PSAUME CXLIV

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EXPLICATION DU PSAUME CXLIV. 1. « JE CÉLÉBRERAI VOTRE GLOIRE, O MON DIEU, O MON ROI, ET JE BÉNIRAI VOTRE NOM, DANS TOUS LES SIÈCLES DES SIÈCLES. »

 

ANALYSE

 

1. Nous mangeons la chair du Christ et nous buvons son sang. C'est surtout par nos actes que nous devons bénir Dieu. Pourquoi l'homme a été créé. Des bienfaits dont Dieu nous comble.

2. Contre les Anoméens qui prétendaient connaître Dieu comme il se connaît lui-même. Les oeuvres de Dieu manifestent sa providence.

3 et 4. Dieu est bon envers tous, non-seulement envers les justes, mais encore envers les pécheurs. Que veulent dire ces paroles : In tempore opportuno?

5. Utilité des afflictions.

 

1. Ce psaume mérite la plus grande attention ; en effet, on y trouve les paroles que chantent sans cesse les initiés à nos mystères : « Tous les yeux sont tournés vers vous, tous attendent de vous leur nourriture dans le temps convenable (15). » Il est juste que celui qui est devenu fils de Dieu , qui jouit de la table spirituelle, rende gloire à son père. En effet, dit le Prophète, « Le fils glorifie son père, et le serviteur redoutera son maître. » (Malach. I, 6.) Vous êtes devenus fils et vous jouissez de la table spirituelle; vous mangez la chair, vous buvez le sang de Celui qui vous a régénérés; rendez-lui donc le tribut de reconnaissance que mérite un si grand bienfait. Glorifiez Celui qui vous a fait de tels dons; et en prononçant les paroles de l'Ecriture, conformez votre esprit aux pensées qu'elles expriment; et, quand vous dites : «Je  célébrerai votre gloire, ô mon Dieu, ô mon roi, » montrez toute la tendresse de l'affection, afin que de vous aussi Dieu dise, comme d'Abraham, d'Isaac et de Jacob: « Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu (283) de Jacob. » (Exode, III, 6.) Si vous prononcez ces paroles: Mon Dieu et mon roi, si vous ne vous bornez pas à les prononcer, mais que de plus vous montriez l'affection que ces paroles expriment, Dieu, de son côté, dira de vous : Mon esclave et mon serviteur. Ce qu'il a dit de Moïse : « Et je bénirai votre nom dans tous les siècles des siècles. » Le voyez-vous qui nous révèle les récompenses de la vie future? Or ici, la bénédiction dont il parle, ne consiste pas seulement dans les paroles, mais surtout dans les actions. C'est par là en effet que Dieu est exalté; c'est par là qu'il est béni. Et voilà pourquoi nous avons l'ordre de dire dans notre prière : « Que votre nom soit sanctifié ; » ce qui veut dire, soit glorifié. « Je vous bénirai chaque jour, et je bénirai votre nom dans tous les siècles des siècles (2). » Un autre texte : Dans tous les siècles, à perpétuité. Voilà surtout ce qui caractérise une âme pieuse, s'affranchir des choses de la vie présente et se consacrer aux saints cantiques. Ce serait en effet une honte que l'homme, cet être doué de raison, supérieur à tous les êtres visibles, le cédât aux créatures d'un ordre inférieur, quand il s'agit de bénir le Seigneur. Et non-seulement ce serait une honte, mais de plus, une absurdité ; et comment ne serait-ce pas une absurdité, lorsque le reste de la création, chaque jour, à chaque heure du jour, célèbre la gloire du Seigneur? « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament publie les ouvrages de ses mains. Le jour la a proclame et l'annonce au jour, et la nuit en « donne connaissance à la nuit. » (Ps. XVIII, 2,3.) Le soleil, la lune, le choeur varié des astres, toutes les autres créatures, disposées dans un ordre magnifique, proclament le grand ouvrier. Donc, si la créature supérieure à toutes les autres ne tenait pas la même conduite, bien plus ne produisait que des oeuvres, qui seraient pour son créateur une malédiction, un sujet de blasphémer son Dieu, quel pardon pourrait mériter l'homme, quelle serait son