PREMIÈRES
MAXIMES TOUCHANT LE RENONCEMENT A LA CRÉATURE ET A CE QUI PLAIT AUX SENS.
DEUXIÈMES
MAXIMES TOUCHANT LE RENONCEMENT AU GOUT DE L'AME.
TROISIEMES
MAXIMES DU RENONCEMENT A L’HONNEUR.
QUATRIÈMES
MAXIMES DE LA CONTEMPLATION ET
DE L'UNION AVEC DIEU.
CINQUIÈMES
MAXIMES DES VISIONS ET DES
RÉVÉLATIONS.
SIXIÈMES
MAXIMES TOUCHANT LA PURETÉ DE L’AME ET DU
CORPS.
SEPTIÈMES
MAXIMES DE LA FOI
ET DE L'ESPÉRANCE.
HUITIÈMES
MAXIMES DE LA CHARITÉ
DE DIEU ET DU PROCHAIN.
NEUVIÈMES
MAXIMES DE L'OBÉISSANCE ET DE LA RÉSIGNATION A DIEU.
DIXIEMES
MAXIMES TOUCHANT LA PAUVRETÉ.
ONZIÈMES
MAXIMES TOUCHANT LA PÉNITENCE.
Pour parvenir à ce que vous ne
goûtez pas, il ne faut goûter rien de ce que les sens désirent et recherchent. Liv.
I de la Montée du Mont-Carmel, chap. 13.
Jésus-Christ n'ayant trouvé aucun
goût dans toutes les choses du inonde, ce n'est pas le vouloir imiter que d'y
rechercher quelque satisfaction. Ibid.
Je ne tiens pas cet esprit pour bon, qui ne poursuit que ce qu'il
y a de doux et de facile, puisque ce n'est plus suivre la grande voie de la
perfection, qui est Jésus-Christ. Liv. II de la Montée, etc.
Le sentier qui conduit à Dieu est
si étroit, qu'il n'y peut passer que le néant, qui est l'abnégation de toutes sortes
de plaisir et de soi-même. Ibid.
Ce qui n'est pas ne pouvant
s'unir avec ce qui est, on ne saurait jamais s'unir à Dieu, si on aime quelque
créature, puisque toutes les créatures devant Dieu ne sont qu'un néant. Liv.
I de la Montée du Mont-Carmel, chap. 4.
Tout ainsi que celui qui est dans
les ténèbres ne saurait voir la lumière, l'âme qui a quelque attache à la
créature n'est pas capable de connaître Dieu, ni par contemplation ni par
vision. Ibid.
Quelque bon entendement ou
quelque autre rare don que vous ayez de la nature, ne vous imaginez pas que, si
vous avez quelque affection à la créature, elle ne l'obscurcisse et ne vous
fasse tomber insensiblement de mal en pis. Ibid., chap. 8.
Vous profiterez plus en un mois, en renonçant à vos
appétits, qu'en plusieurs années de pénitence. Ibid., chap. 8.
Taudis qu'on a appétit pour quelque créature, on est dégoûté
et mécontent. Ibid.. chap.
6.
514
Comme un avare se chagrine et se
lasse de tirer sans cesse quelque pièce de son trésor, l'âme aussi se fatigue de
fournir aux appétits ce qu'ils demandent. Ibid.
Si celui qui ouvre la bouche,
quand il a faim, pour se remplir de vent, se dessèche plutôt qu'il ne se
rassasie, parce que ce n'est pas son aliment, le cœur aussi qui s'ouvre aux
créatures pour s'en repaître s'affamera plutôt qu'il ne se rassasiera, parce
qu'elles ne font pas sa nourriture. Ibid.
On tire plus de joie des
créatures en se dépouillant et désappropriant, que lorsqu'on les possède avec
attache, parce que dans le premier cas on les goûte selon la vérité, et dans le
second on ne les goûte qu'apparemment et d'une manière trompeuse. Liv. III
de la Montée du Mont-Carmel, chap. 19. H
ne faut pas voyager pour voir, mais pour ne pas voir. Quand on trouve du goût
en l'esprit, tout ce qui vient du sens est dégoûtant. Cant. III, 537.
Qui ne sait se perdre aux sens,
aux créatures et à soi-même, ne se trouve jamais. Cant. d'amour,
couplet 99.
