HOMÉLIE VII

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SEPTIÈME HOMÉLIE. Et Dieu dit : « Que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans l'eau, et, des oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du ciel, et il fut fait ainsi. » Dieu créa donc les grands poissons, et tous les animaux qui ont la vie et le mouvement, que les eaux produisirent, chacune selon leur espèce (Gen. I, 20, 21.)

 

 

ANA LYSE.

 

1. L'orateur regrette la véhémence de ses précédents reproches, et annonce qu'il tiendra aujourd'hui un langage plus doux. — 2. Il exhorte de nouveau ses auditeurs à ne plus fréquenter le cirque, et à cause du tort qu'ils se font à eux-mêmes, et surtout du scandale qu'ils donnent aux Juifs et aux païens. — Il prend de là occasion de parler du scandale et de montrer quelle est la grièveté de ce péché. — 3. Il passe ensuite à l'explication du verset vingtième et vingt-unième de la Genèse, et décrit la puissance et l'efficacité de la parole divine dans la création des poissons et des oiseaux. — 4. Il fait aussi observer que l’Esprit-Saint a eu pour but, dans le récit si détaillé de toute la création, d'empêcher les hommes de tomber dans l’idolâtrie. — 5. La bénédiction que Dieu donne aux poissons et aux oiseaux, amène l'orateur à glorifier la bonté et la puissance du Seigneur. — L'oeuvre du cinquième jour étant ainsi terminée, il explique la création des animaux terrestres, et prouve quelles en sont, à notre égard, la convenance et l'utilité. — 6 et 7. Au moment d'aborder la création de l'homme, il s'interrompt pour ne pas trop allonger son discours et termine par quelques réflexions morales sur la folie de l'idolâtrie, à laquelle il oppose l'heureuse influence d'une vie pieuse et chrétienne.

 

1. J'adressai hier de vifs reproches à ceux qui avaient assisté aux courses de l'hippodrome, et je leur ai exposé la grandeur du dommage qu'ils avaient éprouvé. Et en effet

, ils ont dissipé le trésor spirituel qu'ils avaient amassé par le jeûne, en sorte que de riches ils sont tombés soudain dans une extrême indigence. Mais je veux aujourd'hui employer un remède plus doux, et panser les plaies de leur âme, comme je panserais mes propres blessures. Hier, je l'avoue, j'appliquai un remède violent, non certes pour vous contrister et augmenter votre douleur, mais afin de pénétrer jusqu'au vif de- l'ulcère par la violence du remède. C'est ainsi qu'agissent les médecins et les pères. Les premiers font usage d'un onguent énergique pour forcer la tumeur à s'ouvrir, et ils la traitent ensuite par des pommades adoucissantes. Et les seconds également, lorsqu'ils voient leurs enfants tomber en des fautes graves, les corrigent d'abord sévèrement, et puis leur adressent de tendres reproches et de douces exhortations. Et moi aussi, parce que hier je vous parlai avec force et véhémence, je ne vous tiendrai aujourd'hui qu'un langage plein de douceur, car je vous considère comme une partie de moi-même. Je me sens donc porté à vous parler avec d'autant plus de franchise que j'ai un plus grand désir de votre salut. Eh ! quel est mon trésor spirituel, si ce n'est votre avancement dans la piété? C'est pourquoi je suis heureux, lorsque je vous vois riches en vertus, et attentifs à éviter tout ce qui pourrait nuire à vos âmes. Mais aussi quand je vois que vous succombez au péché, et que vous vous laissez séduire par les illusions du démon, je m'afflige profondément, et la confusion couvre mon visage, car je m'applique ce mot de l'Apôtre : Nous vivons maintenant, si vous demeurez fermes dans le Seigneur. (I Thes. III. 8.)

