233 martyrs d'Espagne (1936-1939)
Béatification:
11.03.2001 à Rome par Jean Paul II
Canonisation:
Fête: 22 septembre
Note: Prêtres, séminaristes, religieux et religieuses, laïcs, morts pour
leur foi au cours de la persécution religieuse qui a accompagné la Guerre
civile espagnole, entre 1936 et 1939. Ils viennent de 32 diocèses espagnols,
même si en majorité les causes ont été instruites à Valence, lieu de leur
martyre.
Réf. dans
l’Osservatore Romano: 2001 n.11 p.1.7.12 -
n.12 p.4-5
Réf. dans la Documentation Catholique: 2001 n.7 p.301-303
Notice brève
En béatifiant 233 martyrs de la guerre civile espagnole, morts entre
1936 et 1939, Jean Paul II a fait la béatification la plus nombreuse de
l'histoire de l'Église. Groupe varié comprenant des prêtres, des religieux et
des laïcs de plusieurs régions de l'Espagne, même si la plupart sont morts à
Valence. Ils ne faisaient pas de politique et furent vraiment tués en haine de
la foi. Chaque cas a été examiné individuellement. Ils ont tous mené une vie
sainte que le martyre a couronnée. De tous on peut dire qu' "ils ont vécu
en aimant et sont morts en pardonnant". Fait émouvant dans cette
béatification: la présence de nombreux témoins de l'époque dont certains
appartenaient à la famille des martyrs.
Notice développée
Une béatification record
Fruit du grand Jubilé de l'An 2000, cette béatification du
11 mars 2001 est la première du nouveau siècle et du nouveau millénaire. Jamais
autant de serviteurs de Dieu n'ont été béatifiés à la fois. (Il faut remonter à
Pie IX, en 1867, pour avoir la béatification de 205 martyrs du Japon.) Chaque
cause a été étudiée individuellement. Chacun de ces martyrs avait déjà mené une
vie sainte digne de béatification avant que le martyr ne vienne couronner leur
carrière. L'Église de Valence, suivie par celles de Barcelone et de Lérida, a
commencé à instruire les procès de béatification depuis 50 ans déjà. Une masse
de documents a été recueillie.
Avant cette béatification, Jean Paul II avait déjà célébré 10
béatifications pour des martyrs de la guerre civile espagnole, soit, avec ceux
de ce jour, 471 martyrs. A savoir: 4 évêques, 43 prêtres séculiers, 379
religieux, 45 laïcs.
Cadre historique
Après une éphémère première République (1873-74), la royauté espagnole
est à nouveau abolie en 1931 avec l’instauration de la seconde République. Elle
commence sous de bonnes augures et beaucoup de catholiques s’y rallient, mais
les hostilités avec la religion s’ouvrent en 1933 après des élections
favorables à la gauche. C’est d’abord une politique de laïcité absolue qui tend
à éradiquer le christianisme de la nation espagnole : interdiction aux
religieux de faire “aucun commerce, aucune industrie, aucun enseignement”,
suppression des jésuites, approbation du divorce, crucifix retirés des classes.
Et déjà, on brûle des églises. La gauche républicaine a mal calculé. Il
faudrait peu connaître le peuple espagnol pour penser qu’il accepte cette
violence anti-religieuse sans réaction. Les élections de décembre 1933 ramènent
au pouvoir une majorité de droite. Peut-être à ce moment-là, la crise aurait pu
être terminée si des solutions inspirées du catholicisme social avaient été
mises en œuvre : malheureusement il n’en est rien ; les conservateurs
paralysent les plans de réforme. Durant l’été 1934, éclate une première
"Révolution des Asturies"; des prêtres et des religieuses sont
assassinés, notamment les martyrs de Turon. La gauche jusque là dispersée se
regroupe et aux élections de février 1936, elle amène le "Frente
popular" (Front populaire) au pouvoir. Composé de communistes, socialistes
et anarchistes d’opinions souvent divergentes, il est essentiellement
anti-clérical. Les évêques reconnaissent au début sa légitimité. Mais les
violences éclatent déjà en juin 1936. Ce gouvernement (‘républicain’ de style
révolutionnaire) lance une violente persécution sanglante qui, en quelques
semaines, fait une foule de victimes. Tout le peuple ne suit pas. A la chambre,
un député monarchiste proteste et le lendemain, 14 juillet 1936, il est
assassiné. Les différents partis de droite, apeurés, se regroupent dans un
parti unique : la ‘Phalange’. Désormais, tous les ingrédients sont prêts
pour une guerre civile. Le général Francisco Franco se révolte et lance, le 18
Juillet, le "Mouvement national" (“Alziamento National”,
littéralement, Soulèvement national). Il est suivi par une grande partie de
l'armée.