L'âme véritablement crucifiée
prend plus de plaisirs à ce que toutes choses lui manquent, et qu'on la prive
de tout, même des moyens qui semblent le plus l'approcher de Dieu, comme des
images, chapelets et autres choses de cette nature, qu'à les posséder avec
quelque profit par affection. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 34.
Il n'est point de tentation,
quelque déshonnête qu'elle soit, qui enlaidisse tant votre âme et l'éloigné
plus de Dieu, si vous n'y donnez consentement, que ne le fera la moindre
affection que vous aurez à quoi que ce soit de la terre. Dans les Avis,
4.
Il n'y a pas de mauvaise humeur
qui empêche un malade de marcher ou de manger, comme l'appétit des créatures
lasse et dégoûte une âme de cheminer dans le sentier de la vertu. Ibid.,
14.
Vos appétits sont comme les
rejetons à l'entour de l'arbre, qui en tirent le suc et l'empochent de croître;
ou comme les vipéreaux qui rongent les entrailles de leur mère à mesure qu'ils
croissent dans son ventre, et la font enfin mourir. Ibid., 15.
Si vous vous contentez en quoi
que ce soit, contre la volonté de Dieu, vous serez obligé à ces deux peines,
qui seront de vous en détacher et de purger l'impureté que vous aurez
contractée. Ibid., 18.
Puisque, en vous satisfaisant,
votre amertume doit redoubler, ne vous contentez jamais dans aucune créature,
quand il vous faudrait demeurer éternellement dans les peines et dans
l'affliction. Ibid., 24.
515
Si vous mettez votre tout dans le
néant, vous trouverez partout dilatation de cœur et repos d'esprit. O heureux
néant, qui apporte tant de biens à l'âme ! Ibid., 37.
Vous pourrez croire avoir
triomphé de tout, quand le goût des créatures ne vous donnera point de joie, ni
leur amertume de tristesse. Ibid., 42.
Si vous ne désirez que Dieu, vous
ne marcherez point dans les ténèbres, bien que vous soyez plein de ténèbres. Ibid.,
43.
Si la volonté n'est pas appliquée
à aimer Dieu, l'âme ne sera jamais satisfaite, bien qu'elle fût dans le ciel ;
elle ne sera non plus jamais contente en ce monde, si son cœur est attaché à
autre chose qu'à Dieu, bien qu'il lut toujours avec elle. Ibid., 47.
Si vous voulez avoir Dieu en toutes
choses, il faut que vous n'ayez rien en toutes choses; car le cœur qui est à
quelqu'un, comment peut-il être tout à un autre? Ibid., 54.
Ne vous réjouissez d'aucun bien
périssable de cette vie, parce que vous ne savez s'il vous fera jouir de la vie
éternelle. Ibid., 56.
La première chose que doit faire
celui qui veut profiler et s'avancer dans la voie de l'esprit, c'est qu'il ait
ordinairement et sa pensée et son affection appliquées à regarder Jésus-Christ
en toutes choses, se conformant à sa vie, qu'il doit sans cesse considérer pour
la savoir imiter.
La seconde chose qu'il doit faire
pour bien imiter Jésus-Christ, est de renoncer à tous les goûts, à toutes les
satisfactions qui s'offrent à ses sens, si ce n'est qu'il y rencontrât purement
la gloire de Dieu et qu'il restât vide et dénué de toutes choses pour l'amour
de Jésus-Christ, qui n'eut et ne voulut avoir en cette vie d'autre
satisfaction, ni d'autre goût que de faire la volonté de son Père, qu'il
appelait sa viande et l'unique nourriture dont il se sustentait. Liv. I de
la Montée du Mont-Carmel, chap., 13.
Le vrai esprit de Jésus-Christ
cherche en Dieu plutôt l'amertume que le doux, s'incline plus à pâtir qu'à être
consolé, aux aridités et aux désolations qu'aux communications savoureuses, à
être privé de tous biens plutôt qu'à les posséder sans souffrances. Liv. II
de la Montée du Mont-Carmel.
Ceux-là se trompent qui croient que c'est assez, pour la
perfection,
516
de renoncer au monde, et ne pensent
pas à l'anéantir, en cherchant les sécheresses, les dégoûts et les travaux, vu
que c'est être des ennemis spirituels de la croix de Jésus-Christ. Ibid.
