PSAUME CXLIII

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EXPLICATION DU PSAUME CXLIII. « BÉNI SOIT LE SEIGNEUR MON DIEU, QUI APPREND A MES MAINS A COMBATTRE, ET MES DOIGTS A FAIRE LA GUERRE. »

 

ANALYSE.

 

1. Le secours divin nous est nécessaire dans la guerre que nous avons à soutenir contre les démons. Nature de cette guerre. Si nous voulons obtenir miséricorde, donnons occasion à la miséricorde. Le secours de Dieu est encore nécessaire à ceux qui conduisent les hommes, pour les maintenir dans le devoir.

2. De la présomption de certains hérétiques qui se vantent de connaître Dieu tel qu'il est. Dieu nous est inconnu, non pas dans son existence et ses attributs, mais dans sa substance.

3. Comment doivent s'entendre tes expressions descendre et toucher, appliquées à Dieu. Ce qu'il faut entendre par la main de Dieu. Les vrais étrangers sont les infidèles. La charité ne connaît pas d'étrangers.

 

1. Que dites-vous ? le Seigneur vous apprend à faire la guerre, à livrer des combats, des batailles rangées? sans doute, et on ne se trompera pas en lui attribuant les victoires ainsi remportées; car c'est là ce que signifie cette expression , « Qui apprend à mes mains. » C'est-à-dire qui me rend vainqueur de mes ennemis, qui me donne la force, et me permet d'élever des trophées. En effet, quand David renversa Goliath, Dieu fut l'auteur de la victoire; et quand le même David fit avec succès un grand nombre de guerres, érigea des trophées, emporta d'assaut des villes ennemies, ce fut Dieu encore qui le rendit victorieux. Et voilà pourquoi il chantait: « Le Seigneur fort et puissant , le Seigneur puissant dans le combat. » (Ps. LXXXII, 3.) Du temps de Moïse aussi , Dieu opéra grand nombre d'actions guerrières.

