Textes - 12 - LE MONACHISME OCCIDENTAL
1, 8-12 Nous voulons donc que les frères habitent unanimes dans la maison avec joie. Mais comment garder cette unanimité et cette joie sans déviation ? Avec l'aide de Dieu, nous allons le faire connaître.
Nous voulons qu'un seul soit à la tête de tous, et qu'on ne s'écarte en rien de ses avis et de ses ordres pour suivre une volonté perverse, mais qu'on y obéisse avec allégresse, sans réserve, comme à des ordres du Seigneur.
2, 16-35 Comment mettre à l'épreuve ceux qui quittent le monde pour se convertir ? C'est ce que nous allons exposer. A de telles personnes, il faut d'abord ôter les richesses de ce monde.
Si c'est un pauvre qui se convertit, il a lui aussi des richesses dont il doit se dépouiller. L'Esprit-Saint les désigne en disant par la bouche de Salomon : "Mon âme a horreur du pauvre orgueilleux". Et ailleurs il dit : "Un orgueilleux, c'est comme un blessé". Avec grande diligence le supérieur doit observer cette règle : si un pauvre se convertit, qu'il dépose d'abord son fardeau d'orgueil, et alors, après l'avoir mis à l'épreuve, on le recevra. Avant tout, on doit lui inculquer l'humilité. C'est une grande chose, un sacrifice agréable à Dieu que de ne pas faire sa volonté, mais d'être prêt à tout. En toute circonstance, il doit se rappeler : "Patients dans la tribulation". Quand un homme de ce genre veut se libérer des ténèbres du monde, qu'il commence par venir aux abords du monastère et par coucher devant la porte durant une semaine. Aucun des frères n'entrera en rapport avec lui. On ne fera que lui mettre devant les yeux des choses dures et pénibles. S'il persévère à frapper, on ne lui refusera pas l'entrée qu'il demande, mais le supérieur doit apprendre à ce genre de candidat comment il pourra observer la vie et la règle des frères.
Si c'est un riche qui possède de grandes richesses dans le monde et qui veut se convertir, il doit commencer par accomplir la volonté de Dieu et suivre ce précepte capital qui est donné au jeune homme riche : "Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres. Puis prends ta croix et suis-moi". Ensuite il faut que le supérieur lui apprenne à ne se laisser à lui-même rien d'autre que la croix qu'il portera pour suivre le Seigneur. Et voici la croix suprême qu'il lui faut porter : d'abord, en toute obéissance, ne pas faire sa volonté, mais celle d'autrui. S'il veut donner une part au monastère, qu'il sache à quelles conditions on le reçoit, lui et son offrande. Si d'autre part, il veut avoir avec lui tel de ses serviteurs, il ne l'aura plus pour serviteur, mais pour frère, qu'il le sache bien, afin de se montrer parfait sur toute la ligne.
1. Les soldats du Christ doivent donc régler leur marche de la manière suivante : en gardant entre eux la charité la plus parfaite, "aimer Dieu de toute leur âme, de tout leur esprit, de tout leur coeur et de toutes leurs forces".
2. en pratiquant assidûment entre eux l'obéissance la plus parfaite, en se montrant pacifiques, doux, modestes, sans orgueil, sans injures, sans médisance, sans moquerie, sans bavardage, sans présomption ; ne cherchant pas leur bon plaisir, mais celui du Christ dont ils sont les soldats ; sans se complaire à blâmer ni à contredire personne ; servant sans paresse, disponibles pour la prière, parfaits dans l'humilité, assidus à veiller, joyeux de jeûner.
3. Que personne ne se croie plus juste qu'un autre, mais que chacun se méprise et se juge inférieur à tous, car "Celui qui s'élève sera humilié et celui qui s'humilie sera élevé".
4. Ce que t'ordonne ton ancien, reçois-le comme le salut. Ne murmure jamais en faisant un travail. N'oppose à aucun ordre une réponse négative.
5. Ne t'enorgueillis pas, ne te flatte pas d'avoir fait du bon travail. Ne te réjouis pas d'avoir réalisé un gain et ne t'afflige pas d'avoir subi une perte.
