Bienheureux Clément Auguste von GALEN
Nom: GALEN
Prénom: Clément Auguste von (Clemens
August von)
Pays: Allemagne
Naissance: 16.03.1878 au
château de Dinklage, région de l’Oldenburg (près de
Münster)
Mort: 22.03.1946 à
Münster
Etat: Evêque - Cardinal
Note: Prêtre le 28 mai 1904. Evêque de Münster le
28.10.1933. Combat fortement le nazisme. Cardinal le 18 février 1946, un mois
avant sa mort.
Béatification: 09.10.2005
par Benoît XVI
Cérémonie présidée à Rome par
le Card. José Saraiva
Martins, préfet de la Congrégation pour les causes des saints
Canonisation
Fête: 22 mars
Réf. dans l’Osservatore Romano: 2005
n.41 p.1 - n. 42 p.3-4
Réf. dans la Documentation Catholique:
Notice brève
Clemens August von Galen
naît en Westphalie en 1878. Après ses études en Allemagne et à l’étranger,
notamment à Fribourg en Suisse, il est ordonné prêtre en 1904, et exerce son
ministère pendant plus de vingt ans à Berlin. Nommé évêque de Münster en 1933
au moment où Hitler arrive au pouvoir, il se manifeste comme un des adversaires
les plus intrépides des excès de son régime, athée et persécuteur. Soutenu par
sa foi simple et solide, il parle avec une franchise absolue au risque sa vie,
mais son peuple le soutient massivement. Après avoir stigmatisé les erreurs et
les crimes des nazis et avoir protesté contre les multiples violations du
concordat avec l’Église catholique, qui venait pourtant d’être signé, il
participe activement à l’élaboration de l’encyclique “Mit Brennender
Sorge” de Pie XI qui condamne en 1937 les théories ultra-nationalistes et racistes d’Hitler. A la suite de
quoi, von Galen prononcera
trois prédications retentissantes dans lesquelles il dénonce vigoureusement les
exactions du régime et exige le droit à la vie, à l'inviolabilité et à la
liberté des citoyens. Hélas en 1944, sa cathédrale est bombardée par les Alliés
et toute la ville est détruite. Avec la même
énergie, il défend ses fidèles innocents. Pie XII, qui l’a soutenu pendant
toute la guerre, le nomme cardinal en 1946. Cérémonie émouvante et triomphale à
Rome, mais “le lion de Münster”, comme on l’appelle, meurt quelques jours après
son retour en Allemagne.
Notice développée
Clemens August von Galen naît au château de Dinklage,
dans la région de l’Oldenburg aux alentours de Münster, en Westphalie
(Allemagne). Il est le onzième de treize enfants. Dans la famille, on récite le
chapelet en commun. On est aussi ouvert à la politique, car le père est député
au Reichstag à Berlin. D’abord élève chez les jésuites, il poursuit ses études
avec son frère François, à Fribourg en Suisse, puis à Innsbruck et à Münster.
En 1898, il fait un pèlerinage à Rome et après l’audience de Léon XIII, il
prend la décision de devenir prêtre. Il est ordonné le 28 mai 1904 à Münster.
Ses premières affectations sont à Münster même, puis pendant 23 ans à Berlin où
il connaît les problèmes et les difficultés de la première guerre mondiale et
de l’après-guerre. En 1929, il revient à Münster comme curé de la cathédrale
Saint-Lambert. Le 28 octobre 1933 il est nommé évêque de ce diocèse (c’était
neuf mois après l’accession au pouvoir de Hitler). Sa devise est “nec laudibus nec timore” : ne se
laisser vaincre ni par les louanges ni par la crainte.