excuse, que pourrait-il répondre, lui qui est fait pour plaire à Dieu, pour obtenir la royauté dans la vie à venir, et qui n'en tient aucun compte, et qui s'embarrasse dans les affaires du siècle et les soucis du monde? Le Psalmiste ne ressemblait pas à cet homme, sa vie entière était une offrande de louanges au Seigneur; de louanges en paroles, de louanges en actions. Car, notre dette est considérable envers le Dieu qui nous a faits, quand nous n'étions pas encore; qui nous a faits, tels que nous sommes; qui nous a donné la naissance, et nous gouverne, et, chaque jour, nous montre des preuves particulières, des preuves publiques de sa providence, du soin qu'il prend de nous, soit secrètement, soit ouvertement, soit que nous le sachions, soit à notre insu. Qu'est-il besoin de rappeler les biens manifestes dont il nous a comblés? Les créatures assujetties à notre service, la constitution de notre corps , la noblesse de notre âme ; ce gouvernement qui agit chaque jour, par des miracles, par des lois naturelles, par des châtiments ; la manifestation variée, incompréhensible de la Providence, ce bien qui renferme tous les biens, à savoir : qu'il n'a pas même épargné son Fils unique à cause de nous; les présents dont il nous comble par le baptême, par les sacrements; les biens ineffables à nous accordés, la royauté, la résurrection, pour héritage, la plénitude de la félicité. Enumérer un à un chacun de ces bienfaits, c'est s'abîmer dans une mer de grâces inénarrables, c'est reconnaître à combien de titres nous sommes les tributaires de la bonté de Dieu. Et, nous ne lui devons pas nos louanges uniquement pour ces dons, mais encore parce qu'il est la majesté infinie, l'être immuable et sans déclin. Oui, cette substance même nous commande de la glorifier, de la bénir; nous lui devons nos actions de grâces sans fin, notre culte, notre adoration de tous les instants. C'est ce que le Prophète exprimait précisément par ces paroles : « Le Seigneur est grand, et infiniment digne de louanges, et sa grandeur n'a point de bornes (3). » Comme il a dit : « Je vous bénirai , et je célébrerai votre gloire, » il tient à montrer que Dieu n'a besoin, ni de nos louanges, ni de nos bénédictions ; que sa gloire ne reçoit aucun accroissement des louanges qu'on lui décerne. En effet, sa substance est à l'abri de toute destruction : elle n'a besoin de rien absolument; mais ceux qui louent le Seigneur, acquièrent eux-mêmes de la gloire. Et maintenant, ce n'est pas seulement pour cette raison, mais aussi parce que sa gloire est excellente, que nous lui devons nos louanges. De là ces paroles du Psalmiste : « Le Seigneur est grand, et infiniment digne de louanges , » C'est-à-dire, n'ayant besoin de rien absolument. Que signifie, « Digne de louanges? » Digne (284) d'être célébré, par nos louanges, par nos chants, par nos hymnes. Et maintenant, il n'est pas seulement digne de louanges, mais « infiniment digne ; » aussi ajoute-t-il, « infiniment. » Mais, maintenant, dans l'impossibilité de rendre, par des paroles, jusqu'à quel point le Seigneur est digne de louanges, il ajoute : « Et sa grandeur n'a point de « bornes. » Un autre interprète a dit : « Et sa grandeur ne se peut trouver; » ce qui revient à ceci : puisque tu as un Seigneur qui est grand, toi aussi, élève ton esprit, dégage-toi des choses de la vie présente, conçois des sentiments au-dessus de la bassesse des choses présentes ; je ne te dis pas, laisse-toi égarer par le délire d'un vain orgueil, je te dis, fais-toi une âme grande, une âme élevée. Autre chose en effet est l'arrogance, autre chose la grandeur d'âme. L'arrogance consiste à se vanter sans sujet, à s'étaler, à mépriser ses compagnons d'esclavage; l'élévation de l'âme au contraire consiste dans l'humilité de la pensée, qui regarde comme un pur néant les pompes de la vie présente.