7. Respecte le préposé du monastère comme Dieu même, aime-le comme un père. De même aussi, il faut aimer tous les frères avec lesquels tu comptes bien te voir, toi aussi, dans la gloire du Christ.
8. Ne prends pas en aversion le travail pénible, ne recherche pas non plus l'oisiveté ; accablé par les veilles, trempé de sueur par de justes travaux, dormant debout dans tes allées et venues, gagne ta couche, recru de fatigue, crois que tu reposes avec le Christ.
9. L'ordonnance liturgique du monastère, aime-la par-dessus tout. Quant à celui qui voudra prier plus souvent, il trouvera une plus abondante miséricorde auprès du Christ.
10. Après la récitation des matines, les frères auront étude jusqu'à la deuxième heure, si toutefois il ne se trouve pas de motif obligeant à supprimer l'étude pour faire encore quelque chose en commun.
11. Après la deuxième heure, chacun sera disponible pour son ouvrage jusqu'à la neuvième heure, et tout ce qui lui sera commandé, il l'exécutera sans murmure, comme l'enseigne l'Apôtre.
12. Si quelqu'un murmure ou conteste ou montre en quoi que ce soit de la mauvaise volonté à l'égard des ordres reçus, après avoir été dûment réprimandé selon le jugement de l'ancien et la gravité de la faute, il sera tenu à l'écart aussi longtemps que la nature de sa faute l'exige et qu'il ne se sera pas humilié en faisant pénitence.
14. A l'heure de la prière, quand on donne le signal, celui qui n'abandonne pas immédiatement tout ouvrage qu'il est en train de faire - car rien ne doit être préféré à la prière -, pour se rendre disponible, celui-là restera à la porte, afin d'en éprouver de la honte.
17. Quant à celui qui, souvent corrigé, ne s'amende pas, on lui commandera de se tenir à la dernière place dans l'ordre de communauté. Si même alors il ne s'amende pas, on le traitera en étranger, ainsi que le Seigneur l'a dit : "Qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain".
18. A table en particulier, que personne ne parle, excepté le supérieur et celui qui est interrogé.
19. Que personne ne s'enorgueillisse de son savoir-faire ou de sa voix, mais qu'on mette sa joie dans le Seigneur par l'humilité et l'obéissance.
20. "Cultivez l'hospitalité" en toute circonstance, et "Ne détourne pas les yeux pour laisser le pauvre dans le dénuement", de peur que le Seigneur ne vienne à toi en la personne de l'hôte ou du pauvre, qu'il te voie hésiter et te condamne. Montre-toi plutôt avenant envers tous et agis avec foi.
21. "Quand tu subis un tort, garde le silence". "Ne pas savoir-faire de tort, supporter celui qu'on te fait".
23. Si quelqu'un veut quitter le monde et mener au monastère la vie religieuse, on lui lira la règle à son entrée et on lui exposera tous les usages du monastère. S'il accepte tout cela comme il faut, alors les frères l'accepteront à bon droit dans la communauté.
24. S'il veut apporter quelque bien à la communauté, ce bien sera déposé sur l'autel en présence de tous les frères, comme le prescrit la règle. Si on accepte son offrande, non seulement le bien qu'il a apporté, mais aussi sa propre personne cessera d'être en son pouvoir à partir de cet instant. Même s'il a fait auparavant quelque largesse aux pauvres ou si, à son arrivée en communauté, il a apporté quelque chose aux frères, il ne lui est pas loisible pour autant d'avoir quelque chose à sa disposition.
26. Si un frère commet une faute pour quelque motif que ce soit, il sera exclu de la prière et soumis à des jeûnes sévères. S'il demande pardon en se prosternant devant tous les frères, on lui pardonnera.
27. Si au contraire, il veut persévérer dans son méchant orgueil et dise : "Je n'y tiens plus. Je vais prendre mon manteau et m'en aller là où Dieu le voudra pour moi", le premier frère qui l'entendra dire cela ira le rapporter au préposé, et le préposé à l'abbé. L'abbé siégera en présence de tous les frères et on le fera comparaître. Après l'avoir corrigé à coups de verges, on priera pour lui, et alors on le recevra à la communion. En effet, ceux qui ne se laissent pas corriger par de bonnes paroles, on les guérit à coups de verges.