Son ouverture au monde politique et sa formation chrétienne
ne sauraient expliquer à elles seules l’action qui va le rendre célèbre. Il ne
s’agit pas non plus en lui d’un courage inné ni même d’un caractère
excessivement téméraire. Mais il y a en lui une forte spiritualité marquée par
le culte eucharistique, la piété mariale et la foi en l’Église, confiant que
les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle, selon la promesses du
Christ. Dès sa première lettre pastorale pour le carême de 1934 il dénonce
l’idéologie néo-païenne du parti national-socialiste et les années suivantes,
il prend fermement position pour la liberté de l’Église et le maintien de la
religion. Dans sa lettre de Pâques de la même année, il condamne l’ouvrage de
Rosenberg, l’idéologue et le théoricien du national-socialisme. Son “Mythe du
XXe siècle” de 1930 avait prôné la religion de la race. Mgr von
Galen déclare : « Cette attaque anti-chrétienne dont nous faisons l’expérience en ce moment
dépasse en violence destructrice toutes les autres que nous avons connues
depuis les temps les plus anciens. » Et il invite ses fidèles à ne pas se
laisser séduire par ce “poison des consciences”. Message percutant qui trouve
un écho même au-delà des frontières. Et, comme il reprend la même mise en garde
à Pâque de l’année suivante, l’État réplique en excluant le clergé des écoles.
Rosenberg vient à Münster où il prononce des paroles incendiaires contre
l’évêque, avec l’intention de dresser les gens contre lui, mais on est en
majorité catholique en Westphalie et le peuple fait bloc autour de son
évêque ; cet attachement culmine dans une procession massive de soutien.
Dans l’intention d’éviter le pire pour les catholiques
allemands, le pape Pie XI avait accepté de signer un concordat avec Hitler (20
juillet 1933) dès l’arrivée au pouvoir de celui-ci. On ne se faisait pas
d’illusion au Vatican sachant bien que cet accord serait violé sans tarder,
mais au moins il y aurait un instrument de défense juridique pour l’Église. Le
cardinal Pacelli (futur Pie XII), Secrétaire d’État
de Pie XI en fut la cheville ouvrière, lui qui connaissait à fond l’Allemagne
ayant été nonce à Berlin jusqu’en 1930. Il va également contribuer à la
rédaction de la fameuse encyclique “Mit Brennender Sorge” (14 mars 1937) condamnant le racisme et l’idolâtrie
de l’État. En vue de ce document et pour s’informer de la situation et de
l’attitude à adopter, le Pape avait convoqué les cardinaux allemands à Rome,
ainsi que, sur le conseil de Mgr Pacelli, deux
évêques qui étaient les opposants les plus résolus à l’hitlérisme, Mgr von Galen et son cousin, Mgr von Preysing, évêque de Berlin.
L’encyclique, la première écrite en langue allemande, est distribuée
secrètement dans le pays, puis lue en chaire publiquement dans toutes les
églises le Dimanche suivant sa parution, Dimanche des Rameaux 21 mars 1937. On
imagine la fureur des nazis. De fait, elle est suivie d’arrestations et de
séquestres. Et là, on saisit bien l’attitude de von Galen. Il ne parle pas en petit comité devant un public
gagné d’avance à ses idées, mais haut et fort pour que tout le monde soit bien
informé. Il fait imprimer 120 000 exemplaires de l’encyclique pour son
diocèse ! Même attitude, lorsque la guerre ayant éclaté, il prononce ses
trois grands sermons retentissants qui dénoncent les crimes nazis. En voici la
genèse.
En
été1941, la Gestapo chasse de leurs maisons des jésuites de son diocèse,
insulte et expulse des religieuses. L’évêque réagit immédiatement. Il se rend
personnellement à la Gestapo et les traite sans ambages de voleurs et de
brigands, mais il n’obtient rien. Alors le jour suivant, le 13 juillet, il
monte en chaire dans sa cathédrale et prononce le premier de ces trois sermons.
Un témoin raconte : « Les mots sortaient de sa bouche avec la force
et la puissance du tonnerre. Il dénonça un par un, avec une ardeur frémissante,
les “actes infâmes” et les injustices dont il avait eu connaissance. Les hommes
et les femmes se levèrent, on entendit une rumeur d’approbation mais aussi de
terreur et d’indignation, chose généralement impensable ici, chez nous, dans
une église. J’ai vu des gens éclater en sanglots».
Ce premier sermon provoque un effet extraordinaire, amplifié
par les suivants, ceux du 3
août 1941, également dans la cathédrale Saint-Lambert, et du 20 juillet 1941 à
l'église N.-S. d'Überwasser de Münster. On raconte qu’il entourait sa prédication de solennité,
qu’il prêchait en grand ornement…tandis qu’il faisait préparer une petite
valise avec des effets indispensables, au cas où la Gestapo omniprésente le
cueillerait à sa descente de chaire. Von Galen est
considéré par la chancellerie du Reich comme l’un des adversaires les plus
dangereux du régime. Pour le deuxième sermon, le plus fort, l’église est
pleine. Il dénonce “la haine, une haine abyssale, contre le christianisme et le
genre humain”. Il se base simplement sur le 5e commandement “Tu ne
tueras pas”. Il dévoile la suppression des ‘bouches inutiles’ : handicapés
et même parmi eux des enfants, malades mentaux, vieillards. Bien sûr, le plan
nazi était secret. Alors l’évêque dénonce : « des innocents sans défense
sont maintenant tués, tués avec barbarie; des personnes d’une race différente,
d’une provenance différente sont elles aussi supprimées. (…) Nous sommes devant
une folie homicide sans précédent. (…) Avec des gens comme cela, avec ces
assassins qui écrasent avec arrogance nos vies sous le talon de leur botte, la
communauté de peuple n’est plus pour moi possible! ». Impact immense. Même
des soldats au front en ont connaissance. Des juifs se le procurent,
immédiatement mis à mort si on trouve sur eux ce document séditieux. Avec ces
trois sermons de l’été 41, l’évêque devient célèbre dans le monde entier.
L’aviation anglaise, la RAF, les lance sur Berlin. Fureur des nazis. “Qu’on le
pende” s’écrie-t-on en haut lieu, mais le ministre de la propagande Goebbels
fait remarquer que cela pourrait leur aliéner la Westphalie, riche région dont
on a un besoin primordial en ce temps de guerre, et indisposer les soldats au
front. Alors Hitler accepte de surseoir un moment, mais il déclare :
« Quand nous aurons la victoire finale, je lui ferai tout payer jusqu’au
dernier centime ». Le pape régnant, Pie XII, juge qu’il ne peut intervenir
officiellement au risque de multiplier les martyrs allemands, mais on sait ce
qu’il en pense. Il rassemble les membres de sa propre famille et leur lit
personnellement les trois fameux sermons. Et, le trois septembre 1941, déjouant
la surveillance de la censure, il écrit par la Nonciature à l’évêque de Berlin,
Mgr von Preysing ; il
commente l’attaque frontale lancée contre Hitler de la chaire de la cathédrale
de Münster: «Les trois sermons de l’évêque von Galen nous procurent à nous aussi, sur la voie de douleur
que nous parcourons avec les catholiques allemands, un réconfort et une
satisfaction que nous n’avons pas éprouvés depuis longtemps. L’évêque a bien
choisi le moment d’intervenir avec un tel courage. Il n’est donc pas nécessaire
que nous te donnions expressément l’assurance à toi et à tes confrères que les
évêques qui, comme l’évêque von Galen,
interviennent avec un tel courage et de façon si irrépréhensible, trouveront
toujours en nous un appui». L’évêque de Berlin répond immédiatement à la lettre
de Pie XII en ces termes: «Que l’action de l’évêque von
Galen ait procuré une consolation au cœur de Votre
Sainteté me remplit d’une véritable joie». Déjouant la surveillance, le Pape
enverra aussi plusieurs lettres de soutien à l’évêque de Münster au cours de la
guerre.
Ces interventions de l’évêque, d’une audace incroyable face
à une tyrannie sanguinaire, ont en pleine guerre un retentissement mondial. Le
“New York Times” entreprend en 1942 une série d’articles ayant pour
thème : les hommes d’Église qui s’opposent à Hitler ; le premier est
consacré à un portrait de von Galen
intitulé : “L’opposant le plus obstiné au programme national-socialiste anti-chrétien”. On a vu aussi l’action de la RAF. Mais la
reconnaissance n’est pas toujours de ce monde. Un an plus tard, le Dimanche 10
octobre 43, Münster subit le plus effroyable des bombardements alliés qu’elle a
connus de toute la guerre. La cathédrale, volontairement, est visée comme
première cible et à un moment choisi exprès : le Dimanche après midi, à
l’heure où les fidèles se pressent en masse pour une instante prière à laquelle
ils ont été convoqués. Les voûtes s’effondrent d’abord, puis la puissante tour
sous laquelle des fidèles affolés avaient tenté de se réfugier. Des corps en
grand nombre gisent entre les cailloux ; d’autres ont été asphyxiés sous
leur refuge. De l’autre côté de la rue, 56 sœurs réunies avec 3 supérieures
sont toutes tuées d’un seul coup. L’évêque lui-même en réchappe comme par
miracle ; alors qu’il revêt ses ornements à l’évêché pour la cérémonie,
une bombe détruit le bâtiment. Lui-même reste accroché à mi-hauteur sur le seul
pan de mur qui subsiste, jusqu’à ce que son secrétaire vienne le délivrer.
