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ÉLOGE DE SAINT PAUL.

 

AVERTISSEMENT. — Saint Chrysostome dit au commencement de l'homélie sur les Calendes : Dernièrement, tandis que je faisais l'éloge du bienheureux Paul, vous avez tressailli de joie comme si vous l'aviez vu lui-même présent devant vous. Je voulais revenir aujourd'hui encore sur le même sujet, etc., t. II, p. 449. Quelques-uns ont cru qu'il s'agissait, dans ces paroles, de l'homélie sur la demande des enfants de Zébédée : c'est l'opinion d'Hermant. Tillemont y voit l'homélie sur le choix d'une épouse; mais s'il pouvait être question dans ce passage d'une homélie isolée , on pourrait en nommer une foule d'autres; l'éloge de saint Paul est un sujet que saint Chrysostome ne se lasse jamais de traiter, il y revient partout dans ses oeuvres. Il nous semble donc que ces mots : Je voulais revenir aujourd'hui encore sur le même sujet, ne peuvent se rapporter qu'à une série d'instructions et désignent par conséquent les sept panégyriques de saint Paul. On ne peut douter qu'ils n'aient été prêchés à Antioche, puisque saint Chrysostome parle, dans le quatrième, de Daphné, qui était un faubourg de cette ville, et qu'il témoigne, dans le commencement du sixième, les avoir prêchés assez prés les uns des autres. L'année de ces discours ne peut se fixer avec certitude. Nous en avons une traduction latine qu'on croit être d'Anianus le pélagien, natif de Célède, en Campanie, qui vivait au commencement du Ve siècle. Ce traducteur, en effet, donne au défenseur de la grue de Jésus-Christ, saint Augustin, les noms de manichéen et de traducien, noms que les pélagiens donnaient aux catholiques. On ne trouve dans aucun de ces panégyriques ce que Photius cite d'un discours de saint Chrysostome sur saint Paul.

 

PREMIÈRE HOMÉLIE.

Traduit par M. PORTELETTE

 

ANALYSE. — Saint Paul a réuni dans un degré éminent tout ce qu'il y a de bon et de grand, non-seulement parmi les hommes, mais encore parmi les anges. Il a toutes les vertus d'Abel, de Noé, d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, do Joseph, de Job, de Moïse, de David, d'Elie et de Jean-Baptiste et des anges.

 

1. Une prairie tout émaillée de vertus, un jardin spirituel, on peut le dire sans crainte, telle lut l'âme du bienheureux Paul; à tant de fleurs de la divine grâce, il sut joindre une sagesse digne de cette grâce d'en-haut. Ce fut un vase d'élection, il s'appliqua glorieusement à se purifier, l'abondance de l'Esprit lui versa tous ses dons. Et de cette source il fit jaillir pour nous des fleuves admirables, non pas quatre fleuves seulement, comme dans le paradis, mais d'innombrables courants d'eaux spirituelles qui coulent toujours, qui n'arrosent pas la terre , mais réveillent, dans les âmes humaines, la fécondité de la vertu. Quel discours ne serait pas au-dessous d'une telle perfection? quel langage saurait rendre l'éloge égal à celui qu'il faut célébrer ? Toutes les vertus humaines réunies dans une seule âme, chacune de ces vertus au plus haut degré, non-seulement les vertus humaines, mais celles des anges, quelle parole assez grande pour louer dignement cette grandeur ! Est-ce là une raison pour que nous nous taisions? Non, c'est au contraire une raison, et une raison déterminante pour que nous parlions. Car c'est le plus grand sujet de louanges que la perfection de la vertu (331) défie, surpasse toute louange, toute abondance oratoire, et notre défaite vaut mieux que tous les triomphes possibles de la parole. Par où commencer nos éloges? Par où, sinon par démontrer ce que nous venons d'avancer, savoir, qu'il possède les vertus que l'on voit dans tous les hommes? Car quelque grandeur qu'aient montrée, soit les prophètes, soit les patriarches, soit les justes, soit les apôtres, soit les martyrs, réunissez toutes ces vertus, Paul en sa personne les a reproduites toutes ensemble à un si haut degré de perfection que nul, en ce qu'il a de meilleur, ne peut rivaliser avec lui. Voyez, Abel a offert un sacrifice (Gen. IV, 4) de là, la célébrité de son nom; mais, si vous considérez le sacrifice de Paul, vous verrez qu'il est aussi supérieur à l'autre que le ciel est au-dessus de la terre. De quel sacrifice voulez-vous que je vous parle? car un seul ne lui a pas suffi. Chaque jour il s'offrait lui-même en sacrifice (I Cor. XV, 31), et il s'offrait doublement, mourant chaque jour, et promenant partout ce qui était frappé de mort en lui. (II Cor. IV, 10.) Sans cesse il faisait face aux dangers, il s'immolait volontairement, mortifiant en soi la nature de la chair, vraie victime sacrifiée à Dieu, ou plutôt victime bien préférable aux anciennes. Car il n'immolait ni génisses, ni brebis: c'était lui-même qu'il sacrifiait chaque jour, et doublement. De là, la confiance qui lui. faisait dire : J'ai déjà reçu l'aspersion pour être sacrifié. (II Tim. IV, 6.) Cette aspersion veut dire qu'il a déjà répandu son propre sang.

