7 Visitandines martyres d'Espagne (1936)
Béatification:
10.05.1998 à Rome par Jean Paul II
Canonisation:
Fête: 18 novembre pour les 6 premières et 23 novembre pour Maria
Caecilia CENDOYA Y ARAQUISTAIN
Réf. dans
l’Osservatore Romano: 1998 n.19 &
20
Réf. dans la Documentation Catholique: 1998 n.12 p.599
L'esprit
affable et doux de Saint François de Sales et de Sainte Jeanne de Chantal se prolonge
à travers les monastères de la Visitation présents dans le monde entier. Le
premier monastère d'Espagne est établi à Madrid en 1748. C'est à cette
communauté qu'appartiennent nos 7 bienheureuses. Lorsque éclate la guerre
civile, en 1936, les visitandines se rendent rapidement compte qu'il est
dangereux de rester en ville et elles décident de se rendre dans un petit
village de Navarre, Oronoz, tandis qu'un groupe de 7 sœurs reste dans la
capitale, car l'église du couvent est encore ouverte au culte. Avant de partir,
la Mère supérieure leur prépare un refuge en cas de danger, près du Monastère
dans la rue Manuel G. Longonia. Ainsi, malgré la persécution, elles peuvent
savoir ce qu'il advient du monastère. C'est par obéissance qu'elles restent.
Sœur Maria Gabriela Hinojosa demeure à la tête de cette petite communauté. En
vraie visitandine, elle anime le courage, la confiance et la foi des autres
sœurs. Soutenues par la prière, le silence et le sacrifice, celles-ci se
préparent à l'holocauste dans un esprit de don généreux à Dieu. A la
mi-juillet, elles sont obligées de rester définitivement dans l'appartement
devenu un petit couvent et un oasis de paix où l'on prie constamment pour
l'Espagne. Quelques prêtres, dans la mesure du possible, leur rendent visite et
célèbrent la sainte Messe. Quand le danger se fait plus pressant, la sœur d'une
des religieuse leur apporte la sainte communion. Elles sont en général aimées
de leurs voisins à l'exception de deux personnes qui habitent l'immeuble et qui
les dénoncent par haine de la religion. Une période d'incertitude et d'angoisse
commence alors et les sœurs subissent plusieurs fouilles au cours desquelles
elles sont insultées et dépouillées de leurs biens. Toutes ne se sentent pas
"l'étoffe d'un martyr", mais la charité fraternelle les rend
solidaires. Lors de la fouille du 17 novembre, les miliciens annoncent qu'ils
reviendront le lendemain. Sœur Marie Gabriela réunit les sœurs et leur offre la
possibilité de les conduire dans des consulats pour se mettre en lieu sûr. Mais
leur ferveur est plus forte que la mort et toutes s'écrient à l'unisson:
"Quelle joie, le martyre va arriver bientôt! (…) Si l'Espagne doit être
sauvée en versant notre sang, que ce soit le plus tôt possible!" Elles
passent la nuit à prier. A 7 heures du soir, le 18 novembre, une patrouille de
la F.A.I (Fédération Anarchiste Ibérique) entre brusquement dans l'appartement.
On ordonne à toutes les religieuses de sortir, même Sœur Ignès malade et
atteinte d'une forte fièvre. On entend dans la rue les clameurs de la populace.
En voyant les Sœurs faire le signe de croix, une voix s'élève: "C'est ici
qu'il faut les tuer, car se signer est une provocation". La majestueuse
sérénité des moniales contraste avec ce vacarme. Quelques minutes plus tard,
elles sont fusillées. Elles ont donné "un admirable témoignage de fidélité
à Dieu et d'amour pour la vie commune", conclut Jean Paul II.
Ces 7
Bienheureuses sont:
Sœur Marie du Refuge (Maria Gabriele) de HINOJASA Y NAVEROS
2 ,
née le 24.07.1872 à Alhama (Grenade). Responsable du groupe.