28. Si d'aventure un frère veut quitter le monastère pour un motif de discorde, quel qu'il soit, on ne lui mettra rien d'autre qu'un vêtement tout à fait ridicule, et il s'en ira hors de la communion, comme un infidèle. Car les doux et les pacifiques s'emparent du royaume d'en haut ; ils sont mis au nombre des fils du Très-Haut ; ils reçoivent des couronnes précieuses, resplendissantes. "Mais les fils des ténèbres s'en iront dans les ténèbres extérieures". "Sur qui me reposerais-je, dit le Seigneur, sinon sur l'homme humble et tranquille qui révère mes paroles ?".
1. Pour éviter que les anciens ne peinent en vain à gouverner les frères et que ne se produise parmi les jeunes un fléchissement de la régularité, celle-ci trouvant son plus ferme appui dans le comportement religieux de l'abbé, il faut que l'abbé soit irréprochable, sévère, patient, adonné au jeûne, bon, humble, afin de jouer son rôle de docteur et de père en se faisant l'exemple de toutes les bonnes oeuvres. Tous les frères seront sous sa coupe et ils ne feront rien sans son avis et son autorisation
Subvenant aux besoins du monastère, il aura une entière liberté de jugement sur tout ce qui se trouve au monastère ; il l'exercera sans parti pris à l'égard de personne ni favoritisme pour quiconque ; c'est dans la vérité qu'il jugera chacun comme le mérite sa conduite de chaque jour, et qu'il distribuera avertissements, exhortations, châtiments, condamnations, admettant, si cela semble opportun, ceux qui viennent au monastère, et expulsant, si besoin est, ceux qui ne sont pas dignes de demeurer au monastère.
On parle ensuite des différents officiers : 2. deux anciens ; 3. le préposé (praepositus) ; 25. le cellérier ; 26. le portier. Puis viennent un chapitre (27) sur la réception des frères, et un (28) sur les semainiers.
30. Tous les frères observeront ce qui suit : obéissant à leurs anciens et s'honorant mutuellement, ils auront la patience, la modestie, l'humilité, la charité, la paix, sans dissimulation ni mensonge ni paroles méchantes ni bavardage ni serments habituels, étant bien entendu que personne ne s'arrogera la propriété de quoi que ce soit et que nul ne prendra rien à son usage personnel, mais qu'ils mettront tout en commun.
32. Quand on découvrira une faute, celui qu'on aura trouvé fautif sera repris par l'abbé en privé. Si cela ne suffit pas à l'amender, il sera repris par quelques anciens. Si même cela ne l'amende pas, il sera repris devant tout le monde. Si même alors il ne s'amende pas, il sera excommunié et privé de toute nourriture. Si même cela ne lui fait pas de bien, il sera rétrogradé, quel que soit son rang, à la dernière place dans l'ordre de la psalmodie. S'il persiste dans sa méchanceté, on lui ôtera jusqu'au droit de psalmodier. Si même cette humiliation ne l'émeut pas, on le tiendra à l'écart de la communauté des frères, en lui interdisant aussi bien la table que l'office ainsi que toute conversation avec un frère non gradé. Cette mise à l'écart durera aussi longtemps que la nature de sa faute l'exige, selon le jugement de l'abbé et des anciens, et qu'il ne se sera pas humilié en faisant pénitence pour sa faute de tout son coeur et en demandant pardon devant tous pour son égarement. En outre, s'il a péché contre un frère, il demandera pardon à ce frère qu'il a offensé.
35. Mais si quelqu'un se montre tellement endurci et réfractaire à la crainte de Dieu qu'après tant de châtiments et de sursis, il ne s'amende pas, on le chassera du monastère et on le traitera en étranger, de peur qu'il ne mette d'autres en danger par sa méchanceté.