Sachez bien qu'il ne lui suffit pas de ces sacrifices; mais, après s'être entièrement consacré à Dieu, il lui fit encore une offrande des peuples, des continents, des mers; planant sur les pays grecs, sur les pays barbares; sur tout l'espace que le soleil embrasse, il volait comme un aigle, il volait partout, non en simple voyageur, mais arrachant les épines des péchés, répandant la parole de la piété, dissipant l'erreur, amenant la vérité; des hommes, il faisait des anges, ou plutôt, des démons, il faisait des anges, et ces anges étaient des hommes. Aussi, près de son départ, après tant de sueurs et des trophées sans nombre, pour consoler ses disciples, il disait: Quand même je devrais répandre mon sang sur la victime et le sacrifice de votre foi, je m'en réjouirais, et je m'en conjouirais avec vous tous; et vous devriez aussi vous en réjouir et vous en conjouir avec moi. (Philipp. II, 17, 18.) Quelle victime pourrait donc égaler celle que Paul immola avec le glaive de l’Esprit, qu'il offrit sur l'autel érigé au plus haut des cieux? Abel périt par la perversité, par la rage meurtrière de Caïn (Gen. IV, 8) ; de là, la gloire d'Abel. Mais moi j'ai à vous montrer, des milliers de morts, autant de morts que ce; bienheureux apôtre a passé de jours à publier le Seigneur. Et maintenant si vous voulez considérer la mort non plus seulement spirituelle mais réelle de saint Paul, vous remarquerez que si Abel fut tué par un frère qui n'avait en rien à se plaindre de lui, Paul fut égorgé par ceux qu'il voulait arracher à des maux sans nombre, pour qui il a enduré tout ce qu'il a souffert.

Noé fut un homme juste et parfait au milieu des hommes de son temps (Gen. VI, 9), et il était sans égal parmi eux tous; Paul fut sans égal parmi les hommes de tous les temps. Noé se sauva seul, avec ses enfants; Paul, â son tour, vit le monde englouti sous un nouveau déluge beaucoup plus affreux que l'ancien; il ne fit pas une arche avec des planches; au lieu de planches il agença des épîtres; mais il ne sauva pas deux, ou trois, ou cinq de ses parents, il sauva du péril l'univers entier qui s'abîmait dans les flots. Son arche n'était pas réduite à ne parcourir qu'un seul lieu, elle comprenait la terre jusqu'à ses dernières limités, et alors; et maintenant encore, Paul nous fait tous entrer dans cette arche construite pour sauver les foules, qui transforme des insensés plus dépourvus de raison que les animaux, qui en fait des êtres dignes de rivaliser avec les puissances d'en-haut, victoire de l’arche nouvelle sur celle d'autrefois. Celle-là reçut un corbeau, et laissa sortir un corbeau; elle reçut un loup, et n'en adoucit pas la férocité Paul fit mieux; il reçut des loups, il en fit des brebis; les éperviers, les geais, il les transforma en colombes; tout ce qui était déraison et férocité, il le chassa de la nature humaine, il y substitua la douceur de l'Esprit, et maintenant encore flotte sur les ondes l'arche qui ne se brise pas. C'est que pour fendre de pareilles planches les orages de la perversité n'ont pas de puissance : c'est l'arche qui domine les flots qu'elle sillonne, et l'arche fait taire la tempête; et cela est juste, car ce n'est ni le bitume, ni la poix qui joignent les planches, c'est l'Esprit-Saint.