Agissez donc en hommes parfaits et remplis (36) de l'Esprit de sagesse, oubliez ce qui est derrière vous, et efforcez-vous d'avancer vers ce qui est devant vous. Et puisque vous renouvelez aujourd'hui vos premiers engagements avec Jésus-Christ, conservez-les fermes et inviolables. Que la prudence chrétienne ferme désormais l'entrée de vos coeurs à toutes les séductions du démon; et n'oubliez rien pour réparer vos négligences passées, et effacer de votre âme la tache du péché. Ainsi corrigez-vous de la mauvaise et funeste coutume d'assister aux courses de l'hippodrome; et soyez bien persuadés que ceux qui y courent avec tant d'empressement, se nuisent beaucoup, et par leur coupable curiosité, et par le scandale qu'ils donnent aux juifs et aux païens. Et en effet lorsque ceux-ci voient pêle-mêle avec eux dans le cirque des chrétiens qui viennent chaque jour à l'église, et qui y reçoivent la doctrine sainte, que peuvent-ils penser de nos mystères? ne les prendront-ils pas pour des illusions, et nous-mêmes pour des imposteurs? N'entendez-vous pas le bienheureux Paul qui nous crie à haute voix : Ne donnez point occasion de scandale. Mais à qui? aux chrétiens seulement, et à ceux de notre croyance ? non certes ; mais d'abord aux juifs, puis aux païens, et enfin à l'Eglise de Dieu. (I Cor. X, 32.) Car rien n'est plus nuisible et plus funeste à notre religion que de scandaliser les infidèles. Et en effet lorsqu'ils voient des chrétiens se signaler par leurs vertus, et prendre comme en pitié du haut des cieux la vie humaine; ses intérêts et ses préoccupations, les uns s'extasient d'admiration, et les autres sont muets d'étonnement, parce que, hommes comme nous, ils ne peuvent s'élever à cet héroïsme. Mais aussi dès qu'ils surprennent dans les fidèles quelque relâchement, ou quelque négligence, ils aiguisent soudain leur langue contre nous tous, et jugent de tous les chrétiens d'après la faute d'un seul. Que dis-je? ils font rejaillir leurs blasphèmes sur notre divin Chef lui-même, dont ils critiquent la religion, et ils nous opposent la lâcheté de quelques mauvais chrétiens comme une légitime excuse de leurs erreurs.

2. Mais voulez-vous connaître combien sont coupables toux qui donnent occasion à ce scandale? écoutez le prophète Isaïe qui nous dit, au nom du Seigneur : Malheur à vous, parce que mon nom est blasphémé à cause de vous parmi les gentils! (Is. LII, 5.) Cette parole est terrible, et bien propre à nous remplir d'effroi. Car ce mot : malheur, est comme une exclamation de douleur à la vue du supplice inévitable auquel s'exposent ceux par qui arrive le scandale. Mais s'ils ne peuvent éviter une condamnation sévère, et d'affreux châtiments, parce que leur négligence a fait blasphémer le nom du Seigneur, disons aussi que le zèle de la  vertu et du bon exemple devient un titre aux plus belles récompenses. C'est ce que Jésus-Christ lui-même nous enseigne, quand il nous dit: Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. (Matth. V, 16). Car si les païens se scandalisent de la conduite de quelques chrétiens, et en prennent occasion d'aiguiser leurs langues contre Dieu, par un effet contraire, dit le Sauveur, les hommes qui admireront en vous la pratique de toutes les vertus, ne pourront d'abord que vous louer; et puis en voyant l'éclat de vos bonnes oeuvres, et la splendeur qui en rejaillit sur vous, ils se sentiront portés à glorifier votre Père qui est dans les cieux; et cette gloire que nous aurons ainsi procurée au Seigneur augmentera nos mérites, et lui-même nous en récompensera par les plus riches faveurs. Il nous l'assure en ces termes : Je glorifierai ceux qui me glorifieront. (I Rois, II, 30.)

N'épargnons donc rien, mes chers frères, pour faire glorifier le Seigneur, notre Dieu, et ne donner à personne occasion de scandale. Le docteur des nations, le bienheureux Paul, nous le recommande sans cesse, et il nous dit Si ce que je mange scandalise mon frère, je ne mangerai jamais aucune viande; et même il avait dit précédemment que : péchant de la sorte contre nos frères, et blessant leur conscience faible, nous péchons contre Jésus-Christ. ( I Cor. VIII, 12, 13.) Ces menaces sont terribles, et entraînent une sévère condamnation. C'est comme si l'Apôtre nous disait : Gardez-vous bien de croire que le scandale n'atteigne que votre frère, il rejaillit jusque sur le Christ qui a été crucifié pour votre frère. Mais si votre Maître n'a point dédaigné de souffrir à cause de lui la mort de la croix, pouvez-vous prendre trop de précautions pour ne point le scandaliser?

