Livre IV - Ch. X-XVI

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CHAPITRE X. Notre Seigneur Jésus-Christ naît de la Vierge Marie en Bethléem de Judée.

Instruction que je reçus de la sacrée Vierge.

CHAPITRE XI.  Comme les saints anges annoncèrent en divers endroits la naissance de notre Sauveur, et comme les pasteurs vinrent l'adorer.

Instruction que je reçus de la Reine du ciel.

CHAPITRE III. Ce qui fut caché au démon du mystère de la naissance du Verbe incarné, et plusieurs autres choses jusqu'à la circoncision.

Instruction que la Maîtresse de l’univers me dona.

CHAPITRE XIII. L'auguste Marie connut que c'était la volonté du Seigneur que son très-saint Fils fût circoncis. — Elle en parle à saint Joseph. — Le nom sacré de Jésus vient du ciel.

Instruction que l'auguste Marie me donna.

CHAPITRE XIV. L'Enfant-Dieu est circoncis et appelé Jésus.

Instruction que je refus de mon auguste Maîtresse.

CHAPITRE XV. La très-pure Marie demeure dans la grotte de la nativité avec l'Enfant-Dieu jusqu'à la venue des mages.

Instruction que la très-sainte Vierge me donna.

CHAPITRE XVI. Les trois rois mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe incarné à Bethléem.

Instruction que je reçus de la Reine du ciel.

 

 

CHAPITRE X. Notre Seigneur Jésus-Christ naît de la Vierge Marie en Bethléem de Judée.

 

469. Le palais que le souverain Roi des rois et le Seigneur des seigneurs avait préparé dans le monde pour loger son Fils éternel incarné pour les hommes, était la pauvre et humble cabane ou grotte dans laquelle la très-pure Marie et Joseph se retirèrent après avoir été rebutés de ces mêmes hommes, sans en pouvoir obtenir le moindre témoignage de compassion naturelle, comme il a été dit au chapitre précédent

 

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Ce lieu était si misérable, que; la ville de Bethléem se trouvant si remplie d'étrangers qu'il n'y avait pas assez d'hôtelleries pour les recevoir tous, il n'y eut pourtant personne qui daignât s'en emparer parce qu'en effet il ne pouvait convenir et appartenir qu'aux maîtres de l'humilité et de la pauvreté, notre Seigneur Jésus-Christ et sa très-sainte Mère. Et c'est pourquoi la sagesse du Père éternel le leur réserva, le consacrant, avec les ornements de la solitude et de la pauvreté, comme le premier temple de la Lumière et la première maison du véritable Soleil de justice (1), qui devait naître pour ceux qui ont le coeur droit, de Marie, resplendissante aurore au milieu des ténèbres de la nuit (2), symbole de celles du péché, qui couvraient tout le monde.

470. L'auguste Marie et Joseph entrèrent dans cet asile qui leur avait été préparé, et, à la lumière que répandaient les dix mille anges qui les accompagnaient, ils purent facilement reconnaître avec une grande consolation et des larmes de joie qu'il était pauvre et solitaire comme ils le souhaitaient. Aussitôt les deux saints voyageurs se mirent à genoux, louèrent le Seigneur et lui rendirent des actions de grâces pour ce bienfait, n'ignorant pas qu'il leur avait été destiné par les secrets jugements de la sagesse éternelle. Notre diviné Princesse fut celle qui pénétra le plus ce grand mystère, parce qu'en sanctifiant cette petite grotte par sa sacrée présence, elle sentit une plénitude de joie

 

(1) Malach., IV, 2. — (2) Ps., CXI, 4.

 

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intérieure qui éleva et vivifia tout son être. Elle pria le Seigneur de récompenser avec libéralité tous les habitants de la ville, qui lui avaient procuré, en lui refusant l'hospitalité, un si grand bonheur que celui qu'elle attendait dans cette pauvre cabane. Elle était pratiquée dans un rocher brut et naturel, où l'art n'avait ménagé aucune commodité, de sorte que les hommes ne la jugèrent propre qu'à y loger le bétail mais le Père éternel l'avait choisie pour servir d'abri et de demeure à son propre Fils.

471. Les esprits angéliques, milice céleste qui gardait sa Reine, se rangèrent en ordre, comme pour monter une garde d'honneur dans ce palais royal. Et, sous cette forme corporelle et humaine qu'ils avaient prise, ils se manifestaient aussi à saint Joseph; car il était convenable qu'il jouit dans cette occasion de cette faveur, tant pour diminuer sa peine, en voyant ce pauvre réduit si bien orné et embelli par les richesses du ciel, que pour soulager et animer son coeur, et l'élever à la hauteur des événements que le Seigneur préparait cette nuit dans un lieu si méprisé. La grande Reine du ciel, qui était informée du mystère qui devait y être célébré, se résolut à nettoyer elle-même cette grotte qui devait bientôt servir de trône royal et de propitiatoire sacré, afin de ne pas perdre le mérite de cet exercice d'humilité, et de rendre à son Fils unique un culte de respect : c'était tout ce qu'elle pouvait faire en cette circonstance pour l'ornement de son temple.

472. Le saint époux Joseph, attentif à la majesté

 

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de sa divine épouse, qu'elle-même oubliait pour ainsi dire en vue de l'humilité, la supplia de ne le pas priver de cet emploi , qui maintenant lui revenait; et la prévenant, il commença à balayer et nettoyer tous les endroits de la grotte, sans qu'il pût néanmoins empêcher notre humble Dame de le seconder. A leur tour les saints anges , témoins pour ainsi dire confus dans leur forme humaine et visible, de cette pieuse lutte de l'humilité de leur Reine, se hâtèrent avec une sainte émulation d'aider à la besogne, ou, pour mieux dire, ils nettoyèrent en très-peu de temps cette grotte, la mirent dans un état de propreté décente, et la rendirent toute parfumée. Saint Joseph alluma du feu avec les petits instruments dont il s'était muni à cet effet, Et comme le froid était grand, ils s'en approchèrent pour recevoir quelque soulagement; ensuite ils entamèrent pour souper les frugales provisions qu'ils avaient, et ce fut avec une joie inexprimable , quoique la Reine de l'univers se trouvât à cette heure si proche de ses divines couches, tellement absorbée dans le mystère, qu'elle n'aurait rien. mangé, si ce n'eût été pour obéir à son époux.

473. Après avoir mangé, ils rendirent grâces au Seigneur selon leur coutume. Ils employèrent quelques instants à cette prière et à s'entretenir des mystères du Verbe incarné; mais bientôt la très-prudente Vierge reconnut que ses très-heureuses couches étaient fort proches. Elle engagea son époux Joseph à prendre quelque repos, parce que 14 nuit était déjà

 

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bien avancée. L'homme de Dieu obéit à son épouse, et la supplia d'en faire autant; et pour lui en donner le moyen, il ajusta et garnit avec les hardes qu'ils portaient une crèche assez large, pratiquée dans l'aire de la grotte pour servir aux animaux qui s'y réfugiaient. Et, laissant l'auguste Marie s'installer dans ce petit lit, il se retira dans un recoin de l'entrée, où il se mit en oraison. Il y fut aussitôt visité de l'Esprit divin, et il sentit une force aussi douce qu'extraordinaire qui le ravit en une extase où lui fut montré tout ce qui arriva cette nuit dans la grotte fortunée; car il demeura dans ce ravissement sans avoir aucun usage de ses sens, jusqu'à ce que sa divine épouse l'appela. Et le mystérieux sommeil envoyé à saint Joseph fut bien plus sublime et plus heureux que celui d'Adam dans le paradis (1).

474. La Reine des créatures étant dans la crèche, fut au même moment excitée par une forte vocation du Très-Haut et par une douce et efficace transformation, qui la transporta au-dessus de tout ce qui est créé, et elle ressentit de nouveaux effets du pouvoir divin; car cette extase fut une des plus rares et des plus admirables de sa très-sainte vie. Bientôt elle s'éleva plus haut encore pour arriver à la claire vision de la Divinité par de nouvelles lumières et par  des propriétés spéciales que le Seigneur lui accorda, dans le genre de celles que j'ai fait connaître en d'autres rencontres. Par ces dispositions le voile lui

 

(1) Gen., II, 21.

 

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fut ôté, et elle vit Dieu intuitivement, avec tant de gloire et de plénitude de science, que ni les hommes ni même les anges ne sauraient ni l'exprimer ni le comprendre. La connaissance des mystères de la divinité et de la très-sainte humanité de son Fils qu'elle avait reçue dans les autres visions, lui fut renouvelée, et elle découvrit d'autres secrets renfermés dans le sein de Dieu (1), cette source inépuisable. Je n'ai pas de termes assez forts pour rendre ce que j'en ai appris par la divine lumière, car la grandeur et l'abondance de la matière ne fait qu'affaiblir et amoindrir mes paroles.

475. Le Très-Haut annonça à sa Mère vierge qu'il était temps qu'il sortit de son sein virginal pour venir au monde, et en quelle manière la chose devait s'accomplir. La très-prudente Dame connut dans cette vision les sublimes raisons et les très-hautes fins qui déterminaient des couvres si admirables et des mystères si profonds, tant du côté du Seigneur qu'en ce qui regardait les créatures, pour qui directement le tout était ordonné. Elle se prosterna devant le trône de la Divinité, et lui rendant honneur, gloire, louanges et actions de grâces, en son nom et en celui de toutes les créatures qui devaient reconnaître une miséricorde si ineffable et une telle preuve de l'amour infini du Seigneur, elle lui demanda une nouvelle lumière et une grâce spéciale pour opérer dignement en tout ce qui concernait le service du Verbe incarné,

 

(1) Eccles., XI, 4.

 

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qu'elle devait bientôt recevoir entre ses bras et nourrir de son lait virginal. La divine Mère fit cette demande avec une très-profonde humilité, parce qu'elle comprenait la sublimité d'un ministère aussi nouveau que l'était celui d'allaiter et de traiter comme mère un Dieu fait homme, et parce qu'elle se jugeait indigne d'un tel office, dont les plus hauts séraphins n'étaient pas capables de s'acquitter. La Mère de la Sagesse (1) considérait et pesait toutes ces choses avec prudence et avec humilité. Et c'est parce qu'elle s'abaissa jusqu'à la poussière, parce qu'elle s'anéantit en la présence du Très-Haut (2) , que sa divine Majesté l'éleva, lui donna de nouveau le titre de sa propre Mère, et lui commanda d'exercer cet office et ce ministère comme Mère légitime et véritable, en le traitant comme Fils du Père éternel, mais en même temps comme fils de ses entrailles. Tout cela pouvait bien être confié à une telle Mère (3), et dans cette qualité je renferme tout ce que je ne puis expliquer par mes paroles.

476. La très-pure Marie jouit plus d'une heure de cette vision béatifique, dont il plut à Dieu de la gratifier immédiatement avant sa divine délivrance. Et au moment où elle en sortait et reprenait ses sens, elle reconnut et vit que le corps de l’Enfant-Dieu se remuait dans son sein virginal, se dégageant et prenant pour ainsi dire congé de ce lieu naturel où il avait demeuré neuf mois, et qu'il se préparait à sortir

 

(1) Eccles., XXIV, 24. — (2) Luc, I, 48. — (3) Prov., XXXI, 11.

 

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de ce sacré tabernacle. Ce mouvement de l'enfant, non-seulement ne causa point de douleur à la Vierge-Mère, comme il arrive aux autres filles d'Adam et d'Ève lorsqu'elles enfantent (1); mais au contraire, il la renouvela toute dans les transports d'une joie ineffable, de sorte que son âme et son très-chaste corps éprouvèrent des effets si divins et si sublimes, qu'ils surpassent tout ce que l'entendement créé peut concevoir. Son corps, resplendissant d'une beauté céleste, se spiritualisa au point qu'elle ne paraissait plus une créature humaine et terrestre. Son visage jetait des rayons de lumière comme un soleil brillant de tout son éclat. Une majesté admirable était répandue sur toute sa physionomie, et son coeur était enflammé d'un fervent amour de Dieu. Elle se tenait à genoux dans la crèche, les yeux élevés au ciel, les mains jointes contre la poitrine, l'esprit perdu dans la divinité qui la transformait. C'est dans cet état, en sortant de ce divin ravissement, que notre très-auguste Princesse donna au monde le Fils unique du Père et le sien (2), notre Sauveur, Jésus, Dieu et homme véritable, à l'heure de minuit, un jour de dimanche, et en l'année de la création du monde que l'Église romaine enseigne être cinq mille cent quatre-vingt-dix neuf , et il m'a été déclaré que cette supputation est certaine et exacte.

477. Tous les fidèles présupposent plusieurs autres circonstances miraculeuses de ce divin accouchement;

 

(1) Gen., III, 16. — (2) Luc., II, 7.

 

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toutefois, comme elles n'eurent point d'autres témoins que la Reine du ciel elle-même et ses courtisans, on ne peut pas les savoir toutes en détail, excepté celles que le Seigneur a manifestées de diverses manières à sa sainte Église en général ou en particulier à quelques âmes. Et comme il y a, je crois, des opinions contraires sur ce sujet, qui est très-relevé et de tout point vénérable, ayant déclaré à mes supérieurs qui me conduisent ce que j'ai été chargée d'écrire sur ces mystères, ils m'ordonnèrent de les approfondir de nouveau à la divine lumière, et de demander à la Princesse du ciel, ma Mère et ma Maîtresse, et aux saints anges qui m'assistent et résolvent les difficultés que je rencontre, quelques particularités dont l'indication était nécessaire pour compléter le récit des couches sacrées de Marie, Mère de Jésus notre Rédempteur. Et ayant obéi à cet ordre, je reçus les mêmes communications, et il me fut déclaré que la chose arriva comme il suit.

478. A peine la Mère toujours vierge fut-elle sortie de la vision béatifique dont je viens de parler, que le Soleil de justice, le Fils du Père éternel et le sien, naquit d'elle, radieux de beauté et de pureté, la laissant dans son intégrité virginale toujours plus consacrée et plus divinisée, car il ne fit que passer sans aucune altération matérielle à travers les parois du tabernacle immaculé, comme les rayons du soleil qui pénètrent une glace de cristal sans l'ébrécher, et la rendent plus belle et plus éclatante. Et avant que d'expliquer la manière miraculeuse avec laquelle cela

 

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eut lieu, je dis que l'Enfant-Dieu naquit sans cette membrane appelée secondine, qui embarrasse les autres enfants à leur naissance et les enveloppe dans le sein de leur mère. Je ne m'arrête point à expliquer comment a pu se répandre l'erreur de l'opinion contraire. Il suffit de savoir et de présupposer qu'en la génération du Verbe humanisé et en sa naissance, le puissant bras du Très-Haut prit et choisit de la nature tout ce qui appartenait à la réalité et à la substance de la génération humaine, afin qu'on pût véritablement dire que le Verbe fait homme a été réellement conçu et engendré de la substance, et est né vrai fils de sa mère toujours vierge. Quant aux autres conditions, qui sont simplement accidentelles et non point essentielles à la génération et à la naissance, on doit en écarter de notre Seigneur Jésus-Christ et de sa très-sainte Mère non-seulement celles qui proviennent du péché originel ou actuel, ou qui s'y rattachent; mais encore beaucoup d'autres qui ne dérogent point à la substance de la génération ou de la naissance, et qui renferment dans les termes de la nature soit quelque chose d'impur, soit quelque chose de superflu, qui n'était pas nécessaire pour qu'on pût appeler la Reine du ciel, Mère véritable, et notre Seigneur Jésus-Christ son propre Fils, et qu'on pût dire qu'il est né d'elle. En effet, ces suites du péché ou ces opérations de la nature, n'étaient essentielles ni à la réalité de l'incarnation humaine de l'Enfant-Dieu, ni à son office de Rédempteur et de Maître, et tout ce que n exigeait pas l'accomplissement

 

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de ces trois fins, et dont d'ailleurs l’exemption devait contribuer à la plus grande excellence de Jésus-Christ et de sa très-pure Mère, il ne faut l'admettre ni pour l'un ni pour l'autre. Quant aux miracles qui furent nécessaires pour cela, il n'y a pas lieu de les marchander, ni avec l'auteur de la nature et de la grâce, ni avec celle qui fut sa digne Mère, prévenue, ornée et toujours comblée de ses faveurs, car la. droite du Tout-Puissant n'a cessé de l'enrichir en tout temps de grâces et de dons, et a mis en elle tout ce qu'une simple créature était capable de recevoir.

479. En conséquence, il ne dérogeait point à la qualité de mère véritable, que Marie demeurant toujours vierge, fût vierge en concevant et en enfantant par l'opération du Saint-Esprit. Sans doute la nature eût pu perdre ce privilège sans lui faire commettre aucun péché; mais en ce cas la divine Mère eût été privée d'une si rare et si particulière excellence : et pour qu'il n'en fût point ainsi, pour que rien ne lui manquât, le pouvoir de son très-saint Fils lui accorda encore cette grâce exceptionnelle. L'Enfant-Dieu eût pu naître aussi avec cette tunique ou membrane qui enveloppe les autres enfants; mais cela n'était point nécessaire pour qu'il naquît comme fils de sa mère légitime; et c'est pour cette raison qu'il ne l'emporta point en sortant du sein virginal et maternel; cet enfantement ne paya pas non plus à la nature les autres tributs humiliants auxquels est assujetti celui de toutes les mères dans l'ordre coin'mun de la naissance. Il n'était pas juste que le Verbe

 

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humanisé passât par les lois communes des enfants d'Adam: au contraire, il devait comme résulter du mode miraculeux de sa naissance, qu'il fût privilégié et exempt de tout ce qui eût pu être matière de corruption ou d'une moindre pureté; ainsi il ne fallait point que cette membrane ou secondine qui avait si intimement adhéré à son très-saint corps, et qui était une partie du sang et de la substance de sa mère, pût se corrompre hors du sein virginal; il n'était point non plus convenable de la garder, ni qu'elle fût douée des qualités et des priviléges que cet adorable corps reçut, pour sortir de celui de sa très-pure Mère, en traversant son très chaste sein, comme je le dirai bientôt. Car le miracle dont aurait dû être l'objet cette membrane sacrée, si elle fût sortie de ce tabernacle vivant, pouvait bien mieux y être opéré en y restant, sans en sortir.

480. L'Enfant-Dieu naquit donc de la très-pure , Marie exempt. de tous ces tributs. Il en sortit glorieux et transfiguré, car la Sagesse infinie disposa et ordonna que la gloire de l'âme très-sainte rejaillit sur le corps du divin Enfant au moment de sa naissance, et qu'il participât des dons de gloire comme il arriva depuis sur le Thabor, en présence des trois apôtres (1). Ce prodige ne fut pourtant pas nécessaire pour traverser le très-chaste sein de la Mère, tout en le laissant intact dans son intégrité virginale; car Dieu eût pu, sans ces dons, faire d'autres miracles, par les

 

(1) Matth., XVII, 2.

 

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quels l'enfant serait né laissant sa mère toujours vierge, comme le disent les saints docteurs, qui ne, connurent point d'autre mystère dans cette nativité. biais la volonté divine ordonna que la bienheureuse Mère vit la première fois son Fils, Homme-Dieu, glorieux en son corps; et cela pour deux fins. L'une, pour qu'à la vue de cet objet divin, la très-prudente Vierge comprit avec quel profond respect elle devait traiter son Fils, Dieu et homme véritable. Et quoiqu'elle en eût déjà été instruite, le Seigneur disposa néanmoins que par ce moyen, comme expérimental, elle reçût une nouvelle infusion de grâces, proportionnée à la connaissance qu'elle acquérait par ses propres yeux de l'excellence divine de son très-doux Fils, de sa majesté et de ses grandeurs. L'autre fin de ce prodige fut de récompenser la fidélité et la sainteté de la divine Mère, de sorte que ces yeux très-purs et très-chastes, qui s'étaient fermés à tout ce ;qui était terrestre pour l'amour de son très-saint Fils; le vissent à l'instant même de sa naissance avec une si grande gloire , et reçussent cette joie et ce prix de leur inviolable pureté.

481. L'évangéliste saint Luc dit (1) que la Mère Vierge ayant enfanté son Fils premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans, une crèche. Et il ne déclare point qui le lui mit entre les mains, récemment sorti de son sein virginal, parce que cela n'entrait point dans le plan de son récit. Mais les deux princes

 

(1) Luc., II, 7.

 

saint Michel et saint Gabriel furent chargés de cette mission; car comme ils assistaient au mystère sous une forme humaine et corporelle, à l'instant où le Verbe incarné, traversant par sa propre vertu le très-chaste sein de Marie, vint au monde, ils le reçurent entre leurs mains, à une distance convenable, et avec une vénération sans égale; et en la manière que le prêtre expose la sacrée hostie aux adorations du peuple, ainsi ces deux ministres célestes présentèrent aux yeux de la divine Mère son Fils glorieux et resplendissant. Tout cela se passa en fort peu de temps. Et su moment où les saints anges présentèrent l'Enfant-Dieu à sa Mère, le Fils et la Mère se regardèrent réciproquement, et dans ce regard elle blessa le coeur du très-doux Enfant, et fut en même temps ravie et transformée en lui (1). Et se trouvant entre les mains des deux princes célestes, le Roi de l'univers dit à sa bienheureuse Mère : «Ma Mère, devenez semblable à a moi; car je veux, en échange de l'être humain que  vous m'avez donné, vous en donner dès aujourd'hui,  par des grâces plus sublimes, un autre tout nouveau,  qui fasse, par une parfaite imitation, ressembler une  simple créature à moi qui suis Dieu et homme. » La très-prudente Mère répondit: Trahe me: post te curremus in odorem unguentorum tuorum (2): «  Attirez-moi, Seigneur, et nous courrons après vous à l'odeur de vos parfums. » Ici furent accomplis plusieurs mystères des Cantiques; et l’Enfant-Dieu et sa Mère Vierge se

 

(1) Cant., VII, 10; IV, 9. — (2) Cant., I, 3.

 

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livrèrent aux autres divins colloques qui y sont rapportés, tels que ceux-ci : Mon bien-aimé est tout à moi, et je suis toute à lui, et ses regards se tournent vers moi. Vous êtes belle, ma bien-aimée, vos yeux sont des yeux de colombe; mon bien-aimé, c'est vous qui êtes beau (1) ! Et tant d'autres, que, pour les citer, il faudrait étendre ce chapitre au delà des justes bornes.

482. En même temps que l'auguste Marie entendait les paroles de la bouche de son bien-aimé Fils, les actes intérieurs de son âme très-sainte unie à la Divinité lui furent découverts, afin qu'elle devint semblable à lui en les imitant. Et ce fut le plus grand bienfait que la très-fidèle et très-heureuse Mère reçût de son Fils homme et Dieu véritable; non-seulement parce qu'il le lui continua dès ce jour-là pendant toute sa vie, mais parce qu'il lui servit d'un exemplaire vivant sur lequel elle modela la sienne avec toute la ressemblance qui était possible entre une pure créature et le Verbe incarné. Aussitôt notre divine Mère reconnut et sentit la présence de la très-sainte Trinité, et elle ouït la voix du l'ère éternel , qui disait Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me plais uniquement (2). Et la très-prudente Mère toute divinisée parmi des mystères si relevés, répondit : « Père éternel, Dieu infini, Seigneur et Créateur de l'univers, donnez-moi de nouveau votre bénédiction, afin qu'avec elle je reçoive entre mes bras le Désiré de  toutes les nations (3); et apprenez à la fidèle esclave

 

(1) Cant., 16 ; VII, 10 ; I, 14 et 15 . — (2) Matth., XVII, 5. — (3) Agge., II, 8.

 

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de votre divine volonté à s'acquitter malgré son in dignité de l'office de mère. » Incontinent elle entendit une voix qui lui disait : « Recevez votre Fils unique, imitez-le et allaitez-le; et sachez que vous  devrez me le sacrifier quand je vous le demanderai. Nourrissez-le comme mère, et honorez-le comme votre Dieu véritable. » La divine Mère répondit : « Voici l'ouvrage de vos divines mains, ornez-moi de  votre grâce, afin que votre Fils et mon Dieu m'agrée pour sa servante; que fortifiée par votre grand  Pouvoir, j'aie le bonheur de lui rendre mon service  agréable, et que je ne commette point une témérité si humble créature je porte cuire mes mains, et je nourris de mon propre lait mon Seigneur et  mon Créateur. »

483. Ces entretiens si remplis de mystères divins étant achevés, l'Enfant-Dieu suspendit le miracle, ou plutôt, continua de nouveau celui qui ôtait à son très-saint corps les dons de gloire, en les arrêtant dans son âme de sorte qu'il se montra tout à coup en son être naturel et passible. Sa très-pure Mère le vit dans cet état, et l'adorant en l'humble posture où elle était avec une très-profonde révérence, elle le reçut des mains des saints anges. Et quand elle l’eut entre les siennes, elle lui dit : « Mon très-doux amour, lumière de mes yeux, être de mon âme; venez à la bonne heure an monde, Soleil de justice (1)! Pour bannir les ténèbres du péché et de la mort (2). Dieu véritable

 

(1) Malach., IV, 2. — (2) Isa., IX, 2.

 

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de Dieu véritable, rachetez vos serviteurs (1),  et faites que toute chair voie Celui qui lui apporte  le salut (2). Recevez votre servante à votre service,  et suppléez à mon insuffisance. Rendez-moi, mon   très-cher Fils, telle que vous voulez que je sois envers vous. » Ensuite la très-prudente Mère offrit son Fils unique au Père éternel, et lui dit: « Suprême Créateur de l'univers, voici l'autel et voici le sacrifice agréable à vos yeux (3). Regardez maintenant le a genre humain avec miséricorde; et quoique nous  méritions votre indignation, il est temps de l'apaiser en vue de votre Fils et du mien. Que désormais la justice se repose, et que votre miséricorde se magnifie; puisque c'est pour cela que le Verbe divin s'est revêtu de la ressemblance de la chair du péché (4), et qu'il est devenu frère des mortels et  des pécheurs (5). A ce titre je les reconnais pour  mes enfants (6), et je prie pour eux du plus profond de mon coeur. Vous m'avez faite, Seigneur Tout-Puissant, Mère de votre Fils unique, sans l'a voir mérité, car cette dignité est au-dessus de tous  les mérites des créatures; mais je dois en partie aux  hommes l'occasion qu'ils ont donnée à raton bonheur   incomparable, puisque c'est pour eux que je suis Mère du Verbe fait homme passible, et Rédempteur de tous. Je ne leur refuserai ni mon amour, ni mes soins pour leur procurer le remède. Agréez, Dieu

 

(1) Ps. XXXIII, 22. — (2) Isa., XL, 5 ; LII, 10. — (3) Malach., III, 4. — (4) Rom., VIII, 3. —  (5) Phil., II, 7. — (6) Cant., VIII, 1.

 

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éternel, mes désirs et mes prières pour tout ce qui   regarde votre bon plaisir et votre sainte volonté. »

484. La Mère. de miséricorde s'adressa aussi à tous les mortels, et leur dit : « Que les affligés se consolent, que ceux qui sont tombés se relèvent, que  les craintifs se rassurent, que les morts ressua citent, que les justes et les saints se réjouissent,  que les esprits célestes reçoivent nue nouvelle joie,  que les prophètes et les patriarches des limbes se  raniment, et que toutes les générations louent et   glorifient le Seigneur qui a renouvelé ses merveilles. Venez, venez, pauvres; approchez-vous, petits,  sans crainte, car j'ai dans mes bras Celui qui s'appelle Lion changé en un doux Agneau; le puissant devenu faible, et l'invincible vaincu. Venez à la a vie, cherchez le salut, approchez-vous du repos a éternel, car je le tiens pour tous; il se donnera  gratuitement à vous , et je le communiquerai  sans envie. O enfants des hommes, hâtez-vous,  n'ayez point le coeur appesanti ! Et vous, le doux  bien de mon âme, permettez que je reçoive de vous ce baiser désiré de toutes les créatures (1). » A l'instant la très-heureuse Mère appliqua sa divine et très-chaste bouche à faire de tendres et amoureuses caresses à l'Enfant-Dieu, qui les attendait comme son fils véritable. Et le gardant dans ses bras, elle servit d'autel et de sanctuaire où les dix mille

 

(1) Isa., LXI, 1-3, IX, 2 ; XXI, 8 ; XVI, 1 ; LV, 1 ; Matth., XI, 5 ; Ps., XCV, 11 ; LXXI, 17 ; IV, 3 ; Eccles., XXXVI, 6 ; Luc., IV, 18 ; Sap., VII, 13 ; Cant., I, 1.

 

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anges adorèrent sous la forme humaine leur Créateur fait homme. Et comme la très-sainte Trinité assistait d'une manière spéciale à la naissance du Verbe incarné, le ciel se trouva comme privé de ses habitants, parce que tous les citoyens de cette cité invisible se rendirent en l'heureuse grotte de Bethléem, pour y adorer leur Créateur sous son costume étranger et nouveau (1). Etles saints anges entonnèrent à sa louange ce cantique jusqu'alors inouï : Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae voluntatis (2) ; et ils le redirent avec une très douce et très-agréable harmonie,, ravis des nouvelles merveilles qu'ils voyaient se réaliser, et de la prudence, de la grâce, de l'humilité et de la beauté extraordinaire d'une jeune fille de quinze ans, digne dépositaire et dispensatrice de tant de sublimes mystères.

485. Il était temps que la très-prudente Dame appelât son très-fidèle époux Joseph, qui était, comme j'ai dit, plongé dans une extase divine où lui furent révélés tous les mystères de l'enfantement sacré qui furent célébrés en cette nuit. En effet, il était convenable qu'il vit et touchât par les sens corporels le Verbe humanisé, qu'il lui offrit son culte et ses adorations plus tôt qu'aucun autre des mortels, puisqu'il était le seul choisi entre tous pour être le dispensateur fidèle d'un mystère si sublime. Il sortit de cette extase par le moyen de la volonté de sa divine épouse; et, revenu à lui-même, le premier objet qu'il aperçut, ce

 

(1) Philip., II, 7. — (2) Luc., II, 14.

 

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fut l'Enfant-Dieu entre les bras de sa Mère Vierge, appuyé sur son sein et sur son visage sacrés. C'est là qu'il l'adora avec la plus profonde humilité, ému jusqu'aux larmes. Il lui baisa les pieds avec une nouvelle joie et avec une admiration telle, qu'elle lui eût arraché la vie si une vertu divine ne la lui eût conservée; il eût au moins perdu l'usage de ses sens, si Dieu n'eût  voulu qu'il pût s'en servir dans cette occasion. Après que saint Joseph eut adoré l'Enfant, la tris-prudente Mère demanda à son Fils la permission de s'asseoir (car elle était restée jusqu'alors à genoux) ; et le saint lui donnant les langes qu'ils avaient apportés, elle l'en enveloppa (1) avec une révérence, une dévotion et un soin incomparables. Lorsqu'il fut ainsi emmailloté, la très-sainte Mère, avec une sagesse divine, le coucha dans la crèche, comme le dit l'évangéliste saint Luc, en mettant quelque peu de paille et de foin sur une pierre, pour placer plus commodément le Verbe incarné dans le premier lit qu'il eut star la terre hors des bras de sa Mère. Bientôt un boeuf accourut (par la volonté divine) eu toute halte des champs voisins; il entra clans la grotte et se joignit au petit âne qui avait porté notre auguste Reine. Et elle leur commanda d'adorer et de reconnaître leur Créateur avec le respect (lue pouvaient témoigner des êtres irraisonnables. Les humides animaux obéirent au commandement (le leur Maîtresse; ils se prosternèrent devant l’Enfant; ils le réchauffèrent de leur haleine, et lui

 

(1) Luc., II, 7.

 

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rendirent le service que les hommes lui avaient refusé. Ainsi Dieu fait homme fut enveloppé de langes et couché dans la crèche entre deux animaux : et c'est alors que. fut accomplie miraculeusement la prophétie conçue en ces termes : Le boeuf connut celui à qui il appartenait, et l'âne la crèche de son Maître; mais Israël ne le connut point, et son peuple était sans entendement (1).

 

Instruction que je reçus de la sacrée Vierge.

 

486. Ma fille, si les mortels avaient le coeur débarrassé et le jugement sain pour considérer dignement ce grand mystère de piété giie le Très-Haut a opéré pour eux, le souvenir qu'ils en auraient suffirait pour les faire entrer dans le chemin de la vie et les porter à l'amour de leur Créateur et de leur Rédempteur. Car les hommes étant capables de raison, s'ils en. usaient avec la dignité et la liberté qu'ils doivent, qui d'entre eux serait si insensible et si endurci que de ne pas s'attendrir à la vite de son Dieu humanisé et humilié au point de naître pauvre, méprisé, inconnu, dans une crèche, entre des bêtes brutes, sans autre secours humain que celui d'une Mère pauvre et rebuté par la folie et l'arrogance du monde? Avec la

 

(1) Isa., I, 3

 

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connaissance d'une si haute sagesse et d'un mystère si sublime, qui pousserait la témérité jusqu'à aimer la vanité et jusqu'à se livrer à l'orgueil, que le Créateur du ciel et de la terre abhorre et condamne par son exemple? On ne pourrait non plus avoir horreur de l'humilité, de la pauvreté, du dénuement, que le Seigneur lui-même a aimés et choisis pour, lui enseigner le véritable moyen d'acquérir la vie éternelle. Il y en a fort peu qui s'arrêtent à considérer cette vérité et cet exemple; et par une si noire ingratitude, il y en a également peu qui obtiennent le fruit de mystères si augustes.

487. Mais si mon très-saint Fils s'est montré si bon et si libéral envers vous en vous éclairant de la connaissance de tant de faveurs admirables qu'il a faites au genre humain, vous devez, ma très-chère fille, bien considérer vos obligations, et peser comment et combien vous devez agir par la lumière que vous recevez. Et, pour vous faire correspondre à ce devoir, je vous exhorte de nouveau d'oublier tout ce qui est terrestre, de le perdre de vue, de ne désirer et de n'accepter du monde autre chose que ce qui peut vous en éloigner et vous cacher à ses habitants; afin qu'ayant le coeur libre et dépouillé de toutes les affections terrestres, voué volis disposiez, à y célébrer les mystères de la pauvreté, de l'humilité et de l'amour de votre Dieu humanisé. Apprenez avec quel honneur, quelle crainte et quel respect vous le devez traiter, par l'exemple que je vous ai donné quand je le tenais entre mes bras : vous pratiquerez ces leçons quand

 

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vous le recevrez dans votre sein par la participation au vénérable sacrement de l'Eucharistie, où réside le même Dieu et homme véritable qui naquit de mes entrailles. Dans cet auguste sacrement, vous le, recevez et vous le possédez véritablement d'une manière si intime, qu'il se trouve en vous avec la même réalité que je l'avais et que je le portais, quoique sous une forme différente.

488. Je veux que vous excelliez en cette humble révérence et en cette sainte crainte, et que vous sachiez que quand Dieu entre dans votre bouche sous les espèces sacramentelles, il vous dit aussi ce qu'il me disait : Devenez semblable à moi, comme vous l'avez entendu et écrit. Sa descente du ciel pour naître sur la terre dans la pauvreté et dans l'humilité, pour y vivre et mourir en donnant de si rares exemples et en enseignant le mépris du monde et de ses fausses promesses et l'intelligence des oeuvres du Seigneur, à laquelle il vous a élevée en vous favorisant de si hautes lumières, tout cela doit être pour vous mue voix vivante que vous écoutiez avec une profonde attention de votre lune, et dont vous graviez les leçons dans votre coeur, afin de vous approprier avec mi pieux discernement les bienfaits communs, et de vous convaincre que mon très-saint Fils et mon Seigneur veut que vous les receviez avec la même reconnaissance que si pour vous seule il fût descendu du ciel pour vous racheter (1) et pour opérer uniquement en votre

 

(1) Gal., II, 20.

 

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faveur toutes les merveilles et enseigner la doctrine qu'il a laissées dans sa sainte Église.

 

CHAPITRE XI.  Comme les saints anges annoncèrent en divers endroits la naissance de notre Sauveur, et comme les pasteurs vinrent l'adorer.

 

489. Les courtisans du ciel ayant célébré dans la grotte de Bethléem la naissance de leur Dieu humanisé et de notre Rédempteur, il y en eut quelques-uns qui furent envoyés par le même Seigneur en divers endroits pour annoncer les heureuses nouvelles à ceux qui étaient, selon la volonté divine, disposés à les ouïr. Le prince saint Michel fut envoyé aux Pères des limbes, et il leur apprit comme le Fils unique du Père éternel, qui s'était fait homme, venait de naître et se trouvait dans une crèche entre des animaux , humble et doux, tel qu'ils l'avaient prophétisé (1). Il parla particulièrement à saint Joachim et à sainte Anne de la part de la bienheureuse Mère (car elle le lui avait ordonné), et il les félicita de ce qu'elle tenait enfin dans ses bras le désiré des nations (2), Celui que

 

(1) Isa., VII, 14; I, 3, IX, 7; Mich., V, 2 ; Jerem., XXIII, 6 : Ezech., XXXIV, 10 et 13 ; dan., IX, 24. — (2) Agge., II, 8.

 

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tous les prophètes, patriarches, avaient prédit (1). Ce fut pour cette nombreuse assemblée des justes le jour de la plus grande consolation qu'elle eût encore reçue durant son long exil. Et, reconnaissant tous le nouvel Homme-Dieu pour auteur du salut éternel, ils eurent de nouveaux cantiques en sa louange; ils l'adorèrent, ils lui rendirent le culte qui lui était dû. Saint Joachim et sainte Anne prièrent l'ambassadeur céleste, saint Michel, de recommander à leur très-sainte fille de révérer en leur nom l'Enfant-Dieu, le fruit béni de son très-chaste sein (2); et c'est ce que la grande Reine de l'univers fit incontinent, écoutant avec une joie extrême tout ce que le saint prince lui raconta des Pères des limbes.

490. Un autre ange de ceux qui gardaient et assistaient la divine Mère, fut envoyé à sainte Élisabeth et à son fils Jean. Et, lorsqu'il leur eut annoncé la naissance dit Rédempteur, la prudente sainte et son fils, tout enfant qu'il était, se prosternèrent à terre, et adorèrent leur Dieu humanisé en esprit et en vérité (3). Et l'enfant qui était consacré pour être son précurseur fut intérieurement renouvelé par un esprit bien plus enflammé que celui d'Elie, taudis que ces mystères causaient aux anges eux-mêmes une singulière admiration et leur fournissaient de nouveaux sujets de louanges. Le petit Baptiste et sa mère supplièrent aussi notre auguste Reine, par l'entremise de cet ange, de vouloir adorer son très-saint Fils en

 

(1) Act., X, 43; Joan., V, 39. — (1) Luc., I, 42. — (3) Joan., IV, 23

 

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leur nom, et de les offrir derechef à son service : ce qu'elle s'empressa de faire avec ponctualité.

491. Sainte Élisabeth, ayant appris cette heureuse nouvelle, dépêcha aussitôt à Bethléem un exprès, qu'elle chargea de porter à la Mère de l'Enfant-Dieu un présent qui consistait en quelque peu d'argent, de linge et d'autres petites choses nécessaires au nouveau-né et à sa pauvre Mère, aussi bien qui au saint époux. Mais l'exprès n'avait ordre que de visiter sa cousine et Joseph de sa part, de leur laisser le présent, de s'informer de leurs besoins, et de lui rapporter des nouvelles certaines de leur santé. Ainsi cet homme ne connut du mystère que ce qui lui en parut à l'extérieur : mais, frappé d'admiration à cette vue et cédant à une force divine, il retourna renouvelé intérieurement, et raconta avec une joie inexprimable à sainte Élisabeth la pauvreté et la complaisance de sa parente, de l'enfant et de Joseph, et les effets qu'il avait ressentis en son âme de les avoir seulement vus; ceux qu'une si naïve relation produisit dans le coeur bien disposé de la pieuse Élisabeth furent beaucoup plus admirables. Et si la volonté divine ne se fût prononcée pour assurer le secret d'un si liant mystère, elle n'aurait pu s'empêcher d'accourir elle-même auprès de la Mère Vierge et de l'Enfant-Dieu nouveau-né. Notre divine Reine prit une partie de ce que sa cousine lui envoya pour suppléer à sa pauvreté, et distribua le reste aux pauvres; car elle ne voulut pas être privée de leur compagnie pendant le temps qu'elle demeura dans la grotte de la Nativité.