Portez votre cœur, non pas au
plus aisé, mais au plus difficile non pas au plus savoureux, mais au plus
insipide; non à la consolation, mais à la désolation; non au repos, mais au
travail; non au plus, mais au moins; non à vouloir quelque chose, mais à ne
vouloir rien. C'est le chemin royal qui conduit à Dieu. Liv. II de la Montée
du Mont-Carmel, chap. 23.
Se chercher soi-même en Dieu,
c'est rechercher les caresses et les consolations de Dieu; mais chercher Dieu
en soi, c'est se priver non-seulement de l'un et de
l'autre pour Dieu, mais encore ambitionner et poursuivre ce qu'il y a de plus
affligeant en Dieu et dans les créatures. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 2.
Si l'âme se plaît et se laisse
conduire à la saveur de la dévotion sensible, elle n'arrivera jamais à la force
des délices spirituelles qui se trouvent dans la seule
nudité de l'esprit. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 30.
La dévotion consiste plus dans
l'invisible que dans le visible. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 31.
Bien que l'aridité qui vient de Dieu ôte toutes sortes de goûts,
tant du ciel que de la terre, elle nous unit pourtant plus à Dieu, quoique avec
peine et solitude. Liv. I de la Nuit obscure, chap. 9.
C'est vouloir arriver au but sans
passer par le milieu, que de prétendre aux caresses de Dieu, sans vouloir
passer par les travaux. Cant. d'amour, chap.
36. .
Plus on a de goût dans l'oraison, moins on traite Dieu avec
respect. Liv. I de la Nuit obscure, chap. 12.
Moins on a de goût dans
l'oraison, plus on connaît sa misère, le mérite de son prochain et la grandeur
de Dieu. Ibid.
Vous êtes plus
agréable à Dieu en vous soumettant et faisant tout autre bien avec dégoût et
aridité, que si vous le faisiez avec goût et facilité. Dans ses Avis,
25.
Si vous cessez de faire de bonnes
œuvres à cause du manque de goût et de saveur, c'est le goût que vous
recherchez dans voire action, et non pas les bonnes œuvres. Ibid., 44.
Sachez que l'amour ne consiste
pas à sentir de grandes choses, mais à se renoncer et à souffrir d'un grand
courage pour Dieu. Ibid., 55.
517
La vertu ne consiste pas dans de
nobles connaissances de Dieu, ou dans toute autre chose qu'on sent de lui, mais
en ce qui ne se sent pas, qui est d'avoir un grand mépris de soi-même. Liv.
II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 8.
Les révélations, les visions et
les sentiments de Dieu ne valent pas le moindre acte de cette humilité qui ne
s'estime rien, qui ne pense jamais mal que de soi, et qui juge toujours bien
des autres, et jamais de soi-même. Ibid.
Jésus-Christ a fait sa plus
grande œuvre, qui est la réconciliation des hommes avec son Père, dans son plus
grand anéantissement. Dieu aussi fait sa plus grande œuvre dans les âmes, qui
est de s'unir avec elles, lorsqu'elles sont plus anéanties en elles-mêmes et
devant les hommes. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 7.
Par les degrés qu'on monte, l'on
descend dans le néant de soi-même. Liv. II de la Nuit obscure, chap.
18.
Ayez un soin particulier de
mortifier le point d'honneur, même dans les plus petites choses, et ne pensez
jamais qu'on vous a fait tort, que vous avez raison, que vous avez plus
travaillé, que vous êtes plus capable; car il n'y a point de poison qui donne
la mort si irrémissiblement que le font ces pensées à l'âme, étouffant tout son
esprit intérieur, et ruinant la perfection qu'elle aurait acquise. Dans ses
Avis.
Dieu, pour aimer votre âme, ne regarde pas vos talents ni
les autres dons extérieurs qu'il vous a faits, mais votre humilité et le grand
mépris de vous-même. Ibid., 3, 4.
Ne désirez autre chose, pour
récompense de vos travaux et de vos bonnes œuvres, (pie de nouveaux mépris et
de nouvelles souffrances, et persévérez constamment dans une vive mort de croix
intérieures et extérieures. Ibid., 7.
Dieu se déplaît tant à voir des
âmes enclines à l'honneur, que, quand même il les y pousse, il ne veut pas
qu'elles aient de la promptitude ou de la facilité à l'accepter. Liv. II de
la Montée du Mont-Carmel, chap. 30.
Il faut cacher ses bonnes œuvres,
non-seulement aux hommes, mais encore à soi-même, n'y
prenant ni goût ni complaisance, et n'en faisant nulle estime. Liv. III de
la Montée du Mont-Carmel, chap. 28.
