PSAUME CXIV

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EXPLICATION DU PSAUME CXIV. 1. « J'AI AIME PARCE QUE LE SEIGNEUR EXAUCERA LA VOIX DE MA PRIÈRE. »

 

ANALYSE.

1. Des vrais et des faux biens. Pourquoi Dieu permet la souffrance. Le bien de l'âme, souverain bien.

2. Providence de Dieu à l'égard des enfants. Bienfait de la mort et des souffrances.

3. Félicité de la vie future.

 

1. Et quel est l'homme, direz-vous. qui n'aime pas, quand on l'exauce? Beaucoup de mondains. Ils ne veulent pas écouter quelles sont les choses qui leur importent, et ils en souhaitent qui ne leur sont point avantageuses : puis, exaucés, ils gémissent et se désolent. Ce qui nous est avantageux, c'est ce que Dieu connaît pour tel, quand ce serait la pauvreté, la faim, la maladie, que sais-je encore? Ce que Dieu juge nous être utile, ce qu'il nous donne, voilà les choses profitables. Ecoutez plutôt ce qu'il dit à Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance se consomme dans la faiblesse. » (II Cor. XII, 9.) C'est que l'intérêt de Paul était d'être persécuté, affligé, opprimé. Instruit par cette réponse, il dit «Aussi, je me complais dans les infirmités, les injures, les persécutions. » (Ib. 10.) 1l n'appartient donc pas aux premiers venus de se réjouir quand Dieu les exauce, en procurant leur bien. Beaucoup veulent de faux biens et s'y complaisent. Tel n'était pas le Prophète: il aima, quand Dieu l'eut exaucé, en lui accordant ce qui lui était utile, « Parce qu'il a incliné son oreille vers moi (2). » Encore des expressions humaines pour représenter le consentement de Dieu. Cette parole renferme de plus une autre allusion; il a l'air de dire : je ne méritais pas d'être entendu ; mais il est descendu jusqu'à moi. « Et dans mes jours je l'invoquerai. » Qu'est-ce à dire, « dans mes  jours?» Parce que j'ai été exaucé, veut-il dire, je ne veux pas pour cela m'enfuir ni me relâcher; je consacrerai tous mes jours à cette occupation.

« Les douleurs de la mort m'ont environné, les dangers de l'enfer m'ont surpris. J'ai trouvé l'affliction et la douleur (3); et j'ai invoqué le nom du Seigneur (44). » Voyez-vous quelle forte armure? quelle consolation efficace contre toutes les épreuves? quelle âme échauffée par l'amour du Maître? Voici ce qu'il veut faire entendre : il m'a suffi, pour échapper aux maux qui m'environnaient, d'invoquer, le Seigneur. Pourquoi nous, l'invoquons-nous tant de fois sans être tirés de peine ? C'est que nous ne l'appelons pas comme il faut. Pour lui il est toujours prêt à (117) nous seconder. Ecoutez plutôt ce qu'il dit dans les Evangiles : « Quel est d'entre vous l'homme qui , si son fils lui demande du pain, lui «présentera une pierre? Ou, si c'est un poisson qu'il lui demande, lui présentera-t-il un serpent? si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent?» (Matth. VII, 9, 49.) Voyez-vous combien grande est cette bonté auprès de laquelle la nôtre ne paraît plus que méchanceté? Puisque tel est notre maître , recourons toujours à lui , invoquons-le, lui seul , à notre aide et nous le trouverons prêt à nous sauver. Si des naufragés réfugiés sur une planche flottante n'ont qu'à appeler les premiers venus du plus loin qu'ils les aperçoivent, pour émouvoir leur charité, bien qu'ils n'aient rien de commun avec eux, et pas d'autre recommandation que leur infortune, à bien plus forte raison le bon Dieu en qui la miséricorde est innée a-t-il pitié des malheureux, pour peu qu'ils consentent à recourir à lui, à l'invoquer avec ferveur, renonçant à toutes les espérances humaines. Par conséquent , si vous venez à tomber dans quelque infortune imprévue, ne vous laissez pas abattre, relevez aussitôt votre courage et réfugiez-vous dans ce port sans orages , dans cette imprenable tour qui est l'assistance de Dieu. Car si Dieu vous laisse tomber, c'est afin que vous l'invoquiez. Mais c'est justement alors que la plupart se laissent décourager et perdent jusqu'à la piété qu'ils avaient , quand ils devraient faire tout le contraire. C'est l'amour extrême de Dieu pour nous, c'est son désir de nous attacher plus étroitement à lui qui le détermine à souffrir que nous tombions dans la peine. Les mères se servent de masques effrayants pour forcer leurs enfants rebelles à se jeter dans leurs bras: ce n'est pas qu'elles veuillent leur causer du chagrin, mais elles imaginent ce moyen pour les retenir auprès d'elles. De même Dieu , dans son désir constant de vous attacher à lui, dans son amour extrême, si ce n'est trop peu dire encore, permet que vous tombiez dans de telles épreuves: et c'est afin que vous vaquiez perpétuellement à la prière, que vous l'invoquiez continuellement, que vous négligiez tout le reste pour ne songer qu'à lui. « O Seigneur, délivrez mon âme. » Un autre interprète traduit: « Je vous en prie, Seigneur , retirez mon âme. » Un autre : « O Seigneur, sauvez mon âme. »

Voyez-vous la sagesse du Psalmiste? Comment il oublie toutes les choses mondaines pour s'occuper d'un seul objet, de maintenir son âme à l'abri de toute atteinte qui pourrait lui porter préjudice? En effet, si l'âme se porte bien, tout le reste suivra : au contraire si elle va mal, il n'est point de prospérité qui puisse dès lors nous être bonne à quelque chose. Aussi ne faut-il négliger aucun moyen, action ou parole, pour la sauver. C'est le sens caché dans cette parole : « Soyez prudents comme les serpents. » (Matth. X, 16.) Ainsi que le serpent sacrifie le reste de son corps pour sauver sa tête, ainsi vous devez, vous, tout immoler au salut de votre âme. En effet, ni la pauvreté, ou la maladie, ni cet autre mal qui paraît être comme le résumé des autres, la mort, ne sont en état de nuire à ceux qu'ils frappent, tant que leur âme reste intacte: pareillement la vie même cesse d'être un avantage, quand l'âme est perdue ou gâtée. C'est pour cela que le Psalmiste parle de l'âme et de l'âme seule , qu'il souhaite que le jugement ne lui soit pas rigoureux, et qu'elle échappe aux intolérables supplices. « Le Seigneur est miséricordieux et juste, et notre Dieu a pitié (5). » Voyez-vous comment il enseigne à l'auditeur à ne pas désespérer, à ne point se décourager? C'est à peu près comme s'il disait: point de désespoir: Dieu est miséricordieux. Point de découragement: Dieu est juste. De cette façon il guérit l'un du relâchement, l'autre du désespoir: et par là il travaille doublement à notre salut.

2. Puis, afin de montrer que Dieu incline plutôt vers la miséricorde, il poursuit en répétant : « Et notre Dieu a pitié. » Il dit à dessein « notre Dieu, » afin de l'opposer aux dieux dont il a parlé précédemment. Ces autres dieux ont pour occupation le meurtre, le massacre, les guerres sans trêve. Le nôtre ne songe qu'à répandre ses bienfaits, à pardonner, à nous tirer de péril et rien n'est plus propre à montrer que ces divinités ne sont que des démons funestes, tandis que notre Dieu est un Dieu bon, un Dieu protecteur, un Dieu véritable.

« Le Seigneur veille sur les petits enfants, j'ai été humilié et il m'a sauvé (6). » Il touche ici un côté fort important de la Providence. « Miséricordieux et juste, il a pitié, » il aborde une des oeuvres les plus frappantes de cette (148) bonté. Quelle oeuvre? Celle qui s'opère sur les petits enfants. Nous avons, nous. dans la raison un maître qui nous instruit de ce que nous devons éviter, rechercher, qui nous enseigne à repousser loin de nous les maux qui s'approchent, à nous affranchir de ceux qui nous accablent, nous avons des forces, nous connaissons des expédients ; faute de pareils secours, les enfants seraient sans protecteur, pour ainsi dire, s'ils ne trouvaient une assistance assurée dans la Providence divine qui ne saurait s'éloigner d'eux un seul moment sans les livrer tous à une perte certaine. Sans cela les serpents, les volatiles domestiques, tant d'autres animaux qui hantent les maisons tueraient dans les langes les jeunes nourrissons. Ni nourrice, ni mère, ni personne, ne sauraient montrer une sollicitude suffisante, pour les préserver, s'il leur manquait l'appui d'en-haut. Quelques-uns croient d'ailleurs qu'il s'agit ici des enfants encore emprisonnés dans le sein maternel. « J'ai été humilié et il m'a sauvé. » Il ne dit pas : Dieu n'a pas permis que je fusse en péril, mais bien, j'ai été en péril et il m'a sauvé. En effet, après avoir parlé de la Providence en général, il continue à parler en son propre nom, suivant son usage d'associer partout le général et le particulier. N'allez donc pas, mes chers frères, rechercher une vie à l'abri de tous les orages, ce ne serait pas un bien pour vous. Si les prophètes n'y trouvaient point leur avantage, à plus forte raison n'y trouveriez-vous pas le vôtre. Ils n'y trouvaient point leur avantage, dis-je, écoutez en effet : « C'est un bien pour moi que vous m'ayez humilié, afin que je connaisse vos jugements. » Ici Dieu est remercié de deux choses, d'avoir permis le péril et de n'avoir pas abandonné l'homme en danger. Ce sont deux espèces de bienfaits, et le premier n'est pas inférieur à l'autre, ou même, si j'ose le dire, il est plus grand. En effet, le second n'a eu pour effet que d'écarter le péril, le premier a rendu l'âme plus sage. « Rentre, ô mon âme, dans le repos, parce que le Seigneur a répandu sur toi ses bienfaits (7). Parce qu'il a délivré mon âme  de la mort, mes yeux, des larmes, mes pieds de la chute (8). Je serai agréable en présence du Seigneur, au pays des vivants (9). » L'interprétation historique fait voir ici une délivrance merveilleuse, un soulagement, un affranchissement. Mais si l'on veut prendre ce passage dans le sens anagogique, on pourra se représenter cet affranchissement comme notre départ d'ici-bas et retrouver lit le repos dont il s'agit. Car on échappe par là à tous les dangers imprévus et l'avenir cesse d'être un mystère inquiétant, on est en sûreté une fois qu'on a quitté la terre le coeur plein de bonnes espérances. En effet, quoique la mort ait été introduite ici-bas par le péché, cela n'empêche pas que Dieu ne la fasse servir à notre avantage. Voilà pourquoi il n'en est pas resté là, mais a rendu de plus notre existence pénible : c'est afin de nous faire comprendre qu'il n'aurait pas permis la mort elle-même, si cette oeuvre de sa sagesse n'était pas très-utile. Voilà pourquoi après avoir dit : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras, » il ne s'est pas borné à exécuter sa menace, en disant : « Tu es terre et tu retourneras en terre. » Mais voici ce qu'il ajoute : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front. La terre produira pour toi des épines et des ronces, elle te nourrira dans la peine. » Et il dit à la femme : « Je multiplierai tes douleurs et tes gémissements. Tu enfanteras dans les douleurs. » C'est que la mort n'aurait pas suffi pour les rendre sages. Il est vrai qu'elle corrige beaucoup d'hommes, car sa venue les rend insensibles. Mais les épreuves de la vie nous améliorent de notre vivant. Que si l'on y voit un sujet de terreur, la faute en est à la faiblesse des âmes. C'est ce que montrent les prières de saint Paul et ses transports de joie, lorsqu'il dit, par exemple : « Partir et être avec le Christ, c'est bien préférable, » et encore : « Je me réjouis , je partage votre joie à tous , de même, vous aussi, réjouissez-vous, partagez ma joie. » Mais le contraire l'afflige : « Nous  gémissons en nous-mêmes, » dit-il, « attendant l'adoption , la délivrance de notre corps. » Et ailleurs : « Nous qui sommes dans cet abri, nous gémissons affligés. »

3. Voyez-vous combien c'est une belle chose que la sagesse? Ce qui paraît aux autres mériter des larmes, lui semble valoir des prières: ce qui paraît aux autres sujet de joie et de contentement, il n'y trouve que des raisons de gémir. N'est-ce pas, en effet, un digne sujet de lamentations, que d'être exilé, expatrié? N'est-ce pas un bonheur que de se réfugier promptement dans le port de tranquillité, et d'être admis dans la cité céleste, affranchi enfin des douleurs, des peines, des gémissements? Mais, direz-vous, en quoi cela regarde-t-il un (149) pécheur tel que moi? Voyez-vous que ce n'est pas la mort qui fait l'affliction, mais le mauvais état de la conscience ? Cessez donc d'être un pécheur, et vous soupirerez après la mort. « Mes yeux des larmes. » — Rien de plus naturel: là-bas il n'y a ni chagrins, ni tristesse, ni pleurs. « Mes pieds de la chute. » Ceci est plus important encore. Comment cela? C'est que  nous sommes affranchis non-seulement du chagrin, mais encore des piéges qui pourraient nous faire trébucher. Il est établi sur un roc, celui qui est parti chargé de bonnes oeuvres ; il est entré au port; il ne trouve plus d'obstacles; le trouble, les alarmes ont disparu. Celui-là vit au sein d'une gloire perpétuelle qui a quitté dans cette disposition le séjour d'ici-bas. « Je serai agréable en présence du Seigneur, au pays des vivants. » — Un autre dit « devant le Seigneur. » Un autre «je marcherai. » C'est ce que Paul, lui aussi, indique par ces mots : « Et nous serons ravis dans des nuées en l'air, au-devant du Seigneur et ainsi nous serons éternellement avec le Seigneur. » (I Thes. IV, 16.) Et remarquez cette parole « au pays des vivants. » — C'est là-haut qu'est la vraie vie, exempte de mort, et riche de biens sans mélange. Quand « il aura détruit, » dit le même apôtre, « tout pouvoir, tout empire, toute puissance, il détruira un dernier ennemi, la mort. » (I Cor. XV, 24.) Mais ces choses détruites, il ne reste plus aucun sujet d'affliction, ni souci, ni épreuve, tout est joie, tout paix, tout amour, tout joie, tout allégresse, tout est parfait, solide. Car il n'y a là-haut aucune chute pareille, ni colère, ni chagrin, ni avarice, ni désirs charnels ou pauvreté, ni richesse, ni infamie, ni rien de semblable. — Aspirons donc à cette vie, et faisons toutes choses en vue d'elle. Voilà pourquoi nous sommes exhortés à dire dans notre prière : « Que votre royaume arrive: » c'est afin que; nous ayons perpétuellement ce jour devant les yeux. En effet celui qui est possédé d'un pareil amour, celui qui vit dans l'espoir de ces biens, celui-là ne souffre ici-bas aucun naufrage, et ne se laisse abattre par aucun des chagrins de ce monde. — De même que ceux qui se rendent dans une capitale ne se laissent arrêter par aucune des choses qu'ils peuvent rencontrer sur leur route, prairies, vergers, ravins, déserts, et, indifférents aux divertissements comme aux obstacles, ne songent qu'à la patrie qui les attend : ainsi celui qui chaque jour se représente la ville céleste, et qui nourrit en lui cet amour, ne se laissera ébranler par aucune épreuve, trouvera sans charme et sans gloire ce qu'il verra de plus glorieux et de plus charmant. Que dis-je ? il n'en verra rien: car il aura d'autres yeux. ceux dont. parle Paul, en disant: « Comme nous ne considérons pas les choses visibles, mais les invisibles: en effet, les choses visibles sont éphémères; les choses invisibles sont éternelles. » — Voyez-vous comment il nous montre la route avec d'autres paroles? Attachons-nous donc à la poursuite de ces choses invisibles, afin de les posséder et de jouir de la vie éternelle: à laquelle puissions-nous tous arriver par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ à qui gloire et puissance, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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