Voyez Abraham maintenant, tous l'admirent; quand il entendit ces paroles : Sortez de votre (335) pays, de votre parenté (Gen. XII, 4), il quitta patrie, demeure, amis, parents: l'ordre de Dieu fut tout pour lui. Et nous aussi, sachez-le bien, nous admirons cette obéissance. Mars -qui pourrait se comparer à Paul? Ce n'est pas seulement sa patrie, et sa demeure, et ses parents qu'il abandonna, mais le monde lui-même pour Jésus; bien plus, il dédaigna le ciel même, et le ciel du ciel, et il ne recherchait qu'une seule chose, l'amour de Jésus. Entendez-le lui-même qui vous le montre, qui vous le dit: Ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni ce qu’il y a de plus haut., ni ce qu'il y a de plus profond ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu. (Rom. VIII, 38, 39.) Abraham, dira-t-on, se précipitant dans les dangers, arracha son neveu aux ennemis !

Mais Paul ne sauva pas seulement son neveu, ni trois et cinq villes, mais la terre tout entière, et il ne l'arracha pas aux barbares, mais aux démons mêmes, affrontant chaque jour des dangers sans nombre, et, au prix de ses morts particulières, procurant aux autres une sûreté entière. Mais la perfection de la vertu, la couronne de la sagesse est à celui qui a sacrifié son fils ? Eh bien ! ici encore, nous trouverons que le premier rang appartient à Paul, car ce n'est pas son fils, c'est lui-même qu'il a plus, de mille fois sacrifié, comme je viens déjà de le dire. Qu'admire-t-on dans Isaac? Entre beaucoup de vertus, sa patience : il creusait des puits, on le chassait de ses possessions (Gen. XXVI, 15, 18, 20, 22), il ne résistait pas; à mesure qu'on remplissait les puits, il passait dans un autre lieu ; il ne se précipitait pas, avec tous les siens, sur ceux qui le tourmentaient: il se retirait, il abandonnait partout les terres qui étaient à lui, pour satisfaire la cupidité de ses ennemis. Mais Paul ne vit pas seulement des puits, mais son propre corps recouvert de pierres amoncelées; ii ne se retirait pas comme Isaac; il allait à ceux qui le lapidaient, il voulait, à toute force, les enlever au ciel avec lui. Plus cette source de grâce était obstruée, plus vive elle jaillissait, plus elle versait de ces eaux qui donnent la patience. Mais son fils, mais Jacob est admiré pour sa force d'âme dans l'Ecriture ? Eh ! quelle âme de diamant pourrait égaler la patience de Paul? Ce n'est pas un esclavage de quatorze ans, mais égal à la durée dé sa vie entière, qu'il endura pour l'épouse du Christ: il ne fut pas brûlé seulement par la (335) chaleur du jour, par la glace de la nuit, mais il endura mille fois les neiges, les pluies, les grêles de la tribulation, un jour les coups de fouet, un jour les pierres tombant sur tous ses membres, un autre jour encore les bêtes féroces qu'il -fallait combattre, une autre fois les flots; et nuit et jour, la faim, le froid; et partout, au prix de mille combats, il arrachait (II Cor. XI, 23-33) les brebis à la gueule du démon. Mais Joseph fut la pureté même ! J'aurais peur du ridicule, si je célébrais par là celui qui se crucifia lui-même pour le monde (Gal. VI,14), et qui ne regardait pas seulement ce que les corps ont de séduisant, mais toutes les choses humaines du même oeil que nous voyons la poussière et la cendre ; qui était comme un mort insensible en présence d'un mort. Exact, attentif à réprimer tous les bonds de la nature vicieuse, jamais il n'éprouva, en quelque circonstance que ce fût, une seule de ces défaillances auxquelles est si sujette la fragilité humaine.