C'est alors une terrible guerre civile de trente-deux mois (1936–1938)
entre "Républicains" (Rouges), renforcés par des "Brigades
internationales", et "Nationalistes" ou franquistes, aidés en
finale par la Wehrmacht allemande et les fascistes italiens. (Cependant,
Franco, durant la Seconde Guerre mondiale, refusera fermement de se lier avec
les puissances de l’Axe.) Quant aux "Rouges", comme on les appelle,
(à juste titre car leur but est de faire de l'Espagne un état satellite de la
Russie), ils déchaînent la plus grande persécution religieuse qu'ait jamais
connu l'Espagne. A cause de sa brièveté dans le temps et de son intensité,
c'est un ouragan ‘révolutionnaire’ comparable à celui de la Révolution
française, qui s'abat sur toutes les régions où domine leur influence
politique. Sur la liste noire des personnes à abattre figurent en premier lieu
tous les prêtres. Les exactions se multiplient : incendie de couvents,
d'évêchés, d'églises, destruction du patrimoine artistique sacré, bref, de tout
ce qui rappelle la religion catholique. Notons qu’il y eut des violences
condamnables de part et d’autre. (Même un écrivain catholique comme Georges
Bernanos a condamné dans “les Grands Cimetières sous la lune” les excès des
franquistes, voire de certains ecclésiastiques).
Les
républicains procèdent à des exécutions massives, accompagnées d'une férocité
inouïe. Sont victimes: 13 évêques, 4'184 prêtres, 2'365 religieux, 283
religieuses, des milliers de laïcs. Ceux que l’Église béatifie sont vraiment martyrs
car ils ont été tués "en haine de la foi", ce ne sont pas de simples
"victimes de guerre", car ils sont pacifiques, comme le Pape a tenu à
le préciser (11 mars 2001) : « Les bienheureux qui sont élevés à
l’honneur des autels n’étaient pas impliqués dans des luttes politiques ou
idéologiques, et ne voulaient pas y entrer. (…) Ils ont vécu en aimant et sont
morts en pardonnant. » Conscients de mourir pour leur foi, beaucoup
criaient comme les "Cristeros" du Mexique (1926-1929) : "Vive
le Christ-Roi!"
La béatification de ce jour
Le groupe des martyrs béatifiés en ce jour comprend: 38 prêtres de
l'Archidiocèse de Valence avec un grand nombre d'hommes et de femmes de
l'Action Catholique, 18 Dominicains et 2 prêtres de l'archidiocèse de
Saragosse, 4 Frères mineurs Franciscains Conventuels, 13 Frères mineurs
Capucins avec 4 religieuses Capucines et une Augustine; 11 Jésuites avec un
jeune laïc, 32 Salésiens et 2 Filles de Marie Auxiliatrice, 19 Tertiaires
Capucins de Notre-Dame des Douleurs avec une coopératrice laïque, un prêtre
Déhonien; l'aumônier du Collège La Salle de Bonanova (Barcelone) avec 5 Frères
des Écoles Chrétiennes; 24 Carmélites de la Charité; une religieuse Servante, 6
religieuses des Écoles Pies avec 2 coopératrices laïques (ces dernières
proviennent d'Uruguay et sont ainsi les premières bienheureuses de ce pays); 2
Petites Sœurs des personnes âgées abandonnées; 3 Tertiaires Capucines de
Notre-Dame des Douleurs; une missionnaire Clarétaine et enfin, le jeune
Francisco Castello i Aleu, de l'Action Catholique de Lleida.
