PHILIPPIENS V

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
AVERTISSEMENT
PRÉFACE
PHILIPPIENS I
PHILIPPIENS II
PHILIPPIENS III
PHILIPPIENS IV
PHILIPPIENS V
PHILIPPIENS VI
PHILIPPIENS VII
PHILIPPIENS VIII
PHILIPPIENS IX
PHILIPPIENS X
PHILIPPIENS XI
PHILIPPIENS XII
PHILIPPIENS XIII
PHILIPPIENS XIV
PHILIPPIENS XV

HOMÉLIE V. SI DONC IL Y A QUELQUE CONSOLATION EN JÉSUS-CHRIST, S'IL Y A QUELQUE CONSOLATION DANS LA CHARITÉ; SI L'UNION DES ESPRITS ET DES CŒURS, SI LA TENDRESSE, SI LA MISÉRICORDE A CHEZ VOUS QUELQUE EMPIRE, RENDEZ MA JOIE PARFAITE, EN VOUS TENANT PLUS UNIS ENCORE DE PENSÉE, DAME, DE SENTIMENTS. (CHAP. II, 1-4.)

 

Analyse.

 

1. Il les invite à l’unité de coeur, au nom des motifs les plus sacrés de la religion. — Il les détourne de l'orgueil par d'instantes prières; éloge de l'humilité.

2 et 3. L'orgueil, passion ridicule et injuste devant Dieu. — Exemples d'humilité dans Joseph, Daniel et les saints apôtres.

 

1. On n'est pas meilleur, on n'est pas plus tendre que ce Docteur spirituel; aucun père selon la nature ne montre une plus grande affection. Remarquez plutôt quelle prière notre bienheureux adresse aux Philippiens pour leurs plus chers intérêts. Car il les exhorte à la concorde, source de tous les biens, et que ne dit-il pas? Qu'il est abondant ! qu'il est véhément ! qu'il est tendre et sympathique ! Reprenons ses paroles : « S'il y a quelque consolation en Jésus-Christ », oui, si vous avez en lui. quelque consolation; c'est comme s'il disait : Si vous avez pour moi quelque égard, si vous me portez quelque amitié, si je vous ai rendu quelque service, faites ce que je demande. — Cette figure de langage nous est familière, quand nous voulons obtenir une faveur à laquelle nous attachons le plus haut prix. Si cette faveur n'avait pour nous une valeur incomparable, nous ne voudrions pas la recevoir seule en retour de tout ce qui nous est dû, nous ne dirions pas qu'à elle seule elle représente tout le reste. Toutefois, de notre côté, ce sont toujours des bienfaits temporels que nous alléguons : un père dira par exemple à son fils : Si tu as quelque respect pour ton père, s'il te souvient encore de ton éducation si coûteuse, si tu me gardes quelque amour, si tu as mémoire encore de l'honneur du nom que je t'ai légué et du bon vouloir que je t'ai montré, ne sois pas l'ennemi de ton frère; en un mot, pour tous ces bienfaits je te demande ce seul acte de reconnaissance. Du côté de Paul , la prière est bien différente; il ne leur rappelle (31) aucun motif charnel, mais tous motifs spirituels. Voici, en effet, ce qu'il dit : Si vous voulez me donner quelque consolation dans mes épreuves, et quelque rafraîchissement en Jésus-Christ; si vous voulez me témoigner en quelque chose votre charité, et l'union intime, l'union et la communauté d'âme avec moi ; si vous avez des entrailles et quelque sentiment de miséricorde , mettez le comble à ma joie.

« Si vous avez des entrailles de miséricorde ». La miséricorde envers Paul, c'est d'après lui-même la concorde entre ses disciples; montrant que sans cette concorde parfaite, les dangers sont extrêmes. Si donc, continue-t-il, je dois attendre de vous quelque consolation; si j'ai droit à quelque preuve touchante de votre affection; si je puis prétendre à une communauté d'âme avec vous; si , dans le Seigneur, nous ne faisons qu'un; si vous me devez quelque miséricorde et quelque compassion, montrez, par votre charité mutuelle, comment vous payez toutes vos dettes ; car j'ai tout retrouvé, si vous vous aimez les uns les autres.