518
La véritable contemplation est
celle qui monte et descend tout ensemble; car la perfection consiste dans
l'amour de Dieu et dans le mépris de soi-même. Liv. II de la Nuit obscure,
chap. 8.
La perfection ne consiste pas
dans les vertus que l'âme connaît en elle, mais dans celles que Dieu connaît en
elle, ce qui est caché et secret, et ainsi vous n'avez nul sujet de présumer de
vous, mais plutôt decr.iindre, puisque vous ne savez
pas si votre vertu est approuvée de Dieu. Dans ses Avis, 32.
Choisissez plutôt d'être enseigné
de tous, que de vouloir instruire le moindre du monde. Dans ses Avis, 3.
Un religieux doit songer à gagner
les bonnes grâces de Dieu, sans se soucier d'entretenir l'amitié du monde,
comme font les courtisans de la terre.
Dieu ne se communique jamais
pleinement ni suavement qu'à un cœur dénué de tout. Liv. III de la Montée du
Mont-Carmel, chap. 19.
Pour aller à Dieu, il faut se
vider de tout ce qui n'est pas Dieu. Ibid., chap. 6.
Une imperfection d'habitude
empêche plus l'union avec Dieu que plusieurs autres plus grièves,
qui ne se font pas par coutume, quoiqu'elles se fassent avec quelque
advertance. Ibid., chap. 11.
Pour jouir de l'union divine,
tout ce qui est dans l'âme, grand ou petit, peu ou beaucoup, doit mourir. Ibid.
Qu'importe à un oiseau qu'il soit
arrêté par un fil ou par une corde, puisque l'un et l'autre l'empêche
de voler? Il est aussi indifférent que votre âme ait une grande ou petite
attache à quelque chose de créé, puisque l'un et
l'autre empêchera l'union divine. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.
Il est déplorable de voir des
âmes chargées, comme de gros navires, de richesses immenses de vertu, n'arriver
jamais au port de l'union avec Dieu, pour n'avoir pas le courage de vaincre une
petite imperfection, comme serait de trop parler, etc. Ibid.
Quelque oubli qu'on doive avoir
de toutes les choses visibles et corporelles pour s'unir à Dieu, on n'y doit
pas comprendre l'humanité de Jésus-Christ, parce qu'elle est la porte, le
chemin et le guide assuré à toutes sortes de biens. Liv. IIIde
la Montée du Mont-Carmel, chap. 1.
519
Pourquoi différez-vous de quitter
la créature, qui n'est rien, pour vous unir par amour à votre Dieu, qui est
tout? Dans ses Avis, 21.
Quelque communication ou sentiment
qu'une âme ait de Dieu, elle ne doit pas se persuader que ce soit être plus ou
moins en Dieu ; comme aussi, si le goût lui manque, que ce soit y être moins,
parce qu'elle ne peut savoir par l'un si elle est en grâce, ni par l'autre si
elle est dehors. Dans le Cantique de l'amour de Dieu.
L'union divine consiste à tenir
l'âme dans une totale transformation de sa volonté en celle de Dieu. Liv. II
de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.
Lorsqu'il parait à l'âme qu'elle
fait moins dans l'oraison, c'est pour lors qu'elle est plus occupée en Dieu. Liv.
II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 14.
Plus le rayon de la contemplation
est pur, et simple, et parfait, plus l'entendement le trouve obscur et le
ressent moins. Ibid. et liv. II de la Nuit obscure, chap.
8.
Plus l'âme s'avance en esprit,
moins sa vue se borne aux objet? particuliers, ayant
pour lors un regard plus pur et plus vaste. Ibid., chap. 12.
Jusques à ce que les choses
sensibles nous renvoient d'abord à Dieu, on ne doit pas se servir de l'opération
des sens pour aller à Dieu. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 25.
La marque certaine qu'on est
beaucoup élevé dans la contemplation, c'est quand l'âme prend plaisir d'être
seule avec Dieu dans un simple regard, sans employer les opérations de ses
trois puissances. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 13.
Il y a la même différence entre
la méditation et la contemplation, qu'entre agir et jouir de ce qu'on a déjà
fait, entre recevoir et profiter de ce qu'on a reçu, entre apprêter la viande et
la manger après l'avoir apprêtée. Ibid. chap. 14.