D’autres bombardements ultérieurs achèveront d’anéantir la ville. Une fois la
guerre finie, lors de son premier pèlerinage dans les ruines du sanctuaire
marial de Telgte, le ‘lion de Münster’ retrouve son
énergie pour stigmatiser de tels procédés et la foule reprend un peu espoir à
la vue d’un tel pasteur. Ce que les nazis n’ont pas réussi à faire, dit-il, les
Alliés l’ont fait. Il est convoqué à la direction militaire et prié de se
rétracter. Rien du tout. Au contraire, il frappe du poing sur la table en
exigeant du traducteur de bien répéter tous ses mots. Lui-même n’a plus rien.
Les bombes incendiaires ont eu raison de toutes les archives de l’Évêché ;
son clergé est décimé, mais il a au moins la consolation de voir que ceux qui
reviennent du front ont gardé la foi. De grandes couches de la population sont
réduites à la misère et risquent de devenir une proie pour la propagande
communiste. Il écrit tout cela à Pie XII sur un papier de fortune, par
l’intermédiaire de la nonciature car le gouvernement militaire lui interdit
tout contact avec Rome et avec l’extérieur, à tel point que le pauvre évêque,complètement isolé, n’est même plus au courant de la
vie de l’Église. Mais le Pape, lui, peu après, le nomme cardinal. Il répond
qu’il en ressent de la confusion et qu’il serait tenté de refuser, se déclarant
faible (sic) et indigne, mais il est reconnaissant pour ce geste de réconfort à
l’égard du peuple allemand. Car le pape a nommé quatre cardinaux allemands
(Hans von Jong, Joseph Frings,
Conrad von Preysing et
August von Galen) dont deux
occupent des sièges qui ne sont normalement pas cardinalices. Cette attitude du
Pape contraste avec celle du monde presque entier qui exècre globalement le
peuple allemand, alors que beaucoup ont résisté au régime. La cérémonie à Rome,
le 18 février 1946, est un triomphe. L’entrée dans la basilique du nouveau
cardinal soulève un ouragan d’enthousiasme à mesure qu’il remonte la nef,
jusqu’à ce qu’il arrive aux pieds de Pie XII qui lui manifeste son affection et
le retient plus longuement que les autres. En mars de la même année, alors que
son frère François s’étonne de tout ce qu’il avait fait, il répond :
"Le bon Dieu m'avait donné une position qui m'obligeait à appeler noir ce
qui était noir, et à appeler blanc ce qui était blanc, comme il est dit dans
l'ordination épiscopale. Je savais que je pouvais parler au nom de milliers de
personnes qui étaient convaincues, comme moi, que ce n'est que sur le fondement
du christianisme que notre peuple allemand peut vraiment être uni et aspirer à
un avenir béni". Dans son dernier discours, prononcé le 16 mars sur le
parvis de sa cathédrale en ruines, il remercie son peuple d’avoir été pour lui
un soutien face aux puissants… même s’ils l’ont empêché ainsi de cueillir la palme
du martyre (!). Il prononce ces derniers mots d’une voix presque inaudible.
Frappé d’une péritonite foudroyante, il meurt dans la sérénité six jours plus
tard.
Note :
Mgr von Galen a ordonné
diacre en mars 39 le futur martyr et bienheureux Karl Leisner 2.
Malheureusement, les trois sermons de 1941 sont presque
inconnus encore actuellement du public francophone. Celui du 3 août est traduit
par nos soins (Voir : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/vongalen/)