« Comblez ma joie ». Voyez comme, tout en les pressant, il se garde de faire croire que ses chers disciples aient abandonné le devoir. Il ne dit pas : « Faites », il dit : « Comblez ma joie » ; c'est-à-dire, vous avez commencé à semer les bienfaits sur moi; vous m'avez donné de quoi vivre en paix, mais j'aime à vous voir pousser jusqu'au bout. — Que désirez-vous donc, ô apôtre? Faut-il vous délivrer de vos chaînes? Faut-il vous envoyer encore quelque aumône? — Je ne demande rien de pareil, répond-il : mais seulement que « vous ayez un seul esprit, ayant cette même charité », dans laquelle vous avez débuté ; « n'ayez qu'une âme, qu'une pensée ». Dieu ! comme sa tendresse extrême toujours réclame la même vertu !

Oui, « que vous ayez les mêmes pensées », disait-il d'abord ; mais plutôt , ajoute-t-il , « une seule pensée » ; car les paroles qui suivent vont jusque-là : « Pensant une seule et  même chose », c'est son expression, plus forte encore que « pensant la même chose ». « Ayez une seule et même charité », c'est-à-dire, ne l'ayez pas seulement dans la foi, ayez la en tout et toujours. Car nous pourrions avoir entre nous une même pensée, une même croyance et n'avoir pas la charité. « La même » charité, encore : c'est donner et rendre l'amour au même degré. Si vous jouissez, de la part d'autrui, d'une charité vraiment grande, gardez-vous de lui en témoigner une moindre, et par là de vous montrer avare. S'il est des gens de cette trempe, gardez-vous de leur ressembler.

« Soyez unanimes ». Une seule âme, semble-t-ildire, doit animer tous vos corps , non par une fusion de substance, puisque c’est impossible, mais par une communion de volontés et d'idées; comme si une seule âme commandait tous vos mouvements. Qu'est-ce à dire encore, « unanimes ? » Il l'explique en ajoutant: N'ayez qu'une manière de sentir; il voudrait que le sens et la pensée de tous ne fussent qu'un, comme produit d'une seule âme.

« Rien par esprit de contention ». Il nous fait cette prière et nous l'explique en ajoutant: Rien par un esprit de contention « et de vaine gloire », lequel, je vous le dis, est la cause de tous les maux; de là, en effet, combats et discordes; de là jalousies et luttes acharnées; de là ce refroidissement de la charité , suite fatale et de notre ambition pour la gloire humaine, et de notre servilisme à l'égard de ceux qui la dispensent : l'homme asservi à cette gloire charnelle , ne sera jamais le vrai serviteur de Dieu. — Mais comment échapper à ce désir de vaine gloire? Paul, vous n'en avez pas encore indiqué le moyen. Ecoutez les paroles qui suivent: « Que chacun, par humilité, croie « les autres supérieurs à soi-même ». Dieu ! quelle maxime de haute sagesse et d'admirable utilité pour le salut vient-il de nous exposer t Si vous admettez, dit-il, que tout homme, quel qu'il soit, est plus grand que vous; si vous en êtes persuadés; ou plutôt, si non contents de le dire, vous en avez la pleine conviction, volontiers vous lui rendez honneur, loin de vous indigner des honneurs qu'on lui rend. Au reste, ne le regardez pas seulement comme plus grand que vous; voyez en lui « un supérieur », parole qui montre une grande prééminence, et dès lors, le voyant honoré, vous n'éprouverez ni tristesse, ni colère; s'il vous outrage , vous patienterez généreusement , puisque vous reconnaissez sa grandeur; s'il vous insulte, vous l'endurerez; s'il vous maltraite , vous le supporterez en silence. Qu'une bonne fois votre âme soit pénétrée de la conviction qu'il est plus grand que vous : dès lors, (32) il aura beau vous maltraiter, elle sera inaccessible à la colère, à la jalousie. Nul n'oserait envier le sort de ceux dont la supériorité est écrasante; on subit tout, comme conséquence naturelle d'une supériorité avouée.

2. Telle est la grandeur d'âme que nous enseigne l'apôtre. Que si votre frère, à son tour, dit-il, objet de tant d'honneur de votre côté, revêt à votre égard les mêmes sentiments, songez quelle sûreté acquerra votre mutuelle bienveillance ainsi munie comme d'un double rempart. Tant que vous garderez, en effet, l'un pour l'autre , ce profond respect, tout incident fâcheux est impossible. Car s'il suffit, pour anéantir toute rivalité, que d'un seul côté déjà l'on rende à l'autre partie cet honneur, quand il est rendu de part et d'autre, qui pourra faire brêche à une si solide fortification? L'assaut est impossible au démon lui-même ; l'enceinte est triple , quadruple, incomparablement fortifiée.