Job frappe tous les hommes d'admiration? C'est avec raison qu'on admire ce grand athlète, comparable à Paul par la patience, par la pureté de sa vie, par le témoignage qu'il rendit à Dieu, par la bravoure qu'il déploya dans des luttes fameuses, par l'admirable victoire qui couronna ces combats. Mais les combats de Paul ne durèrent pas seulement plusieurs mois, ils durèrent un nombre d'années; il n'essuyait pas avec des tessons l'humeur qui sortait corrompue de ses membres, il ne restait pas étendu sur le fumier, mais il s'attaquait à la gueule du lion spirituel, et mille et mille fois luttant contre les tentations, il était plus solide qu'un roc; ce ne furent pas seulement trois amis, ou quatre, mais tous qui l'insultèrent, infidèles et faux frères, le conspuant , l'outrageant. Mais l'hospitalité de Job était magnifique ainsi que son souci des pauvres? Nous nous garderons bien de le nier, mais nous trouverons tout cela aussi inférieur aux vertus de Paul, que le corps est au-dessous de l'âme. Ce que Job faisait pour les corps infirmes , Paul le pratiquait pour les âmes malades, redressant tous les esprits boiteux, revêtant les pauvres intelligences nues de la robe de la sagesse. Et, à ne considérer que les bienfaits mêmes qui s'adressent aux corps,. Paul avait toute la supériorité qui élève l'affamé et le pauvre secourant l'indigence , au-dessus du riche qui donne de son superflu; la demeure (336) de Job était ouverte à tout venant, l'âme de Paul s'épanouissait pour la terre entière, et il faisait accueil à la foule des peuples. De là ses paroles : Mes entrailles ne sont pas resserrées pour vous, mais les vôtres le sont pour moi. (II Cor. VI, 12.) Job avait des troupeaux innombrables de boeufs et de brebis, et il était libéral envers les pauvres ; Paul ne possédant rien que son corps, y trouvait de quoi subvenir aux besoins des indigents; de là ses paroles : Ces mains ont fourni, à moi, et à ceux qui étaient avec moi, tout ce qui nous était nécessaire. (Act. XX, 34.) Le travail de ses mains était un revenu qu'il attribuait aux pauvres et aux malheureux qui avaient faim. Mais les vers et les blessures causaient à Job de cruelles , d'insupportables douleurs ? J'en conviens ; mais si vous y comparez les coups de fouet que Paul reçut pendant tant d'années, et la faim continuelle, et la nudité, et les fers, et la prison, et les dangers, et les complots formés contre lui par ses proches, par les étrangers, par les tyrans, par la terre entière, ajoutez-y des souffrances plus amères encore, j'entends les douleurs éprouvées pour ceux qui tombent, l'inquiétude pour toutes les Eglises, le feu qui le brûlait toutes les fois qu'il y avait un scandale, vous verrez que l'âme qui endurait tout cela était plus solide qu'un rocher, avait une force à triompher du fer et du diamant. Ce que Job souffrit dans son corps, l'âme de Paul eut à le supporter, et tous les vers de Job le torturaient moins cruellement que la vue des scandales ne faisait l'âme du bienheureux apôtre. De là, les sources de larmes qui jaillissaient continuellement de ses yeux, non-seulement pendant les heures du jour, mais de la nuit, et il n'est pas de femme, en proie aux douleurs de l'enfantement, qui soit plus douloureusement déchirée qu'il ne l'était. Aussi disait-il : Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l'enfantement. (Gal. IV, 19.) Quel est encore, après Job, celui qu'on admirera? Moïse, assurément. Mais celui-là aussi voit Paul bien au-dessus de lui. Entre tant de grandes vertus, ce qu'il y a, dans cette âme si sainte de Moïse, qui l'élève surtout, sa couronne, c'est d'avoir voulu être effacé du livre de Dieu pour le salut des Juifs. (Exod. XXXII, 32.) Mais Moïse voulut périr avec les autres? Paul pour les autres; non pas avec les autres, mais, les autres étant sauvés, Paul consentit à déchoir de la gloire éternelle; Moïse lutta contre Pharaon ? mais Paul combattait chaque jour contre le démon ; l'un supportait toutes ses fatigues dans l'intérêt d'un seul peuple; l'autre, dans l'intérêt de la terre entière, endurait les plus durs labeurs, se couvrait, non-seulement de sueur. mais, au lieu de sueur, du sang qui ruisselait de tout son corps; il ne parcourait pas seulement les pays habités, mais les lieux sans habitants; non-seulement la Grèce, ruais les contrées des Barbares.

Je pourrais faire paraître devant vous et Josué, et Samuel, et les autres prophètes; mais, pour ne pas trop étendre ce discours, n’abordons que les principaux; car si Paul se montre évidemment au-dessus d'eux, il n'y a plus aucun moyen de douter de sa supériorité sur les autres. Quels sont les principaux d'entre les prophètes ?

Après ceux dont nous avons parlé, quels sont-ils, si ce n'est David, Elie, Jean, l'un précurseur du premier avènement, l'autre, du second avènement du Seigneur et pour cela nommés Elie l'un et l'autre ? Qu'est-ce qui distingue David ? Son humilité et son amour de Dieu. Mais à ce double titre, qui est supérieur à Paul, qui ne reste pas au-dessous de lui? Qu'est-ce qu'Elie a d'admirable? D'avoir fermé le ciel, amené la famine, fait descendre le feu? Je ne le pense pas: admirons en lui son amour pour le Seigneur, amour plus brûlant que le feu. Mais, si vous considérez le zèle de Paul, vous le trouverez aussi supérieur qu'Elie est au-dessus des autres prophètes. Car que pour. rait-on comparer à ces paroles qu'inspirait à Paul son zèle pour la gloire du Seigneur : J'eusse désiré être anathème pour mes frères qui sont d'un même sang que moi selon la chair ? (Rom. IX, 3.) Aussi, les cieux lui étant proposés pour but de ses efforts, et les couronnes, et tous les prix du combat, il contint son désir, il patienta : Il est plus utile pour votre bien que je demeure uni à cette chair (Philipp. I, 24); aussi, ni la créature visible, ni la créature que l'intelligence conçoit ne lui paraissant suffire pour exprimer toute la forcerie son amour et de son zèle, il imaginait une autre manière d'être, il allait jusqu'à supposer l'impossible, pour exprimer ainsi ce qu'il voulait, ce qu'il désirait. Mais Jean se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage? (Matth. III, 4.) Mais Paul, au milieu des habitations des hommes, vécut comme Jean dans le désert; il ne mangeait ni sauterelles ni miel sauvage; sa (337) nourriture était bien plus grossière; il ne prenait  même pas la nourriture nécessaire à la vie , emporté qu'il était parle zèle de la prédication. Mais Jean fit paraître contre Hérode une grande liberté de discours? (Matth. XIV, 4.) Mais Paul ne s'attaqua pas à un, à deux, à trois tyrans, mais à des milliers de tyrans comme Hérode, qu'il réduisit au silence, disons mieux, à des tyrans bien plus cruels encore. Il ne nous reste plus qu'à faire la comparaison de Paul avec les anges; laissons donc, sous nos pieds, la terre; montons sur les hauteurs des cieux, et que personne n'accuse l'audace de notre discours. Car si l'Écriture a donné à Jean le nom d'ange, comme aux prêtres, qu'y a-t-il d'étonnant que celui qui les surpasse tous soit comparé par nous aux puissances d'en-haut? Eh bien, en quoi consiste la grandeur des anges ? C'est qu'ils appliquent tous leurs soins à obéir à Dieu. Ce que David exprime ainsi, dans son admiration : Puissances remplies de force, exécutant ce qu'il dit. (Psaum. CII, 20.) Voilà la grandeur incomparable, fussent-ils dix mille fois incorporels; le plus haut degré de leur béatitude, le voici : c'est leur obéissance, c'est que jamais cette obéissance n'est en défaut. Eh bien ! Paul aussi l'a conservée, cette obéissance parfaite; car il n'a pas seulement accompli la parole de Dieu, mais ses commandements, plus que ses commandements, ce qu'il a montré par ces paroles : En quoi trouverai-je donc un sujet dé récompense ? En prêchant l'Évangile. de telle sorte que je prêche gratuitement. (I Cor. IX, 18.) Quelle est encore la grandeur que le prophète admire dans les anges ? Celui qui rend ses anges comme des souffles, qui fait, de ses ministres, un feu brûlant. (Psaum. CIII, 4.) Paul en est la preuve manifeste ; comme un souffle, comme un feu, il parcourut le monde entier, il le purifia. Mais il n'a pas encore obtenu le ciel ? Eh ! voilà ce qu'il y a précisément de tout à fait admirable. Encore sur la terre, un tel homme, dans un corps mortel, rivalisait de vertu avec les puissances incorporelles. Quelle condamnation ne mériterions-nous donc pas si, à la vue d'un homme qui a réuni en lui seul toutes les vertus, nous ne nous efforcions pas d'imiter la moindre de celles qu'il pratiqua ? Pensons-y, travaillons à nous soustraire à une telle accusation, efforçons-nous d'arriver à ce beau zèle, afin de pouvoir obtenir les mêmes biens, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire avec la puissance, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !

 

Traduit par M. PORTELETTE

 

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