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Histoire de la persécution religieuse dans le Jura Bernois 1873-1875
 

Au Chapitre Vème

En 1873, eût lieu dans toute la Suisse la douloureuse persécution du Kulturkampf, suite à la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale. L'évêque de Bâle, Mgr Eugène Lachat et celui de Genève, le futur Cardinal Mermillod durent quitter leur diocèse. Ce dernier, ironie de l'histoire gouverna son diocèse de Ferney, le village de Voltaire, utilisant l'Eglise que celui-ci avait fait construire.

Le clergé jurassien demeuré fidèle à son évêque, dût se réfugier en France voisine. L'épisode ci-après relate un pèlerinage qui eût lieu auprès de Notre-Dame du Vorbourg pour lui demander la grâce nécessaire de résister à la persécution du gouvernement bernois qui avait suspendu tous les curés de leurs fonctions.

Le gouvernement (bernois) suspendait le clergé jurassien de ses fonctions sacrées et la Cour d'appel allait les lui enlever tout à fait.

La stupéfaction fut à son comble dans le Jura quand parut l'arrêté du gouvernement. Jusqu'alors l'Etat, ayant à sévir contre quelque curé coupable à son égard de quelque excès de zèle, s'était contenté de lui retenir son traitement, se réservant d'entamer avec l'évêque de Bâle des pourparlers pour obtenir de l'autorité spirituelle la destitution ou la suspension du curé. Mais ici l'Etat se substituait à l'évêque et prononçait de son chef la suspension des fonctions spirituelles : la célébration de la messe, des offices, la prédication, et l'administration des sacrements. Cette usurpation de pouvoirs parut si flagrante que tout d'abord on se refusa de prendre au sérieux une ordonnance qui heurtait si ouvertement tous les droits consignés dans les traités et les constitutions.

Une réunion du clergé eût lieu aussitôt après la proclamation de l'arrêté bernois et il fut décidé unanimement que les curés continueraient, comme par le passé, les fonctions pastorales que l'Eglise seule leur avait confiées et qu'ils ne cesseraient leur service que sur l'injonction de l'évêque de Bâle, leur supérieur direct et légitime.

En même temps, les populations blessées dans leurs droits les plus chers, sous le coup de la persécution qui les menace et va les frapper, cherchent dans les prières publiques, et dans les démonstrations pacifiques de leur foi, la force et les grâces qui ont fait les martyrs des âges antiques. C'est surtout vers le sanctuaire de Notre-Dame du Vorbourg que se portent les multitudes. Il y a là sur une montagne, près Delémont, un célèbre pèlerinage, consacré par le pape Saint Léon IX en 1049, entouré des respects de huit siècles, cher et vénérable aux populations jurassiennes.

C'était pendant les derniers jours de l'hiver ; la neige couvrait encore les chemins, et les montagnards avaient dix lieues à faire à travers des routes longues et difficiles. N'importe, ils partaient de nuit, à trois heures, à quatre  heures ; à pied souvent, leur prêtre au milieu d'eux, ils marchaient courageusement, hommes, femmes, enfants ; le jour se levait et ils chantaient de saints cantiques ; à chaque village qu'ils rencontraient, ils faisaient une pieuse halte dans l'Eglise ou aux environs ; la foule les entourait et échangeait avec eux d'affectueuses paroles. Puis on repartait, en reprenant la prière interrompue. A neuf heures, on arrivait aux abords de la sainte montagne. Les chants devenaient plus solennels, plus nourris ; on déployait les bannières, on marchait deux à deux. C'était l'Eglise protestant pacifiquement contre la persécution et affirmant sa foi et sa fidélité. Bientôt on apercevait le clocher qui saluait de sa voix d'airain la pieuse phalange. On se hâtait ; l'autel était paré, illuminé ; la foule encombrait l'édifice et on priait. Le curé, sans se soucier de la fatigue, montait à l'autel et la messe se chantait avec une ferveur incomparable. A l'évangile, le doyen de Delémont, l'heureux témoin de ces admirables démonstrations, adressait à la foule quelques paroles ardentes qui trouvaient dans ces âmes fidèles de puissants échos ; il rappelait l'ère des anciennes persécutions, le courage indomptable des chrétiens, les martyrs et les bourreaux, et la gloire des uns et la honte éternelle des autres. Il encourageait, il exhortait, il conseillait. Les larmes coulaient de tous les yeux et on se croyait revenu aux premiers jours de l'Eglise persécutée et fuyant dans les catacombes. Et comme ils étaient venus, ces courageux chrétiens reprenaient le chemin de leurs montagnes, plus forts, plus consolé, plus décidés à la lutte.

Ainsi firent Saignelégier, Saint-Brais, le Noirmont, les Breuleux, Monfaucon, Lajoux, les Genvez, Soubey, Epauvillers, et Liesberg, et toutes les paroisses de la vallée, et Charmoille, et d'autres. Et la Vierge du Vorbourg a béni ce peuple et il en est resté inébranlable dans sa foi et dans son dévouement à l'Eglise.

Un souvenir bien touchant, Lajoux faisait son pèlerinage. Six lieues à pied, aux premières heures du jour, le cortège arrivait en chantant dans le sanctuaire du Vorbourg. Le curé marchait avec les siens ; malgré ses soixante-dix ans, il n'avait pas voulu laisser à d'autres le soin d'accompagner son fidèle troupeau. Il entre dans la sainte chapelle ; il s'agenouille sur le pavé de l'église, son bâton à la main, tout le peuple entonne avec lui l'Ave maris stella. Ce chant avait des accords de douleur et de larmes...

De la chapelle du Vorbourg on en reparla encore lors de l'installation du curé vieux-catholique (on disait à l'époque de "la secte officielle"), M. Portaz-Grassis, de Saint-Jean de Maurienne à Delémont, par les représentants de l'Etat de Berne.

"La grand'messe fut seule chantée dans l'enclos mis à la disposition de la paroisse catholique. L'après-midi, toute la paroisse, accrue des catholiques de Soyhières, se rendit pour chanter Vêpres à la chapelle du Vorbourg. L'affluence était immense; tandis qu'à Delémont les intrus pouvaient à peine réunir trente personnes pour leur office, la sainte montagne était couverte d'une foule qui encombrait la chapelle et ses abords. On sentait qu'en ce jour de deuil et de profanation, c'était aux pieds de cette gardienne de la paroisse qu'on devait chercher aide et protection. Depuis huit siècles, Notre-Dame du Vorbourg veille sur cette ville qui lui est consacrée: elle l'a préservée de l'hérésie protestante au siècle de Luther; elle la gardera dans l'antique foi de ses pères.
"Le chant fut solennel, grave, recueilli; aux pieds de la Vierge bénie, le Saint-Sacrement était exposé et le peuple priait, pleurant et prosterné. A quatre heures, un dernier exercice réunissait dans la chapelle de l'hôpital les catholiques de Delémont. La journée, si bien remplie, ne pouvait pas se terminer plus pieusement. Chacun emporta dans son logis la joie d'avoir dignement fait acte de foi et de dévouement à la sainte Eglise catholique romaine."

 

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