L'humilité, en effet, est la cause de tout bien, de tolite vertu. Pour l'apprendre mieux encore, écoutez le prophète : « Si vous aviez « voulu un sacrifice, je vous l'eusse offert, ô mon Dieu; mais les holocaustes ne peuvent vous plaire. Le vrai sacrifice à Dieu , c'est un esprit pénitent : Dieu ne méprisera jamais un coeur contrit et humilié ». (Ps. L, 19.) Le prophète ne veut pas simplement l'humilité, il lui faut un degré avancé d'humilité : « Un brisement ». De même que dans un objet matériel une partie broyée ne peut lutter contre un corps solide , mais qu'elle se détruit à chaque coup qui lui est porté avant même de lui avoir rendu le choc, ainsi en est-il d'une âme vraiment humble : elle choisira les mauvais traitements et la mort même, plutôt que d'attaquer, plutôt que de se venger.

Ah ! jusqu'à quand respirerons-nous cet esprit d'orgueil si ridicule? Quand nous voyons de pauvres enfants s'emporter; s'enfler, jusqu'à s'armer de pierres, jusqu'à les lancer, le rire nous prend; or tel est l'orgueil de l'homme, il vient de la puérilité et de la sottise. « Pourquoi la terre et la cendre s'élèvent-elles d'orgueil? » (Ecclés. X, 9.) Tu conçois des pensées orgueilleuses , ô homme ! Pourquoi? Dans quel intérêt, dis-moi ? D'où vient cette hauteur envers tes semblables? N'es-tu donc plus de même nature qu'eux? N'ont-ils pas une âme comme toi ? une âme qui a reçu de Dieu la même gloire? — Tu es un sage ? je le veux; alors tu dois être reconnaissant, et non enflé de vanité. C'est l'ingratitude au premier chef, que cette démence d'esprit; et elle détruit et méconnaît la générosité du bienfaiteur. En s'élevant, on le fait pour s'attribuer le mérite de la bonne oeuvre ; et en s'attribuant ce mérite , on prouve son ingratitude envers celui de qui on a reçu ce bienfait. As-tu quelque bien? Rends-en grâces à l'auteur de tout bien. Ecoute ici la parole et de Joseph et de Daniel.

Le premier sort de prison, par ordre du roi d'Egypte ; en présence de toute sa cour ce prince l'interroge sur un point où la sagesse Egyptienne, malgré son habileté en ces sortes de question , était restée muette ; Joseph vase montrer bien supérieur en tout; il va manifester une science qui efface astrologues, devins, thaumaturges, magiciens, et sages de toute sorte, bien qu'il ne soit qu'un enfant sorti à peine de prison et d'esclavage. La gloire n'est que plus grande, en pareille circonstance, puisque autre chose est qu'un homme illustre déjà brille une fois de plus, autre chose qu'un inconnu se révèle; moins on soupçonnait la réponse qu'il allait faire, plus il en devait être admiré. Or, que dit Joseph présenté à Pharaon? Répond-il : Oui l 'je sais tout ! Tant s'en faut. Quoi donc? sans influence de personne, uniquement inspiré par sa profonde reconnaissance, que dit-il enfin? « N'est-ce pas à Dieu qu'appartient semblable interprétation? » (Gen. XL, 8.) Voyez comme il s'empresse de rendre gloire à Dieu, et comme Dieu aussitôt le glorifie lui-même, par une faveur qui doit compter dans l'appréciation de la vraie gloire. Car il est bien plus beau pour lui de recevoir le don d'interprétation par la révélation de Dieu , que d'y arriver par son effort personnel, outre que les paroles de Joseph lui gagnaient la confiance publique, et devenaient un témoignage irrécusable de sa familiarité avec Dieu. Or, aucun bien n'est comparable à cette divine familiarité. Car, dit saint Paul, « si l'homme est justifié par ses propres oeuvres, il en a la gloire, mais non pas devant Dieu ». (Rom. IV, 2.) Celui, en effet, qui a trouvé grâce devant Dieu, se glorifie aussi devant Dieu, parce qu'il est aimé de lui, puisque sa bonté a daigné se rapprocher d'une créature pécheresse. L'homme de ses oeuvres, au contraire, trouve la gloire, mais non pas comme l'autre, la gloire devant Dieu preuve certaine de notre grande misère ! — (33) Combien est plus admirable celui qui reçoit de Dieu la sagesse ! Il rend gloire à Dieu, il en reçoit la gloire en retour. « Car je glorifie », dit-il, « ceux qui me glorifient ».

