DISCOURS III

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DIVINITÉ

DISCOURS CONTRE LES JUIFS.

TROISIÈME DISCOURS. CONTRE CEUX QUI JEUNENT A LA PREMIÈRE PAQUE.

 

ANALYSE.

 

Il ne faut pas participer au jeûne que les Juifs observent avant leur pâque : 1° parce que c'est une cause de schisme et dé dissension, et que la dissension est le plus grand des maux : telle est la doctrine de saint Paul et des Pères rassemblés à Nicée ; 2° parce que Dieu , en détruisant la seule ville où pouvait légalement se faire la pâque, a suffisamment déclaré qu'il rejetait toutes tes fêtes des Juifs, et nous délivrait de l'obligation d'observer les jours fixés par la Loi ; 3° parce que chez les Juifs mêmes l'observation du lieu devait l'emporter sur l'observation du temps ; 4° parce que l'observation du temps est le plus souvent impossible.

 

1. Une affaire nécessaire, urgente, interrompant de nouveau la suite de nos instructions contre les Anoméens, demande toute notre attention, toutes nos paroles. Nous étions prêt à vous entretenir encore de la gloire du Fils unique, mais l'obstination malencontreuse de ceux qui veulent jeûner à la première pâque nous oblige d'employer encore aujourd'hui toute cette instruction à les guérir de leur folie. Et en effet le bon pasteur ne chasse pas 'seulement les loups, mais il soigne encore les brebis malades avec toute sorte de sollicitude. Car, quel profit y a-t-il à ce que les ouailles échappent à la dent des bêtes féroces, si elles sont dévorées par la maladie ? De même encore un excellent général ne repousse pas seulement les attaques du dehors, mais auparavant il réconcilie avec elle-même la ville agitée par des factions, sachant bien que la victoire sur les ennemis du dehors ne servira de rien, tant, que les dissensions continueront au dedans. Et afin que vous appreniez que rien ne contribue à la ruine autant que la sédition et la rivalité, écoutez ce que dit Jésus-Christ : Un royaume divisé contre lui-même ne subsistera pas. (Matth. XII, 25.) Et pourtant, quoi de plus puissant qu'un royaume avec ses revenus, ses armes, ses murailles, ses forteresses, et le nombre si grand des soldats, et de ses chevaux, et mille autres choses qui lui procurent une force considérable ? Néanmoins, une si grande puissance se dissout quand elle s'insurge contre elle-même. Car rien n'affaiblit autant que la rivalité et les querelles, de même que rien ne produit tant de force et de puissance que la charité et la concorde. C'est aussi ce que sentait Salomon, quand il disait : Le frère secouru par le frère est comme une ville forte et un royaume fermé. (Prov. XVIII, 19.) Voyez combien grande est la force de la concorde? combien grand est le dommage causé par la rivalité? Un royaume agité par les factions se dissout, tandis que deux hommes qui sont d'accord et unis ensemble sont plus solides qu'aucune muraille.

Je sais bien que, par la grâce de Dieu, la (298) plus grande partie de ce troupeau est exempte de cette infirmité, et que la maladie n'a envahi que le petit nombre; néanmoins, ce n'est pas une raison pour négliger la cure. Quand même il n'y en aurait que dix, ou bien cinq, ou bien deux, ou même un seul qui fût infirme, il ne faudrait pas le mépriser pour cela. Oui, quand même il n'y en aurait qu'un seul, et encore petit et abject, c'est un frère pour lequel Jésus-Christ est mort. Et Jésus-Christ a fait voir qu'il fait grand cas de ceux qui sont petits. Celui, dit-il, qui scandalise un des plus petits qui croient en moi, il lui est avantageux qu'une meule de moulin soit suspendue à son cou, et qu'on le plonge dans la mer. (Matth. XVIII, 6.) Et encore : Toutes les fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, vous ne me l'avez pas fait non plus. (Ib. XXV, 45.) Et encore : Votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu'un de ces petits périsse. (Ib. XVIII, 14.) Comment donc ne serait-t-il pas absurde, tandis que Jésus-Christ fait tant de cas des petits, que nous les abandonnassions par négligence? Ne dites pas : Il n'y en a qu'un; mais, un seul, s'il est négligé, communiquera encore le mal aux autres. Car un peu. de levain, est-il dit, fait lever toute la pâle. (Gal. V, 9.) Et ce qui perd et détruit tout, c'est que nous dédaignons les petits. C'est pourquoi les plaies deviennent grandes; comme les grandes aussi deviennent facilement petites, quand on leur donne des soins convenables.

Voici donc ce que nous leur dirons d'abord: Il n'y a rien de pire que de se livrer à la contention et à la disputé; que de déchirer l'Eglise et de diviser en beaucoup de parties cette tunique que les larrons n'ont pas osé déchirer. N'est-ce pas assez des autres hérésies, sans que nous nous divisions nous-mêmes? N'entendez-vous pas Paul qui dit : Si vous vous mordez et vous mangez les uns les autres, prenez garde d'être détruits les uns par les autres. (Gal. V,15.) Dites-moi, vous vous égarez loin du troupeau, et vous ne craignez pas le lion qui rôde au dehors. Car, est-il dit : Notre ennemi, comme un lion, rôde à l'entour en rugissant et en cherchant quelqu'un dont il se saisisse. (I Pierre, V, 8.) Voyez la sagesse du pasteur : il ne le laisse pas demeurer au dedans parmi les brebis, afin qu'il n'épouvante pas le troupeau; il ne le chasse pas non plus du dehors, afin de les tenir toutes unies au dedans par la crainte de la bête féroce. Vous ne respectez pas le Père ? craignez l'ennemi. Il vous prendra bon gré mal gré, si vous vous séparez vous-mêmes du troupeau. Il est vrai, Jésus-Christ pouvait le chasser même du dehors; mais pour vous rendre vigilants et prêts à combattre, pour que vous cherchiez constamment un refuge auprès de l'Eglise votre mère, il a permis au lion de rugir au dehors, afin que ceux qui sont au dedans, en entendant sa voix, s'unissent plus fortement, et cherchent un refuge les uns auprès des autres. C'est ainsi qu'agissent les mères qui aiment leurs enfants : quand ces enfants pleurent, elles les menacent souvent de les jeter à la gueule des loups : non qu'elles veuillent les y jeter, mais pour faire cesser leur colère. Jésus-Christ a tout fait pour que nous vivions en paix, et que nous soyons attachés les uns aux autres.

2. C'est pourquoi Paul, qui avait des réprimandes aussi graves que nombreuses à faire aux Corinthiens, n'en trouve pas qui fiassent plus importantes que celle d'avoir manqué à ce devoir. Il avait à leur faire des reproches au sujet de la fornication, de leur arrogance, des tribunaux du dehors, des festins dans les temples d'idoles, et sur ce que les femmes ne se couvraient pas la tête, tandis que les hommes le faisaient; il en avait encore, des reproches à leur faire, concernant le mépris des pauvres, l'arrogance que les dons divins avaient fait naître en eux, et aussi relativement à la résurrection des corps; il avait en outre à les blâmer au sujet de leurs querelles et de leurs procès ; il passe sur tout le reste , et c'est contre leurs divisions et leurs schismes qu'il s'élève tout d'abord. Et si vous le permettez, je vous montrerai jusqu'à l'évidence par les paroles mêmes de saint Paul, que c'est là le reproche auquel il attache le plus d'importance. Ils s'étaient livrés à la fornication, écoutez comment il en parle : C'est un bruit constant que la fornication existe parmi vous. (I Cor. V, 1.) Ils s'étaient livrés à des pensées d'orgueil . Quelques-uns se sont enflés comme si je ne devais pas aller vers vous. (Ib. IV, 18.) Ils en avaient appelé, pour juger leurs différends, aux tribunaux du dehors : Quelqu'un d'entre vous ayant une affaire contre un autre ose faire porter le jugement par des infidèles. (Ib. VI, 1.) Ils avaient mangé des viandes consacrées aux idoles : Vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons. (Ibid. X, 21.) Et sur ce que les femmes ne se (299) voilaient pas, tandis que les hommes le faisaient, écoutez comment il les reprend, quand il dit: Tout homme qui prie ou qui prophétise, ayant la tête couverte, déshonore sa tête, mais toute femme qui prie ou qui prophétise sans avoir la tête voilée, déshonore sa tête. (Ibid. XI, 4, 5.) Ils avaient méprisé les pauvres, l'Apôtre le fait voir clairement par ces paroles : L'un a faim et l'autre est ivre (I Cor. XI, 21); et encore : Ou méprisez-vous l'Église de Dieu, et couvrez-vous de confusion ceux qui n'ont rien? (Ib. 22.) Ils ambitionnaient les plus grands dons du Saint-Esprit et ils dédaignaient les moindres; on le voit par ces paroles de l'Apôtre: Est-ce que tous sont apôtres ? est-ce que tous sont prophètes ? (Ibid. XII, 29.) Ils avaient douté de la résurrection, en voici la preuve. Mais dira quelqu'un : comment ressuscitent les morts? dans quel corps viennent-ils ? (Ibid. XV, 35.) Ayant à leur reprocher tant de choses, il ne leur en dit rien cependant avant de leur avoir parlé de la division et du déchirement de l'Église. Dès le commencement de l'Épître, il leur en parle en ces termes : Je vous conjure, mes Frères, par le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de dire tous la même chose, et qu'il n'y ait point de schisme parmi vous. (Ib. I, 10.) Il savait, certes, il savait parfaitement que c'était ce qui pressait le plus. Le fornicateur, s'il entre habituellement à l'église, celui que l'orgueil ou un autre vice domine; s'ils profitent des instructions ordinaires, se corrigeront aisément; mais celui qui s'est séparé lui-même de l'assemblée des fidèles, qui s'est soustrait à l'enseignement des pères et aux remèdes du médecin, celui-là, encore qu'il paraisse se bien porter, tombera bientôt malade. Semblable à un médecin habile qui éteint d'abord le feu de la fièvre avant d'appliquer le remède aux plaies et aux ruptures, saint Paul veut avant tout supprimer les schismes, et ce n'est qu'après qu'il songe à soigner les blessures de chaque membre. Voilà pourquoi ce reproche vient avant tous les autres, et pourquoi il leur recommande d'éviter les divisions, de ne pas se choisir des maîtres particuliers et de ne pas séparer les membres du corps de Jésus-Christ. Et ce n'est pas seulement aux Corinthiens que s'adressent ces paroles de l'Apôtre, mais encore, après eux, à ceux dont les âmes sont travaillées des mêmes maladies. Il  en est à qui je demanderais volontiers ce que c'est que la pâque, ce que c'est que le carême, qu'est-ce que le judaïsme et qu'est-ce que le christianisme; pourquoi telle cérémonie n'arrive qu'une seule fois dans toute l'année, tandis que telle autre s'accomplit à chaque réunion; que signifient les azymes et beaucoup d'autres choses semblables? L'embarras où ils seraient de répondre montrerait clairement qu'ils se livrent mal à propos à la contention, eux qui ne peuvent pas même rendre raison de ce qu'ils font chaque jour. Cela rie les empêche pas de se croire plus sages que tous les autres, et, chose extrêmement condamnable, de n'accepter de leçons de personne, malgré l'excessive ignorance où ils sont de tout; de refuser toute espèce d'ordres et de conseils, et de faire dépendre témérairement leurs intérêts d'une coutume dont ils ne peuvent rendre compte, et de rouler ainsi dans les abîmes et les précipices.

3. Quelle réponse sage font-ils à ces objections? Vous-même, disent-ils, n'avez-vous jamais observé ce jeûne? Ce n'est pas à vous de m'interroger ; toutefois, je vous répondrai avec raison que si nous avons observé le jeûne judaïque, nous avons sacrifié cette habitude à l'harmonie, à l'unité de l'Église. Et ce que Paul disait aux Galates, je vous le dis, moi aussi : Soyez comme moi, puisque moi aussi j'ai été comme vous. (Gal. IV, 12.) Que veut dire cette parole ? Il leur avait persuadé de renoncer à la circoncision, de mépriser les sabbats, les jours légaux et toutes les autres pratiques de l'Ancien Testament; puis, comme il les voyait craindre et redouter d'encourir un châtiment et une peine par la transgression de la Loi mosaïque, il les rassurait par son exemple, en disant: Soyez comme moi, puisque, moi aussi, j'ai été comme vous. Comme s'il disait Est-ce que je suis sorti du milieu des Gentils? -Est-ce que j'ignore les observances légales et la peine portée contre les infracteurs de la Loi? Fiez-vous donc à moi sur cette question. Hébreu né d'hébreux, pharisien pour ce qui est de la manière d'observer la Loi; quant au zèle pour le judaïsme, persécutant l'Église. Mais, ce qui me paraissait un gain pour moi, je le regarde, à cause de Jésus-Christ, comme une perte (Phil. III, 5-7) ; c'est-à-dire, j'ai renoncé au judaïsme d'une manière absolue. Soyez donc comme moi, puisque j'ai été comme vous.

Mais que parlé-je de moi-même? Trois cents Pères, ou même davantage, assemblés dans (300) une ville de la Bithynie, ont décrété ce que je vous prêche en ce moment, et vous ne faites aucun cas de leur décision ? Dès lors de deux choses l'une: il faut que ces hommes aient ou ignoré, ou trahi la vérité; à votre sens, c'étaient des ignorants ou des hypocrites. Puisque vous ne respectez pas ce qu'ils ont décrété, ces conséquences sont rigoureuses; mais elles sont démenties par les faits qui ont montré leur sagesse d'une manière éclatante, et leur sagesse apparaît dans cette exposition de la foi qui ferma la bouche aux hérétiques, et, comme un mur inébranlable, repoussa toutes leurs machinations; quant à leur courage, la persécution qu'ils venaient de traverser et la guerre qu'ils avaient soutenue contre le monde, dans l'intérêt de l'Eglise, l'avaient suffisamment éprouvé.

En effet, comme de vaillants guerriers qui ont érigé d'innombrables trophées, et reçu de nombreuses blessures, ainsi revenaient alors de toutes parts les chefs des Eglises, portant les stigmates de Jésus-Christ, et pouvant compter les nombreux supplices qu'ils avaient endurés pour la confession de la foi. Les uns pouvaient parler des mines et de la misère qu'ils y avaient endurée; d'autres, de la confiscation de tous leurs biens; d'autres, de la faim qu'ils avaient soufferte ; d'autres, des blessures dont tout leur corps était couvert; les uns aussi pouvaient montrer leurs côtés labourés avec les ongles de fer; d'autres, leur dos meurtri; d'autres, les orbites d'où leurs yeux avaient été arrachés ; et d'autres , quelqu'autre membre de leur corps mutilé pour Jésus-Christ. Et c'est de la réunion de ces athlètes que fut alors formé le Concile entier; et, d'accord sur la foi, ils décrétèrent aussi que l'on célébrerait la fête de Pâques en commun et tous ensemble. Ainsi, des hommes qui n'avaient pas trahi la foi dans des temps si difficiles, ces mêmes hommes ont dû, selon vous , recourir à la dissimulation pour fixer le jour où une fête sera observée? Songez-vous à ce que vous faites, en condamnant tant de Pères si courageux et si sages? Si l'orgueil avec lequel le pharisien se préféra au publicain, rendit nulles toutes ses vertus, quel pardon obtiendrez-vous et quelle sera votre défense, à vous qui condamnez tant de docteurs chéris de Dieu, et cela injustement et contre toute raison? N'avez-vous pas entendu Jésus-Christ dire lui-même : Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux ? (Matth. XVIII, 20. ) Quoi ! Jésus-Christ est au milieu de deux ou trois hommes qui prient ensemble, et il n'aurait pas été au milieu de ces trois cents évêques dictant tout, décrétant tout ! En les condamnant, vous condamnez aussi la terre entière qui a approuvé leur sentence. Pensez-vous donc que les Juifs soient plus sages que tous les Pères de toutes les contrées de la terre, et cela, quand ils ne jouissent plus des institutions de leurs pères, et ne célèbrent plus aucune fête ? Il n'y a plus chez eux ni d'azymes ni de pâques (j'en entends beaucoup, en effet, dire que la pâque ne peut se passer des azymes); il n'y a plus, je le répète, d'azymes parmi eux; apprenez-le de la bouche de leur législateur lui-même : Vous ne pourrez pas immoler la pâque indifféremment dans toutes les villes que le Seigneur votre Dieu doit vous donner, mais seulement dans le lieu qu'il aura choisi pour y établir son nom. Le lieu choisi par le Seigneur fut Jérusalem (Deut. XVI, 5, 6) : Vous le voyez, après avoir désigné une ville , une seule, pour la célébration de cette fête, le Seigneur a ensuite ruiné jusqu'à la ville même, pour les détourner, même malgré eux, de cette institution ; car, Dieu savait apparemment ce qui devait arriver. Pourquoi donc a-t-il rassemblé les Juifs de tous les points de la terre dans une ville qu'il prévoyait devoir être détruite? N'est-il pas évident que c'est parce qu'il voulait abolir la fête? Dieu l'a abolie, et vous vous faites le disciple des Juifs dont le Prophète a dit : Et qui est aveugle, sinon mes enfants; et sourd, sinon ceux qui exercent l'empire sur eux ? (Is. XLII,19.) Envers qui, en effet, n'ont-ils pas été ingrats et stupides? Envers les apôtres, envers les prophètes, envers leurs docteurs? Et qu'est-il besoin de parler des docteurs et des prophètes, puisqu'ils ont égorgé jusqu'à leurs fils mêmes? Car, ils ont immolé leurs fils et leurs filles aux démons. (Ps. CV, 37.) Ils ont méconnu la nature, et observé les jours de fêtes !

Ils ont foulé aux pieds la parenté; ils ont oublié leurs enfants; ils ont oublié Dieu même, leur Créateur. Car, est-il dit : Tu as oublié Dieu qui t'a engendré, et tu as oublié Dieu qui te nourrit. (Deut. XXXII, 18.) Ils ont abandonné Dieu , et ils gardent scrupuleusement leurs fêtes ! Quelle inconséquence ! Il est vrai, Jésus-Christ a fait la pâque avec les Juifs, mais ce n'était pas pour que. nous la célébrassions avec (301) eux, c'était afin que la figure se rencontrant avec la vérité servît à l'introduire et à la faire reconnaître dans le monde. Il a aussi enduré la circoncision, il a observé les sabbats, sanctifié les fêtes, et mangé les azymes; tout cela à Jérusalem. Mais, nous ne sommes plus assujettis à aucune de ces observances, et Paul s'écrie : Si tous vous faites circoncire, Jésus-Christ ne vous sert de rien (Gal. V, 2) ; et encore au sujet des azymes : C'est pourquoi, célébrons la fête, non avec le vieux levain, ni avec le levain de la méchanceté et de la perversité, mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité. (I Cor. V, 8.) Car, nos azymes ne sont pas de la farine pétrie, mais une conduite sincère, et une vie vertueuse.

4. Pourquoi donc Jésus-Christ a-t-il fait la pâque en même temps que les Juifs ? Parce que l'ancienne pâque était la figure de celle qui devait venir, et qu'il fallait que la vérité s'ajoutât à la figure ; après avoir montré sombre, il produisit la vérité pendant. la même scène; mais, la vérité étant une fois apparue, l'ombre dès lors est effacée , et n'est plus de saison. Ne m'alléguez donc pas cette raison. Montrez-moi, si vous le pouvez, que Jésus-Christ a ordonné de faire la pâque avec les Juifs. Car, c'est le contraire que je soutiens : je soutiens que non-seulement il n'a pas ordonné d'observer les jours de fêtes marqués dans la loi mosaïque, mais qu'il nous a même délivrés de l'obligation de célébrer ces fêtes. Ecoutez, en effet, ce que dit Paul, et quand je nomme Paul, c'est de Jésus-Christ que je parle, puisque c'est lui qui meut l'âme de Paul. Que dit donc le grand Apôtre? Vous observez les jours, et les mois, et les saisons, et les années. J'appréhende pour vous que je n'aie peut-être travaillé en vain parmi vous. (Gal. IV, 10, 11.) Et encore : Chaque fois que vous mangerez ce pain, et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort dit Seigneur. (I Cor. XI, 26.) En disant: Chaque fois, il a donné plein pouvoir à celui qui s'approche des saints mystères de choisir le temps qu'il veut. Il ne fixe pas de jours à garder invariablement. Car, la pâque et le carême ne sont pas la même chose; mais, autre chose est la pâque , autre le carême. Le carême n'arrive qu'une seule fois l'an, la pâque, trois fois la semaine, et parfois même quatre fois , ou plutôt, chaque fois que vous voulez ; car la pâque n'est pas un jeûne, mais l'oblation et le sacrifice qui se fait dans chaque réunion. Entendez saint Paul vous le dire lui-même : Jésus-Christ, notre pâque, a été immolé pour nous; et chaque fois que vous mangerez ce pain, et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur. (I Cor. XI, 26.) C'est pourquoi, chaque fois que vous vous approchez des saints mystères avec une conscience pure, vous célébrez la pâque; vous la célébrez, dis-je, non pas quand vous jeûnez, mais quand vous participez au sacrifice. Chaque fois, en effet, que vous mangerez ce pain, et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur. Célébrer la pâque, c'est annoncer la mort; car, l'oblation faite aujourd'hui, et celle qui a été célébrée hier, et celle de chaque jour, est semblable à celle qui s'est accomplie en ce grand jour du sabbat, où Jésus-Christ fut sacrifié sur la croix; elle est la même; et celle-là n'est en rien plus vénérable que celle-ci, ni celle-ci, de moindre valeur que celle-là; mais, c'est une seule et même oblation également redoutable et salutaire.

Pourquoi donc, dit-on, jeûnons-nous ces quarante jours? Beaucoup autrefois s'approchaient des mystères témérairement et comme à l'aventure, et surtout dans ce temps où Jésus-Christ les a institués. Or, les Pères, sachant le danger qu'il y avait à s'en approcher avec négligence, désignèrent lorsqu'ils furent réunis, quarante jours consacrés au jeûne, aux prières, à l'audition de la parole de Dieu, aux assemblées, afin qu'étant tous soigneusement purifiés en ces jours, par les prières, par l'aumône, par le jeûne, par les veilles, par les larmes, par la confession et par toutes les autres oeuvres dé. piété, nous pussions nous approcher des sacrements avec une conscience aussi pure que possible. Qu'ils aient obtenu un grand et heureux résultat par cette condescendance, en nous faisant contracter l'habitude de jeûner, voici qui le prouve. Pour nous, prédicateurs, quand même pendant toute l'année, nous ne cesserions de prêcher le jeûne de toutes nos forces, personne ne ferait attention à ce que nous dirions. Mais, que le temps du carême arrive seulement; sans que personne les exhorte ou les avertisse, les plus nonchalants se lèvent , recevant du temps avertissement et exhortation. Si donc un Juif ou un Gentil vous demande pourquoi vous jeûnez, ne dites pas que c'est en mémoire de la pâque ou de la croix, car ce serait lui donner prise contre vous; nous ne jeûnons pas, en effet, en mémoire de la (302) pâque, ou de la croix, mais pour effacer nos péchés, avant de nous approcher des mystères. Si ce n'était cette raison, la pâque serait plutôt pour nous une occasion de joie et d'allégresse, que de jeûne et de tristesse. La croix, en effet, a ôté le péché, elle a été l'expiation du monde, la réconciliation d'une haine invétérée; elle a ouvert les portes du ciel; elle a rendu amis de Dieu ceux qui lui étaient en aversion; elle a rouvert à notre race l'entrée du ciel; elle a placé notre nature à la droite du trône éternel, et nous a procuré une infinité d'autres biens. Il ne faut donc pas pleurer et avoir le coeur serré, mais être content et se réjouir de toutes ces choses. C'est pourquoi, Paul aussi a dit : Loin de moi que je me glorifie, sinon dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Gal. VI, 14) ; et encore : Dieu prouve sa charité pour nous, en ce que, quand nous étions encore pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous (Rom. V, 8) ; et Jean exprime ainsi la même pensée : Dieu a tant aimé le monde. (III, 16.) Par quelle marque Dieu a-t-il surtout signalé son amour pour le monde ? Par la croix : car écoutez ce qu'ajoute l'apôtre saint Jean : Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, pour être crucifié, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle. La croix est donc une occasion de témoigner de l'amour pour Dieu, et:un sujet de se glorifier: rie disons donc pas que nous pleurons à cause d'elle. Car, nous ne pleurons pas à cause d'elle, à Dieu ne plaise ! mais à cause de nos propres péchés. Voilà pourquoi nous jeûnons.

5. Le catéchumène ne célèbre certainement jamais la pâque, bien 'qu'il jeûne chaque année, parce qu'il ne communie pas à l'oblation; au contraire, le chrétien qui ne jeûne pas, s'il s'approche du sacrement avec une conscience pure, célèbre la pâque, qu'il participe à la communion aujourd'hui, demain ou n'importe quel jour. Ce n'est pas par l'observation des temps mosaïques, c'est par la pureté de la conscience que l'on juge de la disposition de celui qui s'approche de la table sainte; cependant nous sommes si peu raisonnables que nous faisons le contraire. Nous ne purifions pas l'âme; et pourvu que nous nous approchions des saints mystères le jour de Pâques , nous croyons que nous célébrons Pâques, quand même nous serions tombés dans une infinité de péchés. Mais nous nous trompons; non, quand vous vous approcheriez du banquet sacré, le jour même du sabbat, si votre conscience est mauvaise, votre communion ne vaut rien; vous sortez de l'église sans avoir satisfait au devoir pascal; au contraire si vous communiez après avoir purifié votre conscience, quand ce serait aujourd'hui, vous avez parfaitement célébré la pâque. Il vous faudrait donc appliquer toute votre diligence et votre ardeur, non pas à observer exactement les temps mosaïques, mais à vous approcher dignement des saints mystères. Vous préféreriez maintenant tout endurer plutôt que de rompre entièrement avec les coutumes judaïques ; gardez cette fermeté, maïs transportez-la à un autre objet plus digne; ce souci que vous avez pour observer les coutumes des Juifs, ayez-le pour vous approcher sans péchés des sacrements.

Pour vous convaincre, en effet, que Dieu ne fait aucun cas des temps fixés pour les fêtes de l'Ancien Testament, ni de tant d'autres vaines observances, écoutez ce qu'il dira au jugement dernier : J'ai eu faim, et vous m'avez nourri; j'ai eu soif, et vous m'avez donné â boire J ai été nu, et vous m'avez revêtu (Matth. XXV, 35) ; ceux qui sont à la gauche, il leur reproche le contraire; vient ensuite un autre pécheur qu'il châtie pour son ressentiment et son manque de charité : Méchant serviteur, dit-il en effet, je vous ai remis toute votre dette; ne deviez-vous pas, vous aussi, avoir compassion de votre frère, comme j'ai eu compassion de vous? (Ib. XVIII, 32.) Il exclut aussi des vierges de la chambre nuptiale, parce qu'elles n'avaient pas d'huile dans leurs lampes (Ib. XXV, 7 et suiv.) ; un autre, parce qu'il était entré sans avoir l'habit nuptial (Ib. XXII, 4l et suiv.), et couvert de sordides vêtements, et rempli de fornication et d'impureté ; mais, on ne voit pas que jamais personne ait été châtié ni repris pour avoir fait la pâque en tel mois ou en tel autre.

Mais que parlé-je des chrétiens qui ont été délivrés de toute obligation semblable, et dont la conversation est en haut, dans les cieux, où il n'y a ni mois, ni soleil, ni lune, ni révolution des années? Les Juifs eux-mêmes, si l'on veut faire attention à ce qui se passe parmi eux, les Juifs ne considèrent l'observation fidèle des temps que comme un devoir d'une importance secondaire, le point capital de leur loi, le devoir auquel il leur est rigoureusement interdit de manquer, c'est l'observation du lieu, (303) c'est de sacrifier à Jérusalem. Des hommes, en effet, s'étant approchés de Moïse, et lui ayant dit: Nous sommes impurs parce que nous avons approché d'un corps mort; comment, serons-nous privés pour cela d'offrir les dons au Seigneur ? (Nomb. IX, 7.) Tenez-vous là, leur répondit-il, et j'en référerai à Dieu. (Ibid. V, 8.) Puis, quand il en eut référé, il porta une loi par laquelle il était dit que si quelqu'un était impur pour avoir approché d'un corps mort ou si quelqu'un faisait un long voyage, et qu'il leur fût impossible de faire la pâque dans le premier mois, ils la feraient dans le second. (Ibid. V, 10.) Quoi donc ! chez les Juifs l'observation du temps est supprimée pour que la pâque se fasse à Jérusalem; et vous, vous ne préférez pas à l'observation servile du temps l'accord et l'union de l'Eglise ! vous affectez d'observer rigoureusement les jours, et dans votre égarement, vous osez insulter à notre commune Mère; vous divisez la sainte assemblée ! N'espérez aucun pardon, vous qui n'avez aucune excuse pour commettre de tels péchés.

Mais je vais plus loin et j'affirme qu'avec la meilleure volonté du monde;. il nous est tout à fait impossible d'observer le jour dans lequel Jésus-Christ a été crucifié. Je vais vous le prouver d'une manière évidente. Oui, quand même les Juifs n'auraient pas transgressé la loi de Dieu et ne seraient ni ingrats, ni stupides, ni plongés dans l'insouciance et le mépris des choses du salut; quand ils ne seraient pas déchus des institutions de leurs pères; quand ils les garderaient maintenant avec soin, il nous serait impossible, même alors, en marchant sur leurs traces, d'observer le jour dans lequel Jésus-Christ a été crucifié et a célébré la- pâque. Pourquoi ? Je vais vous le dire. Le jour où il a été crucifié était le premier jour des azymes et la veille du sabbat, coïncidence qui n'arrive pas tous les ans. Voici, en effet, que dans, l'année présente, le premier jour des azymes tombe un jour de dimanche, et c'est une nécessité de jeûner toute la semaine : la passion est passée, nous avons assisté au supplice de la croix, à la résurrection même, et le jeûne dure encore. II arrive donc souvent que le jeûne se prolonge après la croix, après la résurrection, la semaine n'étant pas encore finie: ainsi, il n'y a aucune observation du temps.

6. Ne nous obstinons donc pas, et gardons, nous de dire : il y a si longtemps que je jeûne à telle époque et je changerais maintenant cette habitude ? Pour cette raison-là même, vous devez la changer; puisque vous vous êtes tenu si longtemps éloigné de l'Eglise, revenez désormais à cette bonne mère. Serait-il raisonnable de dire : Puisque j'ai si longtemps persévéré dans la haine, j'aurais honte de me réconcilier maintenant? Il n'y a pas de honte à changer pour devenir meilleur, il y en a à persister dans une obstination à contre-temps. C'est là ce qui a perdu les Juifs ; leur opiniâtreté à garder l'ancienne Loi les a entraînés dans l'impiété.

Mais que parlé je du jeûne et de l'observation légale des jours? Zélé partisan de la Loi ancienne, saint Paul avait enduré pour elle sueurs, peines, fatigues; il avait entrepris de nombreux voyages, surpassé tous ceux de son temps dans l'observation exacte des institutions judaïques; néanmoins, quand, après tous les efforts et les sacrifices qu'il avait faits pour atteindre à la perfection légale et mosaïque, il s'aperçut que tout ce qu'il faisait, loin de lui être utile, tournait à son préjudice et à sa ruine, il ne balança pas un instant à quitter la Loi de Moïse pour celle de Jésus-Christ. Et il ne se dit pas en lui-même : Quoi donc! Aurai-je pour rien dépensé tant de zèle? Perdrai-je le fruit de si grands travaux? Ce fut précisément cette raison qui le poussa à changer plus promptement, pour ne pas travailler davantage en pure perte; et il méprisa la justice qui vient de la Loi, afin de recevoir celle qui vient de la foi; et il S'écrie : Tout ce qui a été un gain pour moi, je le regarde; ci cause de Jésus Christ, comme une perte. (Phil. III, 7.)

Si vous apportez voire présent à l'autel, est-il dit, et que là, vous vous souveniez que votre frère a quelque chose contre vous, allez, réconciliez-vous d'abord avec votre frère, et après venez offrir votre présent. (Matth. V, 93.) Quoi donc? Si votre frère a quelque chose contre vous il ne vous est pas permis d'offrir le sacrifice, jusqu'à ce que vous vous soyez réconcilié avec lui; et tandis que l'Eglise tout entière, et tant de Pères ont quelque chose contre vous, vous ne craignez pas d'approcher des divins mystères sans avoir mis fin à cette haine si funeste pour vous? Comment donc pourrez-vous célébrer la pâque dans de telles dispositions? Je ne dis point cela pour les judaïsants seuls, mais pour vous aussi, mes Frères, qui êtes exempts de cette maladie, afin qu'avec (304) toute la diligence et la douceur dont vous êtes capables, vous rassembliez tous les chrétiens judaïsants pour les ramener dans le sein de l'Eglise notre mère.

Et quand même ils se roidiraient, regimberaient, et feraient toutes les résistances imaginables, ne cédez pas, insistez, persistez jusqu'à ce que vous les ayez persuadés; on ne saurait faire trop de sacrifices quand il s'agit de ramener dans l'Eglise la paix et l'union. C'est pour cela que, quand l'évêque, votre Père entre, il ne monte pas sur son trône avant de vous avoir souhaité la paix à tous ; et quand il s'est levé il ne commence pas à vous faire l'instruction qu'il ne vous ait d'abord donné la paix à tous. Lorsque les prêtres vous bénissent, c'est là ce qu'ils vous souhaitent tout d'abord, c'est ainsi qu'ils commencent la bénédiction.

Et quand le diacre avertit de prier avec les autres, il ordonne aussi d'invoquer l'ange de la paix dans la prière; et tout ce qui est offert dans le sacrifice symbolise la paix; et celui qui vous renvoie de cette réunion vous fait ce souhait: Retirez-vous en paix; et rien absolument ne peut ni se dire ni se faire sans la paix. Car elle est notre nourrice et notre mère, qui nous entretient avec beaucoup de soin. Et quand je dis la paix, je ne parle pas de celle qui consiste dans un simple salut ni dans la communion de la table, mais de la paix qui est selon Dieu, qui procède de la concorde spirituelle, paix que beaucoup troublent aujourd'hui, que détruisent surtout ceux qui, par une obstination coupable, rabaissent le christianisme et exaltent le judaïsme, croyant les Juifs des maîtres plus dignes de foi que nos propres Pères spirituels, et s'en rapportant pour connaître la passion de Jésus-Christ, aux meurtriers de Jésus-Christ : n'est-ce pas là ce que l'on peut concevoir de plus déraisonnable? Ne savez-vous pas que les Juifs ont eu la figure, et nous la vérité ? Voyez donc combien grande est la différence. La Loi ancienne défendait la mort corporelle, la Loi nouvelle a apaisé la colère divine soulevée contre toute la terre; la Loi ancienne a fait sortir, un jour, de l'Egypte, le peuple hébreu, celle-ci nous a délivrés de l'idolâtrie; celle-là a dompté Pharaon, celle-ci le diable; après celle-là la Palestine, après celle-ci le ciel.

Pourquoi donc demander encore la lumière à la lampe, quand le soleil a lui? Pourquoi vouloir encore vous nourrir de lait, quand on vous présente une nourriture plus solide? C'est pour que vous ne vous en teniez pas au lait, qu'on vous a d'abord nourris de lait; c'est pour vous diriger vers le soleil, que le flambeau a été allumé. Quand un état plus parfait est arrivé, ne demeurons pas obstinément attachés à ce qui existait d'abord, ne nous occupons plus de jours, de saisons et d'années, mais suivons partout l'Eglise avec ardeur; préférant la charité et la paix à toutes choses. Quand même l'Eglise se tromperait dans l'observation des jours, l'avantage qu'on retirerait de l'exactitude la plus grande en cette matière ne serait pas assez considérable pour compenser le dommage résultant de la division et du schisme. Je ne tiens aucun compte du temps, parce que Dieu lui-même, non plus, n'y a nul égard, comme je vous l'ai démontré assez longuement; je ne demande qu'une seule chose, c'est que, dans toutes nos actions , nous soyons fidèles à la paix et à la concorde; et que, tandis que nous jeûnons , ainsi que tout le peuple, et que les prêtres font des prières communes pour le monde entier, vous ne restiez pas, vous, à vous enivrer à la maison. Pensez que c'est là le fruit de l'opération du diable, et qu'agir de la sorte ce n'est pas commettre seulement un péché, ni deux, ni trois, mais beaucoup plus. C'est vous séparer du troupeau, c'est condamner les décisions de nos Pères spirituels, vous jeter dans la contention, vous précipiter dans le judaïsme, et vous exposer comme un scandale, et à ceux de la maison et aux étrangers. Comment pourrons-nous, nous qui sommes chargé d'annoncer la parole de Dieu, faire un reproche à tels ou tels, de ce qu'ils demeurent nonchalamment dans leurs maisons pendant les offices de l'Eglise, quand vous courez, vous autre§, vous mêler aux fêtes des Juifs? Ce sont là des fautes graves; ajoutez-y le tort immense que vous vous faites à vous-mêmes, puisque pendant ces jeûnes vous ne profitez ni des Ecritures, ni des réunions, ni de la bénédiction, ni des prières communes; mais que vous passez tout ce temps avec une conscience mauvaise, craignant et tremblant d'être surpris, comme un homme d'une autre race et d'un autre pays, tandis qu'il faudrait avec confiance, avec plaisir, avec joie et en toute liberté, accomplir tous les exercices religieux en union avec l'Eglise. L'Eglise ne s'occupe pas d'observer exactement les temps; mais puisqu'il a plû à tous les Pères de se réunir (305) ensemble, de toutes les régions de la terre, et de fixer un jour, comme l'Eglise estime pardessus tout l'unité, l'harmonie et la concorde, elle a admis ce qui a été ordonné par un concile. Car, il est impossible, à nous comme à vous, comme à tout autre, de célébrer les mystères les jours mêmes où ils furent accomplis nous l'avons suffisamment démontré dans ce qui précède. Ne nous battons donc pas contre des fantômes; et ne nous nuisons pas dans des choses importantes , en querellant sur des choses de peu de valeur. Jeûner en tel ou tel temps importe peu; mais diviser l'Eglise, se tenir dans des dispositions querelleuses , faire naître des dissensions, se priver constamment soi-même de la réunion : voilà ce qui est impardonnable, digne d'accusation et puni d'une grande peine.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet; mais, pour ceux qui sont attentifs, ce qui a été dit suffit; quant à ceux qui ne sont pas attentifs, en vain en dirions-nous davantage, ils n'en profiteraient pas. C'est pourquoi, mettant fin ici à ce discours, supplions ensemble tous nos frères de revenir à nous, de s'attacher à la paix , de renoncer aux contentions et aux querelles inutiles. Exhortons-les à se moquer de ces misères, à prendre des pensées plus hautes et plus grandes, et à se délivrer de l'observation judaïque des jours ; afin que tous, unanimement et d'une seule voix, nous glorifiions Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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