraît pas nouvelle, pourvu qu'elle soit d'un critique, quand même il serait protestant : il n'a pas même besoin que ce critique soit théologien, et

 

1 Ci-dessus, Rem. sur l'ouv. en gén., n. 10-12. — 2 Remont., p. 17.

 

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c'est assez qu'il soit humaniste, poète ou orateur, comme Heinsius ; on n'oppose que cet auteur hérétique au torrent des interprètes qui ont saint Chrysostome à leur tête. Non content de faire une note d'une telle interprétation, M. Simon en compose son . texte, où sans autre garant qu'Heinsius, il met la négative pour l'affirmative : accoutumé à suivre de tels interprètes , il croit son excuse si valable, qu'il n'en oppose point d'autre à une censure si authentique ; n'est-ce pas avoir perdu, je ne dirai pas tout jugement, mais toute pudeur ?

La raison dont il appuie Heinsius n'est digne que de mépris : et sans perdre de temps à la rapporter, il suffît que nous ayons vu qu'un prêtre passe sa vie à chercher dans toute sorte d'auteurs catholiques ou protestants, indifféremment, ce qu'il y a de plus singulier et de plus bizarre pour en composer, quand il lui plaît, le texte de l'Ecriture , sous prétexte qu'il se permet tout, pourvu qu'il ne s'agisse point de la foi : et il veut que les évêques lui laissent mettre une telle version entre les mains des fidèles !

Il ne songe pas que prendre le goût des hérétiques, même dans les choses indifférentes, c'est ge disposer peu à peu à goûter leurs erreurs, à se nourrir d'un esprit de libertinage, et vouloir accoutumer les fidèles à faire ce qu'il leur plaira de l'Evangile.

 

Seconde erreur de M. Simon dans ses justifications : se croire à couvert de toute correction en cherchant dans les versions approuvées, quelque catholique qui aura traduit comme lui.

 

C'est une vérité constante par l'expérience, qu'il n'y a point dans les langues vulgaires de versions si exactement examinées, qu'il n'ait échappé à l'examen quelque faute plus ou moins grande, mais que toujours il faudra reprendre. On voit aussi tous les interprètes demander pardon pour leurs traductions, et promettre de se corriger au premier avis. M. Simon déclare lui-même dans sa préface (1), « qu'il n'est pas assez vain pour croire que sa version soit tout à fait exempte de défauts, et aussi qu'il ne la donne que comme un essai, et non pas comme un ouvrage parfait; » il passe jusqu'à l'excès de juger cette exactitude impossible,

 

1 Préf., p. 32.

 

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et dès la première page il parle ainsi (1) : « Si je donne une nouvelle traduction, ce n'est pas que je prétende qu'elle soit exempte de fautes ; car cela n'est pas possible. »

Ces fautes de son aveu peuvent être si considérables, que même elles donnent atteinte à la divinité du Fils de Dieu, et voici comme il en parle dans la Remontrance (2) : « Votre Eminence connaîtra par ce moyen, que messieurs de Port-Royal, qui de leur propre aveu, ont employé trente ans à composer leur traduction du Nouveau Testament, ne sont pas éloignés en plusieurs endroits des explications qui fortifient les sentiments des antitrinitaires, tant il est difficile d'atteindre cette perfection que demande l'interprétation des Livres sacrés. » Il ajoute : « Ces mêmes fautes se trouvent dans la nouvelle édition de la Bible française de M. de Sacy, qui a été revue et examinée par plusieurs savants théologiens de Paris, sur le témoignage desquels Votre Eminence a accordé sa permission ou approbation. »

Sans approuver le fond de la remarque, il me suffit que l'auteur reconnaisse des fautes capitales dans les versions les plus travaillées et les plus examinées.

Cela étant, il est certain qu'on n'est pas justifié en citant des traductions conformes aux nôtres. Il en faut revenir au fond, comme je l'ai déjà démontré (3); autrement il suffirait d'alléguer une faute de quelque interprète pour la rendre irrémédiable ; ce qui serait le comble de l'aveuglement.