Tels sont les conseils qu'il donne en toute circonstance à ses disciples, et qu'il leur recommande comme un excellent moyen de conserver (37) en eux la vie de la charité. C'est pourquoi il écrit aux Philippiens : Que chacun ait en vue non ses propres intérêts, mais ceux des autres; et parlant aux Corinthiens, il dit : Tout m'est permis, mais tout n'édifie pas. (Philip. II, 4... I Cor. X, 23.) Admirez la sagesse de l'Apôtre ! Quoiqu'il me soit libre, dit-il, de faire certains actes qui ne sauraient m'être préjudiciables, je m'en abstiendrai, si mon frère doit en être .mal édifié. Voyez donc combien le coeur de Paul nous aime, et comme il oublie ses propres intérêts afin de nous prouver de mille manières que la première de toutes les vertus. est de nous appliquer à édifier le prochain. Instruits à l'école d'un: tel maître, observons ses préceptes, je vous en conjure, et évitons tout ce qui pourrait être pour nos frères une occasion de perdre leurs richesses spirituelles. Oui, ne faisons jamais rien qui cause à nos frères le moindre dommage. Car le mauvais exemple rend notre péché plus grave, et nous expose à de plus rigoureux supplices. Ne méprisons personne, serait-ce le dernier de. nos frères; et ne disons jamais cette, froide parole : Peu m'importe qu'un tel se scandalise. Comment ! peu m'importe, dites-vous? Mais Jésus-Christ ne veut-il pas que nos bonnes oeuvres luisent au dehors afin que ceux qui les voient en soient édifiés et qu'ils glorifient le Seigneur? Et vous,tout au contraire, bien loin de procurer la gloire de Dieu, vous êtes cause qu'on la blasphème, et vous n'en avez aucun souci ! Cette conduite est-elle digne d'un chrétien pieux et instruit de sa religion ?

3. Au reste que ceux qui jusqu'ici se sont abandonnés à cette pernicieuse coutume, se corrigent aujourd'hui sur nos pressantes invitations, et s'abstiennent désormais de toute parole peu édifiante. Que chacun s'étudie donc à ne rien faire dont l'oeil du Seigneur, oeil toujours ouvert et toujours vigilant, soit blessé, ou que sa propre conscience lui puisse reprocher comme une occasion de scandale et de blasphème pour tous ceux qui en seraient témoins. Si nous agissons en toutes choses avec ces précautions, nous attirerons sur nous les miséricordes du Seigneur, et nous éviterons, les embûches du démon. Car en nous voyant ainsi attentifs et vigilants, il perdra toute espérance de nous vaincre, et se retirera honteusement. Mais cet exorde est assez long, et il est temps de servir à votre charité comme un festin spirituel en vous expliquant,le passage de la Genèse qui vient d'être lu. Voyons donc ce que Moïse veut aujourd'hui nous apprendre, ou plutôt l'Esprit-Saint qui nous parle par sa bouche.

Et Dieu dit : que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans l'eau, et des oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du ciel; et il fut fait ainsi. Admirez ici avec quelle bonté le Seigneur nous fait connaître l'ordre et la suite des oeuvres de la création. D'abord il nous a révélé comment, à son ordre, la terre avait épanché de son sein ses diverses productions; puis il .nous a raconté la formation de ces deux grands corps lumineux, auxquels il joignit la variété des étoiles qui ornent le ciel de leur brillant éclat; et aujourd'hui, passant à l'élément des eaux, il nous apprend qu'à sa parole et son commandement elles produisent elles-mêmes des animaux, vivants : Que les eaux, dit-il, produisent des animaux vivants qui nagent dans l'eau, et des oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du ciel. Mais quelle parole, je vous le demande, pourrait raconter dignement ce prodige ! et quelle langue suffirait à louer cette oeuvre d'un Dieu créateur ! il avait dit seulement : que la terre produise des plantes, et soudain la terre s'était couverte des plus riches productions; et aujourd'hui il dit: que les eaux produisent. Ces deux commandements furent suivis des mêmes effets; là il avait dit : que la terre produise des plantes; et ici il dit : que les eaux produisent des animaux vivants. Mais de même qu'à son premier ordre : que la terre produise, la terre avait enfanté les plantes et les fleurs, les moissons et toutes les autres productions si variées et si nombreuses; ainsi à ce second ordre : que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans l'eau, et des oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du ciel, on vit apparaître les poissons et les oiseaux en si grand nombre qu'on ne saurait les compter. Mais autant la parole du Seigneur est brève et concise, autant les espèces des poissons et des oiseaux sont nombreuses et variées. Et ne vous en étonnez pas, mon cher frère, puisque c'était la parole de Dieu, et que cette parole est toujours efficace et créatrice.