Mais écoutons un des descendants de Joseph, un sage que personne n'a surpassé, puisqu'il est écrit : « Etes-vous donc plus sage que Daniel? » (Ezéch.XXVIII, 3.) Ce Daniel devait partager le sort de tous les sages qui avec lui étaient à Babylone :astrologues, devins, magiciens, faiseurs de prestiges; toute l'école de sagesse était non-seulement réprouvée, mais déjà exécutée : la peine capitale prononcée contre eux tous par le roi, prouvait assez qu'il se regardait comme trompé de longue date. Daniel donc se présente au roi, pour résoudre la question proposée; loin de se donner à lui-même un regard complaisant, il commence par reporter à Dieu tout honneur : « Ce n'est pas dans la sagesse que je posséderais plus qu'aucun autre homme, que révélation     m'a été faite, ô prince!... Alors le roi adora Daniel et dit : Qu'on fasse venir les victimes et les offrandes ! (Dan. II, 30.) Avez-vous compris tant d'humilité, cette reconnaissance, ce caractère ennemi de tout orgueil?

Ecoutez aussi le langage des apôtres, tantôt « Pourquoi nous regardez-vous », disent-ils, « comme si c'était par notre puissance ou notre piété que nous avons fait marcher cet homme? »Tantôt : «Et nous aussi », s'écrient-ils, a nous sommes des hommes mortels, semblables à vous! » (Act. III, 12 et XIV, 14.) Voilà comment ils répudiaient des honneurs spontanément offerts, ces hommes qui, grâce à leur humilité en Jésus-Christ, grâce à sa puissance, opéraient des prodiges plus grands que ceux de Jésus-Christ lui -même; car « celui qui croit en moi », avait-il dit, « fera de plus «grandes choses que moi-même je n'en fais » comment donc ne pas nous appeler des malheureux, des misérables, nous qui ne pourrions chasser je ne dis pas des démons, mais des moucherons, nous qui n'avons pas même le pouvoir d'obliger un de nos semblables, bien loin d'être les sauveurs du monde entier, et qui cependant portons si haut nos pensées, que le démon même n'atteindrait pas à notre orgueil ?

3. Rien de plus étranger à l'âme chrétienne que l'orgueil. Je dis l'orgueil, et non pas la franchise et le courage. Leur faux air de famille ne les empêche pas d'être essentiellement différents. Autre est l’humilité, autre le servilisme, l'adulation, l'esprit rampant. Voulez-vous de tout cela des exemples frappants ?Les contraires parfois sont étrangement rapprochés, comme l'ivraie du froment, comme la rose des épines; tin enfant s'y laisse tromper; mais l'homme fait, celui qui est habile dans la culture spirituelle, saura distinguer le bien d'avec le mal. Et, tenez; proposons à vos réflexions quelques exemples tirés des saintes Ecritures mêmes.

Qu'est-ce que flatterie, servilisme , esprit rampant? Siba profite d'un mauvais moment pour flatter David et accuser son maître; Achitophel fait pis encore auprès d'Absalon. David ne leur ressemble pas, il est humble. Les trompeurs sont nécessairement flatteurs, comme ces mages de Babylone, qui s'écrient : «Vive le roi dans les siècles ! » Saint Paul, dans les Actes, par exemple, discute avec les juifs, sans jamais les flatter, mais aussi sans oublier l'humilité. Il sait parler avec liberté : « Mes frères», dit-il, «je n'ai rien fait ni contre la nation, ni contre les coutumes de nos pères, et cependant j'ai été enchaîné à Jérusalem et livré à la justice ». (Act. XXVIII, 17.) Et pour mieux reconnaître ici le langage de l'humilité, écoutez comment il parle quand il veut les reprendre avec force : « C'est avec raison que l'Esprit-Saint a dit de vous : Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez pas ; vous verrez de vos yeux, et vous n'apercevrez pas». (Act. XXV, 26.) Reconnaissez-vous là le courage?