Il y a trois caractères du
recueillement intérieur : le premier, si les choses de ce monde ne vous
plaisent plus; le second, si vous avez soin du plus parfait; et le troisième,
si le silence et la solitude vous donnent du contentement. Dans ses Sent.,
50.
Il est plus expédient de
représenter simplement à Dieu ses nécessités, que de lui demander du remède,
soit parce qu'il sait mieux que nous ce qui nous est nécessaire, soit parce que
l'ami a plus de compassion de son ami, quand il le voit ainsi résigné, soit
parce que de cette manière l'âme a moins à craindre qu'il n'y ait del'amour-propre dans sa demande. Dans son Cant. d'amour.
Le grand secret de surmonter le
monde sans peine et de rompre
510
peu à peu les obstacles qui
empochent l'union divine, est d'être assidu à l'oraison. Dans ses Sentences,
23.
Le moindre attouchement ou
communication qu'on ait eue avec Dieu satisfait au-delà de ce qu'on pourrait
attendre pour toutes les peines qu'on aurait souffertes à son service. Liv.
II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 26.
Le souverain moyen d'obtenir de
Dieu ce que nous voudrons, est de mettre toute la force de notre oraison à ne
pas demander ce que nous voudrons, mais ce que Dieu voudra de nous. Liv. III
de la Monté du Mont-Carmel,
chap. 43.
L'âme qui se porte à parler et à
converser beaucoup avec les hommes ne converse guère avec Dieu; car la
conversation avec Dieu attire l'âme à l'intérieur, au silence et à la fuite des
créatures. Lettr., 2.
Bien que quelqu'un soit parfait,
s'il converse avec les hommes plus que la nécessité et la raison ne le demandent, il en recevra de grands dommages. Lettr. 7.
Ayant la raison naturelle et la
loi évangélique, qui nous peuvent suffisamment conduire, il n'est pas bon de
vouloir savoir les choses par voie surnaturelle. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 21.
Quoi que ce soit que nous
entendions surnaturellement, nous ne devons le recevoir qu'autant qu'il est
conforme à la loi évangélique. Ibid.
Si le Père éternel nous a parlé
par Jésus-Christ, comme nous l'assure l'Apôtre, c'est lui faire injure que de
lui demander des visions et des révélations. Ibid., chap. 22.
Tout ce qui se peut faire par l'industrie
et par le conseil humain. Dieu ordinairement ne le dit et ne le fait pas par
voie sur naturelle. Ibid.
Bien que les visions imaginaires
soient surnaturelles, il n'est pas bon de s'y appuyer. Ibid., chap.
16.
Il faut bien examiner les
révélations, quand on saurait même qu'elles sont de Dieu, parce qu'elles n'ont
pas toujours leurs effets a notre manière d'entendre
et selon le son des paroles. Ibid., chap. 18.
La grande règle pour n'être pas
trompé dans quelque sorte de communications
qu'on ait de Dieu, est de
se découvrir à son
521
directeur; car on n'en aura jamais ni satisfaction, ni
force, ni lumière, ni assurance, qu'on n'en ait traité avec lui, vu qu'il est
établi ici-bas notre juge pour tout, même pour ce qui vient de Dieu. Ibid.,
chap. 22.
Les effets des visions qui
viennent du diable sont les sécheresses et l'ennui de la conversation de Dieu ;
c'est de faire cas de ces choses et les rechercher, et de s'estimer beaucoup
pour les avoir. Ibid., chap. 29 et 30.
Il ne faut s'assurer ni admettre
les saveurs qui touchent les sens, bien qu'elles soient de Dieu : 1° parce que
le sens corporel dès lors se rend arbitre des choses spirituelles, les jugeant
comme il les conçoit et les sent, ce qui est un grand mal; 2° parce qu'elles
n'ont nulle proportion avec les choses spirituelles; 3° parce que le diable
peut facilement s'y mêler et nous tromper. Ibid., ch. 11.
Il y a plus à craindre de la
tromperie du diable dans le bien que dans le mal. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 36.
Dieu estime plus en vous que vous
vous portiez à souffrir pour son amour les disgrâces, les affronts, les
maladies, les aridités cl les autres choses semblables, que toutes les visions,
les révélations, les recueillements et les autres faveurs que vous pouvez avoir.
Dans ses Sentences, 5.
Dieu demande plus de vous le
moindre degré de pureté de conscience, que toute autre œuvre que vous pourriez
faire, quoique très-éclatante devant le monde. Dans
ses Sentences, 46.
On ne voit jamais une âme
négligente à vaincre un appétit, qu'il n'en naisse plusieurs autres de la
lâcheté qu'elle aura eue à vaincre cet appétit. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.
Si l'on met un diamant ou de l'or
sur de la poix chaude, ils en seront bientôt noircis par l'attrait qu'ils font
de la chaleur de cette poix; l'âme aussi qui se passionne pour quelque créature
attire sur soi toute l'immondice qu'elle a. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 19.
L'âme n'a qu'une seule volonté,
si bien que, si elle s'embarrasse dans quoi que ce soit du monde, elle n'est
plus libre, seule et pure, pour se transformer en Dieu. Ibid. chap.
11.
Ne faites nulle estime de ce
qu'il y a ici-bas, sinon de la grâce de Dieu, parce que c'est la seule grâce
qui donne la pureté qu'il
522
faut à votre âme, qui est la chose
la plus précieuse qu'il y ait en ce monde, et au prix de laquelle tout le reste
n'est qu'un néant. Dans ses Avis, 55.
Tout ce que l'âme met en la
créature, elle l'ôte à Dieu et marque par là qu'elle n'en fait pas grande
estime,, ni plus ni moins que c'est mépriser un roi,
que de tenir toujours les yeux sur ses serviteurs en sa présence. Liv. III
de la Montée du Mont-Carmel, chap. II.
Le chrétien ne doit pas se réjouir
de faire de bonnes œuvres, mais de les faire pour Dieu; car l'on n'est pas
saint pour faire de bonnes œuvres, si on ne les fait pour Dieu. Ibid., chap.
27.
Il y a moins de danger d'être en
la compagnie d'une troupe de démons que d'une seule femme peu honnête. Dans
sa Vie, chap. de la Chasteté.
Avec les dons de Dieu, vous
gagnerez plus en une heure que vous ne ferez en plusieurs années par votre
industrie. Efforcez-vous donc toujours d'avoir un cœur pur, qui seul est
capable des dons de Dieu. Dans ses Avis, chap. 48.
Dieu veut qu'un religieux soit
tellement à lui, qu'il ait dit adieu à toutes choses,
et que toutes choses lui aient dit adieu. Lettr.
10.
Si l'aveugle n'est tout à fait
aveugle, il ne se laisse jamais bien conduire par son guide: si l'âme aussi
s'appuie sur quoi que, ce soit qu'elle goûte, elle s'égarera toujours dans le
chemin qui conduit à Dieu, pour ne s'aveugler entièrement en la foi, laquelle
est son véritable guide. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 4.
La foi est la maîtresse de
chambre qui nous conduit jusques au Irône de Dieu. Dans
sa Vie, chap. de la Foi.
L'âme, pour se bien conduire par
la foi à l'union de Dieu, ne doit pas seulement s'aveugler selon la partie qui
regarde les créatures, qui est la sensitive, mais encore selon celle qui
regarde Dieu, qui est la raisonnable et spirituelle. Liv. II de la Montée du
Mont-Carmel, chap. 4.
Si l'homme spirituel juge des
choses selon les sens, il n'est plus spirituel. Ibid., chap. 19.
523
L'âme doit connaître plus Dieu
par ce qu'il n'est pas, que par ce qu'il est. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 1.
On connaît d'autant plus Dieu,
que l'on voit qu'il y a infiniment plus à connaître en lui qu'on ne connaît. Dans
son Cantique d'amour.
Plus on croit et l'on sert Dieu
sans signe, plus on lui rend d'honneur, parce que c'est croire de Dieu plus que
les miracles n'eu sauraient apprendre, Liv. III de
la Montée du Mont-Carmel, chap. 31.
On aura autant d'union qu'on aura
d'espérance, et l'on aura autant d'espérance qu'on se dépouillera des choses de
ce monde. Ibid., chap. 6.
Quand l'âme n'attend sa
consolation que de Dieu, il est tout prêt à la lui donner. Cant. d'amour.
Ne vous désistez donc jamais de
prier et d'espérer en nudité et vide de tout, car, si vous le faites, Dieu ne
lardera pas à venir. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 2.
Si l'on employait autant de temps à l'oraison, pour demander
à Dieu ses besoins, qu'on en emploie en sollicitudes et inventions humaines, on
pourvoirait mieux et plus promptement à ses nécessités, et rien ne nous
manquerait. Dans sa Vie, chap. de l'Espér.
O espérance toute-puissante,
puisque tu obtiens autant que tu espères ! Ibid. et Liv. III de la
Nuit obscure, chap. 21.
Quiconque veut aimer quelque
chose avec Dieu, sans doute qu'il n'aime guère Dieu, puisqu'il balance avec,
lui ce qui est infiniment au-dessous de lui. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 5.
On peut dire qu'on n'aime plus
que Dieu quand rien ne nous empêche de souffrir pour Dieu. Dans son Cant. d’amour.
Plus l'âme est pure et éclairée
en la foi, plus elle a de charité. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 29.
On a plus sujet de craindre que
de se réjouir dans la prospérité, puisqu'on est en plus grand danger d'offenser
et même d'oublier Dieu. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel,
chap. 17.
C'est une grande folie de se
réjouir de ce que l'on ne sait pas, s'il nous doit profiter pour la gloire
éternelle. Ibid.
524
L'on ne doit donc avoir de la
joie que d'opérer en charité ; car que sert devant Dieu ce qui n'est point
amour de Dieu? Ibid., chap. 29.
La plus grande gêne d'une âme qui
aime Dieu est la crainte de le perdre ou de l'avoir perdu, et de n'en pas jouir
assez tôt. De la Nuit obscure, chap. 3, et dans le Cant. d'amour.
Où règne l'amour de Dieu, celui
des créatures ou de soi-même n'a nulle entrée, Ibid., chap. 21.
Le moyen d'acquérir des biens
spirituels est d'aimer, d'agir et de pâtir. Liv. II de la Montée duMont-Carmel, chap. 29.
Une seule affection actuelle ou
habituelle à quoi que ce soit de la créature empêche qu'on ne goûte la saveur
de l'amour. Liv. II de la Nuit obscure, chap. 9.
Comme l'eau chaude, dès qu'on la
découvre, perd sa chaleur, et comme les parfums exposés à l'air perdent leur
senteur, ainsi l'âme qui ne s'est pas resserrée dans la seule affection de Dieu
perdra bientôt la chaleur et la vigueur de la vertu. Liv. II de la Montée du
Mont-Carmel, chap. 10.
C'est une marque certaine qu'on
aime Dieu et qu'on agit pour lui, quand on fait de bonnes œuvres également dans
la sécheresse et dans la consolation. Dans ses Sentences, 44.
Vous plairez plus à Dieu par un
acte de vertu fait en charité, que par toutes les extases ou visions que vous
sauriez avoir. Ibid., 48.
Vous connaîtrez que vous avancez
beaucoup au service de Dieu, si vous vous réjouissez que les autres s'y
avancent. Liv. II de la Nuit obscure, chap. 2.
Ne regardez point les défauts
d'autrui, gardez le silence et communiquez beaucoup avec Dieu. Par le moyen de
ces trois choses, vous arracherez de votre âme les imperfections qui y sont le
plus enracinées et la ferez dame de grandes vertus. Dans ses Sent., 33.
N'aimez pas l'un plus que
l'autre; car celui-là est le plus digne d'amour que Dieu aime davantage, et
vous ne savez qui est celui que Dieu aime le plus. Ibid., 35.
Regardez tous les hommes comme
des personnes Inconnues, et ne pensez jamais à faire des amis et des appuis en
religion, vu que ce n'est pas suivre Jésus-Christ pauvre, dénué et abandonné de
tous. Ibid., 36.
Employez les grands désirs que
Dieu vous donne de souffrir, à supporter paisiblement les mauvaises humeurs ou
faiblesses de votre prochain et toutes les autres occasions qu'il vous pourrait
donner d'ennui; car, soutirant sans vous plaindre, vous amasserez plus que par
tout ce que vous vous proposerez de souffrir. Ibid., 39.
Comme l'on doit avoir un égal
amour pour tous, l'on doit avoir
525
aussi un égal oubli pour tous, et
encore plus pour les parents, étant les ennemis les plus dangereux de notre
perfection. Dans ses Opusc. spirit.
Ne parlez jamais des humeurs, de
la conversation, de la manière d'agir des autres ; car, quand vous demeureriez
avec des anges, vous seriez trompé dans le jugement que vous feriez de ces
choses, parce que beaucoup d'entre elles ne vous paraîtront pas bonnes, qui le
seront, faute de les entendre et de les bien pénétrer. Ibid.