Vous voyez maintenant comment toutes les créatures ont été tirées du néant; vous voyez aussi avec quelle bonté Dieu nous révèle la suite de ses oeuvres, et avec quelle condescendance il se proportionne à notre faiblesse. (38) Et en effet, eussions-nous pu jamais connaître tous ces détails de 1a création, si le Seigneur n'eût daigné les révéler aux hommes par la bouche de son prophète. Nous savons donc aujourd'hui quel ordre Dieu a observé dans la création, nous voyons les effets de sa puissance, et nous admirons cette parole créatrice qui commande au néant, et qui donne l'être à tant de créatures différentes.

4. Et cependant il se rencontre quelques insensés qui, après ces belles instructions, osent encore se dire incrédules, et qui ne veulent pas reconnaître que Dieu a créé le monde ! ils disent, les uns que le hasard a tout fait, et les autres qu'une matière préexistante a tout produit. Mais voyez combien cette illusion du démon est dangereuse, et comment il abuse de la simplicité de ceux qui se laissent séduire! c'est pour nous préserver d'un semblable malheur que le saint prophète, inspiré par l'Esprit-Saint, nous raconte avec tant d'exactitude tout l'ensemble de la création, en sorte que nous en connaissons manifestement l'ordre et la suite, et que nous savons comment chaque créature a été produite. Mais ai Dieu n'eût pas eu un soin aussi spécial de notre salut, et s'il n'eût dirigé lui-même la langue de son prophète, celui-ci se fût contenté de dire : Dieu créa le ciel et la terre, la mer et les animaux ; et il n'eût pas jugé nécessaire de distinguer les jours de la création, ni de marquer séparément les oeuvres de chacun d'eux. Mais pour ôter toute excuse aux hommes ingrats et aveuglés par leurs préjugés, Moïse distingue clairement l'ordre des faits et le nombre des jours; et il nous instruit avec tant de soin qu'il nous est comme impossible de méconnaître la vérité, et de tomber dans l'erreur des païens. Ceux-ci ne débitent que les rêves de leur imagination, tandis que nous savons combien le Seigneur, notre Dieu, est grand et puissant.

Il avait dit : Que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans l'eau, et des oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du ciel; et soudain l'élément, docile à la parole du Créateur, accomplit son commandement. Aussi Moïse ajoute-t-il : Et il fut fait selon que Dieu l'avait ordonné. Et Dieu créa les grands poissons, et tous les animaux qui ont la vie et le mouvement, que les eaux produisirent chacun selon son espèce; et il créa aussi des oiseaux, chacun selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon; et il les bénit en disant : croissez et multipliez, remplissez la mer, et que les oiseaux se multiplient sur la terre. (Gen. I, 21, 22.) Considérez, je vous prie, quelle est la sagesse de l'Esprit-Saint. Déjà Moïse avait dit : et il fut fait ainsi; et voilà qu'il lui inspire de nous révéler tous les détails de cette oeuvre. Et Dieu créa les grands poissons, et tous les animaux qui ont la vie et le mouvement, que les eaux produisent chacun selon son espèce; et il créa aussi des oiseaux, chacun selon son espèce ; et Dieu vit que cela était bon. Ces paroles répriment de nouveau une téméraire critique. Et en effet, afin que nul ne puisse dire: pourquoi les monstres marins ? quelle est leur utilité , et quels avantages l'homme peut-il retirer de leur création ? Moïse nous apprend d'abord que Dieu créa, avec les grands poissons, tous les animaux qui ont la vie et le mouvement, ainsi que les oiseaux; et puis il ajoute : que Dieu vit que cela était bon.