Mais à qui conviendra-t-il mieux de relever de telles fautes qu'aux évêques qui sont chargés du dépôt des Ecritures? Ou quand le feront-ils plus sagement, que lorsqu'ayant averti en particulier durant plusieurs mois ceux qu'ils trouvaient dans l'erreur, à la fin ils le diront à l'Eglise selon le précepte de l'Evangile ? Ce serait en vain que M. Simon aurait avoué des fautes, s'il n'était prêta les corriger toutes les fois qu'il en sera averti par les juges légitimes de la doctrine. Il ne faut donc point triompher, comme il fait partout, de quelques traductions qui se trouveront par hasard conformes aux siennes, et la bonne foi doit décider.

 

1 Préf., p. 2.— 2 Remont., p. 20.— 3 Ci-dessus, Remarq. sur l'ouv. en gén., n. 27 et 28.

 

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Troisième erreur de M. Simon dans ses justifications, de se croire justifié par la publication de sa Remontrance.

 

Il faut maintenant que je représente à H. Simon le mauvais personnage qu'il fait dans l'Eglise en publiant sa Remontrance : en voici le principal fondement : « Etant persuadé, dit-il, que les grandes affaires dont Votre Eminence est chargée ne lui ont pas permis de lire mon ouvrage, je la supplie très-humblement de ne pas trouver mauvais que je lui fasse connaître en détail que celui qu'elle a chargé de ce soin-là m'attribue un grand nombre de fautes dans lesquelles je ne suis point tombé (1). » Ainsi un archevêque aura eu le loisir de condamner un ouvrage, mais il n'aura pas eu le loisir de le lire : il aura chargé un autre d'un soin si essentiel à son ministère : c'est un juge qui aura jugé un procès sans en avoir vu les pièces, et qui s'en sera fié à un secrétaire, et encore à un secrétaire qui l'aura trompé : un jugement donné à l'aveugle sera publié solennellement dans les paroisses de la plus grande ville du monde et d'un diocèse si considérable : voilà de quoi on accuse un archevêque si éclairé, si attentif par lui-même à tous ses devoirs, d'une sagesse si reconnue et si consommée pour gouverner l'Eglise de Dieu : et on fait régner ce reproche dans toute la Remontrance : que M. Simon se juge lui-même sur les termes de soumission dont il accompagne une si étrange calomnie.

Il ne veut pas qu'on le tienne pour suspect. Qui le sera donc, si ce n'est celui qui a vu condamner un livre où il traitait le fondement de la religion sans en avoir jamais rétracté aucune erreur, qui a fait le procès aux Pères dans les formes et qui a introduit tant de nouveautés dans l'Eglise qu'il n'y a personne en ce genre qui se soit plus signalé ?

Mais, dit-il, plusieurs grands prélats lui ont fait des propositions pour travailler à des ouvrages utiles (2). Quelle merveille ! Ces invitations montrent bien la charité de ces prélats, qui tâchaient de le mettre dans un bon chemin , en éclairant sa conduite : mais s'il voulait en tirer quelque avantage, il devait donc

 

1 Remont., p. 3. — 2 Remont., p. 30, 31 et suiv.

 

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alléguer quelques ouvrages utiles, où il eût effectivement répondu à la bonne intention de ces prélats ; et que voyons-nous sortir de sa plume ? Une malheureuse version frappée de censures dès qu'elle a paru, et qui fait un schisme dans une Eglise catholique si célèbre.

Mais en se glorifiant des charitables invitations de nos prélats, il oublie les offres qui lui ont été faites par les protestants, et le concert où il est entré avec eux pour faire une nouvelle version française de la Bible. L'histoire en est remarquable : c'est lui-même qui la raconte dans l'ouvrage qui a pour titre : Réponse à la défense des sentiments de quelques théologiens de Hollande (1). C'est au chapitre second et à la page soixante-dix-sept. Il se plaint que M. le Clerc, un remontrant de Hollande bien connu, a déguisé cette histoire : je le veux : je tiens pour faux tout ce que M. Simon en désavoue ; mais apparemment il ne niera pas ce qu'il rapporte lui-même. Or il rapporte « qu'il y a dix ans que messieurs de Charenton résolurent de faire une nouvelle traduction de l'Ecriture ; que M. Justel (protestant dont le savoir est connu) fit entrer M. Simon dans ce dessein; et que le même M. Simon fit le plan de cette nouvelle version ; que tous ensemble , ils demeurèrent d'accord qu'il fallait donner au public une Bible française qui ne favorisât aucun parti, et qui put être également utile aux catholiques et aux protestants; qu'on pria M. Simon de traduire quelques chapitres selon le plan qu'il avait proposé, afin de servir de règle à ceux qui entreprendraient ce travail ; qu'il trouva quelque temps après chez M. Justel M. Claude et M. de Frémont (l'un ministre de Charenton, et l'autre bon huguenot, s'il en fut jamais, neveu du fameux d'Ablancourt) ; qu'il s'entretint avec eux sur ce nouveau dessein : qu'ils partagèrent entre eux toute la Bible, et que le Pentateuque échut à M. Claude. » Voilà sans doute un beau projet pour un prêtre catholique : c'est de faire une Bible propre à contenter tous les partis, c'est-à-dire à entretenir l'indifférence des religions, et qui dans nos controverses ne décide rien, ni pour ni contre la vérité : le plan et le modèle d'un si bel ouvrage est donné

 

1 A Rotterdam, chez Leers, 1687.

 

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par M. Simon, et le travail est partagé avec un ministre.

Au reste, on eût fait des notes : sans notes M. Simon convient encore aujourd'hui (1) qu'on ne peut traduire la Bible, et il eût été curieux de voir comme on eût gardé dans ces notes la parfaite neutralité qu'on avait promise entre l'Eglise et l'hérésie, entre Jésus-Christ et Bélial.

M. le Clerc racontait dans sa lettre (2), « que M. Simon avait demandé trois mille livres de pension par an , pour employer son temps à ce travail; que sa demande parut raisonnable, et que l'on trouva un fonds de douze mille livres, que l'on résolut d'employer à l'entretenir quatre ans : c'est ce que M. Simon désavoue (3), et il soutient qu'on ne parla jamais des douze mille livres : » car aussi comment avouer qu'il ait vendu aux protestants sa plume mercenaire ? Mais cependant ce qu'il avoue n'est guère meilleur. Il raconte quelque démêlé entre Genève et Charenton : « Le plus fort de leur dispute, dit-il, roulait sur un fonds de soixante mille livres, qu'un bon Suisse avait destiné à cet ouvrage : et, continue-t-il, il se peut bien faire que si ces messieurs de Charenton en étaient devenus les maîtres, ils auraient reconnu les bons services que le prieur de Bolleville (c'est un des noms de M. Simon) leur aurait rendus pour attirer ce fonds à Paris. » Voilà donc ce prieur de Bolleville devenu arbitre et médiateur entre Charenton et Genève, et leur homme de confiance : il favorisait ceux de Charenton dans le dessein qu'ils avaient de s'attirer les soixante mille livres, et il espérait partager le butin avec eux. Ne disons rien davantage; déplorons l'aveuglement de celui qui semble ne sentir pas la honte d'un tel marché , et déplorons en même temps la nécessité où nous sommes de faire connaître un auteur, qui voudrait être l'interprète de l'Eglise catholique, après s'être livré aux protestants, pour mériter auprès d'eux cette qualité.

Que si après qu'on le voit, de son propre aveu, capable d'entrer dans des liaisons si scandaleuses, il se plaint encore d'être tenu pour suspect, il a en main le moyen d'effacer cette tache, en s'humiliant devant l'Eglise, et en reconnaissant, comme il y est

 

1 Remont., p. 31. — 2 Déf. des sent. sec. Lett., p. 53, à Amsterdam, chez Desbordes, 1696.—  3 Rép. à la Déf., ibid., p. 78.

 

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obligé, l'autorité de ses censures. Mais s'il persiste, comme il fait dans sa Remontrance, à soutenir ses notes les plus téméraires, et jusqu'aux altérations qu'il a osé faire dans le texte, il ne faudra pas s'étonner qu'il soit suspect, mais il faudra s'étonner s'il ne l'est pas encore assez à tout le monde. Car après tout, que prétend-il faire par sa Remontrance ? Veut-il dire que l'Eglise n'a pas le pouvoir de prononcer des censures, ou bien qu'il soit permis de les mépriser, ou que celle qui est prononcée contre un mauvais livre, dans le lieu où l'on en faisait le principal débit, n'ait pas été nécessaire et légitime, ou peut-être qu'on satisfasse à une ordonnance publique par des libelles sans aveu ? N'est-ce pas une règle constante de toute l'Eglise catholique, ou qu'il y faut acquiescer, ou qu'il faut se pourvoir par les voies que les canons ont prescrites sur les matières de doctrine ? Mais qu'on entretienne la dissension parmi les fidèles, pendant qu'on devrait y mettre fin par une soumission édifiante ; qu'on mette la division entre les frères, les vrais enfants de l'Eglise se soumettant à ses ordonnances et les autres s'opiniâtrant à vouloir le testament de l'étranger quoique réprouvé par un jugement légitime : c'est une erreur manifeste; c'est le cas précis où saint Cyprien dirait encore une fois « qu'il y a dans chaque Eglise un seul évêque, un évêque qui est toujours unique : episcopus qui unus est : un seul juge établi de Dieu pour y tenir en son temps la place de Jésus-Christ; que tous les chrétiens sont obligés par le commandement de Dieu de lui rendre obéissance, et que la source des schismes et des hérésies est qu'on n'est pas assez attentif à cette institution divine (1).» Ce sont les maximes inébranlables sur lesquelles l'Eglise est fondée; et les violer, dit le même saint Cyprien, « c'est vouloir renverser par terre la force et l'autorité de l'épiscopat, et l'ordre sublime et céleste du gouvernement ecclésiastique. »

Soumettons-nous à cet ordre, qui est celui de Jésus-Christ ; éloignons du milieu de nous ces remontrances querelleuses, qui ne peuvent satisfaire à la justice, et qui ne font qu'entretenir parmi les fidèles l'esprit de dissension : elles n'ont donc aucun caractère de l'esprit de Dieu ; et si les esprits contentieux ont pratiqué

 

1 Epist. LIV, ad Cor., et LXVII, ad Flor. Pup.

 

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ces mauvais moyens de se défendre, nous répondrons avec saint Paul que ce n'est pas là « notre coutume, ni celle de l'Eglise de Dieu: » nos talem consuetudinem non habemus (1).

Voici néanmoins l'expédient que M.  Simon nous propose : « Supposé, dit-il, qu'il y ait un grand nombre de fautes dans ma version du Nouveau Testament, ne pouvait-on pas les corriger ces fautes, ou en mettant des cartons (au hasard de les multiplier plus que les feuillets), ou dans une seconde édition (2) ? » (et en attendant, les laisser entre les mains du peuple sans les reprendre), c'est la loi que H. Simon veut imposer à l'Eglise. Il ne sert de rien d'alléguer les autres versions, ni de leur comparer celle-ci, qui depuis le commencement jusqu'à la fin, est toute pleine d'altérations et d'erreurs qu'on ne peut dissimuler sans crime. C'est trop abuser de la patience de l'Eglise ; il est temps de se soumettre à l'épiscopat. qui étant un par toute la terre, est offensé en la personne d'un seul évêque.

Que M. Simon vienne donc comme un prêtre obéissant à l'Eglise, faire lui-même ses remontrances dans les formes canoniques; alors, ou l'on trouvera dans un jugement légitime le moyen de le convaincre; ou, ce que l'on doit plutôt espérer, on aura la consolation que sans présumer de son savoir, il aimera mieux se laisser instruire.

 

 

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