Considérez encore avec quelle fermeté héroïque Jean-Baptiste traite le roi Hérode : « Il ne vous est pas permis d'avoir la femme de votre frère ». (Marc, VI,18.) Voilà la confiance, voilà la force ! Ainsi ne parlait pas un Séméi : « Sors », criait-il à David, « sors, homme de sang». (II Rois, XVI, 7.) Il parlait hardiment sans doute; mais la hardiesse n'est pas le courage; ici, c'était audace, outrage, excès de langue. De même quand Jésabel insultait Jéhu Voilà, s'écriait-elle, l'assassin de son maître ! C'était audace et non pas franchise. Elie aussi, mais par franchise et fermeté, trouvait un vif reproche : « Ce n'est pas moi qui trouble le peuple; c'est vous et la maison de votre père ! » ( III Rois, XVIII, 18.) Le même Elie traitait avec une égale fermeté tout le peuple réuni : « Pourquoi», disait-il, « boiter ainsi des deux jambes et entre deux partis? » Frapper (34) ainsi donnait la preuve d'un franc parler, d'un vrai courage.

Vous faut-il d'autres exemples à la fois d'humilité et de liberté? Entendez cette phrase de Paul: « C'est le moindre souci que celui d'être  jugé par vous ou par tout homme mortel; je ne voudrais pas me juger moi-même, car bien que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas pour cela justifié ». (I Cor. IV, 3.) Voilà les inspirations qui conviennent aux chrétiens. Ajoutez-y celle-ci : « Comment ! un d'entre vous, ayant une affaire litigieuse contre un de ses frères, ose se faire juger auprès des infidèles et non par-devant les saints ! » (Ibid.) — Préférez-vous connaître à quelle basse flatterie se dégradent les juifs insensés? Ecoutez ce qu'ils disent: « Nous n'avons point d'autre roi que César». (Jean, XIX, 15.) — Aimez-vous mieux connaître l'humilité? Ecoutez de nouveau les protestations de saint Paul. « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, nous prêchons Jésus-Christ comme Seigneur, et nous comme vos serviteurs en Jésus-Christ ». (Ibid.) — Voulez-vous voir, à l'égard du même homme, l'audace et la flatterie? David subit l'audacieux langage de Nabal; et bientôt la basse adulation des Ziphéens; celui-là lui jetait des paroles de malédiction; ceux-ci le trahissaient, au moins par leur volonté et leur complot. —  Verrez-vous plus volontiers, non plus l'adulation, mais la sagesse en action? Considérez David épargnant Saül qui était tombé dans ses mains. — Vous plaît-il de retrouver la vile flatterie? Rappelez-vous les misérables qui assassinèrent Isboseth (1), crime affreux pour lequel David les fit mourir. Enfin, pour abréger, définissons l'audace, comme aussi la franchise et la force. La première a lieu quand on s'irrite, quand un reproche violent se formule sans une cause grave et juste; quand on se venge, quand de toute autre injuste manière on s'emporte : la seconde se trouve à braver les périls et l'a mort, à mépriser les amitiés ou les ressentiments quand il s'agit de la volonté de Dieu. L'adulation et le servilisme se reconnaissent à servir certaines personnes bien au-delà de leurs besoins et des convenances, par convoitise de quelque avantage temporel; l'humilité se manifeste par les mêmes services, mais qu'on rend uniquement pour des motifs agréés de Dieu; l'homme humble descendant ainsi de sa dignité, pour accomplir une oeuvre grande, admirable et parfaite.

Heureux, si nous savons, si nous pratiquons ces maximes ! Les savoir, en effet, ce n'est pas assez : « Ce ne sont pas ceux qui entendent la loi », dit saint Paul, « mais bien ceux qui la pratiquent, qui seront justifiés ». (Rom. II, 13.) Bien plus la connaissance du précepte vous condamne, quand les oeuvres manquent, et la pratique du devoir. Abordons la pratique aussi, afin de gagner la récompense, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc.

 

1 Le manuscrit porte Miphiboseph, soit inadvertance de l'orateur, soit faute des copistes. (Note des Bénédictins.)

 

 

Haut du document

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante