ROMAINS XXXI

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HOMÉLIE XXXI. SALUEZ MON CHER ÉPÉNÉTE, QUI A ÉTÉ LES PRÉMICES DE L'ASIE, POUR JÉSUS-CHRIST. (XVI, 5, JUSQU'À 16.)

 

421

 

Analyse.

 

1.3. De l'utilité de l'étude des noms propres dans l'Ecriture Sainte. — Sur Epénéte , Marie et les saintes femmes des temps apostoliques; Andronigne et Junie, parents de saint Paul et captifs avec lui; Amplias, Urbain, Slachys, Apelle, la famille d'Aristobule, Hérodion, la maison de Narcisse, Tryphène et Tryphose, Perside, Rufus et sa mère, et autres saints personnages, hommes et femmes; détails divers.

4 et 5. Réflexions sur la considération dont saint Paul était entouré. — De l'inégalité des rangs dans le ciel. — De l'inégalité dans les mérites des hommes dont parle l'Ecriture. — De l'inégalité des châtiments. — Dans quel lieu et la géhenne. — Il  est bien moins important de le savoir que d'éviter d'y tomber. — Contre l'indifférence à ce sujet. — Pourquoi résister à la bonté du Dieu qui veut notre salut ?

 

1. Un grand nombre, même des personnes jalouses de bien faire, passeront, j'imagine, cette partie de l'épître, comme inutile, et sans grand intérêt; c'est précisément ce qu'elles font, je pense, de la généalogie qui se trouve dans l'Evangile; en effet, comme il n'y a là qu'un catalogue de noms propres, elles ne croient pas y trouver grand profit. Cependant ceux qui cherchent l'or, en ramassent minutieusement les plus petites parcelles , et les personnes dont je parle négligent des lingots d'un or si précieux. Il suffira de ces quelques paroles pour prévenir cette indifférence, et les corriger. La grande utilité que présente ici l'épître, est manifeste par ce que nous avons dit plus haut; ces divers saluts ont déjà élevé vos âmes; et, aujourd'hui encore, nous allons essayer d'extraire l'or de ce passage. Des noms qui ne sont rien en apparence, renferment quelquefois un trésor. Si vous comprenez pourquoi Abraham a reçu ce nom , et, de même pour Sara, pour Israël, pour Samuel, vous apprendrez, du même coup, un grand nombre de faits de l'histoire. Ces circonstances de temps et de lieu vous fourniront aussi leurs enseignements. Avec de la bonne volonté, on trouve là des moyens de s'enrichir; le négligent ne tire aucun profit même des leçons les plus claires. Ainsi le goal d'Adam est tout un enseignement de haute sagesse, et il en faut dire autant, du nom de son fils, du nom de sa femme, et de beaucoup d'autres. En effet, les noms sont des monuments d'une grande éloquence; ils témoignent des bienfaits de Dieu et de la reconnaissance des femmes; elles conçoivent par la grâce de Dieu répandue sur elles, et ensuite elles donnent, elles donnaient ainsi autrefois des noms à leurs enfants.

Mais à quoi bort discourir en ce moment sur des noms, lorsque nous négligeons tant et de si précieuses pensées, lorsque tant de personnes ne connaissent même pas les noms des livres saints? Toutefois, ce n'est pas pour nous une raison d'abandonner cette étude : « Vous « deviez », dit la parabole, « mettre votre argent entre les mains des banquiers». (Matth. XXV, 27.) .Aussi, quand personne ne devrait nous entendre, voulons-nous faire notre devoir, montrer qu'il n'y a rien d'inutile, rien de livré au hasard dans les Ecritures. Si les détails où il entre n'avaient pas leur utilité, l'apôtre ne les aurait pas ajoutés à sa lettre, Paul n'aurait pas écrit ce qu'il a écrit. Mais il y a des hommes tellement engourdis, lâches, indignes du ciel, que ce ne sont pas seulement des noms, mais des livres tout entiers qu'ils regardent comme superflus, ainsi le Lévitique, le livre de Josué et plusieurs autres. C'est ainsi (422) que l'Ancien Testament a été rejeté par un grand nombre d'insensés, et, s'avançant plus encore dans cette voie détestable, des hommes en délire ont été jusqu'à mutiler, en grande partie, le Nouveau Testament. Mais ce sont des malheureux adonnés à l'ivresse, vivant dans la chair; nous n'avons pas à en tenir compte ; s'il est des amis de la vraie sagesse, des âmes amoureuses des choses spirituelles, écoutez ; ce qui semble le moins relevé dans l'Ecriture n'y est pas jeté au hasard et sans utilité, les plus vieux récits ont une importance considérable. « Toutes ces choses sont des figures», dit l'Apôtre, « et elles ont été écrites pour notre instruction ». (I Cor. X,11.) Aussi disait-il à Timothée : « Appliquez-vous à la lecture, et à l'instruction » (I Tim. IV, 13), pour le porter à la lecture de l'Ancien Testament, parce qu'il voyait d'ailleurs en lui, un homme que l'Esprit vivifiait, qui ressuscitait les morts. Appliquons-nous donc à notre sujet. « Saluez mon cher Epénète ». On peut voir ici, la diversité des éloges que Paul fait de chacun. Ce n'est pas un mince éloge, au contraire, c'est le plus glorieux, c'est celui qui montre le mieux la vertu d'un fidèle que d'être aimé de ce Paul, qui n'aimait pas par entraînement, mais par choix. Autre éloge maintenant : « Qui a été les prémices de l'Achaïe ». Paul entend par là qu'avant tous les autres Epénète s'est élancé dans la voie nouvelle , acceptant la foi, ce qui n'est pas un mince éloge, ou il veut dire que sa piété surpasse celle de tous les autres. Aussi, après avoir dit: « Qui a été les prémices de l'Achaïe », Paul ne s'arrête-t-il pas là; mais pour empêcher qu'on ne soupçonnât une gloire selon le monde, il ajoute : « Pour Jésus-Christ ». En effet si, dans le gouvernement des Etats, celui qui entreprend te premier une grande affaire, a pour lui le mérite, la gloire, à bien plus forte raison en est-il de même en ce qui concerne les affaires du Seigneur. On peut croire qu'Epénète était d'une basse naissance, et Paul marque de lui, ce qui constitue vraiment la naissance, la prééminence, et c'est par là qu'il le décore. Et ce n'est pas de Corinthe seulement, mais de la province tout entière qu'il le nomme les prémices, il a été comme la porte, le vestibule par où les autres sont entrés. La récompense des hommes qui lui ressemblent, n'est pas à dédaigner ; un pareil homme récoltera un fruit précieux, même des vertus des autres, juste récompense du grand service par lui rendu aux premiers jours.

« Saluez Marie, qui a beaucoup travaillé a pour vous (6) ». Qu'est-ce à dire? Encore une femme couronnée, célébrée, encore un motif de confusion pour nous, qui nous nommons des hommes. Je me trompe, ne nous contentons pas de rougir; rougissons, et soyons fiers; soyons fiers d'avoir auprès de nous de telles femmes; rougissons d'être si loin de les égaler, nous, qui nous nommons des hommes. Mais, du moment que nous aurons compris d'où leur vient cet éclat de beauté, nous aussi nous ne serons pas longtemps à les dépasser. D'où leur vient donc l'éclat dont elles brillent? Ecoutez, hommes et femmes; les bracelets, les colliers, les eunuques, les servantes, les vêtements d'or n'y sont pour rien ; elles ne doivent rien, ces femmes, qu'aux sueurs qu'elles ont répandues pour la vérité. «Qui a », dit-il, « beaucoup travaillé pour nous »; non-seulement pour elle, pour perfectionner sa propre vertu, ce que font beaucoup de femmes, jeûnant, couchant sur la dure, mais, de plus, travaillant pour les autres , courant par le monde comme les apôtres, comme les évangélistes. Mais alors d'où vient que Paul dit « Je ne permets point à la femme d'enseigner? » (I Tim. II, 12.) Il ne veut pas qu'elle préside au milieu des docteurs, il ne veut pas qu'elle monte en chaire, mais il ne lui interdit pas d'enseigner. Autrement, comment aurait-il dit à la femme dont le mari est infidèle: « Que sais-tu, ô femme, si tu ne sauveras pas ton mari ? ». (I Cor. VII , 16.) Comment lui aurait-il permis de former l'esprit de ses enfants? comment aurait-il dit : « Elle se sauvera néanmoins par les enfants qu'elle aura mis au monde, s'ils persévèrent dans la foi, dans la charité , dans la sainteté de la sagesse? » (I Tim. II, 15.) Comment Priscille a-t-elle instruit Apollon? (Act. XVIII, 26.) L'apôtre n'a donc pas voulu supprimer les entretiens secrets , les conversations particulières utiles, niais les discours publics, les harangues, sur un théâtre , l'enseignement qui ne sied qu'aux maîtres et aux docteurs. Et quand le mari est fidèle, solide dans la foi, capable d'instruire sa femme , de lui communiquer la sagesse , il ne lui interdit pas , à lui non plus, d'instruire sa femme et de la redresser. Remarquez d'ailleurs que Paul n'a pas dit : Qui a beaucoup enseigné, mais: « Qui a beaucoup (423) travaillé »; ces paroles montrent que Marie, outre ses bonnes paroles, rendait une foule d'autres services , par les dangers qu'elle courait, par ses secours en argent, par ses voyages.

2. C'est qu'il y avait, à cette époque, des femmes, des lions, plus ardentes encore , qui prenaient, avec les apôtres, leur part des fatigues de la prédication; pour ce motif, elles voyageaient avec eux, et elles leur rendaient toute espèce de services. Le Christ aussi était suivi de femmes qui pourvoyaient à ses besoins, par leurs ressources, et qui étaient au service du Maître. « Saluez Andronique et Junte, mes parents (7) ». Ces paroles aussi paraissent un éloge , mais ce qui suit l'est bien plus encore. Qu'ajoute-t-il donc? « Qui ont été compagnons de mes liens »; voilà la plus insigne des couronnes, la gloire qu'on ne peut trop célébrer.

Mais où donc Paul a-t-il été prisonnier, de manière à pouvoir dire: « Qui ont été compagnons dé mes liens? » Il n'avait pas été prisonnier, mais il avait souffert des traitements bien plus rigoureux que dans les prisons, non-seulement loin de sa patrie et de sa famille, mais luttant contre la faim, contre une mort qui le menaçait toujours, contre d'autres périls innombrables. Il n'y a d'affreux pour le prisonnier que d'être loin des siens, et souvent esclave, au lieu de vivre en liberté ; mais les épreuves tombaient comme les eaux du ciel sur ce bienheureux Paul, entraîné, violemment promené. en lotit lieu, fouetté , mis aux fers, lapidé, englouti dans les flots, assailli de milliers d'ennemis. Les prisonniers, une fois qu'on les a emmenés, n'ont plus à redouter la haine; ceux qui les ont saisis, pourvoient à leurs besoins : mais Paul était sans relâche tourmenté par tous les ennemis qui l'environs traient de toutes parts; de toutes parts il voyait les lances dirigées contre lui, les épées aiguisées, partout des combats tout prêts, des batailles. Donc il faut croire que ces saints personnages avaient partagé ses périls , et voilà pourquoi l'apôtre les appelle compagnons de ses liens ; c'est ainsi qu'il dit , dans un autre passage : « Aristarque, compagnon de mes  liens ». (Col. IV, 10.) Autre éloge maintenant : « Qui sont considérables entre les apôtres ». Or c'était certes déjà une assez grande gloire que d'être au rang des apôtres; mais être; parmi eux, considérables, essayez de comprendre tout ce qu'il y a là de glorieux ! Considérables , par leurs oeuvres , par leurs vertus. Ah ! quelle ne dut pas être la sagesse de cette femme, si elle fut jugée digne d'être mise au rang des apôtres ! Et Paul ne s'arrête pas encore là, il ajoute encore un autre titre : « Et qui ont été avant moi en Jésus-Christ ». C'était, en effet, là encore un éloge insigne, d'avoir pris son élan le premier, d'être arrivé avant les autres. Voyez cette âme sainte , comme elle est pure de toute vaine gloire ! Ce Paul qui a conquis une gloire si éclatante, et quelle espèce de gloire ! il met les autres au-dessus de lui-même, il ne veut pas qu'on ignore qu'il n'est venu qu'après eux, il ne rougit pas de cette confession. Et à quoi bon admirer ici sa confession, lorsqu'on le voit flétrir sans hésiter sa vie première, se donner les noms de blasphémateur, de persécuteur du Christ? Donc, dans l'impossibilité où il se trouve de produire des titres qui leur donnent d'ailleurs la supériorité sur lui , il s'en prend à ce fait qu'il est venu après eux, il y voit un moyen de leur composer un éloge, et il dit : « Et qui ont été avant moi , en Jésus-Christ. Saluez mon cher Amplias (8) ».

Encore un personnage pour qui l'affection de Paul est un éloge ; car l'affection de Paul , toute en Dieu, suppose des vertus sans nombre. S'il est glorieux d'être aimé d'un roi, quel titre que d'être aimé de Paul ! Assurément ce n'est pas sans avoir prouvé une grande vertu, qu'Amplias s'est concilié un tel attachement. L'apôtre n'hésite pas non-seulement à priver de son amour, mais à frapper d'anathème ceux dont la vie est mauvaise; c'est ainsi qu'il s'écrie : « Si quelqu'un n'aime point Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'il soit anathème » (I Cor. XVI, 12); et encore : « Si quelqu'un vous annonce un évangile différent de celui que vous avez reçu , qu'il soit anathème ». (Gal. I, 8.) — « Saluez Urbain, qui a travaillé avec moi , en Jésus-Christ (9) ». Cet éloge est plus éloquent que l'éloge qui précède, le dernier, en effet, comprend l'autre. « Et mon cher Stachys », encore la même couronne. « Saluez Apelle, éprouvé en Jésus-Christ (10) ». Eloge que rien n'égale ; voilà un homme irréprochable, ne laissant aucune prise à la réprimande, en ce qui concerne le service de Dieu. « Eprouvé en Jésus-Christ », c'est tout dire, c'est toute la vertu, en résumé. Et pourquoi l'apôtre ne dit-il nulle part, mon (424) seigneur un tel, mon maître? C'est que les éloges qu'il donne sont bien autrement expressifs; ces termes qu'il n'emploie pas, n'expriment que la considération; les paroles de l'apôtre rendent témoignage de la vertu. Et, dans ces pensées, Paul ne prodigue pas indifféremment ses marques d'honneur, il a soin de mêler un grand nombre de personnes , d'un rang inférieur, aux personnages élevés et puissants. En les nommant, en les saluant tous ensemble, et cela dans la même épître, il les associe tous également à l'honneur qu'il leur fait; d'on autre côté en décernant à chacun les éloges qu'il mérite spécialement, il nous montre la vertu propre de chacun d'eux ; de cette manière il n'excite pas l'envie qui résulterait de l'honneur fait aux uns, refusé aux autres, et en même temps il n'autorise pas le relâchement des moeurs, et il évite la confusion qui s'ensuivrait, s'il eût décerné à tous des éloges qui ne seraient pas tous mérités.

3. Voyez donc maintenant comment il arrive aux femmes d'une admirable vertu. Après avoir dit, en continuant: « Saluez la famille d'Aristobule, et Hérodion, mon cousin , et ceux de la famille de Narcisse (11) », (peut-être n'y trouvait-on pas tout ce qu'on voyait dans les précédents, aussi Paul ne donne-t-il pas les noms propres de tous ceux de la famille, tout en leur rendant l'hommage qui leur est dû, à savoir qu'ils sont fidèles ; car c'est là ce que veut dire, ce qu'il ajoute: « Qui sont dans le Seigneur) » ; eh bien ! maintenant, c'est aux femmes qu'il arrive : « Saluez Tryphène et Tryphose, qui travaillent dans le Seigneur (12) ». Il a déjà dit, à propos de Marie, qu'elle a beaucoup travaillé pour nous; il dit maintenant, de celles-ci, qu'elles travaillent encore. Ce n'est pas un mince éloge que de savoir s'occuper tout à fait, et non-seulement s'occuper, mais travailler, se fatiguer. Quant à Perside, c'est sa chère Perside qu'il l'appelle, montrant par là qu'elle est supérieure aux autres. « Saluez », dit-il, « ma chère Perside», et il témoigne de ses labeurs considérables en disant: « Qui a beaucoup travaillé dans le Seigneur». C'est ainsi qu'il s'entend à les nommer individuellement selon leurs mérites, il veut ranimer leurs courages, en leur payant tout ce qu'il leur doit, en publiant, même leur moindre titre de distinction; il provoque, en même temps, un zèle plus ardent de la part des autres, il les invite à mériter les éloges : qu'il distribue. « Saluez Rufus, l'élu du Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne (13) ». Ici, rien ne manque, c'est la plénitude de tous les biens; avec un tel fils, avec une telle mère, la maison est remplie de bénédictions , racine et fruit conformes. L'apôtre n'aurait. pas dit à la légère : « Sa mère, qui est aussi la mienne », s'il ne voulait pas rendre témoignage de la grande vertu de cette femme. « Saluez Asyncrite, Phlégon, Hermas, Patrobe, Hermes, et nos frères qui sont avec eux (14) ». Ici , ne faites pas la remarque qu'il en parle sans ajouter à leurs noms des paroles d'éloges; mais remarquez plutôt, qu'il ne dédaigne pas de nommer, même les moins importants de tous; ou plutôt il leur décerne un grand éloge, en les appelant du nom de frères, comme les saints qui viennent ensuite : « Saluez », dit-il, « Philologue, et Julie, et Nérée, et sa sueur, et Olympiade, et tous les saints qui sont avec eux (13) ». C'était là la marque de la plus grande dignité, l'honneur d'une grandeur inexprimable.

Ensuite, pour prévenir toute jalousie querelleuse qui proviendrait de ce qu'il parle des uns, d'âne manière, des autres, d'une manière différente ; de ce qu'il y en a qu'il nomme, tandis qu'il ne distingue pas les autres, de ce qu'il fait plus d'éloges des uns, moins d'éloges des autres, il se met à les confondre tous ensemble dans l'égalité de la charité , il les rapproche par le saint baiser : « Saluez-vous, les uns les autres, par un saint baiser (16) » ; baiser pacifique, qui lui sert à bannir toute pensée qui les troublerait; il ne laisse ainsi aucune prise aux sentiments de rivalité; il s'arrange de telle sorte que le plus grand ne méprise pas te plus petit, que le petit ne soit pas envieux du plus grand, que l'orgueil et la jalousie disparaissent, sous ce baiser qui égale et adoucit tout. Aussi ne leur conseille-t-il pas seulement de se saluer, mais il leur envoie de même le salut de toutes les Eglises. « Recevez », dit-il , « le salut », non pas de tel ou tel en particulier, mais le salut commun, de tous, « de toutes les Eglises de Jésus-Christ ». Comprenez-vous quels fruits qui ne sont pas à dédaigner, nous avons recueillis de ces salutations? Que de trésors nous aurions négligés, si nous n'avions pas étudié cette partie de la lettre avec toute la sagacité dont nous sommes capables? Qu'un homme habile, et pénétré de l'Esprit, s'y (425) applique, la pénètre avec plus de profondeur, il y trouvera bien d'autres perles encore. Mais quelques personnes nous avant souvent demandé pourquoi l'apôtre adresse tant de salutations dans cette lettre, ce qu'il ne fait dans aucune autre, nous répondrons que c'est par la raison qu'il n'avait pas encore vu les Romains. Fort bien, dira-t-on, mais il n'avait pas encore vu les Colossiens, et cependant il ne leur écrit rien de pareil. C'est que les Romains avaient plus de célébrité que les autres peuples, c'est que, des autres villes, on se transportait à Rome, comme dans une ville plus sûre et qui était une résidence impériale. Donc les fidèles étant dans une ville étrangère, comme il était important qu'ils y trouvassent toute espèce de sûreté, comme quelques-uns d'entre eux étaient personnellement connus de Paul, que certains d'entre eux avaient rendu en son nom de nombreux et signalés services, il était naturel que l'apôtre les recommandât dans sa lettre. C'est qu'en effet la gloire de Paul était éclatante alors, et à ce point que ses lettres seules étaient des titres sérieux de recommandation : non-seulement on avait pour lui de la vénération, mais on le craignait. Autrement, il n'aurait pas dit : « Car elle en a assisté elle-même plusieurs, et moi en particulier » ; ni : « J'aurais voulu moi-même être anathème ». (Rom. IX, 3.) Il écrivait à Philémon : « Quoique je sois Paul, vieux, et de plus, maintenant prisonnier pour Jésus-Christ » (Philém. 9) ; et aux Galates : « Je  vous dis, moi, Paul » ; et: « Vous m'avez reçu comme Jésus-Christ ». (Gal. V, 2, et IX, 94.) II écrivait aux Corinthiens : « Il y en a, parmi vous, qui s'enflent de présomption, comme si je ne devais plus vous aller voir » ; et encore : « J'ai proposé ces choses sous mon nom, et sous celui d'Apollon, afin de vous « apprendre à ne pas avoir de vous d'autres sentiments que ceux que je viens de marquer ». (I Cor. IV, 18 et 6.)

Il ressort de toutes ces paroles, que sa gloire éclatait partout. Donc voulant procurer aux fidèles et sûreté et considération, il les salue individuellement avec les éloges convenables. L'un, il l'appelle, mon cher; l'autre, mon parent; un autre est à la fuis son ami et son parent; un autre est le compagnon de ses liens ; un autre, il le traite de fidèle éprouvé dans le Seigneur; un autre, d'élu du Seigneur. Il y a une femme qu'il a nommée en marquant sa dignité; car ce n'est pas au hasard qu'il dit de Phébé : « La diaconesse » ; si l'expression eût été indifférente, il l'eût appliquée à Triphène et à Perside; mais il dit, de l'une, qu'elle a le titre de diaconesse; d'une autre, qu'elle travaille avec lui, et qu'elle l'assiste; celle-ci, il l'appelle sa mère; celle-là, il la glorifie ,Four les fatigues qu'elle a supportées; pour les hommes, ou il cite la famille à laquelle ils appartiennent, ou il leur donne le nom de frères, le nom de saints, ou il se borne à dire leur nom propre; il en est qu'il appelle prémices, il en est qu'il honore, parce qu'ils ont embrassé la foi les premiers; les plus distingués sont Priscilla et Aquilas. C'est que, si tous ces saints personnages étaient des fidèles, ils ne l'étaient pas tous également, ils n'avaient pas des titres égaux aux récompenses. Voilà, pourquoi l'apôtre, jaloux de les animer tous d'un zèle toujours plus ardent, ne cache aucun des titres qui donnent des droits à un juste éloge. Si les plus méritants ne devaient pas être plus récompensés, on verrait le relâchement chez le grand nombre.

4. Voilà pourquoi il n'y aura pas égalité d'honneur dans le royaume de Dieu ; voilà pourquoi il n'y a pas égalité entre tous les disciples; trois, parmi eux, avaient la prééminence sur tous les autres, et, entre ces trois, il y avait encore une grande inégalité. C'est que Dieu apprécie tout avec l'exactitude la plus rigoureuse, jusque dans les rangs les plus reculés. « L'étoile », dit l'apôtre, « diffère de l'étoile, en éclat ». (I Cor. XV, 4l.) Sans doute, les apôtres t'étaient tous, et tous devaient siéger sur douze trônes, et tous avaient quitté ce qui leur appartenait, et tous s'étaient attachés à Jésus-Christ; cependant le Christ en choisit trois parmi eux. Et ce n'est pas tout; parmi ceux-là, il en est dont il constata l'excellence qui les distinguait, qui les rendait supérieurs ; car il dit: « Pour ce qui est d'être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n'est point à moi à vous le donner, mais ce sera pour ceux à qui il a été préparé » (Marc, X, 40) ; et il met Pierre au-dessus d'eux, par ces paroles : « M'aimez-vous plus que ne font ceux-ci ? » (Jean, XXI, 15.) Et Jean était chéri par-dessus tous. Il sera tenu de toutes choses un compte exact, et si faible que soit votre supériorité sur votre prochain, si mince, si insignifiante qu'elle vous semble , elle n'échappera pas au jugement de Dieu. L'histoire (426) des anciens jours le démontre. Loth était juste, mais non autant qu'Abraham ; Ezéchias aussi, mais non autant que David; et de même, pour tous les prophètes, mais ils ne l'étaient pas comme Jean.

Où sont-ils, quand la justice de Dieu est si exacte, ceux qui ne veulent pas qu'il existe une géhenne? S'il est vrai que tous les justes ne doivent pas jouir des mêmes récompenses, si faible que soit la supériorité des uns sur les autres (car l'étoile, dit l'apôtre, diffère de l'étoile, en éclat), comment les pécheurs jouiront-ils des mêmes biens que les justes? Un homme ne donnerait pas les mains à cette confusion, et Dieu la ferait? Voulez-vous que je vous montre, à propos des pécheurs qui ont paru dans le monde, par les faits accomplis, la diversité des traitements, l'exactitude rigoureuse de la justice? Voyez : Adam a péché; Eve aussi a péché ; tous les deux ont enfreint la loi, mais il n'y a pas eu d'égalité dans leurs péchés ; et, par conséquent, il n'y a pas eu d'égalité dans leurs châtiments. La différence a été si grande que Paul a pu dire : « Adam n'a point été séduit, mais la femme ayant été séduite, est tombée dans la désobéissance ». (I Tim. II, 14.) Assurément ils ont été tous les deux égarés par le fait d'une seule et même séduction, toutefois l'exactitude du jugement de Dieu a fait voir toute cette différence que Paul a exprimée. Autre exemple : le châtiment de Caïn; après lui, Lamech fut aussi un meurtrier, et cependant il n'a pas eu le sort de Caïn; pourtant il y avait bien,d'une part, un meurtre, et d'autre part, un meurtre; et Lamech était de beaucoup plus coupable, puisque l'exemple n'avait pas servi à l'amender; mais, comme il n'avait ni méprisé les avertissements, ni tué son frère, ni attendu qu'on l'accusât, ni répondu avec impudence aux questions de Dieu, comme il avait prévenu toute accusation , pour se dénoncer lui-même, pour se condamner, il obtint son pardon; la conduite tout opposée de Caïn lui attira son châtiment. Voyez avec quelle exactitude rigoureuse Dieu pèse les actions. De là encore la diversité des vengeances; dans le déluge et dans l'incendie de Sodome, la diversité des châtiments contre les Israélites, dans la captivité de Babylone, et sous la domination d'Antiochus; preuve de l'exactitude des jugements de Dieu sur nous. D'une part, servitude de soixante-dix ans; d'autre part, servitude de quatre cents ans; ils mangèrent leurs enfants, ils furent enveloppés dans mille autres innombrables calamités, qui ne suffirent pas cependant à les affranchir envers Dieu , ni ce peuple, ni ceux qui furent brûlés vifs à Sodome. Car, dit le Seigneur : « Au jour du jugement Sodome et Gomorrhe seront traités moins rigoureusement que cette ville ». (Matth. X, 15.) Si Dieu ne prenait aucun souci ni de nos fautes, ni de nos bonnes oeuvres, il y aurait peut-être quelque raison de dire que le châtiment n'existe pas; mais quand on le voit, d'un soin si jaloux, prévenir nos péchés, tout faire et de si grandes choses pour nous porter aux bonnes oeuvres, il est manifeste qu'il punit les pécheurs et qu'il couronne ceux qui font le bien. Mais voyez donc un peu jusqu'où va la contradiction dans les jugements des hommes. Ils accusent tant de preuves qu'il donne de sa patience ; ou répète que Dieu ne frit pas attention à la foule des pervers, des fornicateurs, des hommes de violence qu'il laisse impunis; et maintenant, Dieu fait-il des menaces, les mêmes voix s'emportent en accusations amères, acharnées. Cependant, si vous détestez les forfaits, vous devriez approuver, glorifier l'expiation. Mais, ô délire, ô raison à rebours, et digne des ânes ! O coeur ami du péché, ami de la volupté, ô pensée qui n'a de regards que pour la corruption ! Oui, c'est l'amour de la volupté qui engendre toutes ces opinions, et cela est si vrai qu'il suffirait à ceux qui tiennent ces discours, d'embrasser la vertu, pour être bien vite persuadés de la réalité de la géhenne, pour n'en pas douter.

Mais où donc , dira-t-on , en quel lieu se trouvera-t-elle, cette géhenne? Que vous importe? La question c'est : il y a une géhenne, et la question n'est pas : où est-elle, dans quel lieu. Quelques-uns content qu'elle sera dans la vallée de Josaphat; des indications de lieux ont été données au sujet d'une guerre des temps passés; on les applique bon gré mal gré à la géhenne. Mais dans quel lieu , réplique-t-on, sera-t-elle? En dehors, je ne sais où; en dehors, j'imagine, de tout cet univers. De même que les cachots et les mines des rois sont loin de tous les regards, de même, c'est en dehors de cette terre habitée que sera la géhenne.

5. Donc ne nous occupons pas de chercher oui elle est, mais comment nous pourrons l'éviter : Si Dieu ne punit pas ici-bas tous les coupables, ce n'est pas une raison pour refuser de croire aux choses à venir; Dieu nous aime et il est patient. Voilà pourquoi il menace, et ne précipite pas tout de suite dans le lieu des tourments : « Je ne veux point », dit-il, « la mort du pécheur». (Ezéch. XVIII, 32.) Mais s'il n'y a pas de mort pour le pécheur, ces paroles sont inutiles. Je sais bien que rien n'est plus désagréable, pour vous, que de pareils discours; mais, pour moi, il n'est rien de plus doux. Et plût au ciel que nous eussions l'habitude, quand nous dînons, quand nous soupons, quand nous sommes aux bains, et partout, de nous entretenir de l'enfer ! car nous cesserions de nous affliger des maux que nous redoutons ici-bas, et de nous tant réjouir des biens présents. Car enfin de quel mai prétendez-vous me parler? De la pauvreté, de la maladie, de la captivité, de la mutilation de nos corps? Mais tous ces maux ne sont que risibles, comparés à l'autre châtiment. Et quand vous me parleriez de ceux que la faim torture sans cesse, et de ceux qui, dès l'enfance, sont privés de leurs membres, et des mendiants , ils vivent dans les délices, si on les compare à ceux qui subissent d'autres tortures. Ne nous lassons donc pas de ces réflexions; on ne tombe pas dans l'enfer, quand on a toujours la pensée de l'enfer. N'entendez-vous pas la voix de Paul? « Qui souffriront l'éternelle justice, confondus par la face du Seigneur ». (II Thess. I, 9.) N'entendez-vous pas dire ce qu'est devenu Néron , que Paul appelle un mystère de l'Antechrist ? « Car le mystère d'iniquité se forme », dit-il, « dès à présent ». (Ibid. II, 7.) Eh quoi donc? Il n'y aura aucun châtiment pour Néron? aucun pour l'Antechrist, aucun pour le démon? Donc il y aura toujours l'Antechrist, et toujours le démon : car ils ne se départiront pas de leur perversité, sils ne subissent pas de châtiment.

Eh bien ! oui, dira-t-on : Il y a un châtiment, il y a un enfer, ce sont des vérités manifestes, mais les infidèles. seuls y tomberont. Pourquoi, je vous prie? Parce que les fidèles, direz-vous, ont reconnu leur Maître et Seigneur. Que signifie cette raison? Si leur vie est impure , ils subiront , par cette raison même, de plus sévères châtiments: « Tous ceux qui ont péché sans la foi, périront aussi sans la loi ; et tous ceux qui ont péché sous la loi, seront jugés par la loi » (Rom. 11,12); et: «Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître , ne l'aura pis accomplie, sera frappé de mille coups ». (Luc, XII, 47.) Si nous ne devons rendre aucun compte de notre vie, si ces paroles ont été dites au hasard, le démon ne subira pas de châtiment ; car il connaît le vrai Dieu, il est même mieux instruit, sur ce point, que beaucoup d'hommes : et tous les anges de l'enfer connaissent Dieu aussi, et ils frémissent à cause de lui , et ils le proclament leur juge. Donc s'il n'est exigé aucun compte de la vie qu'on a menée, des actions perverses, voilà que les démons seront sauvés, eux aussi. Non, non ; ne vous abusez pas, mes bien-aimés. S'il n'y a pas de géhenne, comment les apôtres jugeront-ils les douze tribus d'Israël ? Comment Paul dit-il : « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? Avec combien plus de raison jugeons-nous les choses de ce monde? » (I Cor. VI, 3.) Comment le Christ a-t-il pu dire : « Les Ninivites s'élèveront au jour du jugement, et condamneront cette race? » et: «Au jour du jugement, Sodome sera traitée moins rigoureusement? » ( Matth. XII, 41, et XI, 24.) Qu'avez-vous donc à plaisanter où il y a si peu matière à plaisanterie? Pourquoi vous trompez.; vous vous-mêmes; pourquoi, ô homme, cherches-tu à en imposer à ton âme? Pourquoi cette lutte contre la bonté de Dieu? S'il a fait un enfer, s'il menace de nous y précipiter, c'est pour nous empêcher d'y tomber, c'est pour que la crainte nous rende meilleurs. De sorte que celui qui ne veut pas qu'on en parle, ne fait pas autre chose, sans le savoir, qu'entretenir l'erreur qui nous y pousse et nous y précipite. Gardez-vous donc de paralyser les mains de ceux qui se fatiguent pour la vertu, n'encouragez pas la nonchalance des endormis. Si la plus grande partie des hommes venait à être persuadée qu'il n'y a pas d'enfer, quand les verrait-on renoncer à la corruption? Et où donc se montrerait la justice? Je ne dis pas pour faire la distinction des pécheurs et des justes, mais pour séparer les pécheurs des pécheurs. Pourquoi tel a-t-il été puni ici-bas, pourquoi tel autre n'a-t-il pas été puni, quoiqu'il ait commis les mêmes péchés, ou des péchés beaucoup plus graves? Comprenez bien que, s'il n'y a pas d'enfer, il est impossible de répondre aux accusations contre Dieu.

Aussi, je vous en conjure, mettez un terme (428) à des discours qui ne méritent que la dérision, fermons la bouche à nos contradicteurs. Oui, des plu.: petits péchés, comme des plus petites vertus le compte sera produit avec exactitude. Nous aurons à expier des regards impudiques, des paroles inutiles, des rires, des querelles, des mouvements de colère, la honteuse ivresse ; et nous recevrons aussi notre récompense pour nos bonnes actions, pour un verre d'eau froide, pour une bonne parole, pour un simple gémissement. Ecoutez le prophète : « Mettez le signe sur le visage de « ceux qui gémissent, et qui sont dans l'affliction ». (Ezéch. IX, 4.) Comment donc osez-vous dire que le Dieu qui tient un compte si exact de tout ce qui nous regarde, n'a pas réfléchi, a parlé au hasard, en nous menaçant de la géhenne? N'allez pas, je vous en conjure, sur de si vaines espérances, vous perdre vous-mêmes, et, avec vous, ceux qui ont foi en vos discours. Si vous vous déliez de nos paroles, interrogez avec soin les Juifs, les Grecs, tous les hérétiques sans exception, et tous, d'une seule voix, vous répondront : Il y aura un jugement et une rétribution. Les hommes ne vous suffisent-ils pas? Interrogez les démons eux-mêmes, et vous entendrez leurs cris : « Pourquoi venez-vous ici nous tourmenter avant le temps? » (Matth. VIII, 29.) Rassemblez toutes ces preuves, et décidez-vous à renoncer aux vains propos, afin de ne pas faire l'expérience qui prouve la réalité de l'enfer; retirez de ces preuves la sagesse qui vous permettra d'échapper à ces tourments, et d'obtenir les biens de la vie future, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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