Dieu aime plus en vous le moindre
acte d'obéissance et de soumission à sa volonté, que tous les services que vous
vous proposerez de lui rendre par élection ou inclination. Dans ses Avis,
20.
Quelque soit votre supérieur, ne
le regardez jamais que comme Dieu ; si vous vous arrêtez à examiner son humeur,
ses talents, sa conduite, et que vous régliez sur cela votre obéissance, ce ne
sera plus une obéissance religieuse, mais une politique humaine.
Si vous vivez sans directeur,
vous serez comme un charbon séparé, lequel perd sa chaleur au lieu de
l'accroître ; ou comme un arbre écarté, lequel, bien que chargé de fruits, ne
profile de rien à son maître, pour être secoué des passants avant qu'ils soient
en maturité. Ibid., 28.
N'épargnez ni vie, ni honneur, ni
santé, pour maintenir, par exemple et par paroles, l'exacte observance et le
premier esprit de votre religion, et tenez-vous pour heureux si vous souffrez
quelque chose pour un sujet si louable. Ibid., 19.
N'entreprenez ni ne faites rien
au-delà des statuts de votre ordre, quoique cela vous semble bon et plein de
charité, sans la licence de votre supérieur, vu que ce serait commettre un
larcin devant Dieu, parce que les actions d'un religieux sont au supérieur, et
non pas à lui. Ibid., 40.
Si vous n'arrivez à cette
indifférence, que de ne vous soucier d'être gouverné par celui-ci ou par cet
autre, vous ne serez jamais spirituel, ni ne garderez fidèlement vos vœux. Dans
ses Opusc. spirit.
Dès qu'une chose nous déplaît,
tant bonne et convenable nous soit-elle, elle nous parait toujours mauvaise ou
contraire, si bien que le plus sûr est de se soumettre à Dieu en tout. Lettre
9.
Ne vous attristez point de tous
les événements de ce monde.
526
puisque vous ne savez pas le bien
que Dieu en doit tirer. Dans ses Sent., 22.
Une seule chose doit nous
affliger de tout ce qui arrive, savoir le péché. Dans sa Vie.
Il faut faire bon visage à la
pauvreté, non-seulement quand le
commode, mais aussi quand le nécessaire nous manque, car ce n'est pas être
pauvre que de vouloir que rien ne nous manque. Dans sa Vie, chap. de la
Pauvreté.
Le pauvre d'esprit est plus
joyeux et content dans la disette que dans l'abondance des choses. Lettre
3.
Dès que vous perdrez l'esprit de
pauvreté en ne méprisant pas toutes choses, vous tomberez en mille nécessités
spirituelles et temporelles, Ibid.
Notre sollicitude nous appauvrit
plus que le manquement des choses. Lettre 4.
Les soins d'un véritable pauvre
ne doivent être employés qu'à chercher le royaume de Dieu, selon la doctrine de
notre divin Maître ; car celui qui se réduit à rien, pour se donner tout à
Dieu, reçoit tout de Dieu et ne manque jamais de rien. En sa Vie, chap. de
la Confiance.
Si l'on oublie tout pour Dieu, je
me rends caution pour tout. Ibid.
Accoutumez-vous à pâtir, à opérer
et à vous taire. Si vous le laites, vous goûterez une paix abondante, qui vous
fortifiera par l'exercice des vertus les plus héroïques. Dans ses Lettres spirit.,
livre II.
Persuadez-vous que vous n'êtes
entré en religion que pour être taillé, ciselé et poli par les autres : et
ainsi représentez-vous tous les religieux et toutes les personnes comme autant
de ministres de Dieu pour vous exercer en diverses manières, et, par ces
fâcheux exercices, vous rendre saint. Dans ses Opusc.
avis 2.
Si quelqu'un voulait vous inspirer une doctrine large, ne l'en
527
croyez pas, quand même il le
continuerait par des miracles. Tenez-vous toujours aux maximes et dans les routes
de la plus austère pénitence, et vous marcherez par le chemin le plus assuré. Dans
ses Sentences, 72 ; en ses Lettres ; chap. 7 de la Montée
du Mont-Carmel.
Plus une fleur est délicate, plus
elle se flétrit en peu de temps, et plus tôt elle perd son odeur: ainsi plus
vous vous conduirez par un esprit de douceur et de délicatesse, plus votre
vertu sera flottante et proche de sa ruine. Dans ses Sentences, 35.
FIN.