Aux Vierges
1. En premier lieu, voici ce qui convient à vos saintes âmes : Si une personne veut quitter ses parents, renoncer au monde et entrer au saint bercail pour arriver, avec l'aide de Dieu, à échapper désormais à la gueule des loups spirituels, elle ne sortira plus du monastère jusqu'à sa mort, pas même pour aller à la basilique, où l'on sait que se trouve la porte.
4. Quand Dieu inspire à une personne de se convertir, elle ne pourra recevoir aussitôt l'habit religieux. Auparavant on s'assurera de sa volonté en la soumettant à de multiples épreuves. On la confiera à une ancienne et, pendant une année entière, elle continuera de porter les habits avec lesquels elle est venue.
7. Personne, pas même l'abbesse, ne pourra posséder une
esclave pour son service personnel. En cas de besoin, on recevra une assistante
prise parmi les plus jeunes.
Et si possible, on n'admettra que difficilement, ou même jamais, une enfant
en bas âge. On ne la recevra qu'à partir de six ou sept ans, pour
qu'elle puisse apprendre à lire et pratiquer l'obéissance.
20. Jusqu'à tierce, une des soeurs fera la lecture, tandis que
les autres travaillent ensemble. Le reste du temps leur coeur ne cessera pas
de répéter la parole de Dieu et de faire oraison.
Vous serez une seule âme et un seul coeur dans le Seigneur.
21. Celles qui avaient quelque chose dans le monde, qu'elles l'offrent humblement à la mère quand elles entrent au monastère, afin que la communauté en profite. Quant à celles qui n'avaient rien, elles ne chercheront pas au monastère ce qu'elles ne pouvaient avoir au dehors. Mais il ne faut pas que celles qui étaient quelque chose dans le monde montrent du dédain pour celles de leurs soeurs qui sont venues de la pauvreté à cette sainte communauté.
Vivez toutes dans l'unanimité et la concorde, et honorez-vous mutuellement en ce Dieu dont il vous est donné d'être les temples.
22. Quand vous priez Dieu avec des psaumes et des hymnes, que les paroles émises par votre voix soient en même temps dans votre coeur. Quel que soit le travail que vous accomplissez, quand on ne fait pas la lecture, ruminez toujours quelque texte des divines Ecritures.
23. Vous ne convoiterez les regards d'aucun homme ; que le diable ne suscite jamais en vous pareil désir ! Ne dites pas que vous avez de la pudeur dans l'âme si vous avez des yeux sans pudeur : l'oeil sans pudeur est le messager d'un coeur sans pudeur. . . Admettons que celle qui fait cela ne soit vue d'aucune créature. Que fait-elle de ce regard d'en-haut auquel elle ne peut absolument pas échapper ?
Moi, Patrick, un pécheur, le plus rustre et le dernier de tous les fidèles, profondément méprisable pour un grand nombre, j'ai eu pour père le diacre Calpornius, fils du prêtre Potitus qui demeurait au hameau de Bannaven Taburniaae. Il avait dans les environs un domaine à la campagne où je fus fait prisonnier. J'avais alors seize ans. J'ignorais le vrai Dieu et je fus emmené en captivité en Irlande . . .
Alors le Seigneur ouvrit l'intelligence de mon coeur incrédule, pour que je me souvienne, fut-ce tard, de mes péchés, que je me convertisse de tout mon coeur au Seigneur mon Dieu qui a considéré ma bassesse, a pris pitié de ma jeunesse et de mon ignorance, m'a gardé avant que je le connaisse et avant que je sois sensé et sache faire la distinction entre le bien et le mal, m'a fortifié et m'a consolé comme un père console son fils.
Je faisais alors paître le bétail chaque jour et je priais souvent dans la journée. L'amour de Dieu et sa crainte m'envahirent de plus en plus, ma foi grandit, mon esprit se laissa conduire, de sorte que je faisais environ cent prières en un seul jour et à peu près autant de nuit ; je demeurais dans les forêts et sur la montagne, je me levais avant le jour pour prier, par la neige, le gel, la pluie ; je ne ressentais aucun mal, il n'y avait aucune paresse en moi, car alors l'esprit était plein d'ardeur.