2. Où sont-ils maintenant ceux qui prétendent connaître Dieu aussi bien que Dieu se connaît? Qu'ils entendent la parole du Prophète: « Sa grandeur n'a point de bornes, » et qu'ils rougissent de leur délire. « Les générations et « ensuite les générations loueront vos oeuvres (4). » Le Psalmiste, ici , est fidèle à son habitude. Après avoir admiré la grandeur et la gloire de Dieu , il célèbre ses oeuvres; ce qu'il fait par ces paroles: « Les générations, et ensuite les générations loueront vos oeuvres. » Il montre la grandeur qui éclate dans les ouvrages. Il veut dire: ces ouvrages n'ont pas une courte existence, ce ne sont pas des productions éphémères, de deux ou de trois années; ces œuvres s'étendent, subsistent dans toute l'étendue des âges , de sorte que chaque génération les pourra contempler. C'est là en effet ce que signifie: « Les générations et ensuite les générations: » ce qui veut dire la génération présente, et celle qui suit et celle qui viendra encore après, et la suivante encore, et toute la série des générations. Et maintenant, la création s'étend et persiste, semblable à elle-même , dans toute la durée des temps; à savoir, le ciel, la terre, la mer, l'air, les lacs, les fontaines, les fleuves , les semences, les plantes, les herbes, les bienfaits qu'elles nous transmettent; le cours de la nature qui ne s'interrompt jamais; les pluies, la succession inaltérable des saisons, la nuit, le jour, le soleil, la lune, les astres, tout le reste; et, en outre, tout ce qui se fait chaque jour en vue de chaque génération , et en particulier et en public , pour la correction , pour le bien de la race universelle des hommes ; les merveilles qui éclataient sans cesse aux yeux des Juifs, les signes qui manifestaient la Providence, soit qu'elle rendît la terre féconde, soit qu'elle accordât des victoires, soit qu'elle éclatât de mille autres manières; tout ce qui a paru à l'avènement du Christ; tout ce qui s'est montré au temps des apôtres, au temps des persécutions; signes bien plus nombreux et plus considérables que les signes antiques; ajoutons-y encore ce qu'a vu notre génération. Car il n'est aucune époque où Dieu ne manifeste , en dehors de tous ces signes communs , un signe particulier de sa providence. « Et publieront votre puissance. » Elles la publieront soit par les bienfaits, soit par les châtiments. Dieu ne cesse jamais, en aucun temps, de pourvoir, par tous les moyens, aux besoins de notre nature, qu'il gouverne dans tous les temps. « Elles parleront de la magnificence de votre gloire et de votre sainteté et raconteront vos merveilles (5.) » Un autre texte : « Elles raconteront la beauté de votre louange, et les paroles de vos étonnantes merveilles. »

Le Psalmiste a montré la puissance, il montre maintenant la supériorité, l'excellence de cette puissance. Car elle n'a pas produit simplement des œuvres vulgaires, mais tout ce qu'elle a fait, est tellement merveilleux, surprenant, que ces œuvres dépassent la nature humaine, qu'on y trouve partout des raisons d'admirer, de glorifier l'ouvrier. Considérez donc les événements de l'Egypte , les événements de la Palestine, au temps d'Abraham, d'Isaac et de Joseph; en Egypte encore, ce qui a éclaté au temps de Moïse, et dans le désert, et après l'entrée dans la terre promise; et maintenant, ce qui s'est passé dans la captivité, sous Nabuchodonosor; ce qu'on a vu dans la fournaise; ce qu'on a vu dans la fosse ana lions, et au retour de la captivité, et à l'époque des prophètes; toutes ces oeuvres proclamaient la puissance de Celui qui les a faites, sa gloire, sa majesté; oeuvres éminemment destinées à frapper de stupeur et d'admiration. « Elles publieront la puissance de vos oeuvres, (285) terribles, et annonceront votre grandeur (6).»

Ces paroles montrent la plénitude de la puissance qui décerne les bienfaits et les châtiments ; elles montrent aussi, que toutes les merveilles énumérées sont ou des châtiments, ou des bienfaits. Et la preuve en est non-seulement dans les événements d'alors, mais entore dans la nature même des créatures, lesquelles manifestent ce double caractère d'un pouvoir bienfaisant. Instruments destinés à porter la terreur, ainsi les éclairs, les tonnerres, les foudres, les tourbillons de feu , la peste, les neiges , la grêle, la nielle, la glace, les incendies, les inondations ; parmi les reptiles : les dragons, les scorpions , les serpents; parmi les animaux qui volent, les sauterelles ; parmi les plus vils des êtres , la mouche des chiens, la chenille ; et ces instruments de douleur sont en même temps des instruments de la Providence, des instruments de conversion , pour secouer l'engourdissement,dissiper le sommeil, pour tirer l'homme de la léthargie, pour réveiller l'activité. Et non-seulement dans ces êtres, mais dans leurs contraires aussi, éclate la perfection de la force qui les a produits. Aussi le Psalmiste, qui veut nous instruire de ces choses, après avoir dit: « Elles publieront la puissance de vos oeuvres terribles, et annonceront votre grandeur,» a-t-il ajouté : « Elles attesteront l'abondance de votre douceur (7). » Un autre texte : « De votre bonté, et elles tressailliront de joie, en célébrant votre justice. » Un autre interprète dit: « Et elles béniront vos miséricordes. » Quant à nous, après avoir énuméré les choses faites pour effrayer, nous devons aussi nommer les contraires. Nous les voyons, nous les trouvons autour de nous: la succession des saisons, les jours , les jardins, les prairies, la variété des fleurs, la douceur de l'eau qui désaltère, l'influence salutaire des pluies, les fruits de la terre, la variété de ses productions , la diversité des arbres , les vents agréables, les rayons du soleil, le disque étincelant de la lune , le choeur varié des astres , nuits calmes et tranquilles ; parmi les animaux: les brebis, les boeufs, les chèvres; parmi las bêtes sauvages : les biches, les cerfs , les chèvres et tant d'autres qui sont innombrables; parmi les oiseaux, ceux dont la chair est bonne à manger (1). Il est visible que le but du Créateur

 

1 A la leçon  indikous du texte, nous préférons celle-ci qui est par deux manuscrits Kai tous pros trophen epitedeious.

 

n'est pas seulement la punition, mais beaucoup plus, le bienfait. Il est des oeuvres dont le but est d'inspirer la terreur, et lorsque, parfois, Dieu essaie de pareils moyens, il le fait en vue des hommes tellement insensibles que la crainte même est impuissante à les corriger. Pour les oeuvres qui manifestent sa munificence et sa splendeur, ce sont des bienfaits qui s'étendent non-seulement sur ceux qui les méritent, mais sur les indignes.

3. Donc, le Seigneur, dans la variété des moyens par lesquels il opère notre salut, emploie tantôt les uns tantôt les autres, et les bienfaits plus souvent que les coups terribles, parce qu'il ne veut que notre bien. Aussi, menace-t-il de la géhenne non pour l'infliger, mais pour ne pas l'infliger. Il la réserve au démon «Allez, dit-il, au feu éternel qui a été préparé  pour le démon ( Matth. XXV, 41 ) ; » mais c'est le royaume du ciel qu'il nous prépare, montrant par là qu'il ne veut pas précipiter l'homme dans la géhenne. « Le Seigneur est clément et miséricordieux ; il est patient et rempli de miséricorde. Le Seigneur est bon envers tous, et ses miséricordes s'étendent sur toutes ses couvres (8, 9). » Vous voyez que le Prophète insiste sur ces pensées plus douces ; là, son discours s'étend ; il sait, en effet, que c'est en cela surtout que s'exerce la puissance de Dieu. Dieu n'aurait pu nous conserver, si sa clémence n'eût été grande; si nous continuons de vivre, c'est grâce à son immense bonté ; et voilà pourquoi il disait « C'est moi qui efface vos iniquités, et je vous ai défendus dans vos péchés. » (Isaïe, XLIII, 95.) « Le Seigneur est clément et miséricordieux. » Voyez de quelle manière le Psalmiste démontre cette ineffable clémence ; non-seulement Dieu a pitié des pécheurs , mais le Seigneur prouve encore autrement sa rare clémence, par la douceur, par la patience avec laquelle il attend le repentir ; de telle sorte que le pécheur peut, grâce à la clémence divine d'abord, grâce ensuite à son zèle propre, recouvrer son salut avec la confiance que donne l'accomplissement du devoir. Mais Dieu n'est pas seulement un Dieu de miséricorde; ajoutez qu'il est plein de miséricorde. Le Psalmiste montre par là que cette miséricorde ne se peut mesurer, qu'elle est incompréhensible, qu'aucun discours ne la peut. expliquer. Toutefois, par ce qu’il ajoute, il nous la montre, autant (286) que possible: « Le Seigneur est bon envers  tous, et ses miséricordes s'étendent sur toutes ses oeuvres. »

Que signifie, « envers tous? » Envers les pécheurs mêmes, dit-il; envers ceux qui vivent dans le crime. Car, ce ne sont pas seulement les justes, ni les hommes vertueux, ni les pécheurs repentants, ce sont tous les hommes qui proclament, par les traitements qu'ils reçoivent, sa miséricorde et sa bonté. Et si l'on me demande: qui donc a éprouvé sa bonté? Je dirai : ce n'est pas Abel seulement, mais Caïn; ce n'est pas Noé seulement, mais ses enfants, mais ceux que le déluge a engloutis, car toutes ces oeuvres sont des opérations de la bonté. Et si vous voulez comprendre, combien il est vrai de dire que cette bonté s'étend sur tous, faites, avec moi, la réflexion que voici: Quelle bonté, répondez-moi, Dieu n'a-t-il pas montrée envers ce meurtrier de son frère, envers celui qui n'avait pas reculé devant un pareil assassinat, envers celui qui avait souillé sa main, envers celui qui avait foulé aux pieds les plus saintes lois? Il le livre à un châtiment, qui est plutôt un avertissement qu'un supplice; il lui donne la longueur du temps pour se purifier de sa faute, et il fait servir à l'enseignement des autres les souffrances de ce grand coupable. Quelle bonté n'a-t-il pas montrée, répondez-moi, envers ces malades incurables des temps du déluge, que ni menaces, ni raisonnements, ni aucun autre moyen n'avaient pu arrêter dans leurs voies corrompues? Il leur applique la dette commune de la nature, en place de remède; il leur inflige la mort la plus légère, la mort au sein des eaux. Maintenant cette expression: « Envers tous, » ne s'applique pas seulement aux hommes, mais à tous les êtres visibles, aux animaux, aux êtres dépourvus de raison. Ce n'est pas tout, si l'on remonte aux anges, aux archanges, on verra la plénitude de sa bonté, la plénitude de sa . miséricorde; car chaque oeuvre révèle la grandeur de sa bonté. Voilà pourquoi le Psalmiste ajoute : « Que toutes vos oeuvres vous louent, Seigneur, et que vos saints vous bénissent (10), » c'est-à-dire, vous rendent des actions de grâces, vous adressent leurs chants, et ceux qui ont reçu le privilège de la raison, et ceux qui n'ont pas en partage la parole. Car, ceux qui ne parlent pas, ont été faits de telle sorte que chacun de ces êtres muets bénit Dieu, par l'essence même de sa nature, tout muet qu'il est, parce que les hommes voient ces êtres sans langage, et jouissent des services qu'ils leur rendent; ces êtres louent le Seigneur, par leur propre substance; les hommes le louent, de plus, par leur conduite et par leurs actions. C'est ce qu'exprime le Psalmiste, quand il ajoute: « Et que vos saints vous bénissent. » Ceux à qui il donne le nom de saints, ce sont les hommes qui accomplissent les volontés de Dieu, ceux auprès de qui les péchés et la corruption ne trouvent aucun accès. « Ils publieront la gloire de votre règne (11). » Que signifie, « ils publieront la gloire? » C'est-à-dire, que rien ne vous manque; que vous aimez la race humaine, que l'homme est l'objet de vos soins; que vous, qui n'avez nul besoin de ceux qui vous sont soumis, vous leur montrez une providence pleine d'attention ; cela vent dire, que votre lumière est inaccessible, votre substance ineffable, incompréhensible. « Et célébreront votre puissance, » c'est-à-dire chanteront votre puissance, irrésistible, invincible ; non pas que vous ayez besoin de ces hymnes et de ces louanges, mais elles sont utiles à ceux qui les font entendre ; elles sont, pour les autres, un enseignement, et elles les associent à ce concert de louanges. Aussi le Psalmiste ajoute-t-il : « Afin de faire connaître aux enfants des hommes la grandeur de votre pouvoir, et la gloire si magnifique de votre règne (12). » — Il montre par là que Dieu admet les louanges afin que tous les hommes connaissent sa puissance. Grande puissance, grande gloire, honneur magnifique, magnifique et ineffable; non-seulement au-dessus de toute parole, mais au-dessus des forces de la pensée. Mais maintenant il faut à cette magnifique et ineffable puissance des bouches qui la révèlent, puisque le grand nombre l'ignore. Le soleil aussi est l'astre le plus resplendissant et cependant les yeux malades n'en voient pas la lumière; il en est de même de la divine Providence, plue éclatante que tous les soleils; mais ceux dont; la raison est pervertie, dont les oreilles sont fermées, ont besoin du zèle qui s'applique à dilater leur pensée.

4. Il ne faut donc pas se lasser de faire retentir auprès d'eux, de leur répéter cet enseignement.. Maintenant que le Psalmiste a parlé, de la gloire, de la magnificence divine, qu'il a laissée dans sa course, qu'il n'a pas assez misa, en tout son jour, il reprend encore ce sujet, dans la mesure de ses forces, il montre ce (287) qu'est cette gloire, il ajoute : « Votre règne est un règne qui s'étend dans tous les siècles (13). » Il ne se borne pas, dit-il, au siècle présent, mais il s'étend sur ceux qui viennent ensuite. Règne sans fin, règne sans limites, qui n'a pour limites que l'éternité. « Et votre empire, passe de race en race, dans toutes les générations. » Concevez, par là encore, que c'est un règne sans fin, comprenant tout dans l’univers, comprenant tout dans la série des siècles, comprenant tout dans l'étendue des temps. « Le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles, et saint dans toutes ses oeuvres. » Après avoir dit que ce règne est sans fin, stable, solide, en dehors de tout changement, il exprime maintenant ce que la divine parole a de solide; car cette expression Fidèle, veut dire ferme, vrai. Si le Seigneur est fidèle, ses paroles subsisteront absolument. Or, de même que son règne est en dehors de toute déchéance et n'a pas de limites, de même ses paroles sont solides et fermes. Donc, ni son règne n'est interrompu, ni ses paroles ne se perdent. Mais si ces paroles ne se perdent pas, il est nécessaire absolument qu'elles soient suivies de la réalité. Si quelque part il énonce quelque chose qui ne s'est pas accompli, voyez, Comment, même en ce cas, subsiste la vérité de sa parole: « Je prononcerai l'arrêt contre les nations et les royaumes, pour les perdre et les déraciner; et si ces nations font pénitence de leurs vices, moi aussi je me repentirai des maux que j'avais promis de leur faire. » Et, pour ce qui concerne les bienfaits, de même: « Je promettrai des bienfaits,» dit le Prophète, « et si les peuples changent, moi aussi je changerai, je ne me tiendrai pas à ce que j'avais dit. » (Jérém. XVIII, 7, 10).

« Et saint dans toutes ses oeuvres. » Que veut dire «saint?» Irréprochable, droit, pur, au-dessus de toute accusation, ne fournissant aucun prétexte de blâme. « Le Seigneur sou«lient tous ceux qui sont près de tomber, et il relève tous ceux qui sont brisés (14). » Le Psalmiste a dit du règne, qu'il n'a pas de fin; des paroles, qu'elles sont vraies ; des couvres, qu'elles sont irrépréhensibles. Il a parlé de la gloire et de la magnificence; il parle maintenant de la clémence ; et voici, de ce règne, la gloire la plus éclatante. Non-seulement Dieu soutient ceux qui sont debout, mais il prévient, la chute de ceux qui vont tomber, et ceux qui sont à terre, il les redresse. Et, ce qui est plus admirable, ce n'est pas à tel ou tel, mais à tous qu'il apporte ce secours; à tous, quoique esclaves, quoique pauvres, quoique obscurs, quoique descendus d'êtres obscurs. Le Seigneur est en effet le Seigneur pour tous. Et il ne néglige pas ceux qui sont tombés, et il né dédaigne pas ceux qui chancellent; et ce qu'il fait dans la nature entière, il le fait pour chaque être en particulier. Si parmi ceux qui sont tombés il en est qui ne se relèvent pas, il n'en faut pas accuser celui qui veut les redresser, mais ceux qui ne veulent pas qu'on les relève. Quand Judas tomba, il voulut le relever, et, pour le relever, il fit tout, mais Judas ne voulut pas. Pour David, il est certain qu'après sa chute, il le releva et l'affermit; Pierre allait tomber, il le retint; voyez comment, écoutez: « Simon, Simon, » dit-il, « voici que Satan vous a réclamés, pour vous cribler tous, comme on crible le froment; et moi j'ai prié pour vous en particulier, afin que votre foi ne détaille point. » (Luc, XXII, 31, 32.) Le Psalmiste exprime ensuite un autre genre de bienfaits; car elle est variée, multiple, la providence que déploie pour nous le Seigneur. « Tous, Seigneur, ont les yeux tournés vers vous, et ils attendent de vous, que vous leur donniez leur nourriture dans le temps propre (15). » Voyez-vous comme il montre que la bonté de Dieu s'étend sur tous, que ses miséricordes s'étendent sur toutes ses couvres ? De même qu'il est dit dans l'Evangile : « Qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes (Matth. V, 45), » de même, ici, le Psalmiste, exprimant la même pensée, dit: « Et vous leur donnez leur nourriture dans le temps propre. » En effet, ce ne sont pas les pluies, la terre, l'air, c'est l'ordre de Dieu qui produit les fruits.

Cette expression « dans le temps propre, » signifie, toutes choses arrivent à des époques déterminées, et se reproduisent d'après un ordre de successions diverses. C'est là en effet la plus grande preuve de la sagesse divine, que les productions destinées à nourrir tes hommes ne viennent pas toutes en même temps, mais quelles soient distribuées dans toute la durée de l'année, de telle sorte que le laboureur se repose, et que les fruits ne se corrompent: pas. Donc, cette expression « dans le temps propre, » signifie, ou bien ce que nous avons dit (288) précédemment, que toutes choses sont distribuées dans le temps qui convient à chacune d'elles, ou bien que Dieu donne la nourriture aux indigents, à ceux qui éprouvent le manque de ressources. Et pourquoi le Palmiste dit-il, me demandera-t-on : « Tous, Seigneur, ont les yeux tournés vers vous ? » Certes, un grand nombre de personnes attribuent tout au hasard, ainsi font les impies. Le Psalmiste exprime ici la vérité absolue du fait, comme lorsqu'il dit, dans un autre passage: « Il nourrit les petits des corbeaux, qui invoquent son secours (Ps. CXLVI, 9), » quoique ce soient des animaux qui n'ont pas la raison en partage. « Et les petits des lions rugissent après leur proie, et demandent à Dieu leur nourriture. » (Ps. CIII, 21.) Assurément ces animaux sans raison, ne demandent rien à Dieu, à vrai dire; mais, ici encore, le Psalmiste a en vue ce qu'il y a d'absolument vrai dans le fait qu'il rapporte, et ce n'est pas de la disposition intérieure des animaux, mais de la réalité des choses qu'il faut entendre ces paroles. « Vous ouvrez votre, main, et vous remplissez tous les animaux de bon plaisir (16). ». « Main » signifie ici l'opération divine, la force qui fournit. Toutes les paroles du Psalmiste montrent que ce n'est pas dans les éléments, mais dans la Providence divine, que réside la génération de tous les fruits. Et de plus, maintenant, pour montrer la facilité de l'oeuvre, il dit : « Vous ouvrez votre main. » Les hommes d'alors, abandonnant la principale cause de tout ce qui existe, adoraient l'air et le soleil, auxquels ils se croyaient redevables de tous les fruits. Le Psalmiste, pour élever les esprits au principe suprême, à l'auteur de toutes choses, au Seigneur, fait souvent entendre les mêmes paroles; il montre que c'est de sa main, c'est-à-dire, du soin qu'il prend de nous, de sa Providence, que nous viennent tous les biens qui nous inondent.