Mais il est encore une autre guerre, plus redoutable que les combats ordinaires des hommes, une guerre où nous avons surtout besoin du secours d'en-haut, lorsque nous avons à combattre les puissances contraires à notre nature. Et maintenant la preuve que nous avons contre ces puissances une guerre à soutenir, écoutez ce que dit Paul: « Car nous avons à combattre , non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les princes du monde de ce siècle ténébreux. » (Eph. VI, 12.) Guerre d'autant plus redoutable que ces puissances sont d'une autre nature, d'une nature invisible, et qu'il ne s'agit pas, dans la lutte , de petits intérêts , mais de notre salut ou de notre perte. Impossible ici de voir manifestement les victimes; impossible de connaître par avance les époques , les difficultés, les lieux, ni quoi que ce soit des circonstances de cette guerre. En effet, c'est sur la place publique, c'est dans l'intérieur de la maison, c'est. à l'heure où on se livre, soit aux jeux, soit au repos que ces phalanges vous attaquent, de sorte qu'il faut être fortifié sans cesse et à toute heure. Car cette guerre se fait sans trêve, sans messager qui la déclare, sans rien de semblable; c'est une guerre qui ne s'annonce pas, qui ne se déclare pas; et voilà pourquoi il faut toujours être fortifié, être pourvu de tout ce qui donne la force et la vie. Les vivres pour cette guerre, les armes qu'elle réclame, c'est la lecture de L'Ecriture sainte ; qui en est privé, meurt de faim. En effet, dit le Prophète : « Je leur enverrai, non la famine du pain, ni la soif de l'eau, mais la famine qui veut entendre la parole du Seigneur.» (Amos, VIII, 11.) Dans cette guerre donc, aussi bien que dans les batailles ordinaires , il faut le secours d'en-haut. « Ce n'est point, » dit le Psalmiste, « dans sa grande puissance qu'un roi trouve son salut, et le géant ne se sauvera point par la grandeur de ses forces. Le cheval trompe celui qui en attend son salut, et toute sa force ne sauvera point l'écuyer. » (Ps. XXXII, 16, 17.) Aussi , beaucoup d'ennemis ont-ils été mis en déroute par ceux qui tout d'abord avaient confié aux prières la mission de conduire leurs armes, et de rompre les phalanges ennemies. « Il est tout rempli de miséricorde pour moi ; il est mon refuge, mon défenseur et mon libérateur (2). » Voyez-vous, ici encore, la prière adressée à la clémence pour obtenir le salut? Et maintenant, il est encore une autre pensée qu'exprime ici le Psalmiste. Voici en effet ce qu'il montre, et ce qu'il dit: Je ne serais pas même digne de miséricorde, si Dieu de lui-même n'écoutait ma prière. Donc c'est Dieu qui, « Est tout rempli de miséricorde pour moi. » Cette miséricorde en effet, je ne l'ai pas méritée par mes actions; il a beau être tout rempli de miséricorde, cette miséricorde pourtant, il ne la fait pas sans distinction. En effet, dit le Seigneur; «je ferai miséricorde à qui il me plaira de faire miséricorde, et j'aurai pitié de qui il me plaira d'avoir pitié. » (Rom. IX, 15.) Il faut donc, si nous voulons obtenir la miséricorde, lui donner, par notre conduite, une raison d'exercer sa clémence. Et maintenant, par cela même qu'il a obtenu miséricorde, le Psalmiste dit que c'est un bienfait de Dieu. Comprenez-vous bien cette contrition? Comprenez-vous cette reconnaissance, et voyez-vous comme il attribue le tout à la bonté de Dieu? « Il est mon refuge, mon défenseur et mon libérateur, et c'est en lui que j'ai mis mon espérance. » Il ne se lasse pas, de déposer en (277) Dieu son espérance, donnant, à tous les hommes, cette leçon, qu'il faut tenir bon dans les dangers; qu'il faut, au sein de l'adversité, tenir ses regards attachés sur Dieu; qu'il ne faut jamais , ni désespérer ni se laisser abattre. Car c'est lui qui « est mon refuge et mon défenseur. » Et si , quand les dangers commencent, il ne me couvre pas , il ne me défend pas, même alors je dois avoir pleine confiance; si c'est lui qui est mon refuge , il saura bien toujours me délivrer des dangers. En effet, voici surtout en quoi consiste l'espérance : les objets qui frappent nos yeux , devraient nous jeter dans le désespoir, et, au contraire, nous sommes pleins de confiance, et nous attendons un meilleur avenir. « C'est lui qui assujettit mou peuple sous moi. » Voilà qui est bien dit, car, ici encore, il est besoin du secours d'en-Haut, pour que les sujets consentent à la sujétion, pour qu'il n'y ait ni sédition ni révolte. Ce n'est pas seulement pour soumettre les ennemis , ruais encore pour s'assujettir ceux de la même nation , de la même famille, qu'il est besoin d'un fort secours d'en-haut. C'est un grand privilège que de bien gouverner les siens; ce succès n'est pas moindre que la victoire sur les ennemis. On a vu en effet, bien souvent, dans les guerres, des vainqueurs élever des trophées, et dans la paix ces vainqueurs étaient immolés pour n'avoir pas su tenir d'une manière convenable leurs sujets sous la bride. Ce n'est donc pas à la puissance des princes qu'il faut attribuer la soumission de ceux qui sont en armes, mais au secours de Dieu. Et, de même que c'est de Dieu qu'émanent les victoires sur les ennemis, de même c'est lui qui opère l'obéissance des peuples à leurs princes. « Seigneur , qu'est-ce que l'homme pour vous être fait connaître à lui ? ou qu'est-ce que le fils de l'homme pour que vous l'estimiez? » Un autre texte: « Qu'est-ce que l'homme, pour que vous cherchiez à le connaître ? » Un autre texte: « Qu'est-ce que l'homme pour que vous le reconnaissiez? » Il faut bien que ce soit un être plein de grandeur, celui qui est destiné à connaître Dieu, ou plutôt à être connu de lui; et encore celui à qui Dieu aura voulu se révéler. Aussi, les Septante disent avec une parfaite justesse : « Pour vous être fait connaître à lui , » montrant par là , que ce n'est pas nous qui l'avons trouvé , mais lui-même qui s'est laissé trouver. En effet, le texte ne dit pas: Qu'est-ce que l'homme pour vous connaître ? mais: « Qu'est-ce que l'homme pour vous être rait connaître à lui?