C'est comme s'il nous disait : parce que vous ignorez la raison des oeuvres divines, ne vous hâtez point de blâmer le Créateur. Vous avez entendu la parole du Seigneur, parole qui proclame qu'elles sont bonnes; et, pleins d'une folle témérité, vous osez demander pourquoi elles existent, comme si elles n'étaient dans la création qu'une superfluité ? Et toutefois si vous étiez doués d'un sens droit, elles vous feraient connaître la puissance et l'ineffable bonté du Seigneur. Sa puissance paraît en ce qu'il lui a suffi d'une parole et d'un commandement. pour produire ces monstres marins, et sa bonté en ce qu'après les avoir créés, il les a relégués dans le vaste abîme de l'Océan, en sorte qu'ils ne peuvent nuire à l'homme. Ainsi ces géants des mers nous font admirer la puissance suréminente du Créateur, et ils sont inoffensifs. Cette double utilité n'est-elle donc pas une grande preuve de la bonté divine, puisque la vue de ces monstres conduit tout esprit sage à la connaissance du Seigneur, et que lui-même, par un prodige de bienveillance, les empêché de nous faire aucun mal? Car toutes les créatures n'ont pas été produites pour la seule utilité de l'homme; et quelques-unes sont destinées à publier la magnificence du Créateur. Oui, les unes ont été faites pour notre usage, et les autres pour manifester la grandeur de Dieu, et proclamer sa puissance. Aussi lorsque vous entendez l'écrivain sacré vous dire que Dieu vit que tout cela était bon, (39) n'ayez pas la témérité de contredire l'Ecriture, ni d'émettre curieusement cette imprudente parole : pourquoi Dieu a-t-il fait telles ou telles créatures? Et Dieu les bénit, en disant: Croissez et multipliez, remplissez la mer; et que les oiseaux se multiplient sur la terre.

5. L'effet de cette bénédiction a été l'accroissement prodigieux des poissons et des oiseaux. Et parce que Dieu voulait qu'ils se perpétuassent en leurs générations, il les bénit, en disant : croissez et multipliez. C'est ainsi qu'ils se sont conservés jusqu'aujourd'hui, et qu'à travers tant de siècles nulle espèce n'a péri. Car par la bénédiction de Dieu, et par cette parole : Croissez et multipliez, il leur a été donné de se multiplier et de subsister toujours. Et du soir et du matin se fit le cinquième jour. L'Ecriture nous apprend ainsi quelles espèces parmi les animaux furent créées le cinquième jour. Mais attendez un peu, et vous verrez de nouveau éclater la bonté du Seigneur. Car il n'a pas seulement rendu les eaux fécondes pour produire les poissons et les oiseaux, mais il a commandé aussi à la terre d'enfanter les animaux terrestres. C'est pourquoi la suite du' récit nous engage à aborder foeuvre du sixième jour.

Et Dieu dit : Que la terre produise des animaux vivants, chacun selon son espèce : les animaux domestiques, les reptiles et les bêtes sauvages de la terre, selon leurs différentes espèces. Et cela se fit ainsi. (Gen. I, 24.) Considérez donc quel nouveau service nous rend la terre, et comment elle obéit à ce second ordre du Seigneur. D'abord elle avait produit les germes de toutes plantes, et maintenant elle enfante les animaux vivants, les quadrupèdes et les reptiles, les animaux domestiques et les bêtes sauvages. Mais ici se confirme ce que je vous avais déjà déclaré, à savoir, que dans les oeuvres de la création, le Seigneur s'est proposé tantôt notre utilité et tantôt sa propre gloire : il a voulu que la vue de tant de créatures nous fît admirer la puissance du Créateur, et nous révélât que sa bonté et sa sagesse infinies les ont faites pour l'homme, qu'il devait bientôt créer.

Dieu fit donc les bêtes de la terre selon leurs espèces; les animaux domestiques et tous ceux qui rampent sur la terre, chacun selon. son espèce. Et il vit que cela était bon. (Gen. I, 25.) Où sont aujourd'hui ceux qui osent demander pourquoi Dieu a créé les bêtes sauvages et les reptiles dangereux? Qu'ils écoutent cette parole de l'Ecriture : Et Dieu vit que cela était bon. Quoi ! le Créateur lui-même loue son oeuvre, et vous oseriez la blâmer ! Mais n'est-ce pas une extrême folie? Tous les arbres que la terre nourrit ne produisent point des fruits, et nous comptons parmi eux des espèces sauvages et stériles; toutes les plantes elles-mêmes ne sont point utiles: il en est qui nous sont inconnues, et d'autres qui sont malfaisantes. Et cependant, qui oserait les condamner? car elles n'ont point été créées au hasard et sans intention. Oui, elles n'auraient point été louées par le Créateur lui-même, si elles eussent dû être entièrement inutiles. Outre les arbres fruitiers, nous en possédons un grand nombre qui, quoique stériles, nous sont aussi utiles que les premiers, parce qu'ils servent aux différents usages de la vie et aux besoins de l'homme. Et, en effet, nous les employons ou dans la construction des bâtiments, ou dans la confection de meubles nécessaires et commodes. Ainsi, nulle créature n'a été faite sans raison, quoique l'esprit de l'homme ne puisse en découvrir toute l'utilité. Mais ce que je dis des arbres s'applique également aux animaux, dont les uns servent à notre nourriture, et les autres à nos travaux. Il n'est pas jusqu'aux bêtes féroces et aux reptiles qui ne nous soient utiles; et, quoique depuis la désobéissance de nos premiers parents nous ayons perdu sur eux l'empire et l'autorité, quiconque y réfléchira sérieusement se convaincra que nous en retirons encore de précieux avantages. Et, en effet, les médecins en tirent plusieurs remèdes pour la guérison de nos maladies. Au reste, en quoi la création des animaux féroces pouvait-elle être blâmable, puisqu'ils devaient, comme les animaux domestiques, être soumis à l'homme, que Dieu allait créer? Et c'est ce sujet que j'aborde.

6. Mais d'abord, considérons dans son ensemble la bonté du Seigneur à l'égard de l'homme. Il étendit les cieux, créa la terre, et plaça le firmament pour diviser les eaux supérieures d'avec les eaux inférieures; il réunit ensuite les eaux dans un bassin qu'il appela mer; il nomma terre l'élément aride, et l'orna d'arbres et de plantes; il passa ensuite à la formation de ces deux grands corps de lumière et de cette multitude d'étoiles qui embellissent le ciel; enfin, il acheva l'oeuvre du cinquième jour en ordonnant aux eaux de produire les (40) poissons qui nagent dans leur sein, et les oiseaux qui volent sur la terre, au-dessous du firmament. Mais, parce qu'il convenait que la terre elle-même fût peuplée, il créa les divers animaux, tant ceux qui servent à notre nourriture que ceux qui nous aident dans nos travaux, et même les reptiles et les bêtes féroces. C'est ainsi que Dieu, après avoir produit toutes les créatures, chacune en son rang et sa perfection, dressa l'univers comme une grande table chargée de toutes sortes de mets et resplendissant d'un luxe princier et d'une magnificence vraiment royale. C'est alors aussi qu'il créa l'homme, qui devait jouir de toutes ces richesses. Il lui donna autorité sur toute la création visible; et, pour montrer combien il surpassait en dignité toutes les autres créatures, il les soumit à son empire et à sa puissance.

Mais, pour ne point prolonger ce discours outre mesure, je remets à demain tout ce qui concerne l'admirable formation de l'homme, cet être doué de vie et de raison, et je términe, comme d'habitude, par une instruction morale. Retenez donc. fidèlement mes paroles, afin que la vue des créatures vous, excite à glorifier le Créateur. Sans doute, nous ne pouvons ni pénétrer les secrets divins, ni comprendre toutes les merveilles de la création; mais cette impuissance même, loin de nous être une occasion d'incrédulité, doit nous animer davantage à célébrer la gloire du Seigneur. La faiblesse de notre raison et la petitesse de notre esprit ne peuvent qu'accroître en nous l'idée de la grandeur divine, et la puissance du Créateur nous paraît d'autant plus souveraine que ses oeuvres nous sont incompréhensibles.

Cet aveu est à la fois le témoignage d'un coeur reconnaissant et d'un esprit sage. Mais les gentils se sont égarés parce qu'ils ont tout permis à leurs pensées; ils n'ont point assez connu la faiblesse de notre raison, et, voulant pénétrer dés mystères impénétrables à l'homme, ils ont franchi les bornes du possible et se sont dégradés eux-mêmes. C'est ainsi que, doués de raison, et par cette admirable prérogative élevés au-dessus de toutes créatures visibles, ils sont tombés dans une telle absurdité, qu'ils ont adoré le chien, le singe, le crocodile et d'autres animaux plus méprisables encore. Eh! que parlé-je de brutes et d’animaux ! Qui ne sait que des peuples ont été assez stupides et insensés pour adorer des oignons et des légumes? Ce sont ces peuples que désignait le Prophète, quand il disait: L'homme a été comparé aux bêtes qui n'ont aucune raison, et il leur est devenu semblable. (Ps. XLVIII, 21.) Comment l'homme, doué de raison et orné de sagesse, est-il devenu semblable à la brute? et même, comment est-il descendu au-dessous d'elle? L'animal ne peut être responsable de cette monstrueuse idolâtrie, puisqu'il est un être irraisonnable; mais l'homme qui tombe dans cet excès d'impiété sera rigoureusement puni, parce qu'après tant de bienfaits, il ne sait être qu'ingrat. Les païens ont donc appelé dieux la pierre et le bois, et ils ont érigé en divinités les plus grossiers éléments; car, du jour où ils s'éloignèrent du sentier de la vérité, ils se précipitèrent dans un profond abîme de malice et d'impiété.

7. Cependant il ne faut pas désespérer de leur salut, et nous devons les instruire en toute charité et en toute patience. Montrons-leur et l'absurdité de l'idolâtrie, et les malheurs auxquels ils s'exposent; mais surtout, ne cessons jamais de travailler à leur conversion. Il est probable, en effet, qu'avec le temps nous les amènerons à la vérité, principalement si notre conduite ne leur est pas une occasion ou un prétexte de s'en éloigner. Car plusieurs, parmi les païens, en voyant que nous, qui nous appelons chrétiens, sommes comme eux, avides, avares et envieux, vindicatifs, traîtres, dissolus et voluptueux, plusieurs, dis-je, repoussent nos avis, se persuadent que notre religion n'est qu'une tromperie, et pensent que tous les chrétiens sont coupables des mêmes vices.

Considérez donc sérieusement, je vous en conjure, de quels supplices. se rendent dignes ceux qui attisent ainsi pour eux-mêmes les feux éternels de l'enfer, et qui sont cause qu'un grand nombre de païens persévèrent dans leurs erreurs. Ces derniers ferment l'oreille à la voix de la vérité; mais les premiers leur donnent occasion de calomnier la vertu, et, ce qui est un péché énorme, de blasphémer le saint nom de Dieu. Comprenez donc les suites funestes du scandale : certes, ceux qui le répandent, ne s'exposent pas à de vulgaires châtiments; mais ils se préparent les plus affreux supplices, puisqu'ils seront punis, et pour leurs propres péchés, et pour ceux qu'ils auront fait commettre, soit en retenant parleurs scandales les païens dans l'idolâtrie, soit en les (41) autorisant à soupçonner la vertu des gens de bien, et à continuer leurs blasphèmes contre le Seigneur.

Pénétrés de ces vérités, ne négligeons point notre salut, mais appliquons-nous à vivre selon les maximes de l’Evangile, car nous ne pouvons ignorer qu'elles seront pour nous un sujet de condamnation, ou un titre aux plus magnifiques récompenses. Conduisons-nous donc avec tant de prudence que notre conscience ne nous fasse aucun reproche, que nos bons exemples ramènent à la vérité, par de douces insinuations, ceux qui sont dans l'erreur, et que tous nos frères jouissent de toute l'estime que méritent leurs vertus. Mais surtout ayons soin que le Seigneur soit glorifié, afin que lui-même redouble à notre égard ses soins paternels. Et en effet, lorsque notre conduite édifiante encourage le prochain à la vertu et l'anime à louer Dieu, nous obtenons des grâces plus abondantes. Eh ! n'est-il pas véritablement heureux celui qu'on ne peut voir sans admiration et sans s'écrier : gloire vous en soit rendue, Seigneur? Quels hommes que ces chrétiens ! quelle sagesse reluit en eux, et quel détachement des biens de la terre ! ils les regardent comme une ombre et un songe; et, indifférents à tout ce qui passe, ils vivent comme voyageurs sur une terre étrangère, et souhaitent impatiemment de quitter la vie. Mais quelles faveurs divines, même ici-bas, n'attirent pas ces discours sur ceux qui y donnent occasion ! Et, nouveau prodige non moins admirable, les païens qui s'expriment ainsi ne tardent guère à reconnaître leurs erreurs et à revenir à la vérité. Mais, qui ne comprend combien s'augmente alors l'assurance de notre salut ! Puisque nous serons jugés sur le bien ou le mal que nous aurons fait à nos frères par nos exemples, réglons notre vie de telle sorte que nous n'ayons rien à nous reprocher et que le prochain en soit édifié. C'est ainsi que sur la terre nous mériterons l'abondance des grâces divines, et que dans le ciel nous jouirons largement des récompenses éternelles, parla grâce et la miséricorde de Jésus-Christ, Fils unique du Père, à qui soient, avec le Père et l'Esprit-Saint, la gloire, l'honneur et l'empire, maintenant et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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