5. « De bon plaisir; vous remplissez tous les animaux de bon plaisir. » Cela veut dire que Dieu remplit chaque être animé, de ce que veut cet être animé, de ce qui plaît à chacun de ces êtres. En effet, Dieu ne donne pas simplement la nourriture, mais il la donne selon l'utilité de chacun, selon le désir de chacun, de manière à rassasier; voici ce que dit le Psalmiste : Et aux êtres sans raison, et aux hommes, et à tous les êtres, vous donnez ce qui est agréable à chacun, ce qui plaît à chacun ; et non-seulement vous donnez. mais vous donnez de manière à remplir, de manière que rien ne manque. Voilà pourquoi il dit : « Vous remplissez tous les animaux de bon plaisir. Le Seigneur est juste dans toutes ses voies, et saint dans toutes ses oeuvres (17). » Ce qu'il entend par « voies » , ici, c'est le gouvernement, la providence. la sollicitude, avec laquelle Dieu a tout formé. Toutes ses oeuvres, dit-il, célèbrent ses louanges, sont pleines de merveilles, qui ne laissent à personne aucun prétexte de blâme, quoiqu'il y ait des gens que, la colère possède, qu'agite une fureur insensée. ; Toutes ses oeuvres sont naturellement brillantes, resplendissantes, proclamant la prévoyance de l'ouvrier, sa sollicitude, son affection pleine de tendresse, sa justice, sa sainteté. « Le Seigneur est proche de tous ceux  qui l'invoquent en vérité (18). » Et voici; maintenant un autre caractère de la Providence, et qui résume tous les biens. Après avoir dit les présents faits en commun même aux infidèles, les aliments et les pluies, le Psalmiste ajoute les dons particuliers pour les  fidèles. Quels sont-ils? D'être près d'eux, de les défendre, de prendre soin d'eux; de déployer, pour eux, une plus grande providence ; d'être, pour eux, plein de bonté, de miséricorde, de douceur, de leur révéler les vrais biens.

« Il accomplira la volonté de ceux qui craignent, il exaucera leur prière et les sauvera (19). » Mais , dira-t-on, Paul voulait écarter de lui l'ange de Satan (II Cor. XII, 8 c'est-à-dire, les tentations, les afflictions, les assauts perfides, et Dieu n'a pas fait ce que voulait Paul. Au contraire, il l'a fait, car lorsque Paul eut compris que ce qu'il demandait n'avait aucune utilité, il conçut une volonté contraire, une volonté forte, et qui était l'ouvrage de Dieu. Et voilà pourquoi Paul disait: « Je me plais dans les faiblesses, dans les afflictions, dans les persécutions. » (II Cor XII, 10.) S'il voulait d'abord tout le contraire cette volonté provenait de son ignorance; mais, une fois qu'il eut appris que Dieu voulait qu'il fût éprouvé, Paul consentit sans peine la volonté de Dieu. Et, en effet, autre n'est pas la volonté de Dieu, autre la volonté de ce qui le craignent; et si parfois ceux-ci veulent ce que demandent les autres hommes, ils se corrigent bientôt. « Le Seigneur garde tous ceux qu'il aime, et il perdra tous les (289) pécheurs (20). » Voici encore une remarquable preuve de la divine Providence; elle conserve, elle fortifie, elle se révèle à tous. Maintenant ceux que le Psalmiste appelle pécheurs, ce sont ceux qu'afflige un mal sans remède, ceux qui ne veulent pas se corriger. Si parfois Dieu permet que quelques-uns de ceux qui l'aiment, soient frappés par la mort, voyons-y encore la marque du Dieu qui conserve. C'est ce qui est arrivé pour Abel. En effet, leurs corps ont beau mourir, leurs âmes subsistent plus glorieuses, et elles recevront ensuite des corps inaccessibles à la destruction. Donc, après avoir parlé de ces différentes espèces de providences, autant que le discours pouvait les exprimer; des soins communs, des soins particuliers, de la sollicitude pour les saints, surtout pour ceux qui ont chancelé ; du soin de ceux qui sont renversés, de la providence, de la patience, de la correction des pécheurs, de la protection des saints, c'est encore par un cri de louanges qu'il termine, et il convie la terre à s'associer tout entière à ce tribut d'éloges : « Ma bouche publiera les louanges du Seigneur, que toute chair bénisse son saint nom, dans tous les siècles, et dans l'éternité » (21). Voyez-vous avec quelle sagesse il convie non-seulement ceux qui reçoivent les bienfaits du Seigneur, mais ceux-mêmes qui sont punis (car la punition même révèle la providence); non-seulement les hommes, mais encore les animaux, et les éléments, et toutes les créatures insensibles., car toutes sont remplies de la bonté du Seigneur? Donc, nous aussi, ne cessons pas d'élever à ce Dieu si bon, à ce Dieu rempli de tant d'amour, à ce Dieu qui étend partout sa bienfaisance, de faire monter, à chaque heure, les cris de la louange, de le célébrer, par nos actions et par nos paroles, afin. d'obtenir, et les biens de la vie présente, et les biens à venir, par la grâce et par la bonté de notre Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l'empire , dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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