2. Et voilà pourquoi Paul, à son tour, ne cesse pas de reprendre cette pensée en tout sens : « Mais alors je le connaîtrai, comme je suis moi-même connu de lui. » (I Cor. XIII, 12.) Entendez le Christ lui-même : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis. » (Jean, XV, 16.) Entendez maintenant Paul dans un autre passage : « Si quelqu'un aime Dieu, il est connu de lui. » (I Cor. VIII, 3.) Et voilà pourquoi il ne cesse pas de dire et de répéter sans cesse que lui-même a été appelé, nous montrant par là, que ce n'est pas lui qui a couru vers le Seigneur, mais que d'abord il a été appelé. De même, il dit encore dans un autre passage : « Je poursuis ma course pour tâcher d'atteindre où Jésus-Christ m'a destiné. » (Philip. III, 12.) Il ne dit pas pour tâcher d'atteindre où je me suis destiné, mais, « où Jésus-Christ « m'a destiné. » Et maintenant comment le Psalmiste dit-il : « Qu'est-ce que l'homme? » On sait bien qu'un autre dit : « C'est une grande chose que l'homme, c'est une chose précieuse que l'homme plein de miséricorde. » Autre part : « Dieu le créa à son image. » (Gen. I, 27.) « Il a reçu en partage le gouvernement de toutes les créatures. » (Eccl. XVII, 1.) « Et il y a eu quelques hommes : dont le monde n'était pas digne. » (Hébr. XI, 38.) Mais ces paroles concernent la vertu, que quelques hommes ont pu montrer. « Qu'est-ce que l'homme ? » Il s'agit ici de la nature, la nature de l'homme est grande : mais si vous considérez la connaissance qu'il a reçue en partage, il s'en faut de beaucoup que cette connaissance égale sa nature.

Ces paroles sont pour les hérétiques, pour ceux qui vont, dans leur délire, jusqu'à oublier les bornes de leur nature; ignorants, qui ne comprennent pas que ce qu'ils prétendent savoir est au-dessus de leur raison. En effet, il peut y avoir de l'ignorance dans la connaissance et de la connaissance dans l'ignorance, et , si vous voulez bien , considérons à ce point de vue les objets sensibles. Dites-moi en effet ce que vous penseriez de celui qui dirait qu'il peut mesurer la mer, qu'il sait combien elle renferme de coupes? Des paroles de ce genre ne prouveraient-elles pas qu'on ignore plus que personne ce que c'est que la mer? (278) Celui au contraire qui avoue ne pas le savoir, mais qui affirme l'immensité défiant toute mesure, celui là connaît le mieux la mer. Supposez un homme vous disant : J'ai vu Dieu, je l'ai saisi de mes propres yeux, cet homme-là n'ignore-t-il pas absolument la nature de Dieu? Lui qui fait un être visible de l'être qui ne tombe pas sous les sens, en voulant grossir sa connaissance il perd même celle qu'il pourrait avoir. Supposez maintenant un homme disant : Dieu n'est pas visible, personne ne peut le voir; cet homme-là n'a-t-il pas une grande connaissance de Dieu? Supposez maintenant un homme disant que Dieu est incompréhensible; un autre, au contraire, qu'on peut le comprendre ; n'est-il pas vrai de dire que le dernier ignore, que le premier sait la nature de Dieu? Ne voyez-vous pas que Paul aussi marche par cette voie, en disant : « Ce que  nous avons de science et de prophéties, est imparfait. » (I Cor. XIII, 9.) Considérez tout ce qu'il a fallu de prodiges pour nous apprendre, non pas quelle est la substance de Dieu, mais qu'il y a un Dieu. C'est donc là encore ce que dit Paul : « Pour s'approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu'il y a un Dieu. » (Hébr. XI, 6.) La création tout rentière le proclame; « la grandeur, la beauté des créatures fait qu'on s'élève vers le Créateur. » (Sagesse, XIII, 5.) La constitution même de l'homme, les honneurs qu'il a reçus de Dieu, les châtiments, les bienfaits, les différents conseils qui le gouvernent, les prédictions des prophètes, les divers miracles, voilà par quels moyens Dieu se montre; et ensuite est venu le Fils unique qui a mis l'admirable et prodigieux couronnement qui complète cette économie. Et lorsque tant d'hommes encore ne voient pas ce qui est manifeste, tu prétends comprendre, par ta raison propre, la substance de ce Dieu? Donc, m'objecte-t-on, vous ne connaissez pas Dieu ; loin de nous cette ignorance. Assurément , je sais qu'il existe, je sais qu'il est clément, bon, miséricordieux, prévoyant, prenant soin de toutes choses ; je sais tout ce qu'en ont dit les Ecritures ; mais maintenant quelle est la substance de Dieu ? Je n'en sais rien. Adam aussi crut pouvoir en découvrir davantage; le démon lui inspira cette prétention et Adam perdit même ce qu'il possédait. C'est ce qui arrive aux hommes, qui se laissent conduire par la raison humaine et qui ne veulent pas comprendre, que c'est le Seigneur qui donne la sagesse ; que c'est de sa bouche, que sortent la prudence et la science. (Prov. II, 6.) Ils ne veulent pas entendre ce que dit Paul : « Dieu nous l'a révélé par son Esprit. » (I Cor. II, 10.) Paul bannit, par là, les raisonnements humains : « Détruisant, » dit-il, « les raisonnements et toute hauteur qui s'élève contre la science de Dieu. » (I Cor. II, 10; II Cor. X, 5.) Et un autre sage : « Les raisonnements des hommes sont timides et leurs inventions chancelantes. » (Sagesse, IX, 5.) « Qu'est-ce que l'homme pour vous être fait connaître à lui? » Considérez l'infini de cette grandeur, ou plutôt même en parlant ainsi, je ne fais pas entendre une parole digne de Dieu, mais je ne sais de quel langage me servir; car, quand nous parlons de grandeur à propos de Dieu, nous n'employons pas des termes propres; mais puisqu'il n'est pas permis de trouver d'autres termes, je me sers de ceux qui se rencontrent. En effet, quand je l'appelle le Très-Haut, je ne le circonscris pas dans un lieu, mais je montre l'élévation, la grandeur de sa nature, qui le distingue, qui le met en dehors; au-dessus de tous les êtres. Voilà pourquoi le Psalmiste dit.

« Qu'est-ce que l'homme pour vous être fait connaître à lui ? » En effet, Dieu l'a fait humble et lui a départi de grands privilèges, de manière qu'il ne put pas s'exalter, lorsque la modestie est la conséquence nécessaire de la bassesse de sa nature. « Ou qu'est-ce que le Fils de l'homme pour que vous l'estimiez? » Avez-vous bien compris la majesté de la nature de Dieu? « L'homme est devenu semblable à la vanité (4.). » Un autre interprète, au lieu de : « A la vanité, » dit :  « A une vapeur. » Or, ce mot « vanité » ne signifie pas autre chose que ceci . que l'homme est caduc, ne vit qu'un temps, que sa vie est courte; dans ce passage, il s'agit du corps, et voilà pourquoi Abraham disait : « Je ne suis que terre et cendre. » (Gen. XVIII, 27.) Et maintenant Isaïe: « Toute chair, n'est que de l'herbe et toute sa gloire est comme la fleur des champs. » (Isaïe, XL, 6.) Mais maintenant, que signifie « L'homme est devenu semblable à la vanité?» Cela veut dire au néant; il n'est rien, en effet, parmi les choses humaines, qui soit ferme ni stable; tout passe, tout disparaît promptement. « Ses jours passent comme l'ombre, » c'est-à-dire même dans le présent il n'y a en eux aucune stabilité et ils s'envolent vite.

 

279

 

3. Et maintenant , considérez cette vérité dans la réalité même des choses ; réfléchissez sur les puissants de ce monde, qui se font traîner dans des chars, qui exercent des magistratures, qui jettent les hommes en prison, qui condamnent aux verges ; quelle différence y a-t-il entre eux et une ombre? Je ne dis pas seulement, au moment de la mort; je dis, même avant la mort. En effet, quand ils ont déposé leur magistrature toute leur pompe disparaît et s'envole; mais c'est ta réalité qui nous attend, après notre départ d'ici. Il y aura un compte réel à rendre, des châtiments réels, des biens réels aussi, et le juge est celui qu'il est absolument impossible de tromper. Au contraire, ce qui se passe sous nos yeux, ressemble à des jeux d'enfants; qui juge aujourd'hui est jugé demain ; les changements se pressent, se succédant rapidement; c'est l'inconstance dans ce qui ne fait que passer. « Seigneur, abaissez vos cieux et descendez, touchez les montagnes et elles se réduiront en fumée (5). » Un autre : « Quand a vous avez incliné vos cieux que vous êtes descendu et que vous avez touché les mon«fagnes, elles ont été réduites en fumée. » Que signifie cet enchaînement de paroles? Enchaînement, oui certes, et les paroles présentes tiennent fortement à ce qui précède. En effet, après avoir parlé de la bassesse humaine, montré le néant de notre nature, le Psalmiste lui impose encore un frein ; il réprime l'arrogance qui se gonfle, il ajoute des paroles qui reviennent à peu près à ceci. Certes, ils auraient bien dû, par eux-mêmes, comprendre la bassesse de leur nature et ne pas tant se complaire en eux-mêmes et ne pas concevoir tant de fierté; mais, puisqu'ils ne le veulent pas, montrez-leur, Seigneur, par la réalité même, à quelle bassesse ils sont réduits.

«Seigneur, abaissez vos cieux, et descendez. » Ce qu'il dit, ce n'est pas que Dieu descende; en effet comment pourrait-il descendre, Celui qui est présent partout? Mais il veut, par ces expressions humaines, inspirer la terreur aux auditeurs d'un esprit un peu lent; il parle donc de ces choses, en se conformant au langage humain. Sans doute, cette action de fou. cher les montagnes paraît avoir de la grandeur; elle est toutefois assurément de beaucoup au-dessous de la dignité de Dieu. En effet, Dieu p'a pas besoin de toucher les montagnes, pour les réduire en fumée; il n'a pas même besoin de faire un signe; il lui suffit d'y penser, de le vouloir. Donc, après avoir parlé de la bassesse de l'homme, il parle encore de la puissance du Dieu, autant que l'homme peut traiter un pareil sujet; car, ses expressions encore sont bien au-dessous de cette majesté. « Faites briller vos éclairs et vous les dissiperez; envoyez vos flèches, et vous les remplirez de trouble (6). » Eclairs, ici, et flèches ne sont pas pris dans le sens propre; il désigne ainsi les supplices, s'appuyant sur des faits connus, pour persuader, à celui qui méprise Dieu, au lâche, au négligent, de trembler, de respecter avec crainte, et de s'abaisser. Si, en effet, on ne peut supporter l'éclair, quoiqu'il ne soit pas envoyé pour le châtiment, à l'heure où Dieu voudra punir, qui pourra le supporter? Et maintenant, les flèches de Dieu sont les pestes, les famines, les malheurs imprévus, les innombrables supplices. «Faites éclater, du haut du ciel, votre main toute-puissante, et délivrez-moi; sauvez-moi de l'inondation des eaux, de la main des enfants étrangers (7). » C'est qu'en effet la puissance de Dieu n'est pas prompte, seulement pour punir, mais pour conserver. Quant à la main, elle marque ici l'assistance, le secours. Et voilà pourquoi il ne dit pas, étendez, mais: « Faites éclater. » Si d'ailleurs il dit, dans quelqu'autre passage, « Etendez, » cette expression a le même sens. Maintenant l'inondation marque l'irruption insolente des ennemis, l'attaque courtise et impétueuse. Ce qui prouve en effet qu'il ne s'agit pas ici des eaux à proprement parler, c'est ce qu'il ajoute: « De la main des enfants étrangers. » Or, ces enfants étrangers me paraissent indiquer ici ceux qui sont étrangers à la vérité. De même, en effet, que les fidèles sont regardés par nous comme des frères, de même nous regardons comme des étrangers les infidèles; et c'est surtout par cette raison que nous distinguons l'étranger de Celui qui nous tient de près par l'affection. En effet, celui-là est mon parent, qui a le même père que moi, qui participe à la même table, il me tient de plus près que celui qui m'est uni seulement par la communauté de race. Ce genre de parenté est plus parfait que l'autre, de même que l'éloignement par suite de dispositions et de principes contraires, est plus déclaré, plus évident que celui qui résulte de la diversité des familles. Donc ne vous arrêtez pas à ce fait, que nous vivons sous le même ciel, dans la même partie (280) du monde; car ce qu'il me faut, c'est une autre communion qui surpasse le ciel; là est ce qui nous rapproche, et ce qui nous fait vivre. En effet, dit l'Apôtre : « Notre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ. » (Coloss. III, 3.) Nous n'habitons plus la terre; mais nous nous sommes transportés dans la métropole d'enhaut; nous y avons une autre lumière, la vraie lumière, une autre patrie, d'autres concitoyens, d'autres parents. Et voilà pourquoi, disait Paul : « Vous n'êtes plus des étrangers, ni des voyageurs, mais vous êtes concitoyens des saints. » (Ephés.  II,19.) Comment donc le Christ a-t-il pu dire que le samaritain était le prochain, lui séparé du peuple par un si grand intervalle? (Luc, X, 36.) Cela n'a pas été dit par rapport à la nature, cela signifie que lorsqu'il s'agit de bien à faire, il faut que tout homme soit pour vous le prochain; mais quand il s'agira de la vérité, discernez quel est le prochain et quel est l'étranger. Vous avez beau avoir un frère du même père et de la même mère, s'il n'est pas en communion avec vous sous la loi de la vérité, qu'il soit plus étranger pour vous que n'importe quel scythe ou barbare. Et maintenant, si c'est un scythe ou un sarmate, mais qui possède la connaissance pleine et entière des dogmes, qui ait la même croyance que vous, il doit être plus votre parent que celui qui est sorti des mêmes flancs que vous. Et voilà comment nous distinguons le barbare de celui qui ne l'est pas; nous ne consultons ni la langue ni l'origine, mais la pensée, mais l'âme. En effet, ce qui constitue l'homme avant tout, c'est l'observance pleine et entière des dogmes; c'est la vie conforme à la sagesse.

4. Mais voyons maintenant la peinture que le Prophète présente de ces étrangers, quand il nous dit : « Sauvez-moi de la main des enfants étrangers, dont la bouche profère des paroles vaines, et dont la droite est une droite pleine d'iniquités (8). » Voyez-vous quels sont ceux qu'il appelle des étrangers? Ceux qui vivent dans le crime, ceux qui aiment l'iniquité, ceux qui tiennent des discours insensés, qui ne disent rien d'utile. Reconnaissez donc les étrangers, à leurs discours, à leurs paroles. C'est ainsi que le Christ dit. « Vous les connaîtrez par leurs fruits. » (Matth. XII, 16.) En effet, de même qu'on donne aux soldats un grand nombre de signes pour se reconnaître, de telle sorte que si un combat a lieu pendant ia nuit, ou si des tourbillons de poussière obscurcissent le jour et amènent les ténèbres, ou si quelque confusion ou perturbation arrive, ils ne soient pas exposés à prendre leurs compagnons pour leurs ennemis, ni les ennemis pour leurs compagnons; de même le Prophète nous donne dans ce passage des signes pour nous permettre de distinguer le parent et l'étranger, à savoir leurs discours et leurs actions. « Dont la bouche profère des paroles vaines, et dont la droite est une droite pleine d'iniquités. » C'est qu'en effet nous avons à soutenir une guerre, une bataille, un combat nocturne des plus cruels; les démons nous frappent; nos passions nous tendent des piéges; nos pensées se soulèvent contre nous. Il y a aussi, pour les initiés aux mystères, des signes de reconnaissance, et si nous voulons distinguer le profane de l'initié ces signes nous serviront.

« Dont la droite est une droite pleine d'iniquités. » Quoi de plus triste que de voir cette main, faite pour nous secourir, devenir un instrument de trahison ! En effet, si nous avons des mains, c'est pour nous préserver nous-mêmes et préserver les autres de l'injure; c'est pour faire disparaître les crimes, c'est pour servir de port et de refuge à ceux qui subissent la violence et l'injustice. Quelle sera donc l'excuse de ceux qui se servent de ces armes, non pour le salut des autres, mais pour leur pro lire perte? « Je vous chanterai, ô Dieu, un nouveau cantique (9). » Quel est encore ici l'enchaînement des pensées? enchaînement parfait. Car le Psalmiste a dit : « Faites éclater votre main, et sauvez-moi, » et dispersez-les, et il proclame qu'il saura reconnaître ce , secours en offrant une récompense inutile, il est vrai, à Dieu qui la recevra, mais très-avantageuse à l'homme qui l'offrira. Or, quelle sera cette offrande ? « Je vous chanterai, ô « Dieu, un nouveau cantique. » C'est bien peu de chose, si on compare ce don à la grandeur du bienfait. Mais le fidèle a donné tout ce qu'il , avait; et nous aussi, nous ne demandons aux pauvres, à ceux qui ne possèdent rien, que le remerciement et la gratitude. Pour nous, ce que nous en faisons, c'est pour être glorifiés, Dieu, au contraire, n'a pas besoin d'être glorifié, mais il veut glorifier ceux qui le chantent, et trouver ainsi l'occasion de leur décerner de nouveaux bienfaits. « Je vous chanterai sur l'instrument à dix cordes, » c'est-à-dire, je vous rendrai grâces. On avait alors des (281) instruments pour chanter les cantiques ; aujour-d'hui au lieu d'instruments nous pouvons nous servir de notre corps; nous pouvons en effet chanter par nos yeux et. non seulement par notre langue; nous pouvons chanter par nos mains, par nos pieds et par nos oreilles. En effet, quand chacun de ces organes fait ce qui est, pour Dieu, un sujet d'honneur et de gloire, quand l'oeil n'a pas de regards impudiques; quand les mains ne s'allongent pas pour la rapine, mais se déploient pour l'aumône; quand les psaumes, quand les discours spirituels trouvent des oreilles prêtes à les recevoir; quand nos pieds courent à l'église; quand notre coeur ne devient pas un atelier de ruses, mais un foyer de charité, les membres de notre corps forment un psaltérion, une lyre, et chantent un nouveau cantique, non-seulement de paroles, mais un cantique d'actions. « Qui donnez le salut aux rois (10). » Et en effet, ce ne sont pas les forteresses, les nombreux soldats, les satellites, les gardes du corps, mais le secours de Dieu qui les conserve. « Qui sauvez David votre serviteur. » Après avoir parlé en général, le voici qui parle de lui en particulier, et il ne dit pas qui avez sauvé, mais « qui sauvez, » montrant la perpétuité de la providence de Dieu.

5. Et ensuite il renouvelle la prière déjà faite, conjurant, suppliant pour être délivré des méchants, et il dit: « Sauvez-moi du glaive meurtrier, retirez-moi d'entre les mains des enfants étrangers dont la bouche profère des paroles vaines et dont la droite est une droite pleine d'iniquités (11). »

« Leurs fils sont comme de nouvelles plantes dans leur jeunesse (12.) » Il décrit ici les prospérités et les richesses de ce monde, et il place au premier rang, comme il est juste, d'avoir des enfants à qui tout prospère, tressaillant de joie, des enfants des deux sexes ; il ajoute donc: « Leurs filles sont parées et ornées comme des temples.» Il montre ici, avec la jeunesse, l'excès du luxe, les bandelettes, l'attirail de la coquetterie des femmes, ce qui est le fruit d'une grande prospérité. Ensuite, ce qui paraît au second rang, ce qu'aujourd'hui peut-être on mettrait au premier, c'est la richesse, qu'il dépeint par ces paroles: « Leurs celliers sont si remplis qu'ils regorgent les uns dans les autres (13). » Qu'est-ce que cela veut dire: « Qu'ils regorgent les uns dans les autres? » Les celliers trop petits, dit-il, ne peuvent pas contenir leurs richesses: « Leurs brebis sont fécondes, et leur multitude se fait remarquer quand elles sortent; leurs vaches sont grasses (14). » Ce qui ne paraissait pas alors indifférent pour la prospérité. Les anciens, en effet, faisaient consister les richesses en brebis, en troupeaux de gros bétail, en toute espèce de troupeaux, en semences ; on n'avait pas encore trouvé la lâcheté et la mollesse de nos jours. « Il n'y a point de brèche dans leurs murailles, ni d'ouverture par laquelle on puisse passer; » ce qui veut dire que leurs champs sont cultivés avec toute espèce de soin et de zèle, qu'ils ont des trésors de fruits; que leurs haies se tiennent; que leur vigne est, de toutes parts, bien plantée, et bien défendue. « Et l'on n'entend point de cris dans leurs places; » un autre texte: « Dans leurs vestibules ; » autre espèce de prospérité,.mais que toute espèce de richesse ne donne pas, à savoir la paix, la tranquillité, la sécurité. Il n'est personne pour leur préparer des piéges ; personne pour leur faire la guerre ; aucun tumulte, aucune confusion : « Ils ont appelé heureux le peuple qui possède tous ces biens ; mais plutôt, heureux le peuple, qui a le Seigneur pour son Dieu (15). » Voyez-vous la vertu du fidèle? Il a fait comparaître toutes les richesses; il les a toutes nommées, il a dit ensuite ce qu'en pense le vulgaire, et pour lui, il n'en retire aucune impression humaine. Et il ne regarde pas comme heureux les possesseurs de ces biens, mais, les négligeant tous, c'est sur le véritable trésor qu'il fait reposer son bonheur. Les autres, dit-il, ont appelé heureux ceux qui possèdent ces biens, mais moi, je regarde comme heureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu. Et, par cette seule expression, il fait voir en quoi consiste tout bonheur, toute espèce de biens, toute puissance. En effet, ces biens de la terre s'écoulent et passent; notre bonheur, au contraire, demeure éternellement; à la place des brebis, des fils, des boeufs, des haies, des vignes, c'est la béatitude de Dieu qui sera notre trésor, notre sécurité, notre mur inexpugnable. Donc, en entendant ces paroles, ne vous laissez troubler par aucun des attachements de la terre ; allez, et laissant loin de vous les ombres, saisissez-vous de la vérité. En effet, il a débuté en disant que l'homme est semblable à la vanité, et que ses jours sont comme l'ombre qui passe. Donc, si vous voyez quelques-uns de ces heureux, comblés (283) de tous les biens, vivant dans le crime, quand l'univers entier les estimerait heureux, jugez-les, vous, des infortunés qu'il faut plaindre. Quant à ceux, au contraire, qui se sont voués à Dieu, dites qu'ils sont dignes d'envie, qu'ils ont en partage la félicité. Et nous, tous tant que nous sommes, recherchons toujours ces vraies richesses, cette pleine béatitude, afin d'obtenir, et les biens de la vie présente et les biens à venir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l'empire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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