Bienheureux Louis
STEPINAC
Nom:
STEPINAC
Prénom:
Louis (Alojzije)
Pays: Croatie
Naissance:
08.05.1898 à Krasic (Brezaric)
Mort: 10.02.1960 à Krasic
Etat: Archevêque - Cardinal
- Martyr
Note: Prêtre en 1930. Évêque coadjuteur de Zagreb en 1934.
Archevêque en 1937. Condamné le 11.10.1946. Cardinal le 12.01.1953.
Béatification:
03.10.1998 à Marija Bistrica
(Croatie) par Jean Paul II
Canonisation:
Fête: 10 février
Réf.
dans lOsservatore Romano: 1998 n.39 p.9-10
- n.40 p.1 -
1999 n.11 p.6-9
Réf. dans la Documentation Catholique: 1998 n.20 p.973-976 &
982-990
Notice brève:
Alois Stepinac naît en 1898 près de
Zagreb en Croatie. Très jeune il ressent la vocation, mais en 1916 il doit
faire son service militaire pendant la grande guerre. Après quoi il tergiverse
pour sa vocation. Quand il se décide, son évêque, Mgr Bauer, l'envoie à Rome
pour ses études. Ordonné prêtre en 1930, il obtient l'année suivante les
doctorats de philosophie et de théologie. Revenu à Zagreb, il travaille à
l'évêché tout en s'occupant des pauvres. Il crée pour la Caritas de Zagreb le
journal "Caritas". En 1934, à 37 ans, il est nommé archevêque
coadjuteur de Zagreb et remplace Mgr Bauer trois ans plus tard. Il s'occupe de
ses prêtres, défend la famille chrétienne, encourage le laïcat. Il redonne vie
au sanctuaire de Marija Bristrica faisant chaque année à pied les 50 km de ce
pèlerinage. Il se réjouit quand la Croatie devient indépendante en 1941 avec
l'arrivée des Oustachis au pouvoir. Mais ceux-ci sont inféodés aux nazis; ils
persécutent les Juifs et font des conversions forcées. Mgr Stepinac s'oppose à
eux de plus en plus fortement, prenant la défense des faibles et des opprimés.
Pour les Oustachis, il devient l'homme à abattre. Quand Tito prend le pouvoir
en 1945 et veut créer une Église Croate séparée de Rome, Mgr Stepinac refuse.
Les communistes lui intentent un procès factice à la suite duquel il est emprisonné
pendant 5 ans, puis assigné à résidence surveillée dans son village natal de
Krasic. Pendant plus de 13 ans, il doit subir des persécutions physiques et
morales. Il meurt en 1960, martyr de son attachement au Saint-Siège, entouré de
la vénération de tout le peuple croate.
Notice développée
Alois Stepinac naît en 1898 à Krazic,
petit village rattaché à la paroisse de Brezaric, non loin de Zagreb. Il est le
cinquième enfant d'une famille qui en compte huit. Son père s'est remarié et
lui, est issu du second lit. C'est une famille profondément catholique de cette
terre de Croatie imprégnée de christianisme. En 1916, après avoir passé son
baccalauréat, il ne fait pas comme plusieurs autres de son âge qui, en ce temps
de guerre, rentrent au séminaire sans vocation pour échapper au service
militaire. Il sert dans l'armée autrichienne comme officier. En 1918 il est
fait prisonnier par les Italiens, mais il est assez vite relâché. Vers la fin
de la guerre, il s'engage comme volontaire sur le front de Salona (Solin) ce
qui était alors l'option de nombreux jeunes Croates mécontents de la place de
la Croatie dans la monarchie austro-hongroise. Démobilisé à la fin de 1919, il
s'inscrit à la faculté d'agronomie de Zagreb, mais déçu par le manque de
moralité des étudiants, il retourne travailler dans le domaine paternel. Il
fait de l'action catholique pour jeunes et songe au mariage. Depuis longtemps,
il pense aussi au sacerdoce mais il tergiverse longuement, se rappelant
certains mauvais exemples dont il a été le témoin à l'armée. Au demeurant, même
en cette période, la religion continue à être, comme autrefois, son guide et sa
consolation. D'ailleurs, dès sa plus tendre enfance, il est soutenu par les
prières de sa mère et il jouit des conseils de son confesseur et du soutien
d'un ancien professeur, prêtre.