 

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492. D'autres anges allèrent aussi annoncer les mêmes nouvelles à Zacharie, à Siméon, à Anne la prophétesse et à quelques autres justes et saints à qui le nouveau mystère de notre rédemption pouvait être confié : car le Seigneur les trouvant dignement préparés pour le recevoir avec actions de grâces et avec fruit, il semblait que ce fût une chose comme due à leur vertu de ne leur point cacher le bienfait qui était accordé au genre humain. Et quoique tous les justes de la terre ne connussent pas alors ce mystère, tous néanmoins éprouvèrent quelques effets divins à l'heure où naquit le Sauveur du monde; tous ceux qui étaient en état de grâce sentirent une joie intérieure extraordinaire et surnaturelle dont ils ignoraient la cause particulière. Et il n'y eut pas seulement du changement dans les anges et dans les justes, mais il y en out aussi en d'autres créatures insensibles, puisque les influences des planètes devinrent plus actives et plus bénignes : le soleil lutta sa course, les étoiles brillèrent d'un plus grand éclat, et celle qui dirigea miraculeusement les rois mages vers Bethléem (1) fut formée cette nuit-là; plusieurs arbres portèrent des fleurs et d'autres des fruits; quelques temples d'idoles s’écroulèrent; en d'autres, les idoles furent abattues et les démons chassés. Et les hommes, ne soupçonnant pas la véritable cause de tous ces miracles et de beaucoup d'autres qui éclatèrent ce jour-là dans le monde, cherchaient il les expliquer de diverses manières.

 

(1) Matth., II, 2.

 

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Il y en eut seulement parmi les justes plusieurs qui, par une inspiration divine, supposèrent ou crurent que Dieu était venu au monde, quoique personne ne le sût avec certitude, excepté ceux à qui lui-même le révéla. De ce nombre étaient les mages, auxquels furent envoyés d'autres anges de la garde de notre Reine qui, les allant trouver chacun en particulier dans les endroits de l'Orient où ils étaient, leur révélèrent intellectuellement, par des paroles intérieures, que lp Rédempteur du genre humain était lié dans la pauvreté et dans l'abjection. Cette révélation leur inspira de nouveaux désirs de le chercher et de l'adorer; et bientôt ils virent l'étoile miraculeuse qui les conduisit à Bethléem, comme je le dirai plus loin.

493. Mille fois heureux entre tous furent les pasteurs de cette contrée qui veillaient, gardant leurs troupeaux, à l'heure même de la nativité (1) : heureux , non-seulement parce que, avec une vigilance louable, ils employaient la nuit à une occupation dont ils supportaient les fatigues pour Dieu, mais heureux surtout parce qu'ils étaient pauvres, humbles, méprisés du monde, justes et simples de coeur; parce qu'ils étaient de ceux qui, dans le peuple d'Israël, attendaient et désiraient ardemment la venue du Messie, dont ils parlaient et s'entretenaient souvent. Ils avaient d'autant plus de ressemblance avec l'auteur de la vie, qu'ils étaient plus éloignés du faste, de la vanité, de

 

(1) Luc., II, 8.

 

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l'ostentation du monde et de ses ruses diaboliques. Ils représentaient par ces nobles qualités l'office que le bon Pasteur venait exercer, en connaissant ses brebis et en en étant lui -même connu (1). Et comme ils étaient dans des dispositions si convenables, ils méritèrent d'être appelés et conviés, comme les prémices des saints, par le Seigneur lui-même, afin qu'ils fussent les premiers d'entre les mortels à qui le Verbe incarné se manifestât et se communiquât, et dont il reçût les louanges, les services et les adorations. C'est pour cela que l'archange saint Gabriel leur fut envoyé : et, les surprenant dans leur veille, il leur apparut en forme humaine, tout resplendissant d'une éclatante lumière (2).

494. Les pasteurs se trouvèrent tout à coup comme inondés des flots de cette lumière céleste, et, comme ils n'étaient point accoutumés à de pareilles révélations, ils furent saisis d'une grande peur à la vue de l'ange (3). Mais le saint prince les rassura en leur disant : « Hommes sincères, ne craignez point, car je  vous annonce une nouvelle qui vous remplira de joie : c'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, a il vous est né un Sauveur, qui est le Christ notre   Seigneur. Et voici le signe auquel vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche (4). » A ces dernières paroles du saint archange survinrent subitement en

 

(1) Jean., X, 14. — (2) Luc., II, 9. — (3) Ibid. — (4) Ibid., 10, 11 et 12.

 

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grand nombre les hérauts de la milice du ciel, qui, unissant leurs voix harmonieuses, célébrèrent le Très-Haut et chantèrent : Gloire soit à Dieu au plut haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (1). Puis les saints anges disparurent en répétant ce cantique si divin et si nouveau dans le monde. Tout cela arriva dans la quatrième veille de la nuit. Cette vision remplit les humbles et fortunés pasteurs d'une lumière divine, et les laissa également enflammés et animés du désir de jouir de leur félicité, et d'aller reconnaître par leurs propres yeux le sublime mystère que venaient de leur transmettre leurs oreilles.

495. Le signe que l'ange leur avait donné ne semblait pas très-propre à convaincre les yeux de la chair de la grandeur du nouveau-né : car à se trouver dans une crèche, emmailloté de quelques pauvres langes, il n'y avait point d'indice suffisant pour révéler la majesté du Roi, sils ne l'avaient découverte à l'aide de la lumière divine dont ils furent éclairés : mais c'est parce qu'ils étaient humbles et vides de la sagesse mondaine qu'ils furent bientôt remplis de la sagesse divine. Et, s'étant mutuellement communiqué ce que chacun pensait de cette étonnante ambassade, ils résolurent d'aller bien vite à Bethléem pour y voir la merveille qu'ils venaient d'ouïr de la part du Seigneur (2). Ils partirent aussitôt, et, entrant dans la grotte, ils trouvèrent, comme le dit l'évangéliste saint

 

(1) Luc., II, 13 et 14. — (2) Ibid., 15.

 

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Luc, Marie et Joseph, et l'Enfant couché dans la crèche (1). Et, voyant tout cela, ils connurent la vérité de ce qu'ils en avaient ouï (2). Cette expérience et cette visite furent suivies d'une illustration intérieure qu'ils reçurent à la vue du verbe humanisé; car ail moment oh les pasteurs jetèrent lés yeux sur lui, le divin Enfant les regarda aussi, le visage brillant d'une grande splendeur, dont les rayons et l'éclat blessèrent le cœur innocent de ces pauvres et bienheureux . hommes; et par l'efficace divine il les changea et leur donna un nouvel être de grâce et de sainteté, les laissant élevés aux hauteurs et enrichis des trésors d'une science toute céleste sur les ineffables mystères de l'incarnation et de la rédemption du genre humain.

496. Ils se prosternèrent tous ensemble et adorèrent le Verbe incarné : ils le louèrent, le glorifièrent et le reconnurent pour Dieu et homme véritable, pour le Restaurateur et Rédempteur du genre humain, non comme des hommes grossiers et ignorants qu'ils étaient auparavant, mais comme des hommes sages et prudents. La divine Dame et Mère de l'Enfant-Dieu était attentive à tout ce que les pasteurs disaient et faisaient extérieurement et intérieurement; car elle pénétrait jusqu'au fond de leurs cœurs; et, avec une prudence égale à sa sagesse, elle gardait en elle-même et méditait toutes ces choses (3), les confrontant avec les mystères qu'elle connaissait , avec les saintes Écritures et avec les prophéties. Et comme elle servait

 

(1) Luc., II, 16. — (2) Ibid., 17. — (3) Ibid., 19.

 

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alors d'organe au Saint-Esprit et de langue à l'Enfant, elle parla aux pasteurs, les instruisit et les exhorta de persévérer dans l'amour et dans le service de Dieu. Ils l'interrogèrent aussi à leur façon, et donnèrent beaucoup de détails sur les mystérieuses communications qui leur avaient été faites. Ils restèrent dans la grotte depuis le point du jour jusqu'à midi; et, après que notre auguste Reine leur eut donné à manger, elle les congédia, comblés de grâces et de consolations célestes.

497. Les saints pasteurs firent encore quelques visites à la très-pure Marie, à l'Enfant et à Joseph pendant le temps qu'ils demeurèrent dans la grotte; ils leur portèrent aussi quelques présents proportionnés à leur pauvreté. L'évangéliste saint Luc dit que tous ceux qui les entendirent parler de ce qu'ils avaient vu admiraient ce qu'ils leur en disaient (1) : mais cela n'arriva qu'après que la Reine, l'Enfant et Joseph furent partis de Bethléem; la divine Sagesse le disposant de la sorte, et ne permettant pas que les pasteurs le publiassent avant leur départ. Tous n'ajoutèrent pourtant pas foi à leurs paroles; car il y en eut qui ne les regardèrent que comme des campagnards ignorants : quant à eux , toujours pleins d'une science divine, ils vécurent dans la sainteté jusqu'à leur mort. Hérode fut du nombre de ceux qui leur ajoutèrent créance, quoique ce ne fiât point par une foi sainte ni par une piété religieuse, mais par une crainte

 

(1) Luc., II, 18.

 

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mondaine et damnable de perdre le royaume. Et parmi les enfants qu'il fit mourir, il y en eut quelques-uns de ces saints hommes qui méritèrent aussi cette grande faveur; et leurs pères les offrirent avec joie au martyre, qu'ils désiraient pour eux-mêmes, heureux de les voir souffrir pour le Seigneur, qu'ils connaissaient.

 

Instruction que je reçus de la Reine du ciel.

 

498. Ma fille, l'insouciant oubli des oeuvres de leur Rédempteur est aussi blâmable qu'il est ordinaire et commun parmi les mortels, étant certain que toutes ces oeuvres furent mystérieuses, pleines d'amour, de miséricorde et d'enseignements pour eux. Vous avez été appelée et choisie afin que, par la science et là lumière que vous recevez, vous ne tombiez point dans cette dangereuse et grossière stupidité : je veux donc que vous pénétriez et pesiez, dans les mystères que vous venez de décrire, le très-ardent amour que mon très-saint Fils a fait paraître en se communiquant aux hommes à l'instant même de sa naissance, afin qu'ils participassent aussitôt su fruit et à la joie de sa venue au monde. Les hommes ne comprennent point cette obligation, parce qu'il y en a peu qui pénètrent celles que leur imposent des bienfaits si particuliers, comme il y en eut peu également qui virent le Verbe humanisé dans son premier berceau et qui le remercièrent

 

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de sa venue. Mais ils ignorent la cause de leur malheur et de leur aveuglement, qui ne fut et n'est point du côté du Seigneur ni de son amour, mais de leurs péchés et de leur mauvaise disposition : car si par leur mauvais état ils n'eussent mis obstacle aux desseins. de sa miséricorde, ou ne s'en fussent rendus indignes, il aurait donné à tous ou à un très-grand nombre la même lumière qu'il donna aux justes, aux pasteurs et aux mages. Ce petit nombre vous fera connaître à quel malheureux état était réduit le monde lorsque le Verbe incarné naquit; et combien déplorable est maintenant celui des mortels, qui, jouissant d'une plus grande lumière, songent cependant si peu à payer le Seigneur d'un juste retour.

499. Considérez donc le peu de disposition des mortels dans le siècle présent, où les vérités de l'Évangile étant si connues et si bien établies par les oeuvres et par les merveilles que Dieu a opérées dans son Église, le nombre des parfaits et de ceux qui veulent se disposer à participer le plus largement possible aux effets et au fruit de la rédemption, est néanmoins si petit. On croit que parmi tant d'insensés (1), et malgré le débordement de tous les vices, le nombre des personnes parfaites est considérable, parce qu'on en voit beaucoup qui ne sont pas aussi rebelles à Dieu : il y en a moins pourtant qu'on ne le croit, et les parfaits le sont beaucoup moins où ils ne devraient l'être, à une époque où Dieu est si offensé des infidèles, et si

 

(1) Eccles., I, 15.

 

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désireux de communiquer les trésors de sa grâce à la sainte Église par les mérites de son Fils unique fait homme. Or, réfléchissez bien, ma très-chère fille, aux obligations que vous impose la connaissance si claire que vous recevez de ces vérités. Soyez attentive, soigneuse et diligente à correspondre à Celui qui vous comble de tant de faveurs, sans perdre ni temps, ni lieu, ni occasion de faire ce que vous saurez être le plus saint et le plus parfait, puisque, en dépit de vos efforts, vous resterez toujours au-dessous de vos obligations. Songez que je vous avertis, que je vous exhorte et que je vous commande de ne point recevoir en vain un bienfait si particulier (1); de ne pas tenir la grâce et la lumière dans l'inaction, mais d'agir avec une plénitude de perfection et de reconnaissance.

 

CHAPITRE III. Ce qui fut caché au démon du mystère de la naissance du Verbe incarné, et plusieurs autres choses jusqu'à la circoncision.

 

600. En tant que cela tenait su Seigneur lui-même, la venue du Verbe incarné sur la terre fut l'événement

 

(1) II Cor., VI, 1.

 

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le plus heureux pour tous les hommes, car il vint pour donner la vie et la lumière à tous ceux qui étaient dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort (1). Et si les réprouvés et les incrédules ont heurté et heurtent contre cette pierre angulaire, cherchant leur ruine là où ils pouvaient et devaient trouver la résurrection à la vie éternelle, ce n'a pas été la faute de la pierre, mais celle de ceux qui en ont fait une pierre de scandale en y heurtant (2). La nativité de l'Enfant-Dieu ne fut terrible que pour l'enfer, car il était le fort et l'invincible (3) qui venait dépouiller de son pouvoir tyrannique ce fort armé du mensonge, qui gardait depuis longtemps son château avec une paisible mais injuste possession (4). Pour abattre ce prince du monde et des ténèbres, il fallut avec justice lui cacher le mystère de cette venue du Verbe; non-seulement parce qu'il était indigne par sa malice. de connaître les secrets de la sagesse infinie, mais aussi parce qu'il était convenable que la divine Providence donnât lieu à la propre malice de cet ennemi de l'aveugler (5), attendu qu'il en avait usé pour introduire dans le monde l'erreur et l'aveuglement du péché (6), en entraînant toute la postérité d'Adam dans sa chute (7).

501. Par cette disposition divine plusieurs choses furent cachées à Lucifer et à ses ministres, qu'ils

 

(1) Luc., I, 79. — (2) Rom., IX , 33 ; Matth., XXI, 44; I Petr., II, 8. — (3) Ps. XXIII, 8. (4) Joan., XII, 31; Luc., XI, 21. — (5) Sap., II, 21. — (6) Ibid.. 24. — (7) Rom., V, 12.

 

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eussent pu naturellement connaître en la nativité du Verbe et dans le cours de sa très-sainte vie, comme je serai quelquefois obligée de le répéter dans la suite de cette histoire. Car s'il eût su d'une manière certaine que Jésus-Christ était vrai Dieu, il est constant qu'il né lui aurait point procuré la mort; au contraire, il l'aurait empêchée, ainsi que je le dirai plus loin. Dans le mystère de la nativité, il vit seulement que la très-pure Marie avait enfanté un fils dans la pauvreté et dans une grotte abandonnée, et qu'elle ne trouva ni hôtellerie ni asile dans la ville; ensuite il connut la circoncision de l’enfant, et d'autres choses qui pouvaient (supposé son orgueil) plutôt lui couvrir la vérité que la lui montrer. Mais il ne sut point de quelle manière cette naissance eut lieu, ni que l'heureuse Mère demeurât vierge, ni qu'elle le fût avant que d'enfanter; il n'eut aucune connaissance des messages que firent les anges auprès des justes et des pasteurs, ni des conférences qu'ils eurent sur ce sujet, ni de l'adoration qu'ils rendirent à l'Enfant-Dieu. Il n'aperçut point non plus l'étoile, et ne devina point la cause de l'arrivée des mages; les démons leur virent entreprendre un voyage, mais ils crurent que c'était pour d'autres fins temporelles. Ils ne pénétrèrent pas davantage la cause du changement qu'il y eut dans les éléments, dans les astres et dans les planètes; quoiqu'ils vissent le phénomène et ses effets, ils n'en purent pas découvrir la fin; de même

 

(1) I Cor., II, 8.

 

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les entretiens que les mages eurent avec Hérode, leur entrée dans la grotte, l'adoration et les présents qu'ils y offrirent, tout cela leur fut caché. Ils connurent la fureur d’Hérode contre les enfants, et y contribuèrent; mais ils ne découvrirent point alors le but de ses mauvais desseins, et c'est pourquoi ils fomentèrent sa cruauté. Et quoique Lucifer lui supposât l'intention de poursuivre le Messie, elle lui parut une folie, et il se moquait d'Hérode, parce que, selon son superbe jugement, il était absurde de croire que le Verbe vînt établir son empire dans le monde, sous d'humbles dehors et d'une manière cachée, sans faire éclater un pouvoir et une majesté dont était si loin l'Enfant-Dieu, naissant d'une mère pauvre et méprisée des hommes.

502. Lucifer ayant remarqué, dans l'erreur on il était, quelques-unes des particularités qui arrivèrent en la nativité, assembla dans l'enfer ses ministres et leur dit : a Je ne trouve aucun sujet de crainte en ce que nous avons découvert dans le monde, car bien que la femme que nous avons persécutée avec tant d'acharnement ait enfanté un fils, ce fils est né dans une telle pauvreté, dans une telle obscurité, que sa mère n'a môme pas pu trouver asile dans une hôtellerie; et nous n'ignorons pas combien tout cela se concilie peu avec le pouvoir et la majesté de Dieu. Et si cet enfant doit venir se mesurer avec nous, il n'est pas assez fort tel qu'il nous apparaît, et d'après ce que nous avons appris, pour résister à notre puissance. Il n'y a donc pas lieu de craindre que ce soit là le

 

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Messie, d'autant plus qu'on parle déjà de le circoncire comme les autres hommes; s'il a besoin du re-mède du péché, cela ne s'accorde certes pas avec la qualité de sauveur du monde. Toutes ces marques sont contraires à l'éclat qui doit accompagner la venue de Dieu sur la terre; c'est pourquoi il me semble que nous pouvons, quant à présent, être assurés qu'il n’y est pas venu. » Les ministres d'iniquité partagèrent l'opinion de leur chef maudit, et restèrent convaincus que le Messie n'était point encore arrivé, parce qu'ils étaient tous complices en la malice qui les aveuglait et causait leur erreur (1). Lucifer ne pouvait pas s'imaginer, dans son orgueil opiniâtre, que la divine Majesté s'abaissât; et comme il désirait les applaudissements, le faste, l'honneur, l'ostentation, et que, s'il avait pu obtenir les adorations de toutes les créatures, il n'aurait pas manqué, lui, de les exiger, il lui était impossible de comprendre que Dieu, assez puissant pour se les faire rendre, permit le contraire, et s'assujettit à l'humilité que ce serpent orgueilleux avait tant en horreur.

503. O enfants de la vanité, quels exemples sont ceux-là pour nous détromper! L'humilité de notre Seigneur Jésus-Christ, notre Maître, doit singulièrement nous attirer et animer; mais si elle ne nous meut point, il faut au moins que l'orgueil de Lucifer nous retienne et nous effraie. O vice formidable au delà de tout ce que les termes humains peuvent exprimer,

 

(1) sap., II, 21.

 

puisque tu as aveuglé de telle sorte: un ange rempli de science , qu'il n'a su former un antre jugement de la bonté infinie de Dieu, que celui qu'il portait sur lui-même et sur sa propre malice ! Or quelle pénétration aura l'homme, par lui-même ignorant, s'il joint à cette ignorance l'orgueil et le péché ? O malheureux et stupide Lucifer! Comment t'es-tu trompé en une chose si pleine de raison et de beauté? Quoi de plus aimable que l'humilité et la douceur unies à la majesté et au pouvoir? Ignores-tu, abjecte créature, que de ne savoir pas s'humilier, t'est une faiblesse d'esprit et la marque d'un coeur sans courage? Celui qui est véritablement grand et magnanime ne se paie point de vanité; il ne doit point désirer ce qui est si vil, et des apparences trompeuses ne suffisent point pour le satisfaire. Il est certain que tu n'es pas assez clairvoyant pour découvrir la vérité, et que tu es un aveugle et un guide d'aveugles (1), puisque tu n'es pas parvenu à comprendre que la grandeur et la bonté de l'amour divin se manifestaient (2) et se glorifiaient par l'humiliation et par l'obéissance jusqu'à la mort de la croix (3).

504. La Mère de la Sagesse pénétrait toutes les erreurs de Lucifer et de ses ministres, et faisant une digne estime de mystères si relevés, elle bénissait et glorifiait le Seigneur de ce qu'il les cachait aux superbes et aux présomptueux, et qu'il les découvrait

 

(1) Matth., XV, 44. — (2) Rom., V, 8. — (3) Philip., II, 8.

 

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aux humbles et aux pauvres (1), en commençant de vaincre la tyrannie du démon. La miséricordieuse Mère faisait de ferventes prières pour tous les mortels qui étaient indignes par leurs propres péchés de connaître la lumière qui venait de naître pour leur remède (2), et les présentait toutes à son très-doux Fils avec un incomparable amour et une tendre compassion pour les pécheurs. C'est ainsi qu'elle employa la plus grande partie du temps qu'elle habita la grotte de la nativité. Ces exercices ne l'empêchaient point d'apporter tous ses soins à mettre son doux enfantelet à l'abri des injures du temps, auxquelles était si exposée une retraite si incommode: La prudence de notre auguste Dame lui avait fait prendre un petit manteau, outre les langes ordinaires, pour mieux le garantir du froid; et l'en ayant couvert, elle le tenait continuellement dans le sacré tabernacle de ses bras , excepté lorsqu elle le remettait à son saint époux Joseph; car elle voulut, pour augmenter ses consolations, qu'il l’aidât aussi en cela, et qu’il remplit l'office de père auprès du Dieu incarné.

505. La première fois que le saint reçut l'EnfantDieu dans ses bras, la sainte Vierge lui dit : « Prenez,  mon époux et mon protecteur, prenez le Créateur  du ciel et de la terre, jouissez de son aimable compagnie et de sa douceur ineffable, afin que mon Seigneur et mon Dieu trouve ses délices en votre

 

(1) Matth., XI, 25. — (2) Joan., I, 9 et 10.

 

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service (1). Recevez le trésor du Père éternel, et participez au bienfait du genre humain (2). » Et parlant intérieurement à l’Enfant-Dieu; elle lui dit : « Très-doux amour de mon âme, lumière de mes yeux, reposez entre les bras de votre serviteur et ami Joseph , mon époux; prenez avec lui vos plaisirs, et qu'ils vous fassent oublier mes manières grossières. Il m'est fort sensible de rester sans vous un seul instant; mais je veux faire part sans envie du bien que je reçois véritablement, à celui qui en est digne (3). » Le très-fidèle époux, reconnaissant son nouveau bonheur, s'humilia profondément, et répondit : « Reine et Maîtresse de l'uni vers et mon épouse, comment oserai-je, moi qui  suis indigne, tenir entre mes mains le même Dieu  en la présence duquel les colonnes du ciel tremblent (4)? Comment ce vermisseau aura-t-il la hardiesse de profiter d'une faveur si extraordinaire?  Je ne suis que poudre et que cendre (5) : suppléez,  illustre Dame, à ma bassesse, et priez sa divine  Majesté de me regarder avec clémence et avec sa  grâce. »

506. Le saint époux, balancé entre le désir de recevoir l'Enfant-Dieu et la crainte respectueuse qui le retenait, fit des actes sublimes d'amour, de foi, d'humilité et de révérence profonde; et s'étant mis à genoux, tremblant d'une respectueuse émotion, il le

 

(1) Prov., VIII, 31.. — (2) Coloss., II, 8. — (3) Sap., VIII, 13. — (1) Job., XXVI, 11. — (2) Gen., XVIII, 27.

 

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prit Avec précaution des mains de sa très-sainteMêre, et témoigna par,des larmes douces et abondantes la joie et l'allégresse tolite nouvelle dont le pénétrait une faveur tout aussi nouvelle. L'Enfant-Dieu le regarda d'un air caressant, et en même temps il renouvela entièrement son âme avec des effets si divins; qu'il n'est pas possible de les raconter. Le saint époux se trouvant enrichi de tant de magnifiques bienfaits, fit de nouveaux cantiques de louange. Et après que. son esprit eut joui quelque temps des très-doux effets qu'il ressentit pour tenir en ses mains le même Seigneur qui renferme dans la sienne les cieux et la terre (1), il le remit à sa bienheureuse Mère, étant tous deux à genoux pour le donner et pour le recevoir. La très-prudente Dame le prenait ou le remettait toujours avec cette vénération, et son époux en faisait de même quand son heureux tour arrivait. Et avant de s'approcher de la divine Majesté, ils faisaient trois génuflexions, baisant la terre avec des sentiments héroïques d'humilité et d'adoration, lorsqu'ils se le donnaient et qu'ils le recevaient mutuellement.

507. Quand la divine Mère crut qu'il était temps de donner la mamelle à son très-saint Fils, elle lui en demanda la permission avec beaucoup de respect; car, bien quelle dût le nourrir comme le fils de ses entrailles et comme homme véritable, elle le regardait aussi comme vrai Dieu, et connaissait la distance

 

(1) Isa., XL, 12 ; XlVIII, 13.

 

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infinie qui sépare l'Être divin de: la simple créature telle qu’elle était cette science étant en la très-prudente Vierge infaillible, complète, perpétuelle, non susceptible de la moindre inadvertance , lui faisait prévoir, toutes choses, comprendre et réaliser toujours ce qu'il y avait de plus sublime dans toute la plénitude de la perfection ; ainsi elle s'occupait de nourrir, de servir et  d'élever, son divin Enfant, non avec des soins inquiets, mais avec une attention, une vénération et une vigilance incessantes, ajoutant chaque jour à l'admiration des anges dont la science ne parvenait point à embrasser les oeuvres héroïques d'une si jeune fille. Et comme ils l'assistaient toujours corporellement , dès qu'elle fut dans la grotte de la nativité, ils l'aidaient en toutes les choses qui étaient nécessaires au service de l'Enfant-Dieu et au sien. Il est constant que tous ces mystères réunis sont si doux, si admirables et si dignes de nos réflexions et de notre souvenir, que nous ne saurions nier que nous ne; nous rendions coupables d'une faute grossière en les oubliant, et que nous ne soyons bien ennemis de nous-mêmes en nous privant des divins, effets que la mémoire seule en fait éprouver aux enfants fidèles et reconnaissants.

508. La connaissance que j'ai reçue de la vénération avec laquelle la sainte Vierge, saint Joseph et les esprits angéliques traitaient l'Enfant-Dieu, me permettrait d'allonger beaucoup ce discours. Sans le faire, je veux néanmoins confesser que je me trouve au milieu de cette lumière toute troublée, toute

 

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confuse, à la pensée da peu de respect avec lequel j'ai osé traiter avec Dieu jusqu'à présent, et à la vue du grand nombre de péchés qu’ il m'a été montré que j'ai commis sur ce point. Tous les anges qui accompagnaient notre auguste Reine restaient visibles sous des formes humaines pour l'aider dans sa besogne, dès la nativité jusqu'au moment où elle se rendit en Égypte avec l'Enfant, comme je le dirai dans la suite. Le soin que l'humble et amoureuse Mère prenait de son adorable Fils était si continuel, qu'il fallait qu'elle eût besoin de prendre quelque nourriture pour qu'elle le remît soit entre les bras de saint Joseph, soit entre ceux des princes saint Michel et saint Gabriel; car ces deux archanges la prièrent de le leur confier pendant qu'ils mangeraient ou que le saint travaillerait. Alors donc ils le laissaient entre les mains des anges, pour que s'accomplit d'une manière admirable ce que dit David : Ils vous porteront dans leurs manies (1), etc. Pour garder son très-saint Fils, la très-diligente Mère ne dormait point avant que sa divine Majesté lui dit de dormir et de reposer. A cet effet, le Seigneur lui donna en récompense de ses soins une espèce de sommeil plus nouveau et plus miraculeux que celui qu'elle avait eu jusqu’alors, quand elle dormait et qu'en même temps son coeur veillait (2), de sorte qu'elle n'interrompait point les intelligences et les contemplations divines. Mais dès ce jour-la le Seigneur lui en donna un autre

 

(1) Ps., XC, 12. — (2) Cant., V, 2.

 

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plus merveilleux; car notre grande Dame dormait autant qu'il lui était nécessaire, et en dormant elle avait assez de force pour soutenir l'Enfant comme si elle eût veillé; elle le regardait avec l'entendement comme si elle l'eût vu avec les yeux du corps, connaissant intellectuellement tout ce qu'elle et l'Enfant faisaient extérieurement. Ce prodige réalisait ce qui est dit dans les Cantiques, au nom de la Vierge-Mère : Je dors, et mon coeur veille (1).

509. Il ne m'est pas possible d'exprimer par mes faibles paroles les hymnes de louange et de gloire que la Reine du ciel adressait à l'Enfant, accompagnée des anges et de son époux Joseph. On pourrait faire plusieurs chapitres sur ce seul article; mais la connaissance en est réservée comme un sujet particulier de joie aux élus, le très-fidèle époux fut en cela singulièrement heureux et privilégié parmi les mortels, car bien souvent il les entendait. Outre cette faveur, il en recevait une autre de la plus grande consolation et du plus grand prix pour son âme, que sa très-prudente épouse lui faisait : en parlant avec lui de l'Enfant, elle l'appelait maintes fois notre Fils (2), non qu'il fût fils naturel de Joseph, lui qui n'était Fils que du Père éternel et de sa seule Mère Vierge, mais parce qu'il était réputé tel dans la créance des hommes. Cette faveur causait au saint une joie inexprimable, et c'est pour cela que notre divine Dame son épouse la lui renouvelait souvent.

 

(1) Cant., V, 2. — (2) Luc., II, 48.

 

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Instruction que la Maîtresse de l’univers me dona.

 

510. Ma fille, je vous vois dans une sainte jalousie du bonheur que j'avais ainsi, que mon époux , d'agir constamment en la compagnie de mon-très-saint Fils, parce que nous l'avions sous les yeux comme vous désireriez l'avoir si la chose était possible. Je veux vous consoler et diriger votre affection en ce que vous devez et pouvez opérer selon votre état, polir obtenir dans une certaine mesure la félicité que vous considérez en nous avec admiration et ravissement. Or, faites réflexion, ma très-chère fille; sur ce que vous avez pu suffisamment connaître des différentes voies dont Dieu se sert pour conduire dans son Église les âmes qu'il aime et qu'il cherche avec une affection paternelle. Vous avez pu acquérir cette science par l'expérience de tant de vocations et de lumières particulières que vous avez reçues, trouvant toujours le Seigneur aux portes de votre tueur (1), qui vous appelait et attendait depuis si longtemps, en vous attirant à lui par des faveurs réitérées et par les plus sublimes leçons, afin de vous enseigner et de vous assurer qui sa bonté vous a disposée et choisie pour l'étroit lieu de son amour et de ses communications (2), et afin que vous fassiez tous vos efforts pour arriver à la grande pureté que cette vocation demande.

 

(1) Sap., VI, 15 ; Apoc., III, 20. — (2) Coloss., III, 14.

 

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511. Vous n'ignorez pas non plus, puisque la foi vous l'enseigne, que Dieu ne soit en tout lieu, par présence, par essence et par puissance (1), et que toutes vos pensées, tous vos désirs et tous vos gémissements ne lui soient découverts, sana qu'il y en ait aucun qui lui puisse être caché (2). Et si, convaincue de cette vérité, vous travaillez comme une fidèle servante à conserver la grâce que vous recevez par le moyen des sacrements et par d'autres canaux que la divine Providence a établis, le Seigneur sera avec vous d'une autre manière par une assistance spéciale; et ainsi il vous aimera et caressera comme son épouse bien-aimée (3). Or, sachant et comprenant tout cela, dites-moi maintenant ce qu'il vous reste à envier, à souhaiter, puisque vous atteignez, vous possédez l'objet de vos plus ardents désirs? Ce qu'il vous reste et ce que je demande de vous, c'est que vous tâchiez, avec une sainte émulation, d'imiter la conversation et de reproduire les qualités des anges et la pureté de mon époux, enfin de modeler, autant que possible, votre vie sur la mienne, afin que vous deveniez la digue demeure du Très-Haut (4). Vous devez faire tous vos efforts pour vous conformer à ces instructions et y apporter cette même vivacité de désirs avec laquelle vous auriez voulu vous trouver à même de voir et d'adorer mon très-saint Fils lors de sa naissance : car si vous m'imitez, vous pouvez être certaine

 

(1) Act., XVII, 27 ; Ps. CXXXVIII, 7; Jerem., XXIII , 24. — (2) Ps. XXXVII, 10. — (3) Joan., XIV, 28. — (4) 1 Cor., III, 17.

 

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que je serai votre maîtresse et votre protectrice, et que vous aurez le Seigneur en votre âme par une possession assurée. Dans cette certitude vous, lui pouvez parler, prendre vos délices avec lui et l'embrasser comme s'il était près de vous, puisqu'il a revêtu la chair humaine et s'est fait enfant pour communiquer ces délices aux âmes pures et saintes. 'Toutefois, vous devez toujours dans l'enfant considérer le parfait Homme-Dieu, afin que vos caresses soient accompagnées d'un profond respect et votre amour d'une sainte crainte ; car, quoiqu'il daigne recevoir l'amour par sa bonté infinie et par sa grande miséricorde, le respect ne lui en est pas moins dû.

512. Vous devez persévérer dans ce commerce du Seigneur sans aucun intervalle de tiédeur qui puisse le dégoûter, parce que votre occupation légitime et continuelle doit consister en l'amour et eu la louange de son Être infini. Je veux due vous ne preniez tout le reste qu'en passant, de sorte que les choses visibles et terrestres puissent à peine vous toucher et vous arrêter un instant. C'est à cette hauteur que vous devez élever votre vol, n'aspirant réellement à aucune chose créée en dehors du souverain et véritable bien que vous cherchez. Vous n'avez qu'à m'imiter, qu'à vivre pour Dieu, tout le reste ne doit vous rien être, pas plus que vous pour tout le reste. Quant aux dons et aux biens que vous recevez, je veux que vous les dispensiez et communiquiez à votre prochain avec l'ordre de la charité parfaite que le détachement

 

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augmente de plus en plus, loin de la diminuer (1). En cela pourtant il y a lieu de garder une juste mesure, suivant votre condition et votre état, comme je vous l'ai enseigné et expliqué en d'autres rencontres.

 

CHAPITRE XIII. L'auguste Marie connut que c'était la volonté du Seigneur que son très-saint Fils fût circoncis. — Elle en parle à saint Joseph. — Le nom sacré de Jésus vient du ciel.

 

513. Aussitôt que la très-prudente Vierge fut devenue mère par l'incarnation du Verbe dans son sein , elle commença à considérer les souffrances que son très-doux Fils venait endurer. Et comme la connaissance qu'elle avait des Écritures était si profonde , elle pénétrait tous les mystères qu'elles renfermaient; et par cette science' elle prévoyait et pesait avec une compatissante indicible ce qu'il devait souffrir pour la rédemption du genre humain. Ces peines. qu'elle repassait dans son âme d'une vue si claire, furent un long martyre pour la très-douce Mère de l'Agneau qui devait être sacrifié (2). Mais pour ce qui regarde

 

(1) I Cor., XIII, 8. — (4) Jerem., XI, 19.

 

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le mystère de la circoncision qui se devait faire peu de temps après la naissance, notre divine Dame n'avait reçu aucun ordre exprès et ne connaissait point la volonté du Père éternel. Par cette incertitude le Seigneur excitait la compassion, les affections, et la douce voix de la tendre et amoureuse Mère. Elle considérait dans sa sagacité que son très-saint Fils venait honorer et confirmer sa loi en l'exécutant et en l'accomplissant lui-même (1); qu'il venait en outre souffrir pour les hommes (2); que son très-ardent amour ne refuserait point la douleur de la circoncision, et que pour d'autres motifs encore, il pourrait être convenable qu'il la subît.

514. D'autre part, l'amour maternel et la compassion la portaient à souhaiter que son très-doux Fils fût affranchi de cette peine s'il était possible, d'autant plus que la circoncision était un sacrement destiné pour ôter la souillure du péché originel , dont l'Enfant-Dieu était si exempt, ne l'ayant point contracté en Adam. Saintement indifférente dans cet amour pour son très-saint Fils, et cette soumission aux ordres,du Père éternel, la très-prudente Dame fit plusieurs actes héroïques de vertus, qui furent extrêmement agréables à sa divine Majesté. Et quoiqu'elle eût pu sortir de ce doute en demandant tout de suite au Seigneur. ce qu'elle devait faire, elle s'en abstenait néanmoins, parce qu'elle était aussi humble que prudente. Elle ne le demanda pas non plus à ses anges,

 

(1) Matth., V, 17. — (2) Matth., XX, 28.

 

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parce qu'elle attendait en toutes choses avec due sur gesse admirable le moment opportun fixé par la divine Providence, et qu'elle ne témoignait jamais d'empressement ni de curiosité pour connaître l'avenir par des voies extraordinaires et surnaturelles, surtout quand il paraissait devoir la soulager de quelque peine. Lorsqu'il se présentait une affaire importante et épineuse, en laquelle le Seigneur pouvait être offensé, ou une occasion pressante pour le bien des créatures, en laquelle il fallait consulter la volonté de Dieu; elle demandait auparavant la permission de le supplier de vouloir lui déclarer son bon plaisir.

515. Cela n'est pas contraire à ce que j'ai écrit en la première partie, liv. II, chap. X, savoir que la très-pure Marie ne faisait rien sans en avoir demandé la permission su Seigneur et sans consulter le Très-Haut; en effet, elle ne recherchait point cette connaissance du bon plaisir divin avec le désir de la recevoir par une révélation extraordinaire; car, comme je l'ai dit, elle était à cet égard très-discrète et très-prudente, ne sollicitant une révélation qu'en des cas fort rares; mais elle consultait, en dehors de ces communications spéciales, la lumière habituelle et surnaturelle du Saint-Esprit, qui la gouvernait et conduisait dans toutes ses actions, et en y élevant la vue intérieure, elle y découvrait la plus grande perfection et la plus hante sainteté qu'on puisse apporter dans la manière de faire les choses et dans les actions communes. Et quoiqu'il soit vrai que la Reine du ciel eût diverses raisons, et comme un droit particulier de demander

 

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au Seigneur par un moyen quelconque la connaissance de sa volonté; néanmoins, comme cette grande Dame était un exemplaire et une règle de sainteté et de discrétion, elle ne s'en prévalait point, excepté dans les occasions convenables; et dans tout le reste, elle accomplissait à la lettre ce que dit David : Comme les yeux de la servante sont attentifs sur les 'mains de sa maîtresse, de même mes yeux sont fixés sur le Seigneur, en attendant que sa miséricorde soit avec nous (1). Mais cette lumière ordinaire était plus grande en la Reine de l'univers qu'en tous les mortels ensemble; et elle lui suffisait pour demander le Fiat de la volonté divine qu'elle connaissait.

516. Le mystère de la circoncision était particulier, unique; c'est pourquoi il exigeait une illumination spéciale du Seigneur que la prudente Mère attendait fort à propos, et dans cette attente, s'adressant à la loi qui l'ordonnait, elle disait en elle-même : « Oh! loi commune, tu es juste et sainte; mais tu ne laisseras pas d'être bien dure à mon coeur, si tu dois le  blesser en Celui qui en est la vie et l'unique Maître! Que tu sois rigoureuse pour laver du péché celui  qui en est souillé, cela est juste; mais que tu pèses  de toute ta force sur l'innocent en qui l'on ne peut  trouver aucune faute, il me semble que c'est un excès de rigueur que son amour seul peut autoriser (2). Oh! si mon bien-aimé voulait bien éviter cette peine! Mais comment la refusera-t-il, lui qui

 

(1) Ps., CXXII, 3. — (2) Hebr., VII, 26 et 27.

 

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ne vient que pour souffrir, pour embrasser la croix,  pour accomplir et perfectionner la loi (1). Oh ! cruel instrument, si tu exécutais le coup sur ma  propre vie, plutôt que sur le Maître qui me l'a don née ! Oh ! mon très-cher Fils ! mon doux amour, lumière de mon âme, est-il possible que vous versiez   sitôt un sang qui vaut plus que le ciel et la terre?  Mon amoureuse peine me porte à empêcher la vôtre,  et à vous exempter de la loi commune, qui ne vous   regarde pas, puisque vous en êtes l'auteur. Mais le  désir que j'ai de l'accomplir m'oblige de vous livrer  à sa rigueur, si vous, ma douce vie, ne commuez   pas la peine en me la faisant endurer. C'est moi,  Seigneur, qui vous ai donné l'être humain, que vous  avez d'Adam; mais vous l'avez reçu sans aucune   tache de péché, et c'est pour cela que votre toute puissance m'a dispensée de la loi commune de le contracter. En tant que Fils du Père éternel, et image de sa substance parla génération éternelle, vous êtes infiniment éloigné du péché (2). Or comment, mon divin Seigneur, voulez-vous vous assujettir à la loi de son remède? Mais je vois bien, mon très-cher Fils, que vous êtes le Maître et le Rédempteur des hommes, que vous devez confirmer la doctrine par votre exemple, et que vous n'en omettrez pas un seul point (3). O Père éternel, faites, s'il est possible, que le couteau perde dans cette occasion sa rigueur, et la chair sa sensibilité, que la

 

(1) Matth., XX, 28 ; V, 17. — (2) Hebr., I, 3. — (3) Matth., V, 18.

 

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douleur échoie à cet abject vermisseau, que votre Fils unique accomplisse la loi, et que j'en ressente  moi seule la peine douloureuse. O cruel péché,  que tu es prompt à communiquer ton aigreur à  Celui qui n'a pu te commettre! O enfants d'Adam,  haïssez et craignez le péché, qui a besoin pour son remède de l'effusion du sang et des souffrances du Seigneur Dieu lui-même. »

517. Cette tristesse de la pitoyable Mère était mélangée de la joie qu'elle avait de voir le Fils unique du Père né et entre ses bras; elle passa ainsi les jours qui s'écoulèrent jusqu'à la circoncision, son très-chaste époux Joseph partageant tous ses sentiments car elle ne parla qu'à lui seul du mystère, et ce fut avec fort peu de paroles, à cause de leur compassion et de leurs larmes. Avant que les huit jours de la naissance fussent accomplis, la très-discrète Reine s'adressant, dans le doute où elle était, à sa divine Majesté, lui dit: « Suprême Roi de l'univers, Père de mon Seigneur, voici votre servante avec le sacrifice  et l'hostie véritable dans ses mains (1). Mes gémissements et le sujet qui les cause ne sont point   cachés à votre sagesse (2). Découvrez-moi, Seigneur, votre divine volonté quant à ce que je dois a faire avec votre Fils et le mien pour me conformer a à la loi. Et si j'en puis exempter mon très-doux  enfant et mon Dieu en souffrant moi-même les don leurs de sa rigueur et beaucoup plus encore, mon

 

(1) Ephes., V, 2. — (2) Ps. XXXVII, 10.

 

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 coeur y est tout disposé (1); mais si c'est, Seigneur,  votre bon plaisir qu'il soit circoncis, j'y suis aussi  disposée. »

515. « Le Très-Haut lui répondit en ces termes Ma Fille et ma Colombe, ne vous affligez pas de livrer votre Fils au couteau et à la circoncision, car je l'ai envoyé au monde pour y montrer l'exemple et pour mettre fin à la loi de Moïse en l'accomplissant entièrement (2). Si ce vêtement de l'humanité que vous lui avez donné comme mère naturelle doit être déchiré par la blessure de sa chair et de votre âme en même temps, il souffrira aussi en son honneur, étant mon Fils naturel par la génération éternelle (3), l'image de ma substance (4), égal à moi en nature, en majesté et en gloire (5), puisque je le livre à la loi et au sacrement qui ôte le péché sans manifester aux hommes qu'il ne saurait l'avoir. Vous savez bien, ma fille, que vous me devez offrir votre Fils et le mien pour cette peine, et pour d'autres plus grandes. Laissez-lui donc verser son sang, et me donner les prémices du salut éternel  des hommes. »

519. Notre divine Dame, comme coopératrice de notre remède, se conforma à cette détermination du Père éternel avec une telle plénitude de sainteté, qu'il n'est pas possible à l'intelligence humaine de la mesurer. Elle lui offrit aussitôt son Fils unique avec une

 

(1) Ps. CVI, 8. — (2) Matth., V, 17. — (3) Ps. II, 7. — (4) Hebr., I, 8. —- (5) Joan., X, 30.

 

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très-soumise obéissance et un très-ardent amour, et lui dit : « Seigneur Dieu tout-puissant, je vous offre de tout mon coeur la victime et l'hostie de votre  sacrifice agréable (1), quoique je sois pénétrée de compassion et de douleur en voyant que les hommes  ont offensé de telle sorte votre bonté immense,   qu'une juste satisfaction ne peut vous être donnée  que par un être qui soit Dieu. Je vous loue éternellement de ce que vous regardez la créature avec  un amour infini, n'épargnant pas votre propre Fils  pour son remède (2). Pour moi, que vous avez daigné choisir pour sa Mère, je dois être soumise à  votre bon plaisir plus que tous les mortels et que  toutes les autres créatures : ainsi je vous offre le  très-doux Agneau qui doit effacer les péchés du  monde par son innocence (3). Mais s'il est possible  d'adoucir pour mon Fils bien-aimé la rigueur de ce   couteau en le tournant contre mon sein, votre bras  est puissant pour faire cet échange. »

520. L'auguste Marie sortit de cette oraison, et, sans révéler à saint Joseph ce qu'elle y avait appris, elle lui proposa avec une rare prudence et les raisons les plus persuasives de se préparer à la circoncision de l’Enfant-Dieu. Elle lui dit, comme en le consultant, que le temps fixé par la loi pour la circoncision du divin Enfant s'approchant déjà (4), il semblait nécessaire de l'accomplir, puisqu'ils n'avaient point d'ordre

 

(1) Ephes., V, 2. — (2) Rom., VIII, 32. — (3) Joan., I, 29. — (4) Luc., II, 21; Gen., XVII, 12.

 

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contraire; et qu'étant tous deux plus redevables au Très-Haut que toutes les créatures ensemble, ils devaient aussi, en retour de tant de bienfaits incomparables, être plus ponctuels à se conformer à ses préceptes, et plus prompts à souffrir pour son amour dans le ministère qu'ils remplissaient auprès de son très-saint Fils, devant dépendre de sa divine volonté en toutes choses. Le très-saint époux lui répondit avec beaucoup de respect et de sagesse qu'il se conformait en tout au bon plaisir divin manifesté par la loi commune, puisque le Seigneur ne lui avait appris rien d'autre à cet égard; et que le Verbe humanisé, quoiqu'il ne fuit point soumis à la loi en tant que Dieu; étant néanmoins revêtu de l'humanité, et en tout un Maître et Rédempteur très-parfait, voudrait se conformer aux autres hommes en ce qui regardait son accomplissement. Ensuite il demanda à sa divine épouse comment il faudrait procéder à la circoncision.

521. La très-sainte Vierge lui répondit que, tout en accomplissant la loi en sa substance, il lui semblait, quant au mode, qu'il fallait faire comme aux autres enfants que l'on circoncisait; mais qu'elle ne devait point l'abandonner ni le remettre à aucune autre personne; qu'elle même le porterait et le tiendrait entre ses bras; et que, comme par suite de sa complexion délicate l'Enfant éprouverait une plus grande douleur que les autres circoncis, il fallait qu'ils tinssent tout prêt le remède dont on se servait ordinairement pour guérir la blessure. Outre cela elle pria saint Joseph de chercher avec diligence une petite fiole de cristal ou

 

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de verre pour y mettre les sacrées reliques de la circoncision de l'Enfant-Dieu, qu'elle voulait porter sur elle. Cependant la prévoyante Mère prépara des linges pour recevoir le sang qu'on allait commencer à verser pour le prix de notre rachat, afin qu'il n'en tombât pas alors une seule goutte à terre. Après ces préparatifs, notre divine Dame chargea saint Joseph d'avertir le prêtre et de le prier de venir. dans la grotte, afin que l'Enfant n'en sortit point et qu'il fit lui-même la circoncision, comme ministre le plus légitime et le plus digne d'un si grand et si profond mystère.

522. Ensuite l'auguste Marie et saint Joseph délibérèrent sur le nom qu'ils devaient donner à l'Enfant-Dieu dans la circoncision; sur quoi le saint époux dit : « Chère Dame, quand l'ange du Très-Haut me révéla  le grand mystère de l'incarnation, il m'ordonna en  même temps d'appeler votre sacré Fils Jésus. » La Vierge Mère répondit : « Il me désigna le même nom  lorsque le Verbe prit chair dans mon sein; or,  sachant le nom que le Très-Haut veut lui donner  par la bouche des anges ses ministres, il est juste  que nous révérions avec un humble respect les jugements impénétrables de sa sagesse infinie en ce saint nom, et que mon Fils et mou Seigneur soit  appelé Jésus : c'est ce que nous déclarerons au  prêtre pour qu'il écrive ce divin nom sur le registre des autres enfants circoncis. »

523. Pendant que la grande peine du ciel et saint Joseph s'entretenaient sur ce sujet, des troupes innombrables d'anges descendirent de l'empyrée en

 

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forme humaine, avec des vêtements d'une blancheur éclatante, rehaussés par des ornements incarnats d'une richesse admirable. Ils portaient des palmes en leurs mains et des couronnes si brillantes sur leurs tètes, que- chacune envoyait plus de lumière que plusieurs soleils ensemble; et, en comparaison de la beauté de ces saints princes, tout ce qu'il y a de visible et de beau dans la nature ne parait que laideur. Mais ce qui frappait davantage dans leur aspect, c'était une devise, comme gravée sous un cristal sur leur poitrine, où le très-doux nom de Jésus était marqué. Et la. splendeur qui en rejaillissait surpassait celle de tous les anges ensemble, de sorte que la variété qui se découvrait, dans une telle multitude était si rare et si agréable, qu'il n'est possible ni de l'exprimer par des paroles ni de la concevoir par l'imagination. Ces saints anges, étant entrés dans la grotte, se partagèrent en deux chœurs, regardant tous avec admiration leur Roi et leur Seigneur entre les chastes bras de la bienheureuse Mère. Les deux grands princes saint Michel et saint Gabriel étaient comme les chefs de cette milice céleste; ils avaient aussi un plus grand éclat que les autres anges : et outre cet avantage ils portaient en leurs mains le très-saint nom de Jésus, écrit en plus gros caractères sur des espèces de médaillons d'une beauté et d'une richesse extraordinaires.

524. Les deux princes célestes se présentèrent à part à leur peine et lui dirent : « Illustre Dame, voici le nom de votre Fils, qui est écrit de toute éternité dans l'entendement de Dieu : la très-sainte Trinité

 

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l'a donné à votre Fils unique, notre Seigneur, avec puissance de sauver le genre humain (1); elle l'assied sur le trône de David; il y règnera (2), il châtiera ses ennemis, il en triomphera (3) et les humiliera jusqu'à s'en servir de marchepied (4) ; et, jugeant avec équité, il élèvera ses amis et les placera dans la gloire de sa droite (5). Mais tout cela doit a arriver au prix de ses peines et de son sang, qu'il a doit maintenant verser en prenant ce nom, parce a que c'est un nom de Sauveur et de Rédempteur; et  ce seront les prémices de ce qu'il doit souffrir pour  obéir au Père éternel. Nous tous, ministres et esprits a du Très-Haut, qui nous présentons ici, avons été  envoyés par la très-sainte Trinité pour servir le Fils   unique du Père et le vôtre, assister à tous les mystères et sacrements de la loi de grâce, et l'accompagner comme serviteurs jusqu'à ce qu'il monte  triomphant it la Jérusalem céleste et qu'il en ait ou vert les Portes an genre humain; après quoi nous en  jouirons avec nue gloire accidentelle qui nous sera  particulière, et au-dessus des autres bienheureux  qui n'auront pas reçu cette mission privilégiée. » Le bienheureux époux saint Joseph vit et entendit tout cela avec la Reine du ciel, mais l'intelligence n'en fut pas égale; car la Mère de la Sagesse y pénétra de très-hauts mystères de la rédemption. Et quoique saint Joseph en découvrit plusieurs de son côté, ce fut

 

(1) Matth., I, 21. — (2) Isa., IX, 7. — (3) Coloss., II, 15 ; Ps., LIV, 19 . — (4) Ps. CIX, 9.  — (5) Matth., XXV, 33.

 

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d'une manière inférieure ï celle de sa divine épouse; ils furent néanmoins tous deux remplis de joie et d'admiration, glorifiant le Seigneur par de nouveaux cantiques. Et il se passa entre eux tant de choses admirables, qu'il n'est pas possible de trouver des termes assez expressifs pour les raconter.

 

Instruction que l'auguste Marie me donna.

 

525. Ma fille, je veux renouveler en vous la doctrine et la lumière que vous avez reçues, pour traiter vôtre Seigneur et votre Époux avec une extrême révérence; car l'humilité et la crainte respectueuse doivent croître dans les âmes à mesure quelles reçoivent des faveurs plus particulières et plus extraordinaires. C'est manque de cette science que beaucoup d'âmes ou se rendent indignes ou incapables des grands bienfaits, ou, out en les recevant, se laissent aller à une familiarité aussi grossière que dangereuse, par laquelle elles offensent beaucoup le Seigneur; car il arrive bien souvent que, beaucoup la douceur amoureuse avec laquelle plusieurs fois sa divine bonté les caresse, elles prennent une certaine hardiesse ou légèreté présomptueuse qui les fait traiter sa Majesté infinie sans le respect qui lui est dû, et rechercher avec une vaine curiosité, par des voies surnaturelles, ce qui est su- dessus de leur entendement et qu'il ne leur est pas convenable de

 

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savoir. Cette témérité vient de ce qu'elles comparent, par une ignorance terrestre le commerce familier avec le Très-Haut à celui qu'une créature humaine a coutume d'avoir avec une autre qui lui est égale, croyant que la chose doive se passer sans aucune différence.

            526. Mais on se trompe fort dans ce jugement, par lequel on mesure le respect que l'on doit à la Majesté infinie avec les rapports de familiarité et d'égalité que l'amour humain établit entre les mortels. Chez les créatures raisonnables la nature est égalé, malgré la diversité des conditions et des accidents; les sentiments d'une affection intime peuvent faire oublier la. différence qui les rend inégales, et régler par les mouvements humains ces relations d'amitié. Mais l'amour divin ne doit jamais oublier l'excellence inestimable de l'objet infini; or, comme il s'adresse à la bonté immense, et que par cet endroit il n'a point de limites, de même le respect s'adresse à la majesté de l'Être divin : et parce que la bonté et la majesté sont inné parables en Dieu, le respect ne doit pas être non plus séparé de l'amour en la créature; la lumière de la foi divine, qui découvre à l'amant l'essence de l'objet qu'il aime, doit toujours le guider; elle doit exciter et entretenir une crainte révérentielle, et régler les affections désordonnées auxquelles se livre ordinairement un amour aveugle et inconsidéré, quand il agit sans se rappeler l'excellence et la supériorité infinie de Celui qu'il aime.

527. Quand la créature a le coeur noble et qu'elle est accoutumée 'à la sainte et respectueuse crainte, elle

 

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n'est point en danger d'oublier, dans les plus fréquentes et les plus grandes faveurs, la révérence qui est due au Très-Haut; parce qu'elle ne s'abandonne point sans réflexion aux douceurs spirituelles, et qu'elle n'y perd pas la prudente attention qu'on doit toujours porter à sa suprême Majesté ; au contraire, plus elle l'aime et la connaît, plus elle l'honore et la révère. C'est avec ces âmes que le Seigneur traite d'une manière familière et comme un ami avec un autre (1). Que ce soit donc pour vous, ma fille, une règne inviolable, que quand vous jouirez des plus tendres caresses, des plus étroits embrassements du Très-Haut, vous soyez d'autant plus soigneuse de révérer la grandeur de son être infini et immuable, de le glorifier autant que vous l'aimerez. Par cette science vous apprécierez beaucoup mieux le bienfait que vous recevez, et vous ne tomberez point dans la hardiesse dangereuse des gens légers qui veulent à tout propos, dans les petites comme dans les grandes choses, rechercher et interroger le secret du Seigneur, et qui demandent que sa très-prudente Providence condescende et se prête à leur vaine curiosité, poussés qu'ils sont par quelque passion désordonnée que font naître des affections humaines et répréhensibles, et non le zèle du saint amour.

528. Considérez à cet égard la discrétion avec laquelle j'agissais et je m'arrêtais dans mes doutes, quoique jamais aucune pure créature n'ait pu être à

 

(1) Exod., XXXIII, 11.

 

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beaucoup près aussi agréable que moi aux yeux du Seigneur. Cela, étant, et lorsque j'avais dans mes bras Dieu lui-même, en qualité de sa véritable Mère, je n'osai néanmoins jamais le prier de me faire connaître quoi que ce fût par des voies extraordinaires, soit pour le savoir, soit pour me soulager de quelque peine, soit pour quelque autre motif humain; car tout cela aurait marqué une faiblesse naturelle ou une vaine curiosité, ou un défaut blâmable, et c'est ce qu'on ne saurait trouver en moi. Mais quand la nécessité m'y obligeait pour la gloire du Seigneur, ou que le sujet était indispensable , alors je demandais la permission à sa divine Majesté de lui exposer mon désir. Et bien qu'elle me fut toujours très-favorable et qu'elle me demandât avec une bonté merveilleuse ce que je souhaitais de sa miséricorde, je m'anéantissais néanmoins toujours en sa présence, et la priais seulement de m'enseigner ce qui lui serait le plus agréable.

529. Gravez, ma fille, cette instruction dans votre coeur, et gardez-vous bien de chercher jamais avec un désir désordonné et curieux à savoir ou à pénétrer la moindre chose qui soit au-dessus de la raison humaine. Car, outre que le Seigneur ne répond point à ces prétentions insensées, tant elles lui déplaisent, le démon est fort attentif à ce vice, surtout quand il se trouve dans les personnes qui veulent mener une vie spirituelle : et comme il est d'ordinaire l'auteur de ces sentiments de curiosité vicieuse, et qu'il les développe par ses rusa, il arrive souvent qu'elles lui

 

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servent encore à les entretenir, en se transformant en ange de lumière (1), de sorte qu'il trompe les imparfaits et les imprudents. Et quand même ces recherches ne viendraient que d'une inclination naturelle, on ne doit pas non plus l'écouter ni la suivre, parce qu'il ne faut pas dans une affaire si haute qu'est le commerce avec le Seigneur, se laisser aller aux impressions ni aux appétits d'une raison passionnée; car la nature, dépravée, infectée par le péché, est tellement désordonnée, qu'elle n'imprime que des mouvements irréguliers auxquels on ne doit pas obéir, et d'après lesquels on ne doit pas se diriger. Il ne faut pas non plus qu'une créature implore des révélations divines pour être soulagée de ses peines et de ses afflictions; car l'épouse de Jésus-Christ et son fidèle serviteur ne doivent pas user de, ses faveurs pour fuir la croix, mais pour la chercher et la porter avec le Seigneur (2), et pour l'attacher à celle que sa divine Providence leur donnera. Je veux que vous pratiquiez tout cela avec urie retenue craintive, tendant vers cette extrémité pour vous éloigner du contraire. Je veux que vous perfectionniez dès aujourd'hui les motifs de votre conduite, et que vous agissiez en toutes choses par amour, c'est-à-dire pour les fins les plus parfaites (3). L'amour n'a ni bornes ni mesure : ainsi je veux que vous aimiez avec excès et que vous craigniez avec modération, et autant qu'il sera nécessaire pour ne pas transgresser la loi du

 

(1)  II Cor., XI, 14. — (2) Matth., XVI, 24. — (3) Philip., I, 9.

 

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Très-Haut et pour régler toutes vos opérations intérieures et vos actions extérieures avec droiture. Soyez soigneuse et ponctuelle en cela, quelques difficultés et quelques peines que vous rencontriez : n'ai je pas souffert aussi en me décidant à faire circoncire mon très-saint Fils (1). Je le fis, parce que la volonté du Seigneur, à qui nous devons en tout et partout obéir, nous était déclarée dans les saintes lois.

 

CHAPITRE XIV. L'Enfant-Dieu est circoncis et appelé Jésus.

 

530. Il y avait à Bethléem, comme dans plusieurs autres villes d'Israël, une synagogue particulière où le peuple s'assemblait pour prier (2), c'est pourquoi on l'appelait aussi maison d'Oraison, et pour ouïr faire la lecture de la loi de Moïse, qu'un prêtre lisait et expliquait en chaire d'une voix intelligible, afin que le peuple en comprit les préceptes. Mais on, n'offrait point de sacrifices dans cette synagogue, car cela était réservé pour le temple de Jérusalem, si le Seigneur n'en disposait autrement, parce qu'il n'avait

 

(1) Gen., XVII, 12. — (2) Judit., VI, 21 ; Act., XIII, 11.

 

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pas laissé le choix du lieu à la liberté du peuple,. comme on le voit dans le Deuteronome (1), pour éloigner le péril de l'idolâtrie. Mais le prêtre, qui était le maître ou le ministre de la loi, l'était aussi de la circoncision, non par un précepte qui obligeât, car chacun pouvait circoncire même sans être prêtre, mais par une dévotion spéciale des mères, qui laissait croire à la plupart' que les enfants ne courraient pas tant de danger s'ils étaient circoncis par la main du prêtre. Notre auguste Reine voulut, non. par cette crainte, mais à cause de la dignité de l'Enfant, que le ministre de sa circoncision fût le prêtre qui se trouvait en Bethléem, et c'est pour cela que son bienheureux époux Joseph l'appela.

531. Le prêtre vint dans la grotte de la nativité, où le Verbe incarné et sa Mère Vierge, qui le tenait entre ses bras, l'attendaient : il était accompagné de deux autres ministres, qui l'aidaient ordinairement dans le ministère de la circoncision. L'horreur de l'humble réduit surprit et contraria un peu le prêtre. Mais notre très-prudente Reine le reçut et lui parla avec tant de modestie et de grâce, qu'elle sut bientôt changer cette impression fâcheuse en dévotion et en admiration des manières si honnêtes, si modestes et si dignes de la Mère; de sorte qu'il se sentit porté, sans en connaître la cause, à respecter et à vénérer, une si rare créature. Et quand il eut jeté les yeux sur la Mère et sur l'Enfant qu'elle avait entre ses bras,

 

(1) Deut., XII, 5 et 6.

 

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il éprouva dans son coeur quelque chose d'extraordinaire qui lui inspira une très-grande dévotion et une tendresse singulière, étonné de ce qu'il voyait dans une telle pauvreté et dans un lieu si misérable. Et au moment oh il toucha la chair déifiée de l'Enfant-Dieu, il fut aussitôt entièrement renouvelé par une vertu secrète qui le purifia et le perfectionna; et lui donnant une nouvelle grâce, elle le rendit saint et fort agréable au souverain Seigneur de l'univers.

532. Pour faire la circoncision avec toute la révérence extérieure qui était possible dans un tel lieu, saint Joseph alluma deux cierges; et le prêtre dit à la Vierge Mère de se retirer un peu, et de remettre l'Enfant aux ministres, afin d'éviter la douleur que la vue du sacrifice lui causerait. Cet ordre mit notre grande Dame dans l'irrésolution, car son humilité la portait à obéir au prêtre, et d'un autre côté l'amour et la révérence qu'elle avait pour son Fils unique la retenaient. Et pour ne point manquer à ces deux vertus, elle pria le prêtre avec beaucoup de soumission de vouloir lui permettre, s'il était possible, d'assister au sacrement de la circoncision, pour la grande estime qu'elle en faisait, disant qu'elle aurait assez de courage et de force pour tenir son très-saint Fils, qu'elle ne saurait se résoudre à quitter, et qu'elle le suppliait seulement de procéder à la circoncision avec toute la douceur possible; à cause de la complexion délicate de l'Enfant. Le prêtre promit de le faire, et permit à la Mère de tenir l'Enfant entre ses bras pendant la cérémonie. De sorte qu'elle fut l'autel sacré

 

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sur lequel les réalités que les anciens sacrifices représentaient, commencèrent d'être accomplies, offrant elle-même de ses mains ce sacrifice nouveau et du matin, afin qu'il fût dans tous ses détails agréable au Père éternel (1).

533. La divine Mère démaillota son très-saint Fils , et tira de son sein un linge qu'elle y échauffait par la chaleur naturelle, à cause du froid rigoureux qu'il faisait alors; elle prit avec ce linge l'Enfant entre ses mains, de manière à y recevoir les reliques et le sang de la circoncision. Le prêtre fit son office, et circoncit l'Enfant-Dieu et homme véritable, qui offrit en même temps avec une charité immense au Père éternel trois choses d'un si grand prix, que chacune suffisait pour la rédemption de mille mondes. La première fut la forme du pécheur qu'il avait prise, étant innocent et Fils du Dieu vivant (2), car il recevait le sacrement qui était administré pour ôter la souillure du péché originel, et s'assujettissait à la loi à laquelle il n'était point obligé. La seconde fut la douleur qu'il ressentit comme homme véritable et parfait. La troisième fut le très-ardent amour avec lequel il commençait à verser son sang pour le prix de la rédemption des hommes; et il rendit des actions de grâces au Père pour lui avoir donné un corps, afin de pouvoir souffrir pour son honneur et pour sa gloire.

534. Le Père reçut avec complaisance cette prière et ce sacrifice de notre Seigneur Jésus-Christ, et commença,

 

(1) Hebr., IX, 6, etc. — (2) Philip., II, 7; Il Cor., V, 21.

 

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pourrait-on dire, à considérer le genre humain comme libéré de sa dette. Le Verbe incarné offrit ces prémices de son sang pour gage de ce qu'il le donnerait jusqu'à la dernière goutte, pour consommer la-rédemption, et acquitter l'obligation qui grevait les enfants d'Adam (1). La très-sainte Mère observait toutes les actions et les opérations intérieures de son Fils unique, elle pénétrait avec une profonde sagesse le mystère de ce sacrement, et s'associait de son côté, dans les limites de son rôle, à son Fils et à son Seigneur en ce qu'elle faisait. L'Enfant-Dieu pleura comme homme véritable. Et bien que la douleur de la plaie fût excessive, tant à raison de la délicatesse de sa complexion qu'à cause de la rudesse du couteau, fait d'une pierre à feu, ce ne fut pas tant 1a douleur naturelle qui lui arracha des larmes, que la science surnaturelle avec laquelle il prévoyait la dureté des mortels, plus invincible et plus forte que celle de cette pierre, pour résister à son très-doux amour et à la flamme qu'il venait allumer dans le monde et dans les coeurs des fidèles (2). La tendre et amoureuse Mère pleura aussi comme une simple brebis qui mêle son bêlement à celui de son innocent agneau. Dans leur mutuel amour et leur mutuelle compassion, il se rejeta sur sa Mère, et elle le pressa doucement et avec tendresse contre son sein virginal; elle prit ensuite-les sacrées reliques et le sang versé sur le linge, et remit le tout à saint Joseph, pour

 

(1) Coloss., II, 14. — (2) Luc., XII, 49.

 

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prendre soin de l'Enfant-Dieu et l'envelopper de ses langes. Le prêtre fut en quelque façon surpris des larmes de la Mère, et quoiqu'il en ignorât le mystère, il lui parut que la beauté de l'Enfant pouvait bien exciter en celle qui l'avait mis au monde une sollicitude aussi tendre et une aussi vive douleur.

535. La Reine du ciel montra tant de prudence et de magnanimité dans toutes ces oeuvres, qu'elle provoqua l'admiration des choeurs des anges, et mérita toutes les complaisances du Créateur. La divine Sagesse qui la conduisait éclatait en toutes ses actions, donnant à chacune d'elles une perfection consommée, comme si elle n'eût été occupée qu'à une seule. On la vit pleine d'un courage invincible pour tenir l'Enfant pendant la circoncision, soigneuse pour ramasser les précieuses reliques, compatissante pour le plaindre et pour pleurer avec lui en souffrant de sa douleur, amoureuse pour le caresser, diligente pour l'envelopper, fervente pour l'imiter en ses oeuvres, et toujours pieuse pour le traiter avec un souverain respect, sans qu'elle laissât aucune interruption entre ces actes, et sans que le soin et la perfection de l'un nuisissent à l'attention que réclamaient les autres. Admirable spectacle en une jeune fille de quinze ans, et fécond en enseignements pour les anges de plus en plus ravis! Cependant le prêtre demanda aux saints époux quel nom ils souhaitaient donner à l'Enfant circoncis, et notre grande Dame, toujours attentive au respect qu'elle portait à saint Joseph, lui dit de le déclarer. Le saint, se tournant vers elle avec une digne

 

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vénération , lui fit connaître qu'un si doux nom devait sortir de sa bouche. Et par une divine disposition, Marie et Joseph dirent en même temps : « Jésus est son nom (1). » Le prêtre répondit : « Les parents sont bien d'accord, et grand est le nom qu'ils donnent à l'Enfant; » puis il l'inscrivit sur le registre commun. En inscrivant ce sacré nom, il fut touché d'une grande tendresse intérieure qui lui fit verser beaucoup de larmes; et étonné de ce qu'il sentait et ignorait, il dit : « Je suis sûr que cet Enfant sera un  grand prophète du Seigneur. Ayez un soin particulier de son éducation, et dites-moi en quoi je puis  vous être utile. » L'auguste Marie et son bienheureux époux répondirent au prêtre par un humble remerciement, et lui donnèrent eux-mêmes en offrande les cierges et quelques autres petites choses, après quoi, il prit congé d'eux.

536. La sainte Vierge et Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant, ils célébrèrent de nouveau le mystère de la circoncision, en faisant le sujet de leur entretien avec de douces larmes et des cantiques sublimes, qu'ils composèrent en l'honneur du très-doux nom de Jésus, et dont la connaissance (comme je l'ai dit des autres merveilles) est réservée pour la gloire accidentelle des saints. La très-prudente Mère pansa la plaie de l'Enfant-Dieu avec les remèdes ordinaires, et le tint jour et nuit entre ses bras pendant tout le temps que sa douleur et sa plaie durèrent, sans le quitter un

 

(1) Luc., II, 21.

 

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seul moment. On ne saurait comprendre ni exprimer par des paroles humaines les soins amoureux de la divine Mère, car son affection naturelle surpassa celle de toutes les autres mères, et son amour surnaturel fut au-dessus de celui de tous les saints et de tous les anges ensemble. On ne saurait non plus faire connaître par aucun exemple le culte respectueux qu'elle lui rendait. C'étaient bien là les délices que le Verbe incarné désirait et qu’il prenait avec les enfants des hommes (1). Parmi les douleurs qu'il ressentait par les choses que je viens de raconter, son coeur amoureux jouissait de l'éminente sainteté de sa Mère vierge. Et quoiqu'il se complût en elle plus qu'en tous les mortels, et qu'il se reposât en son amour, néanmoins notre très-humble Reine trichait d'adoucir les peines qu'il recevait d'ailleurs par tous les moyens qui lui étaient possibles. C'est pour ce sujet qu'elle convia les saints anges qui se trouvaient présents de chanter une musique à leur Dieu humanisé, enfant et souffrant. Les ministres du Très-Haut obéirent à leur Reine, et chantèrent avec des voix intelligibles et avec une mélodie céleste les mêmes cantiques qu'elle et son époux avaient composés à la louange du nouveau et très-doux nom de Jésus.

537. Par cette musique si harmonieuse, en comparaison de laquelle le plus beau concert des hommes ne serait qu'un bruit propre à écorcher les oreilles, la divine Dame récréait son très-aimable Fils; et

 

(1) Prov., VIII, 31.

 

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beaucoup plus encore par celle qu'elle-même lui donnait par l'harmonie de ses héroïques vertus, qui faisaient dans son âme très-sainte comme autant de chœurs et d'escadrons bien rangés, ainsi que le Seigneur lui-même et son époux le lui dit, dans les Cantiques (1). Le coeur humain est dur et plus que pesant pour pénétrer et reconnaître des mystères si vénérables, que l'amour immense de son Créateur et Rédempteur a destinés pour son salut éternel. O mon Dieu et la vie de mon Ame ! comme nous vous payons mal de retour pour les tendresses de votre amour infini ! O charité sans borne et sans mesure ! puisque sous ne pouvez pas être éteinte par l'abondance des eaux de nos infidélités et de nos ingratitudes (2). La bonté et la sainteté par essence ne sauraient descendre plus bas, ni nous obliger davantage, que de prendre la forme de pécheur et de recevoir, étant l'innocence même, le remède du péché, qui ne pouvait point l'atteindre (3). Si les hommes méprisent cet exemple, s'ils oublient ce bienfait, comment oseront-ils dire qu'ils ont du jugement et de la raison? Comment seront-ils assez présomptueux pour se glorifier de leur, sagesse et de leur intelligence? Qu'il serait prudent, ô homme ingrat ! si de pareilles oeuvres de Dieu ne te touchent point, de t'affliger de ton insensibilité et de pleurer une si lamentable folie et une dureté si effroyable, que tous les feux de

 

(1) Cant., VII, 1. — (2) Cant , VIII, 7. — (3) Philip., 7 ; II Cor., V, 21.

 

l'amour divin ne suffisent point pour fondre la glace de ton coeur !

Instruction que je refus de mon auguste Maîtresse.

 

538. Ma fille, je veux que vous considériez attentivement la faveur que vous recevez lorsque je vous fais connaître avec combien de soin , de sollicitude et de tendre dévotion je servais mon très-saint et très-doux Fils dans les mystères que vous avez décrits. Le Très-Haut ne vous éclaire pas d'une lumière si particulière, pour que vous vous arrêtiez seulement à la consolation qu'elle vous procure par les sentiments dont elle vous pénètre ; mais afin que vous m'imitiez en tout comme une fidèle servante, et qu'étant privilégiée comme vous l'êtes en l'intelligence des mystères de mon Fils, vous vous distinguiez aussi dans la reconnaissance de ses bienfaits. Or, considérez, ma très-chère fille, combien son divin amour est mal payé des mortels, et combien même il est méconnu et oublié des justes. Chargez-vous personnellement de réparer ce tort dans la petite mesure de vos forces, en l'aimant, le remerciant et le servant pour vous et pour tous les autres qui ne le font pas. A cet effet, vous devez être active et prompte comme un ange, fervente dans la dévotion, ponctuelle

 

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dans les occasions, et entièrement morte à tout ce qui est terrestre, rompre les chaînes des inclinations humaines pour élever votre vol où le Seigneur vous appelle.

539. Vous n'ignorez pas, ma fille, la douce efficace qu'a le vif souvenir des oeuvres que mon très-saint Fils a faites pour les hommes; et quoique cette lumière vous soit d'un puissant secours pour vous exciter à la reconnaissance, je vous avertis pourtant (afin que vous ne tombiez pas dans ce dangereux oubli) que les bienheureux dans le ciel, connaissant en Dieu ces mystères, s'étonnent d'eux-mêmes pour le peu d'attention et de réflexion qu'ils y ont fait pendant qu'ils étaient voyageurs. Car sils pouvaient être capables d'y souffrir quelque peine, ils regretteraient amèrement la froideur avec laquelle ils ont apprécié les oeuvres de la rédemption et la nonchalance avec laquelle ils ont travaillé à imiter le, Christ. Il est certain que la cruauté que montre le coeur de l'homme, tant contre lui-même que contre son Créateur et Sauveur, jette tous les anges et les saints dans une stupéfaction indicible; et, en effet, les mortels n'ont aucune compassion ni des peines que le Seigneur a souffertes pour eux, ni davantage de celles qu'ils doivent souffrir eux-mêmes. Et quand les réprouvés, dans une consternation sans remède, s'apercevront de leur effroyable oubli et du peu d'attention qu'ils ont donné aux oeuvres que Jésus-Christ a opérées pour leur salut, la confusion et le dépit leur causeront une peine insupportable, qui à elle seule

 

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sera un châtiment incompréhensible (1), en leur rappelant le mépris qu'ils ont fait de leur surabondante rédemption (2). Écoutez bien, ma fille, prêtez l'oreille à mes conseils et à la doctrine de la vie éternelle (3). Éloignez de vos puissances toute sorte d'image et d'affection humaine; attachez tout votre coeur et tout votre entendement aux mystères et au: bienfaits de la rédemption (4). Appliquez-vous-y entièrement; méditez-les, pesez-les, et rendez-en des actions de grâces comme s'ils n'eussent été que pour vous et pour chaque homme en particulier, ou qu'il n'y eût que vous pour les reconnaître. Vous trouverez en eux la vie, la vérité et le chemin de l'éternité (5); et si vous le suivez, vous ne marcherez point dans les ténèbres, au contraire vous y rencontrerez la lumière et la paix (6).

 

(1) Sap., V, 4, etc. — (2) Ps. CXXIX, 7. — (3) Ps. XLIV, 11. — (4) Galat., II, 20. — (5) Joan., XIV, 6. — (6) Baruch., III, 14.

 

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CHAPITRE XV. La très-pure Marie demeure dans la grotte de la nativité avec l'Enfant-Dieu jusqu'à la venue des mages.

 

540. Notre grande Reine savait par la science infuse qu'elle avait des saintes Écritures et par tant de sublimes révélations, que les mages viendraient de l'Orient pour reconnaître et adorer son très-saint Fils pour le véritable Dieu (1). Elle avait été particulièrement informée de ce prochain mystère par l'ange qui fut envoyé à ces rois pour leur annoncer la naissance du Verbe incarné, comme je l'ai dit ait chapitre XIe de ce livre, paragraphe 492 ; car la Mère Vierge eut connaissance de tout cela. Saint Joseph n'avait aucune notion de ce mystère, car il ne lui avait pas été révélé, et sa très-prudente épouse ne lui découvrait pas son secret, elle qui, sage et circonspecte en toutes choses, attendait que la volonté divine opérât en ces mystères, au montent opportun, par sa cloute disposition (2). C'est pourquoi, la circoncision étant célébrée, le saint époux proposa à la Reine du ciel de quitter un lieu si pauvre quo l'était

 

(1) Ps. LXXI, 10 ; Isa., LX, 6. — (2) Sap., VIII, 1.

 

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la grotte, à cause des incommodités que l'Enfant-Dieu et elle y souffraient, lui persuadant qu'ils trouveraient dés lors à Bethléem un logement inoccupé, où ils pourraient se retirer jusqu'à ce que fût arrivé le temps d'aller présenter l'Enfant dans le temple de Jérusalem : ce que le très-fidèle et très-soigneux époux proposa à la sainte Vierge, parce qu'il craignait toujours de ne pas pouvoir dans sa pauvreté , procurer au Fils et à la Mère toutes les commodités dont ils pouvaient avoir besoin, remettant pourtant le tout à la volonté de sa divine épouse.

541. La très-humble Reine lui répondit, sans néanmoins lui découvrir le mystère: « Mon époux et mon maître, je suis prête à faire tout ce que vous m'ordonnerez, et à vous suivre partout où vous voudrez aller; faites ce que vous jugerez le plus à propos. » La divine Reine avait déjà voué un certain attachement à la grotte à cause de la bassesse et de la pauvreté du lieu, et parce que le Verbe incarné l'avait consacrée par les mystères de sa naissance et de sa circoncision, et par celui qu'elle attendait des rois mages, quoiqu'elle ignorât le temps de leur arrivée. Cet attachement était pieux, plein de dévotion et de vénération; mais il ne l'empêchait pas de préférer l'obéissance à ses goûts particuliers, et de s'y soumettre pour servir en toutes choses d'exemplaire et de règle de la perfection la plus sublime. Cette vertueuse indifférence mit saint Joseph dans un plus grand embarras, parce qu'il désirait que son épouse décidât ce qu'ils devaient faire. Et pendant qu'ils en

 

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conféraient ensemble, le Seigneur répondit par l'organe des princes saint Michel et saint Gabriel, qui s'occupaient visiblement du service de leur divin Seigneur et de leur grande Reine, et qui dirent: « La  volonté divine a ordonné que les trois rois qui  viennent des régions de l'Orient pour chercher le Roi du ciel, adorent ici même le Verbe fait homme. Il y a dix jours qu'ils sont en marche, car ils ont été aussitôt avertis de la sacrée naissance, et ils se sont mis incontinent en chemin; ils arriveront dans  très-peu de temps; ainsi seront accomplies les prédictions des prophètes qui les ont vus et annoncés  de fort loin (1) ».

542. Par ce nouvel avis, saint Joseph fut consolé et informé de la volonté du Très-Haut; et son épouse la sainte Vierge lui dit : « Mon seigneur, quoique ce lieu que le Tout-Puissant a choisi pour de si magnifiques mystères, soit pauvre et incommode aux yeux  du monde, il est pourtant riche, précieux, le meilleur et le plus estimable de la terre aux yeux de sa sagesse, puisque le Souverain des cieux s'en est contenté en le consacrant par sa divine présence. Sa puissance est assez grande pour nous faire jouir  de sa vue dans cet endroit, qui est une véritable  terre promise. Et s'il le trouve à propos, il nous  adoucira les rigueurs de la saison pendant le peu de  temps que nous y demeurerons. » Le discours de  notre très-prudente Reine causa une sensible joie à

 

(1) Ps. LXXI, 10 ; Isa., LX, 6.

 

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saint Joseph, qui lui répondit que, puisque l'EnfantDieu se conformerait aux prescriptions de la loi pour la présentation au Temple, comme il s'y était conformé pour la circoncision, ils pouvaient demeurer dans ce sacré lieu jusqu'à ce que le jour arrivât, sans retourner auparavant, dans la mauvaise saison, à Nazareth, qui était trop éloigné. Que si par hasard la rigueur du froid les forçait à le quitter et à se retirer dans Jérusalem, ils le pouvaient aisément faire, puisqu'elle n'était distante de Bethléem que de deux lieues.

543. L'auguste Marie se plia entièrement à la volonté de son vigilant époux, tout en conservant toujours une secrète inclination pour ce sacré sanctuaire, beaucoup plus saint et plus vénérable que celui du temple ; et en attendant qu'il fuit temps d'y aller présenter son Fils, elle fit tout son possible pour le garantir de l'injure du temps. Elle nettoya de nouveau la grotte et fit pour l'arrivée des rois tous les préparatifs que comportait la pauvreté du lieu. Mais la plus grande précaution qu'elle prit pour l'Enfant-Dieu fut de le tenir toujours entre ses bras, quand elle n'était pas absolument obligée de s'en séparer. Elle usa surtout de la puissance souveraine qu'elle avait sur toutes les créatures quand l'hiver déployait sa fureur; car elle commandait au froid, aux vents, à la neige et aux frimas de ne point nuire à leur Créateur, mais d'exercer sur elle seule leur inclémence et les âpres influences des éléments. La divine Reine leur disait : «  Détournez vos rigueurs de votre Créateur et Conservateur, qui vous a donné l'être, la vertu et la faculté

 

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d'opérer. Considérez, ô créatures de mon  bien-aimé, que vous n'en avez été armées qu'à  cause du péché (1), et que pour châtier la désobéissance du premier Adam et sa postérité ! Mais envers le second, qui vient réparer cette chute, et  qui n'a pas pu y être entraîné, vous devez être bénignes et respectueuses, lui rendant, loin de lui  nuire, de justes hommages et services. C'est ce que  je vous commande en son nom, vous défendant de  le gêner et de le faire souffrir. »

544. La prompte obéissance que les créatures irraisonnables rendaient à la volonté divine qui leur était intimée par la Mère de Dieu lui-même, est digne de notre admiration et de notre imitation; car il arrivait, quand elle l'ordonnait, que la neige, les vents et la pluie n'osaient s'en approcher, et s'arrêtaient à une distance de plus de cinq toises, et que l'air ambiant se tempérait et se changeait en une agréable chaleur. Cette merveille était accompagnée d'une autre: c'est qu'en même temps que l'Enfant-Dieu recevait cet adoucissement, la Mère Vierge qui le portait dans ses bras, ressentait la rigueur du froid et souffrait les intempéries de la saison avec toute l'intensité que pouvaient leur donner les forces de la nature. Cela arrivait parce que tout lui était soumis, et qu'elle ne voulait point s'exempter elle-même de la peine, dont Mère amoureuse et maîtresse des créatures dociles, elle préservait son tendre Fils et son adorable Seigneur. Saint

 

(1) Sap., V, 18, etc.

 

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Joseph jouissait aussi bien que l'Enfant-Dieu des doux effets de ce privilège, et s'apercevait du favorable changement de la température; mais il ne savait pas que tout cela se produisit par le commandement de sa divine épouse, et par l'action de son pouvoir, attendu quelle ne lui faisait pas connaître ce privilège, qu'elle n'avait pas reçu ordre du Très-Haut de lui révéler.

545. La conduite et la règle que la grande Reine du ciel observait en nourrissant son petit Enfant Jésus; était de l'allaiter trois fois par jour, ce qu'elle faisait avec tant de respect, qu'elle lui en demandait très-humblement la permission; le suppliant de lui pardonner son indignité, et se reconnaissant en tolutes choses sa sujette. Maintes fois lorsqu'elle l'avait entre ses bras , elle se mettait à genoux pour l'adorer; et si elle avait besoin de s'asseoir, elle le priait de vouloir bien le lui permettre. C'est avec le même respect que, comme je l'ai dit ailleurs, elle le remettait à saint Joseph, et le reprenait de ses mains. Souvent elle lui baisait les pieds, et quand elle souhaitait de le baiser au visage, elle sollicitait intérieurement sa bienveillance et son agrément. Le très-doux Enfant répondait à ses caresses maternelles, non-seulement en les recevant avec un air aimable, que relevait toujours une certaine majesté, mais encore par d'autres actions qu'il faisait de la même manière que les autres enfants,quoique avec plus de sérénité et de retenue. Le plus ordinairement il se penchait avec amour sur le chaste sein de sa très-pure Mère, ou sur son épaule, en entourant son cou de ses petits bras divins. Et la

 

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très-sainte Vierge était si sérieuse et si circonspecte au milieu de toutes ces caresses, qu'elle ne se les attirait pas par des puérilités, et qu'elle ne les repoussait pas non plus par des semblants de menaces, comme font les autres mères. Elle était en tout très-prudente et très-parfaite, sans défaut ni excès : de sorte que le plus grand amour de son très-saint Fils et les sensibles marques qu'il lui en prodiguait lui servaient à s'humilier davantage, et lui inspiraient une profonde vénération qui réglait ses affections et leur donnait un plus vif éclat de sainteté et de perfection.

546. Il y avait entre l'Enfant-Dieu et la Mère Vierge d'autres sortes de caresses mystiques : car, outre qu'elle connaissait toujours par la divine lumière les actes intérieurs de l'âme très-sainte de son Fils unique, comme je l'ai dit, il arrivait souvent que, l'ayant entre ses bras, l'humanité lui apparaissait comme un cristal transparent, et alors la sainte Vierge y voyait l'union hypostatique, l'âme du divin Enfant, et toutes les opérations auxquelles il se livrait en priant le Père éternel pour le genre humain. Alors la divine Dame l'imitait en ses oeuvres et en ses prières, et se trouvait toute abîmée et transformée en son propre Fils. Dans cet état le Seigneur la regardait avec une joie accidentelle et en faisait toutes ses délices, comme se récréant en la pureté d'une telle créature et se réjouissant de l'avoir créée, et de ce que la Divinité s'était incarnée pour reproduire une si vive image de cette même Divinité, aussi bien que l'humanité qu'elle avait prise de sa substance virginale. A propos

 

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de ce mystère, il me fut rappelé ce que dirent à Holopherne ses capitaines, quand ils virent la belle Judith dans les champs de Béthulie : « Qui méprisera le  peuple hébreu, et qui condamnera la guerre que  nous lui faisons, puisqu'il a des femmes d'une si  rare beauté (1)? » Ce discours parait mystérieux et véritable en ce qui regarde le Verbe incarné, qui a pu dire la même chose avec beaucoup plus de raison au l'ère éternel et à toutes les créatures. Qui niera que je n'aie eu un juste sujet de descendre du ciel sur la terre pour y prendre chair humaine et pour y détruire le diable, le monde et la chair, en les vainquant et en les anéantissant, puisque parmi les enfants d'Adam il se trouve une femme telle que ma Mère? O mon doux amour! vertu de ma vertu, vie de mon âme, aimable et amoureux Jésus! Ah ! vous le voyez, dans toute la nature humaine, il n'y a que la seule Marie gui ait une telle beauté! Elle est l'unique, l'élue (2), et si parfaite à vos yeux, mon divin Maître et Seigneur, que non-seulement elle égale tout le reste de votre peuple, mais qu'elle le surpasse à un degré incommensurablc; elle seule supplée à la laideur de toute la postérité d'Adam.

547. La très-douce Mère ressentait de si sublimes effets parmi ces délices de son Enfant-Dieu, qu'elle en était toute spiritualisée et déifiée de nouveau. lit, dans les élans qui transportaient son âme très-pure, elle eût  rompu cent fois les attaches du corps terrestre

 

(1) Judith.,  X, 18. — (2) Cant., VI, 8.

 

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pour l'abandonner; cent fois sa vie se fût consumée dans l'incendie de son amour, si elle n'eût été miraculeusement fortifiée et soutenue. Elle s'adressait mentalement et oralement à son très saint Fils en des termes si relevés et si mesurés, qu'on ne saurait les traduire dans notre grossier langage. Tout ce que je pourrai dire sera toujours fort au-dessous de-ce divin entretien, selon ce qui m'a été manifesté. Elle lui disait : « O mon amour! douce vie de mon âme, qui êtes-vous, et qui suis-je? Que voulez-vous faire de moi en abaissant vos grandeurs et vos magnificences jusqu'à favoriser une poussière inutile? Que pourra a faire votre servante pour votre amour, et pour vous  témoigner sa reconnaissance? Que vous rendrai-je  pour tant de bien que vous m'avez fait (1)? Mon être, ma vie, mes puissances, mes sens, mes désirs  et mes soupirs, tout cela vous appartient. Consolez votre servante et votre mère, afin que, dans l’ambition qu'elle a de vous servir, elle ne se décourage pas à la vue de son insuffisance, puisqu'elle ne peut   pas mourir de votre amour. Oh ! que la capacité  des hommes est bornée, que leur pouvoir est petit, que leurs affections sont faibles, puisqu'ils ne peuvent parvenir à payer votre amour d'un juste retour! Vous vaincrez toujours en magnificence et en  miséricorde vos créatures; vous chanterez des victoires et des triomphes d'amour, et nous, qui nous reconnaîtrons vaincus à la vue de nos impuissances,

 

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nous nous soumettrons à votre pouvoir. Nous nous enfoncerons humblement dans notre a poussière, et votre nom sera glorifié et exalté dans les siècles des siècles. » Notre divine Dame connaissait quelquefois, par la science de son très-saint Fils, les âmes qui se distingueraient dans la loi de grâce en l'amour divin; elle discernait les oeuvres qu'elles feraient, les martyres qu'elles souffriraient pour imiter le même Seigneur : et par cette intuition elle était enflammée dans son émulation d'un amour si ardent, que le martyre de désir de notre auguste Reine surpassait tous ceux qu'on a effectivement soufferts. Alors elle expérimentait ce que l'i1poux dit dans les Cantiques, que l'émulation de l'amour était forte comme la mort et dure comme l'enfer (1). Comme l'amoureuse Mère ne mourait pas, malgré tout le désir qu'elle avait de mourir, son très-saint Fils lui répondait ces paroles, qui y sont rapportées : Mettez-moi comme un cachet sur votre coeur et sur votre bras (2), lui en donnant en même temps et l'effet et l'intelligence. Par ce divin martyre, la sainte Vierge fat la première de tous les martyrs. Le très-doux Agneau Jésus paissait au milieu de ces lis, pendant que le jour de la grâce s'approchait et que les ombres de l'ancienne loi commençaient à me dissiper (3).

548. L'Enfant-Dieu ne mangea aucune chose tant qu'il fut à la mamelle virginale de sa très-sainte Mère, et il ne se nourrit que de son seul lait, qui était aussi

 

(1) Cant., VIII, 6. — (2) Ibid. — (8) Cant., II, 16 et 17.

 

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doux et aussi substantiel que le corps de cette auguste Dame, où il se formait, était pur, parfait et réglé en toutes ses humeurs et ses qualités; il surpassa, après celui de notre Seigneur Jésus-Christ, tous les autres corps en santé et en toute autre sorte de perfection ce sacré lait se serait conservé par ses propres qualités un très-longtemps sans se corrompre, et, par un privilège singulier, il ne se serait jamais altéré; étant certain que celui des autres femmes s'aigrit et se corrompt bientôt, comme l'expérience nous l'apprend.

549. Le bienheureux époux Joseph ne jouissait pas seulement des faveurs et des caresses de l'Enfant-Dieu, comme témoin oculaire de celles qui se passaient entre le Fils et la Mère : mais il fut aussi trouvé digne d'en recevoir immédiatement de Jésus lui -même, parce que très-souvent sa divine épouse le lui remettait entre les bras, lorsqu'il fallait qu'elle s'occupât à quelque chose dont l'exécution l'empêchait de le garder avec elle, comme à préparer le repas, à ajuster la layette, à balayer la maison. Alors saint Joseph le tenait, et son âme en ressentait toujours des effets divins. L’Enfant Jésus lui montrait extérieurement un visage agréable, il s'appuyait sur son sein, et, tout en conservant une dignité, une retenue vraiment royales, il lui témoignait son affection par diverses caresses, comme les autres enfants ont accoutumé de faire à l'égard de leurs pères. Toutefois ces faveurs n'étaient pas accordées au saint aussi fréquemment ni aussi tendrement qu'à la véritable Mère et Vierge. Et quand elle laissait l'Enfant, elle prenait eu échange les reliques

 

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de la circoncision, que son glorieux époux portait ordinairement sur lui pour sa consolation. Ainsi ils étaient toujours enrichis l'un et l'autre, Marie par son très-saint Fils, et Joseph par le précieux sang qu'il venait de verser et par sa chair déifiée. Ils conservaient ces très-saintes reliques dans une petite fiole de cristal que le saint chercha, comme je l'ai dit, et qu'il acheta de Forgent que sainte Élisabeth leur avait envoyé; notre grande Dame y mit la chair (lui fut coupée et le sang qui fut versé en la circoncision, en coupant du linge qui avait servi à ce ministère les endroits où il avait coulé. Et, afin que le tout y fût dans une plus grande sûreté, notre puissante Reine ferma par son seul commandement la petite fiole dont l'ouverture était garnie d'argent, et à sa voix cette garniture recouvrit et embrassa l'orifice de la fiole bien mieux que n'aurait pu faire l'artisan qui l'avait fabriquée. De sorte que la très-prudente Mère y garda ce sacré trésor pendant toute sa vie; elle remit ensuite ce précieux dépôt aux apôtres; et le leur laissa comme appartenant à la sainte Église. Je me trouve si abîmée dans la mer immense de ces mystères et dans une si grande impuissance de les expliquer à cause de l'ignorance de mon sexe et de la faiblesse de mes termes, (lue je m'en rapporte pour un grand nombre à la foi et à la piété chrétienne.

 

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Instruction que la très-sainte Vierge me donna.

 

550. Ma fille, vous avez été avertie dans un des chapitres précédents de ne rien demander au Seigneur par des moyens extraordinaires, ni pour diminuer vos peines, ni par une inclination naturelle, et moins encore par une vaine curiosité. Je vous recommande maintenant de ne point suivre non plus vos sentiments pour désirer ou exécuter la moindre chose extérieure par aucun de ces motifs, attendu que vous devez, modérer et réfréner vos inclinations en toutes les opérations de vos puissances et applications de vos sens, sans leur donner ce qu'ils exigent, fût-ce sous quelque prétexte apparent de vertu ou de piété. Je ne devais pas craindre de dépasser les bornes dans mes affections, à cause de mon innocence irréprochable; le désir que j'avais de demeurer dans la grotte où mon très-saint Fils était né et où il avait reçu la circoncision, ne manquait pas non plus d'une piété sincère; mais malgré tout cela et malgré. les questions de mon époux , je ne voulus pas manifester ce désir, parce que je préférai l'obéissance à cette dévotion, sachant que c'était la voie la plus sûre pour les âmes et la plus agréable à Dieu, que de chercher, sa sainte volonté par le conseil et l'opinion d'autrui, plutôt que dans ses propres inclinations. Ce fut en moi un plus grand mérite et une plus grande perfection; mais pour vous et pour toutes les autres âmes,

 

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qui courez risque d'errer en suivant votre propre sentiment, ce doit être une loi plus rigoureuse qui vous fasse prévoir ce danger, pour vous en éloigner avec précaution et diligence; car la créature ignorante et au coeur si étroit, s'attache facilement à des bagatelles par une inclination et une affection puériles ; et parfois elle s'occupe tout entière d'un mince détail comme d'une grosse affaire : ce qui n'est rien en soi lui parait quelque chose. Et tout cela la rend incapable, et la prive en même temps des grands biens spirituels, de la grâce, de la lumière et du mérite.

551. Vous graverez cette instruction et toutes celles que je dois vous donner dans votre coeur, et vous tacherez d'y faire un recueil de tout ce que je faisais, afin que, pénétrée de l'intelligence que vous en aurez, vous le mettiez en pratique. Considérez la révérence, l'amour, le soin que j'avais pour mon très-saint fils, la réserve et la sainte circonspection avec laquelle je le traitais. Et quoique j'eusse toujours vécu dans cette crainte vigilante, néanmoins, après l'avoir conçu dans mon sein, je ne le perdis plus un instant de vue, et rien ne put ralentir l'amour qu'il me communiqua alors. Mon coeur ne trouvait aucun apaisement dans l'ardeur où j'étais de lui être plus agréable, jusqu'à ce que, unie et abîmée dans la participation de ce souverain bien, de cette dernière fin de toutes choses, je pusse quelquefois m'y reposer comme dans mon centre. Mais bientôt je retombais dans mon inquiétude ordinaire, comme celui qui

 

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poursuit son chemin sans s'arrêter à ce qui ne le peut avancer et qui retarde son désir. Mon coeur était si éloigné de s'attacher à aucune des choses de la terre et de suivre l'inclination sensible, qu'à cet égard je vivais comme si je n'eusse pas été de la commune humaine nature. Et si les autres créatures ne sont pas libres des passions, ou si elles ne les vainquent point autant qu'il leur serait possible, qu'elles se plaignent de leur propre volonté, et non point de la nature c'est celle-ci qui, dans sa faiblesse, aurait au contraire le droit de se plaindre; car elles pourraient, avec l'empire de la raison , la régler et la diriger, et c'est pourtant ce qu'elles ne font pas; au contraire, elles lui laissent suivre des voies mauvaises, et l'y poussent même par les incitations du libre arbitre, en même temps qu'elles se servent de l'entendement pour la mener à la recherche des objets les plus dangereux et des occasions où elle doit trouver sa perte. Au milieu de Lotis ces précipices qui bordent la vie humaine, je vous recommande, nia très-chère fille, de ne convoiter et de ne poursuivre atteinte chose visible, quelque nécessaire et quelque légitime qu'elle vous paraisse. Faites eu sorte de n'user que par obéissance et avec l'agrément de vos supérieurs, des choses indispensables, telles que votre cellule, vos vêtements, votre nourriture et le reste, parce que le Seigneur le veut, et je vous le déclare, afin que vous et usiez pour le service du Tout-Puissant. N'oubliez pas que tout ce que vous ferez doit passer par la règle de toutes les instructions que je vous ai données.

 

CHAPITRE XVI. Les trois rois mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe incarné à Bethléem.

 

552. Les trois rois mages qui vinrent chercher l'Enfant-Dieu nouvellement né, étaient originaires de la Perse, de l'Arabie et de Saha, régions à l'est de la Palestine. David prophétisa particulièrement leur venue (1), et avant lui, Balaam , quand il bénit par la volonté divine le peuple d'Israël, quoique Balac, roi des Moabites, l'eût appelé pour le maudire (2). Balaam dit, en le bénissant, qu'il verrait le Roi-Christ, mais non pas alors; qu'il le considèrerait, mais non pas de près (3), parce qu'il ne le vit point par lui-même, mais par les mages ses descendants : et ce ne fut pas incontinent, mais plusieurs siècles après. Il dit aussi qu'une étoile sortirait de Jacob (4), parce qu'elle serait destinée à désigner Celui qui naissait pour régner éternellement en la maison de Jacob (5).

553. Ces trois rois étaient fort versés dans les sciences naturelles, aussi bien que dans les Écritures

 

(1) Ps. LXXI, 10. — (2) Num., XXIII, 24. — (3) Num., XXIV, 17. — (4) Ibid. — (5) Luc., I, 32.

 

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du peuple de Dieu , et c'est pour cela qu'ils furent appelés mages. Par les notions qu’ils puisèrent dans les saintes Écritures et dans leurs entretiens avec plusieurs Hébreux, ils arrivèrent à une espèce de créance de la venue du Messie que ce peuple attendait. C'étaient en outre des hommes droits, amis de la vérité, fort observateurs de la justice dans le gouvernement de leurs États : car ils n'étaient pas aussi étendus que le sont les royaumes de notre temps, ils les gouvernaient facilement par eux-mêmes, et y rendaient la justice comme des princes, sages et vertueux , ce qui est l'office légitime d'un roi. Et c'est pourquoi le Saint-Esprit dit que Dieu tient son coeur dans ses mains pour le conduire comme une eau courante selon sa sainte volonté (1). Ils avaient 1'àme noble, grande et généreuse, incapable de cette avarice et de cette cupidité qui rapetissent, dégradent et tyrannisent tellement les coeurs de certains princes. Et comme leurs États étaient voisins, ils se fréquentaient et se communiquaient les vertus morales qu'ils pratiquaient et les sciences qu'ils professaient, se faisant toujours part des choses importantes qu'ils venaient à apprendre ou à connaître. En un mot, c'étaient des amis intimes, très-fidèles dans leurs relations.

554. J'ai déjà dit au chapitre XIe, paragraphe 492, comment dans la même nuit que naquit le Verbe incarné, ils furent informés de sa naissance temporelle

 

(1) Prov., XXI, 1.

 

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par le ministère des anges: Ce qui arriva en cette manière : un des gardiens de notre Reine, supérieur à ceux que ces trois rois avaient, fut envoyé de la grotte, et comme supérieur il illumina les anges des trois mages, leur déclarant la volonté du Seigneur, qui leur ordonnait de découvrir, chacun à celui qu'il avait sous sa garde , le mystère de l'incarnation et de la naissance de notre Rédempteur Jésus-Christ. Aussitôt les trois anges, parlèrent dans un songe, à la même heure, chacun d'eux, au mage qu'il accompagnait. C'est l'ordre commun des révélations angéliques de se transmettre du Seigneur aux âmes en suivant la hiérarchie des anges eux-mêmes. Cette illumination des rois touchant les mystères de l'incarnation fut très-abondante et très-claire, car ils y apprirent que le Roi des Juifs, vrai Dieu et vrai homme, était né; que c'était le Messie et le Rédempteur qu'ils attendaient, celui que les Écritures et les prophéties promettaient; que l'étoile que Balaam avait annoncée leur serait donnée pour guide, et qu'elle les conduirait où il se trouvait (1). Chaque roi apprit aussi que cet avis était donné aux deux autres; qu'une si grande et si merveilleuse faveur ne devait pas être négligée, mais qu'ils devaient coopérer à la divine lumière et faire tout ce qu'elle leur enseignait. Ils furent illustrés par cette lumière, embrasés d'amour et enflammés d'un désir véhément de

 

(1) Gen., XXVIII,14; II Reg., VII, 13; Isa., IX, 6 ; Jerem., XXIII, 5;  Ezech., XXXIV, 23 et saepe alibi; Num., XXIV, 17.

 

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connaître Dieu fait homme, de l'adorer pour leur Créateur et Rédempteur, et de le servir avec une plus grande perfection; les excellentes vertus morales qu'ils avaient acquises leur servant à tout cela,. parce qu'elles les avaient bien disposés à recevoir la lumière divine.

555. Les rois mages s'éveillèrent après avoir reçu cette révélation du ciel; ils se prosternèrent aussitôt et adorèrent en esprit l'être immuable de Dieu. Ils glorifièrent sa miséricorde et sa bonté infinie, de ce que le Verbe avait pris chair humaine d'une vierge pour racheter le monde et donner le salut éternel aux hommes. Étant tous trois particulièrement animés et dirigés par le même esprit, ils résolurent de. partir sans délai pour la Judée, et de chercher l'Enfant-Dieu pour l'adorer; ils préparèrent les présents d'or, d'encens et de myrrhe qu'ils devaient lui porter dans une égale quantité, parce qu'ils étaient en tout conduits avec. mystère, de sorte que sans qu'ils se fussent rien communiqué, les dispositions et les mesures qu'ils, prirent pour leur voyage furent absolument conformes; et pour hâter leur prompt départ, ils préparèrent le môme jour les chameaux, les provisions et les domestiques qui leur étaient précisément nécessaires. Et sans s'arrêter à l'effet étrange que produirait aux yeux du peuple, de les voir se rendre dans un royaume étranger avec si peu de faste et de suite, sans avoir même une connaissance certaine du lieu,

 

(1) Isa., VII, 14. — (2) Isa., XXXV, 4.

 

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ni aucun signe assuré pour reconnaître l'Enfant, ils se décidèrent , dans la ferveur de leur zèle et dans l'ardeur de leur amour, à aller aussitôt le chercher.

556. En ce même moment, le saint ange qui avait été envoyé de Bethléem aux rois, forma de la matière de l'air une très-brillante étoile, quoiqu'elle ne fait pas aussi grande que celles du firmament, car elle ne monta pas plus haut que la fin de sa formation ne l'exigeait; elle resta dans la région aérienne pour conduire les rois jusqu'à la grotte où était l'Enfant-Dieu. Elle avait une clarté propre qui était différente de celle du soleil et des autres étoiles, et par sa très-belle et très-agréable lumière elle éclairait de nuit comme un flambeau radieux, et se distinguait pendant le jour, malgré la splendeur du soleil, par un éclat extraordinaire. Ces rois ne furent pas plutôt sortis de chez eux, qu'ils virent la nouvelle étoile, unique dans son espèce, parce qu'elle fut placée à une telle distance et hauteur, qu'elle parut à tous trois au môme instant, quoiqu'ils se trouvassent en des endroits différents. Et comme ils prirent tous trois la routé que l'étoile miraculeuse leur marquait, ils ne tardèrent pas de se joindre; et alors elle s'en approcha beaucoup plus; s'abaissant de plusieurs degrés dans la région de l'air, de sorte qu'ils jouissaient de plus près de sa douce lumière. Ensuite ils se communiquèrent leurs révélations aussi bien que

 

(1) Matth., II, 2.

 

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leurs desseins, qui se trouvèrent être tout à fait les mêmes. Dans cette conférence, ils redoublèrent la dévotion et le désir qu'ils avaient d'aller adorer l'Enfaut-Dieu nouveau-né; et, remplis d'admiration et de ferveur, ils glorifièrent le Tout-Puissant en ses couvres et en ses sublimes mystères.

557. Les mages, guidés par l'étoile, poursuivirent leur chemin sans la perdre de vue, jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à Jérusalem. Et comme alors elle disparut, et que cette grande ville était la capitale de la Judée, ils furent portés à croire que c'était le lieu où son légitime et véritable Roi était né. Ils entrèrent dans la ville (1), et demandèrent hautement de ses nouvelles, disant : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu en Orient l'étoile qui annonce sa naissance; c'est pourquoi nous sommes venus pour le voir et pour l'adorer (2). » Hérode , qui à cette époque régnait en Judée, quoique sans aucun droit, et qui résidait à Jérusalem, fut averti de l'événement. Et cet inique prince, alarmé d'entendre parler de la naissance d'un autre roi plus légitime que lui, entra dans de très-grandes inquiétudes (3), et tous les habitants de-la ville en furent troublés avec lui, les uns pour le flatter, et les autres par la crainte d'une révolution. Aussitôt, comme le raconte saint Matthieu, Hérode fit assembler les princes des prêtres et les scribes, pour savoir d'eux en quel lieu devait naître le Christ, qu'ils attendaient suivant les Écritures (4).

 

(1) Matth., II, 1. — (2) Ibid., 2. — (3) Ibid., 3. — (4) Ibid., 4.

 

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Ils lui répondirent que, selon la prédiction d'un prophète (c'est Michée), il devait naître à Bethléem, parce qu'il avilit écrit que le chef qui conduirait le peuple d'Israël, en sortirait (1).

558. Hérode, informé du lieu de la naissance du nouveau Roi d'Israël, et se promettant dès lors de recourir à la ruse pour le perdre, congédia les prêtres et appela secrètement les mages, pour leur demander quand ils avaient vu paraître l'étoile qui annonçait sa naissance (2). Et après qu'ils le lui eurent appris avec sincérité, il les envoya à Bethléem , leur disant avec une malice hypocrite : « Allez, informez-vous  exactement de l'Enfant, et lorsque vous l'aurez  trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j'aille aussi  le reconnaître et l'adorer (3). » Les mages partirent, laissant ce roi perfide tout inquiet et tourmenté des signes si infaillibles qui marquaient l'avènement du Maître légitime des Juifs. Il eut pu se rassurer sur la possession de sa grandeur, en considérant qu'un Enfant qui ne faisait que de naître ne pouvait pas sitôt régner; mais la fortune humaine est si faible et si trompeuse, qu'un enfant seul, ou la moindre menace d'un objet, même éloigné, suffit pour l'abattre, et de simples soupçons empoisonnent toutes les douceurs et toutes les jouissances qu'elle semble offrir à ses favoris.

559. En sortant de Jérusalem, les mages virent de nouveau l'étoile, qui avait disparu à leurs yeux lorsqu’ils

 

(1) Matth., II, 5; Mich., V, 7. — (2) Matth., II, 7. — (3) Ibid., 8.

 

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qu'ils y étaient entrés guidés par sa lumière. Ils arrivèrent à Bethléem, et à la grotte de la nativité, sur laquelle l'étoile s’arrêta (1); s'abaissant ensuite insensiblement et diminuant sou volume matériel, elle pénétra par la porte et se plaça sur la tète de l'enfant Jésus, qu'elle couvrit de ses rayons; après quoi elle s'éclipsa pour se dissoudre dans les éléments dont elle avait été formée. Le Seigneur avait déjà fait savoir l'arrivée des rois à notre grande Reine : et quand elle apprit qu'ils étaient proche de la grotte, elle en prévint sort saint époux Joseph, non afin qu'il s'écartât, mais afin qu'il se tînt à son côté, comme il fit. Et quoique le texte sacré de l'Écriture ne le porte pas, parce que c'était inutile pour l'exposition du mystère, comme il ne porte pas non plus beaucoup d'autres choses que les évangélistes ont passées sous silence, il est pourtant certain que saint Joseph se trouva présent quand les rois adorèrent l’ Enfant Jésus. Il n'était pas nécessaire de prendre des précautions à cet égard, car les mages étaient déjà informés que la mère du nouveau-né était vierge, que son très-saint fils était Dieu (2), et que saint Joseph n'était point son véritable père. Il est constant aussi que Dieu n'aurait pas appelé les rois pour l'adorer sans les avoir auparavant instruits d'une chose si essentielle, et prémunis contre l'erreur qui leur aurait fait croire qu'il était fils de Joseph, et d'une mère qui n'eùt pas été vierge. Ils venaient bien instruits de tout, et avec

 

(1) Matth., II, 9. — (2) Isa., VII, 14 ; IX, 6.

 

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des sentiments proportionnés à des mystères si sublimes.

560. La divine Mère attendait les dévots et pieux rois avec l'Enfant-Dieu, qu'elle tenait dans ses bras elle apparaissait ornée d'une modestie et d'une beauté incomparables; et, à travers son humble pauvreté, on découvrait en elle des marques d'une majesté plus qu'humaine, dont le rayonnement perçait sur son visage. La splendeur de l'Enfant était beaucoup plus grande, et il rejaillissait de son adorable personne une si douce et si agréable lumière, que la grotte en devint un paradis. Les trois rois de l'Orient y entrèrent (1), et au premier aspect du Fils et de la Mère ils furent assez longtemps subjugués par l'admiration. Ensuite ils se prosternèrent, et dans cette posture ils adorèrent l'Enfant, le reconnaissant pour Dieu et homme véritable, et pour le Restaurateur du genre humain. Ils furent de nouveau éclairés intérieurement par la grâce divine et par la présence du très-doux Jésus; et alors ils virent la multitude des esprits angéliques qui, en qualité de serviteurs et de ministres du grand Roi des rois et du Seigneur des seigneurs (2), assistaient avec une sainte crainte et avec un très-profond respect. Après avoir rendu ce culte, ils se relevèrent et félicitèrent aussitôt leur Reine et la nôtre du bonheur qu'elle avait d'être Mère du Fils du Père éternel ; ils lui témoignèrent leur vénération en fléchissant le genou devant

 

(1) Matth., II, 9. — (2) Hebr., I, 14; Apoc., XIX, 16.

 

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elle et ils demandèrent à lui baiser la main, comme on le pratiquait dans leurs royaumes envers les reines. La très-prudente Dame retira la sienne, et leur présenta celle du Rédempteur du inonde, en leur disant : « Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit se réjouit en lui de ce qu'il vous a choisis et appelés d'entre toutes les nations pour voir et pour connaître le Verbe incarné; c'est un bonheur que plusieurs rois et prophètes ont souhaité sans l'obtenir (1). Glorifions et louons son saint nom pour les sublimes mystères, et les grandes miséricordes dont il use envers son peuple ; baisons la terre qu'il sanctifie par sa présence réelle. »

561. Après le discours de l'auguste Marie, les trois rois se prosternèrent et adorèrent de nouveau l'Enfant-Jésus; ils reconnurent le grand bienfait qu'ils recevaient du Ciel, qui leur. faisait naître si heureusement le Soleil de justice pour dissiper leurs ténèbres (2). Ensuite ils s'adressèrent à saint Joseph, et le félicitèrent du bonheur qu'il avait d'être l'époux de la Mère de Dieu, admirant avec une sorte de compassion que les plus grands mystères du ciel et de la terre fussent cachés en une si extrême pauvreté. Et après avoir passé ainsi trois heures, ils demandèrent la permission à la sainte Vierge d'aller à la ville pour y chercher un logement, la grotte étant trop petite pour pouvoir y demeurer. Ils étaient accompagnés de plusieurs personnes, mais il n'y eut que les seuls

 

(1) Luc., X, 24. — (2) Malach., IV, 2 ; Luc., II, 78.

 

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mages qui participassent aux effets de la lumière et de la grâce. Les autres, qui ne s'attachaient qu'à l'extérieur et qu'à l'état pauvre et méprisable de la mère et de son époux, ne connurent point le mystère; ils furent seulement surpris de l'étrangeté du spectacle. Enfin les rois prirent congé, et la très-pure Marie et Joseph restèrent seuls avec l'Enfant, glorifiant par de nouveaux cantiques de louange la divine Majesté; de ce que son saint nom commençait à être eonnn et adoré des nations (1). Je raconterai dans le chapitre suivant les autres choses que les mages firent.

 

Instruction que je reçus de la Reine du ciel.

 

562. Ma fille, il y a dans les choses que ce chapitre contient, de grandes instructions pour les rois et pour les princes, de m¢me que pour les autres enfants de la sainte. Église, s'ils veulent faire réflexion sur la prompte dévotion et la profonde humilité des mages, pour les imiter, et sur l'inique dureté d'Hérode, pour la craindre et l'éviter, car chacun d'eux ne fit que cueillir le fruit de ses oeuvres : les rois, celui des vertus et de la justice qu'ils exerçaient, et Hérode, celui de son aveugle ambition, de l'orgueil avec lequel il régnait injustement, et de plusieurs autres

 

(1) Ps. LXXXV, 9.

 

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péchés dans lesquels le précipitèrent des passions effrénées et insatiables. Cela, joint aux autres avis salutaires que distribue la sainte Église, peut suffire à ceux qui vivent dans le monde. Mais pour vous, ma fille, vous devez vous pénétrer de tout ce que vous avez écrit, et vous approprier les leçons qui en ressortent, considérant que toute la perfection de la vie chrétienne doit être établie sur les fondements des vérités catholiques, et sur une ferme et constante adhésion à ces vérités, comme la sainte foi de l'Église l'enseigne. Et afin de mieux les graver dans votre coeur, vous devez profiter de tout ce que vous lirez et entendrez des divines Écritures, et des autres livres dévots qui contiennent la doctrine des vertus. Il faut que cette foi soit suivie de la pratique de ces mêmes vertus, par l'abondance de toutes les bonnes couvres, dans la perpétuelle attente de la visite et de la venue du Très-Haut (1).

563. Par cette disposition votre volonté sera prompte comme je veux qu'elle le soit, afin que celle du Tout-Puissant trouve en vous la souplesse et la soumission nécessaire, pour vous empêcher de résister à ce qu'il vous manifestera, et pour vous faire agir sans aucun respect humain, aussitôt qu'il vous aura parlé. Si vous êtes docile à cet avis comme vous devez l'être, je vous promets d'être votre étoile et de vous conduire par les voies du Seigneur, où vous marcherez avec célérité (2), jusqu'à ce que vous parveniez à

 

(1) Tit., II, 13 . — (2) Prov., IV, 11 ; Ps., LXXXIII, 7.

 

jouir de la face de vôtre Dieu, et de votre souverain bien dans Sion. Il se trouve une vérité très-essentielle pour le salut des rimes en cette doctrine, et en ce qui arriva aux dévots rois de l'Orient, mais elle est connue de très-peu de personnes, et il y en a encore moins qui y fassent réflexion. C'est que les inspirations que Dieu envoie aux créatures ont régulièrement cet ordre: que les premières excitent à pratiquer quelques vertus; et si l'âme répond à celles-là, le très-Haut lui en envoie d'autres plus vives, afin qu'elle opère avec plus d'excellence : de sorte que, profitant des unes, elle se dispose aux autres, et se ménage de nouveaux et de plus grands secours. Ainsi les faveurs du Seigneur augmentent à proportion que la créature y correspond. fous découvrirez deux choses en cette vérité : la première, combien il est préjudiciable aux hommes de négliger les actes de quelque vertu que ce soit, et de ne pas les pratiquer selon les mouvements des divines inspirations. La seconde, que bien souvent Dieu départirait de très-grandes grâces aux âmes , si elles commençaient par correspondre aux plus petites; car il est prêt, et il attend pour ainsi dire qu'on lui permette d'opérer selon l'équité de ses jugements et de sa justice (1). Et parce qu'elles méprisent cet ordre et ce procédé des évolutions de leur vocation, il suspend les effusions de sa Divinité, et ne distribue point les grâces qu'il souhaiterait de communiquer, et que ces mêmes âmes

 

(1) Apoc., VI, 10.

 

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recevraient si elles; n'y mettaient aucun obstacle; et n'est pour cela qu'elles tombent d'abîme en abîme (1).

564. Les mages et Hérode tinrent des chemins bien opposés; car ceux-là correspondirent par des bonnes oeuvres aux premières grâces; ainsi ils se disposèrent par la pratique de toute sorte de vertus à être appelés et amenés par la révélation divine à la connaissance des mystères de l'incarnation, de la naissance du Verbe et de la rédemption du genre humain; et avec ce bonheur ils obtinrent celui d'être saints et parfaits dans le chemin du ciel. Mais il advint tout le contraire à Hérode, car sa dureté et le mépris qu'il fit d'opérer le bien par le secours du Seigneur, le portèrent à un foi orgueil et à une ambition démesurée. Et ces vices 1'entrainèrent jusque dans le dernier précipice de la cruauté, puisqu'il fut le premier de tous les hommes qui forma le dessein de faire mourir le Rédempteur du monde, se couvrant à cet effet du masque d'une fausse piété et,d'une dévotion hypocrite. De sorte que donnant un libre cours à sa fureur, il, fit périr tous les innocents enfants, pour l'envelopper dans le massacre général et assurer le succès de ses desseins pervers.

 

(1) Ps. XLI, 8.

 

 

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