Et là une nuit, dans mon sommeil, j'entendis une voix qui me disait : "Tu as bien fait de jeûner, tu vas bientôt retourner dans ta patrie".
Après quelques années, j'étais de nouveau en Bretagne chez mes parents qui m'accueillirent comme un fils, me conjurèrent de ne pas les quitter pour aller ailleurs, après tant d'épreuves que j'avais endurées. Et c'est là que "je vis dans une vision nocturne" un homme du nom de Victoricus qui paraissait venir d'Irlande avec d'innombrables lettres ; il m'en donna une et je lus le début de cette lettre où il était écrit : "Appel des Irlandais". Et tandis que je lisais la lettre, je croyais entendre au même instant l'appel de ceux qui demeuraient à côté de la forêt de Volucte qui est près de la mer Occidentale. Et voici ce qu'ils criaient, comme d'une seule bouche : Saint garçon, nous te prions de venir encore marcher parmi nous. Je fus profondément ému dans mon coeur et ne pus continuer ma lecture ; et c'est ainsi que je m'éveillais. Grâces soient rendues à Dieu, car au bout de nombreuses années, le Seigneur exauça leur cri.
Il serait trop long de raconter l'un après l'autre tous mes labeurs, ou même une partie d'entre eux. Je dirai brièvement comment le Dieu très bon m'a souvent libéré de l'esclavage et de douze dangers qui mirent ma vie en péril, sans compter de nombreux pièges et ce que je ne suis pas capable d'exposer avec des mots. Je ne veux pas ennuyer mes lecteurs, mais Dieu, qui "sait toutes choses avant qu'elles arrivent", m'est garant du nombre de fois où une voix divine m'a averti, moi, un pauvre petit ignorant cependant.
D'où me vient cette sagesse qui n'était pas en moi alors que "je ne savais même pas le nombre de mes jours" et que j'ignorais Dieu ? D'où m'est venu ensuite un don si grand et si salutaire, connaître Dieu et l'aimer au point de quitter ma patrie et mes parents ?
Oui, je suis grandement redevable à Dieu qui m'a accordé une grâce si grande que par mon intermédiaire, de nombreuses nations sont nées à nouveau pour Dieu et ont été ensuite confirmées ; que pour elles des clercs ont été ordonnés en tous lieux en faveur de ce peuple qui venait de parvenir à la foi, et que Dieu a pris des extrémités de la terre, comme il l'avait promis autrefois par ses prophètes.
5. Confession 55
Je constate que dès le siècle présent, le Seigneur m'a exalté au-delà de toute mesure. Et je n'étais pas digne ni tel qu'il l'eut fallu, pour qu'il m'accorde cela, puisque je sais avec certitude que pauvreté et malheur me conviennent mieux qu'abondance et délices. Chaque jour je m'attends à être assassiné, pris au piège, réduit en servitude ou toute autre chose, mais à cause des promesses du ciel, "je ne redoute rien de tout cela". Selon le conseil du prophète : "Jette ton souci en Dieu et lui-même te nourrira", je me suis, en effet, jeté moi-même dans les mains de Dieu Tout-Puissant qui règne en tous lieux.
Mais comment lui rendrais-je pour tous ses bienfaits envers moi ? Que puis-je dire ou promettre à mon Seigneur, vu que je n'ai pas d'autre capacité que celle dont lui-même m'a dotée ? Mais qu'il scrute mon coeur et mes reins, car je le désire beaucoup et trop, et je m'étais préparé à ce qu'il me donne son calice à boire, comme il l'a accordé à d'autres qui l'aiment.
1. Règle des moines - 1 - l'obéissance
Au premier mot de l'ancien, il convient que tous ceux qui l'entendent se lèvent pour obéir, parce que l'obéissance est offerte à Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ disant : "Qui vous écoute, m'écoute".
Celui qui contredit tombe dans le crime de révolte, et ainsi non seulement il est coupable de désobéissance, mais de plus, pour avoir ouvert à d'autres le chemin de la contestation, il sera responsable de leur ruine.
Si quelqu'un murmure, puisqu'il obéit malgré lui, on doit aussi le taxer de désobéissance. Par suite son travail doit être refusé, jusqu'à ce qu'il se montre de bonne volonté.
D'autre part, jusqu'où doit-on aller dans l'obéissance ? Elle nous est prescrite jusqu'à la mort, sans aucun doute, car pour nous le Christ a obéi au Père jusqu'à la mort.
Le dénuement et le mépris des richesses est la première perfection du moine. La seconde est la purification des vices. La troisième, souverainement parfaite, est la continuelle dilection de Dieu et l'amour incessant des choses divines qui succède à l'oubli des choses de la terre.
3. Règle des moines - 3 - la nourriture
Que la nourriture des moines soit pauvre et qu'on la prenne le soir, de façon à fuir la satiété et dans la boisson l'ébriété. Ainsi on maintiendra la vie sans lui causer de préjudice.
En effet, celui qui désire les récompenses éternelles doit se soucier uniquement de ce qui est utile et avantageux quand on en use. C'est pourquoi on doit user modérément de ce qui sert à la vie, comme doit être modéré le travail, car le vrai discernement consiste à sauvegarder la possibilité du progrès spirituel, tout en mâtant la chair par l'abstinence. En effet, si l'abstinence dépasse la mesure, c'est un vice et non une vertu, car la vertu embrasse et enferme une multitude de biens.
L'égarement de beaucoup fait voir que la discrétion est nécessaire aux moines, et la ruine de certains le démontre. Ils ont commencé sans discrétion et, faute de science pour les diriger, ils ont été incapables de mener jusqu'au bout une vie louable. Passer la mesure, c'est rencontrer fatalement le danger, puisque le long du droit sentier de la discrétion, nos adversaires placent les pierres d'achoppement du mal et les embûches de toutes sortes d'erreurs. On doit donc prier Dieu continuellement pour qu'il dispense la lumière de la vraie discrétion pour illuminer ce chemin bordé de chaque côté des épaisses ténèbres du monde, de telle sorte que ses vrais adorateurs soient capables de traverser cette obscurité sans s'égarer pour aller jusqu'à lui.
La discrétion tire son nom de"discerner", car c'est elle qui discerne en nous entre bien et mal, et aussi entre moyens et fin.
5. Règle des moines - 6 - la chasteté
A quoi sert d'être vierge de corps si on ne l'est d'âme ? Dieu est esprit et il habite dans l'esprit et le coeur qu'il aura trouvé sans souillure, dans lequel il n'y a aucune pensée adultère, aucune tache d'esprit impur, aucune souillure du péché.
6. Règle des moines - 9 - la mortification
La part la plus importante de la règle des moines est la mortification. Elle leur est prescrite par l'Ecriture : "Ne fais rien sans conseil". Si donc il ne faut rien faire sans conseil, on doit demander conseil à tout propos.
Mais bien que cette discipline paraisse dure aux coeurs durs, à savoir qu'un homme dépende toujours de la bouche d'un autre, elle n'en sera pas moins trouvée douce et sûre par ceux qui craignent Dieu, s'ils l'observent totalement et non en partie, car rien n'est plus doux que la sécurité de conscience et rien n'est plus sûr que l'âme sans reproche, chose que nul ne peut se procurer par lui-même, car elle appartient en propre au jugement des autres.
7. Règle des moines - 9 - la mortification
Tant que les moines n'auront pas appris l'humilité du Christ, ils ne goûteront pas la suavité de son joug, ni la légèreté de son fardeau. L'humilité du coeur est en effet le repos de l'âme fatiguée de ses vices et de ses difficultés, et son unique soulagement au milieu de tant de maux. Plus elle se laisse attirer tout entière par cette considération, loin de tout ce qui est extérieur, passager et vain, plus à l'intérieur elle éprouve de repos et de soulagement. Ainsi même ce qui lui était amertume lui devient douceur, et ce qui auparavant lui paraissait dur et ardu, elle le trouve naturel et facile. La mortification elle-même, intolérable aux orgueilleux et aux durs de coeur, devient une consolation pour celui qui ne se complaît que dans l'humilité et la douceur.