Les témoignages qui nous sont parvenus parlent de personnes honnêtes et
exemplaires, dont le martyr a scellé des vies consacrées au travail, à la
prière et à l'engagement religieux au sein de leurs familles, de leurs
paroisses ou de leurs Congrégations religieuses. En une phrase, le Saint Père
résume ainsi leur sainteté: "Ils vivent en aimant et meurent en
pardonnant". Comment ne pas nous émouvoir profondément à l'écoute des
récits de leur martyre? En voici quelques-uns.
La vieille Maman Maria Teresa Ferragud, 83 ans, est arrêtée avec ses
quatre filles religieuses contemplatives. Le 25 octobre 1936 - fête du
Christ-Roi, notons-le! - elle demande à accompagner ses filles au martyre. Et
pour les encourager jusqu'au bout, elle veut mourir la dernière: "Mes
filles, leur dit-elle, restez fidèles à votre Époux Jésus Christ et ne cédez
pas aux flatteries de ces hommes". Sa mort a tant impressionné les
bourreaux, qu'ils s'exclament: "C'est une vraie sainte!".
Le jeune Francisco Castello i Aleu, âgé de 22 ans, est chimiste de
profession et membre de l'Action Catholique. Conscient de la gravité du moment,
il ne veut pas se cacher mais offre sa jeunesse en sacrifice par amour pour
Dieu et pour ses frères, laissant trois lettres, écrites quelques instants
avant de mourir, à ses sœurs, à son directeur spirituel et à sa fiancée. Il est
un exemple de force, de générosité, de sérénité et de joie.
Le jeune prêtre German Gozalbo, âgé de 23 ans, est fusillé seulement
deux mois après avoir célébré sa première messe. Il subit nombre d'humiliations
et de mauvais traitements.
Parmi les autres martyrs, citons le plus en vue à l'époque: Pablo
Menendez Gonzallo, président de l'Action Catholique de Valence, député
provincial pour la région de Valence, journaliste; ou encore un pyrotechnicien
que l'Espagne se choisit comme patron des artificiers, etc.
Étonnante cérémonie de béatification, sous un beau soleil printanier
précoce inondant la place Saint Pierre et qui a vu dans son assistance beaucoup
de témoins encore vivants des événements: Notamment un prêtre de 90 ans,
Eugenio Laguanda, ayant survécu par miracle au peloton d'exécution après avoir
reçu une balle dans la tête, beaucoup de femmes, veuves des martyrs ou leur
ancienne fiancée, des enfants de martyrs dont certains ont été choisis pour
porter les reliques de leurs parents à l'autel… Enfin, dans les procès de
béatifications, ont même témoigné d'anciens bourreaux. Cette béatification vise
à encourager l'Église espagnole actuelle; elle fait partie aussi d'un devoir de
mémoire: ne pas laisser tomber dans l'oubli des témoignages si précieux pour
les générations futures.
Avant la prière de
l'"Angelus" qui clôture cette célébration solennelle, Jean Paul II
déclare encore: « Tournons à présent notre regard
vers la Très Sainte Vierge Marie, que la foi nous fait contempler comme Reine
des Saints et des Saintes de toute époque et de toute nation. Elle est, en
particulier, Mère et Reine des Martyrs, présente auprès d'eux à l'heure de
l'épreuve, de même qu'elle demeura sous la Croix auprès de son Fils Jésus. Ces
nouveaux bienheureux ont placé leur confiance en Elle, la Vierge fidèle, au
cours des moments dramatiques de la persécution. Lorsqu'on les empêcha
d'exprimer librement leur foi, ou, par la suite, au cours de leur
emprisonnement, pour affronter le moment suprême, ils trouvèrent un soutien
constant dans le Saint Rosaire, le récitant seuls ou en petits groupes. Comme
cette traditionnelle prière mariale est efficace dans sa simplicité et sa
profondeur! Le Rosaire constitue à chaque époque une aide précieuse pour d'innombrables
croyants. Qu'il en soit ainsi également pour nous! »