En 1924, il se décide pour le
sacerdoce. Son évêque, Mgr Bauer, l'envoie au Collège "Germanicum -
Hungaricum" de Rome. En 1930 il est ordonné prêtre le jour du Christ-Roi.
(Plus tard, l'anniversaire de son ordination lui donnera l'occasion de
prononcer de retentissants sermons à l'occasion de cette fête liturgique). Il
célèbre sa première messe à Sainte Marie Majeure, marquant ainsi sa grande
dévotion envers la Sainte Vierge. En 1931 il obtient les doctorats de philosophie
et de théologie. Revenu au pays, il désire se lancer dans la pastorale, mais
Mgr Bauer le retient à l'évêché pour différents services. Outre cela il se livre
à des uvres de charité. Il suggère à son évêque de fonder la "Caritas"
à Zagreb. En 1934 il est chargé de créer le journal "Caritas". Dans
son premier éditorial il écrit: "Nous voulons à travers l'amour et la
charité promouvoir la gloire de Dieu. Et puisque notre but est élevé et notre
intention pure, nous n'allons pas nous laisser déconcerter par des reproches
venus de droite ou de gauche. Nous savons et ressentons parfaitement
qu'aujourd'hui les temps sont très difficiles. Mais l'amour et la charité sont
d'autant plus nécessaires que les temps sont difficiles". Ses activités
multiples ne l'empêchent pas d'entretenir une profonde vie de prière. En 1934,
Pie XI le nomme archevêque coadjuteur avec droit de succession. Il a 37 ans:
c'est le plus jeune évêque du monde.
Le temps de son épiscopat se partage
en deux périodes de durée à peu près égales: une période active, tant qu'il
jouit de la liberté, et une période passive ou souffrante, lorsqu'il est en
prison ou assigné à résidence. Dans la période active, qui dure 12 1/2 ans il s'occupe du clergé, des pauvres et
visite les paroisses. Il prêche avec force, rappellant les 10 commandements,
encourageant les prêtres, recommandant la fidélité au Pape, soutenant la
famille chrétienne et sa fécondité; il intensifie l'apostolat des laïcs. Il
redonne vie au sanctuaire marial de Marija Bristrica (qui deviendra sanctuaire
national en 1971). Chaque année il s'y rend à pied en pèlerinage (50 km)
jusqu'à ce que cela lui soit interdit en 1946. Après le décès de Mgr Bauer en
1937, il assure la responsabilité de l'archevêché. En 1941, en pleine guerre,
les Oustachis - parti catholique extrémiste - instaurent l'"État
indépendant de Croatie". Mgr Stepinac fête l'accession à l'indépendance
par un "Te Deum", ce dont on lui fera grief plus tard. En ce temps de
détresse il se fait le défenseur intrépide des pauvres, des opprimés, des
personnes déplacées. Dès l'été 1942, il critique de plus en plus fortement les
Oustachis. Il exige que les droits de tous soient respectés, quelle que soit
leur appartenance religieuse, raciale ou ethnique. Il devient ainsi l'ennemi
juré du gouvernement inféodé au IIIe Reich. Dans le célèbre sermon
du Christ-Roi de l'année 1943, il dit que "l'Église catholique ne connaît
pas de races qui dominent et d'autres qui sont esclaves"; et en finale il
s'en prend à l'idolâtrie de l'État lorsqu'il déclare: "Notre prochain, peu
importe son nom, n'est pas un rouage dans une machine l'État, qu'il soit coloré
de rouge ou de noir, de gris ou de vert, mais c'est un enfant de Dieu qui est
libre, notre frère en Dieu". Les Oustachis l'auraient mis à mort si la défaite
allemande n'avait marqué la fin de leur pouvoir. Ils sont remplacés par les
communistes en mai 1945: c'était tomber de Charybde en Scylla. La Croatie perd
son autonomie, elle dépend à nouveau de la Yougoslavie. Une grande partie de
l'élite du pays s'enfuit. Mgr Stepina déclare: "Je reste".
Commence alors la partie passive de
son épiscopat qui dure un peu plus de 13 ans. En visite à Zagreb, Tito demande
à Mgr Stepinac de créer une "Église nationale Croate", indépendante
de Rome. Sur son refus, il est mis en état d'arrestation et de détention
préventive. Des protestations s'élèvent, notamment celle de Pie XII et il est
relâché. En septembre 1945 une lettre pastorale des évêques Yougoslaves, avec
son nom en tête, rappelle à l'État sa promesse de respecter la liberté
religieuse et la propriété privée. Cette lettre énergique ne fait qu'exacerber
la persécution. Après une campagne orchestrée d'un an et demi avec des
accusations et des calomnies, on intente un procès à Mgr Stepinac: "un
bien triste procès" (Pie XII) dont l'issue est décidée d'avance. Il refuse
de se défendre et de prendre un avocat. Par quatre fois, dans sa déposition,
revient ce leitmotiv: "Notre [pluriel de majesté] conscience est propre et
paisible". Pendant tout le procès, il fait preuve d'un calme imperturbable
dont il s'étonne lui-même et qu'il attribue à la protection de la Sainte
Vierge, 'l'Avocate de la Croatie'. On l'accuse de collaboration avec les
Oustachis. En fait, derrière 'l'accusé Stepinac', expression ressassée une centaine
de fois, personne n'est assez naïf pour ignorer que c'est le représentant de
l'Église catholique en Yougoslavie qu'on vise. En l'attaquant c'est l'effet
contraire qui se produit: "Aujourd'hui, déclare courageusement son vicaire
général, Aloïs Stepinac est le personnage le plus aimé parmi le peuple
Croate". Il est enfermé pendant 5 ans à la prison de Lepograva
(1946-1951). Il dira plus tard: "Vous m'aviez tout pris, sauf une chose:
la possibilité de lever comme Moïse les bras vers le ciel". Puis il est
mis en résidence surveillée dans la cure de son village natal, à Krasic,
"petit coin de liberté confinée", où il peut dire la messe, recevoir
et écrire. Il encourage les prêtres à rester attachés à Rome. En janvier 1953 -
surprise! - le détenu est nommé cardinal. "La pourpre cardinalice est le
symbole du sang" remarque-t-il. L'État rompt les relations diplomatiques
avec le Vatican
Jamais au cours des 15 dernières années de sa vie n'auront
cessées les persécutions physiques ou morales. On dit même qu'il a été
empoisonné lentement. Il meurt en 1960 sans avoir jamais fléchi dans sa volonté
inflexible de pardon, mais sans avoir jamais cédé à la crainte, victime en
définitive de son attachement au Saint Siège. L'État autorise le retour de son
corps à Zagreb, triomphe populaire dans une attitude de douleur profonde et
calme. A cette nouvelle, Jean XXIII célèbre une messe solennelle au Vatican.
Beaucoup plus tard, certains critiqueront
son attitude en se basant sur les dépositions du procès communiste. Mais
lorsque la Croatie accède de nouveau à l'indépendance (autoproclamation en
1991, reconnaissance par la communauté européenne en 1992), le parlement
national croate, dès février 1992, vote à l'unanimité une déclaration
condamnant le procès politique et les verdicts portés à l'encontre du cardinal.
La cérémonie de béatification, le 3 octobre 1998 au sanctuaire de Marija
Bistrica, a montré l'extraordinaire attachement au nouveau bienheureux et la ferveur
d'un peuple à peine sorti de longues années de souffrance. Le Cardinal Stepinac
est le plus illustre représentant de ces "innombrables martyrs et
confesseurs, hommes et femmes de tous les âges, qui sont le fruit de cette
terre bénie!" (Jean Paul II)