Sœur
Josefa Maria (Maria del Carmen) BARRERA Y IZAGUIRRE, née le 23.05.1881 à El
Ferrol (La Coruna)
Sœur
Teresia Maria (Laura) CAVESTANY Y ANDUAGA, née le 30.07.1888 à Puerto Real
(Cadix)
Sœur Maria
Angela (Martina) OLAIZOLA Y GARAGARCA, née le 12.11.1893 à Azpeitia (Guipuzcoa)
Sœur Maria
Engracia (Josepha Joachima) LECUONA Y ARAMBURU, née le 02.07.1897 à Oyarzun
(Guipuzcoa)
Sœur Maria
Inès (Agnès) ZUDAIRE Y GALDEANO, née le 28.01.1900 à Echavarri (Navarre)
Sœur Maria
Cecilia (Maria Félicité) CENDOYA Y ARAQUISTAIN, née le 10.01.1910 à Azpeitia
(Guipuzcoa)
Cadre historique
Après une éphémère première République (1873-74), la
royauté espagnole est à nouveau abolie en 1931 avec l’instauration de la
seconde République. Elle commence sous de bonnes augures et beaucoup de
catholiques s’y rallient, mais les hostilités avec la religion s’ouvrent en
1933 après des élections favorables à la gauche. C’est d’abord une politique de
laïcité absolue qui tend à éradiquer le christianisme de la nation
espagnole : interdiction aux religieux de faire “aucun commerce, aucune
industrie, aucun enseignement”, suppression des jésuites, approbation du
divorce, crucifix retirés des classes. Et déjà, on brûle des églises. La gauche
républicaine a mal calculé. Il faudrait peu connaître le peuple espagnol pour
penser qu’il accepte cette violence anti-religieuse sans réaction. Les
élections de décembre 1933 ramènent au pouvoir une majorité de droite.
Peut-être à ce moment-là, la crise aurait pu être terminée si des solutions
inspirées du catholicisme social avaient été mises en œuvre :
malheureusement il n’en est rien ; les conservateurs paralysent les plans
de réforme. Durant l’été 1934, éclate une première "Révolution des
Asturies"; des prêtres et des religieuses sont assassinés, notamment les
martyrs de Turon. La gauche jusque là dispersée se regroupe et aux élections de
février 1936, elle amène le "Frente popular" (Front populaire) au
pouvoir. Composé de communistes, socialistes et anarchistes d’opinions souvent
divergentes, il est essentiellement anti-clérical. Les évêques reconnaissent au
début sa légitimité. Mais les violences éclatent déjà en juin 1936. Ce
gouvernement (‘républicain’ de style révolutionnaire) lance une violente
persécution sanglante qui, en quelques semaines, fait une foule de victimes.
Tout le peuple ne suit pas. A la chambre, un député monarchiste proteste et le
lendemain, 14 juillet 1936, il est assassiné. Les différents partis de droite,
apeurés, se regroupent dans un parti unique : la ‘Phalange’. Désormais,
tous les ingrédients sont prêts pour une guerre civile. Le général Francisco
Franco se révolte et lance, le 18 Juillet, le "Mouvement national"
(“Alziamento National”, littéralement, Soulèvement national). Il est suivi par
une grande partie de l'armée.
C'est alors une terrible guerre civile de trente-deux mois (1936–1938)
entre "Républicains" (Rouges), renforcés par des "Brigades
internationales", et "Nationalistes" ou franquistes, aidés en
finale par la Wehrmacht allemande et les fascistes italiens. (Cependant,
Franco, durant la Seconde Guerre mondiale, refusera fermement de se lier avec
les puissances de l’Axe.) Quant aux "Rouges", comme on les appelle,
(à juste titre car leur but est de faire de l'Espagne un état satellite de la
Russie), ils déchaînent la plus grande persécution religieuse qu'ait jamais
connu l'Espagne. A cause de sa brièveté dans le temps et de son intensité,
c'est un ouragan ‘révolutionnaire’ comparable à celui de la Révolution
française, qui s'abat sur toutes les régions où domine leur influence
politique. Sur la liste noire des personnes à abattre figurent en premier lieu
tous les prêtres. Les exactions se multiplient : incendie de couvents, d'évêchés,
d'églises, destruction du patrimoine artistique sacré, bref, de tout ce qui
rappelle la religion catholique. Notons qu’il y eut des violences condamnables
de part et d’autre. (Même un écrivain catholique comme Georges Bernanos a
condamné dans “les Grands Cimetières sous la lune” les excès des franquistes,
voire de certains ecclésiastiques).
Les
républicains procèdent à des exécutions massives, accompagnées d'une férocité
inouïe. Sont victimes: 13 évêques, 4'184 prêtres, 2'365 religieux, 283
religieuses, des milliers de laïcs. Ceux que l’Église béatifie sont vraiment
martyrs car ils ont été tués "en haine de la foi", ce ne sont pas de
simples "victimes de guerre", car ils sont pacifiques, comme le Pape
a tenu à le préciser (11 mars 2001) : « Les bienheureux qui sont
élevés à l’honneur des autels n’étaient pas impliqués dans des luttes
politiques ou idéologiques, et ne voulaient pas y entrer. (…) Ils ont vécu en
aimant et sont morts en pardonnant. » Conscients de mourir pour leur foi,
beaucoup criaient comme les "Cristeros" du Mexique (1926-1929) :
"Vive le Christ-Roi!"